Fin de partie à Roanne
La Loire détournée
Nous achevons notre périple roannais avec une visite des vieux quartiers, ceux qui autrefois étaient mariniers, avant que la Loire n'ait été repoussée loin de la ville. Détourner une rivière pour assurer la tranquillité des habitants, la chose n’est certes pas nouvelle et d’autres ont ainsi joué les maîtres du monde pour commander aux flots. Nous devinons que pour notre guide, il y a comme un crime de lèse Loire à l’avoir ainsi vidée de son passé tout autant que de son cours ancien.
Les promoteurs, quant à eux, ne sont pas si regardants quand ils affichent grands et ambitieux projets immobiliers sur le remblai qui fut autrefois le lit majeur. Le risque est important de bâtir sur du sable ou à défaut sur des terrains instables, toujours prompts à retrouver cette eau qui naturellement venait à eux. L’essentiel est de vendre fût-ce du vent et de taire ce qui risque un jour de revenir à la surface, le plus tard possible pour ne pas à avoir à en rendre compte.
Nous comprenons la colère de notre homme d’autant plus aisément qu’il y a du délit d’initié dans l’air avec des appartements de grand standing vendus à moitié prix durant les offres de lancement. Qui était au courant ? Mystère ! Maintenant les affiches annoncent à coups de panneaux rutilants, une cité nouvelle où il fera bon vivre avec vue sur la Loire et les pieds dans l’eau. La dernière formule étant soigneusement tue.
Nous poursuivons pour honorer l’heure de gloire des mariniers de Roanne qui en 1814 ont chassé les troupes d’occupation autrichienne. Fait d’armes oublié dans cette cité qui efface son passé pour s’endormir dans un présent morose où toutes les industries ont fermé boutique. Le passé n’a plus sa place quand il pointe du doigt la décadence et le manque d’espoir. Notre ligérien a la rage au cœur à constater ainsi l'inéluctable déclin de sa cité.
Le musée des beaux arts nous ouvre ses portes pour justement plonger dans ce passé qui était glorieux. L’archéologie atteste d’une activité ancienne, les vases et les amulettes, les urnes funéraires et les amphores sont des témoins silencieux qui ne touchent guère les citadins d’aujourd’hui. Le musée est ignoré des roannais, c’est du moins ce qu’on nous en dit. De belles collections de faïences aux décors révolutionnaires, des peintres locaux renommés un temps, des collections égyptiennes, rien de très mobilisateur pour les gens gavés désormais d’images de synthèse.
Nous en terminons avec un passage à la chapelle des mariniers. Vestige d’un temps révolu, patrimoine délaissé par une municipalité qui se fiche totalement de ce pan de l’histoire locale. Saint Nicolas veille encore sur un bâtiment fermé, en ruine à l’intérieur nous dit-on, qui sauve les apparences avec une plaque qui ne fait pas oublier les huis clos. Les abords du canal sont un vaste parking, il attend l’arrivée d’un cirque. Rien n’est fait pour mettre en valeur ce qui se meurt dans l’indifférence de tous.
Nous terminons cette visite avec l’étrange sentiment que l’esprit ligérien, celui que nous aimons à vanter tout au long de notre rivière, a abandonné les berges de l’endroit. Un barrage, la fin d’une épopée intense, le détournement du fleuve, la fin du fret commercial ont eu raison de ce qui fût et n’est plus. Le canal est un espace qui reçoit des maisons flottantes, rien de plus, circulez, il n’y a rien à voir.
Nous sommes bien loin de l’effervescence plus en aval, de cette volonté d’évoquer pour les touristes ce qui fut et que beaucoup s’évertuent à faire revivre. Ici, quelques irréductibles se battent contre vents et oublis pour conserver la flamme. Ils sont magnifiques de dévouement et désespérants d’impuissance. Nous les saluons, espérons simplement qu’ils trouveront enfin écho dans leur volonté d’éveiller les consciences. Merci en tout cas pour cette belle visite.
Nostalgiqement sien.
14 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON