Que faire à Cancale et ses alentours ?

Charmant village pêcheur à l'extrémité est de la côte d'Emeraude, Cancale est célèbre pour ses parcs à huîtres qui quadrillent la baie et se dévoilent quand la mer se retire. A marée basse, le spectacle fascine toujours. La noria de bateaux à roues des ostréiculteurs, museaux de squale conquérants, va-et-vient sur la grève du port de la Houle, chargés de poches d’huîtres collectés sur les pieux émergés. Cancale a d'ailleurs reçu le label national « Site remarquable du goût » en 1994 pour la qualité de ses huîtres.

Ainsi va la vie de la quarantaine de producteurs de Cancale, dont les parcs s’étendent au large sur 500 hectares. La rudesse du métier tranche avec l’oisiveté des consommateurs. Au bout du port de la Houle, les inamovibles stands de vente des ostréiculteurs sont plébiscités par les touristes. Par beau temps, ils s’assoient sur un rebord de quai, trop heureux de déguster des n°3 en contemplant sans rien faire la baie du Mont-Saint-Michel.

La Houle ne fut pas toujours ce havre pour touristes et résidents dont témoignent les maisons apprêtées et l’enfilade de cafés-restaurants des quais. Jadis, les marins-pêcheurs vivaient dans les petites maisons de granit du Bas-Cancale. Cet écheveau de ruelles (Albert-Ier, Saint-Michel, Kitchener...), flanqué de façades collées-serrées et de jardinets à rosiers, exhale l’atmosphère populaire d’antan. On y découvre une statue de la Vierge au fond d’une impasse, un vieux puits à margelle en granit, une tête de saint Michel sertie dans l’encoignure d’une façade... Tapi au pied de la falaise, ce quartier semble toujours lutter contre les éléments et la condescendance des « gens d’en haut », les bourgeois de Cancale... Gentrifié comme le sont la plupart des îlots ouvriers des cités touristiques, il est rassurant de savoir que la famille propriétaire du Jema, un chalutier vendant sa pêche en direct (notamment au marché de Cancale, le dimanche matin), y réside encore.

La rue du Port joint ville basse et ville haute. Plutôt que d’emprunter cet axe routier peu amène, mieux vaut grimper les escaliers situés à droite, au début de la rue. Ils conduisent au mât de Pavillon, fier symbole de l’enseignement maritime à Cancale. Au XIXe et au XXe siècle, de nombreux officiers furent formés dans le port, en particulier à la célèbre école des Rimains, en activité de 1951 à 2007. Plus loin, par un sentier douanier dominant les quais, on rejoint la pointe du Hock. La vue s’ouvre sur le port, les parcs à huîtres et la palette infinie de bleus de la baie du Mont-Saint-Michel. En grimpant par la rue du Hock, on pénètre le Haut-Cancale, dominé par la tour carrée à clocheton de l’église Saint-Méen. Elle est précédée du monument en l’honneur des laveuses d’huîtres.

Il ne faut surtout pas négliger cette partie de la ville de Cancale. D’une part, parce qu’elle dévoile, rues Surcouf, de la Vallée-Porcon ou boulevard Thiers, de belles bâtisses en granit à pignons et d’autres plus nobles, comme l’hôtel de ville, sis dans un joli manoir, rue du Port. D’autre part, parce que s’y tient le musée des Arts et Traditions populaires, dédié au riche passé de Cancale, et qu’on y croise des figures locales ayant beaucoup à raconter sur l’histoire de leur ville. Surtout parce qu’elle révèle l’univers grandissant de la star culinaire de Cancale, Olivier Roellinger.

Avis aux fins gourmets ! Dans le centre-ville de Cancale, un quartier entier bat désormais au rythme des activités d'Olivier Roellinger. Rue Duguesclin, La Maison du Voyageur, siège de son laboratoire créatif, jouxte la boutique des Épices Roellinger, qui embaume jusque dans l’espace public. Plus bas, place de la Victoire, trône Grain de Vanille, un salon de thé-pâtisserie. Roellinger, c’est aussi l’école Cuisine Corsaire (place Saint-Méen), des hébergements (l’hôtel les Rimains, lesGîtes marins ou laFerme du Vent, à Saint-Méloir), le restaurant étoilé Le Coquillage et, depuis juin 2022, Le Bistrot de Cancale, une belle adresse bistronomique située à Port-Mer.

C’est l’occasion de quitter la haute ville de Cancale pour aller humer ses quartiers nord, en direction de la pointe du Grouin. On peut s’y rendre en voiture, solution de facilité, ou à la force des mollets, par le célèbre GR34 côtier. Les petits ports de Briac et de Picain ont du charme. Le sentier des Douaniers les traverse et offre une vue grand angle sur le rocher de Cancale, l’île des Rimains et son fort (jadis propriété de Lionel Poilâne, appartenant aujourd’hui à la famille Kosciusko-Morizet), l’île des Landes, au loin les Chausey et Granville... Port-Mer mérite une halte. Pour sa plage, l’une des plus familiales de Cancale. Pour son centre nautique et ses restaurants, dont la nouvelle adresse de Roellinger. Et pour être le port d’attache de deux associations passionnantes : La Bisquine Cancalaise et Al Lark, qui propose des sorties en mer pour observer les dauphins.

La bisquine mouille au large de Port-Mer et c’est avec des loups de mer de la Bisquine Cancalaise, Harry Raub, Robert Hardouin, Yves Locquen et Daniel Le Boucher, que nous montons à bord de ce bateau mythique. Il n’est pas prévu de naviguer mais peu importe. Marcher sur le pont de cette embarcation, « l’un des plus rapides bateaux de pêche à voile de France », rappelle Yves Locquen, c’est plonger dans l’histoire marine de Cancale.

« Bateaux côtiers, les bisquines sont apparues vers 1830 et ont navigué durant un siècle. Il y en avait aussi à Granville, mais beaucoup ont été construites dans les chantiers navals de Cancale et de la vallée de la Rance », précise Daniel Le Boucher. Si elles portent autant de voiles – La Cancalaise en compte dix, pour 450 mètres carrés de voilure –, c’est qu’elles devaient pêcher et rentrer le plus vite possible. Les premiers, chargés de poissons et d’huîtres sauvages (il n’y avait pas encore de parcs), étaient les mieux servis. « Les bisquines s’échouaient au port de la Houle. Les femmes venaient trier les huîtres sur la grève avec leurs paniers », dit Yves Locquen. Au pic d’activité, au début du XXe siècle, plus de 200 bisquines se disputaient le fretin dans la baie du Mont-Saint-Michel. L’arrivée des bateaux à moteurs signa leur arrêt de mort. « L’une des dernières a été La Marguerite. C’était la bisquine du grand-père de mon épouse. Elle a fini sa vie en 1956 sur la plage de la Houle », se souvient Daniel Le Boucher.

Fini ? Pas tout à fait. Car des passionnés, dans les années 1980, décident d’en reconstruire une. Avec de l’huile de coude, l’aide de la mairie et de partenaires, les membres de l’association se mettent à l’ouvrage. Chêne pour la coque, épicéa du Jura pour les trois mâts (sous lesquels a été placé un Louis d’or, pour la protection), carré avant avec cuisine et douze couchages, carré arrière pour l’équipage... La Cancalaise sera achevée en 1987 et fait, depuis, la fierté de la ville. « Nous sommes près de 400 membres désormais. Pour financer les réparations et l’entretien, au-delà des cotisations, nous avons un calendrier de sorties en mer, de juin à septembre, à la journée ou demi-journée », indique Robert Hardouin, le trésorier. Les membres, de tous horizons (dont un tiers de femmes), ne parlent jamais politique, ni religion, seulement de marine ! Une expérience à tenter avec une bande de joyeux navigants.

Plus loin, voilà la pointe du Grouin, lieu traditionnel de départ de la Route du Rhum. À quelques pas, la pointe des Daules. Au-delà de la chapelle Notre-Dame-du-Verger, ce promontoire, propriété du conservatoire du Littoral, est précédé de terres maraîchères. Puis un sentier mène aux rochers, derrière une cabane de douanier en pierre et lauzes, et s'ouvre sur de nouveaux panoramas grandioses. La vue est magnifique sur le Cancale côtier et la plage de sable du Verger. Une autre manière d’aborder cette belle cité ostréicole.