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Francis Bacon en 2 minutes

En bref

Il est l’un des plus célèbres artistes anglais du XXe siècle. Loin de l’abstraction qui domine les années 1950, Francis Bacon (1909–1992) est le peintre du corps torturé et hurlant, de l’introspection doloriste. Personnalité complexe, ce contemporain de Lucian Freud est l’auteur d’une œuvre expressionniste fortement influencée par la relecture des grands maîtres du passé. Évacuant toute anecdote, sa peinture est une forme de miroir qui reflète ses angoisses, ses drames et ses obsessions dans une époque marquée par les conséquences de la Seconde Guerre mondiale. Sacré et profane se mêlent constamment dans cette œuvre métaphysique, dont le sujet véritable est cette parenthèse que constitue l’existence (douloureuse) entre la naissance et la mort.

Francis Goodman, Francis Bacon
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Francis Goodman, Francis Bacon, mai 1971

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Coll. National Portrait Gallery, Londres • © National Portrait Gallery, London/ Scala, Florence

Il a dit

« Nous sommes tous des carcasses en puissance. »

Sa vie

Né en Irlande de parents anglais, Francis Bacon est un enfant chétif, maladif (il souffre d’asthme), qui ne peut suivre une scolarité normale. Dès l’âge de 16 ans, son homosexualité et ses tendances fétichistes sont découvertes par son père, qui le rejette du foyer familial.

Après une période d’errance en Europe, Bacon s’installe à Londres en 1928. Influencé par la découverte de l’œuvre de Pablo Picasso et des surréalistes, il s’engage dans la carrière de peintre mais travaille comme décorateur pour gagner sa vie.

Ses débuts dans les années 30 sont difficiles, ses premières expositions ne connaissent guère de succès et il n’est pas retenu pour participer à l’Exposition internationale du surréalisme en 1936. Cependant, sa peinture très sombre et personnelle ne laisse pas indifférents les amateurs éclairés, tels que l’historien de l’art Herbert Read. Il parvient en 1937 à participer à l’Exposition collective des jeunes artistes britanniques.

L’artiste souffre d’un tempérament dépressif, avec une forte tendance à l’autodestruction et à l’alcoolisme (ce qui ne l’empêche pas de peindre). Aussi détruit-il une grande partie de ses œuvres. La Seconde Guerre mondiale – à laquelle il ne participe pas en raison de sa condition physique – le marque profondément. Ses œuvres témoignent de la violence qu’il ressent à cette époque. Montrant une prédilection pour les thèmes doloristes et morbides tels que la Crucifixion, il adopte la forme du triptyque.

Au milieu des années 1940, Francis Bacon s’installe sur le continent, à Monte-Carlo. Il débute sa grande série d’études sur les têtes, ainsi que la fameuse série des Papes inspirée par l’œuvre de Diego Vélasquez. En 1954, il est choisi avec Ben Nicholson pour représenter l’Angleterre lors de la Biennale de Venise. Sa première grande rétrospective se tient l’année suivante à Londres. Le travail de Bacon est alors reconnu et marque les esprits par sa violence et sa dramaturgie, qui se manifestent notamment par l’emploi d’une palette acide aux tons rouges et orangés.

En 1961, Bacon acquiert une maison à Londres. Son atelier, immortalisé par des photographies, est un territoire hostile, jonché de tubes de peinture et empli de livres et d’objets, comme l’antre d’un animal sauvage. En 1963, il rencontre George Dyer, qui devient son amant et son modèle. Mais ce dernier se suicide en 1972, ce qui inspire au peintre trois importants triptyques.

Les années 70 et 80 sont des décennies prolixes pour le peintre. Il est au sommet de sa maîtrise technique, innove et adoucit sa palette, mais souffre d’un cancer du rein, diagnostiqué en 1989. Bacon s’éteint en 1992. Son dernier compagnon, John Edwards, lègue son atelier à la Hugh Lane Municipal Gallery de Dublin, où il est reconstruit à l’identique.

Ses œuvres clés

Francis Bacon, Trois études pour une crucifixion
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Francis Bacon, Trois études pour une crucifixion, mars 1962

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Huile sur toile, sable • Coll. Solomon R. Guggenheim Museum, New York • © The Solomon R. Guggenheim Foundation / Art Resource, NY, Dist. RMN-Grand Palais / The Solomon R. Guggenheim Foundation / Art Resource, NY / The Estate of Francis Bacon – Adagp, Paris

Trois études pour une Crucifixion, 1962

Francis Bacon relie son intérêt pour la forme du triptyque à son amour pour le cinéma. Il souhaite décomposer et juxtaposer les images. Ici, l’univers entièrement rouge et noir qu’il met en scène se révèle particulièrement angoissant. Le thème de la chair de douleur est omniprésent. L’un des panneaux représente deux hommes dans une boucherie, l’autre évoque un corps crucifié. Le panneau central figure quant à lui un corps recroquevillé et martyrisé, seul dans un lit, lieu symbolique de la naissance comme de la mort.

Francis Bacon, Étude du portrait du pape Innocent X d’après Vélasquez
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Francis Bacon, Étude du portrait du pape Innocent X d’après Vélasquez, 1953

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Huile sur toile • 152 × 118 cm • Coll. Des Moines Art Center • © akg-images / The Estate of Francis Bacon – Adagp, Paris

Étude du portrait du pape Innocent X d’après Vélasquez, 1953

Avec la Crucifixion, les portraits de Papes d’après l’œuvre de Vélasquez sont l’un des thèmes obsessionnels de Francis Bacon. Ce portrait appartient à une série de 45 variantes sur le sujet. Il ne s’agit pas d’une peinture religieuse, mais avant tout d’un travail de réinterprétation d’un grand maître. Bien sûr, le sujet n’est pas anodin : le Pape incarne une figure de pouvoir et d’autorité. Ici, il est représenté hurlant, mais sa voix semble étouffée par l’atmosphère oppressante qui l’entoure. Devient-il une figure de l’impuissance ?

Francis Bacon, Trois personnages dans une pièce
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Francis Bacon, Trois personnages dans une pièce, 1964

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Huile sur toile • 198 × 441 cm • Coll. Centre Pompidou – Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle, Paris • © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat / The Estate of Francis Bacon – Adagp, Paris

Trois personnages dans une pièce, 1964

La forme du triptyque empruntée à l’art religieux est récurrente dans l’œuvre de Bacon. Un même personnage, son ami et amant George Dyer, est représenté sur les trois parties de l’œuvre. Il incarne une figure de la solitude, à l’anatomie torturée. L’interprétation de Bacon n’est pas réaliste, mais elle propose une réflexion sur ce qu’est la réalité, dans sa crudité, sa forme de laideur, la frustration qu’elle oppose. Tout au long de sa vie, Bacon réalisera une trentaine de triptyques qu’il considérera comme ses œuvres majeures.

Par • le 9 septembre 2019
Retrouvez dans l’Encyclo : Francis Bacon

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