Dans l'adaptation de la bande dessinée de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet Les Vieux Fourneaux, Roland Giraud joue un homme brisé par la mort de sa femme qui, sous le coup d'une vieille trahison, décide de se venger. Trois hommes et un couffin, La Vie dissolue de Gérard Floque, Papy de la résistance entre autres, ont fait de lui un des acteurs français les plus populaires. A 76 ans, il se partage entre sa maison de campagne en Bourgogne et une vie professionnelle toujours bien remplie. En janvier prochain, il devrait jouer Love Hatters avec son épouse, la comédienne Maaike Jansen.

"Ce qui
me stresse
c'est l'état
de la société
et du monde"

La description que vous faites de vous dans le dossier de presse a de quoi surprendre: chiant, speed, sujet aux colères subites...

« Elle est assez fidèle! Sinon je serais parfait. J'ai des choses qui me mettent très en colère. Ce qui me stresse, ce n'est pas d'être la plus grande vedette qui soit, d'avoir des tas de projets, même s'il est soit-disant très important d'être connu et de crouler sous les propositions. Ce qui me stresse, c'est l'état de la société et du monde. J'ai beaucoup d'espérance en l'avenir, mais hors de ce monde. »

Vous qui êtes croyant, trouvez-vous que le rapport à la foi se modifie en vieillissant?

« Il se modifie pour des raisons très précises: il me reste moins de temps. Je me sens certes très en forme pour mon âge, mais on peut avoir un problème grave qui ne s'annonce pas. Pour l'instant, j'ai la chance d'être bien et j'en remercie le ciel. Vous voyez, j'ai une maison à la campagne et j'ai encore les aptitudes physiques pour y travailler beaucoup. Bon, pour ce qui est de la mémoire immédiate, c'est autre chose: je fais attention à ne pas jouer des pièces avec des tirades trop longues. »

Pour « Les Vieux Fourneaux » on vous a teint les cheveux ce qui les a fait un peu tomber. Ça s'est arrangé depuis?

« Ce n'est pas terrible, mais pas désespérant. En fait, j'ai fait un traitement à l'huile de ricin. C'est un coiffeur du métier qui m'a indiqué ça. Ils ont toujours des trucs à eux. On s'enduit la tête, on met un petit bonnet et le matin on rince. Et ça a l'air de marcher, en tout cas beaucoup mieux que tous ces produits hors de prix. »

Qu'est-ce qui vous a le plus emballé dans le scénario: l'aspect rugueux des dialogues ou la tendresse sous-jacente?

« Évidemment la tendresse! Ces trois personnages sont très croustillants. J'avais de la sympathie pour Eddy, on a déjà été en contact pour trois films qui ne se sont pas faits. J'étais content qu'on me propose ce rôle avec ces deux gars-là: chaque personnage est très bien dessiné et ils sont complémentaires. Le casting est parfait, il y a de l'action, du suspense et aussi de l'émotion. Ça me rappelle mon film de référence quand j'étais jeune Marianne de ma jeunesse de Julien Duvivier. »

Êtes-vous capable, comme Antoine, d'être fou de jalousie?

« Je ne sais pas, je n'ai jamais eu l'occasion, je crois que je réagirais avec mes armes. La jalousie est un des pires défauts de l'être humain, et Dieu sait si j'y ai été confronté dans mon métier. Ça ne sert à rien, sauf à faire des sujets de films ou des pièces. »

Parmi vos rôles mythiques comme Gérard Floque ou le Général Spontz de « Papy fait de la résistance », pour lequel avez-vous le plus de tendresse?

« Ce sont des rôles tellement différents! Je ne parle pas allemand, mais quand mes camarades du Splendid m'ont demandé de jouer Spontz, ça m'a beaucoup fait rire. J'ai toujours adoré prendre les accents et je le fais assez bien. Ce gars-là est tout le contraire de moi, mais ça m'a plu de le jouer. On me demande encore parfois de signer des autographes, à la sortie du théâtre, en mettant Général Spontz. Je réponds que ça me flatte beaucoup. »

Quelle est pour vous la source la plus sûre du bonheur de vivre?

« D'être avec quelqu'un qu'on aime et de pouvoir aider les gens qui en ont besoin. En dehors des épreuves épouvantables que j'ai pu vivre et qui m'ont marqué à vie, le Bon Dieu est plutôt sympa avec moi. J'ai eu la chance de rencontrer une femme exceptionnelle et 52 ans après, ça me fait drôle de dire ça, même s'il y a eu des péripéties, on est toujours aussi heureux. Maintenant, on essaie d'être ensemble le plus longtemps possible. »

Jusqu'à partager la scène. Quel effet ça fait de jouer avec la femme de sa vie: c'est troublant ou le travail prend le dessus?

« C'est le travail qui prend le dessus avec néanmoins un problème de taille. C'est que je me fais engueuler toutes les trois secondes! C'est une partenaire idéale, elle a une vraie personnalité et elle n'essaie pas de se mettre toujours en avant. »