C’est l’histoire d’une utopie lointaine. Bien que construite sur des terres arides dans les années 1950 sous l’impulsion de Juscelino Kubitschek, président du Brésil de l’époque, Brasilia est en réalité un rêve beaucoup plus ancien. Pour en trouver les origines, il faut remonter au XVIIIe siècle, à l’époque coloniale. Le marquis de Pombal émet l’idée de transférer la capitale brésilienne à l’intérieur du pays. Les richesses et populations se concentrent alors essentiellement sur les côtes villes (Rio de Janeiro, Sao Paulo, Recife…), entraînant une grande disparité avec l’intérieur des terres. Le vœu du marquis de Pombal est finalement réalisé deux siècles plus tard. Brasilia doit mettre fin à la rivalité entre Rio de Janeiro et Sao Paulo. La première fait office de capitale politique et culturelle tandis que la seconde est la capitale économique.

Les premiers coups de pioches sont donnés en 1956 sur ce n’est qui encore qu’un plateau aride à 1000 mètres d’altitude dans la région du Centre-Ouest. D’après la légende, la construction de Brasilia va durer moins de mille jours. Parmi ceux qui s’attèlent à ce gigantesque chantier destiné à accomplir « cinquante ans de progrès en cinq ans, l’urbaniste Lucio Costa qui dessine le plan de la ville, le sculpteur et peintre Athos Bulcao qui est à l’origine des azulejos (les fameux ensembles de carreaux emblématiques de certains pays latins) ainsi que l’architecte Oscar Niemeyer. Pour ce dernier, qui a déjà vingt ans de carrière derrière lui, Brasilia va véritablement représenter l’œuvre d’une vie.

Architecte de la sensualité

Disciple du Corbusier, Oscar Niemeyer définit très tôt ce qui fera sa signature stylistique. Aux lignes rigides, le Brésilien préfère les courbes et il va donc s’employer à les sublimer dans ses créations. En 1999, dans un documentaire qui lui est consacré sur Arte, l’architecte explique son attrait pour les formes arrondies : « Ce n’est pas l’angle droit qui m’attire, ni la ligne droite, dure, inflexible, inventée par l’homme. Seule m’attire la courbe libre et sensuelle, celle que je rencontre dans les montagnes de mon pays, dans les cours sinueux de ses rivières, dans les vagues de la mer, dans le corps de la femme préférée. Des courbes est fait l’univers, l’univers courbe d’Einstein ». Rien d’étonnant donc à ce qu’il soit surnommé « l’architecte de la sensualité ».

Pendant les quatre ans de la construction de Brasilia, Oscar Niemeyer va réaliser plusieurs bâtiments iconiques qui vont participer au rayonnement architectural à l’international. C’est notamment le cas du Congrès national du Brésil où deux gratte-ciel sont reliés à une coupole convexe (qui accueille le Sénat) et une coupole concave (qui accueille la Chambre des députés). Autre construction incontournable : le Palais de l’Aurore (Palacio da Alvorada en portugais), bâtiment sur trois étages où le verre et le béton se côtoient subtilement. Résidence officielle du président de la République, il s’agit du premier bâtiment de Brasilia à être inauguré le 30 juin 1958.

Administrations et culture

De manière générale, les œuvres d’Oscar Niemeyer à Brasilia vont se délimiter en deux domaines d’activités principaux. D’un côté, les administrations et de l’autre, la culture. Pour ce qui relève des administrations, impossible de ne pas évoquer les arches inimitables du Palais d’Itamaraty, siège du ministère des affaires étrangères, ainsi que le tribunal suprême fédéral. Du côté de la culture, Oscar Niemeyer est à l’origine de bâtiments singuliers tels que le Teatro Nacional Claudio Santoro ou le Memorial Juscelino Kubitscek.

Et s’il fallait ne retenir qu’une œuvre d’Oscar Niemeyer à Brasilia ? Il y a fort à parier que la futuriste cathédrale Notre-Dame-de-l’Apparition de Brasilia serait massivement citée. Aussi impressionnante à l’intérieur qu’à l’extérieur, cette construction surprend avec ses seize arcs en béton et ses statues géantes représentant les quatre Évangélistes. Un bâtiment des plus singuliers à l’image de la place d’Oscar Niemeyer dans l’histoire de l’architecture.