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UNIVERSITE DE ROUEN UFR des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives Ecole doctorale : Savoirs, Critiques et Expertises Régulation des ligues sportives professionnelles : une approche géographique le cas du football européen (1975-2005) Thèse présentée et soutenue publiquement en vue de l’obtention du Doctorat nouveau régime ès Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. par Boris HELLEU Le 9 octobre 2007 JURY M. Michel BUSSI Professeur à l’Université de Rouen M. Michel DESBORDES Professeur à l’Université de Paris XI (rapporteur) M. Christophe DURAND Maître de Conférences (HDR) à l’Université de Caen Basse-Normandie (directeur de thèse) M. Alain LORET Professeur à l’Université de Rouen M. Jean PRAICHEUX Professeur à l’Université de Franche-Comté (rapporteur) M. Loïc RAVENEL Maître de Conférences à l’Université de Franche-Comté (co-directeur de thèse) UNIVERSITE DE ROUEN UFR des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives Ecole doctorale : Savoirs, Critiques et Expertises Régulation des ligues sportives professionnelles : une approche géographique le cas du football européen (1975-2005) Thèse présentée et soutenue publiquement en vue de l’obtention du Doctorat nouveau régime ès Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. par Boris HELLEU Le 9 octobre 2007 JURY M. Michel BUSSI Professeur à l’Université de Rouen M. Michel DESBORDES Professeur à l’Université de Paris XI (rapporteur) M. Christophe DURAND Maître de Conférences (HDR) à l’Université de Caen Basse-Normandie (directeur de thèse) M. Alain LORET Professeur à l’Université de Rouen M. Jean PRAICHEUX Professeur à l’Université de Franche-Comté (rapporteur) M. Loïc RAVENEL Maître de Conférences à l’Université de Franche-Comté (co-directeur de thèse) Remerciements Pendant plusieurs années, MM. Durand et Ravenel ont su attiser mon penchant pour la recherche universitaire et n’ont cessé de me soutenir, encouragé, conseillé du DEA à cette thèse. Je leur adresse donc mes plus sincères remerciements pour leur disponibilité sans faille et pour avoir accepté de diriger ce travail de recherche. Je remercie également les membres du Groupe Universitaire Normand en Economie Politique du Sport (GUNEPS), animé par MM. Alain Loret et Christophe Durand, toujours prompts à formuler des critiques avisées, à susciter des interrogations salvatrices et à faire en sorte que l’on s’extirpe du doute dans lequel le jeune chercheur se trouve bien souvent embrumé. Merci donc à M. Alain Loret, Nadine, Ludovic, Christopher, Pierre, Ludivine et Yann. Cette thèse n’aurait pu se réaliser sans l’implication de Didier Chollet, directeur du Centre d’Etude des Transformations des Activités Physiques et Sportives (CETAPS EA 3832). Je n’oublie pas ce que je lui dois et lui exprime ma plus grande gratitude. Je tiens également à faire part de ma reconnaissance à M. Thierry Saint-Gérand, directeur du laboratoire GEOgraphie des SYStèmes de COMmunication (GEOSYSCOM) qui a, sans hésitation, accepté de mettre à disposition les indispensables outils informatiques nécessaires à la réalisation de ce travail. La Région Haute-Normandie a largement contribué à cette thèse en m’octroyant une bourse de recherche durant trois années. Cela met sans conteste le doctorant dans une situation idéale. J’adresse ainsi mes remerciements au service Recherche et Technologie de la Région. J’exprime toute ma sympathie à Chantal Charron et Nicolas pour leur disponibilité et leur œil aiguisé. Ces quatre années entre Rouen et Caen n’ont pas été sans rencontres enrichissantes avec mes pairs doctorants. Merci à eux pour l’esprit de solidarité. Plusieurs amis ont apporté leur contribution par leur relecture, leur soutien et leur intérêt. Les camarades de l’ASD, du SMC, d’ici et d’ailleurs se reconnaîtront. Enfin, j’exprime toute mon affection à ma famille et mes proches pour leur patience et leurs encouragements : on commence par soutenir un doctorant et on finit par devoir le supporter. « Au football, tout est compliqué par la présence de l’équipe adverse. » Jean-Paul Sartre – Critique de la raison dialectique (1960) « Pour que le football soit grand, il a fallu qu’il y ait des grands clubs avec chacun un public, une image, un maillot, un style de jeu, un espoir, une histoire, un palmarès…Mais aussi un territoire. » Vincent Duluc – Football. Quel est le plus grand club du monde ? (1999) Sommaire Chapitre liminaire : le constat, la question, les enjeux, le cadre de la recherche................. 10 Partie 1 Théorie de la ligue sportive professionnelle ........................................................ 31 Chapitre I Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? ........................... 32 Chapitre II Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible ..................................................................................................................... 69 Partie 2 Sport professionnel et potentiel local ................................................................. 105 Chapitre III Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique......................................................................................................................... 106 Chapitre IV Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les données............. 151 Partie 3 Présence et performance des villes dans le football européen (1975-2005)..... 191 Chapitre V Présence et performance dans les championnats nationaux............................ 192 Chapitre VI Présence et performance dans les Coupes d’Europe ...................................... 222 Partie 4 Discussion : une (r)évolution silencieuse .......................................................... 243 Chapitre VII Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? ...................................... 245 Chapitre VIII Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! ............................. 262 Conclusion et perspectives................................................................................................ 281 Bibliographie ....................................................................................................................................... 288 Annexes ............................................................................................................................................... 303 Table des cartes.................................................................................................................................... 354 Table des tableaux ............................................................................................................................... 355 Table des figures.................................................................................................................................. 357 Table des annexes ................................................................................................................................ 359 Table des matières ............................................................................................................................... 360 Chapitre liminaire Chapitre liminaire : le constat, la question, les enjeux, le cadre de la recherche I Propos introductif : une analyse du football professionnel européen « Colonna : - Ton joueur, c’est pas pour rien qu’il est là, il a du talent, tout le monde le sait. Ok. Seulement dans le football, le talent ça suffit pas c’est le minimum. Alors fais-moi confiance, j’ai ma méthode. […] J’lui trouve un club bien familial, où il va pouvoir pousser tranquillou, à l’air libre, sans pression, apprendre son boulot... : Gueugnon. Manu : - Gueugnon? Colonna : - Ouais, Gueugnon ouais ! Manu : - Gueugnon… Gueugnon? GUEUGNON?! » « Trois zéros » (2002), film de Fabien Onteniente La place des villes dans un football européen en mutation A l’instar d’autres petites villes françaises (Guingamp, Auxerre, Ajaccio, Sedan, Châteauroux…), Gueugnon s’est installée durablement dans le haut niveau du football français. Un article paru dans footpro magazine (le mensuel de la Ligue de Football Professionnel) décrit le club de Saône et Loire comme la « forteresse rurale du football professionnel ». On peut y lire : « trente-six ans que ça dure. […] Gueugnon perpétue chaque année le miracle de se maintenir dans l’élite du football français1. » Loin d’être une spécificité française, on identifie dans de nombreux championnats européens, des petites villes dotées de clubs apparaissant plus ou moins régulièrement au plus haut niveau national et parfois même continental : l’Excelsior Mouscron en Belgique, 1 Belaygue, J. (octobre 2005). Gueugnon se forge un nouvel avenir. footpro magazine, p. 13. 10/368 Chapitre liminaire l’Herfølge BK au Danemark, le Motherwell FC en Ecosse, le Skoda Xanthis en Grèce, l’ Empoli FC en Italie, le Roda JC Kerkrade aux Pays-Bas, le Gil Vicente FC au Portugal, le FK Bodø-Glimt en Norvège, le FC Thun en Suisse etc. La présence de ces clubs au plus haut niveau est rendue possible du fait du modèle sportif européen : un bon classement implique une promotion, un mauvais provoque une relégation. Dès lors, même si sur le long terme les plus grands clubs des plus grandes villes dominent le football européen, le critère d’accès sportif peut permettre à de petites villes de s’immiscer dans l’élite. Roger Noll pousse même la logique du système à son paroxysme en expliquant qu’un investisseur motivé pouvait très bien créer une équipe qui débuterait au bas de la hiérarchie sportive (Noll, 2002). Promotion après promotion, il lui faudrait plus d’une décennie pour mener son équipe dans l’élite du football national. Dans son principe, le modèle d’organisation du sport en Europe permet donc à de petites villes d’exister au sommet de la hiérarchie. Lors du congrès de Budapest en mars 2003, l’Union européenne de Football Association (UEFA), l’instance organisatrice du football européen, publie une résolution dont le troisième point stipule : « Le football est synonyme d’équité, d’opportunité, de passion et de diversité. Ce n’est pas un sport fermé, auquel seuls les riches et les puissants peuvent participer. L’UEFA ne tolérera pas une structure ou un système où les petits clubs, les petites associations et leurs supporters n’ont aucune chance de réaliser leurs rêves. Cela n’est pas compatible avec les idéaux de l’UEFA, de l’Europe et du football2. » Il s’agit là d’un point crucial puisque dès l’année suivante, à l’occasion d’une table ronde UEFA/Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges (CDES), des inquiétudes sont exprimées sur « les opportunités qu’ont les petits clubs et pays de prendre part à une compétition telle que l’UEFA Champions League […] et le besoin de maintenir l’équilibre crucial entre les critères sportifs et les réalités économiques et commerciales3. » Que signifient au juste ces inquiétudes de voir une éviction des plus petits clubs ou l’émergence d’un « sport fermé » ? Il s’agit ici d’une référence explicite au système nordaméricain dans lequel les ligues sont constituées sur des critères économiques. L’accès à ces réseaux fermés est soumis à la taille du marché d’une ville. Or, l’idée d’une « américanisation » des compétitions européennes est régulièrement avancée et requiert l’attention de nombreux chercheurs et des instances politiques (Arnaut, 2006; Bourg, 2004; Durand, Ravenel, & Bayle, 2005; Fonteneau, 2006; Fort, 2000; Lavoie, 2004; Noll, 1999; Solberg & Gratton, 2004). Dans un contexte de croissance des enjeux commerciaux liés au sport-spectacle, la cohabitation entre « petits » et « gros » sous réserve d’une politique de solidarité semble de plus en plus difficile à maintenir. C’est là un point central de l’économie du sport. Selon Vrooman, « l’économie du sport professionnel a toujours été préoccupée par la double proposition qu’une équipe localisée dans un vaste marché dominera une équipe d’un petit marché, et qu’aucune contrainte institutionnelle n’y pourra rien changer » (Vrooman, 2000, pp. 367-368)4. Tout semble donc se passer comme si grands et petits ne pouvant plus cohabiter, il était alors nécessaire de les séparer, les uns rejoignant « la cour des grands », les autres jouant ensemble « dans la cour des petits ». L’aboutissement de ce processus serait une scission où les plus grands clubs européens s’organiseraient en une ligue fermée. Cela semble si inévitable pour l’économiste du sport 2 Chaplin, M. (24 mars 2006). L’UEFA reste ferme sur le football. uefa.com. L’UEFA aide les anciens pros. (Vendredi 16 février 2007). uefa.com. 4 Toutes les citations d’articles et d’ouvrages en langue anglaise ont été traduites par nos soins. 3 11/368 Chapitre liminaire Stefan Szymanski qu’il affirme : « la seule question est de savoir si on va vers une Superligue dans le cadre fixé par l’UEFA, ou si les clubs décident de créer leur propre structure. C’est une question économique et politique. Cela dit, une évolution vers une compétition continentale plus concentrée est inévitable, où les grands clubs joueront plus de matches européens et moins de matches nationaux5. » Le sujet de cette thèse consiste à fournir une lecture géographique de ce processus d’américanisation. Nous pensons en effet qu’il a une inscription spatiale et qu’ainsi l’accroissement de comportements individualistes, en l’absence d’outils de régulation, doit aboutir à un phénomène de renforcement de la position dominante des plus grandes villes. Nous soulevons alors une question porteuse d’enjeux : celle de l’avenir du modèle sportif européen tiraillé entre les réalités commerciales et une éthique égalitaire. Alors même que la sphère politique peine à définir une spécificité du sport, le débat pourrait être tranché par la force de marché, au sens économique comme au sens géographique6. Un regard de géographe sur un objet d’économiste La volonté de ce travail de recherche ne réside pas tant dans l’apport de connaissances nouvelles que dans la construction d’un regard croisé sur un objet, démarche qui en soi constitue une connaissance. Pourtant, cette volonté n’est pas une fin mais un moyen. Elle prend naissance dans le désir d’aborder en géographe un objet traité par des économistes. Mais rapidement il apparaît que s’en tenir à cette stricte volonté reviendrait à favoriser un cloisonnement peu favorable à l’enrichissement de l’objet. Il s’agirait en effet de remplacer une approche monodisciplinaire par une nouvelle approche monodisciplinaire. Il est donc nécessaire d’opérer un dépassement où la géographie et les sciences économiques, loin de s’exclure, seraient complémentaires. Ainsi, si cette thèse consiste bien en une approche géographique d’une thématique économique, il s’agit de plus que cela. Plus largement, il s’agit d’un essai de démarche transversale. A titre d’illustration, Edgar Morin affirme que la transdisciplinarité est nécessaire pour le renouvellement des connaissances. Selon lui, « nous savons que le mode de pensée ou de connaissance parcellaire, compartimenté, monodisciplinaire, quantificateur nous conduit à une intelligence aveugle, dans la mesure même où l’aptitude humaine normale à relier les connaissances s’y trouve sacrifiée au profit de l’aptitude non moins normale à séparer. Car connaître, c’est, dans une boucle ininterrompue, séparer pour analyser, et relier pour synthétiser ou complexifier. La prévalence disciplinaire, séparatrice, nous fait perdre l’aptitude à relier, l’aptitude à contextualiser, c’est-à-dire à situer une information ou un savoir dans son contexte naturel » (Morin, 1997). Il s’agirait alors de dépasser une approche strictement monodisciplinaire et enrichir l’objet par une confrontation de points de vue. Il convient de définir ce que pourrait être une approche favorisant des regards croisés, autrement dit, quel pourrait être le lien entre 5 d’Armagnac, B. (7 mars 2006). "Nous passons à une logique continentale" - Entretien avec Stefan Szymanski. Le Monde. 6 Sont ici convoqués des éléments qui seront développés au cours de ce travail de recherche. Plus précisement, le terme « régulation » est défini à la page 64 et sera amplement abordé dans le chapitre « Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible » à la page 69. Le terme « américanisation » fait également l’objet d’un développement particulier : « Vers une américanisation du sport professionnel européen ? » à la page 135. 12/368 Chapitre liminaire différentes disciplines ? Basarab Nicolescu identifie trois options qu’il définit ainsi (Nicolescu, 1996): - La pluridisciplinarité concerne l’étude d’un objet d’une seule et même discipline par plusieurs disciplines à la fois. L’objet sortira ainsi enrichi du croisement de plusieurs disciplines. La connaissance de l’objet dans sa propre discipline est approfondie par un apport pluridisciplinaire fécond. Autrement dit, la démarche pluridisciplinaire déborde les disciplines mais sa finalité reste inscrite dans le cadre de la recherche disciplinaire. - L’interdisciplinarité a une ambition différente de celle de la pluridisciplinarité. Elle concerne le transfert des méthodes d’une discipline à l’autre. - La transdisciplinarité concerne, comme le préfixe « trans » l’indique, ce qui est à la fois entre les disciplines, à travers les différentes disciplines et au delà de toute discipline. Sa finalité est la compréhension du monde présent, dont un des impératifs est l’unité de la connaissance. Notre approche ne relève pas de l’interdisciplinarité. En effet, il ne s’agit pas de se définir comme économiste et d’importer des méthodes de géographes comme la cartographie par exemple. Elle ne relève pas non plus de la transdisciplinarité. Celle-ci reste toutefois la plus prometteuse mais comporte des contraintes épistémologiques que nous ne sommes pas prêts à surmonter. Considérons la comme une ambition pour l’avenir. Notre approche est donc pluridisciplinaire. Elle se réalise par la construction d’un cadre théorique ou la confrontation de la géographie et de l’économie détermine différents champs d’investigations. II Le cadre général de la recherche A - Problématique La problématique de ce travail de recherche prend naissance dans le constat suivant : on observe en Europe depuis une vingtaine d’années une tendance à l’américanisation du modèle sportif européen. Le concept d’américanisation ne traduit pas une volonté d’importer le modèle des ligues fermées. Il s’agit plutôt pour quelques clubs de football d’adopter de nouveaux objectifs tels qu’ils existent aux Etats-Unis : la motivation n’est plus seulement sportive mais aussi financière pour le dirigeant devenu investisseur. Or, la réalisation de ce désir de profits est soumise de l’autre côté de l’Atlantique à une organisation particulière dans laquelle le critère de la taille du marché est la clé de voûte du système. L’un des pionniers du management stratégique, Alfred Chandler, synthétise sa théorie dans l’aphorisme suivant : « structure follows strategy » (Chandler, 1962). Ainsi, le modèle d’organisation d’une firme découle de ses objectifs. Dès lors, la taille du marché des clubs serait appelée à devenir un critère essentiel de l’organisation du modèle sportif européen. La question principale peut être énoncée ainsi : en quoi l’américanisation du sport européen affecte-t-elle la géographie des ligues sportives professionnelles ? Il faut toutefois garder à l’esprit que si ce processus d’américanisation existe, il se réalise sans 13/368 Chapitre liminaire adoption des outils de régulation nécessaires au bon fonctionnement des ligues fermées. Dès lors, la taille du marché deviendrait un critère de segmentation sportive. La problématique peut ainsi être étendue aux questions suivantes : en quoi la taille du marché des clubs explique t-elle leur performance ? Assiste t-on à l’émergence d’une Europe du football à plusieurs vitesses ? Si ces éléments venaient à se confirmer, ils ne seraient pas sans conséquence sur les choix politiques à adopter. Quels pourraient être ces derniers? En d’autres termes, l’organisation du football, sport de coopération/compétition qui se pratique avec les jambes7, met-elle les équipes sur un pied d’égalité ? Ces questionnements peuvent apparaître au premier abord simplistes et ne revêtir que peu d’intérêt tant il paraît évident que la force et le nombre sont un couple indissociable. Après tout, Napoléon ne prévoyait-il pas en son temps que la Chine serait nécessairement amenée à dominer la planète ? Ainsi, Michael N. Danielson estime que « bigger is better » (Danielson, 2001, p. 37) : on saisit bien en effet que la taille du marché parisien dans l’optique de rencontrer du public, des sponsors et des médias, puis de convertir ces ressources en succès sportif, est plus pertinent que celui de Gueugnon8. Pour détourner la célèbre réplique de Staline, afin de connaître la puissance sportive d’un club, il suffirait alors de demander : « Gueugnon ? Combien d’habitants ? » Mais, l’objet même de toute recherche scientifique est d’aller au-delà de l’évidence, des pré-requis ou de l’opinion. Il est certes légitime de penser que les clubs situés dans les grandes villes sont amenés à dominer le championnat. Mais il s’agit d’une connaissance usuelle et ordinaire dictée par l’intuition et, pour reprendre Gaston Bachelard : « La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort ; s’il lui arrive de la légitimer sur un point particulier, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion. L’opinion pense mal : elle pense pas : elle traduit un besoin en connaissance » (Bachelard, 1999, p. 14). La nécessité d’entreprendre une telle démarche sur le cas européen se justifie dans la mesure où ce questionnement ne fait l’objet d’investigations que depuis peu. Nous voyons plusieurs explications à ce manque d’intérêt. Aux Etats-Unis, cette question ne se pose pas. Le « demographic criteria » est une évidence. Nous le verrons, le modèle d’organisation du sport assure l’homogénéité de son système en localisant des franchises dans les plus grandes villes. Il persiste toutefois encore des écarts en termes de taille du marché que l’on tente de gommer par la mise en place d’outils de régulation même si ces derniers sont plus ou moins souples selon les ligues. En Europe, l’émergence du sport professionnel ne s’est pas faite, comme aux Etats-Unis, par une prise en compte de la dimension stratégique du marché. Pendant longtemps, il n’était pas rédhibitoire pour une équipe d’être localisée dans un petit marché. Toutefois, dans un contexte de mise à mal des politiques de solidarité inter-clubs, le nouvel étalonnement des forces en présence pourrait s’effectuer sur la base de la taille du marché des clubs. 7 A l’exception notable du gardien de but. A ce sujet, voir l’ouvrage de Xavier de La Porte (2006). Rappelons toutefois qu’en 2000, Gueugnon qui évoluait en L2, a battu le Paris SG par 2 à 0 en finale de la Coupe de la Ligue. 8 14/368 Chapitre liminaire B - Hypothèses 1. La présence et la performance des villes La problématique énonce que la dérégulation de l’activité ainsi que la modification des objectifs de propriétaires de clubs doivent avoir une inscription spatiale. Plus précisément, dans un contexte de recul de la solidarité, nous devrions observer une tendance à la concentration au bénéfice de grandes villes. Pour le dire autrement, ces dernières verraient se renforcer leur position dominante tandis que les plus petites villes seraient évincées du secteur. Il est donc nécessaire de formuler des hypothèses rendant opérationnelle cette problématique. Pour ce faire, il convient d’expliciter les formes qu’est susceptible de prendre le phénomène de concentration. Le credo olympien « l’important n’est pas de gagner mais de participer » révèle que toutes confrontations sportives s’articulent autour de deux actions : apparaître dans une compétition (ou non) et y être performant (ou non). Nous distinguons donc ici deux formes d’existence au sein d’un championnat de football : y être présent, y être performant. Si la distinction semble futile en premier examen, elle n’en demeure pas moins fondamentale. Nous le verrons, la grande majorité des recherches en économie du sport professionnel concerne pour l’essentiel le sport nord-américain. Or, ce dernier étant organisé en ligue fermée, la question de l’apparition d’une ville dans une compétition ne se pose pas. Puisqu’ un mauvais classement n’est pas sanctionné par une relégation, les investigations académiques se concentrent sur les déterminants de la performance sportive. En d’autres termes, qu’est-ce qui fait qu’une ville est pourvoyeuse ou non de succès sportif ? Ce cheminement ne saurait s’appliquer pour les ligues ouvertes européennes où la présence d’une ville au sein d’un championnat n’est pas assurée. Le système de promotion/relégation en vigueur à l’échelle nationale ou de qualification pour accéder à l’échelle continentale repose sur des critères sportifs. En soi, apparaître à un certain niveau de compétition est déjà une réussite. Ce n’est que depuis peu que des recherches s’attachent à aborder cette spécificité du système européen. A titre d’illustration, nous avons montré qu’une analyse démographique des flux engendrés par le système de promotion/relégation constituait une forme de compréhension de l’incertitude des championnats sur le long terme (Helleu & Durand, 2005). C’est pourquoi la réussite d’une ville est appréhendée selon ces deux variables : - la performance sportive, envisagée comme la capacité d’une ville à fournir ou non un succès sportif ; - la présence, envisagée comme la capacité d’une ville à apparaître ou non à un niveau de compétition donné. Ces deux variables sont analysées successivement à deux échelles : nationale et continentale. Cette option se justifie pour deux raisons. En premier lieu, combiner les échelles d’analyse relève de la méthode géographique : les modalités de compréhension de l’espace varient conformément au choix de l’échelle. Pour le dire simplement avec Jacques Scheibling « le changement d’échelle révèle un autre ordre de grandeur d’un même phénomène » (Scheibling, 1994, p. 148). Un changement d’échelle opère une modification 15/368 Chapitre liminaire de la représentation graphique du phénomène étudiée et en révèle des structures différentes. Si cette opération n’est pas propre au géographe - les économistes ne travaillent-ils pas à des échelons micro, méso et macro ? - elle témoigne d’un certain « esprit géographique », c’est-à-dire une sensibilité à la dimension territoriale des choses ainsi qu’à leur compréhension 9 . En second lieu, cette distinction est nécessaire car le football professionnel se pratique lui-même à plusieurs échelles. Hoehn et Szymanski estiment que le système sportif pyramidal européen n’est pas viable parce qu’il combine niveau national et niveau européen (Hoehn & Szymanski, 1999). L’accès au second dépend de la réussite sportive au premier. Pour ces auteurs, accéder régulièrement au niveau européen ne peut se faire qu’au détriment d’une domination périlleuse de son championnat national. Il paraît donc intéressant d’analyser les modalités de passage d’un niveau à l’autre. Ces précisions étant faites, ainsi pouvons-nous formuler les hypothèses suivantes (figure 1). Hypothèse 1 : le processus de déréglementation à l’œuvre depuis 30 ans dans le football européen aboutit à un renforcement de la présence des plus grandes villes dans les championnats nationaux. Hypothèse 2 : le processus de déréglementation à l’œuvre depuis 30 ans dans le football européen aboutit à une concentration de la performance sportive des plus grandes villes dans les championnats nationaux. Hypothèse 3 : le processus de déréglementation à l’œuvre depuis 30 ans dans le football européen aboutit à un renforcement de la présence des plus grandes villes dans les Coupes d’Europe. Hypothèse 4 : le processus de déréglementation à l’œuvre depuis 30 ans dans le football européen aboutit à une concentration de la performance sportive des plus grandes villes dans les Coupes d’Europe. Figure 1 - Les quatre hypothèses de recherche 9 Voir la définition de l’ “esprit géographique” dans (Brunet, Ferras, & Thery, 1993, p. 196). 16/368 Chapitre liminaire 2. Modalités de validation des hypothèses Les hypothèses ainsi formulées de façon quelque peu « rigide » feront pourtant l’objet de tests plus « souples ». Afin de comprendre cette option méthodologique, il est nécessaire d’expliquer la méthode de validation ou de réfutation des hypothèses et ainsi de s’interroger sur les données elles-mêmes. Si celles-ci feront l’objet d’une présentation détaillée, nous pouvons d’ores et déjà expliciter sur quel fondement méthodologique repose leur exploitation. Il s’agit en effet de montrer dans quelle mesure la portée de la glorieuse incertitude du sport est limitée par le potentiel local des clubs. Dès lors, il ne s’agit pas tant d’énoncer un théorème selon lequel au-delà d’un certain seuil de population la victoire est assurée que de dégager des structures et des tendances utiles à la compréhension. En ce sens, le recours à l’analyse exploratoire des données (AED) pensée par John Wilder Tukey (Tukey, 1977) semble justifiée. Cette méthode s’oppose, ou du moins est complémentaire, de la démarche classique basée sur la statistique confirmatoire. Dans cette dernière, à l’énoncé d’hypothèses succède un recueil de données dont le traitement déterminera si les hypothèses sont statistiquement significatives. La démarche exploratoire part d’une réflexion critique sur les données recueillies. Pour reprendre Ravenel citant Hartwig et Dearing, « quand l’analyse classique pose la question “ les données confirment-elles l’hypothèse d’une relation entre la variable X et Y ?”, l’analyse exploratoire propose “ Que me disent ces données à propos de la relation entre X et Y ? ” » (Ravenel, 1997, p. 17). L’AED, facilitée par les progrès informatiques, favorise les représentations graphiques. La carte, outil de prédilection du géographe, étant elle-même une représentation graphique, se construit par exploitation d’une base de données. Dès lors, le rapprochement entre AED et représentations cartographiques de données peut se révéler fécond (Banos, 2001). Notre traitement cartographique des données s’effectue par l’utilisation du logiciel libre de droit Philcarto développé par Philippe Waniez 10 . Il propose un module consacré à la cartographie exploratoire dont l’utilisation permet de dégager des logiques spatiales. C’est donc par la construction de cartes et par le recours à des statistiques descriptives que nous testerons la validité des hypothèses. Certes, la démarche exploratoire est plus intuitive et subjective mais elle n’en demeure pas moins robuste. Cette option méthodologique est de plus une nécessité. En effet, nous avons exprimé le désir de nous inscrire dans une démarche pluridisciplinaire en abordant une thématique jusqu’à présent investie par des économistes. Mais favoriser le regard géographique implique d’en adopter les outils, combien même ces derniers seraient plus souples que les tests économétriques. 10 Le logiciel et des fonds de cartes sont accessibles sur le site de Philippe Waniez : http://philgeo.club.fr/Index.html. Toutes les cartes de cette thèse ayant nécessité l’utilisation de Philcarto comportent la mention « Réalisé avec Philcarto : http://perso.club-internet.fr/philgeo ». 17/368 Chapitre liminaire C - La nécessité d’une approche pluridisciplinaire Traiter les hypothèses énoncées plus haut nécessite de définir l’angle d’analyse. Selon Christian Pociello, le sport est un objet complexe qui requiert un multi-éclairage théorique pour en distinguer toutes ses facettes (Pociello, 1999, p. 2). Il peut en aller de même pour la ligue sportive professionnelle si l’on considère que le fait d’emprunter d’autres chemins en convoquant d’autres disciplines contribue à l’enrichissement de l’objet. Ce multiéclairage est d’autant plus nécessaire qu’il ne s’agit pas seulement d’aborder la ligue sportive professionnelle mais plutôt de l’envisager dans sa dimension spatiale. Enoncé ainsi, l’objet montre une certaine complexité quant à la posture qu’il convient d’adopter. En effet, la ligue sportive professionnelle est investie presque exclusivement par des économistes alors que révéler les enjeux spatiaux d’un phénomène est l’apanage des géographes. Il existe bien entendu des zones de confluence entre économistes et géographes, mais dans le domaine du sport une telle démarche est encore balbutiante. Comment opérer une relation entre les deux approches ? La théorie de la ligue professionnelle consacre une importance capitale à la localisation d’une équipe professionnelle. Cette dimension est largement abordée dans la littérature économique en recourant au concept de « marché » (Alexander & Kern, 2004; Branvold, Pan, & Gabert, 1997; Burger & Walters, 2003; Egon, 2003; Martens, 1994). Ce dernier est fortement connoté « sciences économiques » dans la mesure où il définit la rencontre d’une offre et d’une demande. Il s’agit alors d’étendre ce concept à son inscription spatiale en l’envisageant sous l’aspect d’une zone de chalandise. Avec l’approche géographique, on étend le domaine de réflexion à l’endroit où une offre rencontre une demande (figure 2). Figure 2 - Approches économique et géographique du marché Opérer ce lien semble d’autant plus intéressant qu’il est recommandé par des spécialistes du domaine investi. En conclusion de l’ouvrage Economie du sport publié en 2001, JeanFrançois Bourg et Jean-Jacques Gouguet énoncent des pistes de réflexion sur l’avenir de la recherche économique sur le sport. Selon ces auteurs, l’analyse du sport-spectacle reste à faire « avec les instruments qui existent dans la boîte à outils de la science économique. » En particulier, le choix d’un modèle européen du sport devrait « être précédé d’études plus systématiques des modes de fonctionnement comparés. » Enfin, les auteurs en appellent « à une véritable économie politique élargie du sport » dans la mesure où « l’analyse 18/368 Chapitre liminaire économique traditionnelle n’est plus suffisante pour rendre compte correctement de la complexité de l’intégration du sport dans le marché avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur un plan social, culturel et politique » (Bourg & Gouguet, 2001, p. 116). Notre positionnement épistémologique relève de ce constat. Il s’agit de s’inscrire dans une politique économique du sport élargie à la géographie. Il ne convient pas pour autant d’emprunter tour à tour des concepts à l’une puis à l’autre discipline. En effet, une réflexion épistémologique sur la façon dont la géographie et l’économie ont traité de l’objet « sport » révèle une grande variété d’approches pouvant constituer des apories. Surmonter ces difficultés s’envisage dans le cadre d’une investigation pluridisciplinaire propre à la filière des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). La figure 3 détaille la variété des approches en géographie et économie du sport. L’axe de la géographie oscille entre une approche sociale et culturelle et une approche économique et régionale. L’axe de l’économie du sport est borné par la mainstream sports econ’ (l’économie dominante du sport) et l’économie politique du sport. Ces quatre points ont tous en commun d’investir l’objet « sport » mais, au-delà des disciplines auxquelles ils se rapportent, ils se distinguent selon les paradigmes adoptés, les méthodologies employées et les thématiques cernées. Ces distinctions ne sont pas pour autant de réelles ruptures de sorte qu’il existe des passerelles. Les seuils intra-disciplinaires sont des positions intermédiaires au sein d’un axe. L’économie transatlantique du sport est donc le point de convergence pour l’axe « économie ». Son pendant est l’analyse spatiale du sport pour l’axe « géographie ». Les seuils inter-disciplinaires marquent les domaines d’investigation communs aux deux disciplines. Sur un premier axe vertical, le géomarketing est un pont entre la mainstream sports econ’ et la géographie économique et régionale. A son opposé, on identifie l’aménagement du territoire et l’économie publique comme domaine de recherche à mi-chemin entre l’économie politique et la géographie sociale et culturelle. Figure 3 - La diversité des approches en géographie et économie du sport 19/368 Chapitre liminaire 1. L’axe « économie » et l’axe « géographie » a) Les origines de la géographie du sport La géographie du sport, à l’image de l’économie du sport, ne s’est développée que récemment. Pourtant, de façon tout à fait anecdotique, nous pouvons signaler les descriptions d’illustres prédécesseurs. L’explorateur et cartographe français Samuel de Champlain en étudiant les us et coutumes des Algonquins, Hurons et Iroquois entre 1615 et 1618 consacre quelques pages enthousiastes aux jeux et divertissements des Indiens. Plus tard, Elisée Reclus présente le cricket anglais dans sa Géographie Universelle. Néanmoins, les premières véritables analyses géographiques du sport sont le fait d’Anglo-Saxons. L’article précurseur est attribué à l’Américain John Rooney de l’Université d’Oklahoma. En 1969, il analyse l’origine géographique des joueurs universitaires de football (américain) (Rooney, 1969). Il publie cinq ans plus tard le premier atlas géographique du sport américain (Rooney, 1974). On reproche à Rooney ses analyses essentiellement descriptives mais il a le mérite d’avoir exploré le premier les implications géographiques du sport et d’avoir de cette manière ouvert la porte à de nombreuses analyses à venir. Il fonde Sport Place : an International Journal of Sports Geography, la seule revue exclusivement dévouée à la géographie du sport disparue récemment faute d’articles soumis11. Dans les années 1980 l’Anglais John Bale, par la quantité et la qualité de ses travaux, se présente comme une référence de la géographie du sport. Enseignant à l’Université de Keele, il trouve dans les écrits de Rooney un moyen ludique d’enseigner les concepts géographiques à ses étudiants. Il se détachera des approches descriptives pour introduire des problématiques sociales et culturelles. On lui doit également le concept des lieux sportifs, un dérivé du modèle des places centrales de Christaller. b) D’une géographie sociale du sport qui se pratique… Dans ce contexte, le parcours des géographes français est singulier. L’émergence de la géographie du sport en France fut tardive, bien que Jean Praicheux évoque divers facteurs qui auraient pu légitimer un développement plus rapide de ce type d’approche (Praicheux, 1993). Premièrement, le sport s’inscrit dans l’espace par ses lieux de pratiques et la façon dont il aménage le territoire. Ensuite, le sport est reconnu pour être un phénomène social, culturel, économique et politique majeur. Enfin, la rareté des productions scientifiques disponibles sur ce type d’approche aurait pu favoriser plus tôt une géographie du sport. Cette dernière en France s’est développée autour de deux pôles : l’un à Bordeaux autour de Jean-Pierre Augustin, l’autre à Besançon autour de Jean Praicheux et Daniel Mathieu. Les premières analyses géographiques peuvent être considérées comme des approches complémentaires de la sociologie du sport de Christian Pociello. Jean Praicheux justifie que « l’orientation vers les analyses des pratiques a été confortée par les travaux des sociologues du sport. Ils nous offraient, sous une optique différente de la notre, un système cohérent, partiellement transposable au plan spatial » (Praicheux, 1993, p. 3). Cette orientation, en favorisant l’étude des pratiques aux échelles locales, constitue ainsi le point cardinal « géographie sociale et culturelle du sport ». 11 Le site de la revue est encore en ligne avec la possibilité de consulter les sommaires des numéros : http://www.geog.okstate.edu/users/sprtplac/sprtplac.htm 20/368 Chapitre liminaire c) … A une géographie quantitative du sport qui se regarde Loïc Ravenel note que « cette forme de dérive sociologique dans l’appréhension de la géographie du sport a été bénéfique, mais aussi réductrice. Bénéfique car elle a introduit des logiques spatiales dans un discours essentiellement sociologique » (Ravenel, 1998b, p. 16), mais réductrice car si l’on considère que la géographie du sport est ancrée dans la géographie humaine, une multitude d’approches et d’objets étaient envisageables, tels que la géographie économique et le sport professionnel par exemple. Alors, si Pierre Bourdieu constate que la sociologie du sport a souffert d’une double domination, celle des sportifs et celle des sociologues (Bourdieu, 1987), la géographie du sport a quant à elle souffert d’une triple domination, celle des sportifs, celle des géographes et celle… des sociologues. La géographie du sport a donc longtemps été considérée comme une socio-géographie. La thèse de Loïc Ravenel (1997) marque un tournant puisqu’il se penche le premier sur le lien sport professionnel/trame urbaine, ce qui lui vaut d’ailleurs les louanges de John Bale qui considère que c’est « ce qui s’est fait de mieux actuellement dans les travaux de recherches, alliant sport et territorialité » (Bale, 1999, p. 371). Cet élargissement du domaine d’investigation de la géographie du sport constitue le seuil intermédiaire de « l’analyse spatiale du sport ». La géographie économique et régionale du sport est à la géographie sociale ce que la Mainstream Sports Econ’ est à l’économie politique du sport. L’approche est plus quantitative et s’applique essentiellement au sport professionnel. La géographie économique cherche à comprendre la localisation des activités économiques. Dès lors que la dimension économique des équipes professionnelles semblait de plus en plus marquée, il devenait logique de chercher à percer le lien entre un club et son marché. En Europe, Trudo Dejonghe a ainsi étudié le football professionnel belge (Dejonghe, 2001). Il a construit un modèle de localisation des clubs s’attachant aux théories des précurseurs de la géographie économique. d) L’économie politique du sport Lors du de la 8ème conférence de l’International Associations of Sports Economists à Bochum en mai 2006, l’un des thèmes proposés est d’engager une réflexion épistémologique sur les nouvelles perspectives en économie du sport (New Perspectives in Sports Economics). Alors que Robert Baade développe le point de vue nord-américain, Wladimir Andreff aborde le point de vue européen. La description de l’axe « économie » emprunte largement au diagnostic établi par Wladimir Andreff sur le devenir de l’économie du sport (Andreff, 2006). Wladimir Andreff pointe d’entrée les clivages originels ayant orienté l’économie du sport sur des voies divergentes de part et d’autre de l’Atlantique. Ces derniers naissent d’une conception différente du sport. En Amérique du Nord, le sport existe essentiellement dans sa dimension professionnelle et spectaculaire soutenue par la sphère privée. En Europe, les valeurs coubertiniennes ont favorisé une appréhension du sport comme un bien public engageant un soutien de l’Etat. De ces deux conceptions émergent deux approches aux ancrages paradigmatiques distincts (tableau 1). En Europe et plus particulièrement en France, l’économie du sport s’est construite en collaboration avec d’autres sciences sociales telle que la sociologie. Alors que le sport professionnel n’avait pas encore connu l’essor économico-médiatique qu’on lui connaît aujourd’hui, les programmes de recherches s’orientaient essentiellement vers le 21/368 Chapitre liminaire subventionnement du sport amateur. Peu soucieux de sport professionnel et d’argent, les économistes européens du sport visaient ainsi à satisfaire une demande sociale (mouvement sportif et collectivités locales) orientant l’économie du sport vers un paradigme hétérodoxe qui laisse une large place aux théories de la régulation et aux approches post-keynésiennes et marxistes. Trouvant un relais en France par la création du Centre de Droit et d’Economie du Sport, cette démarche opposée à la Mainstream Economy se concrétise sous le label d’économie politique du sport. Tableau 1 - Les approches américaine et européenne en économie du sport des années 1960 au milieu des années 1990 selon Andreff Economie du sport américaine Sport d’élite et professionnel à financement privé, sport de Contexte factuel dominant collège et universitaire, sport commercial Principaux problèmes à analyser Législation anti-trust, marché du travail des sportifs professionnels, discrimination raciale et revenus des sportifs, recherche de gains financiers dans l’industrie du sport A l'origine de l'économie Droit des affaires, microéconomie standard du sport Economie du sport européenne Sport de masse, amateur, gratuit ou à prix subventionnés, sous-développement des sports professionnels Taux de pratique sportive, financement public du sport amateur et pro, comptabilité et gouvernance d’associations à but non lucratif, commercialisation du sport Sociologie, économie institutionnelle, comptabilité, sciences de la gestion Paradigme dominant Théorie néo-classique standard Economie politique, théories hétérodoxes Méthodologie Principalement quantitative: modélisation microéconomique, économétrie, base de données, étude sur des échantillons d’enquête Principalement qualitative: macroéconomie, statistique, tableaux d’entrées-sorties, multiplicateurs, modélisation macroéconométrique Principales limites Peu d’attention pour le sport non marchand, peu d'esprit critique Secret des données, tricheries (comptables), « pifométrie », débats Source: (Andreff, 2006) 22/368 Chapitre liminaire Cet aboutissement est le fruit d’un long processus. Dans un entretien accordé à la revue EPS, Wladimir Andreff revient sur le développement des analyses économiques du sport. Selon lui, le premier épanchement d’économistes français sur l’objet sport, favorisé par la pénétration de masses financières croissantes notamment dans le football professionnel, remonte aux années 1970. Dans cette première phase de l’analyse économique du sport, il s’agissait « simplement de rassembler, de construire et d’organiser l’information sur l’interaction économie - APS et de l’interpréter à un premier niveau d’analyse parfois un peu frustre » (Andreff, 1990). L’ouvrage Economie du sport, paru en 1986, est une synthèse de cette première approche (Andreff & Nys, 1986). L’analyse économique du sport s’articule alors autour des trois grands thèmes que sont le financement du sport, la gestion du sport et les marchés du sport. A cette dernière succède dans les années 1980 une seconde étape susceptible de constituer l’économie du sport en une véritable discipline scientifique. Andreff identifie ici un effort analytique plus poussé, caractérisé par une « réflexion sur les concepts utilisés, logique économique et logique sportive, tentatives d’interprétation plus globale des retombées économiques du sport, compréhension de certaines « lois » d’évolution en économie du sport, utilisation plus systématique des méthodes de l’analyse économique, éventuellement sophistiquées et formalisées » (Andreff, 1990). L’ouvrage Economie politique du sport consacre cette seconde phase. Seize chercheurs participent à cette entreprise collective dont la structure en quatre grands thèmes (consommation et pratiques sportives, économie publique du sport, économie du spectacle et du travail sportif, économie internationale du sport) témoigne de la richesse analytique et thématique du couple économie et sport. Dans son introduction intitulée « la naissance d’une discipline », Andreff pose les bases de l’économie politique du sport : « ce titre a été retenu en tout premier lieu pour marquer une étape dans la constitution d’une discipline scientifique. Cette étape se caractérise par l’extension du domaine des connaissances concernant les relations entre l’économie et le sport aussi bien que les relations économiques dans le sport ; elle est également porteuse d’un approfondissement des analyses relatives à ce domaine » (Andreff, 1989). e) La Maistream Sports Econ’ La Mainstream Sports Econ’ qualifie l’approche dominante en Amérique du Nord. S’appuyant sur une théorie économique néo-classique, développant une approche microéconomique par une méthodologie quantitative, économétrique et « modélisante », la Mainstream Sports Econ’ aborde essentiellement le sport au travers du prisme des ligues professionnelles. La Sports Econ’, internationale et autonomisée, est en passe de dominer l’économie politique du sport plus multiple, variée et ouverte sur d’autres sciences sociales. L’apparition d’une revue académique, le Journal of Sports Economics, ainsi que les multiples publications d’économie du sport dans des revues réputées témoignent de la domination de la Sports Econ’. Au-delà des revues académiques, cette nouvelle économie du sport tend à se développer par l’utilisation des nouvelles possibilités offertes par le Web. 23/368 Chapitre liminaire La Syndication de contenu Web et la création de nombreux blogs12 mis en place et animés par des économistes et juristes du sport professionnel, permettent une interaction accrue entre chercheurs et un débat en dehors du champ universitaire facilitant l’échange d’informations et de points de vue. La Sports Econ’, en s’autonomisant, opère une rupture avec d’autres disciplines telles que le management, la gestion ou la sociologie, et met en avant ses propres normes académiques. Celles-ci sont caractérisées par une orientation franche vers la Mainstream Economy où l’application de l’économétrie, de la statistique et des modèles d’équilibre mathématiques est la norme. Certes, la science économique s’est très tôt dirigée vers la physique et les mathématiques pour se défaire du qualificatif de « science molle ». Il faut alors remarquer que le sport et plus particulièrement encore les sports américains se prêtent remarquablement à ce type d’approche mathématique par sa capacité à fournir du chiffre sur et en dehors du terrain. Le traitement statistique du sport devient même une spécialité. En 1971 est créée la Society for American Baseball Research (SABR) ayant pour mission d’analyser le baseball sous toutes ses facettes. Rapidement, une branche, le Sabermetric, décide de promouvoir une connaissance objective du baseball en s’appuyant sur la statistique. Par déclinaison, il arrive que l’on parle de Sabernomics lorsqu’on aborde les aspects économiques du baseball. f) Une économie transatlantique du sport Pour éviter que de part et d’autre de l’Atlantique les économies du sport persistent sur des voies divergentes (a path dependence assumption), Andreff avance la proposition d’un enrichissement croisé (cross-fertilization assumption). C’est cette troisième voie médiane entre approches américaine et européenne que nous appelons « transatlantique ». La convergence des thématiques est favorisée par la professionnalisation croissante du sport en Europe et sa dérégulation entamée par l’arrêt Bosman. Il s’agit d’inciter les économistes américains à travailler sur les thématiques captivant principalement des économistes européens et inversement. Cet engagement vers une américanisation de l’économie européenne du sport et une européanisation de l’économie américaine du sport est en cours comme l’attestent quelques recherches. Ainsi, une publication de Rodney Fort pointe les différences et similarités entre les sports professionnels américains et européens (Fort, 2000). Roger G. Noll analyse les promotions et relégations dans la Premier League anglaise et conclut sur la possibilité d’appliquer un tel système en Amérique du Nord (Noll, 2002). En Europe, la dérégulation du modèle sportif a favorisé les réflexions sur l’organisation des ligues fermées nordaméricaines (Egon, 2003; Hoehn & Szymanski, 1999). Depuis 2000, de nombreuses contributions abordent les regards croisés sur les sports américains et européens. En 2002, 12 A titre d’illustration, le blog The Sports Economist (http://www.thesportseconomist.com/) a été créé en 2004 par Raymond Sauer. Parmi les contributeurs, on note la présence d’éminents représentants de l’économie du sport : David Berri, Dennis Coates, Rodney Fort, Brad Humphreys, Stefan Szymanski. Le blog compte à peu près 5 000 visiteurs par mois dont 80% proviennent des Etats-Unis. Citons également : le blog de Joanna Cagan et Neil deMause, auteurs de l’ouvrage Field of Schemes (Cagan & deMause, 1998): http://www.fieldofschemes.com/ le blog de David Berri, Martin Schmidt et Stacey Brook, auteurs de l’ouvrage The Wages of Wins (Berri, Schmidt, & Brook, 2006): http://dberri.wordpress.com/ le blog de Jeffrey Standen, enseignant en droit du sport à la Willamette University-College of law : http://thesportslawprofessor.blogspot.com/ 24/368 Chapitre liminaire Barros dirige un ouvrage abordant les grandes thématiques économiques du sport de part et d’autre de l’Atlantique (Barros, 2002). Les contributions de Fizel et Fort ainsi que de Sandy et al. en 2004 favorisent une approche internationale du sport (Fort & Fizel, 2004; Sandy, Sloane, & Rosentraub, 2004). Szymanski et Zimbalist rédigent à quatre mains un ouvrage abordant les sports rois aux Etats-Unis (baseball) et en Europe (football) (Szymanski & Zimbalist, 2005). Andreff et Szymanski dirigent le Handbook On The Economics Of Sport, comprenant 86 contributions d’auteurs européens et d’Amérique du Nord (Andreff & Szymanski, 2006). Il convient de noter qu’il s’agit essentiellement de convergence vers un sujet d’étude commun : les modèles d’organisation du sport professionnel en Europe et en Amérique du Nord. Mais l’approche économétrique ayant ses propres limites13, les économistes français demeurent attachés à une économie politique du sport professionnel dont l’utilité est réaffirmée par Bourg et Gouguet : « il nous apparaît qu’une approche globale et appliquée dans l’esprit de l’économie politique est préférable à une approche partielle et théorique des modèles de la science économique, qui constituent l’essentiel de la littérature anglosaxonne sur le sport » (Bourg & Gouguet, 2007, p. 1). Au-delà de ces divergences, il existe une unité puisque ces économistes sont regroupés au sein de l’International Association of Sports Economists (IASE) créée en 1999. L’économie du sport bénéficie également d’une visibilité académique par le système de classification des articles économiques construit par le Journal of Economic Literature (JEL) qui consacre une section au sport, L8314 , permettant aux chercheurs de partager rapidement sur des sites dédiés l’avancée de leur travaux15. 2. Les axes interdisciplinaires a) L’aménagement du territoire et l’économie publique du sport L’aménagement sportif, tel que le nomme Jean-Pierre Augustin16, est une problématique qui engage la sphère publique. Les contributions de chercheurs visent à comprendre les politiques publiques des collectivités et de l’Etat dans les choix de financement et d’implantation des équipements dans une perspective de justice socio-spatiale. A cet égard, afin d’expliciter la portée d’une analyse d’économie publique du sport à tendance géographique, les réflexions engagées en France sont particulièrement révélatrices. 13 Dans son Antimanuel d’économie, Bernard Maris procède à la critique radicale de l’utilisation de plus en plus systématique des mathématiques en économie : « Le recours à la technique, au jargon et aux mathématiques, a une autre raison, plus pernicieuse. Le langage abscons permet de clôturer le champ de l’économie et d’éliminer « ceux qui n’y comprennent rien. ». […] Parmi les savants et les universitaires, les mathématiques ont un effet dévastateur. Elles éliminent les « littéraires », les sociologues, psychologues, les penseurs un peu sceptiques, les géographes, les doux, les philosophes… […] Parler matheux, même si l’on accumule sous les kilos d’équations des tonnes d’âneries et le double de tautologies, fait d’emblée plus sérieux. » (Maris, 2003, pp. 38-39). 14 L pour « Industrial Organization », puis L8 pour « Industry Studies: Services » et enfin L83 « Sports; Gambling; Recreation; Tourism ». 15 Le projet RePEc (Research Papers in Economics), impliquant 57 pays, a pour objet de construire et mettre à jour une base de données consacrée à l’économie qui recense les articles, ouvrages, logiciels, ou encore working paper. 16 Voir le chapitre « Equipements et aménagements sportifs », (Augustin, 1995, pp. 147-244). 25/368 Chapitre liminaire En effet, les premières lois de décentralisation de 1982 définissent une nouvelle répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, mais le sport n’apparaît dans aucune des compétences transférées aux collectivités. Les lois suivantes conforteront cette situation. En conséquence, le Code Général des Collectivités Locales (CGCL) laisse les communes, départements ou régions libres d’agir ou non en faveur du sport. Chacun des niveaux territoriaux a donc impulsé des politiques sportives plus ou moins affirmées et plus ou moins structurantes : réalisation et mise à disposition d’équipements sportifs, financement du fonctionnement d’associations, prêt de matériel et mise à disposition de personnel, promotion de la vie associative par l’organisation de manifestations sportives etc. Mais ces interventions n’ont été que rarement précédées d’une réflexion en amont et ont peu souvent donné lieu à une coordination entre les différents niveaux territoriaux. Le principe de la libre administration des collectivités - qui consacre leur indépendance les unes par rapport aux autres - a favorisé l’émergence de politiques plutôt cloisonnées voire, parfois, concurrentes. Cette situation a eu pour conséquence une difficulté structurelle à identifier les domaines d’intervention spécifiques de chaque collectivité territoriale et une absence de cohérence et de lisibilité de l’action publique. La loi d’aménagement du territoire définitivement adoptée le 25 juin 1999 (loi Voynet) par l’Assemblée nationale prévoit des schémas de services collectifs qui, dans une perspective de vingt ans, encadreront les choix stratégiques de l’aménagement du territoire dans huit secteurs dont le sport. Il faut signaler que le schéma de services collectifs du sport tire son origine d’une initiative du Sénat. Le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire ne comportait pas dans sa rédaction initiale de disposition relative au sport. Le Sénat a considéré que les équipements sportifs sont des éléments importants de valorisation et d’attractivité des territoires et que les activités sportives jouent un rôle important en termes de cohésion sociale, de développement économique et de créations d’emplois. Selon la nouvelle loi, le « Schéma de Services Collectifs du Sport», « définit les objectifs de l’Etat pour développer l’accès aux services, aux équipements, aux espaces, sites et itinéraires relatifs aux pratiques sportives sur l’ensemble du territoire national (...). A cette fin, il identifie des territoires d’intervention prioritaire et évalue l’ensemble des moyens nécessaires en prenant en compte l’évolution des pratiques et les besoins en formation. Il (...) guide la mise en place des services et équipements structurants. Il offre un cadre de référence pour une meilleure utilisation des moyens publics et des équipements sportifs. » Avec le concours du ministère de la Jeunesse et des Sports et piloté par la DATAR, la vision de l’organisation territoriale du sport se trouve notablement rénovée. Elle s’oriente vers la mise en cohérence des politiques régionales, vers une clarification de la répartition des compétences entre les collectivités et le renforcement de l’organisation locale au travers de l’intercommunalité. L’élaboration du Schéma de Services Collectifs du Sport a très nettement souligné le manque et la fiabilité insuffisante d’informations concernant les équipements sportifs, espaces et sites de pratique. Ce déficit a également été mis en évidence par les différents acteurs du sport lors des Etats Généraux du sport en 2002. Le groupe de travail « le sport et les territoires » propose à cette occasion une « fonction observation » motivée par le fait que « l’efficacité de l’intervention des acteurs du sport ne sera possible sur un territoire que s’ils partagent et disposent des mêmes informations. L’asymétrie d’information entre les acteurs constitue un frein important au développement d’actions complémentaires entre les collectivités. » 26/368 Chapitre liminaire Le recensement de l’intégralité des équipements sportifs (RES), espaces et sites de pratique constitue l’une des actions prioritaires identifiées en conclusion des Etats Généraux du Sport tenus le 8 décembre 2002 à Paris. A la suite du rapport méthodologique du sénateur Pierre Martin sur cette question, remis en octobre 2003, la démarche opérationnelle a été présentée le 14 juin 2004 par le ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative à l’occasion d’une réunion du comité de suivi des Etats Généraux du Sport. Le RES se présente comme une photographie quantitative des équipements sportifs, espaces et sites de pratique permettant une cartographie. b) Le géomarketing du sport Le géomarketing s’inscrit parfaitement entre l’économie et la géographie dans leur dimension quantitativiste en cela qu’il consiste en l’étude de phénomènes économiques dans l’espace en favorisant un traitement des données statistiques du marché. Latour et le Floc’h définissent le géomarketing comme « l’ensemble formé par les données, le système informatique de traitement et les méthodes appliquées par un analyste, qui concourent à produire des informations d’aide à la décision sous forme de représentations spatiales liées à la cartographie, plutôt que sous forme de graphiques ou de tableaux » (Latour & le Floc'h, 2001, p. 14). Le géomarketing désigne donc le recours à la géographie et ses outils afin de mener une analyse économique et marketing intégrant la dimension spatiale des phénomènes. Les approches géomarketing sont encore rares. Pourtant, aux Etats-Unis comme en France, le marketing du sport a développé ses propres ancrages théoriques en considérant que les services et produits sportifs méritaient une approche marketing spécifique (Loret & Desbordes, 2004). Parmi les quatre P du mix marketing (Product, Price, Promotion, Place), celui consacré aux circuits de distribution des services et produits sportifs reste le moins abordé. L’une des rares analyses aborde les politiques de distribution des services sportifs. Desbordes et al. remarquent que le système fédéral adapte son réseau de distribution en fonction de la concurrence (apparition de prestataires marchands ou de clubs non affiliés) ou d’une évolution de l’offre (prises de licences soudaines à la suite d’un évènement sportif). Le système fédéral serait alors dans une logique de market-pull, où les fluctuations de la demande pousseraient l’offre à s’adapter (Desbordes, Ohl, & Tribou, 1999, p. 347). En fait, si les analyses géomarketing du sport sont peu développées, c’est qu’au-delà de la difficulté d’accéder aux informations, il s’agit d’un travail de technicien peu soucieux de se pencher sur l’objet sport. La filière universitaire propose des formations de géomarketing à vocation professionnalisante et non orientée vers la recherche. Les rares analyses de géomarketing du sport sont essentiellement axées sur le sport professionnel. Il s’agit d’envisager les forces et faiblesses du marché afin d’estimer le potentiel de réussite d’un club dans une localisation donnée. Selon la taille des villes, de véritables stratégies politiques se dégagent selon que l’on favorise une seule discipline plutôt que plusieurs ou encore un sport majeur plutôt qu’un sport mineur. Ce type d’analyse a été mené sur le basket professionnel en France par Durand et al. (Durand, Ravenel, & Helleu, 2005). 27/368 Chapitre liminaire 3. Les dimensions de l’approche pluridisciplinaire Les diagonales reliant les points cardinaux délimitent quatre dimensions distinctes. Le premier axe horizontal « économie » définit une approche où prédominent l’économie et la gestion. A l’opposé, l’axe horizontal « géographie » identifie l’approche géographique. Ces deux disciplines constituent les piliers de notre approche pluridisciplinaire de sorte que leur aire de représentation est plus vaste sur la figure. L’axe vertical borné par la Mainstream Sports Econ’ et la géographie économique, par sa propension à s’en remettre à une méthodologie quantitative, est envisagé comme la dimension géomarketing et statistique. Le second axe vertical liant l’économie politique du sport et la géographie sociale, par les enjeux qu’il soulève, définit la dimension politique. Ces deux dimensions connexes viennent enrichir l’approche pluridisciplinaire. Ainsi notre positionnement épistémologique vise-t-il à se situer au barycentre des 8 approches balisant les lignes de force de l’économie et de la géographie appliquées au sport (figure 4). Figure 4 - Mise en œuvre de l’approche pluridisciplinaire 28/368 Chapitre liminaire Il se caractérise par une approche pluridisciplinaire, stapsienne, favorisant les quatre entrées : - économie et gestion : car les débats universitaires relatifs à la structure des ligues professionnelles relèvent principalement de ces disciplines. Il convient alors d’en maîtriser les implications théoriques ; - géographie : car il s’agit de comprendre les logiques spatiales dans la constitution des ligues et la capacité des villes à y apparaître et à y être performantes ; - politique : car les modèles d’organisation du sport professionnel et leur devenir font l’objet de débat et d’arbitrages entre les acteurs du système. Les divergences d’intérêts entre clubs, ligues professionnelles, institutions historiques et la sphère politique sont pourvoyeuses de tensions ; - géomarketing et statistique : il ne s’agit pas à proprement parler d’une approche géomarketing. Nous la nommons ainsi car la méthodologie retenue est en grande partie quantitative, axée sur la construction, le traitement et l’exploitation cartographique de bases de données. Bien entendu, la figure 4 synthétise, donc simplifie en partie, une réalité plus complexe et moins tranchée. Les quatre domaines d’intervention qui en découlent sont imbriqués de sorte qu’il semble préférable de favoriser une approche holistique. C’est du moins ce que nous allons nous appliquer à faire dans ce travail de recherche. Ce dernier aborde donc un sujet (la régulation du sport professionnel) et un objet (le football européen) tout deux unis dans le cadre d’un projet (une approche pluridisciplinaire). La mise en œuvre de cette démarche apparaît dans la structure de la thèse (figure 5). La première partie intitulée « théorie de la ligue sportive professionnelle » se présentant comme un état de l’art sur l’objet de recherche accorde une large place à l’économie et la gestion. Le premier chapitre « le sport professionnel : une activité économique spécifique » explique en quoi le sport-spectacle, reposant sur la glorieuse incertitude du sport, est une industrie incomparable aux autres. Cette spécificité nécessite l’adoption de modèles de régulation plus ou moins contraignant de part et d’autre de l’Atlantique. Ils seront développés dans le second chapitre « les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible ». Alors que la première partie est pour l’essentiel axée sur des contributions économiques, la seconde, intitulée « sport professionnel et potentiel local », favorise les apports de la géographie du sport. Le troisième chapitre, « implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique », examine les incidences spatiales des modèles de régulation exposés auparavant. Le quatrième chapitre, « mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les données », expose le modèle de potentiel local et les données nécessaires à son objectivation. La troisième partie correspond à la présentation des résultats. Le cinquième chapitre, « présence et performance dans les championnats nationaux », expose le niveau des performances des villes à l’échelle nationale. Le sixième chapitre, « présence et performance dans les coupes d’europe », est le pendant du précédant à l’échelle continentale. 29/368 Chapitre liminaire La quatrième et dernière partie, « discussion : une (r)évolution silencieuse », implique les dimensions politiques et géographiques. Le septième chapitre, « aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? », discute des implications politiques des constats effectués dans les parties précédentes ; le huitième chapitre, « aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! », montre la dimension stratégique du potentiel local dans l’organisation des ligues dans un contexte d’américanistion. La dimension statistique sera présente tout au long de ce travail par la présentation graphique de données quantitatives. Figure 5 - Le plan de thèse 30/368 Partie 1 Théorie de la ligue sportive professionnelle Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle Chapitre I Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? “The Major League Baseball season began yesterday, and fans everywhere are hoping their team will make it to the World Series. But the sad fact is that many teams are chronically uncompetitive. Perhaps 12 of the 30 Major League teams have any possibility of reaching postseason play, and fewer still have a realistic hope of winning a pennant. Unless baseball changes the way it does business, it risks seeing its fans drift away, tired of their teams’ futility.” John Moores. Propriétaire des San Diego Padres D’emblée, il convient de dissocier le sport qui se pratique de celui qui se regarde. Ce travail n’envisage que le second. Le sport qui se regarde correspond au sport réel définit ainsi par Yves Vargas : « le sport proprement dit est un spectacle qui consiste en un combat dont les acteurs (sportifs) sont des professionnels. Ce combat se conclut sur la désignation d’un vainqueur aléatoire entre des possibles déterminés (partenaires). La victoire est formulée par supériorité quantitative (points, secondes, kilos, buts…) acquise par des capacités musculaires actives (réalisées au cours du spectacle). Le spectacle est strictement codifié par des règles » (Vargas, 1992, pp. 109-110). Ainsi, le sport-spectacle se donne à voir, capte le regard et l’attention de (télé)spectateurs. Sa puissance attractive est fondée sur la dimension compétitive des rencontres qui opposent des rivaux de force sensiblement égale jusqu’à ce que l’un se distingue par l’accès à un bien unique : la victoire. Cette conception est peu éloignée de celle développée par Alain Loret. L’auteur recourt au concept du « désir mimétique » de René Girard pour définir la victoire comme l’objet désiré et disputé par des alter ego (Loret, 1996, pp. 201-206). Le sport qui se regarde se différencie alors de la grande majorité des autres formes de spectacle en cela qu’il n’est pas une fiction scénarisée. C’est une improvisation dramatique dont nul ne connaît la fin. La dimension aléatoire est assurée par l’application d’une règle qui certifie la validité du dénouement comme émanant uniquement du mérite des rivaux. L’objet de ce chapitre consiste à établir en quoi le fonctionnement économique du sportspectacle relève d’une spécificité. La première partie pose que « le principe d’incertitude » est un élément capital de la demande de spectacle sportif (I). La seconde montre le lien entre capacités financières des clubs et résultats sportifs : la concentration de la performance par les clubs les plus riches altère le principe d’incertitude et risque sur le long terme d’ôter au spectacle son intérêt (II). Enfin, la troisième partie met en évidence que le sport professionnel n’est pas une activité économique comme les autres : les adversaires (sportifs) sont aussi des partenaires (économiques) (III). 32/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? I Les déterminants de la demande de sport spectacle : la nécessité du hasard Selon la mythologie grecque, Palamède, fils de Nauplius le roi d’Eubée, inventa les poids et les mesures mais aussi le jeu d’échecs et le jeu de dés. On lui attribue aussi le concept d’ « ordre ». Opposition, incertitude, équilibre, mesure et classement semblent former un champ lexical qui relève d’une même paternité. Tout se passe comme si, par nature, la confrontation par le jeu était indissociable du classement qui en résulte. L’imbrication des ces notions apparaît clairement dès lors que s’opposent des forces équivalentes, situations courantes dans les conflits. Six siècles avant Jésus-Christ, le stratège chinois Sun-Tzu envisage les situations suivantes : « si vous êtes dix fois plus fort en nombre que ne l’est l’ennemi, environnez-le de toutes parts ; […] Mais si de part et d’autre il y’a une même quantité de monde, tout ce que vous pouvez faire c’est de hasarder le combat17. » Ainsi, lorsque les philosophes, mathématiciens ou sociologues ont entrepris de définir le jeu, ils se sont peu écartés des notions attribuées à Palamède en établissant des catégories relavant du champ lexical énoncé plus haut. Par exemple, en 1751 dans l’Encyclopédie, le Chevalier de Jaucourt explique que les jeux mobilisent soit le hasard pur18, soit l’habilité des participants ou encore un peu des deux. On retrouve ici les prémisses de la catégorisation de Roger Caillois qui, deux siècles plus tard, propose l’agôn lorsque le joueur s’en remet à ses propres dispositions et l’alea s’il est soumis aux forces du hasard. Les compétitions sportives d’une manière générale relèvent de l’agôn. Diamétralement opposés, les concepts d’agôn et d’alea n’en sont pas moins parfaitement compatibles et complémentaires : une confrontation sportive est soumise à la création artificielle d’une égalité pure, véritable situation parfaite. En somme, on peut dire que l’agôn comporte de fait une part d’alea car, « comme le résultat de l’agôn est nécessairement incertain et doit se rapprocher paradoxalement de l’effet du hasard pur, étant donné que les chances des concurrents sont en principe le plus équilibrées possible, il suit que toute rencontre qui possède les caractères d’une compétition réglée idéale peut faire l’objet de paris, c’est-àdire d’aléas » (Caillois, 2000, pp. 52-53). Nous retiendrons ici l’alea comme un pilier fondamental du sport-spectacle. Nous appelons cette dimension essentielle le « principe d’incertitude du sport ». Le sport ne peut toutefois se limiter à ce seul principe. La seconde caractéristique du sport-spectacle relève de « l’ordre », du « poids et des mesures » énoncés par Palamède. La victoire est toujours décernée quantitativement (des points, un temps, une note, une distance…). L’accomplissement loyal d’une performance enregistrée débouchant sur une hiérarchisation des participants constitue le second pilier du sport-spectacle. Le souci permanent de vaincre, le désir de victoire19, d’accéder à la plus haute marche du podium dès que l’on est engagé dans une compétition constituent le second pilier du sport-spectacle. Nous appelons cela le « principe de domination sportive » qui définit la quête de la victoire. Pour Georges Orwell, « presque tous les sports pratiqués 17 Sun Tzu (1996). L’art de la guerre :: Editions mille et une nuits, pp. 19-20. « Hasard » de l’arabe « El Azar » signifiant « jeu de dés ». Pierre Parlebas, en sociologue et mathématicien, dresse un panorama de l’histoire de la théorie des jeux : (Parlebas, 1986, pp. 33-43). 19 L’expression est empruntée à Alain Loret (1996, p. 202). 18 33/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle de nos jours sont des sports de compétition. Vous jouez pour gagner, et le jeu n’a de sens que si vous faites tout ce que vous pouvez pour gagner20. » Il apparaît alors que la confrontation des deux principes essentiels du sport-spectacle, le souci de maintenir une incertitude et celui de vaincre aussi souvent que possible, débouche inéluctablement sur un paradoxe. En effet, un sportif qui remporterait toutes les compétitions dans lesquelles il est engagé respecterait le principe de « domination sportive ». Toutefois, en cela, il nuirait au « principe d’incertitude du sport » en limitant les possibilités de victoires des opposants. Ce constat s’étend aux championnats de sports collectifs qui souffriraient de la réussite d’une seule équipe. Comme le signale Roger Caillois : « Le doute doit demeurer jusqu’à la fin. […] Un déroulement connu d’avance, sans possibilité d’erreur ou de surprise, conduisant clairement à un résultat inéluctable, est incompatible avec la nature du jeu » (Caillois, 2000, p. 37). Le « certain » est d’autant plus « acquis » qu’il est mathématique donc indiscutable. L’attribution de points en fonction des performances distingue les concurrents et l’aléa perd de son influence dès que l’on s’approche du terme d’une compétition. Le sport-spectacle se construit alors en deux temps. Il s’agit tout d’abord de créer artificiellement les conditions d’incertitude et d’égalité d’une compétition qui aboutit à la construction d’un champ ouvert des possibles, c’est-à-dire un espace déserté de toute possibilité d’envisager un résultat. Par la suite, des rivaux concourent à l’accès à la victoire réduisant l’emprise de l’incertitude sur l’issue de la compétition au fur et à mesure de son déroulement21. L’équilibre précaire entre le principe d’incertitude et le principe de domination s’opère au prix d’une régulation. La règle sportive assure la mise en place de compétition érigée sur une base égalitaire favorisant l’incertitude. Alain Ehrenberg remarque que « le sport est un monde de rapports tranchés par la force dans la règle. Il réconcilie ce que toute une tradition de la philosophie politique a constamment opposé : la force et le droit. En sport, la force n’est pas un arbitraire car elle se plie au droit. La compétition, en objectivant les rapports de force dans une règle face à laquelle chacun est égal, est la scène où le droit du plus fort n’est jamais la force qui bafoue la loi. Tout le monde est ici bien convaincu que la concurrence pure et parfaite règne en maître. On vainc ou on perd, plus généralement, on se classe à l’intérieur d’une problématique égalitaire. Quand on introduit des catégories de poids en judo, en boxe et en karaté ou des handicaps dans les courses de chevaux, c’est pour permettre l’affrontement dans l’égalité » (Ehrenberg, 2001, pp. 89-90). Toutefois, le désir de victoire est un moteur puissant qui incite les compétiteurs à ne pas être totalement dépendants de la création artificielle des conditions d’incertitude. Si un match de football oppose toujours onze joueurs contre onze autres, la qualité de ces derniers définie par la capacité financière des clubs à recruter perturbe les conditions d’égalité. Ici est le cœur de la notion de « spécificité » du sport dans son acception économique. Ainsi, si la spécificité paradoxale du sport réside dans la confrontation du principe de « domination sportive » et du « principe d’incertitude du sport », l’objet d’une ligue sportive professionnelle consiste à arbitrer les tensions entre ces deux principes pour maintenir l’intérêt du spectacle. Ce chapitre développe cette question en en présentant les bases théoriques. 20 Orwell, G. (14 décembre 1945). L’esprit sportif. The Tribune. Ainsi Yonnet écrit-il : « La montée en puissance du sentiment de rivalité est directement indexée sur l’indécision compétitive. » (Yonnet, 2004, p. 82). 21 34/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? A - Les déterminants économiques 1. Un spectacle attractif Le budget des Français consacré à l’achat de services sportifs ne cesse de progresser. Parmi les diverses prestations, le spectacle sportif direct (achat de billets d’entrée) est en nette progression. Le bulletin de statistiques et d’études du ministère de la Jeunesse et des Sports consacré au poids économique du sport en 2000 souligne qu’entre 1995 et 2000, le budget des ménages affecté au spectacle sportif a connu une hausse de 73%, passant de 0,19 à 0,33 milliards d’euros22. Au stade ou diffusé à la télévision, le sport présente une importante capacité mobilisatrice. Selon le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, le volume de programmes sportifs diffusé sur les chaînes nationales (en incluant Canal +) subit une baisse entamée en 2002. Figure 6 - Volume des programmes sportifs sur les chaînes nationales de 1992 à 2005 (en heures) 3000 Canal+ M6 France 3 2500 France 2 TF1 2000 1500 1000 500 0 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 sources: CSA En comparant 2001 à 2005 (deux années impaires non-affectées par la tenue de grandes compétitions internationales comme la Coupe du Monde de football, le Championnat d’Europe des nations ou les Jeux Olympiques), on observe une diminution de 509 heures de diffusions sportives23(figure 6). Avec 400 heures par an, le football occupe à lui seul 32% des retransmissions sportives et devance le tennis (190 heures), le basket (155 heures) et le rugby (149 heures). Au-delà de cette diminution, les retransmissions sportives restent attrayantes. Pour l’année 2005, Médiamétrie place en tête des 100 meilleures audiences télévisuelles le match de football France-Chypre (dernier match des éliminatoires pour le 22 Belloc, B. (2002). Sports Stat-Info : le poids économique du sport en 2000. Le sport sur les chaînes nationales en 2005. (2006). La Lettre du CSA n°193 (mars 2006). - 84 heures sur TF1, - 82 heures sur France 2, - 109 heures sur France 3 et - 341 heures sur Canal +. 23 35/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle Mondial 2006 de l’équipe de France de football) qui a réuni 13,3 millions de téléspectateurs. Sept autres rencontres de football sont présentes dans le top 100 dont 6 sont des matchs de l’équipe nationale. Lors des années de Coupe du Monde, d’Euro de football ou de Jeux Olympiques, le sport, et en particulier le football, se place dans les meilleures audiences. En 2004, parmi leurs 20 meilleures audiences de l’année, TF1 a inscrit 6 matchs de football, France 2 a affiché 5 matchs de football et une retransmission des Jeux Olympiques, tandis que France 3 a placé 5 matchs de football. Les affluences des matchs de football ont progressé ces dernières années. Le rapport annuel sur « la situation du football professionnel français » édité par la Ligue de Football Professionnel en 2003-2004 souligne la hausse du nombre de spectateurs entre 1996 et 2003. L’affluence totale de la L1 est passée de 5,4 millions de spectateurs à 7,66 millions (+41%) tandis que le nombre d’abonnés passait dans le même temps de 101 221 à 215 444 (+112%). Le rapport « football professionnel : Finances et Perspectives » 2005 note que les principaux championnats européens (France, Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie) affichent une augmentation de 18% de l’affluence cumulée depuis 10 ans24 (figure 7). Figure 7 - Evolution de l’affluence moyenne des 5 grands championnats de football européens (en milliers de spectateurs ; 1995-96 à 2004-05) 40 35 30 25 20 15 10 Angleterre France Allemagne 5 Italie Espagne 0 95-96 96-97 97-98 98-99 99-00 00-01 01-02 02-03 03-04 04-05 Source: LFP, Deloitte UK, DFL 24 L’Italie présente toutefois une désaffection importante de 20% entre 1998 et 2000. L’obsolescence des stades et la violence dans les tribunes écarteraient les familles des enceintes sportives : Prébois, G. (23 septembre 2005). Les tribunes italiennes sont de plus en plus clairsemées. Le Monde. 36/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? Outre-Atlantique, le Sport Business Journal25 évalue chaque année le poids de l’industrie du sport américain. En 2004, le sport pèserait 213 milliards de dollars soit plus de deux fois le poids de l’industrie automobile et sept fois celui de l’industrie cinématographique26. Les dépenses pour assister à un spectacle sportif s’élèvent à 13,4% du total (26,17 milliards de dollars en billetterie, parking et merchandising sur place). Toutefois, la disposition d’un client à payer pour assister à un match relève d’un choix complexe largement abordé dans la littérature de l’économie du sport professionnel. Les économistes se sont appliqués à identifier les déterminants de la demande d’un événement sportif selon deux grands axes. Le premier tient compte des déterminants « classiques » de la demande ; le second identifie un facteur spécifique au sport : la glorieuse incertitude. 2. Théorie de la demande Appréhender le concept de demande nécessite de se référer à la théorie économique et aux questions traitant de l’offre et de la demande. L’interaction entre l’une et l’autre est un point essentiel de l’analyse économique développé à la fin du XIXème par Alfred Marshall dans ses Principes d’Economie Politique (Marshall, 1969). Il propose une analyse microéconomique des marchés de concurrence parfaite en termes d’équilibre partiel. Cela revient à placer son intérêt sur un seul marché, à étudier l’équilibre sur celui-ci, indépendamment de ce qui se passe sur les autres marchés. Selon cette vision, le prix d’un bien fluctue selon la confrontation de l’offre et de la demande. Il baisse lorsque la quantité offerte excède la demande et augmente lorsque la demande est supérieure à l’offre. Un mécanisme d’ajustement conduit le marché à parvenir à un point d’équilibre. La fonction de demande indique combien de consommateurs sont disposés et en mesure d’acheter un bien selon son prix sur une période donnée. Plus simplement, il s’agit de la relation entre le prix d’un bien et sa quantité demandée, cette relation établit une fonction décroissante de la demande par rapport au prix. Figure 8 - La fonction demande Les économistes se sont appliqués à modéliser le concept de demande selon une régression linéaire. La représentation graphique indique que l’augmentation/baisse du prix va conduire à une baisse/augmentation de la demande comme l’exprime la courbe de demande ci-contre. A un prix élevé (4 dans notre exemple), le produit ne trouvera que 2 acquéreurs contre 8 pour un prix de 1 (figure 8). 25 http://www.sportsbusinessjournal.com/ (dernière consultation en mai 2006) 15 critères balayent le secteur dans sa diversité : sont pris en compte la participation des médias, les dépenses en biens et services sportifs des ménages, les constructions d’équipements sportifs mais aussi les paris (18,9 milliards de dollars) ou encore les dépenses médicales générées par les blessures (12,6 milliards de dollars). 26 37/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle 3. Les déterminants économiques de la demande de sport spectacle Dans le domaine du spectacle sportif, la demande est assimilée à l’affluence dans les stades. Ainsi, la demande est une fonction qui rapporte le nombre de billets vendus au prix du billet. Augmenter la demande implique de déplacer la fonction-demande vers la droite de sorte que la quantité augmente, quel que soit le prix. Une modification des revenus du consommateur peut modifier ses habitudes d’achat. Lorsqu’ une augmentation des revenus implique une augmentation de la demande, le bien est dit normal. Lorsqu’une augmentation des revenus débouche sur une baisse de la demande, le bien est dit inférieur. Les analyses menées sur différents sports ne permettent pas de soutenir qu’il existe un lien significatif entre la variation des revenus du public et les affluences. Ainsi, Cairns affirme t-il que « les études suggèrent que le basket-ball et le football australien sont des biens normaux tandis que le hockey est un bien inférieur. Dans le cas du baseball et du soccer, les résultats sont mixtes. Les investigations ne trouvent souvent aucun impact significatif du revenu sur l’affluence » (Cairns, 1990, p. 10). La demande peut varier différemment selon les variations du prix. Les économistes définissent la notion d’élasticité-prix croisée comme le rapport entre le pourcentage de variation de la demande d’un bien et le pourcentage de variation du prix d’un autre bien. Elle mesure donc les effets d’un changement de prix d’un produit sur la consommation d’un autre produit. Une élasticité croisée positive signifie que l’augmentation du prix d’un bien entraîne l’augmentation de la demande d’un autre bien. Les deux biens sont donc substituables. Une élasticité croisée négative implique que l’augmentation du prix d’un bien entraîne la diminution de la demande d’un autre bien. Les deux biens sont alors dits complémentaires. Une élasticité croisée nulle signifie que les deux biens sont indépendants. Comme le montre le modèle théorique suivant (figure 9), un produit ayant peu de substituts voit sa demande varier faiblement selon le prix fixé alors que la présence d’une offre similaire engage une concurrence affectant la demande. Figure 9 - Fonctions demande et biens substituables On peu ainsi envisager que l’affluence dans les stades est en partie liée aux prix de biens complémentaires ou de substitution. Considérons qu’une place de théâtre, de cinéma ou de concert (bien de substitution) soit moins onéreuse qu’une place de football. Dans ce cas, une partie du public des stades pourrait reconsidérer l’occupation de son samedi soir. De même, l’augmentation des tarifs de biens complémentaires (la place de parking, la restauration aux abords des stades…) serait susceptible d’affecter les affluences. 38/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? Toutefois, d’une manière générale, la littérature économique s’accorde à envisager le spectacle sportif comme relativement peu sensible aux variations de prix du fait de l’absence de substituts parfaits. La demande est inélastique : elle reste inchangée lorsque le prix augmente. Szymanski et Kuypers apportent une explication : « dans le cas du football, la demande est relativement inélastique à la fois au niveau global de l’industrie qu’à celui individuel de chaque club. Il en est ainsi car traditionnellement de nombreux fans sont de loyaux supporters, fondant leur fidélité au club dans une continuité familiale, la géographie ou la tradition. […] Pour les fans, le prix ne semble pas une considération importante dans l’acte d’achat » (Szymanski & Kuypers, 1999, p. 134). C’est ainsi que les clubs d’Arsenal, Tottenham ou encore Chelsea, localisés à Londres, ne peuvent être envisagés comme des biens de substitution. La fidélité et la loyauté caractérisent la relation d’un supporter à son club. La passion prévaut sur un comportement rationnel qui orienterait l’acte d’achat selon les résultats sportifs des équipes ou les tarifs proposés. La simple préférence du consommateur va le guider sur un produit plutôt qu’un autre. L’économiste ne cherche pas à expliquer les goûts du consommateur ; il les prend comme un état de fait en gardant à l’esprit qu’ils sont susceptibles d’évoluer. On peut dès lors envisager que la préférence pour un sport, et à l’intérieur de celui-ci pour une équipe plutôt qu’une autre, est un levier assez fort pour que les équipes ne soient pas substituables entre elles. La taille du marché a une incidence directe et arithmétique sur la demande ; celle-ci augmente avec la population. Pour Dobson et Goddard, « un lien entre la taille du marché d’où chaque club puise ses supporters et le niveau d’affluence aux matchs semble à la fois théoriquement et intuitivement manifeste » (Dobson & Goddard, 2001, p. 324). De nombreuses analyses ont en effet conclu que la population locale est une variable significative. Cairns a effectué une revue de la littérature sur la demande. Sur 22 articles couvrant 7 sports, il remarque que la taille du marché est invariablement un important déterminant de la demande (Cairns, 1990). Au delà de ces conclusions, les déterminants économiques de la demande du sportspectacle sont sans cesse réévalués. Seule la taille du marché semble se présenter comme un déterminant immuable. Le marché du spectacle sportif se modifie rapidement. L’émergence de nouveaux moyens de communication et les stratégies commerciales des clubs ont profondément modifié les habitudes de consommation. Ainsi le traditionnel public de supporters mute-t-il en public de clients. En Angleterre, l’augmentation des prix a évincé le public populaire des stades, relégué dans les pubs ou devant les postes de télévision, au profit d’une clientèle plus aisée ou d’entreprises présumée constituer une demande solvable. Ces bouleversements rendent l’appréhension de la demande assez difficile, d’autant que la consommation du « produit match » implique la prise en compte de déterminants sportifs. Il s’agit là d’un point central de la littérature de l’économie du sport professionnel dont l’hypothèse est que « l’intérêt du spectateur est maximisé lorsque la compétition sportive en est à son point le plus intense, par exemple lorsque des adversaires de haut niveau et de force égale s’affrontent. […] L’impact présumé d’une compétition intense est que, finalement, l’intérêt du spectateur est suscité et qu’ainsi la demande et l’affluence augmentent de consort et vice et versa » (Downward & Dawson, 2000, p. 111). Ce point capital fait l’objet du développement ci-après. 39/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle B - Les déterminants sportifs : de la glorieuse incertitude du sport à l’équilibre compétitif « Le commentateur du match - Un vrai suspense ici au stade Mile High, Les Broncos perdent d’un point, et il reste 30 secondes. Homer (devant son poste de télé) - Allez, les Broncos, vous pouvez le faire. Le commentateur du match - Ho! Regardez par ici! Denver vient de gagner la partie. Homer - Oh, les Broncos ont gagné ? Pourquoi n’ai-je pas parié sur eux ? » Les Simpson – Saison 17, épisode GABF18 “The Bonfire of the Manatees” “Awesome, flow of emotion back and forth, great football. Well, this is some show I’ll tell you. And now the Bears in a seemingly impossible situation. […]Oh my God, the most amazing, sensational, traumatic, heart rending ... exciting, thrilling finish in the history of college football! California has won ... the Big Game ... over Stanford. Oh excuse me for my voice, but I have never, never seen anything like it in the history of, I have ever seen any game in my life! The Bears have won it! There will be no extra point! Hold it right here, don’t anybody go away ...” Commentaire de Joe Starkey lors du match California-Stanford de 198227 La partie précédente s’est attachée à montrer que la demande de spectacle sportif, à l’instar d’autres produits de consommation courante, est dépendante de déterminants économiques. Ces facteurs sont exogènes au produit vendu, c'est-à-dire qu’ils ne relèvent pas de sa nature propre. Il convient alors d’appréhender la qualité intrinsèque du produit. Ce déterminant n’est plus d’ordre économique mais sportif. The uncertainty of outcome hypothesis (l’hypothèse d’incertitude du résultat) est envisagée comme le facteur sportif de la demande dont l’importance sur le long terme lui confère un caractère primordial. Comme le soulignent Dobson et Goddard, « l’incertitude du résultat est le flux vital de n’importe quel évènement sportif: retirez l’incertitude et les sports de compétition dégénèrent en une exhibition stérile. L’imprévisibilité est une caractéristique clé du produit que vendent les équipes sportives professionnelles à leurs spectateurs, de sorte qu’une analyse de la nature de cette imprévisibilité constitue un élément essentiel de n’importe quelle étude d’économie du sport » (Dobson & Goddard, 2001, p. 126). 27 Le Big Game est la rencontre de football américain universitaire annuelle entre les équipes de Stanford (les Cardinal) et l’Université de Californie (les Bears). La première opposition s’est tenue en 1892. On peut considérer ce match comme l’équivalent européen de l’affrontement Oxford/Cambridge en aviron. Lors de la 85ème édition, en 1982, alors qu’il reste 30 secondes à jouer, les Bears sont menés 19 à 17 et n’ont pas la possession du ballon. Lors de la dernière phase de jeu, ils parviennent à récupérer la balle et à marquer le touchdown de la victoire dans une situation rocambolesque (les fans de Stanford avaient déjà envahi le terrain). Cette action, qualifiée de « The Play », de par son renversement de situation, est considérée comme le plus grand moment sportif américain de tous les temps : Hench, K. (décembre 2006). Ten Best Damn unforgettable sports moments. FOXSports.com. 40/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? L’analyse suivante, rythmée en trois temps, aspire donc à cerner le caractère essentiel de cette variable. Le point 1 envisage l’incertitude du résultat par le biais des sciences humaines et sociales. L’objectif est d’approfondir « le principe d’incertitude » énoncé dans le propos introductif du chapitre. Le point 2, sous un angle économique, développe en quoi l’incertitude du résultat est un élément vital du spectacle sportif. Le point 3 se présente comme une revue de la littérature exposant les nombreuses dimensions de l’équilibre compétitif. 1. Fondements socioculturels de la glorieuse incertitude du sport Le jeu et par extension le sport sont liés à l’incertitude. Le hasard ludique est soit le principe générateur du jeu, soit artificiellement créé dans un cadre égalitaire. Dans le premier cas, le joueur est passif et soumis aux lois du hasard ; c’est le cas des jeux de loterie, de dés et de la majorité des jeux d’argent qui animent un casino. Dans le sportspectacle, la règle crée les conditions d’un affrontement équitable générateur de « la glorieuse incertitude du sport ». L’expression popularisée par les médias est invoquée le plus souvent à mauvais escient. Elle souffre en effet d’un discours communément admis la réduisant précisément à ce qu’elle n’est pas, du moins pas seulement. On l’utilise fréquemment lorsqu’un « petit » triomphe d’un « gros », contrariant ainsi l’ordre logique des choses. A titre d’illustration, Albrecht Sonntag dit du football : « Pendant 90 minutes, les équipes sont onze contre onze, chaque match commence à 0 à 0 et surtout – l’histoire du football l’a abondamment prouvé – n’importe quel David peut l’emporter sur n’importe quel Goliath » (Sonntag, 1998, p. 37). En cela, l’esprit de l’expression est perverti. Sa vraie nature n’est pas tant qu’une rencontre a priori déséquilibrée aboutisse à un résultat non conforme aux prédictions mais, à l’inverse, que chaque match voit s’opposer des adversaires de force égale28. Deux mythes illustrent cette position. a) David contre Goliath : l’expectative déjouée Les Philistins et les Israélites se faisaient face de part et d’autre d’une vallée. Les premiers avaient dans leur camp un champion du nom de Goliath. Mesurant six coudées et un empan (environ trois mètres), revêtu d’une cuirasse, muni d’un casque, de jambières et d’une lance en bronze, il s’approcha des troupes de Saül et dit : « Moi, aujourd’hui, je lance le défi aux lignes d’Israël : donnez-moi un homme, pour que nous combattions ensemble! » L’enjeu était que le peuple du vaincu deviendrait esclave du peuple du vainqueur. Tout Israël fut saisi de terreur et chaque jour Goliath renouvelait son défi sans que personne ne le relève. David, un jeune berger, avait trois frères parmi les troupes de Saül. Il fut envoyé par son père prendre des nouvelles des aînés de la fratrie. Alors qu’il arrivait au campement, comme chaque jour Goliath vint lancer son défi. David écouta et se résolut à le relever. Il se présenta à Saül qui lui rétorqua : « Tu es incapable d’aller te battre contre ce Philistin, tu n’es qu’un gamin et lui est un homme de guerre depuis sa jeunesse. » Mais David insista, faisant valoir qu’il avait défendu son troupeau contre des lions ou des ours si bien que Saül céda, lui mit un casque de bronze, l’habilla d’une cuirasse et lui fournit une épée. David doté d’un physique de gringalet se débarrassa rapidement de cet attirail, incapable qu’il était de marcher ainsi accoutré. C’est donc armé d’un bâton, de pierres lisses glissées dans sa sacoche et d’une fronde qu’il vint à la 28 En anglais, rappelons que « match » signifie ce qui est assorti, de même poids, au même niveau, à la hauteur ou égal. 41/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle rencontre du Philistin. David n’arrivant pas à la cheville du géant, au sens figuré et presque au sens propre, Goliath ne doutait pas de l’issue de l’affrontement si bien qu’il méprisa le berger. Le combat s’engage : le géant s’élance lourdement sur l’adolescent qui prend le temps de l’ajuster avec sa fronde. La pierre se loge dans le crâne du guerrier qui s’écroule face contre terre. David s’approche, saisit l’épée de Goliath et lui tranche la tête. Ainsi, malgré un déséquilibre évident des forces en présence qui ne faisait planer aucune incertitude sur la finalité de l’affrontement et contre toute attente, le plus petit a vaincu le plus gros. Le mythe de David et Goliath est souvent invoqué lorsqu’il s’agit d’illustrer « la glorieuse incertitude du sport ». L’épopée de l’équipe de Calais durant la Coupe de France 2000 en est un exemple. Evoluant en CFA, soit le 4ème niveau national, le club amateur du CRUFC parvint en finale de la Coupe de France (défaite 2-1 face au FC Nantes Atlantique) après avoir éliminé les Girondins de Bordeaux en demi-finales. Le club nordiste était le « petit poucet », selon l’expression consacrée par la presse sportive, qui mettait en échec un système établi et dominant selon lequel le plus puissant emporte la victoire. L’équipe d’amateurs profita d’un élan de sympathie du grand public et des médias selon une rhétorique que Michel Dalloni déconstruit : « Calais n’était pas que Calais, c’était comme la preuve éclatante de la supériorité définitive des vertus de l’amateurisme sur les vices du professionnalisme, comme un village gaullois qui résistait vaillamment à la mondialisation, comme un atelier d’artisan planté en pleine zone industrielle, comme une illustration de la pensée différente de José Bové, comme l’avant-garde éclairée du prolétariat, comme un phalanstère, comme le triomphe du Roquefort sur les tristes fromages pasteurisés29. » Lorsque de telles disparités entre deux clubs impliquent que le résultat ne fait que peu de doute, le public nourrit de la sympathie et une forme d’identification vis-à-vis du plus faible. Les économistes Sanderson et Siegfried remarquent que « nous voulons que David terrasse Goliath, au moins une fois (sauf, bien entendu, si Goliath joue “ pour nous”) » (Sanderson & Siegfried, 2003b, p. 261). Du reste, le vocabulaire américain dispose d’un mot définissant « la surprise sportive ». Si un upset se produit, c’est que le sportif ou l’équipe attendu comme le vainqueur indiscutable d’une compétition est finalement défait par un adversaire donné perdant (underdog) 30 . Les productions cinématographiques consacrées au sport jouent sur la tension dramatique et empathique du faible qui trouve les ressources pour contrarier le fort (se référer à Rocky ou les aventures de l’équipe de baseball des Indians dans le film Major League). La capacité mobilisatrice évidente de ce type de rencontre participe à l’écriture de l’histoire du sport. L’économiste canadien Marc Lavoie rappelle que l’épopée calaisienne a eu un impact médiatique considérable y compris dans son pays. Selon lui, « une telle aventure, qui enflamme l’imagination et exalte tous ceux qui s’intéressent au sport, n’aurait aucunement été possible dans le cadre d’une ligue fermée à l’américaine. […] Ces exploits démontrent que le sport se joue avant tout sur le terrain, et que l’argent ne peut pas décider de tout. C’est une éclatante et extraordinaire leçon de vie pour tous, moins jeunes et jeunes surtout » (Lavoie, 2004, p. 62). Invoquer la glorieuse incertitude du sport dans une telle configuration relève d’un raisonnement en partie erroné. En effet, l’incertitude sportive ne réside pas dans le spectacle des inégalités, mais au contraire dans l’affrontement de rivaux quasi égaux. Au mythe de David et Goliath nous opposons celui de l’affrontement entre Horaces et Curiaces. 29 30 Dalloni, M. (7 mai 2000). Le bonheur de Calais - Un sacre éphémère. Le Monde. Du nom d’un cheval ayant battu le grand favori, Man’O War, lors du Keene Memorial Stakes 1919. 42/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? b) Les Horaces contre les Curiaces : éloge de la similarité Tite Live raconte dans le livre III de l’histoire romaine comment Albains (Curiaces) et Romains (Horaces) préfèrent un combat réduit pour éviter une guerre violente qui aurait profité à l’Etrurie. Le « singulier hasard », selon l’expression de l’historien, veut qu’au sein du peuple d’Albe et du peuple de Rome, il y ait trois frères jumeaux de force égale et d’âge identique. Albains et Romains conviennent donc que cet affrontement réglera leur sort. Le peuple dont les combattants seraient vainqueurs commanderait paisiblement l’autre. Au signal, un combat totalement équilibré s’engage. Deux Romains tombent morts après avoir blessé trois Albains. L’Horace survivant, par ruse, feint de prendre la fuite divisant ainsi les trois Albains qui se lancent tour à tour à sa poursuite. Le dernier Romain parvient finalement à terrasser un à un les frères Albains diminués. Ainsi, les conditions parfaites d’égalité entre opposants permirent un combat incertain, loyal et juste à l’issue méritée et indiscutable 31 . Nous pourrions dire que dans l’affrontement biblique, les probabilités de victoire des duellistes étaient de 0,01 pour David et 0,99 pour Goliath. La victoire du jeune berger perturbe la logique, l’attendu, l’évidence ; en cela, elle est extra-ordinaire, au sens littéral du terme. D’ailleurs, pour terrasser le Philistin, David ne s’en remet pas seulement à sa dextérité mais surtout à une puissance divine. Dans le mythe romain, chacune des parties avait une probabilité de victoire de 0,5 reflétant plus nettement la nature de la glorieuse incertitude du sport. c) L’incertitude de finalité : le jeu et l’enjeu « Oh incertitude ! Nous ne savons rien… Pauvres fourmis misérables que nous sommes, nous ne savons rien… Nous ne savons pas si Dieu nous regarde, nous ne savons pas si l’apocalypse est proche, nous ne savons même pas si c’est pas Nantes qui va gagner ce soir contre Vierzon ! » Pierre Desproges, les réquisitoires Le recours aux probabilités statistiques pour envisager l’issue d’un affrontement est possible grâce à l’une des caractéristiques du sport exprimée simplement par Huizinga, « la partie commence et prend fin au signal donné » (Huizinga, 1951, p. 29). Elle s’exerce dans un champ temporel et/ou spatial limité : un cent mètres ou un tour du monde, deux mitemps de quarante-cinq minutes au football, deux ou trois sets gagnants au tennis etc. L’incertitude sportive est donc une incertitude de finalité32 qui implique un champ ouvert des possibles, c’est-à-dire une dimension subjective de la perception probabiliste des choses en fonction des informations que l’on possède. Au regard des forces en présence, des classements en vigueur, de l’historique des affrontements entre opposants, on peut établir un pronostic. C’est ainsi qu’opposant la catch (spectacle) à la boxe (sport régulier), Roland Barthes voit dans le noble art « la montée d’une fortune » nécessitant « une science 31 Des traductions prenant des libertés avec le texte de Tite-Live confortent ce sentiment. Nicolas Coëffeteau (1621) signale que le « combat fut douteux ; mais le spectacle en fut beau, et l’événement admirable ». Nisard (1865) écrit que « la lutte incertaine, mais glorieuse, eut une issue miraculeuse ». Décrivant le comportement des spectateurs, Pierre du Ryer (1659) relate que « comme l’espérance de la victoire ne penchait encore ni d’un côté ni de l’autre, il n’y avait de part et d’autre que de la crainte et du silence. » 32 Le concept est emprunté à Bronner (1997). 43/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle du futur » (la fortune étant entendue comme la puissance qui préside au hasard) (Barthes, 1957). Eclairer un futur incertain par le recours aux probabilités, c’est faire un pari sur l’avenir. Jacques Defrance, s’appuyant sur les travaux de Wohl (1964), explique d’ailleurs que « la première poussée dans le sens d’une égalisation des chances des concurrents par une organisation méthodique des épreuves répond à l’objectif de rendre possibles les paris sur le résultat du match, ce que ne permet pas une partie trop déséquilibrée » (Defrance, 2000, pp. 12-13). S’inspirant également des travaux de Wohl, Michel Bouet relève le rôle primordial des paris dans le développement du sport spectacle. On y apprend qu’au XVIIIème siècle, on appréciait les courses sur longs parcours qui maintenaient un suspense et donc l’espoir des parieurs (Bouet, 1995). Certes, les spectateurs avaient déjà misé sur l’issue d’une rencontre, mais comme le précise Umminger, « le pari c’était toujours une sorte de jeu de hasard, accessoire d’un événement sportif qui aurait eu lieu de toutes manières. Les Anglais, au contraire, parièrent sur des exploits sportifs qui n’étaient entrepris qu’en raison de ce pari » (Umminger, 1964, p. 237). C’est dans Journal des haras du 1er mai 1828 qu’on relève la première apparition du mot « sport » dans un texte français. Il est défini comme l’ « ensemble d’activités hippiques et des paris. » En 1875, lorsque le mot entre dans l’usage courant de la langue, Pierre Larousse l’intègre à son grand dictionnaire universel du XIXème siècle : « Par le mot sport, dont l’équivalent n’existe pas dans notre langue et dont la signification en Anglais n’est pas bien précise, on désigne une nombreuse série d’amusements, d’exercices et de simples plaisirs qui absorbent une portion assez notable du temps des hommes riches ou oisifs. [...] Tous ces amusements ou exercices doivent leur attrait principal aux nombreux paris qu’ils font engager; la fureur de parier sur tout et à propos de tout forme un des traits saillants du caractère anglais ; cette folie se répand chaque jour davantage en France, et bientôt, nous n’aurons rien, sous ce rapport, à envier à nos voisins. » Par l’intermédiaire des paris, le sport-spectacle s’est développé à l’époque moderne en favorisant la recherche d’une incertitude mobilisatrice. Toute autre entreprise semble vouée à l’échec : Michel Bouet note le cas d’un promoteur de spectacle sportif anglais qui au cours du XVIIIème siècle, a essayé de mettre en place, sans succès, des combats totalement inégaux entre deux ou trois adversaires contre un seul (Bouet, 1995, p. 321). L’incertitude sportive est donc une incertitude de finalité. En cela, elle constitue un puissant ressort dramatique et tragique. Les supporters de l’équipe allemande de Schalke 04 en ont fait l’amère expérience. Lors de l’ultime journée de championnat de football 2000-2001, les Schalkers comptent trois points de retard sur le leader bavarois, le Bayern de Munich. En cas d’une défaite des Munichois et d’une victoire des joueurs de la Ruhr, ces derniers seraient sacrés champions. Schalke 04 s’impose face à Unterharing sur le score de cinq à trois. Au Stade Olympique de Munich, le match n’est pas encore terminé. Le Bayern et Hambourg se neutralisent, ce qui assure pour l’instant le titre de champion aux Bavarois. Mais, à la 90ème minute de jeu, Hambourg ouvre le score. A Gelsenkirchen, le public envahit le stade, persuadé que ce but lui assure le titre de champion. Dans le temps additionnel, à la 94ème minute de jeu, le Bayern parvient à égaliser et obtient le titre de champion. En France, à l’issue de l’avant-dernière journée du championnat de France 2002-2003, le club de Lyon s’assure presque le titre de champion. L’Olympique Lyonnais possède trois points d’avance sur l’Olympique de Marseille avec une différence de buts favorable de + 44/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? 19. Le retournement de situation est improbable : Lyon devrait perdre à domicile face à Guingamp et Marseille devrait gagner à Nantes sur un score fleuve permettant de revenir à la différence de buts. C’est pourquoi, toute la presse sacre Lyon comme le nouveau champion de France. Le journal L’Equipe prend plus de distance en titrant « comme si c’était fait. » A cette occasion Fabrice Jouhaud, journaliste au quotidien sportif, brocarde ceux qui ont trop vite félicité les Lyonnais alors que le champ ouvert des possibles, quoique presque totalement refermé, laissait une brèche à la glorieuse incertitude du sport. Bien qu’un peu long, le texte est restitué dans son intégralité tant il rend compte de l’importance de l’incertitude dans le sport-spectacle : « Depuis hier soir, Lyon serait champion de France 2003. Erreur. Il le sera samedi soir, à l’issue de la dernière journée. La certitude ne saurait être officielle tant que l’incertitude du sport dispose d’une marge de manœuvre. Or, elle existe, malgré les vingt buts de différence que l’OM aurait à remonter en cas de défaite de l’OL à Gerland, dans quatre jours. Evidemment, à moins d’un invraisemblable cataclysme, cela n’arrivera pas. » Après avoir rappelé que l’incertitude n’est pas levée tant que subsiste une possibilité mathématique, même réduite, le journaliste poursuit : « Evidemment, la joie des Lyonnais, hier soir, à Montpellier, est complètement légitime. Evidemment, personne ne se plaindra que la sincérité et le réalisme l’emportent sur des discours hypocrites de circonstance. Evidemment, personne ne cherche à maintenir un suspense factice qui n’existe pas. » Mais le journaliste poursuit : « le sport de compétition possède cet avantage d’obéir à une règle simple et basique : le vainqueur est désigné une fois la ligne d’arrivée franchie. Lyon n’y est pas encore et il est donc incongru que des observateurs l’y transportent sans retenue. C’est une entorse à la réalité, à l’esprit du sport et à son éthique33. » d) Le sport-spectacle : l’incertitude mobilisatrice Paul Yonnet envisage dans ses travaux la construction du système « sport » (Yonnet, 1998, 2004). Le sociologue prend soin de distinguer deux formes de pratiques sportives (figure 10). Dans la première catégorie, les « pratiquants sportifs pratiquants » mènent une activité physique et sportive quel que soit leur niveau, ou leur motivation. Dans la seconde catégorie, les « pratiquants sportifs non pratiquants » s’adonnent au sport dans la position du (télé)spectateur ou du supporter. L’intégration à l’une des catégories n’exclut pas pour autant de l’autre. On peut pratiquer le football le dimanche matin après avoir pris soin d’encourager son équipe favorite la veille au soir, au stade ou devant son poste. Concernant la pratique sportive directe, Yonnet opère une distinction entre un premier système dominé par la compétition avec les autres et un second où prime la compétition avec soi-même34. Le premier système correspond à la forme classique du sport moderne : on se mesure à des adversaires d’un niveau sensiblement équivalent afin d’établir un classement. En fonction de ce dernier, on construit à nouveau des catégories homogènes : les meilleurs montent de division, les plus faibles sont relégués. Le système compétitif est subdivisé entre une pratique de masse et de loisir et une pratique d’élite et professionnelle. Le sport-spectacle naît précisément dans la rencontre d’un public et d’une élite. 33 L’Equipe, mercredi 21 mai 2003, p. 3. On ne développera pas ici le second système. On en retiendra que dans l’affrontement à soi, on ne se mesure pas aux autres mais on devient son propre étalon. Le classement n’a plus de sens. On pourrait intégrer cette pratique dans les « sports de glisse » d’Alain Loret où prime la recherche hédonique de sensation plutôt que le souci de se classer (Loret, 1996). 34 45/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle Figure 10 - Le système des sports de Paul Yonnet La compétition devient alors spectacle, dramaturgie collective non scénarisée, dont l’énergie fédératrice est fournie par deux « carburants » : d’une part l’identification des spectateurs à une équipe ou un athlète qui les représente, d’autre part l’incertitude. Le second critère nous intéresse plus particulièrement. Ici, le spectacle sportif est envisagé comme une organisation de l’incertitude dont l’attrait réside dans l’affrontement de rivaux de force sensiblement égale : « Ce qui fait sens dans le sport-spectacle, ce qui le fait hautement mobilisateur, c’est non pas l’affichage d’inégalités, l’exposition des différences d’aptitudes ou de dons, mais la quasi-égalité des compétiteurs. […] La haute compétition n’a d’intérêt que pour opposer des individus de valeur sensiblement identique occasionnellement différenciés. Elle est avant tout un spectacle de l’égalité, une mise en scène d’à peu près égaux briguant un avantage minimal et momentané, chaque jour que fait le sport sur le théâtre de la similitude. […] C’est donc le spectacle des meilleurs égaux qui crée l’incertitude essentielle, l’incertitude mobilisatrice » (Yonnet, 1998, pp. 61-62). Ce qui attire le public n’est pas seulement l’habileté athlétique des sportifs ou leur savoirfaire dans une discipline. C’est avant tout l’incertitude du résultat. Le sport-spectacle est le spectacle de la transition de l’incertitude à la certitude. Le public a une perception probabiliste des confrontations permettant d’appréhender la part d’aléa. Une rencontre n’a plus qu’un intérêt limité si elle semble trop déséquilibrée et donc « jouée d’avance ». Ceteris paribus, des matchs présumés équilibrés drainent un public plus nombreux. 46/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? 2. Application économique : l’hypothèse d’incertitude du résultat « Le seul ennui dont on souffrait, c’était le manque de compétiteurs… Les équipes rivales étaient rares, surtout à proximité. La seule à vrai dire pour nous affronter, régulièrement, tous les jeudis, c’était celle des mômes d’en face… […] Ils pesaient rien à vrai dire, au premier coup, une fois chargés avec violence, au vent portant, ils s’envolaient, ils partaient avec le ballon… […] On leur mettait douze buts à quatre… C’était régulier. » Louis-Ferdinand Céline - Mort à crédit « La plus belle émission de télé-réalité, c’est un match de foot ! Et là, le scénario n’est pas écrit à l’avance ! » Frédéric Thiriez, président de la Ligue de Football Professionnel35 a) La qualité du spectacle : dimensions absolues et relatives du sport Figure 11 - L’espace théorique du sport-spectacle Les économistes du sport ont très tôt intégré l’importance particulière de l’incertitude mobilisatrice. Le premier article dédié spécifiquement à une analyse économique du sport professionnel est attribué à Simon Rottenberg. Si son analyse aborde la restriction sur le marché des joueurs de baseball, il remarque un attribut particulier du spectacle sportif : « la nature de l’industrie est telle que les concurrents doivent être approximativement de « taille » égale pour que tous en retire du succès; cela semble être un attribut unique du sport professionnel » (Rottenberg, 1956, p. 242). Rottenberg sous-entend que l’attractivité d’une compétition n’est pas uniquement d’ordre absolu mais aussi d’ordre relatif. Le niveau de qualité d’ordre absolu d’une compétition définit sa position dans la hiérarchie des championnats. Le public est plus enclin à payer pour assister à un spectacle de haut niveau proposé par une élite d’« hommes de métier, soigneusement sélectionnés pour leurs aptitudes » (Yonnet, 1998, pp. 41-42). Le niveau de qualité d’ordre relatif dépend du degré de compétitivité de chaque équipe au sein d’un même championnat. Ainsi, un championnat d’élite animé d’une imprévisibilité définit l’espace théorique du sport-spectacle (figure 11). 35 Dans Valade, J. (2004). Rapport d’information fait au nom de la commission des Affaires culturelles à la suite de la journée thématique « Sports, argent, médias ». Paris : Sénat. Le rapport est publié en mai 2004 : Lyon allait remporter son troisième titre de champion d’affilée… 47/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle Un des objectifs majeurs d’une ligue réside donc dans la nécessité de maintenir l’incertitude des résultats sportifs. C’est ce que formulent, 15 ans après Rottenberg, ElHodiri et Quirk : « le fait économique essentiel concernant le sport professionnel est que les revenus de la billetterie dépendent crucialement de l’incertitude du résultat des matchs joués dans la ligue. Lorsque la probabilité d’une équipe de remporter une rencontre approche 1, les recettes-guichets chutent considérablement. En conséquence, chaque équipe a une motivation économique pour ne pas devenir trop supérieure comparée aux autres équipes de la ligue » (El-Hodiri & Quirk, 1971, p. 1306). Il s’ensuit que lorsqu’une équipe atteint un niveau de réussite qui compromet l’incertitude du résultat, la demande de sport-spectacle décline. Si une équipe victorieuse attire le public, sa domination ne doit pas être pour autant outrageante. Des études empiriques menées sur la Ligue Majeure de Baseball tendent à montrer que l’affluence d’un match est maximisée lorsque la probabilité de victoire de l’équipe hôte est proche de 60% (Knowles, Sherony, & Haupert, 1992; Rascher, 1999). b) La charge émotive de l’incertitude L’hypothèse d’incertitude du résultat stipule que les (télé)spectateurs désirent certes voir leur équipe gagner, mais à l’issue d’une rencontre équilibrée, disputée et indécise. Quirk et Fort développent cette idée centrale: « l’un des ingrédients clés de la demande des fans pour les sports d’équipes est l’excitation générée par l’incertitude du résultat des matchs d’une ligue. Pour chaque fan qui, en puriste, se contente de simplement regarder l’habileté des athlètes sans tenir compte de l’issue du match, il y’en a beaucoup plus encore qui vont voir leur équipe gagner, et plus particulièrement voir leur équipe gagner dans une rencontre indécise contre un adversaire tenace. Afin de maintenir l’intérêt des fans, une ligue sportive doit s’assurer qu’aucune équipe ne devienne trop forte ou trop faible par rapport aux autres afin que l’incertitude du résultat soit préservée. Si une ligue devient si déséquilibrée, avec trop de talent sportif concentré dans une ou deux équipes, l’intérêt des fans chute aussi bien pour les équipes faibles que pour les équipes fortes » (Quirk & Fort, 1992, p. 243). C’est d’ailleurs là que réside l’atout majeur du spectacle sportif. Shank rappelle que si une pièce de théâtre a un script et un concert un programme, l’action sportive est spontanée et non maîtrisée de ceux qui y participent. A la différence d’un film - on s’attend à rire s’il s’agit d’une comédie ou à être effrayé dans le cas d’un film d’horreur - les émotions que nous pourrions ressentir en regardant un évènement sportif sont dures à prévoir (Shank, 1999, p. 3). Dans tous les cas, le drame sportif qui se dessine sous les yeux des spectateurs n’est pas scénarisé. Rien n’est préétabli, l’enchaînement des évènements n’est pas rédigé à l’avance. Le spectateur vit un match au grè des renversements de situation lui procurant des variations émotionnelles. 48/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? Comprendre le panel d’émotions 36 qu’offre le déroulement d’un match nécessiterait probablement d’invoquer des disciplines telles que la psychologie voire la psychanalyse. Plus simplement, la littérature fournit quelques témoignages. Nick Hornby, auteur anglais, consacre son premier roman à son addiction pour le club de football londonien d’Arsenal. Le romancier écrit quelques lignes non pas sur l’incertitude mais à l’inverse, sur l’absence d’aléa : « Comme pour tous les supporters, la plupart des matchs auxquels j’ai assisté ont été des matchs de championnat et, comme la plupart du temps, Arsenal ne pouvait, après la Noël, prétendre au titre en première division ni ne courait de risque sérieux de rétrograder, une bonne moitié de ces matchs ne devaient pas présenter grand intérêt, du moins dans le sens que les journalistes donnent à ces mots. Il n’y avait pas de quoi se ronger les ongles, se gratter les mollets, se défigurer de grimaces, se meurtrir l’oreille à force d’y coller le transistor dans lequel on guette l’annonce des résultats de Liverpool ; aucun score ne vous plongera dans des abîmes de désespoir ni ne vous transportera au septième ciel. Le seul intérêt de tels matchs est celui que, sans vous souciez de la première division, vous lui accordez37. » c) Définir l’équilibre compétitif Malgré la qualité du débat international, il reste difficile de définir clairement les notions d’incertitude du résultat et d’équilibre compétitif. Sous leur apparence simple, universelle et évidente, ces concepts masquent une grande complexité difficilement réductible à une définition (Downward & Dawson, 2000, p. 131). Pour Forrest et Simmons, « l’équilibre compétitif fait référence a une ligue structurée de sorte que chacun de ses membres possèdent une « force de jeu » relativement égale, tandis que l’incertitude du résultat est reliée à la situation où chaque rencontre d’une ligue présente de l’imprévisibilité et, par extension, aucun vainqueur n’est pressenti à l’entame du championnat » (Forrest & Simmons, 2002a). L’équilibre compétitif appartiendrait à la catégorie d’éléments qu’on ne peut clairement définir mais qu’on reconnaît de suite dès qu’on y est confronté. Ainsi, pour Andrew Zimbalist, « l’équilibre compétitif c’est comme la santé. Tout le monde s’accorde à dire que c’est une bonne chose, mais personne ne sait ce qu’est être en bonne santé » (Zimbalist, 2002a, p. 111). Leo Kahane corrige l’analogie en préférant “la beauté” à “la santé”. Selon lui, la dimension subjective de la perception des critères de beauté reflète mieux la complexité et l’ambiguïté de l’équilibre compétitif. Kahane constate alors qu’« il ne semble n’y avoir aucun réel consensus sur ce que signifie l’équilibre compétitif. [...] L’absence de définition est compréhensible car le concept est difficile à cerner. [...] Sans 36 Michel Platini le rappelle souvent : « France-Allemagne (en 1982) reste mon souvenir le plus fort. Cette demi-finale fut un concentré de toutes les émotions du monde: la joie d’être qualifiés, l’appréhension de jouer les Allemands, la crainte de prendre le premier but, le miracle de l’égalisation, l’espoir, le désespoir des deuxième et troisième buts allemands, la révolte, la haine face à l'agression contre Patrick Battiston et l’écœurement de se faire éliminer, comme ça, sur un maudit penalty. Ce fut une heure et demie de sentiments héroïques. » : Miquel, P (29 mars 2001). Le football est devenu une tragédie permanente – Entretien avec Michel Platini. L’express. 37 Hornby N. (1992). Carton jaune. 1018, Paris, p. 260. Le thème du jeu et du hasard est assez répandu dans la littérature. Dans Le joueur, Dostoïevski décrit avec minutie les transes fiévreuses du héros confronté aux aléas de la roulette dans les temples du hasard. La pathologie du jeu est la toile de fond d’une nouvelle de Stefan Zweig : Vingt-quatre heures de la vie d’une femme. Pasolini, intellectuel critique et engagé, vouait une véritable fascination au football. Quelques textes sur le sport-spectacle sont disponibles : Pasolini, P. P. (2005). Les terrains. Ecrits sur le sport. Paris: Le temps des cerises. 49/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle une définition claire de l’équilibre compétitif, les discussions pour savoir si les ligues sont suffisamment équilibrées n’ont que peu de sens » (Kahane, 2003, pp. 288-289). Si le concept est difficile à cerner c’est qu’il s’agit d’appréhender ce qui relève avant tout du ressenti des fans d’un sport : un championnat est déséquilibré lorsqu’un spectateur dit qu’il l’est. Cela ne peut toutefois pas être satisfaisant pour un économiste qui cherche avant tout à quantifier et mesurer ce degré d’incertitude. Mais construire une définition sur des critères quantitatifs (l’équilibre compétitif est ce que l’on mesure) sur la base de critères qualitatifs (l’équilibre compétitif est ce que ressentent les spectateurs) apparaît comme une entreprise périlleuse. Faute de s’accorder sur une définition admise de tous, un consensus s’est établi autour de l’emploi d’une définition proposée par un rapport indépendant sur l’économie de la Ligue Majeure de Baseball : « le véritable équilibre compétitif n’existera pas tant que chaque club n’aura l’espoir régulier et récurrent d’atteindre les playoffs » (Levin, Mitchell, Volcker, & Will, 2000, p. 5). Cette définition a le mérite d’identifier le caractère essentiel du concept d’équilibre compétitif en introduisant la notion d’ « espoir régulier et récurrent ». Sur le long terme, chaque club doit de façon récurrente nourrir l’espoir véritable de pouvoir se qualifier pour les phases finales. Toutefois, cette définition est discutable. Tout d’abord, comment objectiver « un espoir régulier et récurrent d’accéder aux playoffs » ? Dans l’esprit d’un fan, quel laps de temps sans qualification est soutenable ? Ensuite, est-il réellement enthousiasmant pour les fans de voir leur équipe accéder régulièrement aux phases finales sans un « espoir récurrent et régulier » de remporter le titre ? Enfin, la définition concerne uniquement les championnats où une phase finale succède à une saison régulière. Plus particulièrement, elle est consacrée aux ligues fermées nord-américaines. Qu’en est-il d’une ligue ouverte sans phase finale ? Le spectateur doit-il espérer le titre, une place européenne, le maintien ? Figure 12 - Le cercle vertueux de l’équilibre compétitif C’est pourquoi l’édification d’une définition universelle et exclusive relève de la gageure. Il semble toutefois nécessaire d’appréhender ce que pourrait être un championnat européen doté d’équilibre compétitif. Dans le cas des ligues sportives européennes ouvertes, on peut considérer qu’un championnat équilibré est constitué d’équipes sensiblement de force égale de sorte que l’incertitude quant à l’issue de chaque match et, par extension, de la saison, soit préservée. Rien ne doit laisser entrevoir un prétendant prédéterminé au titre, aux places qualificatives pour l’échelon européen ou aux places de relégables. Ainsi, 50/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? au commencement d’un championnat, chaque supporter de club peut nourrir l’espoir d’accéder au rang continental comme craindre d’être relégué. Sur le long terme, le système de promotion/relégation assure un renouvellement efficace des équipes participant à la ligue. D’une manière générale, on pourrait dire qu’une ligue présente un mauvais équilibre compétitif lorsqu’on observe ex-post la domination régulière d’un faible nombre d’équipes nuisant ainsi à l’intérêt du public. La figure 12 synthétise l’importance particulière de l’équilibre compétitif. L’incertitude du résultat favorise l’intérêt du public. Un championnat attirera d’autant plus de monde, devant le poste de télévision ou dans les stades, que son issue sera incertaine. Les revenus du « spectacle de l’égalité » doivent faire l’objet d’un partage entre clubs pour maintenir une capacité de recrutement équivalente. Michie et Oughton expliquent que « maintenir et promouvoir l’équilibre compétitif est important pour maximiser la demande au niveau du club et de la ligue. C’est en partie ce qui explique la logique commerciale des ligues sportives à adopter des outils de régulation pour redistribuer les revenus et ainsi promouvoir l’équilibre compétitif. L’équilibre compétitif est aussi important pour assurer la stabilité de la ligue. Les ligues déséquilibrées font encourir plus de risques de faillite aux clubs à la traîne, courent le risque d’une scission ou de voir s’établir une ligue rivale » (Michie & Oughton, 2004, pp. 4-5). C - Les dimensions de l’équilibre compétitif La thématique de l’équilibre compétitif fait depuis une quinzaine d’années l’objet de recherches importantes de la part d’économistes du sport. Sanderson et Siegfried notent qu’au cours de ses trois premières années d’existence, le Journal of Sports Economics a publié cinq articles ainsi qu’un numéro spécial consacrés à l’équilibre compétitif (Sanderson & Siegfried, 2003b). Nous avons pour notre part recensé plus de 45 publications académiques entre 1991 et 2005 contenant l’occurrence « competitive balance » dans le titre, le résumé ou les mots-clés. En France, l’analyse de cette thématique est assez récente. En effet, l’économie du sport selon qu’elle soit pratiquée par les AngloSaxons ou les Français diffère de façon assez marquée. L’approche presque exclusivement économétrique (Mainstream Economy) des Nord-Américains n’a peut être pas facilité l’importation de cette thématique par des Français plus enclins à l’économie politique ou la socio-économie38. C’est donc sous l’angle de la régulation qu’Arnaud Rouger soutient une thèse sur l’équilibre compétitif (Rouger, 2000). Une collaboration avec Eric Barget contribuera à développer cette thématique (Barget & Rouger, 2000). Enfin, paraît en 2004 sous la direction de Jean-Jacques Gouguet un ouvrage collectif dont chacune des trois parties relève spécifiquement de l’équilibre compétitif (Gouguet, 2004a). 38 Afin d’illustrer les points d’achoppement entre les approches de part et d’autre de l’Atlantique, relevons que dans le Journal of Sports Economics vol.3 n°1 paru en février 2002, Stefan Kesenne procède à la critique d’Economie du sport de Bourg et Gouguet paru en 2001 aux éditions La Découverte. Selon lui, le sujet du livre pourrait être appréhendé comme une problématique d’économie générale : lorsque l’offre rencontre la demande, la concurrence et les prix fixés équilibrent le marché. Si cela échoue, une intervention étatique régule. Kesenne précise toutefois : « mais probablement est-ce là une approche économique trop anglosaxonne. » Enfin, il considère que l’unique représentation graphique d’une théorie économique en page 98, par ailleurs très utilisée dans les ouvrages de langue anglaise, aurait pu être déclinée plus souvent. Précisons néanmoins qu’Andreff (Paris), Bourg et Gouguet (Limoges) appartiennent au comité de lecture de la revue. 51/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle L’équilibre compétitif est aujourd’hui un concept si important dans la littérature académique que les nombreuses publications l’envisageant s’inscrivent dans différentes catégories. Fort et Maxcy distinguent les approches théoriques (maintien de l’incertitude dans les systèmes compétitifs européens et nord-américains, sous les différentes hypothèses d’objectifs des propriétaires etc.) et les approches empiriques mesurant le degré d’emprise de l’aléa, les effets sur la demande et l’efficacité des outils de régulation (Fort & Maxcy, 2003). A ces deux approches, nous en ajoutons une troisième – l’approche statistique – qui vise à identifier les outils de mesure de l’équilibre compétitif les plus pertinents. Le tableau 2 détaille ces trois approches. Si dans les faits les analyses de l’équilibre compétitif ne sont pas figées dans l’une ou l’autre des catégories mais relèvent le plus souvent des trois, cette catégorisation est opérationnelle et reflète au mieux les réflexions actuelles sur cette thématique émergente. La difficulté d’appréhender l’équilibre compétitif a déjà été pointée. Sloane a mis en évidence qu’il prenait des formes différentes dans le temps en distinguant l’incertitude sur le court terme de l’incertitude sur le long terme (Sloane, 1971). La première approche vise à établir le degré d’incertitude à l’échelle d’une saison : un championnat est-il constitué d’équipes si homogènes qu’il maintient l’aléa jusqu’à son terme ? La seconde approche cherche à identifier des périodes de domination régulière d’un faible nombre d’équipes : y a-t-il une récurrence dans l’attribution du titre de champion ? Cette approche s’est affinée jusqu’à identifier trois sortes d’incertitude : l’incertitude sur l’issue d’un match ; l’incertitude à l’issue d’un championnat ; l’absence de domination régulière (Szymanski & Kuypers, 1999, p. 256). L’incertitude d’un match concerne son issue probable en fonction d’informations dont on dispose. Lorsque deux équipes d’un niveau sensiblement égal s’affrontent, l’incertitude présumée sera plus élevée que si le match oppose une équipe considérée comme forte à une équipe considérée comme faible. De nombreux travaux se sont appliqués à construire des modèles économétriques déstinés à prévoir l’issue d’un match ou tester la validité du lien entre l’affluence et le degré d’incertitude d’une rencontre (Dobson & Goddard, 2005; Garcia & Rodriguez, 2002; Peel & Thomas, 1988, 1992, 1997). L’incertitude à l’issue d’une saison envisage l’homogénéité d’un championnat. Ce dernier est considéré comme d’autant plus attractif que plusieurs équipes luttent pour le titre (et pour éviter une relégation). L’approche statistique de cette incertitude a été développée par Scully pour devenir la façon privilégiée de calculer l’équilibre compétitif (Scully, 1989)39. Enfin, il y a absence de domination régulière si à l’entame d’un championnat, le doute existe sur l’attribution du titre. En effet, si une équipe s’est distinguée en ayant largement dominé les saisons précédentes, il est alors prévisible qu’il en soit de même pour les saisons à venir40. Les outils statistiques pour mesurer l’équilibre compétitif sont nombreux et font l’objet de nombreux débats (Buzzacchi, Szymanski, & Valletti, 2001; Humphreys, 2002; Michie & Oughton, 2004). Cet aspect sera développé ultérieurement à la page 213. 39 Il est difficile de présenter ici toute la littérature. Des analyses empiriques ont été menées sur les ligues américaines par (Quirk & Fort, 1992) et (Vrooman, 1995). (Barget & Rouger, 2000) ont analysé les grands championnats de football européen. 40 A ce sujet, Szymanski et Kuypers ont comparé 5 championnats de football européens (Espagne, Italie, Pays-Bas, Ecosse, Angleterre) : (Szymanski & Kuypers, 1999, p. 261). 52/368 Thèmes Tableau 2 - La diversité des approches de l’équilibre compétitif Approches théoriques Approches empiriques Approches statistiques Définition de l'équilibre compétitif Outils de maintien de l'équilibre compétitif et leur (in)efficacité Indices de concentration Spécificité de l'activité (coopération/concurrence) Equilibre compétitif et demande (affluences) Indices de dispersion Les objectifs des propriétaires (profit/utilité) Analyses longitudinales et comparatives Approche dynamique La logique du système (économique/sportif) Analyses ex-post et ex-ante Bibliographie Fonctionnement du système (fermé/ouvert) (Cavagnac & Gouguet, 2006) (Buzzacchi, Szymanski, & Valletti, 2001, 2003) (Fort, 2003) (Fort & Maxcy, 2003) (Fort & Quirk, 1995) (Fort & Quirk, 2004) (L. Groot, 2000) (Humphreys, 2003b) (Kahane, 2003) (Kesenne, 1999) (Sanderson, 2002) (Sanderson & Siegfried, 2003a) (Schmidt & Berri, 2003) (Szymanski, 2003) (Szymanski, Buzzachi, & Valletti, 2003) (Zimbalist, 2002b) (Zimbalist, 2002a) (Zimbalist, 2003c) (Zimbalist, 2003a) (Butler, 1995) (A. Daly & Kawaguchi, 2004) (Grier & Tollison, 1994) (J. Groot & Groot, 2003) (Kesenne, 1999) (Kesenne, 2000) (Kesenne, 2004) (Kesenne, 2005) (Larsen, 2006) (Schmidt & Berri, 2001) (Schmidt & Berri, 2002) (Surdam, 2006) (Szymanski & Kesenne, 2004) 53/368 (Barget & Rouger, 2000) (Buzzacchi et al., 2001) (Eckard, 2003) (Helleu & Durand, 2005) (Humphreys, 2002) (Humphreys, 2003a) (Michie & Oughton, 2004) (Utt & Fort, 2002) Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle En guise de conclusion sur ce point, la figure 13 synthétise les éléments développés sur la demande du sport qui se regarde. Ce dernier repose sur deux principes a priori inconciliables. Chaque participant à une compétition sportive met tout en œuvre pour la remporter le plus souvent possible, ce qui aurait pour conséquence de limiter la force du hasard. Dans le même temps, cette compétition doit être animée d’une incertitude mobilisant l’intérêt du public. Le concept d’âgon développé par Roger Caillois réconcilie les principes de domination et d’incertitude, mais cela doit être favorisé par une régulation sportive (la règle assurant l’égalité des chances) et une régulation économique (limiter la force du lien transitif entre richesse et réussite sportive). Ce faisant, l’organisateur de spectacle sportif met en œuvre les conditions favorables d’une rivalité sportive attractive. Ce modèle théorique est bien entendu animé par des forces parfois contraires. Ainsi, les propriétaires motivés par l’unique désir de victoire font en sorte de limiter l’emprise du hasard. La meilleure façon de parvenir à ce résultat reste encore de s’en donner les moyens, ou mieux encore, d’y mettre les moyens. C’est pourquoi le point suivant développe la nécessité d’une régulation économique. Figure 13 - Les trois principes du sport qui se regarde 54/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? II Revenus et performances sportives « Les négateurs du hasard. – Nul vainqueur ne croit au hasard. » Nietzsche - Le Gai Savoir. III, 258. “Winning isn’t everything, it’s the only thing” Phrase attribuée à Vince Lombardi, coach des Green-Bay Packers, en 195941 Paul Yonnet s’applique à catégoriser les sports selon leur résonance au principe d’incertitude. Le sociologue identifie des « sports imparfaits » (Yonnet, 1998). A titre d’illustration, la performance soumise à la subjectivité d’un juge (patinage artistique, gymnastique) s’oppose au caractère indiscutable d’un score. Il peut aussi exister d’entrée une rupture des conditions d’égalité. Dans une course automobile, ce n’est pas tant l’habileté du pilote qui importe que la technologie de son véhicule. D’ailleurs, les dernières réglementations de courses de F1 visent à atténuer les écarts technologiques pour réinjecter de l’incertitude dans une discipline longtemps dominée par Ferrari et son pilote Schumacher. A l’opposé des « sports imparfaits », il existe des « sports parfaits » dont la règle crée les conditions d’égalité débouchant sur un frêle équilibre dont la rupture est un score, une performance, une mesure indiscutable et méritée. Nous considérons pour notre part qu’il ne s’agit pas de « sports parfaits » mais plutôt de « sports perfectibles ». Notre hypothèse est que de nombreux éléments exogènes viennent perturber la recherche d’incertitude en brisant l’égalité entre concurrents. S’assurer la victoire consiste en partie à réduire l’emprise de l’incertitude. Trois façons de conjurer le sort sont identifiées. On peut s’en remettre à des pratiques mystico-religieuses. Ces appels à des puissances divines accordant de leur arrière-monde un soutien décisif sont courants et divers : superstitions, prières, signe de croix à l’entrée sur un terrain, recueillement collectif, maraboutage, « grigri », exorcisme etc. Pour Womack, ces sportifs « utilisent fréquemment des rituels pour avoir un sentiment de contrôle sur ce qui leur arrive. L’incertitude qui existe dans les sports compétitifs de haut niveau est si grande que de nombreux athlètes recourent aux rituels » (Womack, 1992). Une seconde méthode consiste à tricher, c’est-à-dire enfreindre la règle garantissant le maintien de l’incertitude. Le principe est de perturber l’aléa en déséquilibrant le rapport de force en sa faveur. En corrompant l’adversaire, on diminue son opposition ; en s’attachant les faveurs de l’arbitre, on se garantit une application « douteuse » de la règle. Il serait trop long de compiler les affaires de corruption. On notera toutefois que « l’arrangement » d’un résultat n’a pas pour seul objectif de garantir une issue favorable à l’un des clubs. Il est intéressant de remarquer que ce type d’affaires est de plus en plus lié aux paris sportifs. Les cotes des matchs étant indexées sur le rapport de force entre les opposants, il s’agit précisément d’anéantir la mainmise du hasard pour se garantir un gain conséquent. Le cinéma s’est largement fait écho de ce mécanisme : chacun a en tête une référence où le boxeur doit « se coucher » au 7ème round ! Dans le domaine du football, sous l’effet du développement important du pari en ligne, les affaires de trucage se sont multipliées, notamment en Allemagne, au Brésil, en Slovaquie et en Finlande. 41 Toutefois, c’est Henry “Red” Sanders, coach de UCLA football, qui aurait le premier prononcé cette phrase durant une séance d’entraînement dans les années 1930 : (Overman, 1999). 55/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle Le dopage permet l’accès à une supériorité sur l’adversaire par une aide artificielle à la performance. Yonnet explique que « les compétitions n’ont de sens et d’intérêt, pour les sportifs comme pour les spectateurs, qu’à la condition de n’opposer que des quasi-égaux, entre lesquels apparaîtront des différences réversibles d’une rencontre à l’autre. Le sport est ici une organisation de l’incertitude. On comprend que le dopage – s’il n’est pratiqué que dans un camp, ou différemment dans chaque camp – rompt les conditions d’égalité qui président à la mise en compétition et crée de l’inégalité à la base même d’un système implicitement fondé sur l’authenticité de valeurs affichées » (Yonnet, 2004, pp. 222-223). La troisième façon de limiter l’emprise de l’incertitude consiste simplement à aligner une équipe meilleure que les autres : « le talent sportif est la principale ressource utilisée par les clubs pour générer du succès sur le terrain » (Hall, Szymanski, & Zimbalist, 2001, p. 150). Le savoir-faire d’un joueur a un prix si bien que l’on peut proposer l’articulation axiomatique suivante : les très bons joueurs produisent plus de succès sportif – les très bons joueurs sont rares – les acquérir coûte plus cher. Ainsi, la possibilité d’un club d’attirer et conserver les meilleurs joueurs du marché en leur offrant une rémunération à la hauteur de leur talent dépend avant tout de ses capacités financières. Le lien entre succès sportif et rémunération des joueurs constitue un objet d’investigation central dans la théorie économique des ligues sportives professionnelles. La première analyse de ce type a été proposée par Scully (1974). La démarche se déroule en deux temps. Tout d’abord, Scully mesure la part prise des performances individuelles des joueurs de baseball dans le succès de leur équipe. Il calcule par la suite le lien entre les revenus des équipes et leur réussite sportive. Il est alors possible d’établir si les joueurs sont rémunérés à leur juste participation au succès sportif et économique de leur employeur. Scully montre qu’à la fin des années 1960, les joueurs de baseball n’étaient pas rémunérés à la hauteur de leur contribution au succès de leur équipe. Il convient de remarquer que la grande transparence outre-Atlantique sur la rémunération des joueurs pratiquant des sports propices à la production de statistiques42 facilite ce type d’analyses. Chaque année, de nombreux journaux établissent le rapport qualité/prix des joueurs en confrontant leurs salaires à leurs performances. A titre d’illustration, selon le salary report 2004-2005 d’USA Today, le meneur de jeu le plus rentable de la NBA est le français Tony Parker : classé 13ème selon ses performances, son salaire de 1 545 441 dollars le relègue au 82ème rang des joueurs les mieux payés dans sa catégorie43. En Europe, les difficultés pour obtenir les données salariales et objectiver le rendement sportif des footballeurs ont limité ce type d’analyse. Lucifora et Simmons ont trouvé, comme on peut en avoir l’intuition, que le nombre de buts marqués, de minutes jouées ou encore le statut de joueur international, étaient des déterminants des salaires des joueurs dans la Serie A italienne. De plus, dans le classement des buteurs, une faible différence de buts inscrits peut conduire à de larges disparités de salaires si bien que les auteurs concluent à l’évidence d’un « super star effect » dans le championnat italien (Lucifora & Simmons, 2003). Il s’ensuit une segmentation du marché du travail où l’habileté des joueurs, leurs 42 Ce qu’Alain Loret appelle la capacité de numérisation ou de digitalisation des actions de jeu. Voir: (Loret, 1996, pp. 293-301) et Loret, A. (20 janvier 2005). Foot: le mystère télégénique. Libération. 43 Voir la section sport du site (http://www.usatoday.com/). Le magazine Forbes, quant à lui, établit un Player Relative Productivity Score qui confronte les statistiques d’un joueur sur 3 ans à son salaire actuel (http://www.forbes.com/). 56/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? salaires, et le niveau sportif et économique de leur club employeur sont naturellement liés44. Nous recourons à deux cas pour illustrer le lien entre performance sportive et revenus des clubs : la Ligue Majeure de Baseball pour l’Amérique du Nord et le football pour l’Europe. A - L’exemple nord-américain : la MLB Le Commissioner’s Blue Ribbon Panel on baseball economics a été commandité afin « de considérer si les disparités de revenues entre les clubs endommagent sérieusement l’équilibre compétitif, et, si cela est le cas, de recommander des réformes structurelles pour corriger ce problème. » Publié en 2000, il conclut « que des problèmes grands et grandissants de disparités de revenus existent et sont en train de causer des problèmes chroniques de déséquilibre compétitif » (Levin, Mitchell, Volcker, & Will, 2000, p. 1). Le ratio entre les clubs les mieux et moins bien rémunérés en matière de revenus locaux (essentiellement la billetterie, les loges et les droits télévisuels locaux) est passé de 5,5 pour 1 en 1995 à 14,7 pour 1 en 1999 (tableau 3). Les revenus totaux (revenus locaux et revenus centralisés par la ligue) ont progressé en moyenne de 55 millions de dollars pour les clubs du quartile le plus riche contre 32 millions pour le quartile des équipes les plus faibles. En 1999, la somme des revenus des trois équipes les plus riches excédait de 33 millions de dollars les revenus combinés de tous les clubs du dernier quartile. En conséquence, il existe de fortes disparités en matière de rétribution des joueurs. Entre 1995 et 1999, la masse salariale de l’ensemble des clubs a progressé de 61%. Néanmoins, elle a augmenté de 28 millions de dollars pour les clubs du premier quartile contre 4 millions pour les clubs du dernier quartile. Bien entendu, les résultats en dehors du terrain se traduisent dans les stades : durant les cinq années d’étude, les World Series (finale de la MLB) ont été remportées par un club du premier quartile. Tous les champions étaient dans le top 5 des masses salariales. Aucune des équipes appartenant aux quartiles 3 ou 4 des masses salariales n’a gagné un seul des 158 matchs de phases finales45. Tableau 3 - Matchs des « Division Series », « League Championship Series » et « World Series » gagnés en fonction des masses salariales classées par quartile (MLB, 1995 à 1999) MS 1995 46,4 1996 50 1997 57,4 1998 64 1999 78,8 Total 296,6 Quartile I DS & WS LCS 19 6 19 6 26 7 18 4 25 4 107 27 Quartile II DS & WS MS LCS 36,9 6 0 37,9 7 0 45,3 1 0 50,1 8 0 55,7 2 0 225,9 24 0 Quartile III DS & WS MS LCS 31,4 0 0 28,1 0 0 35,4 0 0 35,4 0 0 41 0 0 171,3 0 0 MS 17,8 18,2 21,5 18 20,2 95,7 Quartile IV DS & LCS 0 0 0 0 0 0 Total WS matches 0 0 0 0 0 0 31 32 34 30 31 158 MS : masse salariale moyenne (en millions de dollars) DS & LCS : Matches joués dans les « Divisions Series » et « League Championship Series » WS : Matches joués dans les « World Series » Sources: Levin, R. C., Mitchell, G. J., Volcker, P. A., & Will, G. F. (2000). The Report of the Independent Members of the Commissioner's Blue Ribbon Panel on Baseball Economics . New-York: Major League Baseball. 44 Sur ce point, voir l’analyse de Bourg et Gouguet sur l’édition 1995/1996 du championnat de France de football de première division : (Bourg & Gouguet, 1998, pp. 145-150). 45 Précisons toutefois que la méthodologie du BBR a été critiquée : (Eckard, 2001). Voir aussi les pages Business of Baseball de Doug Pappas : http://roadsidephotos.sabr.org/baseball/index.htm 57/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle D’autres contributions académiques ont testé et validé la relation statistique entre les dépenses salariales d’une équipe et ses performances sportives dans les quatre ligues majeures nord-américaines (Forrest & Simmons, 2002). Des comparaisons effectuées avec le football européen (championnats italien, anglais et allemand) montrent que leur issue apparaît encore plus déterminée par les salaires octroyés aux joueurs. C’est l’objet du développement suivant. B - L’exemple européen : le football “It’s a serious concern for us that in many European countries only a small number of teams can win the domestic league title.” William Gaillard – UEFA - (2004 – The Guardian) “The Premiership is in grave danger of losing its competitive balance, if it has not already done so. We now have a top league in which 75 per cent of the teams have little or no chance of winning the title, and the competitive balance between the haves and the have-nots has declined to such an extent that finishing 17th is regarded as an achievement.” Graham Taylor - Daily Telegraph La relation transitive entre revenus, masse salariale et résultats sportifs s’observe également dans le football européen. Szimansky et Kuypers ont consacré un chapitre entier de leur ouvrage Winners & Loosers au cas du football anglais. Ils concluent : « ce chapitre a examiné deux relations : la première entre les dépenses salariales et le succès sportif, le second entre le succès sportif et les revenus. Ces deux types de relations sont peut-être plus intenses encore qu’on ne le conçoit généralement, mais chacune reflète les opérations du marché. En gros, ces marchés peuvent être considérés comme efficient. C’est-à-dire, même si une équipe bien lotie ne va pas toujours battre une équipe plus faible, sur le long terme et en moyenne il y a une intime relation entre les dépenses salariales et la performance dans une ligue » (Szymanski & Kuypers, 1999, p. 192). Les auteurs ont mené une analyse de 1978 à 1997 sur 40 clubs anglais. Chacun des clubs est caractérisé par son classement moyen et sa masse salariale rapportée à la masse salariale annuelle moyenne (tableau 4) 46. Le coefficient R² est de 0,92. Ainsi, 92% de la variabilité de la performance sportive peuvent être expliqués par la masse salariale. 46 Cette méthode permet de gommer les effets de l’inflation. Liverpool, champion en 1978, présentait une masse salariale de 690 000£ alors qu’en 1997, Manchester United avait dépensé 22,5 millions de £, soit 33 fois plus. Il faut donc comprendre que Liverpool dépense 2,62 fois plus que la moyenne. 58/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? Tableau 4 - Masse salariale et performance sportive dans le football anglais (1978 à 1997) Rang Clubs Classement Masse salariale moyenne (relative à moyen la masse salariale annuelle) 1 2 3 4 5 Liverpool Manchester United Arsenal Everton Tottenham 3 5 5 9 9 2,62 2,69 2,27 2,11 2,54 6 7 8 9 10 Aston Villa Southampton Coventry West Ham Leeds 10 12 14 17 17 1,65 1,21 1,34 1,62 1,62 11 12 13 14 15 Newcastle Sheffield Wednesday Blackburn Leicester Luton 20 21 25 25 25 1,69 1,27 1,13 1,08 1,09 16 17 18 19 20 Derby West Brom Oldham Birmingham Sheffield United 26 27 31 32 36 1,01 0,99 0,69 1,07 0,79 21 22 23 24 25 Barnsley Bolton Swindon Bristol Rovers Shrewsbury 37 43 48 49 49 0,56 0,76 0,68 0,42 0,39 26 27 28 29 30 Huddersfieid Plymouth Hull Reading Brentford 51 52 54 54 55 0,54 0,52 0,48 0,55 0,45 31 32 33 34 35 Cambridge Southend Rotherham Preston Burnley 56 57 58 60 60 0,38 0,44 0,4 0,47 0,6 36 37 38 39 40 Wrexham Bury Peterborough Mansfield Scunthorpe 65 66 68 71 78 0,41 0,38 0,38 0,36 0,33 Sources: Szymanski, S., & Kuypers, T. (1999). Winners and Losers: The Business Strategy of Football. London: Viking Books, p. 163. 59/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle Barget et Rouger ont mené une analyse similaire sur les championnats de France de football de première et seconde division entre les saisons 1992-93 et 1997-98. Les résultats de tests statistiques montrent une relation importante entre la richesse d’un club - exprimée selon la masse salariale ou le budget - et la performance sportive puisque le R² est dans tous les cas supérieur à 0,77 (tableau 5). Ainsi, pour les auteurs, « un club sera d’autant plus performant que son budget ou sa masse salariale seront élevés. […] Finalement, la richesse des clubs influe grandement sur les résultats sportifs : les plus performants sont les mieux dotés financièrement. […] Il apparaît que cette variable financière conditionne grandement le succès des clubs » (Barget & Rouger, 2000, p. 68). Tableau 5 - Lien entre la réussite sportive et la capacité financière des clubs dans le championnat de France de football de D1 et D2 (1992 à 1998) Division 1 2 Variable expliquée Variable explicative R2 Pourcentage de victoires Masse salariale 0,781 Budget 0,766 Pourcentage de victoires Masse salariale Budget 0,825 0,77 Source : Barget, E., & Rouger, A. (2000). De l'utilité de la mesure de l'équilibre compétitif. In J.-J. Gouguet & D. Primault (Eds.), Reflets et perspectives de la vie économique. Bruxelles : DeBoeck Université, p. 67. Au niveau des compétitions continentales, le rapport 2004 INEUM/EUROMED sur le football note « le renforcement de la position dominante d’un nombre réduit de très grands clubs 47 . » On voit ainsi se constituer une élite financière de grands clubs européens dominant leur championnat domestique comme l’échelle continentale. Le chiffre d’affaires des dix premiers clubs européens représente 30% du chiffre d’affaires de l’ensemble des clubs des cinq « grands » pays du football (Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Italie). La figure 14 compare le chiffre d’affaires moyen des dix plus grands clubs européens avec celui des 10 poursuivants sur 9 saisons. Si on observe une croissance rapide pour l’ensemble des clubs, ceux du top 10 creuse un écart avec les 10 poursuivants. Depuis 2002-2003, les recettes des clubs leaders ont augmenté de 30% tandis que celles des poursuivants stagnaient aux alentours de 100 millions d’euros. En 2004-2005, le chiffre d’affaires moyen des dix plus grands clubs est le double de celui des poursuivants. En février 2005, les 10 équipes les plus fortunées d’Europe étaient toutes qualifiées pour les huitièmes de finales de la Ligue des champions, contribuant en cela à limiter l’incertitude de la compétition48. 47 48 Ineum Consulting & Euromed, (2004), Football Professionnel : Finances et perspectives. p. 7. Mandard S. (21 février 2005), « La Ligue des champions, un cercle très élitiste », Le Monde. 60/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? Figure 14 - Comparaison de l’évolution du chiffre d’affaires des 10 plus grands clubs européens avec celui des 10 poursuivants en millions d’euros (1996-1997 à 2004-2005) 250 Dix plus grands clubs Dix poursuivants 200 150 100 50 0 96-97 97-98 98-99 99-00 00-01 01-02 02-03 03-04 04-05 source: Deloitte/Ineum Le tableau 6 recense les 25 équipes européennes les plus riches lors de la saison 2004-2005. La performance sportive à l’échelle continentale est exprimée selon un critère de points en fonction des résultats. Le classement 2004-2005 est la somme des points alloués depuis la saison 2000-2001, soit cinq exercices. Les deux dernières colonnes comptabilisent le nombre de titres pour chaque club en Ligue des champions et en Coupe de l’UEFA. Le Top 25 en termes de capacité financière des clubs est peu homogène. Il existe un rapport de 1 à 4 entre le Real Madrid et l’Ajax Amsterdam. Si huit pays sont représentés, neuf clubs anglais sont présents contre un seul club français, portugais et hollandais. Le lien entre la capacité financière et la réussite sportive semble évident. Les trois-quarts des équipes présentes dans le « Top 25 revenus » le sont aussi dans « le Top 25 UEFA ». On constate que 80% des titres de Ligue des champions et 55% des titres en Coupe de l’UEFA reviennent à des clubs du « Top 25 revenus ». La performance sportive est plus prononcée dans le « Top 10 revenus ». Si l’on envisage les titres, 8 clubs sur 10 ont au moins une Coupe d’Europe à leur actif. En terme de réussite sur les cinq dernières saisons, 8 clubs sur 10 sont dans le « Top 10 UEFA ». Aux Etats-Unis comme en Europe, l’inégalité des ressources conduit à une compétition déséquilibrée. A ce sujet, Hoehn et Szymanski notent que « le facteur dominant pour expliquer la performance sportive est la dépense salariale. Améliorer ses performances sur le terrain augmente les revenus car les fans sont attirés par le succès, de même les revenus publicitaires, télévisuels et de sponsoring sont hautement sensibles à la réussite sportive » (Hoehn & Szymanski, 1999, p. 216). Les clubs les plus riches, en recrutant les meilleurs joueurs, sont les plus performants. Cette réussite est source de revenus qui renforcent leur position dominante. A terme, cette situation risque de nuire à l’intérêt du public. La préservation de l’équilibre compétitif nécessite une action coordonnée entre les clubs. Celle-ci prend la forme d’un encadrement de l’activité motivé par l’idée centrale que tous les clubs engagés dans cette activité sont économiquement interdépendants. 61/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle Tableau 6 - Richesse des clubs et performances sportives dans les compétitions continentales (2004-2005) Equipe Pays Revenus* Real Madrid Manchester United AC Milan Juventus Chelsea FC Barcelona Bayern Munich Liverpool Internazionale Milan Arsenal AS Roma Newcastle United Tottenham Hotspur Schalke 04 Olympique Lyonnais Celtic Manchester City Everton Valencia Glasgow Rangers Bayer Leverkusen Aston Villa FC Porto Borussia Dortmund Ajax Amsterdam Espagne Angleterre Italie Italie Angleterre Espagne Allemagne Angleterre Italie Angleterre Italie Angleterre Angleterre Allemagne France Ecosse Angleterre Angleterre Espagne Ecosse Allemagne Angleterre Portugal Allemagne Pays-Bas 334 298 283 278 267 252 229 219 215 207 160 156 127 118 112 111 109 108 102 99 95 94 93 91 81 Rang points Rang LdC*** CUEFA*** revenus UEFA** UEFA 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 131 111 121 93 69 117 97 116 101 94 73 76 0 44 81 63 27 0 123 40 65 23 94 57 51 1 6 3 12 20 4 8 5 7 10 16 15 0 44 14 22 85 0 2 48 21 99 11 27 33 9 2 6 2 1 4 5 2 2 3 1 3 3 2 1 1 1 1 1 2 1 4 1 1 *Source : Forbes List - The Most Valuable Soccer Teams 2006, http://www.forbes.com/ **Source : UEFA Team Ranking 2006, site de Bert Kassies, http://www.xs4all.nl/~kassiesa/bert/uefa/index.html ***Source : UEFA. LdC = nombre de victoires en Ligue des champions (1955-56/2004-05) CUEFA = nombre de victoires en Coupe de l'UEFA (1971-72/2004-05) La figure 15 est une variante de celle présentée en page 50. Plus un marché sera grand, plus la demande locale sera forte. Disposant d’un budget à la mesure de son potentiel économique local, le club pourra engager les meilleurs joueurs, gagner plus de titres, ce qui générera finalement encore plus d’entrées. Afin d’éviter que le cercle vertueux de l’équilibre compétitif soit ainsi dévié, la ligue soucieuse de maintenir l’aléa insistera particulièrement sur une politique de régulation motivée par le fait que le sport-spectacle n’est pas une activité économique comme les autres. C’est l’objet du point suivant. 62/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? Figure 15 - Eléments perturbateurs du cercle vertueux de l’équilibre compétitif III Compétition sportive et coopération économique : le sport, une activité économique comme les autres ? “Free market economics is the process of driving enterprises out of business. Sports league economics is the process of keeping enterprises in business on an equal basis. There is nothing like a sports league. Nothing.” Paul Tagliablue (1990) - Commissaire de la NFL Cette partie vise à établir que dans les ligues sportives professionnelles, les équipes doivent coopérer les unes avec les autres afin de créer une compétition. Avec ce paradoxe, il s’agit en fait de montrer que sans coopération économique, la compétition sportive est intenable. Dans une optique économique, la véritable firme n’est pas le club qui n’a aucun intérêt à dominer son marché, mais plutôt la ligue envisagée comme un groupement de clubs unis par des intérêts communs nécessitant la mise en place d’une politique de régulation concertée. Le rôle d’une ligue consiste alors à défendre les intérêts de tous ses membres en limitant les comportements individualistes. On peut alors envisager une ligue sportive 63/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle comme une alliance de plusieurs clubs rivaux (sportivement) défendant des intérêts communs (financiers) par la mise en place d’une politique de régulation concertée. Par régulation, nous entendons « qu’un marché est régulé quand des régles sont émises et des institutions créées, permettant ainsi d’éviter les défaillances du marché, par exemple que le marché ne soit pas détourné par les plus forts à leur propre avantage » (Gouguet, 2004b, p. 81). Dans le domaine du sport professionnel, la régulation a pour objectif de préserver l’incertitude du résultat en favorisant un équilibre des forces en présence. Elle a donc deux versants : sportif et économique. La définition d’un système coopératif où chaque club participe à l’œuvre collective en apportant sa contribution au développement économique devient une nécessité. Le bon déroulement d’un championnat nécessite la coordination entre équipes puisque le produit vendu, le match, nécessite l’implication de deux entités distinctes. Le rôle de la ligue est d’assurer cette coordination entre clubs en prenant en charge l’organisation du championnat. Il doit donc y voir une prise de décisions sur l’implication sportive de la ligue (les lois du jeu, l’établissement d’un calendrier, la désignation d’arbitres…) et sa stratégie économique (la promotion de la ligue et les modalités de partage des revenus du spectacle sportif entre équipes)49. Figure 16 - Fondements d’une ligue sportive professionnelle Une ligue doit s’appliquer à promouvoir la solidarité entre ses membres selon la devise « un pour tous, tous pour un » (figure 16). Pour reprendre la terminologie d’Emile Durkheim, la nature de la solidarité d’une ligue sportive professionnelle est à la fois mécanique et organique (Durkheim, 1978). Pour le sociologue, dans le cadre d’une 49 Au sujet des différentes modalités d’organisation d’une ligue aussi bien sur le plan sportif qu’économique, consulter (Noll, 2003). 64/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? solidarité mécanique, en vigueur dans les sociétés archaïques, les individus ont une conscience aigue de leur similitude d’où surgit une volonté de défendre leurs intérêts communs. On peut y voir ici l’objet même de la règle sportive visant à promouvoir l’égalité des chances. La solidarité organique, quant à elle, caractérise les sociétés modernes. Les individus se sentent différents mais complémentaires, indispensables les uns aux autres dans la réalisation d’une tâche commune. Les clubs sont en effet différents car ils ne disposent pas des mêmes budgets, mais sont interdépendants pour construire un championnat50. La régulation économique vise donc à atténuer les écarts. La gouvernance de la ligue est alors une gestion de l’interdépendance mutuelle entre clubs visant à limiter des stratégies égoïstes au profit d’une action collective de maintien de l’équilibre compétitif. Finalement, quelle que soit la nature de cette solidarité, elle vise à atténuer la concurrence entre clubs. A - Fondements théoriques de l’exception sportive A l’évidence la position de monopole d’une firme sur son secteur d’activité lui est favorable. Neale soutient qu’en matière de sport professionnel, contrairement à la théorie économique, une situation de monopole est plus néfaste qu’une situation concurrentielle. Il appuie sa démonstration en énonçant le « Louis Schmeling Paradox » (Neale, 1964). 1. Le paradoxe « Louis/Schmeling » Né en 1914, le boxeur afro-américain Joe Louis Barrow entame sa carrière professionnelle en 1934. Il sort victorieux de ses 27 premiers combats en en remportant 23 par K.O. Surnommé le « Brown Bomber », Joe Louis apparaît rapidement comme invincible. Ainsi ses prestations perdent-elles de l’audience alors même qu’il est au sommet de son art. Néanmoins, il connaît sa première défaite le 19 juin 1936 face à l’Allemand Max Schmeling. L’événement, inattendu, captive à nouveau la passion du public. La revanche a lieu le 22 juin 1938 au Yankee Stadium à New York devant 70 000 spectateurs. Le combat est programmé sur 146 stations radiophoniques à travers les Etats-Unis. On estime à 68 millions le nombre d’Américains qui suivent la retransmission (63,6% d’audience). 97% des New-Yorkais possédant une radio auraient écouté le match. Il suffit de deux minutes et quatre secondes à Joe Louis pour remporter une cinglante victoire. Le « Brown Bomber » empoche ce soir là 350 000 dollars alors qu’il n’en avait gagné que 300 000 au cours de ses 18 premiers mois de professionnalisme. Le paradoxe souligné par Neale est le suivant : les revenus de Louis ont été très fortement majorés par une défaite. Une moindre performance sportive, en rééquilibrant la perception du public quant à l’issue du match suivant, relance l’intérêt et donc les revenus de tous les protagonistes, y compris du présumé dominant. 50 Bien entendu, utilisés ainsi, les concepts sont vidés de leur contenu sociologique. C’est par analogie que nous les employons. 65/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle 2. L’impossible concurrence Poursuivant son propos, Neale remarque que le club de baseball des Yankees (New York), qui domine alors le championnat, n’aurait aucun intérêt économique à éliminer les clubs concurrents en rachetant les meilleurs joueurs ou, à l’extrême, les équipes adverses. Les Yankees se retrouveraient seuls, sans adversaires, sans possibilité de produire un spectacle donc, sans revenus. Neale souligne donc non sans humour que la prière du soir des joueurs des Yankees devrait être : « Oh mon Dieu, faites que nous soyons bons, mais pas si bons que ça » (Neale, 1964, p. 2). En ce sens, le sport n’est pas une activité économique comme les autres. Une situation de monopole est moins profitable qu’une situation concurrentielle. Là réside la spécificité du sport qui distingue ce secteur d’activité d’autres secteurs industriels. Zimbalist explique : « C’est là quelque chose de très différent de ce que l’on trouve dans les autres industries de l’économie capitaliste. Il n’est pas nécessaire que Toyota, General Motors, Ford et Chrysler soient relativement égaux entre eux pour que l’on puisse acheter une bonne automobile. Un certain niveau de concurrence est nécessaire mais cela ne veut pas dire que vous devez avoir quatre compagnies relativement égales ; cela ne veut même pas dire que vous devez avoir quatre compagnies. Je pense que la Chrysler Corporation serait parfaitement heureuse de voir GM en faillite. Mais les Yankees de New York ne seraient pas heureux si les Red Sox de Boston ou les Mets de New York venaient à disparaître. Ces équipes ont besoin les unes des autres pour “produire” » (Zimbalist, 2003). L’élimination de la concurrence supprimerait de fait les sources de revenus des clubs51. B - Un produit conjoint particulier La particularité du sport envisagée par Neale implique qu’une situation de monopole est moins profitable qu’une situation concurrentielle. Une équipe seule ne peut assumer la totalité du marché : cela signifierait qu’elle n’aurait aucun adversaire à affronter. Plusieurs équipes doivent ainsi coopérer les unes avec les autres afin de produire un bien, envisagé alors comme une production conjointe (Inverted Joint Product). Celle-ci prend deux formes : le match et la ligue. 1. L’adversaire/partenaire Le match est autrement appelé rencontre. Etymologiquement, la rencontre définit l’action de combattre. Elle recouvre le sens d’un « duel » ou d’un « affrontement » et caractérise l’action pour deux personnes d’entrer en contact de manière concertée ou prévue. De ce point de vue, le match en qualité de produit joint possède deux éléments fondamentaux et paradoxaux : il est d’une part l’occasion d’un affrontement entre deux entités ; d’autre part, il fait l’objet d’une organisation entre les entités s’adonnant à cet affrontement, sans quoi il n’existerait pas. En quelque sorte, il s’agit d’un conflit concerté. La seconde forme est la multiplication des matchs, autrement dit, le championnat. Un match seul ne présente qu’un 51 Pour le dire comme Neale : « Le monopole naturel est un désastre. Joe Louis n’aurait plus personne à affronter et donc aucun revenu » : (Neale, 1964, p. 2). 66/368 Chapitre I : Le sport professionnel : une activité économique spécifique ? intérêt limité pour le public. La multiplication des rencontres entre plusieurs adversaires débouche sur l’établissement d’un classement dont l’évolution au fil des journées génère la mobilisation des spectateurs. Neale nomme cela le League Standing Effect, le degré d’excitation de la ligue, défini comme « les changements quotidiens dans les classements ou les possibilités quotidiennes de modification de classement » (Neale, 1964, p. 3). Le match et le championnat, en qualité de production jointe, résultent ainsi de l’interdépendance de plusieurs équipes qui adhèrent à une politique coopérative52. 2. La ligue : un pour tous, tous pour un L’organisation en ligue assurant la production conjointe des équipes est apparue comme une évidence aux Etats-Unis dès la fin du XIXème siècle. A la fin de la Guerre de Sécession, l’intérêt pour le baseball s’est accru rapidement. De nombreuses équipes se forment et parcourent le pays. Elles défient des équipes de villes qu’elles visitent au cours de matchs d’exhibition. Ces barnstorming teams53 vivent de leur réputation. Tant qu’elles demeurent invaincues, elles attirent un large public et génèrent des revenus mais se désagrégent dès qu’elles perdent leur pouvoir d’attraction. Ainsi les propriétaires recherchent-ils plus de stabilité sur le long terme. La constitution en ligue répond à ces aspirations et génère l’intérêt du public en développant une rivalité entre équipes. La ligue se présente comme la meilleure organisation conciliant stabilité économique et promotion du spectacle sportif. A ce titre, Sandy et al. remarquent que le baseball, par sa réussite économique, a constitué un exemple pour de nombreux autres sports. Ainsi, des disciplines comme la course automobiles, le ski ou le tennis ont adopté des structures en ligue. Les organisateurs favorisent un système de récompense par allocation de points qui permet de maintenir l’attention des fans sur l’ensemble d’une saison et non pas seulement sur une course, une descente ou un tournoi (Sandy, Sloane, & Rosentraub, 2004, p. 159). Les caractéristiques économiques des ligues sportives favorisent des stratégies incompatibles avec une économie de marché libérale. Ainsi, pour Neale, « Il est clair que les sports professionnels sont des monopoles naturels, marqués par des particularités à la fois dans la structure et le fonctionnement de leur marché. En conséquence, les ligues professionnelles ont toute la légitimité économique d’en appeler à la législature, aux courts de justice, et au public pour la raison que We fall if you divide us; We stand if Johnny Unitas54. » (Neale, 1964, p. 14). Une ligue est ainsi envisagée dans la littérature comme une Joint venture, un groupement par lequel plusieurs entités s’associent dans le but de réaliser un projet particulier tout en mettant leurs ressources en commun en en partageant les risques et les bénéfices. Chaque 52 Pour approfondir la question théorique de la production jointe sportive, on peut se reporter à (Minquet, 2004). L’auteur envisage le spectacle sportif comme une production jointe de services fatals à utilisateurs multiples. 53 Barnstorm se traduit par « aller en tournée » tandis que barn est une grange ou une étable. Ces matchs étaient disputés en partie à proximité de ces lieux d’où le terme de barnstorming teams. Par extension, une barnstorming team n’appartient à aucun championnat et défie des équipes lors d’une tournée. L’exemple le plus connu est celui des Harlem Globe Trotters. 54 Neale fait un jeu de mots avec le nom d’un grand quarterback de Baltimore : Johnny Unitas. La mise en page est celle de l’article original. 67/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle club est une entité économique appartenant à des propriétaires distincts qui limitent la concurrence par le biais d’une politique coordonnée de solidarité. Aux Etats-Unis comme en Europe, ce type d’entente ou d’arrangement, véritable restriction à un libre fonctionnement du marché, peut tomber sous le coup des lois sur la concurrence (Flynn & Gilbert, 2001). Pour clore ce chapitre, nous venons donc de voir que le sport professionnel n’était pas une activité économique comme les autres. La réalisation des produits matchs/championnats, animés d’un équilibre compétitif, nécessite la coopération des équipes appartenant à une ligue. Seul, un club souffrirait en effet de sa situation de monopole puisqu’il n’aurait plus aucun partenaire/adversaire pour produire un match. 68/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible Chapitre II Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible “We’re 26 Republicans who vote Socialist!” Arthur B. Modell - Propriétaire des Ravens de Baltimore (NFL) « C’est un système égalitaire qui est complètement inégalitaire, car on partage tout le produit de façon soviétique. » Christophe Bouchet, alors président de l’Olympique de Marseille, au sujet du système de répartition des droits télévisuels55. Deux modèles d’organisation du sport professionnel existent selon que l’on autorise l’accès à la compétition sur critère sportif ou sur critère économique. Ainsi, Szymanski et Ross remarquent que « la différence fondamentale entre la structure des ligues aux Etats Unis et dans le reste du monde est l’ouverture. Aux Etats-Unis, les ligues sportives sont fermées : accéder à la ligue dépend de la volonté des membres existants, qui n’accordent cet accès qu’en échange d’un droit d’entrée conséquent. [...] En dehors des Etats-Unis, les ligues sportives sont ouvertes : l’accès à la ligue dépend du succès sportif » (Szymanski & Ross, 2002). Les deux modèles ont émergé de part et d’autre de l’Atlantique à la fin du XIXème siècle. S’appuyant sur une comparaison du football et du baseball, Szymanski et Zimbalist ont montré leurs différences institutionnelles et historiques. Ils mettent en avant un certain « esprit de noblesse » de l’Angleterre victorienne qui a concouru au développement d’un système ouvert à tous, tandis que l’esprit d’entreprise nord-américain a favorisé la création de ligues fermées à vocation commerciale (Szymanski & Zimbalist, 2005). Tout au long du XXème siècle, les deux modèles se sont affinés selon leur nature sportive ou commerciale en adoptant des régulations particulières. Ce chapitre vise à présenter la logique de fonctionnement des ligues en envisageant la position du pouvoir politique et législatif visà-vis de la spécificité du sport (I), puis en considérant que les objectifs des propriétaires de clubs (II) aboutissent à un modèle de régulation spécifique (III). 55 Deroubaix, C., & Flandre, L. (14 décembre 2002.). " L’OM va porter plainte " - Entretien avec Christophe Bouchet. L’Humanité. 69/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle I Le spectacle sportif à l’épreuve du droit commun Par définition, la spécificité est le caractère propre qui distingue une activité par rapport à une autre. Cette particularité impliquerait un traitement exceptionnel, hors de la règle générale. Si l’exception confirme la règle, l’exception sportive infirme la règle commune. Elle invite à l’exemption, c’est-à-dire la dispense d’une obligation qui s’applique à tous. Il a été vu avec Neale que la spécificité du sport professionnel émerge de sa particularité économique : le sport n’est pas une activité économique comme les autres puisqu’il nécessite la collaboration de concurrents pour produire un match équilibré. Toutefois, si la particularité du sport professionnel est de caractère économique, il s’agit aussi d’une activité économique tombant sous le coup du droit commun. Le sport-spectacle se trouve alors tiraillé entre deux forces opposées : l’une le considère comme une activité banale, l’autre l’envisage comme en dehors du champ d’application du droit commun. Ce point I s’applique à montrer comment aux Etats-Unis et en Europe, le pouvoir politique et législatif tranche ce rapport de force. A - Les Etats-Unis : un système dérogatoire aux lois antitrust “We have to have a system to hold the fans, to hold the ratings. Our product is closed games. It has to be. We have to have an entertaining game for our fans and for televisions, or the money’s not going to be there.” George Young. New York Giants “Organized baseball affords this subcommittee with almost a classroom example of what may happen to an industry which is governed by rules and regulations among its members rather than by the free play of competitive forces. Without knowing at this time whether such regulation is in the best interest of baseball because of its many unique characteristics, we may at least learn something of importance about how an industry operates it-self instead of being forced to comply with the antitrust laws. ” Congressman Emmanuel Celler, at the opening of his committee’s hearings, 1951 70/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible 1. Un marché du travail contrôlé Pour Fort et Quirk, « les ligues sportives professionnelles sont des exemples classiques de cartels » (Fort & Quirk, 1995, p. 1265). D’un point de vue économique, le cartel est une concentration horizontale de firmes de même nature s’entendant sur la réglementation de la concurrence afin d’obtenir un contrôle des prix56. L’expression renforce ainsi le souci vital des franchises d’une ligue de s’entendre pour produire un spectacle sportif de qualité en vue de retombées financières conséquentes. Toutefois, la ligue-cartel constitue un véritable trust et tombe sous le coup de la législation américaine sur le droit de la concurrence. La ligue-cartel illustre ce propos d’Adam Smith : « rares sont les gens de même métier qui se réunissent… sans que la conversation se termine par une conspiration contre le public, ou quelque invention pour faire monter les prix » (Smith, 1990). Pourtant, le législateur américain a reconnu à maintes reprises une exception du sport, accordant ainsi aux ligues une véritable force de marché. Ce statut dérogatoire se réalise sous un double aspect : une restriction sur le marché des joueurs et la vente centralisée des droits télévisuels. Les lois antitrust sont une série de textes législatifs qui visent à encourager la concurrence entre firmes et prévenir la formation d’un monopole pour le bien du consommateur. Dès 1890, Le Sherman Act interdit les accords ou ententes visant à entraver le fonctionnement normal du commerce. Le texte stipule deux choses essentielles. Tout d’abord, il déclare dans sa section une que « tout contrat, toute association sous forme d’un trust ou sous toute autre forme, toute entente destinée à restreindre les échanges ou le commerce entre les différents Etats de l’union ou avec les pays étrangers sont illégaux. » Ensuite, la section deux précise que « toute personne qui monopolisera, tentera de monopoliser ou participera à une entente avec une ou plusieurs personnes pour monopoliser une partie quelconque des échanges et du commerce entre les différents Etats de l’union ou avec les pays étrangers se rendra coupable d’un délit57. » Vague et peu appliqué, le texte sera renforcé en 1914 par le Clayton Act qui liste les procédés illégaux tout en étant appuyé par la création de la Federal Trade Commission, une agence indépendante qui prévient toutes pratiques anti-concurrentielles. En 1876, lorsque la National League (baseball) débute son activité, le marché des joueurs est complètement libre : les athlètes s’engagent pour un an avec un club et peuvent négocier à tout moment un nouveau contrat avec une autre équipe, y compris durant la saison. Cette grande liberté de mouvements des joueurs est héritée des règles en vigueur dans une ligue précédente, la National Association of Professional Baseball Players, qui accordait un grand pouvoir aux joueurs. Cette situation est préjudiciable aux propriétaires, obligés de s’aligner sur les prétentions salariales des stars afin de les conserver. La masse salariale compte alors pour les deux tiers des dépenses d’un club. C’est dans ce contexte qua va naître la reserve clause (clause de réserve) en 1879. Les propriétaires s’entendent 56 Dans un cartel, des firmes s’associent en collectif pour supporter seules le marché. Dans le cas d’un monopole, une seule firme supporte le marché. Comme le soutient Neale, dans le domaine du sport professionnel, la firme, c’est la ligue. Pour une distinction entre les deux termes dans le domaine du sport professionnel, voir (Downward & Dawson, 2000, p. 40). 57 U.S. Department of Justice: Division Antitrust - Texte du SHERMAN ANTITRUST ACT, 15 U.S.C. §§ 17, consultable sur: http://www.usdoj.gov/atr/foia/divisionmanual/ch2.htm#a1 71/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle secrètement pour édicter une liste de cinq joueurs « réservés »58. Durant la période des transferts, aucune équipe n’a le droit de négocier avec ces joueurs protégés. Concrètement, les propriétaires ont un droit exclusif sur les joueurs qui peuvent ainsi demeurer la totalité de leur carrière dans le même club. Les possibilités de négociations sont très réduites pour les joueurs. Comme le notent Downward et Dawson : « par la signature du joueur, le propriétaire acquérait sur lui un droit exclusif de négociation. A l’expiration du contrat en cours, le propriétaire pouvait le renouveler, vendre son joueur ou y mettre fin. Le joueur qui se voyait offrir un nouveau contrat n’avait d’autre choix que de le signer ou de négocier un meilleur accord. Une fois la dernière offre du propriétaire faite, le choix du joueur était minime : accepter ce qui était offert ou abandonner le sport pour toujours » (Downward & Dawson, 2000, p. 190). D’abord informelle, la clause de réserve apparaît dans les contrats de façon plus officielle à la fin des années 188059. Si la clause de réserve fut justifiée comme un moyen nécessaire de maintenir l’équilibre compétitif - les équipes les moins riches pouvant conserver leurs meilleurs joueurs -, ses effets ont été largement discutés par les économistes. Pour Rottenberg, que le marché du travail des joueurs soit un monopsone – c’est le cas sous le système de la clause de réserve – ou un marché parfaitement concurrentiel, la distribution des joueurs entre les équipes sera la même60. Cette proposition d’invariance avance qu’un libre fonctionnement du marché n’implique pas nécessairement la concentration des meilleurs joueurs dans les équipes les plus riches. En d’autres termes, selon lui, la mise en place de la clause de réserve n’est pas une mesure nécessaire au maintien de l’équilibre compétitif. L’incertitude doit apparaître naturellement, chaque propriétaire ayant à l’esprit qu’il est dans son propre intérêt de ne pas devenir trop fort ou trop faible par rapport aux autres clubs. Il s’ensuit que « les joueurs vont être distribués entre les équipes de telle façon qu’ils seront placés là où ils seront le plus productifs. Chacun va joueur pour l’équipe qui est en mesure d’obtenir le meilleur retour pour ses services. Mais c’est exactement le résultat qui serait atteint dans le cadre d’un libre marché » (Rottenberg, 1956, p. 256) (le principe d’invariance est développé à la page 97). En second lieu, cette mesure a eu pour principal effet la baisse du salaire moyen des joueurs qui chute de 20% entre 1878 et 1880. Scully a montré que durant toute la période de la clause de réserve, les joueurs ont été moins bien payés qu’ils ne l’auraient été dans un marché parfaitement libre (Scully, 1974). Cela ne signifie pas pour autant qu’ils étaient mal payés. Ils continuaient de percevoir des salaires sept fois supérieurs en moyenne à celui d’un ouvrier, mais ils n’étaient pas équivalents à ce que les joueurs auraient pu obtenir en proposant librement leur service au club le plus offrant. En 1922, le baseball bénéficie d’une exemption aux lois antitrust. La Cour Suprême des Etats-Unis, dans le dossier Federal Baseball v. National League61, conclut que le baseball professionnel, bien qu’étant une activité économique, n’était pas de celles qui engagent du commerce inter-états. En somme, plus qu’une activité économique, le baseball est avant 58 Une équipe comptait environ une douzaine de joueurs. La mesure revient à protéger 40% de l’effectif, essentiellement des vétérans expérimentés. La liste s’étend à l’ensemble de l’effectif à partir de 1883. 59 Sous la forme suivante : « Il est compris et admis des parties que la première (l’équipe) peut faire valoir le droit de « réserver » la seconde (le joueur) pour la saison à venir sous la condition que la dite seconde partie ne doit pas être réservée à un salaire moindre que celui de la présente saison.»: (Quirk & Fort, 1992, p. 182). 60 La clause de réserve conduit à un monopsone dans la mesure où chaque club contrôle ses joueurs : le marché est caractérisé par un acheteur/employeur (le club) et plusieurs vendeurs/salariés (les joueurs). 61 Federal Baseball v. National League of Professional Baseball Clubs, 259 US Supreme Court 200 (1922). 72/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible tout un sport. Cette décision place ce sport-spectacle dans une situation idéale. Comme le note Zimbalist, « le baseball est donc dans une position exceptionnelle qu’aucune des autres ligues sportives et encore moins d’autres industries, manufacturières, de service ou autres, ne bénéficient. Il s’agit d’un monopole auto-régulé. Aucune institution fédérale ou étatique ne peut réguler la marge de manœuvre des propriétaires d’équipes de baseball » (Zimbalist, 1992). Cette reconnaissance officielle de la collusion opérant dans le baseball a été réaffirmée à plusieurs reprises par des cours de justice jusqu’à être contrecarrée en 197662. De nos jours, il n’existe toujours pas de marché des joueurs totalement libre, mais la mise en place du système de free agency a considérablement modifié le marché du travail sportif. La performance d’un athlète tend à s’améliorer au fil de sa carrière, atteindre un pic et diminuer avec l’âge. La rémunération des joueurs devrait être au plus près de ce cycle. Scully a mené une analyse empirique sur ce cycle de performance et la rétribution des joueurs de baseball. Il a comparé deux périodes : 1964/1975 (monopsone) et 1977/1992 (agent libre). Selon l’économiste, durant la période de verrouillage du marché, les joueurs étaient exploités durant leurs 10,3 premières années de contrat (performances sportives supérieures à la rémunération). Dans la période de free agency, après 547 matchs (3,6 ans), les joueurs commencent à percevoir des revenus excédant leurs aptitudes sportives (Scully, 1995). Actuellement, un consensus entre travailleurs et propriétaires s’établit au cours de négociations collectives où chaque partie défend ses intérêts. Chaque ligue propose un système de restriction du marché du travail qui cherche à satisfaire l’organisation (maintien de l’incertitude), les propriétaires (contrôle de la masse salariale) et les joueurs (rémunération) (cet aspect est développé dans le point intulé « la négociation collective », page 91). 2. La bienveillance des pouvoirs publics La législation nord-américaine a également reconnu une spécificité du sport en se prononçant sur le partage des droits télévisuels. L’organisation des clubs en un pool crée de fait un monopole favorable à la ligue érigée comme l’unique vendeuse des droits de son spectacle. Détentrice d’un puissant pouvoir de négociation, elle est alors en mesure d’établir un prix monopolistique : en vendant les droits collectivement, elle fixe un prix global bien supérieur à ce qu’il aurait dû être dans le cadre d’une négociation individuelle. Une telle position dominante est incompatible avec les lois antitrust. C’est ce qu’a conclu 62 La Cour Suprême a eu deux occasions majeures de revenir sur l’exemption de 1922. L’une en 1953: Toolson v. New York Yankees, 346 U.S. 356 (1953) ; l’autre en 1972 : Flood v. Kuhn 407 U.S. 258 (1972). Curt Flood, joueur des St. Louis Cardinals est transféré aux Philadelphia Phillies en 1969. Refusant de rejoindre sa nouvelle équipe, il tente sans succès de renverser le système de la clause de réserve en 1970. Pourtant, le juge relève que la clause de réserve était clairement une violation des droits constitutionnels qui devait toutefois se régler entre propriétaires et joueurs par la négociation. Le marché des joueurs de baseball se libéralise à partir de 1976. Le Curt Flood Act 1998, signé par le Président Clinton, limite l’exemption totale aux lois antitrust accordée au baseball 76 ans auparavant. On peut se reporter à l’un des rares textes en français qui revient sur cette bataille juridique : (Korr, 1999, pp. 229-244). 73/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle un juge de Philadelphie en 1961 en dénonçant le contrat entre la NFL et la chaîne CBS63 : en regroupant les clubs dans un pool, la ligue aurait limité la concurrence entre clubs. En réaction, « les propriétaires et les promoteurs d’équipes professionnelles, à la suite de leur condamnation, exercent une pression telle (une pétition circule dans tout le pays) que le Congrès américain adopte en 1961 un texte excluant de la législation antitrust la négociation des droits télévisuels pour les sports professionnels » (Durand, 1995, p. 520). Trois mois plus tard, la décision rendue à Philadelphie est renversée par le Congrès. Le Sport Broadcasting Act (SBA) octroie à la ligue le pouvoir de négocier collectivement les contrats télévisuels. Le texte accorde ainsi aux quatre ligues majeures une exemption aux lois antitrust : « Les lois antitrust […] ne doivent pas s’appliquer à une entente entre personnes engagées dans l’organisation de sports collectifs professionnels tels que le football, le baseball, le basketball ou le hockey64. » Cette décision est justifiée par le bénéfice qu’en retirent les consommateurs. Sous réserve d’une répartition égale du montant des droits entre les clubs, la ligue est en mesure de promouvoir l’équilibre compétitif. Le bien-être du consommateur/spectateur est favorisé selon deux axes : d’une part, il est assuré d’assister à un championnat doté d’incertitude, d’autre part, l’équipe qu’il supporte est susceptible de remporter le titre. L’exemption des lois antitrust accordée aux ligues-cartels est donc motivée par le fait que l’utilité sociale ainsi engendrée est supérieure aux avantages qui résulteraient d’un marché parfaitement libre65. En résumé, aux Etats-Unis, la particularité économique de l’industrie du sport professionnel a légitimé la mise en place d’un système dérogatoire aux lois antitrust. De nombreuses restrictions à une libre concurrence entre clubs sont érigées pour favoriser le maintien de l’équilibre compétitif. Les ligues nord-américaines développent une politique coopérative qui prévient une concurrence nuisible dans trois domaines. Tout d’abord, chaque club se voit octroyer un monopole local qui lui assure une force de marché sur un territoire dédié (ce point est abordé à la page 114). Ensuite, la vente collective des droits télévisuels sur le marché national assure aux clubs une rétribution supérieure à ce qu’elle aurait été dans le cadre d’une négociation individuelle. Enfin, si le marché des joueurs n’est plus cadenassé par le système de la clause de réserve, de nombreuses restrictions freinent la mobilité des athlètes. 63 La première vente collective de droits télévisuels intervient pourtant dès 1954 entre la NBA et NBC TV, suivie peu après par le baseball. En 1960, l’American Football League (AFL) s’érige en pool pour vendre ses droits à ABC, imitée l’année suivante par la NFL qui se lie à CBS. 64 Sports Broadcasting Act, 15 U.S.C. sec. 1291. (1961) 65 L’historique et les nombreuses implications du SBA sont développés par (Horowitz, 1978) et (Scully, 1995, pp. 26-31). 74/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible B - L’Europe : de l’exception sportive à la spécificité du sport « L’Union européenne dicte les affaires du sport aujourd’hui. C’est un fait. » Jean-Luc Bennahmias, eurodéputé66 Par l’application du droit communautaire, l’influence de l’Union européenne sur le sport est de plus en plus marquée. L’arrêt Bosman rendu en 1995 est la décision la plus retentissante en assujettissant l’ordre sportif au droit commun. Pourtant, l’intrusion du droit communautaire n’allait pas de soi pour deux raisons essentielles. En premier lieu, l’Union européenne ne peut intervenir que dans ses domaines de compétence définis dans les traités successifs. L’absence de mention du sport dans les traités pouvait laisser penser qu’il échappait au droit communautaire. En effet, le mot « sport » ne figure ni dans le Traité de Rome de 1957, ni dans ceux de Maastricht en 1992, Amsterdam en 1997 et Nice en 2000. Sans base juridique, il serait simple de considérer que le sport relève de la compétence quasi exclusive des Etats membres. En second lieu, l’édification d’une réglementation sportive en marge de la réglementation publique a contribué à constituer un champ sportif largement autonome, comme exempté de l’application du droit commun67. Ce sentiment est renforcé par le fait que les fédérations sportives internationales sont en situation de monopole. Une seule fédération est en charge d’une discipline au niveau mondial, la régule, l’organise, la gère financièrement sans grand risque de se voir concurrencer. Ce monopole auto-régulé en marge du droit commun est la base de l’exception sportive. Pourtant, alors même que le sport n’entrait pas dans ses compétences et qu’il semblait jouir d’une forte autonomie le maintenant en dehors du droit commun, l’Union européenne est devenue l’institution ayant le plus bouleversé le fonctionnement des organisations sportives. Ces dernières, en développant des activités économiques et commerciales évidentes, sont entrées dans le champ d’application du droit communautaire. L’Union européenne n’a pas attaqué de front les règles sportives mais leur légitimité dans un secteur de plus en plus marchand. C’est ainsi que le sport est directement concerné par le droit communautaire dont les principes sont définis dans le Traité de Rome du 25 mars 1957. Le texte fournit deux leviers d’intervention à l’Union européenne. Tout d’abord, les règles édictées en matière de libre circulation des personnes, des services et des capitaux sont susceptibles de contredire les règlements sportifs. Ainsi, l’article 39 stipule que « la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté » et « implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres. » La liberté d’établissement est assurée par l’article 43 et la libre prestation des services par 66 Guérard, S. (27 septembre 2006). « Pour une agence mondiale de transparence financière des clubs Entretien avec Jean-Luc Bennahmias. L’Humanité. Jean-Luc Bennahmias a été l’auteur d’un rapport sur le sport de haut niveau pour le Conseil économique et social en 2001. 67 A ce sujet on peut se référer à Defrance (1995) qui décrit le processus de transformation de l’instituation sportive. 75/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle l’article 49. Ensuite, les règles sur la concurrence peuvent porter atteinte à la situation de monopole des fédérations : les pratiques pouvant affecter le jeu de libre concurrence sur le marché commun sont proscrites (art. 81) ainsi que les abus de position dominante (art.82). 1. L’irruption du droit commun dans le champ sportif Dès 1974, la Cour de justice européenne pose les principes de base d’application du droit communautaire au sport. Walrave et Koch étaient des entraîneurs néerlandais de course cycliste de demi-fond sur piste. Dans cette épreuve, le coureur cycliste pédale derrière son entraîneur en motocyclette. A l’occasion des championnats du monde de 1973, l’Union Cycliste Internationale édicte une règle stipulant que l’entraîneur doit être de la nationalité du coureur. Walrave et Koch qui entraînaient des coureurs de plusieurs nationalités contestent ce règlement devant le tribunal d’Utrecht. Ils argumentent que la règle sportive est une discrimination fondée sur la nationalité et ainsi contraire au droit communautaire. Le tribunal néerlandais saisit la Cour de Justice Européenne (CJE) qui indique que « le sport ne relève du droit communautaire que dans la mesure où il constitue une activité économique68. » La cour se déclare ainsi compétente pour trancher les litiges en matière de sport alors même que cette activité n’est mentionnée dans aucun des textes fondateurs balisant les domaines de compétence communautaire. Dès lors, si l’activité sportive présente un caractère économique, le droit communautaire lui est pleinement applicable. Alors, toutes règles sportives entravant ou limitant les libertés fondamentales établies par le Traité de Rome – dans ce cas, la libre circulation des travailleurs – sont contraires au droit communautaire. Deux ans plus tard, la Cour montre à nouveau la prédominance du droit communautaire sur la règle sportive dans le cadre de l’arrêt Donà. Monsieur Donà est missionné par Monsieur Montero, président du club de football italien de Rovigo, pour prospecter des joueurs susceptibles de rejoindre son équipe. Pour cela, M. Donà diffuse des appels à candidature notamment dans un journal sportif belge. M. Montero, président du club, reçoit alors des propositions parvenant de Belgique. Or, selon les articles 16 et 28 du règlement de la fédération italienne de football, seuls les joueurs affiliés peuvent participer au championnat italien (art. 16), mais ne peuvent être affiliés que les joueurs de nationalité italienne (art. 28). Le travail du prospecteur de joueurs aurait été fait en vain si bien que le président de club refuse de le rétribuer. Il argumente que les investigations de M. Donà, s’appliquant au-delà du cadre fixé par le règlement italien, étaient d’emblée inutiles. M. Donà considère quant à lui que les principes communautaires s’opposent au règlement sportif italien qui limite le statut de footballeur aux seuls ressortissants de cet Etat. Selon lui, il s’agit d’une discrimination à l’encontre de ressortissants d’Etats membres. La Cour européenne lui donne raison en concluant qu’ « une réglementation ou pratiques nationales même édictées par une organisation sportive, réservant aux seuls ressortissants de l’état membre concerné le droit de participer en tant que joueur professionnel ou semi-joueur professionnel, à des rencontres de football 69 » étaient incompatibles avec le droit communautaire. 68 69 CJCE, 12 décembre 1974. Affaire C-36/74, Walrave et Koch c/Union Cycliste Internationale, p. 1405. CJCE, 14 juillet 1976. Affaire C-13/76, Donà c/Montero, p. 1333. 76/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible Tableau 7 - Restrictions sur les joueurs étrangers dans les principales ligues européennes (1980-81) Belgique 3 joueurs étrangers ainsi qu'un nombre illimité de joueurs étrangers évoluant depuis 5 ans en Belgique. 2 joueurs étrangers (les joueurs du Royaume-Uni et de la République d'Irlande Angleterre n'étant pas considérés comme étrangers). Un joueur étranger doit obtenir un permis de travail. Celui-ci est délivré automatiquement pour les joueurs européens. Les non-européens doivent avoir le statut d'international pour l'obtenir. 2 joueurs étrangers en division 1 et 2 France Allemagne 2 joueurs étrangers en division 1 et 2. Les joueurs étrangers ayant évolué dans des équipes de jeunes en Allemagne ne sont pas considérés comme tel. 2 joueurs étrangers en division 1, aucun en division 2. Grèce Pays-bas 3 joueurs étrangers en division 1 sous réserve d'un permis de travail. 1 joueur étranger en division 1. Aucun dans les autres divisions professionnelles. Italie 2 joueurs étrangers en division 1 et 2 Portugal Mêmes dispositions qu'en Angleterre. Ecosse 2 joueurs étrangers et un oriundo en division 1 et 2. Les oriundi sont des joueurs Espagne étrangers originaires du pays dans lequel ils évoluent (essentiellement des sudaméricains jouant en Espagne ou Italie) Source : Lanfranchi, P., & Taylor, M. (2004). Bosman: A real Revolution? In J.-J. Gouguet (Ed.), Le sport professionnel après l'arrêt Bosman: une analyse économique internationale (pp. 95-111). Limoges: Pulim, p. 101. Ainsi, ces deux arrêts, sous couvert du concept « des activités économiques du sport », marquent les premières atteintes à l’exception sportive. Le sport professionnel est soumis aux lois du marché, et donc aux principes du Traité de Rome, notamment sur la libre circulation des travailleurs, et ne peut ainsi prétendre à une exemption totale du droit communautaire. Toutefois, ces arrêts pourtant fondateurs passent relativement inaperçus, plusieurs championnats continuant à appliquer les règles de quotas limitant le nombre de joueurs étrangers dans les équipes professionnelles (tableau 7). Dès la fin des années 1970, la Commission européenne tente d’engager les organismes privés sportifs vers une prise en compte du droit communautaire. En 1978, l’UEFA autorise donc les clubs à engager autant de joueurs étrangers qu’ils le souhaitent, sous réserve d’en aligner qu’un nombre restreint sur le terrain. Si durant les années 1980, la Commission intensifie ses requêtes, les organismes sportifs, réfugiés derrière l’exception sportive, sont peu enclins à modifier leur règlement. Un Gentlemen’s agreement est pourtant conclu en 1991. Il consacre la règle du « 3+2 » qui limite à trois le nombre de joueurs étrangers qu’un club peut faire jouer et à deux celui d’étrangers ayant évolué dans le pays pour une période ininterrompue d’au moins cinq ans. Il stipule également qu’un joueur ne peut être empêché d’évoluer pour son nouveau club même si des désaccords persistent sur le montant du transfert entre les clubs concernés. Les principes communautaires ne s’imposent donc pas véritablement au monde sportif. 2. L’arrêt Bosman : un marché des joueurs sans restriction Ce système, en défaut par rapport aux règles de l’Union européenne, va être totalement remis en cause par l’affaire Bosman. La plainte de ce joueur belge va fournir l’occasion à la Cour européenne d’être intransigeante, probablement exaspérée par la conviction du monde sportif de se situer en dehors du droit commun. Ainsi, interprétant la portée de l’arrêt Bosman, Durand et al. remarquent qu’ « au-delà de la décision de la Cour de justice, les autorités européennes rappelaient clairement à l’ordre, selon notre interprétation, le pouvoir sportif dans ses dérives de revendications d’un statut juridique particulier. Le commissaire à la concurrence Mario Monti avait même, dans les attendus du jugement, 77/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle évoqué « les bonzes du football européen » à propos de l’attitude des dirigeants sportifs de l’époque » (Durand, Ravenel, & Helleu, 2005, p. 197). Jean-Marc Bosman est un footballeur professionnel qui rejoint le club belge du RFC Liège en mai 1988 en provenance du Standard de Liège. Avant l’expiration de son contrat le 30 juin 1990, le joueur se voit proposer un renouvellement d’une année avec une diminution de 75% de son salaire mensuel70. Refusant de s’engager à nouveau avec le RFC sous ces conditions, le joueur est placé sur la liste des transferts et suscite l’intérêt du club français de l’US Dunkerque. Le RFC Liège fixe une indemnité de transfert quatre fois supérieure à celle qu’il avait payée au Standard (1,2 million de francs belges - 205 000 francs français pour un contrat temporaire d’un an, plus une indemnité de 4,8 millions de francs belges en cas de mutation définitive) mais, ayant des doutes sur la solvabilité du club français, ne demande pas à l’URBSFA de délivrer le certificat de transfert. Le joueur refusant toujours de s’engager avec le club liégeois est suspendu pendant un an. Jean-Marc Bosman saisit le tribunal administratif de Liège le 8 août 1990 au motif que les règlements relatifs aux transferts et aux clauses de nationalité sont incompatibles avec les règles du Traité de Rome en matière de concurrence et de libre circulation des travailleurs. Trois ans plus tard, la Cour d’appel de Liège demande à la Cour de Justice européenne de statuer sur cette affaire. Cette dernière rend son arrêt le 15 décembre 1995 suivant les propositions de l’avocat général de la Cour de Justice européenne, l’Allemand Carl Otto Lenz, qui avait présenté des conclusions favorables au joueur belge. La CJE considère que l’article 48 du Traité de Rome « s’oppose à l’application de règles édictées par les associations sportives selon lesquelles un joueur professionnel de football ressortissant d’un état membre ne peut, à l’issue du contrat qui le lie au club, être employé par un club d’un autre Etat membre que si ce dernier a versé au club d’origine une indemnité de transfert. » De plus, cet article « s’oppose à l’application de règles qui prévoient que les clubs de football, dans les matchs de compétitions qu’ils organisent, ne peuvent aligner qu’un nombre limité de joueurs ressortissants d’autres Etats membres71. » Dès lors, au sein de l’Union européenne aucune indemnité de transfert ne peut être demandée pour un joueur en fin de contrat et aucune clause de nationalité ne peut limiter le nombre de joueurs communautaires au sein d’un même club. Toutefois, l’avocat général Lenz reconnaît que des restrictions à la liberté de circulation et à la libre concurrence sont défendables sous réserve qu’elles soient motivées par des raisons d’intérêt général : « Compte tenu de l’importance sociale considérable que revêtent l’activité sportive et, plus particulièrement, le football dans la Communauté, il convient de reconnaître que les objectifs consistant à assurer le maintien d’un équilibre entre les clubs, en préservant une certaine égalité des chances et l’incertitude des résultats, ainsi qu’à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs, sont légitimes72. » Mais, poursuivant son argumentation, l’avocat général précise que ces objectifs pouvaient être atteints par d’autres moyens n’entravant pas la libre circulation des joueurs. Le jugement rendu par la Cour, bien qu’identifiant la particularité du sport professionnel - notamment le maintien de l’équilibre compétitif -, affirme la suprématie du droit commun sur l’autonomie sportive dès lors que la nature économique de l’activité est évidente. En 70 Le salaire passe de 120 000 à 30 000 francs belges, soit le salaire minimal autorisé par l’URBSFA, la fédération belge de football. 71 Arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Bosman, 15 Décembre 1995. 72 Arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Bosman, 15 Décembre 1995, § 106. 78/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible février 1996, le comité exécutif de l’UEFA décide d’abandonner toutes les restrictions qui limitent le nombre d’étrangers ressortissant d’un Etat membre par équipe et de supprimer les conditions liées aux transferts. Au-delà du football, c’est l’ensemble du sport professionnel qui est concerné. La portée de cette décision dépasse la simple mise en conformité de la règle sportive. Ainsi, Colin Miège souligne t-il que « l’arrêt Bosman a été à l’origine d’un véritable séisme au sein du mouvement sportif international. Pour la première fois en effet, une organisation gouvernementale imposait à une organisation sportive internationale une modification substantielle de ses règlements, en vertu du droit qui la régit. Ce faisant, le principe traditionnel d’autonomie, si souvent invoqué par le mouvement sportif pour justifier la notion d’exception sportive et tenter de se soustraire au droit commun, était largement remis en cause » (Miège & Lapouble, 2004, p. 198). 3. La poursuite d’une dérégulation du marché du travail Depuis, la liberté de circulation des joueurs s’est étendue à tous les pays qui ont signé des accords de coopération ou d’association avec l’Union européenne. L’arrêt du 30 décembre 2002 du Conseil d’Etat concernant la basketteuse Polonaise Lilia Malaja étend la liberté de mouvement des sportifs au sein de l’Union européenne à 24 pays signataires73. Dans les faits, la joueuse s’engage avec le club de Strasbourg en juin 1998. La Fédération Française de Basket refuse de lui délivrer une licence. Selon l’article 8-1 du règlement de la ligue féminine, le nombre de joueuses extra-communautaires est limité à deux. Or, le club alsacien compte déjà dans son effectif une Croate et une Bulgare. La Cour Administrative de Nancy puis le Conseil d’Etat invalident la position de la FFBB en raison de l’accord de coopération signé en 1991 entre l’Union européenne et la Pologne74. Cette décision limite considérablement la validité des quotas de joueurs qui existent toujours pour les joueurs issus de pays n’appartenant pas à l’Union européenne. Sepp Blatter, le président de la Fédération internationale de football (FIFA), y voit « un arrêt Bosman à la puissance 10 » et poursuit « c’est la dérégulation sauvage, une forme de dumping social75. » L’inquiétude est d’autant plus grande qu’une « variante » de l’affaire Malaja n’est non pas portée devant une juridiction nationale mais devant la CJE, dix ans après le cas Bosman. Maros Kolpak, handballeur professionnel slovaque, est depuis 1997 le gardien de but du club allemand d’Ostringen qui évolue en seconde division. Le joueur est titulaire d’une licence marquée d’une lettre A qui désigne les étrangers non ressortissant de la Communauté européenne. Le règlement fédéral prévoit qu’un club ne peut pas aligner plus de deux joueurs de licence A pour les rencontres de championnat ou de Coupe. Le handballeur invoque l’accord d’association signé en 1993 entre l’Union européenne et la République slovaque qui interdit toute discrimination fondée sur la nationalité. Par arrêt du 8 mai 2003, la CJE considère que l’accord de coopération « s’oppose à l’application à un sportif professionnel de nationalité Slovaque, 73 Turquie, Pologne, Hongrie, Bulgarie, Slovaquie, République tchèque, Roumanie, Lituanie, Estonie, Lettonie, Slovénie, Russie, Ukraine, Moldavie, Kazakhstan, Kirghizstan, Biélorussie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Algérie, Maroc et Tunisie. 74 Selon cet accord, « toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail » est interdite. 75 Pottet, F. (21 janvier 2003). « Joseph Blatter dénonce une forme de « babélisation du football » », Le Monde. 79/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle régulièrement employé par un club établi dans un Etat membre, d’une règle édictée par une fédération sportive du même Etat, selon laquelle les clubs ne sont autorisés à aligner, lors des matchs de championnat ou de coupe, qu’un nombre limité de joueurs originaires de pays tiers qui ne font pas partie de l’accord sur l’Espace Economique Européen76. » La CJE étend même l’application de ce principe de non limitation des quotas aux ressortissants des pays signataires des accords de Cotonou du 23 juin 2000 entre l’Union européenne et 77 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La déréglementation progressive du marché des joueurs initiée depuis l’arrêt Bosman marque la transition d’un sport professionnel bénéficiant d’une exception sportive à un sport professionnel devant composer avec le droit commun en dépit des particularités économiques du secteur. Pour François Alaphilippe, le mouvement sportif « tombe en face de juristes accoutumés au droit commun et qui, pensant le droit commun à travers des modèles qui ne correspondent pas ou pas nécessairement aux structures sportives et à leurs besoins, traitent le mouvement sportif comme un conglomérat qui bloque le marché. Seule la reconnaissance d’un particularisme justifierait qu’on ne lui applique pas des règles conçues pour des entreprises77. » 4. La reconnaissance de particularités En février 1996, la judokate liégeoise Christelle Deliège assigne en justice les ligues francophone et belge de judo qui avaient refusé de la sélectionner pour une compétition internationale. Elle attaque la réglementation qui exige une sélection de la fédération nationale afin de participer à une compétition internationale tout en instaurant des quotas nationaux d’engagement dans les compétitions. Ces critères de sélection sont, selon elle, contraires au Traité de Rome et notamment aux dispositions garantissant la libre prestation des services ainsi que la libre concurrence. L’enjeu était donc de statuer sur une conception du sport professionnel : en donnant raison à la sportive, la CJE procédait à une libéralisation totale du sport en l’assimilant à une marchandise comme une autre. L’avocat général Georges Cosmas considère les règles d’organisation des compétitions comme poursuivant un objectif purement sportif. Dès lors, il rappelle « que le droit communautaire reconnaît aux autorités sportives un pouvoir limité d’auto-gestion et d’auto-réglementation des questions non économiques » et concède que « les restrictions à la libre circulation peuvent être tolérées pour la poursuite d’une nécessité d’intérêt public (ici, les intérêts des équipes nationales et la nécessité d’assurer le caractère représentatif des compétitions) 78 . » L’avocat général conclut donc que les réglementations sportives concernées imposant à des athlètes d’obtenir des autorisations pour participer à des tournois internationaux et limitant le nombre de sportifs choisis par les fédérations pour y participer, ne sont pas contraires au droit communautaire. La Cour de Justice a suivi les conclusions de l’avocat général en statuant qu’ « une règle imposant à un athlète professionnel ou semi-professionnel, ou à un candidat à une activité professionnelle ou semi-professionnelle, d’être en possession d’une autorisation ou d’une sélection de sa fédération pour pouvoir participer à une compétition sportive internationale de haut 76 CJCE, 8 mai 2003. Affaire C-438/00, Deutscher Handballbund c/ Maros Kolpak. Behar, M. (11 décembre 2000). À Nice, les Quinze ont adopté une déclaration affirmant la spécificité du sport - Entretien avec François Alaphilippe. L’Humanité. 78 Communiqué de presse n°31/99 : Conclusions de l’Avocat général dans les affaires jointes C-51/96 et C191/97, Christelle Deliège/Asbl Ligue francophone de judo et autres. 77 80/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible niveau qui n’oppose pas des équipes nationales, dès lors qu’elle découle d’une nécessité inhérente à l’organisation d’une telle compétition, ne constitue pas en elle-même une restriction à la libre prestation de services79. » Cette décision qui peut être interprétée comme une reconnaissance implicite d’une spécificité sportive au sein de l’Union européenne va être confirmée par l’arrêt Lehtonen. Le 3 avril 1996, le joueur de basket finlandais Jyri Lehtonen s’engage avec le club belge des Castors de Braine. Son arrivée pour disputer les phases finales du championnat se fait hors période de mutation fixée par la fédération internationale. Le règlement de la FIBA interdit aux clubs de la zone européenne d’aligner au sein des championnats nationaux des joueurs étrangers ayant joué dans un autre pays de la zone européenne si le transfert a lieu après le 28 février. A deux reprises, le club est sanctionné d’une défaite par la fédération belge pour avoir aligné cette recrue. Le joueur et le club contestent ce point de règlement, le jugeant incompatible avec le principe de libre circulation des travailleurs. La cour rend sa décision en avril 2000 80 . Elle envisage le basket professionnel comme une activité économique. En conséquence, la règle limitant la participation d’un joueur à une compétition est envisagée comme une entrave à la libre circulation des joueurs. Il s’agit alors d’établir si cette restriction peut être objectivement motivée au regard de l’intérêt général. Selon la Cour, les organisations sportives peuvent légitimement apporter des restrictions à la libre circulation dès lors que cette entrave est justifiée par des motifs non économiques intéressant uniquement le sport en tant que tel. La période limitée des transferts se conçoit s’il s’agit d’éviter de fausser la régularité des compétitions. Ces arrêts, rendus tous les deux en avril 2000, présentent de nombreuses similarités, au moins dans leur signification : la Cour européenne de Justice reconnaît des particularités au sport, justifiant une certaine limitation des libertés fondamentales. On peut envisager ce souci d’atténuer l’assujettissement de la norme sportive au droit communautaire comme la volonté de définir un espace dérogatoire reconnaissant la particularité du sport. La prise en compte de cette spécificité nécessite la bienveillance des pouvoirs publics puisque certaines règles sportives dérogent au droit commun, notamment en termes de contraintes sur le marché du travail. De part et d’autre de l’Atlantique, le législateur a reconnu l’importance de préserver l’incertitude du résultat. Mais, lorsqu’aux Etats-Unis cela se traduit par une véritable exemption, en Europe la sphère sportive perd de son autonomie. On dira donc du système nord-américain qu’il est régulé (la main de fer) tandis que le système européen souffre de dérégulation (la main invisible). Ainsi Andreff remarque t-il : « Dans l’économie du sport professionnel, le paradoxe est que le capitalisme financier et de marché du travail libre émerge aujourd’hui en Europe et non aux Etats-Unis. Il converge de plus en plus vers le modèle d’économie libérale prédominant en Europe aujourd’hui. Le modèle américain de ligue professionnelle fermée, second paradoxe, tend au contraire à renforcer ses régulations et à adopter des arrangements institutionnels de plus en plus ‘quasi-socialistes’ » (Andreff, 2007). Cette dimension paradoxale est développée dans les points II et III à venir. 79 Arrêt « Deliège », C-51/96 et C-191/97, Christelle Deliège/Asbl Ligue francophone de judo et autres (C51/96). 80 Arrêt « Lehtonen », C-176/96 Jyri Lehtonen e.a / Fédération royale belge des sociétés de basket-ball ASBL (FRBSB). 81/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle II Les objectifs des clubs Cerner les objectifs et motivations des propriétaires et des ligues de part et d’autre de l’Atlantique permet de comprendre les lignes de force des modèles telles qu’elles sont synthétisées dans le tableau 8. Tableau 8 - Caractéristiques des modèles sportifs nord-américain et européen Ligues nord-américaines Ligues européennes Objectifs des propriétaires maximisation du profit maximisation des victoires Critères d'accès à la ligue économiques sportifs Organisation de la ligue fermée ouverte Comportement des acteurs solidarité course aux armements A - L’hypothèse de maximisation du profit Le développement commercial du sport aux Etats-Unis a provoqué l’émergence de quatre ligues dominantes. L’usage reconnaît aux big four (NBA, NFL, NHL, MLB) le statut de ligue majeure de par leur niveau technique, leur popularité, leur couverture médiatique, le budget des clubs et la taille des villes qui les constituent. Lorsque le cas nord-américain sera abordé, l’analyse portera sur ces ligues présentées dans le tableau 9. Tableau 9 - Présentation des quatre ligues majeures nord-américaines Sport Année de création Nombre de franchises Valeur moyenne d’une franchise Nombre de matchs en saison régulière Affluences cumulées (2004) Prix moyen d'un billet NFL NHL National Football League National Hockey League Major League Baseball National Basketbal Association Football 1920 32 897M$ 16 17,2M 58,9$ Hockey 1917 30 158M$ 82 20,3M 41,1$ Baseball 1903 30 376M$ 162 74,9M 22,2$ Basket 1946 30 326M$ 82 21,3M 45,7$ MLB NBA Sources : NFL, NHL, MLB, NBA, Forbes 1. Fondements théoriques : une activité à vocation commerciale Le sport en tant que spectacle apparaît au milieu du XIXème siècle aux Etats-Unis. Le développement des moyens de transport et de communication participe activement à la diffusion du sport à travers le pays. Les pool-rooms - officines de bookmakers - se multiplient alors que le télégraphe permet de prendre rapidement connaissance des résultats sportifs. L’engouement médiatique attire les publicitaires. Il est favorisé par les journaux qui, après avoir créé des rubriques sportives, rivalisent d’imagination pour 82/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible organiser des événements spectaculaires 81 . Cette double dimension médiatique et commerciale est à la base de la démarche américaine. Bertrand remarque la très grande originalité des médias et des sports américains par rapport au reste du monde dans le fait qu’il s’agit de propriétés privées aux mains de très grosses firmes : « Sport et médias aux Etats-Unis, plus qu’en tout autre pays au monde, sont commerciaux et, même dans le cadre du sport universitaire, ils visent avant tout le profit. » Il ajoute : « Leur liberté de gagner de l’argent est exceptionnelle : la réglementation est minimale. Le but premier donc n’est pas pour eux de servir le public. Ce n’est pas pour les uns de jouer les quatrièmes pouvoirs en vue d’améliorer la société, ni pour les autres d’enseigner de hautes valeurs humaines, tels le dépassement de soi, l’esprit d’équipe ou le respect des règles et de l’adversaire. Il s’agit dans les deux cas de conquérir le public le plus grand possible afin de le vendre à des annonceurs » (Bertrand, 1987). Dès lors, l’adoption précoce du statut professionnel par les joueurs 82 , la création de championnats sous l’impulsion d’entrepreneurs, et le spectacle relayé par les médias, témoignent de la transition d’un sport envisagé comme simple divertissement à un sport devenu véritable activité économique. Il est entendu que les propriétaires d’équipes poursuivent avant tout des objectifs financiers. Sous l’hypothèse de maximisation des profits, ils cherchent à optimiser la différence entre les revenus et les coûts. Deux critiques principales ont été adressées à cette hypothèse. Tout d’abord, Sloane remarque que le modèle de maximisation du profit est inapplicable au football anglais (Sloane, 1971). Les déficits récurrents des clubs dus aux investissements massifs sur le marché des transferts semblent indiquer que la satisfaction des propriétaires dépend des résultats sportifs. Il développe le modèle des propriétaires maximisateurs de victoires dont il envisage l’exportation, en partie, pour le sport américain (ce point est développé à la page 86). Ensuite, l’histoire des ligues majeures est marquée par la présence de « sportsmen owners » soucieux de consentir aux dépenses nécessaires pour s’attribuer des titres sportifs. Le sport professionnel serait alors un passe-temps coûteux pour personnes fortunées. Siegfried et Paterson identifient 45 des 115 propriétaires d’une équipe de ligue majeure en 1999 comme ressortissants de la Forbes List of The 400 Richest Americans, c’est-à-dire à la tête d’une fortune d’au moins 500 millions de dollars (Siegfried & Peterson, 2000)83. Edward Debartolo, qui a bâti sa richesse dans la grande distribution, est l’incarnation du « hobby owner ». Durant les années 1980, ses dépenses massives dans son équipe des San Francisco 49ers (football) ont abouti à quatre titres de champion. Mark Cuban, propriétaire de la franchise NBA des Dallas Mavericks, est l’un des hommes les plus riches des EtatsUnis. Celui qui se définit lui-même comme un « beer and bretzels guy » s’est offert son équipe pour 280 millions de dollars. Arborant fièrement le maillot des Mav’s à chaque match à domicile, il considère son activité sportive comme « his labor of love ». Dans le magazine Sports Illustrated, il déclare : « disons que je pèse environ 1,7 milliards, et par 81 A ce sujet, on peut consulter Heimermann (1990). Dès 1869 pour l’équipe de baseball des Red Stockings de Cincinnati. 83 Le magazine Forbes (http://www.forbes.com/) publie chaque année la liste des personnes les plus fortunées. Quirk et Fort y avaient déjà recouru pour l’année 1990 en identifiant 22 propriétaires à la tête d’une fortune de plus de 300 millions de dollars. Pour approfondir, on peut consulter le tableau de la page 40 de Quirk & Fort (1992). 82 83/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle une série d’erreurs incroyablement stupides, je perds 100 millions. Oh mince ! Qu’est ce qui me reste ?84 » Toutefois, ces exemples sont limités et contredits par d’autres cas de propriétaires tout aussi riches accordant peu d’importance à la réussite sportive85 . Sandy et al. atténuent l’idée du propriétaire philanthrope : « sur une période de 20 ans à partir de 1980, il n’apparaît que 3 exceptions claires à l’objectif de maximisation aux Etats-Unis. […] En terme d’équipes/années il n’y a eu que dix exceptions évidentes à la maximisation du profit dans plus de 2000 équipes/années sur les deux décennies » (Sandy, Sloane, & Rosentraub, 2004, p. 13). En somme, deux évidences non contradictoires définissent ce que l’on pourrait appeler le syndrome « Christina Pagniacci »86 : si les propriétaires affectionnent naturellement la victoire, ils préfèrent toutefois faire du profit que de ne pas en faire. Comme le soulignent Quirk et Fort, « la maximisation du profit est bien entendu un concept idéal qui n’est qu’approximatif en pratique. […] Le business des équipes sportives professionnelles est si onéreux à intégrer que même les très riches propriétaires font sérieusement attention à leur gestion » (Quirk & Fort, 1992, p. 279). Alors, si la proposition de maximisation du profit porte à discussion, elle semble appropriée sur le long terme. 2. Comportements des acteurs : le sens de l’intérêt collectif La poursuite d’un objectif financier a une répercussion directe sur la manière dont les clubs appréhendent le succès sportif. Dans le modèle nord-américain, les propriétaires atténuent leur désir de victoires, conscients que leurs recettes dépendent avant tout de la santé de la ligue. Ils limitent ainsi la poursuite d’un objectif individuel au profit d’un effort collectif d’entretien de l’équilibre compétitif. C’est le cas de la ligue de football américain, réputée pour son incertitude et sa prospérité, dont un journaliste remarquait : « Au football américain, la dynastie, c’est la Ligue nationale elle-même, qui trône dans le coeur et dans le portefeuille des amateurs et des médias depuis si longtemps qu’on ne sait plus trop quand ça a commencé. La force, c’est l’équilibre. La méthode, c’est le partage des ressources, qui témoigne du fait qu’on a compris qu’un circuit sportif est une entreprise en concurrence avec les autres formes de divertissement, non une trentaine d’entreprises qui s’entre-déchirent et n’ont de cesse avant d’avoir envoyé l’adversaire-partenaire au plancher87. » 84 Cuban, M. (6 novembre 2000). Sports Illustrated, p. 88. Ajoutons la célèbre sentence de Gene Klein, un temps propriétaire des San Diego Chargers : « Les deux plus beaux jours de ma vie furent lorsque j’ai pris des parts dans les Chargers et le jour où j’ai vendu des parts des Chargers. » 85 Hugh Culverhouse était à la tête de 380 millions de dollars à sa mort en 1994. Sous sa présidence (1974/1990), les Bucs de Tampa Bay (NFL) étaient une équipe peu compétitive mais très rentable. 86 Dans un film d’Oliver Stone traitant du football américain (Any Given Sunday – 1999), Christina Pagniacci (Cameron Diaz) est la propriétaire des Miami Sharks. On la perçoit partagée entre sa passion réelle pour le jeu et la victoire et son souci d’un rendement économique immédiat. Elle désire ainsi délocaliser son équipe à Los Angeles. Le stéréotype du propriétaire avare est répandu dans la production cinématographique nord-américaine. Dans le film Major League (1989), Rachel Phelps hérite de l’équipe de baseball des Indians de Cleveland. Peu attachée à la cité industrielle de l’Ohio, elle fera tout pour délocaliser son équipe à Miami. 87 Dion, J. (édition du samedi 25 et du dimanche 26 janvier 2003). La NFL, ou le triomphe du socialisme d’entreprise. Le Devoir, XCIV. 84/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible Une ligue est donc un cartel, c’est-à-dire un réseau d’entreprises inter-indépendantes qui joignent leur effort pour disposer d’un monopole. Les membres du cartel recherchent la maximisation des profits de la ligue par une politique coopérative née du simple constat que leur réussite dépend de la demande du public. Or, l’intérêt du public augmente lorsque le championnat oppose des équipes de forces égales. La puissance financière déterminant le succès sportif, il convient de transférer des ressources des équipes les plus fortes vers les équipes les plus faibles afin de maintenir l’aléa. Ainsi, l’hypothèse d’incertitude (abordée à la page 47) définie comme étant le point d’entrée d’un cercle vertueux bénéfique à tous, doit être activée par une politique coopérative de solidarité. Celle-ci fournit aux équipes les plus faibles la capacité d’accéder aux bons joueurs : « plus les revenus sont équitablement répartis, plus on a de chances d’égaliser la performance sportive » (Cairns, Jennett, & Sloane, 1986). L’adhésion à une politique de solidarité se traduit par la mise en place d’outils de régulation sur le marché du travail et sur la redistribution des revenus (ces outils sont détaillés dans la figure 19 à la page 90). Un tel système n’est pas à l’abri de comportements individualistes. Un propriétaire peut envisager l’alternative suivante : coopérer avec ses pairs de façon à augmenter les revenus de la ligue ou espérer des profits plus importants dans la poursuite d’une stratégie égoïste, au risque de déséquilibrer le système. C’est pourquoi on compare très souvent le fonctionnement d’une ligue au célèbre dilemme des prisonniers, très prisé dans les théories de la communication et des jeux (Cavagnac, 2006), surtout dans les recherches sur la coopération et la résolution des conflits. Il s’agit d’un jeu à somme non nulle où l’hypothèse est que chaque joueur peut conduire une stratégie, apparemment rationnelle, pour favoriser son intérêt propre à défaut de l’intérêt collectif (Guerrien, 2002). Un commissaire de police appréhende deux individus suspectés d’un cambriolage. Il lui faut obtenir des aveux sans quoi la seule charge qui pourra être retenue contre eux est le port d’arme prohibé passible d’un an de prison. Le commissaire fait la proposition suivante à chacun des deux suspects : si seulement l’un des deux suspects avoue, le mouchard sera libre et son complice fera dix ans de prison. Si les deux avouent, chacun n’en fera que cinq. Les deux hommes ne peuvent communiquer entre eux (figure 17). Figure 17 - Le dilemme du prisonnier : coopération et concurrence Suspect A Dénégation Aveu -1 0 Dénégation -1 -10 -10 -5 Aveu 0 -5 Suspect B La solution paraît simple : aucun des deux hommes n’avoue, de sorte que chacun ne fera qu’un an de prison. Mais, du point de vue de chaque individu, la meilleure stratégie pourrait être d’avouer, quoique fasse l’autre. En effet, si le suspect A avoue et que B nie, alors A est libre. Et si B avoue également, A ne regrette pas d’avoir dénoncé son complice puisqu’il ne fera que cinq ans de prison au lieu de dix. Le même raisonnement est valide pour le suspect B. Or, en avouant tous les deux, les suspects sont amenés à subir une peine plus lourde que s’ils avaient nié. L’une des faiblesses d’une ligue envisagée comme un cartel est que le comportement qui optimiserait les retombées pour une équipe est en contradiction avec le principe même du cartel. La cohésion de la ligue-cartel est assurée lorsque les retombées économiques d’une politique coopérative sont supérieures à celles escomptées par les propriétaires dans la poursuite d’un comportement plus individualiste. Fort précise que « les propriétaires contrôlent vraiment leurs ligues. Si elles ne font pas mieux que ce que pourraient faire les propriétaires s’ils étaient seuls, ces derniers les quittent tout simplement » (Fort, 2002, p. 132). 85/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle B - L’hypothèse de maximisation de l’utilité “Is professional football a sport or an industry ? Is it an enterprise whose only profit to itself is the pleasure it gives to millions or... is it a business which is fired by dreams of financial gain?” Alan Hardaker, secrétaire de la Football League (Angleterre) durant les années 1960 1. Fondements théoriques : le désir de victoires L’objectif des propriétaires européens est tout autre que celui de leurs homologues d’Amérique du Nord. Pour Kesenne, « la plus importante différence entre les Etats-Unis et l’Europe est que les clubs américains sont des entreprises visant à réaliser des profits, alors que l’objectif de la grande majorité des clubs européens est d’être performant sur le terrain » (Kesenne, 1999). Cette distinction majeure a été établie en 1971 dans un article fondateur de Sloane. L’auteur considère que Neale a accordé trop d’importance à l’interdépendance mutuelle entre clubs constitutifs d’une ligue (la théorie de Neale est abordée à la page 65). Celle-ci ne prend d’ailleurs véritablement effet que lorsque le but d’une équipe est la recherche de profit. S’appuyant sur le cas du football anglais, Sloane remarque que de nombreuses décisions économiques sont prises à l’échelle des clubs plutôt qu’à celle de la ligue. En somme, Sloane suggère que Neale surévalue l’interdépendance des clubs organisés en un cartel : « le fait que les clubs produisent ensemble un produit joint n’est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour analyser l’industrie comme si la ligue était la firme » (Sloane, 1971, p. 128). Ce constat conduit l’auteur à développer un modèle spécifique au système européen. Il s’inspire de l’utilitarisme posé par Jeremy Bentham puis développé par John Stuart Mill. Selon cette théorie philosophique, est « bon » ce qui consiste à maximiser le bien-être (welfare) des individus. L’utilité est alors assimilée à la satisfaction individuelle des propriétaires de clubs. Sloane remarque qu’en Europe, les dépenses des propriétaires ne visent pas en premier lieu un retour sur investissement mais plutôt le succès sportif. C’est la recherche de prestige et l’enthousiasme pour le sport qui les motivent avant tout. L’auteur va donc à l’encontre du modèle construit par Rottenberg et Neale selon lequel la poursuite de la maximisation du profit est assujettie à une solidarité inter-clubs sous contrôle d’une ligue. A la maximisation du profit, il oppose la maximisation de l’utilité dont l’objectif principal devient le succès sportif (playing success). Ainsi, toutes les personnes constituant un club (propriétaires, joueurs, entraîneurs mais aussi supporters) souscrivent-elles au désir de victoires qui raisonne à la formule fondamentale de l’utilitarisme : « chercher le bonheur du plus grand nombre en identifiant toujours l’intérêt de l’individu à l’intérêt universel » (Mill, 1988). Cette hypothèse a été déclinée en plusieurs variantes. Kesenne envisage alors les dirigeants européens comme poursuivant la maximisation de la performance sportive sous contrainte d’un équilibre budgétaire ou du moins d’un profit minimum (Kesenne, 1996). Kesenne justifie ainsi son hypothèse : « nous pensons que ce modèle constitue l’approche la plus réaliste du système européen, où la plupart des clubs sont des organisations à but non lucratif animés de l’objectif principal de gagner autant de matchs que possibles et, si c’est envisageable, le titre de champion. Seul un petit nombre de gros clubs, en particulier ceux côtés en bourse, sont plus orientés vers le business et ont à garantir un certain taux de 86/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible profit pour satisfaire les actionnaires. Combien même, l’objectif final de ces grands clubs est de gagner le titre et de participer à la Ligue des champions » (Kesenne, 2000, p. 63). L’hypothèse de maximisation de victoires est légitimée par l’éthique qui anime le sport européen. Dès ses origines, le sport professionnel a été considéré comme partie intégrante d’un ensemble plus vaste attaché aux règles fondamentales de l’amateurisme. Le lien entre la masse et l’élite a limité l’activité commerciale. A titre d’illustration, la Football Association, en Angleterre, cherche dès sa création à préserver l’intégrité de son sport en favorisant la notion de club à celle de business88. En 1896, la FA édicte la règle 34 qui impose un niveau de dividendes maximum de 5% et stipule qu’aucun directeur de club ne peut prétendre à un salaire 89 . La FA rule 34 envisage donc le football professionnel comme un service public plutôt qu’une activité à but lucratif. L’esprit de la règle annihile la volonté d’un entrepreneur de rechercher un profit via des dividendes ou le versement d’un salaire 90 . Au-delà de cet aspect, tout un réseau d’évidences concordantes invite à envisager les propriétaires européens comme n’ayant pas pour objectif principal la réalisation de profits. Sans développer, il suffit de citer les exemples de clubs espagnols tels que le Real Madrid ou le FC Barcelone, propriétés des supporters (socios) qui élisent un président à la tête du club. 2. Comportements des acteurs : la course aux armements Les pertes financières des clubs de football européens sont courantes et laissent à penser que la réalisation de profits n’est pas un objectif prioritaire. L’origine de ces pertes fréquentes est attribuable à la recherche de la performance sportive qui engage les clubs dans une surenchère visant à attirer les meilleurs joueurs. On entre alors dans une logique de course aux armements qui consiste à « recruter les meilleurs joueurs de sorte que chaque club améliore sa position en fonction de celle de ses concurrents, qui sont ainsi poussés à surenchérir » (Ascari & Gagnepain, 2003). 88 La notion de « club » implique l’idée d’une masse compacte. Il s’agit d’un rassemblement, association, agrégat de personnes qui se réunissent pour partager des buts communs. Dans le domaine sportif, le club assure la réunion d’individus autour de la pratique d’un loisir et n’implique en rien la poursuite d’objectifs commerciaux. D’ailleurs, Szymanski et Kuypers rappellent : « Dans la loi anglaise, un ‘club’ est une entité légale qui appartient à tous ses membres, qui élisent un comité en charge de l’activité commerciale du club. Une telle structure est appropriée dans le cas d’une petite organisation dont la fonction est avant tout sociale et dont les besoins financiers sont limités.» (Szymanski & Kuypers, 1999, p. 5). 89 Le montant maximum de dividendes a été augmenté à 7,5% en 1920, 10% en 1974 puis 15% en 1983. Depuis 1981, un directeur de club peut être payé. De nos jours, il n’y a aucune restriction sur le nombre de directeurs salariés, mais ils doivent se consacrer uniquement à cette activité. 90 La FA a été créée en 1863 avec pour objectif majeur de développer la pratique et de codifier le jeu. Profondément animée par l’éthique de l’amateurisme, la FA interdit formellement le professionnalisme considérant que cela pervertit la pureté du jeu. Mais, en 1884, les meilleurs clubs rémunèrent déjà leurs joueurs et menacent de quitter la FA si le professionnalisme n’est pas légalisé. Il le sera l’année suivante. La Football League, première compétition professionnelle de football, est mise en place en 1888 sous l’égide de la FA qui s’applique à maintenir le désintéressement commercial. La popularité grandissante du championnat professionnel attire des entrepreneurs dont la motivation dépasse la philanthropie. Ainsi, les clubs de Chelsea FC, Liverpool FC ou Portsmouth FC sont créés dans l’unique but de poursuivre des objectifs commerciaux. L’établissement de la règle 34 vise à réaffirmer la prédominance du sportif sur le commercial. 87/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle Cette course aux armements se caractérise par une hausse de la masse salariale. L’interdépendance entre niveaux de compétition exacerbe l’univers concurrentiel des clubs. En effet, la crainte d’être relégué dans la division inférieure, ou le désir de concourir pour le titre de champion, incitent d’autant plus les équipes à investir dans le talent91. Il s’agit d’ailleurs du poste de dépenses le plus élevé pour les clubs. C’est ainsi que, selon le cabinet Deloitte et Touche, la masse salariale des cinq grands championnats européens de football (Angleterre, Italie, Allemagne, Espagne et France) atteint 2,5 milliards de livres pour la saison 2002-2003. La figure 18 présente le ratio entre salaires-charges et le chiffre d’affaires dans les « Big Five » entre les saisons 1995-1996 et 2002-2003. Sur 40 observations, le rapport n’est passé sous la barre des 50% qu’à neuf reprises. En moyenne, le championnat de L1 est le deuxième plus dépensier après l’Italie. Figure 18 - Ratio salaires et charges/ chiffre d’affaires dans les Big Five (1995 à 2002) Toutefois, ces ratios masquent de grandes disparités. On observe en effet des situations contrastées au sein même des championnats. En 2002-2003, trois clubs anglais (Manchester United, Newcastle, West Bromwich Albion) sont sous la barre des 50%, alors que trois autres (Sunderland, Leeds United, Fulham) sont au-delà de 80%. Le tableau 10 présente la part des revenus des clubs consacrée à la masse salariale pour les quatre premiers niveaux anglais depuis 1960. 91 Ce point est développé par Noll (2002) et Szymanski & Ross (2002). 88/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible Tableau 10 - Part des revenus des clubs consacrée à la masse salariale dans les quatre championnats professionnels anglais Saison Premier Division Division Division League One Two Three 1960 1965 32% 41% 38% 45% 47% 44% 46% 56% 1970 40% 49% 82% 89% 1975 56% 57% 75% 80% 1980 47% 65% 71% 89% 1985 48% 81% 66% 75% 1990 38% 60% 76% 63% 1995 41% 66% 63% 60% 2000 60% 94% 84% 59% 2003 61% 89% 85% 68% Source : Deloitte et Touche Football Review Lors de la première année d’observation, mise à part la Division Two, chaque niveau présente son ratio le plus faible. Mise en place en 1900, l’imposition d’un salaire maximum a contribué à limiter ces charges92. Depuis son abolition en 1961, Szymanski remarque que les « clubs peuvent utiliser leurs grandes ressources pour accomplir une meilleure performance sportive et cela a pu conduire à la fois à une perte d’équilibre compétitif et à plus d’intérêts financiers dans la ligue de football » (Szymanski, 2001). Ainsi, lorsque le maximisateur de profit soumet sa volonté de réussite sportive à ses objectifs financiers, le maximisateur d’utilité recherche la victoire « à tout prix ». Comme le souligne Lavoie, le premier « s’imposera des limites dans sa quête d’une équipe gagnante » alors que le second « voudra régner sur le classement, année après année, et il voudra dominer ses rivaux afin de supprimer l’incertitude inhérente à la compétition sportive. » En cela, le maximisateur de victoires crée les conditions d’une inflation des salaires puisqu’il est « prêt à payer le gros prix afin de s’accaparer les meilleurs joueurs, quitte à faire exploser la structure salariale » (Lavoie, 1997, p. 56). III Les modèles d’organisation du sportspectacle Dans un entretien accordé récemment à un magazine américain, l’économiste du sport Raymond Sauer perçoit une grande ironie à ce que les pays européens, à la politique d’inspiration social-démocrate, adoptent un modèle libéral d’organisation du sport professionnel, tandis que la situation aux Etats-Unis est parfaitement inverse93. Il semble y avoir là un paradoxe. Alors que les objectifs des propriétaires nord-américains sont purement commerciaux, le modèle d’organisation des ligues professionnelles accorde une 92 A ce sujet, voir la contribution de Szymanski et Kuypers, « From the maximum wage to £30,000 a week » (Szymanski & Kuypers, 1999, pp. 87-99). 93 Steelman, A. (Spring 2006). Interview: Raymond Sauer. Region Focus, p. 38. 89/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle grande place à la solidarité (A). En Europe, derrière l’objectif a priori plus « noble » de maximisation de la performance sportive, existe un modèle tiraillé entre des intérêts divergents (B). A - La ligue-cartel nord-américaine La prise de conscience d’une interdépendance mutuelle entre équipes a favorisé la mise en place d’une politique de solidarité (cross-subsidization) justifiée par l’hypothèse d’incertitude du résultat créatrice de revenus. L’idée directrice est d’équilibrer les forces en présence en transférant des ressources des équipes les plus riches vers les équipes moins fortunées. Il s’agit d’assurer la parité, concept essentiel du sport nord-américain. La parité est l’objectif vers lequel tend une politique de solidarité : assurer une égalité de traitement entre concurrents par une péréquation des revenus94. La politique de solidarité peut varier d’une ligue à une autre. Toutefois, invariablement, deux secteurs d’intervention sont privilégiés : le marché du travail et la redistribution des revenus de la ligue. La figure 19 détaille la variété des outils de régulation censés assurer la parité au sein des quatre ligues majeures. Figure 19 - Outils de régulation promouvant la parité au sein des ligues fermées 94 Voir le chapitre « L’évolution de la parité dans la LNH » de Lavoie (1997, pp. 93-136). Nous avons déjà souligné l’existence d’un champ lexical pertinent autour des concepts liés à l’incertitude du résultat (page 33). Remarquons ici que « parité » et « parier » relèvent de la même racine latine par, paris, exprimant ce qui est égal, pareil. 90/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible La régulation du marché des joueurs se justifie en deux points. Tout d’abord, comme cela a été vu précédemment, les salaires constituent le poste de dépenses le plus important des clubs. Un libre fonctionnement du marché provoque de fait une spirale inflationniste. Il s’agit donc de contrôler les coûts et de permettre aux propriétaires de poursuivre leur objectif de maximisation du profit. En second lieu, c’est la qualité des joueurs qui détermine la performance sportive d’une équipe. Le souci de maintenir l’équilibre compétitif invite à répartir le talent équitablement entre clubs. Le plafonnement des salaires (salary cap) et la draft sont des outils de régulation destinés, en théorie, à favoriser l’aléa. 1. La négociation collective Ces outils de régulation sont des restrictions à un libre fonctionnement du marché du travail. De fait, ils sont susceptibles de nuire à la rémunération des joueurs. Leur mise en place est alors soumise à d’âpres négociations, effectuées dans le cadre d’un Collective Bargaining Agreement (CBA), sorte de convention collective entre les propriétaires et les joueurs renouvelée généralement tous les trois à sept ans. Les propriétaires agissent par le biais de la ligue et les joueurs sont représentés par un syndicat afin que la négociation détermine les relations économiques entre les deux entités. Lorsque les négociations aboutissent à une impasse, chaque partie dispose de moyens de pression (la grève pour les joueurs, le lockout pour les propriétaires, c’est-à-dire une cessation temporaire d’activité). La grève et le lockout ne sont pas considérés comme la fin des négociations mais en font entièrement partie. Ces pratiques sont du reste reconnues par le droit du travail. Les joueurs se sont constitués en puissants syndicats pour défendre leurs intérêts95. De même que les gladiateurs se révoltaient pour améliorer leurs conditions de vie, les sportifs professionnels se sont régulièrement mis en grève. Le tableau 11 recense les grands conflits ayant opposé joueurs et propriétaires depuis les années 1970. L’ensemble des conflits porte sur les restrictions opérant sur le marché des joueurs. Fort simplement, alors que les propriétaires cherchent à minimiser leurs coûts salariaux, les joueurs luttent pour un marché du travail plus concurrentiel. Ainsi, selon Hill et Groothuis, dans les quatre ligues majeures, l’objectif essentiel des syndicats de joueurs a été la négociation d’un accès moins contraignant pour les joueurs au statut d’agent libre (Hill & Groothuis, 2001, p. 131)96. Si un CBA est un compromis entre joueurs et propriétaires, il n’en reste pas moins affecté de nombreuses tensions. Pour Quirk et Fort les négociations sont bien plus conflictuelles dans le sport professionnel que dans toutes autres industries (Quirk & Fort, 1999, p. 68). Les auteurs remarquent qu’entre 1987 et 1996, 403 grèves ont été recensées dans toute l’économie américaine. Parmi elles, cinq ont perturbé les championnats de ligues majeures97. Alors qu’il y a environ 16 millions de travailleurs syndiqués aux Etats-Unis, les quatre ligues majeures en comptent 4 000. Si l’ensemble des syndiqués avait été aussi 95 La NBPA (National Basketball Players Association) est fondée en 1954, suivie par la NFLPA (National Football League Players Association) en 1956, puis la MLBPA (Major League Baseball Players Association) en 1965 et enfin la NHLPA (National Hockey League Players Association) en 1967. On notera que ces unions de joueurs développent rapidement une culture syndicale. Ainsi, en 1966, Marvin Miller prend la tête de la MLBPA alors qu’il était auparavant négociateur en chef des United Steelworkers of America, l’un des plus importants syndicats américains. 96 Un free agent est un sportif professionnel libre de s’engager avec n’importe quel club. 97 Le lockout de la NBA en 1995 n’est pas comptabilisé dans la mesure où il s’est produit à l’intersaison. 91/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle actif que les joueurs professionnels, 20 000 mouvements de grève, au lieu des 403, se seraient produits entre 1987 et 1996. Tableau 11 - Historique des conflits joueurs/propriétaires dans les quatre ligues majeures Ligue Année MLB NBA NFL NHL Conflit Durée Litige 1972 Grève 14 jours Arbitrage salarial et pensions des joueurs 1973 Lockout 12 jours Arbitrage salarial 1976 Lockout 17 jours Statut des joueurs libres 1980 Grève 8 jours Statut des joueurs libres 1981 Grève 50 jours Statut des joueurs libres 1985 Grève 2 jours Arbitrage salarial 1990 Lockout 32 jours Arbitrage salarial et instauration d’un plafond salarial 1994 Grève 232 jours Instauration d’un plafond salarial 1995 Lockout 74 jours Mise en cause de tous les outils de restriction du marché 1996 Lockout Quelques heures Litige sur le partage des droits télévisuels 1998 Lockout 191 jours Litige sur le plafond salarial 1982 Grève 57 jours Arbitrage salarial 1987 Grève 24 jours Statut des joueurs libres 1992 Grève 10 jours Arbitrage salarial et statut des joueurs libres 1994 Lockout 103 jours Litige sur le plafond salarial et le statut des joueurs libres 2004 Lockout Saison annulée Instauration d'un plafond salarial 2. Le plafonnement de la masse salariale Le salary cap est un mécanisme qui limite la somme d’argent qu’une équipe peut dépenser dans les salaires de ses joueurs. Son objectif est de préserver l’équilibre des forces en présence en évitant que les équipes les plus riches dominent la ligue en recrutant les meilleurs joueurs. Ce système est relativement récent à l’échelle de l’histoire des ligues nord-américaines. En effet, le système de la clause de réserve limitant la mobilité des joueurs a longtemps permis de poursuivre le double objectif de limitation de l’inflation salariale et de préservation de l’équilibre compétitif. Toutefois, l’assouplissement de la clause à partir de 1976 a modifié l’état du marché du travail. Des joueurs expérimentés, à l’expiration de leur contrat, étaient dorénavant libres de négocier un nouveau salaire aussi bien avec leur ancien club qu’avec une équipe concurrente (free agents). Cette situation a engendré une guerre des salaires profitable aux équipes les plus riches susceptibles de déséquilibrer le championnat par un tel comportement. a) Le Soft Cap en NBA Le premier salary cap de l’ère moderne est mis en place en NBA lors de la saison 1984198598. Il plafonne alors la masse salariale d’une équipe à 3,6 millions de dollars. En 1998, le cap était fixé à 26,9 millions de dollars (augmentation de 747% en 13 ans). Le dernier CBA, conclu en juillet 2005 pour une période de six ans, assure aux joueurs une part de 51% des revenus de la ligue (49,5 millions de dollars par équipe pour la saison 2005- 98 Pour sa saison inaugurale, la NBA avait mis en place un plafonnement des salaires qui n’a pas perduré. Le cap était alors de 55 000 dollars et la majorité des joueurs gagnaient entre 4 000 et 5 000 dollars. 92/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible 2006)99. En outre, la NBA a également instauré un salaire maximal pour chaque joueur indexé sur l’ancienneté dans la ligue. Le plafonnement salarial de la NBA est considéré comme un « soft cap ». A titre d’illustration, lors de la saison 2001-2002, les salaires étaient plafonnés à 42,5 millions de dollars par équipe. Seules deux équipes étaient sous le cap. Les 28 autres dépassaient ce montant, dont 16 par plus de 10 millions de dollars et deux par plus de 40 millions de dollars. Le système du cap est peu efficace en NBA à cause d’une dizaine d’exceptions permettant de dépasser le montant autorisé. La plus connue est l’exception « Larry Bird », du nom du légendaire joueur des Boston Celtics. Elle permet à une équipe de proposer un nouveau contrat à l’un de ses joueurs devenu libre, quand bien même le nouveau salaire contribuerait à excéder le niveau du salary cap. Cette mesure a pour objectif de permettre aux équipes de conserver leurs joueurs vedettes et de satisfaire ainsi les fans attachés à ces athlètes ayant contribué à l’histoire de la franchise. b) Le Hard Cap en NFL En 1994, la NFL a adopté un « hard cap » extrêmement rigide où aucune équipe ne peut dépasser le montant maximum autorisé, sous peine de s’acquitter de pénalités financières. Initialement, le montant du cap était fixé à environ 65% des Defined Gross Revenues (DRG, basés sur la vente de billets, les contrats télévisuels et le merchandising). En mars 2006, une extension du CBA remplace les DRG par les TFR (Total Football Revenues), fixant le cap à 102 millions de dollars. Pour 2006, le salary floor (la masse salariale minimale) est de 75 millions de dollars par équipe. Mais, comme le montre la figure 20, si la masse salariale est limitée, celle-ci progresse en s’indexant sur les revenus de la ligue. Figure 20 - Evolution du montant du salary cap en NFL depuis son instauration (en $) 99 Chaque mois de juillet, la ligue projette le montant de ses revenus pour la saison à venir. Le BRI (Basketball Related Income) tient compte des ventes de tickets, de la publicité, des produits dérivés, des contrats télévisuels… 93/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle c) Les difficultés d’instauration d’un plafonnement en NHL En NHL, les négociations du dernier CBA ont débouché sur un lockout provoquant l’annulation de la saison 2004-2005. C’est une décision sans précédent dans l’histoire des circuits majeurs aux Etats-Unis. Pour la première fois depuis 1919 (en raison d’une épidémie de grippe espagnole), la Coupe Stanley n’a pas été remise. Cette annulation a pour origine un rapport indépendant qui révèle une situation inquiétante : le rapport Levitt (Levitt Jr, 2004). Pour la saison 2002-2003, les 30 équipes accusent une perte annuelle cumulée de 273 millions de dollars, soit en moyenne, 9,1 millions par club. La commission Levitt impute cette situation à l’inflation des salaires dont on peut constater l’accélération brutale depuis 1990. A cette date, Bob Goodenow arrive à la tête de l’Association des Joueurs de la NHL. Il préconise aux joueurs de divulguer publiquement leurs salaires afin que ceux-ci puissent comparer leur valeur. Cette stratégie de transparence fournit un levier de négociation qui transforme le marché du travail en faveur des joueurs. Le salaire moyen passe de 558 000 dollars en 1993 à 1,79 millions de dollars dix ans plus tard. En 2002-2003, les coûts salariaux liés aux joueurs atteignaient 1,494 milliards de dollars, soit 75% des revenus de la ligue. Le commissaire de la NHL, Garry Bettman, recommande l’instauration d’outils de contrôle des coûts. Il justifie ainsi sa position : « le challenge à venir est de s’assurer que nous ayons un système économique qui permette à tous nos clubs d’être économiquement viables, stables et compétitifs là où ils sont actuellement localisés. Tous nos fans ont besoin de savoir au début de la saison que leur équipe a une bonne chance de remporter la Coupe Stanley comme n’importe quelle autre équipe. Cela dépend seulement de la somme dépensée par les équipes dans la masse salariale 100 . » Finalement, les joueurs consentent à l’établissement d’un plafonnement salarial. Pour la saison 2005-2006, le salary cap est fixé à 39 millions de dollars par équipe avec un plancher à 21,5 millions de dollars par équipe. Pour les années suivantes, le plafonnement est indexé sur les revenus de la ligue. Cette mesure est accompagnée d’une restriction sur les salaires individuels qui ne pourront dépasser 20% de la masse salariale du club. Le tableau 12 synthétise les modalités d’application du plafonnement salarial dans les trois ligues étudiées jusqu’à présent. Tableau 12 - Modalités d’application du Salary Cap en NBA, NFL et NHL Ligues NBA NFL Salary Cap 49,5% du BRI en 2005-2006 (49,5M$) puis 51% du BRI à partir de 20062007 59,5% des TFR (102M$ en 2006, 109M$ en 2007) 39M$ en 2006. Cap établi selon les critères suivants: 54% des revenus de la ligue lorsqu'ils sont inférieurs à 2,2 milliards$ NHL 55% des revenus de la ligue lorsqu'ils sont entre 2,2 et 2,4 milliards$ 56% des revenus de la ligue lorsqu'ils sont entre 2,4 et 2,7 milliards$ 57% des revenus de la ligue lorsqu'ils sont supérieurs à 2,7 milliards$ 100 Déclaration de Garry Bettman le 1er février 2002. On notera que Garry Bettman avait mis en place le salary cap en NBA en 1984. 94/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible d) La Luxury Tax en MLB La MLB a adopté un système moins drastique. La taxe de luxe (luxury tax) impose aux équipes dont la somme des salaires dépasse un certain montant de payer une taxe reversée aux équipes les plus faibles. Ce mécanisme a d’abord été mis en place une première fois durant trois saisons (1997 à 1999) puis à nouveau instauré pour la période 2002/2006. En 1997, chacune des cinq équipes présentant les plus grosses masses salariales, si elles dépassent la limite de 51 millions de dollars, doivent alors s’acquitter d’une taxe de 35% sur la différence101. Durant ces trois années, huit équipes ont déboursé un total de 30,6 millions de dollars au titre de la taxe de luxe. Les New York Yankees concentrent à eux seuls un tiers de ce montant en s’acquittant de 9,9 millions de dollars. Ils seront par ailleurs champions en 1998 et 1999102. Pour le dire autrement, les équipes les plus riches achètent le droit de monopoliser les meilleurs joueurs en dédommageant les équipes les plus faibles. Ce mécanisme n’entraîne aucune amélioration notable de l’équilibre compétitif. Bob DuPuy, chef exécutif de la ligue, soulève alors la différence essentielle entre la ligue de baseball et la NFL: « la NFL a un plafonnement rigide, et si vous demandiez à 20 experts de la NFL qui va remporter le Super Bowl cette année, vous pourriez obtenir 20 réponses différentes. Si vous demandiez maintenant à 20 experts de baseball qui va représenter l’American League dans les World Series, au moins 90% d’entre eux diraient les Yankees et le autres répondraient Seattle. » En 2002, une nouvelle version de la luxury tax, renommée à cette occasion « competitive balance tax », prend forme. Selon Bob DuPuy, « idéalement, cela réduirait le ratio entre les équipes du haut et celles du bas de sorte que gagner serait plus affaire de décisions personnelles et de pure réflexion plutôt qu’un simple avantage économique103. » Le tableau 13 présente la limite de la masse salariale audelà de laquelle s’applique la taxe. Cette dernière augmente en cas de dépassement fréquent. Tableau 13 - Modalités d’application de la taxe de luxe en MLB pour la période 2002 à 2006 Limite 1er (millions dépassement de $) 2003 2004 2005 2006 117 120,5 128 136,5 17,5% 22,5% 22,5% 0 2nd dépassement 3ème dépassement 4ème dépassement _ 30% 30% 40% _ _ 40% 40% _ _ _ 40% Source : 2002-2006 Basic Agreement : The Basic agreement between the 30 MLB Clubs and the MLBPA, article XXIII (Competitive Balance Tax) En 2003, la franchise des Yankees de New York était la seule à tomber sous le coup de la taxe. Avec une masse salariale de 184,5 millions de dollars dépassant largement la limite autorisée de 117 millions de dollars, elle a dû reverser 11,8 millions de dollars à la ligue. L’année suivante, trois clubs sont taxés. Aux Yankees (26,1 millions de dollars) se joignent 101 Le montant limite et le taux de taxe sont de 55 millions de dollars et 35% en 1998 ; de 58,9 millions de dollars et 34% en 1999. Voir l’article XXIII du 1997 - 2001 Basic Agreement entre les 30 clubs de la MLB et le syndicat des joueurs MLBPA : The Basic agreement between the 30 MLB Clubs and the MLBPA, disponible sur http://www.mlb.com 102 Les fans de baseball, outre-Atlantique, envisagent avec ironie la taxe de luxe comme la “Yankee tax”. 103 Rovell, D. (14 août 2002). Owners’ luxury tax no guarantee of competitive balance. ESPN.com. 95/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle les Boston Red Sox (3,1M$) et les Los Angeles Angels of Anaheim (927 000 $). En 2005, la franchise de New York dépasse pour la troisième fois le montant autorisé (128 millions) et doit s’acquitter d’une taxe de 40% sur la différence, soit 34 millions de dollars, alors que le club de Boston, pour son second dépassement verse 4 millions de dollars à la ligue. Toutefois, ces nouvelles dispositions ne sont pas réellement dissuasives. Le tableau 14 présente l’évolution de la masse salariale des équipes MLB de 2002 à 2005. A quatre reprises, les New York Yankees affichent la plus grosse masse salariale. Celle-ci a augmenté de 65% en quatre ans lorsque la masse salariale moyenne n’a progressé que de 8%. Ainsi, en 2005, la masse salariale du plus titré des clubs de baseball est 2,85 fois supérieure à la masse salariale moyenne104. Tableau 14 - Evolution des masses salariales en MLB (2002 à 2005) 2002 2003 2004 2005 Variation 02/05 Min 34 380 000 19 630 000 27 528 500 29 679 067 -13,7% Moyenne 67 489 251 70 938 738 69 042 198 73 062 897 8,3% Médiane 61 107 577 68 979 834 62 319 084 66 191 417 8,3% Max (Yankees) 125 928 583 152 749 814 184 193 950 208 306 817 65,4% 1,87 2,15 2,67 2,85 52,8% Rapport Max/Moy Source : Baseball USA Today Salaries Database (http://asp.usatoday.com/sports/baseball/salaries/) 3. Le partage du talent et des revenus Les ligues professionnelles sont alimentées chaque année par de nouveaux joueurs formés dans le circuit universitaire. Dans le cadre d’un marché libre, les équipes poursuivraient une course aux armements pour attirer les meilleurs éléments. La reverse order of finish draft est le système d’allocation des nouveaux joueurs entre les équipes professionnelles. Ce mécanisme de distribution du talent permet aux équipes les plus faibles à l’issue de la saison régulière de choisir en premières les joueurs amateurs intégrant le circuit professionnel. La NFL a instauré le système de la draft en 1936. Il s’agissait alors de mettre un terme à la logique de surenchérissement entre les Brooklyn Football Dodgers et les Philadelphia Eagles prêts à proposer au jeune et prometteur Stan Kostka un salaire équivalent aux meilleurs joueurs de la ligue (Fort & Quirk, 1995, p. 1282). La NBA a instauré ce système dès sa création en 1949-1950. La NHL et la MLB ont adopté la draft respectivement en 1963 et 1965 105 . Les joueurs « draftés » n’ont d’autre choix que de rejoindre les équipes qui les ont sélectionnés sous peine de ne pouvoir jouer dans la ligue. Si une équipe peu compétitive se renforce avec un joueur talentueux, elle peut espérer une réaction positive du public qui réinvestit le stade. L’équipe voit alors ses revenus augmenter. De plus, le rééquilibrage des forces en présence crée de l’incertitude et augmente de fait les revenus de la ligue. Les restrictions sur le marché du travail sont complétées par un système de partage des revenus (revenue sharing) dont l’objectif est de gommer les inégalités induites par la capacité d’attraction des équipes. En effet, une équipe localisée dans un gros marché attire 104 Pour développer cet aspect, lire le chapitre 4 « Baseball’s Competitive Balance Problem? » de Berri, Schmidt, & Brook (2006). 105 Ces 2 ligues ont instauré un système de ligues mineures (voir partie suivante) dans lesquelles sont formés les joueurs. 96/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible un plus large public et génère d’autant plus de revenus susceptibles d’être investis dans le talent. Les équipes des grandes villes domineraient alors sans aucun mal celles des plus petites villes (voir figure 15 à la page 63). La redistribution des revenus se décline selon deux mécanismes. Tout d’abord, il y a le partage des recettes guichets (gate revenue sharing) (Szymanski & Kesenne, 2004) appliqué en NFL et MLB. Ensuite, il existe le partage des droits télévisuels (TV revenue sharing). Les modalités de partage censées assurer la parité sont complexes et varient fortement selon le degré de solidarité consenti par les propriétaires. 4. L’efficacité de la régulation La régulation du marché du travail semble intuitivement préserver l’incertitude des championnats. Pour Lavoie, « la restriction imposée par le repêchage universel amateur106, qui attribue automatiquement les meilleurs joueurs amateurs aux pires équipes de la ligue, combinée aux autres restrictions à la mobilité négociées dans les conventions collectives, plus le fait que les ligues nord-américaines réprouvent fortement les échanges de choix au repêchage et les transferts de joueurs contre espèces sonnantes et trébuchantes, semble effectivement modifier le classement des ligues nord-américaines » (Lavoie, 2004, pp. 7223). Toutefois, dès 1956, Rottenberg énonce le principe d’invariance107. L’auteur présente ainsi le problème des restrictions sur le marché des joueurs : « la défense la plus communément entendue est que la règle de réserve est nécessaire pour assurer une distribution équitable du talent sportif entre des équipes concurrentes ; qu’une distribution plus ou moins égale du talent sportif est nécessaire pour assurer l’incertitude du résultat ; et que l’incertitude du résultat est nécessaire pour que le consommateur soit enclin à payer une entrée pour un match. Cette défense est basée sur les prémisses qu’il existe des équipes de baseball riches et d’autres pauvres de sorte que, en cas de libre fonctionnement du marché, les clubs riches achèteraient les meilleurs joueurs des équipes pauvres, prenant les joueurs les plus compétents pour eux-mêmes et laissant seulement les incompétents pour les autres équipes ». Il s’emploie à montrer que le degré d’équilibre compétitif est le même que le marché du travail soit libre ou régulé : « un marché dans lequel la liberté est limitée par la règle de réserve tel que cela fonctionne actuellement sur le marché du travail du baseball distribue les joueurs entre les équipes tel que le ferait un marché libre » (Rottenberg, 1956, p. 255). Si l’objectif des propriétaires est de maximiser leur profit, alors il est plus rentable pour une petite équipe de céder l’un de ses meilleurs éléments si le montant du transfert excède les pertes financières qui vont découler des mauvais résultats sportifs induits par le départ d’un joueur talentueux. En outre, les restrictions sur le marché du travail créent les conditions d’un monopsone permettant aux propriétaires de contrôler les salaires et 106 L’autre appelation de la draft. Le principe d’invariance de Rottenberg est reconnu dans la littérature économique comme une application concrète du théorème de Coase qui sera défini en 1960 (Coase, 1960). En l’absence de coûts de transaction et avec une répartition claire des droits de propriété, la négociation entre les agents aboutit à une allocation efficace des ressources. Dans le domaine du sport, les meilleurs joueurs seront naturellement alloués aux équipes les plus performantes. Pour affiner ce principe: (Szymanski, 2005), (Sloane, 2006). L’influence du principe d’invariance est majeure en économie du sport mais remis en cause par quelques auteurs : (Daly & Moore, 1981). 107 97/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle d’augmenter leurs profits. Cette proposition sera affinée dans un modèle mathématique (El-Hodiri & Quirk, 1971). En 1995, Fort et Quirk, passant en revue les outils de régulation, concluent à leur relative inefficacité (Fort & Quirk, 1995), de même pour Vrooman, qui n’y voit que la création d’une « parité virtuelle » (Vrooman, 1995). Le débat sur l’efficacité d’une régulation du sport professionnel reste ouvert. Preuve de l’absence de consensus sur cette question, procédant à une revue de la littérature sur la libéralisation du marché des joueurs, Szymanski identifie vingt articles dont l’objet est d’analyser les effets de l’introduction du système de free agency sur l’équilibre compétitif. Sept n’identifient aucun changement, neuf constatent une amélioration de l’incertitude et quatre y voient plutôt une dégradation (Szymanski, 2003). Dans ce débat académique, il est difficile de trancher sur la validité du principe d’invariance. B - La ligue ouverte européenne 1. Le modèle sportif européen Le modèle d’organisation du sport professionnel européen a été mis en place en Angleterre à la fin du XIXème siècle avant d’être diffusé à l’ensemble du continent (Inglis, 1988). En 1863 est créée la Football Association (FA), organisation gérant le football. Devant l’avancée de la rémunération des joueurs, la FA se résout à accepter le professionnalisme en 1885. Trois ans plus tard est instauré le premier championnat professionnel, la Football League (FL). L’émergence d’une structure professionnelle ne marque pas pour autant une rupture avec la FA. Au contraire, comme le souligne Szymanski, « les fondateurs de la Football League n’ont pas fait scission avec les structures existantes, mais ont travaillé à l’intérieur de celles-ci. Cela signifie que la Football League n’a jamais tenté de devenir une institution exclusive, mais a entrepris d’admettre dans ses rangs toutes les équipes majeures et celles-ci ont accepté de mettre à disposition de leur pays les stars pour les compétitions internationales sans aucune compensation » (Szymanski, 2003). En 1888, le premier championnat disputé voit s’affronter 12 équipes108. Le format passe à 14 équipes en 1891. L’année suivante, la création d’une division inférieure à 16 équipes, la Division One, institue de fait le système de promotions et de relégations. Le modèle anglais comporte alors les caractéristiques principales de ce qui deviendra le modèle européen du sport. On y voit le souci des organes fédéraux de faire cohabiter le monde amateur et le monde professionnel. On peut dès lors envisager le modèle sportif européen comme une structure pyramidale. Celle-ci est déclinable selon deux axes : organisationnel et sportif. Du point de vue de l’organisation, différentes instances interviennent à plusieurs échelles géographiques. Au niveau sportif, les équipes évoluent au travers des différentes strates de la pyramide selon leur mérite par le jeu des promotions et relégations. 108 Aston Villa, Blackburn Rovers, Bolton Wanderers, Derby County et Everton évoluent encore de nos jours régulièrement en Premier League. Burnley, Preston North End, West Bromwich Albion, Wolverhampton Wanderers, Notts County et Stoke sont plutôt des clubs habitués aux divisions inférieures. Le club d’Accrington a disparu en 1893 après cinq saisons passées en Premier League. 98/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible L’organisation du sport en Europe est basée sur un système fédéral (figure 21). A la base de la pyramide apparaissent les clubs. Unité locale promouvant « le sport pour tous », ils fonctionnent essentiellement grâce au bénévolat. Ces clubs sont affiliés à des organismes régionaux gérant un sport et ses compétitions à cette échelle de compétence. C’est ainsi qu’en France, les districts organisent les compétitions départementales et qu’au niveau supérieur, les ligues interviennent à l’échelon régional. A l’échelle nationale, la fédération exerce un véritable monopole selon le principe d’ « une fédération par sport » 109 . Elle délègue une part de ses compétences aux ligues professionnelles, chargées d’organiser les compétitions entre clubs de haut niveau. Le sommet de la pyramide est formé d’organisations continentales (UEFA) et internationales (FIFA). Figure 21 - Le modèle pyramidal européen : hiérarchie institutionnelle et hiérarchie sportive La Commission européenne considère que « le système de promotion et relégation est l’une des caractéristiques clés du modèle européen110. » La structure en pyramide implique une interdépendance entre les différents niveaux. L’accès au niveau supérieur et, à l’inverse, la rétrogradation, s’établissent en fonction de la performance sportive des équipes. A l’issue de chaque championnat, un nombre déterminé d’équipes du bas de classement est relégué en division inférieure pour être immédiatement remplacées par les équipes les plus performantes de cette même division. Il existe donc une connexion entre la masse et l’élite, entre le local et l’international. Selon son mérite, il est théoriquement envisageable qu’une équipe engagée dans un championnat départemental accède en quelques années à l’élite nationale et continentale. 109 Selon le rapport “Sport professionnel dans le marché intérieur” commandité par le Parlement Européen : « Le principe d’une fédération par sport rend le système simple à manager, mais est par nature une structure monopolistique qui rend extrêmement difficile l’arrivée d’une nouvelle ligue sur le marché. De nos jours, vraiment peu de sports font face à la concurrence sérieuse d’une fédération rivale, tel que c’est le cas bien connu en boxe. » T.M.C. Asser Instituut, Edge Hill College & Sport 2B (2005). Professional Sport in the Internal Market: Committee on the Internal Market and Consumer Protection of the European Parliament, p. 28. 110 European Commission (1998) The European Model of Sport. Consultation paper of DGX, Brussels. 99/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle L’une des caractéristiques du modèle sportif européen est d’assurer la cohésion de la pyramide par une politique de solidarité qui s’applique selon deux axes. Une solidarité horizontale est censée favoriser la parité au sein des compétitions. Ainsi, du local au global, de la base à l’élite, chaque championnat présente un certain degré d’homogénéité. Il existe également une solidarité verticale caractérisée par un système de redistribution des revenus du sommet de la pyramide vers sa base afin d’assurer l’unité de « la grande famille du football ». A titre d’illustration, l’UEFA considère que sa mission principale « est de veiller au développement du football européen à tout niveau et de promouvoir les principes d’unité et de solidarité111. » L’instance dirigeante du football européen est ainsi engagée dans divers programmes d’assistance pour ses 52 associations membres et développe par ailleurs une aide aux pays d’Afrique 112 . Cette solidarité verticale perdure à l’échelle nationale. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de Football Professionnel, rappelle d’ailleurs la solidarité dont fait part la sphère professionnelle au bénéfice du sport amateur : « Oui, le football d’élite est généreux. […]. Oui, avec 20 millions d’euros versés chaque année au football amateur et autant aux autres disciplines sportives avec la taxe de 5% sur les droits audiovisuels, le football professionnel français fait figure d’exemple, sans même évoquer le soutien, toujours acquis, aux causes humanitaires, grandes ou modestes, de la part des clubs, de la Ligue ou des joueurs eux-mêmes113. » 2. L’interdépendance entre niveaux de compétition : un déséquilibre compétitif récurrent ? Toutefois, selon plusieurs auteurs, la nature même du système pyramidal crée les conditions d’un déséquilibre compétitif récurrent. Selon Hoehn et Szymanski, « le système d’interdépendance des ligues en vigueur actuellement en Europe est intenable à cause de la domination croissante de la ligue européenne » (Hoehn & Szymanski, 1999, p. 224). Les meilleurs clubs sont régulièrement engagés à deux niveaux de compétition. Ils participent bien entendu à leur championnat domestique puis accèdent, en cas de bons résultats à l’échelle nationale, aux Coupes d’Europe. Les revenus alloués pour la participation aux compétitions continentales sont réinvestis dans le talent. Ainsi, les meilleurs clubs s’assurent une participation récurrente à l’échelon européen en nuisant à l’équilibre compétitif de leur championnat national. Le tableau 15 présente le nombre de clubs ayant participé à sept championnats d’élite nationaux ainsi que les clubs ayant pris part à une Coupe d’Europe sur une période de 15 années (1990-1991/2004-2005). Au niveau des titres décernés, le championnat de France de L1 apparaît comme le plus incertain. Neuf clubs différents se partagent les 15 titres alors qu’ils ne sont jamais au-delà de cinq dans les autres championnats. De même, le pourcentage des deux clubs les plus titrés est le seul sous la barre des 50%. 111 http://fr.uefa.com/index.html Le programme Hat-Trick lancé en 2003 et financé par les revenus de l’Euro 2004 a pour objectif de développer les infrastructures, de mettre à disposition des mini-terrains pour les jeunes enfants et d’assister les associations nationales. Le programme Méridien est une coopération avec la CAF (Confédération africaine de football). Il est « consacré à la formation technique des jeunes entraîneurs et arbitres, mais également à la formation des dirigeants aux problématiques administratives et marketing du football. Ce programme vise l'ensemble de l'Afrique et profitera aux 52 associations nationales africaines. » La FIFA développe des initiatives similaires (Programme Goal, Programme d'assistance financière). 113 Thiriez, F. (27 février 2005). Cinq vérités sur le "foot-business". Le Monde. 112 100/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible Tableau 15 - Domination nationale et accès à l’échelon européen dans sept championnats (1990 à 2004) L’accès aux Coupes d’Europe semble relativement ouvert. Dans cinq championnats sur sept, plus de la moitié des clubs ayant participé au championnat domestique est apparue à l’échelon continental. Toutefois, il convient de relativiser. Dans chaque pays, les cinq clubs ayant le plus souvent participé à une coupe européenne concentrent toujours plus de 50% des places. La prestigieuse Ligue des champions souffre d’ailleurs d’un très faible renouvellement de ses effectifs. Lors de l’édition 2004-2005, les 10 clubs les plus fortunés étaient tous qualifiés pour les huitièmes de finale de la compétition. A cette occasion, William Gaillard, le porte-parole de l’UEFA, déclare que « cette situation nous préoccupe car nous ne voulons pas que la Ligue des champions soit limitée à une élite. Il ne fait aucun doute que l’argent détermine davantage les résultats qu’il y a une dizaine d'années et que le nombre de clubs qui accèdent en haut des compétitions est de plus en plus restreint. » Face à la récurrence des mêmes équipes fortunées, il dévoile sa crainte que cela ne provoque « des déséquilibres dans les championnats nationaux, comme en Italie, en Angleterre ou en Espagne, où seulement deux ou trois clubs peuvent espérer remporter le titre 114 . » L’émergence d’une Europe du football à plusieurs vitesses s’explique en partie par les revenus télévisuels des clubs sur le marché continental. De l’édition 1996-1997 à l’édition 2005-2006, 91 clubs de 27 pays ont disputé la Ligue des champions115. Sur ces 10 saisons, l’ensemble des clubs s’est partagé la somme de 3,5 milliards d’euros. La figure 22 détaille la somme des primes télévisuelles par pays et le nombre de clubs ayant participé à la Ligue des champions. Sur ces 10 années, 75% des recettes sont allouées à 18% des pays (Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne, France). Les équipes des big five concentrent la grande partie des primes à la fois grâce à leurs résultats sportifs mais surtout par les sommes distribuées sur le critère de la taille du marché télévisuel (market- 114 Mandard, S. (22 février 2005). La Ligue des champions, un cercle très élitiste. Le Monde. Un an auparavant, William Gaillard développait la même position dans les colonnes du Guardian : « Cela nous inquiète sérieusement que dans de nombreux pays européens seul un petit nombre d’équipes puisse remporter le titre national. Auparavant, vous pouviez jouer ou supporter Ipswich Town, Nottingham Forest ou Derby County et avoir une chance de voir dans votre vie cette équipe remporter la Ligue ou la FA Cup. Mais de nos jours cette possibilité est devenue moins évidente. Ces équipes moyennes ont fait l’histoire du football européen. Il y a un grand nombre de ces équipes au nom glorieux aujourd’hui qui, si rien n’est fait, seront menacées d’extinction d’ici 20 ans. Elles n’ont aucune possibilité d’atteindre le top 8 ou 10 de l’élite de leur pays. » Campbell, D. (7 novembre 2004). Champions League 'is killing football'. The Guardian Digital Edition. 115 Sont comptabilisés uniquement les clubs qualifiés pour les phases de poules. En ajoutant les tours qualificatifs, 211 clubs de 49 pays ont participé à la Ligue des champions. 101/368 Partie 1 : Théorie de la ligue sportive professionnelle pool). A titre d’illustration, lors de l’édition 2005-2006, le club londonien d’Arsenal percevait plus de 19 millions d’euros au titre de la taille de son marché lorsque le club d’Artmedia Bratislava (Slovaquie) ne percevait que 126 832 euros. Figure 22 - Montant des primes par pays versées en Ligue des champions (1996-1997 à 2005-2006) Sur ces 10 éditions, les 10 clubs ayant reçu le plus de revenus sont tous issus de l’un des cinq championnats leader (trois clubs anglais, deux clubs allemands, italiens et espagnols et un club français). A eux seuls, ces 10 clubs concentrent 45% des primes distribuées. Le market-pool est un élément décisif dans la rétribution, surclassant le mérite sportif. Ainsi, le club anglais de Chelsea n’a-t-il participé qu’à quatre éditions sur 10 avec pour meilleur résultat une demi-finale en 2004-2005. Avec 100 millions d’euros, il est au 10ème rang des clubs les mieux rétribués. Dans le même temps, les clubs d’Olympiakos (Grèce) et de Rosenborg (Norvège) ont disputé 9 éditions sur 10. Le montant de leurs primes est deux fois moins élevé que le club anglais. Pour les plus grands clubs, il ne s’agit pas seulement d’accéder à l’échelon continental, il convient de se qualifier pour la Ligue des champions plutôt que pour la Coupe de l’UEFA. Lorsque la première réalise des recettes atteignant 750 millions d’euros, la seconde dégage seulement 45 millions d’euros. Une fois les frais d’organisation retranchés, l’UEFA alloue 547 millions d’euros pour les clubs engagés en Ligue des champions et 33,75 pour les clubs de la seconde Coupe d’Europe, soit un rapport de 1 à 16. A titre de comparaison, le montant de 33,75 millions d’euros est inférieur de moitié à la somme que versent les 102/368 Chapitre II : Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible chaînes TF1 et Canal + pour la diffusion de la Ligue des champions116. Le club victorieux de la Coupe de l’UEFA, par ses bonus sportifs et ses droits commerciaux, peut espérer remporter environ 4,5 millions d’euros tandis que pour le club vainqueur de la Ligue des champions, le montant peut atteindre 40 millions d’euros. Dans ces conditions, assurer sa position dominante – sportivement et financièrement – passe nécessairement par une qualification en Ligue des champions. Le cabinet de consulting Deloitte estime que les revenus liés à une participation dans cette compétition s’élèvent en moyenne à 14% des revenus totaux des clubs (tableau 16). Le rapport souligne par ailleurs le caractère vital d’une participation en Ligue des champions : « alors qu’il fut un temps où une apparition au niveau européen était accueillie comme un bonus – une récompense pour une saison pleine de succès – de nombreux clubs envisagent maintenant une qualification en Ligue des champions comme un minimum 117 . » A titre d’illustration, le club de Manchester United rappelait dans un rapport annuel que son objectif primordial était de se qualifier pour la Ligue des champions. Le club de Liverpool, suite à sa non qualification à l’édition 2003-04, mettait l’accent sur la chute considérable de ses revenus118. Tableau 16 - Estimation de la part des revenus de la Ligue des champions (LdC) dans les revenus totaux des clubs (2003-2004, en millions d’euros). Clubs Chelsea Manchester United Arsenal Real Madrid AC Milan Juventus Celtic Olympique Marseille Internazionale Rangers SS Lazio Total Moyenne Revenus totaux 217 259 173 236 222 215 104 88 166 86 99 1865 169,5 Estimation Estimation des revenus du total des Revenus en "jours de revenus de LdC match" en la LdC LdC 28,9 27,9 28,4 19,5 17,8 15,2 7,5 9,8 11,3 7,5 9,5 183,3 16,7 15,1 9,7 8,4 11,3 5 3,1 8,1 4,6 2,9 6 1,2 75,4 6,9 44 37,6 36,8 30,8 22,8 18,3 15,6 14,4 14,2 13,5 10,7 258,7 23,5 Part des revenus de la LdC 20% 15% 21% 13% 10% 9% 15% 16% 9% 16% 11% 14% 14% Source : Deloitte (2005). Football Money League. The Climbers and the Sliders. Manchester, p.23. Fondés sur une histoire et des valeurs différentes, deux modèles de régulation existent. Le système fermé en vigueur en Amérique du Nord assure aux propriétaires de dégager des profits ; pour ce faire, il adopte des règles que certains n’hésitent pas à qualifier de communistes ! En Europe, le système se dérégularise à tel point que Didier Primault concède « que la construction européenne du sport est aujourd’hui plus libérale que celle de son homologue américain » (Primault, 2004, p. 105). Au-delà de ce paradoxe, nous voudrions montrer que l’adoption de tel ou tel modèle de régulation génère ses propres implications géographiques. C’est l’objet du chapitre III. 116 Moatti, E. (28 septembre 2006). Le parent pauvre des Coupes d’Europe. L’Equipe, p. 8. Deloitte (2005). Football Money League. The Climbers and the Sliders. Manchester, p. 22. 118 Manchester United Annual Report 2004 ; Liverpool FC Annual Report 2004. 117 103/368 Partie 2 Sport professionnel et potentiel local Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Chapitre III Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Dans ce chapitre, une équipe professionnelle est envisagée comme un « équipement urbain », au même titre qu’une université, un hôpital, un opéra, un centre commercial ou un tramway. On admet que la présence de cet équipement est liée au poids démographique de la ville dans laquelle il se situe (Benoit, Benoit, & Pucci, 2002). John Bale a ainsi développé un modèle de localisation dérivé de la théorie des lieux centraux – le modèle du lieu sportif – expliquant la présence d’un club en fonction de la hiérarchie urbaine. Christaller avait remarqué que la distribution des villes en Allemagne du sud, selon leur taille, obéissaient à une loi mathématique (Christaller, 1933). Il en résulte selon lui que les réseaux urbains se hiérarchisent en fonction des services et du commerce. Un producteur aurait donc intérêt à se placer au centre d’une aire de marché pour réduire la distance économique qui le sépare du consommateur. La théorie des lieux sportifs émise par John Bale tient en cinq points : - la première fonction du lieu sportif est de fournir à un espace ses fonctionnalités sportives au service de toute la population ; - plus l’offre sportive est diversifiée, plus le centre est haut dans la hiérarchie ; - les lieux inférieurs de la hiérarchie fournissent des activités pour de petites zones et la population concernée est faible ; - à l’inverse, les hauts lieux dominent une large portion de l’espace et desservent une population importante ; - la hiérarchie tente de minimiser les distances pour l’accès au sport et maximiser la population touchée par cette activité (Bale, 1989, pp. 78-79). Pour Bale, plus le niveau urbain s’élève, plus nombreux et meilleurs sont les clubs. Ce modèle du lieu sportif a été largement validé par la suite et se vérifie aisément quels que soient l’espace et l’échelle d’observation. Ainsi, Jean-Pierre Augustin remarque à propos des équipements et des spectacles sportifs : « à l’échelon le plus vaste, les centres régionaux disposent d’équipes et d’équipements de premier plan et sont capables d’attirer un large public. A l’échelon le plus petit, les centres locaux qui sont les plus rapprochés disposent d’une clientèle et d’équipements de proximité. Enfin, à l’échelon moyen, les centres de district proposent des services et des spectacles intermédiaires » (Augustin, 1995, p. 81). Dans cet ordre d’idées, il s’agit d’analyser la répartition spatiale des clubs dans les deux grandes formes d’organisation du sport-spectacle : aux Etats-Unis (I), puis en 106/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Europe (II). Plus précisément, il convient de voir si la spécificité de chaque système débouche sur une organisation géographique particulière du sport professionnel. Enfin, se détachant quelque peu d’une analyse purement géographique, nous verrons en quoi l’on peut parler d’une américanisation du modèle européen (III). A ce stade de réflexion, dans le sillage de nombreuses analyses nord-américaines, nous envisageons le club inscrit dans un marché. Cette notion n’est pas comprise ici dans son acception abstraite (marché de l’automobile, marché financier, marché immobilier…) mais dans sa version concrète, c’est-à-dire ponctuelle et localisée dans l’espace. Il s’agit alors de la zone où l’offre sportive est susceptible de rencontrer une demande mais aussi une concurrence (voir la figure 2 à la page 18). Cette concurrence est plus ou moins directe selon la substituabilité des offres. Ainsi, dans un marché donné, une équipe peut se trouver en concurrence avec une équipe évoluant dans le même sport, avec une équipe opérant dans une autre discipline, et enfin, plus largement, avec d’autres offres de loisirs. Plus vaste sera le marché, plus importante sera la tolérance à la concurrence. La localisation physique du marché est l’aire de marché ou l’aire de chalandise où se recrutent les consommateurs potentiels du spectacle sportif. Pour le moment, cette zone est assimilable à la ville dans laquelle est localisé le club. D’un point de vue statistique, il est difficile de fournir une définition de la ville. Pour cette analyse, nous recourons donc à la notion de Metropolitan Statistical Areas (MSAs) pour les Etats-Unis et d’Aire Urbaine de l’INSEE pour la France. I La stratégie d’organisation du marché des ligues fermées « Voila, on est officiellement une ville... Y’a plus qu’a attendre qu’on nous propose de racheter une équipe de foot. » Homer Simpson - Saison 12, épisode BABF20 “A Tale of Two Springfields” “I think the people now know that if we don’t get a stadium, the team will be forced to leave.” Peter Magowan (1992) - Propriétaire des San Francisco Giants Organisées en cartels, les ligues sportives bénéficient d’un pouvoir de marché considérable. Elles profitent de l’absence d’une concurrence pour altérer les prix sans risquer de perdre le moindre consommateur. A titre d’illustration, l’augmentation des droits télévisuels découle directement de la position de force des ligues sur le marché du sport professionnel. Les contrats n’auraient pas été aussi élevés si, d’une part, ils n’étaient pas négociés par la ligue mais individuellement par les équipes et, d’autre part, si d’autres ligues concurrençaient les cartels établis. Quirk et Fort défendent d’ailleurs l’idée que cette position dominante est source d’abus : « éliminez la force de monopole des ligues et vous éliminez le chantage fait aux villes pour subventionner les équipes. Eliminez la force de monopole des ligues et vous éliminez les sources de revenus qui fournissent les moyens d’allouer aux joueurs de hauts salaires. Eliminez la force de monopole des ligues et vous éliminez le problème du manque d’équilibre compétitif causé par la disparité des potentiels des équipes. Eliminez la force de monopole des ligues et vous transférez le pouvoir des insiders, propriétaires et joueurs, aux outsiders, fans et contribuables » (Quirk & Fort, 1999, p. 9). 107/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local L’organisation de la ligue en un système clos vise à maintenir ce pouvoir de marché. Ainsi, débarrassés du risque de se faire exclure du réseau sur critère sportif, les propriétaires de franchise peuvent poursuivre leur objectif de maximisation du profit. L’équipe n’est pas attachée à une ville, comme c’est le cas en Europe, mais à son propriétaire. Ce dernier a la possibilité de l’implanter là où il pense optimiser ses revenus. Le critère géographique revêt alors une importance capitale comme le souligne Danielson : « la nécessité pour les équipes d’être organisées en ligues structure la relation entre le sport professionnel et le territoire » (Danielson, 2001, p. 83). Cette analyse vise à montrer l’importance capitale du critère géographique dans le fonctionnement des ligues fermées. La cohésion d’un système clos dépend de la taille des éléments qui le composent. Il s’agit d’atténuer les différences entre franchises afin de favoriser une homogénéité favorable au maintien de l’équilibre compétitif (A). La partie précédente s’est attachée à montrer qu’une compétition économique pouvait être néfaste dans le domaine du sport-spectacle. La ligue ne se contente pas d’encadrer fortement la concurrence sur le marché des joueurs, elle limite également la confrontation directe des franchises en leur accordant une zone de chalandise spécifique (B). Si une ligue américaine est caractérisée « d’hermétique », elle n’est pas figée pour autant. Plusieurs mouvements affectent sa composition, mais, alors qu’en Europe le critère d’accès est sportif, aux EtatsUnis il est géo-économique. L’allocation spatiale des franchises est soumise alors une véritable vision stratégique. Il s’agit de couvrir au mieux les marchés exploitables au risque de voir se former des ligues rivales (C). A - La solidarité sur critère géographique 1. La localisation des franchises La ligue privilégie une stratégie d’allocation spatiale des équipes rationnelle et optimale. Le territoire américain est ainsi envisagé comme un marché où il convient de vendre au mieux son produit. Plus vaste sera ce marché, plus importante sera la demande de spectacle sportif, plus grands seront les revenus à partager entre les adhérents de la ligue. Naturellement, les franchises vont alors s’implanter de façon privilégiée dans les plus grandes villes. La perception commerciale de la localisation d’une franchise est communément admise et intégrée en Amérique du Nord. On ne parle pas de ville hôte mais de marché. Il existe ainsi une distinction opérationnelle, aussi bien dans la littérature académique que dans la presse sportive ou encore la conception du public, entre les « big market teams » et les « small markey teams », ou encore entre les « big city teams » et « small city teams ». 108/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Tableau 17 - Implantation des ligues majeures selon la taille des marchés (2005-2006) Aire Métropolitaine New York-Northern New Jersey-Long Island Los Angeles-Long Beach-Santa Ana, CA Chicago-Naperville-Joliet, IL-IN-WI Philadelphia-Camden-Wilmington, PA-NJ-DE Dallas-Fort Worth-Arlington, TX Miami-Fort Lauderdale-Miami Beach, FL Washington-Arlington-Alexandria, DC-VA-MD Houston-Baytown-Sugar Land, TX Toronto CMA (Mississauga), Ontario Detroit-Warren-Livonia, MI Boston-Cambridge-Quincy, MA-NH Atlanta-Sandy Springs-Marietta, GA San Francisco-Oakland-Fremont, CA Montréal CMA (Laval), Québec Riverside-San Bernardino, Ontario, CA Phoenix-Mesa-Scottsdale, AZ Seattle-Tacoma-Bellevue, WA Minneapolis-St. Paul-Bloomington, MN-WI San Diego-Carlsbad-San Marcos, CA St. Louis, MO-IL Baltimore-Towson, MD Pittsburgh, PA Tampa-St. Petersburg-Clearwater, FL Denver-Aurora, CO1/ Cleveland-Elyria-Mentor, OH Cincinnati-Middletown, OH-KY-IN Vancouver CMA (Surrey), British Columbia Portland-Vancouver-Beaverton, OR-WA Kansas City, MO-KS Sacramento--Arden-Arcade--Roseville, CA San Jose-Sunnyvale-Santa Clara, CA San Antonio, TX Orlando, FL Columbus, OH Providence-New Bedford-Fall River, RI-MA Virginia Beach-Norfolk-Newport News, VA-NC Indianapolis, IN Milwaukee-Waukesha-West Allis, WI Las Vegas-Paradise, NV Charlotte-Gastonia-Concord, NC-SC New Orleans-Metairie-Kenner, LA Nashville-Davidson--Murfreesboro, TN Austin-Round Rock, TX Memphis, TN-MS-AR Buffalo-Niagara Falls, NY2/ Louisville, KY-IN Hartford-West Hartford-East Hartford, CT Jacksonville, FL Richmond, VA Oklahoma City, OK Ottawa-Gatineau CMA, Ontario Québec Salt Lake City, UT Calgary CMA, Alberta Edmonton CMA, Alberta Raleigh-Cary, NC Green Bay, WI Rang Population* NFL MLB NBA NHL Total 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 54 55 56 65 168 18 323 002 12 365 627 9 098 316 5 687 147 5 161 544 5 007 564 4 796 183 4 715 407 4 682 897 4 452 557 4 391 344 4 247 981 4 123 740 3 426 350 3 254 821 3 251 876 3 043 878 2 968 806 2 813 833 2 698 687 2 552 994 2 431 087 2 395 997 2 179 240 2 148 143 2 009 632 1 986 965 1 927 881 1 836 038 1 796 857 1 735 819 1 711 703 1 644 561 1 612 694 1 582 997 1 576 370 1 525 104 1 500 741 1 375 765 1 330 448 1 316 510 1 311 789 1 249 763 1 205 204 1 170 111 1 161 975 1 148 618 1 122 750 1 096 957 1 095 421 1 063 664 968 858 951 395 937 845 797 071 282 599 1 2 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 3 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 2 2 1 1 1 2 1 1 1 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 7 5 5 4 4 4 6 3 3 4 4 4 6 1 0 4 3 4 2 3 2 3 3 4 3 2 1 1 2 1 1 1 1 1 0 0 2 2 0 2 2 2 0 1 2 0 0 1 0 0 1 1 1 1 1 1 122 1 1 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 32 30 30 30 *Sources : US Census Bureau. Taille des Metropolitan Statistical Areas (MSA), 2000 Statistique Canada. Taille des Régions métropolitaines de Recensement (RMR), 2002 NFL, MLB, NBA, NHL 109/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local En 2006, les quatre ligues majeures nord-américaines comptent 122 franchises réparties dans 41 villes étasuniennes et 6 villes canadiennes. Le tableau 17 recense pour la saison 2005-2006 la localisation des franchises des quatre ligues majeures selon la taille des villes (voir également l’annexe 1 à la page 303) 119 . Plus un marché est vaste, plus il a d’opportunités d’accueillir une équipe. Les trente plus gros marchés possèdent au moins une équipe de ligue majeure 120 . Il existe alors un lien entre la taille du marché et la présence d’une équipe. En moyenne, les 10 premiers marchés comptent 7 fois plus d’habitants et presque 4 fois plus d’équipes que les 10 plus petits marchés. Les 17 villes de plus de 3 millions d’habitants concentrent à elles seules 55% des franchises. Toutes les villes de plus de 4 millions d’habitants, à l’exception de Los Angeles, Houston et Toronto, ont au moins une franchise par sport. L’absence de franchise NFL à Los Angeles, le second marché télévisuel du pays, est surprenante. Cela ne signifie pas que la cité californienne n’a jamais accueilli d’équipe de football américain. Les Raiders et les Rams ont quitté la ville en 1994, respectivement pour Oakland et Saint Louis. La mise à disposition d’installations sportives obsolètes aurait favorisé ces départs121. Le commissaire de la ligue, Paul Tagliabue, a fixé l’octroi d’une équipe à ce marché comme une priorité de son mandat. Cette aberration devrait être corrigée avec l’intervention récente du gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, qui a déclaré à une assemblée des propriétaires de franchises NFL : « nous n’envisageons pas d’obtenir seulement une équipe de NFL pour l’aire de Los Angeles et la Californie du Sud, mais nous en voulons deux. Il y a suffisamment de foyers et d’audience pour cela122. » Los Angeles et Anaheim sont pressenties pour accueillir une franchise. Les coûts de rénovation ou de construction d’installations sportives susceptibles d’accueillir ces deux équipes s’élèveraient à 800 millions de dollars. 2. Un aboutissement Sous la barre d’un million d’habitants, seuls cinq marchés accueillent une franchise dont la ville très atypique de Green Bay avec 282 599 habitants. Fondée en 1919, la franchise est la dernière survivante des « small town teams » qui constituaient la NFL durant les années 1920. Sur le même modèle que quelques clubs de football européens, la franchise est la propriété de 112 000 socios. Elle joue quelques matchs à Milwaukee et s’appuie sur une base de fans à travers tout le Wisconsin et même au-delà. L’équipe a en effet survécu à la stratégie d’allocation optimale des équipes qui s’est opérée tout au long du siècle dernier. A titre d’illustration, le tableau 18 recense les petites villes 123 hôtes d’une équipe de football durant les cinq premières années d’existence de la NFL. 119 En annexe, d’autres cartes suivent sur le nombre de titres et d’offres. A l’exception de Riverside-San Bernardino-Ontario en Californie. Si cette unité répond à la définition de la MSA américaine, il s’agit en fait de la proche banlieue de Los Angeles. 121 Mercier, A. (5 septembre 1995). Los Angeles privée de football américain. Le Monde. 122 Associated-Press. (2 mai 2006). Schwarzenegger wants two NFL teams in Los Angeles area. USA Today.com. 123 La taille du marché est exprimée par les données du recensement 1990. Du fait de la croissance urbaine, ces chiffres peuvent être majorés. 120 110/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Tableau 18 - Marchés de moins d’un million d’habitants ayant accueilli une franchise NFL entre 1920 et 1924 Nom de l’équipe Localisation Population Statut Dayton Triangles Dayton, OH 843 835 Disparue Akron Indians Akron, OH 657 575 Disparue Toledo Maroons Toledo, OH 654 157 Disparue Kenosha Maroons Lake County-Kenosha County, IL-WI 644 599 Disparue Canton Bulldogs Canton-Massillon, OH 394 106 Disparue Rock Island Independents Davenport-Moline-Rock Island, IA-IL 368 151 Disparue Evansville Crimson Giants Evansville, IN-KY 324 858 Disparue Duluth Kelleys Duluth, MN-WI 269 230 Disparue Green Bay Packers Green Bay, WI 243 698 NFL Racine Tornadoes Racine, WI 175 034 Disparue Decatur Staleys Decatur, AL 131 556 NFL - Chicago Bears Muncie Flyers Muncie, IN 119 659 Disparue Hammond Pros Hammond - Lake County, Indiana. 83 048 Disparue Tonawanda Kardex Tonawanda (CDP), New York 61 729 Disparue Oorang La Rue, OH 775 Disparue Indians Sources : US Census Bureau. Taille des Metropolitan Statistical Areas (MSA), 1990 The NFL History Network (http://nflhistory.net/) Quirk et Fort soulignent que dans ses premières années de fonctionnement, la NFL était une ligue accueillant essentiellement de petites villes du Midwest et peu de grandes villes (Quirk & Fort, 1992, p. 333). La Rue en Ohio est la plus petite ville à avoir accueilli une équipe de football124. Présente deux saisons en NFL (1922-1923), l’équipe devait jouer ses matchs à domicile dans la ville voisine de Marion un peu plus peuplée. Toutes ces franchises ont disparu à l’exception de deux cas : les Green Bay Packers et les Decatur qui opèrent de nos jours à Chicago sous le nom des Bears. L’importance de la taille du marché apparaît dès l’émergence des ligues majeures. Fondée en 1876, la National League (baseball) stipule dans ses statuts qu’ « aucun club ne doit être admis dans une ville dont la population est inférieure à 75 000 habitants, exception faite d’un vote unanime de la ligue125. » 124 Jim Thorpe, médaillé olympique aux jeux de Stockholm (1912) puis destitué de ses titres convaincu d’avoir enfreint les règles de l’amateurisme, a joué pour les Oorang Indians. 125 1876 National League Constitution. Consultable sur : http://roadsidephotos.com/baseball/data.htm 111/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Carte 1 - La diffusion des ligues majeures en Amérique du Nord La comparaison de la situation actuelle avec celle des années 1920 montre que la répartition actuelle des équipes est un aboutissement, fruit d’un long processus consistant à s’implanter dans les plus grandes villes selon un processus de diffusion. Cela est mis en évidence dans la carte 1 qui représente la première apparition d’une ville dans l’une des ligues majeures. On y distingue un processus de diffusion en quatre temps. Avant 1900, le sport professionnel s’implante au nord-est par l’intermédiaire du développement du baseball. Dans une seconde phase, cette zone se renforce par l’émergence du hockey (essentiellement au Canada) et du football américain (dans de petites villes qui disparaîtront par la suite). Après la Seconde Guerre Mondiale, les ligues entrent dans une logique d’expansion vers le sud et l’ouest à la recherche de nouveaux marchés. Enfin, plus récemment, les grandes villes étant déjà équipées, les ligues étendent leur offre dans des marchés moyens. 3. Favoriser l’équilibre sur le critère de la taille du marché Certes, il persiste de nos jours des écarts entre les équipes des grandes aires métropolitaines et celles localisées dans de plus petites. Ce problème a constitué un point de réflexion important des économistes du sport. Une hypothèse souvent discutée est que la puissance financière d’un club dépend étroitement de sa localisation dans un espace plus ou moins riche. S’il était de tous temps pressenti, dès 1974, Quirk et El Hodiri ont mis en évidence le lien entre la taille de l’agglomération dans laquelle réside une équipe et ses performances sportives. Selon eux, fort simplement : « les grandes villes ont des équipes qui gagnent et les petites villes ont des équipes qui perdent. […] Le déséquilibre est dû à la différence de potentiel des franchises » (Quirk & El Hodiri, 1974). 112/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique La situation pourrait être préoccupante dans le souci de maintenir l’équilibre compétitif. Rottenberg recommande de « laisser les franchises être distribuées de sorte que la taille du marché soit la même pour toutes les équipes » (Rottenberg, 1956, p. 257). Faute de pouvoir distribuer toutes les équipes uniquement dans des villes de même taille, ce qui toutes choses égales par ailleurs - assurerait des revenus issus du potentiel local sensiblement égaux, les ligues s’appliquent à assurer une certaine homogénéité. La figure 23 est une représentation graphique en boîtes à moustaches de la distribution des franchises des quatre ligues majeures selon la taille de leur aire métropolitaine d’appartenance. La présence du marché new-yorkais – deux fois plus grand que le troisième marché (Chicago) – étire la distribution vers le haut. Nulle surprise donc à observer une étendue 126 importante : en NFL, New York est 65 fois plus vaste que Green Bay. Toutefois, les écarts interquartiles127 oscillent entre 2,3 et 3,2 millions. Sur 122 franchises, 64 sont localisées dans des aires métropolitaines de 2 à 5 millions d’habitants. Implanter des franchises dans les plus grandes villes n’a pas pour seul objectif d’établir un vaste marché du sport professionnel, il s’agit aussi de favoriser la similarité. Cette homogénéité a un double objectif. D’abord sportif, comme le soulignent Dobson et Goddard : « si une égalité raisonnable entre la taille du marché potentiel de chaque équipe est atteinte, cela pourrait créer une distribution plus égalitaire du talent sportif » (Dobson & Goddard, 2001, p. 5). Figure 23 - Distribution des franchises des quatre ligues majeures selon la taille de leur marché (2005) Ensuite, s’il demeure des écarts pouvant affecter l’équilibre compétitif, la relative homogénéité rend plus acceptable une politique de redistribution des revenus des équipes localisées dans les plus grands marchés vers les plus petites franchises. 126 Différence entre la valeur maximum et la valeur minimum. L’étendue interquartiles exprime la dispersion de la portion centrale des données. Il s’agit de la différence entre le premier et le troisième quartile. On élimine l’influence des valeurs extrêmes pour se concentrer sur la moitié de l’effectif réparti autour de la médiane. 127 113/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local B - L’exclusivité territoriale Une équipe est liée à une ligue par l’intermédiaire d’un franchise agreement, c’est-à-dire un contrat qui stipule les droits et devoirs d’une partie envers l’autre. Une franchise adhère aux règles sportives et économiques édictées par la ligue qui, en retour, assure au propriétaire les meilleures conditions d’exploitation de son marché. L’exclusive territory est un privilège accordé à une franchise qui la préserve d’être concurrencée par une autre équipe de la ligue dans le marché qui lui est accordé. En termes économiques, les consommateurs potentiels d’une zone géographique déterminée n’ont pas de produit de substitution (voir la figure 9 à la page 38) dans le sport concerné. Cette mesure protectrice confère aux franchises un véritable monopole dans leur sport. La concurrence annihilée, les propriétaires sont en position de force pour optimiser leurs profits. La définition de l’aire d’influence de cet espace préservé est d’ordre géographique. Par exemple, en NFL, chaque équipe bénéficie d’un secteur protégé de 75 miles autour du stade (120 km). L’implantation d’une nouvelle franchise dans cette zone détruirait de fait la position de monopole de l’équipe existante. Il y aurait concurrence entre les deux franchises pour fidéliser un public, négocier un contrat télévisuel local, accéder à un stade etc. Combien même la taille d’un marché permettrait de supporter plusieurs équipes, les clubs en place posent un veto à l’introduction d’une nouvelle franchise dans leur zone par crainte de voir diminuer leur profit. A titre d’illustration, en 2004, les propriétaires d’équipes de la MLB approuvent la délocalisation des Expos de Montréal à Washington par un vote de vingt neuf voix contre une. Peter Angelos est le seul propriétaire à avoir voté contre. Il dirige en effet la franchise de Baltimore, localisée à proximité de Washington. L’unique possibilité de mettre en place une nouvelle équipe dans un grand marché est que le reste de la ligue dédommage l’équipe en place. Fort et Quirk relèvent la nature problématique de cette situation : « puisque les territoires les plus attrayants sont les marchés hautement profitables des grandes villes, cela signifierait qu’une expansion de la ligue dans ces marchés impliquerait un subventionnement des équipes riches par des équipes pauvres » (Quirk & Fort, 1992, p. 301). C’est ainsi que quelques villes de plus de quatre millions d’habitants accueillent plusieurs équipes dans un même sport. Comment expliquer alors que des propriétaires consentent à abandonner une part de leur force de marché ? Deux explications peuvent être avancées. La première est d’ordre arithmétique. Certaines villes sont largement assez vastes et riches pour supporter plusieurs équipes sans qu’elles se concurrencent réellement : une équipe ne constitue pas pour l’autre un véritable bien de substitution. Ainsi, le pouvoir de marché recherché par les propriétaires n’implique pas une stricte position de monopole. La seconde explication est d’ordre administrative. Les Metropolitan Statistical Area présentées dans le tableau 17 ne sont pas des entités homogènes. Regroupés dans la même unité administrative, Oakland et San Francisco sont séparés par le Bay Bridge et constituent deux territoires bien distincts. Les Raiders d’Oakland et les San Francisco 49ers ne sont donc pas véritablement en concurrence. 114/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique C - Aspects stratégiques : expansions, délocalisations, ligues rivales et ligues mineures “ I think that in this great democracy we live in, if a man wants to take his property somewhere esle and can do it legally, then I could not stop him.” William Eckert (1966) - Commissaire de la ligue de baseball (NL) L’organisation des ligues en un système fermé peut laisser croire à tort qu’elles sont figées et peu renouvelées. Les ligues évoluent en réalité selon une double logique. D’une part, elles grandissent en implantant de nouvelles équipes susceptibles de satisfaire une demande (1). D’autre part, elles se confrontent à l’évolution de la demande en déménageant des équipes vers des marchés plus porteurs (2). En somme, la logique de localisation des équipes dans les ligues majeures peut être envisagée comme un « darwinisme géo-économique » où l’évolution de la ligue est une croissance qui se fait en partie par élimination des entités les plus faibles. De l’implantation des ligues majeures dépendent la capacité d’une ligue rivale à se créer et l’établissement d’un réseau de ligues mineures (3). 1. Expansion : la ligue s’agrandit Les quatre ligues majeures comptent aujourd’hui au moins 30 équipes. La première saison de baseball en 1903 a vu s’affronter 16 équipes. Quatre équipes canadiennes constituaient la NHL en 1917. La première saison de NFL (1920) comptait 14 équipes. 11 équipes ont participé à la première saison de NBA (1946). Cette croissance, conformément aux objectifs de maximisation des profits, s’est faite rationnellement vers les localisations permettant d’augmenter les revenus des ligues. Durant la première moitié du vingtième siècle, alors que les transports aériens n’existaient pas, les ligues sportives professionnelles étaient confinées au nord-est des Etats-Unis. La promiscuité assurait la possibilité d’organiser les matchs. Les ligues ont entrepris de se développer selon un double objectif. Tout d’abord, avec l’amélioration des moyens de transports et l’apparition de la télévision, il devenait nécessaire pour les ligues de passer d’un niveau régional à un niveau national. Ensuite, il fallait que le sport professionnel s’adapte à la croissance urbaine qui modifiait en profondeur la géographie du pays. Ces éléments ont largement influencé la localisation des équipes. D’une manière générale, les ligues s’implantent là où c’est densément peuplé et où les marchés médiatiques sont les plus porteurs. L’expansion vers le sud et l’ouest du pays apparaît alors comme une stratégie rationnelle de développement. Pour Danielson, « les équipes ont bougé et les ligues se sont développées tout d’abord afin d’inclure de nouvelles aires urbaines, suivant en cela l’urbanisation et le développement de l’activité économique vers l’ouest, et en dehors des villes vers les banlieues » (Danielson, 2001, p. 15). 115/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Tableau 19 - Droits d’entrée des expansions dans les quatre ligues majeures depuis 1988 Année Franchise/localisation Droit d’entrée ($M) Major League Baseball (MLB) 1993 Colorado Rockies 95 1993 Florida Marlins 95 1998 Arizona Diamondbacks 130 1998 Tampa Bay Devil Rays 130 National Football League (NFL) 1995 Carolina Panthers 140 1995 Jacksonville Jaguars 140 1999 Cleveland Browns 376 2002 Houston Texas 700 National Basketball Association (NBA) 1988 Charlotte Hornets 37,5 1988 Miami Heat 37,5 1989 Minnesota Timberwolves 37,5 1989 Orlando Magic 37,5 1995 Toronto Raptors 125 1995 Vancouver Grizzlies 125 2004 Charlotte Bobcats 300 National Hockey League (NHL) 1991 San Jose Sharks 50 1992 Ottawa Senators 50 1992 Tampa Bay Lightning 50 1993 Anaheim Mighty Ducks 50 1993 Florida Panthers 50 1998 Nashville Predators 80 1999 Atlanta Trashers 80 2000 Colombus Blue Jackets 80 2000 Minnesota Wild 80 128 Toutefois, l’accès au circuit professionnel est strictement contrôlé par les propriétaires des équipes en place. Le groupe d’investisseurs soucieux d’attirer une équipe dans une ville, au-delà de s’acquitter d’un droit d’entrée, doit présenter l’assurance que l’équipe sera viable. Un business-plan sur plusieurs années est généralement exigé. Le fait que la ville compte plusieurs millions d’habitants et un large marché médiatique sont des critères pertinents. Le soutien des collectivités locales est souvent décisif. A titre d’illustration, un groupe d’investisseurs a obtenu une franchise à Houston lors de l’expansion de la NFL en 2002 en concédant un droit d’entrée (expansion fee – tableau 19) de 700 millions de dollars. De plus, la population locale du 8ème marché du pays a accéléré la venue de l’équipe en facilitant la construction d’un nouveau stade. Elle vote une taxe sur la location de voitures et les nuits d’hôtel qui rapportent 309 millions de dollars et 50 millions de dollars sont récupérés dans la réservation des places en 21 jours 128 . Les coûts de construction du Reliant Stadium (402 millions de dollars) sont ainsi à 77% à la charge de la sphère publique. Une PSL (Personal Seat License ou Permanent Seat License) octroie une place dans le stade pour une période assez longue. Le procédé est utilisé pour aider au financement de l’installation sportive. 116/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Tableau 20 - Expansions dans les quatre ligues majeures depuis 1950 Le tableau 20 recense les 85 expansions observées depuis 1950 dans les quatre ligues majeures ; 64% d’entre elles sont effectuées en 20 ans, entre 1960 et 1980, période de croissance des ligues. Le phénomène est plus rare depuis 2000. Plusieurs acteurs et économistes du sport estiment que chacune des ligues a atteint son format optimal (30 ou 32 équipes) en termes sportifs (établissement du calendrier, nombre de matchs) et commerciaux (couverture du marché, mise en place d’une politique interne de solidarité). Pour Kahn, plus une ligue s’agrandit, moins elle est attrayante. En effet, le talent sera dilué dans beaucoup trop d’équipes pour que les fans puissent voir régulièrement des stars (Kahn, 2007). Les développements à venir s’inscrivent dans une logique d’internationalisation des ligues129. 2. Relocation : déménagent les franchises Année MLB NBA NFL 1950 1953 1960 1961 1962 1966 1967 1968 1969 1970 1972 1974 1976 1977 1979 1980 1988 1989 1991 1992 1993 1995 1996 1998 1999 2000 2002 2004 Total NHL 3 1 1 1 2 2 1 2 2 1 1 3 10 1 4 2 6 4 3 1 2 2 4 1 2 2 1 2 2 2 2 3 2 1 1 Total 3 1 1 3 2 2 9 2 4 16 1 3 6 2 4 1 2 2 1 2 4 4 1 4 1 2 1 1 85 4 23 32 5 17 1 L’expansion s’accompagne d’une éviction des 2 plus petites villes selon deux moyens : la 4 1 franchise est simplement évincée du réseau et disparaît ; la franchise est délocalisée vers un 1 marché plus porteur. Dans la mesure où une 15 21 24 25 85 équipe n’est pas attachée à une ville mais à un propriétaire, libre à lui de déplacer sa franchise où bon lui semble. Les fondements stratégiques et économiques d’une telle décision sont largement abordés dans la littérature (Alexander & Kern, 2004; Baim, 1999; Brown, 2006; Cocco & Jones, 1997; Fisher, Maxwell, & Schouten, 2000; A. T. Johnson, 1983; Lazaroff, 1984; Leib, 1989; Rascher & Rascher, 2004; Shropshire, 1989). La décision d’un propriétaire de délocaliser son équipe relève d’un choix stratégique motivé par la recherche d’un meilleur profit : « la 129 L’internationalisation médiatique est déjà effective. A titre d’illustration, le Superbowl 2006, l’événement sportif majeur aux Etats-Unis, a été diffusé dans environ 230 pays pour une audience avoisinant le milliard de téléspectateurs (dont 200 millions aux Etats-Unis). Afin d’asseoir sa stratégie d’internationalisation, la NFL a ouvert des bureaux à Francfort, Londres, Tokyo, Mexico et Toronto. En mars 2006, les propriétaires de franchises approuvent un plan proposé par Roger Goodell, le nouveau commissaire de la ligue : chaque année, à partir de 2007, deux renconres de saison régulière seront délocalisées. Le Mexique, le Canada, l’Angleterre et l’Allemagne sont des pays pressentis : Associated-Press. (24 octobre 2006). NFL owners approve international games. MSNBC.com. ; Du football américain au Canada. (24 octobre 2006). RadioCanada. La MLB et la NBA mettent en place des matchs d’exhibition ou de pré-saison au Japon. L’implantation de la NBA en Europe est régulièrement évoquée : Giberne, P. (13 avril 2001). « Après la croissance exponentielle, nous sommes entrés dans une phase de stabilisation » - Entretien avec David Stern. Le Monde. 117/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local relocalisation d’une franchise est un ajustement naturel aux conditions du marché, et aucune personne ou institution n’est mieux informée qu’un propriétaire pour faire une telle décision » (Jozsa & Guthrie, 1999, p. 2). Un propriétaire déménage donc son équipe parce qu’il envisage des revenus plus élevés et des coûts plus faibles dans sa nouvelle localisation. Il tient alors compte de plusieurs facteurs pour évaluer sa nouvelle destination : la taille du marché, le pouvoir d’achat des ménages, la présence de médias, le soutien des collectivités locales etc. Le choix de délocaliser son équipe est donc clairement orienté par la recherche de meilleurs profits. James Quirk, dans une analyse consacrée aux mouvements des équipes, envisage une délocalisation typique comme celle où le propriétaire perçoit un meilleur potentiel de profits dans une localisation autre que celle qu’il occupe (Quirk, 1973, p. 52). Dans le système nord-américain, le souci de rentabilité prévaut sur le bien-être des fans. Pour Danielson, « les observateurs de la scène sportive accueillent rarement une délocalisation avec bienveillance. Au mieux, déménager des équipes est considéré comme un mal nécessaire dans un monde gouverné par le profit ; au pire, bouger une franchise est perçue comme le résultat de manipulations avides entreprises par des radins » (Danielson, 2001, p. 135). Ces considérations financières heurtent les supporters dont l’attachement à l’équipe est de l’ordre de l’affectif (Reeves, 1996). Fernquist (2001) établit même un lien entre le taux de suicides et la délocalisation d’une équipe. La rupture du lien affectif entre un fan et son équipe entraîne une exaspération telle qu’elle peut entraîner la mort volontaire. L’annonce d’une délocalisation provoque généralement la mobilisation des fans sans qu’ils puissent empêcher l’opération d’aboutir130. Ainsi, les villes sans équipe font tout pour en obtenir une et les villes en possédant une font tout pour la conserver. Etre hôte d’une équipe de ligue majeure, c’est accéder au statut de véritable grande ville. Emmanuel Cleaver, maire de Kansas City, envisageait ainsi la présence de son équipe de NFL : « sans les Chiefs et les Royals, Kansas City ne serait rien de moins qu’une autre Wichita… ou Des Moines… ou Omaha. » Dans la concurrence entre villes pour obtenir une équipe, la possibilité de délocaliser constitue un puissant levier de négociation avec les pouvoirs publics locaux (Greenberg, 2000; Owen, 2003). La motivation principale d’une délocalisation est de bénéficier de conditions avantageuses avec la nouvelle ville hôte. Les négociations se font sur la mise à disposition d’un équipement sportif neuf. Rascher et Rascher expliquent qu’ « un facteur clé d’une délocalisation est la recherche de meilleurs revenus issus des installations sportives. Des propriétaires soutiennent que la hausse des revenus provoquée par la mise à disposition d’une nouvelle salle place la franchise dans une meilleure position pour recruter des joueurs de qualité, conduisant ainsi à une meilleure équipe qui attire donc encore plus de fans, donc plus de revenus et ainsi de suite » (Rascher & Rascher, 2004, p. 275). La municipalité envisage un équipement sportif comme un bien public générant des retombées économiques et sociales : création d’emplois, dynamisation du tissu urbain, activité économique en hausse etc. Toutefois, de nombreuses analyses tempèrent l’impact 130 C’est ainsi qu’émergent de multiples projets de protection des fans dont l’un des plus influents est mis en place par le politicien Ralph Nader. Le projet « League of Fans » se propose ainsi de protéger les fans ou les citoyens/contribuables face aux décisions commerciales des équipes jugées offensives ou déviantes : http://www.leagueoffans.org 118/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique supposé d’un nouvel équipement (Bast, 1998; Cagan & deMause, 1998; Grant Long, 2005; Irani, 1997; B. K. Johnson & Whitehead, 2000). Noll et Zimbalist affirment qu’ « une nouvelle installation sportive n’a qu’un effet très réduit (sinon même négatif) sur l’économie et l’emploi. Aucun des équipements récents n’apparaît avoir atteint quelque chose approchant un raisonnable retour sur investissement. Aucun des équipements récents n’a été auto-financé en termes de taxes sur les revenus qu’ils génèrent… Les bénéfices économiques des équipements sportifs sont des plus faibles » (Noll & Zimbalist, 1997, p. 17). Tableau 21 - Délocalisations dans les quatres ligues majeures depuis 1950 Année MLB NBA NFL NHL 1951 1953 1954 1955 1957 1958 1960 1961 1962 1963 1966 1968 1970 1971 1972 1973 1976 1978 1979 1980 1982 1983 1984 1988 1993 1995 1996 1997 2001 2002 2005 Total 1 1 1 1 1 2 2 1 1 1 2 2 1 1 1 1 2 1 2 2 1 1 1 1 1 2 1 1 1 2 1 1 1 1 Total 1 1 1 2 2 2 1 1 1 2 2 2 1 2 2 2 2 2 1 1 1 1 3 1 1 3 1 3 1 1 1 48 9 9 12 7 La délocalisation est brandie comme une véritable menace 131 pour imposer la construction d’un nouvel équipement. L’injonction des propriétaires est « build it or we’ll move » (Bruggink & Zamparelli, 1999). Cette situation est rendue possible par la stratégie d’allocation limitée des équipes. La ligue distribue moins d’équipes que ne pourrait en supporter le marché. La crainte d’une localité de perdre une équipe au profit d’un marché potentiel non exploité facilite le subventionnement des stades. Fort et Quirk précisent que « les équipes ont la possibilité d’extorquer de larges subventions des collectivités locales grâce à leur force de monopole. S’il existait plusieurs ligues concurrentes dans un même sport, la simple recherche du profit conduirait de fait à des expansions dans les villes pouvant supporter plusieurs équipes et le chantage appartiendrait au passé. Il n’y aurait plus la possibilité, comme c’est le cas de nos jours, de sous-exploiter des localisations profitables pour menacer les collectivités locales » (Quirk & Fort, 1992, p. Xxiv). 8 Rodney Fort explique la stratégie de la menace d’une délocalisation en s’appuyant 2 sur le cas de Tampa Bay (Fort, 2002, p. 140). 1 Au début des années 1990, la ville de Floride 3 1 investit 200 millions de dollars dans la 1 construction du Suncost Dome pour prouver 12 20 7 9 48 qu’elle est en mesure d’héberger une franchise. Aucune équipe de baseball n’est attribuée à ce marché si bien que le stade reste non exploité. Dès lors, Tampa Bay devient une believable threat location. Les Chicago White-Sox, les San Francisco Giants et les Seattle Mariners laissent alors planer 131 Fort parle de « believable threat locations » (Fort, 2002, p. 139). 119/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local l’éventualité d’un déménagement en Floride si leur ville hôte ne consent pas à construire un nouveau stade. Les trois franchises obtiennent finalement de nouvelles installations. Le tableau 21 comptabilise les 48 délocalisations observées dans les quatre ligues majeures depuis 1950. Le phénomène est particulièrement vivace de 1950 à 1980. La NBA se distingue sur cette période puisque plus de 50% des déménagements s’y passent. Les propriétaires aspirent alors à rejoindre des villes plus grandes même si elles sont déjà hôtes d’une autre équipe dans un autre sport. Jozsa et Guthrie remarquent que « peut-être les propriétaires de franchises NBA s’inquiètent peu de la présence d’équipes d’autres sports dans leur marché, ou, étant donné la popularité croissante du basket professionnel, spécialement depuis les années 1960, la menace d’une concurrence financière de sports rivaux semble peu importante lorsque les propriétaires évaluent de nouveaux sites pour leur franchise » (Jozsa & Guthrie, 1999, p. 36). 3. Ligues rivales et ligues mineures a) La concurrence des ligues rivales La stratégie d’inoccupation de certains marchés afin de faire pression sur les pouvoirs publics comporte un danger. Des ligues rivales peuvent tenter de contester l’activité des ligues majeures en s’implantant sur des marchés vacants. L’histoire des ligues rivales est trop longue pour être développée ici132. Il faut simplement retenir qu’une telle entreprise est souvent vaine, la ligue dominante finissant par éliminer la concurrence de la ligue rivale. Cette dernière souffre en général de l’absence de contrat télévisuel national associé aux pertes financières des clubs occasionnées par la guerre des salaires engagée avec la ligue dominante. Le phénomène n’est pas neutre et a contribué au développement des principales ligues. En effet, il est fréquent que la ligue dominante absorbe des franchises de ligues rivales défuntes. En 2006, sur les 122 franchises recensées en NHL, NBA, MLB et NFL, le tiers était issu de ligues rivales. Le tableau 22 présente les formations de ligues rivales. La structuration des quatre ligues majeures – en termes de couverture du territoire, de négociation de contrat de diffusion, de légitimité historique – a atteint un tel degré de maturité qu’aucune ligue rivale sérieuse n’a vu le jour au cours des 20 dernières années. L’organisation actuelle du sport professionnel nord-américain autour de quatre ligues majeures verrouillant leur marché est un aboutissement d’un long processus entamé à la fin du XIXème siècle. Selon Raymond Sauer, la situation ne devrait plus évoluer : « Je pense qu’il faudrait une erreur colossale pour que l’une des ligues majeures soit supplantée par une nouvelle ligue. Il y a une somme considérable de capital social qui s’enracine dans la loyauté aux équipes, les rivalités etc. Cela va au-delà de l’appréciation d’un match en soi. […] D’une manière générale, je pense que nous regardons maintenant du sommet de la montagne dans le domaine des sports professionnels. La croissance que nous avons observée au cours du siècle dernier a été absolument phénoménale133. » 132 Les chapitres 8 (Rival Leagues and League Expansion : Baseball, Basketball, and Hockey) et 9 (Rival Leagues : The Great Football Wars) de Quirk et Fort font référence en la matière (Quirk & Fort, 1992). On peut également consulter Fort & Maxcy (2001). 133 Steelman, A. (Spring 2006). Interview: Raymond Sauer. Region Focus, p 37. 120/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Tableau 22 - Etablissement de ligues rivales Ligue Dominante MLB (1903) NFL (1922) NBA (1949) NHL (1917) Ligues Rivales Federal League Negro Leagues Pacific Coast League American Football League I American Football League II American Football League III All American Football Conference American Football League IV World Football League US Football League American Basketball League American Basketball Association World Hockey Association Durée 1914-1918 1923-1950 1955 1926 1936-1937 1940-1941 1946-1949 1960-1969 1974-1975 1983-1985 1960-1961 1967-1976 1972-1979 Total 3 7 2 1 Source : Fort, R. (2002). Sports Economics: Prentice Hall. b) Une offre de sport professionnel pour les plus petites villes Cette situation ne signifie pas pour autant que seules les grandes villes proposent un spectacle sportif. Un système de ligues mineures, commenté dans la littérature, permet aux plus petites villes de disposer d’une équipe professionnelle (Branvold, Pan, & Gabert, 1997; Gerena & Nash, 2000; Johnson, 1990; Leib, 1990; Rooney, 1990; Rosentraub & Swindell, 1991; Siegfried & Eisenberg, 1980; Surdam, 2005; Treder, 2006). En 2005-2006, les 10 plus grandes ligues mineures nord-américaines regroupent 139 équipes évoluant dans 7 sports (tableau 23) : baseball (International League, Pacific Coast League), basket (NBA Development League, Women’s NBA), la crosse (National Lacrosse League, Major League Lacrosse), hockey (American Hockey League), football canadien (Canadian Football League), soccer (Major League Soccer), football indoor (Arena Football League). Si certaines ligues mineures sont implantées dans de grands marchés, 30% des franchises évoluent dans des marchés de moins d’un million d’habitants lorsque le pourcentage n’est que de 4% en ligues majeures. Des ligues mineures sont affiliées à des ligues majeures (farm system), soit qu’elles en constituent une réserve de joueurs susceptibles d’intégrer l’élite (AHL, IL, PCL), soit qu’elles sont des projets annexes de développement (la WNBA et la NBA Development League). En Amérique du Nord, ce ne sont pas les équipes qui naviguent entre différents niveaux d’excellence mais les joueurs qui progressent des ligues mineures vers les ligues majeures (Kraus, 2003, p. 5). A titre d’illustration, chacune des 27 franchises de l’AHL est l’équipe réserve d’un club de NHL. On estime que 70% des joueurs de la ligue majeure sont passés par la ligue mineure. 121/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Tableau 23 - Implantation des ligues mineures selon la taille des marchés (2005-2006) Aire Metropolitaine New York-Northern New Jersey-Long Island Los Angeles-Long Beach-Santa Ana, CA Chicago-Naperville-Joliet, IL-IN-WI Philadelphia-Camden-Wilmington, PA-NJ-DE Dallas-Fort Worth-Arlington, TX Miami-Fort Lauderdale-Miami Beach, FL Washington-Arlington-Alexandria, DC-VA-MD Houston-Baytown-Sugar Land, TX Toronto CMA (Mississauga), Ontario Detroit-Warren-Livonia, MI Boston-Cambridge-Quincy, MA-NH Atlanta-Sandy Springs-Marietta, GA San Francisco-Oakland-Fremont, CA Montreal CMA (Laval), Québec Riverside-San Bernardino-Ontario, CA Phoenix-Mesa-Scottsdale, AZ Seattle-Tacoma-Bellevue, WA Minneapolis-St. Paul-Bloomington, MN-WI San Diego-Carlsbad-San Marcos, CA St. Louis, MO-IL Baltimore-Towson, MD Pittsburgh, PA Tampa-St. Petersburg-Clearwater, FL Denver-Aurora, CO1/ Cleveland-Elyria-Mentor, OH Cincinnati-Middletown, OH-KY-IN Vancouver CMA (Surrey), British Columbia Portland-Vancouver-Beaverton, OR-WA Kansas City, MO-KS Sacramento--Arden-Arcade--Roseville, CA San Jose-Sunnyvale-Santa Clara, CA San Antonio, TX Orlando, FL Columbus, OH Providence-New Bedford-Fall River, RI-MA Virginia Beach-Norfolk-Newport News, VA-NC Indianapolis, IN Milwaukee-Waukesha-West Allis, WI Las Vegas-Paradise, NV Charlotte-Gastonia-Concord, NC-SC New Orleans-Metairie-Kenner, LA Nashville-Davidson--Murfreesboro, TN Austin-Round Rock, TX Memphis, TN-MS-AR Buffalo-Niagara Falls, NY2/ Louisville, KY-IN Hartford-West Hartford-East Hartford, CT Richmond, VA Oklahoma City, OK Ottawa-Gatineau CMA, Ontario-Québec Rochester, NY Salt Lake City, UT Calgary CMA, Alberta Edmonton CMA, Alberta Bridgeport-Stamford-Norwalk, CT Tulsa, OK Tucson, AZ Albany-Schenectady-Troy, NY Fresno, CA Omaha-Council Bluffs, NE-IA Grand Rapids-Wyoming, MI Albuquerque, NM Quebec City CMA (Lévis) Québec Springfield, MA Winnipeg CMA, Manitoba Hamilton CMA (Burlington), Ontario Toledo, OH Syracuse, NY Little Rock-North Little Rock, AR Scranton--Wilkes-Barre, PA Colorado Springs, CO Harrisburg-Carlisle, PA Des Moines, IA Cape Coral-Fort Myers, FL London CMA, Ontario Durham, NC Kitchener CMA (Cambridge,Waterloo), Ontario Manchester-Nashua, NH St. Catharines-Niagara CMA, Ontario Peoria, IL Halifax CMA, Nova Scotia Fayetteville, NC Roanoke, VA Norwich-New London, CT Binghamton, NY Saskatoon CMA, Saskatchewan Rang Population Total 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 49 50 51 53 54 55 56 57 59 61 62 64 66 69 71 74 75 77 78 80 81 86 92 95 96 102 112 114 115 118 130 131 139 140 149 167 176 181 196 18323002 12365627 9098316 5687147 5161544 5007564 4796183 4715407 4682897 4452557 4391344 4247981 4123740 3426350 3254821 3251876 3043878 2968806 2813833 2698687 2552994 2431087 2395997 2179240 2148143 2009632 1986965 1927881 1836038 1796857 1735819 1711703 1644561 1612694 1582997 1576370 1525104 1500741 1375765 1330448 1316510 1311789 1249763 1205204 1170111 1161975 1148618 1096957 1095421 1063664 1037831 968858 951395 937845 882567 859532 843746 825875 799407 767041 740482 729649 682757 680014 671274 662401 659188 650154 610518 560625 537484 509074 481394 440888 432451 426493 414284 380841 377009 366899 359183 336609 288309 259088 252320 225927 MLS IL/ PCL 1 2 1 AHL 1 1 1 AFL 1 1 1 1 1 NLL /MLL DL 2 1 1 2 1 WNBA TOTAL 1 1 1 5 5 5 4 3 0 2 2 3 1 3 1 2 1 0 3 2 2 0 0 1 0 1 4 1 0 1 3 2 2 2 2 1 3 2 2 2 1 2 2 1 2 3 1 2 1 1 1 1 2 4 3 2 2 1 1 1 1 1 2 2 2 0 1 2 2 1 2 1 2 1 1 2 1 0 1 0 1 0 1 0 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 12 122/368 CFL 9 30 27 18 21 8 14 139 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Dans le cas d’un fermage, les franchises apparaissent majoritairement dans des villes de moins de deux millions d’habitants, laissant les meilleurs marchés à la ligue aînée. Les ligues indépendantes (MLS, AFL, MLL, NLL) sont encore jeunes et en phase de développement ou de stabilisation134. Plus qu’une concurrence directe avec les franchises de ligues majeures établies dans le même marché, il s’agit plutôt d’une coexistence. La Canadian Football League (CFL) est un cas tout à fait particulier. La ligue est constituée exclusivement d’équipes canadiennes après qu’une tentative infructueuse d’implantation sur le marché américain ait échoué durant les années 1990 (O'Brien, 2004). La figure 24 synthétise le rôle moteur du marché dans la constitution des ligues. Le système est ultra rationnel : le continent nord-américain est maillé d’un réseau de ligues sportives professionnelles de différents niveaux d’excellence. Autour des quatre ligues majeures, gravitent des ligues mineures jouissant d’une moindre reconnaissance. Ainsi, en Amérique du Nord, la taille du marché limite l’accès à l’élite. Une ville n’a pas la franchise qu’elle mérite (sur critère sportif), mais celle qu’elle peut se payer (critère économique). Figure 24 - Principe d’organisation géographique du sport professionnel aux Etats-Unis 134 L’Arena Football League a été fondée en 1987. La MLS a été créée en 1993 et a débuté son activité en 1996. Les deux ligues de crosse, la NLL et la MLL, ont été fondées respectivement en 1997 et 1999. 123/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local II La géographie du sport européen : hiérarchie urbaine et hiérarchie sportive La différence essentielle entre les ligues américaines et européennes réside dans leur organisation. Lorsque les premières favorisent une structure hermétique intégrable sur critère économique, les secondes privilégient un système ouvert où domine le critère sportif. En Europe, le système de promotion/relégation distribue les équipes dans les hiérarchies sportives selon leur mérite ; les meilleures équipes participent aux championnats de « top niveau » tandis que les plus faibles sont reversées dans des championnats moins prestigieux. Il est alors tout à fait envisageable de créer une équipe qui, saison après saison, de promotion en promotion et grâce à l’aide d’un généreux mécène, finirait par participer à la Ligue des champions. Un club français créé au plus bas niveau départemental, sous réserve d’une promotion par an, mettrait environ 15 ans à gravir les échelons des championnats départementaux, régionaux, nationaux et européens. Aucun règlement n’interdit directement la participation d’un petit club Toutefois, au fur et à mesure de sa progression, notre club théorique devra se mettre en conformité avec des critères autres que sportifs. En France, certains points du règlement de la LFP astreignent l’accès à la L1 et la L2 à des critères économiques. Les articles 115 à 120 de la section « conditions générales de participation aux compétitions organisées par la Ligue de Football Professionnel135 » détaillent ces critères. Les clubs doivent disposer du statut de club professionnel (art. 115). Celui-ci est attribué selon la capacité financière du club après consultation de la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) (Dermit-Richard, 2007). Les installations sportives sont soumises à un minimum en termes de capacité136 (art. 116). Chaque club évoluant en L1 ou L2 doit présenter au moins six équipes de joueurs amateurs disputant les épreuves de la ligue régionale à laquelle il est affilié (art. 120). Parvenant finalement à se qualifier pour la Ligue des champions de l’UEFA, le club devra prendre de nouvelles dispositions. L’article 1.05 du règlement de l’UEFA Champions League stipule : « afin de participer à cette compétition, les clubs ne doivent pas seulement se qualifier sur la base de leurs performances sportives, mais également détenir une licence137. » Celle-ci est octroyée sur des critères sportifs mais aussi d’infrastructures, administratifs, juridiques et financiers138. La taille du marché, même si elle conditionne la capacité d’un club à se conformer à ces contraintes, n’est pas explicitement nommée comme un critère d’accès aux compétitions. 135 Règlement administratif de la LFP. Saison 2005/2006. LFP, pp. 17-20. Disponible sur http://www.lfp.fr 20 000 places en Ligue 1. 8 000 places en Ligue 2 dont 5 000 places assises. Le niveau d’éclairage doit être de 1 400 lux en Ligue 1 et 1 000 lux en Ligue 2. Un stade doit disposer des installations nécessaires à la retransmission télévisée des matchs, et doit répondre à certaines conditions en terme de sonorisation, tableaux d’affichage électroniques et sécurité (vidéosurveillance, contrôle). 137 Règlements de l’UEFA Champions League 2006/07. UEFA, p. 3. Disponible sur http://fr.uefa.com 138 Procédure de l’UEFA pour l’octroi de licence aux clubs. Manuel version 2.0. (2005). UEFA Edition. Disponible sur http://fr.uefa.com 136 124/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Le cas du Gazélec d’Ajaccio On peut noter qu’à l’issue de la saison 1998-1999, le Gazélec d’Ajaccio gagne le droit d’accéder à la seconde division en terminant troisième du championnat de National. Le club rejoindrait ainsi l’AC Ajaccio, le rival local. La promotion du club est remise en cause par l’article 131 alinéa 3 des règlements du football stipulant que deux équipes d’une ville de moins de 100 000 habitants ne peuvent disputer le même championnat professionnel. Le conseil d’administration de la ligue refuse la montée ; la Fédération Française de Football, appuyée par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), prône une fusion des deux clubs ajacciens malgré de réels antagonismes, notamment d’ordre politique139. L’affaire est portée devant le tribunal administratif. Le commissaire du gouvernement considère illégale la non promotion du Gazélec, estimant que « le règlement litigieux (l’article 131) porte atteinte aux principes [...] du libre accès aux activités sportives pour tous et à tous les niveaux 140 . » L’article sera finalement abrogé mais le club corse n’accédera pas à la seconde division pour motif économique. A l’évidence, l’accès aux compétitions d’élite nationales et continentales ne dépend pas uniquement de la performance sportive. Si aucun critère géographique ne semble contraignant, la simple intuition invite à penser qu’il existe un lien entre la localisation d’un club et sa présence à un niveau sportif. Comme le remarque Bale, « d’une manière générale, les grandes villes n’accueillent pas seulement plus de clubs, elles accueillent aussi les meilleurs clubs. Les grandes villes possèdent le potentiel pour attirer un large public ; un large public engendre de plus grands revenus ; de grands revenus permettent d’acquérir de meilleurs joueurs » (Bale, 1989, p. 84). Depuis 2000, une multitude de travaux se sont engagés sur la pertinence stratégique du lien potentiel/localisation/performance (Dejonghe, 2004; Durand & Ravenel, 2002a; Durand, Ravenel, & Bayle, 2005; Durand, Ravenel, & Helleu, 2002, 2005). Cette partie, ancrée dans ces recherches, vise à montrer que la localisation actuelle dépend du processus de diffusion de l’activité débuté dès la fin du XIXème siècle (A) ; qu’en conséquence, la localisation des clubs sportifs professionnels répond à des logiques hiérarchiques (B). A - La diffusion du football professionnel en France Avant de débuter l’analyse statique de l’état de la hiérarchie actuelle du sport professionnel en France, il convient de comprendre le processus de diffusion du sport, et plus particulièrement celui du football. En effet, la distribution spatiale actuelle des équipes professionnelles est en partie l’héritière d’une dynamique spatiale engagée à la fin du XIXème siècle. La diffusion, définie comme « la propagation d’une innovation dans l’espace (et donc dans le temps) auprès de personnes, groupes, institutions susceptibles de l’accueillir et de l’adopter » (Brunet, Ferras, & Thery, 1993, p. 159), est un concept majeur de la géographie. Dans le domaine du sport, le processus de diffusion fait l’objet de nombreux travaux voués à comprendre la logique d’expansion d’une activité sportive, et ceci à plusieurs échelles (Bale, 1978, 1980, 1982; Grosjean, 2006; Jesus, 2000; Mathieu & 139 Le Gazélec étant proche de la Conculta alors que l’ACA était présidé à l’époque par un membre du Mouvement pour l’autonomie (MPA). 140 Le refus fait au Gazélec d’Ajaccio d’accéder en D 2 jugé illégal. (19 octobre 1999). Le Monde. 125/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Praicheux, 1985; Ravenel, 1996; Reisman & Denny, 1969; Vigneault, 1986). Dans le cas du football, le foyer émetteur de l’innovation est l’Angleterre qui codifie, institutionnalise et professionnalise la pratique dès la fin du XIXème siècle. Les Cambridge Rules, premières lois du jeu, sont édictées en 1848. La Football Association est créée en 1863 et reconnaît le professionnalisme en 1888 avec la création de la Football League. Par la suite, le football sera introduit en Europe au gré de la présence de britanniques sur le continent ainsi que l’illustrent les quelques exemples suivants. Le Lausanne Football and Cricket Club est le premier club créé hors de l’Angleterre en 1860. En France, le Havre Athletic Club est fondé en 1872 par des employés de la British Shipping Company. Des Anglais fondent les deux premiers clubs autrichiens à Vienne en 1894 (le First Vienna FC et le Vienna Football and Cricket Club). Le Genoa Cricket and Football Club est un club de football italien établi en 1893 par le médecin anglais James Spensley. L’AC Milan, l’un des plus prestigieux clubs européens, a été fondé en 1899 par Alfred Edwards, vice-consul britannique à Milan. Le club s’appelait alors le Milan Cricket and Football Club. Tableau 24 - Equipes ayant participé aux championnats de France de première division d’avant-guerre (1932-33 à 1938-39) Clubs FC Sochaux Olympique de Marseille FC Sète Olympique Lillois RC Paris Excelsior Roubaix AS Cannes SC Fives (Lille) RC Strasbourg FC Antibes FC Metz Stade Rennais Red Star (Paris) FC Rouen FC Mulhouse RC Roubaix SO Montpellier SC Nîmes RC Lens Olympique Alès US Valenciennes AS Saint Etienne OGC Nice CA Paris Le Havre AC Club Français (Paris) Hyères FC Fondation 1928 1899 1914 1902 1896 1928 1909 1901 1906 1912 1919 1901 1897 1896 1893 1895 1919 1901 1906 1923 1913 1919 1908 1896 1872 1890 1912 Participations Matchs joués 7 7 7 7 7 7 7 7 5 7 5 5 5 3 4 3 3 3 2 3 2 1 2 2 1 1 1 194 194 194 194 194 194 194 194 150 194 138 134 138 90 108 90 74 74 60 78 60 30 44 44 30 18 18 Points Titres 241 240 235 229 226 197 194 191 180 173 130 120 106 92 81 72 64 59 57 51 36 35 32 30 28 13 12 2 1 2 1 1 En France, Loïc Ravenel (1996, p. 15) montre que « le processus de diffusion combine la voie hiérarchique et la proximité ». Les grandes villes sont les premières à adopter cette nouvelle pratique. Outre Paris, le football s’implante de façon privilégiée au nord grâce à la proximité de l’Angleterre et sur la côte méditerranéenne. Par la suite, on assiste à une diffusion de proximité facilitant la mise en place de compétitions locales. En 1932, le 126/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique professionnalisme est adopté. Le tableau 24 recense les 27 clubs ayant pris part au moins une fois au championnat de première division entre 1932-1933 et 1938-1939. Quatre bastions se distinguent : l’un au nord avec Lille et sa périphérie (six clubs), la côté méditerranéenne (neuf clubs), la capitale qui héberge quatre équipes et enfin l’Est de la France (quatre clubs). L’adoption précoce de l’innovation par ces villes a façonné en grande partie la géographie du football actuel. Sur les 20 clubs composant le championnat de France de L1 2005-2006, la moitié était présente avant guerre 141 . Il s’agit là d’un phénomène économique assez classique. Lorsqu’une innovation établit un marché novateur (ici, celui du football professionnel), les premiers entrants possèdent de fait un avantage compétitif décisif. L’élite du football français poursuit son évolution selon une triple logique : disparition des plus petites villes (Sète, Alès, Mulhouse, Hyères) ; limitation de la concurrence intraurbaine (il ne demeure plus qu’un club de haut niveau à Paris et Lille) ; accueil de nouveaux marchés porteurs (Lyon, Bordeaux, Nantes, Toulouse). B - Taille des villes et localisation des clubs : le cas de la saison 2005-2006 en France L’analyse de la diffusion du football professionnel a révélé l’importance de la taille du marché dans la capacité d’accueillir une innovation. Cette logique initiale s’est affinée au fil des années. L’analyse ci-après se consacre à une seule année mais introduit la logique concurrentielle en intégrant l’étude de nouvelles disciplines. Il est possible d’appréhender la logique de localisation des clubs au sein de la hiérarchie urbaine en croisant les équipes professionnelles et la population des villes qui les abritent. Cette étude est construite sur une base de 182 clubs évoluant dans les championnats majeurs en 2005-2006142: - Football (60 équipes : 20 en L1, 20 en L2, 20 en National) ; Basket-ball (50 équipes : 18 en ProA, 18 en ProB, 14 en Ligue féminine) ; Rugby (30 clubs : 14 en Top 14 et 16 en Pro D2); Handball (14 clubs en D1) ; Volley-ball (14 clubs en Pro A); Hockey (14 clubs en Ligue Magnus). Le marché de ces clubs est défini par l’aire urbaine, soit un ensemble de communes d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaillent dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. Un pôle urbain est quant à lui une unité urbaine offrant 5 000 emplois ou plus, la notion 141 FC Sochaux, Olympique de Marseille, FC Metz, RC Strasbourg, Stade Rennais, OGC Nice, RC Lens, AS Saint-Etienne. Le SC Fives et l’Olympique Lillois ont fusionné pour donner naissance au Lille Olympique Sporting Club. 142 Bien entendu, les résultats des analyses à venir ne sont pas figés. La composition d’un championnat selon la taille des aires urbaines de ses équipes évolue au grè des promotions et relégations. Afin d’établir une comparaison avec la saison 2003-2004, on peut lire « Les clubs au sein de la hiérarchie urbaine » dans (Durand, Ravenel, & Helleu, 2005, pp. 75-94). 127/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local d’unité urbaine reposant sur la continuité de l’habitat143. L’aire urbaine est la définition statistique la plus récente de la ville et permet de prendre en compte le développement récent du domaine périurbain. On comptabilise ainsi les habitants de l’unité urbaine (ou agglomération) ainsi que ceux des zones périurbaines dont les modes de vie se rapprochent sensiblement. En comptabilisant la population disponible dans le rayon d’influence directe de la ville, l’aire urbaine s’apparente à la clientèle susceptible de répondre à l’offre de spectacle sportif. 1. Sports collectifs de haut niveau : la localisation des équipes Selon l’INSEE, il existe 354 aires urbaines en 1999. Celles-ci concentrent 45 millions d’habitants, soit 77% de la population française. Le tableau 25 présente la répartition des 182 clubs selon la taille des aires urbaines144. 99 aires urbaines, concentrant 35 millions d’habitants, sont hôtes d’au moins un club de haut niveau. Ainsi, 60% de la population française ont accès à au moins une offre de spectacle sportif d’élite. 95 clubs sur 182 (52%) sont localisés dans les aires urbaines de plus de 250 000 habitants. A cette échelle, toutes les villes exceptée Béthune disposent d’une offre sportive. Le risque de ne présenter aucune équipe diminue lorsque la taille du marché augmente. Il est alors possible de dégager une typologie. Sous le seuil de 100 000 habitants, la présence d’une équipe est rare (86% des aires urbaines sans club) et, lorsque c’est le cas, la monoactivité est la règle. De 100 000 à 250 000 habitants, 61% des aires urbaines ont un club mais une seule offre reste de mise. Au-delà de 250 000 habitants, l’offre de spectacle sportif est la règle et concerne plus de deux clubs. Il se dégage une logique selon laquelle une ville ne peut supporter plus d’équipes que son marché ne le permet. L’importance d’un budget conséquent varie selon la notoriété des disciplines. Or, toutes les aires urbaines ne sont pas en mesure de répondre à l’exigence budgétaire de tous les sports. De véritables stratégies de promotion d’une discipline plutôt qu’une autre émergent en fonction de la taille des villes. Tableau 25 - Répartition des 182 clubs de haut niveau selon les aires urbaines en 2005-2006 hors aire urbaine < 100 100 - 250 250 - 500 > 500 Paris 143 Nombre d’aires urbaines Nombre d’aires urbaines sans club % d’aires urbaines sans club Nombre de clubs Nombre moyen de clubs par aire urbaine _ 276 44 20 13 1 _ 237 17 1 0 0 _ 86% 39% 5% 0% 0% 7 45 35 44 37 14 _ 1,15 1,30 2,32 2,85 14 Est considéré comme tel un ensemble d’une ou plusieurs communes présentant une continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) et comptant au moins 2 000 habitants. Les communes rurales sont celles qui n’appartiennent pas à une unité urbaine. 144 Sept clubs ne sont affiliés à aucune aire urbaine : Mourenx en basket féminin, Aiguebelle en ProB, Gueugnon en L2, Raon l’Etape en football national, Saint Vincent de Tyrosse en rugby Pro D2, Villard de Lans et Morzine en Ligue Magnus. 128/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique 2. Les seuils d’apparition des clubs Cette logique hiérarchique globale peut être affinée en s’intéressant plus particulièrement à quatre championnats. La Ligue 1, la Pro A, le Top 14 et la Ligue Magnus ont été retenus afin de mettre en relief les écarts entre différents championnats d’élite selon leur notoriété 145 . La figure 25 représente les fréquences cumulées des clubs selon les aires urbaines. Figure 25 - Seuils d’apparition des clubs dans quatre disciplines majeures en 2005-2006 (L1, Pro A, Top 14, Ligue Magnus) Sans surprise, compte tenu de sa popularité, de sa médiatisation et de l’exigence financière, le football de L1 se manifeste essentiellement dans les plus grandes villes. Seulement 30% des clubs sont sous la barre des 300 000 habitants. En outre, la L1 se trouve à tous les niveaux de la hiérarchie urbaine, avec notamment trois clubs présents dans des aires urbaines de moins de 100 000 habitants (Ajaccio, Auxerre, Monaco). Cette situation s’explique par une spécificité française : l’insertion forte des collectivités locales dans le système de financement qui a entraîné une déconcentration des clubs et une localisation se 145 Sans conteste, avec plus de huit millions de spectateurs dans les stades en 2005-2006, la L1 est le spectacle sportif le plus attractif. Il est suivi du Top 14 (1,78 millions) et de la Pro A (un peu moins d’un million). Aucune donnée fiable n’est disponible pour la Ligue Magnus. A titre d’information, lors de la saison 2004-2005, la somme cumulée des places assises des 15 patinoires était de 26 480. 129/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local soustrayant aux principes hiérarchiques. La politique de répartition égalitaire des droits de télédiffusion a pu compenser certaines déficiences démographiques. Toutefois, l’arrêt progressif des subventions et la réforme de la politique de solidarité de la ligue réactivent l’importance capitale du marché. C’est ainsi qu’au cours des dernières années, de nombreuses villes de moins de 100 000 habitants se sont vu évincées de la L1 (Bastia, Istres, Guingamp, Sedan, Châteauroux, Gueugnon). A l’inverse, un championnat peu médiatisé tel que le hockey compte la moitié de son effectif dans des villes de moins de 100 000 habitants. Un déterminisme climatique favorise l’implantation de ce sport dans de petites villes montagnardes ; Morzine, Villard de Lans, Chamonix et Saint-Gervais sont toutes en région Rhône-Alpes. Le rugby est présent à tous les niveaux avec une représentation importante dans les villes de moins de 250 000 habitants (65% des clubs). Cette spécificité du rugby est essentiellement le fait d’une distribution géographique concentrée dans les régions méridionales. Selon JeanPierre Augustin, on peut expliquer cette localisation par la conjonction de trois facteurs : présence de Bordeaux (port de commerce marqué par la culture britannique) ; développement du rôle pédagogique du rugby par le docteur Tissié qui l’impose en milieu scolaire ; réussite du Stade Bordelais qui devient un club phare pour tout le Sud-Ouest (Augustin, 1995). En gagnant le championnat de France 1899 contre un club parisien, Bordeaux aurait pris l’ascendance sur le rugby français. Les villes moyennes (de 250 000 à 500 000 habitants), quant à elles, favorisent l’élite du basket (12 clubs sur 18). Figure 26 - Seuils d’apparition intra-disciplinaire : le cas du football en 2005-2006 (L1, L2, National) 130/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Si la taille du marché joue un rôle dans l’apparition d’une discipline plutôt qu’une autre, il s’agit dorénavant de voir dans quelle mesure, au sein d’une même discipline, elle provoque des écarts. La figure 26 est construite à partir des 60 clubs de football de L1, L2 et National. Chacun des championnats est présent à la fois dans de petites villes (Monaco, Ajaccio, Auxerre pour la L1 ; Gueugnon, Guingamp, Sedan, Istres pour la L2 ; Raon l’Etape, Libourne, Romorantin, Louhans pour le National) et Paris ou sa proche banlieue. Toutefois, l’écart se creuse rapidement. Au niveau de la médiane (50% des effectifs), le seuil est de 120 000 pour le National, 271 000 pour la L2 et 521 000 en L1. Ainsi, le club médian de L1 dispose t-il d’un marché quatre fois plus grand que celui d’un club de National et faisant le double d’un club de L2. 3. Concurrence et complémentarité inter-disciplinaire Sur les 182 clubs recensés en 2004-2005, 114 (62%) n’évoluent pas seuls dans leur aire urbaine d’appartenance. Il existe donc une concurrence qui oblige à certains choix qualitatifs. Le tableau 26 recense les 38 aires urbaines équipées de plus d’un club. L’aire urbaine parisienne, par son marché de 11 millions d’habitants, est représentée dans tous les sports mis à part le hockey sur glace. De plus, exception faite du basket féminin, l’offre sportive parisienne s’échelonne à tous les niveaux sportifs. Tableau 26 - Les aires urbaines à offres sportives multiples (2004-2005) Football < 100 100 - 250 250 - 500 > 500 Aire Urbaine Population Basket L1 L2 Nat ProA ProB 1 1 1 2 PARIS 11 174 743 1 LYON 1 648 216 1 Rugby Fém 1 516 340 1 1 1 143 125 1 1 964 797 1 933 080 1 BORDEAUX 925 253 1 NANTES 711 120 1 STRASBOURG 612 104 1 TOULON 564 823 RENNES 521 188 ROUEN 518 316 GRENOBLE 514 559 1 DIJON 326 631 SAINT-ETIENNE 321 703 1 1 1 3 1 5 2 6 2 2 1 1 1 1 1 1 1 2 1 2 1 1 5 4 2 3 1 1 1 1 1 2 2 1 1 1 1 1 2 1 3 1 4 1 3 1 BREST 303 484 1 1 2 296 773 1 1 2 293 159 REIMS 291 735 1 1 1 AMIENS 270 870 DUNKERQUE 265 974 NIMES 221 455 1 PAU 216 830 1 BAYONNE 213 969 1 CHAMBERY 131 280 TARBES 109 892 EPINAL 89 544 AJACCIO 77 287 2 1 2 1 1 2 1 2 3 2 1 1 70 750 1 ISTRES 38 993 1 1 2 1 13 36 2 1 1 14 14 7 32 11 9 6 15 12 3 1 2 1 2 1 9 13 2 1 66 177 4 1 1 NARBONNE 2 1 1 1 SETE Total 1 1 1 40 2 HAVRE MANS 36 3 1 1 14 3 1 1 1 14 3 1 1 332 624 1 1 Total 3 1 1 370 851 1 1 409 558 ANGERS Hockey Volley 1 CLERMONT-FERRAND CAEN 1 1 459 916 376 374 5 1 410 508 399 677 1 1 NANCY VALENCIENNES 1 1 1 MONTPELLIER TOURS Hand 1 MARSEILLE-AIX TOULOUSE ProD2 1 LILLE NICE Autre sport Top14 11 2 8 11 114 31 131/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Les villes de plus de 500 000 habitants hébergent 36 équipes dont le tiers évolue en football. La taille du marché est encore suffisante pour accueillir d’autres disciplines. Le basket est alors le second choix mais à moindre niveau sportif puisque 6 équipes sur 10 évoluent en Pro B ou Ligue féminine. Le rugby souffre de la présence du football. Seule la ville de Toulouse parvient à concilier football et rugby d’élite. Dans les autres villes équipées d’un club de L1, le rugby est relégué hors du Top 14. Concernant les autres disciplines, le handball est quasiment inexistant ; le hockey apparaît lorsque la concurrence est faible (une équipe de Pro A à Rouen, une équipe de L2 à Grenoble). A ce niveau, lorsque le volley est présent, celui-ci constitue une offre alternative au football de L1 ; mis à part à Toulouse, il n’endure aucune concurrence d’une autre équipe de première division. Les villes moyennes (250 000/500 000 habitants), mise à part Dunkerque, disposent toutes d’un club de football. A cette échelle, la L2 est privilégiée. A ce niveau est présente la majorité des clubs de Pro A (huit) qui ne souffrent pas de la présence d’une équipe de L1. L’absence de football de haut niveau favorise l’éclosion des disciplines à moindre notoriété : le basket féminin, le hockey sur glace, le handball et le volley ne subissent pas la concurrence d’un club de L1. On remarque que la tranche basse de cette catégorie de villes met en avant la bi-activité en associant du basket de Pro A à un club de football. Les 10 aires urbaines de moins de 250 000 habitants totalisent 24 équipes. A ce niveau, seule Ajaccio offre de la L1. Lorsque le football est présent, c’est essentiellement en National (quatre clubs sur sept). Le basket existe difficilement dans ce cas et uniquement lorsque le football s’efface ou demeure à un faible niveau (le club de Pro A de Pau-Orthez cohabite avec un club de football de National). L’absence d’équipe dans les élites des disciplines majeures permet aux sports plus confidentiels d’exister. Un tiers des équipes de cette catégorie de villes évolue en handball, volley ou hockey. Si le système de promotion/relégation pourrait théoriquement permettre à des petites villes de constituer l’élite des championnats les plus prestigieux, on observe un lien évident entre hiérarchie sportive et hiérarchie urbaine. Les stratégies urbaines sportives qui se dessinent, par certains aspects, sont similaires au système nord-américain. Les plus grandes aires urbaines sont en mesure de supporter une offre sportive variée, répondant en cela à la diversité de la demande sociale. Les plus petites se spécialisent en favorisant la monoactivité ; en 2005-2006, c’est le cas de 68 aires urbaines. 41 (60%) d’entre elles comptent moins de 100 000 habitants. Les villes moyennes doivent faire face à un choix stratégique. Pas assez petites pour se contenter d’un seul sport, pas assez grandes pour en supporter sereinement plusieurs, le choix est qualitatif : à un club de football, le plus souvent de L2, on associe du basket-ball ou encore un sport collectif mineur. 4. Unicité et multiplicité de l’offre Toutefois, la France se distingue de la logique nord-américaine et du reste de l’Europe en éliminant la concurrence intra-urbaine. Loïc Ravenel qualifie cette spécificité « d’unicité », caractérisant le fait qu’une grande agglomération ne possède qu’une seule équipe parmi l’élite (Ravenel, 1998a, p. 341). Afin d’expliquer ce phénomène, 17 championnats de football européens ont été analysés au cours de la saison 2004-2005. Le tableau 27 présente la répartition des 276 clubs dans leur championnat d’élite respectif. Pour chaque pays est indiqué le nombre de villes représentées. 132/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique 14 pays, à des degrés divers, offrent des cas de multiplicité. Dans ce contexte, les championnats allemand, néerlandais et français sont comme des curiosités avec l’adoption du « un club par ville ». Paris, Berlin et Amsterdam semblent pourtant en mesure d’héberger plusieurs clubs d’élite. D’ailleurs, le PSG a cohabité avec le Matra Racing jusqu’à la fin des années 1980. Le football de haut niveau demeure assez récent à Berlin. En 30 exercices (de 1975-1976 à 2004-2005), les Berlinois ont été privés d’élite au cours de 13 saisons. Le Hertha ne s’est stabilisé dans l’élite que depuis la saison 1997-1998. Deux autres clubs berlinois sont apparus une fois chacun en Bundesliga sans parvenir à s’y maintenir (le Tennis Borussia Berlin et le Blau-Weiss Berlin). De même, l’Ajax Amsterdam s’est vu concurrencée par le FC Amsterdam durant les années 1970. Dans les 17 pays retenus, 43 villes de plus d’un million d’habitants ont été recensées. Seulement 7 d’entre elles n’ont pas de clubs ; 14 n’accueillent qu’une seule équipe tandis que 22 procurent l’occasion de derbys146. Tableau 27 - Multiplicité des équipes dans 17 championnats européens de football (2004-2005) Pays Grèce Angleterre Pologne Portugal Ecosse Suède Belgique Roumanie Espagne Autriche Danemark Italie Norvège Rép.Tchèque Allemagne Pays-Bas France Championnat d’élite Alpha Ethniki Premier League Orange Ekstraklasa Super Liga Scottish Premierleague Allsvenskan Jupiler League Divizia A Primera Division T-Mobile Bundesliga SAS Liga Serie A Tippeligaen Gambrinus Liga Bundesliga Eredivisie L1 Orange Nombre de Nombre de clubs villes 16 20 14 18 12 14 18 16 20 10 12 20 14 16 18 18 20 5 11 8 11 8 10 13 12 15 8 10 18 13 15 17 18 20 Clubs/Ville 3,20 1,82 1,75 1,64 1,50 1,40 1,38 1,33 1,33 1,25 1,20 1,11 1,08 1,07 1,00 1,00 1,00 Le tableau 28 identifie les villes européennes hébergeant plusieurs clubs. Le nombre de clubs compétitifs au plus haut niveau augmente avec la taille du marché. C’est ainsi que la majorité des plus grandes villes européennes possède au moins deux clubs. Les rivalités locales, construites culturellement et historiquement (le club populaire contre le club bourgeois, le club protestant contre le club catholique, le club de l’armée contre celui du parti etc.), sont d’ailleurs vectrices d’un spectacle mobilisateur, aussi bien dans les stades que lors des retransmissions télévisuelles. Selon Buraimo et Simmons, le derby effect permettrait une augmentation de 6% de la demande (Buraimo & Simmons, 2006). Privé de rivalités locales147, le championnat de France de L1 se retranche sur des rivalités régionales. C’est ainsi que le derby de l’Atlantique voit s’opposer Nantes à Bordeaux bien que 350 km séparent les deux villes ; celui du nord voit s’affronter Lille et Lens tandis que Saint- 146 A l’exception de Mannheim et Düsseldorf, les villes millionnaires absentes de l’élite en 2004-2005 ont un club de football évoluant régulièrement au plus haut niveau (Naples, Bari, Francfort, Cologne, Lodz). 147 Constant, A. (27 février 2005). Le football français est privé de vrais derbys. Le Monde. 133/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Etienne l’ouvrière affronte Lyon la bourgeoise148. Il n’en reste pas moins que le classico français n’a rien de régional. L’affiche OM/PSG propose une opposition entre la capitale jacobine et hypertrophiante et Marseille la rebelle méridionale (Bromberger, 1995). moins de 1 M 1à2M 2à5M + 5M Tableau 28 - Les derbys dans 17 championnats européens (2004-2005) 148 Agglomération Londres Madrid Barcelone Athènes Rome Milan Katowice Lisbonne Varsovie Manchester Bucarest Stockholm Copenhague Vienne Valence Prague Glasgow Porto Séville Cracovie Thessalonique Oslo Birmingham Bruxelles Anvers Göteborg Brême Poznan Edinburgh Liverpool Aarhus Hasselt Bruges Graz Iraklion Dundee Funchal Leira Clubs 6 3 2 8 2 2 3 4 2 2 5 3 2 2 2 2 2 3 2 2 4 2 3 2 3 3 2 3 3 2 2 2 2 2 2 2 2 2 Taille 7 651 634 5 086 635 3 765 994 3 761 810 3 314 237 2 890 384 2 592 513 2 590 792 2 394 337 2 277 330 1 921 751 1 890 253 1 881 187 1 550 123 1 397 809 1 335 733 1 323 100 1 231 438 1 180 197 1 076 143 1 057 825 1 036 900 965 928 964 405 931 567 903 490 849 800 828 180 533 390 481 786 429 811 384 503 271 437 226 244 154 801 145 460 102 521 82 762 Championnat Moyenne Angleterre 4,50 Espagne Espagne Grèce Italie Italie 3,13 Pologne Portugal Pologne Angleterre Roumanie Suède Danemark Autriche Espagne République Tchèque 2,58 Ecosse Portugal Espagne Pologne Grèce Norvège Angleterre Belgique Belgique Suède Allemagne Pologne Ecosse Angleterre 2,31 Danemark Belgique Belgique Autriche Grèce Ecosse Portugal Portugal En 2000, à Saint-Etienne, les supporters lyonnais ont déployé une banderole sur laquelle on pouvait lire : « Les gones inventaient le cinéma, pendant que vos pères crevaient dans les mines. » Lors du match retour, les Stéphanois répliquent par une banderole « Fier d’être fils de mineurs. » 134/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique La singularité de l’unicité française trouve sa source dans deux facteurs. En premier lieu, Loïc Ravenel explique que « si la première phase de diffusion est restée limitée aux régions originelles, elle s’est accompagnée d’une déconcentration générale à l’intérieur des agglomérations. Cette dynamique a précédé la seconde diffusion amorcée en 1970. Le système procédait ainsi à l’élimination de la concurrence intra-urbaine avant de l’étendre à d’autres espaces » (Ravenel, 1998, p. 107). Ainsi l’éviction des équipes parisiennes et lilloises a-t-elle favorisé l’apparition au plus haut niveau de plus petites villes telles Guingamp, Auxerre ou Bastia. En second point, il faut remarquer la particularité de la hiérarchie urbaine française. Lyon, la seconde aire urbaine française avec 1,6 millions d’habitants, est sept fois plus petite que la capitale. Lille, quatrième ville française, est reléguée au 41ème rang européen, devancée par Manchester (2 fois plus grande) et Milan (2,5 fois plus grande). Ainsi, la structure macrocéphale française limite la capacité de multiplicité des clubs (Durand & Ravenel, 2002a). Nous venons donc de voir que les modèles de régulation européen et nord-américain pouvaient déboucher sur une organisation spatiale similaire par certains aspects, notamment un lien plus ou moins fort entre hiérarchie urbaine et présence d’un sport (d’un point de vue qualitatif et quantitatif). Le système nord-américain se distingue toutefois par une politique volontariste d’appréhension de son espace qui relève d’un management stratégique. Le point suivant se présente comme une parenthèse dans l’analyse géographique. Il tend à montrer en quoi l’on peut parler d’une américanisation du sport européen. Cela nous permettra par la suite d’analyser les conséquences géographiques de ce processus sur le long terme. III Vers une américanisation du sport professionnel européen ? La première partie de cette recherche a détaillé les modalités de fonctionnement des deux grands modèles d’organisation du sport professionnel. Il a été mis en évidence que la ligue fermée nord-américaine a adopté une structure favorisant la poursuite d’objectifs financiers. La ligue ouverte européenne reste attachée au modèle pyramidal et à la performance sportive. Dans le cas d’une ligue hermétique, le critère de la taille du marché est capital. Envisagé dans l’absolu, il s’agit d’implanter des franchises dans les plus grandes villes afin d’établir un marché du sport-spectacle le plus concentré possible. D’un point de vue relatif, l’homogénéité nécessaire au maintien de l’équilibre compétitif s’établit par élimination du circuit des éléments les plus faibles, ce qui permet la mise en place d’une « solidarité raisonnable » entre les acteurs. En Europe, la prise en compte du marché n’a jamais été un élément central et explicite du management des ligues, l’accès à un niveau hiérarchique se faisant sur un critère sportif. La réussite ponctuelle de « petites équipes » dans les coupes européennes et dans les championnats domestiques conforte ce point de vue. Si la majorité des titres européens sont alloués à des clubs de grandes villes, des petites équipes localisées dans des agglomérations de moins de 300 000 habitants sont parvenues à s’imposer à l’échelle européenne : KV Mechelen (Coupe de l’UEFA en 1988), Ipswich Town (Coupe de 135/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local l’UEFA en 1981), Aberdeen (Coupe des Coupes en 1983), 1.FC Magdeburg (Coupe des Coupes en 1974)149. Toutefois, on observe une mutation du modèle sportif européen. Ce phénomène est décrit dans la littérature comme une américanisation du sport. Ce large concept, définissable comme l’action de rendre semblable aux Etats-Unis, mérite d’être affiné tant il recouvre des acceptions différentes. Il s’agit de se détacher de l’entendement généralement admis que « tout ce qui émerge aux Etats-Unis arrive forcément en Europe dix ou vingt ans plus tard » ou encore que l’américanisation n’est rien d’autre qu’une globalisation sous l’influence exclusive des Etats-Unis. Dans ces derniers cas, c’est la notion de diffusion planétaire de la culture américaine conduisant à une forme d’uniformisation qui prime. On parle alors de « Disneyfication », de « McDonaldization » ou encore de « Cocacolonization ». Dans le cadre de cette définition à vocation culturelle, les effets de l’américanisation sur le sport européen sont limités. Par américanisation, nous n’entendons pas non plus l’exportation de joueurs américains dans les championnats étrangers, ou encore l’exportation du spectacle sportif américain via la télévision150. Par « américanisation », nous signifions une transition qui prend la forme d’un changement de référentiel dans l’objectif des clubs européens. Dejonghe décrit ainsi le phénomène : « le développement du football durant les années 1990 fut énorme d’un point de vue économique. Un professionnalisme global et l’importance croissante des revenus issus du merchandising, du sponsoring, des droits de diffusion et dans quelques cas de la cotation des clubs sur le marché boursier ont débouché sur une commercialisation du football. […] l’impact croissant de l’économique sur le football professionnel conduit à une transition de la maximisation de l’utilité à une approche plus orientée sur la maximisation du profit » (Dejonghe, 2004, p. 74). En Europe, la maximisation du profit viendrait donc se substituer à la maximisation de l’utilité. La modification des objectifs impliquerait dès lors l’adoption d’un modèle dédié à leur réalisation. Cette idée est également défendue par Hoehn et Szymanski qui parlent d’une « commercialisation croissante » du football européen qui impliquerait nécessairement la mise en place d’une ligue fermée (Hoehn & Szymanski, 1999). Lorsqu’on évoque l’américanisation du sport européen, on parle de l’importation du système d’organisation des ligues dans la mesure où ce dernier est adapté aux objectifs de maximisation du profit. On préférera en effet la notion « d’importation » à celle « d’exportation » : le sport européen n’est pas américanisé, il s’américanise par mimétisme, entendu comme la reproduction d’un modèle151. L’américanisation est une commercialisation. Quatre éléments témoignent de cette mutation. La hausse des droits télévisuels (A), l’arrivée à la tête des clubs de groupes médiatiques et financiers (B), l’introduction des clubs en bourse (C) et l’évolution de la structure juridique des clubs (D) sont avancées. L’analyse s’attache essentiellement au cas français. En effet, le modèle d’organisation du sport hexagonal s’est longtemps caractérisé 149 Bien entendu, la liste des « petites agglomérations » s’allonge lorsque l’on ajoute les finalistes : Middlesbrough (Angleterre ; 231 006), Red Bull Salzbourg (Autriche ; 142 662), Dundee United (Ecosse ; 145 460), Deportivo Alavés (Espagne ; 226 498), FC Carl Zeiss Jena (Allemagne ; 102 909), SC Bastia (France ; 76 439), Gornik Zabrze (Pologne ; 194 041), FC Fehérvár (Hongrie ; 165 803), AZ Alkmaar (PaysBas ; 92 965). 150 Sur ce sujet, lire Galily & Sheard (2002). 151 Nous ne pouvons aller plus loin qu’une référence explicite au travail de René Girard mais peut-être y aurait-il une lecture envisageable de l’américanisation du sport avec les concepts de l’anthropologue. 136/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique par une intervention étatique limitant le développement de la sphère économique dans le sport professionnel. Les évolutions récentes du sport professionnel français constituent alors une excellente illustration de l’expansion de la dimension commerciale de l’activité. A - L’évolution des droits audiovisuels Le développement économique du football européen est évident. Pour la saison 2002-2003, le cabinet Deloitte & Touche estimait le poids du marché européen du football professionnel à 10,6 milliards d’euros (ligues, clubs et fédérations des 52 pays membres de l’UEFA). Les cinq plus grands championnats européens (Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie, France) généraient à eux seuls 5,75 milliards d’euros de revenus, soit une progression de 7% par rapport à la saison précédente et une multiplication par trois depuis la saison 1995-1996. Tableau 29 - Revenus des 20 clubs européens les plus riches (2002 à 2005) Position 2002/2003 2003/2004 2004/2005 2005/2006 Progression 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 251,4 218,3 200,2 192,6 162,7 162,4 149,5 149,4 138,9 133,8 132,4 124 123,4 118,6 95,6 92 88,9 87 84,3 80,5 259 236 222,3 217 215 171,3 169,2 166,5 166,3 139,5 128,9 108,8 104,2 100,1 99,4 93,5 91,4 88 86,2 84,4 275,7 246,4 234 229,4 220,8 207,9 189,5 181,2 177,2 171,3 131,8 128,9 104,5 97,4 92,9 92,7 90,1 88,8 86,6 83,1 292,2 259,1 251,2 242,6 238,7 221 206,6 204,7 192,4 176 127,7 127 124,3 122,9 107,2 101,8 89,4 88,5 86,9 85,1 16% 19% 25% 26% 47% 36% 38% 37% 39% 32% -4% 2% 1% 4% 12% 11% 1% 2% 3% 6% Total 2785,9 2947 3130,2 3345,3 20% Source : Rapport Deloitte Football Money League 2004, 2005, 2006 et 2007 La croissance des revenus s’observe également à l’échelle des clubs. Le cabinet anglais Deloitte publie chaque année la liste des 20 clubs européens les plus riches. Le tableau 29 présente les revenus des 20 clubs de la saison 2002-2003 à la saison 2005-2006. Sur une courte période de quatre saisons, on observe également une tendance au renforcement de la position dominante des clubs les plus fortunés. Le contraste entre les clubs classés du rang 1 à 10 et les suivants est saisissant. 137/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Cette progression est largement attribuable à l’explosion des droits télévisuels. Ainsi le groupe Canal + a-t-il remporté l’exclusivité de la L1 française sur la période 2005/2008 en investissant 1,8 milliards d’euros sur trois ans (soit 600 millions d’euros par saison)152. Ce contrat marque une progression de 60% par rapport à celui de la période précédente. En 1999, les droits de la L1 avaient été cédés pour la période 2000/2004 aux deux réseaux privés Canal + et TPS pour un total de 375 millions d’euros par saison. Désormais, en France, les droits audiovisuels représentent 50% des produits d’un club contre 7% il y a 20 ans (Bolotny, 2005a, 2005b). Toutefois, il demeure des écarts considérables selon la notoriété des championnats. La figure 27 présente pour la saison 2004-2005 le montant des droits télévisuels dans 14 championnats de football européens. A eux seuls, les championnats anglais, français, italien, espagnol et allemand concentrent 92% de l’ensemble des contrats (2,8 milliards d’euros). Figure 27 - Montant des contrats de diffusion dans 14 championnats de football européens en millions d’euros (saison 2004-2005) 900 818 800 700 640 600 553,6 500 400 320 291 300 200 100 22 17 14,5 14 5,8 0,3 Ecosse Autriche Suède Finlande 27,97 Danemark 45 Grèce 72 Belgique Portugal Pays-Bas Allemagne Espagne Italie France Angleterre 0 Source: LFP, Deloitte UK, DFL A l’échelle nationale, la répartition des droits télévisuels concourt à la dérégulation de l’activité. Il s’agit là d’une question classique, celle du partage, à la base selon Bernard Maris de tout problème économique : « qui prend quoi, dans le gâteau ? Qui tient le couteau ? Qui distribue les parts ? Le lion, qui se sert le premier ? » (Maris, 2003, p. 270). Privilégie-t-on une logique sportive et solidaire ou bien l’élitisme et la notoriété ? Le cas français illustre le recul de la solidarité ayant cours partout en Europe. A la fin des années 1990, Noël Le Graët, président de la Ligue de Football Professionnel, était durant son mandat un fervent partisan d’un système de répartition égalitaire des droits de diffusion. Chaque club de première division percevait alors 27 millions de francs et une 152 La Ligue de Football Professionnel avait fixé une offre-plancher de 435 millions d’euros en dessous de laquelle elle ne donnerait pas suite. TPS, le principal concurrent de la chaîne cryptée, avait fait une offre de 327,5 millions d’euros. 138/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique prime récompensait la performance sportive (12 millions de francs pour le champion, 10 pour le second et 7 pour les clubs qualifiés en Coupe d’Europe). Il justifiait ainsi sa position : « nous devons maintenir cet équilibre. Il ne peut y avoir deux ou trois clubs puissants et riches et quinze clubs indigents et pauvres. Marseille ne remplirait plus son stade si l’OM affrontait en D1 des équipes totalement déséquilibrées et de faible qualité153. » Face au maintien d’une clé de répartition solidaire, les clubs français les plus exposés médiatiquement s’organisent par la création d’un « Club Europe » composé des équipes de Marseille, Paris, Nantes, Lyon, Bordeaux et Monaco. L’objet de cette structure est de défendre les intérêts particuliers de ces clubs face à l’intérêt collectif. Jean-Claude Darmon, porteur du projet, explique que lorsque « les riches s’appauvrissent, les pauvres crèvent. Il faut donc plus d’argent pour les clubs riches et pour les clubs pauvres... 154» Les grands clubs estiment qu’ils sont les principaux acteurs du spectacle sportif. Ils critiquent un système égalitaire qui récompense autant les clubs les plus diffusés que ceux qui le sont moins. Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, file la métaphore entre le spectacle sportif et le théâtre : « le parallèle qui me semble le plus juste, c’est celui d’une pièce de théâtre avec plusieurs acteurs. Il y a ceux qui donnent simplement trois répliques et celui qui porte la pièce, qui a le rôle titre. On ne leur donne pas le même cachet, même s’ils jouent dans la même pièce 155 . » L’argumentation des grands clubs est simple : au-delà de favoriser le mérite et l’équité à la solidarité et l’égalité, il s’agit de tenir compte de la notoriété pour pouvoir être compétitif à l’échelle continentale. Afin d’imposer ce point de vue, l’Olympique de Marseille dénonce la charte sur les droits de diffusion adoptée en 2002. Le critère de répartition portant sur la notoriété des clubs a été transformé en critère de performance sportive sur cinq ans. Selon Christophe Bouchet, président du club phocéen, le partage doit favoriser les clubs qui génèrent les plus fortes audiences. Il explique que le système de partage en vigueur « est un système égalitaire qui est complètement inégalitaire, car on partage tout le produit de façon soviétique. » Dès lors, il ajoute : « ma philosophie est simple. Un : on commence par partager la manne des droits télé en deux. On répartit de façon égalitaire la première moitié. […] Et la seconde, on la répartit avec une prime au sportif, d’une part, et, d’autre part, avec une prime à la diffusion. Ça ne me paraît tout de même pas sorcier à mettre en place. C’est ce système qui est appliqué en Angleterre 156 . » En conséquenve, il s’engage dans « une gesticulation médiatique » 157 en bloquant l’accès du Stade Vélodrome durant quelques heures aux équipes de Canal + chargées de retransmettre la rencontre opposant l’OM à Nice. Il assigne également la Ligue devant le tribunal de grande instance de Paris pour abus de droit et de dépendance et dépose une plainte contre elle devant le Conseil de la concurrence pour abus de position dominante. L’entreprise de lobbying menée par les plus grands clubs français 153 Chasteaux, L. (15 mai 1999). A vendre championnat de foot, pauvres s’abstenir. L’Humanité. Chasteaux, L. (7 avril 1999). " G7 ", " Club Europe " : comment les clubs riches s’organisent pour rafler la mise. L’Humanité. 155 Attal, J. (29 janvier 2003). Bouchet s'en va t-en guerre. Les Cahiers du Football. Mais, comme nous l’avons déjà vu, à l’inverse d’une pièce de théâtre ou d’un film, l’issue d’un match de football n’est pas scénarisée (point B du chapitre 1 à la page 40). 156 Deroubaix, C., & Flandre, L. (14 décembre 2002.). " L’OM va porter plainte " - Entretien avec Christophe Bouchet. L’Humanité. 157 Plus précisément, « une gesticulation médiatique qui ne trompera personne ». Propos tenus par Frédéric Thiriez, président de la Ligue, dans le journal L’Equipe. 154 139/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local aboutit à une nouvelle clé de répartition en vigueur à partir de la saison 2003-2004. 81% des droits de diffusion reviennent aux clubs de L1 et 19% aux clubs de L2, une fois retranchée une part fixe de 100 millions d’euros pour la L1. Au sein de la L1, 50% des revenus sont repartis à parts égales, 30% selon la performance sportive et 20% selon un critère de notoriété158. Toutefois, la nouvelle clé de répartition intègre un critère sportif et un critère de notoriété courants sur les cinq saisons précédentes (tableau 30). C’est ainsi que l’on peut lire dans le rapport annuel de la LFP : « Pour chacun des critères variables, le choix d’une échelle exponentielle privilégie significativement les clubs les mieux classés sur chaque critère. L’objectif visé est de permettre aux clubs qui représentent la France au niveau européen de bénéficier de moyens additionnels afin de faire progresser l’indice UEFA et permettre en conséquence dans l’avenir à plus de clubs français de jouer l’Europe. Au total, un club qui finirait à la première place sur l’ensemble des critères peut se voir attribuer – au mieux – le triple d’un club qui finirait à la 17ème place (dernier club non relégable) sur l’ensemble des critères159. » Tableau 30 - Le déclin de la solidarité dans le partage des droits de diffusion du championnat de France de L1 (%) Performance Performance Solidarité sportive médiatique Selon cette clé, à l’issue de la saison 2005-2006, avec 42,4 millions 1998-1999 91 9 0 d’euros, l’Olympique Lyonnais 1999-2000 73 27 0 2002-2003 50 30 20 devance Bordeaux (33,7), Marseille 2003 50 25 et 5* 15 et 5* (33,2), Lens (31,9), Lille (31,7) et le *5% sur les cinq dernières saisons révolues. PSG (31,5), soit une différence non négligeable de 10,9 millions d’euros entre le premier club et le sixième. A terme, l’objectif des grands clubs français est l’abolition du système de mutualisation des droits de diffusion160 au risque d’un abandon total d’une politique de solidarité comme en Espagne et en Italie161. 158 En L2, 90% partagés à parts égales, 5% selon la notoriété et le résultat sportif et 5% selon la formation. LFP (2005). Situation du football professionnel français. Saison 2004-2005. Lors d’un entretien accordé à Sport Stratégies, Stéphane Dor, directeur marketing de la LFP, précisait : « Sous l’impulsion de la commission marketing de la Ligue de Football Professionnel et de l’Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF), nous avons réuni tous les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 afin de trouver un accord sur les clés de répartition des droits. Les débats ont été très sereins du fait d’une approche particulièrement méthodologique et, dans un premier temps, de la définition de vrais principes directeurs qui ont présidé aux discussions et à la proposition que la commission marketing a faite à l’ensemble des clubs. La répartition retenue témoigne au final d’une forte volonté de consolider la solidarité entre la Ligue 1 et la Ligue 2, d’encourager et récompenser le travail des clubs sur la durée et enfin de donner les moyens de briller aux clubs européens. » Litzler, E. (4 février 2005). Droits TV - Interview de Stéphane Dor, directeur marketing de la LFP. sportstrategies.com. 160 A ce sujet : Deroubaix, C. (7 juin 2003). La cession des droits télé aux clubs de foot. L’Humanité. 161 La ligue italienne a abandonné en 1999 son système de répartition collective des droits de diffusion. Depuis, le championnat est secoué régulièrement par le mécontentement des petits clubs. En 2002-2003, le coup d’envoi du championnat a été retardé de 15 jours face au refus de huit clubs sans contrat de s’engager. En décembre 2005, le contrat de 218 millions d’euros entre la Juventus Turin et le groupe Mediaset pour l’exclusivité des matchs à domicile sur la période 2007/2009, a une nouvelle fois déclenché la vindicte des petits clubs. Toutefois, en juillet 2006, conscient des problèmes occasionnés par un tel système, le gouvernement italien a approuvé un retour à la vente collective de ces droits télévisuels. La moitié des recettes sera répartie égalitairement, l’autre moitié sera partagée en fonction de l’audience réalisée et des résultats de chaque club. 159 140/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique B - La propriété des clubs : des patrons aux groupes Les premiers temps du football d’élite furent marqués par la présence d’industriels à la tête de clubs : la Juventus de Turin a été fondée par Fiat en 1897, le Bayer Leverkusen par Bayer en 1904, le PSV Eindhoven par Philips en 1913, le FC Sochaux par Peugeot en 1925. Par la suite, avec la dimension télé-spectaculaire du football, on assiste à l’arrivée de sociétés de communication dans le capital des clubs (Canal + à Paris, Pathé à Lyon, M6 à Bordeaux, le groupe Berlusconi au Milan AC ou encore la tentative de rachat de Manchester United par BskyB pour 800 millions d’euros…). Dans cette logique d’intégration verticale, il s’agit de contrôler les droits de diffusion et de valoriser le spectacle sportif appelé à être retransmis sur les canaux des diffuseurs. Au-delà, on remarque qu’à l’initiative de projets de ligues fermées – finalité du processus de commercialisation des ligues – apparaissent des groupes de communication : Telefonica pour l’Euroligue de basket et Mediaset/Silvio Berlusconi pour le projet de Superligue en football (ces projets sont développés à partir de la page 269). Cette prise de contrôle des clubs par un opérateur privé tend à évoluer dans le sens d’une recherche accrue de la maximisation du profit. Ce sont dorénavant des fonds d’investissement et des groupes spécialisés dans la finance qui se lancent dans le sport professionnel. La compagnie anglaise ENIC, dont le siège est aux Bahamas, s’est engagée dès la fin des années 1990 dans de nombreux clubs européens. Le groupe détient des parts dans les clubs de Tottenham, Glasgow Rangers, AEK Athènes, FC Bâle, Vicence et du Slavia Prague. Lors de la saison 1998-1999, trois clubs dont ENIC détenait plus de 50% du capital étaient qualifiés pour les quarts de finale de la Coupe des Coupes. Afin de prévenir toutes formes d’arrangement, l’UEFA décide d’interdire à des clubs appartenant au même propriétaire (possédant 51% du capital ou plus) de participer à une même compétition dans laquelle ils pourraient s’affronter. ENIC porte l’affaire devant la Commission européenne qui, en 2003, donne raison à l’UEFA en stipulant qu’ « en aucun cas la règle ne semble aller au delà de ce qui est nécessaire pour s’assurer de son but légitime – assurer l’incertitude du résultat et garantir que le consommateur a la perception que les matchs joués relèvent d’une compétition honnête entre les participants…162» En France, le rachat du Paris Saint-Germain par deux fonds d’investissement et une banque d’affaires suit la même logique. En avril 2006, propriété de la chaîne Canal + depuis 15 ans, le club a été cédé pour une somme de 41 millions d’euros à Colony Capital, Butler Capital Partners et au groupe financier Morgan Stanley. Le groupe américain Colony Capital est spécialisé dans l’immobilier. Butler Capital Partners est une société d’investissement spécialisée dans les entreprises en difficulté. La banque d’affaires Morgan Stanley, basée à Londres, est une entreprise de services financiers parmi les plus importantes au monde. Chacun des trois groupes possédera 20% du capital du club, cédant les 40% restants à d’autres investisseurs. Selon Jean-François Bourg : « Auparavant, l’appel à des fonds privés était un moyen de développement pour un club. Désormais, c’est un but. La logique sportive en est affectée. Manchester United n’a pas acheté les meilleurs joueurs du monde pour ne pas se mettre à dos ses actionnaires, peu désireux de partager les recettes avec les joueurs. Au Brésil, les fonds d’investissement privilégient les profits liés à l’exportation de 162 Case COMP/37 806: ENIC/UEFA. 141/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local leurs joueurs, quitte à appauvrir le championnat local. » Il pointe alors les conséquences sur l’organisation du football : « L’étape suivante est la Superligue européenne fermée ou semi-fermée. Les incertitudes sportives disparaissent alors et les placements sont sécurisés. Le lobby des grands clubs européens, le G14, aimerait lancer cette formule, quitte à affaiblir les championnats nationaux et à ne plus respecter la solidarité avec les amateurs163. » C - L’accès au marché financier L’introduction en bourse peut être envisagée comme un élément du processus de transition du critère d’utilité à celui de maximisation du profit. Ainsi, David Conn, au sujet de la cotation des clubs anglais, remarque que « tous ces clubs qui ont été introduits en bourse – Manchester United, Newcastle United, Aston Villa, Chelsea, Tottenham – ont maintenant pour principal objectif de faire de l’argent pour leurs actionnaires » (Conn, 1998, p. 154). Dans la plupart des pays européens, les clubs professionnels sont autorisés à faire appel à l’épargne publique. Certes, le phénomène reste mineur - le Dow Jones Stoxx Football Index ne recense que 28 clubs cotés sur les principaux marchés financiers européens (tableau 31) 164 - mais témoigne que le football professionnel relève aussi d’une sphère marchande. Le recours aux marchés financiers, initié dès 1983 par le club londonien de Tottenham, s’est développé essentiellement au Royaume-Uni et au Danemark durant les années 1990. Par la suite, des grands clubs italiens et portugais ont fait appel aux investisseurs via les marchés. Les quatre dernières entrées en bourse recensées sont turques. Dans ce paysage, l’absence des championnats espagnols et français (jusqu’en 2007 pour ce dernier) est notable. En 2002, les clubs espagnols sont autorisés à entrer en bourse. Depuis, pas un n’a franchi le pas. Les clubs étant des associations à but non lucratif et appartenant aux supporteurs, l’introduction en bourse d’une part du capital reste difficile. En France, l’accès à cette source de financement a constitué une revendication de quelques présidents de clubs. Ils y ont vu un moyen de lever rapidement des fonds afin d’investir et de concurrencer « à armes égales » les plus grands clubs européens. Toutefois, cette requête s’est longtemps heurtée à la réticence des divers ministres successifs en charge des sports, soucieux d’en défendre la spécificité : le sport professionnel n’a pas à être considéré comme n’importe quel autre marché. En décembre 2005, la Commission européenne, identifiant une entrave à la libre circulation des capitaux, impose à la France de modifier sa législation interdisant l’entrée des clubs en bourse165. 163 Bourg, J.-F. (15 avril 2006). Le marché ne résume pas le sport. L’Humanité. L’indice ne prend en compte que les principaux marchés financiers. Le nombre de clubs cotés augmente si l’on tient compte des marchés secondaires. 165 Il s’agit de la loi du 28 décembre 1999 instaurant la société anonyme sportive professionnelle (SASP). Proche d’une société anonyme classique, la SASP offre divers intérêts aux investisseurs privés mais ne peut en aucun cas être cotée en bourse. 164 142/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Tableau 31 - Les clubs européens cotés en bourse selon le Dow Jones Stoxx Football Index Clubs Pays Marché Entrée Tottenham Hotspur Angleterre LES (London Stock Exchange) 1983 Sheffield United Angleterre LES (London Stock Exchange) 1989 Brondby IF Danemark Copenhagen 1991 Preston North End Angleterre LES (London Stock Exchange) 1995 Celtic PLC Ecosse LES (London Stock Exchange) 1995 Arhus Elite A/S (AGF Arhus) Danemark Copenhagen 1996 Silkeborg Danemark Copenhagen 1996 Aston Villa Angleterre LES (London Stock Exchange) 1997 Birmingham City Angleterre LES (London Stock Exchange) 1997 Charlton Athletic Angleterre LES (London Stock Exchange) 1997 Newcastle United Angleterre LES (London Stock Exchange) 1997 Southampton Leisure HLDG Angleterre LES (London Stock Exchange) 1997 Parken Sport & Entertainm (FC Kopehnagen) Danemark Copenhagen 1997 Aalborg Boldklub Danemark Copenhagen 1998 Schaumann Properties (Akademisk Boldklub 1889) Danemark Copenhagen 1998 Lazio (Rome) Italie Milan 1998 AFC Ajax Amsterdam Pays-Bas EURONEXT (NL) 1998 Futebol Clube Do Porto (FC Porto) Portugal EURONEXT (PT) 1998 Sporting (Sporting Clube de Portugal) Portugal EURONEXT (PT) 1998 Borussia Dortmund Allemagne XETRA (DE) 2000 AS Roma Italie Milan 2000 Millwall HLDG Angleterre LES (London Stock Exchange) 2001 Watford Angleterre LES (London Stock Exchange) 2001 Juventus (Turin) Italie Milan 2001 Besiktas Turquie Istanbul 2002 Galatasaray Turquie Istanbul 2002 Fenerbahce Sportif Hizmet Turquie Istanbul 2004 Trabzonspor Sportif Yatir Turquie Istanbul 2005 Cédant à l’injonction européenne, le ministre Jean-François Lamour souhaite imposer que les clubs désirant entrer en bourse possèdent leur stade ou en soient les gérants sur une longue période. La fialité est que la valeur cotée soit appuyée par un actif solide166. 166 Sur ce point, les avis sont mitigés. Selon Christophe Durand : « La propriété du stade est un faux problème. […] Quant à la nécessité d’être propriétaire pour faire apparaître cet actif au bilan et ainsi asseoir la valeur du club, il y a bien longtemps que la valeur des firmes ne dépend pas de leurs actifs matériels : l’approche patrimoniale est dépassée. Le décalage actif net/valorisation -boursière ou non- est devenu immense. » L’auteur poursuit en expliquant que l’assurance de participer de manière récurrente à une ligue puissante - une ligue sur un modèle fermé à l’échelle continentale par exemple - est bien plus valorisant que l’acte de propriété d’un stade : (Durand, 2006, p. 2). 143/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Cette précaution apparaît nécessaire tant l’expérience de l’appel au marché public semble peu convaincante. En effet, la bourse s’accommode mal avec l’aléa inhérent à l’activité sportive. Renneboog et Vanbrabant puis Allouche et Soulez montrent comment les résultats sportifs influencent partiellement le cours d’une action : positivement lors de victoires, de qualifications et de conquêtes de trophées ; négativement lors de défaites et d’éliminations (Allouche & Soulez, 2005; Renneboog & Vanbrabant, 2000). En conséquence, peu de clubs ont un cours supérieur à la valeur d’introduction. Une étude du cabinet Bourse Finance Sports, analysant neuf clubs cotés, met en évidence que, mis à part Manchester United, « l’ensemble des clubs présente à fin octobre 2002 un cours largement inférieur à leur cours d’introduction, généralement de 50% environ 167 . » Dès lors, quelques clubs parmi les plus prestigieux se sont retirés des marchés financiers. Le club mancunien n’est plus coté en bourse depuis l’OPA de l’homme d’affaires Malcom Glazer168. Il en va de même pour Chelsea depuis son rachat par le milliardaire russe Roman Abramovitch. Finalement, les clubs français sont autorisés à être côtés en bourse à partir du 30 décembre 2006, la Commission européenne ayant clos la procédure d’infraction engagée au nom de la libre circulation des capitaux. Le vendredi 26 janvier 2007 l’Olympique lyonnais est le premier club français à annoncer son introduction en Bourse sur l’Eurolist d’Euronext Paris. La holding Olympique Lyonnais Groupe, propriétaire à 100% de la SASP Olympique Lyonnais, place en bourse 28% de son capital, le président Aulas en conservant la majorité (50,01%) et le groupe Pathé détenant la minorité de blocage (33,34%). 3,6 millions d’actions ont été émises pour une valeur de 88,4 millions d’euros environ. Cette ouverture de capital a pour objectif de financer en partie le nouveau complexe sportif, OL Land (prévu en 2010), comprenant un nouveau stade de 60 000 places ainsi que des hôtels, des centres commerciaux et des bureaux, pour un coût de 300 millions d’euros. Il ne s’agit pas ici de peser les avantages et inconvénients d’une introduction sur les marchés financiers. Notre propos se limite à considérer que l’entrée en bourse peut être envisagée comme un élément dénotant une marchandisation du secteur ou, du moins, ressentie comme telle. Ainsi, dépêchée par le parti socialiste, Safia Otokore, la secrétaire nationale adjointe aux Sports, réagissait-elle de la sorte à l’autorisation faite aux clubs d’intégrer la bourse : « Les déclarations de M. Lamour s’inscrivent pleinement dans une logique ultra-libérale qui prétend asservir l’ensemble des activités sociales à des logiques de profits financiers et de marchandisation. » Selon elle, le ministre « admet implicitement que le sport professionnel relève principalement d’une logique marchande, en oubliant totalement les liens étroits qui unissent sport amateur et sport professionnel mais aussi l’apport considérable des collectivités publiques au sport professionnel169. » 167 Deroubaix, C. (11 janvier 2003). Les 5 chantiers de la planète foot... L’Humanité. Malcom Glazer est par ailleurs également propriétaire de l’équipe de football américain des Buccaneers de Tampa Bay. 169 Le PS radicalement hostile à l’entrée en bourse des clubs professionnels. (1er février 2006). TSR.ch. 168 144/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique D - L’évolution du statut juridique des clubs Les clubs professionnels ont longtemps été organisés en associations de type loi 1901. Toutefois, le statut d’associations sans but lucratif se révélait de moins en moins adapté aux clubs disposant d’une section professionnelle. Ceci justifie que la structure juridique des clubs a évolué sous l’impulsion de la loi du 29 octobre 1975, suivie par la loi du 16 juillet 1984, modifiée en 1999170. Cette dernière, dont les décrets d’application sont parus au Journal officiel en février 2001, constitue une avancée majeure dans la prise en compte de l’évolution commerciale des clubs. Néanmoins, dans le cadre de la conception française du sport, ce dispositif oscille entre éthique sportive et logique marchande. Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports à l’époque, déclarait que « la proposition de loi permet un développement et une gestion transparente des activités économiques liées au sport ; elle contribue à maintenir le secteur professionnel dans l’organisation fédérale. Tout en refusant l’immobilisme, cette proposition de loi fixe des limites conformes au respect des règles sportives. Elle permet aux clubs professionnels de se doter d’un statut juridique adapté à leur spécificité et à leur diversité. Si elle crée le statut de société anonyme sportive professionnelle, elle refuse de soumettre le sport à la seule logique de l’argent, en interdisant la cotation en bourse171. » Concrètement, la loi du 28 décembre 1999 stipule qu’une association sportive a l’obligation de créer une société pour gérer ses activités professionnelles dès lors que l’un des seuils annuels suivants est dépassé : - 1,2 millions d’euros pour les recettes liées à l’organisation de manifestations payantes ; - 800 000 euros pour les rémunérations nettes versées aux sportifs employés par le club, hors charges sociales et fiscales. La société commerciale doit alors adopter l’une des trois formes suivantes : la société anonyme à objet sportif (SAOS), l’entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée (EUSRL), la société anonyme sportive professionnelle (SASP) (tableau 32). Précisons que ce basculement juridique des clubs ne s’est pas fait simplement par un alignement sur le statut des sociétés commerciales « classiques » type loi du 14 juillet 1966. Envisagée un certain temps, cette formule de banalisation du club/entreprise a finalement été rejetée par le législateur soucieux de maintenir aux organisations sportives professionnelles, fussent-elles marchandes, un statut juridique particulier. 170 Loi n° 75-988 du 29 octobre 1975 relative au développement des activités physiques et sportives. Loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Loi n° 99-1124 du 28 décembre 1999 portant sur diverses mesures relatives à l’organisation d’activités physiques et sportives. 171 Discours de Marie-George Buffet, Travaux parlementaires, séance du 15 décembre 1999. 145/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Tableau 32 - Structures juridiques des clubs professionnels Répartition du capital Rémunération des dirigeants Distribution de dividendes aux actionnaires Société Anonyme à Objet Sportif (SAOS) Au moins 1/3 du capital détenu par l’association sportive support Non Non, les bénéfices sont affectés à la constitution de réserves Entreprise Unipersonnelle Sportive à Responsabilité Limitée (EUSRL) L’association support est l’associé unique et détient donc la totalité du capital Oui, le gérant de la société Non, les bénéfices sont affectés à la constitution de réserves Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP) Le capital social est librement réparti entre les actionnaires. L’association support doit avoir au moins une action. Oui Oui Société Anonyme d’Economie Mixte Sportive (SAEMS) La majorité du capital doit être détenue soit par l’association support seule, soit conjointement par cette association et les collectivités territoriales. Non Non, les bénéfices sont affectés à la constitution de réserves Sociétés sportives La structure juridique de l’association à statut renforcé est abandonnée. La constitution en société anonyme d’économie mixte locale sportive (SAEMLS) est dorénavant impossible. Toutefois, les clubs disposant de ce statut avant la loi peuvent le conserver. La SAOS et l’EUSRL gardent un lien organique avec l’association et ne peuvent distribuer de bénéfices. La SASP est la forme juridique la plus proche du droit commun des sociétés commerciales. Elle peut distribuer des dividendes et rémunérer ses dirigeants élus. En outre, l’association ne détenant pas une minorité de blocage, son financement peut s’opérer sans difficulté par des augmentations de capital. Si l’appel à l’épargne publique a été interdit dans un premier temps, cette option est dorénavant possible (voir le point précédent à la page 142). Afin de préserver l’équité et l’éthique sportive, une même personne privée ne peut participer au capital de plus d’une société sportive d’une même discipline. La SASP représente la forme vers laquelle s’oriente la majorité des clubs de football professionnels (tableau 33). Tableau 33 - Evolution de la structure juridique des clubs de football de L1 Association SAEMS EUSRL SAOS SASP TOTAL 1977 1989 1995 1999 2002 19 1 15 3 8 6 7 1 1 20 2 6 10 20 20 18 2 15 18 2003 2004 2005 2007 1 1 18 20 1 2 17 20 1 1 3 15 20 1 19 20 Source : LFP On observe néanmoins des différences entre les sports et, au sein d’une même discipline, selon les niveaux de championnats. La figure 28 compare ainsi la structure juridique des clubs de football (L1 et L2) et de basket (Pro A et Pro B) durant les saisons 2004-2005 et 2006-2007. Dans le football, la grande majorité des clubs opte pour la SASP, en Ligue 1 comme en Ligue 2. A l’inverse, la situation du basket témoigne d’une moindre maturité 146/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique commerciale. Les SASP et SAOS sont minoritaires. De nombreux clubs sont des associations à statut renforcé ou conservent la cogestion avec les collectivités locales. Figure 28 - Comparaison du statut juridique des clubs professionnels en football et basket (2004-2005 et 2006-2007) Peu après son arrivée au ministère des Sports, Jean-François Lamour complète cet ajustement à l’évolution commerciale du secteur. En février 2003, dans un entretien au quotidien Le Monde, il fait part de son intention de modifier la loi Buffet du 6 juillet 2000172. L’un des volets de cette loi concerne tout particulièrement le sport professionnel. Au sujet des droits télévisés qui appartiennent aux fédérations, le ministre déclare que « le but est de trouver un moyen pour que les clubs professionnels puissent mettre à l’actif de leur bilan leurs « parts » de droit. Or, aujourd’hui, ce n’est pas possible. A partir du moment où vous gonflez le haut de bilan d’un club, les investisseurs ont plus de visibilité. Le club, comme n’importe quelle société commerciale, apparaît alors plus solide. » Il 172 Loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. 147/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local ajoute : « Je n’ai jamais parlé de « propriété ». La loi précisera aussi que les droits télévisés devront être commercialisés de manière centralisée173. » L’autre élément du projet de loi affirme la prédominance de la société commerciale sur l’association au sein du club professionnel, la seconde devant céder à la première la marque et le numéro d’affiliation du club. Deux types de contestations radicalement opposées se sont élevés lors de cette annonce. D’une part, quelques présidents des clubs de football parmi les plus prestigieux dénoncent cette « copropriété » insuffisante à leurs yeux dans la mesure où ils seraient plus satisfaits d’une possession totale de ces droits, ce qui revient à remettre en cause le principe de solidarité. D’autre part, Marie-George Buffet, anciennement à la tête du ministère, dénonce le fait qu’on « déplace le curseur vers les sociétés commerciales. » Elle est appuyée par Serge Blanco, président de la Ligue Nationale de Rugby, pour qui « ce projet de loi risque de dépouiller Pierre pour enrichir Paul. Il va affaiblir le pouvoir des fédérations et des ligues professionnelles et renforcer celui des clubs. C’est une porte ouverte vers la création de groupements de clubs ou de compétitions privées. Le projet de loi fragilise le rôle d’organisateur et de régulateur des fédérations et des ligues [...]. Il va favoriser la capacité pour les clubs les plus puissants à organiser [...] des compétitions privées en dehors de la sphère fédérale174. » Finalement, le 16 juin 2003, le Journal officiel publie les deux décrets d’application de la loi Lamour portant sur la marque et le numéro d’affiliation. Un mois plus tard est publié le décret relatif aux droits de retransmissions audiovisuelles des compétitions. Comme cela a été annoncé, si les sociétés sportives peuvent désormais bénéficier des droits télévisuels, ceux-ci restent centralisés par la Ligue professionnelle qui s’attache à une répartition solidaire. Ces adaptations juridiques ont permis aux clubs français de se rapprocher de leurs concurrents européens (tableau 34). Toutefois, certains observateurs identifient dans ces ajustements une libéralisation du système, pouvant à terme mettre en péril la solidarité du modèle français175. Tableau 34 - Cadre institutionnel du football européen France Allemagne Angleterre Espagne Italie oui oui non non non clubs ligues/clubs clubs clubs clubs en cours oui oui oui oui Propriété du numéro d’affiliation du club société société société société société Propriété de la marque du club société société + association société société société oui* jusqu’à 49,9% jusqu’à 9,9% jusqu’à 5% interdite dans la même division Obligation d’existence d’une association Propriété des droits de retransmission Accès au marché financier Multipropriété des clubs *La loi du 15 décembre 2004 lève l’interdiction sur la multipropriété des clubs professionnels et interdit uniquement à une même personne privée de détenir le contrôle de plus d’une société sportive évoluant dans le même sport. 173 Davet, G., & Potet, F. (11 février 2003). Jean-François Lamour tend la main aux clubs professionnels. Le Monde. 174 Potet, F. (24 mai 2003). Selon Serge Blanco, le projet de loi de Jean-François Lamour menace l’organisation du sport. Le Monde. 175 A ce sujet, lire : Dhers, G. (24 décembre 2004). Le foot, droite au but. Libération. Gasparini, W. (6 août 2003). La pente néolibérale du sport. Libération. 148/368 Chapitre III : Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique Cette évolution du sport professionnel vers la sphère marchande appelle un débat de doctrine dans les instances politiques. Ainsi, la Commission au Conseil européen indique telle dans son rapport d’Helsinki sur le sport que, parmi les phénomènes affectant l’approche de l’Union européenne sur le sport, se trouve « le développement sans précédent de la dimension économique du sport avec par exemple l’augmentation spectaculaire des droits de télévision. » Le rapport pointe que cette évolution du secteur se caractérise par « la multiplication des événements sportifs lucratifs qui peut revenir à privilégier la logique commerciale au détriment de la logique sportive et de la fonction sociale du sport », de même que par « la tentation de certains opérateurs sportifs et de certains grands clubs de sortir du cadre des fédérations pour exploiter au mieux le potentiel économique du sport, à leur seul profit. Cette tendance peut remettre en cause le principe de solidarité financière entre le sport professionnel et le sport amateur, ainsi que le système de promotion-rélégation commun à la plupart des fédérations 176 . » C’est d’ailleurs à partir de ce constat que l’Union européenne a été amenée à considérer le sport professionnel comme une activité économique relevant du droit commun (cela sera développé dans le point III du chapitre 7 à la page 252). Pour Andreff et Staudohar, on assiste en Europe à la transition d’un modèle traditionnel du sport professionnel à un modèle contemporain (Andreff & Staudohar, 2000). Le premier, appelé SSSL (Spectators – Subsidies – Sponsors – Local), a perduré jusqu’au milieu des années 1980. Les sources de financement des clubs étaient avant tout assurées par les recettes guichets, les subventions de collectivités locales ou encore la participation d’un puissant sponsor. Le retrait des collectivités remplacées par les opérateurs télévisuels marque la médiatisation croissante du football et l’émergence du modèle MCMMG (Media – Corporations – Merchandising – Markets – Global). Le basculement d’un modèle à l’autre est évident dans la figure 29. Lors de la saison 1990-1991, les sources traditionnelles de financement (public, sponsors, subventions) représentent encore 85% des produits d’un club. Le retournement de tendance s’amorce véritablement au milieu des années 1990. Lors de la saison 1997-1998, pour la première fois, la part des sources SSSL chute sous la barre des 60% tandis que les sources MCMMG dépassent les 40%. Le basculement s’opère en 1999-2000. Le produit total des clubs augmente de 66% à la faveur d’un nouveau contrat télévisuel de 122 millions d’euros sur trois ans. Pour certains auteurs, cette commercialisation croissante du sport professionnel européen traduit une américanisation du système où l’objectif de maximisation du profit supplante dorénavant l’objectif de maximisation de victoires. Jean-François Nys résume : « La logique financière s’est imposée et le club de football est devenu une entreprise de spectacle sportif dont la rentabilité financière constitue un impératif pour les dirigeants. Car ceux-ci ne sont plus de généreux mécènes mais de plus en plus des financiers qui attendent une rémunération de leur investissement. Le club est devenu une entreprise qui doit dégager du profit et dont la valeur doit croître » (Nys, 2002, p. 15). 176 Rapport de la Commission au Conseil Européen dans l’optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale du sport dans le cadre communautaire - Rapport d’Helsinki sur le Sport - COM (1999) 644, le 10 décembre 1999. 149/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Figure 29 - La transition du modèle SSSL au modèle MCMMG en L1 (1990 à 2005) Nous venons ainsi d’expliciter une tendance à l’américanisation du modèle européen qui traduit une croissance des enjeux commerciaux. Toutefois, ce désir de profit, au contraire des Etats-Unis, se réalise en l’absence d’outils de régulation - ou du moins ces derniers ne sont pas aussi contraignants qu’en Amérique du Nord-. Nous voudrions alors montrer que ce processus conduit à un phénomène de concentration. Pour le dire autrement, les clubs des grandes villes seraient de plus en plus performants. Pour ce faire, il convient de présenter dans un premier temps le modèle et les données qui seront exploités. C’est l’objet du chapitre IV. 150/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess Chapitre IV Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les données I Le modèle de potentiel local Trudo Dejonghe se propose d’envisager le football professionnel comme un fait économico-géographique (Dejonghe, 2004). Selon lui, seules les localisations denses avec un fort taux de centralité sont en mesure de supporter un club professionnel. Dès lors, la taille du marché d’un club revêt une importance capitale. Dejonghe développe un modèle de croissance endogène selon lequel il existe une relation linéaire entre la taille du marché et la réussite sportive (figure 30). Figure 30 - Le modèle de croissance endogène Les ressources budgétaires des clubs sont puisées en grande partie dans le marché local et déterminent, via l’achat de ressources humaines (les joueurs), la performance sportive. Le cercle est vertueux dans la mesure où il s’auto-alimente de ses propres succès : une grande affluence dans les stades attirera d’autant plus de sponsors et de médias ; les revenus engendrés assurent le renforcement en joueurs de qualité et donc de bons résultats qui à leur tour influencent positivement la capacité d’attraction du club. 151/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local En France, une attention marquée sur cette question est fournie par Durand et Ravenel. En croisant le regard du gestionnaire et celui du géographe, le binôme appréhende l’influence stratégique de la taille du marché. Les différentes publications nées de cette collaboration visent en particulier à étudier la portée du critère démographique dans une Europe du sport professionnel en mutation (Durand & Ravenel, 2002a, 2002b, 2003; Durand, Ravenel, & Bayle, 2005; Durand, Ravenel, & Helleu, 2005). Ainsi les auteurs ont-ils développé le modèle de potentiel local. Dans son principe, il est relativement proche du modèle de croissance endogène de Dejonghe. Ces deux modèles synthétisent la relation transitive entre la taille du marché d’un club, les revenus qu’il en extrait et ses résultats sportifs. Le modèle de potentiel local se distingue toutefois dans sa conception qui relève du géomarketing. En isolant les quatre grandes clientèles pourvoyeuses des revenus des clubs, le modèle est une traduction fonctionnelle de l’aire de chalandise du club. Cette zone dans laquelle le club va recruter sa clientèle est certes dépendante en premier lieu des caractéristiques urbaines de la ville, mais aussi de la capacité du club à tirer le meilleur profit de sa situation par un jeu d’expertises (figure 31). Figure 31 - Le modèle de potentiel local des clubs sportifs professionnels Si le modèle suppose un lien transitif robuste entre potentiel local/recettes/dépenses/résultats sportifs, il évite de sombrer dans un certain déterminisme. Transformer une richesse locale en résultat sportif est en effet soumis à trois types d’expertises qui relativisent le modèle. A titre d’exemple, on peut citer le club de l’AJ Auxerre qui s’est très tôt orienté vers une politique de formation des joueurs (expertises 152/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess commerciale et sportive), ne pouvant trouver dans son potentiel local les ressources nécessaires pour recruter des stars. Le modèle s’inscrit donc en partie dans la théorie de la contingence qui veut qu’une structure dépende de son environnement : les trois expertises présentées dans le modèle, si elles laissent bien une possibilité d’infléchir le réel, sont pourtant directement dépendantes du potentiel local de sorte qu’un mauvais manager à Paris se trouve dans une situation plus confortable qu’un bon manager à Guingamp. En d’autres termes, un club disposant d’un réseau commercial puissant, d’un management rigoureux et d’un staff technique performant peut combler une localisation dans une zone économiquement faible. Toutefois, à expertises identiques, les grandes villes riches offrent des possibilités de résultats supérieurs. Jusqu’à présent, nous avons abordé le critère démographique au travers du vaste concept de « marché ». Celui de potentiel local constitue un saut qualitatif dans son souci de modéliser les domaines d’intervention du marché. En effet, il développe l’approche globale nord-américaine de city market size (Scully, 2001) en identifiant les quatre grands types de clientèle à la disposition d’un club : le public direct (A), les entreprises (B), les collectivités (C), les médias (D). A - Le public direct En France, le public direct représentait plus de 80% des recettes au début des années 1970. Pour la saison 2004-2005, la part des recettes de matchs dans le produit total des clubs n’était plus que de 19% pour la L1 et 10% pour la L2177. Toutefois, il ne faut pas éliminer cette composante essentielle sous prétexte d’une diminution de son poids dans les budgets. Elle reste en effet, essentiellement en France, une source de revenus à développer. A titre d’illustration, en 2004-2005, la Premier League anglaise jouissait d’un taux de remplissage des stades de 94,1% avec un nombre total de spectateurs cumulés de plus de 12,5 millions, soit une affluence moyenne de 34 000 spectateurs. En France, la même année, la Ligue 1 établit son record en attirant 8,1 millions de personnes dans les stades, soit une affluence moyenne de 21 300 personnes par match pour un taux de remplissage de 73%. Des cinq grands championnats européens, la L1 est celui qui attire le moins de monde. De plus, selon le rapport « Football professionnel – Finances et perspectives » de 2005, les clubs allemands de première division accueillent en moyenne 37 800 spectateurs (grâce à la réfection des stades pour la Coupe du Monde 2006), les clubs espagnols 28 300 et les clubs italiens 25 000. La figure 32 présente une photographie détaillée des affluences dans les championnats de France de L1 et L2 au cours de la saison 2003-2004. En L1, seulement un quart des clubs dépasse les 80% de taux de remplissage tandis que les trois-quarts comptent moins de 60% d’abonnés. En L2, 18 clubs sur 20 ont des affluences inférieures à 10 000 spectateurs. 177 DNCG - LFP, Comptes des clubs professionnels saison 2004-2005, 2006. 153/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Figure 32 - Détails des affluences dans les championnats de France de L1 et L2 (2003-2004) En comparaison à d’autres grands championnats européens, la demande du produit « football » est relativement faible. La capacité des clubs à augmenter les tarifs des billets s’en trouve donc réduite. En 2004-2005, le prix moyen des places en France est de 13,35 euros, soit plus de trois fois moins que ce qui est pratiqué en Angleterre (44 euros). La même année, le prix moyen des places en Espagne et Italie est de 25 euros. Il est de 19 euros en Allemagne mais la réfection des stades pour la Coupe du Monde devrait permettre aux clubs une hausse tarifaire. Or, dans un contexte de dépendance vis-à-vis des droits de diffusion susceptibles de diminuer avec l’annonce de la fusion des opérateurs télévisuels privés, les politiques de billetterie et de merchandising sont appelées à être optimisées. Il s’agit de fidéliser les spectateurs tant au cours d’une saison que d’une saison à l’autre. Ainsi, comme le signale 154/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess un rapport Deloitte & Touche, « les clubs ont besoin des supporters, pas seulement pour faire d’un match un spectacle, mais aussi pour former la base d’une source de revenus directe par leurs entrées au stade, et indirecte par le merchandising et les droits télévisuels178. » Dans cette perspective, les offres d’abonnement et le suivi commercial se sont largement développés. Ce système a entraîné dans les clubs la création quasi généralisée de structures marketing en charge de la relation auprès de la clientèle locale. De la même manière, les entreprises de spectacle sportif disposent maintenant de salariés responsables des rapports avec les associations des supporters, de l’édition de magazines dédiés à l’équipe et de l’animation de sites Internet propres à entretenir le lien entre le club et ses spectateurs. Cette relation avec la communauté locale est une constante dans la communication des clubs. John Bale a conceptualisé l’aire d’attraction d’un club en la nommant « Fandom » ou « la région des fans » (Bale, 1989, pp. 123-128). Différents facteurs interviennent sur l’étendue de cette aire d’attraction : la taille de la ville, la réussite sportive de l’équipe, la qualité de l’adversaire. Par ailleurs, le géographe anglais soutient que l’aire d’influence d’un club est soumise à la distance que consent à parcourir le public potentiel. Ainsi, la demande décline-t-elle lorsque la distance au stade augmente179. Carte 2 - Les abonnés du Stade Malherbe de Caen (1996, L1) Face à la difficulté d’accéder à ces données, il demeure ardu de dresser une carte de l’origine géographique des spectateurs. Toutefois, les rares études disponibles montrent que l’origine géographique de cette clientèle directe est essentiellement locale et régionale. Bonnafy et Riffaud ont ainsi comparé deux matchs du club de basket du CSP Limoges (Bonnafy & Riffaud, 1989). Les auteurs ont calculé une attraction moyenne de 41,6 km pour le match contre le CSKA Moscou, et de 83,3 km pour le match contre Cholet. Certes, les deux affiches n’étaient pas de même qualité. Dans le premier cas, il s’agissait d’un match de Coupe d’Europe un mercredi soir. Dans le second cas, le club limougeaud recevait un samedi soir une équipe réputée du championnat national. La quantité de spectateurs semble bien être proportionnelle à la population de la ville dans laquelle le club est situé (Walker, 1986). A Lens, 78% du public du RCL sont issus d’un rayon de 25 km (Dewailly, 1985). A Caen, 80% des abonnés du Stade Malherbe (football) sont concentrés dans un rayon de 30 km autour du club (Helleu, 2000) (carte 2). 178 Deloitte & Touche, Comparative Review of Sports Finances, 2002, p. 17. Voir les chapitres 4 (Football, the stadium and a sense of place) et 5 (When Saturday comes: football as nuisance) dans (Bale, 1993). 179 155/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local B - Les entreprises Les entreprises sont prioritairement recherchées depuis les années 1990. Les firmes partenaires présentent en effet une double caractéristique très appréciée des clubs. Elles sont relativement inélastiques au prix et généralement solvables. Toutefois, les dépenses de partenariat, notamment pour les PME locales, sont largement dépendantes de la conjoncture. Comme toutes les charges de communication, les phases de récession s’accompagnent de coupes sombres dans ce type de dépenses. Sur le plan géographique, les entreprises demeurent, tant en termes quantitatifs que qualitatifs, fortement liées à la taille de la ville. La hiérarchie économique se calque sur la hiérarchie urbaine à travers les effets d’agglomération bien connus. Ce sont les grandes métropoles qui détiennent à la fois les firmes les plus importantes et, par effet de masse, le plus grand nombre d’entre elles. Ce besoin renforce l’influence du potentiel local. Un désert de firmes est peu propice aux entreprises de spectacle sportif. Cependant, pour les plus grands clubs, qui évoluent régulièrement à l’échelon continental, les apports privés proviennent en partie d’investisseurs évoluant dans des logiques d’échelles nationales, voire internationales. Opel, Fiat, Adidas et autres grandes multinationales ont depuis longtemps dépassé les logiques locales pour des stratégies de communication continentales. C - Les collectivités locales Une collectivité locale forte est une autre condition d’implantation. Les raisons de ce soutien public sont multiples et connues. Elles peuvent se décliner selon trois grandes tendances. Il y a tout d’abord le besoin de communication externe avec une image véhiculée par le sport qui permet parfois largement de dépasser les frontières nationales. Une démarche complémentaire réside dans la communication interne : le sport professionnel est alors envisagé comme une animation fédératrice, un élément d’appartenance locale dont la portée électorale est souvent loin d’être négligeable. Enfin, il existerait des retombées économiques pour une ville ou une communauté du fait de la présence d’une entreprise de spectacle générant de l’activité induite. 1. Le cas français Certes, le soutien direct de la sphère publique tend à diminuer sous les injonctions de la Commission européenne soucieuse de prévenir toute distorsion de concurrence. Néanmoins, en France, les collectivités territoriales peuvent soutenir leur club de trois façons : - par le subventionnement public ou l’achat de prestations dans les limites fixées par la loi ; par un soutien indirect ; par la mise à disposition d’installations sportives. Alors que les subventions auraient dû être totalement abolies à l’horizon 2000 par la législation Pasqua, la loi Buffet sur le sport de 1999 rétablit le soutien des collectivités territoriales aux clubs sportifs professionnels. Compte tenu des objectifs éducatifs, de formation et d’intégration, la Commission a accepté l’attribution de ces subventions, considérant qu’elles ne perturbaient pas la compétition entre les grands clubs. Le décret 156/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess n°2001-828 du 4 septembre 2001 fixe en effet le montant maximum des subventions publiques à 2,3 millions d’euros pour des missions d’intérêt général180. Le même décret encadre l’exécution de contrats de prestations de services181. Le montant maximum des sommes versées par les collectivités est limité à 30% des produits du compte de résultat de l’année précédente et plafonné en valeur absolue à 1,6 millions d’euros. Une enquête parue en 2002 dans le journal L’Expansion affirme que « tous les clubs contournent allègrement la nouvelle loi sur le sport de Marie-George Buffet, votée en 1999. […] Un an après la publication des décrets d’application, notre enquête le prouve, les clubs ont encore du mal à couper le cordon et à rompre avec leurs mauvaises habitudes. Les manoeuvres utilisées pour grappiller auprès des collectivités locales quelques faveurs sonnantes et trébuchantes sont toujours largement répandues. Dans certains cas, elles multiplient par trois ou quatre les montants autorisés par le législateur182.» Dans la même enquête, le directeur sportif d’une municipalité consent : « on est trop souvent à la limite de l’illégalité. Il n’y a souvent aucune contrepartie aux versements des subventions. Les missions d’intérêt public ? On y met ce qu’on veut... » Ces manœuvres sont multiples : exonération de la taxe sur le spectacle, mise à disposition gratuite des installations sportives, entretien et travaux du stade à la charge de la ville (figure 33). Figure 33 - Le contournement du subventionnement public selon le joural L’Expansion 180 Ces missions sont déclinées sur trois axes : la formation (dépenses de fonctionnement et d’investissement liées à l’activité du centre de formation), l’insertion (programmes de promotion du sport par les joueurs professionnels, notamment en quartiers dits « difficiles ») et la sécurité (financement d’actions de lutte contre la violence, le racisme et les incivilités dans les stades). 181 Achats de places dans les enceintes sportives, achats d’espaces publicitaires lors de manifestations sportives, apposition du nom ou du logo de la collectivité territoriale sur divers supports de communication. 182 Meignan, G., & Maillard, E. (27 novembre 2002). Ce que vous coûte vraiment votre club de foot. L’Expansion. 157/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local 2. Le cas canadien Malgré ce désengagement, la bienveillance de la sphère publique est primordiale. Une nouvelle fois, le cas nord-américain est riche d’enseignements, plus encore si l’on pose l’hypothèse d’une mise en place prochaine en Europe d’un réseau fermé s’inspirant du modèle des ligues hermétiques. Les équipes américaines bénéficient d’un soutien massif des collectivités qui, pour attirer des équipes puis les retenir, assument en grande partie la construction d’équipements sportifs. Ainsi, les 122 franchises des quatre ligues majeures occupent 106 installations sportives. En effet, 11 arènes accueillent à la fois du basket et du hockey, trois stades du football et du baseball, et d’autres installations sont partagées par des équipes évoluant dans une même discipline (par exemple, le staple Center par les Lakers et les Clippers ou le Giants Stadium par les Giants et les Jets). Sur ces 106 installations, 71 (66%) ont été construites après 1990, décennie qui marque une accélération du nombre de constructions. Rien qu’entre 1995 et 1999, on observe l’édification de 31 nouvelles installations. Le coût de construction totale de ces 71 équipements récents est de 17,2 milliards de dollars. En moyenne, une arène nécessite 185 millions de dollars et un stade un peu plus de 300 millions de dollars. Sur ces 17,2 milliards de dollars, la sphère publique a déboursé 10,2 milliards (60%) (tableau 35). Tableau 35 - Financement des installations sportives nord-américaines depuis 1990 (en millions de $) Nombre Coût total Coût moyen Subventions moyennes % Sphère Publique 35 36 10 571 6 670 302 185 202 95 67% 51% Stades Arènes Source : National Sports Law Institute of Marquette University Law School, 2006 La participation de la sphère publique oscille entre 0% (essentiellement au Canada où le contribuable-citoyen est totalement réfractaire au financement du sport professionnel) et 100%. Afin de percevoir les enjeux liés au soutien de la sphère publique, l’exemple canadien est particulièrement enrichissant. Depuis 1990, sur les cinq nouvelles salles, seule celle d’Ottawa a perçu une subvention de 38 millions de dollars (tableau 36). Tableau 36 - Financement des installations canadiennes depuis 1990 (en millions de $) Franchise Toronto Raptors Montreal Canadiens Ottawa Senators Toronto Maple Leafs Vancouver Canucks Ligue NBA NHL NHL NHL NHL Arène Année de construction Coût Subvention % Sphère Publique 1999 1996 1996 1999 1995 239,5 230 181 239,5 144,5 0 0 38,01 0 0 0% 0% 21% 0% 0% Air Canada Center Bell Centre Corel Centre Air Canada Center General Motors Place Source: National Sports Law Institute of Marquette University Law School, 2006 De plus, au Canada, une charge fiscale est perçue en grande partie au niveau des provinces et des villes. En 1997, en NHL, le montant des impôts fonciers et des impôts sur le capital versé par l’ensemble des 21 équipes étasuniennes de l’époque (4,1 millions) correspond au quart de ce qui est versé par les six clubs canadiens (21,8 millions). Le Canadien de Montréal paie ainsi des taxes foncières et des taxes sur le capital à hauteur de 11 millions de dollars canadiens, soit 500 fois les 23 000 dollars payés par les Red Wings de Detroit. 158/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess Cet environnement défavorable met en difficulté les équipes canadiennes, essentiellement celles de hockey dont la présence au sein de la NHL est symboliquement importante. En juin 1999, le Forum des Politiques Publiques183 organise une table ronde entre la sphère publique et les équipes professionnelles afin d’envisager « une solution commune » pour rendre les clubs compétitifs. A la suite de cette entrevue, le ministre fédéral de l’industrie, John Manley, songe à annoncer une aide financière pour les équipes canadiennes. Mais une semaine plus tard, le projet fut abandonné sous la pression de mouvements citoyens peu enclins à voir aider des clubs professionnels dont l’activité, même si elle concerne le sport national, relève de la sphère privée. Surtout au regard des salaires des joueurs, le recours à l’argent public pour aider les clubs est jugé indécent. Ces conditions désavantageuses ont incité et incitent toujours les propriétaires des équipes canadiennes à rechercher des villes plus propices au développement de leur activité. Cela provoque une délocalisation des équipes canadiennes aux Etats-Unis. C’est ainsi que le 25 mai 1995, l’équipe des Nordiques de Québec est vendue à COMSAT Enterprises qui délocalise la franchise à Denver en lui attribuant le nom des Avalanches. A la frustration d’assister au départ d’une équipe représentant Québec depuis 15 ans en NHL qui s’était formée sur des prétentions identitaires en alignant des joueurs et une équipe dirigeantes francophones, s’ajoute celle de voir les Colorado Avalanches remporter la coupe Stanley dès leur première saison. Ce départ se justifie par le manque d’assistance de la sphère publique. Le président des Nordiques, Marcel Aubut, mise en effet sur la construction d’un nouveau Colisée de 19 000 places dont il pense que les affluences permettraient de s’acquitter des salaires de joueurs vedettes. Mais les pouvoirs publics refusent de financer ce projet comme c’est l’usage aux Etats-Unis. Aucun investisseur privé ne se présente pour injecter des sommes dans l’équipe. C’est donc pour 75 millions de dollars que le club est vendu. Un an plus tard, c’est au tour de Winnipeg de perdre sa franchise malgré le soutien de fans inconditionnels qui peignent sur les murs de la ville les initiales « SOJ » (Save Our Jets). Nouvelle propriété de Jery Colangelo qui possède déjà les Suns de Phoenix (NBA) et les Diamondbacks d’Arizona (MLB), la franchise est implantée à Phoenix. Il existe encore de nombreux sites Internet qui entretiennent le souvenir des Jets et qui militent pour le retour d’une franchise NHL à Winnipeg. Cette logique de délocalisation concerne également d’autres sports. En 1995, la NBA met en place deux franchises au Canada (à Toronto et Vancouver). Faute de résultats sportifs et en raison d’une faible affluence (13 000 spectateurs par match), le propriétaire des Grizzlies de Vancouver, Michael Heisley, a déménagé son équipe à Memphis. De même en septembre 2004, après 36 ans passés à Montréal, les Expos (MLB) jouent leur dernier match devant 31 395 spectateurs avant la délocalisation de la franchise à Washington. 183 Le Forum des Politiques Publiques est une organisation nationale qui se fixe pour objectif d’améliorer au Canada la qualité du gouvernement grâce à un dialogue amélioré entre le secteur public, le secteur privé et le secteur communautaire. 159/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local D - Les médias Les grandes chaînes de télévision sont devenues des opérateurs incontournables pour les ligues sportives professionnelles. Comme nous l’avons exposé précédemment, l’augmentation prodigieuse des droits de retransmissions télévisuelles dans les années 1990 a permis une croissance et une inflation sans précédent du budget des équipes. En France, depuis 1990, les revenus télévisuels de la L1 ont été par exemple multipliés par 35 pour atteindre en 2005-2006 un total de 523,5 M€ (figure 34). Bien que l’on s’attende à un plafonnement, voire à une régression de cet apport financier, les télévisions sont aujourd’hui les principaux clients des clubs de football européens, à l’exception du cas anglais. A priori, cette clientèle n’a pas de corrélation directe avec le potentiel local. Le marché pertinent est généralement constitué dans ce cas par les diffuseurs nationaux qui négocient collectivement les droits avec les ligues. Un système de redistribution plus ou moins solidaire permet ensuite un rééquilibrage entre « gros » et « petits ». L’apparition de quelques diffuseurs régionaux en Allemagne ou en Espagne a un peu modifié les données. Ainsi, la chaîne allemande Tm3 a obtenu en 1999 les droits de la Ligue des champions au détriment des diffuseurs nationaux alors même que sa couverture nationale n’était pas totale. Dans le cas des diffuseurs télévisuels et plus largement des droits à distance, la localisation du club n’a que peu d’influence sur son niveau de recettes. Située dans une métropole multi-millionaire ou dans une ville de quelque 200 000 habitants, les sommes perçues seront globalement identiques. De cette façon, ces droits télévisuels contribuent en principe à l’homogénéisation du territoire sportif en permettant des localisations a priori indépendantes des potentiels locaux, mais aussi des résultats sportifs ou de leur présence effective sur les écrans de télévision. Figure 34 - La progression des revenus télévisuels en L1 de 1990 à 2005 (en millions d’€) Néanmoins, ces a priori méritent aujourd’hui d’être nuancés, voire rectifiés en raison des bouleversements quotidiens observés au sein de la sphère des médias sportifs. En effet, les idées de redistributions solidaires volent en éclat sous les insistances et injonctions répétées des plus grands clubs. Les résultats sportifs et l’exposition médiatique sont désormais primordiaux et accentuent le fossé entre les clubs de niveau continental et les autres. Les 160/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess éléments favorisés au départ par le potentiel local (spectateurs, entreprises, collectivités territoriales) sont désormais démultipliés par les retombées télévisuelles. La clé de répartition des droits de la Ligue des champions mise en place sous la pression des grands clubs illustre ce point. En 2006, sur les 432 millions d’euros de recettes communes, la moitié est ventilée dans le cadre du « market pool ». Ce système correspond simplement à un reversement des droits télévisuels obtenus dans chaque pays. Ainsi, le club de Lille, éliminé lors de la phase de poules, a-t-il bénéficié de 11,3 millions d’euros au titre du market pool. L’Olympique Lyonnais, éliminé en quarts de finale, a perçu 16,1 millions d’euros. Dans le même temps, le club portugais de Benfica, également quart de finaliste, n’a gagné que 1,9 millions d’euros. Les clubs français ont bénéficié de la présence sur leur marché des deux opérateurs majeurs que sont TF1 et Canal +. Comme on l’observe sur la figure 35, une implantation dans un pays riche, disposant sur son territoire d’opérateurs puissants qui se livrent une bataille concurrentielle forte, est un élément très favorable. Paradoxalement, la diminution probable de ce financement risque d’accroître l’influence stratégique des facteurs locaux. En effet, les clubs situés dans des zones au potentiel élevé pourront plus facilement amortir la baisse des droits par un transfert vers les autres types de clientèle. Figure 35 - Répartition du market pool lors de l’édition 2005-2006 de la Ligue des champions (en millions d’euros) Il convient aussi de prendre en compte l’échelle des réseaux télévisuels. Jusqu’ici, surtout en France, ils sont essentiellement nationaux. De ce fait, ils restent relativement objectifs envers les diverses formations présentes sur leur territoire. Mais, comme on le constate en Espagne, Italie ou Allemagne, il existe à côté d’opérateurs nationaux forts, des télévisions régionales qui pourraient trouver dans le ou les clubs de leurs zones de chalandise, des investissements très prometteurs. Ici encore, le potentiel local intervient dans la mesure où plus la zone sera peuplée, plus importantes seront les retombées financières. On pourrait alors assister à une complémentarité entre les différents niveaux géographiques du financement. 161/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Précisons toutefois qu’en France, la loi du 1er août 2003 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives modifie l’approche sur les droits audiovisuels184. L’article 18-1 II prévoit qu’une fédération sportive peut céder aux clubs « à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées chaque saison sportive par la ligue professionnelle […], dès lors que ces sociétés participent à ces compétitions ou manifestations sportives. La cession bénéficie alors à chacune de ces sociétés. » Cependant, si les clubs sont désormais propriétaires des droits audiovisuels, c’est à la ligue professionnelle que revient la possibilité de les commercialiser comme le souligne l’article 2 du décret du 15 juillet 2004 : « la ligue professionnelle commercialise à titre exclusif les droits d’exploitation audiovisuelle et de retransmission en direct ou en léger différé, en intégralité ou par extraits, quel que soit le support de diffusion, de tous les matchs et compétitions qu’elle organise. Il en est de même des extraits utilisés pour la réalisation de magazines d’information sportive185. » Cette « co-propriété » des droits entre la ligue et les clubs – à charge pour la première de les négocier et d’en répartir le montant entre les clubs ; aux seconds la possibilité de les inscrire à l’actif de leur bilan comptable – se présente ainsi comme un compromis entre la volonté des clubs les plus puissants de négocier individuellement leurs droits et la nécessité de maintenir le principe de mutualisation. Au-delà, les clubs ont désormais la possibilité d’exploiter le différé du match ou d’autres images produites en interne. Un document de la LFP intitulé, Règlement audiovisuel, se propose alors de « permettre aux clubs d’exploiter de manière cohérente leurs droits audiovisuels » en organisant « de manière rationnelle et homogène l’exploitation de leurs droits audiovisuels par les clubs afin de leur permettre d’optimiser au mieux l’exploitation audiovisuelle des matchs auxquels ils participent186. » Ce document imposé par le décret du 15 juillet encadre la multiplication de l’offre d’images par les clubs sur divers supports (télévisions, Internet). En effet, lors de la saison de L1 2005-2006, quatre clubs – Lille, Lyon, Marseille, Nantes – offrent sur leur site Internet différents services payants tels que la diffusion du match, des émissions et reportages, les vidéos des buts, des images des séances d’entraînements ou encore des interviews de joueurs (tableau 37). Cette offre Internet complétée par l’émergence de chaînes et programmes télévisuels de clubs n’est pas circonscrite à l’espace local du club. Au contraire, cette possibilité technologique permet aux supporters de suivre à distance la vie de leur club favori. Toutefois, on peut également postuler que ces moyens technologiques renforcent l’adhésion d’un public local en complétant la venue au stade par un accès à des images exclusives sur le quotidien du club. Dès lors, ces programmes techniquement accessibles de part le monde, seraient en fait majoritairement suivis par un public ressortissant du potentiel local des clubs. 184 Loi n° 2003-708 du 1er août 2003 modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. 185 Décret n° 2004-699 du 15 juillet 2004 pris pour l’application de l’article 18-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 et relatif à la commercialisation par les ligues professionnelles des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives. 186 Règlement audiovisuel de la LFP de la saison 2006/2007 adopté le 31 mars 2006, p. 2. 162/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess Tableau 37 - L’offre d’images par les clubs de L1 sur Internet (mai 2006) Matchs Emissions Vidéos des Vidéos des et Interviews buts entraînements reportages L1 Ajaccio Auxerre Bordeaux Le Mans Lens Lille Lyon Marseille Metz Monaco Nancy Nantes Nice Paris St Etienne Sochaux Strasbourg Toulouse non non non oui oui oui oui oui (résumé) non oui (résumé) non oui (résumé) service non encore disponible service non encore disponible non non oui non oui non non oui non oui oui oui oui oui oui oui oui oui service non encore disponible service non encore disponible service non encore disponible oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui oui non oui non service non encore disponible oui oui oui non non non oui oui oui oui oui non oui non oui L2 Amiens Bastia Brest Caen Châteauroux Clermont Créteil Dijon Gueugnon Grenoble Guingamp Le Havre Istres Laval Lorient Montpellier Reims Sedan Sète Valenciennes non oui (résumé) oui (résumé) non non oui (résumé) oui (résumé) non non oui (résumé) non oui non service non encore disponible non non non oui oui oui non oui non non oui non service non encore disponible service non encore disponible service non encore disponible non non non non oui non non non non non non non non non non service non encore disponible service non encore disponible service non encore disponible service non encore disponible service non encore disponible service non encore disponible oui oui oui non oui oui non oui non non Source : Profession Football, n° 44, mai-juin 2006 en italique les services payants. 163/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local II L’objectivation du potentiel local Idéalement, la mesure du potentiel local devrait s’effectuer à partir d’une évaluation précise des quatre types de clientèles afin d’être le plus fidèle possible au modèle. Mais on se heurte rapidement aux problèmes d’accès aux données, « leur conquête opposant autant d’embûches que celles de la toison d’Or et du Graal réunies », pour reprendre l’expression du géographe Roger Brunet (Brunet, Ferras, & Thery, 1993, p. 168). La volonté d’étendre cette recherche à l’espace européen sur 30 années rend d’autant plus difficile la construction d’une base de données valide tant les sources, lorsqu’elles existent, sont si disparates que la fiabilité des données serait corrompue faute de comparabilité. Dès lors, nous devons nous en remettre à un postulat. Il consiste à envisager que, par un effet de masse, les quatre types de clientèles sont d’autant plus importantes, qualitativement et quantitativement, que le marché est grand. Ce postulat reste toutefois fondé sur de nombreuses recherches en géographie économique187, à commencer par les travaux précurseurs de Von Thünen et Christaller (Christaller, 1933; von Thünen, 1994). Une autre question essentielle est celle de la délimitation du potentiel local. Intuitivement, un premier élan pourrait circonscrire le potentiel local à la ville hôte du club. Bourg et Gouguet rappellent qu’ « il est donc primordial de déterminer le poids économique des villes pour apprécier le soutien que ces dernières peuvent apporter à leur équipe de football professionnel. De multiples débats existent entre économistes pour déterminer quelles variables il faut retenir pour mesurer un tel poids. Très souvent, faute de données plus précises, on se contente de retenir la seule population mais quelques études existent pour dépasser cette vision réductrice et compléter l’approche démographique » (Bourg & Gouguet, 2007, p. 205). Les auteurs s’en remettent donc au classement des 180 villes européennes de plus de 200 000 habitants réalisé par la DATAR sur la base de 15 critères. Nous nous inscrivons dans une démarche similaire : contraints de réduire le potentiel local des clubs à un critère démographique, nous tentons de le compléter par des variables qualitatives dans un souci de comparaison à l’échelle européenne. Dans cette perspective, la base de données ESPON nous a semblé l’outil le plus adéquat. 187 La géographie économique est développée par des géographes soucieux d’élaborer une théorie de la localisation des activités économiques. Parallèlement, des économistes ont intégré la dimension spatiale dans leurs analyses, fondant ici un courant d’économie spatiale. Dans les faits, géographie économique et économie spatiale se confondent en une entité nouvelle, la science régionale (Bailly, 2004). 164/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess A - Le programme ESPON et le concept de FUA Le programme ESPON 188 (European Spatial Planning Observation Network) a pour mission d’établir un système permanent d’observation du territoire européen. Ce programme est financé à hauteur de 12 millions d’euros pour la période 2002/2006 par les Etats membres de l’Union européenne et de la Commission, réunis dans le cadre du programme d’initiative communautaire INTERREG III (lancé en 1990, ce programme d’initiative communautaire vise à favoriser la coopération transeuropéenne pour le développement d’un territoire européen équilibré et harmonieux). L’objectif principal est de développer les connaissances sur les structures territoriales, les tendances en matière de développement spatial ainsi que les impacts des politiques territoriales dans l’Europe élargie. Le programme ESPON est constitué d’équipes de recherche européennes au service de la sphère politique pour faciliter l’approche prospectiviste de l’aménagement du territoire. Le projet est structuré en cinq priorités dont les trois premières sont axées sur la recherche. On distingue alors les études thématiques (priorité 1), l’impact territorial des politiques (priorité 2) et enfin les projets transversaux (priorité 3). Le projet ESPON 111 – Potentials for polycentric development in Europe – est celui qui reçoit le plus d’attention de la communauté scientifique et politique. Il concerne 25 pays de l’Union, deux pays adhérents (la Bulgarie et la Roumanie) ainsi que la Suisse et la Norvège en qualité de partenaires privilégiés (UE27+2)189. Le constat a été fait que la géographie économique de l’Europe est caractérisée par une structure en centre/périphérie. Le centre, plus connu sous le terme de « banane bleue », est appelé « pentagone » dans le cadre du projet Oracle (voir l’annexe 11 à la page 309). Ce centre névralgique est dans l’aire délimitée par Londres, Paris, Milan, Munich et Hambourg. Il concentre environ 14% de la superficie de l’UE27, 32% de sa population et 43% de son PIB. L’objectif du projet 111 est d’identifier des réseaux de villes susceptibles de contrebalancer le poids du pentagone. A terme, la finalité politique est d’aboutir à un territoire européen polycentrique et mieux équilibré tel qu’il fut envisagé dans le cadre du Schéma de Développement de l’Espace Communautaire (SDEC). Si le projet 111 se montre utile dans le cadre de notre recherche, ce n’est pas seulement pour son approche du polycentrisme. Il présente deux apports essentiels. En premier lieu, il faut souligner la fiabilité des données. Auparavant éclatées entre des organismes nationaux ou européens, elles sont ici intégrées dans des bases de données géographiques avec le plus souvent un niveau très fin d’analyse190. Si les bases de données ne sont pas accessibles au grand public, il est toutefois possible de récupérer les données les plus intéressantes dans 188 En français : ORATE (Observatoire en Réseau de l’Aménagement du Territoire Européen) Site officiel : http://www.espon.eu/ Antenne française : http://www.ums-riate.com/orate.html 189 Il convient de préciser que la base n’opère pas de distinction entre les différents pays du Royaume-Uni (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles, Irlande du Nord), si bien que l’on peut considérer qu’elle regroupe en fait 32 pays. 190 Il est vrai toutefois que l’hétérogénéité des données au niveau européen constitue l’une des limites à ce travail. En particulier, les auteurs n’ont pu faire autrement que de recourir à des données de niveau NUTS 3 pour caractériser des villes. Rappelons que la nomenclature NUTS (Nomenclature des Unités Territoriales Statistiques) est le découpage officiel de l’UE pour les statistiques régionales. En Europe, il existe 1 214 régions NUTS 3, correspondant aux départements français. 165/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local les annexes du rapport191. En second lieu, il faut remarquer le souci d’un renouvellement conceptuel. En effet, il n’existe pas en Europe de définition commune des agglomérations urbaines. Les auteurs tentent de combler cette lacune en avançant le concept d’Aire Urbaine Fonctionnelle (Functional Urban Area ; FUA) constituant l’unité de base du polycentrisme. Une FUA est composée d’une ville-centre (Urban Core) et des communes périphériques qu’elle intègre économiquement. Les auteurs du rapport précisent que « le concept se réfère à l’agglomération de municipalités liées les unes aux autres selon leur orientation fonctionnelle afin de refléter les conditions journalières des individus, des entreprises et des collectivités 192 . » C’est ainsi qu’au travers des pays investis, les définitions statistiques officielles caractérisant les bassins d’emplois ont été utilisées pour identifier les FUA. Lorsque cette définition officielle n’existe pas, des experts nationaux ont déterminé les FUA sur la base d’investigation193. La diversité des structures urbaines a nécessité d’adapter la définition d’une FUA. Ainsi, pour les pays de plus de 10 millions d’habitants, une FUA est-elle un noyau urbain d’au moins 15 000 habitants avec une population totale de plus de 50 000 habitants. Pour les pays plus petits, une FUA dispose toujours d’un noyau urbain d’au moins 15 000 habitants mais doit regrouper plus de 0,5% de la population nationale. Il convient de remarquer qu’il s’agit ici pour les auteurs de fournir au niveau continental une adaptation du concept d’aire urbaine française. Cette dernière correspond selon l’INSEE à un « ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci194. » Dès lors, il n’y a pas de surprise à constater que le nombre d’habitants des FUA françaises correspond parfaitement à la population des aires urbaines selon le recensement 1999 de l’INSEE. On constate dans cette démarche une tentative d’uniformisation des données européennes. Comme le souligne Jean-Paul Carrière, « le mérite de cette approche est de surmonter partiellement les difficultés inhérentes à la fois au manque d’homogénéité des statistiques en Europe […]. Tous les pays européens ne disposent pas de définitions comparables à celles des aires urbaines. […] Ces définitions ont permis de produire une carte originale de l’armature urbaine des 29 états, suffisamment homogène, en dépit des incertitudes statistiques, pour permettre des comparaisons nationales et régionales » (Carrière, 2005). 1 595 FUA ont ainsi été identifiées. La figure 36 montre leur répartition selon la taille des pays. D’une manière générale, on observe une relation entre le nombre de FUA et la population totale. Les cinq pays les plus peuplés – Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne – sont aussi ceux qui possèdent le plus de FUA. A eux seuls, ils en 191 Le projet 111 se compose du rapport principal et de quatre annexes : ESPON 111: Potentials for polycentric development in Europe (2005), 362 p. ESPON 111: Annex Report A. Critical dictionary of polycentricity European urban networking (2005), 83 p. ESPON 111: Annex Report B. The application of polycentricity in European countries (2005), p. 280. ESPON 111: Annex Report C. Governing polycentricity (2005), 120 p. ESPON 111: Annex Report D. Morphological analysis of urban areas based on 45-minute isochrones (2005), 155 p. 192 ESPON 111: Potentials for polycentric development in Europe (2005), p. 55. 193 Dans 18 pays, il existait une définition nationale adaptable au concept de FUA (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède et Suisse). Dans les 11 pays restants, les délimitations administratives ou statistiques les plus proches des FUA ont été retenues. 194 http://www.insee.fr, section « Nomenclatures - Définitions - Méthodes » 166/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess concentrent 56%. Il convient de noter par ailleurs que ces pays sont envisagés comme possédant les cinq championnats de football les plus puissants, souvent dénommés « Big Five ». Figure 36 - Nombre de FUA par pays de l’UE27+2 Sur les 1 595 FUA, - 3 (Paris, Londres et Madrid) comptent plus de 5 millions d’habitants ; - 45 ont de 1 à 5 millions d’habitants ; - 210 de 250 000 à 1 million d’habitants ; - 971 de 50 000 à 250 000 habitants ; - 276 comptent moins de 50 000 habitants. La carte 3 représente la répartition des FUA selon leur taille. On observe la densité de l’armature urbaine s’étendant du Royaume-Uni à l’Italie en couvrant le Benelux, l’Allemagne, le nord de la France et se prolongeant à l’est vers le sud de la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque. 167/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Carte 3 - Les 1 595 aires urbaines fonctionnelles dans l’UE27+2 en fonction de leur taille B - La spécialisation fonctionnelle des FUA Les FUA sont également envisagées selon leur spécialisation fonctionnelle (carte 4). Des indicateurs démographiques, de transport, industriels, de connaissance (nombre d’étudiants) et de fonction décisionnaire sont compilés. Une typologie est construite en évaluant ces 168/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess critères sur une échelle allant de 0 à 5195. Selon l’importance des critères, les FUA sont réparties en trois groupes : - les FUA à influence locale et régionale : 1 258 ; - les FUA à influence nationale et transnationale : 261 ; - les Metropolitan Economic Growth Areas (MEGA ; Aires métropolitaines de croissance d’importance européenne) : 76. Carte 4 - Spécialisation fonctionnelle des FUA Les 76 MEGA font l’objet d’une investigation plus poussée sur la base de la masse, de la compétitivité, de la connectivité et des connaissances (tableau 38). 195 L’échelle est la suivante : 5 = global ; 4 = européen ; 3 = national ; 2 = régional ; 1 = local 169/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Tableau 38 - Variables de classification des MEGA Thème Variable Niveau d’analyse Indice total - Population, 2001 Masse - Gross Domestic Product (GDP), 2001 NUTS 3 Moyenne des 2 indices NUTS 3 GDP par habitants = 2/3 de l’indice Localisation des sièges = 1/3 de l’indice NUTS 3 Moyenne des 2 indices NUTS 2 Moyenne des 2 indices - GDP par habitant, 2000 Compétitivité Connectivité - Sièges des 500 premières sociétés européennes - Nombre de passagers des 500 premiers aéroports - Indicateur d’accessibilité - Niveau d’éducation Connaissance - Employés en R&D Source : Espon Project 111 & Espon Project 111 Second interim Report Sur les 76 MEGA, on identifie alors : - - - - 2 pôles mondiaux (Global Node) : Paris et Londres, intégrés au « système monde ». Ces FUA sont les plus grandes, les plus compétitives et les mieux connectées ; 17 MEGA de catégorie 1 : Munich, Francfort, Madrid, Milan, Rome, Hambourg, Bruxelles, Copenhague, Zurich, Amsterdam, Berlin, Barcelone, Stuttgart, Stockholm, Düsseldorf, Vienne et Cologne. Ces FUA sont de grandes villes obtenant de bons scores dans chacun des critères ; 8 MEGA de catégorie 2 : Athènes, Dublin, Genève, Göteborg, Helsinki, Manchester, Oslo et Turin. Il s’agit de villes relativement grandes, compétitives et disposant d’un bon niveau de connaissance. Toutefois, la plupart de ces villes font de moins bons scores dans un ou deux des critères que les précédentes (généralement la masse et l’accessibilité) ; 26 MEGA de catégorie 3 : Prague, Varsovie, Budapest, Bratislava, Berne, Luxembourg, Lisbonne, Lyon, Anvers, Rotterdam, Aarhus, Malmö, Marseille, Nice, Brême, Toulouse, Lille, Bergen, Edimbourg, Glasgow, Birmingham, Palma de Majorque, Bologne, Bilbao, Valence et Naples. Ces FUA sont généralement plus petites, moins compétitives et moins accessibles que les autres ; 23 MEGA de catégorie 4 : Bucarest, Tallinn, Sofia, Ljubljana, Katowice, Vilnius, Cracovie, Riga, Lodz, Poznan, Stettin, Gdansk-Gdynia, Wroclaw, Timisoara, La Valette, Cork, Le Havre, Southampton, Turku, Bordeaux, Séville, Porto et Gênes. Ces villes obtiennent généralement un score faible dans chacune des 4 catégories. La figure 37 présente la répartition des MEGA dans l’UE27+2 selon leur classification. Une nouvelle fois, d’un point de vue quantitatif, les cinq grands pays de l’Europe sont bien placés. Néanmoins, on distingue des variations qualitatives. En particulier, le système français à dominante monocentrique apparaît ici clairement. En dehors de Paris, aucune MEGA n’accède aux catégories 1 ou 2. C’est le seul des cinq grands pays de l’Union dans cette configuration. 170/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess Figure 37 - Répartition par pays des 76 MEGA La carte 5, en localisant les MEGA selon leur catégorie, identifie les régions fortes de l’Union européenne. Dix des 17 MEGA de catégorie 1 se trouvent dans le pentagone ; d’autres comme Rome, Vienne, Berlin, et Copenhague en sont relativement proches. Seules quelques unes de première catégorie se situent dans les parties périphériques de l’Europe : Madrid, Barcelone et Athènes dans le sud, Dublin à l’ouest, et Stockholm, Helsinki, Oslo et Göteborg au nord. L’est et le sud-ouest de l’Europe sont structurés par des MEGA de catégories 3 ou 4. 171/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Carte 5 - Typologie des MEGA La figure 38 synthétise la caractéristique fonctionnelle des 1 595 FUA de la base de données. Figure 38 - Typologie des FUA 172/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess C - Les limites du recours aux FUA Le recours à la base ESPON, dont les avantages ont été soulignés précédemment, n’exclut pas un regard critique. Adopter les données du rapport ESPON, c’est accepter d’être tributaire des décalages pouvant exister avec d’autres bases. A titre d’illustration, la figure 39 compare la taille des 30 premières villes du rapport ESPON avec celles de la base GEOPOLIS (Moriconi-Ebrad, 1995). Si dans les deux tiers des cas, l’écart entre les deux estimations est mineur, dans d’autres, il se creuse de façon importante. Ainsi, trois villes allemandes (Saarbrücken, Mannheim et Stuttgart) sont plus de deux fois plus grandes dans la base ESPON que dans la base GEOPOLIS. A l’inverse, Bruxelles, Düsseldorf et Birmingham sont deux fois plus petites. Figure 39 - Tailles des entités géographiques : comparaison ESPON/GEOPOLIS Ce décalage s’explique par le fait qu’il n’existe pas de véritable consensus sur la définition de la ville. Cela peut sembler au premier abord assez surprenant tant il semble évident que la ville fait sens pour tous : il y aurait « ville » en présence d’une certaine densité de l’habitat, d’une population nombreuse et, par opposition au rural, d’une dimension économique étrangère au travail de la terre. Mais aller au-delà de cette approche axée sur l’articulation spatial/social n’est pas sans difficulté. En effet, si penser la ville mobilise de tous temps l’énergie non seulement de géographes, mais aussi d’historiens, de sociologues, et plus largement de l’ensemble des sciences sociales196, il demeure ardu d’identifier ce qu’est la ville en soi. Cette difficulté a longtemps été contournée en se remettant à une définition administrative qui évitait toute tentative de conceptualisation. 196 Il est possible d’avoir un aperçu de la diversité de ces recherches dans l’ouvrage dirigé par Marcel Roncayolo et Thierry Paquot : (Roncayolo & Paquot, 1992). On y trouve des textes essentiels d’Elisée Reclus, Paul Claval, Henry Lefebvre, Françoise Choay, Max Weber, Georg Simmel. 173/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Par exemple, il y a ville selon l’INSEE lorsque la population d’une commune agglomérée compte au moins 2 000 habitants. On peut percevoir tout ce qu’a de restrictif cette définition. En effet, une ville ne se caractérise pas seulement par une population nombreuse – et il convient donc de s’interroger sur le seuil retenu de 2 000 habitants – mais aussi par ses fonctionnalités. Autrement dit, la ville s’inscrit dans un espace dynamique et sert à gérer au mieux les problèmes posés par la distance. La ville serait alors, selon Levy, une configuration géographique particulière permettant de limiter, tout comme les transports et les communications, les obstacles opposés par la distance à l’interaction sociale, par le couple densité/diversité (Levy, 1999). Ce n’est donc plus tant la ville qui compte que l’urbanité. Les définitions administratives s’adaptent à ces avancées théoriques en même temps que la ville s’étale. L’INSEE propose plusieurs délimitations de la ville : - unité urbaine : c’est une commune ou un ensemble de communes qui comporte sur son territoire une zone bâtie d’au moins 2 000 habitants où aucune habitation n’est séparée de la plus proche de plus de 200 mètres. En outre, chaque commune concernée possède plus de la moitié de sa population dans cette zone bâtie. Si l’unité urbaine s’étend sur plusieurs communes, l’ensemble de ces communes forme une agglomération multicommunale ou agglomération urbaine. Si l’unité urbaine s’étend sur une seule commune, elle est dénommée ville isolée ; - aire urbaine : c’est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. Comme le soulignent Guérois et Paulus « loin de s’exclure l’une l’autre, ces définitions sont complémentaires et s’avèrent plus ou moins adaptées selon l’objectif de l’étude » (Guérois & Paulus, 2002). Précisément, nous avons considéré que le concept d’aire urbaine reflétait au mieux celui de potentiel local. A titre d’illustration, la carte 6 présente les communes, agglomérations et aires urbaines pour la Basse-Normandie. L’aire urbaine caennaise, en confrontation à la carte 2 de la page 155, semble l’étendue la plus pertinente pour exprimer la capacité de polarisation du club professionnel. 174/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess Carte 6 - Aires urbaines et agglomérations en Basse-Normandie La seule limite, étendre cette définition à l’échelle européenne, a été levée par le rapport ESPON. Aussi, si des décalages peuvent exister avec d’autres bases ou même avec les propres représentations que se fait le lecteur de la taille d’une ville, il convient de garder à l’esprit que la cohérence interne de la base ESPON est préservée en rendant ainsi l’exploitation possible. Au-delà de ces problèmes de définition, un biais réside dans le fait que la taille des villes est constante dans le temps. De 1975 à 2005, le potentiel démographique d’une FUA est exprimé à partir de données datant de 2000, alors même qu’il est susceptible d’avoir évolué sur la période envisagée. Nous ne sommes pas les premiers à devoir faire face à cette difficulté. Analysant les conséquences de l’arrêt Bosman sur la relation entre la taille des villes et les résultats sportifs des clubs, Bourg et Gouguet ne peuvent faire autrement que de formuler « l’hypothèse qu’entre ces deux dates, à dix ans d’intervalle, l’armature urbaine européenne ne s’est pas modifiée, ce qui semble raisonnable » (Bourg & Gouguet, 2007, p. 211). Certes, les annexes du rapport ESPON fournissent des données sur l’évolution de la taille des FUA. Elles sont présentées sous forme d’un pourcentage exprimant la croissance ou la régression de la taille de la ville d’une décennie à l’autre et cela depuis 1950 (soit cinq décennies). Ainsi apprend t-on, à titre d’illustration, que l’évolution de la population de Madrid de 1990 à 2000 est de 10% tandis que celle de Barcelone, sur la même période, est de -7% ; Paris progresse de 9% lorsque dans le même temps Stuttgart gagne 29%. On comprend bien l’intérêt qu’il y aurait à utiliser cette variable afin de soulever des questions telles que : les villes deviennent-elles plus compétitives sur le plan sportif lorsqu’on observe une croissance urbaine ? Le développement urbain s’accompagne t-il d’une progression de l’offre de football (plus de clubs) ? 175/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Toutefois, cette variable est si peu référencée que son utilisation est rendue impossible. Sur les 1 595 FUA de la base ESPON, pour seulement 88 on dispose de l’indice sur les cinq décennies ; 970 n’ont aucune décennie de référencée. Il faut donc se résoudre à n’utiliser que la taille des FUA en 2000. Cela peut constituer un biais dans la mesure où certaines villes ont progressé et d’autres régressé. Cependant, il est raisonnable de considérer que cela n’affecte pas radicalement nos analyses : Barcelone (3,5 millions d’habitants) a beau perdre 7% de sa population au cours des années 1990, on peut légitimement penser qu’elle reste de tous temps plus grande que Douai (550 000 habitants) malgré une progression de 158% de cette dernière entre 1990 et 2000. En fait, nous postulons qu’il existe évidemment des changements d’un point de vue absolu que nous ne pouvons envisager faute de disposer des données, mais que d’un point de vue relatif, « l’ordre des choses » n’est pas chamboulé. Disposant de données permettant d’objectiver le potentiel local, il a fallu par la suite construire une base de données sur les championnats de football de première division. Il s’agit tout simplement d’identifier et de localiser des clubs. Ce travail a priori relativement facile soulève des questions : quels championnats retenir ? Quelle période de temps envisager ? III L’espace et le temps de l’analyse A - Le choix des championnats nationaux 1. Choix des championnats : quelles contraintes ? Si dans un premier temps, l’analyse se destinait à n’envisager que les cinq plus grands championnats – France, Italie, Allemagne, Angleterre, Espagne –, il a semblé nécessaire, dans un souci d’exhaustivité, d’étendre la recherche à d’autres pays. Cependant, alors que la base ESPON traite 32 pays européens197, l’UEFA regroupe 52 fédérations. De fait, 20 pays se trouvent évincés, faute de leur attribuer une masse démographique. Face à la difficulté d’accéder aux données sportives de l’ensemble des pays présents dans la base ESPON, l’option retenue a été d’en sélectionner 18 en favorisant au mieux le coefficient UEFA. Cet indice comptabilise les performances des équipes dans les diverses Coupes d’Europe selon un barème de points en fonction des matchs gagnés, perdus ou nuls. Les points obtenus par les équipes d’une même fédération sont additionnés puis, le total est divisé par le nombre de clubs ayant pris part à l’une des Coupes. Le coefficient obtenu permet ainsi de classer les pays selon leur réussite sportive à l’échelle continentale. Le tableau 39 recense les 52 fédérations de l’UEFA selon leur nombre total de points sur la période 1999/2003. En gras sont présentés les pays retenus pour l’étude ; en italique, ceux évincés en raison de leur absence de la base ESPON ; en normal, les pays présents dans la base mais non retenus pour l’étude. 197 32 pays et non 29 si l’on isole chaque pays du Royaume Uni (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles, Irlande du Nord). 176/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess Tableau 39 - Les fédérations selon leur indice UEFA Rang Pays 99-00 1 Espagne 18,571 2 Angleterre 14,5 3 Italie 12 4 Allemagne 11,071 5 France 10,285 6 Portugal 5,833 7 Grèce 5,416 8 Pays-Bas 6,25 9 Rép. Tchèque 8 10 Turquie 7,75 11 Ecosse 5,125 12 Belgique 3,25 13 Suisse 4,125 14 Ukraine 5,375 15 Norvège 5,2 16 Pologne 3,25 17 Israël 3 18 Autriche 3,875 19 Serbie Monténégro 3,166 20 Bulgarie 3,833 21 Russie 4,25 22 Danemark 1,75 23 Croatie 2,25 24 Suède 4,333 25 Hongrie 3,125 26 Roumanie 4,833 27 Slovaquie 2,5 28 Slovénie 3 29 Chypre 2,166 30 Moldavie 2 31 Lettonie 2,5 32 Finlande 1 33 Bosnie 34 Georgie 1,5 35 Macédoine 0,666 36 Lituanie 1,333 37 Bielo-russie 0 38 Islande 1 39 Malte 0,666 40 Irlande 0,333 41 Arménie 0,333 42 Pays de Galles 0,5 43 Liechtenstein 0 44 Albanie 0,166 45 Estonie 0 46 Irlande du Nord 0,166 47 Luxembourg 0,166 48 Azerbaijan 0,333 49 Iles Feroe 0,166 50 Kazakhstan 51 Andorre 0 52 Saint Marin Sources : UEFA.com Case vide = aucun club présent - Gras : les fédérations retenues pour l’analyse - Normal : les fédérations présentes dans la base ESPON mais non retenues - Italique : les fédérations non présentes dans la base ESPON 00-01 01-02 02-03 03-04 TOTAL 16,611 14,166 9,812 11,062 9,5 6,125 6,75 6,083 6 7,75 5,625 7 4,375 4 4,625 3,625 1,833 7,75 4,5 3 3,833 3,75 4,375 4,8 2,666 0,833 3,666 1,833 1 1,166 0,833 1,5 0,5 0,5 0,666 0,833 1 0,833 0,333 1,666 0,666 0,166 0,5 0 0,666 0,333 0,333 0,666 0 14,857 11,571 12,571 13,5 7,125 9,375 11,25 10,166 5,5 5,625 6,625 5,875 6,125 3,625 3,25 4,125 8,333 3,375 3,166 4,833 2,333 4,5 4,375 3,833 1,5 2,625 3,5 1,5 1,333 1,166 0,666 1,375 0,333 1,333 0,666 0,333 0,75 0,833 1,166 0,666 0 1 0,5 0,666 0,5 0,333 0,333 0,166 0,5 15,5 10,666 15,928 9,142 7,916 10,75 7,166 6,166 6,2 4,666 7,375 6,875 5,875 4,25 2,7 6,625 5,833 4 4,833 4,166 3,625 3,25 2,75 2,25 3,166 2,166 0,666 0,666 3,166 1 1,166 0,333 3 1,333 1,166 0,833 1,166 0,166 0,833 0,166 1,166 0,333 1 0,666 0,166 0,333 0,5 14,312 11,25 8,875 4,714 13,5 10,25 4,166 5,416 7,375 6,5 7,375 5,875 1,875 4,875 6,125 4,125 2,25 2,125 4,5 4,166 5,875 4,2 3,625 1,5 4,833 4,833 2,5 2,166 1,333 1,5 0,833 1,666 1,666 1 1,666 0,833 0,666 0,5 0,333 0,333 0,666 0,333 0 0,333 0,333 0,5 0,166 0 0 0 0 0,166 0,5 0 0 0 0,166 0 0 79,851 62,153 59,186 49,489 48,326 42,333 34,081 34,081 33,075 32,291 32,175 28,875 22,375 22,125 21,9 21,75 21,249 21,125 20,165 19,998 19,916 17,45 17,375 16,716 15,29 14,79 12,832 9,332 8,998 6,832 5,998 5,874 5,499 4,999 4,83 4,165 3,582 3,332 3,331 3,164 2,831 2,332 2 1,831 1,665 1,665 1,498 1,165 0,832 0,666 0 0 177/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Les pays présents dans la base ESPON mais non retenus dans l’analyse ont été écartés en raison : - - soit de la faiblesse de leur coefficient : Chypre, Finlande, Malte, Irlande, Pays de Galles, Irlande du Nord, Luxembourg ; soit de l’inexistence partielle du championnat au cours de notre période d’étude. Certains pays n’ont vu la création ou la reprise de leur championnat qu’au début des années 1990 après leur indépendance : Slovaquie, Slovénie, Lettonie, Lituanie, Estonie ; soit de la difficulté à gérer les données (identité des clubs, formules des championnats) : Bulgarie, Hongrie. En envisageant les 15 meilleurs championnats, seuls 2 pays sont évincés faute d’accéder aux données démographiques. En élargissant aux 26 premières fédérations (la moitié des ressortissants de l’UEFA), moins d’un tiers d’entre elles n’est pas pris en compte. Au-delà, aucune fédération n’apparaît dans notre étude. 2. Présentation des 18 championnats retenus Tableau 40 - Le nombre de clubs par pays Groupe Championnat Population pays Points UEFA 1999-2004 Nb de clubs Le travail de recensement des clubs s’est effectué par Espagne 40 280 780 79,851 44 consultation des archives de Angleterre 49 138 831 62,153 46 Big la Rec.Sport.Soccer Statistics Italie 58 057 477 59,186 46 Five Foundation198. Les 721 clubs Allemagne 82 424 609 49,489 42 ayant participé au moins une France 60 424 213 48,326 45 fois au championnat national Portugal 10 524 145 42,333 52 d’élite (l’équivalent de la L1 Grèce 10 647 529 34,081 42 française) sont comptabilisés Groupe Pays-Bas 16 318 199 34,081 36 2 dans le tableau 40. Les pays Rép. Tchèque 10 246 178 33,075 41 Ecosse 5 062 011 32,175 23 sont classés selon leur Belgique 10 348 276 28,875 40 coefficient UEFA, critère Suisse 7 450 867 22,375 34 déterminant trois groupes afin Norvège 4 574 560 21,9 32 de faciliter la présentation des Pologne 38 626 349 21,75 50 résultats. Le premier groupe Groupe Autriche 8 174 762 21,125 31 est nommé « Big Five » en 3 Danemark 5 413 392 17,45 38 référence à l’expression Suède 8 986 400 16,716 33 caractérisant les cinq Roumanie 22 355 551 14,79 46 championnats européens les 721 plus performants. Il s’agit également des pays les plus peuplés. Le deuxième groupe contient les six pays ayant entre 26 et 45 points. A l’exception de l’Ecosse, second plus petit pays de l’étude, tous ont plus de 10 millions d’habitants. Enfin, le troisième groupe rassemble les sept pays les plus faibles sportivement (moins de 25 points). A l’exception de la Pologne et de la Roumanie, les deux pays les plus à l’Est, tous les autres ont moins de 10 millions d’habitants. 198 http://www.rsssf.com/ 178/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess 3. La distinction clubs/villes Ces 721 clubs sont répartis dans 496 villes. L’analyse géographique s’opère au niveau des FUA et non des clubs. Ainsi, lorsqu’il existe plusieurs équipes par villes, les différentes variables ont été agglomérées. La carte 7 illustre cette démarche à partir du championnat anglais. 46 équipes anglaises ont évolué au moins une fois en Premier League entre 1975 et 2005. Plusieurs d’entre elles évoluent dans la même ville. C’est ainsi qu’on identifie 11 clubs à Londres, 3 à Birmingham et Manchester, et 2 à Liverpool, Sheffield et Nottingham199. Au total, ce sont 29 villes qui ont pris part au championnat anglais. Entre 1975 et 2005, le Liverpool FC a remporté 10 championnats lorsque le rival local d’Everton en a gagné 2. Les titres sont additionnés de sorte que l’on considère que la ville de Liverpool a remporté 12 titres sur cette période. Carte 7 - La distinction club/FUA : l’exemple anglais 199 - Londres : Arsenal FC, Tottenham Hotspur, Chelsea FC, West Ham United, Charlton Athletic, Queens Park Rangers, Wimbledon FC, Watford FC, Crystal Palace, Fulham FC, Millwall FC. - Birmingham : Aston Villa, West Bromwich Albion, Birmingham City. - Manchester : Manchester United, Manchester City, Oldham Athletic. - Liverpool : Liverpool FC, Everton FC. - Sheffield : Sheffield Wednesday, Sheffield United. - Nottingham : Nottingham Forest, Notts County. 179/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local A l’évidence, un tel regroupement n’est pas sans poser de problème car il s’agit de fusionner dans une seule entité géographique plusieurs clubs bien souvent rivaux au niveau local. De plus, la correspondance entre un club et une FUA, si elle est valide d’un point de vue géographique, ignore parfois l’identité des clubs. A titre d’illustration, dans la base ESPON, Le Pirée n’existe pas en qualité de FUA mais est compris dans celle d’Athènes. Dès lors, des clubs rivaux tels que l’Olympiakos Pireas et le Panathinaikos Athnias doivent cohabiter dans notre analyse au sein de la même entité. En France, le même problème existe sur la Côte d’Azur où les clubs de Monaco, Nice et Cannes sont agglomérés dans la FUA niçoise. Dans sa thèse, Loïc Ravenel a dû faire face à cette difficulté. Il admet que « grouper sous la même bannière géographique des équipes parce qu’elles appartiennent à la même ville, nie totalement leur spécificité et les englobe au sein d’une entité qu’elles ne reconnaissent pas. » Toutefois, une telle opération géographique reste valide au regard de l’échelle d’analyse retenue. L’auteur poursuit donc qu’à « l’échelle européenne et dans l’optique d’une étude hiérarchique, les clubs se fondent dans l’agglomération […] L’échelle continentale efface les différences internes au profit d’une confrontation des poids sportifs des agglomérations. Les clubs de la Ruhr représentent une unité, une masse, une boîte noire à cette échelle et non une addition disparate de différences » (Ravenel, 1997, p. 136). Dans notre panel de 18 pays, si 1 428 FUA ont été recensées, 496 (35%) ont eu un club de niveau ligue 1 entre 1975 et 2005. L’éviction des 65% restantes s’opère selon la fonctionnalité des FUA. Ainsi, les 65 MEGA ont-elles toutes eu un club présent au moins une saison sur les 30 années d’observation. 71% des villes de niveau national/transnational sont présentes ; 20% des villes de niveau régional/local apparaissent. Ces dernières sont pourtant les plus nombreuses (214) et concentrent le plus de clubs (235). Enfin, 51 villes ne sont pas présentes dans la base ESPON. Il s’agit essentiellement de petites villes de moins de 100 000 habitants. Pour surmonter cette difficulté, la masse démographique est exprimée selon le dernier recensement en date de chaque pays. Dans certains cas, des petites villes absentes de la base ESPON, après un travail de localisation, s’avéraient être dans la périphérie (moins d’une quinzaine de kilomètres) d’une FUA. Dans ce cas, nous avons choisi d’affilier le club d’une petite ville à la FUA la plus proche. La carte 8 représente les 496 villes selon leur taille et leur fonctionnalité (l’annexe 12 à la page 310 rend compte des cartes des identifiants et du tableau de correspondance clubs/villes). 180/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess Carte 8 - Présentation des 496 FUA de l’analyse des championnats nationaux 181/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local B - Le choix des Coupes européennes 1. La création des Coupes d’Europe Durant les années 1950, la mode est aux matchs amicaux de prestige. Les confrontations entre clubs à grande réputation se multiplient. Le Wolverhampton Wanderers Football Club est alors une équipe phare du football britannique. Fondé en 1877, participant à la première édition du championnat professionnel anglais en 1888, le club remporte la Cup en 1949 et un titre de champion en 1954. L’installation de l’éclairage en 1954 fournit au club l’occasion de multiplier les floodlit friendly games. Wolverhampton a ainsi déjà battu un grand d’Europe lors de ce type de matchs : le Spartka Moscou par 4 à 0. En décembre 1954, les Wanderers accueillent les Hongrois du Honved Budapest. Le football magyar est alors une référence en Europe. L’équipe nationale avait battu les Anglais 6 à 1 à Wembley en novembre 1953 puis l’avait de nouveau emporté à Budapest par 7 à 1. Menés deux à zéro, Wolverhampton parvient finalement à s’imposer 3 à 2. Suite à cette victoire, le Daily Mail consacre le club du Staffordshire comme « le champion du monde des clubs ». Gabriel Hanot, ancien footballeur international et journaliste sportif, réplique en une de l’Equipe du 15 décembre 1954 : « Non, Wolverhampton n’est pas encore le « champion du monde des clubs ! » Mais l’EQUIPE lance l’idée d’un championnat d’Europe des clubs. » Gabriel Hanot refuse de s’emballer en argumentant qu’il n’y a pas eu de match retour à Honved et à Moscou. De plus, d’autres clubs tels que le Milan AC ou le Real Madrid pourraient prétendre au titre de meilleur club du monde. Dès lors, Hanot conclut : « l’idée d’un championnat du monde, ou tout au moins d’Europe des clubs, plus vaste, plus expressif, moins épisodique que la route de l’Europe centrale, et plus original qu’un championnat d’Europe des équipes nationales, mériterait d’être lancé. Nous nous y hasardons200. » C’est ainsi que se profile le projet de coupe continentale à l’origine du format que nous connaissons actuellement. Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’il existait déjà des compétitions inter-clubs opposant des équipes de pays différents. La première d’entre elles est la Coupe Mitropa (pour Coupe Mittel Europa), créée en 1927 à l’initiative d’un dirigeant autrichien. Les pays de l’Europe centrale dominent alors le football européen et sont parmi les premiers à adopter le professionnalisme (en 1924 pour l’Autriche, 1925 pour la Hongrie et 1926 pour la Tchécoslovaquie). Cette compétition qui se déroulait chaque été par élimination directe était un moyen de lever des revenus pour assumer les coûts engendrés par le professionnalisme. En 1927, deux équipes représentent les championnats autrichiens, hongrois, tchécoslovaques et yougoslaves. En 1929, des équipes italiennes remplacent les équipes yougoslaves. Des clubs suisses, roumaines et yougoslaves sont parfois invités à participer. Cette coupe s’interrompt en 1939 avant de reprendre en 1955 pour cesser définitivement en 1991. Des clubs tels que le Sparta Prague, le Rapid de Vienne, l’Etoile Rouge de Belgrade, la Fiorentina ou encore le Milan AC figurent à son palmarès. 200 Hanot, G. (15 décembre 1954). Non, Wolverhampton n’est pas encore le " champion du monde des clubs ! " Mais l’EQUIPE lance l’idée d’un championnat d’Europe des clubs. L’Equipe. 182/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess La Coupe Latine, créée en 1949, se rapproche de la Ligue des champions actuelle. En juin, les nouveaux champions nationaux français, espagnol, portugais et italien s’affrontaient sur quatre jours selon un format demi-finales/petite finale/finale. Neuf éditions eurent lieu entre 1949 et 1957. Le FC Barcelone, le Milan AC et le Real Madrid remportèrent deux titres. Benfica et le Stade de Reims en gagnèrent un. D’autres clubs français sont parvenus en finale sans succès : l’OGC Nice, Lille et les Girondins de Bordeaux. C’est donc dans ce contexte d’une Europe divisée entre deux coupes, alors même que l’UEFA vient à peine d’être fondée (le 15 juin 1954 à Bâle), que se profile dans les pages de l’Equipe le format et le règlement de ce nouveau projet. Comme le reconnaît Jacques Ferran, autre journaliste du quotidien sportif impliqué dans le projet, « nous pensions que la plus grande chance de succès dépendait de la participation des clubs les plus prestigieux201. » Au début de l’année 1955, le journal publie alors une liste de clubs, pas nécessairement les champions de chaque pays, invités à disputer la première épreuve. En février, les représentants de 16 équipes sont invités à participer à une réunion pour valider le règlement de ce nouveau tournoi. Il s’agit également de faire face au problème de l’organisation. En effet, l’UEFA, pourtant sollicitée, est encore jeune et ne semble pas avoir les compétences pour gérer cette compétition. Les dirigeants mettent donc euxmêmes en place une commission d’organisation dont l’objectif principal est de préparer le premier tour (huitièmes de finale). Ce n’est d’ailleurs pas le hasard, par le biais d’un classique tirage au sort, qui détermina les oppositions. Il s’agissait en effet de protéger les équipes les plus prestigieuses pour qu’elles aillent le plus loin possible afin de conférer à ce nouveau tournoi une notoriété. Le Real Madrid fut donc opposé au Servette de Genève et l’AC Milan au FC Sarrebruck. Dès le mois suivant, la FIFA pressent le danger d’une organisation privée. C’est ainsi que l’UEFA en sera finalement l’organisatrice officielle, mais ne modifiera en rien les programme et règlement établis par les clubs. La première édition de la Coupe des clubs champions, qui voit s’opposer 16 clubs202, sera remportée par le Real de Madrid face à Reims. 2. La réforme des Coupes d’Europe Ayant gagné en notoriété et légitimité, la Coupe des clubs champions (C1) va subir plusieurs changements de format dont les principaux interviennent au début des années 1990. La formule initiale privilégiait l’élimination directe dès le premier tour. Lors de l’édition de 1992/1993, le premier changement « radical » de format se consacre par un changement d’appellation. La Ligue des champions succède à la Coupe des clubs champions. Le format s’articule désormais autour d’une phase de qualification, d’une phase de poule et d’une phase à élimination directe. La compétition n’est plus ouverte uniquement aux clubs champions de chaque fédération mais eux meilleurs clubs de chaque pays. Le nombre de clubs par pays ainsi que le stade auquel ils intègrent la compétition dépendent du classement des coefficients UEFA. Les grands pays fournissent donc régulièrement trois à quatre clubs en Ligue des champions. Sous cette apparente ouverture, la compétition demeure un cercle fermé difficile à intégrer. 36 équipes ont participé à l’édition 1992-1993. Huit d’entre elles ont dû passer par une phase de qualification avant d’accéder au premier tour (22%). Depuis 2004, il existe trois tours de qualification. Si 72 201 Harte, A. (25 mai 2005). Fifty years of finals. uefa.com. Sporting, Partizan, MTK, Anderlecht, Servette, Real Madrid, Essen, Hibernian, Djurgården, Gwardia, AGF, Reims, Rapid Wien, PSV, Milan, Saarbrücken. 202 183/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local équipes participent à la Ligue des champions, il n’y a que 16 clubs qualifiés directement pour la phase de poules, 78% des équipes devant passer par les tours préliminaires. Aux côtés de la Ligue des champions existe la Coupe de l’UEFA (C3). Si elle fut créée officiellement en 1971-1972, elle tire ses origines de la Coupe des villes de foire. Cette dernière a été mise en place en 1955, deux semaines après la création de la Coupe des clubs champions. L’initiative revient à des membres de la FIFA203 dont le projet était de voir s’affronter des villes qui organisaient de grandes foires. Lors de la première édition qui se déroule sur trois années (de 1955 à 1958), l’équipe de la ville de Londres, London XI, est composée de joueurs évoluant dans les clubs de la capitale. Rapidement, le tournoi devient annuel et les villes ne sont plus représentées par une sélection de joueurs mais par des clubs. Cete évolution aboutit à une reprise en main de la compétition par l’UEFA. Désormais, la nouvelle Coupe de l’UEFA n’est plus uniquement ouverte aux villes disposant de foire commerciale. Enfin, la Coupe des vainqueurs de coupes (C2) a été créée en 1960. Cette compétition avait pour objectif de voir s’affronter les vainqueurs des Coupes nationales lors d’un tournoi à élimination directe. Si le club titulaire de la Coupe remportait également le titre de champion, il participait à la Coupe des champions, qualifiant ainsi le finaliste pour la Coupe des Coupes. La refonte de la Ligue des champions a entraîné le déclin de la Coupe des Coupes. Les plus grands clubs de chaque pays parvenant à se qualifier pour la C1, la Coupe des Coupes souffre de l’absence d’équipes prestigieuses. Cette baisse de notoriété, aussi bien auprès du public que des clubs, entraîne l’UEFA à la supprimer. Depuis 1999, les vainqueurs de coupes non qualifiés pour la Ligue des champions sont reversés en Coupe de l’UEFA. 3. Présentation des fédérations de l’UEFA L’analyse à l’échelle continentale concerne les 52 fédérations composant actuellement l’UEFA. Entre 1975 et 2005, nous avons recensé 744 clubs de 525 villes ayant pris part au moins une fois à l’une des trois Coupes d’Europe. La figure 40 présente les 52 pays, leur nombre d’apparitions dans les trois coupes ainsi que le nombre de clubs et de villes. En moyenne, une fédération nationale a engagé 14 clubs de 10 villes pour 21 apparitions en Ligue des champions, 18 en Coupe des Coupes et 50 en Coupe de l’UEFA. Cinq pays sur 52 (les Big Five) se distinguent en pesant plus ou moins un cinquième de ces variables : 22,5% des apparitions en Ligue des champions, 16,5% en Coupe des Coupes204, 22,5% en Coupe de l’UEFA, 18,5% des clubs, 21% des villes. Pour le dire autrement, on compte autant d’apparitions en Coupe d’Europe en France (166) que dans les neuf pays les moins présents (sur le graphique, de la Macédoine à Saint Marin). 203 Le Suisse Ernst Thommen, l’Italien Ottorino Barrasi et l’Anglais Sir Stanley Rous. Ce taux relativement faible s’explique par le fait que le nombre d’engagés par pays a toujours été limité à un en Coupe des Coupes (hors tenant du titre), contrairement aux deux autres compétitions continentales. 204 184/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess Figure 40 - Les 52 fédérations et leur apparition en Coupes d’Europe La surreprésentation de l’Allemagne (272 apparitions, 40 clubs, 35 villes) interroge. Les clubs apparus en Coupes d’Europe entre 1975 et 2005 ont été rattachés à leur fédération actuelle. Ainsi, les clubs performants de l’ex-RDA sont de fait considérés comme allemands 205 . A l’inverse, des clubs de l’ex-Union soviétique au moment de leur participation européenne sont maintenant analysés à l’aune de leur fédération actuelle (le Dynamo Kiev – Ukraine - et le Dynamo Tbilissi – Géorgie - ont remporté une Coupe des Coupes durant les années 1980). La volonté d’étendre l’analyse à tous les pays de l’UEFA a posé problème pour déterminer le poids démographique des villes. Nous avons déjà souligné que le rapport ESPON ne traitait que les 27+2 pays de l’Union européenne. Comme le montre la carte 9, 199 des 525 villes (40%) ne sont pas présentes dans le rapport ESPON. Dans ce cas, le potentiel démographique est exprimé par le dernier recensement national en date. L’annexe 13 à la page 327 présente les cartes des identifiants et le tableau de correspondance clubs/villes. Les variables sportives ont été construites à l’aide du site de référence de Bert Kassies : UEFA European Cup Football : Results and Qualification 206 . Au-delà du nombre d’apparitions d’un club ou du nombre de titres gagnés, nous disposons d’un indice de performance calculée en fonction de la réussite d’une équipe lors d’une compétition continentale. Il s’agit en fait du barème de points mis en place par l’UEFA pour déterminer les coefficients des pays : une victoire rapporte 2 points (1 point en tour préliminaire), un match nul vaut 1 point (0,5 point en tour préliminaire) et une défaite vaut 0 point. Un système de bonus apporte des points supplémentaires aux équipes qui atteignent les quarts 205 Dont le Dynamo Dresden, le BFC Dynamo Berlin, le Lokomotive Leipzig, le 1.FC Magdeburg, le Carl Zeiss Jena. En tout, 16 clubs allemands sont apparus aux Coupes d’Europe pour la RDA pour un total de 74 participations. En les ôtant, l’Allemagne resterait en tête mais serait plus proche de l’Italie et de l’Espagne. 206 http://www.xs4all.nl/~kassiesa/bert/uefa/index.html 185/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local de finale, les demi-finales ou la finale de l’une des coupes au rythme d’un point de bonus à chaque stade atteint. Une participation à la Ligue des champions rapporte automatiquement un point de bonus. Carte 9 - Présentation des 525 villes de l’analyse des Coupes d’Europe (1975-2005) Illustrons ce barème avec la saison 1992-1993. L’Olympique de Marseille remporte la Ligue des champions. Sur les 11 matchs disputés, les phocéens en ont remporté sept mais ont concédé quatre matchs nuls. A ces 18 points s’ajoutent trois points de bonus. Pourtant, l’adversaire en finale du club français, l’AC Milan, totalise 23 points. Les Milanais, en plus de trois points de bonus, ont remporté 10 matchs (20 points) et ont perdu la finale (0 point). Pourtant, la première équipe du classement européen cette année est le vainqueur de la Coupe de l’UEFA. La Juventus de Turin dispose de 24 points en ayant disputé 12 matchs européens (10 victoires, un nul, une défaite et trois points de bonus). Il convient donc de garder à l’esprit que le nombre de points alloués dépend du nombre de matchs disputés. En 1976-1977, le FC Liverpool est le club qui compte le plus de points. Il vient de remporter la Ligue des champions de sorte que ses sept victoires et deux nuls ainsi que trois points de bonus lui rapporte 17 points. En 2004-2005, le club du Merseyside remporte à nouveau la C1. Mais avec presque deux fois plus de matchs disputés (13), il comptabilise 26 points. Enfin, malgré une participation dans l’une des coupes, un club peut très bien n’obtenir aucun point si tous ses matchs se soldent par une défaite. Le phénomène n’est pas neutre : sur les 744 clubs européens, 82 équipes représentant 121 participations n’ont jamais gagné le moindre match. 186/368 Chapitre IV : Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les donnéess C - Les bornes temporelles La période d’étude envisage 30 années de football, de 1975 à 2005. Les 30 saisons sont scindées en trois périodes de 10 années afin de faciliter la présentation des résultats. Audelà de cet aspect « pratique », ce découpage permet de tester nos hypothèses. Il s’agit de recouvrir un laps de temps assez long dans lequel s’inscrirait l’éventuel processus d’américanisation décrit précédemment (voir la page 135). Le propos ne consiste pas à nier l’existence, avant 1975, de pratiques commerciales ou encore de propriétaires de clubs animés par la recherche de profit207. Néanmoins nous considérons que ces phénomènes étaient suffisamment mineurs pour qu’il soit inutile d’élargir notre période d’étude. Si les articles envisageant la mutation du football professionnel sont nombreux, il n’existe pas, à notre connaissance, de tentative économico-historique qui s’attacherait, dans une perspective chronologique, à dégager des périodes clairement identifiées. Tout au plus, pouvons-nous trouver des indices dans quelques contributions. Ainsi, pour Jean-François Nys, « le football a commencé sa mutation au début des années 1980 avec l’arrivée, en France, de chefs d’entreprises médiatiques. […] C’est le début du « football business » » (Nys, 2002, p. 15).Wladimir Andreff, toujours sur le football français, date plus tardivement la transition du modèle SSSL ou modèle MCMMG, précisement à la saison 1996-1997 (Andreff, 2005). A l’échelle européenne, Hoehn et Szymanski considèrent que la dimension commerciale du football s’est développée de façon significative au cours des années 1980. Celle-ci se développe sous l’explosion des droits télévisuels et se confirme par une judiciarisation croissante avec pour acmé l’arrêt Bosman de 1995. C’est à partir de ce faisceau d’indices que la période d’étude de 30 années a été construite. La figure 41 la représente en faisant apparaître des éléments majeurs du processus d’américanisation. La première décennie, allant de 1975 à 1985, caractérise un football professionnel encore peu affecté par la commercialisation. Deux évènements, au début des années 1980, préfigurent l’émergence des enjeux économiques : en 1983, le club anglais de Tottenham est le premier à être introduit en bourse ; l’année suivante, en France, la nouvelle chaîne cryptée Canal + diffuse son premier match de football. La seconde période, de 1985 à 1995, marque le début de la mutation du football vers ce qu’il est convenu d’appeler « le foot business » et s’achève par l’arrêt Bosman. La troisième et dernière période, de 1995 à 2005, est celle des tensions (voir la figure 59 en page 250) : l’exception sportive mise à mal et des projets privés de ligues fermées viennent contester le monopole des organisateurs historiques. 207 Vamplew montre d’ailleurs que, dès la fin du XIXème siècle, les propriétaires de clubs écossais n’étaient pas animés uniquement par le désir de victoires mais qu’entrait en compte la logique de maximisation de profit (Vamplew, 1982). 187/368 Partie 2 : Sport professionnel et potentiel local Figure 41 - Les 30 années d’analyse : un processus de dérégulation La figure est bornée par deux évènements sportifs illustrant notre démarche. En 1975, l’AS Saint-Etienne remporte son huitième titre. Deux autres suivront en 1976 et 1981. Trente années plus tard, c’est le voisin lyonnais – 5 fois plus d’habitants – qui est sacré champion pour la quatrième fois de suite. Il s’agit alors de déterminer en quoi la mutation commerciale du football professionnel aurait favorisé la réussite des plus grandes villes. 188/368 Partie 3 Présence et performance des villes dans le football européen (1975-2005) Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Chapitre V Présence et performance dans les championnats nationaux I Présentation générale des championnats Une analyse comparative de la structure des championnats dans 18 pays européens sur une période de 30 ans est en soi un pari tant la diversité des hiérarchies urbaines est grande et limiterait de fait toute tentative de comparaison. C’est pourquoi, avant d’entamer une analyse statistique plus approfondie sur la présence et la réussite sportive des villes dans les championnats nationaux, il convient de présenter les caractéristiques de chaque pays étudié. Tableau 41 - Présentation des 18 championnats Groupes Pays Espagne France Big Five Italie Angleterre Allemagne Rép. Tchèque Ecosse Grèce Groupe 2 Belgique Pays-Bas Portugal Danemark Norvège Suède Groupe 3 Suisse Pologne Autriche Roumanie Total Population pays Nb de FUA 40 280 780 60 424 213 58 057 477 49 138 831 82 424 609 10 246 178 5 062 011 10 647 529 10 348 276 16 318 199 10 524 145 5 413 392 4 574 560 8 986 400 7 450 867 38 626 349 8 174 762 22 355 551 449 054 129 111 211 253 121 187 42 17 46 23 46 51 38 39 52 52 52 29 58 1428 Nb de FUA avec club 35 41 41 29 33 32 15 23 17 30 27 21 23 23 29 26 20 31 496 % FUA % Taille du avec couverture marché football club du football 32% 19% 16% 24% 18% 76% 88% 50% 74% 65% 53% 55% 59% 44% 56% 50% 69% 53% 35% 22 000 307 27 867 744 23 142 064 18 046 053 29 371 823 7 346 410 3 031 723 6 142 829 5 841 820 8 452 846 5 406 671 4 552 687 3 097 061 5 964 047 4 282 643 15 231 289 2 733 647 6 882 820 199 394 484 55% 46% 40% 37% 36% 72% 60% 58% 56% 52% 51% 84% 68% 66% 57% 39% 33% 31% 44% taille moyenne d'une FUA d'un club 628 580 679 701 564 441 622 278 890 055 229 575 202 115 267 080 343 636 281 762 200 247 216 795 134 655 259 306 147 677 585 819 136 682 222 026 402 005 Nb de clubs par FUA 1,26 1,10 1,12 1,59 1,27 1,28 1,53 1,83 2,35 1,20 1,93 1,81 1,39 1,43 1,17 1,92 1,55 1,48 1,45 Le tableau 41 présente les 18 championnats observés sur la période 1975-2005. Ils sont répartis en trois groupes selon leur indice UEFA, puis au sein de chaque groupe, classés par ordre décroissant du pourcentage de couverture de la population totale. Il faut donc comprendre que sur ces 30 années, 41 villes françaises ont eu au moins un club participant au moins une fois à l’élite. Malgré la grande diversité des situations, il est possible de dégager une certaine logique. Tout d’abord, comme cela a déjà été signalé, le nombre de FUA présentes dans un pays est en lien avec la population totale de ce dernier (R2 = 0,79). Ensuite, le nombre de FUA semble déterminer le nombre de FUA équipées d’au moins un club (R2 = 0,68). Dans ce dernier cas, l’intensité de la relation est moins robuste. En effet, 192/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux lorsqu’il existe un rapport de 1 à 15 entre le pays le mieux pourvu en FUA et le plus faiblement doté, le rapport concernant les FUA disposant d’un club va de 1 à 3. Il faut en effet percevoir qu’au-delà du nombre de FUA disponibles, le nombre de villes avec club dépend aussi plus largement de la structure du championnat. Ainsi, même si l’Italie dispose d’un « réservoir » de 253 FUA, toutes ne peuvent être appelées à participer à la Serie A dont la capacité d’accueil a oscillé entre 16 et 20 places sur les 30 années. Dès lors, le taux de villes avec club est plus faible pour les big five qui disposent de plus de 100 FUA. Pour les deux autres groupes, où la population et le nombre de FUA sont plus faibles, ce taux est toujours supérieur à 50%. En additionnant la population des villes équipées d’un club, on obtient la taille du marché du football. Il faut alors comprendre qu’entre 1975 et 2005, sur les 18 pays étudiés, presque 200 millions de personnes ont eu accès au moins une saison à une équipe de haut niveau. En reportant la taille du marché du football à la population totale, il est possible de construire un indicateur simple du pourcentage de couverture du football. Si 84% des Danois ont eu un accès au football d’élite, c’est le cas de seulement 31% de Roumains. Il demeure peu évident d’expliquer le peu d’homogénéité de cet indice. Si l’Allemagne présente le plus vaste marché du football avec presque 30 millions de personnes, son taux de couverture, affecté par la population totale du pays, est-il le troisième plus faible avec 36%. Peut-on alors avancer que plus le pays est petit, plus il est aisé de toucher le maximum de personnes ? Les pays de moins de 10 millions d’habitants présentent en effet des taux de couverture supérieurs à 55%, mise à part l’Autriche qui, avec 67% de ses FUA ayant disposé d’un club, ne parvient à toucher que 33% de sa population. A l’inverse, en Espagne, 5ème pays avec plus de 40 millions d’habitants, le football d’élite est accessible à 55% de la population. Il convient donc de prendre la mesure des disparités des hiérarchies urbaines structurant chaque pays. C’est l’objet du tableau 42. Il présente la répartition des FUA en quatre classes selon leur taille. Pour chacune d’entre elles, des sous-entrées présentent le nombre de FUA, la population totale des FUA et le pourcentage de FUA dotées d’un club. Il est souhaitable en premier lieu de souligner un phénomène déjà mis en évidence par les géographes du sport : alors que le nombre de FUA diminue au fur et à mesure que l’on grimpe dans la hiérarchie urbaine, le nombre de FUA avec club, quant à lui, ne fait que progresser. Ainsi aucune ville millionnaire n’a-t-elle eu à souffrir de l’absence d’un club sur la totalité de la période d’étude. C’est également le cas pour la classe 500 000 à 1 million d’habitants, hormis en Allemagne et en France qui présentent le plus d’entités dans cette tranche. Pour la classe de 250 000 à 500 000 habitants, le taux de FUA équipées d’un club diminue pour les pays les plus peuplés mais reste à 100% pour les plus petits. Enfin, pour la classe de moins de 250 000, l’indice chute pour les pays de plus de 40 millions d’habitants, largement fournis en FUA de cette taille. Les pays de moins de 20 millions d’habitants présentent des taux supérieurs à 50% (sauf en Suède). Il faut enfin remarquer que certains pays se distinguent par leur absence (ou leur faiblesse) de villes dans la tranche 250 000 à 1 million d’habitants. C’est le cas du Portugal, de la Grèce, de l’Autriche et, dans une moindre mesure, de l’Ecosse et de la Roumanie. Finalement, ce tableau (organisé en quatre classes selon la taille des FUA) révèle la grande diversité des structures urbaines. Ces ordres de grandeur, dans la perspective d’un traitement statistique, peuvent constituer un biais. A titre d’illustration, si Aberdeen en Ecosse et Linz en Autriche comptent moins de 250 000 habitants, les plaçant de fait dans la classe la plus faible, elles n’en restent pas moins les 3èmes plus grandes villes de leur pays. 193/368 Tableau 42 - Structure urbaine des pays et FUA avec clubs 194/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux La figure 42 présente le rapport rang/taille pour les 30 premières villes du Portugal, de l’Allemagne et de l’Autriche. Cette représentation « n’exprime qu’une évidence : les gros sont moins nombreux que les petits et ont plus de poids…» (Brunet, Ferras & Thery, 1993, p. 416) mais la comparaison des courbes renseigne sur le degré de concentration de la population dans les villes. Tandis que l’Allemagne compte 9 villes millionnaires, il n’en existe que deux au Portugal et une seule en Autriche. Les structures urbaines du Portugal et de l’Autriche s’affaissent rapidement sur de petites villes. Hambourg, la 3ème ville allemande, totalise 2,5 millions d’habitants, lorsque ses homologues autrichienne (Linz) et portugaise (Braga) pointent sous la barre des 200 000 habitants. Enfin, lorsque 24 villes allemandes ont plus de 500 000 habitants, 27 portugaises et 26 autrichiennes en ont moins de 150 000. Afin de pallier les problèmes de comparaisons liés à la diversité des structures urbaines, il est nécessaire d’établir des catégories non plus construites sur la taille mais sur le rang. Figure 42 - Le rapport rang/taille : l’exemple du Portugal, de l’Allemagne et de l’Autriche II La présence dans les championnats nationaux Dans le chapitre 3, il a été rappelé que la taille d’une ville déterminait sa capacité à figurer à la fois dans certaines disciplines sportives et à un certain niveau de compétition. Ce point se propose d’analyser la capacité des villes à être présentes en première division de football. La démarche est doublement comparative (dans l’espace et dans le temps) puisque nous envisageons 18 pays sur une période de 30 ans. La présence est explicitée selon trois variables : le marché des clubs, le nombre de clubs par ville et l’offre de football par ville. 195/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen A - La taille du marché La structure moyenne des 18 championnats sur 30 saisons est représentée dans la figure 43 sous forme de diagramme de Tuckey 208 . La difficulté méthodologique consiste à déterminer la taille du marché des clubs lorsqu’il existe un phénomène de multiplicité de l’offre. A titre d’illustration, lors de la saison 2004-2005, Londres et ses 7,6 millions d’habitants hébergent six clubs en Premier League209. Faut-il alors établir que chacun de ces six clubs disposent d’un marché potentiel de 7,6 millions d’habitants ou bien d’un marché pertinent de 1,2 millions d’habitants (la taille du marché divisé par le nombre de clubs) ? Au niveau local, sous des effets de rivalités historiques que nous avons soulignés par ailleurs, chaque club dispose d’une aire d’influence bien souvent limitée à un quartier. Dès lors, il nous a semblé plus judicieux d’opter pour la seconde option. En conséquence, pour chaque saison et pour chaque championnat, le marché d’un club correspond à la taille de la FUA divisée par le nombre de clubs résidents. Enfin, les boites à moustaches ont été construites ainsi : pour chacune des 30 années, nous avons calculé la moyenne des marchés de chaque championnat, puis réalisé la moyenne des 30 observations. Figure 43 - La taille du marché des clubs (1975-2005) Les pays sont classés par groupe selon leur indice UEFA puis par ordre décroissant de la valeur de leur médiane. Afin de faciliter la lecture, la taille des marchés est exprimée selon une échelle logarithmique. Le groupe des Big Five se distingue par des médianes élevées. L’Allemagne, l’Italie, la France et l’Espagne font partie des cinq plus grandes médianes (le cinquième pays étant la Pologne). Au sein de ce groupe, la France se caractérise par une structure particulière. Avec 9,9 millions, c’est le championnat qui présente l’étendue210 la plus grande. Dans ce pays cohabitent à la fois le plus grand et le plus petit marché moyen. 208 La médiane partage la série en deux effectifs égaux. Il faut comprendre qu’en Allemagne, sur cette période de 30 ans, 50% des clubs bénéficiaient d’un marché inférieur à 847 000 habitants, 50% d’un marché supérieur. 25% des valeurs sont inférieures au premier quartile et 75% lui sont supérieures. 75% des valeurs sont inférieures au troisième quartile et 25% lui sont supérieures. 10% des valeurs sont inférieures au premier décile et 90% lui sont supérieures. 90% des valeurs sont inférieures au neuvième décile et 10% lui sont supérieures. 209 Chelsea FC, Arsenal FC, Tottenham Hotspur, Charlton Athletic, Fulham FC, Crystal Palace. 210 Il s’agit de la différence entre la plus grande et la plus petite des valeurs d’une série statistique. 196/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux En effet, lorsqu’en Espagne, Italie ou Angleterre, les plus grandes villes accueillent plusieurs clubs, ce qui de fait atténue les valeurs maximales, Paris n’a hébergé deux clubs (le PSG et le Matra Racing) qu’à six reprises. A l’autre extrême, la présence récurrente de petites villes (Auxerre, Bastia, Sedan, Guingamp) fait que le plus petit marché est en moyenne de 60 000 habitants. Le groupe 2 dispose clairement de marchés de plus petites tailles comme en témoigne le décalage des diagrammes vers le bas. Les médianes des championnats Big Five, exception faite de l’Angleterre, sont toujours supérieures aux troisièmes quartiles des championnats du groupe 2. En d’autres termes et de façon plus frappante, lorsque 90% des clubs allemands disposent d’un marché supérieur à 250 000 habitants, seulement un quart des clubs portugais bénéficie d’un marché supérieur à 147 000 habitants. Les pays du troisième groupe présentent des structures sensiblement semblables à celles du second. Il est toutefois possible d’insister sur quelques spécificités. Ainsi en va-t-il de la Pologne dont la structure se rapproche des pays Big Five. La structure urbaine de ce pays s’appuie sur cinq villes de plus d’un million d’habitants – Katowice, Varsovie, Lodz, Cracovie et Gdansk – ayant hébergé au total 21 des 50 clubs polonais. Enfin, si l’Autriche présente l’écart interquartile211 le plus faible des 18 pays (88 505 habitants) témoignant d’une certaine homogénéité, c’est aussi le championnat au plus petit marché moyen (14 800 habitants) : sur les 31 clubs, six sont à Vienne (1,5 millions d’habitants) mais 17 sont dans des villes de moins de 100 000 habitants. La diversité de ces marchés s’explique en partie par la hiérarchie urbaine de chaque pays telle qu’elle est exposée dans le tableau 5. Pour aller au-delà de ce constat, nous avons calculé le marché moyen de chaque pays afin de déceler s’il y a eu une augmentation de ce dernier sur les 30 années d’observation. La figure 44 présente la taille du marché moyen pour les 18 pays sur trois décennies. La très faible fluctuation entre la première et la dernière période (5690 habitants) invite à conclure à la stabilité. Ainsi pourrions-nous dire qu’en moyenne, quelle que soit la période envisagée, un club de football européen dispose d’un marché oscillant autour de 400 000 habitants. 211 Cet indice de dispersion correspond à la différence entre le troisième et le premier quartile. Il s’agit donc de l’étendue de la série statistique après élimination de 25% des valeurs les plus faibles et de 25% des valeurs les plus fortes. 197/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Figure 44 - Evolution de la taille moyenne du marché des clubs (18 championnats, 1975-2005) Cette approche globale pourrait masquer des variations nationales plus marquées. Toutefois, l’analyse menée sur chaque pays révèle qu’ils répondent à ce modèle de stabilité. La progression la plus spectaculaire revient au Danemark : le marché moyen passe de 173 482 habitants sur la période 1975-1985 à 221 679 sur la période 1995-2005 (+ 48 197 habitants ; + 28%). Cet indicateur reste cependant difficile à appréhender. En effet, comme nous l’avons précisé dans la méthodologie, nous avons divisé la taille du marché d’une ville par le nombre de clubs présents. En conséquence, le marché moyen peut diminuer parce qu’une grande ville accueille plusieurs clubs ou, à l’inverse, augmenter parce qu’elle en perd. Dès lors, il convient de s’intéresser au nombre de clubs par ville. B - Le nombre de club(s) par ville Analysant 10 championnats212 sur deux saisons (1994-95 et 1995-96), Ravenel a mis en évidence dès 1997 le lien entre la taille des villes et le nombre de clubs dont elles disposent (Ravenel, 1997). Ainsi, sous la barre des 300 000 habitants, les agglomérations privilégient-elles l’unicité. Au-delà de 300 000 habitants, si l’unicité domine encore, la dualité commence à apparaître. Enfin, à partir d’un million d’habitants, l’unicité se raréfie pour faire place à la multiplicité des clubs. Nous avons mené une analyse similaire en favorisant non pas la taille des FUA mais le rang national. La figure 45 représente pour les 18 championnats le nombre moyen de clubs par ville sur la période 1975/2005. Pour les cinq plus grandes villes de chaque pays, la norme est de posséder presque trois clubs. Sur les 89 villes du top 5 avec clubs213, 34 ont eu trois clubs ou plus, 25 en ont eu deux et 30 n’en ont eu qu’un seul (il s’agit dans ce dernier cas, à de rares exceptions, de FUA de moins d’un million d’habitants). Au-delà de l’expression en rang, seules quatre FUA millionnaires (Naples, Lyon, Lille, Bari) n’ont qu’un seul club 212 Les championnats d’Italie, de France, d’Allemagne, d’Espagne, d’Angleterre, du Portugal, de Belgique, des Pays-Bas, de Grèce et d’Ecosse. 213 Dans les 18 pays, une seule ville du top 5 national n’a jamais eu d’équipe. Il s’agit de Louvain, la 5ème ville belge avec 458 000 habitants. C’est pourquoi la somme des villes du top 5 dans les 18 championnats est de 89 et non de 90. 198/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux tandis que d’autres en ont eu six ou plus. C’est le cas d’Athènes214 (15 clubs), Copenhague (13), Londres (11), Porto (11), Katowice (9), Lisbonne (9), Bucarest (7), Vienne (6) et Glasgow (6). Du 6ème au 10ème rang, les villes de chaque pays possèdent en moyenne 1,45 clubs. Sur les 83 villes de cette tranche, 20 ont eu deux clubs ou plus. C’est notamment le cas de Malaga en Espagne (Malaga CF et CP Mérida), Liverpool en Angleterre (Everton et Liverpool FC), Nice en France (AS Monaco, OGC Nice, AS Cannes), Craiova en Roumanie (Universitatea Craiova, Electroputere Craiova, Extensiv Craiova), ou encore Hasselt en Belgique (KRC Genk, St-Truiden, Beringen FC, KFC Lommel, KSV Waterschei THOR, KSC Hasselt, Heusden-Zolder, KFC Winterslag). Au-delà du 10ème rang, la norme est à l’unicité. Sur les 324 villes en dehors du top 10, seulement 20 se sont écartées de l’unicité pour accueillir, dans tous les cas, deux clubs. C’est le cas de Vérone en Italie (l’Hellas Verona et l’AC Chievo), Nottingham en Angleterre (Nottingham Forest et Notts County) ou encore Mödling en Autriche qui, avec 20 000 habitants, a hébergé l’Admira Wacker et le VfB Mödling (le second club étant il est vrai moins assidu et performant parmi l’élite). Cette approche globale confirme donc la liaison, proposée par Ravenel, entre la hiérarchie urbaine et la capacité d’accueil d’une ville. Figure 45 - Le nombre moyen de clubs par FUA (18 championnats, 1975-2005) Toutefois, il s’agit d’aller plus loin que ce constat en se posant la question suivante : le processus de déréglementation à l’œuvre depuis 30 ans a-t-il accentué la position dominante des plus grandes villes ? En d’autres termes, ces dernières accueillent-elles plus de clubs maintenant que par le passé ? La carte 10 détaille pour trois décennies le rapport entre la taille des FUA et le nombre de clubs. 214 Précisons à nouveau que la base ESPON adjoint Le Pirée à Athènes. 199/368 Carte 10 - L’évolution du nombre des clubs par FUA (1975-2005) Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux D’une manière générale, la structure a peu évolué sur 30 années : le phénomène de multiplicité de l’offre existe encore et toujours dans les plus grandes villes de chaque pays (essentiellement dans le top 5) mais celui-ci ne semble pas s’être accentué. En effet, l’indice moyen du pourcentage de clubs concentrés dans les cinq plus grandes villes n’a pas évolué d’une décennie à l’autre, stagnant à 40%. Il existe toutefois des pays qui s’écartent du modèle. La chute la plus marquante est celle du championnat de la République Tchèque. Lorsque les villes du top 5 concentraient 45% des clubs sur la période 1975/1985, elles n’en totalisent plus que 25% sur la période 1995/2005. Cette restructuration correspond à la scission de la Tchécoslovaquie en 1993. A compter de cette date, de grandes villes slovaques comptant plusieurs clubs ne participent plus au championnat tchèque. C’est par exemple le cas de Bratislava et de ses deux grands clubs215. Le Danemark a également vu son indice passer de 57% à 49% de concentration des clubs dans les cinq plus grandes villes216 . Dans ce cas, il faut invoquer la macrocéphalie de Copenhague qui s’est restreinte : de 11 clubs sur la décennie 1975/85, la capitale danoise de 1,8 million d’habitants n’en compte plus que 7 sur la décennie 1995/2005. Pour la Grèce et la Suède, on assiste à un phénomène inverse de renforcement de la présence des clubs dans les plus grandes villes du pays. Tableau 43 - Répartition des clubs selon la fonctionnalité des FUA Le recours à une variable qualitative, la fonctionnalité des FUA, confirme cette Hors Base FUA 7% 6% 6% stabilité (tableau 43). La régional/local 27% 29% 30% transnational/national 32% 31% 30% répartition des clubs dans les MEGA 34% 34% 35% FUA selon leur spécialisation Total 100% 100% 100% n’a guère évolué. Sur les trois périodes, ils se répartissent presque à parts égales entre les trois niveaux d’influence, les clubs localisés dans des villes « hors base » restant un phénomène mineur. Ainsi, malgré quelques particularismes nationaux, il est possible de conclure que le processus de dérégulation ne s’est accompagné d’aucune modification du lien entre la taille des villes et le nombre de clubs qu’elles hébergent. Si de tous temps, les grandes villes ont eu plusieurs clubs, elles n’en ont pas plus depuis 10 ans. Fonction des FUA % de clubs % de clubs % de clubs 75-85 85-95 95-05 C - L’offre L’apparition d’un club au plus haut niveau est envisagée comme une offre de football d’élite faite à la population d’une ville. En 30 ans, la ville de Caen n’a eu qu’un seul club ayant participé à neuf reprises à la L1. L’offre de football de haut niveau dans la capitale bas-normande est donc de neuf. Porto, sur la même période, a eu huit clubs. L’offre s’en trouve démultipliée avec un total de 132 saisons. Ce qui signifie qu’en moyenne, Porto a eu 4,4 clubs par an (132/30). 215 Entre 1975/76 et 1992/93, soit 18 saisons, l’Inter Bratislava ne manqua qu’un seul exercice tandis que le Slovan Bratislava en manqua trois au milieu des années 1980. 216 On voit ici l’effet pervers des indicateurs statistiques que nous avons souligné dans le point précédent. Si le Danemark a vu son marché moyen augmenter considérablement, c’est du fait de la perte d’influence de Copenhague. 201/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen La figure 46 présente sur la période 1975/2005, pour les 18 pays, l’offre totale selon le rang des villes. La domination des villes figurant dans le « top 5 » national de leur système urbain apparaît comme évidente. Elles présentent une offre moyenne de 46 saisons lorsque les villes du 6ème au 10ème rang disposent d’une offre moyenne de 17 saisons. Les 89 FUA du top 5 (18% des villes de l’étude) concentrent 47% de l’offre (4105 saisons d’élite) et 36% des clubs (258). Si les FUA classées de 6 à 10 sont presque aussi nombreuses – il y’en a 83 – elles disposent de 2,8 fois moins d’offres et de 2 fois moins de clubs que les FUA de premier rang. Figure 46 - L’offre moyenne de football d’élite et la taille des FUA (18 championnats, 1975-2005) Athènes est la FUA disposant de l’offre la plus vaste. S’appuyant sur un réseau de 15 clubs, dont 6 ont participé à plus des deux tiers des 30 saisons, la capitale grecque concentre 215 offres (en moyenne, 7,1 clubs par an). Sachant que le championnat d’élite grec a proposé 514 saisons sur 30 ans, cela signifie qu’Athènes concentre à elle seule 42% de l’offre. Londres, seconde FUA de ce classement, propose 166 offres réparties entre 11 clubs (en moyenne, 5,5 clubs par an). Tableau 44 - Répartition de l’offre selon la fonctionnalité des FUA L’idée consiste maintenant à déceler une éventuelle tendance à la concentration de Hors Base FUA 6% 5% 5% l’offre de football d’élite dans régional/local 23% 22% 25% transnational/national 31% 32% 31% les plus grandes villes. La MEGA 40% 41% 39% carte 11 représente le lien Total 100% 100% 100% entre la taille des villes et l’offre en intégrant les décennies d’analyse. Il apparaît que la structure de l’offre selon la taille des villes n’a guère évolué d’une décennie à l’autre. Il existe bien entendu quelques fluctuations mais celles-ci sont d’une ampleur si faible qu’il faut conclure à une stabilité. Ainsi, l’indice de concentration de l’offre dans les cinq plus grandes villes stagne-t-il à plus ou moins 46% d’une décennie à l’autre. L’analyse selon la spécialité des FUA montre une stabilité similaire (tableau 44) : si la capacité des FUA à offrir du football d’élite diminue de pair avec leur degré de spécialisation, aucune variation n’apparaît d’une décennie à l’autre. L’analyse de la présence des FUA au plus haut niveau menée selon deux critères - le nombre de clubs et l’offre - indique que le processus de dérégulation n’a pas renforcé la position dominante des plus grandes villes (l’annexe 7 de la page 306 représente les résidus de corrélation). Fonction des FUA 202/368 % d'offres 75-85 % d'offres 85-95 % d'offres 95-05 Carte 11 - L’évolution de l’offre par FUA (1975-2005) Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Comment peut-on expliquer ce constat ? Analysant la diffusion du football d’élite en France, Ravenel établit que la distribution spatiale des équipes professionnelles durant les années 1990 est un héritage des premières phases de diffusion du professionnalisme au cours des années 1930 (Ravenel, 1996). On remarque en effet que des villes relativement bien ancrées dans l’élite actuelle (Metz, Sochaux, Marseille, Le Havre, Nice, Lille, Lens, Rennes, Paris) étaient déjà présentes avant la seconde guerre mondiale (voir le tableau 24 à la page 126). Noll, sur le cas anglais, met en évidence un phénomène similaire. Il remarque qu’il existe de nombreux clubs actuellement présents en Premier League qui l’étaient déjà au XIXème siècle (Noll, 2002). Le premier championnat professionnel anglais voit s’opposer 12 équipes en 1888 ; 9 d’entre elles apparaissent encore fréquemment dans l’élite (Aston Villa, Blackburn Rovers, Bolton Wanderers, Derby County, Everton FC, Notts County, Stoke City, West Bromwich Albion, Wolverhampton Wanderers). Figure 47 - L’année de fondation des clubs selon la taille des villes Tout semble se dérouler comme si la structure actuelle de l’offre était un héritage des structures passées. La figure 47 concerne la date de fondation des clubs selon cinq périodes pour neuf championnats pour lesquels nous disposons des données. Deux niveaux d’analyse sont disponibles. Le tableau inséré présente la date de fondation des 381 clubs par pays alors que le graphique les expose selon le rang national de la ville qui les héberge. Les ¾ des clubs ont été créés avant 1925 (100% pour les clubs anglais). Après 1975, première année de notre étude, seuls six clubs ont été créés dont deux en France (Le Mans et Troyes). Au niveau des villes, on remarque que la proportion de villes dotées d’une équipe dès le XIXème siècle est la plus forte parmi les villes du top 5 : 40% des clubs présents dans cette catégorie de villes ont été fondés avant 1900. Dans le top 5, neuf clubs ont été fondés après 1950 ; six d’entre eux viennent compléter une offre qui existait déjà au début du XXème siècle (le Getafe CF à Madrid, le FC Molenbeek à Bruxelles, le FC Amsterdam, le Paris SG, le Livingston FC à Edimbourg, le Clydebank FC à Glasgow) ; 204/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux trois investissent un marché vacant (l’Olympique Lyonnais fondé en 1950, le FC Utrecht en 1970, le HFC ADO Den Haag en 1971). En conséquence, le nombre actuel de clubs par FUA n’a pas progressé sur cette période de 30 années car la distribution des clubs est largement antérieure à la période d’étude. De plus, chaque pays reste fidèle à sa tradition de multiplicité ou d’unicité. Dans le premier cas, les vastes marchés sont déjà saturés, le plus généralement par des équipes performantes soutenues par un public important, rendant peu évidente l’installation durable d’une nouvelle équipe. Athènes est la seule ville qui se distingue par une progression spectaculaire (de 8 clubs de 1975/1985 à 15 en 1995/2005). Dans le second cas, quelques villes de pays favorisant le modèle d’un club par ville (France, Allemagne, Pays-Bas) ont connu une période de dualité durant les années 1970 et 1980 avant un retour à l’unicité la décennie suivante. Ainsi, en France, le Matra Racing a côtoyé le PSG à six reprises entre 1978 et 1989. Le FC Martigues, avec trois apparitions au milieu des années 1990, n’a jamais inquiété l’Olympique de Marseille. En Allemagne, le Tennis Borussia Berlin et le Blau-Weiss Berlin comptent une apparition chacun en Bundesliga lorsque le Hertha Berlin en présente 15. Les Stuttgarter Kickers ont figuré deux fois parmi l’élite au milieu des années 1980 lorsque le VFB Stuttgart n’a jamais connu de relégation depuis son apparition en 1977 dans l’élite. Aux Pays-Bas, le FC Amsterdam, fondé en 1972, a développé une rivalité locale avec l’Ajax à trois reprises entre 1975 et 1977. Pour conclure sur ce point, il est possible d’effectuer une comparaison avec les ligues nord-américaines. Noll soutient que le système européen de promotion/relégation est en partie comparable au système de relocation/expansion en vigueur dans les ligues fermées (Noll, 2002). Par exemple, lorsqu’une équipe est reléguée en division inférieure et remplacée par une équipe d’une autre ville, il y a un remplacement de marché comme dans une délocalisation217. Si une ligue décide de changer le format de son championnat, en passant de 18 à 20 clubs, cela correspond à une expansion. Toutefois, dans le cas américain, l’expansion et la délocalisation correspondent généralement à l’apparition dans la ligue d’un nouveau marché. En Europe, la délocalisation via une promotion/relégation et l’expansion via un changement de format concernent des clubs dont nous avons vu qu’ils ont été fondés en grande majorité au début du XIXème siècle. Ainsi, le critère sportif d’accès aux ligues ouvertes atténue-t-il la portée du critère économico-démographique. III La performance dans les championnats nationaux La présence régulière d’une ville dans un championnat ne renseigne pas sur sa capacité à y être compétitive. L’analyse de la présence se trouve donc complétée par une analyse de la performance. Celle-ci est explicitée par deux variables. La première est la plus évidente. Il s’agit de déterminer la capacité d’une ville d’accéder au titre. Toutefois, il peut s’avérer qu’une ville soit régulièrement performante sans jamais accéder au sacre. Dès lors, la seconde variable envisage la réussite sportive sous forme du pourcentage de victoires. 217 A l’exception du rare cas où les équipes promues et reléguées relèvent du même marché. Par exemple, à l’issue de la saison 1980-1981, le club londonien de Crystal Palace quitte l’élite pour être remplacé par Fulham. 205/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen A - Les titres de champions Si en termes de présence au plus haut niveau les grandes villes n’ont pas accentué leur domination, qu’en est-il de la performance sportive ? La première variable à analyser est celle du nombre de titres par FUA. La figure 48 représente pour les 30 années d’étude le nombre de titres selon le rang des villes en indiquant le nombre de clubs champions pour chaque catégorie. Les 538 titres de champions distribués dans les 18 championnats218 se répartissent entre 105 villes. En d’autres termes, 21% des 496 villes ayant participé au moins une fois à l’élite ont été titrés. La domination des plus grandes villes est évidente : 90% des titres sont attribués à des villes du top 10 national. Sur les 43 FUA de plus d’un million d’habitants, 9 n’ont jamais été sacrées championnes (Francfort, Séville, Lille, Nürnberg, Gdansk, Düsseldorf, Berlin, Bari, Mannheim). Dans un tel contexte, les 11 titres revenant à des clubs localisés dans des FUA au-delà du 25ème rang national apparaissent comme exceptionnels. Seules huit équipes ont réalisé cette performance : AZ '67 Alkmaar (Pays-Bas), RC Lens (France), FK Marila Príbram (République Tchèque), Zaglebie Lubin Legnica (Pologne), Blackburn Rovers (Angleterre), Stal Mielec (Pologne), FC Kaiserslautern (Allemagne), AJ Auxerre (France). Toutefois, huit de ces 11 titres ont été décernés avant 1995. Cela nous amène à analyser cette variable dans une perspective historique. Figure 48 - Les titres de champions et la taille des FUA (18 championnats, 1975-2005) 218 Il manque deux titres non décernés. Le titre de champion de France de l’Olympique de Marseille en 19921993 lui a été retiré à la suite de l’affaire « OM/VA ». En 1982-1983, le club belge du Standard de Liège est destitué de son titre de champion également pour une affaire de corruption. 206/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux La carte 12 présente le nombre de titres par FUA sur les trois décennies d’analyse (l’annexe 8 à la page 307 représente les résidus de corrélation). Les pays se distinguent selon un degré d’ouverture au titre très variable. Si 10 villes françaises ont été sacrées championnes, il n’y en a que quatre en Autriche et aux Pays-Bas, trois en Ecosse, Grèce et Roumanie et deux au Portugal. Si certaines petites villes parviennent parfois à glaner un titre, la domination constante et exclusive des plus grandes dotées de clubs historiques est flagrante dans certains pays. Porto et Lisbonne dominent au Portugal, Barcelone et Madrid en Espagne, Rome, Turin et Milan en Italie, Athènes en Grèce, Bucarest en Roumanie, Glasgow en Ecosse. Toutefois, si la structure générale de la répartition des titres reste globalement la même – plus on est grand, plus on remporte de titres –, on perçoit tout de même une nette évolution dans le temps. Lors de la décennie 1975/1985, 13 villes du 6ème au 10ème rang parvenaient à remporter 29 titres. Sur la période 1995/2005, elles ne sont plus que six à avoir gagné 12 titres. Cela s’accompagne d’un renforcement de la position dominante des villes du top 5. Elles concentrent 84% des titres sur la période 1995/2005 contre 71% sur la période 1975/1985. Ce processus s’étend à la majorité des pays. Ces derniers n’étaient que sept sur la première période à voir les villes du top 5 remporter 90% des titres ou plus. Sur la dernière période, ils sont 12 sur 18. La situation de l’Angleterre est particulièrement frappante par la montée en puissance de Manchester et Londres. Ces villes absentes des récompenses entre 1975 et 1985, période marquée par la domination de Liverpool (6ème ville), remportent quatre titres la décennie suivante pour finalement s’accaparer l’ensemble des championnats entre 1995 et 2005 (six pour Manchester United, trois pour Arsenal et un pour Chelsea). Dans une moindre mesure, un processus similaire opère en France. Sur la première période, aucune des cinq grandes villes (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse) n’accède au titre. Entre 1985 et 1995, la réussite sportive de l’Olympique de Marseille (4 titres) et du Paris SaintGermain (2 titres) rehausse la domination de plus grande villes. Toutefois, sur la période suivante, parmi les cinq plus grandes villes, Lyon est la seule à accéder par quatre fois à la tête du championnat. 207/368 Carte 12 - L’évolution du nombre de titres par FUA (1975-2005) Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux Tableau 45 - Répartition des titres selon la fonctionnalité des FUA La répartition des titres selon la fonctionnalité des FUA montre également cette Hors Base FUA 3% 0% 1% restructuration (tableau 45). régional/local 6% 7% 3% transnational/national 26% 18% 22% Entre la première et la dernière MEGA 65% 75% 74% période d’étude, la domination Total 100% 100% 100% des MEGA s’est opérée au prix d’une diminution de la part des trois autres catégories. Mais il est envisageable qu’une ville soit régulièrement bien classée sans pour autant accéder au sacre. Cette variable de performance sportive peut être étudiée par le pourcentage de victoires. Fonction des FUA % de titres % de titres % de titres 75-85 85-95 95-05 B - Le pourcentage de victoires Les bases de données ont été construites à partir des données sportives « classiquement » référencées. Lorsqu’un club est présent, nous disposons du nombre de matchs gagnés, nuls ou perdus et du nombre de points. Il s’avère que ce dernier critère limite la capacité d’établir des comparaisons dans le temps et dans l’espace. En effet, les formules de championnats ainsi que les barèmes de points attribués ont évolué au cours des 30 dernières années et diffèrent d’un pays à l’autre. Dès lors, il est impossible de comparer des championnats constitués de 26 journées avec d’autres de 38. De même, il est difficile de comparer une saison où la victoire était récompensée par 2 points avec le système actuel qui en alloue 3. Il convient alors de tenir compte d’un autre critère de réussite sportive. La solution retenue a été de substituer un pourcentage de victoires au nombre de points. La difficulté est d’intégrer à cet indice les matchs nuls. Barget et Rouger considèrent que « comme ce type de résultat correspond à un partage de victoires, ou de défaites, entre deux équipes, il suffit d’ajouter au nombre de succès dans le championnat celui des rencontres nulles divisé par deux » (Barget & Rouger, 2000, p. 65). On obtient ainsi la formule suivante : w = x + n/2 2 Avec « w » le pourcentage de victoires, « x » le nombre de matchs gagnés, « n » le nombre de matchs nuls et « m » le nombre de matchs disputés. Lorsqu’il existe plusieurs clubs dans une même ville, nous nous heurtons à une nouvelle difficulté méthodologique. La moyenne des pourcentages de victoires ne serait pas une solution satisfaisante. A titre d’illustration, le FC Porto est le plus performant des 721 clubs sur cette période de 30 ans avec un pourcentage de victoires de 79,8%. Pourtant, avec un pourcentage de victoires de 44,7%, la ville de Porto n’est que le 179ème des 496 FUA. En effet, le club aux 15 titres de champion doit partager la ville avec 10 équipes moins performantes, ce qui de fait atténue le pourcentage de victoires de la ville. Le même phénomène existe dans d’autres grandes villes. Ainsi, Barcelone n’est classée que 61ème, les performances du FC Barcelone étant atténuées par les prestations moyennes de l’Español Barcelona et du CD Sabadell ; à Marseille, la bonne tenue de l’Olympique est contrebalancée par les mauvaises saisons du FC Martigues etc. 209/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Il convient donc d’accepter le constat que tous les clubs d’une grande ville ne sont pas nécessairement performants sans pour autant minimiser la performance des meilleures équipes dans la dilution d’une moyenne. C’est pourquoi, pour chaque saison, nous avons retenu le meilleur pourcentage de victoires d’une ville. A titre d’illustration, lors de la saison 1993-1994, trois clubs évoluent à Manchester avec une réussite sportive variable : Manchester United (77,4%), Manchester City (42,9%) et Oldham Athletic (36,9%). L’option d’une moyenne fournirait à la FUA de Manchester un pourcentage de victoires de 52,4%, ce qui ne reflète pas la performance des Red Devils champions cette année là. La seule performance de Manchester United a donc été retenue. Figure 49 - Le pourcentage de victoires et la taille des FUA (18 championnats, 1975-2005) La variable a été découpée en cinq classes : moins de 30% de victoires, de 30 à 40%, de 40 à 50%, de 50 à 60%, plus de 60% 219 . La figure 49 représente la distribution des pourcentages de victoires selon le rang des villes. Cette variable répondant à une loi normale, il n’y a pas de surprise à constater que la classe centrale (de 40 à 50%) est la plus représentée : 44% des FUA relèvent de cette dernière. 35 villes parviennent à présenter un pourcentage de victoires supérieur à 60% ; 30 d’entre elles sont dans le top 5 national. Seules deux villes au-delà du 10ème rang national appartiennent à cette classe : Bruges, 11ème ville belge, par les bonnes performances du Club Brugge FC, et La Corogne, 18ème ville espagnole, grâce au RC Deportivo220. Finalement, la domination des plus grandes villes est nette. Les trois quarts d’entre elles présentent un pourcentage de victoires supérieur à 50%. Il n’y en a que 31% pour les villes du 6ème au 10ème rang. A partir du 11ème rang, ce pourcentage est toujours inférieur à 16%. 219 Le diagramme de distribution des pourcentages de victoires est de forme symétrique : les effectifs sont nombreux sur les valeurs centrales et plus rares sur les valeurs extrêmes. La discrétisation en cinq classes selon la méthode « moyenne et écart-type », préconisée dans ce type de distribution, fut testée. Le découpage obtenu étant peu éloigné de notre discrétisation manuelle, nous avons favorisé cette dernière qui facilite la lecture et permet de réaliser les cartes comparatives dans le temps selon les mêmes bornes. 220 Il convient de noter que ce club, promu en 1991, n’a participé qu’à 14 saisons de Liga sur notre période. 210/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux Au-delà de ce constat, existe-t-il une évolution sur les 30 années ? La carte 13 représente pour chaque décennie le pourcentage de victoires moyen pour chaque FUA. En première lecture, il est difficile de déceler une évolution notable. En effet, les diagrammes présentent des structures similaires, permettant de conclure à une domination constante des plus grandes villes. On perçoit tout de même qu’entre la première et la dernière période d’analyse, quelques villes du top 5 national sont montées en puissance. C’est le cas de Francfort, Valence, Lyon, Rome, Trondheim, Varsovie, Cracovie, Stockholm et Graz. Pour déceler s’il y a eu une tendance à la concentration de la performance sportive dans les plus grande ville, il convient de se reporter aux tableaux. Pour chaque décennie, ils représentent le pourcentage de villes du top 5 parmi toutes celles ayant eu un pourcentage de victoires supérieur à 50%. La Grèce et l’Ecosse, ainsi que dans une moindre mesure l’Autriche et le Portugal, se distinguent par la constance des performances des plus grandes villes. Dans ce cas, les performances de Porto, Lisbonne, Athènes, Thessalonique, Glasgow et Vienne doivent être mises en rapport avec la structure urbaine particulière de leurs pays (voir le tableau 42 à la page 194). Ces derniers souffrent de l’absence de villes moyennes, accentuant la domination des rares grandes villes. L’indice de concentration moyen passe de 53% à 55%. Il ne s’agit certes pas d’une progression spectaculaire. Toutefois, il faut y voir une correction de certaines situations étonnantes : en France, entre 1975 et 1985, 10 villes parviennent à dépasser les 50% de victoires dont seulement deux villes du top 5 (Paris et Toulouse) ; entre 1995 et 2005, Toulouse est la seule des cinq plus grandes villes françaises à ne pas dépasser le cap de 50%. Il faut garder à l’esprit que cet indice de concentration dépend tout autant du nombre de villes du top 5 présentes que du nombre total de villes ayant un pourcentage de victoires supérieur à 50%. Si ces dernières sont nombreuses, l’indice baissera alors même que les villes de premier rang sont présentes 221 . C’est pourquoi nous avons ajouté dans une seconde colonne le nombre de villes du top 5 effectivement présentes (on se rend alors compte que les cinq premières villes espagnoles sont présentes sur les trois décennies). Si la domination des plus grandes villes a été constante sans réelle accentuation, on assiste à un nivellement par le bas. En effet, le phénomène le plus frappant est la difficulté des plus petites villes à produire de la performance. Lors de la période 1975/1985, les villes audelà du 16ème rang avec un pourcentage de victoires inférieur à 40% sont au nombre de 48. On en identifie 64 la décennie suivante et enfin 71 sur la dernière période. C’est ainsi que des villes comme Salamanque, Gijon et Alicante en Espagne, Maastricht, Den Bosch et Deventer aux Pays-Bas, ou encore Norwich en Angleterre, sont passées d’un niveau de performances « respectable » à une réussite plus mitigée, quand elles ne disparaissent pas de l’élite. Pour conclure, les grandes villes ont toujours présenté un pourcentage de victoires élevé. Si elles n’ont pas accentué leur réussite sportive au cours des 30 dernières années, celle-ci ressort par un effet de contraste dû à la régression des plus petites villes. 221 Par exemple, lors des deux premières décennies, l’indice de l’Allemagne peut sembler faible alors même que quatre des cinq premières villes ont franchi le cap de 50% (10 villes en 1975/1985 et 11 en 1985/1995 avaient dépassé les 50% de victoires). 211/368 Carte 13 - L’évolution du pourcentage de victoires par FUA (1975-2005) Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux C - L’équilibre compétitif En théorie, le lien entre la taille du marché et la capacité d’un club à être performant s’exécute ainsi : une équipe localisée dans une grande ville dispose d’un public potentiel nombreux. L’équipe pourra donc attirer de nombreuses personnes au stade et même augmenter le prix des places (la demande devrait être supérieure à l’offre - la capacité du stade -). L’équipe en question gagnera donc des revenus importants, du moins déjà plus qu’une équipe localisée dans une plus petite ville. Ces revenus permettent d’assumer une masse salariale plus onéreuse et, si la productivité des joueurs correspond à leurs salaires, cela devrait se concrétiser par plus de victoires. La nature de ce lien transitif vient d’être explicitée dans l’analyse précédente (taille/titres – taille/pourcentage de victoires). Toutefois, elle ne renseigne pas sur le degré d’incertitude d’un championnat en fonction de la taille des marchés qui le composent. La question à traiter pourrait être formulée ainsi : un championnat est-il d’autant plus déséquilibré que les équipes y prenant part disposent de marchés hétérogènes ? Afin de répondre à cette question, il est nécessaire de détailler les outils de mesure de l’équilibre compétitif. 1. Les indices statistiques de l’équilibre compétitif La difficulté de définir l’équilibre compétitif a déjà été soulignée dans le premier chapitre. Si le concept n’est pas évident à cerner, il apparaît être d’autant plus ardu à mesurer. Malgré ces difficultés, les économistes ont adopté un arsenal d’indicateurs statistiques permettant d’évaluer l’incertitude d’un championnat à l’issue d’un match, d’une saison ou sur le long terme. Le tableau 46 présente les outils les plus fréquemment utilisés. Tableau 46 - Les outils de mesure de l’équilibre compétitif dans ses trois dimensions Niveau d'incertitude Indices statistiques Indice de concentration Indice de dispersion A l'issue d'une saison Indice C5 et C5EC sur les points / Indice HH et HHEC sur les points Ecart type du % de victoires / Ecart type idéal du % de victoires Nombre de journées restantes Sur le long terme Indice C sur les titres Courbe de Lorenz et indice Gini sur les titres Démographie des flux A l'issue d'un match Autres Probabilités - Paris sportifs L’évaluation de l’équilibre compétitif à l’issue d’un match est la seule qui se réalise exante. Arnaud Rouger a analysé l’équilibre compétitif du basket-ball français (Rouger, 2000). S’intéressant plus particulièrement aux playoffs, il montre que dès la fin de la saison régulière il est possible par l’utilisation de calculs de probabilités de connaître le nom du champion. Concernant le football, Goddard construit un modèle de prévision hybride plus élaboré pour déterminer le résultat d’un match mais aussi le nombre de buts marqués (Goddard, 2005). Falter et Pérignon développent une approche similaire pour établir une liaison entre l’incertitude à l’issue d’un match et la demande du public (Falter & Pérignon, 2000). Depuis peu, Scelles entreprend des analyses empiriques ex-post dans un souci de comparer l’équilibre compétitif intra-match entre différentes disciplines (Scelles, 2006). Enfin, l’équilibre compétitif relevant de la perception probabiliste du public, de nombreux auteurs envisagent une analyse des paris sportifs (Archontakis & Osborne, 2007; Dawson & Downward, 2005; Kochman & Goodwin, 2004; Paul & Weinbach, 2005). 213/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Afin d’évaluer l’équilibre compétitif à l’issue d’une saison, Michie et Oughton proposent deux indices de concentration (Michie & Oughton, 2004): l’indice C5 et l’indice Herfindahl-Hirschmann. Le premier consiste à calculer la somme des points des cinq premiers clubs puis de la rapporter au total de points de l’ensemble des équipes. Plus l’indice est fort, plus le championnat est déséquilibré. L’indice C5 de l’équilibre compétitif (C5EC) est plus perfectionné: on confronte l’indice C5 à ce qu’il serait dans une ligue idéalement équilibrée. L’indice Herfindahl-Hirschmann a été construit pour rendre compte des inégalités de parts de marché dans un secteur industriel entre toutes les firmes. L’indice est calculé en additionnant le carré des parts de points de chaque club. De même que pour le C5EC, il est possible de construire un indicateur plus précis. L’indice HHEC confronte l’indice HH à ce qu’il devrait être dans une ligue où la répartition des points est parfaitement équitable. L’un des moyens les plus parlants pour évaluer l’équilibre compétitif consiste à déterminer quand l’incertitude est mathématiquement levée. Initiée par Kuypers, cette approche consiste à savoir à combien de journées de la fin du championnat un club est sacré champion (Kuypers, 1996). Sur le long terme, l’analyse se porte essentiellement sur les titres. Si il est possible d’appliquer des indices de concentration classiques, une approche plus élaborée mise en œuvre par Quirk et Fort et par Szymanski et Kuypers a pour but de construire une courbe de Lorenz et à calculer l’indice Gini (Quirk & Fort, 1992; Szymanski & Kuypers, 1999). Considérant que le modèle des ligues sportives européennes est caractérisé par la mobilité des équipes entre niveaux de compétition par le jeu des promotions/relégations, l’évaluation de l’équilibre compétitif d’une ligue consiste aussi à appréhender son degré d’ouverture à de nouveaux entrants. Murphy analyse le yo-yo phenomenon dans le football anglais d’élite entre 1947 et 1999 (Murphy, 1999). Frick et Prinz se penchent sur la capacité des équipes promues à se maintenir et cela dans plusieurs championnats européens (Frick & Prinz, 2004). Helleu et Durand étudient le renouvellement des effectifs des championnats de France de football et de basket par la démographie des flux (Helleu & Durand, 2005). L’approche la plus répandue dans la littérature a été soumise par Noll (1988) puis mise en application par Scully (1989). Les auteurs argumentent qu’un moyen d’appréhender l’équilibre compétitif consiste à observer les performances sportives dans une ligue et à les comparer aux performances théoriques qui auraient été produites si la ligue était idéalement équilibrée. Quirk et Fort développent la démarche : « en utilisant l’approche Noll-Scully, nous pouvons évaluer le degré d’équilibre compétitif d’une ligue en comparant les valeurs effectives de l’écart-type du pourcentage de victoires à ce qu’il aurait dû être dans une ligue dans laquelle chaque équipe aurait la même force. C’est-àdire qu’on détermine la mesure idéale pour une ligue où pour chaque équipe, la probabilité de remporter un match serait de 0,5 » (Quirk & Fort, 1992, p. 245). L’annexe 14 à la page 345 détaille les modalités de calcul de l’indice Noll/Scully. Les indicateurs statistiques sont donc variés mais comme le rappellent Cavagnac et Gouguet, il persiste des discussions sur « la pertinence elle-même d’un indicateur de dispersion ou de concentration des victoires qui ne refléterait pas la nature profonde de la compétition sportive » (Cavagnac & Gouguet, 2006, p. 10). C’est pourquoi, comme le suggèrent Gerrard et Kringstad, il est préférable de rendre compte de l’intensité compétitive plutôt que de l’équilibre compétitif. Ils expliquent que « l’intérêt du public ne dépend pas seulement du niveau général d’équilibre compétitif, ceteris paribus, mais plus 214/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux largement de l’intensité compétitive pour l’accès au titre » (Kringstad & Gerrard, 2007). De fait, une perception objectivée de l’incertitude ne repose pas dans l’application d’un seul indicateur mais plutôt dans une confrontation d’un ensemble de mesures. En effet, l’aspect qualitatif d’un championnat se trouve éludé si l’on considère que le ressort dramatique du spectacle est prioritairement lié à la faiblesse de l’écart de points entre les équipes à l’issue d’une compétition. Les mesures de concentration ou de dispersion n’indiquent pas si la saison fut incertaine. L’indice Noll-Scully peut être très faible, signe d’une compétition disputée, mais le vainqueur connu à dix journées du terme du championnat. A l’inverse, une compétition peut apparaître comme totalement déséquilibrée mais n’avoir révélé le vainqueur que lors de l’ultime journée. Le championnat écossais en est un parfait exemple. L’exercice 2002-2003 fut totalement déséquilibré puisque les deux premiers du championnat, les Old Firms de Glasgow, ont terminé avec 34 points d’avance sur le troisième et 69 points d’avance sur le dernier. Pourtant, l’incertitude liée à la remise du titre de champion a été totale. Avant la dernière journée, le Celtic et les Rangers comptent le même nombre de points, le même nombre de matchs gagnés, nuls et perdus, et la même différence de buts. Dans un duel à distance, c’est le club qui marquera le plus grand nombre de buts lors du dernier match qui sera champion. Les deux clubs finissent avec 97 points mais les Glasgow Rangers sont sacrés champion grâce à une différence de buts de +73 contre +72 au Celtic de Glasgow. Une situation d’équilibre ne débouche donc pas nécessairement sur de l’incertitude et de l’incertitude peut naître d’une situation totalement déséquilibrée. Conscients des biais liés à la mesure de l’équilibre compétitif, nous allons l’évaluer dans deux dimensions : l’incertitude à l’issue d’une saison (2) et l’absence de domination régulière (3). 2. L’incertitude à l’issue d’une saison Le tableau 47 présente la moyenne de l’indice Noll/Scully sur dix saisons pour chaque championnat. Les pays sont classés par groupe en fonction de leur indice UEFA (l’annexe 15 à la page 348 propose le détail des résultats par saison). Plus l’indice est proche de 1, plus le championnat est équilibré. La colonne « rang » correspond au classement des championnats selon la moyenne (du plus équilibré -1- au moins équilibré -18-). L’observation de la moyenne totale laisse apparaître une tendance à la perte d’incertitude. Il faut alors comprendre que le football européen, en moyenne, est de moins en moins incertain. Lorsque l’on compare l’indice de la première décennie à celui de la troisième, seuls cinq championnats présentent une amélioration de l’équilibre compétitif (France, Danemark, Suède, Suisse et Portugal, ce dernier restant toutefois, sur le long terme, l’un des championnats les moins équilibrés). Il se dessine une certaine logique. Dans les six pays du groupe 2 apparaissent les cinq championnats les plus hétérogènes (Belgique, Portugal, Grèce, Pays-Bas, Ecosse). Il s’agit pour l’essentiel de pays se caractérisant par un faible nombre de villes de 250 000 à 1 million d’habitants et d’un faible nombre de villes de plus d’un million d’habitants. En conséquence, on peut supposer que ces grandes villes dominent outrageusement le niveau national. Les pays du groupe 3, les plus petits de notre panel (exception faite de la Roumanie et de la Pologne), sont ceux qui semblent les plus incertains. Les Big Five s’intercalent entre ces deux groupes bien que la France se distingue une nouvelle fois par un indice laissant apparaître une forte homogénéité. 215/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Tableau 47 - Evolution de l’indice Noll/Scully dans les 18 championnats (1975 à 2005) Groupe Championnat 1975-1985 Allemagne Angleterre Big Five Espagne France Italie Belgique Ecosse Groupe Grèce 2 Pays-Bas Portugal Rép. tchèque Autriche Danemark Norvège Groupe Pologne 3 Roumanie Suède Suisse Moyenne 1,39425557 1,427639 1,27168263 1,42802881 1,39959535 1,5862238 1,99645318 1,62066614 1,74406485 1,83523109 1,15495045 1,23605001 1,34732169 1,21338527 1,05160869 1,11566861 1,29964586 1,75487805 1985-1995 1995-2005 Moyenne Rang 1,38798736 1,46194968 1,49161086 1,30710707 1,5138685 1,75026291 1,94556675 1,5572678 1,74629504 1,70009962 1,43426708 1,5150822 1,47579349 1,30012691 1,44673787 1,62120686 1,20914478 1,25947647 1,41243779 1,57986175 1,38061113 1,28505934 1,63125705 1,79006125 2,03282649 2,02556307 1,87877287 1,65445981 1,49573298 1,23756603 1,2927469 1,40631866 1,53175482 1,52017926 1,29080878 1,25905029 1,39822691 1,48981681 1,38130154 1,34006508 1,51490697 1,70884932 1,99161548 1,734499 1,78971092 1,72993017 1,36165017 1,32956608 1,37195403 1,30661028 1,34336713 1,41901824 1,26653314 1,42446827 9 12 8 4 13 14 18 16 17 15 6 3 7 2 5 10 1 11 1,4376305 1,50688063 1,53917046 1,49456053 Il est difficile de mettre en relation cet indice avec la taille du marché des clubs. A titre d’illustration, si nous confrontions cet indice avec un indice statistique de dispersion appliqué à la taille des villes et que nous observions une relation positive, nous pourrions en conclure que plus les clubs sont localisés dans des marchés de tailles différentes, moins le championnat est incertain. Toutefois, cela ne voudrait pas dire que le championnat est dominé par les plus grandes villes. C’est pourquoi la figure 50 a été construite. Sur le même principe que la carte 13 à la page 212, nous avons retenu pour chaque saison le meilleur pourcentage de victoires de chaque FUA puis effectué la moyenne sur les 30 saisons. La taille des villes est exprimée selon le rang national. Si l’intensité du lien n’est pas des plus robustes, il semble toutefois que les plus grandes villes présentent un meilleur pourcentage de victoires que les plus petites. Mise à part la ville de Berlin, toutes les premières villes présentent un pourcentage de victoires supérieures à 59%. A l’inverse, sur les 40 villes au-delà du 50ème rang national, deux (Auxerre et Kaiserlautern) ont un pourcentage de victoires supérieur à 50%. Ainsi, nous mettons en relief d’une part un lien entre la taille des villes et le pourcentage de victoires et d’autre part une dégradation de l’équilibre compétitif. Dès lors, il est envisageable de conclure que la perte d’homogénéité des championnats trouve son explication dans le renforcement de la position dominante des plus grandes villes. Pour confirmer cela, il est nécessaire d’effectuer un saut qualitatif dans l’appréhension de l’équilibre compétitif en l’envisageant sur le long terme. Ce travail s’effectue par une prise en compte de l’attribution des titres. 216/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux Figure 50 - Intensité du lien entre le pourcentage de victoires et la taille des villes (1975-2005) 3. L’incertitude sur l’attribution du titre Nous avons vu précédemment que les plus grandes villes accédaient de plus en plus souvent au titre national (carte 12 à la page 208). Cela témoigne déjà d’un déséquilibre compétitif. Cette analyse diffère légèrement en cela qu’elle porte sur les clubs et non sur les villes et qu’elle s’inscrit dans une volonté d’évaluer l’équilibre compétitif en fonction de la taille des marchés. Le tableau 48 concerne l’attribution des titres de champions en fournissant une évaluation de l’incertitude sur le long terme. Les pays sont classés selon leur groupe d’indice UEFA puis par ordre décroissant de l’indice %C1. Il se dégage un phénomène dynastique traduisant une absence d’incertitude : dans tous les pays, exceptions faites de la France et de la Pologne, le club le plus titré concentre à lui seul au moins un tiers des titres mis en jeu. Si chaque groupe n’est pas parfaitement homogène, on observe une cohérence. En moyenne, si l’on se réfère au pourcentage de clubs titrés ainsi qu’aux indices %C2 et %C1, les pays du groupe 3 apparaissent comme les plus équilibrés, suivis par les Big Five et les pays du groupe 2. 217/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Tableau 48 - L’accès au titre dans les 18 championnats (1975-2005) 44 42 46 46 45 Nb de clubs titrés 6 8 9 9 10 % de clubs titrés 13,6% 19% 19,6% 19,6% 22,2% 44,6 8,4 18,8% 7 41 23 52 42 36 40 9 4 4 5 4 7 22% 17,4% 7,7% 11,9% 11,1% 17,5% 8 2 2 2 2 5 39,0 5,5 14,6% 3,5 32 46 31 34 38 33 50 6 5 6 10 13 10 12 18,8% 10,9% 19,4% 29,4% 34,2% 30,3% 24% 5 3 3 9 12 9 11 Moyenne Groupe 3 37,7 8,9 23,8% 7,4 Moyenne total 40,2 7,5 19,1% 6 PAYS Indice UEFA Espagne Allemagne Italie Angleterre France Big Five Big Five Big Five Big Five Big Five Moyenne Big Five Rep. Tchèque Ecosse Portugal Grèce Pays-Bas Belgique Groupe 2 Groupe 2 Groupe 2 Groupe 2 Groupe 2 Groupe 2 Moyenne Groupe 2 Norvege Roumanie Autriche Suisse Danemark Suède Pologne Groupe 3 Groupe 3 Groupe 3 Groupe 3 Groupe 3 Groupe 3 Groupe 3 Nb total de clubs Nb de Nb de Nb de clubs 1 à clubs 6 à clubs à + 5T 10 T de 10 T 4 1 1 7 1 7 1 1 7 2 10 C2 %C2 C1 %C1 23 17 20 18 10 76,7% 56,7% 66,7% 60% 34,5% 15 14 12 10 5 50% 46,7% 40% 33,3% 17,2% 1,0 17,6 58,9% 11,2 37,4% 1 1 1 1 2 2 21 26 25 21 26 22 70% 86,7% 83,3% 70% 86,7% 75,9% 17 16 15 13 13 11 56,7% 53,3% 50% 43,3% 43,3% 37,9% 1,3 1,3 23,5 78,8% 14,2 47,4% 1 2 1 1 1 1 20 24 18 16 14 14 11 66,7% 80% 60% 53,3% 46,7% 46,7% 36,7% 16 15 12 11 10 10 6 53,3% 50% 40% 36,7% 33,3% 33,3% 20% 1,2 1,0 16,7 55,7% 11,4 38,1% 1,3 1,2 19,4 64,7% 11 41% 1,3 1 1 2 1 1 1 C2: nombre de titres concentrés chez les 2 clubs les plus titrés C1: nombre de titres concentrés chez le club le plus titré %C2: pourcentage de titres concentrés chez les 2 clubs les plus titrés %C1: pourcentage de titres concentrés chez le club le plus titré T: titres Les Big Five se caractérisent par la domination sur le long terme d’un ou deux clubs mais laissant place à d’autres équipes d’envergure européenne. En Allemagne, le Bayern Munich a remporté 14 titres mais six autres clubs en ont gagnés deux ou trois222. L’Italie, l’Angleterre et l’Espagne révèlent plutôt la réussite d’un duo : la Juventus et le Milan AC (12 et 8 titres), Liverpool et Manchester United (10 et 8 titres), le Real Madrid et le FC Barcelone (15 et 8 titres). De grands clubs de grandes villes complètent le palmarès : Valence, l’Atletico Madrid, Arsenal, l’AS Roma et l’Inter Milan ont remporté au moins deux titres. Le championnat français se distingue une nouvelle fois par une structure très particulière. Des 18 pays, c’est le seul à ne fournir aucun club à plus de cinq titres. Les indices de concentration %C1 et %C2 sont les plus faibles, dénotant ainsi une absence de domination sur le long terme : deux clubs ont remporté cinq titres (l’AS Monaco et le FC Nantes Atlantique), trois en ont remporté quatre (l’Olympique Lyonnais, les Girondins de Bordeaux et l’Olympique de Marseille), deux équipes ont deux titres (le Paris SG et l’AS Saint-Etienne), et trois équipes n’en ont qu’un seul (l’AJ Auxerre, le RC Lens et le RC Strasbourg). La France montre une nouvelle spécificité par une période de 11 ans où aucun club champion n’est parvenu à conserver son titre. Entre la fin de l’ère marseillaise (19911992) et le début du règne lyonnais (2001-2002), 10 clubs différents se sont partagés les 10 titres. Les championnats du groupe 2 sont les moins équilibrés. Les deux clubs les plus titrés concentrent plus de 70% des trophées nationaux et il existe toujours au moins un club à plus de 10 titres. Plus particulièrement, l’Ecosse, les Pays-Bas et le Portugal sont ceux qui fournissent le moins de clubs champions différents (4). Ces compétitions nationales sont 222 Trois titres pour le Borussia Dortmund, le Werder Bremen et le SV Hamburger ; deux titres pour le FC Kaiserslautern, le VfB Stuttgart et le Borussia Monchengladbach. 218/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux dominées par deux clubs qui concentrent toujours plus de 80% des titres mis en jeu. L’Ecosse est dominée par les deux grands clubs de Glasgow, la plus grande ville du pays (16 titres pour les Rangers, 10 pour le Celtic) ; les Pays-Bas sont dominés par l’Ajax Amsterdam (1ère ville du pays) et le PSV Eindhoven (6ème ville du pays) qui totalisent 13 titres chacun. Au Portugal, le FC Porto (2ème ville) a remporté la moitié des titres, en laissant 10 au Benfica Lisbonne (1ère ville). Cette situation confirme la difficulté des « petits » pays dotés de peu de grandes villes à fournir des championnats incertains. Enfin, les pays du groupe 3 apparaissent comme les plus équilibrés. Comme le remarquait Tenreiro, « les championnats les plus démocratiques pour produire des champions sont les plus petits pays » (Tenreiro, 2002). En moyenne, 8,9 clubs sur 37,7 ont accédé au titre. La Norvège, la Roumanie et l’Autriche se distinguent par la présence d’un club dominateur (Rosenborg avec 16 titres, Steaua Bucaresti avec 15 titres, Austria Wien avec 12 titres). En Danemark, en Suède et en Pologne, aucun club n’a remporté plus de 10 titres et un seul est présent dans la tranche 6 à 10 titres (Brøndby IF, IFK Göteborg, Wisła Kraków), laissant ainsi la place à de nombreuses équipes pouvant remporter moins de cinq titres. La Suisse se distingue par une structure macrocéphale : les Grasshopper-Club Zurich ont remporté 11 titres alors que les neuf autres clubs champions en ont moins de cinq. Est-il possible d’expliquer ce déséquilibre compétitif par la structure urbaine de chaque pays ? Pour répondre à cette question, il convient de retenir l’indice le plus pertinent pour caractériser la trame urbaine des pays. Le rapport ESPON fournit pour chaque pays un indice de polycentricité. Le concept de polycentrisme repose sur deux aspects complémentaires : le caractère morphologique (la distribution des FUA sur un territoire, leur taille, leur rang) et les relations entre les FUA (flux, coopération). Plus simplement, « si l’on se place dans une perspective continentale ou nationale, il y a polycentricité lorsque le système urbain se caractérise par plusieurs villes de différents niveaux plutôt que d’être simplement dominé par une seule ville 223 . » L’indice de polycentricité est construit par l’agrégation de trois variables : la taille, la connectivité, la localisation. Nous n’allons retenir que la variable morphologique (la taille), considérant que la variable relationnelle n’intervient pas dans la production d’un résultat sportif. Plus l’indice est fort, moins le pays est dominé par une seule ville. L’hypothèse formulée est que les pays à faible polycentricité sont dominés par les clubs des plus grandes villes. A l’inverse, un pays structuré par plusieurs centres de taille sensiblement égale permet un accès au titre plus démocratique. La figure 51 confronte l’indice de polycentricité au nombre de titres concentrés dans les deux plus grandes villes de chaque pays. Le coefficient de détermination (R2 = 0,2707), sans montrer une relation d’une grande intensité, traduit tout de même l’existence d’un lien. 223 Projet ORATE 1.1.1, Les potentiels de développement polycentrique en Europe. Résumé opérationnel du rapport final, p. 1. 219/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Figure 51 - Polycentricité des pays et domination des grandes villes Deux groupes de pays répondent au modèle. En bas à droite du graphique, les pays présentent un fort indice de polycentricité et les deux plus grandes villes concentrent moins de titres que la moyenne. Le cas italien illustre cette tendance. On observe en effet qu’il y a finalement peu d’écarts entre les villes de premier rang. Turin, la quatrième ville du pays (1,5 millions d’habitants) n’est que 2,2 fois plus petite que la première (Rome, 3,3 millions d’habitants). Cette absence de concentration d’une grande part de la population dans la plus grande ville permet à ses poursuivantes d’exister. Les villes italiennes les plus titrées sont la quatrième et la seconde (Turin et Milan). En haut à gauche, les pays se rapprochent de la monocentricité et les deux grandes villes concentrent plus de titres que la moyenne. Afin de comprendre l’ultra-domination des plus grandes villes en Grèce et au Portugal et dans une moindre mesure, en Autriche et au Danemark, il suffit de consulter le tableau 42 à la page 194 : il n’existe pas de ville de 250 000 à 1 million d’habitants pouvant concurrencer les villes de premiers rang. C’est ainsi que Porto, Lisbonne, Athènes, Thessalonique et Vienne dominent leur championnat. La France, caractérisée par la macrocéphalie parisienne, aurait dû répondre à cette configuration en voyant plus de titres attribués à la capitale. Toutefois, l’unicité de l’offre conjuguée à un système de répartition égalitaire des revenus a permis aux plus petites villes d’accéder au titre. A l’opposée, la Roumanie, l’Espagne, la République Tchèque et l’Ecosse224, malgré une trame urbaine équilibrée, sont nettement dominées par les deux plus grandes villes. 224 Dans le rapport Espon, il n’y pas de distinction entre les pays du Royaume-Uni. L’indice de polycentricité de l’Ecosse tient compte des villes anglaises, ce qui laisse penser à tort à une bonne intégration. Or, la ville de Glasgow est 2,5 fois plus grande que la seconde FUA, 6 fois plus grande que la troisième et 9 fois plus grande que la quatrième. En tenant compte de cela, l’Ecosse serait plus proche de la Grèce et du Portugal. 220/368 Chapitre V : Présence et performance dans les championnats nationaux Ainsi, l’analyse présente associée aux documents cartographiques précédents permet-elle de conclure à l’accentuation d’un déséquilibre compétitif. Si les outils statistiques montrent certaines limites, aussi bien dans l’évaluation de l’aléa que dans la part explicative du potentiel local, il semble toutefois que la structure urbaine des pays et qu’en conséquence celle des championnats déterminent en partie le degré d’incertitude : l’homogénéité urbaine, d’une façon générale, conditionne l’homogénéité sportive. Pour conclure sur le cinquième chapitre, deux éléments importants ont été mis à jour. Tout d’abord, il n’apparaît pas de lien entre le potentiel local et la présence des villes au plus haut niveau. De tous temps, les plus grandes villes ont possédé plusieurs clubs de sorte que l’offre de football de haut niveau fut toujours importante. L’hypothèse stipulant un renforcement de la présence des plus grandes villes n’est donc pas validée. Concernant la performance, la domination des plus grandes villes s’est accentuée. Il faut distinguer deux phénomènes. Concernant le pourcentage de victoires, les plus grandes villes ne sont pas tellement plus performantes que par le passé. Elles restent simplement à un haut niveau de réussite mais profitent d’un nivellement par le bas : si les grandes villes ne remportent pas plus de matchs, les petites en gagnent beaucoup moins que par le passé. En conséquence, les titres nationaux sont de plus en plus décernés à des grandes villes. L’équilibre compétitif - à l’issue d’une saison et sur le long terme - s’en trouve affecté. 221/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Chapitre VI Présence et performance dans les Coupes d’Europe Tableau 49 - L’interrelation national/continental : les clubs Pays Allemagne Norvège Ecosse Danemark France Belgique Angleterre Suède Espagne Rép.Tchèque Pologne Autriche Pays-Bas Roumanie Italie Suisse Grèce Portugal Nb de Nb de clubs % en clubs à à l'échelle Coupes l'échelle continentale d'Europe nationale 42 32 23 38 45 40 46 33 44 41 50 31 36 46 46 34 42 52 29 21 15 24 28 24 26 18 24 22 26 16 17 20 20 14 15 18 69% 66% 65% 63% 62% 60% 57% 55% 55% 54% 52% 52% 47% 43% 43% 41% 36% 35% L’apparition d’une équipe au niveau continental est soumise à sa performance sportive à l’échelon national. La présence récurrente ainsi que la réussite de quelques clubs contribuent à façonner une mémoire des Coupes d’Europe où ne figureraient qu’une minorité d’équipes. C’est ainsi qu’à l’évocation de l’histoire des Coupes d’Europe, quelques clubs et leurs confrontations - viennent de suite à l’esprit : Liverpool, la Juventus, le FC Barcelone, le Real Madrid, l’AC Milan, le FC Porto, l’Ajax, le Bayern Munich, l’Inter, Manchester United etc. Pourtant, si ces clubs ont indiscutablement contribué à nourrir l’histoire des Coupes d’Europe, ils sont loin d’être les seuls à avoir Total 721 377 52% participé aux joutes européennes. Ainsi, sur les 721 équipes recensées dans les 18 championnats, 377 (52%) ont participé au moins une fois à l’une des trois Coupes d’Europe. En moyenne, une équipe sur deux d’un championnat national est apparue au moins une fois à l’échelle continentale. Comme le montre le tableau 49, ce degré d’ouverture varie selon les championnats. Il reste toutefois difficile d’avancer une interprétation définitive et catégorique de ce rapport. A titre d’illustration, l’Allemagne et la Grèce ont eu le même nombre de clubs en championnat national, mais le premier pays en a vu 69% participer aux Coupes d’Europe lorsque le second en a vu 36%. Il doit se jouer là un phénomène complexe où interviennent divers facteurs : l’équilibre compétitif national (notamment le renouvellement des équipes aux place qualificatives), le format des championnats, l’indice UEFA de chaque pays permettant d’engager plus ou moins d’équipes. 222/368 Chapitre VI : Présence et performance dans les Coupes d’Europe La figure 52 propose la même analyse, non plus sur les clubs, mais sur les villes. En noir, apparaît le nombre de villes ayant participé au moins une fois à une Coupe d’Europe, en grisé, celles qui n’y sont jamais parvenues. La somme de ces deux types de villes correspond donc au nombre total de FUA par championnat. Les pays sont classés par ordre décroissant du pourcentage de villes ayant atteint le niveau continental (carré noir). Le classement qui apparaît ici change considérablement de celui des clubs. Les cinq derniers pays au classement du pourcentage de clubs atteignant l’échelon continental (Roumanie, Italie, Suisse, Grèce, Portugal) sont ici les cinq premiers. A l’inverse, parmi les cinq pays en tête du classement du pourcentage de clubs atteignant l’échelon continental, trois font désormais partie des cinq derniers pays du classement du pourcentage de villes en Coupe d’Europe (Allemagne, Norvège, France). Figure 52 - L’interrelation national/continental : les villes Une nouvelle fois, l’interprétation demeure difficile. Le phénomène de multiplicité ou d’unicité pourrait constituer une piste explicative. En effet, en considérant que des équipes d’un championnat cohabitent dans un nombre réduit de villes (multiplicité), cela faciliterait la capacité de ces villes à atteindre le niveau continental. Pour le dire autrement, plus les clubs sont concentrés dans un faible nombre de villes, plus ces villes auraient une probabilité importante de parvenir à l’échelon continental. Cette explication semble cohérente et fonctionner pour le Portugal. Il s’agit du deuxième pays en terme de multiplicité (1,92 club par ville) et du troisième en terme de pourcentage de villes présentes en Coupe d’Europe (63%), alors même que c’est le dernier en terme de pourcentage de clubs présents au niveau européen (35%). Toutefois, la Belgique - le premier pays en terme de multiplicité (2,35 clubs par ville) - figure en queue du classement du pourcentage de villes accédant aux Coupes d’Europe. Afin de dépasser ce paradoxe, il convient de s’en remettre à la variable démograpique. On observe en effet que 71% des villes qui n’ont jamais accédé à l’échelon continental comptent moins de 200 000 habitants. Ce taux est de 40% pour les villes ayant accédé au moins une fois à l’une des trois Coupes d’Europe. 223/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Avant d’aller plus loin dans l’analyse du critère démographique, il est nécessaire dans un premier temps de procéder à une présentation générale. Dans le cadre de cette analyse à l’échelle continentale, il ne s’agit plus - comme dans le chapitre précédent - de comparer des structures nationales en tenant compte de la diversité des structures urbaines. Dès lors, il n’est plus utile de raisonner en rang national. La répartition des villes et des clubs selon la masse démographique (figure 53) présente une structure logique : plus on grimpe dans la hiérarchie urbaine, moins il y a de grandes villes, moins il y a de clubs. C’est ainsi que parmi les villes étant apparues au moins une fois en Coupe d’Europe, 58,5% comptent moins de 250 000 habitants. L’importance des villes de plus d’un million d’habitants n’est pas à négliger. Elles concentrent à elles seules 26% des clubs européens. Rappelons que sur les 525 villes européennes, 489 sont recensées dans la base ESPON. Il est alors possible pour ces dernières de rapporter leur apparition au niveau continental à la classe de taille à laquelle elles appartiennent. On s’aperçoit alors que seulement 12,5% des villes de moins de 250 000 habitants ont accédé à l’échelon européen ; c’est le cas de 49,3% des villes de 250 000 à 500 000 habitants ; de 71,7% des villes de 500 000 à 1 million ; de 93,9% des villes de 1 à 2 millions225 et de 100% des villes de plus de 2 millions. Le phénomène est le même que celui observé à l’échelon national : alors que le nombre de villes diminue au fur et à mesure que l’on grimpe dans la hiérarchie urbaine, le pourcentage de villes de stature européenne ne fait que progresser. Figure 53 - Le nombre de ville et de clubs en fonction de la taille (1975-2005) 225 Deux villes de plus d’un million d’habitants présents dans la base ESPON n’ont jamais accédé aux Coupes d’Europe : Mannheim et Bari. 224/368 Chapitre VI : Présence et performance dans les Coupes d’Europe I La présence en Coupes d’Europe 4 519 offres de Coupes d’Europe ont été recensées sur les 30 années. 57,4% des participations ont été enregistrées en Coupe de l’UEFA, 23,3% en Ligue des champions et 19,3% en Coupe des Coupes. En première analyse, les villes de moins de 250 000 habitants semblent les plus présentes à l’échelle continentale : elles concentrent en moyenne 30,5% de l’offre dans les trois coupes, soit deux fois plus que les villes de 500 000 à 1 million d’habitants (14,8%). Cette concentration est due à la forte représentation de cette catégorie (308 villes de moins de 250 000 habitants). Toutefois, 60% de ces villes ne sont apparues qu’une, deux ou trois fois à l’échelle continentale. Ainsi, afin de gommer cet effet de masse, il convient de raisonner en offre moyenne. La carte 14 représente le nombre d’offres d’une ville en fonction de sa taille sur la période 1975/2005 (l’annexe 9 à la page 308 représente les résidus de corrélation). Elle est complétée par un graphique de l’offre moyenne dans chacune des trois coupes d’Europe selon la taille. Cette structure inspire deux remarques. En premier lieu, plus l’on grimpe dans la hiérarchie des villes, plus l’offre augmente : 33 villes proposent plus de 30 offres ; 23 d’entre elles font plus d’un million d’habitants. Une ville de moins de 250 000 habitants dispose en moyenne de 7,6 offres toutes compétitions confondues, lorsqu’une ville de plus de 2 millions d’habitants en propose 33,6. En second lieu, l’existence d’une offre préférentielle en fonction de la taille des villes est minime. Les plus petites villes ont une offre où le poids de la Coupe des Coupes pèse plus et la Ligue des champions pèse moins que l’ensemble des villes. Mais d’une manière générale, quelle que soit la catégorie envisagée, chacune des coupes pèse sensiblement le même poids (en moyenne, l’offre d’une ville se partage entre 57% de Coupe de l’UEFA, 24% de Ligue des champions et 19% de Coupe des Coupes). Carte 14 - L’offre moyenne dans les trois Coupes d’Europe en fonction de la taille des villes (1975-2005) 225/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Au-delà de cette structure conforme aux effets de hiérarchie mis en évidence auparavant, il s’agit de déceler si sur la période de 30 années, il existe un phénomène de concentration de l’offre dans les plus grandes villes. Le tableau 50 représente la part de l’offre totale de chacune des catégories de villes sur trois décennies. Paradoxalement, les plus petites villes semblent concentrer de plus en plus d’offres, alors que dans toutes les autres catégories (mise à part celle de 500 000 à 1 million d’habitants) on constate une diminution. Toutefois, d’une manière générale, la répartition dégagée, ainsi que son évolution, invitent à conclure à la stabilité. Tableau 50 - Le poids de chaque classe de villes dans l’offre totale de Coupe d’Europe par décennie Pour aller plus loin, comme cela a été Classe taille 1975-1985 1985-1995 1995-2005 effectué auparavant, il convient de < 250 28% 30% 33% raisonner en terme d’offre moyenne. 250 à 500 15% 13% 14% La figure 54 fait apparaître deux 500 à 1 M 15% 15% 15% 26% 25% 23% informations : l’évolution de l’offre 1 à 2 M 16% 17% 15% moyenne sur trois décennies en > 2 M total 100% 100% 100% fonction de la taille des villes ; l’évolution du nombre de villes sur trois décennies pour chacune des catégories. On s’aperçoit alors qu’il n’y a guère que les villes de plus de 500 000 habitants qui connaissent une progression de leur offre. Le phénomène est plus prononcé pour les villes de 1 à 2 millions d’habitants (de 8,9 offres en 1975-1985 à 11,4 offres en 1995-2005) et pour les villes de plus de 2 millions d’habitants (de 9,9 à 13,8 offres). Le phénomène le plus marquant est celui de l’évolution du nombre de villes. Au-delà de 500 000 habitants, le nombre de villes présentes n’évolue pas ou peu. En deçà, il existe une progression : 48 villes de 250 000 à 500 000 habitants participaient à une Coupe d’Europe entre 1975 et 1985, elles sont 20 de plus entre 1995 et 2005. Surtout, la participation des villes de moins de 250 000 habitants a pratiquement été multipliée par deux (de 112 à 213). Mais, dans le même temps, lorsque 32% des villes de moins de 250 000 ne sont apparues qu’une seule fois entre 1975 et 1985, elles sont 42% dans ce cas entre 1995 et 2005. Figure 54 - Evolution de l’offre moyenne et du nombre de villes en Coupe d’Europe selon la taille 226/368 Chapitre VI : Présence et performance dans les Coupes d’Europe Ainsi, tout semble se passer comme si les successives réformes des Coupes d’Europe (suppression de la Coupe des Coupes, multiplication des tours préliminaires) bénéficiaient aux plus petites villes qui s’avèrent toutefois être de moins en moins performantes. Pour confirmer cela, il est nécessaire de se focaliser non plus sur la présence mais sur la performance. II La performance en Coupes d’Europe A - Le nombre de titres Entre 1975 et 2005, 84 titres continentaux ont été décernés (30 Ligues des champions, 30 Coupes de l’UEFA, 24 Coupes des Coupes). Ils se répartissent entre 44 clubs de 38 villes (figure 55). Si 16 des 52 fédérations actuelles peuvent se prévaloir d’avoir au moins un titre continental, les quatre pays les plus titrés (Italie, Angleterre, Espagne, Allemagne) concentrent 71% de l’ensemble des titres (77% des titres en Ligue des champions, 70% des Coupes de l’UEFA et 67% des Coupes des Coupes). Parmi les pays avec un seul titre, la Serbie Monténégro et la Roumanie se distinguent par un sacre en Ligue des champions226. Figure 55 - Répartition des titres continentaux pas pays (1975-2005) La carte 15 représente le nombre de titres par ville par décennie et précise le pourcentage de titres selon la taille. Une nouvelle fois, il se dessine une logique hiérarchique : 64% des titres continentaux ont été attribués à des villes de plus d’un million d’habitants, 33% à des villes de 250 000 à 1 million d’habitants et seulement deux titres à des villes de moins de 250 000 habitants227. 226 Le Steaua Bucarest en 1986 et l’Etoile Rouge de Belgrade en 1991. Ipswich Town (Angleterre) remporte la Coupe de l’UEFA en 1981, et Aberdeen (Ecosse) remporte la Coupe des Coupes en 1983. 227 227/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Carte 15 - Les titres continentaux par décennie 228/368 Chapitre VI : Présence et performance dans les Coupes d’Europe Au-delà, plusieurs indicateurs sont plutôt stables. Il y a eu 18 villes championnes sur la première décennie (D1), 21 sur la seconde (D2) et à nouveau 18 sur la troisième (D3). Concernant le nombre de villes avec un seul titre, on en dénombre 12 en D1, 16 en D2 et 13 en D3. Le nombre de pays représentés est de 9 en D1, 12 en D2 et à nouveau 9 en D3. Toutefois, concernant ce dernier critère, on assiste à une éviction des pays « périphériques » : l’Ecosse, la Suède, la Géorgie, l’Ukraine, la Roumanie et la Serbie n’ont pas remporté de titres au cours de la dernière décennie. Dans le même temps, la présence d’une ville dynastique dominant une période s’amenuise : il y avait trois villes à trois titres ou plus en D1, deux en D2 et plus qu’une en D3228. Cette absence de domination régulière ne peut toutefois pas s’apparenter à un regain de l’équilibre compétitif à l’échelle continentale. En effet, si il peut demeurer une incertitude sur l’attribution du titre, l’effet du hasard ne concerne que le plus grandes villes. Lorsque 43% des titres étaient attribués à des villes de plus d’un million d’habitants en D1, c’est le cas de 79% des titres en D3. Les villes de moins de 500 000 habitants se sont vues évincées de l’accès au sacre : il y en avait 12 en D1, il n’y en a plus que 3 en D3. Enfin, ce document permet de mettre en relief des invariants. Quatre villes sont présentes sur chacune des périodes : - Turin, 34ème plus grande ville de la base : 6 titres remportés (1 Coupe des Coupes, 2 Coupes de l’UEFA, 3 Ligue des champions) par la Juventus. - Madrid, 5ème plus grande ville de la base : 5 titres remportés (2 Coupes de l’UEFA, 3 Ligues des champions) par le Real Madrid. - Barcelone, 9ème plus grande ville de la base : 5 titres remportés (1 Ligue des champions, 4 Coupes des Coupes) par le FC Barcelone. - Londres, 4ème plus grande ville de la base : 3 titres remportés (1 dans chacune des coupes) par Tottenham Hotspur, Chelsea et Arsenal. L’analyse peut être étendue aux villes présentes sur les deux dernières décennies : - Milan, 13ème plus grande ville de la base : 7 titres remportés (3 Coupes de l’UEFA, 4 ligues des champions) par le Milan AC et l’Inter. - Porto, 45ème plus grande ville de la base : 3 titres remportés (1 Coupe de l’UEFA, 2 Ligue des champions) par le FC Porto. - Parme, 214ème plus grande ville de la base : 3 titres remportés (2 Coupes de l’UEFA, 1 Coupe des Coupes) par l’AC Parme. - Manchester, 21ème plus grande ville de la base : 2 titres remportés (1 Ligue des champions, 1 Coupe des Coupes) par Manchester United. Toutes ces villes, mis à part Parme, sont considérées dans la base ESPON comme des FUA de niveau MEGA. Dès lors, certaines villes de niveau équivalent par la taille ou par la fonctionnalité se distinguent par une absence de titre ou de sacre régulier : Paris (1 Coupe des Coupes), Berlin, Athènes, Stuttgart, Lisbonne, Stockholm, Copenhague, Cologne, Lyon, Vienne, Marseille (1 ligue des champion), Amsterdam (3 titres mais en D2), Glasgow. 228 1975/1985 : 6 titres pour Liverpool, 3 pour Turin et Bruxelles. 1985/1995 : 5 titres pour Milan, 3 pour Amsterdam. 1995/2005 : 3 titres pour Madrid. 229/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen B - Le nombre de points De nombreuses villes peuvent être performantes à l’échelle européenne sans pour autant accéder à un titre. Pour envisager cette facette de la réussite sportive, il convient de recourir au barème de points. La carte 16 présente le nombre de points par ville entre 1975 et 2005 (l’annexe 10 à la page 308 représente les résidus de corrélation). Comme le montre le graphique en haut à droite de la carte, une progression dans la hiérarchie urbaine s’accompagne d’une augmentation du nombre moyen de points. Un phénomène particulièrement intéressant est celui des villes à zéro point. Il s’agit donc de villes ayant participé à une Coupe d’Europe sans remporter le moindre match. Cela n’est pas neutre puisque 52 villes (soit 10% de celles ayant pris part à une Coupe d’Europe) sont dans ce cas. Il n’y a que six villes de plus de 250 000 habitants dans ce cas229. D’une manière générale, les villes à zéro point relèvent de petites fédérations : Albanie, Andorre, Iles Féroé, Irlande, Kazakhstan, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays de Galles, Saint-Marin. A l’autre extrémité, 18 des 20 villes à plus de 250 points bénéficient d’un potentiel local supérieur à 1 million d’habitants. Carte 16 - Le nombre de points par ville (1975-2005) L’Europe du football qui se dessine, sous une apparente ouverture (voir la figure 54 à la page 226), est fortement segmentée entre les villes pour qui l’important est de participer et celles pour qui, ce qui compte, c’est de gagner. Afin de valider ou d’infirmer cette intuition d’une Europe à plusieurs vitesses, il convient de confronter plusieurs éléments. 229 Moguilev (Bielo-Russie), Almaty (Kazakhstan), Breda (Pays-Bas), Makhachkala (Russie), Bursa et Eskisehir (Turquie). 230/368 Chapitre VI : Présence et performance dans les Coupes d’Europe En premier lieu, sous la pression des plus grands clubs soucieux d’assurer des revenus par une formule de compétition plus stable que l’élimination directe, l’UEFA a consenti à modifier le format de ses coupes. Le premier changement intervient lors de la saison 19921993. La Coupe des clubs champions est remplacée par la Ligue des champions, laquelle combine dorénavant une phase de poules et une phase en élimination directe. En 19971998, en réaction au projet de ligue fermée de Media Partners, l’UEFA autorise l’accès à la ligue aux vice-champions des huit pays les mieux classés à l’indice UEFA. Actuellement, la C1 est composée de 3 tours qualificatifs, d’une phase de poule où 32 équipes sont réparties dans 8 groupes puis d’une phase à élimination directe (des huitièmes de finale à la finale). Face à la baisse de notoriété de la Coupe des Coupes, l’UEFA réagit en l’intégrant en 1999-2000 à la Coupe de l’UEFA. Cette dernière compétition rassemble donc : - les clubs ayant terminé aux places d’honneur de leur championnat national ; - les clubs ayant remporté une coupe nationale (coupe de la fédération ou de la ligue) ; - des clubs issus de la Coupe Intertoto230 ; - trois équipes selon leur fair-play ; - les clubs éliminés au troisième tour qualificatif ou finissant troisièmes des phases de groupes de la Ligue des champions. Depuis 2004-2005, cette coupe a également introduit un système de poule. Les critères d’accès assez larges et le format retenu en font une coupe peu lisible. William Gaillard, directeur de la communication de l’UEFA, reconnaît que « la Coupe de l’UEFA est un peu la deuxième division du football européen231 ». C’est ainsi que les équipes engagées dans cette « seconde zone européenne » se partagent 33,75 millions d’euros lorsque les clubs participant à la C1 se répartissent 547 millions232. Le premier effet de ces changements successifs de format est la multiplication des matchs (donc des revenues des clubs). A titre d’illustration, 61 matchs ont constitué l’édition 1975-1976 de la Ligue des champions à laquelle ont participé 32 clubs. 30 années plus tard, entre les trois tours qualificatifs, la phase de poules et la phase à élimination directe, la Ligue des champions a compté 205 rencontres (72 équipes). Concernant la Coupe de l’UEFA, l’édition 1975-1976 a réuni 64 clubs pour 126 matchs. En 2004-2005, on compte 145 clubs pour 325 matchs. 230 Cette compétition continentale de football a été créée en 1961. Son objectif était de fournir des rencontres afin que les sociétés de paris aient des matchs sur lesquels parier en période estivale. Y participent les clubs classés aux places d’honneur de leur championnat national mais n’étant qualifiés pour aucune des Coupes d’Europe. Depuis 1995, l’UEFA prend en charge l’organisation de cette compétition et en fait une voie de qualification alternative pour la Coupe UEFA. 231 Koetschet, P. (29 novembre 2006). La Coupe de l’UEFA n’intéresse plus ni les clubs ni le public. Le Monde. 232 Moatti, E. (28 septembre 2006). Le parent pauvre des Coupes d’Europe. L’Equipe, p. 8. 231/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen L’augmentation du nombre de matchs, selon la nature même du barème mis en place par l’UEFA, débouche sur une augmentation du nombre de points à répartir. Il convient donc de voir à qui a profité ce changement de format. Dans la figure 56, nous avons isolé la Ligue des champions en qualité de Coupe d’Europe la plus prestigieuse, médiatique et rentable. Les points de la Coupe de l’UEFA et de la Coupe des Coupes ont été agglomérés. Pour chacune des catégories de ville, chaque bâton correspond à une décennie. Concernant la Coupe des Coupes et la Coupe de l’UEFA, si la multiplication du nombre de matchs bénéficie aux villes de plus d’un million d’habitants, on n’assiste pas pour autant à un décrochage important. L’effet le plus saisissant concerne la catégorie des villes de plus de 2 millions d’habitants en Ligue des champions. Entre 1985 et 1995, les villes de plus de 2 millions d’habitants engagées en Ligue des champions remportaient en moyenne 29,1 points. La décennie suivante, elles en remportent 76, soit une augmentation de 161% lorsque les villes de 1 à 2 millions d’habitants n’ont progressé que (sic) de 55%. Figure 56 - Le nombre moyen de points par ville par décennie et par Coupe 232/368 Chapitre VI : Présence et performance dans les Coupes d’Europe III La particularité de la Ligue des champions « He feels [Lennart Johansson, alors président de l’UEFA] that Uefa created this fantastic competition in 1992, but that it has now become a monster that has produced this unequal struggle between haves and have-nots in countries across Europe.” Propos tenus par un proche de Lennart Johansson en 2004233 Un tel constat invite à analyser plus particulièrement la Ligue des champions. La carte 17 représente l’offre par ville en C1. Si l’on envisage la compétition dans sa globalité, c’est-àdire dès les tours qualificatifs, 297 clubs de 225 villes se répartissent les 1 051 offres de C1 entre 1975 et 2005. Comme on le voit sur la carte suivante, des petites fédérations fournissent des villes participant occasionnellement : l’Islande, les îles Féroé, le Pays de Galles, l’Irlande, Malte, le Luxembourg, la Macédoine, Israël, Kazakhstan, les pays baltes… Bien entendu, ces fédérations mineures ne parviennent pas à installer un représentant dans la phase de poules. Carte 17 - L’offre en Ligue des champions (1975-2005) Les 20 villes avec 15 participations ou plus sont réparties dans 18 pays. 16 d’entre elles font plus d’un million d’habitants. Toutefois, ces apparitions récurrentes associées à un potentiel local conséquent ne préjugent pas d’une bonne tenue sportive dans la compétition. Il existe parmi ces entités quelques villes championnes ou finalistes (Milan, Turin, Munich, Madrid, Lisbonne, Bucarest, Porto) mais la plus grande majorité sont des villes disposant 233 Campbell, D. (7 novembre 2004). Champions League’is killing football. The Guardian Digital Edition. 233/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen d’une telle offre de C1 parce qu’elles concentrent l’offre nationale (Istanbul, Moscou, Athènes, Kiev, Budapest, Vienne, Prague, Glasgow, Sofia, Belfast, Tirana, Nicosie, Reykjavik). Nous l’avons vu, cette compétition semble au premier abord relativement ouverte. Mais l’est-elle toujours autant depuis la réforme de 1992 ? Il ne semble pas judicieux d’intégrer les tours qualificatifs pour cette analyse. Jean-François Bourg déclare qu’ « on parle depuis des années de la création d’une ligue européenne de foot fermée. Mais elle existe de manière insidieuse. Les quarts de finalistes de la Ligue des champions sont toujours les mêmes234. » Sur cette base, nous avons construit la carte 18 qui compare l’apparition des villes en quarts de finale post/pré réforme de 1992. Certes, les deux périodes d’analyse ne font pas la même durée (18 saisons de 1975 à 1992 et 12 saisons de 1993 à 2005) mais l’écart est faible pour compromettre la validité du phénomène. Sur la première période, 53 villes de 25 pays sont parvenues au moins une fois en quart de finale de la Ligue des champions. Si 63% de ces villes font plus d’un million d’habitants, la part des autres villes n’est pas neutre. C’est ainsi que Moedling (Autriche), Lahti (Finlande), Dundee et Aberdeen (Ecosse), Split (Croatie) - des villes de moins de 250 000 habitants - ont atteint les quarts de finale235. Sur la seconde carte, 32 villes de 15 pays se partagent les apparitions en quart de finale. Cette réduction des effectifs s’opère selon un triple processus : - la disparition de 35 villes présentes avant 1992. Parmi elles, il y a certes 16 villes de plus d’un million d’habitant mais il s’agit majoritairement de villes de l’Est (Dniepropetrovsk, Cracovie, Ostrava, Lodz, Sofia, Prague, Belgrade, Minsk, Bucarest) ; - l’apparition de grandes villes qui étaient auparavant absentes (Manchester, Londres, Valence, Dortmund, La Corogne, Francfort, Lyon, Paris) ; - le maintien de villes toujours aussi performantes : Madrid, Munich, Milan, Turin, Amsterdam, Barcelone, Porto, Liverpool, Athènes, Nice, Kiev. Dorénavant, 80% des villes engagées en quarts de finale pèsent plus d’un million d’habitants, avec une présence accrue des villes de plus de 2 millions (de 27% à 49% de la présence totale). Cela témoigne de la métropolisation de la Ligue des champions. Le concept de « métropolisation » est encore discuté dans le domain de la géographie (Leroy, 2000). Nous l’entendons ici comme un processus de mutation fonctionnelle des plus grandes villes qui tendent à accentuer leur domination dans la concentration de certaines activités. Dans notre cas, il ne s’agit pas d’une activité à proprement parler du secteur tertiaire mais d’une activité de service de type spectacle sportif de haut niveau à l’échelle continentale. Comme nous l’avons vu, la capacité d’une ville à offrir ce service de façon récurrente ne dépend plus seulement de l’aléa sportif mais du potentiel local. En outre, les villes régulièrement performantes accentuent leur position dominante grâce aux gains redistribués par l’UEFA. 234 Guérard, S. (7 mars 2007). Ligue des champions : la fracture sportive. L’Humanité. Dundee United parvient même en demi finale en 1987/1988 contre l’AS Roma. Après avoir remporté le premier match à domicile par 2 à 0, les Ecossais s’inclinent 3 à 0 en Italie. 235 234/368 Chapitre VI : Présence et performance dans les Coupes d’Europe Carte 18 - Comparaison de l’accès en quarts de finale de la Ligue des champions : avant/après la réforme de 1992 Nous l’avons vu dans la figure 35 à la page 161, ces revenus tiennent compte de l’ampleur du marché télévisuel, ce qui constitue déjà une forme de rémunération sur critère de la taille du marché. La figure 57 présente l’évolution des gains en C1 entre 1996-1997 et 2006-2007. On voit que la seconde réforme de 1998 visant à contrer le projet d’une ligue privée aboutie à une hausse considérable des revenus mais surtout à une dilution de la solidarité : en 11 années, l’écart-type et l’écart-interquartile ont été multipliés par 2,5. Sur les 93 clubs apparus en phase finale sur cette période, les 20 clubs les plus rémunérés concentrent 65% des revenus redistribués. Les cinq pays les mieux rémunérés (Angleterre, 235/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Espagne, Italie, Allemagne, France) concentrent quant à eux 74% des revenus. On comprend que ce processus de concentration des revenus dans une minorité de clubs localisés dans les plus grands pays a deux conséquences : aggravation du déséquilibre compétitif à l’échelle nationale ; instauration d’une Ligue des champions semi-fermée. Figure 57 - Les gains en Ligue des champions (1996 à 2006) En effet, les gains conséquents obtenus à l’échelle continentale sont investis dans des joueurs de qualité. Si un mauvais classement est toujours envisageable, d’une manière générale et sur le long terme, ces clubs s’assurent une participation récurrente à la Ligue des champions. Bourg et Gouguet résument ce propos : « partout en Europe, les championnats sont dominés pas quelques gros clubs qui, année après année, restent systématiquement en tête du classement. De ce fait, on pourrait assimiler la Ligue des champions à une véritable ligue fermée. » Remarquant également qu’il existe un lien étroit entre la performance sportive et le potentiel local des clubs, les auteurs poursuivent : « dans de telles conditions d’inégalité économique, la Ligue des champions renforce cette tendance à l’aggravation du déséquilibre compétitif national » (Bourg & Gouguet, 2007, pp. 217-218). Ainsi, pour conclure sur l’analyse au niveau continental, nous avons mis à jour que le niveau continental demeure relativement accessible. 52% des clubs apparus en championnat domestique ont fait au moins une apparition dans l’une des Coupes d’Europe. Mais lorsqu’il s’agit de disposer d’une offre conséquente (quantitatif : plusieurs apparitions en Coupes d’Europe) ou d’apparaître régulièrement en C1 (qualitatif : apparitions en quarts de finale), les plus grandes villes sont privilégiées et accentuent leur position dominante. En termes de performances sportives, il existe une tendance à la concentration des titres dans les plus grandes villes. Un écart se creuse entre la Ligue des champions et la Coupe de l’UEFA au bénéfice des plus grandes villes régulièrement présentes en phase finale de C1. 236/368 Conclusion de la partie 3: une Europe à plusieurs vitesses Conclusion de la partie 3 : une Europe à plusieurs vitesses La troisième partie se conclut par le document de synthèse (figure 58) qui répond à la figure 1 de la page 16. La période de dérégulation observée sur 30 années se traduit par un renforcement de la position dominante des plus grandes villes aussi bien au niveau national qu’au niveau continental. La domination sportive se traduit essentiellement par un accès au titre (en championnat domestique comme en Coupe d’Europe) monopolisé par les plus grandes villes. En terme de présence, de tous temps les plus grands marchés ont été équipés en clubs pourvoyeurs d’une offre de football importante. Au niveau continental, de plus en plus d’équipes participent mais le plus grand nombre, celles de petites villes de petits pays, se trouvent évincées dès les tours préliminaires laissant place à de grands clubs historiques à l’entame des phases finales. Il s’ensuit une détériorisation de l’équilibre compétitif dans la mesure où accéder régulièrement à l’échelle continentale ne se conçoit que par une domination constante du niveau national. Figure 58 - Validation/réfutation des hypothèses 237/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Pour aller plus loin, nous avons construit un document de synthèse (carte 19). Il concerne uniquement les 18 championnats pour lesquels nous disposons de données aussi bien à l’échelle nationale que continentale. L’idée consiste à construire une typologie des villes selon leur niveau de performance. Celle-ci s’articule en quatre catégories visant à caractériser les villes selon leur présence/performance aux niveaux national et continental. Les critères de construction de cette typologie, s’ils sont fondés sur des éléments statistiques, restent toutefois intuitifs et subjectifs. En effet, il n’existe pas, à notre connaissance, une telle classification déjà opératoire qui serait construite en fonction de critères plus objectifs. Pour qu’une ville soit considérée comme de niveau continental, il lui faut au moins dix apparitions dans l’une des Coupes d’Europe. Sur une période de 30 ans, il s’agit donc d’apparaître au moins une fois sur trois dans les compétitions de l’UEFA. Si la ville présente plus de 30 points en Ligue des champions, elle est considérée comme de niveau « Ligue des champions », dans le cas contraire, elle est de niveau « Coupe de l’UEFA »236. Le seuil de 30 points représente la valeur médiane des points en Ligue des champions. Il y a 38 villes « Ligue des champions » et 48 villes « Coupe de l’UEFA ». Toutes les villes qui ne sont pas de niveau continental sont de niveau national. Si la ville dispose d’au moins 15 offres, elle est considérée comme « stable en élite ». Cela veut dire que la ville a, en moyenne, participé au moins à un championnat d’élite sur deux. Elles sont 123 villes dans ce cas. Si la ville dispose de moins de 15 offres, elle est considérée comme « ville instable ». Elles sont 286 dans ce cas. Il convient de garder à l’esprit que cette typologie est valide sur 30 ans. En effet, imaginons une ville n’ayant raté aucun championnat national entre 1995 et 2005 mais absente ou peu présente avant cette période de sorte que l’offre totale reste inférieure à 15 : cette ville est considérée comme instable dans l’élite malgré une présence récurrente sur la dernière décennie. Toutefois, elles ne sont que 3 dans ce cas : Rostock, Helsinborg et La Corogne (cette dernière est de niveau « Ligue des champions » grâce à ces bonnes performances dans cette compétition). 236 Les points Coupe de l’UEFA et Coupe des Coupes ont été additionnés. 238/368 Conclusion de la partie 3: une Europe à plusieurs vitesses Carte 19 - Typologie du niveau de performance des villes européennes selon le potentiel local 239/368 Partie 3 : Présence et performance des villes dans le football européen Il apparaît alors clairement une Europe à plusieurs vitesses. En moyenne, les villes « Ligue des champions » comptent plus de 2 millions d’habitants. Les villes de niveau « Coupe de l’UEFA » s’appuient sur un potentiel local d’en moyenne 700 000 habitants. Suivent les villes relativement stables en L1 (288 000 habitants) et celles plutôt instables en L1 (177 000 habitants). La structure qui se dessine selon la taille du potentiel local reste valide en termes de fonctionnalité des villes (tableau 51). 78,5% des MEGA sont de niveau continental. Les autres FUA sont essentiellement de niveau national (85,5% pour les transnational/national, 95% pour les régional/local, 98% pour les hors base). Une seule ville de niveau régional/local est de niveau Ligue des champions : Mönchengladbach mais il s’agit de bonnes performances datant des années 75/85. Tableau 51 - Typologie du niveau de performance des villes européennes selon la fonctionnalité des FUA Fonction des FUA MEGA transnational/national regional/local Hors Base FUA Total Niveau continental LdC UEFA 31 20 7 17 1 10 1 39 48 Niveau national stable instable 11 3 60 82 40 163 12 38 123 286 Total 65 166 214 51 496 Un tel constat n’est pas sans soulever des questions. D’un point de vue symbolique, Anthony King (2004) soutient que la réforme de la Ligue des champions de 1992, si elle cherche à maintenir certaines valeurs du sport, favorise incontestablement les plus grands clubs. Qualifiés régulièrement en C1, ces derniers constituent une ligue semi-fermée. Szymanski concède donc que « la Ligue des champions a elle-même déjà évolué vers une sorte de Superligue, en proposant plus de matches de poule et moins d’éliminations directes, et surtout la qualification de plus d’une équipe par pays. La seule question est de savoir si on va vers une Superligue dans le cadre fixé par l’UEFA, ou si les clubs décident de créer leur propre structure. C’est une question économique et politique. Cela dit, une évolution vers une compétition continentale plus concentrée est inévitable, où les grands clubs joueront plus de matches européens et moins de matches nationaux. […] La structure des championnats nationaux était idéale pour le XXème siècle. Nous passons, avec le XXIème siècle, à une logique continentale. Et une Superligue pourrait s’organiser en plusieurs conférences régionales, dont chacune regrouperait 3 ou 4 équipes venant de quelques pays proches237. » Un tel point de vue interroge sur le devenir du modèle sportif européen. C’est l’objet de la partie suivante. 237 d’Armagnac, B. (7 mars 2006). "Nous passons à une logique continentale" - Entretien avec Stefan Szymanski. Le Monde. 240/368 Partie 4 Discussion : une (r)évolution silencieuse Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse Le terme « (r)évolution» est ici employé afin d’exprimer une modification importante, profonde et radicale qui serait le fruit de transformations évolutives et graduelles. La dimension évolution concerne la commercialisation croissante des ligues et les enjeux stratégiques ainsi soulevés. La dimension révolutionnaire serait en conséquence une réorganisation du modèle européen tenant compte du critère géographique. Cette « (r)évolution » reste toutefois silencieuse, pour le moment, dans la mesure où le potentiel local des clubs n’est pas encore mentionné comme un critère explicite d’organisation du sport professionnel. Pourtant, cette « (r)évolution » est engagée. La troisième partie s’est attachée à mettre en évidence le renforcement de la position dominante des plus grandes villes selon un processus allant croissant depuis 30 ans. L’importance d’une participation en Coupe d’Europe, et plus particulièrement en Ligue des champions, a des répercussions négatives sur l’équilibre compétitif des championnats nationaux. Observant cette émergence d’une Europe à plusieurs vitesses muées par des tensions, plusieurs auteurs invitent à une redéfinition des compétitions. Le sens de l’histoire et la volonté de mise en place de championnats plus équilibrés tout en conciliant rationalité économique et géographique déboucheraient sur l’inévitable création de ligues fermées telles qu’elles existent en Amérique du Nord. Soulever le problème de la fermeture des ligues européennes, c’est poser trois questions distinctes qui monopolisent l’intérêt de nombreux économistes du sport. : - la transposition du modèle américain est-elle nécessaire ? la transposition du modèle américain est-elle possible ? quels seraient les effets d’une telle transposition ? Hoehn et Szymanski (1999) formulent la proposition d’une Superligue européenne de football composée de 4 conférences régionales regroupant chacune 15 équipes (voir annexe 16 à la page 351). Des mécanismes de solidarité tels que la draft ou le salary cap seraient envisageables dans le cadre d’un système fermé pour assurer le maintien d’un équilibre compétitif. La draft permettrait ainsi aux joueurs prometteurs de passer de Minor en Major League. Selon les auteurs, il est également possible que ces grandes équipes européennes deviennent partenaires d’un club de niveau national (selon le système de fermage décrit dans la figure 24 à la page 123). Les restrictions salariales nécessaires pour éviter une course aux armements seraient le fruit d’un consensus entre la Superligue et un syndicat de joueurs. Plus récemment, Vrooman (2007) fait la proposition d’une European Super League (ESL) composée de 30 équipes réparties en 3 groupes de 10 (annexe 17 à la page 352). Le calendrier comporterait 38 rencontres : 18 matchs contre les équipes de son groupe et un match contre les équipes des autres groupes. Les ligues domestiques seraient organisées en une nouvelle structure - la Pan-European Football Association (PEFA) - composée de 60 équipes réparties par 10 dans 6 divisions régionales (annexe 18 à la page 353). La PEFA serait connectée par un système de promotions/relégations à des divisions plus faibles gérées par l’UEFA. Dans le même temps, d’autres universitaires proposent d’adapter aux Etats-Unis le système des ligues ouvertes européennes. En effet, la structure en cartel profère aux ligues un pouvoir de marché considérable dont abusent, pour certains, les propriétaires de clubs. Dans le cas d’une mise en place d’un système de promotions et de relégations, le monopole 244/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? des propriétaires serait de fait aboli, l’exclusivité territoriale n’existerait plus et les supporters/contribuables ne risqueraient pas de voir leur franchises déménager ou exercer un chantage pour la construction d’une nouvelle enceinte (Ross, 2001). Jean-Jacques Gouguet rappelle que l’établissement d’une Superligue fermée aurait pour conséquence la perte d’intérêt des championnats nationaux amputés de leurs meilleures équipes. Les tensions entre clubs et fédérations concernant la mise à disposition des joueurs pour les rencontres des équipes nationales seraient décuplées. La rupture entre les ligues professionnelles et les fédérations soulèveraient le double problème de l’éthique et du lien avec le sport amateur. Enfin, il serait concevable d’assister à un abandon de l’ancrage des équipes dans un territoire, les propriétaires de clubs évoluant en Superligue recherchant une localisation optimale (Gouguet, 2004, pp. 21-22). On le constate, le débat est entier. Notre idée ne consiste pas à militer pour la réalisation d’un système fermé, ni d’ailleurs à proclamer la nécessité de maintenir un modèle ouvert. Nous souhaitons dépasser ce cadre normatif et prescriptif par un diagnostic. Ce dernier a pour objectif – non pas de dire si la ligue fermée se présente comme une solution souhaitable et réalisable – mais plutôt de déceler si les conditions de son émergence sont réunies. Deux aspects seront successivement abordés : politiques (chapitre VII) et géographiques (chapitre VIII). Chapitre VII Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? I Des intérêts divergents, source de conflits potentiels A - Le lobbying du G14 Une libéralisation du football existe au niveau européen. Créé en septembre 2000, le G14 est un groupe composé de 18 clubs parmi les plus importants d’Europe. Constitué en groupement d’intérêt économique européen (statut juridique des groupes de pression), il est localisé à Bruxelles afin de mener à bien une stratégie de lobbying auprès des instances politiques et sportives. L’initiative de créer cette structure remonte à 1998 lorsque huit clubs ayant gagné tous au moins cinq titres continentaux (Milan AC, Juventus de Turin, Inter Milan, Real Madrid, FC Barcelone, Ajax Amsterdam, Liverpool FC, Bayern de Munich) entreprennent de se rencontrer régulièrement. Six autres clubs tout autant compétitifs (Manchester United, Olympique de Marseille, Paris Saint-Germain, PSV Eindhoven, Borussia Dortmundet FC Porto) sont intégrés. En 2000, le G14 se développe 245/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse en recrutant Thomas Kurth en qualité de directeur général. Il s’agit là d’un recrutement de choix puisque Thomas Kurth était auparavant un élément clé de l’UEFA. En 2002, quatre nouveaux clubs rejoignent le G14 (Bayer Leverkusen, Valencia CF, Arsenal FC et l’Olympique Lyonnais). Ces 18 clubs revêtent une importance historique en Europe, aussi bien au niveau sportif qu’au niveau économique (tableau 52). C’est ainsi que, mis à part en France, les clubs du G14 concentrent plus de 50% des titres de leur championnat national (17 titres sur 30 en Allemagne, 23 en Angleterre, 25 en Espagne, 10 en France, 22 en Italie, 15 au Portugal pour le seul FC Porto). A l’échelle continentale, sur 84 titres mis en jeu depuis 19751976238, 50 reviennent à des clubs du G14. Depuis l’émergence du groupe en 1998, toutes les finales de la Ligue des champions ont donné lieu à des oppositions entre des clubs du G14 à l’exception de l’édition 2004 durant laquelle l’AS Monaco perdit la finale contre le FC Porto. D’un point de vue économique, 15 clubs sur 18 sont classés dans le Top 25 du magazine américain Forbes, et 10 équipes sont mentionnées par le cabinet Deloitte et Touche dans leur Top 20 des clubs les plus riches. Tableau 52 - Les 18 membres du G14 : poids sportif et économique Clubs Bayern Munich Bayer Leverkusen Borussia Dortmund Manchester United Arsenal FC Liverpool FC Real Madrid FC Barcelona Valencia CF Olympique Lyon Olympique Marseille Paris SG Milan AC Juventus FC Internazionale FC Ajax Amsterdam PSV Eindhoven Porto FC Pays Allemagne Allemagne Allemagne Angleterre Angleterre Angleterre Espagne Espagne Espagne France France France Italie Italie Italie Pays-Bas Pays-Bas Portugal Championnat Ligue des national* Champions* 14 0 3 8 5 10 15 8 2 4 4 2 8 12 2 13 13 15 2 Coupe de l'UEFA* 1 1 1 1 5 3 1 Coupe des Coupes* 1 1 2 2 1 4 1 Valeur Forbes $** Revenus Deloitte €*** 769 189 141 1373 841 370 1012 440 195 208 166,3 1 259 173,6 139,5 236 169,2 88 1 4 2 1 1 2 3 3 1 1 1 1 1 921 687 504 171 222,3 215 166,5 106 * Sur la période 1975-76/2004-2005 ** The Most Valuable Soccer Teams 2006 - Top 25 - (http://www.forbes.com) *** Deloitte. (2005). Football Money League. The Climbers and the Sliders. Manchester - Top 20 - L’objectif principal du G14, qui se veut « the voice of the clubs », est de promouvoir les intérêts de ses membres. Le G14 milite pour la mise en place d’un format de la Ligue des champions qui leur soit plus favorable (notamment en termes de revenus) et exige un dédommagement pour la mise à disposition de joueurs aux équipes nationales. Afin de parvenir à ses fins, le groupe fait planer la menace de se constituer en championnat 238 30 Ligues des champions, 30 Coupes de l’UEFA et 24 Coupes des Coupes. 246/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? européen des clubs dissidents239. Bien que le G14 aspire à développer sa coopération et « les bonnes relations » avec la FIFA et l’UEFA, les rapports sont tumultueux. Les fédérations internationales et européennes ne reconnaissent aucune légitimité au G14. L’UEFA a même monté son propre réseau de clubs en 2002, le forum des clubs européens (ECF) regroupant 102 équipes. Selon l’étude indépendante sur le sport européen réalisée par José Luís Arnaut, l’ECF représente mieux les clubs que le G14, décrit comme « un groupe fermé de 18 grands clubs européens poursuivant l’objectif de promouvoir les intérêts commerciaux de ses membres. Il est difficile de concilier son membership ou sa structure avec les principes de démocratie et de transparence puisque le G14 inclut des clubs de seulement 7 des 52 nations de l’UEFA et les critères pour en devenir membre sont toujours inconnus240. » B - L’affaire Oulmers : le G14 attaque la FIFA Les rapports entre le G14 et la FIFA sont également tendus. Le G14 a calculé que, lors d’une année de Coupe du Monde, un joueur consacre 22% de son temps de travail à la sélection nationale alors que son salaire est assumé à 100% par le club. De plus, un joueur peut se blesser avec sa sélection. Le risque n’est pas négligeable d’autant que les clubs du G14 sont de grands fournisseurs d’internationaux. Lors de la Coupe du Monde 2006 en Allemagne, 527 joueurs internationaux évoluent en Europe. Parmi eux, 161 (30,5%) évoluent dans les 18 clubs du G14 (tableau 53). Le 17 mars 2004, Abdelmajid Oulmers, joueur du club belge du Royal Charleroi Sporting Club, se blesse gravement lors de sa première sélection en équipe du Maroc à l’occasion d’un match amical contre le Burkina Faso. Ni la Fédération Marocaine, ni la FIFA – en qualité d’organisatrice des rencontres internationales – n’acceptent le principe d’une réparation. Considérant que l’obligation de mettre les joueurs à disposition des équipes nationales sans contrepartie financière constitue un abus de position dominante, le club belge attaque la FIFA en justice en juillet 2005. Il a l’appui du G14 qui réclame 860 millions d’euros à la FIFA, « un montant incluant le coût de la mise à disposition et celui de l’indisponibilité des joueurs pour blessures encourues depuis dix ans241. » 239 Il est difficile d’évaluer la réelle volonté du G14 de mettre en place une ligue fermée. Lors de la création du G14, Massimo Moratti, président de l’Inter Milan, déclarait : « L’idée du championnat européen, réservé uniquement à quelques grandes équipes, pourrait être une idée fabuleuse. Mais, il s’agit avant tout d’une provocation, car pour l’instant un tel championnat serait en contradiction avec les autres Coupes européennes. » : Muret, D. (1er juillet 2000). " On doit rendre le foot plus rentable. " - Entretien avec Massimo Moratti. L’Humanité. Thomas Kurth affirme en 2005 : « au mieux en 2005 et au pire en 2009, un championnat européen des clubs dissidents pourrait voir le jour si rien ne bouge. » : E.B. (19 février 2005). Le G14 sort ses piques. L’Equipe Magazine. 240 Szreter, A. (26 mai 2006). Le rapport indépendant et ses retombées. http://fr.uefa.com 241 Schneider, G. (21 mars 2006). Affaire Oulmers : la facture des fractures adressée à la Fifa. L’Humanité. 247/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse Tableau 53 - Joueurs internationaux fournis par les clubs du G14 pour la Coupe du Monde 2006 Nom des clubs Total Arsenal 15 Finalement, le tribunal de commerce de Charleroi renvoie Milan AC 13 le dossier à la Cour de Justice Européenne qui devra statuer Juventus Turin 12 Manchester United 12 sur « les obligations imposées aux clubs et aux joueurs de Bayern Munich 11 football sous contrat de travail avec ces clubs, par les Lyon 11 dispositions statutaires et réglementaires de la FIFA qui FC Barcelone 10 organisent la mise à disposition obligatoire et gratuite des Real Madrid 10 joueurs en faveur des fédérations nationales ainsi que la Bayer Leverkusen 9 fixation unilatérale et contraignante du calendrier Liverpool 9 international des matchs coordonné, sont-elles Ajax Amsterdam 8 constitutives de restrictions illicites de concurrence ou Borussia Dortmund 8 d’abus de position dominante ou d’obstacles à l’exercice Inter Milan 8 des libertés fondamentales conférées par le Traité CE, et PSV Eindhoven 8 donc contraires aux articles 81 et 82 du Traité ou de toute Valence CF 8 autre disposition de droit communautaire, particulièrement Paris-SG 4 Marseille 3 les articles 39 et 49 du Traité ?242 » FC Porto 2 Total 161 La FIFA avait plaidé devant le tribunal de Charleroi que « la règle de la mise à disposition des joueurs est une règle purement sportive qui échappe au droit communautaire243. » Toutefois, il n’est pas assuré que la CJE, à l’origine de l’arrêt Bosman, considère la mise à disposition des joueurs comme une règle sportive motivée par la spécificité du sport. La FIFA a pris les devants en proposant le principe du 80/20 : 20% du coût de l’assurance du joueur seraient pris en charge par les fédérations. Alors vice-président de l’UEFA et candidat déclaré à la présidence, Michel Platini déclare en marge du comité exécutif de l’UEFA à Budapest : « Les clubs ont le droit d’avoir des revendications, mais ils doivent agir à travers les structures déjà existantes, le Forum des clubs de l’UEFA ou les fédérations nationales. Le G14 va là où est l’argent. Les grands clubs veulent toujours plus. Pour eux, le sport est un moyen de faire du « fric ». On n’a pas la même philosophie du sport. » C - L’élection de Platini à la tête de l’UEFA : une riposte ? C’est dans ce contexte que se déroulent les élections aux postes de la présidence de l’UEFA. Le président sortant, Lennart Johansson, 77 ans, en poste depuis 1990, est opposé à Michel Platini, 51 ans. Lorsque le premier met en avant son bilan - « Je me permets de vous renvoyer à mes résultats : en quatorze ans, les recettes de la Ligue des champions ont été multipliées par treize. » - le second s’en remet à des convictions et à une philosophie : « Le football est un jeu avant d’être un produit, un sport avant d’être un marché, un 242 Jugement du Tribunal de Commerce de Charleroi prononcé ce 15 mai 2006 en cause de : SPORTING CHARLEROI- G14/ FIFA et DIVERS, disponible sur http://www.tcch.be/ 243 Mandard, S. (17 mai 2006). Le G14 remporte la première manche de son combat contre la FIFA. Le Monde. 248/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? spectacle avant d’être un business. » Ainsi le journaliste Grégory Schneider déclare t-il : « Toute la «philosophie» de Platini est résumée dans le sens de cette dernière phrase ; la régulation (c’est-à-dire le politique) d’abord, le business ensuite244. » Durant sa campagne, l’ancien n° 10 français s’est en effet appliqué à promouvoir une conception du football plus solidaire sans porter atteinte à son essor économique. Le discours séduit les plus petites fédérations si bien qu’il est élu le vendredi 26 janvier 2007 par une courte majorité (27 voix contre 23 et deux votes non valables). Cela attire les sarcasmes des représentants des plus grandes fédérations, notamment de Theo Zwanziger, président de la Fédération allemande, qui déclare alors : « Maintenant, on va voir ce que donne le romantisme social à la française quand on le confronte aux réalités économiques245. » Une fois élu, Michel Platini, en clôture du 10ème Congrès extraordinaire de l’UEFA à Zurich en mai 2007, rappelle une nouvelle fois à l’ordre les clubs du G14, leurs demandant de « dissoudre leur groupement élitiste et de retirer leurs plaintes246. » Pour conclure, la figure 59, inspirée de Tallec Marston, Huerta, Ferreira, & Ducrey (2003), synthétise la situation actuelle du football européen. Cet espace peut être envisagé comme un champ marqué par des conflits d’intérêts, des rapports de force et de légitimité entre les différents agents sportifs (fédérations, ligues, clubs, groupes de pression) et politiques. La stabilité relative du champ est le fruit de compromis établis sur la base d’intérêts communs. Toutefois, les tensions sont suffisamment fortes pour entrevoir une évolution du système. Le générateur de ces tensions est la commercialisation croissante du football professionnel. Le promoteur historique de l’activité, l’UEFA, se trouve alors dans la position paradoxale de gardien du temple (assurer la solidarité dans « la grande famille du football ») et de marchand du temple (organiser les compétitions européennes les plus lucratives). La gouvernance de l’UEFA se trouve alors contestée par des clubs qui, soucieux de poursuivre des intérêts commerciaux, pourraient opérer un schisme. Une situation clarifiée pourrait surgir d’un positionnement de la sphère politique. Le point suivant présente quelles pourrait être le fondement d’une telle intervention. 244 Schneider, G. (lundi 29 janvier 2007). Platini, un président plus politique qu’homme d’affaires. Libération. 245 (samedi 27 janvier 2007). L’Europe au pied de Platini. Libération. 246 AFP. (28 mai 2007). Michel Platini appelle à la dissolution du G14. Le Monde. 249/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse Figure 59 - Convergences et divergences d’intérêts dans le football européen 250/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? II Le droit du plus fort et la raison du plus faible « Rien de ce qui est utile au tout n’est nuisible à la partie ; or, le tout ne contient rien qui ne lui soit utile. » Marc Aurèle - Pensées pour moi-même. Livre X, pensée 6. Finalement, nous avons vu qu’une minorité de clubs, aussi bien au niveau continental que national, assouvissaient leur désir de victoires ou de profits à hauteur de leur propre puissance. En ce sens, ils favorisent leurs intérêts particuliers le plus souvent en contradiction avec l’intérêt général (le maintien de l’incertitude) 247 . Pour autant, par certains aspects, le comportement de ces clubs peut sembler légitime. Sur la base de leur notoriété, de leur exposition médiatique, de leurs résultats sportifs, la rétribution qu’ils tirent de leurs participations aux compétitions nationales et continentales est méritée. La distribution de revenus à hauteur du mérite sportif et de l’intérêt soulevé relève alors d’une égalité proportionnelle (ou équité). Toutefois, il est également possible de considérer que cette redistribution fondée sur le mérite est injuste. En effet, l’accès à la victoire s’établit, comme nous l’avons vu, par l’exploitation d’un potentiel local divergent entre les clubs. Il existerait alors un avantage concurrentiel préexistant à la réalisation d’une performance : peut-on alors invoquer le mérite lorsque des clubs localisés dans des villes de plusieurs millions d’habitants remporte régulièrement un titre face à d’autres clubs localisés dans des villes plus petites ? En exerçant pleinement la puissance dont ils disposent par nature (potentiel local), les grands clubs font preuve d’une domination qu’ils jugent naturelle puisqu’elle est à hauteur de leur capacité248. On peut alors considérer qu’une rétribution distributive (équité) devrait être remplacée par une rétribution corrective (égalité) afin d’établir un système plus harmonieux. Comment assurer alors la cohésion entre forts et faibles lorsque la volonté de puissance des premiers se réalise au détriment des seconds ? Répondre à cela, c’est s’en remettre finalement aux idées qui animent la philosophie politique depuis l’Antiquité. Cette dernière s’évertue à répondre à la question suivante : comment assurer la coexistence entre individus – certains forts, d’autres faibles – au sein d’une société ? Remplaçons « individus » par « clubs » et « société » par « ligue » et le problème reste le même. Dans ce contexte, le droit doit exercer un rôle régulateur des tensions entre les différents acteurs. Dépasser un état de rivalité non contenue nécessite un renoncement mutuel à la liberté d’exercer sa pleine force. En effet, la satisfaction de son désir (gagner) peut être source de conflit dans la mesure où chacun exprime le même désir. Il s’ensuit une situation 247 A ce sujet, revoir la Figure 16 à la page 64. C’est ce que nous pourrions nommer le syndrome « Calliclès ». Dans Gorgias de Platon, Calliclès estime que « la justice consiste en ce que le meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort […]. Si le plus fort domine le moins fort, c’est là le signe que c’est juste. » 248 251/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse d’insécurité (perte de l’équilibre compétitif/relégation). Il s’agit alors de s’en remettre à une règle exercée par une autorité suprême. Cette règle pourrait relever de l’organicisme : le tout (la ligue) est composé de parties/organes (les clubs). Chaque club contribue à la santé de la ligue et la santé de la ligue est une condition nécessaire à la santé des clubs. Pourtant l’idée consiste à déceler si, au regard des tensions animant le football professionnel, la sphère politique est prête à instaurer la régulation nécessaire à une coexistence équilibrée entre les clubs. III Un choix politique A - D’Amsterdam à Nice : la reconnaissance d’une spécificité Le mouvement sportif – essentiellement la FIFA et l’UEFA – appuyé par quelques gouvernements interventionnistes dans le domaine du sport, ont un temps plaidé pour un retour à une exception sportive. Ils se sont toutefois heurtés à la Commission européenne qui a réaffirmé à plusieurs reprises qu’il était impensable de revenir sur les principes de libre circulation et de concurrence dès lors que l’activité sportive présente un caractère économique. Viviane Reding, alors membre de la Commission chargé de l’Education et de la Culture, rappelle fermement en 2003 : « Je veux souligner de nouveau qu’il est illusoire de penser que l’on pourrait se placer au-dessus des lois avec l’inscription d’une exception sportive dans la future constitution de l’Union européenne. Ce débat a déjà eu lieu il y a trois ans. Il n’a mené nulle part. Aucun chef d'Etat et de gouvernement des Quinze n’a voulu de cette exception sportive. Au contraire, le résultat de ce débat fut la déclaration de Nice, qui reconnaît, comme le faisait déjà la Cour de Justice de Luxembourg, une certaine spécificité au sport mais rejette toute velléité d’exception sportive249. » Cette déclaration marque bien la transition d’une revendication centrée sur l’exception sportive à une réflexion sur le concept de spécificité du sport. Alors que l’exception vise à maintenir le sport en dehors du droit communautaire, le concept de spécificité invite à concilier l’application du droit et la reconnaissance des particularismes du sport. La première prise en compte officielle d’une spécificité du sport est incluse en annexe du Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997. La déclaration commune souligne le rôle social du sport et invite « les institutions de l’Union européenne à consulter les associations sportives lorsque des questions importantes ayant trait au sport sont concernées. À cet égard, il convient de tenir tout spécialement compte des particularités du sport amateur250. » Si elle n’est pas juridiquement contraignante, la déclaration demande la prise en compte des spécificités du sport amateur. Le sport professionnel n’est pas explicitement nommé mais de nouvelles perspectives d’appréhension du phénomène sportif se libèrent en rompant avec une approche exclusivement économique. C’est ainsi qu’en 1998, dans un document de travail nommé « Evolution et perspectives de l’action communautaire dans le 249 Discours de Viviane Reding, Un nouvel élan pour le sport européen ? Sportel - Monaco 16 septembre 2003, SPEECH/03/411. 250 Déclaration relative au sport annexée au Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 (29). 252/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? sport », la Commission « réaffirme sa disponibilité pour aider les organisations sportives à trouver des solutions, compatibles avec le droit communautaire, destinées à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs et à assurer le maintien d’un équilibre entre clubs » et reconnaît que « le sport a des caractéristiques qui lui sont propres et qu’il convient de respecter afin de ne pas le dénaturer. Le problème qui se pose est de clarifier comment le droit communautaire peut être appliqué aux aspects économiques du sport en tenant compte de sa spécificité et de ces traits d’identité sportive251. » Dans le cadre de ses réflexions sur le sport, le Conseil européen de Vienne de décembre 1998 adopte un texte par lequel il « invite la Commission à lui soumettre un rapport pour sa réunion d’Helsinki dans l’optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale du sport. » La Commission européenne rend le « rapport d’Helsinki sur le sport » en décembre 1999. Elle demande la clarification de l’environnement juridique du sport dans un souci de préservation des valeurs du modèle sportif européen, notamment l’attachement au système de promotion/relégation. Le document reconnaît la spécificité du sport au nom des de ses fonctions sociales, éducatives et culturelles et pose le principe de solidarité entre le sport amateur et le sport de haut niveau. Toutefois, concernant le sport professionnel, la Commission indique que « le secteur du sport pour ce qui est des activités économiques qu’il génère est, comme les autres secteurs de l’économie, soumis aux règles du traité CE. L’application des règles de concurrence du Traité au secteur du sport doit tenir compte des spécificités du sport, notamment l’interdépendance entre l’activité sportive et les activités économiques qu’elle génère, le principe d’égalité des chances, d’incertitude des résultats 252 . » Le rapport d’Helsinki impulse la « déclaration relative aux caractéristiques spécifiques du sport et à ses fonctions sociales en Europe devant être prises en compte dans la mise en œuvre des politiques communes » par le Conseil de l’Europe lors du traité de Nice en 2003. Cette déclaration réaffirme que « la Communauté doit tenir compte, même si elle ne dispose pas de compétences directes dans ce domaine, dans son action au titre des différentes dispositions du Traité des fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport, qui fondent sa spécificité, afin de respecter et de promouvoir l’éthique et les solidarités nécessaires à la préservation de son rôle social253. » Il s’agit certes d’un signal politique clair qui invite les politiques nationales et communautaires à mieux intégrer le sport dans sa dimension sociale et culturelle. Toutefois, la définition de la « spécificité sportive » reste floue et n’accorde en rien au sport professionnel une exemption aux lois du marché. 251 Commission européenne, direction générale X, Evolution et perspectives de l’action communautaire dans le sport, rapport final du 29-09-1998, Bruxelles. 252 Rapport de la Commission au Conseil Européen dans l’optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale du sport dans le cadre communautaire - Rapport d’Helsinki sur le Sport - (COM (1999) 644, le 10 décembre 1999. 253 Déclaration relative aux caractéristiques spécifiques du sport et à ses fonctions sociales en Europe devant être prises en compte dans la mise en œuvre des politiques communes. Annexe IV des conclusions de la présidence, Nice, 7-9 décembre 2000. 253/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse B - L’accord transfert de 2001 La Commission et les fédérations internationales doivent trouver un terrain d’entente à équidistance entre la reconnaissance « d’une certaine spécificité » et l’application du droit commun. La Commission se montre prête à une application plus souple des règles de la concurrence sous réserve d’une contrepartie. A titre d’illustration, elle a reconnu que la vente collective des droits de diffusion de la Ligue des champions n’était pas contraire au principe de la libre concurrence. Elle a estimé que les nouvelles règles de vente centralisée améliore la production et la distribution, en procurant un avantage aux opérateurs de médias, aux clubs de football et aux téléspectateurs ; elle conduit en effet à la création d’un point de vente unique pour l'acquisition d’un lot de droits portant sur l’ensemble de la Ligue, avec un label de qualité254. Toutefois, afin d’éviter que l’exclusivité accordée à un acquéreur ne bloque l’accès de ses concurrents au marché, la Commission a retenu la nécessité d’une vente en plusieurs lots. Elle a aussi décidé que la vente centralisée ne devait pas empêcher les clubs de commercialiser eux-mêmes les droits qui n’ont pas trouvé preneur ou qui ne sont pas exploités dans le cadre de la vente centralisée. Concernant les transferts de joueurs, a priori soumis au droit de la concurrence et au principe de la libre circulation des travailleurs, la Commission européenne, alors même qu’elle a eu l’occasion de soumettre entièrement les organisations sportives au droit commun, a opté pour un consensus entre spécificité du sport et droit européen. En effet, à la suite de l’arrêt Bosman, les clubs ont réagi de deux façons : - En étendant la durée des contrats des joueurs afin de s’assurer de percevoir des indemnités de transfert en cas de rupture. A titre d’illustration, à la fin des années 1990, Peter Luccin s’engage avec l’Olympique de Marseille pour 12 ans (il n’y restera que 2 saisons avant de rejoindre le Paris Saint-Germain). - En établissant des indemnités de transfert de façon arbitraire à chaque fois qu’un joueur change de club (tableau 54). A titre d’illustration, le transfert de Luis Figo durant l’été 2000 du FC Barcelone au rival madrilène (62 millions d’euros) comporte deux parties distinctes. L’international portugais devait encore 3 années de contrat au club catalan pour un montant de 2,74 millions d’euros. Les 59 millions restants ne correspondent à aucun critère objectif255. Ce système fut perçu par la Commission européenne comme non conforme aux principes du droit européen. En décembre 1998, le commissaire à la concurrence, Karel Van Miert, sous forme de communication des griefs, signale à la FIFA que les indemnités de transfert constituent des entraves aux règles de libre circulation des travailleurs. Cet avertissement est d’abord envisagé comme une lubie de technocrates qualifiés de « ratés chassés de leurs 254 Décision de la Commission du 23 juillet 2003 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/C.2-37.398 — Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA) [notifiée sous le numéro C (2003) 2627], Journal officiel de l’Union européenne du 08/11/2003. 255 Bourg et Gouguet s’attachent toutefois à « aller à l’encontre de l’idée couramment véhiculée dans les médias selon laquelle le montant des transferts reposerait sur des bases arbitraires. » Pour ces auteurs, le montant d’un transfert est déterminé par la confrontation du consentement à payer du club acheteur et le consentement à recevoir du club vendeur. Ce dernier prend en compte les sommes qu’il a investi dans la formation, l’entretien et le perfectionnement du joueur ; le montant estimé des pertes, d’un point de vue sportif et financier, qu’engendre le départ du joueur ; le coût de remplacement du joueur. Pour aller plus loin, lire « De la légitimité économique du système des transferts » dans Bourg & Gouguet, (2007, pp. 149-151). 254/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? propres gouvernements et qu’on a du caser quelque part256» par Franz Beckenbauer, alors président du Bayern Munich. En août 2000, devant le peu de réactivité de la FIFA, Mario Monti, le nouveau commissaire européen à la concurrence, et Viviane Reding, son homologue chargée de la culture, de l’éducation et du sport, menacent de déclarer illégales les règles régissant les transferts depuis 1997. C’est ainsi que se tient une série de réunions impliquant la sphère politique européenne et les différentes familles du football : FIFA, UEFA, le G14 et également le syndicat des footballeurs professionnels (FIFPro). La commission a sans doute mal appréhendé la complexité du dossier. Partisane d’une application stricte du droit commun, elle a dû corriger sa position suite au Sommet européen de Nice introduisant la spécificité du sport. Si, dans les premiers temps des négociations, les joueurs semblaient devoir être les grands gagnants du nouveau système, en misant sur la libre circulation des travailleurs, la réforme applique finalement avec une certaine souplesse le droit européen. Tableau 54 - Les 20 plus gros transferts en football jusqu’en 2001 Rang Joueur Club quitté Nouveau club Zinedine Zidane Juventus (Italie) Real Madrid (Espagne) 2 Luis Figo Barcelone (Espagne) Real Madrid (Espagne) 2000 62 3 Hernan Crespo Parme (Italie) Lazio Rome (Italie) 2000 59 4 Gianluigi Buffon Parme (Italie) Juventus (Italie) 2001 54 5 Christian Vieri Lazio Rome (Italie) Inter Milan (Italie) 1999 53 6 Gaizka Mendieta Valence (Espagne) Lazio Rome (Italie) 2001 48 7 Rui Costa Fiorentina (Italie) Milan AC (Italie) 2001 47 8 Pavel Nedved Lazio Rome (Italie) Juventus (Italie) 2001 42 9 J.Sebastian Veron Lazio Rome (Italie) Manchester United (Angleterre) 2001 41 10 Nicolas Anelka Arsenal (Angleterre) Real Madrid (Espagne) 1999 39 11 Gabriel Batistuta Fiorentina (Italie) AS Roma (Italie) 2000 37 12 Lilian Thuram Parme (Italie) Juventus (Italie) 2001 37 13 Claudio Lopez Valence (Espagne) Lazio Rome (Italie) 2000 37 14 Marc Overmars Arsenal (Angleterre) Barcelone (Espagne) 2000 36 15 Nicolas Anelka Real Madrid (Espagne) Paris (France) 2000 34 16 Denilson Sao Paulo (Brésil) Real Betis Seville (Espagne) 1998 32 17 Hidetoshi Nakata AS Roma (Italie) Parme (Italie) 2001 32 18 Antonio Cassano Bari (Italie) AS Roma (Italie) 2001 32 19 Ruud Van Nistelrooy PSV Eindhoven (Pays bas) Manchester United (Angleterre) 2001 32 20 Ronaldo Barcelone (Espagne) Inter Milan (Italie) 1997 30 1 Année Montant 2001 75 Source: revue de presse du CDES. Une liste étendue aux 70 transferts records avant 2001 est consultable dans l'article suivant : Gouguet, J.-J., & Primault, D. (2004). Analyse économique du fonctionnement du marché des transferts dans le football professionnel. In J.-J. Gouguet (Ed.), Le sport professionnel après l'arrêt Bosman : une analyse économique internationale (pp. 113-142). Limoges: Presses Universitaires de Limoges. C’est donc non sans difficulté257, au terme de deux années de négociations, que le 5 mars 2001 la Commission européenne et les représentants du football (UEFA/FIFA) ont conclu un accord jetant les bases d’une nouvelle réglementation des transferts internationaux des joueurs tenant en 11 points capitaux : 256 Haget, H., & Blanchet, B. (12 octobre 2000). Bruxelles met le feu au foot. L’Express. La Commission a décidé d’exclure des négociations la FIFPro, peu décidée à négocier une réforme envisagée par le syndicat comme néfaste aux intérêts des joueurs. 257 255/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse 1) Un joueur est considéré en formation de 12 à 23 ans. Un club transférant un joueur de moins de 23 ans pourra bénéficier d’une indemnité de formation établie sur la base de critères objectifs. Cette compensation vise à maintenir l’effort de formation des plus petits clubs. 2) Un système de solidarité assure le reversement de 5% du montant d’un transfert d’un joueur à l’ensemble des clubs (y compris amateurs) ayant pris part à la formation du footballeur. Une feuille de route suivra le footballeur durant toute sa carrière. 3) Le transfert international de joueurs âgés de moins de 18 ans est autorisé mais encadré (assurer l’éducation du jeune, accompagnement de sa famille dans le pays d’accueil). 4) Instauration d’une seule période de transfert par saison complétée par la possibilité à la mi-saison d’un mercato restreint. Un joueur ne peut être transféré qu’une seule fois par saison. 5) La durée d’un contrat entre un joueur et son club est comprise entre un et cinq ans. 6) La rupture unilatérale du contrat est impossible avant trois ans (si les joueurs ont moins de 28 ans) ou deux ans (s’ils ont plus de 28 ans). 7) Un système de sanctions doit préserver la régularité des compétitions sportives, afin que les ruptures unilatérales de contrat ne soient possibles qu’au terme d’une saison. 8) Une indemnité financière peut être due en cas de rupture unilatérale d’un contrat, par le joueur ou par le club. 9) En cas de rupture unilatérale du contrat sans juste cause pendant la période protégée, les joueurs, clubs ou agents peuvent se voir appliqués des sanctions sportives. 10) Création d’une instance d’arbitrage effective, rapide et objective, dont les membres seraient élus paritairement par les joueurs et par les clubs et qui serait dotée d’un président indépendant. Cette commission serait chargée d’arbitrer tous les conflits, d’établir au besoin le montant des indemnités de transfert, et de prononcer des sanctions. 11) L’arbitrage est volontaire et n’empêche pas le recours aux juridictions nationales. A la suite de cet accord, Viviane Reding observe : « La Commission a très souvent été accusée de ne pas comprendre le sport. Pire encore, de vouloir déstabiliser le football. Le résultat de ces discussions prouve qu’il s'agissait bien d’accusations sans fondement. Je crois que ces discussions ont permis au contraire de démontrer une nouvelle fois que le droit communautaire et la spécificité du sport sont parfaitement compatibles. Par conséquent, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de modifier le droit communautaire. Il a prouvé dans cette affaire sa flexibilité pour y intégrer les caractéristiques spéciales du sport258. » Ce nouveau régime est adopté à l’unanimité par le Comité exécutif de la FIFA réuni le jeudi 5 juillet 2001 à Buenos Aires. L’instauration des mesures visant à assurer la stabilité 258 Reding, V., La réforme des règles de la FIFA sur les transferts internationaux, Déclaration devant le Parlement européen, Strasbourg, le 13 mars 2001 256/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? des effectifs et à protéger la formation est considérée comme de réelles avancées. Toutefois, au-delà des grands principes énoncés, les acteurs demeurent sur des positions conflictuelles. Pour preuve, la FIFPro, par l’intermédiaire de son vice-président Philippe Piat259, dénonce la nouvelle réglementation. Au-delà de ne pas avoir obtenu la liberté de circulation totale des joueurs, le syndicat met en cause les points suivants : - Sur la formation : le syndicat est sceptique sur la durée définissant la formation (de 12 à 23 ans). Le flou entourant l’octroi d’une indemnité de formation en cas de transfert d’un joueur pourrait inciter les clubs à utiliser la formation comme moyen de réaliser de gros transferts au détriment des joueurs. - Sur la rupture unilatérale du contrat par le joueur : non seulement elle n’est plus permise, et pourrait s’accompagner de sanctions pour le joueur, envisagées par le syndicat comme des sanctions de travail et donc contraires aux droits fondamentaux des travailleurs. La réconciliation entre FIFA et FIFPro intervient en 2006. Le protocole d’accord signé entre les deux parties se construit sur la base de la spécificité du sport. Ainsi, l’article 2.6 envisage la règle dite du « 6+5 ». Il s’agirait de contraindre les clubs à aligner à chaque match au moins six joueurs éligibles en équipe nationale du pays concerné. L’objectif est double : promouvoir la formation des jeunes joueurs et protéger les équipes nationales. Cela ne manque pas de susciter des réactions, notamment des clubs les plus riches. Ainsi, l’entraîneur du club anglais d’Arsenal, le français Arsène Wenger, déclare-t-il : « Les clubs payent surtout pour la qualité. Cela m’ennuierait de payer deux millions de livres un joueur dont le seul talent est de posséder le bon passeport. Cette idée n’est pas défendable. Comment pouvez-vous empêcher quelqu’un de jouer ? Nous sommes dans l’Union européenne. Cela ne résistera pas au premier tribunal européen venu. Ce sera détruit260. » C - Le sport professionnel dans le marché : des conceptions divergentes par rapports interposés Les éléments précités montrent que les institutions sportives, essentiellement l’UEFA et la FIFA, recherchent une application plus favorable de la spécificité du sport. Elles souhaiteraient réintroduire des quotas de nationalité sous la forme d’un "6+5" ou instaurer un quota sur les joueurs formés dans le pays d’origine (un nombre de quatre « home grown player » définis comme étant des joueurs ayant participé à trois saisons de leur club entre 15 et 21 ans). Afin de faire avancer ce type de régulation, la FIFA a ainsi élaboré une Task Force « For the Good of the Game » chargée d’appréhender les problèmes actuels du football dans trois domaines : les compétitions, les finances et les questions politiques. Le groupe de travail sur les questions politiques a la particularité d’accueillir en son sein le ministre britannique du Sport, M. Richard Caborn, et le ministre français de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative, M. Jean-François Lamour. Ce dernier a souvent reproché à la Commission de n’envisager le sport professionnel qu’au travers de sa dimension économique 261 . L’un des objectifs du groupe est de « définir la notion de spécificité du sport au regard du droit et en particulier du droit communautaire au sein de 259 Par ailleurs président de l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels (UNFP) Moscovici, N. (4 novembre 2006). "6+5", la délicate équation. Sports.fr. 261 A ce sujet, lire le discours du ministre lors de l’inauguration du premier diplôme universitaire de droit du sport le 12 décembre 2005 à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne (disponible sur le site du ministère). 260 257/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse l’Union européenne. » Le document dénonce l’ « application « aveugle » de certains principes du Traité de Rome tels que la libre concurrence ou la liberté de mouvements des personnes, application qui a mis en danger les structures et les principes fondant le football 262», notamment la nécessité de maintenir l’intérêt des compétitions. L’UEFA poursuit une démarche similaire. En juin 2003, le directeur général de l’UEFA Gerhard Aigner déclare qu’ « il est clair que nous devons nous assurer que les décisions politiques et légales ne sous-estiment pas l’intégrité et les principes de notre sport. Nous devons donc nous réunir et faire entendre notre voix. » Il précise aussi son activité de lobbying : « nous avons fait le tour des capitales de l’UE, rencontré des ministres et des officiels, et avons organisé des évènements et publié des brochures pour promouvoir notre instance. Nous avons mis en avant le fait que de nouveaux cadres juridiques doivent respecter deux principes de base : la spécificité du sport, qui la distingue des autres activités économiques, et l’autonomie des instances dirigeantes 263 . » Cette activité de sensibilisation se développe par l’ouverture officielle d’un bureau de représentation de l’UEFA auprès de l’Union européenne à Bruxelles, situé à proximité du Parlement européen264. Depuis avril 2005, l’UEFA construit un document, « Vision Europe », qui présente sa politique à venir. C’est l’occasion de réaffirmer la spécificité du sport car « malgré sa progression en tant que force économique, le football ne peut être traité de la même manière que n’importe quelle autre entreprise qui fait son possible pour battre tous les concurrents de son marché, sans concurrence, il n’y aurait pas de football265. » Cette démarche active a débouché sur la mise en place d’une étude indépendante européenne sur les enjeux du football. Si cet audit est à mettre à l’initiative de la GrandeBretagne, et de son ministre des sports - Richard Caborn - alors qu’elle assurait la présidence tournante de l’Union européenne, le commanditaire et principal bénéficiaire est l’UEFA. L’objectif principal de cette étude est d’ « établir un rapport commandé par l’UEFA, mais indépendant par rapport aux instances du football, sur la meilleure manière pour les instances européennes du football, les institutions de l’UE et les Etats membres d’appliquer la Déclaration de Nice tant au niveau européen que national 266 . » Les conclusions et les recommandations du rapport confié à José Luis Arnaut, ancien ministre portugais, ont été rendues publiques en mai 2006. Le rapport prône un rapprochement entre l’UEFA et l’Union européenne. Cette coopération prendrait la forme d’une consultation mutuelle sur tous les dossiers liés au football. Pour ce faire, le rapport demande à l’Union européenne, et plus particulièrement à la Commission, de clarifier les règles sportives relevant du droit communautaire. Le rapport propose une distinction entre les « sports 262 Task Force « For the Good of the Game », approuvée par le 55ème Congrès ordinaire de la FIFA tenu le 12 septembre 2005 à Marrakech, disponible sur http://www.fifa.com. 263 Faire entendre la voix de l’UEFA, article de l’UEFA – Section « relations avec l’UE », le 25 juin 2003, disponible sur http://www.uefa.com. 264 Jonathan Hill, directeur du bureau de l’UEFA déclare : « Nous rencontrons directement des ministres des sports, des conseillers, des responsables de la Commission européenne, des membres du Parlement européen, des représentants des Etats membres qui ont également des bureaux ici. Lors de ces différentes réunions, nous essayons d’exprimer notre opinion et de faire comprendre à nos interlocuteurs la façon dont nous dirigeons le football et la nature de nos besoins. Il y a beaucoup de lobbying. Nous rédigeons des documents et des brochures qui expliquent nos positions. Nous organisons des événements. » Au cœur de l’Europe, article de l’UEFA – Section « relations avec l’UE », le 2 décembre 2003, disponible sur http://www.uefa.com 265 UEFA (2005), Vision Europe: the direction and development of European football over the next decade, Nyon, disponible sur http://www.uefa.com. 266 http://www.independentfootballreview.com/ 258/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? rules » et les « sports related rules ». Les premières concernent directement la régulation et l’organisation du sport et sont a priori de fait exemptées de l’application du droit commun. Les secondes sont définies comme celles visant à instaurer l’équilibre compétitif. Elles incluent des mesures telles que la vente centralisée des droits télévisuels, l’instauration d’un plafonnement salarial, des restrictions sur le marché des joueurs. Si les « sports related rules » dérogent au droit commun, le rapport souligne, une nouvelle fois, la nécessité de prendre en compte la spécificité du sport. Malgré cette activité, la conception du sport professionnel continue d’osciller entre une approche socio-culturelle et une approche libérale. Les développements récents de ce dossier illustre cet état de fait. La Commission du marché intérieur du Parlement européen a commandité une étude à l’Asser Instituut et à la Lancaster University titrée « Professional Sport in the Internal Market267 » et publiée en septembre 2005. Les auteurs préconisent l’adoption d’une directive portant sur la libéralisation du football professionnel. Ces conclusions sont aussitôt remises en cause par Jonathan Hill, responsable de l’UEFA auprès de l’UE, qui voit dans ce document « moins une étude académique sur le sport et l’UE et plus un papier politique promettant un ordre du jour spécifique – les intérêts des clubs les plus riches268. » La publication de ce rapport s’est prolongée par une audience publique sur le football professionnel organisée au Parlement européen le 3 mai 2006. La manifestation était co-organisée par les Commissions de la culture et de l’éducation, du marché intérieur et de la protection des consommateurs, des affaires économiques et monétaires et de l’emploi et des affaires sociales. L’intitulé du débat, « sport professionnel : marché ou société ? », laissait augurer des positions tranchées entre les partisans de l’assujettissement du sport au marché et les tenants de l’exemption. Ainsi, lorsque Toine Manders, porteur du rapport, déclare que « le football doit se plier à la législation économique du marché commun », Lars-Christer Olsson, secrétaire général de l’UEFA, rétorque que « le sport n’est pas comme les autres activités économiques. Il n’y a aucun besoin d’appliquer ces règles dans le sport269. » La relative spécificité du sport accordée par le traité de Nice ne l’exempte pas totalement des règles du marché en vigueur. En l’absence de base légale définissant clairement le domaine d’intervention des institutions dans le sport, l’approche du secteur est avant tout économique, à savoir dans l’esprit même de la construction européenne visant à mettre en place un marché commun fondé sur les piliers de liberté de circulation et de concurrence270. Mais l’abolition des restrictions sur le marché des joueurs initiée par l’arrêt Bosman a eu pour conséquence une multiplication des transferts inter-clubs, une inflation des salaires et le renforcement de la position dominante des clubs les plus riches. Colin Miège précise 267 T.M.C. Asser Instituut, Edge Hill College & Sport 2B (2005). Professional Sport in the Internal Market: Committee on the Internal Market and Consumer Protection of the European Parliament. 268 Euroactiv.com, Le Parlement veut éviter un deuxième arrêt Bosman, le 3 octobre 2005, disponible sur http://www.euractiv.com 269 Parlement Européen, Culture and Education Press service, Football in Europe: creating a level playing field? Le 04/05/2006. REF.: 20060502IPR07752, disponible sur: http://www.europarl.eu.int/ 270 Cette compétence est définie dans le projet de traité de constitution européenne rejeté par la France et les Pays-Bas. Selon l’article III-282, « l’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative » et son action vise, entre autre, « à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des jeunes sportifs. » 259/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse qu’en cas de poursuite de la dérégulation du marché « ce sont alors l’intérêt des rencontres et l’incertitude des résultats qui risqueraient d’être remis en cause. » Dès lors, « la prise en compte de ces évolutions rapides et préoccupantes conduit aujourd’hui les instances communautaires – Parlement, Conseil et Commission – à la conclusion que le moment est venu pour l’Union européenne de définir une stratégie commune en faveur du sport » (Miège, 2001, p. 35). D - Le livre blanc sur le sport : l’affirmation du droit commun sur la sphère sportive C’est dans cette optique que la Commission s’est engagée dans la rédaction d’un livre blanc sur le sport, démarche envisagé comme les prémisses d’une introduction d’une compétence de l’Union européenne en matière de sport, cela afin que l’action politique européenne soit cohérente et fondée sur des bases établies. Le livre blanc, adopté par la Commission le 11 juillet 2007, comporte un plan d’actions où figurent 43 propositions concrètes dans trois domaines : le rôle social du sport ; la dimension économique du sport ; l’organisation du sport. L’enjeu pour les organisations sportives était de retrouver une grande autonomie. Si le livre blanc reconnaît le principe d’une spécificité du sport, il stipule toutefois qu’elle « continuera d’être reconnue, mais elle ne saurait être interprétée de sorte à justifier une dérogation générale à l’application du droit communautaire. » Si la Commission consent à quelques entorses au droit communautaire – imposer des quotas de joueurs formés localement ou la vente centralisée des droits télévisés – afin de préserver l’équilibre compétitif, elle n’entend pas accorder une exemption totale. Il s’agit alors d’un véritable Statu Quo puisque l’activité sportive reste soumise au droit communautaire et « la détermination de la compatibilité d’une règle sportive donnée avec le droit communautaire de la concurrence ne peut se faire qu’au cas-par-cas271. » Cette non reconnaissance d’une exception sportive incite les grandes organisations sportives272 à réagir. Dans un communiqué commun, elles considèrent que le livre blanc représente « une opportunité manquée ». Elles rappellent : « en tant qu’instances dirigeantes sportives, nous sommes dévouées à la protection d’une compétition juste et ouverte, à la promotion de la formation et de l’entraînement des joueurs, au maintien de l’équilibre compétitif, ainsi qu’au besoin de protéger l’intégrité de notre sport respectif. » Leur déception s’exprime ainsi : « nous attendions en particulier du Livre blanc qu’il apporte une transposition concrète de la Déclaration de Nice, notamment en apportant au sport un environnement légal plus stable pour l’avenir, en reconnaissant à la fois l’autonomie et le caractère spécifique du sport, ainsi que l’indépendance des fédérations sportives (instances dirigeantes) en ce qui concerne l’organisation, la régulation et la 271 Le livre blanc sur le sport. (2007). Bruxelles : Commission des Communautés Européennes, p. 15. Basketball (FIBA Europe), football (UEFA), handball (EHF - European Handball Federation), hockey sur glace (IIHF - International Ice Hockey Federation), Rugby (FIRA - Association Européenne de Rugby (FIRA - AER)), volleyball (CEV - Confédération Européenne de Volleyball). La FIFA et le CIO ont également publié un communiqué commun estimant que ce texte « est une occasion manquée. Le Livre blanc est établi en totale contradiction avec l’actuelle architecture du mouvement olympique, ignorant notamment les compétences réglementaires des fédérations internationales, […] la nature globale des enjeux qui affectent le sport aussi bien que les solutions nécessaires. » 272 260/368 Chapitre VII : Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ? promotion de leur sport respectif. Concrètement, il existe un besoin de clarification de l’environnement légal en ce qui concerne l’étendue de la discrétion de régulation attribuée aux instances gouvernantes dans les problèmes liés au sport273. » Par conséquent, la Commission n’envisage pas de traitement particulier au sport professionnel tel qu’a pu le concevoir le congrès étasunien en exemptant les ligues de la législation anti-trust. En l’absence d’une application concrète de la spécificité du sport dans le domaine de l’organisation du sport professionnel (notamment sur la restriction à la mobilité des joueurs), le processus de domination des plus grandes villes mis en évidence dans la partie précédente devrait s’accentuer. L’écart se creusant entre petites et grandes villes devrait aboutir à une recomposition des solidarités sur critères géographiques. Il s’agit d’une possibilité sérieuse. Comme le montre le chapitre suivant, ces stratégies existent déjà. 273 Il reste beaucoup de travail. (Mercredi 11 juillet 2007). uefa.com. 261/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse Chapitre VIII Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! La taille du marché tient un rôle prépondérant dans l’implantation d’une activité sportive professionnelle et son épanouissement au plus haut niveau. Mais, contrairement au système nord-américain, une équipe reste attachée à l’endroit où elle naît. Plus encore, une forme d’identification collective s’établit entre la population et l’équipe étendard de la fierté locale et de son système de valeurs274. Cet ancrage historique et culturel d’une équipe dans son territoire associé à la volonté des propriétaires de clubs de favoriser l’utilité sociale n’a pas engendré de risque de délocalisation. Ainsi, les supporters d’un club de football français situé dans une ville moyenne ne craignent-ils pas de voir leur équipe déménager, disons à Paris, où les seules présences du Paris Saint-Germain en première division et de l’US Créteil en seconde rendraient cette implantation viable. Cela ne signifie pas pour autant que la taille du marché n’a joué aucun rôle dans l’organisation du sport professionnel. Depuis l’émergence des ligues professionnelles en Europe, elle n’a cessé de revêtir une dimension croissante devenue primordiale de nos jours. Cette dernière peut s’envisager à deux échelles d’analyse : le club et la ligue. Les clubs disposent de plusieurs stratégies pour s’adapter aux conditions du marché local : fusionner (I) ou déménager (II). Quant aux ligues, il émerge des stratégies de redéfinition de nouvelles solidarités s’établissant sur critère géographique en favorisant la similarité des potentiels locaux. Cela se concrétise par des tentatives de ligues fermées (III). I La fusion de clubs : limitation de la concurrence locale Une fusion est une union/entente entre plusieurs clubs d’où résulte une seule entité. Elle peut ainsi être envisagée comme une réponse à la taille du marché. Considérant qu’à l’échelle locale une concurrence sera forcément néfaste dans l’objectif de gravir les échelons – il faudrait se partager le public potentiel, le soutien de sponsors locaux, l’appui des collectivités –, deux clubs peuvent entreprendre de s’unir. Il est difficile d’obtenir des données fiables pour établir un recensement exhaustif des fusions permettant une analyse rigoureuse. Toutefois, deux idées fondamentales peuvent être avancées. Premièrement, 274 Cela apparaît clairement dans les analyses de Christian Bromberger sur les rivalités entretenues entre l’Olympique de Marseille et les clubs parisiens ou bordelais : (Bromberger, 1995). Sur le même sujet, John Bale effectue une revue critique de la littérature : « football and collective identification » dans Bale (1993, pp. 56, 64). 262/368 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! depuis l’établissement des ligues professionnelles, on observe des fusions dans tous les pays européens. Celles-ci sont de deux sortes : - d’une part, la fusion/entente : deux clubs de villes petites ou moyennes s’unissent pour faciliter l’accès au plus haut niveau. C’est le cas du Dijon Football Côte d’Or, né en 1998 de la fusion entre le Cercle Dijon Football et le Dijon FC. Les deux clubs étaient alors en concurrence réelle puisqu’ils évoluaient dans le même groupe de Championnat de France Amateur. Ainsi peut-on lire sur le site officiel du club : « Le DFCO existe grâce aux responsables de ces deux clubs qui avaient compris que l’intérêt supérieur du football à Dijon exigeait la mise en commun de toutes les ressources financières et de toutes les énergies 275 . » En 1999-2000, le club est champion de France amateur et accède au National. En 2006-2007, le club entame sa troisième saison en L2 en y jouant les premiers rôles ; - d’autre part, il existe la fusion/absorption : dans ce cas, un grand club établi en intègre un plus petit tout en conservant son nom. Secondement, les fusions se font de plus en plus rares au plus haut niveau. Bale note que l’attachement du public à « son » club rend difficile la contraction de deux équipes dans une tierce identité dépourvue d’histoire (Bale, 1993, pp. 165-166). Un tel projet est d’autant plus voué à l’échec qu’il vise à fusionner deux clubs localisés dans des villes différentes. Ainsi, en 1983, le propriétaire d’Oxford United – Robert Mawxell, magna de la presse – propose de fusionner le club avec celui de Reading FC localisé à 40 km. La nouvelle entité nommée « Thames Valley Royals » serait localisée à équidistance des 2 villes. Le projet est abandonné après la protestation virulente des supporters de chaque équipe276. La proximité entre deux équipes semble être une condition indispensable aux projets de fusion. Toutefois, on identifie des tentatives qui méritent d’être mentionnées en raison de leur singularité. Ainsi, en 1966, le Racing Club de France faisant face à des difficultés financières fusionne avec l’Union Athlétique Sedan Torcy pour donner naissance au Racing Club de Paris-Sedan. Si le projet initial stipule que les matchs doivent se disputer alternativement au Parc des Princes et au stade Emile Albeau, toutes les rencontres se disputeront finalement dans les Ardennes. La fusion est abandonnée après trois années. En 1989, après de nouvelles difficultés financières, le Racing Club de France demande à fusionner avec le RC Lens. Cette fois, la ligue nationale refuse l’alliance au motif que le club parisien, étant un club de la ligue d’Ile-de-France, doit obligatoirement jouer à la capitale. 275 276 Site officiel du club : http://www.dfco.fr/ Murray, S. (3 mai 2001). Merger memories. Guardian Unlimited. 263/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse Figure 60 - La première division théorique et rationnelle de football belge selon les travaux de Dejonghe277 Dejonghe a étudié l’importance stratégique de la taille du marché des clubs belges. Il développe un modèle de localisation optimale des équipes selon le principe suivant: « Le problème avec le football belge est que sur le long terme, et tout comme la réalité nous le montre sur le court terme, la situation actuelle va provoquer une défaillance du marché et l’élimination de quelques clubs. La solution proposée dans cette contribution est la création d’une nouvelle compétition professionnelle avec moins d’équipes disposant d’une exclusivité territoriale avec un centre doté d’un potentiel de consommateurs devant atteindre un certain seuil absolu et relatif » (Dejonghe, 2004, p. 87). Cette restructuration d’une ligue réduite de 18 à 14 clubs à l’aide de multiples fusions est détaillée dans la figure 60. 277 Mise en page du document par nos soins. 264/368 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! II Les délocalisations en Europe En Europe, les délocalisations ont existé de tous temps. Il s’agit le plus souvent d’un changement de stade au sein d’une même zone urbaine, ou dans sa périphérie plus propice à accueillir un nouvel équipement fonctionnel, vaste et doté d’un parking (Bale & Moen, 1995; Black & Lloyd, 1992; Comer & Newsome, 1996; Horak, 1995; Newsome & Comer, 2000). Au-delà de ces réaménagements fonctionnels, trois types de délocalisations sont identifiés en Europe : - la délocalisation du spectacle (A) ; la délocalisation du droit de participation (B) ; la délocalisation du club (C). A - La délocalisation du spectacle La Commission européenne a déjà été invitée à se prononcer sur certains aspects géographiques du sport professionnel. En septembre 1997, l’Excelsior de Mouscron, club de football belge, doit recevoir l’équipe française de Metz dans le cadre des 32èmes de finale de la Coupe de l’UEFA. Défaits 2 à 0 en Lorraine, les Belges désirent disputer leur match à domicile dans la ville voisine de Lille qui dispose d’un stade plus vaste. S’appuyant sur la règle du « at home and away from home », l’UEFA refuse que la rencontre se déroule en France. Le 31 décembre, la Communauté Urbaine de Lille, qui s’est vu privée de louer son stade au club belge, porte plainte devant la Commission. La règle de l’UEFA interdisant à un club de disputer son match à domicile dans le pays de l’équipe adverse pourrait être contraire à l’article 82 du Traité de Rome (sur les abus de position dominante) en freinant le commerce inter-étatique. Toutefois, la Commission estime que cette règle est nécessaire pour favoriser l’équité sportive. En cela, elle s’inscrit dans la logique de reconnaissance du pouvoir réglementaire des fédérations dans leur champ de compétences sportives. Toutefois, cette règle vise à prévenir la délocalisation d’un match sur la base de critères sportifs. Pour en rester à la France, lors de la saison 2005-2006, face à ses problèmes récurrents de stade, Lille a joué ses matchs de Ligue des champions au stade de France. B - Les franchises espagnoles : une délocalisation du droit de participation Au cours de l’été 2006, la fédération de football espagnole (RFEF) et la ligue de football espagnole (LFP) ont renégocié une convention délimitant les prérogatives de chaque institution. En présence de Jaime Lissavetzky, le conseiller supérieur aux sports, le nouvel accord courant jusqu’en 2010 a été validé par 88,9% des votants (35 votes pour, 2 contre, 1 abstention). A cette occasion, différentes mesures de rénovation ont été lancées telles que la professionnalisation du corps arbitral, la refonte du calendrier de la Coupe du Roi ou la solidarité avec le football amateur. Au delà, la réforme la plus commentée consacre le système des franchises. Le texte prévoit qu’entre le 15 mai et le 25 juin de chaque année, un club de première division peut vendre son droit de participer à l’élite à un club de Segunda B ou Tercera (respectivement, les troisième et quatrième niveaux). Le club vendeur serait alors rétrogradé en seconde ou troisième division. Le texte est dédié aux équipes de première division en difficulté 265/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse économique qui, plutôt qu’une disparition, trouveraient dans ce dispositif un moyen de se rétablir financièrement. Le processus s’établirait ainsi : après qu’une équipe de Primera annonce son intention de céder sa place, plusieurs clubs de niveaux inférieurs peuvent se déclarer candidats à l’accession. Une commission spéciale évalue la solidité de chaque prétendant puis rend un avis à la RFEF et la LFP qui tranchent en dernier ressort. Le club acheteur éponge alors en partie les dettes du club relégué. En somme, cette disposition affecte l’un des piliers fondamentaux du système sportif européen : l’accès à une compétition sur critère sportif. Certes, l’irruption du critère économique dans la constitution d’un championnat n’est pas une chose nouvelle. Mais la particularité du cas espagnol réside dans l’adoption du seul et unique critère économique. Lorsque la presse espagnole a commenté cette nouvelle possibilité offerte aux clubs, ce fut en dressant un parallèle avec la ligue fermée nord américaine de basket (NBA). Le président de la LFP, José Luis Astiazarán, répond que « la NBA est un modèle de gestion qui nous attire tous mais ceci est une adaptation de plusieurs modèles278. » L’adaptation consiste en ce qu’il ne s’agit pas de vendre un club susceptible d’être délocalisé par la suite, mais de vendre le droit de participation à une compétition. Certes, une ville perd sa place au plus haut niveau, mais elle ne perd pas pour autant son équipe qui se trouve reléguée à un niveau moins prestigieux. Aux Etats-Unis, c’est la franchise qui est délocalisée tandis qu’en Espagne, c’est le droit de la franchise à participer à la première division qui change de main. Les conséquences d’un tel système sont toutefois nombreuses dans le principe mais aussi dans la pratique. L’Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF), lorsqu’elle répercute sur son site Internet l’information, précise qu’ « un club espagnol d’une grande ville qui ne parvient pas sur le terrain sportif à accéder à la première division pourra y parvenir économiquement en rachetant à un club de première division, par exemple en difficulté financière, ce droit de participation. » Le système des franchises pourrait avoir en effet pour conséquence une indexation des hiérarchies sportives sur les hiérarchies urbaines : les plus grands marchés accueilleraient plusieurs équipes, les villes moyennes favoriseraient une politique d’unicité tandis que les plus petites se verraient tout simplement évincées du réseau (Helleu & Durand, 2007). Dès juin 2007, le club de Grenade 74 a racheté au Ciudad Murcie sa place en seconde division pour 20 millions d’euros. Pour réaliser cette opération, le club andalou a vendu son stade. 278 Marcos, J. (20 juillet 2006). La Liga de las franquicias. El Pais. 266/368 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! C - La délocalisation des équipes En Europe, tout comme aux Etats-Unis, le déplacement d’un club est motivé par des considérations économiques. Ainsi, analysant le football anglais, John Bale note qu’« il ne s’agit pas de dire que les délocalisations n’ont jamais existé dans le football britannique, et il peut être établi que les propriétaires de clubs ont, à un certain moment, démontré par leur prise de décision concernant la localisation, un degré de rationalité économique ou un comportement de maximisateur de profit » (Bale, 1993, p. 135). Deux éléments caractérisent les délocalisations « à l’européenne » : - tout d’abord, il s’agit le plus souvent d’un changement de stade au sein d’une même zone urbaine. Le club quitte alors le centre-ville pour la couronne périurbaine plus propice à accueillir un nouvel équipement fonctionnel, vaste et doté d’un parking ; - ensuite, le rythme des délocalisations s’est considérablement ralenti. John Bale, analysant la Football League anglaise entre 1865 et 1991, en a identifié 179. 88% d’entre elles ont été effectuées avant 1920 (Bale, 1993, p. 136). Dans ce type de délocalisations, la rupture avec l’implantation originelle n’est pas réelle dans le sens où un supporter pourra continuer à suivre sans grande difficulté son équipe fétiche. Néanmoins, depuis une vingtaine d’années, la commercialisation croissante des ligues sportives professionnelles impose de nouvelles normes en termes de taille du marché. On observe alors des réajustements comme si la progression dans la hiérarchie sportive devait être inévitablement liée à une progression dans la hiérarchie urbaine. Cette nouvelle forme de délocalisations, émergente en Europe, se rapproche plus clairement de celle pratiquée en Amérique du Nord par trois aspects : - la motivation de la délocalisation est d’ordre économique ; la rupture avec l’ancienne ville est réelle ; le déménagement se concrétise par une nouvelle appellation du club intégrant la nouvelle localisation. 1. Pau-Orthez : une relocalisation nécessaire Le déménagement du club de basket de l’Elan Béarnais d’Orthez (EBO) dans la ville voisine de Pau illustre ce phénomène. L’EBO est fondé en 1908 dans la tradition des clubs de patronage. Le club offre ainsi une alternative à l’Union Sportive d’Orthez (laïque). Le basket se développe au sein de l’EBO à partir de 1931. Dans les années 1970, l’équipe s’installe durablement dans l’élite nationale et remporte sa première Coupe d’Europe en 1984. La présence dans une bourgade de 11 500 habitants d’une équipe compétitive au plus haut niveau européen relève d’une véritable anomalie. Le club évolue alors à la Moutête, un marché couvert transformé en salle de basket de 4 000 places les soirs de match. Bien que cette situation atypique renforce la fierté et l’adhésion du public local, Pierre Saillant, le président historique du club, perçoit qu’une évolution est nécessaire. Aussi déclare-t-il en 1987 : « Jusqu’à présent, j’ai toujours géré mon club année par année. Nos moyens actuels sont suffisants pour continuer au plus haut niveau, mais s’en contenter serait courir le risque d’une disparition prématurée. La capacité de la salle de la Moutête bientôt augmentée de neuf cents places grâce à la construction d’une nouvelle tribune sur 267/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse l’ancien « marché au gras » ne suffira pas pour passer avec sponsors et joueurs des accords qui dépassent le cadre d’une saison279. » La pérennisation et la survie financière de l’EBO se concrétisent par une délocalisation du club de 50 km à Pau, la plus grande ville voisine (82 000 habitants, 216 000 dans l’agglomération). En 1989, le club devient l’Élan Béarnais Pau-Orthez et dispose d’un palais des sports de 8000 places assises dès 1991. Les 11,89 millions d’euros nécessaires à la construction de la nouvelle salle ont été financés par la municipalité. Le passage du club, selon les mots de son président, « de la ferme au palais280 », est une réussite. Sur le plan sportif, depuis sa délocalisation, le club a remporté 7 championnats (1992, 1996, 1998, 1999, 2001, 2003, 2004) et se qualifie régulièrement en Euroligue, la plus prestigieuse compétition européenne. Avec en moyenne plus de 5 000 spectateurs par match (soit un taux de remplissage de 67%), l’Elan Béarnais demeure régulièrement en tête des affluences. Certes, l’équipe a changé de municipalité à la recherche d’un marché plus favorable à son développement. Toutefois, l’opération s’est déroulée dans le souci de conserver l’identité et l’histoire orthézienne, ne serait-ce que dans la dénomination du club (Pau-Orthez). Une billetterie est toujours en place à Orthez et des cars effectuent gratuitement l’aller-retour entre la ville et le village pour transporter les supporteurs. Peut-on dire qu’en Europe, il est parfaitement inenvisageable d’assister à une délocalisation caractérisée par une véritable rupture avec la localisation initiale ? 2. Wimbledon FC : une délocalisation sur critère économique En mai 2002, une commission indépendante (IC) nommée par la Football Association anglaise donne son aval au projet de délocalisation du club de football de Wimbledon FC. Le club a été créé en 1889. Installé au sud de Londres, le club gagne tardivement l’élite du football anglais, se maintenant en Premier League durant 14 saisons de rang entre 1987 et 2000. L’importance de la concurrence locale – plus de 10 clubs de haut niveau implantés à Londres – et la faiblesse des affluences poussent les dirigeants à délocaliser le club. A la fin des années 1990, des délocalisations à Dublin (Irlande) puis Cardiff (Pays de Galles) sont envisagées. L’UEFA et la FIFA se positionnent résolument contre ce projet, estimant qu’une équipe ne peut disputer un championnat national tout en étant localisée dans un autre pays. En 2000, la ville de Milton Keynes, à 100 kilomètres au nord de Londres, est retenue. Le Milton Keynes Stadium Consortium (MKSC) propose de sécuriser la venue de l’équipe en construisant un stade de 28 000 places extensible à 45 000. Le MKSC fait valoir la qualité du marché local : son accessibilité associée à une clientèle potentielle de 2,2 millions de personnes à une demi heure de route (8 millions à une heure de route) confère à Milton Keynes le statut de plus grand centre urbain européen sans équipe professionnelle de football. Le club fait savoir son désir de rejoindre Milton Keynes ce qui lui vaut le sobriquet de « Franchise FC ». L’allusion au système nord-américain est évidente. Rien dans le règlement n’empêchant le déménagement d’une équipe, la FA décide de s’en remettre à la décision d’une commission indépendante. Celle-ci statue qu’une délocalisation ne va pas à l’encontre des principes fondamentaux de la structure pyramidale du football. Selon elle, il est préférable d’assurer la survie du club dans une 279 280 Bozonnet, J.-J. (27 janvier 1987). Les ambitions d’Orthez Une anomalie en ovalie. Le Monde. Vincens, B. (25 mars 1999). À Orthez, le basket a trop de Pau. L’Humanité. 268/368 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! autre ville que de le condamner à disparaître à Londres. La décision de la commission s’est fondée avant tout sur un critère géographique. Selon Barr-Smith et al., la commission « a noté que la grande majorité des fans ne vivaient pas à Merton ou Wimbledon (20% des abonnés vivent à Merton et 10% à Wimbledon). […] L’IC a soutenu que cette faible base de supporters locaux […] ne suggérait pas que le Club était « le cœur et l’âme » de la communauté » (Barr-Smith, Payne, & Sennett, 2003, p. 14). La délocalisation est ainsi accordée. En 2003-2004, le Wimbledon FC entame la saison à Milton Keynes. En 20042005, il est finalement renommé « Milton Keynes Dons » 281 . Les fans historiques du Wimbledon FC, organisés en une coopérative – le Dons’ Trust qui compte plus de 2000 adhérents s’acquittant d’une cotisation annuelle de 25 livres – et furieux de la délocalisation, ont créé le Wimbledon AFC en 2002282. La FA s’empresse de préciser qu’il s’agit là d’un cas exceptionnel ne pouvant être envisagé comme un précédent. Selon elle, en aucun cas, cette décision ne doit être comprise comme l’avènement d’un système nordaméricain où les franchises seraient à l’affût de marchés prometteurs. Malgré tout, ne peuton pas considérer qu’il s’agit là d’un réel précédent d’autant que l’article 43 du Traité de Rome sur le droit d’établissement stipule que « les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites283 ». III Les tentatives de ligues fermées en Europe A - La NFL Europe : un modèle américain pour un sport américain La première orientation vers une organisation hermétique d’un championnat ne relève pas d’une initiative européenne mais nord-américaine. Elle s’inscrit dans une tentative d’internationalisation de la NFL. En 1991, la ligue majeure de football met en place la World League of American Football (WLAF). Il s’agit d’une ligue de développement envisagée comme un réservoir pour la NFL. Les jeunes joueurs jugés trop frêles pour la ligue majeure ont l’occasion de s’aguerrir et de se faire remarquer en ligue mondiale. A l’origine, cette dernière est composée de 10 équipes réparties en trois zones géographiques : - l’ouest américain : Birmingham Fire, Sacramento Surge, San Antonio Riders ; - l’est américain : Montréal Machine, New York/New Jersey Knights, Orlando Thunder, Raleigh-Durham Skyhawks (remplacé par les Ohio Glory en 1992); - l’Europe : Barcelone Dragons, Francfort Galaxy, Londres Monarchs. La stratégie de la WLAF consiste à s’implanter dans de petits marchés nord-américains dépourvus d’équipe de football et de rechercher les marchés européens les plus importants (Londres, Barcelone et Francfort comptent plus d’1,5 millions d’habitants). 281 « Dons » étant le diminutif de « Wimbledon ». Roche, M. (22 octobre 2002). Fâchés, les supporteurs de Wimbledon montent leur propre club. Le Monde. 283 Version consolidée du Traité instituant la Communauté Européenne, chapitre 2 « le droit d’établissement ». 282 269/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse Toutefois, le succès de la ligue est mitigé. Le public américain bénéficiant déjà du spectacle de la prestigieuse NFL n’adhère pas à cette offre supplémentaire, d’autant plus que la première saison est marquée par la domination des franchises européennes (Londres et Barcelone s’affrontent en finale). Après deux années d’activité et une perte de 20 millions de dollars, la ligue est mise en veille. David Rosel, directeur de la communication de la Ligue mondiale, explique que « l’idée consistait à proposer encore plus de football américain aux passionnés en prolongeant la saison par une variante qui impliquait des équipes européennes. Mais cette expérience n’a été un succès qu’en Europe. Nous avons donc réfléchi et effectué des études de marché pour établir dans quel pays européen la Ligue trouverait le meilleur accueil284. » La ligue est donc réactivée en 1995 sous un format uniquement européen. Aux franchises de Londres, Barcelone et Francfort, sont ajoutées trois équipes à Amsterdam, Düsseldorf et Edinburgh. En 1997, la WLAF devient officiellement la NFL Europe. Mis à part en Allemagne, le football américain a des difficultés à fidéliser son public. Les London Monarchs deviennent les England Monarchs afin de disputer des matchs à Londres, Birmingham et Bristol. L’autre équipe britannique, les Scottish Claymores, partage ses matchs à domicile entre Edinburgh et Glasgow, les deux plus gros marchés écossais. Même avec ces réajustements, l’activité de la ligue est timorée. Selon une politique éprouvée aux Etats-Unis, elle entame une stratégie de délocalisation vers les marchés porteurs. Les England Monarchs sont remplacés par les Berlin Thunder en 1998. Les Barcelona Dragons abandonnent leur place pour les Cologne Centurions en 2004. L’année suivante, la franchise écossaise est défaite par une nouvelle implantation en Allemagne (Hamburg Sea Devils). Le tableau 55 présente la structure actuelle de la NFL Europe. Toutes les franchises sont localisées dans des marchés de plus d’un million d’habitants et, si le taux de remplissage des stades reste faible, les affluences moyennes (5 matchs à domicile en saison régulière) demeurent satisfaisantes. Chacune des franchises doit faire face à la concurrence d’un club de football à l’envergure européenne limitée. Cela pourrait d’ailleurs expliquer la disparition du sport américain à Barcelone, Londres et Glasgow, toutes ces villes accueillant plusieurs clubs de football dont au moins un participe régulièrement à la Ligue des champions. Tableau 55 - Composition de la NFL Europe en 2005-2006 Equipe Ville Taille du marché Stade Capacité Affluences 2005 Thunder Sea Devils Galaxy Centurions Admirals Rhein Fire Berlin Hamburg Francfort Cologne Amsterdam Düsseldorf 4 101 213 2 515 468 1 896 741 1 823 475 1 378 873 1 315 736 Olympiastadion AOL Arena Commerzbank-Arena Das Rhein Energie Stadion Amsterdam ArenA LTU Arena 76 000 55 989 52 000 50 374 51 628 51 500 16 848 17 920 29 377 14 232 12 877 22 532 Au-delà d’une politique de délocalisation, la ligue fermée européenne emprunte à son aînée la stratégie d’expansion. D’ici 2010, la NFL Europe devrait accueillir deux nouvelles équipes. Les villes d’Hanovre et de Leipzig sont déjà candidates. L’Allemagne se présente comme une niche où l’activité est sécurisée et à partir de laquelle l’Europe, sur le plus long 284 Jolly, P. (17 avril 1996). Le football américain tente une nouvelle percée en Europe. Le Monde. 270/368 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! terme, pourrait être peu à peu conquise par ce sport285. Paul Tagliabue, le commissaire de la NFL, a fait de l’internationalisation de la NFL l’un de ses objectifs principaux. Afin d’éviter que la NFL Europe évite le germano-centrisme, il a prospecté plusieurs villes européennes dont Paris et Madid286. B - Des ligues dissidentes en Europe Dans le cas de la NFL Europe, il s’agit d’une tentative d’exportation d’un sport relativement mineur en dehors du continent nord-américain. L’affiliation de la nouvelle ligue à la NFL et l’implantation sur un territoire dépourvu de structure professionnelle rendaient possible la mise en place d’une ligue fermée. Mais qu’en est-il des sports professionnels européens historiquement liés à des fédérations de tutelle ? On observe depuis une dizaine d’années l’émergence de projets plus ou moins aboutis de mise en place de breakaway leagues (ligues dissidentes). On retrouve quatre caractères essentiels dans les tentatives de schisme : - une ligue dissidente est toujours à l’initiative de quelques clubs contre les fédérations historiques ; - une ligue dissidente projette des retombées financières plus importantes que dans le cadre des compétitions traditionnelles ; - une ligue dissidente adopte de fait un format fermé ou semi-fermé ; - une ligue dissidente se construit toujours sur le critère de la taille du marché des clubs. Dans le domaine du football professionnel, deux tentatives de ligues dissidentes peuvent être exposées. L’une se projetait comme concurrente des compétitions européennes (l’European Football League – Projet Media Partners), l’autre comme concurrente de compétitions nationales (Ligue Atlantique). Si chacune des deux tentatives possède les quatre caractéristiques énoncées ci-avant, les motivations de leur formation diffèrent. La question centrale est, en effet, qu’est-ce qui poussent quelques clubs à rompre avec les compétitions historiques pour former une nouvelle coalition ? Le désir de maximisation des profits provoque-t-il à lui seul les tentatives de schisme ? Il a été expliqué dans la première partie qu’une ligue avait, entre autres choses, la mission d’organiser le rapport de force entre équipes. Les tentatives de ligues dissidentes émergent lorsque l’homogénéité au sein d’un championnat, au niveau national comme continental, est mise à mal. Elles témoignent de l’échec des instances historiques à réguler ce rapport de force. Ainsi, des équipes similaires – trop fortes ou trop faibles à un niveau de compétition donné – réorganisent le rapport de force en rompant avec les ligues historiques qui ne parviennent plus à satisfaire leur volonté de réalisation. 285 L’intérêt des Allemands pour ce sport remonte aux années 1950-1960 durant lesquelles des Américains en service militaire ont créé des équipes. 286 Signalons qu’en 2003, sous l’impulsion du DTN Patrick Wincke et avec le soutien de la municipalité et de Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, un projet de mise en place d’une franchise NFL à Lyon a vu le jour sans aboutir : A.T. (27 janvier 2003). Bientôt des touch-downs à Lyon. L’Humanité. 271/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse 1. Le projet Media Partners A l’automne 1998, le groupe Media Partners, soutenu par la banque J.P. Morgan et les groupes de communication allemand Kirch, australo-américain Murdoch et italien Berlusconi, avait proposé la création d’une Superligue, l’European Football League (EFL), regroupant 36 clubs. 18 équipes auraient été qualifiées pendant trois ans sur un critère de notoriété. L’inspiration d’un modèle fermé limitait le risque économique. En outre, le projet de ligue privée assurait des revenus bien plus importants que ceux octroyés par l’UEFA. A titre d’illustration, le Real Madrid, vainqueur de l’édition 1997-1998 de la Ligue des champions, avait touché 13,5 millions d’euros. Le projet Media Partners assurait, grâce à la télévision à péage, 22,1 millions d’euros à ses participants et le vainqueur aurait reçu entre 52,9 et 61,7 millions d’euros. Le regard du politique sur cette tension entre opérateurs historiques et opérateurs privés est riche d’enseignements. Face à la perspective de voir se former une ligue fermée concurrente, l’UEFA menace d’exclusion les formations ou les joueurs intéressés par le projet d’EFL. Ainsi, en septembre 1999, le commissaire européen à la concurrence, Karel Van Miert, reçoit Rodolfo Hecht-Lucari, le PDG de Media Partners. Van Miert déclare avoir « clairement fait savoir à la Commission européenne que ce projet soulevait des problèmes par rapport à la libre concurrence. » Le commissaire européen fait savoir que rien ne peut s’opposer à la liberté d’entreprendre. Ainsi un groupement non sportif peut-il tout à fait créer une nouvelle compétition, d’autant plus qu’il viendrait s’installer dans un secteur monopolisé par les fédérations historiques. La menace d’un schisme pousse l’UEFA à réagir. Elle lance une Task-Force sur la réforme de ses compétitions, intégrant à sa réflexion 12 grands clubs européens 287 . Les clubs tentent, sans succès, d’imposer le principe d’une invitation, afin qu’une mauvaise performance à l’échelle nationale n’empêche pas la participation en Ligue des champions. Si la proposition est rejetée, l’aléa sportif, synonyme de risque de pertes financières, est limité. La prise en compte du classement des nations à l’indice UEFA qualifie directement les champions et vice champions de 6 grands championnats (italien, espagnol, allemand, anglais, français, néerlandais). Les équipes classées 3ème ou 4ème dans ces mêmes championnats ont de bonnes chances d’intégrer la compétition. La nouvelle Ligue des champions prenant effet en 1999/2000 regroupe désormais 32 équipes participantes (hors tours préliminaires) contre 24, 17 journées au lieu de 11, 400 millions d’euros de primes télévisuelles partagées contre 133,5 l’année précédente. 2. Le projet de Ligue Atlantique Toutefois, cette réforme de la compétition, associée à la dérégulation du marché des transferts depuis l’arrêt Bosman, fragilise les grands clubs des petits pays. Ainsi, en 2000, Harry Van Raaij, président du PSV Eindhoven, élabore le projet d’une Ligue Atlantique. Contrairement à l’EFL, il ne s’agit pas d’une alternative à l’échelle continentale mais bien à l’échelle nationale. Constatant que les grands pays ont de plus grands revenus télévisuels, 287 Lyon, la Juventus de Turin, la Lazio Rome, Manchester United, Liverpool, le Real de Madrid, le FC Barcelone, le Bayer Leverkusen, le Bayern Munich, Rosenborg et le Spartak Moscou. A noter qu’on identifie ici 8 clubs du G14. 272/368 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! Van Raaij propose la construction d’un 6ème grand championnat européen à la hauteur des big-five (Angleterre, Allemagne, France, Italie, Espagne). La Ligue Atlantique adopterait un format de 14 à 16 clubs. A la présence des sept clubs formateurs – Ajax Amsterdam, Feyenord Rotterdam, PSV Eindhoven (Pays-Bas), Anderlecht (Belgique), Benfica Lisbonne (Portugal), Celtic et Glasgow Rangers (Ecosse) – s’ajouteraient éventuellement le FC Porto (Portugal), un club danois, un club norvégien, un club belge, deux clubs suédois et éventuellement des clubs grecs. Dans un tel championnat, chacun des trois clubs néerlandais pourrait obtenir 25 millions d’euros de droits télévisuels, soit au total la même somme proposée en 2002 pour les droits télé du championnat hollandais répartie entre 18 équipes (75 millions d’euros). Analysant plus particulièrement la présence des clubs écossais dans cette ligue en projet, Stephen Morrow explique que « la motivation financière de former une ligue dissidente est simple. La taille du marché local du Celtic ou des Rangers – ou, pour être plus en phase avec la période actuelle caractérisée par les revenus télévisuels, la taille du potentiel d’auditeurs – est trop petite » (Morrow, 2001, p. 43). Tableau 56 - Titres européens des clubs leaders du projet de Ligue Atlantique Clubs Ajax Anderlecht Feyenord Benfica PSV Celtic Rangers Pays Pays-Bas Belgique Pays-Bas Portugal Pays-Bas Ecosse Ecosse Coupe de l’UEFA 1 1 2 Coupe des Coupes 1 2 Ligue des champions 4 1 2 1 1 1 1 Total 6 3 3 2 2 1 1 La présence de grands clubs dans de petits pays pose en effet problème. Au niveau sportif, ces championnats souffrent d’un déséquilibre compétitif récurrent. De 1975 à 2005, les Old firm écossaises (Celtic et Rangers de Glasgow) concentrent 26 titres sur les 30 mis en jeu. Un seul titre de champion des Pays-Bas a échappé au trio Ajax/PSV/Feyenord (AZ’67 Alkmaar en 1980-81). Au Portugal, Porto et le Benfica ont engrangé 25 titres. En Belgique, le Club Brugge FC et le RSC Anderlecht ont remporté 11 titres chacun. La faible opposition au niveau national leur assure une qualification assurée en Coupe d’Europe. D’ailleurs, chacun des sept clubs en tête du projet a remporté au moins un titre européen (tableau 56). Toutefois, depuis la réforme des Coupes d’Europe en 1999/2000, seul le Feyenord Rotterdam s’est imposé en Coupe de l’UEFA en 2002288. La nécessité de construire une Ligue Atlantique est imposée par la taille des marchés. Van Raaij explique : « Il faut comparer notre pays (les Pays-Bas) avec les grandes nations. On s’aperçoit tout de suite qu’avec 15 millions d’habitants notre marché est tout petit. Nous devons nous aligner sur les salaires « européens » pratiqués dans les grands championnats comme l’Italie, l’Angleterre. Mais la réalité économique locale ne nous le permet pas. La compétition n’est pas juste. Il y a un gros déséquilibre. Dans une Europe libérale, il faut trouver un autre système pour les petits, qui ne peut être que la Ligue Atlantique. » Les fédérations nationales et l’UEFA sont réfractaires à cette initiative. Mais 288 Le Celtic de Glasgow en a été le finaliste malheureux en 2003 (défaite contre le FC Porto). 273/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse pour Van Raaij, il s’agit là d’une tendance naturelle à la concentration du marché : « L’UEFA ne cherchera pas à nous arrêter. Vous savez, pour nous comme pour eux, ce n’est pas bon que ce soit toujours les mêmes pays qui tiennent le haut du pavé. Si la majorité des ligues nationales ne sont pas heureuses, l’UEFA ne peut pas l’être. Un jour, ces cinq grandes ligues issues des cinq grands pays finiront par créer un championnat qu’ils disputeront entre eux et ils se demanderont s’ils ont encore besoin de l’UEFA. Cette ligue est dans la lignée du développement global que connaît le football européen depuis plusieurs années. Dans le passé, il y avait des épiciers au coin des rues, après il y a eu des supermarchés, puis maintenant des hypermarchés. C’est inévitable289. » Si cette formule n’a pas abouti, des projets similaires émergent régulièrement. A titre d’illustrations, sont évoquées de façon récurrente les fusions des championnats belge et néerlandais, la création d’une ligue scandinave 290 ou encore l’intégration des Old Firm écossaises dans le championnat anglais. L’UEFA est amenée à se positionner fermement sur ces tentatives de dissidences afin de préserver la structure pyramidale du modèle européen. Ainsi peut-on lire dans le rapport indépendant sur les enjeux du football : « Les autorités du football pourraient légitimement exiger de ses membres de s’engager à participer dans le cadre de la structure pyramidale à vocation coopérative, et pas seulement à l’extérieur de celle-ci. » Le rapport précise juste après qu’« il y a eu de nombreuses discussions sur « les ligues dissidentes » par le passé et il semblerait que si un groupe de clubs décide de prendre son propre chemin, il n’y a aucun moyen légal d’empêcher cela291. » En somme, rien n’empêche, au regard du droit européen, quelques clubs à former une structure privée concurrente. Il appartient aux instances fédérales d’avorter ces tentatives en conciliant tous les intérêts. Les réformes des Coupes d’Europe avaient ainsi pour objet de satisfaire les équipes susceptibles d’intégrer la Superligue ou la Ligue Atlantique. 3. L’aboutissement de l’Euroligue en basket Le cas de l’Euroligue 292 , championnat continental de basket, est la première initiative aboutie d’une compétition organisée en rupture avec le modèle sportif européen, à l’initiative d’un opérateur privé. L’Union des Ligues Européennes de Basket-ball (ULEB), créée en 1991 à l’initiative des ligues professionnelles italienne, espagnole et française, a pour vocation d’assurer la coordination et le développement de ses ligues adhérentes. Elle s’est développée jusqu’à accueillir 15 ligues de nos jours (tableau 57). 289 Guillermin, N. (24 juin 2000). Après la Ligue des champions, la " Ligue atlantique " ? - Entretien avec Harry Van Raaij, président du PSV Eindhoven. L’Humanité. 290 Précisons qu’en 2004, dans le souci de développer le football scandinave, a été créée la Royal League, un tournoi qui voit s’affronter les quatre meilleures équipes des championnats danois, suédois et norvégiens. 291 Arnaut, J. L. (2006). European Independent Sport Review, p. 30. 292 L’analyse suivante peut être complétée par la lecture de « le cas de l’ULEB : la technique du porteavions ? » dans : (Durand, Ravenel, & Helleu, 2005, pp. 193-200). 274/368 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! Tableau 57 - Année d’adhésion des ligues nationales à l’ULEB Ligues Pays Année d’adhésion Cette union a été envisagée dans le but LNB France 1991 principal de travailler de LEGA Italie 1991 concert avec la FIBA et ACB Espagne 1991 les fédérations nationales. HEBA Grèce 1996 LCB Portugal 1996 L’ULEB se présente BLB Belgique 1999 comme une force de BBL Angleterre 1999 proposition et un groupe LNBA Suisse 1999 de lobbying. Comme le PLK Pologne 2001 souligne Eduardo Portela, BBL Allemagne 2001 président de l’Union : FEB Pays-Bas 2001 « selon notre opinion, les Bosnie-Herzegovine, Croatie, Adriatic League 2002 championnats sont les Serbie, Montenegro, Slovenie piliers qui supportent ÖBL Autriche 2002 l’énorme structure du LKL Lituanie 2003 basket-ball par delà le ALK République Tchèque 2004 continent européen, et BSL Israël 2005 nous espérons contribuer avec nos propositions et notre expérience au développement futur de notre sport. L’ULEB est en mesure de développer sa contribution dans des sujets concrets, tels que la nécessité de promouvoir le spectacle ou encore la coordination des calendriers entre les différentes compétitions, en envoyant des propositions à la FIBA293. » L’ULEB fédère donc un grand nombre de clubs ne se reconnaissant plus dans la gestion des institutions fédérales historiques. Ses membres font pression sur la FIBA Europe afin d’être associés à la négociation sur les droits de diffusion, d’accroître leur revenus en compétition européenne et de se garantir une participation sur plusieurs années. La FIBA refuse d’abandonner ses prérogatives historiques si bien que l’ULEB élargit son champ d’action d’un groupe de pression/proposition à celui d’opérateur direct du basket professionnel. En 2000, pour la première fois dans l’histoire du sport professionnel européen, une ligue continentale privée vient concurrencer la compétition officielle. La Suproligue, organisée sous l’égide de la FIBA, doit faire face à la concurrence de clubs dissidents engagés dans l’Euroligue gérée par l’ULEB 294 avec l’appui d’un puissant sponsor (la société de téléphonie espagnole, Telefonica). Ainsi, tandis que les 20 clubs engagés dans la compétition « officielle » se partagent 15 millions de dollars, les 24 dissidents se partagent 35 millions de dollars. L’ULEB est parvenue à engager des arbitres pour un forfait annuel de 10 000 dollars (plus de 1000 dollars par match), atténuant ainsi les menaces de la FIBA de les radier des grandes compétitions (Jeux Olympiques, championnat du monde). 293 http://www.uleb.net/ L’Euroligue, dont la première édition remonte à la saison 1957-1958, est la plus prestigieuse des coupes européennes de basket organisée par la FIBA. Curieusement, le nom « Euroligue » n’a jamais été protégé par la fédération internationale. Ainsi, lors du schisme, l’ULEB s’accapare le nom, obligeant la FIBA à renommer sa Coupe d’Europe « Suproligue ». 294 275/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse Tableau 58 - Les participations en Euroligue depuis sa création et les tailles de marché Pays Taille du marché FC Barcelona Espagne 3 765 994 1 1 1 1 1 1 6 AEK Athens Grèce 3 761 810 1 1 1 1 1 1 6 Olympiakos Pireus Grèce 3 761 810 1 1 1 1 1 1 6 Clubs 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Total KK Cibona Zagreb Croatie 973 667 1 1 1 1 1 1 6 Climamio Bologna Italie 682 724 1 1 1 1 1 1 6 Union Olimpija Ljubljana Slovénie 522 079 1 1 1 1 1 1 6 Zalgiris Kaunas Lituanie 376 656 1 1 1 1 1 1 6 Benetton Trévise Italie 247 413 1 1 1 1 1 1 6 1 Tau Ceramica Vitoria Espagne 226 498 Efes Pilsen Istanbul Turquie 11 322 000 Ulker Istanbul Turquie 11 322 000 1 1 1 1 1 5 CSKA Moscou Russie 10 383 000 1 1 1 1 1 5 1 1 1 1 5 1 1 1 1 5 1 1 1 1 1 1 6 1 1 1 1 1 5 Real Madrid Espagne 5 086 635 Panathinaikos Athens Grèce 3 761 810 Partizan Beograd Serbie 1 273 651 1 1 1 1 1 5 Unicaja Malaga Espagne 775 458 1 1 1 1 1 5 Maccabi Tel-Aviv Israël 358 800 1 1 1 1 1 5 Pau-Orthez France 216 830 1 1 1 1 1 ASVEL France 1 648 216 1 1 1 1 Montepaschi Siena Italie 1 1 1 Alba Berlin Allemagne 4 101 213 1 1 1 Skyliners Frankfurt Allemagne 1 896 741 ERA Slask Wroclaw Pologne 728 957 1 1 1 Virtus 1934 Bologna Italie 682 724 1 1 1 3 BC Buducnost Podgorica Monténégro 139 500 1 1 1 3 LondonTowers Angleterre 7 651 634 1 1 Estudiantes Madrid Espagne 5 086 635 1 Peristeri Athens Grèce 3 761 810 1 Prokom Trefl Sopot Pologne 1 001 884 TEC Spirou Charleroi Belgique 420 214 Scavolini Pesaro Italie 108 878 KK Zadar Croatie 82 000 Krka Novo Mesto Slovénie 46 679 100 620 St.Petersburg Lions Russie 4 039 751 Lottomatica Virtus Roma Italie 3 314 237 Armani Jeans Milano Italie 2 890 384 Pamesa Valencia Espagne 1 397 809 PAOK Thessaloniki Grèce 1 057 825 Ural Great Perm Russie 989 500 Hapoel Jerusalem Israël 704 900 1 1 1 1 4 3 3 2 1 2 1 2 1 1 2 2 1 1 1 3 1 1 5 4 1 2 1 2 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Strasbourg IG France 612 104 1 1 Lietuvos Rytas Vilnius Lithuanie 553 201 1 1 Muller Verona Italie 469 996 Telindus BC Oostende Belgique 142 946 Brose Baskets Bamberg Allemagne 104 927 BC Lugano Tigers Suisse 104 547 Ovarense Aerosoles Ovar Portugal 55 198 1 1 1 1 1 1 1 24 276/368 1 1 1 32 24 24 24 24 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! Les deux clubs français engagés en Coupe d’Europe, Villeurbanne et Pau-Orthez, ont dû s’engager en Suproligue face à la menace de se voir radier de la Pro A par la FFBB295. D’autres grands clubs européens (Efes Pilsen Istanbul, Ulker Istanbul, CSKA Moscou, Panathinaikos Athènes, Partizan Belgrade, Unicaja Malaga, Maccabi Tel-Aviv) manquent la première édition mais rejoindront l’Euroligue l’année suivante pour ne plus la quitter (tableau 58). Début 2001, la FIBA et l’ULEB se rencontrent afin de discuter du principe d’une compétition continentale unique. Comme le souligne Yvan Mainini, président de la Fédération Française de Basket-Ball (FFBB) et de la FIBA-Europe « il a bien fallu constater, de part et d’autre, que le basket-ball européen n’avait pas les moyens de s’offrir deux compétitions parallèles 296 . » Le retour à une seule épreuve doit s’établir sur un consensus accordant la gestion économique de l’épreuve à l’ULEB et la gestion sportive à la FIBA. Le projet est finalement repoussé par la FIBA qui décide de ne reconnaître ni l’ULEB ni l’Euroligue. La compétition est désormais placée sous l’unique tutelle de l’ULEB. En contradiction avec les principes fondamentaux du modèle sportif européen voulant que l’accès aux compétitions continentales soit soumis à une qualification à l’échelle nationale, 20 des 32 clubs de l’Euroligue sont assurés d’une présence de trois ans dans cette épreuve. L’organisation d’un championnat semi-fermé constitue une première en Europe. Désormais, le pouvoir est passé de la main des fédérations à celui des clubs. Suite à ce schisme, les deux compétitions continentales mineures de la FIBA (la Coupe Korac et la Coupe Saporta) fusionnent pour devenir l’ULEB Cup. En novembre 2005, après quatre années de désaccord, l’ULEB et la FIBA parviennent à une entente pour la clarification des compétitions européennes. Les championnats continentaux des clubs sont placés sous l’égide de la FIBA Europe, tandis qu’il revient à l’ULEB le droit d’organiser les deux principales compétitions (l’Euroligue et l’ULEB Cup). L’ULEB conserve la gestion commerciale des compétitions. En contrepartie, elle reverse une part des bénéfices de l’Euroligue à la FIBA et le nombre de clubs participant aux deux championnats de l’ULEB est limité à 48. La FIBA Europe organise quant à elle deux compétitions continentales mineures (la FIBA EuroCup et l’EuroCup Challenge). Après six années d’existence de l’ULEB, son président, Eduardo Portela, envisage ainsi les rapports avec la FIBA : « A propos de la FIBA, il faut dire haut et fort qu’on veut - et qu’on a toujours voulu - faire partie de la FIBA. Nous formons en effet toutes les deux une partie de la plus grande famille du basket-ball, nous voulons marcher main dans la main car nous aimons tous le basket-ball. Mais chacun a des objectifs différents. De notre point de vue, la FIBA doit organiser les championnats mondiaux et continentaux, dans toutes les catégories. Mais quand on parle de basket-ball professionnel, ce sont les clubs qui doivent décider le genre de compétition qu’ils souhaitent, le calendrier qu’ils veulent établir, les objectifs qu’ils veulent atteindre. » Il ne renonce d’ailleurs pas à voir prochainement l’organisation des compétitions d’élite passer en totalité sous le contrôle des clubs : « Je pense que dans le futur, l’ULEB organisera toutes les compétitions entre clubs. Sur ce 295 296 Potet, F. (21 octobre 2000). Un schisme sans précédent divise le basket-ball européen. Le Monde. Van Kote, G. (11 mai 2001). Le basket-ball européen retrouve un peu d'unité. Le Monde. 277/368 Partie 4 : Une (r)évolution silencieuse point, la FIBA et l’ULEB ne doivent pas être concurrentes. En outre, je ne pense pas que tous les clubs doivent avoir le droit de participer à une compétition internationale297. » Aucun critère d’accès à l’Euroligue ne fait une référence directe à la taille du marché. Toutefois, la participation à la plus prestigieuse des coupes européennes est soumise à des conditions ne relevant pas de la simple performance sportive. L’article 7 (Requirements for Registration) de l’Euroleague Basketball Regulation impose aux clubs de certifier qu’un aéroport international est situé à moins de 100 km de la salle, de posséder une salle de 5000 places assises, que la ville hôte dispose de 2 hôtels de première classe. Ces critères sont amenés à se renforcer puisque le plan stratégique de la ligue sur le long terme est que les clubs disposent de salle de 10 000 places. Cette volonté d’augmenter la capacité des salles est fondée sur une étude de marché. Jordi Bertomeu, Chief Executive Officer de l’Euroligue, explique qu’« une autre donnée révélatrice est l’étude de marché que nous avons faite nous indiquant qu’il y a plus de 50 millions de personnes en Europe intéressées par le basket. Il est de notre responsabilité de créer les mécanismes nécessaires pour essayer de capter ce public. L’idée d’essayer d’augmenter la capacité minimale de nos stades pour l’année 2009 est basée sur ces données et la confiance en un progrès perdurant ces années à venir. » La coopération récente entre l’Euroligue et la NBA est une autre illustration du souci de développement économique de la ligue européenne. Elle prend la forme du NBA Europe Live sponsorisé par l’éditeur de jeux vidéo EA Sports : en 2006 et 2007, quatre équipes NBA ont réalisé une tournée pour affronter les meilleures équipes de l’Euroligue. Au-delà de la dimension sportive, Jordi Bertomeu ne cache pas que cette collaboration est l’occasion d’affiner le modèle d’organisation de la ligue : « la proximité entre les deux organisations va de soi ; nous avons passé un long moment à parler et à travailler sur différents aspects de l’organisation du sport. Nous défendons notre propre modèle, mais nous savons que nous pouvons apprendre tellement de choses de la NBA sur différents aspects : commerciaux, économiques, en matière de sponsoring et même dans la gestion de la communication298. » Une démarche similaire s’exprime en France. Suite à la parution du livre blanc du basket français en juillet 2004, la Ligue Nationale de Basket (LNB) envisage une restructuration du championnat à l’horizon 2009-2010. Pour accéder au nouveau Top 14, les clubs devront satisfaire à deux critères non sportifs : disposer d’une salle d’une capacité de 4000 places ; présenter un budget de trois millions d’euros. René Le Goff, président de la LNB, justifie l’introduction de critères économiques : « La logique sportive est formidable à l’instant T. Mais, sur une longue période, elle passe aussi par la dimension économique. […] Bourgen-Bresse est une petite ville moyenne. Dans l’avenir, ces villes ne pourront pas supporter concurremment plusieurs clubs de haut niveau. Ma recommandation, c’est que les villes moyennes fassent des choix. Cholet a fait le choix du basket, d’autres ont choisi le rugby ou le football. Aujourd’hui, le Finistère a deux clubs en pro B, Brest et Quimper. La Bretagne et surtout le Finistère ne peuvent pas se payer deux clubs à haut niveau. C’est impensable. C’est la même chose pour Reims et Châlons en pro A. Il faut qu’il y ait une réflexion locale299. » 297 Stankovic, V. (2006). Interview: Eduardo Portela, ULEB President. Euroleague.net. Interview de Jordi Bertomeu, le 22 juin 2005, sur Euroleague.net 299 Melinard, M. (19 février 2005). En quête de rebond. L’Humanité. 298 278/368 Chapitre VIII : Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! Ainsi, la taille du marché des clubs devient un élément de plus en plus prégnant de l’organisation des ligues sportives professionnelles. La figure 61 synthétise de quelle façon elle peut intervenir sur la gestion des clubs. Ces derniers ont six possibilités de réorganiser un rapport de force selon leur taille. La politique la plus utilisée est celle de la fusion. Qu’il s’agisse d’une union ou d’une absorption, la volonté des deux clubs est bien de joindre leurs forces pour éviter une concurrence locale néfaste. Lorsqu’une équipe déménage, nous distinguons la relocalisation de la délocalisation. Dans le premier cas, une équipe conserve son identité historique et, malgré le changement de ville, s’attache à rester au plus près de son implantation initiale. Dans le cadre d’une délocalisation – illustrée jusqu’à présent par le seul cas du club de football de Wimbledon – il existe une double rupture. Spatiale tout d’abord puisque la nouvelle localisation n’a aucun lien avec la précédente ; identitaire ensuite puisqu’il s’ensuit une nouvelle dénomination du club. Enfin, les clubs peuvent entrer dans un rapport de force avec les instances organisatrices historiques en opérant une scission. Effectif dans le basket européen, le recours au schisme reste à l’état de projet dans le football. Que la ligue soit dissidente ou intégrée, elle se construit dans une recherche d’homogénéité par incorporation d’équipes « semblables ». La ligue dissidente est championnat continental des grandes villes des grands pays tandis que ligue intégrée est championnat transnational des plus grandes villes des petits pays. Figure 61 - Stratégies de prise en compte de la taille du marché par les clubs professionnels 279/368 Conclusion et perspectives Conclusion et perspectives Partant que rien n’est définitif, conclure c’est achever plus encore que parachever. Cette conclusion s’organise en deux temps. Le premier revient sur les apports de cette analyse et les conséquences à en tirer ; le second envisage les suites qu’il serait possible de donner à ce travail de thèse. A - L’accentuation de la position dominante des plus grandes villes : peut-elle, doit-elle, être contrôlée ? a) Synthèse des résultats Cette thèse s’est appliquée à évaluer dans quelle mesure l’américanisation (entendue comme une commercialisation) du modèle sportif européen, dans un contexte de dérégulation, renforçait la position dominante des plus grandes villes. Sur les trente années d’étude, on observe une accentuation de la réussite sportive des plus grandes villes aussi bien à l’échelle nationale qu’au niveau continental. Au niveau des championnats domestiques, les cinq plus grandes villes de chacun des 18 pays concentrent 84% des titres sur la période 1995/2005 contre 71% sur la période 1975/1985. Au niveau continental, 79% des titres reviennent à des villes de plus d’un million d’habitants entre 1995 et 2005 lorsqu’elles en concentraient 43% entre 1975 et 1985. Cette métropolisation est plus marquée en Ligue des champions qui devient un cercle de plus en plus fermé. Depuis la réforme du format de cette compétition en 1992, une minorité de mêmes villes apparaît fréquemment en quarts de finale. Pour 80% d’entre elles, il s’agit de villes de plus d’un million d’habitants. Il faut enfin noter que depuis la création du G14 en 1998, toutes les finales de la Ligue des Champions ont opposé des clubs ressortissants de cette organisation, exception faite de l’édition 2004 durant laquelle l’AS Monaco (non G14) perdit la finale contre le FC Porto (G14). Finalement, l’équilibre compétitif souffre de ce processus qui s’accentue, la seule incertitude se limitant à savoir laquelle des grandes villes remportera le titre. Mais, s’il y a américanisation dans le sens d’une convergence des objectifs dédiés à une maximisation du profit, aux Etats-Unis, le maintien de l’équilibre compétitif s’assure selon une stratégie d’homogénéisation qui nécessite des interventions dans trois champs. D’un point de vue géographique, une localisation des franchises dans les plus vastes marchés assure une cohérence. Au niveau économique, la mise en place d’outils de régulation (redistribution des revenus, et restrictions sur le marché du travail) atténue les écarts existant entre les marchés. Au niveau politique, la bienveillance de la sphère publique a débouché sur une exception sportive. En somme, le marché est régulé alors même que la doctrine est libérale. A l’inverse, en Europe, alors que la doctrine est d’inspiration socialedémocrate, l’organisation du sport professionnel relève des forces du marché. L’Union européenne ne peut en effet faire autrement que de reconnaître une spécificité s’appliquant au cas par cas. Reconnaître une exception sportive reviendrait alors à se désavouer en remettant implicitement en cause la validité de l’arrêt Bosman. Pour la Commission, le sport professionnel est une activité économique avant d’être une activité économique particulière. Rien ne justifie alors de lui accorder un statut dérogatoire comme en bénéficie la culture. Dans ce statu quo, la réussite sportive des plus grandes villes devrait s’accentuer. 282/368 Conclusion et perspectives Ce constat n’est pas sans conséquence. Il ne s’agit pas d’arbitrer mais simplement d’éclairer les enjeux soulevés par la prise en compte du critère démographique dans le modèle sportif du vieux continent. b) Entre l’économique et le politique, le football européen cherche un équilibre Ainsi donc, le football européen est actuellement dominé par une minorité de clubs de cinq ou six pays alors même que l’Union européenne compte 27 membres et que la FIFA en compte 52. Si le pouvoir politique ne tranche pas la question tel qu’il a pu le faire dès les années 1960 aux Etats-Unis, il faut tout de même noter un changement de vocabulaire loin d’être neutre. En 2001, Viviane Reding, membre de la Commission européenne responsable de l’Education et de la Culture, évoquait la « stabilité dans les compétitions sportives pour en garantir l’équité et la régularité300. » Avant elle, l’avocat général Lentz, lors du cas Bosman, envisageait « le maintien d’un équilibre entre les clubs, en préservant une certaine égalité des chances et l’incertitude des résultats301. » Il n’est pas inintéressant de remarquer que l’on parle dorénavant dans le livre blanc consacré au sport d’équilibre compétitif. La confrontation entre le constat du football européen dominé par un faible nombre de pays et le recours au concept d’équilibre compétitif soulève un paradoxe. Il faut en effet rappeler que dans le préambule du Traité de Rome, la Communauté européenne se fixe pour objectif « de renforcer l’unité de l’économie [des Etats membres] et d’en assurer le développement harmonieux en réduisant l’écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisées » et pour mission, dans l’article 2, « la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres ». Nous l’avons vu, dans le domaine du sport, la solidarité est invoquée pour préserver l’équilibre compétitif, objectif justifiant en théorie des restrictions au marché et la nécessité de redistribuer les revenus. Dans ce contexte, limiter la domination des plus grandes villes revient alors à l’UEFA. En l’absence d’un soutien politique, l’organisation ne peut que s’en remettre au charisme d’un homme providentiel. L’élection de Michel Platini, résolu à dissoudre le G14302, va peutêtre dans ce sens. Toutefois, ses marges de manœuvre sont réduites. L’une des possibilités est de réduire l’emprise des plus grands clubs sur la Ligue des champions. Selon un projet de réforme qui devrait être dévoilé fin août 2007, le format actuel de la C1 ne devrait pas être modifié (32 équipes réparties dans huit groupes de quatre) mais les vainqueurs de Coupe nationale remplaceraient les troisième ou quatrième des plus grands championnats. Ce projet d’une ligue plus équitable va à l’encontre des désirs des clubs les plus puissants. Avant même l’élection de Platini, Uli Hoeness, manager général du Bayern de Munich, déclarait : « je considère que sa réforme de la Ligue des champions concernant les petits pays favorisés au détriment des grands est une mauvaise idée. Platini veut toujours se battre contre les grands clubs. Mais personne ne voudrait voir une finale de Ligue des champions entre Rosenborg et le Legia de Varsovie. C’est bien de se battre en faveur des 300 Discours de Viviane Reding, Un nouvel élan pour le sport européen ? Sportel - Monaco 16 septembre 2003, SPEECH/03/411. 301 Arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Bosman, 15 Décembre 1995, § 106. 302 Dans la foulée de l’élection de Michel Platini à la tête de l’UEFA, le G14 annonce le recrutement possible de 10 à 16 clubs dans l’année et, à terme, plus d’une quarantaine de clubs pourrait rejoindre l’association. Le 16 mai 2007, seul candidat, Jean-Michel Aulas (Président de l’Olympique Lyonnais) est élu à l’unanimité Président du G14. 283/368 Conclusion et perspectives petits, mais le plus important, c’est la loi de l’offre et de la demande. Il faut que Platini sache une chose : sans les clubs, rien ne fonctionne, mais sans l’UEFA, tout peut fonctionner303. » Ce projet pourrait alors réactiver les tentatives de ligue fermée par une recomposition des solidarités sur critère géographique. En effet, les conditions d’une rupture sont peut-être réunies. L’UEFA le rappelait : « nous laisserons la porte des compétitions interclubs européennes du plus haut niveau ouverte aux clubs des petites nations. Nous ne leur fermerons pas la porte, contrairement à ce que le groupe de clubs autoproclamé semble vouloir faire. […] L’UEFA ne se mettra pas dans le chemin de ceux qui souhaitent quitter la famille du football (ce qui signifie également quitter les compétitions nationales) et ne partagent pas nos valeurs sportives. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre304. » c) Vers une rupture (que personne ne souhaite)? Plusieurs éléments peuvent laisser croire que la mise en place d’une superligue fermée à l’échelle européenne serait envisageable. En premier lieu, le marché pertinent est continental. A ce titre, une comparaison entre le marché nord-américain et le marché européen est riche d’enseignements. Le premier repose sur 335 millions d’habitants (EtatsUnis et Canada) et 42 villes de plus d’un million d’habitants disposent d’au moins une franchise. Le second (les 18 pays étudiés) compte 450 millions d’habitants où 43 villes de plus d’un million d’habitants comptent au moins un club de football. D’un point de vue géo-économique, la mise en place d’une ligue fermée selon un format éprouvé en Amérique (une trentaine de clubs) semble envisageable. D’un point de vue politique, l’Union européenne reste attachée au système pyramidal européen dans lequel le système de promotions/relégations assure un lien entre le monde professionnel et le monde amateur. Toutefois, selon le principe de libre entreprise, rien ne peut s’opposer à ce que quelques clubs décident de créer leur propre structure dissidente. La seule réponse à cette épée de Damoclès au dessus de l’UEFA est d’affirmer qu’il serait impossible de participer à la fois à une breakaway league et à ses propres compétitions. Là réside la véritable faisabilité d’un tel projet. Il s’agit d’arbitrage entre la notoriété des clubs et celle des compétitions historiques. En effet, si les plus grands clubs dissidents disposent d’un palmarès, d’une histoire et ainsi d’une capacité mobilisatrice, il est difficile d’évaluer l’intérêt du public pour une nouvelle compétition fermée sans légitimité historique. Les compétitions de l’UEFA disposent de cette légitimité mais quelle serait leur capacité de mobilisation sans la participation des grands clubs ? Ainsi, lorsque les organisations disposent d’un savoir-faire, les clubs se reposent sur un savoir-plaire. Finalement, l’hypothèse la plus probable est celle d’une cohabitation tendue entre les équipes du G14 et l’UEFA. Malgré l’incompatibilité des objectifs, ces deux entités demeurent complémentaires sinon même indispensable l’une pour l’autre. L’UEFA dispose des compétitions légitimes et les clubs de la notoriété. Le véritable enjeu, à moyen terme, ne portera pas tant sur l’implantation d’une ligue fermée que sur la régulation des compétitions sportives européenne selon deux domaines d’interventions : sportif (à charge de l’UEFA), commercial (le G14 pesant pour devenir décideur privilégié sur ce point). 303 304 A. Me. (jeudi 8 février 2007). Hoeness attaque Platini. L’Equipe. Chaplin, M. (24 mars 2006). L’UEFA reste ferme sur le football. uefa.com. 284/368 Conclusion et perspectives B - Perspectives de recherches a) Elargir : de la pluridisciplinarité à la transdisciplinarité Ce travail de recherche se présentait comme un essai d’approche pluridisciplinaire du football professionnel européen. Nous avons en effet remarqué que dans le cadre de sa thèse, Loïc Ravenel entreprend de cerner les différents travaux académiques concernant le sport en général et le football en particulier. Il identifie ce qu’il nomme alors « la nébuleuse STAPS ». Il emploie ce terme car « il est très difficile de cerner les travaux de cette formation universitaire sportive : de la sociologie à la physiologie en passant par l’histoire, toutes les thématiques sont abordées sans véritable spécialité à part l’objet d’étude. En revanche, nous n’avons trouvé aucune trace de géographie ! » (Ravenel, 1997, p. 15). Dix années après, notre ambition fut de définir ce que pourrait être une approche géographique des ligues sportives professionnelles au sein des STAPS. En effet, à quoi bon réaliser un travail de recherche au sein de la 74ème section du CNU (STAPS) qui pourrait tout aussi bien se faire dans la 23ème section (géographie) ? Collinet et Payré remarquent que (seulement) 27% des acteurs de la recherche en STAPS font référence à au moins deux disciplines. Dans le domaine des sciences humaines et sociales, l’histoire et la sociologie sont régulièrement couplées (Collinet & Payré, 2003, p. 109). Mais une nouvelle fois, la géographie demeure absente. C’est de ce double constat (absence de la géographie chez les chercheurs « siglés » STAPS, légitimité d’une approche pluridisciplinaire en STAPS) qu’est né le désir d’un regard neuf sur le football professionnel mêlant géographie et économie. Cette approche n’avait pas pour vocation d’épuiser le réel. Alors, une fois ce travail achevé, il apparaît certaines limites qui pourraient être surmontées en favorisant la transdisciplinarité à la pluridisciplinarité. Une première approche consisterait à s’orienter vers le marketing du football, champ déjà ouvert par Desbordes (2006). Il faudrait envisager les spectateurs selon les processus d’identification, les comportements et l’adhésion à une équipe ou un championnat particulier. Ce travail est déjà largement entamé par les sociologues (Bromberger, 1995; Hourcade, 2002; Lestrelin, 2006; Mignon, 1998; Williams, 1995). Toutefois, pour aller plus loin, il conviendrait de tirer profit d’analyses marketing s’appliquant à dresser des typologies du public (Funk, Haugtvedt, & Howard, 2000; Funk & James, 2001, 2004; Meir, 2000; Robinson & DeScriver, 2003; Stewart, Smith, & Nicholson, 2003; Trail, Fink, & Anderson, 2003; Van Leeuwen, Quick, & Daniel, 2002). Ces études montrent que “the sport experience” est vécue selon des degrés d’investissement très variables en fonction de la position qu’on occupe dans un panel allant du simple spectateur au supporter ultra. Les motivations (voir son équipe gagner, voir un spectacle incertain, se divertir, décompresser…) tout autant que les facteurs influençant la consommation de spectacle sportif (l’attractivité du match, les facteurs économiques, environnementaux, démographiques ou émotionnels) varient d’un type de fans à l’autre. Cette hétérogénéité du public laisse donc à penser que chaque spectateur ne se caractérise par une grande loyauté/fidélité à l’équipe qu’il encourage ou encore au championnat qu’il suit. Il y aurait à l’inverse des comportements de caméléons définissant une frange du public sportif adoptant les couleurs d’un club en fonction de son degré de notoriété ou de sa réussite sportive. En quelque sorte, cela rejoint l’intuition de Paul Yonnet lorsqu’il énonce le concept d’identification de substitution (Yonnet, 2004, p. 142). Un spectateur pourrait reporter son 285/368 Conclusion et perspectives investissement émotionnel sur une nouvelle équipe lorsque son « premier choix » ne tient plus aucun rôle dans la compétition suivie. C’est ce que nous appelons un système de cercles d’affinités électives sportives qui définit un intérêt pour le football-spectacle à plusieurs échelles à la fois sportives et géographiques. A titre d’illustration, le premier cercle d’affinité serait constitué de son club local (disons le Stade Malherbe de Caen qui évolue entre la L1 et la L2), le second d’un grand club national concourant pour le titre (disons le PSG, Lyon ou Marseille) et enfin le troisième d’un grand club européen jouant un rôle en Ligue des champions (le Milan AC, le Real de Madrid ou encore Manchester United). Loin de s’exclure, ces cercles se complètent et permettent à une catégorie de spectateurs de subir l’eustress305 dans plusieurs compétitions. Une telle proposition a une conséquence non négligeable. Elle minore la portée de l’argument stipulant qu’une ligue fermée ne verra jamais le jour en Europe pour des raisons culturelles. Certes, les spectateurs les plus élitistes, attachés à une certaine conception du football, seraient probablement réfractaires à un tel système. Mais remarquons toutefois que la plus grande majorité du public n’a pas été atteinte par d’autres bouleversements tels que les conséquences de l’arrêt Bosman ou les réformes des Coupes d’Europe. On aurait alors un football européen organisé autour d’une ligue majeure continentale et de plusieurs ligues mineures nationales. L’amateur de football suivrait une équipe fanion dans son championnat domestique et encouragerait une autre équipe au niveau continental. b) Restreindre : une mise en œuvre plus précise du modèle de potentiel local Le public pourrait être envisagé d’un point de vue géographique. Il s’agirait de délimiter avec précision l’aire d’influence d’un club tout comme le fait la carte 2 à la page 155. Plus précisément, l’objectif serait de constater et modéliser l’influence des résultats sportifs sur une aire d’attraction ou encore de cerner des zones concurrentielles lorsqu’il existe plusieurs clubs dans un espace restreint. Il s’agirait d’un travail préalable à la mise en œuvre précise du modèle de potentiel local. En effet, l’une des limites de cette recherche a été l’objectivation des quatre types de clientèles définissant le potentiel local d’un club. Sur un espace d’analyse plus restreint, l’objectif serait de recueillir et traiter les données concernant le public, les entreprises, les collectivités et les médias liés à un club afin de déceler comment s’organise et évolue cette aire de chalandise. L’objectif consiste à se dégager du postulat qu’une grande ville est riche. Au critère qualitatif du nombre d’habitants, il faudrait injecter des critères qualitatifs. Ainsi, à une échelle d’analyse plus fine, il doit être possible de mieux appréhender le public (PIB par habitants), les médias (montant des primes télévisuelles, présence d’opérateurs privés dans l’espace régionale), le soutien des collectivités (montant du subventionnement direct et indirect) et les entreprises (chiffres d’affaires, sponsoring, partenariat, naming). c) Prendre de la hauteur : conceptualiser les ligues sportives professionnelles Dans le cadre de cette thèse, les tensions affectant les différents acteurs du système football ont largement été évoquées. L’analyse des jeux de pouvoir, des objectifs divergents, des résistances au changement, pourrait trouver un développement par le prisme de la sociologie des organisations et le management stratégique. Tout autant, la judiciarisation du sport pourrait être développée en s’en remettant au droit du sport. 305 Le préfixe « eu » signifiant « bon ». 286/368 Conclusion et perspectives Plus encore, il s’agirait de prendre de la hauteur, en remontant d’une économie politique du sport à une philosophie politique du sport. C’est en effet dans ce domaine que l’on trouve les développements sur les concepts essentiels définissant une ligue sportive professionnelle. Le point intitulé « le droit du plus fort et la raison du plus faible » à la page 251 constitue la base de cette réflexion. En effet, dans le contexte de société libérale et marchande, la mise en place d’une ligue fermée n’est pas une chimère. Des économistes libéraux envisagent la concentration du succès par une minorité de clubs comme étant finalement normale, sinon même bénéfique, au regard du libéralisme306. S’il existe une réelle volonté de maintenir le modèle sportif actuel en y réinjectant de l’incertitude, cela doit se faire par une nouvelle politique à définir, à l’aide de la philosophie politique, que nous pourrions qualifier d’individualiste altruiste. Les clubs les plus forts seraient ainsi solitaires mais solidaires : leur aspiration légitime d’assouvir un désir de victoires/profits devrait se confronter à un rééquilibrage des forces gommant les inégalités préexistantes : il ne s’agirait plus de sacrer un club champion parce qu’il est le plus fort avant la compétition mais parce qu’il a été le plus fort à l’issue de la compétition. Cette volonté d’analyse du football professionnel ne se conçoit pas seul. Il s’agira plutôt de favoriser une approche collective d’un sport collectif. Cela pourrait s’appuyer sur la récente mise en place de plates-formes de recherche consacrées spécifiquement à ce sport307. Une telle entreprise semble d’autant plus intéressante qu’il est difficile d’évaluer si son « empire » en est à son apogée ou entame son déclin. Y compris dans sa dimension commerciale, le football apparaît plus que jamais à la croisée des chemins, tiraillé entre une vision favorisant l’efficacité et une autre mettant en avant l’équité. La réflexion engagée dans cette thèse pourrait, nous l’espérons, s’inscrire dans une démarche à vocation transdisciplinaire 306 Milanovic, B. (8 juillet 2006). Le foot, industrie sans frontières. Le Monde. On peut citer à titre d’illustration l’association « we are football » (http://www.wearefootball.org/) analysant le football dans une perspective historique. L’Association des Chercheurs Francophones en Football (ACFF) a pour vocation de « fédérer les efforts des différents chercheurs en football afin de faire connaître et diffuser leurs travaux. » En Angleterre, le Football Governance Research Centre (FGRC) de l’université Birkbeck de Londres favorise les approches sur la gouvernance et la régulation du football (http://www.football-research.org/). Le Sir Norman Chester Centre for Football Research de l’Université de Leicester se consacre aux approches sociologiques. 307 287/368 Bibliographie Bibliographie A lexander, D. L., & Kern, W. (2004). The Economic Determinants of Professional Sports Franchise Values. Journal of Sports Economics, 5(1), 51-66. Allouche, J., & Soulez, S. (2005). La cotation des clubs de football anglais. Une analyse différenciée des facteurs explicatifs de fluctuations de cours. Cahiers de recherche du GREGOR - IAE de Paris - Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne(4). Andreff, W. (1989). 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Washington, DC: The Brookings Institution Press. 302/368 Annexes Annexes Annexe 1 - Implantation des ligues majeures selon la taille des marchés (2005-2006) Annexe 2 - Implantation des ligues majeures selon la taille des marchés, résidus de corrélation (20052006) 303/368 Annexes Annexe 3 - L’offre totale de saisons en ligues majeures Annexe 4 - L’offre totale de saisons en ligues majeures, résidus de corrélation 304/368 Annexes Annexe 5 - Le nombre de titres par ville en ligues majeures Annexe 6 - Le nombre de titres par ville en ligues majeures, résidus de corrélation 305/368 Annexes Annexe 7 - Le nombre d’offres de L1 par FUA, résidus de corrélation (1975-2005) 306/368 Annexes Annexe 8 - Le nombre de titres en L1 par FUA, résidus de corrélation (1975-2005) 307/368 Annexes Annexe 9 - Le nombre d’offres en Coupes d’Europe par FUA, résidus de corrélation (1975-2005) Annexe 10 - Le nombre de points en Coupes d’Europe par FUA, résidus de corrélation (1975-2005) 308/368 Annexes Annexe 11 - Le pentagone selon le rapport ESPON 309/368 Annexes Annexe 12 - Cartes des identifiants et tableaux de correspondance clubs/villes (niveau national) 310/368 Annexes 311/368 Annexes 312/368 Annexes CODE VILLE NOM VILLE TAILLE NOM CLUB ALL001 MUENCHEN 1 893 715 Bayern Munich ALL001 MUENCHEN 1 893 715 SpVgg Unterhaching ALL001 MUENCHEN 1 893 715 TSV 1860 Munich ALL002 MONCHEN-GLADBACH ALL003 KOELN 1 823 475 ALL004 HAMBURG 2 515 468 SV Hamburger ALL004 HAMBURG 2 515 468 FC St. Pauli Hamburg ALL005 DORTMUND 589 240 Borussia Dortmund ALL006 BREMEN 849 800 Werder Bremen ALL007 STUTTGART 2 593 087 ALL007 STUTTGART 2 593 087 Stuttgarter Kickers ALL008 KAISERSLAUTERN 130 051 FC Kaiserslautern ALL009 FRANKFURT AM MAIN 1 896 741 Bayer Leverkusen ALL009 FRANKFURT AM MAIN 1 896 741 ALL011 ESSEN 476 306 Borussia Monchengladbach FC Köln VfB Stuttgart Eintracht Frankfurt 591 889 Schalke 04 Gelsenkirchen Rot-Weiß Essen ALL011 ESSEN 591 889 ALL012 BERLIN 4 101 213 Hertha BSC Berlin ALL012 BERLIN 4 101 213 Tennis Borussia Berlin ALL012 BERLIN 4 101 213 Blau-Weiss Berlin ALL014 BRAUNSCHWEIG ALL015 NURNBERG ALL016 DUISBURG ALL017 DUESSELDORF 346 815 1 018 211 512 030 1 315 736 Eintracht Braunschweig FC Nürnberg MSV Duisburg Fortuna Dusseldorf ALL018 KARLSRUHE 590 718 Karlsruher SC ALL019 KREFELD 239 559 Uerdingen 05 ALL020 BOCHUM 390 087 VfL Bochum ALL020 BOCHUM 390 087 SG Wattenscheid ALL021 FREIBURG IM BREISGAU 373 124 SC Freiburg ALL022 WOLFSBURG 127 609 VfL Wolfsburg ALL024 ROSTOCK 211 964 Hansa Rostock ALL025 HANNOVER 996 586 Hannover 96 ALL026 MANNHEIM 1 568 679 ALL028 OFFENBACH AM MAIN 118 429 Kickers Offenbach ALL029 BIELEFELD 578 980 DSC Arminia Bielefeld ALL032 DRESDEN 681 953 FC Dynamo Dresden ALL033 COTTBUS 121 861 Energie Cottbus ALL034 HOMBURG/SAAR 45 769 ALL035 SAARBRUECKEN 959 084 FC Saarbrucken ALL042 ULM 243 372 SSV Ulm ALL043 DARMSTADT 525 046 SV Darmstadt ALL049 LEIPZIG 568 200 VfB Leipzig ALL050 MAINZ 377 026 FSV Mainz 05 ANG001 LIVERPOOL 481 786 Liverpool FC ANG001 LIVERPOOL 481 786 Everton FC ANG002 GREATER MANCHESTER 2 277 330 Manchester United ANG002 GREATER MANCHESTER 2 277 330 Manchester City ANG002 GREATER MANCHESTER 2 277 330 Oldham Athletic ANG003 LONDON 7 651 634 Arsenal FC ANG003 LONDON 7 651 634 Chelsea FC ANG003 LONDON 7 651 634 Wimbledon FC ANG003 LONDON 7 651 634 Queens Park Rangers ANG003 LONDON 7 651 634 West Ham United ANG003 LONDON 7 651 634 Tottenham Hotspur SV Waldhof Mannheim FC Homburg/Saar 313/368 Annexes ANG003 LONDON 7 651 634 ANG003 LONDON 7 651 634 Charlton Athletic ANG003 LONDON 7 651 634 Watford FC ANG003 LONDON 7 651 634 Millwall FC ANG003 LONDON 7 651 634 ANG005 BIRMINGHAM 965 928 Fulham FC Crystal Palace Aston Villa ANG005 BIRMINGHAM 965 928 Birmingham City ANG005 BIRMINGHAM 965 928 West Bromwich Albion ANG006 SUNDERLAND/WHITBURN 183 310 Sunderland AFC ANG007 TYNESIDE 885 981 Newcastle United ANG008 WOLVERHAMPTON 432 682 Wolverhampton Wanderers ANG009 SHEFFIELD 552 987 Sheffield Wednesday ANG009 SHEFFIELD 552 987 Sheffield United ANG011 LEEDS 424 194 Leeds United ANG012 DERBY 223 836 Derby County ANG014 BLACKBURN/DARWEN 105 994 Blackburn Rovers ANG018 BOLTON 139 020 Bolton Wanderers ANG020 NOTTINGHAM 270 222 Nottingham Forest ANG020 NOTTINGHAM 270 222 Notts County ANG023 IPSWICH 130 157 Ipswich Town ANG024 PORTSMOUTH 174 690 Portsmouth FC ANG025 MIDDLESBROUGH 231 006 Middlesbrough FC ANG027 LEICESTER 318 518 Leicester City ANG029 STOKE 266 543 Stoke City ANG030 SOUTHAMPTON/EASTLEIG 210 138 Southampton FC ANG038 NORWICH 171 304 Norwich City ANG041 BRISTOL 407 992 Bristol City ANG042 COVENTRY/BEDWORTH 299 316 Coventry City ANG044 BRADFORD 289 376 Bradford City ANG047 LUTON/DUNSTABLE 221 337 Luton Town ANG049 SWANSEA 171 038 Swansea City ANG051 BARNSLEY 75 120 ANG052 BRIGHTON/WORTHING/ LI 220 583 Brighton & Hove Albion ANG060 OXFORD 118 795 Oxford United ANG061 SWINDON 145 236 Swindon Town AUT003 INNSBRUCK 113 392 FC Wacker Tirol Innsbruck AUT004 GRAZ 226 244 SK Sturm Graz AUT004 GRAZ 226 244 Grazer AK AUT007 MOEDLING 20 405 Admira/Wacker AUT007 MOEDLING 20 405 VfB Mödling Barnsley FC AUT008 LINZ 183 504 SV Pasching AUT008 LINZ 183 504 Linzer ASK AUT008 LINZ AUT010 WIEN 1 550 123 SK Rapid Wien AUT010 WIEN 1 550 123 FK Austria Wien AUT010 WIEN 1 550 123 Wiener Sport-Club AUT010 WIEN 1 550 123 First Vienna FC AUT010 WIEN 1 550 123 Favoritner AC AUT010 WIEN 1 550 123 Simmeringer SC1 AUT012 RIED IM INNKREIS 11 434 SV Ried AUT013 KLAGENFURT 90 141 FC Kärnten AUT013 KLAGENFURT 90 141 Austria Klagenfurt AUT014 STEYR 39 340 SK Vorwärts Steyr AUT015 SANKT POELTEN 49 121 VSE Sankt Pölten 314/368 183 504 FC Stahl Linz Annexes AUT016 EISENSTADT - BURGENLAND 13 664 SC Eisenstadt AUT017 BREGENZ 26 752 FC Schwarz-Weiß Bregenz AUT020 LEOBEN 25 804 Alpine Donawitz AUT023 KREMS AN DER DONAU 23 713 Kremser SC AUT024 WIENER NEUSTADT 37 627 SV Mattersburg AUT025 DORNBIRN 42 301 SC Austria Lustenau AUT027 WELS 56 478 Union Wels AUT028 NEUSIEDL AM SEE AUT029 SPITTAL AN DER DRAU AUT030 VEIT AUT032 SALZBURG 142 662 SV Austria Salzburg Red Bull AUT032 SALZBURG 142 662 Salzburger AK BEL004 ANTWERPEN 931 567 Lierse SK 6 200 Neusiedler SC 16 000 SV Spittal 58 742 SV ST. Veit BEL004 ANTWERPEN 931 567 KFC Germinal Ekeren BEL004 ANTWERPEN 931 567 Royal Antwerp BEL004 ANTWERPEN 931 567 Westerlo BEL004 ANTWERPEN 931 567 Germinal Beerschot Antwerpen BEL004 ANTWERPEN 931 567 Verbroedering Geel BEL004 ANTWERPEN 931 567 KBS Berchem Sport BEL004 ANTWERPEN 931 567 FC Boom BEL010 BRUXELLES/BRUSSEL 964 405 RSC Anderlecht BEL010 BRUXELLES/BRUSSEL 964 405 Strombeek BEL010 BRUXELLES/BRUSSEL 964 405 RC Jette BEL012 GENT 496 608 KAA Gent BEL013 BRUGGE 271 437 Club Brugge FC BEL013 BRUGGE 271 437 BEL015 BEVEREN 45 705 KSK Beveren BEL016 SINT NIKLAAS 224 356 KSC Lokeren BEL016 SINT NIKLAAS 224 356 St-Niklaas SK KSV Cercle Brugge BEL017 MECHELEN 306 413 Yellow Red KV Mechelen BEL017 MECHELEN 306 413 KRC Mechelen BEL019 HASSELT 384 503 KRC Genk BEL019 HASSELT 384 503 KFC Winterslag BEL019 HASSELT 384 503 St-Truiden BEL019 HASSELT 384 503 KFC Lommel BEL019 HASSELT 384 503 KSV Waterschei THOR BEL019 HASSELT 384 503 Beringen FC BEL019 HASSELT 384 503 Heusden-Zolder BEL019 HASSELT 384 503 KSC Hasselt BEL020 WAREGEM 35 852 BEL021 CHARLEROI 420 214 BEL025 MOUSCRON 70 016 SV Zulte-Waregem RSC Charleroi Excelsior Mouscron BEL027 KORTRIJK 277 786 KSV Ingelmunster Harelbeke BEL027 KORTRIJK 277 786 KV Kortrijk BEL029 LIEGE 584 398 Standard Liege BEL029 LIEGE 584 398 RFC Liege BEL029 LIEGE 584 398 RFC Seraing BEL029 LIEGE 584 398 KSK Tongeren BEL031 AALST 262 337 Eendracht Aalst BEL041 OOSTENDE 142 946 KV Oostende BEL043 MONS 249 153 RAEC Mons BEL044 LA LOUVIERE 174 124 LAAL Louvieroise DAN005 VEJLE 162 218 Vejle BK DAN006 AALBORG 269 774 AaB Boldspilklub Aalborg 315/368 Annexes DAN007 NAESTVED 103 057 DAN008 SILKEBORG 81 199 DAN010 ESBJERG 157 258 DAN012 IKAST 23 283 DAN013 HERFØLGE 40 053 DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Næstved IF Silkeborg IF Esbjerg fB Ikast fS Herfølge BK Brøndby IF DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 FC Copenhague (B93) DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Lyngby FC DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 B 1903 Copenhague DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 KB Copenhague DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Hvidovre IF DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 AB Copenhague - Gladsaxe DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Brønshøj Boldklub DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 BK Frem Copenhague DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Kastrup Boldklub DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Fremad Amager DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 B 93 Copenhague DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Vanløse IF DAN016 VIBORG 93 447 40 053 Viborg FF DAN017 KOGE DAN023 HERNING 118 663 FC Midtjylland Køge BK Boldklub DAN023 HERNING 118 663 Herning Fremad DAN024 NYKOEBING F DAN025 RANDERS DAN026 FARUM 54 204 B 1901 Nykobing 152 527 Randers Freja FC 18 662 FC Nordsjælland DAN027 ODENSE 367 130 OB Odense DAN027 ODENSE 367 130 B 1913 Odense DAN027 ODENSE 367 130 B 1909 Odense DAN029 HOLBAEK 129 221 Holbæk BI DAN031 AARHUS 429 811 AGF Arhus DAN031 AARHUS 429 811 Ik Skovbakken DAN031 AARHUS 429 811 FC Aarhus Fremad DAN032 KOLDING 170 841 Kolding IF DAN033 SLAGELSE 123 584 Slagelse BI DAN034 FREDERIKSHAVN DAN038 DUT004 DUT005 ROTTERDAM 1 173 533 Feyenoord Rotterdam DUT005 ROTTERDAM 1 173 533 Sparta Rotterdam DUT005 ROTTERDAM 1 173 533 Excelsior Rotterdam 52 913 Frederikshavn fl HADERSLEV 83 602 HFK Sønderjylland ENSCHEDE 304 913 DUT006 KERKRADE DUT007 UTRECHT 535 814 DUT008 ARNHEM 321 694 Vitesse Arnhem DUT009 ALKMAAR 92 965 AZ '67 Alkmaar DUT010 DEN HAAG 859 878 HFC ADO Den Haag DUT011 GRONINGEN 332 562 FC Groningen DUT011 GRONINGEN 332 562 BV Veendam DUT012 GELEEN 168 682 Fortuna Sittard DUT013 BREDA 296 727 NAC Breda DUT014 TILBURG 279 654 Willem II Tilburg DUT016 MAASTRICHT 186 138 MVV Maastricht DUT017 LEEUWARDEN 154 514 SC Heerenveen DUT017 LEEUWARDEN 154 514 Cambuur Leeuwarden DUT018 DEVENTER 316/368 49 316 FC Twente '65 Enschede 85 946 Roda JC Kerkrade FC Utrecht Go Ahead Eagles Deventer Annexes DUT019 VENLO DUT020 HAARLEM 389 929 91 347 HFC Haarlem DUT021 NIJMEGEN 268 237 NEC Nijmegen DUT022 VOLENDAM 28 333 FC Volendam DUT023 WAALWIJK 45 737 RKC Waalwijk DUT024 DEN BOSCH DUT025 VELSEN DUT027 AMSTERDAM 1 378 873 Ajax Amsterdam DUT027 AMSTERDAM 1 378 873 FC Amsterdam DUT029 ZWOLLE DUT033 DOETINCHEM 56 380 VBV De Graafschap Doetinchem DUT034 ALMELO 72 273 Heracles Almelo 182 052 67 356 169 285 VVV Venlo FC Den Bosch Stormvogels Telstar FC Zwolle DUT038 EINDHOVEN 383 090 PSV Eindhoven DUT038 EINDHOVEN 383 090 FC Eindhoven DUT040 WAGENINGEN 34 348 DUT041 HELMOND 85 675 FC Wageningen Helmond Sport DUT043 ROOSENDAAL 77 558 RBC Roosendaal DUT045 DORDRECHT 280 037 SVV Dordrecht ESP004 BILBAO 947 334 Athletic Club Bilbao 392 569 Real Sociedad ESP007 SAN SEBASTIAN ESP008 BARCELONA 3 765 994 FC Barcelona ESP008 BARCELONA 3 765 994 RCD Español Barcelona ESP008 BARCELONA 3 765 994 ESP009 ZARAGOZA 638 535 CD Sabadell Real Zaragoza ESP010 SEVILLA 1 180 197 Real Betis Balompié ESP010 SEVILLA 1 180 197 Sevilla FC ESP011 LA CORUNA 375 697 RC Deportivo La Corogne ESP012 OVIEDO 425 829 Real Oviedo ESP013 VIGO 412 939 Celta de Vigo ESP014 GIJON 279 837 Sporting de Gijón ESP015 SANTANDER 248 761 Racing Santander ESP016 LAS PALMAS 587 641 UD Las Palmas ESP017 VALLADOLID 368 890 Real Valladolid ESP018 PAMPLONA 285 671 CA Osasuna ESP019 PALMA DE MALLORCA 432 113 RCD Mallorca ESP021 ALICANTE 380 357 Hércules CF ESP022 CASTELLON DE LA PLAN 258 532 Villarreal CF ESP022 CASTELLON DE LA PLAN 258 532 CD Castellón ESP023 ELCHE 264 536 Elche CF ESP025 GRANADA 440 302 Granada CF ESP026 SANTA CRUZ DE TENERIF 399 104 CD Tenerife ESP027 MALAGA 775 458 Malaga CF ESP027 MALAGA 775 458 CP Mérida ESP029 VITORIA-GASTEIZ 226 498 Deportivo Alavés ESP031 SALAMANCA 191 813 UD Salamanca ESP035 ALBACETE 155 381 Albacete Balompié ESP036 LOGRONO 156 412 CD Logronés ESP039 BURGOS ESP040 MADRID 175 968 Real Burgos 5 086 635 Real Madrid ESP040 MADRID 5 086 635 Atletico Madrid ESP040 MADRID 5 086 635 Getafe CF ESP040 MADRID 5 086 635 ESP042 ALMERIA 191 768 UD Almería ESP044 CADIZ 400 157 Cádiz CF Rayo Vallecano 317/368 Annexes ESP046 BADAJOZ 140 882 Extremadura CF ESP049 LERIDA 146 907 UE Lleida ESP050 VALENCIA 1 397 809 Valencia CF ESP050 VALENCIA 1 397 809 Levante UD ESP052 SORIA ESP053 SANTIAGO DE COMPOSTEL 137 816 SD Compostela ESP054 MURCIA 503 568 Real Murcia ESP055 HUELVA 193 285 Recreativo huelva 35 112 CD Numancia FRA002 SAINT ETIENNE 321 703 AS Saint-Etienne FRA003 BORDEAUX 925 253 Girondins Bordeaux FRA005 NANTES 711 120 FC Nantes Atlantique FRA006 REIMS 291 735 Stade de Reims FRA007 MONTBELIARD 180 064 FC Sochaux-Montbeliard FRA008 LILLE FRA009 BETHUNE 1 143 125 FRA011 LYON FRA012 NICE 933 080 AS Monaco FRA012 NICE 933 080 OGC Nice FRA012 NICE 933 080 AS Cannes FRA013 STRASBOURG 612 104 FRA014 AUXERRE 268 439 1 648 216 85 080 Lille OSC RC Lens Olympique Lyon RC Strasbourg AJ Auxerre FRA015 PARIS 11 174 743 Paris SG FRA015 PARIS 11 174 743 Racing CP (matra) FRA016 NIMES 221 455 Nimes Olympique FRA017 METZ 429 588 FC Metz FRA018 TOULOUSE 964 797 Toulouse FC FRA021 ANGERS 332 624 SCO Angers FRA022 RENNES 521 188 Stade Rennais FRA023 NANCY 410 508 AS Nancy-Lorraine FRA024 VALENCIENNES 399 677 US Valenciennes FRA025 ROUEN 518 316 FC Rouen FRA030 LE HAVRE 296 773 Le Havre AC FRA034 LAVAL 102 575 Stade Lavallois FRA035 TOULON 564 823 SC Toulon FRA036 CAEN 370 851 SM Caen FRA038 TROYES 172 497 AS Troyes ESTAC FRA039 AJACCIO 77 287 FRA040 BREST 303 484 FC Brest-Armorique FRA041 MULHOUSE 271 024 FC Mulhouse FRA043 GUINGAMP 25 060 En Avant Guingamp FRA047 AVIGNON FRA048 CHATEAUROUX 90 573 Berrichonne Chateauroux FRA051 SEDAN 31 665 CS Sedan-Ardennes FRA053 GUEUGNON 8 553 FRA054 MARSEILLE 1 516 340 Olympique Marseille FRA054 MARSEILLE 1 516 340 FC Martigues FRA055 TOURS 376 374 FC Tours FRA058 LORIENT 186 144 FC Lorient FRA059 MONTPELLIER 459 916 Montpellier HSC FRA060 NIORT 125 594 FRA062 BASTIA 76 439 FRA063 LE MANS FRA064 ISTRES GRE005 THESSALONIKI 318/368 290 466 AC Ajaccio 293 159 38 993 1 057 825 Avignon Football 84 FC Gueugnon Chamois Niortais FC SC Bastia Le Mans Union Club 72 FC Istres PAOK Thessalonikis Annexes GRE005 THESSALONIKI 1 057 825 GRE005 THESSALONIKI 1 057 825 AS Iraklis Thessalonikis GRE005 THESSALONIKI 1 057 825 AO Makedonikos Neapolis GRE005 THESSALONIKI 1 057 825 GRE007 IRAKLION GRE007 IRAKLION GRE008 ATHINAI 3 761 810 Olympiakos SFP Pireas GRE008 ATHINAI 3 761 810 Panathinaikos AO Athnias GRE008 ATHINAI 3 761 810 AE Konstantinoupolis Athinas GRE008 ATHINAI 3 761 810 Neos Panionios Athinai GRE008 ATHINAI 3 761 810 AO Ionikos Nikaias Pireas GRE008 ATHINAI 3 761 810 AO Aigaleo Athinas GRE008 ATHINAI 3 761 810 AO Atromitos Peristeri Athinas GRE008 ATHINAI 3 761 810 AS Athinaikos Vyronas Athina 154 801 154 801 AS Aris Thessalonikis Apollon Kalamarias Thessalonikis OFI Iraklion Kritis Ergotelis GRE008 ATHINAI 3 761 810 AO Apollonas Athinas GRE008 ATHINAI 3 761 810 Kallithea GRE008 ATHINAI 3 761 810 AO Ethnikos Asteras Kaisariani GRE008 ATHINAI 3 761 810 Panelefsiniakos AO Elefsinas GRE008 ATHINAI 3 761 810 OFP Ethnikos Pireas GRE008 ATHINAI 3 761 810 AO Proodeftiki Neolaia Pireas GRE008 ATHINAI 3 761 810 GRE010 LARISA 126 076 GRE012 PATRAI 197 663 GRE013 XANTHI 52 270 AO Skoda Xanthis GRE015 DRAMA 55 632 AS Doxa Dramas GRE016 IOANNINA 70 203 PAS Jiannina GRE018 SERRAI 56 145 AO Panseraikos Serres GRE019 KAVALLA 63 293 AO Kavalas GRE022 KASTORIA 20 660 AGS Kastorias GRE023 PIRGOS 34 902 AO Paniliakos Pyrgos GRE024 RODHOS 53 709 GAS Diagoras Rodos GRE025 LEVADHIA 21 492 AE Levadeiakos Livadeias APO Akratitos ALios Athina AE Larisas Panachaiki GE Patras GRE026 VEROIA 47 411 AS Verias GRE027 KATERINI 56 434 AO Pierikos Katerinis GRE029 EDHESSA 25 619 AO Edessaikos Edessa GRE030 KORINTHOS 36 555 APS Korinthos GRE035 VOLOS 82 439 Olympiakos Volos GRE036 AGRINION 54 253 GSF Panaitolikos Agriniou GRE041 TRIKKALA 51 862 AO Trikala GRE042 CORFU 39 487 AO Kerkyra GRE043 NAOUSA 22 288 FAS Naousa ITA001 TORINO 1 545 202 Juventus FC ITA001 TORINO 1 545 202 Torino Calcio ITA003 MILANO 2 890 384 Milan AC ITA003 MILANO 2 890 384 Internazionale FC ITA004 ROMA 3 314 237 AS Roma ITA004 ROMA 3 314 237 S.S. Lazio ITA005 FIRENZE 876 697 Fiorentina ITA007 BOLOGNA 682 724 Bologna FC ITA008 NAPOLI 2 381 483 ITA011 PARMA 257 525 Parma AC ITA012 GENOVA 795 689 Sampdoria UC ITA012 GENOVA 795 689 FC Genoa 1893 ITA013 CAGLIARI 460 774 Cagliari Calcio SSC Napoli 319/368 Annexes ITA014 UDINE 357 228 Udinese Calcio ITA015 BERGAMO 456 333 Atalanta Bergamo ITA016 VICENZA 233 566 Vicenza Calcio ITA019 PADOVA 505 963 Padova ITA020 PERUGIA 190 185 AC Perugia ITA022 LIVORNO 186 769 Livorno Calcio ITA023 MODENA 243 348 Modena FC ITA024 ASCOLI PICENO 106 934 Ascoli Calcio ITA025 VERONA 469 996 Hellas Verona ITA025 VERONA 469 996 AC Chievo ITA026 CATANZARO 143 505 Catanzaro ITA028 VENEZIA 611 236 AC Venezia ITA029 BARI ITA030 BRESCIA ITA031 COMO 400 262 Como Calcio ITA032 CESENA 155 230 AC Cesena ITA033 AVELLINO 158 688 Avellino ITA034 CATANIA 608 249 Calcio Catania ITA038 PALERMO 818 356 US Città di Palermo ITA040 FOGGIA 175 816 Foggia ITA044 LECCE 398 937 US Lecce ITA046 ANCONA 164 226 Ancona Calcio ITA048 CREMONA 137 255 Cremonese 1 123 419 381 454 90 855 AS Bari Brescia Calcio ITA049 EMPOLI ITA052 MESSINA 236 183 Empoli FC ITA053 PESCARA 246 155 Pescara Calcio ITA054 PIACENZA 167 085 Piacenza FC ITA055 PISA 179 331 Pisa ITA056 PISTOIA 120 009 AC Pistoiese ITA057 REGGIO NELL'EMILIA 254 087 Reggiana Messina PFC ITA058 REGGIO DI CALABRIA 221 751 Reggina Calcio ITA059 SALERNO 294 318 Salernitana Sport ITA061 SIENA 100 620 A.C.Siena NOR003 STAVANGER 258 656 Viking FK Stavanger NOR004 MOLDE 53 382 Molde FK NOR005 BERGEN 334 902 NOR005 BERGEN 334 902 SK Brann Bergen Fyllingen Bergen Fotball NOR007 KRISTIANSAND 116 493 IK Start Kristiansand NOR008 TROMSO 62 551 Tromsø IL NOR009 MOSS 50 996 Moss FK NOR010 KONGSVINGER 49 909 Kongsvinger IL NOR011 BODO 44 892 FK Bodø-Glimt NOR012 BRYNE 14 807 Bryne Fotballklubb 83 912 Hamarkameratene Fotball NOR013 HAMAR NOR015 OSLO 1 036 900 Vålerenga Fotbal Vålerengen NOR015 OSLO 1 036 900 Lillestrøm SK NOR015 OSLO 1 036 900 Stabæk IF NOR015 OSLO 1 036 900 FK Lyn Oslo NOR015 OSLO 1 036 900 NOR016 SOGNDAL NOR017 MJØNDALEN NOR018 SKIEN 120 900 Odd Grenland NOR019 DRAMMEN 142 646 Strømsgodset IF NOR020 FREDRIKSTAD 126 798 Fredrikstad FK 320/368 Skeid FK Oslo 6 700 Sogndal IL 12 030 Mjøndalen Annexes NOR023 TONSBERG 105 877 Eik-Tønsberg NOR024 TRONDHEIM 223 889 Rosenborg BK Trondheim NOR024 TRONDHEIM 223 889 Strindheim Idrettslag NOR026 ALESUND 75 534 NOR027 ULSTEIN 22 775 Idrottslaget Hødd Ulsteinvik NOR028 HAUGESUND 94 216 SK Haugur NOR028 HAUGESUND 94 216 FK Haugesund NOR028 HAUGESUND 94 216 Vard Haugesund NOR028 HAUGESUND 94 216 Djerv 1919 NOR030 NARVIK 24 119 FK Mjølner NOR031 STEINKJER 34 177 Steinkjer Fotballklubb POL002 LODZ 1 170 142 Widzew Łódź POL002 LODZ 1 170 142 LKS Łódź POL008 KATOWICE 2 592 513 Górnik Zabrze POL008 KATOWICE 2 592 513 Ruch Chorzów POL008 KATOWICE 2 592 513 Szombierki Bytom POL008 KATOWICE 2 592 513 GKS Katowice Aalesunds FK POL008 KATOWICE 2 592 513 Sokol Tychy POL008 KATOWICE 2 592 513 Ruch Radzionków POL008 KATOWICE 2 592 513 Garbarnia Szczakowianka POL008 KATOWICE 2 592 513 Zagłębie Sosnowiec POL008 KATOWICE 2 592 513 Polonia Bytom POL009 WROCLAW 728 957 Śląsk Wrocław POL010 SZCZECIN 474 035 Pogoń Szczecin POL012 MIELEC 63 000 POL017 RYBNIK 545 423 Odra Wodzislaw POL017 RYBNIK 545 423 GKS Jastrzębie Stal Mielec POL017 RYBNIK 545 423 ROW Rybnik POL018 LUBLIN 566 007 Górnik Łęczna POL018 LUBLIN 566 007 Motor Lublin POL019 OLSZTYN 286 909 Stomil Olsztyn POL020 POZNAN 828 180 Lech Poznań POL020 POZNAN 828 180 Amica Wronki POL020 POZNAN 828 180 Groclin-Dyskobolia Grodzisk POL020 POZNAN 828 180 Olimpia Poznań POL020 POZNAN 828 180 Warta Poznań POL022 KRAKOW 1 076 143 Wisła Kraków POL022 KRAKOW 1 076 143 Hutnik Krakow POL022 KRAKOW 1 076 143 Cracovia Kraków POL023 BYDGOSZCZ 471 518 Zawisza Bydgoszcz POL024 PLOCK 238 283 Wisla Plock POL027 WALBRZYCH 135 454 Górnik Wałbrzych POL028 OPOLE POL029 GDANSK 1 001 884 Arka Gdynia POL029 GDANSK 1 001 884 Bałtyk Gdynia POL029 GDANSK 1 001 884 Lechia Gdańsk POL031 STALOWA WOLA 68 472 POL032 CZESTOCHOWA 256 364 Rakow Czestochowa POL034 BIALYSTOK 426 979 Jagiellonia Białystok POL037 BELCHATOW POL038 WARSZAWA 2 394 337 Legia Warszawa POL038 WARSZAWA 2 394 337 Polonia Warszawa POL038 WARSZAWA 2 394 337 Gwardia Warszawa POL038 WARSZAWA 2 394 337 Lukullus/Swit Nowy Dwór 268 462 62 425 Odra Opole Stal Stalowa Wola GKS Belchatow 321/368 Annexes POL040 KIELCE POL042 TARNOBRZEG 406 930 POL045 TARNOW 301 801 Igloopol Dębica POL046 RADOM 375 707 RKS-FAMEG Radomsko POL050 RZESZOW 330 156 Stal Rzeszów POL051 LEGNICA 109 908 Zaglebie Lubin POL051 LEGNICA POR004 LISBOA 51 300 109 908 2 590 792 KSZO Ostrowiec Siarka Tarnobrzeg Górnik Polkowice Sporting Lisbon CP POR004 LISBOA 2 590 792 Benfica Lisbon SL POR004 LISBOA 2 590 792 OS Belenenses (CF) POR004 LISBOA 2 590 792 Estrela Amadora CF POR004 LISBOA 2 590 792 SCU Torreense POR004 LISBOA 2 590 792 FC Alverca POR004 LISBOA 2 590 792 Amora FC POR004 LISBOA 2 590 792 GD Estoril-Praia POR004 LISBOA 2 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Timisoara ROU010 CONSTANTA 310 526 FC Farul Constanta ROU011 PLOIESTI 232 452 Astra Ploiesti ROU011 PLOIESTI 232 452 FC Petrolul Ploiesti ROU012 GALATI 298 584 Otelul Galati ROU012 GALATI 298 584 FCM Galati ROU014 BISTRITA 81 467 Gloria Bistrita ROU015 HUNEDOARA 71 380 Corvinul Hunedoara ROU016 CLUJ-NAPOCA 318 027 CFR Ecomax Cluj ROU016 CLUJ-NAPOCA 318 027 Universitatea Cluj-Napoca ROU017 PETROSENI ROU018 TIRGU MURES 149 577 45 447 ASA Târgu-Mures ROU019 PIATRA NEAMT 105 499 Ceahlaul Piatra Neamt ROU020 SLATINA ROU021 IASI 321 580 Politehnica Iasi ROU022 ORADEA 206 527 FC Bihor Oradea ROU022 ORADEA 206 527 FC Oradea ROU023 RIMNICU VILCEA 107 656 Chimia Rimnicu Vilcea ROU024 SIBIU 155 045 FC Inter Sibiu 79 171 Jiul Petrosani FC Olt Scornicesti ROU025 TIRGOVISTE 89 429 Flacara Moreni ROU025 TIRGOVISTE 89 429 Chindia Targoviste ROU026 ARAD 172 824 U.T. Arad ROU027 BAIA MARE 137 976 FC Baia Mare ROU029 SATU MARE 115 630 Olimpia Satu Mare ROU030 BUZAU 133 116 Gloria Buzau ROU031 CRAIOVA 302 622 Universitatea Craiova ROU031 CRAIOVA 302 622 Electroputere Craiova ROU031 CRAIOVA 302 622 Extensiv Craiova ROU033 BRAILA 216 929 Dacia Unirea Braila ROU035 RESITA ROU036 SUCEAVA 106 138 Foresta Falticeni ROU036 SUCEAVA 106 138 CSM Suceava ROU039 ALBA IULIA 66 369 Apulum Alba-Iulia ROU040 ONESTI 51 681 FC Onesti ROU046 MEDIAS 55 203 Gaz Metan Medias SCO003 ABERDEEN 211 910 Aberdeen FC SCO004 EDINBURGH 533 390 Heart of Midlothian FC SCO004 EDINBURGH 533 390 Hibernian FC 83 985 FCM Resita 323/368 Annexes SCO004 EDINBURGH SCO006 MOTHERWELL 533 390 SCO007 DUNDEE 145 460 Dundee United FC SCO007 DUNDEE 145 460 FC Dundee SCO009 KILMARNOCK SCO010 GLASGOW 30 311 80 900 1 323 100 Livingston FC Motherwell FC Kilmarnock FC Glasgow Rangers FC SCO010 GLASGOW 1 323 100 Celtic Glasgow FC SCO010 GLASGOW 1 323 100 Partick Thistle SCO010 GLASGOW 1 323 100 St. Mirren FC SCO010 GLASGOW 1 323 100 Airdrieonians FC SCO010 GLASGOW 1 323 100 Clydebank Glasgow FC SCO013 DUNFERMLINE 55 083 Dunfermline Athletic SCO014 PERTH 41 453 St. Johnstone FC SCO015 FALKIRK 145 270 Falkirk SCO017 KIRCALDY 148 500 Raith Rovers SCO020 GREENOCK SCO021 AYR 84 150 100 000 Greenock Morton FC Ayr United F.C. 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Malmö FF SUE014 COUNTY 47 206 IK Brage SUE015 TRELLEBORG 24 850 Trelleborg FF SUE016 LANDSKRONA 37 000 Landskrona BoIS SUE018 SUNDSVALL 111 114 IFK Sundsvall SUE018 SUNDSVALL 111 114 GIF Sundsvall SUE019 GOETEBORG 903 490 IFK Göteborg SUE019 GOETEBORG 903 490 Örgryte IS SUE019 GOETEBORG 903 490 Västra Frölunda SUE019 GOETEBORG 903 490 GAIS Göteborg SUE019 GOETEBORG 903 490 SUE021 ÅTVIDABERG 7 000 SUE023 KARLSKOGA SUE024 GAEVLE SUE025 MJÄLLBY SUE026 VAESTERAAS 173 280 Västerås SK SUE027 UMEAA 136 783 Umeå FC SUE028 UDDEVALLA 78 628 Panos Ljungskile SK SUE028 UDDEVALLA 78 628 IK Oddevold SUE030 LINKOEPING 241 265 BK Derby SUE031 UPPSALA 281 449 Enköpings SK FK SUE032 STOCKHOLM 1 890 253 SUE032 STOCKHOLM 1 890 253 AIK Solna SUE032 STOCKHOLM 1 890 253 Hammarby IF FF SUE032 STOCKHOLM 1 890 253 Assyriska FF 46 562 142 927 1 250 BK Häcken Åtvidabergs FF Degerfors IF Gefle IF Mjällby AIF Djurgårdens IF SUE033 HALMSTAD 107 947 Halmstads BK SUE033 HALMSTAD 107 947 IS Halmia SUI003 NEUCHATEL 324/368 70 709 Neuchâtel Xamax Annexes SUI005 ST. GALLEN 134 606 FC Saint-Gall SUI006 LAUSANNE 294 604 Lausanne-Sports SUI007 SION 47 864 SUI008 BERN 332 494 SUI011 AARAU SUI012 LUGANO SUI013 WETTINGEN 1 744 FC Wettingen SUI014 BELLINZONA 40 767 AC Bellinzone SUI015 GENEVE 424 028 SUI015 GENEVE 424 028 SUI016 VEVEY 70 797 Vevey-Sports SUI017 LA CHAUX-DE-FONDS 48 207 FC La Chaux-de-Fonds SUI018 CHIASSO-MENDRISIO 42 550 FC Chiasso SUI019 THUN 84 436 FC Thoune SUI020 YVERDON SUI021 BASEL 406 391 FC Bâle SUI021 BASEL 406 391 FC Nordstern Bâle SUI022 WINTERTHUR 114 669 FC Winterthur SUI023 WIL 73 731 104 547 27 437 FC Sion BSC Young Boys FC Aarau FC Lugano Servette FC CS Chênois Yverdon-Sport FC 24 482 FC Wil 16 120 FC Bulle SUI024 BULLE SUI025 LUZERN 177 734 SUI025 LUZERN 177 734 SUI026 DELÉMONT 11 392 SUI027 CAROUGE 424 028 SUI028 SCHAFFHAUSEN SUI029 LOCARNO 44 900 FC Locarno SUI030 GRENCHEN 24 934 FC Granges SUI031 BIEL (BE) 87 683 FC Bienne SUI032 ZUG 71 173 SC Zoug SUI033 BADEN 80 617 FC Baden 59 819 FC Lucerne SC Kriens SR Delémont Étoile Carouge FC FC Schaffhouse SUI034 ZUERICH 940 180 Grasshopper-Club Zurich SUI034 ZUERICH 940 180 FC Zurich SUI034 ZUERICH 940 180 Young Fellows Zurich TCH003 OSTRAVA 1 157 918 Banik Ostrava TCH003 OSTRAVA 1 157 918 FC Vitkovice TCH004 PRÍBRAM TCH006 OLOMOUC 224 106 35 963 Sigma Olomouc TCH007 BRNO 531 122 1 FC Brno TCH008 BRATISLAVA 599 015 Slovan Bratislava TCH008 BRATISLAVA 599 015 Inter Bratislava TCH008 BRATISLAVA 599 015 TCH010 CHEB 33 256 FK Marila Príbram - Dukla Praha ZTS Petrzalka Union Cheb TCH011 TRNAVA 127 125 Spartak Trnava TCH012 TEPLICE 126 274 FK Teplice TCH014 BANSKA BYSTRICA 249 030 Dukla Banska Bystrica TCH015 PLZEN 305 518 Viktoria Plzen TCH017 HRADEC KRALOVE 159 357 SK Hradec Kralove TCH018 LIBEREC 157 853 Slovan Liberec TCH018 LIBEREC 157 853 FK Jablonec '97 TCH019 CESKE BUDEJOVICE TCH020 PRAHA 178 088 1 335 733 Dynamo Ceske Budejovice Sparta Praha TCH020 PRAHA 1 335 733 Slavia Praha TCH020 PRAHA 1 335 733 Bohemians Praha TCH020 PRAHA 1 335 733 Viktoria Zizkov 325/368 Annexes TCH021 KOSICE 343 092 Lokomotiva Kosice TCH021 KOSICE 343 092 ZTS Kosice TCH022 PRESOV 161 782 Tatran Presov TCH023 NITRA 218 906 TCH024 DUNAJSKÁ STREDA TCH025 ZILINA TCH026 DRONOVICE TCH027 OPAVA TCH028 BLŠANY TCH029 ZLIN TCH030 UHERSKÉ HRADIŠTĚ 23 518 156 361 2 200 180 916 930 194 462 FC Nitra DAC Dunajska Streda ZVL Zilina Petra Drnovice Slezsky FC Opava Chmel Blsany Tescoma Zlin 26 421 1 FC Slovacko - Synot 26 421 Sl Sl Uherske Hradiste TCH030 UHERSKÉ HRADIŠTĚ TCH031 TRENCIN 202 942 TCH035 KARVINA 64 653 FC Karvina 43 841 FK Mlada Boleslav TCH037 MLADA BOLESLAV TCH038 FRYDEK-MISTEK TCH039 TŘINEC TCH041 POVAZSKA BYSTRICA TCH042 PARDUBICE TCH043 HORNÍ BENEŠOV 326/368 226 497 38 500 Jednota Trencin VP Frydek-Mistek TZ Trinec 77 953 ZVL Povazska Bystrica 160 618 AFK Lazne Bohdanec 2 460 Svarc Benesov Annexes Annexe 13 - Cartes des identifiants et tableaux de correspondance clubs/villes (niveau continental) 327/368 Annexes 328/368 Annexes 329/368 Annexes 330/368 Annexes CODE VILLE NOM VILLE TAILLE NOM CLUB ALB001 TIRANA 159 163 Dinamo Tirana ALB001 TIRANA 159 163 Partizani Tirana ALB001 TIRANA 159 163 SK Tirana ALB001 TIRANA 159 163 17 Nëntori Tirana ALB003 VLORE 91 711 KS Flamurtari Vlorë ALB004 SHKODER 81 800 Vllaznia Shkodër ALB007 PATOS 32 078 Albpetrol Patosi ALB008 DURES 115 000 Teuta Durrës ALB009 FIER 55 000 Apolonia Fier ALB010 BALLSH ALB011 ELBESAN 80 700 Labinoti Elbasan ALB012 BERAT 45 500 Tomori Berat 9 100 476 306 Bylis Ballshi ALL002 MONCHEN-GLADBACH ALL003 KOELN 1 823 475 1.FC Köln ALL004 HAMBURG 2 515 468 Hamburger SV ALL005 DORTMUND 589 240 Borussia Dortmund ALL006 BREMEN 849 800 Werder Bremen ALL007 STUTTGART ALL008 KAISERSLAUTERN 2 593 087 130 051 Borussia Mönchengladbach VfB Stuttgart 1.FC Kaiserslautern ALL010 FRANKFURT AM MAIN 1 896 741 Bayer Leverkusen ALL010 FRANKFURT AM MAIN 1 896 741 Eintracht Frankfurt ALL013 MUENCHEN 1 893 715 Bayern München ALL013 MUENCHEN 1 893 715 TSV 1860 München ALL014 BRAUNSCHWEIG ALL015 NURNBERG 346 815 ALL016 DUISBURG ALL017 DUESSELDORF ALL018 KARLSRUHE 590 718 Karlsruher SC ALL019 KREFELD 239 559 KFC Uerdingen ALL020 BOCHUM 390 087 VfL Bochum ALL021 FREIBURG IM BREISGAU 373 124 SC Freiburg ALL022 WOLFSBURG 127 609 VfL Wolfsburg ALL024 ROSTOCK 211 964 Hansa Rostock ALL025 HANNOVER 996 586 Hannover 96 ALL030 ESSEN 591 889 Schalke 04 ALL030 ESSEN 591 889 Rot-Weiss Erfurt ALL032 DRESDEN 681 953 Dynamo Dresden ALL051 AACHEN 584 342 Alemannia Aachen 1 018 211 512 030 1 315 736 Eintracht Braunschweig 1.FC Nürnberg MSV Duisburg Fortuna Düsseldorf AND001 ANDORRE LA VIEILLE 22 884 CE Principat AND001 ANDORRE LA VIEILLE 22 884 Santa Coloma AND001 ANDORRE LA VIEILLE 22 884 Constelacio Sportiva AND003 ENCAMP 12 924 FC Encamp ANG004 LIVERPOOL 481 786 Liverpool ANG004 LIVERPOOL 481 786 Everton ANG005 BIRMINGHAM 965 928 Aston Villa ANG005 BIRMINGHAM 965 928 West Bromwich Albion ANG007 TYNESIDE 885 981 Newcastle United ANG008 WOLVERHAMPTON 432 682 Wolverhampton Wanderers ANG011 LEEDS 424 194 Leeds United ANG012 DERBY 223 836 Derby County ANG013 GREATER MANCHESTER 2 277 330 ANG013 GREATER MANCHESTER 2 277 330 ANG014 BLACKBURN/DARWEN 105 994 Manchester United Manchester City Blackburn Rovers 331/368 Annexes 332/368 ANG020 NOTTINGHAM 270 222 ANG022 SHEFFIELD 552 987 Nottingham Forest Sheffield Wednesday ANG023 IPSWICH 130 157 Ipswich Town ANG025 MIDDLESBROUGH 231 006 Middlesbrough ANG027 LEICESTER 318 518 Leicester City ANG030 SOUTHAMPTON/EASTLEIG 210 138 Southampton FC ANG038 NORWICH 171 304 Norwich City ANG043 LONDON 7 651 634 Arsenal ANG043 LONDON 7 651 634 Chelsea ANG043 LONDON 7 651 634 Tottenham Hotspur ANG043 LONDON 7 651 634 West Ham United ANG043 LONDON 7 651 634 Queens Park Rangers ANG043 LONDON 7 651 634 Watford FC ANG043 LONDON 7 651 634 Millwall FC ANG043 LONDON 7 651 634 Fulham FC ARM003 GYUMRI 150 917 ARM005 ABOVYAN 60 000 Kotaik Abovyan ARM008 YEREVAN 1 100 000 Ararat Yerevan ARM008 YEREVAN 1 100 000 Pyunik Yerevan Shirak Gyumri ARM008 YEREVAN 1 100 000 Araks Ararat ARM008 YEREVAN 1 100 000 FK Yerevan ARM008 YEREVAN 1 100 000 Mika Ashtarak ARM008 YEREVAN 1 100 000 Banants Yerevan ARM008 YEREVAN 1 100 000 Spartak Yerevan ARM008 YEREVAN 1 100 000 Zvartnots Yerevan AUT003 INNSBRUCK 113 392 FC Tirol Innsbruck AUT005 GRAZ 226 244 Sturm Graz AUT005 GRAZ 226 244 Grazer AK AUT006 SALZBURG 142 662 Austria Salzburg AUT007 MOEDLING 20 405 Admira Wacker AUT009 LINZ 183 504 LASK Linz AUT009 LINZ 183 504 FC Stahl Linz AUT009 LINZ AUT010 WIEN 183 504 1 550 123 SV Pasching Rapid Wien AUT010 WIEN 1 550 123 Austria Wien AUT010 WIEN 1 550 123 First Vienna FC AUT010 WIEN 1 550 123 Wiener Sportklub AUT010 WIEN 1 550 123 SV Stockerau AUT012 RIED IM INNKREIS 11 434 SV Ried AUT022 KLAGENFURT 90 141 FC Kärnten AUT023 KREMS AN DER DONAU 23 713 AZE001 BAKU 2 074 300 Neftchi Baku AZE001 BAKU 2 074 300 Dinamo Baku AZE001 BAKU 2 074 300 Shafa Baku AZE001 BAKU 2 074 300 AZE002 SHAKMIR 176 000 SC Krems Khazri Buzovna FK Shamkir AZE003 GANDJA 500 000 Kapaz Ganja AZE004 AGDAM 163 400 Garabag Agdam AZE008 TAUZ BEL001 BRUXELLES/BRUSSEL 964 405 Anderlecht BEL001 BRUXELLES/BRUSSEL 964 405 RWD Molenbeek BEL002 BRUGGE 271 437 Club Brugge BEL002 BRUGGE 271 437 Cercle Brugge BEL003 LIEGE 584 398 Standard Liège 1 093 000 Turan Tauz Annexes BEL003 LIEGE 584 398 BEL003 LIEGE 584 398 Seraing BEL008 ANTWERPEN 931 567 Royal Antwerp BEL008 ANTWERPEN 931 567 Lierse SK BEL008 ANTWERPEN 931 567 Germinal Ekeren BEL008 ANTWERPEN 931 567 Beerschot VAV BEL008 ANTWERPEN 931 567 KVC Westerlo BEL012 GENT 496 608 BEL015 BEVEREN 45 705 FC Liège AA Gent SK Beveren BEL016 SINT NIKLAAS 224 356 KSC Lokeren BEL017 MECHELEN 306 413 KV Mechelen BEL020 WAREGEM 35 852 BEL021 CHARLEROI 420 214 BEL025 MOUSCRON 70 016 Waregem Charleroi Excelsior Mouscron BEL031 AALST 262 337 BEL044 LA LOUVIERE 174 124 Eendracht Aalst La Louvière BEL063 HASSELT 384 503 Racing Genk BEL063 HASSELT 384 503 THOR Waterschei BEL063 HASSELT 384 503 SV Winterslag BRS001 MINSK 1 780 000 Dinamo Minsk BRS001 MINSK 1 780 000 Dinamo-93 Minsk BRS002 MOZYR BRS003 BORISSOV 150 000 Slavia Mozyr 59 000 BATE Borisov BRS005 GOMEL 481 000 FC Gomel BRS006 HRODNA 317 000 Neman Grodno BRS008 BOBRUISK 227 000 Belshina Bobruisk BRS008 BOBRUISK 227 000 Fandok Bobruisk BRS009 VITEBSK 360 000 Lokomotiv-96 Vitebsk BRS010 SALIGORSK 100 000 Shakhtior Saligorsk BRS011 MOGUILEV 364 000 Dnepr-Transmash Mogilyov BUL005 LOVECH BUL006 SOFIA 1 173 811 Levski Sofia BUL006 SOFIA 1 173 811 CSKA Sofia BUL006 SOFIA 1 173 811 Lokomotiv Sofia BUL006 SOFIA 1 173 811 Slavia Sofia BUL006 SOFIA 1 173 811 BUL008 STARA ZAGORA BUL009 DIMITROVGRAD BUL013 PLOVDIV 62 165 FC Lovech Akademik Sofia 167 661 FC Beroe Stara Zagora 64 852 Marek Stanke Dimitrov 721 905 Botev Plovdiv BUL013 PLOVDIV 721 905 Lokomotiv Plovdiv BUL014 VARNA 320 464 Spartak Varna BUL015 BURGAS 209 417 Neftochimik Burgas BUL015 BURGAS 209 417 Chernomorets Burgas BUL016 SLIVEN 136 148 FC Sliven BUL017 BLAGOEVGRAD 78 133 178 379 Pirin Blagoevgrad BUL018 RUSE BUL019 VELIKO TARNOVO BUL020 SHUMEN 104 456 FC Shumen BZH002 SARAJEVO 429 672 FK Sarajevo BZH002 SARAJEVO 429 672 Zeljeznicar Sarajevo BZH003 SIROKI BRIJEG 26 000 Siroki Brijeg BZH004 MODRICA 35 413 FK Modrica 90 432 Dunav Ruse Etar Veliko Tarnovo BZH005 CITLUK 15 000 Brotnjo Citluk BZH006 TREBINJE 30 879 Leotar Trebinje 333/368 Annexes 334/368 BZH007 BANOVICI CRO001 SPLIT 188 694 28 918 Hajduk Split CRO002 ZAGREB 780 000 Dinamo Zagreb CRO002 ZAGREB 780 000 NK Zagreb CRO002 ZAGREB 780 000 HASK Gradjanski CRO003 VARAZDIN 53 000 Varteks Varazdin CRO004 RIJEKA 154 000 NK Rijeka CRO005 OSIJEK 110 000 NK Osijek 66 517 Buducnost Banovici CRO007 VELIKA GORICA CYP002 NICOSIA 250 633 Omonia Nicosia CYP002 NICOSIA 250 633 APOEL Nicosia CYP002 NICOSIA 250 633 CYP003 FAMAGUSTA 41 200 Anorthosis Famagusta CYP003 FAMAGUSTA 41 200 Enosis Paralimni CYP003 FAMAGUSTA 41 200 Salamis Famagusta CYP004 LIMASSOL 71 740 Apollon Limassol CYP004 LIMASSOL 71 740 CYP010 LARNACA 160 733 Kamen Ingrad Olympiakos Nicosia AEL Limassol Pezoporikos Larnaca CYP010 LARNACA 160 733 AEK Larnaca CYP010 LARNACA 160 733 Alki Larnaca DAN002 ODENSE 367 130 OB Odense DAN003 AARHUS 429 811 AGF Aarhus DAN005 VEJLE 162 218 Vejle BK DAN006 AALBORG 269 774 AaB Aalborg DAN007 NAESTVED 103 057 Næstved IF DAN008 SILKEBORG DAN010 ESBJERG DAN012 IKAST 81 199 157 258 23 283 40 053 Silkeborg IF Esbjerg fB Ikast FS DAN013 HERFØLGE DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Brøndby IF Herfølge BK DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 FC København DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Lyngby BK DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 B1903 København DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 KB København DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Frem Kobenhavn DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 Hvidovre IF DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 AB København DAN014 KOEBENHAVN 1 881 187 B93 København DAN016 VIBORG DAN017 KOGE DAN023 HERNING DAN024 NYKOEBING F 54 204 DAN026 FARUM 18 662 DAN029 HOLBAEK DUT001 AMSTERDAM DUT002 EINDHOVEN DUT003 ROTTERDAM 1 173 533 DUT003 ROTTERDAM 1 173 533 DUT004 ENSCHEDE 93 447 40 053 118 663 129 221 1 378 873 383 090 304 913 DUT006 KERKRADE DUT007 UTRECHT 535 814 49 316 DUT008 ARNHEM 321 694 DUT009 ALKMAAR 92 965 DUT010 DEN HAAG 859 878 Viborg FF Køge BK FC Midtjylland B1901 Nykøbing FC Nordsjælland Holbæk B&IF Ajax PSV Eindhoven Feyenoord Sparta Rotterdam FC Twente Enschede Roda JC Kerkrade FC Utrecht Vitesse Arnhem AZ Alkmaar FC Den Haag Annexes DUT011 GRONINGEN 332 562 FC Groningen DUT012 GELEEN 168 682 Fortuna Sittard DUT013 BREDA 296 727 NAC Breda DUT014 TILBURG 317 651 Willem II Tilburg DUT017 LEEUWARDEN 154 514 Heerenveen DUT020 HAARLEM 389 929 FC Haarlem DUT021 NIJMEGEN 268 237 ESP002 BARCELONA 3 765 994 NEC Nijmegen FC Barcelona ESP002 BARCELONA 3 765 994 Espanyol ESP003 MADRID 5 086 635 Real Madrid ESP003 MADRID 5 086 635 Atletico Madrid ESP003 MADRID 5 086 635 Castilla ESP003 MADRID 5 086 635 Rayo Vallecano ESP004 BILBAO ESP005 VALENCIA ESP007 SAN SEBASTIAN ESP009 ZARAGOZA ESP010 SEVILLA 1 180 197 Real Betis ESP010 SEVILLA 1 180 197 Sevilla ESP011 LA CORUNA 375 697 Deportivo La Coruña ESP012 OVIEDO 425 829 Real Oviedo ESP013 VIGO 412 939 Celta de Vigo ESP014 GIJON 279 837 Sporting Gijón ESP016 LAS PALMAS 587 641 UD Las Palmas ESP017 VALLADOLID 368 890 Real Valladolid ESP018 PAMPLONA 285 671 CA Osasuna ESP019 PALMA DE MALLORCA 432 113 Real Mallorca ESP026 SANTA CRUZ DE TENERIF 399 104 Tenerife ESP027 MALAGA 775 458 Málaga CF ESP029 VITORIA-GASTEIZ 226 498 CD Alavés ESP038 CASTELLON DE LA PLAN 258 532 Villarreal EST001 TALLINN 336 947 Flora Tallinn EST001 TALLINN 336 947 Lantana Tallinn EST001 TALLINN 336 947 Levadia Tallinn EST001 TALLINN 336 947 Norma Tallinn EST001 TALLINN 336 947 TVMK Tallin EST001 TALLINN 336 947 EST007 NARVA 67 355 Trans Narva EST008 VILJANDI 33 400 Tulevik Viljandi 947 334 1 397 809 Athletic Bilbao Valencia 392 569 Real Sociedad 638 535 Real Zaragoza 4 645 Sadam Tallinn FER002 KLAKSVIK FER003 TORSHAVN 18 000 FER003 TORSHAVN 18 000 FER004 GOTA FER005 VAGUR FER006 TOFTIR 816 B68 Toftir FER007 SANDUR 599 B71 Sandur FER008 RUNAVIK 476 NSI Runavik FIN001 HELSINKI 1 284 775 HJK Helsinki FIN001 HELSINKI 1 284 775 Jokerit Helsinki FIN001 HELSINKI 1 284 775 FinnPa Helsinki FIN001 HELSINKI 1 284 775 FIN002 VALKEAKOSKI FIN004 TURKU FIN005 ROVANIEMI 548 1 452 20 380 321 495 57 253 KI Klaksvik HB Torshavn B36 Torshavn GI Gotu VB Vágur Allianssi Vantaa Haka Valkeakoski TPS Turku RoPS Rovaniemi 335/368 Annexes 336/368 FIN006 ANJALANKOSKI FIN008 PORI 16 822 FIN009 TAMPERE FIN009 TAMPERE FIN011 VAASA 100 932 FIN012 KOTKA 81 946 KTP Kotka FIN013 OULU 200 925 OPS Oulu FIN014 LAHTI 161 995 Kuusysi Lahti FIN014 LAHTI 161 995 Reipas Lahti 108 377 MyPa-47 Jazz Pori 89 850 Ilves Tampere 89 850 Tampere United VPS Vaasa FIN018 KUOPIO 115 903 KuPS Kuopio FIN018 KUOPIO 115 903 Koparit Kuopio FIN019 MIKKELI FRA001 MARSEILLE 54 560 1 516 340 MP Mikkeli Olympique Marseille FRA002 SAINT ETIENNE 321 703 AS Saint-Étienne FRA003 BORDEAUX 925 253 Girondins Bordeaux FRA005 NANTES 711 120 FC Nantes FRA007 MONTBELIARD 180 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Dinamo Batumi GEO007 POTI 47 149 Kolkheti-1913 Poti GEO008 ZESTAFONI 30 000 Margveti Zestafoni GEO009 SAMSTREDIA 28 751 Samtredia GEO010 BOLNISI 10 000 Sioni Bolnisi GRE002 ATHINAI 3 761 810 GRE002 ATHINAI 3 761 810 Panathinaikos GRE002 ATHINAI 3 761 810 AEK Athens GRE002 ATHINAI 3 761 810 Panionios 8 553 FC Gueugnon FC Lorient Dinamo Tbilisi Olympiakos Piraeus Annexes GRE002 ATHINAI 3 761 810 GRE002 ATHINAI 3 761 810 Ionikos Nikea GRE002 ATHINAI 3 761 810 Apollon Athens GRE002 ATHINAI 3 761 810 GRE004 THESSALONIKI 279 654 PAOK Thessaloniki GRE004 THESSALONIKI 279 654 Aris Thessaloniki GRE004 THESSALONIKI 279 654 Iraklis Thessaloniki GRE007 IRAKLION 154 801 OFI Heraklion GRE010 LARISA 126 076 AE Larissa GRE013 XANTHI 52 270 Xanthi FC GRE022 KASTORIA 20 660 Kastoria FC HUN003 BUDAPEST 1 775 203 Ferencváros HUN003 BUDAPEST 1 775 203 Újpest TE HUN003 BUDAPEST 1 775 203 Honvéd Budapest HUN003 BUDAPEST 1 775 203 MTK Budapest HUN003 BUDAPEST 1 775 203 Vasas Budapest HUN003 BUDAPEST 1 775 203 HUN005 SZÉKESFEHÉRVÁR 101 299 Videoton Féhervár HUN006 MISKOLC 282 832 Diósgyöri Miskolc HUN007 GYOR 175 139 ETO Györ HUN008 DEBRECEN 296 502 DVSC Debrecen HUN011 BEKESCSABA 169 204 HUN012 VAC 75 328 FC Vac HUN013 TATABANYA 63 745 Tatabánya 63 745 Athinaikos Egaleo Athens BVSC Budapest Bekescsabai Elore HUN013 TATABANYA HUN015 PECS 207 605 MSC Pécs HUN016 DUNAUJVAROS 112 113 Dunaferr Dunaujvaros HUN017 ZALAEGERSZEG 62 100 HUN019 SZOMBATHELY ICE001 AKRANES ICE003 REYKJAVIK 113 387 Fram Reykjavik ICE003 REYKJAVIK 113 387 Valur Reykjavik ICE003 REYKJAVIK 113 387 KR Reykjavik ICE003 REYKJAVIK 113 387 Vikingur Reykjavik ICE003 REYKJAVIK 113 387 ICE005 VESTMANNAEYJAR 4 500 ICE006 HAFNARFJÖRÐUR 23 674 ICE007 KEFLAVIK 10 907 IBK Keflavik ICE009 AKUREYRI 16 000 KA Akureyri ICE010 GRINDAVIK 2 420 ICE011 ÓLAFSFJÖRDUR IRE002 DUNDALK 501 100 5 582 946 33 300 Siófoki Bányász Zalaegerszeg TE Haladás Szombathely IA Akranes Fylkir Reykjavik IBV Vestmannaeyjar FH Hafnarfjardar Grindavik Leiftur Dundalk IRE003 DUBLIN 1 009 100 Bohemians Dublin IRE003 DUBLIN 1 009 100 Shelbourne IRE003 DUBLIN 1 009 100 Shamrock Rovers IRE003 DUBLIN 1 009 100 St. Patrick's Athletic IRE003 DUBLIN 1 009 100 Home Farm FC IRE003 DUBLIN 1 009 100 IRE005 ATHLONE 9 918 Uni College Dublin Athlone Town IRE006 CORK 191 500 Cork City IRE007 LONDONDERRY 106 600 Derry City IRE008 WATERFORD 47 300 Waterford IRE009 LIMERICK 84 000 Limerick IRE010 SLIGO 24 074 Sligo Rovers 337/368 Annexes 338/368 IRE012 BRAY 28 000 Bray Wanderers IRE015 LONGFORD TOWN 23 511 Longford Town IRE016 DROGHEDA 28 894 Drogheda United IRE017 BALLYBOFEY IRE018 GALWAY ISR001 HAIFA 267 800 Maccabi Haifa ISR001 HAIFA 267 800 Hapoel Haifa ISR002 TEL HAVIV 126 274 Maccabi Tel-Aviv ISR002 TEL HAVIV 126 274 Hapoel Tel-Aviv ISR004 JERUSALEM 724 000 Beitar Jerusalem ISR005 PETAH TIKVA 182 800 Hapoel Petah-Tikva ISR005 PETAH TIKVA 182 800 Maccabi Petah-Tikva ISR007 BEER-SHEVA 185 500 Hapoel Beer-Sheva ISR008 SAKHNIN ISR009 RISHON LEZION 221 500 Hapoel Ironi Rishon ISR011 RAMAT GAN 127 400 Hapoel Ramat-Gan 3 603 65 774 23 900 Finn Harps Galway United Bnei Sakhnin ITA001 TORINO 1 545 202 Juventus ITA001 TORINO 1 545 202 Torino ITA003 MILANO 2 890 384 AC Milan ITA003 MILANO 2 890 384 Internazionale ITA005 FIRENZE 876 697 Fiorentina ITA007 BOLOGNA 682 724 Bologna ITA008 NAPOLI 2 381 483 Napoli ITA009 ROMA 3 314 237 Lazio Roma ITA009 ROMA 3 314 237 ITA011 PARMA 257 525 AS Roma AC Parma ITA012 GENOVA 795 689 Sampdoria ITA012 GENOVA 795 689 Genoa ITA013 CAGLIARI 460 774 Cagliari ITA014 UDINE 357 228 Udinese ITA015 BERGAMO 456 333 Atalanta ITA016 VICENZA 233 566 Vicenza ITA017 VERONA 469 996 Hellas Verona ITA017 VERONA 469 996 Chievo Verona ITA020 PERUGIA 190 185 Perugia ITA032 CESENA 155 230 AC Cesena KAZ001 ASTANA 450 000 Zhenis Astana KAZ002 ATYRAU 200 000 FK Atyrau KAZ003 PAVLODAR 300 000 Irtysh Pavlodar KAZ004 ALMATY 1 266 500 Kairat Almaty LAT001 RIGA 1 195 310 Skonto Riga LAT001 RIGA 1 195 310 Universitate Riga LAT001 RIGA 1 195 310 FK Riga LAT001 RIGA 1 195 310 LAT002 VENTSPILS LAT005 DAUGAVPILS 137 225 Dinaburg Daugavpils LAT006 LIEPAJA 112 190 Metalurgs Liepaja LAT006 LIEPAJA 112 190 DAG Liepaja LIE001 VADUZ 5 019 LIE002 BALZERS 4 420 FC Balzers LIE003 SCHAAN 5 513 FC Schaan 52 684 Olimpija Riga FK Ventspils FC Vaduz LIT001 VILNIUS 553 201 Zalgiris Vilnius LIT002 KAUNAS 376 656 FBK Kaunas LIT002 KAUNAS 376 656 Inkaras Kaunas Annexes LIT003 PANEVEZYS 119 417 Ekranas Panevezys LIT004 SIAULIAI 133 528 Kareda Siauliai LIT005 MARIJAMPOLE 48 674 Suduva Marijampole LIT007 KLAIPEDA 192 498 Atlantas Klaipeda LIT008 MAZEIKIAI 45 300 ROMAR Mazeikiai LUX001 LUXEMBOURG 83 832 Avenir Beggen LUX001 LUXEMBOURG 83 832 Union Luxembourg LUX001 LUXEMBOURG 83 832 CA Spora Luxembourg LUX001 LUXEMBOURG 83 832 Aris Bonnevoie LUX001 LUXEMBOURG 83 832 Swift Hesperange LUX002 ESCH-SUR-ALZETTE 134 846 Jeunesse d'Esch LUX002 ESCH-SUR-ALZETTE 134 846 FC Mondercange LUX004 GREVENMACHER 4 300 CS Grevenmacher LUX007 DUDELANGE 18 500 F91 Dudelange LUX008 DIFFERDANGE 20 157 Red Boys Differdange LUX008 DIFFERDANGE 20 157 Progrès Niederkorn LUX010 ETTELBRÜCK 7 478 Etzella Ettelbrück LUX013 RUMELANGE 4 716 US Rumelange MAC002 KRATOVO 10 441 Sileks Kratovo MAC003 PRILEP 76 768 Pobeda Prilep MAC004 SKOPJE 500 000 Vardar Skopje MAC004 SKOPJE 500 000 Sloga Skopje MAC004 SKOPJE 500 000 Rabotnicki Skopje MAC004 SKOPJE 500 000 Cementarnica Skopje MAC006 BITOLA 86 900 Pelister Bitola MAC007 STRUMICA 54 676 Belasica Strumica MAL001 SILEMA 12 000 Sliema Wanderers MAL002 HAMRUN 11 000 Hamrun Spartans MAL003 PAOLA MAL005 VALLETTA 388 594 Valletta FC MAL005 VALLETTA 388 594 Floriana MAL006 BIRKIRKARA MAL007 MARSAXLOKK 8 856 25 000 Hibernians FC Birkirkara 3 205 Marsaxlokk MAL008 RABAT 11 462 Rabat Ajax MAL009 ZURRIEQ 9 816 Zurrieq FC MOL001 CHISINAU 752 000 MOL002 TIRASPOL 159 163 FC Tiraspol MOL002 TIRASPOL 159 163 Sheriff Tiraspol MOL002 TIRASPOL 159 163 Tiligul Tiraspol MOL003 OCNITA NIR002 BELFAST 56 600 675 000 Zimbru Chisinau Nistru Otachi Glentoran NIR002 BELFAST 675 000 Linfield Belfast NIR002 BELFAST 675 000 Crusaders Belfast NIR002 BELFAST 675 000 Cliftonville NIR003 LURGAN 79 700 Glenavon NIR004 COLERAINE 24 089 Coleraine NIR006 BALLYMENA 28 717 Ballymena United NIR007 CARRICKFERGUS 32 668 Carrick Rangers NIR008 PORTADOWN 24 000 Portadown NIR009 BANGOR 63 800 Bangor City NIR009 BANGOR 63 800 Bangor FC NOR001 TRONDHEIM 223 889 Rosenborg BK NOR003 STAVANGER 258 656 Viking Stavanger NOR004 MOLDE 53 382 Molde FK 339/368 Annexes 340/368 NOR005 BERGEN 334 902 NOR005 BERGEN 334 902 Fyllingen IL NOR007 KRISTIANSAND 116 493 Start Kristiansand NOR008 TROMSO 62 551 NOR009 MOSS 50 996 Moss FK NOR010 KONGSVINGER 49 909 Kongsvinger IL NOR011 BODO 44 892 Bodø/Glimt NOR012 BRYNE 14 807 Bryne FK NOR017 MJØNDALEN 12 030 Mjøndalen IF NOR018 SKIEN 120 900 Odd Grenland NOR019 DRAMMEN 142 646 Strømsgodset IF NOR020 FREDRIKSTAD 126 798 Fredrikstad FK NOR021 OSLO 1 036 900 Lillestrøm SK NOR021 OSLO 1 036 900 Vålerengen IF NOR021 OSLO 1 036 900 Stabæk IF NOR021 OSLO 1 036 900 Skeid Oslo NOR021 OSLO 1 036 900 Lyn Oslo NOR025 HAUGESUND POL001 WARSZAWA 2 394 337 Legia Warsaw POL001 WARSZAWA 2 394 337 Polonia Warsaw POL002 LODZ 1 170 142 Widzew Lódz POL002 LODZ 1 170 142 LKS Lodz POL004 POZNAN 828 180 Lech Poznan POL004 POZNAN 828 180 Amica Wronki POL004 POZNAN 828 180 Groclin Grodzisk POL005 KRAKOW 1 076 143 Wisla Kraków POL005 KRAKOW 1 076 143 Hutnik Krakow 94 216 SK Brann Bergen Tromsø IL Haugur Haugesund POL009 WROCLAW 728 957 Slask Wroclaw POL010 SZCZECIN 474 035 Pogon Szczecin POL012 MIELEC POL014 KATOWICE 2 592 513 63 000 GKS Katowice POL014 KATOWICE 2 592 513 Górnik Zabrze POL014 KATOWICE 2 592 513 Ruch Chorzow POL014 KATOWICE 2 592 513 Zaglebie Sosnowiec POL014 KATOWICE 2 592 513 Szombierki Bytom POL014 KATOWICE 2 592 513 GKS Tychy POL017 RYBNIK 545 423 POL024 PLOCK 238 283 Wisla Plock POL028 OPOLE 268 462 Odra Opole POL029 GDANSK 1 001 884 Lechia Gdansk POL029 GDANSK 1 001 884 Arka Gdynia POL050 RZESZOW 330 156 Stal Rzeszów POL053 LEGNICA 109 908 Zaglebie Lubin 109 908 Stal Mielec Odra Wodzislaw POL053 LEGNICA POR002 PORTO 1 231 438 FC Porto Miedz Legnica POR002 PORTO 1 231 438 Boavista POR002 PORTO 1 231 438 SC Salgueiros POR002 PORTO 1 231 438 Leixões SC POR004 LISBOA 2 590 792 Sporting CP Lisbon POR004 LISBOA 2 590 792 Benfica POR004 LISBOA 2 590 792 CF Os Belenenses POR004 LISBOA 2 590 792 Estrela Amadora POR005 GUIMARAES 126 745 Vitória Guimarães POR007 SETUBAL 118 696 Vitória Setúbal Annexes POR009 BRAGA 152 693 Sporting Braga POR013 FUNCHAL 102 521 Maritimo Funchal POR013 FUNCHAL 102 521 Nacional Funchal POR019 CHAVES 22 369 GD Chaves POR021 FARO 46 643 Farense POR024 PORTIMAO 41 220 Portimonense SC POR028 LEIRIA 82 762 Beira Mar POR028 LEIRIA 82 762 União de Leiria RDA002 LEIPZIG 568 200 Lokomotive Leipzig RDA003 BERLIN 4 101 213 BFC Dynamo Berlin RDA003 BERLIN 4 101 213 Hertha BSC RDA003 BERLIN 4 101 213 RDA004 MAGDEBURG 256 041 1.FC Magdeburg RDA005 JENA 102 909 Carl Zeiss Jena RDA006 ZWICKAU 230 376 Sachsenring Zwickau RDA007 FRANKFURT AN DER ODE 70 308 FC Vorwärts Frankfurt RDA010 BRANDENBURG 81 444 Stahl Brandenburg 96 109 Union Berlin RDA011 AUE RDA012 HALLE 313 609 FC Halle RDA014 SCHWERIN 109 454 PSV Schwerin RDA015 EISENHUTTENSTADT RDA016 CHEMNITZ 432 445 FC Chemnitz ROU003 CRAIOVA 302 622 Universitatea Craiova ROU003 CRAIOVA 302 622 Electroputere Craiova ROU004 PITESTI 168 756 Arges Pitesti ROU005 BACAU 175 921 FC Bacau ROU007 BUCURESTI 1 921 751 ROU007 BUCURESTI 1 921 751 Dinamo Bucuresti ROU007 BUCURESTI 1 921 751 Rapid Bucuresti ROU007 BUCURESTI 1 921 751 Sportul Studentesc ROU007 BUCURESTI 1 921 751 Victoria Bucuresti ROU007 BUCURESTI 1 921 751 National Bucuresti ROU008 BRASOV 283 901 FC Brasov ROU009 TIMISOARA 585 756 Politehnica Timisoara 15 890 Wismut Aue Eisenhuttenstadt Steaua Bucuresti ROU011 PLOIESTI 232 452 Petrolul Ploiesti ROU012 GALATI 298 584 Otelul Galati ROU012 GALATI 298 584 CSU Galati ROU014 BISTRITA 81 467 Gloria Bistrita ROU015 HUNEDOARA 71 380 Corvinul Hunedoara ROU018 TIRGU MURES 149 577 ASA Tirgu Mures ROU027 BAIA MARE 137 976 FC Baia Mare ROU032 TIRGOVISTE 89 429 Flacara Moreni RUS005 MOSCOU 10 415 000 CSKA Moscow RUS005 MOSCOU 10 415 000 Spartak Moscow RUS005 MOSCOU 10 415 000 Dinamo Moscow RUS005 MOSCOU 10 415 000 Torpedo Moscow RUS005 MOSCOU 10 415 000 Lokomotiv Moscow RUS006 SAINT-PÉTERSBOURG 4 039 751 Zenit St. Petersburg RUS007 VOLGOGRAD 1 012 800 Rotor Volgograd RUS008 VLADIKAVKAZ 312 000 Alania Vladikavkaz RUS009 GROZNY 223 000 Terek Grozny RUS010 KAMYSHIN 127 891 RUS011 KAZAN RUS012 MAKHACHKALA 1 106 923 462 412 Tekstilschik Kamyshin Rubin Kazan Anzhi Makhachkala 341/368 Annexes 342/368 RUS013 NOVOROSSIYSK SAN001 SERRAVALLE 232 079 9 394 Cosmos FK Tchernomorets Novorossiysk SAN001 SERRAVALLE 9 394 S.S. Folgore/Falciano SAN003 DOMAGNANO 2 865 SP Domagnano SAN004 CHIESANUOVA 1 029 SS Pennarossa SCO003 ABERDEEN 211 910 Aberdeen SCO004 EDINBURGH 533 390 Hearts FC SCO004 EDINBURGH 533 390 Hibernian SCO004 EDINBURGH 533 390 Livingston SCO006 MOTHERWELL SCO007 DUNDEE 145 460 Dundee United SCO007 DUNDEE 145 460 Dundee FC SCO009 KILMARNOCK 80 900 Kilmarnock SCO011 GLASGOW 1 323 100 SCO011 GLASGOW 1 323 100 Celtic SCO011 GLASGOW 1 323 100 St. Mirren SCO011 GLASGOW 1 323 100 Airdrieonians SCO013 DUNFERMLINE SCO014 PERTH SCO017 KIRCALDY SER001 BELGRADE 1 576 124 Red Star Belgrade SER001 BELGRADE 1 576 124 Partizan Belgrade SER001 BELGRADE 1 576 124 FK Obilic SER001 BELGRADE 1 576 124 FK Rad Belgrade SER001 BELGRADE 1 576 124 Zeleznik Belgrade SER003 NOVI SAD SER005 SMEDEREVO SER006 KRUSEVAC SER007 BANATSKI DVOR SER009 BECEJ 25 774 NK Becej SLK002 HUMENNE 36 000 Chemlon Humenne SLK004 SENEC 15 193 Koba Senec SLK005 PUCHOV 20 000 Matador Púchov SLK007 RUZOMBEROK SLN001 MARIBOR 218 810 NK Maribor SLN002 LJUBLJANA 522 079 Olimpija Ljubljana SLN003 AJDOVŠCINA SLN004 SLN005 SLN006 CELJE 30 311 55 083 Motherwell Glasgow Rangers Dunfermline Athletic 41 453 St. Johnstone 148 500 Raith Rovers 216 583 77 808 133 732 1 263 30 058 Vojvodina Novi Sad Sartid Smederevo Napredak Krusevac Buducnost Banatski Dvor SCP Ruzomberok 18 095 NK Primorje NOVA GORICA 61 227 Nova Gorica MURSKA SOBOTA 22 000 Mura Murska Sobota 169 327 Publikum Celje SLN007 VELENJE 33 331 Rudar Velenje SLN008 IZOLA 14 500 Belvedur Izola SUE001 GOETEBORG 903 490 IFK Göteborg SUE001 GOETEBORG 903 490 Örgryte Göteborg SUE001 GOETEBORG 903 490 GAIS Göteborg SUE002 MALMOE 667 281 Malmö FF SUE003 HALMSTAD 107 947 Halmstads BK SUE005 NORRKOEPING 165 949 IFK Norrköping SUE007 VAEXJOE 124 360 Östers IF SUE009 STOCKHOLM 1 890 253 AIK Stockholm SUE009 STOCKHOLM 1 890 253 Djurgårdens IF SUE009 STOCKHOLM 1 890 253 Hammarby IF SUE010 BORAAS 159 144 IF Elfsborg SUE011 OEREBRO 211 403 Örebro SK Annexes SUE012 HELSINGBORG 293 615 Helsingborg IF SUE013 KALMAR 111 291 Kalmar FF SUE014 BORLÄNGE SUE015 SUE016 SUE023 47 206 IK Brage TRELLEBORG 24 850 Trelleborgs FF LANDSKRONA 37 000 Landskrona BoIS KARLSKOGA 46 562 Degerfors IF SUI001 ZUERICH 940 180 Grasshopper-Club Zürich SUI001 ZUERICH 940 180 FC Zürich SUI002 GENEVE 424 028 Servette FC Genève SUI003 NEUCHATEL 70 709 SUI005 ST. GALLEN 134 606 FC Sankt Gallen SUI006 LAUSANNE 294 604 Lausanne Sports SUI007 SION SUI008 BERN 332 494 Young Boys SUI009 BASEL 406 391 FC Bâle SUI010 LUZERN 177 734 FC Luzern SUI011 AARAU 73 731 FC Aarau SUI012 LUGANO SUI013 WETTINGEN SUI023 WIL TCH002 PRAHA 47 864 104 547 1 744 24 482 1 335 733 Xamax Neuchâtel FC Sion FC Lugano FC Wettingen FC Wil Sparta Praha TCH002 PRAHA 1 335 733 Slavia Praha TCH002 PRAHA 1 335 733 Bohemians Praha TCH002 PRAHA 1 335 733 Viktoria Zizkov TCH003 OSTRAVA 1 157 918 Baník Ostrava TCH003 OSTRAVA 1 157 918 TCH004 PRÍBRAM 35 963 FC Vitkovice FK Marila Príbram - Dukla Praha TCH006 OLOMOUC 224 106 Sigma Olomouc TCH007 BRNO 531 122 FC Brno TCH009 BRATISLAVA 599 015 Slovan Bratislava TCH009 BRATISLAVA 599 015 Inter Bratislava TCH009 BRATISLAVA 599 015 FC Petrzalka TCH011 TRNAVA 127 125 TCH012 TEPLICE 1 057 825 Spartak Trnava FK Teplice TCH014 BANSKA BYSTRICA 249 030 Dukla Banska Bystrica TCH017 HRADEC KRALOVE 159 357 Hradec Kralove TCH018 LIBEREC 157 853 Slovan Liberec TCH018 LIBEREC 157 853 FK Jablonec TCH021 KOSICE 343 092 1.FC Kosice TCH021 KOSICE 343 092 Lokomotiva Kosice TCH022 PRESOV 161 782 Tatran Presov TCH023 NITRA 218 906 TCH024 DUNAJSKÁ STREDA 23 518 156 361 FC Nitra DAC Dunajska Streda TCH025 ZILINA TCH026 DRONOVICE TUR001 ISTANBUL 12 000 000 TUR001 ISTANBUL 12 000 000 Besiktas TUR001 ISTANBUL 12 000 000 Fenerbahçe TUR001 ISTANBUL 12 000 000 Kocaelispor TUR001 ISTANBUL 12 000 000 Istanbulspor TUR004 TRAZBON 1 085 901 Trabzonspor TUR005 BURSA 1 515 912 Bursapor TUR006 IZMIR 3 500 000 Altay Izmir TUR010 ANKARA 4 319 167 Gençlerbirligi 2 200 MSK Zilina Petra Drnovice Galatasaray 343/368 Annexes 344/368 TUR010 ANKARA TUR011 GAZIANTEP 4 319 167 TUR012 ADANA TUR015 DENIZLI 250 000 Denizlispor TUR017 ESKISEHIR 482 793 Eskisehirspor TUR019 ANTALYA 603 190 Antalyaspor AS TUR020 MALATYA 381 080 Malatyaspor TUR022 ADAPAZARI 283 752 Sakaryaspor TUR023 ORDU 858 500 Orduspor 860 000 1 130 710 501 398 Ankaragücü Gaziantepspor Adanaspor TUR034 MERSIN UKR001 DNEPROPETROVSK 1 049 000 Mersin Idmanyurdu UKR002 ODESSA 1 100 000 UKR004 LVIV 830 000 Karpaty Lviv UKR006 POLTAVA 313 400 Vorskla Poltava UKR007 SIMFEROPOL 363 600 Tavria Simferopol UKR008 MARIUPOL 481 626 Illichivets Mariupol UKR009 ZAPORIZHIA 790 000 Metalurg Zaporizhia UKR010 KRYVYI RIH 710 400 Kryvbas Kryviy Rih UKR012 VINNITSA 332 400 Niva Vynnitsa URS001 KIEV 2 642 486 URS001 KIEV 2 642 486 CSKA Kiev URS001 KIEV 2 642 486 Arsenal Kiev URS002 DONETSK 1 131 700 Shakhtar Donetsk URS002 DONETSK 1 131 700 Metalurg Donetsk URS006 ROSTOV ON DON 1 068 267 SKA Rostov-na-Donu URS007 KHARKIV 1 460 000 Metalist Kharkov Dnepr Dnepropetrovsk Chernomorets Odessa Dinamo Kiev WAL001 WREXHAM 109 300 Wrexham WAL002 CARDIFF 272 129 Cardiff City WAL002 CARDIFF 272 129 Inter Cardiff WAL003 BARRY 50 661 Barry Town WAL004 NEWPORT 115 522 WAL004 NEWPORT 115 522 Newport County WAL005 SWANSEA 171 038 Swansea City WAL008 MERTHYR TYDFIL WAL010 WELSHPOOL 55 000 6 269 Cwmbran Town Merthyr Tydfil FC Llansantffraid WAL011 PORT TALBOT 49 654 Afan Lido WAL012 NEWTOWN 10 358 Newtown WAL013 HAVERFORDWEST 10 808 Haverfordwest County WAL014 RHYL 24 889 Rhyl FC YOU001 NIS 250 518 Radnicki Nis YOU002 MOSTAR 125 448 Velez Mostar YOU003 BANJA LUKA 224 647 FK Borac Banja Luka YOU005 TUZLA 165 000 Sloboda Tuzla Annexes Annexe 14 - Modalité de calcul de l’indice Noll/Scully de l’équilibre compétitif Il s’agit de calculer un indice issu de la confrontation entre l’écart-type du pourcentage de victoires effectif de la ligue et un écart-type théorique. Ce dernier dépend du nombre de matchs joués dans la ligue et trouve la formulation mathématique suivante : σw = 0,5/√m avec w = pourcentage de victoires et m = nombre de matchs disputés. Il s’agit là d’une « formule magique », dans la mesure où elle est utilisée de tous sans toujours faire l’objet d’une explication détaillée. Le plus souvent, il s’agit d’un exposé rapide qui ne dissipe pas toujours l’incompréhension. Voici donc sur quels fondements mathématiques repose cette formule. Nous avons envisagé un championnat comme étant le spectacle de la transition de l’incertitude à la certitude. Au fur et à mesure que l’on se rapproche du terme de la compétition, l’univers des possibles se restreint jusqu’à lever toute l’incertitude sur le club vainqueur. La sanction est d’ordre mathématique : l’allocation de points en fonction d’un résultat dessine un classement. Tant que persiste une possibilité pour un club d’accéder au titre ou d’éviter la relégation, « tout est jouable ». C’est pourquoi l’hypothèse d’incertitude du résultat est envisagée comme relevant des probabilités. Elle définit la perception probabiliste des spectateurs d’un résultat en fonction des forces en présence. Dans le cas d’un championnat parfaitement équilibré, chaque club serait de force parfaitement égale. En cela, la probabilité de chaque équipe de remporter un match serait similaire à un pile ou face : chaque équipe pourrait remporter un match avec une probabilité de 50%. Le résultat d’une expérience aléatoire, autrement appelée épreuve, est un événement imprévisible. Il appartient à un ensemble appelé univers des possibles ou ensemble des issues noté Ω. Envisageons que l’issue d’un match est soit la victoire, soit la défaite. Nous attribuons « 1 » pour la victoire, « 0 » pour la défaite. En somme, nous envisageons un match comme étant animé par le pur hasard et dont l’issue est une équiprobabilité entre les deux épreuves tel que p = 0,5. En éliminant la possibilité du nul, un match de football prend la forme d’une épreuve de Bernouilli, en cela qu’il n’a que deux issues possibles : le succès/victoire ou l’échec/défaite. Le succès est alors noté [Xi=1] et l’échec est noté [Xi=0] On a ainsi défini une variable aléatoire Xi de Bernoulli qui peut prendre deux valeurs : 0 et 1. On note alors Xi(Ω) = {0 ;1} ; P[Xi=1] = p et P[Xi=0] =1-p = q Plus simplement, la probabilité de victoire p étant parfaitement égale à la probabilité de défaite q, on a : p = q = 0,5 A ce stade de l’exposé, il convient de définir l’espérance mathématique, notée E(X), et la variance, notée V(X). L’espérance mathématique est une valeur numérique permettant de mesurer le degré d’équité d’un jeu de hasard. Elle est égale à la somme des gains (et des pertes) pondérés par la probabilité du gain (ou de la perte). L’espérance mathématique d’une variable aléatoire est l’équivalent en probabilité de la moyenne d’une série statistique. La variance est une mesure servant à caractériser la dispersion d’un échantillon ou d’une population. On la définit comme le carré de l’écart-type (σ). 345/368 Annexes Dans le cadre de la loi de Bernoulli, la probabilité p équivaut à l’espérance mathématique et la variance s’obtient directement à partir de p. On a alors : Espérance : E(X) = p = 0,5 Variance : V(X) = pq = 0,52 = 0,25 Ecart-type : σ = √(V(X)) = 0,5 Toutefois, l’écart-type ainsi obtenu ne correspond pas à l’écart type théorique d’une compétition idéalement équilibrée. Il convient de prendre en compte le nombre de matchs disputés au cours de la saison. On considère la succession de m matchs identiques et indépendants les uns des autres d’une même épreuve ayant deux issues possibles : le succès/victoire avec p = 0,5 et l’échec/défaite avec q = 1-p = 0,5. On définit une variable X égale au nombre de succès obtenus à l’issue de ces m matchs. X correspond à la succession (ou à la somme) de m épreuves de Bernoulli identiques et indépendantes. On dit alors que X suit une loi binomiale définie par 2 paramètres : m = nombre de matchs et p = probabilité du succès pour chaque épreuve. Considérons X comme le nombre de matchs gagnés. Selon la loi Binomiale, on obtient : Espérance : E(X) = mp = 0,5m Variance : V(X) = mpq = 0,25m Ainsi, dans un championnat théorique composé de 20 équipes disputant 38 journées, chaque club peut espérer remporter en moyenne 19 matchs (0,5*38). L’écart type est obtenu par : √(0,25m), soit √9,5 = 3,08 En clair, dans un championnat de 38 journées parfaitement équilibré, chaque équipe peut espérer gagner entre 16 et 22 matchs. Il convient maintenant d’exprimer ces résultats en pourcentage de victoires. Le pourcentage de victoires (w) d’une équipe est le nombre de victoires (X) divisé par le nombre total de rencontres (m) : w = X/m Nous savons déjà qu’au cours d’une saison de 38 confrontations, le nombre de victoires espérées par chaque club est tout simplement mp. On obtient : E(w) = mp/m = p Il n’y a là rien d’étonnant à constater que l’espérance mathématique du pourcentage de victoires est parfaitement égale à la probabilité de remporter 50% de ses matchs. Mais dans ce cas, quelle est la valeur de l’écart-type ? V(w) = V(X/m) Ce que l’on peut transformer en : V(w) = V(X)1/m2 Or, nous savons que V(X) = mpq = (mp(1-p)) Donc V(X) = (1/m2)(mp(1-p)) = (p(1-p))/m 346/368 Annexes V(X) = 0,52/m = 0,5/38 = 0,131 On en déduit donc la valeur de l’écart-type théorique d’un championnat idéalement équilibré de 38 rencontres : σ = √(V(X)) = √((p(1-p)/n) = 0,5/√m = 0,811 Ainsi, dans un championnat de 38 matchs idéalement équilibré où chaque équipe aurait une probabilité de victoires de 50%, nous pouvons établir que : - une équipe remporterait en moyenne 19 matchs, soit un pourcentage de victoires de 50% ; chaque équipe peut espérer remporter en moyenne entre 16 et 22 matchs soit un écart-type de 0,811 sur le pourcentage de victoires. 347/368 Annexes Annexe 15 - Evolution de l’indice Noll/Scully de l’équilibre compétitif dans les 18 championnats de 1975 à 2005 Groupe Big Five Championnat Allemagne 75-76 76-77 77-78 78-79 79-80 80-81 81-82 82-83 83-84 84-85 1,01715391 1,173525726 1,358046633 1,329724065 1,2833779 1,547405463 1,491614392 1,784205987 1,70689625 1,25060539 Big Five Angleterre 1,489951224 1,122840583 1,641303613 1,844892441 1,34939308 1,494509983 1,438063702 1,049781318 1,282182097 1,56347192 Big Five Espagne 1,100487467 1,032348751 0,993055472 1,157195034 1,43576332 1,370727082 1,361863165 1,541804991 1,5180574 1,20552362 Big Five France 1,100239208 1,517214243 1,407341259 1,551516102 1,66269147 1,463309345 1,460467045 1,223047372 1,414213562 1,480248538 Big Five Italie 1,459071242 1,70098011 1,289271974 1,359738537 1,17945373 1,351542329 1,452966315 1,302988019 1,369509239 1,530432038 Groupe 2 Belgique 1,530897122 1,55409939 1,848968664 1,340092441 1,80924194 1,523745158 1,45521375 1,658573198 1,297122181 1,844284165 Groupe 2 Ecosse 1,937288419 1,786437243 1,887254195 1,610152972 1,50718444 2,157387538 2,057806575 2,43812314 2,170224998 2,412672306 Groupe 2 Grèce 1,75752351 1,922368781 1,354219345 1,905192322 1,43365384 1,213351648 1,69264642 1,411764706 1,556349004 1,959591794 Groupe 2 Pays-Bas 1,790014595 1,555212243 1,657529742 1,806370886 1,3669353 1,838647013 1,973001157 1,785175401 2,000864865 1,666897331 Groupe 2 Portugal 1,89619502 1,631631767 1,988857852 1,906713286 2,02539434 1,659986613 1,577621275 1,72691118 1,93677854 2,002220989 Groupe 2 Rép. tchèque 0,845905169 1,166190379 1,273664878 0,940449065 1,00884973 1,133333333 1,169995252 1,145037602 1,477234654 1,388844444 Groupe 3 Autriche 0,995359604 1,106936603 0,990697472 0,995359604 0,93788572 1,027402334 0,650261106 1,823305911 2,098676832 1,734614911 Groupe 3 Danemark 1,380821012 1,29614814 1,456021978 1,524612883 1,70228604 1,380821012 1,225651754 1,089342309 1,1508451 1,266666667 Groupe 3 Norvège 1,178316491 1,488245959 1,668869068 1,282430544 1,11340443 1,03252879 0,862439362 1,160649576 0,983332166 1,363636364 Groupe 3 Pologne 0,956846673 1,212893693 0,808290377 1,045360119 1,10955447 1,105541597 1,026320288 0,851143022 1,245436113 1,154700538 Groupe 3 Roumanie 1,129963101 1,180874112 0,787005186 0,800086501 1,08305604 1,070200318 1,05718828 1,236693885 1,32581502 1,48580364 Groupe 3 Suède 1,397377087 1,206491319 1,196642245 1,432918155 1,45138171 1,309952797 1,109686874 1,460216219 1,246482655 1,185309528 Groupe 3 Suisse 1,805060043 1,827815388 1,811160686 1,497472618 1,69355598 1,398586414 2,00935313 2,037154879 1,873054546 1,595566775 MOYENNE 1,379811677 1,420196108 1,416596422 1,410936894 1,4009441 1,39620967 1,392897769 1,484773262 1,536281957 1,563523248 348/368 Annexes Groupe Big Five Championnat Allemagne 85-86 86-87 87-88 88-89 89-90 90-91 91-92 92-93 93-94 94-95 1,530542568 1,594757848 1,410538683 1,389530801 1,09259857 1,388285144 1,26425391 1,3127008 1,16761372 1,729051583 Big Five Angleterre 1,862020457 1,295378144 1,659819267 1,300969168 1,30309667 1,588567187 1,327367606 1,059456927 1,555474569 1,6673468 Big Five Espagne 1,713976739 1,276619671 1,343910035 1,724838906 1,75981616 1,199030079 1,40142389 1,667682055 1,326274018 1,502537097 Big Five France 1,327317917 1,335639741 0,944439918 1,527222961 1,07089421 1,085027796 1,318943588 1,454765785 1,542563252 1,464255552 Big Five Italie 1,339983416 1,245436113 1,282358937 1,608799333 1,56519232 1,575109158 1,796767571 1,371988681 1,589324245 1,763725218 Groupe 2 Belgique 1,599815626 1,975781427 1,638633915 1,819730388 1,81973039 1,824477932 1,727049207 1,719016376 1,725044506 1,653349332 Groupe 2 Ecosse 1,908396004 2,545454545 2,502065263 2,125680719 1,34025979 1,945237933 2,466301812 2,163750952 1,37269717 1,085823349 Groupe 2 Grèce 1,173787791 1,554741851 1,354826762 1,50185071 1,59367261 1,386899767 1,45521375 1,772531667 1,753367716 2,025785336 Groupe 2 Pays-Bas 1,893350228 1,707909546 1,730051902 1,392018772 1,77448272 1,569607537 2 1,814016935 1,612022307 1,969490476 Groupe 2 Portugal 1,898537449 1,694435337 1,671933461 1,586457397 1,58453924 1,905670209 1,495090003 1,54516771 1,663780662 1,955384722 Groupe 2 Rép. tchèque 0,916515139 1,011050059 1,484737163 1,207384685 1,52461288 1,154700538 1,903213656 1,673320053 1,673320053 1,79381654 Groupe 3 Autriche 1,874138921 1,431637795 1,592855952 1,515757455 1,6057747 1,460216219 1,834021909 1,354514948 1,161363609 1,32054048 Groupe 3 Danemark 1,750739489 2,049678861 1,842945931 1,850955295 1,45545292 1,077262191 0,949004768 1,397677058 1,207930169 1,176288243 Groupe 3 Norvège 1,320530822 0,904534034 1,463043358 1,521200048 1,43739894 0,776727613 1,357562229 1,414213562 1,387667047 1,418391455 Groupe 3 Pologne 1,36300322 1,36300322 1,16898579 1,466666667 1,2 1,657139436 1,457589611 1,838150325 1,711956731 1,240883712 Groupe 3 Roumanie 1,654395425 1,377023519 1,974754157 2,24687403 1,86848577 1,422751367 1,48580364 1,55409939 1,097338712 1,530542568 Groupe 3 Suède 1,329885349 1,317397886 1,206045378 1,323656344 1,10221415 0,952058477 0,823219044 1,524940585 1,683543741 0,828486893 Groupe 3 Suisse 1,935630819 1,966384161 1,348399725 0,871969368 0,81311563 1,295255168 1,323656344 0,953462589 1,219673442 0,867217456 MOYENNE 1,577364854 1,535936875 1,534463644 1,55453128 1,4395188 1,403556875 1,521471252 1,532858689 1,469497537 1,49960649 349/368 Annexes 95-96 96-97 97-98 98-99 99-00 00-01 01-02 02-03 03-04 04-05 Big Five Groupe Allemagne Championnat 1,13149318 1,468233409 1,17205052 1,559070149 1,47528661 1,170573455 1,68342212 1,265731458 1,653349332 1,54516771 Big Five Angleterre 1,640890239 1,260963005 1,317893055 1,561304945 1,73125097 1,468977446 1,767669013 1,664356663 1,614511753 1,770800404 Big Five Espagne 1,523809524 1,649572198 1,429797653 1,444255025 1,05394655 1,321042147 1,166237885 1,355199283 1,317893055 1,544357974 Big Five France 1,266443096 1,506219792 1,351661799 1,457589611 0,90748521 1,192537349 1,230929107 1,309458453 1,496996069 1,131272908 Big Five Italie 1,630165466 1,370727082 1,814970426 1,384541447 1,69571004 1,643904543 1,765686002 1,607723573 1,915155364 1,483986545 Groupe 2 Belgique 1,608799333 1,500864803 1,565192317 1,845222017 1,55075604 1,916961263 1,855507094 2,335657325 1,739028882 1,982623476 Groupe 2 Ecosse 2,328036316 1,870828693 1,779513042 1,735611039 1,908396 1,927350887 2,155325814 2,232038185 2,21440314 2,176761818 Groupe 2 Grèce 1,893350228 2,013793267 2,149184193 2,188361793 2,19073229 1,843268534 1,857337918 2,203028219 2,165384236 1,751190072 Groupe 2 Pays-Bas 1,956269312 1,629103815 1,898824987 1,774482721 1,9765056 2,000864865 1,679306167 2,072225289 1,743003811 2,057142171 Groupe 2 Portugal 1,833936149 1,713976739 1,527147645 1,755860183 1,58823529 1,766665579 1,735044848 1,516917289 1,88419028 1,222624099 Groupe 2 Rép. tchèque 1,507020607 1,584648577 1,685229955 1,247219129 1,55062711 1,415784039 1,624807681 1,472714802 1,498147004 1,37113092 Groupe 3 Autriche 1,493814407 1,062840359 1,314684396 1,561496591 1,4185717 0,871354841 1,342560664 0,773799349 1,192828364 1,343709625 Groupe 3 Danemark 1,479582499 1,061903968 1,439314192 1,386011712 0,88035388 1,341572341 1,553455226 0,905041486 1,559355192 1,320878468 Groupe 3 Norvège 1,345604283 1,671196999 1,702764894 1,509339759 1,37389008 1,732050808 1,553769991 1,282564 0,985096037 0,906909702 Groupe 3 Pologne 1,888775807 1,671043848 1,608799333 1,475729575 1,36463263 1,043498389 0,857142857 2,053722907 1,813819403 1,540383415 Groupe 3 Roumanie 1,108320217 1,25060539 2,040252376 2,320362697 1,74002347 1,137248141 1,415784039 1,030641656 1,518771433 1,639783183 Groupe 3 Suède 1,24273034 1,50688754 0,951485914 1,314462115 1,298611 1,323434656 0,994065229 1,576453964 1,343403784 1,356553238 Groupe 3 Suisse 1,285648693 1,414213562 1,445997611 1,262949454 1,13180905 1,142709554 1,269476368 1,34533169 1,314684396 0,97768253 MOYENNE 1,564704983 1,511534614 1,566375795 1,599103887 1,4909346 1,458877713 1,528196001 1,555700311 1,609445641 1,506831014 350/368 Annexes Annexe 16 - Le projet de Superligue selon Hoehn et Szymanski (1999) 351/368 Annexes Annexe 17 - Le projet d’European Super-League selon Vrooman (2007) 352/368 Annexes Annexe 18 - Le projet de Pan-European Football Association selon Vrooman (2007) 353/368 Tables Table des cartes Carte 1 - La diffusion des ligues majeures en Amérique du Nord ________________________________112 Carte 2 - Les abonnés du Stade Malherbe de Caen (1996, L1) __________________________________155 Carte 3 - Les 1 595 aires urbaines fonctionnelles dans l’UE27+2 en fonction de leur taille____________168 Carte 4 - Spécialisation fonctionnelle des FUA ______________________________________________169 Carte 5 - Typologie des MEGA ___________________________________________________________172 Carte 6 - Aires urbaines et agglomérations en Basse-Normandie ________________________________175 Carte 7 - La distinction club/FUA : l’exemple anglais _________________________________________179 Carte 8 - Présentation des 496 FUA de l’analyse des championnats nationaux _____________________181 Carte 9 - Présentation des 525 villes de l’analyse des Coupes d’Europe (1975-2005) ________________186 Carte 10 - L’évolution du nombre des clubs par FUA (1975-2005) _______________________________200 Carte 11 - L’évolution de l’offre par FUA (1975-2005) ________________________________________203 Carte 12 - L’évolution du nombre de titres par FUA (1975-2005)________________________________208 Carte 13 - L’évolution du pourcentage de victoires par FUA (1975-2005) _________________________212 Carte 14 - L’offre moyenne dans les trois Coupes d’Europe en fonction de la taille des villes (1975-2005) 225 Carte 15 - Les titres continentaux par décennie ______________________________________________228 Carte 16 - Le nombre de points par ville (1975-2005) _________________________________________230 Carte 17 - L’offre en Ligue des champions (1975-2005) _______________________________________233 Carte 18 - Comparaison de l’accès en quarts de finale de la Ligue des champions : avant/après la réforme de 1992 _______________________________________________________________________________235 Carte 19 - Typologie du niveau de performance des villes européennes selon le potentiel local _________239 354/368 Tables Table des tableaux Tableau 1 - Les approches américaine et européenne en économie du sport des années 1960 au milieu des années 1990 selon Andreff_______________________________________________________________ 22 Tableau 2 - La diversité des approches de l’équilibre compétitif _________________________________ 53 Tableau 3 - Matchs des « Division Series », « League Championship Series » et « World Series » gagnés en fonction des masses salariales classées par quartile (MLB, 1995 à 1999) __________________________ 57 Tableau 4 - Masse salariale et performance sportive dans le football anglais (1978 à 1997) ___________ 59 Tableau 5 - Lien entre la réussite sportive et la capacité financière des clubs dans le championnat de France de football de D1 et D2 (1992 à 1998) _____________________________________________________ 60 Tableau 6 - Richesse des clubs et performances sportives dans les compétitions continentales (2004-2005) 62 Tableau 7 - Restrictions sur les joueurs étrangers dans les principales ligues européennes (1980-81)____ 77 Tableau 8 - Caractéristiques des modèles sportifs nord-américain et européen _____________________ 82 Tableau 9 - Présentation des quatre ligues majeures nord-américaines ___________________________ 82 Tableau 10 - Part des revenus des clubs consacrée à la masse salariale dans les quatre championnats professionnels anglais __________________________________________________________________ 89 Tableau 11 - Historique des conflits joueurs/propriétaires dans les quatre ligues majeures ____________ 92 Tableau 12 - Modalités d’application du Salary Cap en NBA, NFL et NHL ________________________ 94 Tableau 13 - Modalités d’application de la taxe de luxe en MLB pour la période 2002 à 2006 _________ 95 Tableau 14 - Evolution des masses salariales en MLB (2002 à 2005) _____________________________ 96 Tableau 15 - Domination nationale et accès à l’échelon européen dans sept championnats (1990 à 2004) 101 Tableau 16 - Estimation de la part des revenus de la Ligue des champions (LdC) dans les revenus totaux des clubs (2003-2004, en millions d’euros). ___________________________________________________ 103 Tableau 17 - Implantation des ligues majeures selon la taille des marchés (2005-2006)______________ 109 Tableau 18 - Marchés de moins d’un million d’habitants ayant accueilli une franchise NFL entre 1920 et 1924_______________________________________________________________________________ 111 Tableau 19 - Droits d’entrée des expansions dans les quatre ligues majeures depuis 1988____________ 116 Tableau 20 - Expansions dans les quatre ligues majeures depuis 1950 ___________________________ 117 Tableau 21 - Délocalisations dans les quatres ligues majeures depuis 1950 _______________________ 119 Tableau 22 - Etablissement de ligues rivales _______________________________________________ 121 Tableau 23 - Implantation des ligues mineures selon la taille des marchés (2005-2006)______________ 122 Tableau 24 - Equipes ayant participé aux championnats de France de première division d’avant-guerre (1932-33 à 1938-39) __________________________________________________________________ 126 Tableau 25 - Répartition des 182 clubs de haut niveau selon les aires urbaines en 2005-2006 _________ 128 Tableau 26 - Les aires urbaines à offres sportives multiples (2004-2005) _________________________ 131 Tableau 27 - Multiplicité des équipes dans 17 championnats européens de football (2004-2005)_______ 133 Tableau 28 - Les derbys dans 17 championnats européens (2004-2005) __________________________ 134 Tableau 29 - Revenus des 20 clubs européens les plus riches (2002 à 2005) _______________________ 137 Tableau 30 - Le déclin de la solidarité dans le partage des droits de diffusion du championnat de France de L1 (%) _____________________________________________________________________________ 140 355/368 Tables Tableau 31 - Les clubs européens cotés en bourse selon le Dow Jones Stoxx Football Index ___________143 Tableau 32 - Structures juridiques des clubs professionnels ____________________________________146 Tableau 33 - Evolution de la structure juridique des clubs de football de L1 _______________________146 Tableau 34 - Cadre institutionnel du football européen ________________________________________148 Tableau 35 - Financement des installations sportives nord-américaines depuis 1990 (en millions de $) __158 Tableau 36 - Financement des installations canadiennes depuis 1990 (en millions de $) ______________158 Tableau 37 - L’offre d’images par les clubs de L1 sur Internet (mai 2006) _________________________163 Tableau 38 - Variables de classification des MEGA __________________________________________170 Tableau 39 - Les fédérations selon leur indice UEFA _________________________________________177 Tableau 40 - Le nombre de clubs par pays __________________________________________________178 Tableau 41 - Présentation des 18 championnats _____________________________________________192 Tableau 42 - Structure urbaine des pays et FUA avec clubs ____________________________________194 Tableau 43 - Répartition des clubs selon la fonctionnalité des FUA ______________________________201 Tableau 44 - Répartition de l’offre selon la fonctionnalité des FUA ______________________________202 Tableau 45 - Répartition des titres selon la fonctionnalité des FUA ______________________________209 Tableau 46 - Les outils de mesure de l’équilibre compétitif dans ses trois dimensions ________________213 Tableau 47 - Evolution de l’indice Noll/Scully dans les 18 championnats (1975 à 2005) ______________216 Tableau 48 - L’accès au titre dans les 18 championnats (1975-2005) _____________________________218 Tableau 49 - L’interrelation national/continental : les clubs ____________________________________222 Tableau 50 - Le poids de chaque classe de villes dans l’offre totale de Coupe d’Europe par décennie ___226 Tableau 51 - Typologie du niveau de performance des villes européennes selon la fonctionnalité des FUA240 Tableau 52 - Les 18 membres du G14 : poids sportif et économique ______________________________246 Tableau 53 - Joueurs internationaux fournis par les clubs du G14 pour la Coupe du Monde 2006 ______248 Tableau 54 - Les 20 plus gros transferts en football jusqu’en 2001 _______________________________255 Tableau 55 - Composition de la NFL Europe en 2005-2006 ____________________________________270 Tableau 56 - Titres européens des clubs leaders du projet de Ligue Atlantique _____________________273 Tableau 57 - Année d’adhésion des ligues nationales à l’ULEB _________________________________275 Tableau 58 - Les participations en Euroligue depuis sa création et les tailles de marché ______________276 356/368 Tables Table des figures Figure 1 - Les quatre hypothèses de recherche_______________________________________________ 16 Figure 2 - Approches économique et géographique du marché __________________________________ 18 Figure 3 - La diversité des approches en géographie et économie du sport _________________________ 19 Figure 4 - Mise en œuvre de l’approche pluridisciplinaire______________________________________ 28 Figure 5 - Le plan de thèse ______________________________________________________________ 30 Figure 6 - Volume des programmes sportifs sur les chaînes nationales de 1992 à 2005 (en heures)______ 35 Figure 7 - Evolution de l’affluence moyenne des 5 grands championnats de football européens (en milliers de spectateurs ; 1995-96 à 2004-05) _________________________________________________________ 36 Figure 8 - La fonction demande __________________________________________________________ 37 Figure 9 - Fonctions demande et biens substituables __________________________________________ 38 Figure 10 - Le système des sports de Paul Yonnet ____________________________________________ 46 Figure 11 - L’espace théorique du sport-spectacle ____________________________________________ 47 Figure 12 - Le cercle vertueux de l’équilibre compétitif ________________________________________ 50 Figure 13 - Les trois principes du sport qui se regarde ________________________________________ 54 Figure 14 - Comparaison de l’évolution du chiffre d’affaires des 10 plus grands clubs européens avec celui des 10 poursuivants en millions d’euros (1996-1997 à 2004-2005) _______________________________ 61 Figure 15 - Eléments perturbateurs du cercle vertueux de l’équilibre compétitif_____________________ 63 Figure 16 - Fondements d’une ligue sportive professionnelle ___________________________________ 64 Figure 17 - Le dilemme du prisonnier : coopération et concurrence ______________________________ 85 Figure 18 - Ratio salaires et charges/ chiffre d’affaires dans les Big Five (1995 à 2002) ______________ 88 Figure 19 - Outils de régulation promouvant la parité au sein des ligues fermées____________________ 90 Figure 20 - Evolution du montant du salary cap en NFL depuis son instauration (en $) _______________ 93 Figure 21 - Le modèle pyramidal européen : hiérarchie institutionnelle et hiérarchie sportive _________ 99 Figure 22 - Montant des primes par pays versées en Ligue des champions (1996-1997 à 2005-2006) ___ 102 Figure 23 - Distribution des franchises des quatre ligues majeures selon la taille de leur marché (2005) 113 Figure 24 - Principe d’organisation géographique du sport professionnel aux Etats-Unis ____________ 123 Figure 25 - Seuils d’apparition des clubs dans quatre disciplines majeures en 2005-2006 (L1, Pro A, Top 14, Ligue Magnus)_______________________________________________________________________ 129 Figure 26 - Seuils d’apparition intra-disciplinaire : le cas du football en 2005-2006 (L1, L2, National) _ 130 Figure 27 - Montant des contrats de diffusion dans 14 championnats de football européens en millions d’euros (saison 2004-2005)_____________________________________________________________ 138 Figure 28 - Comparaison du statut juridique des clubs professionnels en football et basket (2004-2005 et 2006-2007) _________________________________________________________________________ 147 Figure 29 - La transition du modèle SSSL au modèle MCMMG en L1 (1990 à 2005) ________________ 150 Figure 30 - Le modèle de croissance endogène _____________________________________________ 151 Figure 31 - Le modèle de potentiel local des clubs sportifs professionnels ________________________ 152 Figure 32 - Détails des affluences dans les championnats de France de L1 et L2 (2003-2004)_________ 154 Figure 33 - Le contournement du subventionnement public selon le joural L’Expansion _____________ 157 357/368 Tables Figure 34 - La progression des revenus télévisuels en L1 de 1990 à 2005 (en millions d’€) ____________160 Figure 35 - Répartition du market pool lors de l’édition 2005-2006 de la Ligue des champions (en millions d’euros) _____________________________________________________________________________161 Figure 36 - Nombre de FUA par pays de l’UE27+2 __________________________________________167 Figure 37 - Répartition par pays des 76 MEGA ______________________________________________171 Figure 38 - Typologie des FUA __________________________________________________________172 Figure 39 - Tailles des entités géographiques : comparaison ESPON/GEOPOLIS___________________173 Figure 40 - Les 52 fédérations et leur apparition en Coupes d’Europe ____________________________185 Figure 41 - Les 30 années d’analyse : un processus de dérégulation______________________________188 Figure 42 - Le rapport rang/taille : l’exemple du Portugal, de l’Allemagne et de l’Autriche ___________195 Figure 43 - La taille du marché des clubs (1975-2005) ________________________________________196 Figure 44 - Evolution de la taille moyenne du marché des clubs (18 championnats, 1975-2005) ________198 Figure 45 - Le nombre moyen de clubs par FUA (18 championnats, 1975-2005) ____________________199 Figure 46 - L’offre moyenne de football d’élite et la taille des FUA (18 championnats, 1975-2005) _____202 Figure 47 - L’année de fondation des clubs selon la taille des villes ______________________________204 Figure 48 - Les titres de champions et la taille des FUA (18 championnats, 1975-2005) ______________206 Figure 49 - Le pourcentage de victoires et la taille des FUA (18 championnats, 1975-2005) ___________210 Figure 50 - Intensité du lien entre le pourcentage de victoires et la taille des villes (1975-2005) ________217 Figure 51 - Polycentricité des pays et domination des grandes villes _____________________________220 Figure 52 - L’interrelation national/continental : les villes _____________________________________223 Figure 53 - Le nombre de ville et de clubs en fonction de la taille (1975-2005) _____________________224 Figure 54 - Evolution de l’offre moyenne et du nombre de villes en Coupe d’Europe selon la taille _____226 Figure 55 - Répartition des titres continentaux pas pays (1975-2005)_____________________________227 Figure 56 - Le nombre moyen de points par ville par décennie et par Coupe _______________________232 Figure 57 - Les gains en Ligue des champions (1996 à 2006) ___________________________________236 Figure 58 - Validation/réfutation des hypothèses _____________________________________________237 Figure 59 - Convergences et divergences d’intérêts dans le football européen ______________________250 Figure 60 - La première division théorique et rationnelle de football belge selon les travaux de Dejonghe 264 Figure 61 - Stratégies de prise en compte de la taille du marché par les clubs professionnels __________279 358/368 Tables Table des annexes Annexe 1 - Implantation des ligues majeures selon la taille des marchés (2005-2006) _______________ 303 Annexe 2 - Implantation des ligues majeures selon la taille des marchés, résidus de corrélation (2005-2006) ___________________________________________________________________________________ 303 Annexe 3 - L’offre totale de saisons en ligues majeures _______________________________________ 304 Annexe 4 - L’offre totale de saisons en ligues majeures, résidus de corrélation_____________________ 304 Annexe 5 - Le nombre de titres par ville en ligues majeures____________________________________ 305 Annexe 6 - Le nombre de titres par ville en ligues majeures, résidus de corrélation _________________ 305 Annexe 7 - Le nombre d’offres de L1 par FUA, résidus de corrélation (1975-2005) _________________ 306 Annexe 8 - Le nombre de titres en L1 par FUA, résidus de corrélation (1975-2005)_________________ 307 Annexe 9 - Le nombre d’offres en Coupes d’Europe par FUA, résidus de corrélation (1975-2005) _____ 308 Annexe 10 - Le nombre de points en Coupes d’Europe par FUA, résidus de corrélation (1975-2005) ___ 308 Annexe 11 - Le pentagone selon le rapport ESPON __________________________________________ 309 Annexe 12 - Cartes des identifiants et tableaux de correspondance clubs/villes (niveau national) ______ 310 Annexe 13 - Cartes des identifiants et tableaux de correspondance clubs/villes (niveau continental) ____ 327 Annexe 14 - Modalité de calcul de l’indice Noll/Scully de l’équilibre compétitif ____________________ 345 Annexe 15 - Evolution de l’indice Noll/Scully de l’équilibre compétitif dans les 18 championnats de 1975 à 2005_______________________________________________________________________________ 348 Annexe 16 - Le projet de Superligue selon Hoehn et Szymanski (1999) ___________________________ 351 Annexe 17 - Le projet d’European Super-League selon Vrooman (2007) _________________________ 352 Annexe 18 - Le projet de Pan-European Football Association selon Vrooman (2007) _______________ 353 359/368 Tables Table des matières Chapitre liminaire : le constat, la question, les enjeux, le cadre de la recherche ................. 10 I Propos introductif : une analyse du football professionnel européen...................................................10 II Le cadre général de la recherche.........................................................................................................13 A - Problématique..............................................................................................................................13 B - Hypothèses...................................................................................................................................15 1. La présence et la performance des villes...................................................................................15 2. Modalités de validation des hypothèses ....................................................................................17 C - La nécessité d’une approche pluridisciplinaire ............................................................................18 1. L’axe « économie » et l’axe « géographie » .............................................................................20 a) Les origines de la géographie du sport................................................................................20 b) D’une géographie sociale du sport qui se pratique…..........................................................20 c) … A une géographie quantitative du sport qui se regarde...................................................21 d) L’économie politique du sport .............................................................................................21 e) La Maistream Sports Econ’..................................................................................................23 f) Une économie transatlantique du sport.................................................................................24 2. Les axes interdisciplinaires .......................................................................................................25 a) L’aménagement du territoire et l’économie publique du sport ............................................25 b) Le géomarketing du sport ....................................................................................................27 3. Les dimensions de l’approche pluridisciplinaire.......................................................................28 Partie 1 Théorie de la ligue sportive professionnelle........................................................ 31 Chapitre I Le sport professionnel : une activité économique spécifique ?............................ 32 I Les déterminants de la demande de sport spectacle : la nécessité du hasard........................................33 A - Les déterminants économiques....................................................................................................35 1. Un spectacle attractif.................................................................................................................35 2. Théorie de la demande ..............................................................................................................37 3. Les déterminants économiques de la demande de sport spectacle ............................................37 B - Les déterminants sportifs : de la glorieuse incertitude du sport à l’équilibre compétitif .............40 1. Fondements socioculturels de la glorieuse incertitude du sport ................................................41 a) David contre Goliath : l’expectative déjouée .......................................................................41 b) Les Horaces contre les Curiaces : éloge de la similarité ......................................................43 c) L’incertitude de finalité : le jeu et l’enjeu ............................................................................43 d) Le sport-spectacle : l’incertitude mobilisatrice ....................................................................45 2. Application économique : l’hypothèse d’incertitude du résultat...............................................47 a) La qualité du spectacle : dimensions absolues et relatives du sport .....................................47 b) La charge émotive de l’incertitude.......................................................................................48 c) Définir l’équilibre compétitif ...............................................................................................49 360/368 Tables C - Les dimensions de l’équilibre compétitif .................................................................................... 51 II Revenus et performances sportives .................................................................................................... 55 A - L’exemple nord-américain : la MLB .......................................................................................... 57 B - L’exemple européen : le football................................................................................................. 58 III Compétition sportive et coopération économique : le sport, une activité économique comme les autres ? ................................................................................................................................................... 63 A - Fondements théoriques de l’exception sportive .......................................................................... 65 1. Le paradoxe « Louis/Schmeling » ............................................................................................ 65 2. L’impossible concurrence ........................................................................................................ 66 B - Un produit conjoint particulier .................................................................................................... 66 1. L’adversaire/partenaire............................................................................................................. 66 2. La ligue : un pour tous, tous pour un........................................................................................ 67 Chapitre II Les modèles de régulation des ligues sportives professionnelles : la main de fer et la main invisible ..................................................................................................................... 69 I Le spectacle sportif à l’épreuve du droit commun............................................................................... 70 A - Les Etats-Unis : un système dérogatoire aux lois antitrust.......................................................... 70 1. Un marché du travail contrôlé .................................................................................................. 71 2. La bienveillance des pouvoirs publics...................................................................................... 73 B - L’Europe : de l’exception sportive à la spécificité du sport ........................................................ 75 1. L’irruption du droit commun dans le champ sportif................................................................. 76 2. L’arrêt Bosman : un marché des joueurs sans restriction ......................................................... 77 3. La poursuite d’une dérégulation du marché du travail ............................................................. 79 4. La reconnaissance de particularités .......................................................................................... 80 II Les objectifs des clubs........................................................................................................................ 82 A - L’hypothèse de maximisation du profit ...................................................................................... 82 1. Fondements théoriques : une activité à vocation commerciale ................................................ 82 2. Comportements des acteurs : le sens de l’intérêt collectif........................................................ 84 B - L’hypothèse de maximisation de l’utilité .................................................................................... 86 1. Fondements théoriques : le désir de victoires........................................................................... 86 2. Comportements des acteurs : la course aux armements ........................................................... 87 III Les modèles d’organisation du sport-spectacle................................................................................. 89 A - La ligue-cartel nord-américaine .................................................................................................. 90 1. La négociation collective.......................................................................................................... 91 2. Le plafonnement de la masse salariale ..................................................................................... 92 a) Le Soft Cap en NBA............................................................................................................ 92 b) Le Hard Cap en NFL........................................................................................................... 93 c) Les difficultés d’instauration d’un plafonnement en NHL .................................................. 94 d) La Luxury Tax en MLB ...................................................................................................... 95 3. Le partage du talent et des revenus........................................................................................... 96 4. L’efficacité de la régulation...................................................................................................... 97 361/368 Tables B - La ligue ouverte européenne........................................................................................................98 1. Le modèle sportif européen.......................................................................................................98 2. L’interdépendance entre niveaux de compétition : un déséquilibre compétitif récurrent ?.....100 Partie 2 Sport professionnel et potentiel local................................................................. 105 Chapitre III Implications géographiques de l’organisation des ligues : la place du critère démographique......................................................................................................................... 106 I La stratégie d’organisation du marché des ligues fermées .................................................................107 A - La solidarité sur critère géographique .......................................................................................108 1. La localisation des franchises..................................................................................................108 2. Un aboutissement....................................................................................................................110 3. Favoriser l’équilibre sur le critère de la taille du marché........................................................112 B - L’exclusivité territoriale ............................................................................................................114 C - Aspects stratégiques : expansions, délocalisations, ligues rivales et ligues mineures ...............115 1. Expansion : la ligue s’agrandit................................................................................................115 2. Relocation : les franchises déménagent ..................................................................................117 3. Ligues rivales et ligues mineures ............................................................................................120 a) La concurrence des ligues rivales.......................................................................................120 b) Une offre de sport professionnel pour les plus petites villes..............................................121 II La géographie du sport européen : hiérarchie urbaine et hiérarchie sportive....................................124 A - La diffusion du football professionnel en France ......................................................................125 B - Taille des villes et localisation des clubs : le cas de la saison 2005-2006 en France .................127 1. Sports collectifs de haut niveau : la localisation des équipes ..................................................128 2. Les seuils d’apparition des clubs.............................................................................................129 3. Concurrence et complémentarité inter-disciplinaire ...............................................................131 4. Unicité et multiplicité de l’offre..............................................................................................132 III Vers une américanisation du sport professionnel européen ? ..........................................................135 A - L’évolution des droits audiovisuels ...........................................................................................137 B - La propriété des clubs : des patrons aux groupes.......................................................................141 C - L’accès au marché financier ......................................................................................................142 D - L’évolution du statut juridique des clubs...................................................................................145 Chapitre IV Mesurer le potentiel de marché des clubs : le modèle et les données............. 151 I Le modèle de potentiel local ..............................................................................................................151 A - Le public direct..........................................................................................................................153 B - Les entreprises ...........................................................................................................................156 C - Les collectivités locales .............................................................................................................156 1. Le cas français.........................................................................................................................156 2. Le cas canadien .......................................................................................................................158 D - Les médias .................................................................................................................................160 362/368 Tables II L’objectivation du potentiel local..................................................................................................... 164 A - Le programme ESPON et le concept de FUA........................................................................... 165 B - La spécialisation fonctionnelle des FUA................................................................................... 168 C - Les limites du recours aux FUA................................................................................................ 173 III L’espace et le temps de l’analyse.................................................................................................... 176 A - Le choix des championnats nationaux ...................................................................................... 176 1. Choix des championnats : quelles contraintes ? ..................................................................... 176 2. Présentation des 18 championnats retenus ............................................................................. 178 3. La distinction clubs/villes....................................................................................................... 179 B - Le choix des Coupes européennes............................................................................................. 182 1. La création des Coupes d’Europe........................................................................................... 182 2. La réforme des Coupes d’Europe ........................................................................................... 183 3. Présentation des fédérations de l’UEFA................................................................................. 184 C - Les bornes temporelles.............................................................................................................. 187 Partie 3 Présence et performance des villes dans le football européen (1975-2005)..... 191 Chapitre V Présence et performance dans les championnats nationaux............................ 192 I Présentation générale des championnats ........................................................................................... 192 II La présence dans les championnats nationaux ................................................................................. 195 A - La taille du marché.................................................................................................................... 196 B - Le nombre de club(s) par ville .................................................................................................. 198 C - L’offre ....................................................................................................................................... 201 III La performance dans les championnats nationaux.......................................................................... 205 A - Les titres de champions............................................................................................................. 206 B - Le pourcentage de victoires....................................................................................................... 209 C - L’équilibre compétitif ............................................................................................................... 213 1. Les indices statistiques de l’équilibre compétitif.................................................................... 213 2. L’incertitude à l’issue d’une saison ........................................................................................ 215 3. L’incertitude sur l’attribution du titre..................................................................................... 217 Chapitre VI Présence et performance dans les Coupes d’Europe ...................................... 222 I La présence en Coupes d’Europe ...................................................................................................... 225 II La performance en Coupes d’Europe............................................................................................... 227 A - Le nombre de titres ................................................................................................................... 227 B - Le nombre de points.................................................................................................................. 230 III La particularité de la Ligue des champions..................................................................................... 233 Conclusion de la partie 3 : une Europe à plusieurs vitesses................................................................. 237 363/368 Tables Partie 4 Discussion : une (r)évolution silencieuse.......................................................... 243 Chapitre VII Aspects politiques : la (r)évolution est en marche ?....................................... 245 I Des intérêts divergents, source de conflits potentiels.........................................................................245 A - Le lobbying du G14...................................................................................................................245 B - L’affaire Oulmers : le G14 attaque la FIFA...............................................................................247 C - L’élection de Platini à la tête de l’UEFA : une riposte ?............................................................248 II Le droit du plus fort et la raison du plus faible .................................................................................251 III Un choix politique ...........................................................................................................................252 A - D’Amsterdam à Nice : la reconnaissance d’une spécificité.......................................................252 B - L’accord transfert de 2001 .........................................................................................................254 C - Le sport professionnel dans le marché : des conceptions divergentes par rapports interposés ..257 D - Le livre blanc sur le sport : l’affirmation du droit commun sur la sphère sportive....................260 Chapitre VIII Aspects géographiques : la (r)évolution est en marche ! ............................. 262 I La fusion de clubs : limitation de la concurrence locale ....................................................................262 II Les délocalisations en Europe...........................................................................................................265 A - La délocalisation du spectacle ...................................................................................................265 B - Les franchises espagnoles : une délocalisation du droit de participation...................................265 C - La délocalisation des équipes.....................................................................................................267 1. Pau-Orthez : une relocalisation nécessaire..............................................................................267 2. Wimbledon FC : une délocalisation sur critère économique...................................................268 III Les tentatives de ligues fermées en Europe .....................................................................................269 A - La NFL Europe : un modèle américain pour un sport américain...............................................269 B - Des ligues dissidentes en Europe...............................................................................................271 1. Le projet Media Partners.........................................................................................................272 2. Le projet de Ligue Atlantique .................................................................................................272 3. L’aboutissement de l’Euroligue en basket ..............................................................................274 Conclusion et perspectives ............................................................................................... 281 Bibliographie ........................................................................................................................................288 Annexes ................................................................................................................................................303 Table des cartes ....................................................................................................................................354 Table des tableaux ................................................................................................................................355 Table des figures ..................................................................................................................................357 Table des annexes.................................................................................................................................359 364/368 Fiche technique de la thèse : 368 pages, 11 992 paragraphes, 20 447 lignes, 125 392 mots 19 cartes (et 11 en annexes) 58 tableaux 61 figures Boris HELLEU (borishelleu@wanadoo.fr) UNIVERSITE DE ROUEN Thèse réalisée dans le cadre du CETAPS EA 3832 (Centre d’Etude des Transformations des Activités Physiques et Sportives) avec le concours de GEOSYSCOM (GEOgraphie des SYStèmes de COMmunication - IDEES CNRS 6228) et le soutien de Région Haute-Normandie par l’attribution d’une bourse doctorale. Résumé Régulation des ligues sportives professionnelles : une approche géographique le cas du football européen (1975-2005) Ce travail a pour objectif de répondre à la question suivante: dans quelle mesure le potentiel local des clubs de football professionnel est-il est un facteur de segmentation sportive? Positionnée dans le champ de la géographie et de l’économie du sport, cette recherche porte sur 18 championnats domestiques et sur les Coupes européennes de 1975 à 2005. L’analyse révèle que dans un contexte de croissance des enjeux financiers et de dérégulation de l’activité, les clubs des plus grandes villes renforcent leur position dominante aussi bien à l’échelle nationale que continentale. Le spectacle sportif résidant dans le maintien de l’incertitude du résultat, un tel constat soulève des enjeux de politiques : n’assiste t-on pas à une recomposition des solidarités qui pourrait se concrétiser par la mise en place d’une ligue fermée sur le modèle nord-américain ? Mots clés : football, organisation des ligues sportives, potentiel local, équilibre compétitif, régulation, géographie et économie du sport. Abstract Regulation of the professional sports leagues: A geographical approach the case of the European football (1975-2005) The purpose of this study is to answer the following question: to what extent does the market of the professional football clubs trigger a lack of competitive balance? Based on a crossed view between the geography of sports and the sport economics, this research deals with 18 domestic leagues and the European Cups from 1975 to 2005. The results show that, in a context of commercialisation and deregulation of the activity, most of the big market teams strengthen their dominant position on a national as well as on a continental scale. Since sport experience is associated to the preservation of the uncertainty of outcome, such a report raises political issues: Does this phenomenon correspond to a reorganization of the parity which could lead to the creation of a closed league based on the North American model? Key words : football, sports leagues organization, démographic criteria, competitive balance, regulation, géography of sport, sports economics. Boris HELLEU UNIVERSITE DE ROUEN Thèse réalisée dans le cadre du CETAPS EA 3832 (Centre d’Etude des Transformations des Activités Physiques et Sportives) avec le concours de GEOSYSCOM (GEOgraphie des SYStèmes de COMmunication - IDEES CNRS 6228) et le soutien de Région Haute-Normandie par l’attribution d’une bourse doctorale.