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Sport

Comment Bernard Laporte veut réenchanter le rugby français

La récente défaite des Bleus ne change rien. Ancien manager et ex-ministre, il entend remettre le XV de France à sa vraie place. Et briser les tabous.

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Rencontre avec Bernard Laporte,président de la Fédération française de rugby

Rencontre avec Bernard Laporte,président de la Fédération française de rugby

Maxnews/Maxppp

Dans le frimas matinal de ce lundi de février, le Centre national du rugby de Marcoussis (Essonne) se réveille avec la gueule de bois. Deux jours plus tôt, en ouverture du Tournoi des six nations, le XV de France est passé tout près de l’exploit face à l’Angleterre, lors d’un crunch à haute tension. Mais comme face à l’Australie et aux All Blacks en novembre, les Bleus se sont inclinés d’un cheveu, malgré un match solide (16-19). Col roulé, jean usé, Bernard Laporte ne cherche pas à cacher sa déception. « L’état d’esprit était irréprochable, reconnaît le patron de la Fédération française de rugby (FFR). Mais quand vous tenez un adversaire à la gorge comme ça, c’est comme à la chasse, quand vous avez un sanglier au bout du fusil : vous n’avez pas le droit de le rater. »

Depuis son élection à la tête de la FFR le 3 décembre dernier, Bernard Laporte, 52 ans, l’a répété sur tous les tons : le XV de France est la priorité des priorités. La défaite de Twickenham ne l’a pas fait changer d’avis. « La France n’est aujourd’hui que 8e nation mondiale, c’est inacceptable ! tonne l’ancien demi de mêlée de Bègles. On doit revenir au top des équipes de l’hémisphère nord, gagner à nouveau le Tournoi. » Quitte à s’inspirer des recettes d’une Albion, sinon perfide, du moins diablement efficace. « Depuis huit ans, il y a 73 % de joueurs anglais dans leur championnat national. En France, l’afflux de joueurs étrangers fait que nos jeunes ne jouent pas assez en club. On ne s’est pas assez protégés. »

Valoriser le rugby amateur

Le remède du docteur Laporte s’annonce radical. Un, les clubs du Top 14 ne pourront pas aligner plus de cinq joueurs étrangers sur vingt-trois. « Il faut arrêter de piller les Fidji et les Tonga, et donner leur chance à nos jeunes. » Deux, il faudra désormais un passeport français pour jouer en équipe de France, quand il suffit actuellement de trois saisons en championnat pour pouvoir porter le maillot bleu. Trois, l’ancien secrétaire d’Etat aux Sports veut que la FFR prenne à sa charge le salaire des joueurs internationaux six mois par an, en échange de leur mise à disposition pour l’équipe de France. « Les patrons de club s’y retrouveront : aujourd’hui, ils ne voient pas certains joueurs quatre mois et demi par an, mais ils les paient quand même ! »

Au-delà du XV de France, c’est tout le rugby français que le nouveau taulier veut réenchanter. « Depuis quelques années, les stades ne font plus le plein, les audiences télé se tassent. A force de se gargariser du “Top 14 meilleur championnat du monde”, on a perdu un peu de l’âme de ce sport. » La solution ? Remettre le rugby amateur au centre du jeu, en recrutant 200 formateurs professionnels pour mieux détecter et former les talents. Et qu’importe si la Ligue nationale de rugby (LNR), l’organe qui représente les intérêts des clubs professionnels, renâcle : « Il n’y aura pas de clash, pour la bonne raison que c’est la FFR qui décide. »

L’ancien manager de Toulon et du Stade Français a déjà montré qu’il n’avait pas d’état d’âme au moment de trancher dans le vif. Dès son arrivée, le nouveau taulier envoie aux oubliettes le projet emblématique de son prédécesseur Pierre Camou, un grand stade de rugby de 82 000 places à Ris-Orangis. « C’était une bonne idée, mais inapplicable : la FFR devait apporter 200 des 600 millions d’euros nécessaires. Elle n’a trouvé que 320 000 euros. De toute façon, le projet n’était pas cohérent : des stades, il y en a déjà. Et l’équipe de France n’a pas vocation à ne jouer qu’à Paris. » Fin janvier, nouveau Scud : le nouveau patron de la FFR décide d’ouvrir le maillot du XV de France à la publicité, une première. « Toutes les équipes ont un sponsor maillot, même les All Blacks, justifie Laporte. L’argent [6 à 10 millions d’euros espérés] servira à financer le rugby amateur. »

Solidaire de Fillon

S’il reconnaît avoir appris à maîtriser ses nerfs, « Bernie le dingue » - surnom hérité de ses spectaculaires coups de gueule dans les vestiaires - n’a rien perdu de son franc-parler. Le « salary cap », ce plafond de masse salariale censé préserver l’équité sportive ? « C’est une mesure hypocrite : il y a ceux qui ont les moyens de le contourner, via des sociétés offshore, et ceux qui ne les ont pas. Je suis pour la libéralisation. » Les ennuis de François Fillon, dont il a été ministre de 2007 à 2009 ? « Je comprends que les chiffres affolent, mais il n’y a rien d’illégal. Il faut changer la réglementation, plutôt que s’acharner sur un homme et sa famille. »

Même quand on évoque ses investissements dans les paradis fiscaux, récemment mis en lumière par Mediapart, Laporte reste droit dans ses bottes. « J’ai monté une société au Luxembourg, ce qui, à ma connaissance, n’est pas illégal. J’ai la conscience tranquille et le sourire aux lèvres. » Celui-ci sera encore plus large si le XV de France bat l’Ecosse dimanche 12 février, au Stade de France.

Making of

Bernard Laporte a reçu Challenges lundi 6 février au Centre national du rugby, à Marcoussis, dans son bureau avec vue imprenable sur la résidence du XV de France. Le portrait du nouveau patron de la Fédération française de rugby n’a pas encore été accroché dans le couloir. « On le mettra dans vingt ans, après mes multiples mandats », rigole l’ancien secrétaire d’Etat aux Sports.

Qui exclut tout retour en politique, mais pas forcément un éventuel comeback comme entraîneur d’un club. « Le plus beau métier du monde. »

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