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Société

Inde : Le Gange, fleuve sacré, manne pour les pauvres pêcheurs de trésor

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Une jeune garçon va à la pêche aux offrandes lancées par les pélerins dans le Gange, à Haridwar, dans le nord de l'Inde, le 11 mars 2021
Une jeune garçon va à la pêche aux offrandes lancées par les pélerins dans le Gange, à Haridwar, dans le nord de l'Inde, le 11 mars 2021
AFP - Prakash SINGH

Les pèlerins hindous qui se baignent dans le Gange sacré pour purifier leur âme y jettent des fleurs ou quelques pièces de monnaie, mais les offrandes sont parfois plus généreuses et peuvent faire la "fortune" de pauvres pêcheurs de trésor comme le jeune Rahul Singh.

A Haridwar dans l'Etat de l'Uttarakhand (nord), Rahul Singh, âgé de 13 ans, passe six bonnes heures chaque jour dans les eaux sacrées du Gange où, au moyen d'un aimant attaché au bout d'un long bâton, il pêche les offrandes sonnantes et trébuchantes des pèlerins venus, par milliers, se laver de leurs péchés.

Les festivités religieuses telles que Kumbh Mela qui a débuté le 13 février, qui attirent des millions d'hindous, sont des occasions en or.

"Ca demande pas mal d'efforts mais ça me plaît de faire ça", dit-il à l'AFP en récupérant une pièce de 30 roupies (35 centimes d'euro)

Deux jeunes
Deux jeunes "pêcheurs de trésors" posent au bord du Gange, le 11 mars 2021 à Haridwar, dans le nord de l'Inde, avec leur corde munie d'un aimant qui leur permet d'aller repêcher les offrandes des pélerins venus se baigner dans le fleuve sacré (AFP - Prakash SINGH)

Originaire de l'Etat voisin de l'Uttar Pradesh, l'adolescent s'est enfui de chez lui, il y a deux ans. Il a survécu comme garçon à tout faire, avant d'arriver dans la vieille cité d'Haridwar où un camarade lui a appris la natation avant de l'initier à la pêche aux pièces de monnaie.

Le jeune préfère partager une minuscule baraque dans un bidonville avec une quinzaine de ses confrères plutôt que de rentrer chez lui.

"Chez moi, il y avait trop de tension et de pauvreté, je suis plus heureux ici", affirme-t-il.

- Le collier d'or -

Deux jeunes garçons d'apprêtent à aller chercher dans le 
Gange, le grand fleuve sacré du nord de l'Inde, les offrandes qu'y jettent les pélerins venus se purifier, le 12 mars 2021 à Haridwar (AFP - Prakash SINGH)
Deux jeunes garçons d'apprêtent à aller chercher dans le Gange, le grand fleuve sacré du nord de l'Inde, les offrandes qu'y jettent les pélerins venus se purifier, le 12 mars 2021 à Haridwar (AFP - Prakash SINGH)

Pour les hindous, les fleuves symbolisent les divinités qui pourvoient à leur existence, ce qui explique la place primordiale qu'ils occupent dans les rituels religieux. Leurs offrandes témoignent de leur gratitude.

Raja Yadav, lui, avait seulement huit ans quand il s'est enfui de chez lui pour rejoindre Haridwar, dont il avait entendu parler à travers des histoires d'hommes qui y trouvaient des trésors d'or et d'argent.

Agé de 22 ans aujourd'hui, Yadav surnommé "Jhinga" (la crevette) en raison de ses prouesses en natation est le chef des pêcheurs de pièces, dont Rahul Singh.

Les pièces de monnaie, étant magnétiques, se pêchent le plus aisément grâce aux aimants. Quant à l'or, l'argent, le cuivre et autres précieuses offrandes, c'est une autre paire de manches pour s'en saisir, il faut de l'ingéniosité mais aussi de la chance.

Une journée de pêche peut rapporter 300-400 roupies (3,50 - 4,60 euros), et monter jusqu'à 1.000 roupies (11,50 euros) pendant Kumbh Mela, d'après Raja Yadav.

Les jeunes convertissent leurs pièces en devises auprès d'intermédiaires qui, au passage, s'octroient 20% de commission.

Les bijoux en or et en argent repêchés sont vendus au marché noir, les objets en cuivre et en acier sont vendus aux ferrailleurs.

Il y a six ans, "la crevette" a littéralement empoché "une fortune" après avoir sorti du Gange un collier en or de 25 grammes qu'il a vendu un peu plus de 1.000 euros.

- "Notre mère Ganga" -

Un jeune garçon avec son baton muni d'un aimant, qui lui sert à repêcher dans le Gange les offrandes lancées par les pélerins, le 12 mars 2021 à Haridwar (AFP - Prakash SINGH)
Un jeune garçon avec son baton muni d'un aimant, qui lui sert à repêcher dans le Gange les offrandes lancées par les pélerins, le 12 mars 2021 à Haridwar (AFP - Prakash SINGH)

Un barrage maintient le Gange à des niveaux constants tout au long de l'année à l'exception d'octobre quand les opérateurs réduisent le débit pour draguer le lit du fleuve.S'ouvre alors la saison d'une âpre concurrence dans la pêche au trésor.

A l'inverse, quand les eaux du fleuve enflent et que le courant est plus violent pendant la mousson, l'activité devient plus dangereuse, admet Yadav, mais ses congénères, de 11 à 76 ans, sont d'excellents nageurs que de telles conditions n'effraient pas.

L'année 2020 a été pénible à traverser, la pandémie de Covid-19 et le confinement strict imposé dans le pays ayant tari le flux de visiteurs à Haridwar pendant de longs mois. La crevette et sa bande ont vécu de leurs maigres économies.

Mais la foi de Yadav dans la déesse Gange est, comme celle des pèlerins, inébranlable.

"Nous faisons toujours confiance à notre mère Ganga qui ne laissera jamais ses enfants dormir la faim au ventre", explique-t-il. La preuve, "les pèlerins sont de retour et nous plongeons à nouveau avec bonheur".

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