Le 26 décembre 1982, une manifestation pour revendiquer l’indépendance de la Casamance, région du sud du Sénégal, a défilé dans les rues de Ziguinchor. À leur arrivée au palais du gouverneur, plusieurs jeunes ont abaissé le drapeau national et hissé à la place un tissu blanc. La répression violente de cet acte, qui s’est soldée par quelques morts et des dizaines de prisonniers, a poussé des centaines de jeunes à prendre les armes et à s’enfoncer dans la forêt. Quelques-uns s’y trouvent encore aujourd’hui.

La fin décembre 2022 a marqué le quarantième anniversaire de l’une des plus anciennes rébellions d’Afrique, un conflit de faible intensité qui a fait quelque 5 000 morts et déplacé des dizaines de milliers de personnes, dans une région où l’on trouve des arbres géants, des forêts sacrées, des traditions animistes ancestrales et un dédale d’îles enveloppées de mystère.

Luttes fratricides

Cinq jeunes marchent dans le centre de Ziguinchor vers l’université Assane Seck, et ils passent près d’engins qui rénovent des rues voisines. Derrière eux, le ferry Aline Sitoé Diatta, qui relie Ziguinchor à la capitale, Dakar, fait retentir sa sirène pour annoncer son arrivée au port.

Beaucoup de choses ont changé en quatre décennies, mais la rébellion du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) est tenace. “Il y avait des raisons objectives liées à l’identité, à un sentiment d’abandon et à la gouvernance, qui ont poussé beaucoup à s’unir, affirme Ndeye Marie Sagna, présidente de Kabonketoor, l’Association régionale des femmes pour la recherche de la paix. Mais les choses sont allées très loin, et la lutte est devenue fratricide.”

Ce collectif a été fondé en 1999 pour libérer la parole sur le conflit et recréer du lien social. “Il y avait des morts, des disparus, des viols, des villages rasés, des mines antipersonnel. Dans notre culture, les femmes joue