« Ça commence à ressembler à quelque chose ! », dit-il en souriant, tout étonné. À trois semaines de la première de « La Flûte enchantée », qu’il monte au Théâtre des Champs-Élysées, Cédric Klapisch peaufine encore son affaire. Un grand saut pour le cinéaste, qui opte pour une relecture « minimaliste et baroque » du chef-d’œuvre humaniste de Mozart, tout en glissant çà et là quelques résonances contemporaines. Rencontre.

ELLE. Qu’est-ce qui vous lie à cet opéra ?

Cédric Klapisch. Je l’aimais, bien sûr, mais ce n’est qu’après les premières répétitions que je me suis rendu compte que c’était ce que mon père chantonnait tout le temps à la maison ! Il me l’a transmise de cette façon un peu étrange. Je crois que mon envie vient de là.

ELLE. C’est la première fois que vous vous confrontez à la scène. Qu’a-t-il fallu ajuster ?

C.K. Tout ! J’ai dû changer ma méthode de travail, jusqu’à ma façon de penser. Rentrer dans la logique de l’espace scénique qui est plus symbolique que réaliste. Pour quelqu’un comme moi, c’est un sacré ajustement !

ELLE. Les amoureux Pamina et Tamino vont du monde de la nuit et des croyances vers celui des Lumières et de la raison. Un voyage initiatique qui emprunte à la franc- maçonnerie. Qu’en avez-vous conservé ?

C.K. Plutôt que la symbolique maçonnique, j’ai gardé l’esprit des Lumières. En revanche, je n’ai pas voulu renverser la table. J’ai accepté l’aspect patrimonial de « La Flûte enchantée » et même son côté patriarcal ! C’est un livret très genré, avec des moments franchement misogynes, difficiles à entendre aujourd’hui et que j’essaie d’actualiser par l’humour. Il y a cet affrontement très fort entre le monde féminin de la Reine de la nuit et le monde masculin de Sarastro. J’ai voulu rétablir un peu d’équilibre. Mais j’aime l’idée que l’harmonie se trouve dans l’antagonisme.

J’ai fini par me plier à la logique de Mozart

ELLE. En quoi cette « Flûte » composée en 1791 résonne-t-elle aujourd’hui ?

C.K. Il y a d’un côté le décor de jungle de la Reine de la nuit, de l’autre celui de Sarastro – que je rapproche du monde contemporain de la tech, du progrès. J’ai voulu mettre l’accent sur l’opposition entre la nature et la civilisation, le capitalisme et le respect de l’environnement. Papageno, l’homme des bois, l’homme de la nature, n’est-il pas du côté de l’écologie ?

ELLE. Finalement, que vous a dicté Mozart ?

C.K. Les contrastes de la partition. Le solennel, le claironnant face aux parties très sotto-voce, très flûte. Pareil avec les voix, on passe de la douceur aux chœurs tonitruants. Pareil dans le ton, on passe de la comédie au sérieux, de la bouffonnerie au politique. Ça m’a beaucoup surpris, mais j’ai fini par me plier à la logique de Mozart. Par exemple, pour l’air de la Reine de la nuit, pas besoin de jouer au metteur en scène malin. La musique est si puissante...

© Clemence Beza

© Clemence Beza

« La flûte enchantée », avec Cyrille Dubois, Regula Mühlemann... Du 14 au 24 novembre, Théâtre des Champs-Élysées, Paris-8e.