La lecture de la quasi-totalité des livres dits politiques est à périr d’ennui. Mal écrits, mal construits, mal pensés. Mal fichus, quoi! Il existe quelques rares exceptions, quelques auteurs véritables, en particulier François Bayrou et Bruno Le Maire. En 2008, l’actuel ministre des Finances avait publié un texte formidable Des hommes d’Etat narrant de l’intérieur le combat trouble auxquels se livraient Sarkozy, Villepin et Chirac. C’est aussi le cas avec Pierre-Louis Basse. Réussir un grand livre avec pour matière l’Elysée de François Hollande, voilà en effet qui doit être consacré comme un exploit littéraire. Avec leurs préventions et préjugés, certains refuseront de s’intéresser à ce récit du pouvoir hollandais. Erreur, car Basse, nommé "conseiller aux grands événements", est avant tout un écrivain, accessoirement un journaliste.
En accédant au Palais, il devait savoir, au fond de lui, qu’un jour, tôt ou tard, il écrirait. Basse dans le coeur du pouvoir de la République, pour moi qui le connaît depuis trois décennies, ça ne manque pas de cocasserie. Un rêveur magnifique élevé et baigné dans la légende communiste, dans la mémoire de Guy Môquet, fidèle jusqu’à aujourd’hui au Paris populaire.
"Un homme qui aimait les autres, beaucoup plus que lui-même"
La rencontre du gamin de Saint- Ouen avec Hollande le social-démocrate bon enfant, avec ce bourgeois de la politique, relevait de la plus haute improbabilité. Or, elle s’est produite. Et l’auteur de préciser, pour clore toute polémique malvenue, qu’il ne regrette rien, que la fidélité reste dans son esprit une valeur : "C’était un homme qui aimait les autres, beaucoup plus que lui-même." Voilà pour Hollande. Mais pour le reste... il est impitoyable. Sans jamais la moindre méchanceté. Sans jamais un adjectif blessant ou persifleur.
Ce livre, vraiment littéraire et faussement politique, est d’autant plus beau qu’il raconte en détail un palais, ses murs, ses ors et ses hommes. Leurs grandeurs et leurs mesquineries, pour survivre dans un univers en effet impitoyable. Un saltimbanque à l’Elysée... convenons que ce n’est guère banal. Son autre grand mérite ? Il nous signifie à quel point la littérature et son point de vue sont importants en toutes circonstances, particulièrement quand il s’agit de politique.
Le Flâneur de l'Elysée, Pierre-Louis Basse, Stock, 272 pages, 19,50 euros.