BONHOMME DE NEIGE
Il faut posséder un esprit d’hiver
Pour regarder le gel et les branches
Des pins sous leur croûte de neige ;
Avoir eu froid longtemps
Pour contempler les genévriers hérissés de glace,
Les épicéas, bruts dans l’éclat lointain
Du soleil de janvier ; et ne pas imaginer
De détresse aucune dans le bruit du vent,
Le bruit d’une poignée de feuilles,
Qui est le bruit de l’étendue
Emplie du même vent
Soufflant dans le même lieu nu
Pour qui écoute, écoute dans la neige,
Et, n’étant rien lui-même, ne contemple
Rien qui ne soit là et le rien qui est.
One must have a mind of winter
To regard the frost and the boughs
Of the pine-trees crusted with snow ;
And have been cold a long time
To behold the junipers shagged with ice,
The spruces rough in the distant glitter
Of the January sun; and not to think
Of any misery in the sound of the wind,
In the sound of a few leaves,
Which is the sound of the land
Full of the same wind
That is blowing in the same bare place
For the listener, who listens in the snow,
And, nothing himself, beholds
Nothing that is not there and the nothing that is.
De plus en plus faible, brille le soleil
L'après-midi. Les forts et les fiers
S'en sont allés.
Ceux qui restent sont les inaccomplis,
Les définitivement humains,
Natifs d'une sphère réduite.
Leur indigence est une indigence
Qui est indigence de la lumière,
Une pâleur stellaire suspendue aux fils.
Peu à peu, la pauvreté
De l'espace automnal devient
Un regard, quelques mots prononcés.
Chaque personne nous touche entièrement
Par ce qu'elle est et telle qu'elle est,
Dans la grandeur fade de l'anéantissement.
La poésie est une façon de rendre acceptable l’expérience, presque entièrement inexplicable, que l’on est en train de vivre.