Etre à la fois sédentaire et nomade, étranger et pays, ne pas avoir à choisir - ni surtout qu’on choisisse à ma place - Il faudrait pouvoir y arriver, mais que de passes difficiles, en soi et autour de soi, à franchir
La pluie est parfois effrayante, mais c'est avec indifférence : elle s'en prend à vous comme à n'importe qui d'autre. Quand il s'agit du vent et que ce vent s'acharne comme en certaines nuits de ce premier hiver, on se sent personnellement visé, désigné, agressé. On voudrait s'expliquer d'homme à homme, mais quel langage utiliser ? (226)
J'aime les livres, on s'en serait douté. J'aime les livres comme j'aime la vie; comme j'aime les gens que j'aime, et les animaux, et les fleurs, et les fleuves, et les heures, et les couleurs du temps. Lire est pour moi une façon de se mouvoir dans le monde, d'accompagner le chant secret des choses. Je crois très sincèrement que la lecture, comme attitude dans la vie, participe de cette "grandiose naïveté" que Jean Giono disait tant admirer chez Stendhal.
Voilà donc pourquoi, me direz-vous, vous hésitez encore à tuer à coups de hache cette Mme Guermantes ? (14)
Apprendre, bien modestement (deux ou trois par saison peut-être ?) le nom des fleurs, des plantes en général, des arbres, n'a rien à voir avec l'érudition, la science, encore moins le pédantisme. C'est une manière de courtoisie, une forme de savoir-vivre. Comme ne pas dire "le voisin d'en face", mais, par exemple, M.Empédocle ou M. Tchouang tseu... (77)
Il n'est pas facile, en ce pays d'ici, de se laisser aller à une contemplation qui serait, si j'ose dire, purement contemplative. Sauf au plein de l'été, et même, il est presque impossible de s'arrêter quelque part, au creux d'une clairière, au surplomb d'un rocher, pour s'absorber dans la méditation. Le froid, l'humide, le vent coulis, ont tôt fait de vous remettre debout, et en mouvement. Le lotus, me dit la montagne, n'est pas fleur qu'on acclimate ici. (97)
Emprisonnés que nous sommes dans ce qu'on nous a dit être notre humaine condition, humiliés chaque jour par ce que Stendhal appelait "la bêtise insolente des puissantes", la lecture nous donne - il suffit de le vouloir - l'occasion inouïe de "nous pencher au dehors".
Ce qui est, il faut le reconnaître, sommamente pericoloso.
Éminemment dangereux. (41)
Partout désormais, où qu'on regarde, le confort immédiat passe avant la survie. On peut même parler de disparition de l'instinct de survie. Car il s'agit rarement, chez ces gens qui saccagent, d'une mauvaiseté intrinsèque. Plutôt de quelque chose de nouveau et étrange, comme un désespoir informulé. (146)
D'un personnage tel qu'Ameline dans Les Balesta de Bosco, on se demande assez bêtement : a-t-elle pu exister ? (ces "yeux sans regard", etc.)
La question n'est peut-être si bête : Ameline est, dangereuse ô combien ! Mais elle n'existe pas. C'est pourquoi rien n'a prise sur elle. (113)
Cette cabane où nous vivons a décidément bien du charme. D'un côté quand on vient de la route, elle a l'air d'un chalet ; de l'autre, vue de la forêt, on dirait un wagon d'un train à l'arrêt. Elle est une escale, beaucoup plus qu'un enracinement.
Les gens de par ici - et d'autres terroirs aussi - massacrent les paysages à coups de remembrement, de déboisement, d'écobuages et d'épandages, mais parlez-leur d'éoliennes, les voilà tous reconvertis en défenseurs de l'environnement. (116)