Même s’il s’appelle Aurélien Cotentin pour l’état civil, Orelsan est caennais. Comme Guillaume ? Euh, pas tout à fait. J’ai rendez-vous avec lui au bar d’un hôtel fin de siècle aux dorures rococo et il arrive sans se presser, sa capuche sur la tête, en traînant les pieds. Il traîne aussi sur les mots, Orelsan, comme s’il venait juste de se réveiller, et dit souvent « han, han », bouche fermée, à l’américaine. Un truc de rappeur, sans doute.

J’ai peur. Est-ce que celui qui a construit sa réputation sur des rimes violemment misogynes va m’insulter ou m’agresser ? Mais Orelsan enlève sa capuche et me laisse voir une petite tête ébouriffée de moineau inoffensif. Aurélien/Orelsan est trop mignon et très attentif à ce que je lui dis.
Étonnamment attentif, même. Est-ce que par hasard il se doute que j’ai une bombe dans mon sac, ce garçon ? Bon OK, une bombe de laque, mais quand même…

  • Il rappe, je dérape

Cela dit, entre son premier et son deuxième album, l’impressionnant « Chant des sirènes », ce fils d’un directeur d’école et d’une instit de maternelle, qui a travaillé trois ans durant comme veilleur de nuit dans un hôtel à Caen avant de se faire remarquer par sa musique sur internet, Orelsan donc, a beaucoup changé. Je lui demande s’il ne serait pas subitement devenu intelligent par hasard…
Il rit. « C’est sûr que la polémique qu’un de mes morceaux a provoquée en 2009 a changé ma façon de voir les choses. Et puis, avant, je me faisais un point d’honneur à inventer tout ce que j’écrivais. Mais c’est complètement idiot. Je traite de sujets qui ont toujours existé et je peux me nourrir en lisant des livres. Du coup, j’ai relu les Misérables. »

Je fais « han, han », bouche fermée, comme lui, à l’américaine. Je me détends un peu: un homme qui s’appelle Cotentin comme un pêcheur normand et qui lit Cosette ne peut pas être totalement mauvais. J’ai un dernier doute.
Est-ce qu’il n’y aurait pas une violence en lui ? « Tout le monde est comme ça, réplique-t-il. Dans les embouteillages, chacun pourrait tuer l’autre pour gagner une minute. Et puis c’est propre à ma génération, on aime bien la surenchère, les punchlines musclées, c’est un truc de cour de récré. ».

Je suis rassurée : on nage en pleine gaminerie. Ou alors, il essaie de m’attendrir.

Naïf, Orelsan ? « Oui », dit-il en me souriant largement. Et ambitieux ? Je lui demande sur le même ton.
« Oui. Mon ambition, c’est la paix dans le monde. Pourquoi viser petit ? » Dit-il sans rire. Je lui dis que ça tombe bien, moi aussi, je vise la paix dans le monde. Et pourquoi pas – puisque le premier single de son nouvel album s’appelait « Raelsan » – monter une secte ensemble pendant qu’on y est ?
Lui dis-je en plaisantant. « Oui, et tu serais la grande prêtresse », répond-il, presque séducteur. Yes ! Tom Cruise, Raël, bougez de là ! Yo !


  • Mariah, Jessica ou moi?

Mais ce n’est pas tout ça d’être grande prêtresse, il faut que j’en sache plus sur Orelsan. Je tente une approche. Quels sont tes rapports avec les filles ? Là il répond très vite : « J’ai une copine, alors je ne parle pas aux autres.» . Mais tu me parles à moi, j’insiste, enjôleuse. « Je plaisante, proteste-t-il, mais j’ai une copine, c’est cool, alors je fais attention à ne pas accepter trop d’amis sur Facebook pour ne pas être tenté. » Et son genre, c’est plutôt Mariah Carey ou Jessica Alba ? Il rit.
«
Jessica Alba, Mariah Carey, c’est la fille qui sait exactement dans quelle position se mettre pour paraître moins grosse. Elle doit être monomaniaque. Je préfère les gens plus flexibles.».  Réponse de Normand.  

Orelsan, « Le Chant des sirènes » (3ème Bureau). En concert au Printemps de Bourges le 26 avril.