« Cela m'a fait souffrir toute ma vie ! » Il y a quelques jours, Paris Hilton se confiait au « Vanity Fair » américain sur les effets dévastateurs de la sextape publiée sans son consentement par Rick Salomon, son petit ami de l'époque. « C'est toujours là, dans le fond de mon esprit. Quand c'est arrivé, j'étais en larmes tous les jours, j'avais l'impression que ma vie était finie. Le plus difficile, c'est que les gens pensaient que je l'avais fait exprès. » Des ébats filmés comme tremplin pour la gloire… Ce qui, à l'époque, fut considéré comme un coup de publicité n'était en réalité qu'un « revenge porn », une divulgation illégale d'images intimes d'une violence inouïe. « J'ai souffert d'un syndrome post-traumatique », affirme-t-elle aujourd'hui. Vraiment ? S'il est encore difficile de compatir pour la starlette, c'est que les « bimbos », surgies en nombre dans les années 1990 - 2000, n'ont suscité chez nous que sarcasmes et mépris. Cette blonde au corps offert, à la forte poitrine et au faible QI, tout entière façonnée pour le désir des hommes, ne l'aurait-elle pas bien cherché ? Depuis #MeToo, un regard neuf émerge, et avec lui, une interrogation : ne faudrait-il pas réhabiliter ces sirènes meurtries ? En février dernier paraissait ainsi « Sexisme Story – Loana Petrucciani », de Paul Sanfourche (éd. Seuil). Dans cet essai féministe, l'auteur montre comment la jeune Niçoise, lancée par l'émission de téléréalité « Loft Story », en 2001, fut « l'incarnation de la femme objet que l'on porte aux nues. Trop belle et trop mince, on la jalouse et on l'insulte parce qu'elle est désirable, trop vieille et trop grosse, on la rejette et on la raille ». Et de rappeler que le parcours de Loana fut semé de violences sexistes : battue par son père et par ses compagnons, exploitée par des producteurs sans scrupule, insultée par les médias. Une vie de femme carbonisée par le patriarcat. Cette grille de lecture pourrait s'appliquer sans difficulté aux parcours de Pamela Anderson, violée dans son enfance, exposée dans une sextape et battue par son mari, d'Anna Nicole Smith ou de Lolo Ferrari, tristes pin-up mortes d'overdose médicamenteuse, ou encore à la sainte patronne des bimbos, Marilyn Monroe, qui, malgré ses tentatives pour maîtriser sa destinée, a subi, elle aussi, un continuum de violences masculines. Et puis, bien sûr, il y a Britney Spears. Autre jeune femme formatée puis pulvérisée. Sorti fin mars, le documentaire événement « Framing Britney Spears » met en lumière la façon dont l'héroïne Disney a été fabriquée par l'industrie musicale, humiliée par le « slut shaming » autour de la perte de sa virginité, jetée en pâture aux paparazzis puis mise sous la tutelle de son père. Un épisode peu glorieux pour lequel Justin Timberlake a dû faire publiquement, vingt ans plus tard, un mea culpa. 

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©Lionel Hahn/Abaca        

La bimbo, une victime en puissance ? Depuis une dizaine d'années, les filles sexy ont pourtant inversé la vapeur, faisant de leur hypersexualisation un « empowerment » subversif, et parfois incompris. En tête, Kim Kardashian, qui engrange des millions de dollars et a presque réussi à nous faire oublier sa sextape. L'ex-stripteaseuse Nicki Minaj est, elle, devenue une artiste multirécompensée. Aujourd'hui, la bimbo – terme italien qui désignait à l'origine un jeune garçon – semble avoir repris le contrôle de son destin en incarnant une féminité puissante. « Semble » seulement… car tout n'est pas si rose. Il y a quelques mois, la mannequin Emily Ratajkowski dénonçait, dans une tribune pour le « New York Magazine », la façon dont un photographe publiait depuis des années des clichés d'elle dénudée sans son consentement. Un photographe qu'elle accuse aussi de viol. Une « malédiction de la bimbo » qu'elle a malgré tout tenté de conjurer en maîtrisant le récit de sa vie. « Je vais continuer à garder le contrôle quand c'est possible », concluait-elle. Une leçon que Paris Hilton et les autres semblent avoir comprise.

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©Face to Face / Starface