« Je ressens très peu le besoin de pleurer, déclare Laura, 23 ans, qui verse des larmes au maximum deux fois par an. Je devrais me laisser aller plus souvent, car autour de moi, beaucoup de personnes me disent que pleurer leur fait énormément de bien. » Comme Laura, certains ont tendance à retenir leurs larmes ou ne ressentent pas le besoin de pleurer.  D’autres, au contraire, ont la larme facile et éclatent en sanglots pour exprimer leurs émotions. C’est le cas de Zoé, 25 ans, qui dans des périodes de stress, de fatigue ou de doute, peut pleurer jusqu’à trois fois par semaine. « C’est ma réaction première face à certains événements que je ne maîtrise pas, confie-t-elle. Ça me laisse le temps de me calmer pour réfléchir ensuite. » Pour Nathalie Rapoport-Hubschman, médecin et psychothérapeute, « les pleurs ont des fonctions différentes selon les situations et selon les individus. Mais, le plus souvent, pleurer est l’expression d’un trop plein émotionnel qui dépasse nos capacités à le gérer ».  

« Une façon de faire passer un message »  

Pleurer serait donc propre à chacun. « C'est une façon de faire passer un message, souligne Nathalie Rapoport-Hubschman. Certains pleurent quand ils sont contrariés, d'autres quand ils sont en colère, et d'autres lors d'un événement heureux, et puis certains ne pleurent pas du tout. » Parfois, on ne sait même pas pourquoi on pleure. « Ça m’arrive de ne pas avoir de raison de pleurer, juste parce que je suis seule, que je contemple quelque chose et je me vide. Dans ces rares cas, ça me soulage », indique Zoé. « La semaine dernière j’ai pleuré mais je ne sais même plus pourquoi », déclare Lucie*, 26 ans, qui pleure régulièrement lorsqu’elle se sent dépassée par les événements. « Ça me fait beaucoup de bien de pleurer, je me sens libérée ensuite », continue-t-elle.

Laura elle, ne ressent pas forcément un sentiment de soulagement mais plutôt c’est plutôt l’attention qu’on va lui porter qu’elle recherche. Car pleurer permet de signaler sa détresse, susciter l’empathie ou d’obtenir le soutien des autres. « Pleurer ne me fait pas aller mieux, mais je me sens mieux quand les personnes autour vont s’occuper de moi », explique-t-elle.

Pleurer apaise et diminue la tension émotionnelle 

Les larmes seraient-elles salvatrices ? Selon la psychothérapeute, laisser ses larmes couler apaiserait l’individu en diminuant sa tension émotionnelle. Toutefois, pleurer n’est pas obligatoire pour que l’on se sente bien. « Pour certaines personnes, pleurer soulage, mais d’autres, se sentent encore plus mal après. Il ne faut donc pas se dire qu'il faut absolument pleurer pour aller mieux. »

Dans nos sociétés occidentales, les pleurs sont souvent rattachés à l’univers du féminin et les femmes ont la réputation de pleurer davantage que les hommes. « On a encore tendance à croire, à tort, que montrer ses émotions en public est un signe de faiblesse même si les choses changent et que de plus en plus d’hommes s’autorisent à pleurer », constate Nathalie Rapoport-Hubschman. Si Julien, 35 ans, pleure seulement une à deux fois par ans « grand max », ce père de trois enfants en bas âge admet que pleurer est encore synonyme de fragilité. « Je sais que ce n’est pas le cas, mais aux yeux des autres, j’ai besoin de me sentir fort, révèle-t-il. Alors je pleure plus souvent de joie car ça passe mieux. »  

La crise du Covid a fait remonter des émotions 

La pandémie de Covid a bouleversé notre rapport aux émotions. « La dernière fois que j’ai pleuré remonte au premier confinement en avril 2020, où j’avais le temps de ressasser pas mal de choses, raconte Julien. Je discutais avec mon ex-femme. On se remémorait notre passé ensemble et je me suis mis à pleurer, j’en avais besoin. » Cependant, c’est l’une des rares fois où le père de famille s’est laissé aller à quelques larmes, à la différence de Zoé. « Avant, je ne pleurais pas particulièrement, mais maintenant, c’est de pire en pire, révèle-t-elle. Je pense que j'extériorise. »

Si pleurer régulièrement n'est pas grave – attention, a tristesse peut cependant traduire un signe de dépression –,  retenir constamment ses larmes n’est pas sans conséquence. « Les personnes qui gardent systématiquement leurs émotions à l’intérieur peuvent connaître des répercussions sur le plan psychologique et physique, explique Nathalie Nathalie Rapoport-Hubschman. C’est toutefois une fausse bonne solution de croire qu’il faut à tout prix extérioriser ses émotions par les larmes, mais il est important, en tout cas, d’apprendre à les identifier. » Selon la psychothérapeute, pleurer ne doit pas devenir un but à atteindre absolument.   

Laura et Julien, arrivent ainsi à extérioriser à leur manière. « Le tout est de faire ressortir les émotions autrement, en faisant du sport, en écoutant de la musique ou juste en discutant avec les amis, déclare Julien. Récemment, j'ai commencé à faire du théâtre d'improvisation pour, justement, essayer de jouer avec les émotions. » Laura, de son côté, discute également de ce qui ne va pas plutôt que de pleurer et dort aussi beaucoup lorsqu’elle se sent mal. « Le sommeil m’aide vraiment » révèle-t-elle. Pleurer ou non, l’essentiel est avant tout de faire comme on le sent face à nos émotions et surtout, de faire ce qui est bon pour nous.

*Le prénom a été modifié