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Cette édition
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Larousse en 2001 ;
du CNL.
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Larousse dans le cadre d’une collaboration
BnF pour la bibliothèque
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Gallica.
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*Titre : *Dictionnaire de la musique ([Nouvelle éd.]) / Larousse ; sous
la direction de Marc Vignal
*Auteur : *Larousse
*Éditeur : *Larousse (Paris)
*Date d'édition : *2005
*Contributeur : *Vignal, Marc (1933-....). Directeur de publication
*Sujet : *Musique -- Dictionnaires
*Type : *monographie imprimée
*Langue : * Français
*Format : *1 vol. (923 p.-160 p. de pl.) : ill. en noir et en coul.,
couv. et jaquette ill. en coul. ; 29 cm
*Format : *application/pdf
*Droits : *domaine public
*Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200510r </ark:/12148/bpt6k1200510r>
*Identifiant : *ISBN 2035055458
*Source : *Larousse, 2012-129497
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40090332s
*Provenance : *bnf.fr
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Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 2001 ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.
Cette édition numérique a été spécialement recomposée par
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
Responsable éditoriale
Dominique Wahiche
Édition
Marie-Claude Khodakov
Lecture-Correction
Service de lecture-correction Larousse-Bordas/HER
Iconographie
Viviane Seroussi
Mise en page des hors-texte
Katy Lhaïk
Mise en page du corpus
Dominique Chapon
Fabrication
Nicolas Perrier
Réalisation de la présente édition
Gilbert Labrune
© Larousse/HER 1999 pour la précédente édition.
© Larousse/VUEF 2001 pour la présente édition.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque
procédé que ce soit,
du texte et/ou de la nomenclature contenus dans le présent ouvrage, et
qui sont la propriété de
l’Éditeur est strictement interdite.
Distributeur exclusif au Canada : Messageries ADP, 1751 Richardson,
Montréal (Québec).
ISBN 2-03-511 354 7
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
Préface
Le Dictionnaire de la musique présente des informations et des analyses
sur la musique et les musiciens de
tous les temps à travers environ 5 000 articles classés par ordre
alphabétique. Il s’agit d’une refonte et d’une
actualisation du Larousse de la musique paru pour la première fois en
1982 en deux volumes et plusieurs fois
réimprimé depuis sous une forme abrégée, éditée sous le titre
Dictionnaire de la musique en un volume.
Le domaine de ce Dictionnaire de la musique s’étend, en ce qui concerne
l’Occident, des origines à l’époque
contemporaine. Les expressions « savantes », en particulier pour l’art
occidental, ont tout naturellement fait
l’objet de notices, mais les expressions des arts dits « populaires » ou
« traditionnels » n’ont pas été délaissées
pour autant. Par ailleurs, une place non négligeable a été réservée à la
musique contemporaine et aux nouvelles technologies, envisagées jusque dans leurs manifestations les
plus récentes, et, ici encore, d’un point de
vue international.
Ainsi défini dans le temps et dans l’espace, le Dictionnaire de la
musique est organisé selon plusieurs
rubriques.
Compositeurs.
Comme dans tous les dictionnaires traditionnels, figurent ici des
articles consacrés aux compositeurs connus par
leur nom, de Pérotin et Guillaume de Machaut à Brian Ferneyhough et à
Pascal Dusapin en passant par Dufay,
Lassus, Monteverdi, Mozart et Berlioz, pour n’en citer qu’un par siècle.
Les articles fournissent des informations
sur la carrière du compositeur, sur son style et ses oeuvres, et
précisent sa place dans l’histoire de la musique.
Chaque notice et l’importance qu’on lui a accordée a nécessairement fait
l’objet d’un choix, discutable comme
tous les choix. Disons, d’une part, que, pour la dimension des articles,
une place plus importante a été attribuée,
sauf exception, aux grands artistes à la célébrité incontestée ; et,
d’autre part, que, pour la présence ou non dans
le Dictionnaire de la musique de compositeurs d’importance très
secondaire, voire négligeable, préférence a
souvent été donnée à ceux dont on a toute chance d’entendre parler à
cause de leur place dans le sillage d’un
« grand ». Ainsi, Neukomm figure dans notre dictionnaire en tant
qu’élève de Haydn (également à cause du rôle
important qu’il joua dans l’introduction au Brésil de la musique
classique européenne). On n’a pas omis non plus
les compositeurs connus par une seule oeuvre, même si c’est pratiquement
aux effets du hasard qu’ils ont dû de
survivre (Addinsell, Ketelbey).
Historiens, musicologues et critiques.
Il a paru également nécessaire de faire connaître au lecteur les grandes
personnalités qui ont écrit sur la musique,
que ce soit comme historiens (Adler, Burney), comme critiques ou comme
musicologues, spécialistes ou non d’un
compositeur ou d’une époque (Deutsch, Einstein, Landon, Mongrédien,
Pincherle, Spitta, Thayer), étant entendu
que très rares sont ceux qui se sont limités à l’une ou l’autre de ces
activités.
Éditeurs, facteurs d’instruments.
Bénéficient aussi d’articles spéciaux des personnalités ayant oeuvré
pour que des partitions musicales puissent
être exécutées, par exemple comme éditeurs (Artaria, Breitkopf, Durand),
ou encore comme facteurs d’instruments (Amati, Broadwood, Érard, Stradivari).
Écoles et tendances.
Artistes et oeuvres sont replacés dans leur cadre historique ou
esthétique grâce à des articles de synthèse, souvent
très développés, consacrés notamment à des grandes périodes (baroque,
romantisme), à des tendances esthétiques (expressionnisme, minimalisme, Vienne [école de]), à des cénacles
(groupe des Six), voire à des mécènes
(Esterházy). D’autres notices traitent des rapports entre la musique et
les différents moyens d’expression (ballet
[musique de], film [musique de]).
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Formes et genres.
Des articles de synthèse, eux aussi souvent très développés, concernent
l’évolution dans le temps et selon les pays
des formes et des genres (cantate, concerto, fugue, opéra, quatuor à
cordes, sonate, symphonie) ainsi que des
catégories (musique de chambre).
Technique, métier et nouvelles technologies.
D’autres notices encore, à caractère parfois plus technique, tentent de
mieux cerner les éléments proprement
dits du métier de musicien, qu’il s’agisse des instruments dont celui-ci
dispose (clavecin, orchestre, orgue, piano,
violon, voix) et de leur technique de jeu (interprétation), d’éléments
de vocabulaire, de langage ou de pensée
(atonalité, contrepoint, croche, dodécaphonique [musique],
électroacoustique [musique], harmonie, intervalle,
rythme, timbre) ou encore de moyens liés aux nouvelles technologies
(composition musicale assistée par ordinateur, compresseur/expanseur/limiteur, échantillonneur, informatique
musicale).
Institutions.
La vie musicale se déroule grâce à divers supports institutionnels qui,
eux aussi, font l’objet d’articles, qu’il s’agisse
de salles de spectacle ou d’Opéras (Bolchoï, Carnegie Hall, Covent
Garden), d’entreprises de concerts (Concert
spirituel, Domaine musical), d’orchestres et de formations
instrumentales ou vocales (Cleveland [Orchestre
de], Ensemble InterContemporain, Paris [Orchestre de]), de festivals
(Ars Musica, Berlin [Festival de], Festival de
musique ancienne d’Utrecht) ou bien d’associations, d’établissements
artistiques ou administratifs plus ou moins
spécialisés (Cité de la musique, I.R.C.A.M., ProQuartet).
Auteurs.
Une vaste équipe de près de 90 personnalités, choisies parmi les plus
autorisées du monde universitaire, de la
musicologie et de la critique, a participé à la réalisation de cette
entreprise. Cette équipe a eu pour dessein de fournir une information objective et sûre, tenant compte des recherches les
plus récentes. Il est bien évident qu’une
totale liberté d’appréciation et d’interprétation a été laissée à chacun
des spécialistes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
Collaborateurs
Josette Aubry
Mari-Danielle Audbourg-Popin
Maria-Madalena de Azeredo
Perdigão
† Pierre Balscheff
Pierre-Emile Barbier
Philippe Beaussant
Marie-Claire Beltrando-Patier
Dominique Bosseur
Jean-Yves Bosseur
† André Boucourechliev
† Jacques Bourgeois
Camille Bourniquel
Agnès de Boysson
† Nanie Bridgman
Hélène Bruce
Remy Campos
Roland de Candé
Gilles Cantagrel
Costin Cazaban
Jean-Claude Ch. Chabrier
† Jacques Chailley
Janine Chatignion
Michel Chion
Nathalie Combase
Gérard Condé
Pascal Contet
† Alain Daniélou
Roger Delage
Pierre Dumoulin
Jean Dupart
Sylviane Falcinelli
Henri-Claude Fantapié
Joël-Marie Fauquet
Alain Féron
Madeleine Gagnard
Jean Gallois
André Gauthier
Yann Geslin
Philippe Godefroi
† Antoine Goléa
Hélène Hachard
Dominique Hausfater
† Colette Herzog
Pascal Huynh
Dominique Jameux
† Gustave Kars
René Koering
Jean-François Labie
François Lafon
Jérôme de La Gorce
Frédéric de La Grandville
Henry-Louis de La Grange
† Paul-Gilbert Langevin
Marie-Claire Le Moigne-Mussat
André Lischke
Emmanuelle Loubet
Jean-Jacques Maltret
Roland Mancini
Guy Maneveau
Gérard Mannoni
Patrick Marcland
Harry Margaritis
Marcel Marnat
Jean-Christophe Marti
Christian Meyer
Denis Morrier
Michel Noiray
Anna Penesco
Mihnea Penesco
Alain Périer
† Michel M. Philippot
Hélène Pierrakos
Alain Poirier
Frédéric Robert
Jacques Rouchouse
Jean-Jacques Rouveroux
Jean Roy
Marie-Louise Sasia
† Pierre Schaeffer
Jérôme Spycket
Ivanka Stoianova
Patrick Szersnovicz
Akira Tamba
Maurice Tassart
Roger Tellart
Jean Terrayre
Robert Trocoire
Pierre Vidal
Marc Vignal
Marcel Weiss
Charles Whitfield
† Stéphane Wolff
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A
A.
1. Lettre par laquelle fut désignée la note
la dans la notation musicale du Moyen
Âge. Elle indique toujours le la dans les
pays de langue anglaise ou de langue allemande, où les syllabes de Gui d’Arezzo ne
sont pas adoptées. Voici, dans trois langues, l’appellation des altérations de cette
note :
français
anglais
allemand
la dièse
A sharp
Ais
la double
dièse
A double
sharp
Aisis
la bémol
A flat
As
la double
bémol
A double
flat
Asas
2. Abréviation d’alto (altus).
AARON ou ARON (Pietro), théoricien
italien de la musique (Florence v. 1489 Venise 1545).
Frère de l’ordre de Malte, il vécut à Imola,
où il fut maître de chapelle, puis à Rimini,
Venise, Padoue, Bergame, avant de s’établir définitivement à Venise. Ses écrits - en
particulier Thoscanello de la musica (1523)
et Lucidario in musica (1545) - témoignent
d’une sensibilité étonnamment moderne
dans le domaine de l’harmonie. En pleine
époque polyphonique, Aaron critiqua la
règle de composition par voix successives
et traita des accords en pensant la musique
« verticalement » et en s’intéressant aux
dissonances.
Il se pencha aussi sur le tempérament
des instruments à clavier. Pour une meilleure compréhension et une plus vaste
diffusion de ses traités, il rédigea ceux-ci
non en latin, comme il était d’usage, mais
en italien.
A. B. A.
Forme musicale en trois sections, où la
troisième est une répétition plus ou moins
variée de la première, la deuxième faisant
contraste.
ABAT-SON.
Ensemble de lames en bois recouvertes de
plomb ou d’ardoises, se trouvant à l’inté-
rieur des baies des clochers, et dont l’inclinaison renvoie le son des cloches vers le
sol.
A BATTUTA.
Expression italienne signifiant « en mesure », « avec la mesure », et indiquant
qu’après un passage joué librement (« ad
libitum »), par exemple une cadence ou un
récitatif, on doit revenir à une « battue »
(à une observation de la mesure) stricte
et régulière.
( ! BATTUTA.)
ABBADO (Claudio), pianiste et chef d’orchestre italien (Milan 1933).
Il est issu d’une famille de musiciens. Son
père était violoniste, son frère Marcello
(Milan 1926) est pianiste et compositeur. Claudio Abbado a fait ses études au
conservatoire de Milan, mais a aussi été
l’élève de Hans Swarowsky à Vienne, pour
la direction d’orchestre. Il a été directeur
de l’orchestre symphonique de la Scala
de Milan et chef principal de l’Orchestre
symphonique de Londres. Son répertoire
est très vaste et la musique contemporaine
y tient une place importante. Ses interprétations de Brahms, Tchaïkovski et Mahler,
de Rossini et Verdi sont particulièrement
renommées. Il a dirigé de 1986 à 1990
l’Opéra de Vienne, et fondé dans cette
ville, en 1986, l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler. En 1989, il a succédé à Karajan
à la tête de la Philharmonie de Berlin. En
1995, son contrat a été prolongé jusqu’en
l’an 2002.
ABBATINI (Antonio Maria), compositeur
italien (Città di Castello, province de Pérouse, v. 1609 - id. 1677).
Il fut maître de chapelle de plusieurs
églises de Rome. Ses nombreuses pièces de
musique sacrée sont d’une écriture complexe, virtuose, à plusieurs choeurs.
En collaboration avec Marco Marazzoli,
il écrivit un ouvrage lyrique, Dal Male il
bene (créé à Rome en 1654), que l’on peut
considérer comme l’un des premiers opéras-comiques. Les récitatifs annonçant
le futur recitativo secco, l’importance des
finales d’actes ouvrent l’avenir. Abbatini
collabora aussi à plusieurs ouvrages théoriques.
ABBEY, famille de facteurs d’orgues
d’origine anglaise, établie en France.
Ses membres - John (1785-1859), son fils
John Albert (1843-1930) et son petit-fils
John Mary (1886-1931) - exercèrent leur
métier un siècle durant, ils construisirent
quelque cinq cents instruments, en France
et à l’étranger. De facture romantique,
puis symphonique, ceux-ci sont réalisés
avec grand soin ; les Abbey ont été les premiers à adopter la machine pneumatique
de Barker. L’orgue de la cathédrale de
Châlons-sur-Marne est considéré comme
le chef-d’oeuvre de John Albert Abbey.
ABBIATE (Louis), compositeur monégasque (Monaco 1866 - Vence 1933).
Il se forma aux conservatoires de Turin
et de Paris, étudiant en particulier dans
ce dernier établissement le violoncelle
avec Franchomme. Il fut violoncelle solo
à l’Opéra de Monte-Carlo, à la Salle Favart à Paris et à la Scala de Milan sous la
direction de Toscanini, et, en 1911, prit
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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la direction d’une classe de violoncelle au
conservatoire de Saint-Pétersbourg où il
resta jusqu’en 1920. Il fut ensuite directeur
de l’Académie de musique de Monaco.
Ses instruments de prédilection étaient
le piano et le violoncelle. Sa production
abondante, d’un lyrisme généreux, comprend notamment : huit sonates pour
piano (no 3, op. 34 Élégiaque ; no 4, op. 47
Quasi sonatine ; no 5, op. 64 1914 ; no 7, op.
74 De profondis ; no 8, op. 79 Liturgique) ;
deux sonates pour violoncelle et piano, op.
12 (1890) et op. 39 (1920), deux quatuors
à cordes, un concerto pour violoncelle qui
subit un échec aux Concerts Lamoureux
en 1898, une symphonie en ré majeur ; le
poème symphonique pour violon et orchestre la Voix du luthier de Crémone et,
pour piano et orchestre, le Concerto italien
op. 96 (Prague, 1922) ainsi que la fantaisie
Monaecensis op. 110 (1925), en forme de
thème varié.
ABEL (Karl Friedrich), gambiste, claveciniste et compositeur allemand (Köthen,
Saxe, 1723 Londres 1787).
Élève de Johann Sebastian Bach à l’école
Saint-Thomas à Leipzig, il entra au service de la cour de Dresde, puis partit à
Londres, où, de 1765 à 1781, il fut l’associé
de Johann Christian Bach pour l’organisation de concerts d’abonnement (concerts
Bach-Abel). Abel fut le dernier grand
virtuose de la viole de gambe. Comme
compositeur, il écrivit, dans le style de
l’école de Mannheim, des symphonies, des
concertos, une symphonie concertante
ainsi que de très nombreuses sonates,
dont une trentaine pour la viole de gambe.
ABÉLARD ou ABAILARD (Pierre), philosophe, poète et musicien français (Le
Pallet, près de Nantes, 1079 - abbaye de
Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône,
1142).
Il doit sa renommée à ses amours célèbres
avec Héloïse. Ses chants d’amour sont
perdus, mais il a laissé des hymnes, six
planctus notés en neumes et conservés à la
bibliothèque Vaticane.
ABELL (John), compositeur, chanteur (falsettiste) et luthiste anglais (?,
Aberdeenshire, 1650 - Cambridge 1724).
Protégé par Charles II, il fit partie de la
Chapelle royale d’Angleterre (1679-1688).
Chassé au moment de la révolution de
1688, il séjourna notamment en Allemagne (1698-99). Il a composé des airs
pour voix et luth, et publié des recueils
de chants de divers auteurs, en plusieurs
langues.
ABENDMUSIK (all. : « musique du soir »).
Ce terme désigna, aux XVIIe et
XVIIIe siècles, des exécutions en concert
de musique sacrée, ou inspirée par le
sacré, qui se déroulaient régulièrement
à la Marienkirche de Lübeck. Établie par
les talentueux organistes successivement
titulaires dans cette église (notamment
Franz Tunder), la tradition des Abendmusiken s’était maintenue grâce au soutien
pécuniaire des riches bourgeois venus à
Lübeck traiter leurs affaires en Bourse ;
les concerts eurent d’ailleurs lieu à l’origine le jeudi soir, jour des cotations en
Bourse, avant d’être fixés au dimanche. À
partir de 1673, l’institution prit une importance grandissante, en particulier en
période liturgique d’avent, sous l’impulsion de Buxtehude, qui, pour elle, composa plus de deux cents pièces instrumen-
tales et vocales. En vue de la réalisation
de ces dernières, des ecclésiastiques, des
médecins confectionnaient des livrets sur
des thèmes tirés de l’Ancien Testament.
Les Abendmusiken, qui se poursuivirent
jusque vers 1810, annoncèrent l’exécution
des oratorios dans les églises.
ABENDROTH (Hermann), chef d’orchestre allemand (Francfort-sur-le-Main
1883 - Iéna 1956).
Élève de Ludwig Thuille (théorie) et de
Felix Mottl (direction d’orchestre), il commença sa carrière à Munich et à Lübeck,
et, de 1914 à 1934, dirigea le conservatoire
de Cologne ainsi que les concerts du Gürzenich dans cette ville. En 1934, il succéda
à Bruno Walter à la tête du Gewandhaus
de Leipzig, poste qu’il conserva jusqu’en
1945. Il fut ensuite directeur du Théâtre
national de Weimar (1945-1949) et chef
de l’orchestre de la radio de Leipzig (19491956). De 1953 à 1956, il dirigea également l’orchestre symphonique de la radio
de Berlin-Est. Il a admirablement servi la
grande tradition symphonique allemande
de Haydn à Bruckner et à Brahms.
ABERT (Anna Amalia), musicologue allemande (Halle 1906 - Kiel 1996).
Fille de Hermann Abert, elle s’est spécialement consacrée aux problèmes de l’opéra,
et en particulier à Gluck.
ABERT (Hermann), musicologue allemand (Stuttgart 1871 - id. 1927).
Professeur à l’université de Leipzig (1920)
puis de Berlin (1923), il a publié une version refondue et élargie de la biographie
de Mozart par Otto Jahn. Il s’agit en réalité
d’un ouvrage par beaucoup d’aspects tout
nouveau, pouvant être considéré comme
le plus important paru sur ce compositeur
au XXe siècle (Mozart, 1919-1921).
ABRAHAM (Paul), compositeur hongrois (Apatin 1892 - Hambourg 1960).
Il a tenté de moderniser l’opérette de tradition hongaro-viennoise en y introduisant des éléments de jazz. Victoria et son
hussard (1930), Fleur de Hawaii (1931) et
le Bal du Savoy (1932) ont connu une certaine popularité.
ABRÉGÉ.
Élément essentiel de la mécanique de
l’orgue, l’abrégé est un dispositif de transmission intermédiaire entre les claviers et
les soupapes des sommiers.
Son but premier est d’espacer en largeur les commandes issues en disposition
serrée des touches des claviers, de façon à
tenir compte de l’écartement des soupapes
dû à la largeur des tuyaux. Il consiste en
une série de rouleaux ou de barres mobiles
autour de leur axe, fixés à une table verticale. Les rouleaux sont reliés à l’une de
leurs extrémités aux touches des claviers ;
à l’autre, aux soupapes, par l’intermédiaire
de vergettes. Grâce à l’abrégé, le facteur
d’orgues peut distribuer les commandes
de l’exécutant à des tuyaux disposés en
des emplacements éloignés des claviers, et
dans un ordre différent de celui des notes.
On désigne également par « abrégé » une
pièce de la mécanique des carillons, intermédiaire entre les touches et les battants
de cloches.
ABRÉVIATION.
Depuis le XVIIe siècle au moins, le nombre
de signes que requiert la moindre notation musicale complète a poussé les notateurs à simplifier chaque fois que possible
leur graphisme au moyen d’abréviations
diverses. Certaines, non codifiables, sont
de simples suggestions graphiques que
copistes ou imprimeurs développent
ensuite ; il en est d’autres qui sont au
contraire passées dans l’usage au point
de faire partie de la notation codifiée ellemême. On relève surtout parmi elles :
- des signes de répétition, très nombreux, parmi lesquels certains, comme
l’arpeggio, ont en musique ancienne
une forme graphique qu’on ne doit pas
confondre avec des graphismes actuels
analogues de sens différent ;
- des indications de mouvements réguliers (batteries de notes répétées, glissandi,
gammes chromatiques, etc.) ;
- des signes d’octaviation ou de redoublement d’octaves au moyen du chiffre 8
ou de ses dérivés (8a ou 8va = octava) ;
- les signes de nuance, normalement
écrits en abrégé (piano = p, crescendo =
cresc., etc.) ;
- les signes d’agrément (trilles, grupetti, etc.) qui donnent lieu, surtout au
XVIIIe siècle, à toute une séméiographie
raffinée et complexe, souvent variable
d’un auteur à l’autre ;
- diverses conventions permettant
d’économiser le nombre d’altérations
écrites (non-répétition des altérations
avant la barre de mesure, armatures, etc.) ;
- diverses indications sommaires d’orchestration dont le développement est
laissé aux soins du copiste (ex. sur une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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portée de flûte on lira col violini, « avec
les violons »). Ce genre d’indications, peu
prisé aujourd’hui, était au contraire très
usuel dans les partitions anciennes, souvent réduites au rôle de simple schéma ;
- le remplacement des accords par des
chiffres conventionnels placés sur ou sous
la basse, et qu’il appartient au lecteur de
développer ; ce système, dit basse chiffrée,
a été très courant du XVIIe au milieu du
XVIIIe siècle ; il n’est plus guère employé
aujourd’hui que dans les brouillons de
compositeurs et les exercices scolaires ;
- les appels à l’improvisation de l’interprète, auquel le compositeur se borne à
fournir un schéma de départ (cadenza, a
piacere, etc.).
On notera que l’italien étant devenu en
quelque sorte la langue officielle de la musique du XVIIe au milieu du XIXe siècle, au
moins, la plupart des abréviations à partir
d’expressions verbales se réfèrent à cette
langue.
ABSIL (Jean), compositeur belge (Peruwelz, Hainaut, 1893 - Bruxelles 1974).
Après avoir été élève au conservatoire
de Bruxelles, il y devint professeur en
1931. Cofondateur de la Revue internationale de musique à Bruxelles, il a publié des
livres didactiques.
Son oeuvre de compositeur, dans une
écriture polytonale mais respectueuse des
grandes formes traditionnelles, comprend
des oeuvres instrumentales (musique pour
piano, musique de chambre, 5 symphonies, 1 poème symphonique, 1 symphonie
concertante, 1 concerto pour piano), de la
musique vocale (mélodies et choeurs), de
la musique de théâtre (opéras et comédie
lyrique).
ACADÉMIE.
Ce nom, qui avait été celui de l’école de
Platon, fut repris au milieu du XVe siècle,
à Florence, par une société d’humanistes
réunis à la cour de Laurent de Médicis,
puis par d’autres groupes semblables,
à Florence même, à Naples, à Rome, à
Bologne où quatre académies devaient
demeurer jusqu’au XVIIIe siècle. Leur rôle
dans l’évolution de la littérature et des arts
fut capital. La plus célèbre fut la Camerata du comte Bardi, à Florence ; de ses
travaux de réflexion, des expériences qui
s’y déroulèrent naquit l’opéra. En France,
le premier des creusets de cette sorte fut
l’Académie de poésie et de musique fondée en 1570 par A. de Baïf et Th. de Courville, où se forgèrent les principes de la
musique mesurée à l’antique. Par la suite,
le terme d’académie évolua et prit différents sens.
Il put désigner, notamment en France,
des institutions officielles suscitées par les
gouvernements : l’Académie française,
l’Académie des sciences, mais aussi l’Académie des beaux-arts, ainsi baptisée lors
du remaniement, en 1816, d’un organisme
fondé en 1795 ; elle compte six sections,
dont celle de musique, formée de sept
membres.
Ce terme s’appliqua aussi à des théâtres
d’opéra et de concert. Le privilège de
l’Académie royale de musique fut créé en
1669 et attribué à Perrin. Lully en prit possession en 1672. L’Opéra de Paris, dont
l’appellation officielle est encore « Académie nationale de musique et de danse »,
est le descendant direct de l’Académie
royale qui, par l’intermédiaire d’une école
de chant dramatique, est également à l’origine du Conservatoire. D’autres académies furent créées en province vers 1650
et demeurèrent jusqu’en 1789.
Dans les pays germaniques, le mot fut
choisi principalement pour désigner des
sociétés organisatrices de concerts, voire
ces concerts eux-mêmes (« académies »
données par Mozart à Vienne). En Angle-
terre, une Academy of Ancient Music fut
fondée à Londres, en 1710. Son but était
de faire revivre le répertoire de madrigaux
du XVIe siècle, ainsi que les oeuvres de
maîtres antérieurs ; une telle initiative est
tout à fait exceptionnelle pour l’époque.
Le titre d’Academy of Ancient Music a été
repris récemment par une des formations
anglaises les plus appréciées dans l’interprétation de la musique ancienne ; elle est
animée par Christopher Hogwood.
Enfin, certaines académies ayant
patronné, au XVIIIe siècle, des écoles de
musique pour enfants, le terme en est
venu à désigner des établissements d’enseignement, et plus spécialement, à partir
du XIXe siècle, d’enseignement supérieur
(Berlin, Londres, ou l’Académie de SainteCécile à Rome).
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
Nom porté lors de sa fondation par ce qui
était en fait l’Opéra de Paris. Le privilège
en fut accordé le 26 juin 1669 par Louis
XIV à l’abbé Perrin (v. 1620 - 1675), poète
et librettiste, et au compositeur Robert
Cambert (v. 1627 - 1677). Ils donnèrent
des « académies d’opéra », mais, malgré le
succès de leur Pomone (1671), l’entreprise
fit faillite (Perrin se retrouva en prison
pour dettes) et le privilège fut racheté par
Lully en mars 1672.
ACADEMY OF SAINT MARTIN IN THE
FIELDS.
Ensemble fondé en 1959 par Neville Marriner pour donner des concerts de midi
dans l’église londonienne dont il porte le
nom.
Au cours des années, son activité s’est
considérablement développée, et il est
devenu l’un des orchestres de chambre
les plus réputés du monde. Son répertoire va de la musique baroque italienne
aux oeuvres les plus modernes. En 1975,
Marriner en transmit la direction à Iona
Brown, qui en resta néanmoins premier
violon. À cette même date, l’Academy
s’est adjoint un choeur dirigé par Laszlo
Heltay.
A CAPPELLA ou A CAPELLA.
Cette locution désignait à l’origine les
compositions polyphoniques religieuses
exécutées dans les églises « comme à la
chapelle ». L’expression était liée à un
style d’écriture bien défini, généralement
de rythme binaire alla breve ( , employé
autrefois notamment dans la messe et le
motet. Par extension, on en est venu, à
partir du XIXe siècle, à appeler ainsi toute
musique vocale privée d’un soutien instrumental.
ACCARDO (Salvatore), violoniste italien
(Turin 1941).
Diplômé du conservatoire San Pietro a
Majella de Naples (1954), Accardo a fréquenté l’Académie d’été de Sienne (19541959) et remporté plusieurs concours
internationaux, notamment le concours
Paganini de Gênes (1958), avant d’entreprendre une carrière de soliste. Il a été
le premier violon de l’ensemble I Musici
(1968-1971), et a fondé, en 1970, un festival de musique de chambre à Naples.
C’est un musicien à la technique exceptionnelle et au style rigoureux. Nommé en
1994 chef permanent de l’orchestre du San
Carlo de Naples, il a enregistré l’intégrale
des concertos de Paganini.
ACCELERANDO (ital. : « en accélérant »).
Indication prescrivant une accélération
progressive du mouvement à un moment
donné de l’exécution musicale.
ACCENT.
Signe musical indiquant l’intensification
conférée à un son, afin d’obtenir un relief
rythmique ou expressif particulier par
rapport aux autres sons d’une ligne mélodique.
L’accent est indiqué au moment même
de l’effet à obtenir, le signe correspondant
étant placé au-dessus ou au-dessous de la
note, selon le sens de la hampe. Plusieurs
signes peuvent marquer l’accent : signifie que la note doit être particulièrement
soutenue, intense ; signifie une attaque
forte suivie d’un decrescendo ; ou , une
attaque vibrante et décidée, sans aucune
atténuation ; sf (sforzando), une attaque
renforcée ; fp, une attaque forte suivie d’un
piano subit.
ACCENTUS.
Dans la pratique liturgique romaine, c’est
le chant du célébrant, auquel répondent le
choeur ou les solistes à l’unisson, appelés
concentus. Dans le chant grégorien, l’accentus est presque continuellement une
récitation sur une seule note, avec une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ponctuation à certains endroits, un accent
aigu étant placé au-dessus de la voyelle accentuée. Par opposition, le concentus désigne aussi un type de chant mélismatique
utilisé pour les alleluias et les graduels.
ACCIACATURA (ital. acciacare : « écraser », « piler »).
Agrément, appoggiature brève particulière aux instruments à clavier.
La petite note barrée et la note réelle
sont frappées simultanément, la première
étant relâchée tout de suite. L’acciacatura
est généralement un demi-ton en dessous de la note qui suit. L’effet produit est
celui d’un écrasement, d’une dissonance
qui était frappante pour les oreilles du
XVIIIe siècle. D. Scarlatti en a fait grand
usage dans ses Essercizi per gravicembalo.
Dans la musique française pour clavier de
la même époque, acciacatura a pour synonyme « pincé étouffé ».
ACCIDENT.
Signe de notation qui indique qu’une note
doit être altérée (élevée ou abaissée), car
elle est étrangère à la tonalité indiquée par
l’armure de la clef.
Ces signes d’altération sont : le dièse
et le double dièse, le bémol et le double
bémol, le bécarre et le double bécarre.
L’accident est placé devant la première des
notes qu’il altère et, de nos jours, le pouvoir d’un tel signe reste en vigueur pour
la durée d’une mesure. Dans la musique
ancienne, l’accident ne concernait que la
note devant laquelle il était placé mais,
avant la seconde moitié du XVIe siècle,
les altérations n’étaient pas souvent indiquées ; les interprètes les ajoutaient automatiquement lors de l’exécution.
ACCOLADE.
Signe réunissant plusieurs portées qui
doivent être jouées simultanément.
Cet ensemble s’appelle également
système.
ACCOMPAGNEMENT.
Ensemble des éléments vocaux et instrumentaux qui, subordonnés à la partie
principale, lui donnent son relief, sa puissance expressive, sa vitalité rythmique, la
signification de son déroulement, enfin
son contenu harmonique.
Il peut être exclusivement ou tout à
la fois rythmique et harmonique, avoir
ou non un déroulement musical propre,
n’être qu’un cadre dans lequel la partie
principale se meut librement, ou encore
un soutien expressif assez développé pour
lui permettre d’acquérir une place prédominante ; il peut être constitué de simples
accords ou ponctuations soutenant le
« chant » instrumental ou vocal ; il peut
être également le prélude et le prolongement de ce chant (lieder de Schubert,
Schumann). L’accompagnement peut être
soit noté, soit improvisé. Il est improvisé,
par exemple, dans la chanson populaire,
la chanson de variétés, et l’était autrefois
dans la musique savante où la basse chiffrée était réalisée à vue par l’interprète
(orgue, clavecin, etc.).
ACCORD.
1. Ensemble de sons entendus simultanément et pouvant donner lieu à une perception globale identifiable comme telle.
À défaut d’une identification de ce genre,
on n’a plus un accord, mais un agrégat
(ou une agrégation) : par exemple un
ensemble de sons formé des notes do, mi,
sol, quelles qu’en soient les dispositions
ou répétitions, est un accord du fait que
l’on ne perçoit pas isolément chaque do,
mi ou sol, mais la sonorité globale que ces
notes forment ensemble, et que l’on identifie en une perception globale d’« accord
parfait ». En revanche, un ensemble do, fa
dièse, la bémol, ré bémol, ne se rattachant
à aucune sonorité d’ensemble identifiable
comme telle, n’est pas un accord, mais un
agrégat.
Les accords avaient été classés au
XVIIIe siècle selon la conception de
l’époque en consonants (accord parfait
avec ses renversements, accord de quinte
diminuée) et dissonants (accords de sep-
tième, et plus tard de neuvième). L’évolution de la notion de consonance a rendu
cette classification caduque, mais elle n’en
est pas moins restée en usage jusqu’à nos
jours dans de nombreux traités.
Le nombre des accords possibles est
considérable. Jusqu’au XXe siècle, ils dérivaient tous des accords naturels, qui reproduisent, parfois avec une légère approximation acceptée par la « tolérance », un
fragment plus ou moins étendu du tableau
des harmoniques. Les accords analogiques
transportent les précédents sur les divers
degrés de la gamme en modifiant leurs
intervalles en fonction de cette gamme.
Dans les accords altérés, une ou plusieurs
notes sont mélodiquement déplacées sous
l’effet de l’attraction. Dans les accords de
notes étrangères, l’accord proprement dit
se voit modifié ou perturbé par l’intrusion de « notes étrangères », qui cependant n’en affectent pas la perception ; les
principaux sont : les accords appoggiaturés
(ou accords d’appoggiatures), dans lesquels
une ou plusieurs notes sont déplacées
au degré voisin, diatonique ou chromatique, formant une « appoggiature » qui
fait attendre son retour ou « résolution »
sur la « note réelle » de l’accord (l’accord
célèbre dit « de Tristan » est un accord
d’appoggiature) ; les accords de broderies,
dans lesquels un ou plusieurs sons, parfois même tous, résultent d’un glissement
au degré voisin des sons correspondants
de l’accord précédent, auquel on revient
ensuite. On note encore des accords d’extension, dans lesquels à l’accord proprement dit s’ajoutent des notes accessoires
qui se fondent avec lui pour en enrichir la
sonorité (l’un des plus fréquents est l’accord parfait à sixte ajoutée). La musique
moderne fabrique en outre des accords
artificiels ne se rattachant pas aux modèles
ci-dessus ; on cite : les accords par étagements d’intervalles (accords de quartes
dans la Kammersymphonie de Schönberg,
de quintes dans Daphnis et Chloé de Ravel,
de tierces chez Darius Milhaud) ; l’accord
de la gamme par tons entiers, très répandu
dans le debussysme, peut s’y rattacher,
mais peut aussi être considéré comme un
accord de treizième naturel amputé de sa
quinte juste ; l’accord mystique de Scriabine (do, fa dièse, si bémol, mi, la, ré) ; les
accords par superposition formés, souvent
de manière polytonale, par la superposition de deux accords indépendants (procédé très fréquent chez Stravinski à partir
du Sacre) ; les accords par consolidation de
notes étrangères lorsque celles-ci cessent
de faire attendre la résolution pour être
considérées comme notes réelles (par
exemple, l’accord à double appoggiature
chromatique familier à Ravel).
Les accords naturels sont formés des
notes correspondant aux sons 1 à x du
tableau des harmoniques, l’emplacement
de x sur ce tableau déterminant la nature
de l’accord : ils prennent le nom de l’intervalle formé avec la fondamentale ou
son octave par la dernière note impaire
utilisée dans le tableau : c’est ainsi qu’on
dit accord de quinte, de septième, de neuvième naturelle ; par exception, on ne dit
pas habituellement accord de tierce naturelle, mais accord parfait majeur (harmoniques 1 à 5). On peut y ajouter l’accord
de onzième et peut-être de treizième augmentée ; l’accord par tons entiers peut,
on l’a dit, se rattacher à ce dernier, étant
constitué des harmoniques 1 à 13, avec
suppression de la quinte juste. Les accords
analogiques prennent le nom de l’accord
naturel correspondant, accompagné de
qualificatifs qui en précisent la nature
(ex. : accord parfait mineur pour l’analogique à tierce mineure de l’accord parfait
majeur, accord de septième majeure pour
l’analogique de 1er degré en majeur, de
septième diminuée pour l’analogique de
7e degré du mineur harmonique, etc.). Il
en est de même de la plupart des autres accords (ex. : accord à quinte altérée, accord
avec sixte ajoutée, le mot « parfait » restant souvent sous-entendu). En outre, certains accords, employés dans un contexte
tonal défini, peuvent prendre un nom de
fonction se référant au degré sur lequel ils
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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se placent (ex. : accord de septième de dominante, de septième de sensible, etc.). Il
est inadmissible d’employer la nomenclature de fonction en raison de la sonorité
lorsqu’elle n’est pas justifiée comme telle ;
par exemple, on ne peut appeler septième
de dominante une septième naturelle ne
jouant pas le rôle de dominante.
Les accords sont dits à l’état fondamental quand leur note de basse est la fondamentale de l’accord naturel correspondant
ou l’une de ses octaves. Quand la note de
basse de l’accord est une autre note de
l’accord, celui-ci est dit renversé ou à l’état
de renversement (expression d’ailleurs fautive qui remonte à une erreur de Rameau
en 1732). La manière dont sont réparties
au-dessus de la note de basse les autres
notes de l’accord, répétées ou non, en
détermine la position ; l’état d’un accord
est un élément important de son analyse ;
par contre, sa position est, sauf cas particuliers, considérée comme sans influence
sur cette analyse.
Les accords dont le modèle naturel
aborde au moins l’harmonique 5 sans
dépasser l’harmonique 11 présentent
la particularité de pouvoir échelonner
leurs notes par tierces, ce qui a fait dire,
en une époque où l’on n’envisageait pas
d’autres accords que ceux entrant dans
cette catégorie, que l’étagement par tierces
pouvait être pris comme définition de la
notion d’accord elle-même. On reconnaît
aujourd’hui la fausseté de cette assertion,
bonne tout au plus à fournir en certains
cas un auxiliaire mnémotechnique de caractère pédagogique assez rudimentaire.
2. Action d’« accorder » un instrument,
c’est-à-dire d’en régler les parties sonores
de manière qu’elles soient conformes
au diapason choisi et aux intervalles en
usage : « Procéder à l’accord d’un piano. »
ACCORDÉON (all. Akkordeon,
monika, Klavier-harmonika,
monika ; angl. accordion ;
a manticino, fisarmonica ;
HandharZiehharit. armonico
russe Bayan).
TECHNIQUE.
Instrument portatif à vent, à anches métalliques libres accordées à hauteur tempérée
et fixées sur des plaquettes en aluminium.
Celles-ci sont soudées sur des sommiers
en bois à l’aide de cire d’abeille. Chaque
sommier compte autant d’alvéoles que de
plaquettes. Une plaquette correspond à
une note et contient deux anches libres de
dimension identique, produisant le même
son sur les accordéons chromatiques. Le
nombre de sommiers dépendra de la tessiture de l’accordéon et du nombre de voix
qu’il comprend. Il existe des accordéons à
une, deux, trois, quatre ou cinq voix. Les
variétés de pression et d’attaque du soufflet donnent à l’accordéon une dynamique
et une expressivité particulièrement
riches. Il existe deux types d’accordéons,
communément désignés « chromatique »
(même son en tirant ou en poussant) et
« diatonique » (un son en tirant, un autre
en poussant). Présent dans la plupart des
musiques traditionnelles des régions françaises, le diatonique colore aussi le riche
folklore des musiques du monde. Grâce à
la passion de virtuoses et à un répertoire
important, il a pu préserver son patrimoine traditionnel et atteindre depuis
plusieurs années un statut ethnologique
considérable.
L’accordéon chromatique peut comporter, au clavier main droite, jusqu’à cinq
rangées de boutons qui donnent toutes les
notes de la gamme chromatique. Le clavier main gauche comporte deux systèmes
dits basses standard et/ou basses chromatiques. Le système de basses standard (80
ou 120 basses) est utilisé principalement
dans le répertoire traditionnel. Il présente deux rangées de basses, et quatre
de « basses composées » fournissant des
accords préfabriqués parfaits majeurs,
mineurs, de septième de dominante et de
septième diminuée. Le système des basses
chromatiques est utilisé dans le répertoire
concertant. Il présente deux rangées de
basses (identiques au système de basses
standard, tessiture : mi 0 à ré 1) et quatre
rangées de boutons (une seule note par
bouton) disposées chromatiquement
comme sur le clavier droit. Les possibilités polyphoniques des deux claviers permettent d’exécuter des pièces complexes
à plusieurs voix, d’écriture tonale ou non.
Grâce à l’utilisation de registres, la tessiture de l’accordéon est égale à celle d’un
piano de concert. Le développement de
modes de jeux inédits (souffles, effets de
percussion, résultantes de sons, glissandi)
en fait un instrument de plus en plus
apprécié par les compositeurs. L’accordéon est doté d’une registration sophistiquée : 15 registres différents à droite et 6
à gauche pour les modèles professionnels
de concert, ainsi qu’un report judicieux de
7 principaux registres placés en haut de
l’accordéon près du menton (d’où l’appellation « mentonnière »).
Ces registres découlent d’un principe
de combinaisons élaborées à partir de
quatre possibilités de base de type organologique : registre 4ʹ (tessiture mi 3 à do
dièse 6), registres 8ʹ« caisse » et 8ʹ « hors
caisse » (mi 1 à sol 6), registre 16ʹ (mi 0 à
sol 5). La tessiture de base (8ʹ) du clavier
gauche s’étend de mi 0 à do dièse 5. Certains modèles sont dotés d’un registre
suraigu (4ʹ), mi 3 à do dièse 6. Un système
de déclenchement (déclencheur) permet
une alternance entre le système des basses
standard et celui des basses chromatiques.
Depuis 1991, une standardisation internationale est effectuée afin de définir les
normes de l’accordéon du XXIe siècle.
HISTOIRE ET RÉPERTOIRE.
L’introduction en Europe du sheng
chinois, rapporté par le père Amiot vers
1777, donnera libre cours aux inventions
diverses basées sur l’anche libre, principe
déjà utilisé 2 700 ans avant Jésus-Christ.
Breveté en 1829 à Vienne (Autriche) par
Cyrill Demian (1772-1847), l’« Accordion » découle de ces recherches et n’est
qu’une petite boîte formant seulement
quelques accords. Dès son entrée en
France vers 1830, les facteurs d’accordéon
(Fourneaux, Kaneguissert, Masspacher,
Reisner) améliorent le système de Demian, placent le système harmonique (accords) à la main gauche et le système mélodique à la main droite. Maniable, petit
et facile à pratiquer, il devient très vite à la
mode dans les salons de l’aristocratie française. Destiné surtout aux jeunes filles de
bonne famille, c’est un bel objet d’art orné
d’une marqueterie richement décorée
(galuchat, nacre, écaille de tortue, cuivre,
bois rares). Autour de 1860, de grandes
fabriques, principalement allemandes et
italiennes, produisent un nombre considérable d’accordéons. Délaissé par la
haute bourgeoisie, l’instrument se popularise et devient l’apanage des émigrants
qui l’emportent au bout du monde. Vers
1900, en France, dans les bals, l’accordéon remplace la musette (cornemuse
améliorée). L’accordéoniste et compositeur Émile Vacher (1883-1969) est, avec
Michel Péguri, le précurseur du style
appelé « musette ». Depuis cette époque,
l’accordéon est considéré comme l’instrument des bals, des danses endiablées et de
la chanson réaliste. Sa facture évolue, le
clavier droit développe une tessiture intéressante et l’accompagnement des basses
précomposées du clavier gauche permet
de riches modulations. Il est adulé dans
les années 30, et son répertoire, dépassant
la simple danse, devient musique à part
entière grâce aux talents de Gus Viseur,
Tony Muréna ou Jo Privat. Remisé dans
les années 60, mais jamais totalement
éteint, il revient en force en France dans
les années 80, tous genres musicaux
confondus : chanson, classique, contemporain, jazz, rock, traditionnel. Universel dans l’âme, l’accordéon suscite aussi
depuis sa naissance l’intérêt des compositeurs classiques, heureux de découvrir
un instrument polyphonique aux riches
possibilités sonores. Si Alban Berg, Serge
Prokofiev, Petr Ilitch Tchaïkovski, Paul
Hindemith ou Dimitri Chostakovitch lui
donnent droit de cité, c’est surtout grâce
aux écoles allemandes, canadiennes, des
pays de l’Est et scandinaves (en particulier
finlandaise) que l’accordéon s’anoblit en
quelque sorte. En 1927, la première partition importante pour accordéon solo,
Sieben neue Spielmusiken, émane du compositeur allemand Hugo Hermann. Parmi
plusieurs interprètes de sa génération, le
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soliste danois Møgens Ellegaard (19351995) contribuera dès 1957 au rayonnement de l’accordéon dans le milieu classique contemporain et collaborera avec
de nombreux compositeurs dont Jindrich
Feld, Per Nørgård, Arne Nordheim, Ole
Schmidt. La reconnaissance de l’accordéon et la fondation de nouvelles classes
dans les conservatoires nationaux supérieurs de ces pays lui confèrent un statut
hautement respecté et facilite son intégration dans le milieu classique. En France,
depuis l’instauration en 1986 d’un certificat d’aptitude et d’un diplôme d’État,
l’accordéon est présent dans bon nombre
d’écoles nationales de musique et de
conservatoires régionaux.
La collaboration étroite entre compositeurs et interprètes de tous pays donne
naissance à un répertoire de concert grandissant dans la plupart des grands festivals
de musique d’aujourd’hui et dans les lieux
habituels de diffusion. Les principaux
auteurs de ces partitions (concerti, formation de chambre ou soli) sont Claude
Ballif, Luciano Berio, Thierry Blondeau,
Harrison Birthwistle, Bernard Cavanna,
Jean-Pierre Drouet, Jean Françaix, Bruno
Giner, Vinko Globokar, Sofia Gubaïdulina, Toshio Hosokawa, Klaus Huber,
Mauricio Kagel, Magnus Lindberg,
Jacques Rebotier, R. Murray-Schäfer,
Isang Yun.
ACCORDER.
Assurer la justesse d’un instrument à son
variable (piano, violon, harpe), selon le
système du tempérament égal. Dans un
orchestre, tous les instruments doivent
être accordés au même diapason donné
(le la = 440 Hz, par ex.). Pour accorder le
piano, l’accordeur se sert d’un accordoir,
clé spéciale pour ajuster les cordes.
ACCOUPLEMENT.
À l’orgue ou au clavecin, l’accouplement
est un dispositif qui permet d’associer
deux claviers, de telle sorte qu’en jouant
sur l’un, on actionne en même temps
l’autre, en faisant entendre simultanément les sonorités propres à chacun. Sur
un orgue à plus de deux claviers, plusieurs
accouplements offrent à l’exécutant les
diverses combinaisons de réunion des
claviers entre eux. Au XIXe siècle, on a
également réalisé des accouplements d’un
clavier à l’autre, voire d’un clavier sur
lui-même, à l’octave aiguë ou à l’octave
grave, de façon à augmenter la puissance
sonore des instruments. Le pédalier peut,
lui aussi, être accouplé à chacun des claviers ; l’accouplement porte alors le nom
de tirasse. Le dispositif d’accouplement est
réalisé soit mécaniquement, soit pneumatiquement, soit électriquement. La commande se fait en tirant un clavier pour
en enclencher la mécanique (clavecins et
orgues jusqu’au XVIIIe s.), ou en appelant
cette combinaison par l’intermédiaire
d’une pédale ou d’un bouton.
ACCROCHE NOTE.
Ensemble français de musique contemporaine fondé en 1981.
Basé sur une structure relativement
classique (soprano, clarinette et percussion), Accroche Note se définit par la souplesse de son effectif, qui va du solo à l’orchestre de chambre. Il s’est imposé aussi
dans le monde des festivals consacrés à la
musique d’aujourd’hui, tels les festivals
Musica de Strasbourg, Manca de Nice,
Nova Musica de São Paulo, Almeida de
Londres, Voix nouvelles de Royaumont,
par son esprit d’ouverture, par la spontanéité et la vivacité de ses interprétations.
L’ensemble a signé de nombreuses créations de Donatoni, Radulescu, Dusapin,
Manoury, Ferneyhough, Monnet, Pesson,
Dillon et réalise des disques chez Montaigne, Accord « Una corda », Erato.
ACHRON (Joseph), violoniste et compositeur américain d’origine lituanienne
(Losdseje, Pologne, 1886 - Hollywood
1943).
Il fit partie du groupe qui fonda en 1908
à Saint-Pétersbourg la Société pour la
musique populaire juive, dont la plupart
des membres étaient amis ou élèves de
Rimski-Korsakov. De 1916 à 1918, il servit
dans l’armée russe. En 1925, il émigra aux
États-Unis et, en 1934, s’installa à Hollywood, où il composa des musiques de
film et poursuivit sa carrière de violoniste.
En 1939, son 3e Concerto pour violon
opus 72 fut créé par Heifetz. Écrite « à la
mémoire de mon père », la célèbre Mélodie
hébraïque opus 33 pour violon et orchestre
(1911), d’après un thème hassidique, fut
largement popularisée par Heifetz également. Il se fit également un nom comme
musicologue et était considéré par Schönberg comme « l’un des compositeurs modernes les plus sous-estimés ».
ACKERMANN (Otto), chef d’orchestre
suisse d’origine roumaine (Bucarest
1909 - Berne 1960).
De 1920 à 1925, il étudie le piano et la
direction de choeurs au Conservatoire de
Bucarest. Entre 1926 et 1928, il étudie à
la Hochschule für Musik de Berlin la
direction d’orchestre, avec Georges Szell
notamment. Sa carrière est surtout consacrée à l’art lyrique, où il illustre parfaitement la tradition germanique. C’est ainsi
qu’il gravit tous les échelons des maisons
d’opéra : de 1928 à 1932, il est répétiteur
puis chef de ballet à l’Opéra de Düsseldorf,
avant de devenir premier chef d’orchestre
de l’Opéra de Brno jusqu’en 1935. Il travaille ensuite à l’Opéra de Berne (193547), au théâtre An der Wien (1947-53) et à
l’Opéra de Cologne (1953-58). Dans le domaine symphonique, il est invité à diriger
le Philharmonia Orchestra. À la tête de cet
orchestre, et avec Elisabeth Schwarzkopf,
il enregistre de nombreuses opérettes
viennoises. Il participe également aux
festivals de Bayreuth et de Salzbourg. En
1958, il est nommé directeur musical de
l’Opéra de Zurich, poste qu’il n’occupe
qu’une seule saison, avant sa disparition
prématurée.
ACKTÉ (Aino), soprano finlandaise (Helsinki 1876 - Nummela 1944).
Elle reçoit ses premiers cours de chant de
sa mère, la soprano Emmy Ackté, qui lui
enseigne surtout le répertoire français.
C’est donc tout naturellement qu’elle va
compléter sa formation à Paris (1894),
avant de débuter à l’Opéra de cette ville
en 1897. Elle y chante jusqu’en 1903 les
grands rôles de Gounod (Juliette dans
Roméo et Juliette, Marguerite dans Faust)
et de Bizet (Micaëla dans Carmen), mais
aussi Elsa dans Lohengrin. C’est largement
grâce à elle qu’en 1900 la Philharmonie
d’Helsinki, dirigée par Kajanus, se produit à Paris dans le cadre de l’Exposition
universelle. Elle est ensuite engagée au
Metropolitan Opera de New York (19051907), puis au Covent Garden de Londres,
où elle assure en 1910, sous la direction
de Beecham, la création anglaise du rôletitre de Salomé de Richard Strauss (qu’elle
avait déjà chanté à Leipzig, en 1907). Elle
vit ensuite surtout en Finlande, où, en
1911, avec le pianiste et impresario Edvard Fazer, elle est à l’origine de la création de l’Opéra national finlandais, dont
elle assume la direction pour la saison
1938-1939. En 1912, elle lance le festival
d’opéra de Savonlinna. Sibelius compose
pour elle Luonnotar (opus 70), qu’elle
crée en 1913. Elle confectionne le livret
de l’opéra Juha d’Aare Merikanto (1922),
et laisse deux ouvrages autobiographiques
(1925 et 1935).
ACOUSMATIQUE.
Se dit de la situation d’écoute où l’on
entend un son sans voir les causes dont il
provient. Ce mot grec désignait autrefois
les disciples de Pythagore, qui écoutaient
leur maître enseigner derrière une tenture. Pierre Schaeffer, inventeur de la musique concrète, a eu l’idée d’exhumer ce
mot pour caractériser la situation d’écoute
généralisée par la radio, le disque, le hautparleur. Dans son Traité des objets musicaux (1966), il a analysé les conséquences
de cette situation sur la psychologie de
l’écoute. Après lui, le compositeur François Bayle a imaginé de récupérer le terme
d’acousmatique pour désigner ce qu’on
appelle plus communément musique électroacoustique. « Musique acousmatique »,
« concert acousmatique » sont pour lui des
termes mieux appropriés à l’esthétique et
aux conditions d’écoute et de fabrication
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de cette musique « invisible », née du
haut-parleur et où le son enregistré est
délié de sa cause initiale.
ACOUSTIQUE.
Étude physique des sons, portant sur leurs
caractéristiques intrinsèques, leur émission, leur mode de propagation et de perception.
On désigne aussi par acoustique l’ensemble des propriétés qu’a un lieu, ouvert
ou clos, de propager et de transmettre les
sons : c’est l’acoustique d’une salle. La
science de l’acoustique touche notamment
à l’analyse physique des sons, à l’organologie, à l’acoustique architecturale, aux
phénomènes de la phonation et de l’audition, et se diversifie aujourd’hui en des domaines spécialisés comme ceux de l’électroacoustique ou de la psycho-acoustique.
Les Anciens avaient une connaissance empirique extrêmement poussée
de l’acoustique, comme en témoignent
les propriétés exceptionnelles de leurs
théâtres. C’est essentiellement cette même
connaissance qui a présidé à la mise au
point des instruments de musique et, dans
une certaine mesure, à l’orchestration
musicale. De Stradivarius, on peut dire
qu’il fut acousticien autant qu’ébéniste
de génie. L’orchestration de Berlioz tient
compte des conditions acoustiques d’exécution de chaque oeuvre. Le Requiem, en
particulier, est étroitement lié à l’acoustique de l’église des Invalides. Les compositions pour orgue de Vierne dépendent,
dans leur écriture même, de l’acoustique
de Notre-Dame de Paris, aussi étroitement que celles de Bach le font d’églises
allemandes dotées d’instruments beaucoup moins importants dans des acoustiques moins réverbérées, permettant
donc une polyphonie plus intelligible dans
sa complexité et un jeu plus rapide. Un
interprète doit savoir modifier le tempo de
son exécution en fonction de l’acoustique
du lieu où il joue, de façon que le tempo
perçu par les auditeurs dans ces conditions acoustiques corresponde au tempo
psychologique de l’oeuvre. En tant que
science, l’acoustique apparaît seulement
dans les temps modernes.
Ayant à saisir un objet fugitif, immatériel et se modifiant dans le temps, l’acoustique n’a pu se développer scientifiquement et aboutir à une théorisation qu’avec
l’invention des moyens de fixer et de reproduire, puis d’analyser, de mesurer et
d’engendrer par synthèse des phénomènes
sonores.
ADAGIETTO (ital. : « petit adagio »).
Ce terme indique un mouvement un peu
moins lent qu’adagio, et surtout un caractère plus léger. La Cinquième Symphonie
de Mahler possède comme quatrième
mouvement un « célèbre » adagietto pour
cordes et harpe.
ADAGIO.
Mot italien signifiant à la fois « à l’aise » et
« lentement ».
Le mouvement ainsi indiqué se situe
entre le largo et l’andante. Le terme revêt
une valeur expressive, impliquant un ton
sérieux, profond et soutenu ; il est souvent
accompagné d’une qualification telle que
cantabile, sostenuto, appassionato, etc.
Apparu pour la première fois au début
du XVIIe siècle, l’adagio indiquait souvent un élargissement du tempo à la fin
d’un mouvement, d’une ouverture par
exemple. Cette invitation à prendre son
temps, à devenir plus solennel paraît avoir
été plus importante que l’implication d’un
tempo bien précis, car, pour certains compositeurs d’autrefois, Purcell et J.-S. Bach
entre autres, adagio pouvait indiquer un
mouvement plus lent que largo, voire plus
grave.
Le mouvement lent d’une symphonie
ou d’une sonate classique est souvent intitulé « adagio ».
ADAM (Adolphe Charles), compositeur
français (Paris 1803 - id. 1856).
D’origine alsacienne, il entra en 1817 au
Conservatoire de Paris, où il étudia avec
une certaine désinvolture jusqu’au jour
où Boieldieu, ayant remarqué sa verve
mélodique, le prit dans sa classe. Il obtint
bientôt le deuxième grand prix de Rome.
Il écrivit d’abord des pièces pour piano,
pour chant, et aborda le théâtre lyrique
avec une comédie de Scribe : le Baiser au
porteur. Il se révéla par la suite comme un
compositeur fécond (53 ouvrages lyriques
et des ballets), aimant plaire, écrivant avec
facilité, clarté, simplicité. D’autre part, il
réorchestra à la demande de Louis-Philippe, pour d’importantes reprises, des
oeuvres comme Richard Coeur de Lion de
Grétry - ce qui lui valut une vive critique
de Wagner - ou le Déserteur de Monsigny.
En 1847, il fonda le Théâtre National, dans
l’intention d’y accueillir les compositeurs
délaissés par les deux scènes lyriques officielles de Paris. Malgré son succès, cet
organisme sombra dès février 1848, au
lendemain de la révolution, pour des raisons pécuniaires. Reçu à l’Institut en 1844,
Adam succéda à son père comme professeur de piano au Conservatoire en 1849.
Parmi ses oeuvres lyriques, certaines
ont été longtemps populaires : le Chalet
(1834), le Toréador ou l’Accord parfait
(1849), le Sourd ou l’Auberge pleine (1853).
D’autres le sont encore et figurent au
répertoire en France et en Allemagne : le
Postillon de Longjumeau (1836), Si j’étais
roi (1852). Le ballet romantique Giselle
(1841) est régulièrement joué par toutes
les grandes compagnies. Adam est également l’auteur de messes et de pièces
religieuses diverses, dont le célèbre noël
Minuit, chrétiens.
ADAM (Theo), baryton-basse allemand
(Dresde 1926).
En 1949, il débute à l’Opéra de cette
ville dans le rôle du prince Ottokar du
Freischütz de Weber. En 1952, il commence une carrière à Bayreuth dans le
petit rôle d’Hermann Ortel, l’un des
« maîtres chanteurs ». Devenu par la suite
un très grand spécialiste de Wagner, il est
le plus célèbre Wotan (la Tétralogie) de
sa génération. Le rôle de Pizarro (Fidelio)
et celui de Wozzeck comptent parmi ses
grands succès. T. Adam se consacre également à l’oratorio et au lied. Il a chanté à
partir de 1968 au Metropolitan Opera de
New York et a créé en 1981 à Salzbourg
Baal de Friedrich Cerha.
ADAM DE GIVENCHI, trouvère du
groupe d’Arras (v. 1220 - v. 1270).
D’abord simple clerc de l’évêché, il devint
chapelain et reçut le titre de messire. On
lui attribue huit pièces, parmi lesquelles
deux descorts et plusieurs jeux partis
composés en compagnie de Jehan Bretel
et Guillaume Le Vinier.
ADAM DE LA HALLE ou ADAM LE
BOSSU, trouvère du groupe d’Arras
(Arras v. 1240 - probablement Naples v.
1287).
Après des études à l’université de Paris où
il obtint sans doute son grade de maître
ès arts, il retourna en Artois, retrouva sa
femme Marie et entra au service de Robert d’Artois (1271). En 1283, il accompagna son maître à Naples. Ce fut à la
cour de Charles d’Anjou, roi de Sicile,
que l’on créa sa fameuse pastourelle, le
Jeu de Robin et Marion (1285). Avec son
autre drame, le Jeu de la feuillée, Robin et
Marion est l’exemple unique d’un théâtre
lyrique profane, au milieu des mystères,
des miracles et des drames liturgiques du
XIIIe siècle. Il s’agit de théâtre parlé avec
intermèdes musicaux : sur 780 vers, 72
seulement sont notés musicalement ; on
compte peu de chants (6 mélodies complètes). La nouveauté du genre, fondé sur
la pastourelle à refrain, consiste dans le
fait que la musique fait partie intégrante
de l’intrigue, même si elle y tient peu de
place. Cette oeuvre est souvent qualifiée de
« premier opéra-comique français « ; ses
personnages sont extrêmement réalistes.
Adam de la Halle est le plus célèbre des
trouvères. Il ne se contenta pas d’écrire
des drames lyriques. Son oeuvre comprend également quelque 35 chansons à
1 voix, 14 rondeaux à 3 voix dans le style
du conduit, 1 rondeau-virelai et 1 ballade,
plusieurs motets et 16 jeux partis. Parmi
ses motets, quelques-uns sont entés, c’està-dire qu’ils comportent l’introduction,
à la partie supérieure, d’un refrain de sa
composition, tiré de ses rondeaux.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
8
OEUVRES.
- oeuvres complètes
de la Halle éditées
ker (Paris, 1872) ;
Halle, rondeaux à 3
du trouvère Adam
par E. de CoussemaJ. Chailley, Adam de la
voix (Paris, 1942).
ADAM DE SAINT-VICTOR, poète et
musicien français d’origine bretonne
(†1177 ou 1192).
Il fut moine de l’abbaye parisienne de
Saint-Victor et un des principaux auteurs
de séquences du XIIIe siècle ; il les porta
à leur plus grande perfection, en s’éloignant des modèles anciens, par l’adoption
d’une structure strophique et l’abandon
de l’alléluia, auquel il substitua une mélodie libre s’apparentant souvent au patrimoine populaire. On lui attribue plus de
cent vingt compositions de ce type, dont
quelques-unes parmi les plus belles furent
traduites en langue vulgaire et devinrent
célèbres. Leur utilisation fut supprimée
par le concile de Trente.
ADAMS (John), compositeur américain
(Worcester, Massachusetts, 1947).
Il étudie d’abord la clarinette avec son père
et fait ensuite des études de composition
au Harvard College (Master of Arts, 1971).
Son éducation, dans l’esprit de l’avantgarde néo-sérielle européenne, ne lui
convient pas tout à fait : il ne trouvera sa
voie qu’après son installation à San Francisco (1971), où il dirige le département de
composition du conservatoire entre 1971
et 1981. Sur la côte ouest, il découvre la
musique de Cage, dont il assume l’héritage
à sa manière, ainsi que l’école répétitive
(Riley, Glass). Adams écrit une musique
volontairement primitive plutôt que minimaliste. Ses références à l’harmonie classique sont fréquentes, mais il cultive dans
ses oeuvres des dérapages voulus qui augmentent leur impact (Shaker Loops pour
instruments à cordes, 1979). Il exploite le
contraste entre l’aspect conservateur du
matériau et une absence totale de volonté
de style (Harmonielehre pour orchestre,
1985), entre l’omniprésence de la référence et une liberté qui ne peut s’exercer, pour avoir un effet sûr, que dans le
cadre d’un langage préalablement codifié
(la Chamber Symphony de 1992 témoigne,
dans ce contexte, d’un travail intéressant
sur le rythme). Il s’agit au fond, plutôt que
d’inconséquence, du plaisir éphémère de
briser des faux interdits. Cette attitude
complaisante est accentuée par la sonorité
crue, mélodramatique, de son orchestre
(Grand Pianola Music pour deux sopranos, deux pianos et ensemble, 1981-1982).
De même, dans les opéras Nixon in China
(1987) et The Death of Klinghoffer (1991),
où il collabore avec le metteur en scène
Peter Sellars, Adams s’intéresse à des su-
jets d’actualité qui lui servent en quelque
sorte d’alibi. On lui doit aussi Phrygian
Gates (1977) et Eros Piano (1989) pour
piano, Light over Water pour cuivres et
synthétiseur (1983), Short Ride in a Fast
Machine pour orchestre (1986), Fearful
Symmetries pour orchestre (1988), I was
looking at the Ceiling and then I saw the Sky
(1995).
ADAM VON FULDA, compositeur et
théoricien allemand (Fulda v. 1440 - Wittenberg 1505).
Il entra au service de Frédéric le Sage de
Saxe (1490), puis enseigna la musique à
l’université de Wittenberg (1502). Son
traité De musica fut publié dans Scriptores
ecclesiatici de musica sacra potissimum de
Gerbert (1784). Auteur d’oeuvres religieuses, il mourut de la peste.
ADAPTATION.
Travail au moyen duquel un auteur, prenant pour point de départ une oeuvre, la
transforme en une autre oeuvre, proche
par certains traits mais différente dans sa
forme, dans son instrumentation ou dans
sa construction.
En musique, la réduction d’une page
symphonique en une page pour piano est
une adaptation. Un livret d’opéra peut
être l’adaptation d’une pièce de théâtre.
De même, un texte profane peut, sur
une même musique, remplacer un texte
religieux. Dans la composition des livrets,
l’auteur respecte parfois le texte original,
se contentant d’effectuer des coupures :
ce fut l’attitude de C. Debussy à l’égard
de Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, et
celle de R. Strauss à l’égard de la traduction allemande de Salomé de O. Wilde.
ADDINSELL (Richard), compositeur anglais (Londres 1904 - id. 1977).
Auteur de chansons, de musiques de
scène et de films, il est surtout connu
pour son Concerto de Varsovie pour piano
et orchestre, écrit pour le film Dangerous
Moonlight (1941).
ADIEUX.
Concert, récital ou représentation d’opéra
voyant un interprète célèbre, le plus souvent un chanteur, se produire pour la der-
nière fois en public.
En tant que telle, une soirée d’adieux
peut avoir été annoncée d’avance ou
non, et certaines ont ensuite été démenties par la réalité (réapparition de l’artiste
concerné, suivie ou non de nouveaux
adieux). Jadis, les théâtres de province
appelaient « adieux » la dernière soirée de
leur saison annuelle : y étaient alors réentendus les artistes et les extraits d’oeuvres
plébiscités par le public. Renata Tebaldi,
par exemple, a fait ses adieux lors d’un
récital à New York le 16 février 1976.
ADLER (Guido), musicologue autrichien
(Eibenschütz, Moravie, 1855 - Vienne
1941).
Élève de Bruckner et de Dessoff au conservatoire de Vienne, il se destina néanmoins au droit avant de s’orienter vers
la musique, et plus spécialement son histoire. En 1884, il fonda avec Chrysander
et Spitta la revue Vierteljahrsschrift für
Musikwissenschaft, et en 1885 fut nommé
professeur de musicologie à l’université
allemande de Prague. Succédant à Hanslick, il enseigna à l’université de Vienne
(1898-1927) et en fonda l’Institut de musicologie (Musikwissenschaftliches Institut),
qui devint un modèle pour de nombreux
pays. Dès leur fondation, il fut l’éditeur
des Denkmäler der Tonkunst in Österreich
(1894-1938), vaste entreprise d’édition de
la musique autrichienne du passé - toujours poursuivie aujourd’hui -, dont il
assuma lui-même plusieurs volumes, et
de leur revue musicologique d’accompagnement Studien zur Musikwissenschaft
(1913-1938). Il attacha surtout son nom
à la critique stylistique : en témoigne son
ouvrage Der Stil in der Musik (1911). On
lui doit aussi Methode der Musikgeschichte
(1919), un livre sur son ami Gustav Mahler
(1916) et Wollen und Wirken (autobiographie, 1935). En 1924, il édita Handbuch
der Musikgeschichte, dont il avait rédigé
lui-même les chapitres Périodes de l’histoire de la musique, l’École classique viennoise et Généralités sur l’époque moderne.
Il organisa les célébrations des centenaires
de la mort de Haydn et de Beethoven (en
1909 et en 1927), et après ces dernières
participa activement à la fondation de la
Société internationale de musicologie,
dont il devint président d’honneur. À l’occupation de l’Autriche (1938), il dut cesser
toute activité.
ADLGASSER ou ADELGASSER (Anton
Cajetan), organiste et compositeur allemand (Innzell, Bavière 1729 - Salzbourg
1777).
Il fut, dès son enfance, chanteur à Salzbourg, où il étudia la musique avec Eberlin, dont il devint plus tard le gendre. Il
passa toute sa vie dans cette ville comme
organiste à la Cour. De son vivant, il fut
déclaré le meilleur de tous les organistes et
clavecinistes. Étant entré en rapport avec
Mozart, alors âgé de dix ans, et avec Michael Haydn, il écrivit avec eux le drame
Die Schuldigkeit des ersten und fürnehmsten
Gebotes (1767). On connaît de lui plus de
vingt opéras et oratorios, des symphonies,
de la musique religieuse et instrumentale.
AD LIBITUM (lat. : « à volonté »).
Comme les expressions a piacere, senza
tempo, a capriccio, ad libitum est employé
pour indiquer à l’interprète qu’une certaine liberté lui est permise dans le mouvement d’un passage, dans une cadence
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ou lors d’une pause (point d’orgue). Dans
la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, ad
libitum indiquait la possibilité de remplacer un instrument par un autre (ex. : la
flûte par le violon). Un autre sens possible
est une liberté offerte à l’exécutant pour
l’interprétation d’une partie vocale ou instrumentale. Le contraire d’ad libitum est
obbligato (« obligé »).
ADORNO (Theodor Wiesengrund),
philosophe, musicologue et critique
allemand (Francfort-sur-le-Main 1903 Viège, Suisse, 1969).
Il étudia la musicologie à l’université de
Vienne, et travailla la composition avec
Alban Berg. Critique musical à l’Anbruch,
il en devint le rédacteur en chef (19281931). Nommé maître de conférences à
Francfort-sur-le-Main (1931), Adorno
dut s’exiler deux ans plus tard, et, après un
bref passage à Paris, s’installa aux ÉtatsUnis. De retour en Allemagne en 1949,
il fut titulaire de deux chaires de philosophie et de sociologie à l’université de
Francfort et, dès lors, occupa une place
éminente tant sur le plan philosophique et
politique que sur le plan musical.
Préoccupé avant tout de l’art actuel,
et de son devenir au sein de la société,
l’auteur de la Philosophie de la nouvelle
musique apparaît comme le créateur d’une
nouvelle critique musicale qui se caractérise par une dialectique rigoureuse, héritée de Hegel. Sans négliger pour autant la
psychologie du créateur et l’aspect concret
des oeuvres, Adorno réserve une part importante à la sociologie. Il ne se contente
pas de superposer les considérations théoriques, techniques, esthétiques et sociologiques, mais les articule entre elles et,
par une analyse pénétrante à plusieurs
niveaux, parvient à une connaissance
globale qui, non seulement ne laisse rien
échapper, mais encore ouvre à la pensée
tant musicale que philosophique de larges
et neuves perspectives.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Versuch über Wagner (Francfort, 193738. Trad. française : Essai sur Wagner,
Paris, 1966) ; Philosophie der Neuen Musik
(Tübingen, 1949. Trad. française : Philosophie de la nouvelle musique, Paris, 1962) ;
Mahler (Francfort, 1960. Trad. française :
Mahler, une physionomie musicale, Paris,
1976) ; Einleitung in die Musiksoziologie (Francfort, 1962) ; Quasi una Fantasia, Musikalische Schriften II (Francfort,
1963. Trad. française partielle : Vers une
musique informelle dans la Musique et ses
problèmes contemporains, Paris, 1963) ;
Moments musicaux (Francfort, 1964) ;
Impromptus (Francfort, 1968) ; Alban
Berg, der Meister des kleinsten Übergangs
(Vienne, 1968).
AÉROPHONE.
Ce terme s’applique à tout instrument
dont le son est produit par la vibration
d’une colonne d’air à l’intérieur d’un
tube. Pour le hautbois et le basson par
exemple, ce sont les anches doubles qui
mettent l’air en vibration. L’élément vibrateur d’un tuyau d’orgue ou de la flûte
est l’orifice latéral du tube. Dans le classement des instruments établi par Hornbostel et C. Sachs (1914), les différentes
familles sont réparties selon l’élément
physique se trouvant à l’origine du son.
Aux côtés des aérophones, on distingue
les membranophones, les cordophones et
les idéophones.
AFFEKTENLEHRE (all. pour « doctrine des
passions »).
Théorie esthétique du XVIIIe siècle, particulièrement associée aux noms de Quantz
et de Carl Philip Emanuel Bach et selon
laquelle la musique devait servir à exprimer les passions et les émotions, à chaque
passion ou émotion correspondant une
« figure » musicale particulière.
S’y ajoutait notamment la question de
savoir, d’une part, si un morceau donné
devait se limiter à un seul Affekt (position
conservatrice) ou s’il pouvait en opposer plusieurs (démarche typique de Carl
Philip Emanuel Bach), et, d’autre part, si
la musique instrumentale, en l’absence
de paroles, pouvait exprimer, et même
« dire » quelque chose de précis. ( ! EMPFINDSAMKEIT.)
AFFETTO.
Terme italien souvent utilisé par
G.Caccini (Nuove musiche, 1602, préface)
et les musiciens de l’époque baroque ; il
possédait un double sens :
1. Un état d’âme.
2. Les embellissements vocaux parfois inspirés par un affetto exprimé dans le texte
poétique. Il y a eu certainement confusion
entre effetto (effet) et affetto, et le sens des
deux mots est assez proche ici. L’affetto
est un élément essentiel dans la musique
de toute l’époque baroque, et Muovere l’affetto dell’animo représentait le but même
de la musique. On trouve de nombreux
exemples de jeux de mots donnant libre
cours à l’utilisation des affetti en musique,
par exemple entre amar (aimer), amaramente (amèrement) et Amarilli (nom de
la femme aimée) : « Cruda Amarilli, che
col nome ancora d’amar, ahi lasso. Amaramente insegni... » (B. Guarini). Le terme
allemand correspondant est Affekt, et, au
XVIIIe siècle, se développa l’Affektenlehre,
associée en particulier à la musique de
Carl Philip Emanuel Bach et selon laquelle
une oeuvre devait « exprimer » une émotion bien précise.
AFFETTUOSO (ital. : « affectueux »).
Ce terme, surtout utilisé à l’époque baroque et qui a pour équivalent l’expression
con affetto, indique l’expression d’un sen-
timent tendre (ex. : andante affettuoso).
AFRIQUE NOIRE (MUSIQUE D’).
Malgré la diversité des ethnies et des
caractères socioculturels, des traits communs suffisamment importants incitent à
élaborer une étude globale de la musique
des nombreux peuples d’Afrique noire.
Qu’ils appartiennent aux groupes bantou (Afrique sud-équatoriale), nilotique
(région du Haut-Nil et du lac Victoria),
« soudanais » (nord de l’Équateur : Sénégal, Guinée, Côte-d’Ivoire, Nigeria, etc.),
ou qu’ils soient issus de tribus nomades ou
semi-nomades (Pygmées, bergers peuls,
Bochimans), les Noirs d’Afrique ont des
comportements musicaux comparables
et des conceptions voisines du rôle de la
musique.
Les Africains ne se recommandent pas
de systèmes musicaux théoriques, mais
leurs traditions sont suffisamment fortes
pour avoir survécu à l’islamisation et à
la christianisation. Leurs musiques sont
conçues comme des expressions collectives dont les professionnels n’ont pas le
monopole, comme des systèmes de communication globaux qu’ils ne songent pas
à expliquer par l’analyse. Dans la plupart
des langues africaines, la hauteur relative
des sons est signifiante, de sorte que les
instruments peuvent non seulement accentuer la « musique » du discours, mais
en imiter les rythmes et les « tons ». Le
« langage » d’un tambour d’aisselle, d’une
cithare-mvet, d’un arc-en-bouche ou d’une
vièle haoussa n’est pas un code : c’est une
langue usuelle, directement intelligible.
Chaque instrument reflète la culture et la
personnalité du musicien qui en joue et
qui en est généralement le luthier. Loin
de chercher le timbre pur et clair par des
raffinements de facture, on s’ingéniera à
brouiller le son, à l’enrichir de bruits qui
accentueront sa singularité : pièces métalliques vibrant avec les cordes des luths ou
les lames des sanzas, mirlitons adaptés aux
caisses et aux résonateurs en calebasse,
sonnailles fixées aux poignets des musiciens ou au pourtour des tambours. Les
voix, elles-mêmes, sont rarement claires
et pures, surtout chez les professionnels :
oreilles bouchées, nez bouché, vibration
de la langue, mirlitons sont des artifices
fréquemment utilisés pour transformer la
voix.
La musique africaine fait souvent appel
à une polyphonie simple, consciente, mais
sans règle à priori : tierces parallèles (ou
quintes dans les régions orientales), imitation canonique rudimentaire, ostinato. Il
est peu probable que cette polyphonie, qui
apparaît surtout dans les régions de forêts
très éloignées du littoral, ait été introduite
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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par les colons et les missionnaires européens. Elle fortifie plutôt l’hypothèse de
traditions polyphoniques primitives, qui
pourraient avoir précédé, dans différentes
civilisations, le développement d’une
musique savante monodique. Ce que nous
appelons « avènement de la polyphonie » n’a sans doute été que la notation
et l’adaptation systématique à la musique
savante occidentale de vieilles pratiques
populaires, considérées antérieurement
comme impures. La polyphonie africaine
ne ressortit pas à une technique comparable à notre contrepoint. Elle est naturelle et s’explique en considérant que, statistiquement, la différence (hétérophonie)
est plus probable que la similitude (homophonie). La polyrythmie très fréquente
peut s’expliquer de la même manière. Les
tambours sont différents et l’ensemble
indissociable que forme chacun, dans la
conception africaine avec les muscles du
tambourinaire, reflète nécessairement une
personnalité singulière.
Bien que tout le monde ou presque soit
musicien en Afrique, il existe une caste de
musiciens professionnels : les griots. Philosophes, conteurs, sorciers, historiens,
ménestrels, ils sont de toutes les fêtes,
rendent d’innombrables services, flattent
et conseillent les riches et les puissants,
dont ils savent exploiter les ressources à
leur profit.
En Afrique, on ne se réfère pas à une
échelle fondamentale fixée par la théorie. Les instruments d’une même famille
sont accordés les uns sur les autres, selon
des règles traditionnelles qui varient
d’une région à l’autre et parfois, dans une
même région, d’une famille d’instruments
à l’autre. Au milieu de la diversité des
accords et, par conséquent, des échelles
usuelles, on observe souvent des gammes
pentatoniques du type do, ré, fa, sol, la,
ou des gammes diatoniques fondées sur
la série des harmoniques (y compris les
harmoniques 7, 11, 13), par imitation des
sons naturels de la trompe en défense
d’éléphant (sur laquelle les plus habiles
parviennent à donner les harmoniques 6,
7, 8, 9, 10, 11, 12). D’autres gammes diatoniques sont de type « pythagoricien »
(cycle des quintes justes) et peuvent ressembler au « phrygien » (octave ré-ré) ou
à l’« hypolydien » (octave fa-fa) des Grecs.
Certains xylophones malinkés (Afrique
occidentale) donnent cinq ou sept intervalles à peu près égaux dans l’octave,
offrant une curieuse analogie avec une
gamme équiheptatonique des pays thaï
et khmer, et avec la gamme équipentatonique indonésienne slendro... Aucune tradition musicale en Afrique noire ne paraît
avoir fait usage d’intervalles inférieurs au
demi-ton.
Notre découverte de la musique africaine se heurte généralement à deux difficultés. D’une part, l’exploitation commerciale d’un primitivisme folklorique met
l’accent sur les étrangetés coutumières,
nous cachant l’essentiel d’une culture très
riche. D’autre part, le sentimentalisme des
intellectuels africains et des ethnologues
sacralise l’art nègre traditionnel, au point
de condamner toute évolution normale.
La transformation de la société africaine,
la régression des langues et des cultures
autochtones, la diffusion croissante de la
musique légère occidentale et de musiques
commerciales africaines sont autant de
facteurs de dissolution d’une civilisation
musicale fertile ; mais, heureusement, des
écrivains et des musicologues africains
s’efforcent aujourd’hui de la protéger et de
la développer. Beaucoup d’Africains pensent que leur musique pourrait survivre
hors de l’ancien cadre social, échappant
ainsi à une sorte d’apartheid culturel qui
l’a trop longtemps isolée.
AGAZZARI (Agostino), compositeur italien (Sienne 1578 - id. v. 1640).
Il fut musicien à la cour de Matthias,
gouverneur de l’Autriche, puis, dès son
retour en Italie, s’affirma comme un des
premiers partisans de la basse continue, et
un de ses premiers théoriciens ; son traité
Del Sonare sopra il basso con tutti li stromenti fut publié à Sienne en 1607. Après
un séjour à Rome où il occupa diverses
fonctions, il revint à Sienne, vers 1630,
pour diriger la musique de la cathédrale.
Parmi ses oeuvres, citons des messes, motets, psaumes, madrigaux et une pastorale,
Eumelio (1606).
AGINCOURT (François d’), compositeur
et organiste français (Rouen 1684 - id.
1758).
Élève de Boyvin à Rouen, il complète ses
études auprès de Lebègue à Paris, où il est
nommé organiste de Sainte-Madeleineen-la-Cité (1701). En 1706, il retourne à
Rouen pour succéder à son maître comme
organiste à la cathédrale Saint-Jean, tout
en étant titulaire des orgues de SaintOuen et, à partir de 1714, l’un des quatre
organistes de la chapelle royale de Versailles. Influencé par Lebègue et surtout
par François Couperin et la musique italienne, il a publié en 1733 un Livre de pièces
de clavecin comptant quatre « ordres » ou
suites. Ses 46 pièces d’orgue, regroupées
en six suites et constituant autant de brefs
interludes pour le Magnificat, sont restées
manuscrites de son temps. Ses quelques
airs à voix seule et basse continue apparaissent dans les recueils de Ballard, édités
en 1713 et 1716.
AGNUS DEI (lat. : « agneau de Dieu »).
Triple invocation faisant allusion à la
métaphore employée par saint Jean-Baptiste pour désigner Jésus dans l’Évangile
selon saint Jean (reprise par l’Apocalypse). Insérée au début du VIIIe siècle
dans l’ordinaire de la messe par le pape
Sergius Ier, elle répétait d’abord trois fois
miserere nobis ; la dernière invocation
fut remplacée au Xe siècle par dona nobis
pacem pour préparer le baiser de paix, puis
cette dernière phrase fut comprise comme
une demande de délivrance des guerres, et
l’est restée spécialement dans les messes
avec orchestre des XVIIIe et XIXe siècles,
où elle s’accompagne souvent d’un figuralisme guerrier (trompettes, etc.). Aux
messes des morts, l’invocation devient
dona ei(s) requiem (sempiternam) [« donnez-lui (leur) le repos » - on ajoute la 3e
fois « éternel »].
L’Agnus Dei était d’abord chanté a clero
et populo (« par le clergé et le peuple »),
puis il est passé au chant de la chorale au
même titre que les quatre autres pièces
chantées de l’ordinaire dont il forme ainsi
le no 5 et dernier ; il fait partie à ce titre de
la messe polyphonique normale, qu’il clôt
à partir du XVe siècle. Au XVIe siècle, il n’est
pas rare de le voir écrit à cinq voix quand
le reste de la messe est écrit à quatre. Toutefois, les messes de Requiem ayant pris
l’habitude de traiter polyphoniquement le
propre aussi bien que l’ordinaire, il n’en
est plus, sauf exception, la pièce terminale.
AGOGIQUE.
H. Riemann, en 1884, employa le premier
ce terme pour désigner les légères fluctuations de mouvement, s’écartant du strict
mouvement métronomique d’ensemble,
qui peuvent parcourir l’exécution d’une
oeuvre, laissant une certaine marge d’interprétation et d’expression. C’est l’agogique qui permet le rubato.
AGOSTINI (Paolo), compositeur et organiste italien (Vallerano v. 1583 - Rome
1629).
Il épousa la fille de son maître, B. Nanini.
Organiste à Santa Maria in Trastevere et
dans plusieurs autres églises romaines, il
prit en 1626 la suite d’Ugolini à la chapelle Vaticane de Saint-Pierre de Rome.
Une partie seulement de son abondante
musique religieuse (psaumes, magnificat,
messes) a été conservée. Il fut maître dans
l’art du contrepoint.
AGRÉGAT ou AGRÉGATION.
Superposition de sons ne présentant aucune cohérence qui permette de les rattacher à un accord ou à ses renversements,
dans le cadre de l’harmonie classique.
AGRÉMENT.
Note ou groupe de notes employés surtout
dans la musique française vocale et instrumentale des XVIIe et XVIIIe siècles pour
orner une phrase mélodique.
Le mot même évoque leur raison
d’être : charmer, toucher, enchanter, être
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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agréable à l’oreille. Les luthistes français utilisèrent les agréments pour orner
leurs pièces, mais aussi pour prolonger la
courte durée du son du luth ; les clavecinistes reprirent ce procédé d’écriture. Les
agréments étaient indiqués par des signes
bien connus des interprètes, mais dont le
mode d’exécution pouvait varier selon les
compositeurs, et qui, surtout, laissaient à
l’instrumentiste une certaine liberté d’exécution liée à sa volonté d’expression. Une
notation trop précise eût tendu à détruire
cette liberté et cette souplesse caractéristique de la musique française, qui font
toute la différence entre l’agrément et
l’ornement habituel.
Voici une liste des principaux agréments avec le terme musical courant
auquel ils correspondent : le port de voix
(appoggiature longue), le tremblement
ou cadence (trille), le pincé (mordant),
le doublé ou tour de gosier (grupetto), le
coulé, l’aspiration (sorte de point d’orgue),
l’arpègement dans la musique de clavecin,
de luth ou d’orgue. On trouve une explication détaillée des différents agréments
dans les tables d’ornements des clavecinistes français (Chambonnières, L. Marchand, et surtout F. Couperin, notamment
dans son Art de toucher le clavecin, 1717).
Quant aux ornements vocaux, essentiellement les mêmes d’ailleurs, on peut
consulter à leur sujet les Remarques sur
l’art de bien chanter, et particulièrement
pour ce qui regarde le chant français (1668)
de Bénigne de Bacilly.
Les diminutions, chères aux compositeurs d’airs de cour, peuvent également
entrer dans le cadre des agréments.
AGRICOLA (Alexander), compositeur
qui serait originaire du nord de l’Allemagne (v. 1446 Valladolid, Espagne,
1506).
Il fut au service du duc Galeazzo Maria
Sforza à Milan (1471-1474), du duc de
Mantoue (1474), puis chantre de Laurent
le Magnifique à la cathédrale de Florence.
Regagnant les pays du Nord, il passa par
la cour de France avant d’entrer au service
de Philippe le Beau à Bruxelles (1500).
Suivant la cour en Espagne, il y mourut
de la peste. Agricola n’a guère subi l’influence de l’Italie. Il faut dire que, lors de
son séjour dans ce pays, il côtoya des Italiens sans doute, mais aussi, à Florence,
Obrecht, Isaac et surtout Josquin Des
Prés, dont il se montra l’émule. Un esprit
novateur et indépendant se révèle à travers ses 9 messes, ses 2 credos isolés, ses
quelque 25 motets et ses 82 chansons.
AGRICOLA (Johann Friedrich), compositeur et organiste allemand (Dobitschen,
près d’Altenburg, 1720 - Berlin 1774).
Élève de Bach (dont il fut l’un des nécrologues) à Leipzig et de Quantz à Berlin, il
succéda en 1759 à C. H. Graun à la tête
de la chapelle royale de cette ville et composa surtout des lieder et de la musique
religieuse.
AGRICOLA (Martin Sore, dit Martin),
compositeur et théoricien allemand
(Schwiebus, Silésie, 1486 ? - Magdebourg 1556).
Fils de paysans, autodidacte en musique
selon ses propres dires, Agricola se fixa à
Magdebourg vers 1519-20, y fut nommé
cantor de l’école municipale vers 1527
et le resta jusqu’à sa mort. Par ses compositions, il a contribué à la formation
du répertoire liturgique protestant.
Les quelques pages qui ont échappé à
la destruction de Magdebourg (1632)
permettent de le rattacher à l’école de
Josquin Des Prés. Il joua un rôle pédagogique important en rédigeant des
ouvrages qui servirent ensuite de base à
l’enseignement musical dans les écoles
protestantes : traités de chant choral à
l’usage des jeunes enfants, écrits théoriques dans lesquels, en particulier, il
proposa des équivalents en langue allemande pour des termes latins employés
exclusivement jusqu’alors.
AGUADO Y GARCÍA (Dionisio), guitariste et compositeur espagnol (Madrid
1784 - id. 1849).
Contemporain et ami de Sor, après des
débuts très précoces et une carrière en
Espagne, il vécut à Paris (1825-1838), où il
obtint de grands succès et fit l’admiration
de Rossini, Bellini et Paganini. Il écrivit de
nombreuses pièces diverses pour guitare,
et un manuel, Metodo de guitarro (1825),
encore utilisé de nos jours.
AGUIAR (Alexandre de), compositeur
portugais († Talavera 1600).
Poète et instrumentiste, il fut ménestrel
à la cour du roi Sébastien et du cardinal
Henri de Portugal. Il reçut le surnom
d’Orphée à la cour de Philippe II d’Es-
pagne, où il jouit d’une grande réputation. Ses Lamentations de Jérémie ont été
chantées pendant de longues années à Lisbonne à l’occasion de la semaine sainte.
AGUIARI ou AGUJARI (Lucrezia, dite
La Bastardella ou La Bastardina),
soprano italienne (Ferrare 1743 - Parme
1783).
Sa brève carrière fut éclatante. Elle déchaîna l’enthousiasme en ltalie, puis à
Londres, et se retira de la scène en 1780.
Sa voix très souple, au timbre agréable,
atteignait dans l’aigu des sommets vertigineux. En 1770, à Parme, elle suscita
l’admiration de Mozart en exécutant
devant lui un exercice en vocalises s’étendant de l’ut3 à l’ut6.
AGUILERA DE HEREDIA (Sebastián),
organiste et compositeur espagnol (v.
1560-1570 - Saragosse 1627).
Il fut organiste à Huesca, puis à Saragosse
(1603). Disciple de Peralta, mais influencé
par l’art de Cabezón, il est le meilleur représentant de la musique de l’Aragon. Il a
laissé des pièces pour orgue, des psaumes
et un magnificat (Canticum Beatissimae
Virginis..., 1618).
AHLE (Johann Rudolf), compositeur,
organiste et théoricien allemand (Mühlhausen, Thuringe, 1625 - id. 1673).
Il fut cantor à l’église Saint-André d’Erfurt, puis, dès 1654, revint dans sa ville natale pour y être organiste et bourgmestre.
Il publia divers recueils de compositions,
destinées aux instruments et aux voix,
de caractère presque exclusivement religieux, et deux traités. Son influence sur la
musique protestante fut considérable au
XVIIIe siècle. Son fils, Johann Georg (16511706), devait prendre sa suite dans le domaine de la musique religieuse.
AHO (Kalevi), compositeur finlandais
(Forssa 1949).
Élève de E. Rautavaara à l’académie
Sibelius et de Boris Blacher à Berlin, il
s’imposa avec sa Symphonie no 1 (1969),
influencée par Chostakovitch, et son Quatuor à cordes no 2 (1970), et termina sa
Symphonie no 2 (1970) avant même d’obtenir son diplôme de composition (1971,
année de son Quatuor à cordes no 3). Les
années 70 furent dominées par la sympho-
nie - la violente et massive Cinquième est
de 1975-1976, la « moderniste » Sixième de
1979-1980 - et la musique de chambre. La
Septième Symphonie, dite Symphonie des
Insectes, ne suivit qu’en 1988. Elle est issue
de l’opéra Vie des insectes (1985-1987),
d’après la pièce de Karel et Josef Capek. La
très vaste Huitième (1993) est pour orgue
et orchestre, et la Neuvième (1993-1994),
plus légère, pour trombone et orchestre.
Ses trois Concertos - pour violon (1981),
pour violoncelle (1983-1984) et pour
piano (1988-1989) - sont de conception
nettement symphonique.
On lui doit aussi la Clé, monologue dramatique pour chanteur soliste et orchestre
de chambre (1978-1979). Il a enseigné la
musicologie à l’université d’Helsinki, puis
la composition à l’académie Sibelius de
1988 à 1993. Depuis cette date, une bourse
de quinze ans de son gouvernement lui
permet de se consacrer entièrement à la
composition.
AICHINGER (Gregor), compositeur allemand (Ratisbonne 1564 - Augsbourg
1628).
Il doit à des études universitaires à Ingolstadt ses relations avec la famille des Fugger qui lui confia dès 1584 la charge de
l’orgue de leur fondation à Saint-Ulrich
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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d’Augsbourg. Un voyage en Italie (Venise,
Rome, de 1584 à 1587) lui permet de
suivre l’enseignement de G. Gabrieli. Au
retour d’un pèlerinage à Rome, où il revêt
l’habit ecclésiastique (1600), il reprend
sa charge d’organiste et de vicaire à la
cathédrale d’Augsbourg. De 1603 à 1609,
il publie un grand nombre de recueils de
musique spirituelle, dont les Ghirlanda di
Canzonette spirituali (Augsbourg, 1603),
les Sacrae dei laudes (Dillingen, 1609) et
les Teutsche Gesenglein aus dem Psalter
(Dillingen, 1609). Ses Cantiones ecclesiasticae (Dillingen, 1607) marquent l’introduction en Allemagne de la pratique de
la basse continue, tandis que son oeuvre,
essentiellement vocale, est dominée par
une recherche d’expression influencée par
le nouveau style dramatique italien.
AIMARD (Pierre-Laurent), pianiste français (Lyon 1957).
Élève d’Yvonna Loriod au Conservatoire
de Paris, puis de Maria Curcio à Londres,
il reçoit en 1973 le premier prix du
Concours international Olivier Messiaen,
inaugurant ainsi une carrière largement
dévolue à la création contemporaine. En
1976, il remporte un 2e prix au Concours
international de Genève et il entre à l’Ensemble InterContemporain, où il restera
jusqu’en 1995. Profondément intéressé
par la musique de son temps, il instaure
avec plusieurs grands compositeurs de
ce siècle (Ligeti, Stockhausen, Boulez,
Messiaen, Benjamin, Stroppa, etc.) des
relations fortes et suivies, présentant et
défendant leurs oeuvres lors de concerts
commentés où il mêle le répertoire du
passé et celui du présent.
AIMERIC DE PÉGUILHAN, troubadour
français (Toulouse v. 1170 - Italie v.
1220).
Successivement au service de nombreux
princes, il voyagea beaucoup en Espagne
et en Italie, et serait mort hérétique. Il a
laissé une cinquantaine de pièces, dont six
sont notées.
AIR.
1. Élément gazeux faisant vibrer les cordes
vocales et alimentant le souffle dans le
chant, ainsi que dans le fonctionnement
de l’orgue par l’intermédiaire des soufflets
des tuyaux et des différents instruments
à vent.
2. Mélodie dont on se souvient facilement, qu’on retient, sur laquelle on peut
adapter des paroles différentes des paroles
originales ; dans le sens de ligne générale
d’une mélodie, l’usage du mot est devenu
populaire.
3. Genre musical : le mot « air » est entré
dans le vocabulaire musical français en
1571 avec la publication du Livre d’A.
Le Roy ( ! AIR DE COUR) ; l’origine en
est la chanson au luth du XVIe siècle, qui
devient l’air de cour, puis la chanson ou
l’air à boire ; il se développe intensément
au XVIIe siècle avec le ballet de cour. Vers
1650, ce sera le tour de l’air en rondeau
et plus encore de l’air sérieux, avec, en
général, un second couplet en diminu-
tion, appelé le double et souvent très orné.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, en France, mais
aussi en Italie, l’air est souvent suivi d’un
qualificatif, selon la forme ou le sentiment
exprimé : air tendre, air gai, air en rondeau, air à variations, air de concert, etc.
Dans le théâtre lyrique de cette époque,
l’air est généralement précédé d’un récitatif, mais utilise plusieurs formes, soit anciennes, soit nouvelles comme l’aria col da
capo venant d’Italie. L’oeuvre de Lully peut
servir d’illustration. Au XIXe siècle, on
évite cette forme d’air à reprise, qui interrompt l’action : l’air est en deux sections,
mais celles-ci sont totalement différentes.
Avec Wagner, l’air et le récitatif perdent
leur individualité ; l’action se déroule sur
une musique continue. Après Wagner,
cette tendance s’étend, et, à la suite de Pelléas et Mélisande de Debussy, elle devient
générale.
« Air » est également utilisé, dans la
musique instrumentale, comme titre de
pièces à caractère mélodique ou dont la
forme est proche de la musique vocale ; cet
emploi est, bien sûr, particulièrement fréquent dans la musique française. Parfois,
cependant, des pièces de toute évidence
inspirées par la forme de l’air n’en portent
pas le titre (Adagio du Concerto en « sol »
de Ravel).
AIR À BOIRE.
Petite forme vocale célébrant le vin, dont
l’origine remonte aux Grecs, à Rome, au
Moyen Âge avec les trouvères.
De source populaire, elle passe dans
la chanson savante et paraît dans les recueils d’airs accompagnés au luth et dans
les oeuvres de Lully, Couperin, Campra,
etc., où le genre devient beaucoup plus
raffiné. Au XVIIIe siècle, il est un sujet
d’inspiration pour les chansonniers. Plus
tard, Berlioz (la Damnation de Faust),
Saint-Saëns, Gounod, Ravel (Don Quichotte à Dulcinée) ne dédaignent pas
cette forme d’air, autonome ou encastrée
dans une oeuvre complète.
AIR DE CONCERT.
Page indépendante pour soliste vocal et
orchestre.
Le genre fut surtout pratiqué à l’époque
classique sur des textes en italien. Mozart
en composa un grand nombre, de Va, dal
furor portata K.21 pour ténor (1765) à
Per questa bella mano K.612 pour basse
(1791), la plupart étant cependant pour
soprano, comme Ah, lo previdi !.. Ah
t’invola K.272 (1777), destiné à Josepha
Dusek, ou encore Alcandro, lo confesso...
Non so, d’onde viene K.294 (1778), pour
Aloysia Weber. On peut citer également
Berenice, che fai ? Hob. XXIVa.10 de
Haydn (1795), pour Brigida Banti, Ah
perfido ! opus 65 de Beethoven (1796),
pour Josepha Dusek, et le curieux Infelice opus 94 de Mendelssohn (1834, rév.
1843).
AIR DE COUR.
Ce genre spécifiquement français existait
soit dans une version polyphonique à 4 ou
à 5 voix, soit pour une voix seule (généralement le superius), les autres voix de la
chanson polyphonique étant souvent simplifiées pour être jouées en accompagnement (réduites en tablature) par un instrument tel que le luth. La coupe de l’air de
cour était strophique ; les textes, souvent
signés de grands poètes du XVIIe siècle (Th.
de Viau, Saint-Amant, Tristan l’Hermite,
Malherbe), étaient fondés sur le thème de
l’amour languissant. La ligne vocale, parfois sous l’influence de la musique mesurée à l’antique, épousait la longueur des
vers, et la mélodie était composée sur le
texte de la première strophe. Les autres
strophes devaient se chanter sur la même
mélodie : on attendait du chanteur qu’il
les ornât à son goût, ce qu’il faisait parfois
de manière abusive. Le genre fut illustré
entre 1571, date de la publication du Livre
d’airs de cour mis sur le luth par A. Le Roy,
et 1650 environ, d’abord par Guédron
(qui l’appelle aussi « récit »), G. Bataille et
plus particulièrement A. Boësset, éminent
mélodiste. La grande liberté rythmique
des origines devint petit à petit prisonnière de la barre de mesure.
L’air de cour influença le développement de la monodie a voce sola en Italie et
celui de la technique vocale ; ensuite l’air
de cour du « vieux Boësset » et de ses collègues profita à son tour de la science des
Italiens et amena une réforme du chant
en France (Nyert) ; avec M. Lambert et la
génération suivante, il devint l’air sérieux
dont les célèbres doubles étaient souvent
d’une extrême virtuosité. La basse continue, tardivement introduite en France,
remplaça la tablature ; l’air de cour fut
désormais exclusivement monodique et
contribua directement et de manière déterminante à la formation de l’opéra français avec Lully.
AIR DE SUBSTITUTION (angl. Insertion
Aria ; all. Einlagearie).
Air écrit par un compositeur pour en remplacer un autre lors de la représentation
d’un opéra d’un autre compositeur ou
plus rarement de lui-même, compte tenu
notamment de conditions locales différentes ou d’un changement de distribution.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Cette pratique fut courante dans l’opéra
italien jusqu’au début du XIXe siècle.
Haydn en composa plusieurs pour les
opéras représentés à Eszterhaza, par
exemple en 1786 Sono Alcina e sono ancora Hob. XXIVb.9 pour la scène 5 de
l’acte I de l’Isola d’Alcina de Gazzaniga, ou
en 1790 la Moglie quando è buona Hob.
XXIVb.18 pour la scène 10 de l’acte I de
Giannina e Bernardone de Cimarosa. En
1783, pour une représentation viennoise
d’Il curioso indiscreto d’Anfossi, Mozart
composa pour la soprano Aloysia Lange
(née Weber) Vorrei spiegarvi, oh Dio K.418
et No, che non sei capace K.419, et pour
le ténor Johann Valentin Adamberger
(créateur en 1782 du rôle de Belmonte
dans l’Enlèvement au sérail) Per pietà, non
ricercate K.420. En 1789, il destina à Luisa
Villeneuve (créatrice en 1790 du rôle de
Dorabella dans Così fan tutte) Alma grande
e nobil core K.578 (pour I due baroni di
Rocca Azzura de Cimarosa) ainsi que Chi
sa, chi sa, qual sia K.582 et Vado, ma dove ?
oh Dei K.583 (pour Il burbero di buon
cuore de Martin y Soler). Pour la version
viennoise de Don Giovanni (1788), Mozart
remplaça l’air d’Ottavio Il mio tesoro par
Dalla sua pace. De nos jours, on chante
habituellement les deux.
AIR SÉRIEUX.
Il s’agit du prolongement de l’air de cour
qui prit cette nouvelle appellation avec la
génération de M. Lambert (1610-1696), le
maître du genre, de S. Le Camus (16101677) et de Du Buisson († 1710). La forme
de ces airs, toujours strophique, eut tendance à se limiter à deux couplets, la mélodie étant composée sur le premier ; le
second couplet (le double) devait se chanter sur la base de cette mélodie, mais avec
l’introduction d’une ornementation qui
atteignait souvent une extrême virtuosité,
dont on doit souligner toutefois que le
but était essentiellement expressif ; avec
l’apparition de ces difficultés vocales, l’art
du chant progressa rapidement en France
(Bacilly). Dans les nombreux recueils publiés chez Ballard au XVIIe siècle sous le
titre conjoint d’Airs sérieux et à boire, l’air
sérieux fut illustré par Lorenzani, Charpentier, Couperin, Campra, etc. Après
1720, avec le développement de l’opéra et
le déclin de la maison Ballard, l’air sérieux
disparut peu à peu.
AIX-EN-PROVENCE (festival d’).
Organisé par la ville d’Aix-en-Provence
avec le concours de la Société du casino
d’Aix-Thermal et de divers organismes et
collectivités publics, le « festival international d’art lyrique et de musique d’Aixen-Provence », le plus célèbre festival de
France, naquit du désir de l’imprésario
Gabriel Dussurget de créer et d’animer
une grande manifestation musicale dans
le Midi. Séduit par le calme et les richesses
artistiques d’Aix-en-Provence, G. Dussurget jeta son dévolu sur cette cité et reçut
immédiatement l’appui de plusieurs personnalités locales. Il fut décidé de consacrer ce nouveau festival essentiellement
à Mozart. Le 23 juillet 1948, eut lieu la
manifestation inaugurale, un concert Mozart donné par l’orchestre des cadets du
Conservatoire de Paris, sous la direction
de Hans Rosbaud. Le 28 juillet, ce fut le
premier spectacle d’opéra, Così fan tutte,
donné par la compagnie Marisa Morel et
dirigé par Hans Rosbaud, dans la cour de
l’Archevêché, que le peintre Cassandre
devait aménager par la suite en théâtre
et qui devait devenir le lieu privilégié des
spectacles lyriques aixois.
Les talents conjugués de H. Rosbaud et
de l’organisateur et découvreur de talents
G. Dussurget donnèrent en peu d’années
au festival sa brillante image de marque.
Aix-en-Provence put mériter le nom de
« Salzbourg français » en se distinguant par
une caractéristique très importante : faute
de moyens financiers, Aix présente à son
public, en particulier dans le domaine du
chant, non des vedettes consacrées, mais
de jeunes artistes de talent, le plus souvent
de futures grandes vedettes. À partir du
Don Juan de 1949, et durant quelque vingt
années, Aix fit entendre souvent, à de
nombreuses reprises, de grands chanteurs,
encore inconnus ou peu connus : Renato
Capecchi, Léopold Simoneau, Graziella
Sciutti, Ernst Haefliger, Leonie Rysanek,
Rolando Panerai, Teresa Stich-Randall,
Nicolaï Gedda, Teresa Berganza, Luigi
Alva, Fritz Wunderlich, Pilar Lorengar,
Christiane Eda-Pierre, Gabriel Bacquier,
Jane Berbié, Gundula Janowitz, Josephine
Veasey, sans parler de nombreux autres
artistes tels que le chef d’orchestre Carlo
Maria Giulini.
En dehors des oeuvres de Mozart, qui
demeurèrent alors le coeur du répertoire
aixois, eurent lieu des représentations
mémorables : Orfeo et le Couronnement
de Poppée de Monteverdi, Didon et Énée
de Purcell, et, de même, Platée de Rameau
(avec Michel Sénéchal), Orphée et Iphigénie en Tauride de Gluck, Il Mondo della
luna de Haydn, le Mariage secret de Cimarosa, le Barbier de Séville de Rossini, Falstaff de Verdi, Ariane à Naxos de Richard
Strauss, Pelléas et Mélisande de Debussy.
Cette liste est loin d’être limitative, et il
convient de mentionner aussi les créations
de Lavinia de Barraud (1961), les Malheurs
d’Orphée de Milhaud (1962), Beatris de
Planissolas de Jacques Charpentier (1971).
Sur plusieurs plans, le festival d’Aix
traça alors des voies nouvelles qui devaient avoir une influence profonde sur
la vie lyrique française, innovations qui
consistèrent dans l’élargissement du répertoire, le retour aux opéras classique et
baroque, la restauration des versions originales d’opéras étrangers, enfin l’appel à
des peintres connus qui n’étaient pas forcément décorateurs (Cassandre, Wakhevitch, Lalique, Ganeau, Malclès, Clayette,
Derain, Balthus) et, pour la mise en scène,
à des hommes de théâtre qui n’avaient
pas ou n’avaient guère encore abordé le
domaine du lyrique (Meyer, Sorano, Cocteau, etc.). Pour en terminer avec cette ère,
précisons que les opéras étaient loin de
constituer le seul attrait du festival. L’intérêt des récitals n’était pas moindre et,
dans les nombreux concerts, la musique
moderne et contemporaine fut à l’honneur. Maintes créations ou premières
auditions en France s’y déroulèrent, allant
d’Auric, Sauguet, Dutilleux, Rivier et Bondon à Guézec, Jolas et Koering en passant
par Webern, Petrassi, Henze, Xenakis et
Nono.
Après une période moins éclatante,
Bernard Lefort fut nommé directeur du
festival en avril 1973. L’avènement du
répertoire préromantique et romantique
italien (Cherubini, Rossini, Donizetti,
Verdi), l’appel à une nouvelle génération
de metteurs en scène (Jorge Lavelli, dont
la Traviata en 1976 et Alcina en 1978
ont fait date ; Jean-Pierre Vincent, JeanClaude Auvray, Jean-Louis Thamin), l’utilisation de la place des Quatre-Dauphins
pour certains petits ouvrages (Pergolèse,
Cimarosa, etc.) caractérisent cette nouvelle époque du festival où les concerts
vocaux et instrumentaux demeurent
extrêmement brillants. Des spectacles
comme Così fan tutte de Mozart (1977),
mis en scène par Jean Mercure, et surtout
Alcina de Haendel, mis en scène par Lavelli, avec un plateau de chanteurs d’une
qualité exceptionnelle, montrent que
le changement s’effectue dans une certaine continuité. Mais c’est une ère très
différente qui s’est ouverte avec la direction de Louis Erlo (1982-1996). En 1992,
l’association qui gérait le festival a cédé la
place, à la demande de l’État, à une société
d’économie mixte. Nommé en 1995 alors
qu’il était déjà directeur du Châtelet et
de l’Orchestre de Paris, le successeur de
Louis Erlo, Stéphane Lissner, prendra ses
fonctions en 1998.
ALAIN (Jehan), compositeur français
(Saint-Germain-en-Laye 1911 - Saumur
1940).
Fils du compositeur et organiste Albert
Alain, frère de Marie-Claire et d’Olivier
Alain, Jehan Alain appartient à une famille vouée totalement à la musique. À six
ans, il improvisait déjà sur l’harmonium.
À onze ans, il accompagnait les offices au
grand orgue de Saint-Germain-en-Laye.
Entré en 1928 au Conservatoire de Paris,
Alain y fut l’élève de Ducasse, Dukas,
Dupré. Il remporta en 1933 les premiers
prix d’harmonie et de fugue, et, en 1939,
d’orgue. Avant de quitter le Conservatoire, il était déjà connu comme composidownloadModeText.vue.download 20 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
14
teur. Ses Litanies furent créées le 17 février
1938 à l’église de la Trinité, en même
temps que la Nativité du Seigneur de Messiaen. Mobilisé en 1939, Alain prit part à
la bataille des Flandres, puis à la défense
de Saumur où il mourut héroïquement.
Son oeuvre se compose essentiellement
de musique orchestrale, de musique instrumentale (pièces pour piano et, surtout,
nombreuses pièces pour orgue), d’un
Requiem (1938), d’une Messe brève (1938)
et de la Prière pour nous autres charnels
(1939), partition composée sur un texte de
Péguy et orchestrée par Dutilleux.
ALAIN (Marie-Claire), organiste française (Saint-Germain-en-Laye 1926).
Fille d’Albert Alain, soeur de Jehan et
d’Olivier Alain, elle fit ses études auprès
de son père et au Conservatoire de Paris,
où elle obtint le premier prix d’orgue
dans la classe de Marcel Dupré en 1950.
Elle connut vite la célébrité grâce à ses
concerts et à de très nombreux disques,
dont deux intégrales de l’oeuvre de J.-S.
Bach. Son répertoire, étendu, ne connaît
pas d’exclusive. On lui doit des harmonisations de noëls et de chansons populaires
françaises.
ALAIN (Olivier), compositeur, organiste
et musicologue français (Saint-Germainen-Laye 1918).
Fils d’Albert Alain, frère de Jehan et de
Marie-Claire Alain. Élève d’Aubin et de
Messiaen au Conservatoire de Paris, il a
été directeur du conservatoire de SaintGermain-en-Laye de 1950 à 1964 ; puis,
inspecteur de la musique au ministère de
la Culture, il a continué à s’attacher aux
problèmes de l’enseignement. Il a composé un Chant funèbre (1950), des pièces
d’orgue, des motets, et écrit plusieurs
ouvrages, dont l’Harmonie (Paris, 1965)
et Bach (Paris, 1970). Ses recherches sur
J.-S. Bach l’ont conduit à découvrir, dans
une bibliothèque privée, à Strasbourg,
quatorze Canons inédits, dont la première
audition a été donnée dans cette ville en
1974.
ALARD (Jean-Delphin), violoniste et
compositeur français (Bayonne 1815 Paris 1888).
Il fut professeur au Conservatoire de Paris
de 1843 à 1875 (Sarasate fut l’un de ses
élèves) et premier soliste à la chapelle impériale de Napoléon III à partir de 1858. Il
a écrit des concertos, des fantaisies, des
études, de la musique de chambre et une
méthode pour le violon (l’École du violon,
Paris, 1844).
ALBÉNIZ (Isaac), pianiste et compositeur espagnol (Camprodón, Catalogne,
1860 - Cambo-les-Bains, Pyrénées-Atlantiques, 1909).
Exceptionnellement précoce, il commence l’étude du piano à trois ans et joue
en public l’année suivante. Au cours de
plusieurs tournées de concerts en Espagne, il s’impose à la fois comme virtuose
et comme improvisateur. Une fugue d’un
an (1872-73) le conduit en Amérique du
Sud et aux États-Unis, où il retourne en
1874. Sa vie y est difficile ; Albéniz est victime d’une crise de fièvre jaune.
Grâce à une bourse, il se rend à
Bruxelles où il est l’élève de Brassin. Il
rencontre Liszt en 1880, puis donne des
concerts en Amérique du Sud, à Cuba et
en Espagne, où il écrit des zarzuelas (1882)
avant de se marier et de se fixer à Barcelone, puis à Madrid (1885).
Ses premières oeuvres, très influencées
par Schumann, Mendelssohn et Liszt,
s’effacent alors derrière les différentes
pièces de la Suite espagnole, par lesquelles
il fonde l’école espagnole en s’inspirant
des rythmes et des thèmes populaires. Installé à Londres (1890-1893), Albéniz tente
sa chance dans l’art lyrique, où il connaît
un certain succès. Il se fixe en 1894 à Paris,
où il rencontre les franckistes ainsi que
Dukas, Debussy et Fauré, et devient professeur de piano à la Schola cantorum. Sa
véritable carrière commence avec La Vega
(1897) et les Chants d’Espagne. Déçu par
l’accueil de son pays natal, il se considère
désormais comme un exilé, et les quatre
cahiers d’Iberia, son chef-d’oeuvre, sont
l’écho de cette déception. Il meurt au Pays
basque du mal de Bright à l’âge de 49 ans.
Une fois dégagé de l’académisme de
salon et de l’hispanisme de zarzuela qui ont
marqué ses premières oeuvres, Albéniz fait
figure de pionnier dans la renaissance de
la musique espagnole au début du siècle.
Tempérament généreux et d’une inspira-
tion inépuisable, il a trouvé sa suprême expression dans la musique de clavier et il en
a porté l’écriture à un degré de perfection
insurpassé, synthèse de la virtuosité transcendante et d’une fidélité rigoureuse aux
formes traditionnelles. C’est cependant
dans la couleur et la sonorité que cette
oeuvre, d’esprit rhapsodique, révèle ses
traits les plus originaux : à ses lignes mélodiques généralement simples s’oppose une
harmonie profuse et complexe, souvent
inspirée des modes antiques empruntés au
flamenco et systématiquement pimentée
par des acciacatures savoureuses. Par ailleurs, le souci des sonorités a suggéré des
innovations dans la technique pianistique
(doigtés inhabituels, position des mains,
attaque du clavier) dont se réclament la
plupart des compositeurs contemporains,
de Messiaen à Stockhausen.
Les théories de Pedrell (Pour notre musique, 1891), suivant lesquelles la musique
d’une nation doit être fondée sur les éléments populaires, ont trouvé en Albéniz
leur plus parfaite illustration. C’est assez
curieusement vers l’Andalousie mauresque que le Catalan Albéniz a, du reste,
préféré tourner ses regards, révélant ainsi
le génie de sa province natale à l’Andalou
Manuel de Falla.
ALBERT (Magister Albertus Pariensis),
compositeur français († Paris v. 1180).
Chantre à Notre-Dame de Paris, il composa la première pièce à trois voix connue,
écrite dans le style du conduit. Il s’agit
d’un Benedicamus Domino contenu dans
le Codex Calixtinus de Saint-Jacques-deCompostelle (1140).
ALBERT (Eugen d’), pianiste et compositeur allemand d’origine française (Glasgow, Grande-Bretagne, 1864 - Riga, Lettonie, 1932).
Il fit ses études à la National Training
School de Londres et fut plus tard l’élève
de Liszt à Weimar. Pianiste exceptionnel,
l’un des plus célèbres de son époque, il fut
également chef d’orchestre et fut nommé,
en 1907, directeur de la Hochschule für
Musik à Berlin. Dès le début du siècle, il
se consacra surtout à la composition. Son
oeuvre abondante mêle l’écriture contrapuntique allemande à de nombreuses
autres influences ; dans ses opéras, il se
révèle vériste à la manière italienne, avec
des effets appuyés, mais il cultive aussi le
wagnérisme dans l’emploi du leitmotiv et
la manière d’utiliser la mélodie continue.
Il écrivit de la musique symphonique et
instrumentale, des choeurs, des lieder et
une vingtaine d’opéras, dont seuls Die
toten Augen (1916) et surtout Tiefland
(1903) ont échappé à l’oubli.
ALBERT (Heinrich), compositeur allemand (Lobenstein, Thuringe, 1604 - Königsberg 1651).
Élève de son cousin H. Schütz, il devint
organiste à la cathédrale de Königsberg
en 1630. Il composa pour la scène deux
ouvrages (Cleomedes, 1635, dont il ne
reste que deux airs, et Prussiarchus oder
Sorbuisa, 1645, perdu), ouvrages qui suivirent de près le premier opéra allemand
(Daphne de Schütz, 1627) et comptent
donc parmi les plus anciens du genre.
Mais c’est surtout dans le lied avec basse
continue qu’Albert exerça une influence
considérable. Par ses huit recueils d’Arien
oder Melodien à une ou plusieurs voix
d’inspiration religieuse ou profane, où
il pratique la monodie à la manière italienne, il s’impose, avec son cadet A.
Krieger, comme le père du lied allemand.
Excellent poète, il mettait en musique le
plus souvent ses propres textes ou ceux de
son ami Simon Dach.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
15
ALBERTI (Domenico), compositeur italien (Venise v. 1710 - Rome v. 1740).
Élève de Lotti, il fut claveciniste et chanteur. En 1737, il fit partie de l’ambassade
de Venise à Rome et donna des concerts
dans cette ville. Il a laissé son nom au
procédé « basse d’Alberti », consistant à
jouer décomposé en arpèges l’accord destiné à la main gauche au clavier. Alberti a
composé des opéras (Endimione, Galatea,
Olimpiade), des motets, des cantates et des
sonates pour le clavecin qui parurent à
Londres chez J. Walsh.
ALBIN (Roger), violoncelliste, chef d’orchestre et compositeur français (Beausoleil, Alpes-Maritimes, 1920).
Après des études musicales à Monte-Carlo,
aux conservatoires de Nice et de Paris, il
a fait, à partir de 1935, une remarquable
carrière de violoncelliste, tant comme
concertiste que comme violoncelle solo
de grandes formations tels la Société des
concerts du Conservatoire ou l’orchestre
de l’Opéra de Paris. Il a aussi longtemps
pratiqué la direction d’orchestre, et a été
chef de l’orchestre symphonique de la
radio de Strasbourg (1966). Ayant également, de 1945 à 1948, étudié la composition avec Busser et Milhaud, l’analyse et
l’estéthique avec Messiaen, il a écrit des
oeuvres instrumentales et symphoniques.
ALBINONI (Tomaso), compositeur italien (Venise 1671 - id. 1751).
Peut-être élève de Legrenzi, il étudia le
chant, le violon et le contrepoint. Appartenant à une famille aisée, il resta toute sa
vie, comme son compatriote Benedetto
Marcello, un « amateur » (Il dilettante
veneto), ce qui signifie qu’il n’eut jamais
besoin de composer pour vivre. À part
quelques brefs voyages, il passa toute son
existence à Venise. Son premier opéra, Zenobia, fut représenté en 1694, et, en 1703,
il se rendit probablement à Florence, où
l’on donnait La Griselda. En 1722, il organisa les fêtes musicales en l’honneur du
mariage du prince électeur Albert de Bavière avec la fille de l’empereur Joseph Ier,
et, en 1724, il rencontra Métastase, dont
il mit en musique, l’année suivante, la Didone abbandonata. Mais, de ses quelque 50
opéras, dont le dernier date de 1741, n’ont
survécu entièrement que Zenobia (1694),
Engelberta (1709) et la Statiza (1726), ainsi
que l’intermède bouffe Vespetta e Pimpinone (1708). Ses oeuvres instrumentales le
placent en revanche au premier rang des
compositeurs vénitiens de son temps, à
côté d’Antonio Vivaldi et de Benedetto
Marcello. Tout au long de cette production, dont une partie seulement fut éditée de son vivant, sonates et concertos
alternent, parfois au sein d’un même opus,
et il en va de même des ouvrages adoptant la coupe de l’ancienne sonate d’église
(lent-vif-lent-vif) ou du concerto moderne (vif-lent-vif). De même, des pages
d’écriture polyphonique alternent avec
d’autres où se manifeste une nette volonté
novatrice (rythmes originaux, harmonies
audacieuses). Bach, qui appréciait fort
Albinoni, édifia deux fugues pour orgue à
partir de thèmes de lui. Quant au célèbre
Adagio d’Albinoni, c’est un pastiche réalisé
au XXe siècle mais qui fut néanmoins pour
beaucoup dans la redécouverte du compositeur depuis 1950.
ALBONI (Marietta), contralto italien
(Castello 1823 - Ville-d’Avray 1894).
Elle débuta à Bologne en 1842 dans Saffo de
Pacini, où elle fit d’emblée une impression
considérable. À Londres, en 1847, dans le
rôle d’Arsace de Sémiramis (Rossini), elle
s’affirma comme l’une des plus grandes
cantatrices du XIXe siècle. Elle avait un
timbre d’une beauté exceptionnelle, une
technique et un style exemplaires. Mais
sa corpulence lui valut le surnom d’« éléphant ayant avalé un rossignol ».
ALBORADA (esp. : « aubade »).
Mélodie populaire de la Galice pour instruments seuls, de rythme très libre, mais
martelé par un accompagnement uniforme.
Des compositeurs tels que Rimski-Korsakov (Capriccio espagnol) et Ravel (Alborada del gracioso) l’ont introduite dans la
musique savante.
Par ce même terme, on désigne aussi un
concert vocal simple, ou avec accompagnement instrumental, donné peu avant
l’aube à l’occasion de festivités populaires,
ou une composition que l’on doit chanter
au lever du jour.
ALBRECHTSBERGER (Johann Georg),
compositeur, organiste et théoricien autrichien (Klosterneuburg 1736 - Vienne
1809).
Organiste dans sa jeunesse à Melk, Raab
(Györ, en Hongrie) et Maria Taferl, organiste de la Cour en 1772 et maître de
chapelle à la cathédrale Saint-Étienne de
Vienne en 1793, il fut ami de Mozart et de
Haydn et donna, en 1794-95, des leçons
de contrepoint à Beethoven, un de ses
nombreux élèves. En 1798, il devint, avec
Haydn et Salieri, membre honoraire de
l’Académie royale de musique de Suède.
Il a laissé une importante production
de musique religieuse (dont 26 messes),
d’orgue (fugues) et de musique instrumentale profane (quatuors, musique de
chambre diverse, fugues pour cordes,
concertos, 4 symphonies), ainsi que des
ouvrages théoriques, très célèbres en
leur temps, dont surtout Anweisung zur
Komposition (1790 ; traduction française
Méthode élémentaire de composition, Paris,
1814) et Kurzgefasste Methode, den Generalbass zu erlernen (méthode rapide de
basse continue, 1792). Un contemporain
le qualifia de « fugue ambulante », mais il
fut à son époque le seul Viennois à écrire
une fugue sur les lettres du nom de Bach.
ALBRIGHT (William), compositeur américain (Gary Indiana, 1944).
Élève de G. Schuller, puis de Ross Lee
Finney, il a travaillé à Paris avec Olivier
Messiaen et Max Deutsch. Professeur à
l’université de Michigan, il est excellent
pianiste et organiste. Les influences qu’il
admet sont multiples, de la musique populaire au jazz, de l’écriture traditionnelle
aux moyens les plus modernes d’expression. Ses oeuvres récentes utilisent même
des éléments visuels, par exemple Beulahland Bag avec récitant, quatuor de jazz,
bande et diapositives. On lui doit également des pages orchestrales (MasculineFeminine, Alliance, 1967-1970), Bacchanale (1981), de la musique de chambre
(Caroms, 1966 ; Salvos, 1964 ; ou Foils,
1963-64), des pièces pour piano et pour
orgue (Juba, 1965 ; Choral-Partita in an old
Style ; Pneuma, 1966, et Organbook, 1967).
ALDER (Cosmas), compositeur suisse
(Baden v. 1497 - Berne 1550).
Il fut enfant de choeur, puis cantor à la
cathédrale de Berne. Il est l’un des seuls
compositeurs polyphonistes de la Suisse
réformée au XVIe siècle. Son oeuvre comprend principalement des motets latins
(dont Inclytus antistes, écrit à l’occasion
de la mort de Zwingli) ou allemands, et
57 Hymni sacri à 3 et 5 voix (Berne, 1553).
ALDROVANDINI (Giuseppe Antonio
Vincenzo), compositeur italien (Bologne
v. 1673 - id. 1707).
Élève de G. A. Perti, il fut membre, puis
président de l’Accademia filarmonica et
maître de chapelle honoraire du duc de
Mantoue. Il composa notamment une
vingtaine d’opéras (dont 11 connus), de
la musique sacrée, 5 oratorios, des concertos, des sonates et des Cantate à voce sola
(1701). Par son style, il appartient à l’école
de Bologne.
ALÉA, MUSIQUE ALÉATOIRE.
La musique aléatoire est une musique
présentant un certain degré d’indétermination pouvant affecter soit sa structure
globale, soit un ou plusieurs de ses paramètres, sinon tous, une musique où les
techniques des jeux de hasard sont considérées comme un processus compositionnel, une musique bâtie sur la logique mathématique de la loi des grands nombres,
de la théorie des probabilités, etc.
L’univers du système sériel, avec sa rigidité, ses contraintes, ses contradictions,
est un univers où, d’une part, les relations ne sont plus définies une fois pour
toutes, mais au contraire portées à un
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
16
degré suprême de relativité et où, d’autre
part, la surdétermination a pour conséquence l’imprévisibilité (d’où les surprises
de Polyphonie X de Boulez). Or, précisément, la musique aléatoire se présente,
en Europe, comme une libération de
l’emprise sérielle, mais aussi comme son
aboutissement logique : de l’affirmation
d’un univers relatif, on passe aisément à
l’idée d’une oeuvre mobile, ouverte. À cela
s’ajoute la nécessité d’améliorer le rendement formel de la combinatoire sérielle,
de renouveler la perception globale, d’appréhender un niveau plus subtil de différenciations. C’est dans cette perspective
que s’inscrivent, en 1957, deux oeuvres
marquant un tournant décisif de l’histoire
de la musique au XXe siècle, Klavierstück
XI (1957) de Stockhausen et la 3e Sonate
pour piano de Boulez, toutes deux créées
à Darmstadt, le temple même du sérialisme. Dans Klavierstück XI, Stockhausen
propose une organisation mobile de dixneuf séquences de contenu déterminé
(hauteur, rythme) dans un ordre choisi
arbitrairement par l’interprète, et affectées
des indications (tempo, dynamique, mode
de jeu) notées à la fin de la séquence précédente. Dès lors que le regard de l’interprète tombe pour la troisième fois sur une
séquence, l’oeuvre est achevée. Dans sa 3e
Sonate, Boulez, poussant à bout les problèmes de forme qui lui sont chers, offre
à l’interprète une possibilité de choix portant sur l’ordre des formants (à l’exception
de Constellation, pivot central), l’ordre de
certaines structures, l’élimination volontaire d’autres : un choix de parcours différents, tous néanmoins écrits, prévus,
c’est-à-dire assumés par le compositeur.
Ainsi se trouvent posés une poétique de
l’indétermination et le statut même de
l’oeuvre ouverte. L’article Aléa, publié par
Boulez dans la Nouvelle Revue française
(no 59, 1er nov. 1957) et repris dans son
livre Relevés d’apprenti (1966), reflète les
discussions passionnées qui s’instaurèrent
alors et se veut réflexion sur la problématique de la nouvelle démarche créatrice.
L’obsession formelle de Boulez y rejoint
une certaine mystique du rôle du compositeur. L’acte compositionnel est défini par
Boulez comme un choix constant, avec sa
part d’irrationnel (la divine « surprise »),
à l’intérieur de certains réseaux de probabilités, mais dont la finalité, ultime
ruse du compositeur, est d’absorber le
hasard. D’où une hiérarchie des hasards
et la condamnation d’une démarche uniquement fondée sur la faiblesse ou la facilité, vil renoncement et simple transfert
des responsabilités. « Un parcours problématique, fonction du temps, [...] ayant
toutefois une logique de développement »
serait une manière de concilier le « fini »
de l’oeuvre occidentale, fermée, et la
« chance » de l’oeuvre orientale, ouverte.
Il est clair que dans les exemples cités
plus haut, l’oeuvre se présente comme un
champ de relations mobiles, une combinatoire de circuits ou, disons, une ville que
l’on peut explorer en empruntant divers
parcours pour se rendre d’un point Y à
un point Z sans que son unicité en soit
altérée. Cela revient à souligner qu’il n’y
a pas une seule, mais x bonnes solutions
prévues, en tout cas assumées par le compositeur. C’est ce que Pousseur appelle
la « plasticité des éléments », ajoutant
que « toute création artistique n’est que
manipulation et combinaison d’éléments
préalables ». Ainsi l’idée, chère au monde
occidental, de l’oeuvre-objet - produit fini
et intangible, porteur d’un message lié à
une relation privilégiée du signifiant et du
signifié - est ici battue en brèche. Ajoutons
que ce nouveau type d’oeuvre réintègre le
choix en instaurant une dialectique nouvelle entre l’oeuvre et son interprète, interprète dont elle revalorise le rôle, puisque
l’auteur lui offre son oeuvre à achever au
terme d’un dialogue (cf. Stockhausen demandant à son interprète de s’imprégner
de sa musique pour mieux réussir dans
cette tâche). Les problèmes d’exécution
sont plus secondaires et plus élémentaires
qu’il n’y pourrait paraître, car ils ne font
que relever d’une nouvelle convention
graphique ou gestuelle.
Cette capacité de choix comme l’engagement et la qualité de réaction fondamentale des deux chefs d’orchestre sont
testés dans Available Forms II (1962)
d’Earle Brown, la forme naissant des réactions réciproques et spontanées, qui sont
le vrai sujet d’étude. Cette revalorisation
s’appuie, chez Christian Wolff, sur l’idée
que le concert est un organisme vivant,
une tranche de vie ou sa représentation.
Wolff cherche à faire de l’acte musical
une activité fondée sur l’échange, la coopération (cf. aussi Boulez : 2e Livre de
Structures pour 2 pianos [1961]), à la fois
moyen d’articulation et seules sources de
musique susceptibles, en outre, de transformer les rapports entre les individus. Le
public peut d’ailleurs intervenir (comme
dans Votre Faust, 1967, de Pousseur) et
influer sur le déroulement et le dénouement de la pièce (cf. aussi Kyldex de Pierre
Henry, Hambourg, 1973).
Cage, au contraire, semble avoir comme
démarche de court-circuiter à tous les niveaux les aspects intellectuels des choix
(conditionnés par notre mémoire culturelle) par l’intégration de tout événement
sonore extérieur, par la consultation (à
partir de 1951) du I Ching, livre ancien
d’oracles chinois, et par l’utilisation de
procédés de tirage au sort. C’est une tout
autre orientation.
La part réservée à l’interprète peut
varier considérablement en fonction du
degré d’indétermination de l’oeuvre, qui
concerne la forme, les hauteurs, les durées,
les timbres, les dynamiques, isolément ou
non, être circonscrite à des moments précis ou s’élargir à la dimension de l’oeuvre
entière.
Le mouvement aléatoire devient général et caractérise la création musicale autour des années 1960-1965. Citons Berio
(les Sequenza, Circles, Epifanie), de Pablo
(Movil I, Modulos 1.5), Pousseur (Mobile,
Votre Faust, Scambi), Stockhausen (Zyklus,
Momente et, allant plus loin, Stop 65, Prozession, Plus Minus, Kurzwellen, Ylem, Aus
den sieben Tagen), Kagel, Bussotti (5 Pièces
pour piano pour David Tudor, la Passion
selon Sade), Amy, Haubenstock-Ramati,
etc. Dans son cycle Archipels, Boucourechliev propose à chaque interprète une
série de structures plus ou moins déterminées, présentées avec des paramètres
séparés et dispersés sur l’unique grande
feuille de la partition comme autant d’îles
ou d’archipels, la notation adoptée allant
de l’écriture traditionnelle ou stimulus
graphique. L’exécutant met en oeuvre les
structures qu’il désire en puisant dans les
propositions du compositeur, et les organise suivant sa propre nécessité musicale.
C’est un excellent exemple d’oeuvre ouverte minutieusement élaborée.
Il serait certes aisé de dire que l’histoire de la musique offre à l’aléatoire des
précédents. La non-détermination de
certains paramètres de la musique du
Moyen Âge explique les problèmes que
son interprétation, aujourd’hui, pose à
tous les niveaux. Et Corelli ne confiait-il
pas aux violonistes des andantes en forme
de canevas, pour leur permettre d’y briller
en brodant ? Quant à Veracini, en 1725,
il propose, dans la préface de ses Suites,
de choisir un certain nombre de pièces
ad libitum dont l’agencement constituera
une autre oeuvre parfaite... En réalité, les
techniques nouvelles de création en littérature - Joyce (pour Brown), Mallarmé
et son Livre (pour Boulez) - ou dans les
arts plastiques - Pollock et surtout Calder,
chez qui Brown trouva, outre la mobilité, la précision de l’organisation - servirent de catalyseurs. Ce n’est donc pas
fortuitement qu’Earle Brown intitule en
1951 l’une de ses oeuvres Calder Piece,
puisqu’un mobile du sculpteur y sert de
« chef d’orchestre », déterminant par son
mouvement le comportement des trois
percussionnistes, qui peuvent d’ailleurs
entretenir ledit mouvement.
En relation étroite avec l’évolution artistique générale, le mouvement aléatoire
américain est nettement antérieur à l’européen, mais son influence sur ce dernier n’a
été réellement déterminante qu’à partir
du séminaire assuré à Darmstadt, en 1958,
par Cage sur « la composition comme
processus », bien qu’une première tournée
européenne l’eût conduit en 1954 à Paris,
Milan, Londres et Donaueschingen où il
inaugura ses oeuvres superposables. Ce
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
17
qui intéresse Cage, c’est l’indétermination
au niveau de l’acte compositionnel, c’est
le hasard comme processus de création et,
de Music of Changes à Empty Words, le I
Ching lui permet de pousser plus loin son
expérimentation. Ce hasard peut d’ailleurs
prendre plusieurs formes : détermination
des notes dans l’espace de la feuille-partition en fonction des imperfections du
papier (Concert for piano and orchestra,
Music for piano), calques transparents
(comportant lignes, points, cercles) superposables à volonté (Variations I-IV, 19581963 ; Variations VI, 1966), qui laissent à
l’interprète la responsabilité et la liberté
d’effectuer lui-même les opérations nécessaires à la production des événements
dans le temps et l’espace, examen de cartes
astronomiques anciennes (Atlas eclipticalis, 1962 ; Études australes, 1976). Cage
inaugure en 1964 son idée, généralisée par
la suite, de superposition d’oeuvres distinctes avec 31 57.9 864 et 34 46.776 pour
piano préparé. Avec cette pluralisation
des techniques de hasard, il abandonne
de son propre aveu toute prétention à la
structure (il se situe hors du temps) et
intensifie le sentiment d’espace : ainsi ses
oeuvres ne sont plus des objets délimités,
mais des processus sans commencement
ni fin qui peuvent se combiner en des
oeuvres-en-devenir.
Toutefois, Cage ne cherche pas à produire du hasard mais avant tout, comme
Christian Wolff, à laisser vivre les sons,
c’est-à-dire aussi le silence (défini comme
des événements sonores non voulus), d’où
une série d’oeuvres indéterminées quant
à l’instrumentation et au nombre des
exécutants. Ainsi se traduit une attitude
esthétique nouvelle : l’indifférence quant
à la valeur culturelle ou non du matériau
dans un souci d’objectivisme, dans le sens
d’une écoute du quotidien. Mais, surtout,
cette attitude est teintée de philosophie
orientale : l’initiation de Cage au bouddhisme zen, en 1947, lui a sans doute appris
l’acceptation, ou mieux, l’indifférence à
l’égard de l’événement d’où qu’il vienne.
On retrouve chez Feldman, dans sa musique between categories, cette écoute du
temps et de l’événement (rare) qui invite à
la découverte d’un sentiment plus oriental
de la durée.
On comprend fort bien, dès lors, que
la notation traditionnelle sur portée soit
inadéquate : pour donner des directions
d’exécution, suggérer un climat ou un
espace de transfert du visuel au sonore,
on assiste à la recherche d’une écriture
plus souple, plus plastique, qui aboutit
à l’élaboration d’un système de notation
propre à chaque compositeur, d’où la
nécessité d’une notice explicative parfois
plus longue que la partition elle-même.
Prenons quelques exemples significatifs.
Quand il propose, pour December 52, un
simple ensemble de traits verticaux et horizontaux plus ou moins épais qui doivent
stimuler, à partir de libres conventions,
la créativité de ses interprètes, Brown fait
songer à Mondrian et à Leck (cf. aussi
Folio 52-53). Dès 1950, avec Projection I
et Marginal Intersection (1951), Feldman
se sert d’un ensemble de carrés et de
rectangles répartis sur trois registres : la
hauteur dans chaque registre, les dynamiques, l’expression restent à préciser,
la durée étant à peu près indiquée par la
longueur des rectangles, tandis que, dans
Atlantis (1959), la grille indique le nombre
de sons à jouer pour chaque instrument
dans le laps de temps choisi pour exécuter
l’unité de temps que représente le module.
Cathy Berberian choisit la bande dessinée
pour Stripsody, C. Wolff des quasi-idéogrammes dans Edges ; Ligeti joue, dans
Volumina pour orgue, avec l’épaisseur et
la sinuosité des traits indiquant en gros
la densité des clusters, leurs changements
de hauteur, tandis que Bussotti adopte
systématiquement, dans les 5 Pièces pour
piano pour David Tudor, le principe de
la « page blanche ». Dans cette direction,
l’aléatoire peut déboucher sur le happening, dont l’exemple est Fluxus, un groupe
plutôt qu’un mouvement, né à New York
en 1961 sur la base d’idées émises dans la
publication An Anthology, éditée par La
Monte Young et Mac Low.
Faut-il parler d’une démission du compositeur ? Boulez n’a pas caché qu’il rejetait Klavierstück XI de Stockhausen au
nom d’un excès de liberté accordé à l’interprète, et parce qu’il veut éviter la perte
totale du sens global de la forme ; il restera toujours sur une certaine réserve. Or,
nous avons vu que les multiples visages
d’une oeuvre pouvaient être assumés par
le compositeur, sinon contrôlés, et étaient
une sorte de garant du renouvellement
compositionnel, de sa jeunesse (même si
tout interprète est conditionné). L’accueil
de l’événement fortuit comme partie inté-
grante de l’oeuvre, c’est-à-dire l’attitude de
Cage, relève d’un autre état d’esprit, d’une
autre attitude devant l’art et la vie, et, de
fait, elle dérange par ses implications socioéconomiques et parce qu’elle est une
manière de dérision.
Au nom de la logique, Xenakis récuse
en bloc ces précédentes formes de musique aléatoire et jusqu’à leur appellation,
le hasard étant pour lui une chose rare,
constructible jusqu’à un certain point,
mais jamais susceptible d’improvisation.
L’aléatoire ressort des mathématiques ;
son calcul, la stochastique, « garantit
d’abord dans un domaine de définition
précis les bévues à ne pas commettre, et
ensuite fournit un moyen puissant de raisonnement et d’enrichissement des processus sonores ». Le compositeur peut
alors dépasser les contradictions de la
sérialité, ses combinaisons élémentaires,
sa polyphonie de lignes, pour contrôler
la densité et la répartition des sons sur
tout le spectre sonore, leur distribution de
manière aussi affinée que possible et leurs
transformations graduelles (de continuité
à discontinuité, d’ordre à désordre, d’immobilité à mouvement).
C’est également à la logique mathématique que Xenakis rattache ses musiques
« stratégiques » fondées sur la technique
du jeu (Stratégie, Duel, Linaia-Agon).
Pour Barbaud, la démarche est identique :
soumettre l’apparition des événements
sonores à un calcul, canaliser le hasard
des organigrammes. L’ordinateur est
ainsi l’indispensable outil de travail ; bien
plus, grâce au couplage avec convertisseur
numérique-analogique, il devient un instrument.
ALEGRÍAS (esp. : « allégresses »).
Danse espagnole à 3/4, rapide, joyeuse et
brillante, comme son nom l’indique.
C’est l’une des danses les plus anciennes
et les plus originales de la musique flamenco.
ALEMBERT (Jean Le Rond d’), mathématicien et philosophe français (Paris
1717 - id. 1783).
La musique fut l’une des principales préoccupations de ce représentant de la philosophie des lumières. En 1752 parurent ses
Éléments de musique théorique et pratique,
suivant les principes de M. Rameau, où il
reprit les principes du musicien concernant l’harmonie et la composition. Ardent
défenseur de Rameau, d’abord contre les
lullystes, puis contre la troupe italienne
des Bouffons, il intervint activement dans
la vie musicale et théâtrale de son temps.
ALESSANDRESCU (Alfred), pianiste et
compositeur roumain (Bucarest 1893 id. 1959).
Ses études se déroulèrent au conservatoire
de Bucarest, puis à la Schola cantorum de
Paris. Il fit une brillante carrière de pianiste et de chef d’orchestre. Même quand
s’y décèlent la présence du folklore roumain et l’influence d’Enesco, ses oeuvres
ne se dégagent pas toujours nettement des
modèles de son maître Vincent d’Indy, de
Wagner, Debussy, Dukas et R. Strauss. Il
composa de la musique orchestrale et instrumentale, ainsi que des mélodies sur des
textes de poètes français, ou d’expression
française, et roumains.
ALESSANDRO (Raffaele d’), compositeur suisse (Saint-Gall 1911 - Lausanne
1959).
Il fit des études à Zurich, puis à Paris
auprès de Nadia Boulanger, Roes, Marcel Dupré. D’abord organiste et pianiste
admiré par Lipatti, il se consacra ensuite
entièrement à la composition. Son oeuvre,
d’une syntaxe et d’une esthétique tradidownloadModeText.vue.download 24 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
18
tionnelles, néoromantiques, comprend
des oeuvres orchestrales (symphonies,
concertos pour divers instruments, etc.),
de la musique de chambre, des pages
pour piano, dont six pièces pour la main
gauche, de la musique vocale et un ballet.
ALEXANDROV (Anatole), compositeur
russe (Moscou 1888 - id. 1982).
Encouragé par Taneev, il entra en 1910 au
Conservatoire de Moscou après de solides
études de littérature et d’histoire, y étudia le piano et la composition et reçut une
médaille d’or pour son premier opéra, les
Deux Mondes. Nommé professeur de com-
position dans le même établissement en
1923, il y est resté pendant plus d’un demisiècle, comptant parmi ses élèves Bounine,
Moltchanov, Gadjiev, etc. Il a écrit de la
musique vocale (près de 150 romances, un
millier de chansons enfantines), de nombreux opéras d’un style nettement folklorisant (Bela, 1945 ; le Gaucher, 1974), de la
musique pour orchestre et de la musique
de chambre.
ALFANO (Franco), compositeur italien
(Posilipo 1876 - San Remo 1954).
Auteur d’opéras dont le plus célèbre fut
Risurezzione (Turin 1904), d’après Tolstoï, de ballets dont Napoli (1901), monté
aux Folies-Bergère, et Vesuvius (1938),
ainsi que de trois symphonies (1909, 1932,
1934), il termina la dernière scène du
Turandot de Puccini d’après les esquisses
laissées par ce dernier.
AL FINE.
Expression italienne indiquant que lors de
la reprise de la première partie d’un morceau, il faut la jouer « jusqu’à la fin ».
ALFVÉN (Hugo), compositeur suédois
(Stockholm 1872 - Falun 1960).
Il étudia le violon au conservatoire de
Stockholm (1887-1891) avant de se tourner vers la composition et de travailler
avec Johan Lindegren. Ses oeuvres, que
l’on peut considérer comme postromantiques, sont souvent inspirées par le
folklore suédois. Citons 5 symphonies et
Midsommarvaka (la Nuit de la Saint-Jean,
1904), qui, sous le titre de Rhapsodie suédoise, connut naguère une certaine popularité.
ALGAZI (Léon), compositeur et musicologue français (Epure¸sti, Roumanie,
1890 - Paris 1971).
Il compléta à Paris, auprès de Gédalge et
de Koechlin, la formation musicale qu’il
avait reçue à Vienne. Nommé en 1936
maître de chapelle à la Grande Synagogue
de Paris, il s’est attaché à restaurer les anciens modes du chant hébraïque. Mais il
souhaita également que la musique juive
demeurât un art vivant et organisa à Paris,
en 1957, un Congrès international de musique juive. Son oeuvre compte surtout des
chants liturgiques.
ALGORITHMIQUE (musique).
Forme nouvelle de composition musicale,
faisant appel à un appareil mathématique
complexe dont les calculs, générateurs de
l’oeuvre, ne peuvent être effectués qu’à
l’aide de machines comme l’ordinateur.
Ces algorithmes, ou procédés de calcul,
ont fait leur apparition dans la composition durant les années 50, lorsque, sous
l’influence du postsérialisme, les musiciens ont voulu maîtriser entièrement
par l’intellect les processus de la création
artistique et prévoir les probabilités de
développement des idées génératrices
d’une oeuvre, le programme se substituant
alors aux thèmes et aux séries. En fait, on
refusait le mot « exécré » d’inspiration. Le
principal artisan et défenseur de la musique algorithmique est le compositeur P.
Barbaud, lequel a d’ailleurs utilisé l’appareil mathématique à d’autres applications
dans le domaine musical, par exemple à
des études d’analyse musicologique.
ALKAN (Charles Valentin Morhange,
dit), compositeur et pianiste français
(Paris 1813 - id. 1888).
Premier prix de piano au Conservatoire
de Paris à onze ans, prix de Rome en 1834,
il acquit dans les années 1820 une réputation enviable de virtuose, mais Liszt et
surtout Chopin détournèrent l’attention
du public. Il se produisit alors dans de la
musique de chambre tout en se consacrant
à l’enseignement, et, vers 1848, se retira de
la vie musicale parisienne pour n’y réapparaître sporadiquement qu’à partir de
1873. On l’a appelé le « Berlioz du piano »,
mais son style est plus retenu que celui de
son aîné de dix ans. Sa musique est parfois aussi difficile que celle de Liszt, mais
moins avancée sur le plan harmonique.
Il a consacré à son instrument, outre
quelques pages de musique de chambre et
des transcriptions, une centaine de pièces,
parmi lesquelles des caprices, fantaisies,
impromptus, menuets et autres préludes,
ainsi que la grande sonate op. 33 dite les
Quatre Âges de la vie, parue en 1847. Des
douze Études dans les tons mineurs op. 39,
les no 4 à 7 forment une sorte de Symphonie pour piano seul.
ALLA BREVE (ital. : « à la brève »).
À l’époque de la Renaissance, l’unité de
battue de la mesure, le tactus, était la
semi-brève (la ronde actuelle) ; alla breve
indiquait un changement non du rythme
de la battue, mais de son unité de base, le
tactus tombant dès lors sur la brève (valeur : deux rondes ou deux semi-brèves).
Le signe de mesure C était remplacé par
(« C barré »). La pulsation restant la
même, mais l’intervalle entre deux battues
correspondant à une unité de durée musicale double, alla breve voulait dire que la
musique se jouait ou se chantait soudain
deux fois plus vite.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce principe
resta en vigueur, mais la valeur du tactus devint respectivement la noire et la
blanche. Dans les tragédies lyriques du
style de Lully, pour retrouver les rythmes
« naturels » du langage déclamé, il est fait
grand usage de changements de mesure, et
en particulier du passage de C à , ce dernier étant souvent représenté simplement
par le chiffre 2, l’unité de temps étant la
blanche (deux blanches par mesure),
par opposition à 4/4 (tempo ordinario à
quatre noires par mesure). La battue à 2/2
donne en principe un résultat plus allant
que celle à 4/4. Certaines pages classiques
dont les éditions traditionnelles indiquent
4/4 ont été en réalité conçues par leur
auteur à 2/2 (premiers mouvements des
quatuors à cordes en ut majeur opus 64 no
1 et en mi bémol majeur opus 64 no 6 de
Haydn, 1790).
ALLARD (Maurice),
basson français (Sin-le-Noble, Nord,
1923).
Premier prix de basson au Conservatoire de Paris (1940), premier soliste
à l’orchestre des Concerts Lamoureux
(1942), puis à l’orchestre de l’Opéra de
Paris (1949), Maurice Allard a remporté,
en 1949, le premier prix au Concours de
Genève. Professeur au Conservatoire de
Paris depuis 1957, interprète de toute la
littérature de son instrument, y compris
des oeuvres contemporaines, il dirige une
collection éditant des exercices pour le
basson.
ALLARGANDO (ital. : « en élargissant »).
Terme demandant à l’interprète un élargissement, donc un ralentissement progressif du mouvement initial.
ALLDIS (John), chef de choeur anglais
(Londres 1929).
Après des études au Collège royal de
Cambridge, il a établi sa renommée
comme chef de choeur et chef d’orchestre
spécialisé dans le domaine du chant choral, avant de fonder, en 1962, sa propre
formation. Celle-ci s’est très vite rendue
célèbre par ses interprétations de musique
contemporaine, quoique son activité
s’étende également au répertoire classique
et romantique, aussi bien dans la musique
sacrée que dans l’opéra. Chef du choeur de
l’Orchestre philharmonique de Londres
de 1969 à 1982, Alldis a été de 1979 à 1983
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
19
directeur musical du Groupe vocal de
France.
ALLEGRETTO.
Terme italien, diminutif d’allegro, indiquant un mouvement moins rapide.
Le mot peut être suivi d’un qualificatif précisant le caractère du morceau, par
exemple : giocoso (« joyeux »).
ALLEGRI (Gregorio), compositeur italien
(Rome 1582 -id. 1652).
Chantre à Saint-Louis-des-Français à
Rome, il devint prêtre et fut maître de
chapelle à la cathédrale de Fermo (16071621), où il commença sa carrière de
compositeur d’oeuvres sacrées, puis il fut
nommé chantre de la chapelle pontificale
(1629). Son nom est surtout attaché au
célèbre Miserere pour neuf voix en deux
choeurs, longtemps chanté pendant la semaine sainte à la chapelle Sixtine. L’oeuvre
suscita un tel engouement que le pape
menaça d’excommunication quiconque
sortirait une partition de la chapelle ou
la copierait. Mais Mozart, ayant assisté à
l’office, transcrivit l’oeuvre de mémoire,
après l’avoir entendue, semble-t-il, une
seule fois.
ALLEGRO (ital. : « gai, rapide »).
1. On rencontre ce terme dès le
XVIIe siècle ; pendant un certain temps, il
garda un sens expressif plus qu’il ne désigna un mouvement bien précis. Depuis le
XVIIIe siècle, il indique un mouvement se
situant généralement en dessous du presto.
Mais, souvent, un autre terme vient préciser le caractère du morceau. On trouve par
exemple : allegro con brio, ma non troppo,
moderato, molto, appassionato, etc.
2. « Allegro » désigne aussi le premier
mouvement de la sonate, de la symphonie
ou du concerto classiques.
ALLELUIA.
Expression hébraïque signifiant « louez
(hallelu) Dieu (Yah[veh]) », qui figure notamment en exorde des Psaumes CXIII et
CXVIII, dits pour cette raison « le grand
Hallel ».
Celui-ci, dit le Talmud, devait être
chanté dix-huit fois par an, et notamment
pendant le repas pascal. Le mot hébreu
est passé sans traduction dans la version
grecque des Septante (283 av. J.-C.) et de
là dans l’usage latin, où il a été compris
comme une exclamation de joie. D’où son
emploi privilégié au temps pascal, reflet
de l’usage hébraïque, et, au contraire, son
exclusion des offices de deuil ou des temps
de pénitence. Mais en outre, à l’exemple
du Livre de Tobie (XIII, 22, alleluia cantabitur), il a été employé substantivement,
en latin comme en grec (Apocalypse,
XIX), avec le sens de « chant de louange
joyeux ». D’où ses deux acceptions distinctes, comme exclamation complétive et
comme genre liturgique.
1.Comme exclamation de joie, l’alleluia
est employé en s’insérant au début, au
milieu ou à la fin de textes dont il reste
indépendant. Cette addition, surtout en
finale, est pratiquée au temps pascal de
manière systématique, et parfois doublée
ou triplée ; par exemple, Ite missa est - Deo
gratias devient Ite missa est, alleluia, alleluia - Deo gratias, alleluia, alleluia. Le mot
alleluia s’insère alors dans le texte chanté
sans en modifier la nature. Il est donc
indifféremment syllabique ou mélismatique selon le contexte où il s’insère. On
notera que le mot hébreu est accentué sur
la finale ; le grec et le latin transportent
l’un et l’autre l’accent sur la pénultième
(allelúia), d’où, avec le contre-accent latin,
állelúia ; ce qui serait peut-être, selon Gustave Cohen, l’origine du refrain aoi inséré
de façon mystérieuse dans la Chanson
de Roland ; selon une thèse présentée en
1955, par l’auteur de cet article, le aoi issu
de l’alleluia pénultième aurait pu former
doublet avec l’nterjection de joie eia, fréquente dans la lyrique latine médiévale,
qui serait cette fois dérivée de l’accentuation hébraïque initiale (alléluiá).
2. En tant que morceau autonome, l’alleluia semble avoir été d’abord l’un des
principaux supports du chant responsorial ( ! ALTERNANCE), fournissant un refrain facile à faire répéter à l’assistance.
Conservé dans le chant antiphonique, non
seulement il s’y ajoute à l’antienne pour
en souligner le caractère joyeux, surtout
en temps pascal, mais il va parfois jusqu’à
la supplanter, le mot alleluia répété syllabiquement autant de fois que nécessaire
remplaçant sur la même mélodie le texte
entier de l’antienne ordinaire : ce sont les
antiennes alléluiatiques, qui n’ont pas été
conservées de nos jours. De là peut-être le
caractère populaire que semble avoir pris
l’alleluia au Ve siècle, époque où le poète
Sidoine Apollinaire décrit à Lyon « les
mariniers adressant au Christ des chants
cadencés, tandis que l’alleluia leur répond
de la rive ». Ce caractère est conservé dans
la chanson populaire, comme dans certains tropes tardifs qui s’y apparentent (O
filii et filiae).
3. L’introduction de l’alleluia dans la
messe, où il deviendra un genre musical d’une importance particulière, a été
attribuée à saint Ambroise au IVe siècle.
D’abord réservé au jour de Pâques, pour
faire suite au graduel qui suit lui-même la
lecture de l’épître, il s’est ensuite étendu à
l’ensemble de l’année liturgique, à l’exception des offices des défunts, d’où il a été
retiré par le 4e concile de Tolède, et des
époques de pénitence (avent, carême), où
il a été interdit par le pape Alexandre II
au XIe siècle, de sorte que les fêtes souvent
populaires qui marquaient volontiers les
derniers jours précédant l’entrée dans ces
périodes (cf. Carnaval, qui signifie « adieu
à la viande ») ont parfois pris le nom
d’« adieu à l’alleluia ».
Dans les plus anciens offices, où il
apparaît généralisé (bénévent), l’alleluia
se chante partout sur une formule musicale unique ; on en trouve une dizaine à
peine dans l’office milanais ; par la suite,
il devient l’un des genres de composi-
tion liturgique les plus riches et les plus
abondants, même s’il existe fréquemment
des alleluias refaits sur des modèles antérieurs. Alors que la liturgie hébraïque ne
traite jamais l’alleluia de manière mélismatique, l’alleluia de la messe va devenir
par excellence le type de la mélodie vocalisée : il utilise, en effet, largement des
formules mélismatiques, les neumes dont
le nom (gr. pneuma, « souffle ») évoque
la large envolée et justifie l’appellation de
jubilus qui leur a parfois été donnée.
Dans cette dernière acception, l’alleluia, tout comme l’introït, l’offertoire et
la communion primitives, dérive directement du chant de psaume encadré par son
antienne ; le refrain alleluia tient alors lieu
d’antienne, le psaume se voit réduit à un
ou deux versets, et même parfois remplacé
par un autre texte d’origine biblique ;
mais, contrairement à l’introït, et peutêtre en raison de son caractère jubilatoire,
la cantillation du verset se voit transmuée
elle aussi en chant vocalisé, tandis que le
refrain alleluia prend dans ses vocalises
une ampleur dont saint Augustin a laissé
un commentaire célèbre : « Celui qui jubile ne prononce pas de paroles, mais il
exprime sa joie par des sons inarticulés.
Dans les transports de son allégresse, ce
qui peut se comprendre ne lui suffit plus,
mais il se laisse aller à une sorte de cri de
bonheur sans mélange de paroles. »
L’exécution de l’alleluia, en raison de
son développement, a donné lieu à une
alternance particulière, que l’on peut présenter comme suit :
-chantre soliste : alleluia (sans le mélisme sur le a final) ;
-choeur : reprise alleluia prolongée par le
développement mélismatique ;
-soliste ou petit choeur : verset, arrêté
peu avant les derniers mots du texte (astérisque dans les éditions modernes) ; P
-choeur : achèvement du verset, qui
comporte souvent lui-même un développement mélismatique sur la dernière
syllabe. Reprise intégrale de l’alleluia avec
son mélisme.
Si l’on tient compte du fait que de nombreux alleluias, surtout tardifs (car on en
composa jusqu’au XIIIe s.) reprennent
dans leur mélisme final de verset tout ou
partie du jubilus alléluiatique initial, on
observe que le jeu d’alternance présenté
ci-dessus introduit, peut-être fortuitement, une véritable structure formelle à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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refrain aAB. cB. AB, dont l’influence se
retrouvera dans la constitution des formes
poético-musicales (rondeau, virelai, ballade), génératrices à leur tour des formes
musicales pures plus étendues que développera amplement la musique classique
à venir.
ALLEMANDE.
Danse d’origine allemande, de tempo modéré, de rythme binaire, qui apparaît au
début du XVIe siècle (Danceries de C.
Gervaise). En Angleterre, on la rencontre sous les appellations alman ou
almayne dans des titres qui comportent
souvent aussi ce qui est probablement
une dédicace (Dowland : Sir John Smith’s
Almayne). L’allemanda se développe également en Italie. À partir du XVIIe siècle,
l’allemande remplace la pavane et trouve
sa place au début de la suite classique. Sa
forme est généralement en deux parties
avec reprises, sa mesure est toujours binaire et elle commence par une anacrouse.
Le schéma tonal en est le suivant :
tonique/dominante dominante/tonique.
C’est dans cette forme que J.-S. Bach fait
souvent appel à l’allemande dans ses Suites
et Partitas, où il utilise surtout le style
français très contrapuntique et formel. Au
XIXe siècle, l’expression « à l’allemande »
devient synonyme de « danse allemande »,
c’est-à-dire d’un rythme à 3/4 ou 3/2 ; l’allemande se rapproche alors du Ländler ou
de la valse (Beethoven, Schubert).
ALL’OTTAVA (ital. : « à l’octave »).
Procédé qui permet d’écrire des notes
situées au-dessus ou au-dessous de la portée, sans employer de lignes supplémentaires ; il est désigné dans les partitions
par l’abréviation 8va. Cette abréviation est
inscrite au-dessous des notes lorsqu’on
doit descendre d’une octave, au-dessus si
l’on doit exécuter les notes à l’octave supé-
rieure.
On peut également placer une ligne en
pointillés en dessous (notes correspondantes jouées à l’octave inférieure) ou audessus (à l’octave supérieure) de la portée.
ALMEIDA (Antonio de), chef d’orchestre
français, né de parents portugais et américain (Paris 1928).
Il commence ses études musicales en Argentine avec Ginastera, obtient une bourse
pour étudier la physique à l’Institut de
technologie du Massachusetts, mais choisit la voie de la musique. Il travaille aux
États-Unis auprès de Hindemith (1949),
Koussevitski (1949-50) et George Szell
(1953) et, après une période consacrée à
l’enseignement, aborde la carrière de chef
d’orchestre. Directeur de l’orchestre de la
radio portugaise de 1956 à 1960, il poursuit ensuite une carrière internationale. Il
a été directeur de la musique de la ville de
Nice et est depuis 1993 directeur musical
de l’Orchestre symphonique de Moscou,
fondé en 1989. Antonio de Almeida se
livre aussi à des travaux de musicologie.
Il a travaillé à une édition complète des
symphonies de Boccherini (Vienne, 1969
et suiv.) et à un catalogue thématique des
oeuvres d’Offenbach.
ALMEIDA (Francisco Antonio de), compositeur et organiste portugais (1re moitié du XVIIIe s.).
Sa vie reste mal connue. Il fut l’un des
premiers boursiers envoyés par le roi Jean
V à Rome, où il séjourna de 1722 à 1726
environ, et il fut peut-être l’élève d’Alessandro Scarlatti. Plusieurs de ses oratorios
y furent exécutés. De retour à Lisbonne, il
fut maître de chapelle à la Cour jusqu’en
1752. Ses oeuvres religieuses comme ses
opéras marquent l’abandon, au Portugal,
des influences espagnole et flamande au
bénéfice du style italien. La Pazienza di
Socrate (1733) fut le premier opéra portugais écrit à la manière italienne. Le seul
des ouvrages lyriques d’Almeida à avoir
été conservé entièrement, La Spinalba o
vero il Vecchio Muto (1739), a connu à
notre époque des représentations qui ont
soulevé un intérêt certain.
ALMURO (André), compositeur français
(Paris 1927).
Producteur d’émissions radiophoniques,
spécialisé dans l’utilisation des moyens
électroacoustiques, passionné par la poésie et le surréalisme, il a composé dans
son studio personnel un grand nombre
de pièces pour bande magnétique (Ambitus, Va-et-vient, Phonolithe, Mantra, etc.)
et d’« opéras » électroacoustiques où il
recherche un climat cérémoniel de magie
et d’incantation, avec ou sans le support
d’un texte.
ALPAERTS (Flor), compositeur belge
(Anvers 1876 - id. 1954).
Il fit ses études avec Jan Blockx au conservatoire d’Anvers, où il devint ensuite professeur de théorie, contrepoint et fugue
(1903), puis directeur (1933-1941). Il
supervisa l’édition des oeuvres de Peter
Benoît. En tant que compositeur, il peut
être considéré, avec son poème symphonique Pallieter, comme l’un des premiers impressionnistes belges, quoique
l’influence de Paul Gilson et de Richard
Strauss l’ait conduit à une expression qui
doit encore beaucoup au postromantisme.
Alpaerts a composé des oeuvres pour
orchestre (poèmes symphoniques, pièces
concertantes, musiques de scène), de la
musique de chambre, des mélodies et un
opéra, Shylock.
ALPHONSE X LE SAGE (Alfonso el
Sabio), roi de Castille et de León, empereur germanique, législateur, guerrier,
mathématicien, astronome, historien,
poète et compositeur espagnol (Tolède
1221 Séville 1284).
Imprégné de culture islamique, il redonna
de l’éclat à l’université de Salamanque, où
fut introduit l’enseignement de la polyphonie. Il s’y entoura des poètes et des
musiciens les plus brillants de son temps chrétiens, arabes, juifs -, ainsi que de baladins mauresques. En collaboration avec
ceux-ci, il écrivit plus de 400 cantigas,
presque toutes consacrées à la louange de
la Vierge. Il mourut, dit-on, du chagrin
d’avoir à lutter contre son fils Sanche, qui
s’était emparé du trône en 1282.
Pièces destinées au répertoire des fêtes
liturgiques et des célébrations populaires,
Las Cantigas de Santa María réalisent une
synthèse magistrale de l’art des troubadours et des trouvères, s’inspirant notamment des Miracles de Gautier de Coincy,
des liturgies et des déchants populaires
de l’époque wisigothique, des hymnes
d’origine orientale et de certaines danses
médiévales.
Écrites en dialecte galicien, elles reprennent le schéma des virelais, des
rondeaux et des laudes. Elles ont une
importance capitale pour l’histoire de la
musique, car elles sont conservées avec
une notation.
ALPHORN ou ALPENHORN.
Nom allemand du « cor des Alpes », instrument folklorique en usage dans les
montagnes de Suisse et des pays voisins.
De perce conique, taillé dans du bois naturel, l’alphorn a l’aspect d’une énorme
pipe, pouvant atteindre plusieurs mètres,
et produit des sons amples d’une portée
considérable. C’est lui qui sonne le fameux
Ranz des vaches, évoqué par Beethoven
dans la Symphonie pastorale et par Rossini
dans Guillaume Tell.
AL SEGNO (ital. : « au signe »).
Cette indication précise qu’une section
doit être répétée à partir de l’endroit
marqué par le signe -S -, et non en son
début, comme dans un da capo ordinaire.
Le terme Da capo al segno indique que le
signe se trouve au début de la section.
ALSINA (Carlos Roqué), compositeur
argentin (Buenos Aires 1941).
Il a débuté comme pianiste avant de se
tourner vers la composition. Artist-inResidence de la Fondation Ford à Berlin
(1964-1966), il a travaillé avec Luciano
Berio en 1965, passé deux ans à l’université de Buffalo, et s’est fixé ensuite à Berlin
(1968), puis à Paris (1973). Cofondateur,
en 1969, du New Phonic Art, groupe spécialisé dans l’improvisation et le « libre
jeu d’ensemble », il s’est souvent orienté
vers le théâtre musical, par exemple dans
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Oratorio 1964 pour 3 solistes, 4 acteurs et
3 groupes instrumentaux (1963-64, inachevé), la scène musicale Text (1965-66,
inachevé), Text II pour soprano et 5 ins-
truments (1966), Consecuenza pour trombone solo (1966). Sa première oeuvre, Trois
Pièces pour chant et piano sur des textes de
Shakespeare, date de 1956. Dans les années 70, il s’est imposé avec Überwindung
pour 4 solistes et orchestre (Donaueschingen, 1970), Schichten pour orchestre de
chambre (Royan, 1971), Omnipotenz pour
orchestre de chambre (Royan, 1972), Approach pour 2 solistes et grand orchestre
(Berlin, 1973). Ont suivi notamment
Étude pour zarb (1973), le ballet Fusion
pour 2 pianos, 2 percussionnistes et instruments annexes joués par les danseurs
(Royan, 1974), le spectacle musical Encore (1976), Stücke pour grand orchestre
(Royan, 1977), Harmonies pour solistes,
récitant, choeur de femmes et orchestre
(Paris, 1979), la Muraille (Avignon, 1981),
Hinterland (créé au G. R. M. en 1982),
Prima Sinfonia pour flûte, soprano, violoncelle et orchestre (1983), Concerto pour
piano et orchestre (1985), Suite indirecte
pour orchestre (Metz, 1989), Symphonie
no 2 (1991).
ALTÉRATION.
1. Modification de la hauteur d’un son
par l’adjonction d’un signe qui le hausse
ou le baisse toujours à partir de son état
« naturel ».
Dans la musique occidentale classique,
où l’unité d’intervalle est le demi-ton, les
altérations usuelles sont le dièse qui
hausse la note d’un demi-ton, et le bémol
qui la baisse d’un demi-ton ; il existe
des altérations doubles (double dièse ,
double bémol ), dont l’effet est de hausser ou baisser la note de deux demi-tons,
c’est-à-dire, dans la pratique, d’un ton,
mais sans que cet intervalle d’un ton puisse
harmoniquement être analysé comme tel,
les deux demi-tons étant rarement de
même nature. Le bécarre n’est pas un
signe d’altération au sens propre, mais un
signe d’annulation qui interrompt l’effet
d’une altération antérieure pour remettre
la note dans son état naturel. Dans certaines musiques orientales, et parfois dans
la musique occidentale, lorsque le quart
de ton intervient, le demi-dièse et le demibémol peuvent être employés. Enfin, les
humanistes du XVIe siècle avaient quelque
temps prôné, en vue d’un « chromatisme »
imité des Grecs, différentes hauteurs de
dièse , , , représentant respectivement un, deux ou trois quarts de ton.
Les altérations peuvent être constitutives ou passagères, selon qu’elles appartiennent ou non à la gamme de la tonalité
en cours. Les altérations constitutives de
la tonalité initiale d’un morceau, écrites
une fois pour toutes au début de ce morceau, forment l’armature (ou armure) et
demeurent valables tant qu’elles figurent à
la clef, même si la tonalité change.
À ces altérations d’armature s’opposent
les altérations accidentelles, qui sont, elles,
écrites en cours de texte et ne restent
valables que la durée d’une mesure, ou
moins encore si plus loin, dans la même
mesure, elles sont annulées par un bécarre
ou une autre altération.
Le sens actuel des altérations, tel qu’il
vient d’être exposé, ne s’est fixé, progressivement, qu’au cours du XVIIIe siècle. Lire
une partition antérieure selon les conventions du solfège actuel exposerait donc à
de graves erreurs.
2. On appelle altération d’un accord la
modification de hauteur d’un ou plusieurs
de ses sons, considérés sur le plan harmonique par rapport à la composition normale de l’accord ( ! ACCORD).
3. On appelle altération d’un intervalle son
extension ou son resserrement au-delà de
son état juste, majeur ou mineur.
ALTERNANCE.
L’alternance, soit entre un soliste et un
groupe, soit entre deux groupes, égaux ou
non, appartient à tous les modes d’expression de la musique, les plus frustes comme
les plus élaborés. En particulier, son rôle
est fondamental dans le développement
de la musique liturgique chrétienne,
source de toute notre musique classique.
Le noyau primitif semble y avoir résidé
dans une lecture psalmodiée des textes
saints, coupée par de brèves réponses des
fidèles. Ce mode d’alternance fut sans
doute supplanté, à la fin du IVe siècle (saint
Ambroise à Milan), par un autre type dit
antiphonie (qui a donné le mot antienne)
entre deux demi-choeurs égaux.
La polyphonie introduisit l’alternance
entre les parties polyphoniques et les passages laissés en plain-chant strict ; par
exemple, dans la Messe de Machaut, la
polyphonie ne concerne qu’un Kyrie sur
deux.
Au XVIIe siècle, apparut une alternance
choeur-orgue, dans laquelle l’un des partenaires prenait les versets pairs, l’autre les
versets impairs. Les messes des organistes
de l’époque sont presque toutes conçues
ainsi ; on ne devrait jamais les exécuter
comme une « suite » (ce qu’elles ne sont
pas), mais toujours avec l’alternance de
plain-chant qui les justifie et pour laquelle
elles ont été faites. Il en est de même des
faux-bourdons, conçus exclusivement
pour alterner avec le plain-chant du
choeur. L’alternance est particulièrement
frappante dans le chant des Passions, où
se répondent récitant, Christ et choeur ou
« turba ». On retrouve le principe d’alternance dans le double choeur, en honneur
au XVIe siècle (Gabrieli à Venise), et, plus
tard, dans l’opposition entre petit et grand
choeur que préfère le XVIIe siècle, notamment en France.
Le principe de l’alternance est à l’origine des nuances, qui furent d’abord par
paliers ou en écho avant l’apparition tardive du crescendo et du diminuendo, et
aussi, à partir du XVIIe siècle, à la source
de l’esthétique du concerto grosso (alternance d’un petit groupe instrumental
avec l’ensemble ou ripieno), qui devait
en se transformant donner naissance au
concerto de soliste.
Sous des formes moins évidentes,
l’alternance a conservé une importance
fondamentale. Après Schönberg, qui
inventa même des signes spéciaux, N
(Nebenstimme) ou H (Hauptstimme) prolongés d’un trait, pour mieux préciser
l’alternance dans un ensemble des parties dominantes et des parties laissées à
l’arrière-plan, nombreuses sont encore les
pièces qui tirent de ce principe un élément
important de leur structure (ex. : Dutilleux, symphonie no 2, dite le Double).
ALTERNATIVO.
Section contrastée jouant en gros le même
rôle que le trio central dans un menuet, un
même morceau pouvant en contenir une
seule ou plusieurs.
On trouve cette indication dans le quatuor à cordes en mi bémol majeur opus
76 no 6 de Haydn (1797), et assez souvent
chez Schumann.
ALTMANN (Wilhelm), musicologue
allemand (Adelnau, Silésie, 1862 - Hildesheim 1951).
Directeur du département musical de la
Bibliothèque royale de Prusse à Berlin de
1915 à 1927, il a édité de nombreux catalogues musicaux ainsi que des oeuvres classiques, et s’est consacré spécialement au
quatuor à cordes.
ALTNIKOL (Johann Christoph), organiste et compositeur allemand (Berna,
Silésie, 1719 - Naumburg, près de Kassel,
1759).
Tout d’abord organiste à Breslau, il étudia ensuite la théologie à Leipzig, où il fut
l’élève de J.-S. Bach, de 1744 à 1748. En
1749, il épousa Élisabeth, fille de Bach, et
écrivit, sous la dictée, le dernier choral de
son beau-père, Vor deinen Thron tret’ ich.
Il fut plus tard organiste à Niederwiesa,
puis à Naumburg. Altnikol a copié de
nombreuses oeuvres de Bach, et ce dernier appréciait ses compositions ; mais de
celles-ci nous ne possédons que quelques
pièces pour clavier et quelques oeuvres
religieuses.
ALTO.
1. instrument à cordes. De même
que le violon, l’alto est issu de la famille
des violes de bras. On trouve la trace de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
22
cette origine (viola da braccio) dans les
appellations italienne (viola) et allemande
(Bratsche) de l’alto.
L’alto est comme un violon fidèlement
agrandi ; la forme et les matériaux en sont
parfaitement identiques. L’alto mesure en
moyenne 67 cm de long ; son archet est
plus court et plus lourd que celui du violon. Ses quatre cordes sont accordées une
quinte plus bas que celles du violon :
ce qui fait que ses trois cordes les plus
aiguës sont accordées sur les mêmes notes
que les trois cordes les plus graves du violon. L’alto se tient de la même façon que
le violon. Sa musique est écrite en clé d’ut
3e ligne. Sa technique est sensiblement la
même que celle du violon, avec un mécanisme un peu moins agile, en raison de
l’écart plus grand entre les doigts et du
poids de l’archet.
Jusqu’au XIXe siècle, l’alto fait souvent
figure de parent pauvre du violon ; il est
généralement joué par des violonistes
médiocres, et c’est pourquoi on évite de
lui confier des parties importantes. Bach,
pourtant, aime à tenir la partie d’alto
dans des exécutions, et, au XVIIIe siècle,
quelques compositeurs s’intéressent déjà
à l’instrument : Telemann, Bodin de Boismortier, Carl Stamitz, Michael Haydn,
Dittersdorf, Cambini, Campagnoli. Mais
c’est surtout Mozart qui enrichit la littérature pour alto avec des duos pour violon
et alto et la symphonie concertante pour
violon et alto (KV 364). Au XIXe siècle,
de grands solistes, comme Paganini (violoniste, mais aussi altiste), achèvent de
donner à l’alto sa vraie place. Outre les
oeuvres de Spohr, Joachim et Vieux temps,
citons Harold en Italie de Berlioz, « symphonie avec alto principal », écrite à la
demande de Paganini. Schumann compose ses Märchenbilder op. 113 pour alto,
et Brahms est l’auteur de deux sonates op.
120. Au XXe siècle, nombre de compositeurs écrivent pour l’alto : Reger, Koechlin,
Bartók (1 concerto pour alto), Hindemith,
altiste lui-même (1 concerto ; 5 sonates
pour alto et piano), Milhaud (2 concertos ;
2 sonates), Enesco, Ropartz, Kodály, Walton, Britten, Copland, Martinºu. Plus près
de nous, citons encore Bancquart (Écorces
I pour violon et alto) et Berio (Sequenza VI
pour alto solo).
Parmi les ouvrages pédagogiques, nous
mentionnerons ceux de Bruni, Woldemar, Joseph Vimeux, Dancla, Th. Laforge,
Maurice Vieux, Léon Pascal, M.-T. Chailley, C. Lequien, E. Ginot et G. Massias.
2. instrument à vent de la famille
des cuivres, occupant dans le groupe
des saxhorns la place intermédiaire entre
le grand bugle et le baryton. Construit en
mi bémol, il sonne à l’octave inférieure
du petit bugle, et sa morphologie est celle
du baryton et de la basse, pavillon dirigé
vers le haut. Il est très apprécié dans les
formations d’amateurs pour sa tessiture
moyenne et sa facilité d’émission.
ALTO.
Terme général indiquant la voix qui se
situe entre la voix supérieure et le ténor,
par exemple dans la chanson polyphonique des XVIe et XVIIe siècles.
Cette partie, chantée le plus souvent par
une voix élevée d’homme, soit en voix naturelle, soit en voix de fausset (contre-ténor), se notait en clef d’ut 3e ligne. Contratenor altus, traduit en italien, a donné
également par contraction, contralto, la
voix de femme la plus grave.
AMATI, famille de luthiers italiens, établie à Crémone.
Andrea (Crémone v. 1505 -id. v.
Fondateur de l’école de Crémone
lui qui, vers 1555, construisit
véritables violons, issus de la
1578).
; c’est
les premiers
viole de bras.
Antonio, fils d’Andrea (Crémone v.
1555 -id. 1640).
Girolamo, frère d’Antonio (Crémone
1556 -id. 1630).
Nicola, fils de Girolamo (Crémone
1596 -1684). Il fut le plus célèbre des
Amati. Ses violons sont de dimensions
très diverses ; les plus petits ont des formes
gracieuses et une sonorité limpide ; mais
les plus caractéristiques de son art sont
peut-être les plus grands, à la sonorité
puissante et expressive.
Girolamo II, fils de Nicola (Crémone
1649 -1740). De réputation moindre, il
conçut des instruments plutôt plats et
d’assez petite taille.
AMBITUS (lat. : « pourtour », notamment
celui d’une maison, déterminant la propriété).
Dans le vocabulaire du plain-chant, ce
terme signifie, dans chaque mode, l’espace sonore utilisable autour de la finale
tonique. C’est l’un des éléments de l’identification modale et, notamment, de la
distinction entre modes authentes (gr. authentes, « qui domine ») et modes plagaux
(gr. plagios, « situé de [chaque] côté ») :
les authentes ont tout leur ambitus audessus de la finale tonique (sauf tolérance
d’un degré de dépassement ornemental
au grave), tandis que les plagaux répartissent leur ambitus de part et d’autre de
cette finale.
Du plain-chant, le mot s’est généralisé
au sens d’étendue d’une mélodie, d’une
voix ou d’un instrument, entre sa note la
plus grave et sa note la plus élevée. Il ne
faut pas confondre l’ambitus avec la tessiture, terme qui contient une notion de
hauteur absolue : un soprano et une basse
peuvent avoir même ambitus (par ex. une
douzième) sans avoir pour autant même
tessiture.
De plus, la tessiture se réfère plus particulièrement au « bon registre » dans
lequel un chanteur se sent à l’aise, tandis
que l’ambitus désigne la totalité des notes
qu’il peut atteindre. Une note peut donc
être dans l’ambitus d’un chanteur sans
être dans sa tessiture, alors qu’une note
de la tessiture est obligatoirement dans
l’ambitus.
AMBROISE (saint) [Ambrosius Aurelianis], Père de l’Église, théologien et moraliste (Trèves 333 ou 340 - Milan 397).
Évêque de Milan (374), il joua un rôle
important dans la lutte contre l’arianisme,
et aussi, selon la tradition, dans le développement de la liturgie occidentale en
y introduisant de nombreuses pratiques
musicales, pour la plupart empruntées à
l’usage oriental, entre autres le chant de
l’alleluia, des antiennes et le chant antiphonique ( ! ALTERNANCE). Il passe pour
avoir composé lui-même des hymnes, et
a donné son nom au chant ambrosien,
considéré comme l’un des ancêtres du
chant grégorien.
AMBROS (August Wilhelm), musicologue et historien de la musique autrichien (Vysoké Myto, Bohême, 1816 Vienne 1876).
Juriste à Prague et à Vienne, il publia à
partir de 1862 une histoire de la musique
qui, à sa mort, n’en était qu’au 4e volume et
au début du XVIIe siècle, et qui fut ensuite
poursuivie par d’autres. Comme compositeur, on lui doit notamment l’opéra
tchèque Bratislav et Jitka.
AMBROSIEN (chant).
Chant liturgique en usage à Milan jusqu’à
une période très récente, et qui diffère par
de nombreux détails du chant grégorien,
tout en se référant aux mêmes types.
En se couvrant de l’autorité de
l’évêque saint Ambroise († 397), il se
situe deux siècles avant saint Grégoire
(† 604), éponyme du chant grégorien. Le
rôle de ce dernier n’ayant été au mieux
que celui d’un législateur a posteriori, on
ne peut en tirer argument pour l’antériorité du rite milanais. Cette antériorité
n’en est pas moins généralement admise,
mais non sans nuances ni contestations ;
les réticences portent surtout sur l’aspect
composite du répertoire et sur le degré
de fidélité de sa transmission. Le répertoire des hymnes est sans doute celui dont
l’ancienneté et la continuité semblent le
mieux assurées, de même que celui des
« petites antiennes » non ornées et le mode
de psalmodie, plus simple que la grégorienne ; le Gloria ambrosien semble bien,
lui aussi, remonter au IVe siècle. MalheudownloadModeText.vue.download 29 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
23
reusement, aucun témoin écrit conservé
du répertoire ambrosien ne semble avoir
été rédigé avant le XIe siècle. Quelle que
soit la marge d’incertitude sur les détails,
le chant ambrosien reste, avec les quelques
témoignages subsistant des rites prégrégoriens tels que le « vieux-romain » ou ceux
des papes Léon Ier le Grand (440-461) ou
Gélase Ier (492-496), l’un des plus importants éléments dans notre connaissance
des origines du chant liturgique.
Le Te Deum, qui remonte vraisemblablement au début du Ve siècle, porte
parfois le titre d’« hymne ambrosienne »,
mais l’attribution à saint Ambroise n’est
que l’une des cinq attributions anciennes,
et non la plus vraisemblable.
ÂME.
1. Petite pièce cylindrique en sapin, qui,
dans les instruments à archet, est placée entre la table et le fond, sous le pied
droit du chevalet ; l’âme renforce la table
du côté droit, transmet les vibrations de
la table au fond, et joue un rôle essentiel
pour le timbre.
2. Sur la clarinette, petit orifice situé près
de l’embouchure.
AMEN.
Mot hébreu à valeur adverbiale ou exclamative possédant des sens multiples :
affirmation (Amen, dico vobis, « en vérité,
je vous le dis », est une formule souvent
employée par Jésus dans les Évangiles),
conclusion, souhait, adhésion à ce qui
vient d’être dit, acclamation, etc.
Utilisé fréquemment dans la liturgie
juive, le mot est passé tel quel dans la plupart des liturgies chrétiennes, tant latine
que grecque ou slave, où il se prononce
amin. Le psautier latin primitif traduisait
Fiat, ce qui a entraîné l’Ainsi soit-il français, abandonné depuis le concile Vatican
II.
Musicalement, l’amen s’incorpore
liturgiquement au texte qu’il conclut,
à moins qu’il ne forme lui-même une
réponse autonome ; ses formules mélodiques propres sont en ce cas généralement assez simples. En revanche, dès le
XIVe siècle (fin du Gloria et du Credo dans
la Messe de Machaut), les musiciens l’ont
considéré comme matière de choix pour
des développements vocalisés pouvant atteindre une très grande ampleur. À partir
du XVIIIe siècle, dans le même esprit, il devient par tradition la conclusion brillante,
souvent fuguée, de maints morceaux de
messe ou d’oratorio ; d’où les sarcasmes
dont l’abreuve Berlioz dans la Damnation
de Faust (« Pour l’amen une fugue... »),
où il en a rédigé une parodie. Un amen
en faux-bourdon dit Amen de Dresde, en
usage dans la cathédrale de cette ville, a
fourni à Mendelssohn l’un des thèmes de
sa symphonie Réformation (1830), repris
par Wagner comme l’un des motifs essentiels de Parsifal (1882). Messiaen a illustré
à sa manière les différentes acceptions de
ce mot dans ses Visions de l’amen pour
piano (1943).
AMIOT (Jean Joseph Marie), jésuite et
missionnaire français (Toulon 1718 Pékin 1793).
En 1779, il publia une étude de la musique
chinoise, sixième des quinze volumes de
son ouvrage sur la culture chinoise : Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les
arts... des Chinois.
AMON (Blasius), compositeur autrichien
(v. 1558 - Vienne 1590).
Enfant de choeur à la chapelle de l’archiduc
Ferdinand à Innsbruck, il fut envoyé par
celui-ci à Venise pour y faire des études
musicales (1574-1577). Il devint ensuite
frère franciscain à Vienne. Il composa de
la musique religieuse (messes, motets),
adoptant, le premier dans les pays germaniques, la pratique vénitienne des doubles
choeurs (cori spezzati).
AMOYAL (Pierre), violoniste français
(Paris 1949).
Titulaire à l’âge de douze ans d’un 1er Prix
au Conservatoire de Paris, il étudie ensuite
aux États-Unis auprès de Jasha Heifetz,
avec qui il donne ses premiers concerts de
musique de chambre. En 1971 commence
sa carrière internationale. Il interprète
les grands concertos romantiques et modernes, sous la direction de sir Georg Solti,
Seiji Ozawa, Pierre Boulez, Eliahu Inbal,
Lorin Maazel, etc. En 1977, il est nommé
professeur au Conservatoire de Paris et en
1986 à celui de Lausanne. Parmi les violonistes de sa génération, il est l’un de ceux
qui ont su trouver un équilibre harmonieux entre l’enseignement (masterclasses
de violon solo et de musique de chambre)
et la carrière de virtuose. Il possède l’un
des plus célèbres stradivarius du monde,
le Kochansky, qui date de 1717.
AMY (Gilbert), compositeur et chef d’orchestre français (Paris 1936).
Il est né d’un père anglais pour moitié et
d’une mère bourguignonne, et fut, dans
son enfance, attiré par l’architecture (il s’y
intéresse toujours). Ses premiers contacts
avec la musique furent décevants : il apprit
le piano sans entrain. Vint l’année 1948 :
« J’ai eu alors ma nuit de Noël claudélienne, mon père m’emmena au concert
à Paris. C’est alors que la musique m’a
vraiment impressionné. » Il copia Berlioz,
Schubert, Schumann, et se mit à composer. Plus tard, il fut fasciné par Bartók,
Stravinski, le groupe des Six, la polytonalité, les dissonances. À dix-huit ans, il découvrit la philosophie et approfondit ses
choix. Il entra au Conservatoire de Paris
et fut orienté par Michel Fano vers Olivier
Messiaen, avec lequel il travailla deux ans.
Il compta aussi parmi ses professeurs Darius Milhaud. Les cours d’analyse de Messiaen l’aidèrent à « rencontrer » Mozart,
Chopin, Debussy. En 1957, sa Cantate
brève pour soprano, flûte, marimba et vibraphone fut créée à Donaueschingen. La
même année, Amy montra sa Sonate pour
piano à Boulez et étudia avec celui-ci la direction d’orchestre. C’était l’époque brûlante du Domaine musical. Après s’être
« senti dans un climat de solitude totale
au Conservatoire », il fut « soudain jeté
dans la vie ». Il écrivit alors Mouvements
pour 17 instruments (1958). À Darmstadt
(1959-1961), il découvrit Stockhausen et
rencontra Maderna, Nono, Pousseur. Il
composa Inventions (1959-1961) et développa un style personnel fait de rigueur
et de raffinement, de lyrisme contenu et
d’abstraction avec Épigrammes (1961),
Cahiers d’épigrammes (1964) pour piano
et Diaphonies pour orchestre de chambre
(1962). À ces partitions relativement austères en succédèrent d’autres où s’épanouit plus librement son tempérament de
poète : Triade pour orchestre (1963-64 ;
création, Royan, 1966), la première version de Strophe pour soprano dramatique
et orchestre (1964-1966), Trajectoires
pour violon et orchestre (1966 ; création,
Royan, 1968) et Chant pour orchestre
(1967-1969). De cette époque date aussi
Cycle pour percussions (1966). En 1967,
succédant à Pierre Boulez, il prit la direction des concerts du Domaine musical,
qu’il devait conserver jusqu’à leur disparition en 1973. En 1970 fut créé à Royan
Cette étoile enseigne à s’incliner (le titre est
celui d’un tableau de Klee) pour choeur
d’hommes, 2 pianos, bande magnétique
et divers instruments, oeuvre incantatoire
comptant parmi ses plus significatives. Lui
succédèrent notamment Récitatif, air et variation pour 12 voix mixtes (Royan, 1971),
Refrains pour orchestre (Paris, 1972),
D’un désastre obscur pour voix et clarinette
(1971), à la mémoire de Jean-Pierre Guézec, D’un espace déployé pour orchestre et
2 chefs (1972 ; création à l’Orchestre de
Paris, 1973), grande réussite s’il en fut,
Sonata pian’e forte pour 2 voix et ensemble
de chambre (1974), Seven Sites pour 14
solistes (Metz, 1975), Après... d’un désastre
obscur (Châteauvallon, 1976), Échos XIII
pour 13 instruments (1976), Stretto pour
orchestre (Metz, 1977), une version réorchestrée de Strophe (1977 ; création, Paris,
1978), Trois Études pour flûte seule (Grenoble, 1979), Chin’anim Cha’ananim pour
voix et petit ensemble (1979) et Une saison en enfer d’après Rimbaud pour piano,
percussions, chant et bande magnétique
réalisée autour du texte parlé à trois voix
(enfant, femme, homme). Cette partition, une de ses plus ambitieuses, résulta
d’une commande du groupe de recherche
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musicale de l’I. N. A. et fut créée à Paris
en 1980. Suivirent Quasi una toccata pour
orgue (1981), Quasi scherzando pour violoncelle (1981), Messe pour quatuor vocal,
choeur d’enfants ad libitum, choeur mixte
et orchestre (1983), la Variation ajoutée
pour 17 instrumentistes et bande (1984),
Orchestrahl pour orchestre (1985), Choros pour soli, choeur et orchestre (Lyon,
1989), Quatuor à cordes no 1 (1992), Inventions pour orgue (1993-1995), Trois Scènes
pour grand orchestre (1994-1995), Brèves
(quatuor à cordes no 2) [1995].
D’abord conseiller musical, à
l’O. R. T. F. (1973), Amy a été, de 1976 à
1981, directeur du Nouvel Orchestre philharmonique de Radio-France. Il a obtenu
le grand prix musical de la S. A. C. E. M.
en 1972 et le grand prix national de la
musique en 1979. En 1984, il a succédé
à Pierre Cochereau à la tête du Conservatoire national supérieur de musique de
Lyon.
ANACROUSE.
Note ou groupe de notes dépourvues d’accentuation, commençant une phrase musicale ou une composition, et précédant
immédiatement le premier temps fort.
ANALYSE (gr. analusis : « décomposition »).
L’analyse consiste à étudier une oeuvre
pour en définir la forme, la tonalité, la
structure, le rythme, l’harmonie, l’orchestration, la thématique, la mélodie, la dynamique, etc. Au XXe siècle, l’analyse doit
tenir compte des influences musicales primitives et extraeuropéennes, et non plus
être fondée uniquement sur des données
de forme et d’harmonie tonale, comme au
XIXe siècle. Avec la musique sérielle, l’analyse devient un exercice beaucoup plus intellectuel que musical. « Le premier devoir
de l’analyse musicale est de montrer les
fonctions des différentes sections ; le côté
thématique est secondaire » (A. Webern).
Il y a actuellement trois classes d’analyse au Conservatoire de Paris.
ANAPESTE.
Pied ou unité rythmique de la poésie
grecque et latine, formé de l’union de deux
syllabes brèves et d’une longue, et indiqué
par les signes -.
L’origine du quatrième mode rythmique ), aux XIIe et XIIIe siècles, est en
fait anapestique, la noire étant considérée
alors comme une autre valeur brève.
ANCERL (Karel), chef d’orchestre
tchèque (Tucapy, sud de la Tchécoslovaquie, 1908 - Toronto, Canada, 1973).
Né dans un milieu paysan, il étudia la
composition au conservatoire de Prague
avec A. Hába, et la direction d’orchestre,
notamment, avec V. Talich et H. Scherchen, dont il fut l’assistant. À partir de
1931, il dirigea à l’Opéra de Prague et, à
partir de 1933, à la radio de cette ville. Il
entama alors une carrière internationale.
Après un long séjour dans les camps de
concentration durant la guerre, il reprit
ses activités à l’Opéra de Prague et à la
direction de la Philharmonie tchèque.
Contraint à l’exil après le « Printemps de
Prague », dont il fut l’un des artisans, il se
réfugia aux États-Unis et devint directeur
de l’Orchestre symphonique de Toronto.
Il demeure célèbre pour les interprétations de ses compatriotes Dvořák, Smetana, Janáček, Martinºu, mais aussi pour
celles de Bartók, Stravinski et Prokofiev.
ANCHE.
Languette fine et élastique en bois (roseau)
ou en métal (laiton), qui est introduite
dans l’embouchure des instruments à
vent. (Cette languette peut encore être en
argent [Chine, Japon] ou en paille [Soudan, Égypte].) L’anche entre en vibration
grâce au souffle du joueur ou à l’air d’un
soufflet, et communique cette vibration à
la colonne d’air contenue dans le tube de
l’instrument.
Il y a trois sortes d’anches : l’anche
simple, qui ne comporte qu’une seule
languette (ex. : clarinette, saxophone) ;
l’anche double, qui comporte deux languettes superposées (ex. : hautbois, basson) ; et l’anche libre, qui vibre en avant
et en arrière à l’entrée d’une ouverture
qu’elle ferme momentanément au passage
de l’air (ex. : tuyaux d’orgue).
À l’orgue, toute une famille de jeux est
dite « jeux d’anches » ou « jeux à anche ».
Le son est émis par une languette (dont la
longueur est ajustable pour l’accordage au
moyen d’une tige, la rasette) battant sur
une gouttière métallique, l’anche proprement dite. Le tuyau sert de résonateur aux
vibrations émises par la languette ; son
diamètre, sa forme et sa longueur déterminent le timbre et la puissance du son.
Les grands tuyaux coniques donnent le
plus grand éclat : ce sont les jeux du type
trompette ou du type chalumeau (s’ils
sont de taille étroite).
Les tuyaux à corps raccourci et à résonateur fournissent à la famille des anches
les jeux de régale, de ranquette, de douçaine, de clarinette et, principalement, de
cromorne et de voix humaine.
ANCHIETA (Juan de), compositeur espagnol (Azpeitia, province de Guipúzcoa,
1462 - id. 1523).
Chantre à la chapelle d’Isabelle de Castille
et de Ferdinand d’Aragon (1489), maître
de musique du prince don Juan (1495),
puis abbé à Arbos (1499), il retourna, en
1504, à Azpeitia, où il fut recteur jusqu’à
sa mort. Parallèlement, il exerça une
charge de maître de musique à la cour de
Charles V (1519). Considéré comme l’un
des fondateurs de l’école polyphonique
espagnole, Anchieta n’a retenu de l’art
des Flamands que ce qui était nécessaire
à un expressionnisme dramatique caractéristique du style national. Il a souvent
construit ses oeuvres religieuses sur des
thèmes profanes ; ainsi sa messe Eia Judios
s’inspire-t-elle d’une chanson populaire
évoquant les persécutions contre les juifs.
Il a laissé des messes, plusieurs motets et
des chansons polyphoniques profanes.
ANDA (Geza), pianiste suisse d’origine
hongroise (Budapest 1921 - Zurich
1976).
Il fit ses études de piano dans son pays
natal auprès de E. von Dohnanyi et débuta à Budapest sous la baguette de W.
Mengelberg. Il prit la nationalité helvétique en 1942 et vécut dès lors en Suisse.
Parallèlement à sa carrière de virtuose, il
fut titulaire d’une classe de perfectionnement pianistique à Lucerne, poste où il
succéda à Edwin Fischer. Pianiste au jeu
maîtrisé, au style très pur, Anda est resté
célèbre pour ses interprétations de Mozart, Brahms et Bartók.
ANDANTE (ital. : « en allant », « en marchant »).
Ce terme, apparu vers la fin du XVIIe siècle,
désigna longtemps un tempo modéré, se
situant entre l’adagio et l’allegro. Ce n’est
qu’à l’époque romantique que son sens se
modifia et qu’il indiqua un mouvement
plus lent, se rapprochant de celui de l’adagio. N’étant pas très précis, le mot andante
est souvent qualifié : par exemple, andante-allegro, andante ma adagio, andante
sostenuto, andante cantabile. Le terme est
parfois utilisé comme titre de morceau
(Schumann : Andante et variations pour
deux claviers op. 46), ou, souvent, comme
titre de mouvement, par exemple dans
une symphonie.
ANDANTINO.
Diminutif d’andante.
Longtemps imprécis, ce terme indique
en principe, aujourd’hui, un mouvement
un peu plus rapide que l’andante. Il indique également le caractère d’une pièce
moins développée qu’un andante ; il est à
l’andante ce que la sonatine est à la sonate.
ANDERSON (Marian), contralto américain (Philadelphie 1902).
Au cours de sa longue carrière de concertiste, qui débuta en 1925, elle connut, aux
États-Unis, quelques revers, dus au fait
qu’elle était de race noire, mais aussi de
nombreux triomphes (il lui arriva de chanter en plein air devant 75 000 personnes).
En Europe, où elle fit des tournées après
1930, se produisant notamment au festival
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
25
de Salzbourg à partir de 1935, elle acquit
une immense popularité. En 1955, Marian
Anderson fut la première chanteuse noire
à paraître sur la scène du Metropolitan de
New York (Ulrica dans Un bal masqué).
Elle se retira en 1965. Toscanini admirait beaucoup cette forte personnalité,
aux interprétations parfois déroutantes,
mais toujours marquantes, qui fit carrière
essentiellement dans le lied et l’oratorio,
ajoutant aussi, à la fin de ses récitals, des
negro spirituals.
ANDRÉ, famille d’éditeurs et compositeurs allemands.
1. Johann (Offenbach, près de Francfort, 1741 - id. 1799). Il cultiva avec
succès le singspiel, écrivit une trentaine
d’oeuvres dans cette forme et jouit de
l’admiration et de la collaboration de
Goethe. Son style subit l’influence de
l’école de Berlin (Graun, G. A. Benda).
Il écrivit également des ballets, de la
musique de scène et de nombreux lieder.
En 1774, il fonda une maison d’édition,
encore en activité aujourd’hui.
2. Johann Anton (Offenbach 1775 - id.
1842), fils du précédent. Il continua l’activité de son père dans l’édition, publiant,
entre autres et pour la première fois, beaucoup d’oeuvres de Mozart, dont en 1800,
Constance lui vendit en bloc les manuscrits plutôt qu’à Breitkopfu Härtel. Il écrivit deux opéras, des lieder, de la musique
religieuse, de la musique symphonique et
de la musique de chambre.
ANDRÉ (Maurice), trompettiste français
(Alès 1933).
Il travailla dans la mine dès l’âge de 14
ans et fit ses premières armes dans la
musique au sein des harmonies locales.
Puis il étudia au Conservatoire de Paris,
obtenant dès la première année le premier prix d’honneur au cornet et, l’année
suivante, le premier prix de trompette. Il
remporta les concours de Genève (1955)
et Munich (1963). Trompette solo à
l’orchestre des Concerts Lamoureux et
à l’Opéra-Comique, il entreprit une carrière de concertiste qui lui valut rapidement un renom mondial. Doué d’une
aisance et d’une technique prodigieuses,
il domine complètement les difficultés que
présente la musique baroque, qui constitue l’essentiel de son répertoire ; mais
il interprète avec autant de bonheur les
oeuvres contemporaines, aborde parfois
le jazz et la musique légère. Professeur au
Conservatoire de Paris de 1967 à 1978, il
a formé une brillante jeune génération de
trompettistes français parmi lesquels son
fils Lionel, son petit-fils Nicolas, Bernard
Soustrot et Guy Touvron.
ANDRIESSEN, famille de musiciens
néerlandais.
Willem, compositeur et organiste (Haarlem 1887 - Amsterdam 1964). Il dirigea
le conservatoire d’Amsterdam de 1937
à 1953 et fut organiste à la cathédrale
d’Utrecht.
Hendrik, frère du précédent, compositeur, organiste et pédagogue (Haarlem 1892 -id. 1981). Il a été directeur
du conservatoire d’Utrecht, puis de La
Haye (1949), et a enseigné l’histoire de la
musique à Nimègue, de 1952 à 1962. Sa
production religieuse, à partir de la Missa
in honorem Ss. Cordis (1917), a tenté de
retrouver la simplicité médiévale, et les
références sérielles ont été fréquentes chez
lui à partir de 1950. On lui doit beaucoup
de musique religieuse et de nombreuses
pièces d’orgue, Variations et fugue sur un
thème de Johann Kuhnau pour orchestre
(1935), un concerto pour orgue (1950),
cinq symphonies (1930, 1937, 1946, 1954
et 1962) et les opéras Philomela, d’après
Ovide (1948, créé au festival de Hollande
1950), et De Spiegel Van Venetie (1964).
Jurriaan, fils du précédent, compositeur, pianiste et chef d’orchestre (Haarlem
1925). Élève de son père à Utrecht, il a étudié aussi à Paris (1947) et aux États-Unis
(1949-1951), écrivant là sa Berkshire Symphonies (1949), dont le mouvement lent
est une série de variations sur un thème
de la Suite lyrique d’Alban Berg. De tempérament éclectique, il s’est intéressé au
jazz (Concerto Rotterdam, 1967) et a écrit
beaucoup de musiques de film et de scène.
Sa 8e symphonie, La Celebrazione, date
de 1977. Citons encore le monodrame
radiophonique Calchas (1959), d’après
Tchekhov, et les ballets Das Goldfischglas
(1952), De Canapé (1953) et Time Spirit
(1970).
Louis, frère du précédent, compositeur
(Utrecht 1939). Élève de son père et de K.
Van Baaren, puis de Luciano Berio à Milan
et à Berlin (1964-65), il a subi également
les influences de Stockhausen et de Cage.
Il a été en 1969 l’un des auteurs de l’opéra
collectif Reconstruction, donné au festival
de Hollande 1970, et enseigne depuis 1974
au conservatoire de La Haye. Parmi ses
oeuvres, Hoketus pour 2 groupes d’instruments (1976-77), le « triptyque politique »
sur des textes controversés comprenant
Il Duce, d’après Mussolini (1973), Il Principe, d’après Machiavel (1973-74) et De
Staat pour quatre voix de femmes et ensemble instrumental d’après la République
de Platon (1973-1976), Symfonie voor losse
snaren (symphonie pour cordes à vide)
pour 5 violons, 2 altos, 3 violoncelles et
2 contrebasses solistes (1978), Mausoleum pour orchestre (1979), De Tijd pour
ensemble (1981), les opéras Passion selon
saint Matthieu, Orpheus et George Sand,
créés en 1976, 1978 et 1980, De Snelheid
(1981), Danses pour soprano et orchestre
de chambre (1991), Hout (1991).
ANDRIEU (Jean-François d’), compositeur et organiste français (Paris 1682 - id.
1738).
Neveu de Pierre d’Andrieu, virtuose
précoce, il est nommé organiste à SaintMerri dès 1704, poste auquel s’ajouteront
ceux d’organiste de la Chapelle royale
(1721) et de Saint-Barthélemy (1733). On
lui doit un Livre de sonates à violon seul,
trois Livres de pièces de clavecin, un Livre
de sonates en trio, quelques Airs sérieux
ou à boire et un recueil instrumental, les
Caractères de la guerre, ou suite de symphonies ajoutées à l’opéra. Pour l’orgue, il
écrivit un Premier Livre de pièces d’orgue
(1739), où se maintenait la grande tradition liturgique de Lebègue, et un Livre de
noëls, dans lequel il reprenait les oeuvres
de son oncle en ajoutant quelques noëls de
sa composition, pages brillantes, aimables
et pittoresques. Comme pédagogue, enfin,
d’Andrieu a laissé un précieux volume de
Principes de l’accompagnement du clavecin
(Paris, 1718).
ANDRIEU (Pierre d’), compositeur et
organiste français ([ ?] 1660 - Paris 1733).
Il écrivit des Airs sérieux, publiés dans les
recueils de Ballard, et composa des Noëls
à variations pour orgue, réédités par son
neveu Jean-François, a qui on en attribue
souvent la paternité.
ANERIO (Felice), compositeur italien
(Rome v. 1560 - id. 1614).
Il succéda en 1594 à Palestrina comme
compositeur du choeur pontifical et en
1611 réforma avec Francesco Soriano
le graduel romain. Contrairement à lui,
son frère Giovanni Francesco (Rome v.
1567 - Graz 1630) composa aussi bien dans
la prima que dans la seconda pratica et fut
le premier compositeur romain à utiliser
des instruments obligés (dans son Teatro
armonico spirituale de 1619).
ANERIO (Giovanni Francesco), compositeur italien, frère du précédent (Rome v.
1567 - Graz 1630).
Maître de chapelle du roi de Pologne en
1606, puis à la cathédrale de Vérone, il
regagna Rome pour enseigner au Collège romain. Ordonné prêtre en 1616, il
fut maître de chapelle à Santa Maria dei
Monti de 1613 à 1620. C’est un compositeur intéressant, dont l’oeuvre importante
(principalement religieuse) comprend
souvent des titres assez pittoresques, tels
que Ghirlanda di sacre rose et Il dialogo
pastorale al presepio (« le dialogue pastoral
auprès de la crèche »). Il contribua à l’élaboration de la forme qui devint l’oratorio.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
26
ANET (Jean-Baptiste), violoniste et compositeur français ([ ?] 1661 - Lunéville
1755).
Il fut l’élève de Corelli et débuta à Paris
comme virtuose dans le cercle italien
de Saint-André-des-Arcs, que présidait
l’abbé Mathieu. C’est Anet qui, en se produisant à la cour et au Concert spirituel,
révéla à la France l’élégance du violon
dans le répertoire profane et donna à cet
instrument ses lettres de noblesse. Avec
Leclair, il imposa le genre de la sonate ;
son premier Livre de sonates parut en
1724. Nommé au service de l’ex-roi de
Pologne Stanislas Leszczy’nski, il se fixa
à Lunéville en 1736. Anet fut un compositeur fécond et l’un des plus grands violonistes de son temps.
ANFOSSI (Pasquale), compositeur italien (Taggia, près de Naples, 1727 - Rome
1797).
Il étudia d’abord le violon, puis la composition et l’harmonie avec N. Piccinni.
Ses premiers opéras ne connurent pas un
très grand succès, mais avec L’Incognita
perseguitata (Rome, 1773) vint la célébrité.
Bientôt, cependant, il éprouva l’inconstance du public et partit à travers l’Europe.
En 1792, il fut nommé maître de chapelle
à Saint-Jean-de-Latran et se consacra à
la musique d’église. Mozart s’intéressa
à l’oeuvre d’Anfossi, composant des airs
à insérer dans certains des 76 opéras
qu’écrivit ce musicien.
ANFUSO (Nella), soprano italienne (Alia,
près de Palerme, 1942).
Elle suit une double formation, littéraire
et musicale, à l’université et au Conservatoire de Florence. Docteur ès lettres,
elle étudie le chant à l’académie SainteCécile de Rome tout en poursuivant des
recherches sur l’interprétation vocale au
XVIIe siècle. Ces travaux historiques se
révèlent décisifs pour l’originalité de son
style interprétatif. Son but est de « retrouver l’unicité de la poésie et de la musique »
qui, selon elle, caractérise avant tout les
oeuvres de Caccini et de Monteverdi. En
1971, elle débute au Palazzio Vecchio
de Florence et se produit régulièrement
depuis en récital dans toute l’Europe.
Douée d’une tessiture de trois octaves,
elle chante les madrigaux pétrarquisants
de Marchetto, les oeuvres de Rossi, mais
aussi Vivaldi. Professeur de littérature
dramatique et poétique au Conservatoire
Boccherini de Lucca, paléographe des Archives d’État, elle organise des séminaires
pour des étudiants du monde entier, malgré les vigoureuses polémiques suscitées
par son style. Depuis 1989, elle a élargi son
répertoire aux romances de Bellini, Catalani et Paganini.
ANGELICI (Martha), soprano française
(Cargese 1907 - Ajaccio 1973).
Bien que sa vocation ait été marquée
par ses origines corses, c’est à Bruxelles
qu’elle reçoit sa formation à partir de
1928. Apprenant les rôles du répertoire
italien, elle chante la Bohème à Marseille en 1936. L’année suivante elle
débute à Paris, avant de suivre la troupe
de l’Opéra-Comique au Brésil, lors de la
tournée de 1939. Elle sera membre de cette
troupe jusqu’en 1953, dans une période
où de nombreuses créations s’ajoutent
aux productions du répertoire. De 1953
à 1960, elle chante à l’Opéra de Paris.
Ses triomphes dans le rôle de Micaëla
amènent Karajan à l’engager dans Carmen
à la Scala de Milan. Ses récitals furent également fameux, qu’elle concluait le plus
souvent par des chants populaires de son
île natale.
ANGELIS (Nazzareno de), basse italienne (Aquila, près de Rome, 1881 Rome 1962).
Enfant, il fit partie de la Capella Giulia,
puis de la chapelle Sixtine. Il débuta à
Aquila dans Linda di Chamounix de Donizetti (1903) et devint rapidement célèbre.
Il se produisit beaucoup aux États-Unis et
en Amérique du Sud, mais sa carrière est
essentiellement liée à la Scala de Milan,
où il chanta de 1907 (débuts dans La Gioconda de Ponchielli) à 1933. Sa voix était
d’une beauté et d’une puissance exceptionnelles, sa technique accomplie et sa
présence scénique impressionnante. Donnant aux personnages qu’il incarnait une
dimension hors du commun, il a marqué,
en particulier, les rôles de Moïse dans
l’opéra de Rossini et de Mefistofele dans
l’opéra de Boito, qu’il chanta 987 fois. Il
se consacra aussi beaucoup aux oeuvres
de Wagner.
ANGERER (Paul), compositeur et altiste
autrichien (Vienne 1927).
Il a étudié le violon avec Franz Bruckbauer
et F. Reidinger et la composition avec A.
Uhl, à Vienne. Altiste dans l’Orchestre
symphonique de Vienne, il a été de 1971
à 1986 directeur musical de l’orchestre
de chambre de Pforzheim. Le style polyphonique de ses oeuvres rappelle Hindemith. Auteur de musique d’orchestre, le
plus fréquemment écrite pour orchestre
de chambre, il utilise des procédés anciens
comme l’organum et le faux-bourdon.
ANGERMULLER (Rudolph), musicologue allemand (Bielefeld 1940).
Il a étudié à Mayence, Münster et Salzbourg (langue et civilisation françaises,
histoire, musicologie). Assistant à l’Institut de musicologie de l’université de Salzbourg de 1967 à 1972, il est depuis cette
dernière date bibliothécaire de l’Internationale Stiftung Mozarteum et codirecteur
de la Neue Mozart Ausgabe. Sa thèse Antonio Salieri : sein Leben und seine weltliche
Werke est parue en 1971. Il a publié également Sigismund Neukomm : Werkverzeichnis - Autobiographie - Beziehung zu seinen
Zeitgenossen (1977), W. A. Mozarts musikalische Umwelt in Paris (1777-78) : eine
Dokumentation (1982), ainsi que de nombreux articles.
ANGIOLINI (Gasparo), danseur, chorégraphe et compositeur italien (Florence
1731 - Milan 1803).
Arrivé à Vienne en 1754, il succéda en
1758 à son maître Franz Hilverding au
poste de maître de ballet de la cour. Il
connut son plus grand triomphe le 17 octobre 1761 avec la création au Burgtheater
de Don Juan ou le Festin de pierre (musique
de Gluck), le premier grand ballet d’action, dont il assura l’argument et la chorégraphie et dansa le rôle-titre. L’année
suivante (5 octobre 1762), il assura la chorégraphie d’Orfeo ed Euridice. En 1765, il
succéda à Hilverding à Saint-Pétersbourg,
puis revint à Vienne en 1774 comme successeur de Noverre. Il séjourna à nouveau
à Saint-Pétersbourg de 1776 à 1779 et termina sa carrière en Italie.
ANGLAISE.
Terme désignant aux XVIIe et XVIIIe siècles
diverses danses anglaises diffusées en
Europe, telles que la contredanse (country
dance) ou encore le hornpipe.
Il est curieux de noter que l’anglaise
fut connue en Allemagne sous le nom de
« française », et que J.-S. Bach introduisit
une anglaise dans sa troisième Suite française en si mineur. Le tempo de l’anglaise
est généralement assez vif avec une mesure binaire.
ANGLEBERT (Jean Henri d’), compositeur, claveciniste et organiste français
(Paris 1628 - id. 1691).
Élève et successeur de Champion de
Chambonnières, il occupa quelques postes
d’organiste avant d’être nommé en 1662
dans l’ordinaire de la chambre du Roy
pour le clavecin, charge plus tard confiée à
François Couperin. Il abandonna ce poste
à son tout jeune fils Jean-Baptiste Henri
en 1674, date après laquelle on ne lui
connaît plus d’activité. En 1689, il fit paraître un livre de Pièces de clavecin, regroupant 60 pièces en quatre ordres ; le livre est
complété par un tableau des agréments,
des Principes de l’accompagnement, Cinq
Fugues pour l’orgue sur un même sujet et un
Quatuor sur le Kyrie. À côté de quelques
transcriptions de Lully, on y trouve le
témoignage de l’un des maîtres du pre-
mier âge de l’école française de clavecin.
Ses deux fils, Jean-Baptiste Henri (Paris
1661 - id. 1735) et Jean Henri (Paris 1667 id. 1747), furent tous deux clavecinistes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
27
ANGLÉS (Mgr Higinio), musicologue espagnol (Maspujols, prov. de Tarragone,
1888 - Rome 1969).
Il fit des études de philosophie et de théologie à Tarragone, de musique à Barcelone (orgue, harmonie, composition) et
de musicologie, d’abord à Barcelone avec
F. Pedrell, puis à Fribourg avec W. Gürlitt et à Göttingen avec F. Ludwig. Après
la guerre civile, durant laquelle il s’exila
à Munich, il dirigea l’Institut espagnol
de musicologie, à Barcelone, à partir de
1943, et fut président de l’Institut pontifical de musique sacrée de Rome, à partir
de 1947. Spécialiste du Moyen Âge et de la
Renaissance, véritable fondateur de l’école
de musicologie espagnole, Anglés a laissé
un grand nombre d’ouvrages et d’articles
fondamentaux sur la musique de son pays
et édité les oeuvres de Cabanillés, Morales,
Alphonse X le Sage et Juan Pujol. Il a réalisé un catalogue musical de l’Espagne du
XIIe au XVIIe siècle.
ANHALT (Istvan), compositeur canadien
d’origine hongroise (Budapest 1919).
Il fait ses études en Hongrie avec Kodály
et en France avec Nadia Boulanger et
L. Fourestier. Il s’installe au Canada en
1949. Son style, fondé à l’origine sur le
néoclassicisme, assimile, à partir de 1959,
la musique électronique et les techniques
modernes, unissant Varèse et Stockhausen aux musiques indienne, javanaise et
africaine. Parmi ses oeuvres, citons 2 symphonies, Cento pour choeur à 12 voix et
bande magnétique (1967), Welche Töne ?
pour orchestre (1989).
ANIMANDO (ital. : « en animant »).
Terme indiquant que le tempo devient
plus allant.
ANIMATO (ital. : « animé »).
Terme employé pour qualifier un tempo
donné, exemple : andante animato.
ANIMUCCIA (Giovanni), compositeur
italien (Florence v. 1514 - Rome 1571).
Il reçut sa formation dans l’entourage de
Francesco Corteccia, puis entra au service du cardinal Ascanio Sforza à Rome.
En 1555, il succéda à Palestrina comme
maître de la chapelle Giulia. Avec un talent
qui le rend digne de son grand prédécesseur, il écrivit surtout des madrigaux, de la
musique religieuse (messes, magnificat),
et, pour les réunions de son ami saint Philippe Neri, deux livres de Laudi spirituali
(1563-1570) qui préfigurent l’oratorio et,
par leur style déclamatoire, la monodie
accompagnée.
ANNIBALE (Il Padovano), compositeur
italien (Padoue 1527 - Graz, Autriche,
1575).
Premier organiste à Saint-Marc de Venise
de 1552 à 1565, il s’établit à Graz, où il fut
organiste, puis maître de chapelle de l’archiduc Charles d’Autriche. Il composa des
madrigaux, des motets, une messe et des
pièces pour orgue, édités chez Gardano
à Venise. Ses ricercari et toccate furent
parmi les premiers du genre.
ANSERMET (Ernest), chef d’orchestre
suisse (Vevey 1883 - Genève 1969).
Il étudia parallèlement les mathématiques
et la musique à Lausanne, puis à Paris, et
fut nommé professeur de mathématiques
à Lausanne (1906). Mais, après avoir
travaillé la direction d’orchestre auprès
de Mottl et Nikisch en Allemagne, il revint à la musique, en 1912, comme chef
d’orchestre au casino de Montreux, où il
devint l’ami de Ramuz et de Stravinski.
Directeur musical des Ballets russes de
Diaghilev de 1915 à 1923, il fonda en 1918
l’orchestre de la Suisse romande, dont il
resta le directeur jusqu’en 1966. Chef au
style plein d’acuité et de raffinement, Ansermet demeure particulièrement célèbre
pour ses interprétations de Stravinski,
Debussy et Ravel. Il a exposé sa conception de la musique dans un livre, les Fondements de la musique dans la conscience
humaine (Neuchâtel, 1961), où il avoue
sa fidélité exclusive au système tonal. Il
composa quelques oeuvres et orchestra les
Six Épigraphes antiques et deux des Ariettes
oubliées de Debussy.
ANTEGNATI, famille de facteurs d’orgues italiens établis à Brescia, dont l’activité est connue de 1480 environ jusqu’à
la moitié du XVIIe siècle.
Des sept générations successives d’Antegnati, l’organier le plus célèbre est Costanzo (Brescia 1549 - id. 1624), qui fut
aussi organiste de la cathédrale de Brescia,
compositeur et théoricien. Auteur de motets, messes et madrigaux, il a rédigé un
traité, L’Arte organica (1608), où il donne
notamment la liste et les caractéristiques
de tous les instruments construits par la
famille, ainsi que des indications sur l’accord et la registration.
L’orgue des Antegnati est un instrument à un clavier et à pédalier rudimentaire ; il est riche en flûtes et principaux et
en jeux de mutation aigus constituant un
ripieno* par rangs séparés. Parmi les très
nombreux instruments qu’ils établirent
dans toute l’Italie du Nord, les principaux
sont ceux de la cathédrale de Brescia (Bartolomeo Antegnati, 1481), de Sainte-Marie-des-Grâces à Brescia (Gian Giacomo
Antegnati, 1533) et de la cathédrale de
Milan (id., 1552).
ANTES (John), compositeur américain
(Frederick, Pennsylvanie, 1740 - Bristol,
Angleterre, 1811).
Membre de la communauté morave de
Pennsylvanie, il partit pour l’Europe en
1764, devint pasteur en 1769, et s’embarqua la même année comme missionnaire
pour Le Caire, où il devait rester jusqu’en
1781. De 1783 à sa mort, il vécut en Angleterre, continuant à s’intéresser non
seulement à la musique, mais aussi à la
mécanique et à la facture d’instruments.
On lui doit des oeuvres sacrées préservées
uniquement en Amérique, pour la plupart dans les archives de Bethlehem et de
Winston-Salem (ont subsisté 25 pièces vocales concertantes et 13 mélodies de cantiques). Il fut aussi le premier Américain
de naissance à avoir écrit de la musique
de chambre (quatuors à cordes, trois trios
à cordes op. 3 composés au Caire et parus
chez John Bland comme étant de Giovanni A-T-S Dilettante americano). Dans
un des carnets tenus par Haydn à Londres
en 1791-92, on trouve cette notice le
concernant : « Mr. Antis, évêque (sic) et
petit compositeur. »
ANTHEIL (George), compositeur améri-
cain d’origine polonaise (Trenton, New
Jersey, 1900 - New York 1959).
Il fait ses études au Curtis Institute de
Philadelphie, puis à New York avec Ernest Bloch. Après un bref séjour à Berlin
où il présente sa Première Symphonie, il
s’installe à Paris, s’intéresse au mouvement dada et compose son Ballet mécanique, « musique ultraviolette où l’idée est
d’atteindre le plus abstrait de l’abstrait « :
dix pianos y sont utilisés, ainsi que des
trompes d’auto, enclumes, scies circulaires, etc. Cette tentative empirique d’extension de l’univers sonore n’est pas sans
annoncer celles de Feldman et Cage. À la
même époque, Antheil incorpore le jazz à
ses ouvrages symphoniques ou lyriques.
De retour aux États-Unis (1933), il renonce à l’avant-garde et revient à une esthétique néoromantique qui marque tous
ses ouvrages ultérieurs. Fixé à Hollywood,
il travaille dès lors dans les genres les plus
divers, y compris la musique de film.
ANTHEM (du grec latinisé, antiphona).
Terme anglais désignant une composition chorale sur un texte sacré en langue
anglaise, en usage dans l’Église anglicane.
Au XVIe siècle, il existe deux types d’anthems, le full-anthem, qui peut être soit a
cappella, soit accompagné à l’orgue, et le
verse-anthem, qui se place entre les parties
chorales, chanté par une voix soliste accompagnée à l’orgue ou aux instruments
à archet. Avec Blow, Purcell et Pelham
Humphrey, le verse-anthem se développe ;
les anthems de Haendel atteignent des
proportions grandioses au siècle suivant (par exemple : Zadok, the Priest).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
28
On continue à composer des anthems
au XIXe siècle ; de nos jours, avec ou sans
accompagnement, le genre inspire encore
les compositeurs.
ANTICIPATION.
Procédé musical consistant en l’émission
d’une note qui est étrangère à l’harmonie
et qui appartient à l’accord suivant.
Cette anticipation crée une dissonance, parfois chargée d’un grand pouvoir expressif, comme chez Monteverdi.
Exemple : J. S. Bach, choral Ermunt’re
dich, mein schwachen Geist.
ANTIENNE (grec latinisé, antiphona :
« voix en réponse »).
Chant destiné primitivement à encadrer
la psalmodie, c’est-à-dire la récitation modulée des psaumes.
Le fait que cette récitation était pratiquée en « antiphonie » - par demi-choeurs
alternés ( ! ALTERNANCE) - a donné naissance à ce terme impropre, car l’antienne
ne semble jamais avoir été chantée ellemême en antiphonie. Les antiennes sont
parmi les éléments les plus anciens de la
liturgie. Les antiennes primitives, ambrosiennes, puis grégoriennes, étaient
simples, syllabiques et courtes, souvent
calquées sur un timbre stéréotypé et adapté
au ton de la psalmodie ; beaucoup portent
la trace d’un pentatonisme archaïque très
accusé. Plus tard, les antiennes se développèrent, devinrent de plus en plus longues
et relativement mélismatiques ; certaines
antiennes tardives (Salve Regina) sont de
véritables compositions, développées et
isolées de leur contexte d’encadrement.
Les introïts sont d’anciennes antiennes
dont le psaume a été raccourci ; d’autres
pièces (offertoire, communion) sont d’anciennes antiennes dont le psaume a ultérieurement disparu.
ANTIPHONAIRE.
Au sens ancien strict, ce terme désignait
le livre liturgique contenant les antiennes
(liber antiphonarius) pour l’office et celles
pour la messe (introït, offertoire, communion). Ces pièces étaient chantées par
le choeur, en alternance avec les répons,
contenus dans un autre livre, le cantatorium, réservé aux solistes et plus tard appelé le graduel (liber gradualis) [trait, graduel, alleluia]. Plus tard, les répons furent
insérés dans l’antiphonaire.
ANTONIOU (Theodor), compositeur
grec naturalisé américain (Athènes
1935).
De 1945 à 1958, il étudie le violon, le chant
et, avec M. Kalomiris, au conservatoire
d’Athènes, la composition. Il travaille de
1958 à 1961 avec Y. Papaioannou, de 1961
à 1965 avec G. Bialas à Munich et, de 1964
à 1966, au studio de musique électronique
de la radio bavaroise. En 1969, il obtient
une chaire de composition à l’université
de San Francisco. Malgré ses passages dans
les studios d’électroacoustique, Antoniou
compose avec des moyens traditionnels.
Sa production comprend des oeuvres pour
choeur, pour voix et instruments (Meli,
pour chant et orchestre, 1963 ; Épilogue,
pour mezzo-soprano, hautbois, guitare,
cor, piano, contrebasse et percussion,
1963 ; Kontakion, pour solistes, choeur
mixte et cordes, 1965 ; Klytemnestra, pour
une actrice, ballet et orchestre, etc.), pour
divers ensembles instrumentaux et pour
orchestre, ces dernières oeuvres incluant
des musiques de scène, de film et de la
musique radiophonique.
ANTUNES (Jorge), compositeur brésilien (Rio de Janeiro 1942).
Il fait ses études à l’université du Brésil (master de violon et de composition)
et passe son doctorat à Paris (Sorbonne,
1977). Il enseigne à l’université de Brasilia, dont il dirige aussi le département de
musique. Pionnier de l’électroacoustique
dans son pays, il fonde, à Rio de Janeiro,
un centre de recherches « chromo-musicales » (1962), avant de travailler au studio
de l’Institut Torcuato di Tella à Buenos
Aires ainsi que dans différents studios européens, notamment à Utrecht et à Paris
(GRM). On lui doit en particulier Catastrophe ultra-violette (1974), Simfonia das
Directas (1984), la série des Meninos pour
jeune violoniste et bande (1986-87). Il a
fondé un groupe de musique expérimentale, le GeMUnB, et publié un livre sur la
notation dans la musique contemporaine
(1988).
APERGHIS (Georges), compositeur grec
(Athènes 1945).
Venu à Paris en 1963, il y entreprend des
études musicales et y suit des cours de
direction d’orchestre (avec Pierre Dervaux) et de percussion. En 1967, sont créés
Antistixis pour trois quatuors à cordes et
Anakroussis I. Suivent notamment Symplexis pour orchestre symphonique et
vingt-deux solistes de jazz et Kryptogramma pour percussions (1970). Frappé
par Sur scène de Kagel, il s’oriente de plus
en plus vers le théâtre musical : « Ce que
je veux ? Répartir des scènes dans l’espace,
accomplir un travail critique : il ne faut
donc pas une pièce déjà existante ou des
situations déjà imaginées par quelqu’un. »
Le festival d’Avignon révèle en 1971
l’originalité d’Aperghis avec la Tragique
Histoire du nécromancier Hieronimo et de
son miroir pour voix de femme chantée,
voix de femme parlée, luth et violoncelle.
Puis sont créés Oraison funèbre (pour 2
barytons, une actrice et 10 instruments,
Paris, 1972), Hommage à Jules Verne
(Royan, 1972), Concerto grosso (pour chanteurs-acteurs, instruments et bande, Paris,
1972), les opéras Pandemonium (pour 4
voix de femmes, 4 barytons, 4 acteurs et 7
instrumentistes, Avignon, 1973), Jacques
le Fataliste d’après Diderot (Lyon 1974) et
Histoires de Loups (pour 5 voix de femmes,
voix d’hommes et 9 musiciens, Avignon
1976), Je vous dis que je suis mort (Paris,
1979), Liebestod (Metz, 1982), oeuvres
nourries d’autres disciplines artistiques.
Les préoccupations sociales d’Aperghis
apparaissent notamment dans la Bouteille
à la mer (1976). Depuis 1976, le compositeur est animateur de l’A. T. E. M. (Atelier théâtre et musique) de Bagnolet. De
l’action menée par l’A. T. E. M. avec les
habitants de Bagnolet, sont nés divers
spectacles, dont la Pièce perdue (1979).
Le festival de La Rochelle de 1980 a vu la
création de Quatre Récitations pour violoncelle seul. Citons encore l’Adieu pour
orchestre (Paris, 1988), l’opéra Jojo (Strasbourg, 1990).
A PIACERE (ital. : « à volonté », « à plaisir »).
Terme indiquant qu’une certaine liberté
dans le mouvement est laissée à l’initiative
de l’interprète. Syn. : ad libitum.
APOSTEL (Hans Erich), compositeur autrichien d’origine allemande (Karlsruhe
1901 - Vienne 1972).
Il fit ses études au conservatoire Munz à
Karlsruhe, puis travailla à Vienne avec
Schönberg (1921) et Berg (1925). Il fut
chef d’orchestre au Landestheater de
Karlsruhe, puis professeur de piano et de
composition à Vienne, et lecteur aux Éditions Universal. Il écrivit de la musique
d’orchestre, des oeuvres pour piano,
deux quatuors à cordes, des lieder sur
des poèmes de Rilke, Hölderlin, Stefan
George, et un Requiem.
Appartenant à la seconde école de
Vienne, ses oeuvres relèvent de la technique sérielle, qu’Apostel utilisa avec
beaucoup de maîtrise et un rien d’académisme.
APPASSIONATO (ital. : « passionné »).
Terme indiquant dans une partition un
style soutenu, tendu, avec de l’élan, de
l’ardeur, de la passion.
Employé surtout par les compositeurs
de l’époque romantique, ce mot la caractérise d’ailleurs parfaitement.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
29
APPENZELLER (Benedictus), compositeur flamand (1re moitié du XVIe s.).
De 1539 environ à 1551, il fut, à Bruxelles,
maître des enfants de choeur de la chapelle
de la reine Marie de Hongrie. Peut-être
a-t-il été l’élève de Josquin Des Prés dont,
en tout cas, il célébra la mort dans une
déploration.
Parmi ses oeuvres, jadis attribuées à
Benedictus Ducis, citons une messe, des
psaumes, des répons, des motets, des
chansons, dont 22 furent publiées dans le
recueil Chansons a quattre parties (Anvers,
1542).
APPIA (Adolphe), metteur en scène
suisse (Genève 1862 - Nyon 1928).
Après des études à Vevey, Genève, Zurich,
Leipzig, Paris et Dresde, il fut amené
par sa passion wagnérienne à étudier la
mise en scène dans des essais : la Tétralogie (1892), la Mise en scène du drame
wagnérien (1895), Die Musik und die Inszenierung (1899). Après cette première
période inspirée par le néoromantisme
et le symbolisme, l’influence de la « rythmique » de Jaques-Dalcroze devint visible
dans ses travaux ultérieurs : l’OEuvre d’art
vivant (1921), la Mise en scène et son
avenir (1923). C’est seulement à partir
de cette époque qu’il mit lui-même en
scène les drames wagnériens : Tristan et
Isolde à Milan (1923), l’Or du Rhin et la
Walkyrie à Bâle (1925). Il atteignit alors à
l’abstraction avec des éléments scéniques
constitués uniquement par des escaliers,
des paliers, des tentures, des piliers et des
éclairages.
Appia fut le premier théoricien de
la mise en scène moderne. Parmi bien
d’autres, Wieland Wagner lui a été particulièrement redevable, et son influence est
encore très perceptible de nos jours.
APPLETON (Jon H.), compositeur américain (Los Angeles 1939).
Il a fondé, en 1967, au Dartmouth College
de Hanover (New Hampshire), un studio
de musique électronique qui est devenu
sous sa direction l’un des centres les plus
ouverts et les plus actifs de cette technique
aux États-Unis. Il y a mis au point, notamment, avec les ingénieurs Alonso et Jones,
des systèmes informatiques de synthèse
sonore (Synclavier) et d’enseignement
musical, dont l’originalité tient dans leur
facilité de manipulation, laquelle les rend
accessibles au plus grand nombre. Dans
son éclectique production musicale, où
voisinent oeuvres chorales, travaux d’application et expériences audiovisuelles,
domine cependant la musique électroacoustique. Il fut l’un des premiers Américains à utiliser les sons concrets pour des
musiques très vivantes de « collage » ou
d’évocation (Chef-d’oeuvre, 1967 ; Times
Square Times Ten, 1969), avant de s’intéresser au synthétiseur comme source sonore exclusive (Stereopticon, 1972) et aux
sons créés par ordinateur (Kungsgatan 8,
1971).
APPOGGIATURE (ital. appoggiare : « appuyer »).
Il s’agit d’une note étrangère à l’harmonie
de l’accord avec lequel elle est entendue.
La dissonance ainsi produite peut être
plus ou moins prononcée. L’appoggiature,
ou note appuyée, se trouve à une distance
d’un demi-ton ou d’un ton (supérieur
ou inférieur) de la note réelle de l’accord
sur laquelle elle est résolue. L’appoggiature peut être longue (employée surtout
à des fins expressives dans les morceaux
plus tendres, moins dans les mouvements rapides) ou brève. Au XVIIe et au
XVIIIe siècle, le bon goût en décidait la longueur. Cet ornement pouvait être :
- soit indiqué par une petite note,
comme chez L. Marchand,
- soit sous-entendu, afin d’éviter une
écriture défectueuse, comme dans les
cadences de récitatifs. Par exemple, Haendel, cantate Della guerra amorosa,
Exécutée avec une certaine liberté, le plus
souvent sur le temps, l’appoggiature devait prendre une partie de la valeur de la
note réelle. Elle en prenait la moitié dans
une mesure binaire, les deux tiers dans
une mesure ternaire et, lorsqu’elle précédait une note prolongée par une liaison,
elle prenait toute la valeur de la première
note réelle. Par exemple :
Les compositeurs romantiques l’employaient généralement en notes normales.
Par exemple : Wagner, Tristan et Isolde,
Parfois, ils en supprimaient la résolution,
c’est-à-dire la note réelle. Par exemple :
Mahler, Ich bin der Welt abhanden gekommen (Rückert Lieder),
Barrée, la petite note de l’appoggiature
était très brève et exécutée avant le temps.
( ! ACCIACATURA.)
APPUI.
Dans la terminologie de la technique vocale, ce terme désigne soit la région abdominale, soit la région thoracique où se
manifeste la tension musculaire pendant
le chant.
APPUYER.
Renforcer un son, l’accentuer à un moment donné, indiqué par l’abréviation
sf. (sforzando) ou par l’un des signes suivants : -, v, .
AQUIN (Louis-Claude d’), organiste et
compositeur français (Paris 1694 - id.
1772).
Enfant précocement doué, issu d’une modeste famille d’intellectuels et d’artistes dont François Rabelais en personne -,
il est le filleul d’Élisabeth Jacquet de la
Guerre, claveciniste et compositeur, à qui
il devra peut-être son initiation musicale.
Dès l’âge de six ans, il joue du clavecin devant Louis XIV et la Cour. Devançant l’enseignement de ses maîtres, il s’impose très
tôt comme organiste et comme compositeur. En 1727, il triomphe devant Rameau
dans le concours pour le poste d’organiste
à Saint-Paul, puis, quatre ans plus tard, il
succède à Marchand aux Cordeliers.
En 1739, c’est la consécration officielle,
avec sa nomination, sans concours, au
poste d’organiste de la chapelle royale, où
il remplace d’Andrieu. Fêté par le public,
il demeure simple et bon, farouchement
indépendant et passablement bohème.
Improvisateur stupéfiant, il répond au
goût du jour sans y sacrifier. Au contraire,
il s’efforce de maintenir l’orgue dans la
grande tradition, en train de se perdre.
Rameau lui-même le reconnaîtra : « On
change de goût à tout moment. Il n’y a
que M. d’Aquin qui ait eu le courage de
résister à ce torrent ; il a toujours conservé
à l’orgue les majestés et les grâces qui lui
conviennent. » Les documents sont hélas !
trop peu nombreux pour étayer ce jugement : négligent et imprévoyant, il n’a que
très peu publié de ses multiples compositions, en grande partie perdues ou restées manuscrites (Te Deum, Leçons de
Ténèbres, Messes, Miserere, Cantates, etc.),
tout comme ont été perdues les oeuvres
manuscrites de Calvière, que sa veuve lui
avait confiées pour les faire éditer. À part
une cantatille, la Rose (1762), son oeuvre
connue se résume à deux livres : Premier
Livre de pièces de clavecin (1735) et Nouveau Livre de noëls pour l’orgue et le clavecin, dont la plupart peuvent s’exécuter sur
les violons, flûtes, hautbois, etc. Les pièces
descriptives pour le clavecin (le Coucou)
s’inscrivent dans la lignée de celles de
Couperin et de Rameau. Quant aux noëls
pour orgue, ce sont de brillantes variations sur de populaires thèmes de chants
traditionnels de Noël, genre très prisé à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
30
l’époque et dont d’Aquin fut incontestablement le maître.
ARABE (musique).
Musique modale, monodique, de transmission orale ou codée.
Les termes de « musique arabe « ou «
musique orientale « ont longtemps désigné
les musiques conçues ou interprétées au
sein de l’islām arabo-irano-turc, sans dif-
férencier les spécificités nationales ou locales ou les hybridations exotiques. Si l’on
se réfère aux structures modales maqām
(modes arabo-irano-turcs), est arabe une
musique mettant en jeu des structures :
intervalles, genres tétracordes, formules
mélodico-rythmiques, modes traditionnels développés au sein de l’islām araboirano-turc et dont la forme, improvisée ou
composée, les thèmes, les particularités,
le rythme, etc., relèvent plus précisément
de traditions arabes ou assimilées. On y
utilise, entre autres, des intervalles spécifiques que les musicologues mesurent
en quarts de ton ou en commas. Si l’on se
réfère aux rythmes, la musique arabe (de
même que les musiques iranienne, turque,
etc.) peut faire appel à une multitude de
rythmes binaires ou boiteux dont les cellules juxtaposent, en application de codes
précis, des temps denses (dum) et des
temps clairs (tak), selon le point d’impact
sur l’instrument de percussion. Si l’on se
réfère à un critère ethnique, on considère
comme arabe toute musique perpétuée ou
créée dans un pays arabe, à l’exception des
compositions ou interprétations délibérément occidentales. Si l’on se réfère à la
langue, on remarque que de nombreuses
chansons arabes du XXe siècle, composées
sur un livret arabe classique ou contemporain, sont habillées d’orchestrations ou
d’harmonisations occidentales et néanmoins considérées comme arabes.
DES ORIGINES AU VIIE SIÈCLE.
À l’origine, la musique « bédouine » de la
période antéislamique (jāhilīya) est essentiellement vocale, de tradition orale, et
utilise la psalmodie (tartīl), la récitation
modulée (inchād), la poésie (chi`r) scandée par des percussions ou la mélopée
du caravanier (hudā’). Outre le tambourin (daff), les instruments accompagnateurs sont le hautbois (mizmar, zamr), la
vièle monocorde (rabāba) ou des luths
archaïques (mizhar, muwattar, kirān, puis
tunbūr et tanbūra). Des joutes et tournois
poétiques ont lieu à La Mecque autour
de la Pierre noire (Ka`ba). Au XXe siècle,
on peut avoir une idée de ce que fut cette
musique archaïque en découvrant les manifestations traditionnelles des Bédouins,
nomades et villageois, les fêtes collectives
de la péninsule et du golfe arabiques (sawt
et fjirī, etc.), les joutes scandées du Liban
(zajal), qui minimisent le rôle des instruments.
Dès le VIe siècle, s’amorce au MoyenOrient une confluence artistique entre
les traditions bédouines et les cultures
byzantine et perse sassanide, autour des
principautés de Hīra et de Ghassān. Au
VIIe siècle, l’essor de l’islām va catalyser
cette confluence et établir ses fondements
techniques avec le rythme (īqā`), le chant
élaboré (ghinā`) et le luth à manche court
(`ūd). Ces trois éléments définissent une
musique « méta-hellénique », monodique,
improvisée sur un code modal, dont les
intervalles, les genres tétracordes, les
modes et les mélodies sont conçus sur le
`ud avant d’être confiés à la voix du chanteur qui véhicule les mots, la poésie et
l’émoi (tarab) en fonction de l’état d’âme
(rūh) de l’assemblée.
APOGÉE `ABBĀSSIDE (VIIIE-XIIIE S.).
Sous les califes omeyyades, les musiques
de Médine, La Mecque et Damas restent
tributaires de préjugés « sémitiques » et
confessionnels ; jugées comme un art ludique, elles sont plus volontiers confiées
à des esclaves, à des étrangers (Persans ou
Noirs), à des minoritaires non musulmans
ou à des « entraîneuses » (qayna, qiyāna).
Du VIIIe au XIIIe siècle, le mécénat des
califes `abbāssides d’Iraq accentue les influences helléniques et persanes et marque
les âges d’or de la musique au sein de
l’islām, en dehors de tout préjugé racial ou
religieux, d’où la prolifération des manuscrits et l’hégémonie des savants et artistes :
Zalzāl, Ibrāhīm Mawsilī (VIIIe s.), Ishāq
Mawsilī, Ziryāb, Kindī (IXe s.), Munajjim,
Isfahānī, Fārābī (Xe s.), Ibn-Sīnā, dit Avicenne (XIe s.), Safiy al-Dīn (XIIIe s.), oeAbd
al-Qadir Ibn-Ghaibī al Hāfiz al Maraqī
(XIVe s.), etc., conduisant à une musique
de haute technique conçue sur des `ūd à
cinq rangs couvrant plus de deux octaves,
admettant le démanché et les nuances dynamiques et décrivant les genres et modes
selon un système commatique. Improvisée
au sein des cénacles savants ou à la cour,
cette musique raffinée a parfois utilisé des
notations alphabétiques. Au XXe siècle, les
intervalles commatiques sont encore utilisés en Turquie, par l’école de luth de Bagdad et dans des églises d’Orient (Grèce,
Syrie, Iraq, etc.). Ils donnent une idée
de ce que fut la technique à l’apogée du
XIIIe siècle.
EXPANSION ANDALOUSE (IXE S.).
Au IXe siècle, une rivalité entre deux solistes de Bagdad, Ishāq Mawsilī et Ziryāb,
provoque le départ de Ziryāb pour le Maghreb et l’Espagne musulmane, où il est
accueilli à Cordoue par le calife omeyyade.
Ziryāb, muni d’un `ūd à cinq rangs et créateur d’une école rationnelle de musique,
aurait ainsi favorisé l’essor de la musique
arabo-andalouse, illustrée par vingtquatre « suites » (nawba). Au XXe siècle,
cette musique survit au Maghreb (Maroc,
Algérie, Tunisie). Elle a conservé des aspects archaïques et ne module pas, restant
dans un mode unique durant le déroulement de la « suite ». Afin de pallier les imprécisions dues aux périodes coloniales, il
importe de bien restaurer son esprit et sa
technique avant de la diffuser.
Également amorcée à Bagdad et développée en Andalousie au IXe siècle, une
réforme de la prosodie conduit à une nouvelle forme poétique, le muwachchah, qui,
supplantant l’ancienne qasīda, est encore
considéré au XXe siècle comme le symbole
du classicisme arabe musico-poétique,
sous forme de longues suites modulantes
appelées fasil ou wasla, et présentant de
nombreuses variantes locales.
RÉCESSION (XIVE-XIXE S.).
La prise de Bagdad par les Mongols (1258)
et celle de Constantinople par les Turcs
(1453) modifient l’équilibre de l’islām
arabo-irano-turc. L’élitisme musical passe
du mécénat des califes `abbāssides à celui
des empereurs ottomans, et les meilleurs
artistes sont consacrés à Istanbul. La musique des « provinces arabes » devient un
art récessif de colonisés, d’où la régression
des formes savantes ou instrumentales et
le regain des formes populaires ou vocales,
qui se différencient mieux de l’art ottoman.
RÉVEIL DU XIXE SIÈCLE.
Au XIXe siècle, la musique ottomane
est florissante et la situation des pays
arabes limitrophes de la Turquie reste
acceptable. L’Iraq maintient la tradition confluentielle arabo-irano-turque
à Bagdad et à Mossoul, avec le genre dit
maqām al-`irāqī, poème chanté par un
soliste, le maqāmtchī, accompagné par un
quatuor spécifique, le tchalghī, comportant une cithare-tympanon (santūr), une
vièle (jawza), un tambour-calice (tabla)
et un tambour de basque (daff ou reqq).
Ce maqām va être rénové par Rahmallah
Chiltag, Ahmad Zaydān et Molla Othmān
Mawsilī, avant d’être repris par les grands
chanteurs iraqiens du XXe siècle : Rachīd
Kundarjī, Muhammad Qubbānjī et Yusuf
`Omar. Mais la résurgence de la tradition
`abbāsside élitaire du `ūd ne se fera qu’en
1936 avec Cherif Muhieddin et son école
de luth de Bagdad.
En Syrie, Alep perpétue le muwachchah, et Damas la notion de classicisme.
Au milieu du XIXe siècle, Michel Muchāqa
propose une réforme de la théorie et de la
pratique du `ūd et Abū-Khalīl Qabbānī
rénove le style des chants profanes. Ils annoncent les grands artistes du XXe siècle :
le « prince du luth » `Omar Naqichbendī
et le chanteur Sabāh Fākhrī.
En Égypte et au Maghreb, la musique
s’est appauvrie. À la fin du XIXe siècle, un
musicien du Caire, Abdū al-Hammūlī,
a l’idée d’emprunter à Istanbul de nouveaux modes (maqām) et à Alep son art du
muwachchah. De toutes parts jaillit l’idée
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
31
de retourner aux âges d’or et d’analyser les
musiques arabes pour mieux les confronter aux musiques européennes. C’est le
réveil du nationalisme arabe.
MÉDIAS DU XXE SIÈCLE.
Au début du XXe siècle, l’effondrement
de l’Empire ottoman facilite le réveil du
nationalisme arabe et une renaissance
(nahda) littéraire et musicale très active
en Égypte. Cette renaissance s’attache au
renouveau folklorique (Sayyīd Darwīch)
et classique (Congrès de musique arabe,
Le Caire, 1932). Deux talents vocaux exceptionnels (Umm Kulthūm et Muhammad Abd al-Wahhāb) vont régner sur un
demi-siècle de chanson arabe et enchanter les foules. La qualification des artistes
égyptiens les incite rapidement à dominer
les médias arabophones (cylindre, disque,
film, radio, télévision, cassettes), imposant
leur style et leurs productions. Mais cette
suprématie finit par se changer en monopole du divertissement, étayé par des
oeuvres commerciales ou démagogiques
abusant du mélodrame et des effets faciles.
À ce jour, les masses arabes sont dominées par les « variétés » égyptiennes, effet
encore accentué par les télévisions qui ont
imposé au sein des familles le visage des
vedettes élues, les mélodies et les formules
stéréotypées.
Après 1950, le Liban amorce une renaissance folklorique concrétisée par des
opérettes - destinées aux festivals de Baalbek et confiées principalement à la plume
des frères Rahbānī ou à la voix tendre de la
chanteuse Fayrouz -, colportant une musique hybride promouvant modes orientaux, orchestrations occidentales et danses
populaires arabes (surtout la dabka). De
réels talents, comme ceux du chanteur
Wadi` al-Safī ou du joueur de buzuq
Matar Muhammad, doivent se frayer un
chemin ardu entre les monopoles du Caire
et de Baalbek.
FOLKLORES CONTEMPORAINS.
Actuellement, en rapport avec la tendance
mondiale, tous les pays arabes s’efforcent
de ranimer leurs patrimoines populaires.
Ces traditions, mieux différenciées d’une
région à l’autre que les traditions savantes,
sont toujours vivantes et pratiquées au
village à l’occasion des festivités. Elles reflètent aussi les survivances de certains patrimoines antéislamiques ou minoritaires
(araméens, kurdes, coptes, berbères, etc.).
Elles reposent néanmoins sur les mêmes
structures modales que les musiques savantes, moyennant réduction de l’ambitus
à une octave ou à un pentacorde.
Ces manifestations populaires sortent
désormais des campagnes et atteignent
les théâtres nationaux, les lieux de villégiature, les festivals locaux ou internationaux ; d’où leur prise en charge par
les administrations et une tendance à la
normalisation, doublée de mises en scène,
d’orchestrations et de chorégraphies spectaculaires qui soignent l’effet au détriment
de l’authenticité.
RÉSURGENCE DU RÉCITAL INSTRUMENTAL.
La suprématie des chansons de variétés
véhiculées par les médias a accentué la
domination de la musique vocale et des
orchestres pléthoriques ont étouffé le
quatuor traditionnel (takht) et les instruments millénaires. Le luth court (`ūd),
le luth long (tanbūra, buzuq), la citharetympanon (santūr), la cithare-psaltérion
(qānūn), la flûte oblique (nāy) et leurs
solistes ont été réduits aux rôles d’accompagnateurs. Les solos instrumentaux improvisés (taqsīm) sont devenus de brefs
intermèdes.
Cependant, à Bagdad, entre 1936 et
1948, se concrétise une résurgence de la
pratique élitaire du `ūd, selon l’éthique
de la période `abbāsside, avec l’école de
luth de Bagdad, fondée et dirigée par Cherif Muhieddin. Cette institution ranime
les intervalles commatiques, les nuances
dynamiques, le démanché et les doigtés
savants sur des `ūd à six rangs couvrant
trois octaves. Elle va former les plus
grands luthistes du monde arabe contemporain : Jamīl Bachīr (le plus subtil poète
du luth), Salmān Chukur, Munīr Bachīr
(le pionnier de la musique arabe en Occident), Jamīl Ghānim, Alī Imām...
La délicatesse de leur jeu en récital
oriental solo et la complexité de leurs
modulations les rendent d’abord inaccessibles aux foules soumises à la chanson
ou habituées à la pratique banale du `ūd
usuel. Mais, à partir de 1970, le taqsīm
arabe prend place dans le nouveau courant d’intérêt porté par l’Occident aux
instruments orientaux. Et la consécration
des grands solistes arabes par les médias
occidentaux suscite un regain d’intérêt
dans leurs pays d’origine pour la musique
instrumentale.
ARABESQUE.
Nom donné à des pièces pour piano par
certains compositeurs, tels que Schumann
(op. 18) et Debussy (pour deux oeuvres de
jeunesse). L’idée d’ornement, de ciselure
est sans doute à l’origine du choix de ce
titre, qui évoque, au sens propre, des entrelacements de feuillages et de figures de
fantaisie que l’on trouve dans l’art arabe.
ARAUJO (Pedro), compositeur portugais († Braga 1684).
Il fut maître de chapelle et professeur au
séminaire de Braga, de 1663 à 1668. À une
époque où la musique d’orgue connaissait au Portugal un grand développement,
Araujo se plaçait, par la qualité de ses
oeuvres, à la tête d’une école de musiciens
située dans le nord du pays et caractérisée
par l’assimilation du style des organistes
espagnols.
ARBEAU (Thoinot, anagramme de Jehan
Tabourot), théoricien français (Dijon
1519 - Langres 1595).
Prêtre, chanoine de Langres, il est l’auteur
d’un très important ouvrage : Orchésographie et traité en forme de dialogue par
lequel toutes personnes peuvent apprendre
et pratiquer l’honneste exercice des dances
(1588). C’est le plus ancien traité concernant la danse et contenant la notation des
musiques et des mouvements des diverses
danses pratiquées à l’époque, les basses
danses particulièrement. On y trouve des
indications précises sur le jeu des instruments et l’accompagnement polyphonique, ainsi que des illustrations représentant les différentes phases d’exécution des
danses.
ARCADELT ou ARCHADELT, ARCADET,
HARCHADELT (Jacques), compositeur
franco-flamand (v. 1514-1568).
Parti vraisemblablement très jeune en
Italie, il est signalé à Florence vers 1530,
puis en 1532, à l’issue d’un séjour lyonnais. Nommé en 1540 maître de la chapelle Sixtine, il se voit également attribuer
le titre de chanoine de Liège. En 1546-47,
il passe une année en France, puis rentre
à Rome jusqu’en 1551, date à laquelle il
devient maître de chapelle du cardinal de
Lorraine ; il appartient à la chapelle royale
de 1554 à 1562. La publication de son
Premier Livre de madrigaux (Gardane, Venise, 1539), réédité quarante fois jusqu’en
1654, le place d’emblée parmi les grands
madrigalistes de la première époque. Il
est un de ceux qui donnent au genre sa
forme définitive, dégagée de la frottola, et
publie, entre 1539 et 1544, 250 madrigaux
à 3 et à 4 voix, dont le célèbre Il Bianco e
Dolce Cigno. Lorsque les luthistes mettent
en tablature les premiers madrigaux, ils
s’adressent aux musiciens ultramontains :
un recueil entier, celui des Vindella, est
alors consacré à Arcadelt, qui assumera
bien souvent par la suite des paternités
douteuses.
S’il sait trouver le ton juste, fait de
charme, de douceur et de mélancolie, qui
convient au madrigal, Arcadelt ne renie
pas pour autant ses origines, tantôt employant le style de la chanson française,
tantôt cultivant celle-ci pour elle-même ;
il joue même un rôle de précurseur en
publiant à Paris, dès 1547, ce qui peut être
considéré comme les premières chansons
en forme d’air.
ARCHET.
Baguette, généralement en bois de Pernambouc, sur laquelle est tendue une
mèche en crins de cheval, que l’on enduit
de colophane.
Il permet de mettre en vibration les
cordes des instruments à cordes frottées,
comme le violon, le violoncelle, la viole.
L’extrémité inférieure de l’archet, le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
32
« talon », comporte une hausse mobile qui
permet de régler la tension de la mèche,
grâce à une vis à écrou actionnée par un
bouton. Pendant des siècles, la baguette
eut un profil convexe, en arc, d’où le mot
« archet ». La facture de l’archet a évolué
progressivement, mais, depuis toujours,
les meilleurs « archetiers » sont français.
ARCHILEI (Vittoria, dite LA ROMANINA),
cantatrice italienne (Rome 1550-Florence apr. 1618).
Un des premiers grands noms de l’histoire
du chant soliste, elle épousa Antonio Archilei, lui-même compositeur et luthiste.
Appelée à Florence par les Médicis pour
les noces d’Éléonore avec Vincenzo di
Gonzaga, elle commenca une carrière glorieuse.
Appartenant à la Camerata de Bardi,
elle créa notamment la plupart des opéras
de Peri et de Caccini. On peut constater,
en lisant la préface de l’Euridice de Peri,
que celui-ci l’avait en très haute estime.
ARCHILUTH.
Terme désignant un groupe d’instruments
à cordes pincées issus du luth : le théorbe,
le luth théorbé et le chitarrone.
Inventés en Italie vers la fin du
XVIe siècle, les archiluths répondaient au
désir des luthistes chanteurs de posséder
des cordes graves supplémentaires, afin de
mieux soutenir la voix. L’instrument tra-
ditionnel à 6 cordes était conservé, mais
il venait s’y ajouter des cordes graves (6 à
8), dites « sympathiques », montées hors
manche. Ces cordes sonnaient à vide et
étaient accordées dans la tonalité du morceau à interpréter. Parmi ces archiluths,
seul le théorbe paraît avoir connu une
vogue en France ; on y avait recours notamment pour jouer les basses continues.
« Il ne faut pas s’étonner si plusieurs le
préferrent au clavessin... » (S. de Brossard,
Dictionnaire de la musique, 1703.)
ARC MUSICAL.
Instrument à corde, joué en Afrique, en
Amérique du Sud, en Inde et en Océanie.
Il se compose d’une corde tendue sur
un bâton flexible, et pincée par le doigt ou
par un bâtonnet de bois ou de bambou. La
caisse de résonance est soit la bouche du
joueur, lorsqu’il tient l’instrument serré
entre les dents, soit une calebasse attachée
à la corde ou au manche et en contact avec
le buste de l’exécutant. L’arc musical peut
aussi comporter des grelots. Par sa forme,
il serait un ancêtre de la harpe. Il remonterait même au paléolithique, puisqu’on en
trouve une représentation sur une gravure
de la grotte des Trois-Frères, en Ariège,
datant de l’époque magdalénienne (15 000
ans env. av. J.-C.).
ARCO.
Dans une partition, après un passage joué
par les instruments à cordes sans l’aide de
l’archet, c’est-à-dire pizzicato, le terme
arco indique que l’instrumentiste doit
reprendre son archet.
ARCUEIL (école d’).
En réaction contre la tendance agressive
du groupe des Six, l’école d’Arcueil fut
imaginée en 1924 par Maxime Jacob qui,
associé à trois musiciens de ses amis,
Henry Cliquet-Pleyel, Roger Désormière
et Henri Sauguet, la plaça sous le patronage d’Erik Satie, lequel habitait précisément Arcueil. Ce groupe déclarait vouloir revenir à la simplicité, à la mélodie,
à la pureté harmonique de Bach, tout en
admettant les rythmes et les sonorités du
jazz, voire l’esthétique du café-concert.
Mais cette école d’Arcueil ne fut rien
d’autre qu’une idée. Elle n’eut jamais
de réalité juridique, de professeurs ou
d’élèves, et se contenta d’attirer l’atten-
tion du public sur quatre musiciens, qui,
groupés autour de Satie, conservèrent
chacun leur personnalité. La vie sépara
vite ses membres : Satie mourut en 1925 ;
Jacob, particulièrement doué, rentra
dans les ordres ; Cliquet-Pleyel s’orienta
vers la musique légère et la musique de
film ; Désormière abandonna très vite la
création pour se consacrer uniquement
à la direction d’orchestre. Seul, Sauguet
poursuivit une heureuse et longue carrière de compositeur, fidèle au conseil de
Satie : « Marchez seuls. Faites le contraire
de moi. N’écoutez personne ! ».
ARENSKI (Antoni Stepanovitch), compositeur russe (Novgorod 1861 - Terioki,
Finlande, 1906).
Élève de Rimski-Korsakov au conservatoire de Saint-Pétersbourg, Arenski
fut nommé professeur d’harmonie et de
contrepoint au conservatoire de Moscou
(1882). On lui doit, à ce titre, un Traité
d’harmonie (1891) et un ouvrage sur les
Formes musicales (1893-94). Par la suite, il
succéda à Balakirev à la tête de la chapelle
impériale (1895-1901). Fortement influencé par Tchaïkovski, Arenski semble
n’avoir pas « donné toute la mesure de son
très grand talent » (M.-R. Hofmann), et,
malgré une nature généreuse et sensible
qui se complaît dans les tonalités du mineur, ses oeuvres sont souvent d’inégale
valeur.
OEUVRES PRINCIPALES.
Musique instrumentale : 2 symphonies ;
1 quatuor à cordes (dédié à Tchaïkovski) ;
une centaine de pièces pour piano, dont 3
suites pour 2 pianos ; Nuit d’Égypte, ballet
(1900).
OEuvres lyriques et vocales : 3 opéras :
Un songe sur la Volga (1892), Raphael
(1894) ; Nal et Damayanti (1904) ; 1 cantate : la Fontaine de Bakhtchissarai (d’après
Pouchkine).
ARGENTA (Ataulfo), pianiste et chef
d’orchestre espagnol (Castro Urdiales,
Santander, 1913 - Los Molinos, Madrid,
1958).
Après des études au conservatoire de Madrid, puis à Liège et à Berlin, il enseigna le
piano au conservatoire de Kassel. Appuyé
par Carl Schuricht, il s’orienta ensuite
vers la direction d’orchestre et fonda l’Orchestre de chambre de Madrid. En 1947,
il fut chargé de la direction de l’Orchestre
national d’Espagne. Spécialiste des grands
romantiques de la musique allemande,
mais aussi des compositeurs espagnols,
Ataulfo Argenta sut imposer un art à la
fois sensible, dépouillé et empreint d’une
fierté tout espagnole.
ARGERICH (Martha), pianiste argentine
(Buenos Aires 1941).
Élève de V. Scaramuzza, Friedrich Gulda,
Madeleine Lipatti et Nikita Magaloff, elle
a obtenu, en 1965, le 1er prix au concours
Chopin de Varsovie et a très vite acquis
une réputation mondiale. La puissance de
son jeu la fait admirer dans Prokofiev ou
Bartók, mais sa nature impulsive et son
humeur profondément romantique la
rendent particulièrement proche de Schumann, Chopin et Liszt, dont elle est une
interprète inspirée.
ARGUMENT.
Résumé de l’intrigue d’un opéra ou d’une
oeuvre musicale dramatique.
Au XVIIe siècle, en Italie, et notamment
à Venise, on appelait « argomento » le
résumé des événements survenus avant
le début de l’ouvrage, de l’action proprement dite.
ARIA.
Équivalent italien d’air, mais dont le sens
est moins vaste que celui du mot français ;
il désigne plutôt une forme assez précise :
une mélodie vocale ou instrumentale, monodique ou accompagnée.
Au XVe siècle, on chantait des vers sur
des mélodies connues (poesia per musica).
Cette habitude prit son ampleur au siècle
suivant, et ces mélodies recevaient souvent le titre d’une région (ex., la Romanesca). Des formes polyphoniques existaient aussi, des petites pièces telles que
la villanella, la frottola, la canzona, pièces
homorythmiques où la voix supérieure
dominait. Bientôt, avec le mouvement
humaniste des académies, l’aria monodique se développa, devint une sorte de
récit (recitar cantando) soutenu par une
basse continue. À la tête de ce mouvement, nous trouvons G. Caccini, avec son
recueil Nuove Musiche (1601).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
33
Au XVIIe siècle, « aria » désignait essentiellement un style mélodique qui se
distingua vite de celui du récitatif, il fut
l’élément le plus important d’un genre
nouveau : l’opéra, où le bel canto dominait
la scène. Plusieurs formes d’aria coexistaient : l’aria strophique, l’aria en deux
sections (AB) et l’aria col da capo (ABA’)
qui devint vite la forme la plus utilisée durant toute l’époque baroque ; on la trouve
également dans la cantate et la musique
religieuse. Dans cette forme fermée qui
coupait net toute action dramatique, le
chanteur devait orner la reprise (A’) selon
son goût et les possibilités de sa technique vocale, principe qui entraîna parfois
certains abus. L’aria était généralement
précédée d’un récitatif exigeant un style
plus déclamatoire. En général, l’aria commençait par une ritournelle instrumentale, et, comme en France, elle adoptait
un tour et portait un titre différent selon
les sentiments à exprimer : aria cantabile,
di bravura, da caccia, di guerra, del sonno
(du sommeil). En Allemagne, J.-S. Bach
surtout utilisa l’aria en la traitant dans un
style concertant, avec une grande variété
d’instruments obligés.
Au XVIIIe siècle, afin d’éviter le da capo
qui interrompt l’action, on employa parfois la cavatine de forme A B (Mozart :
Cosi fan tutte, cavatine. Tradito, schernito).
Au XIXe siècle, et pour la raison citée plus
haut, on préféra souvent la cavatine à
l’aria. Verdi, puis Wagner abandonnèrent
cette forme fermée. Récit et aria devinrent
une sorte d’arioso perpétuel, une « mélodie infinie », sans conclusion. Debussy
ne composa aucune forme close, mais,
au XXe siècle, avec les tendances néoclassiques, R. Strauss, Stravinski, Hindemith
retrouvèrent l’aria traditionnelle et l’adaptèrent à la sensibilité contemporaine.
Berg, dans Wozzeck, employa cette forme
et l’intégra dans des pièces instrumentales ; dans Lulu, il l’utilisa de manière très
classique, comme l’a fait plus récemment
Henze (Nachstücke und Arien, 1977).
ARIETTE.
Pièce vocale de forme strophique, de style
léger, d’allure dansante, semblable à l’aria,
mais de dimensions moindres.
Dans son Dictionnaire de 1703, S. de
Brossard écrit : « Une ariette a ordinairement deux reprises, ou bien elle se recommence da capo, comme un rondeau. » On
trouve souvent cette forme dans la cantate
française (Bernier, Monteclair) et dans les
opéras de Rameau ; elle fut introduite ensuite dans les opéras italiens de Bononcini
et dans les opéras-comiques français de
Monsigny et Grétry.
ARIOSO.
Pièce vocale de structure intermédiaire
entre l’air, auquel appartient l’expression
lyrique, et le récitatif, qui conserve le
rythme de la parole.
En 1703, S. de Brossard écrit : « Arioso
veut dire d’un même mouvement que si
l’on chantait un air. » C’est une forme
plus développée, plus mesurée de récitatif,
qui, tendant vers un plus grand lyrisme
d’expression, se souvient des caractéristiques de l’air. Souvent, par exemple à un
moment pathétique vers la fin d’un récitatif, la basse continue devient plus animée,
voire mesurée, et le récit se transforme en
arioso (J.-S. Bach : cantate BWV 82, fin
du récitatif « Mein Gott ! Wann kommt
das schöne : Nun ! »). L’arioso peut être un
morceau mesuré indépendant, sans être
pour autant un air (J.-S. Bach : cantate
BWV 56, arioso « Mein Wandel auf der
Welt »). L’arioso est typique du style de
l’école de Monteverdi, de Cavalli.
ARIOSTI (Attilio), compositeur italien
(Bologne 1666 - ? v. 1729).
Moine et courtisan, doué aussi bien pour
l’orgue que pour le clavecin, le violoncelle
et la viole d’amour, il séjourna à Mantoue,
à Berlin - où sa présence fit scandale (il
était moine et catholique) et où il composa
les premiers opéras italiens donnés dans
cette ville -, à Vienne - d’où il retourna en
Italie comme agent de l’empereur Joseph
Ier - et à Londres - où il joua de la viole
d’amour durant les entractes d’Amadigi
di Gaula de Haendel et dédia Six Lessons
pour viole d’amour à George Ier.
ARISTOTE, philosophe grec (Stagire 384
ou 383 - Chalcis 322 av. J.-C.).
Élève de Platon, précepteur d’Alexandre
le Grand, ce penseur, dont l’oeuvre est une
somme des connaissances de son époque,
voit dans la musique une imitation des
états psychiques et, lui reconnaissant
une valeur éthique, estime très important le rôle qu’elle joue dans l’éducation
du citoyen. S’il a maintes fois écrit sur
la musique, Aristote ne lui a pas consacré d’ouvrage particulier. Toutefois, ses
connaissances sont précises. Redevenues
vivantes au XIIIe siècle, ses idées ont considérablement influencé l’évolution de la
musique occidentale.
ARISTOXÈNE DE TARENTE, philosophe
grec (354 av. J.-C. - ?).
Sa pensée est celle d’un conciliateur qui
voudrait harmoniser les conceptions
pythagoriciennes et la théorie aristotélicienne. Élève d’Aristote, il est surtout
connu comme théoricien de la musique.
Dans ses ouvrages, Éléments de l’harmonie
et Éléments de la rythmique, il donne des
bases scientifiques à la rythmique, défend
la théorie du tempérament égal, et rejette
les calculs purement mathématiques des
pythagoriciens au profit d’une appréciation qualitative et psychologique du son.
Considéré comme l’un des plus grands
théoriciens de l’Antiquité, il exerça une
influence jusqu’à la fin du Moyen Âge.
ARMA (Paul, pseudonyme d’lmre Weisshaus), compositeur français d’origine
hongroise (Budapest 1905 - Paris 1987).
Il fait ses études musicales à l’Académie
Franz-Liszt de Budapest, notamment avec
Bartók. En 1933, il s’établit à Paris. Il étudie les folklores de nombreux pays, tout
particulièrement ceux de la Hongrie et de
la France, et leur fait une large place dans
son oeuvre. Il écrit des pièces pour piano,
de la musique de chambre, de la musique
d’orchestre, des oeuvres vocales et, plus
récemment, de la musique pour bande
magnétique.
ARMATURE ou ARMURE.
Terme désignant la ou les altérations
constitutives d’une tonalité, écrites immédiatement après la clef, affectant toutes les
notes de même nom, quelle que soit leur
octave, et dont l’effet se prolonge pendant
toute la durée du morceau.
Les dièses et les bémols constitutifs du
ton majeur ou mineur sont écrits dans un
ordre établi.
ARNAULT DE ZWOLLE (Henri), organiste, théoricien, ingénieur, astronome
et médecin néerlandais, probablement
d’origine française. (Zwolle ? - Paris
1466).
Il exerça la médecine au service du duc de
Bourgogne, Philippe le Bon, puis des rois
de France, Charles VII et Louis XI. C’est
en soignant ses malades qu’il succomba
de la peste. Il composa, en latin, plusieurs
traités, illustrés de figures, sur les instruments à clavier (orgue, clavicorde, clavicymbalum) et les instruments à cordes
(harpe, luth). Ces traités, édités depuis,
forment le premier grand document
d’organologie connu et constituent une
source inestimable sur les instruments de
musique du XVe siècle.
ARNAUT DANIEL, gentilhomme et troubadour originaire de Ribérac (Dordogne)
[seconde moitié du XVIIe siècle].
Jongleur, il voyagea aux côtés de Richard
Coeur de Lion et acquit une grande notoriété par la richesse de son inspiration
mélodique et sa façon, très personnelle
selon Dante, de « ciseler » la langue d’oc.
Pétrarque aussi l’apprécia beaucoup et le
désigna comme le premier entre tous et le
grand « maître d’amour « ; il nous a laissé
18 pièces poétiques, dont 2 seulement sont
notées.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
34
ARNAUT DE MAREUIL, troubadour de
la région de Mareuil, dans le nord de la
Dordogne (fin du XIIe s. - début du XIIIe s.).
D’abord clerc, puis jongleur, il fut protégé
par le vicomte de Béziers, Roger II, avant
de l’être par Guillaume VIII de Montpellier. On lui a attribué une quarantaine de
chansons, mais il semble que 26 seulement
soient authentiques, dont 6 notées ; il
cultiva également le genre courtois appelé
« salut d’amour », épître en vers d’une
qualité poétique remarquable.
ARNE, famille de musiciens anglais.
Thomas Augustine (Londres 1710 - id.
1778). Avec W. Boyce, il est le plus important compositeur anglais de son époque,
et son oeuvre fait date dans l’histoire de
l’opéra de son pays. Travaillant le jour
chez un notaire, il s’exerçait la nuit sur
une épinette introduite en cachette dans
sa chambre, car son père ne voulait pas
qu’il devînt musicien. Il triompha néanmoins de la volonté paternelle et, pour son
premier opéra, choisit un texte d’Addison
pour écrire une Rosamond. Il composa
ensuite des opéras, des masques et de la
musique d’église. Pour les représentations
des pièces de Shakespeare au Dury Lane,
il composa de nouvelles mélodies pleines
de charme, par exemple, pour As you like
it, Under the Greenwood Tree et Blow, blow
thou Winter Wind. Sa chanson la plus célèbre reste Where the Bee sucks (dans The
Tempest) ; réunis, ses airs remplissent 20
recueils.
T. A. Arne naquit au moment où Haendel s’établissait en Angleterre. Jusqu’à nos
jours, sa musique, fraîche, spontanée et
originale, a souffert du voisinage écrasant
de son aîné. Pourtant, c’est lui, et non
Haendel (à l’exception de Semele, 1743),
qui continua la tradition de l’opéra anglais
après Purcell. Citons Thomas and Sally
(1733) et Alfred (1740) dont un passage du
final, le Rule, Britannia !, est resté l’une des
mélodies patriotiques les mieux connues
en Angleterre. T. A. Arne ne négligea pas
la musique instrumentale, écrivant des
sonates pour le clavecin, des ouvertures
et des concertos pour orgue. Il faut mentionner également ses deux oratorios, Abel
(1744) et Judith (1761).
Michael, fils du précédent (Londres 1740 id. 1786). Il composa de la musique théâtrale, se ruina pour essayer de découvrir
la pierre philosophale, puis revint à la
composition. Pendant quelques années, il
dirigea les oratorios de carême à Londres.
ARNOLD (Malcolm), compositeur et
trompettiste anglais (Northampton
1921).
Il étudia avec Gordon Jacob au Collège
royal de musique de Londres et fut premier trompettiste de l’Orchestre philharmonique de Londres (1942-1944 et 19461948). Maître de
dans des oeuvres
cinq ouvertures.
huit symphonies,
l’orchestration, il excelle
brillantes, telles que ses
Il a également composé
des concertos pour di-
vers instruments, le ballet Hommage to the
Queen, un masque, les opéras The Dancing
Master (1951) et The Open Window (1956),
et des musiques de film, dont celle du Pont
sur la rivière Kwaï.
ARNOLD (Samuel), compositeur, organiste et éditeur anglais (Londres 1740 id. 1802).
Auteur d’une cinquantaine d’opéras et
pastiches et de neuf oratorios, docteur
d’Oxford en 1773, organiste de la chapelle royale en 1783 et de la cathédrale de
Westminster en 1793, il édita de 1787 à
1797 de nombreuses oeuvres de Haendel.
Il fonda en 1787 le Glee Club et en 1790 la
Society of Musical Graduates, où Haydn
fut admis en 1791 après avoir été fait docteur d’Oxford.
ARNOLD DE LANTINS, compositeur
belge, originaire de Liège (XVe s.), peutêtre apparenté à Hugo de Lantins.
Ce musicien, qui se rattache à l’école
franco-flamande, séjourna vraisemblablement à Venise (deux chansons, Se ne prenez de moi pitié et Quand je mire vo doulce
portraiture, sont datées de cette ville, mars
1428) avant de devenir chantre à la chapelle pontificale
d’Eugène IV en 1431. Ses audaces
comme ses hésitations caractérisent cette
époque de transition. Il fut un des premiers à écrire une messe unitaire (Missa
verbum incarnatum) et affectionna la
chanson à 2 voix avec contratenor instrumental, manifestant dans ce genre une
grande facilité d’improvisateur et une sensibilité nouvelle.
ARNOLD VON BRUCK, compositeur
flamand, d’origine suisse (Bruges 1490 Linz, Autriche, 1554).
Ce musicien, qui devint premier maître
de chapelle de l’empereur Ferdinand I, est
l’un des compositeurs les plus importants
du XVIe siècle par la manière de déclamer
un texte en musique et par le style harmonique, proches de Josquin Des Prés. On
connaît de lui 22 motets (de 2 à 6 voix),
des hymnes et des lieder (de 3 à 6 voix),
ainsi que des pièces écrites sur des chorals luthériens et des chansons profanes.
Son oeuvre a été rééditée in O. Kade, Auserwählte Tonwerke ... des 15. und 16. Jahrhunderts (Leipzig, 1882).
ARNOULD (Sophie), soprano française
(Paris 1740 - id. 1802).
Elle débuta en 1757. Dotée d’une voix plus
belle que puissante, grande actrice, très recherchée dans les salons, elle créa en 1774
le rôle d’Euridyce dans l’Orphée de Gluck
et le rôle-titre de son Iphigénie en Aulide.
Elle se retira en 1788 et laissa des Souvenirs
ainsi qu’une abondante correspondance.
ARPÈGE (littéralement : « comme le jeu
de la harpe »).
Exécution successive des notes d’un
accord, généralement de la note la plus
grave à la note la plus aiguë, parfois inversement.
Un accord arpégé est tout le contraire
d’un accord plaqué, où les notes sont entendues ensemble. Dans l’accord arpégé,
elles peuvent être lâchées immédiatement,
comme par exemple dans la basse d’Alberti au XVIIIe siècle, ou alors tenues pour
devenir un accord complet.
Par exemple, François Couperin, les
Vieux Seigneurs.
L’accompagnement d’une mélodie est
souvent fondé sur l’arpègement de l’accord.
Par exemple, Chopin, Valse, opus posthume.
ARPEGGIONE.
Instrument à archet dérivé de la viole de
gambe, à mi-chemin entre le violoncelle
(par sa forme) et de la guitare (par ses
six cordes), mis au point en 1823 par le
luthier viennois Johann Georg Staufer et
appelé également guitare-violoncelle ou
encore guitare-archet.
En 1824, sans doute sur commande
de Staufer, Schubert écrivit pour arpeggione et piano une sonate (D.821) qu’aujourd’hui on joue en général au violoncelle.
ARRANGEMENT.
Transcription d’une oeuvre musicale pour
un ou plusieurs instruments différents de
ceux pour lesquels elle avait été primitive-
ment écrite.
L’adaptation d’une oeuvre symphonique pour un orchestre harmonique est
un arrangement, de même que la transcription d’un solo de clarinette pour le
violon en est un autre. Les réductions pour
piano de pages symphoniques ou d’opéras
sont également des arrangements.
ARRAU (Claudio), pianiste américain
d’origine chilienne (Chillan 1903 Mürzzuschlag, Autriche, 1991).
Enfant prodige, il se produisit en public à
cinq ans. Il fit ses études au conservatoire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de Santiago, puis à Berlin où il travailla de
1913 à 1918 avec un élève de Liszt, Martin
Krause. Nommé professeur au conservatoire de Berlin dès 1925, il se fixa dans
cette ville pour de longues années, tout en
commençant une longue et prestigieuse
carrière de concertiste. Arrau allie une
technique éblouissante et souple à un style
d’une beauté souveraine. Ses interprétations sont sérieuses, profondes, mûrement
construites. Bach, Beethoven, Schumann,
Liszt et Brahms sont ses compositeurs de
prédilection.
ARRIAGADA (Jorge), compositeur
chilien (Santiago du Chili 1943).
Élève de Max Deutsch à Paris, il s’installe
dans cette ville et y fonde, en 1970, le Studio de musique expérimentale du centre
américain (S.M.E.C.A.), aujourd’hui
disparu, qu’il anime jusqu’en 1975 avec
le concours de son compatriote Ivan
Pequeño. Ce studio modeste, mais actif,
a accueilli de nombreux compositeurs
boursiers de toutes nationalités et organisé des manifestations. Après plusieurs
oeuvres sérielles, Arriagada a composé,
au S.M.E.C.A. ou dans d’autres studios,
un certain nombre d’oeuvres électroacoustiques, colorées et solides, qui se souviennent fréquemment de la musique traditionnelle de son pays, reprise de façon
directe ou transposée, ou encore évoquée
par l’utilisation d’instruments typiquement sud-américains : Quatre Moments
musicaux (1970), Chili 70 (1970), Indio
(1972), Arenas y màs alla (1974), Concierto
Barocco (1975).
ARRIAGA Y BALZOLA (Juan Crisóstomo de), compositeur espagnol (Bilbao
1806 - Paris 1826).
Exceptionnellement précoce, il composa à
onze ans un Octuor et, un an plus tard, une
Ouverture pour orchestre. À treize ans, il
écrivit un opéra, les Esclaves heureux, qui
obtint un succès considérable à Bilbao. En
1822, il vint à Paris travailler avec Baillot
(violon) et Fétis (harmonie et contrepoint), et fut répétiteur au Conservatoire
à dix-huit ans. C’est alors qu’il écrivit ses
oeuvres les plus importantes. Le surmenage qu’il s’imposait eut raison de sa santé
fragile, et il mourut de tuberculose dix
jours avant son vingtième anniversaire.
En dépit des influences - notamment
celle de Mozart - que son écriture révèle,
l’expression d’Arriaga est parfaitement
originale par sa couleur espagnole et par
la vie intense qu’il sut conférer à des partitions de musique pure : quatuors, symphonie. Son aptitude à vaincre toutes les
difficultés techniques lui permit de réaliser, au cours de sa brève existence, une
oeuvre à la fois solide et inspirée.
ARRIEU (Claude), femme compositeur
française (Paris 1903 - id. 1990).
Elle a fait ses études classiques à Paris,
puis ses études musicales au Conservatoire, dans les classes de Dukas, RogerDucasse, G. Caussade et N. Gallon, et a
obtenu un premier prix de composition
en 1932. Jusqu’en 1946, elle a occupé des
fonctions à la Radiodiffusion nationale
(metteur en ondes, chef adjoint du service des illustrations musicales). En 1949,
la première attribution du prix Italia de
musique a été décernée, à Venise, à son
oeuvre Frédéric général. Bien qu’elle ait été
l’un des premiers compositeurs à participer aux recherches de P. Schaeffer, Claude
Arrieu écrit une musique sans audaces,
claire, élégante, d’un ton personnel, d’une
très belle facture. Elle a composé pour le
théâtre (Noé, texte d’A. Obey ; la Princesse
de Babylone, texte de P. Dominique d’après
Voltaire ; Cymbeline, d’après Shakespeare,
Un clavier pour un autre, texte de J. Tardieu), pour l’orchestre (ballets, concertos
pour divers instruments), pour le piano
et pour des formations de chambre. Elle a
écrit aussi des oeuvres vocales telles que la
Cantate des sept poèmes d’amour en guerre
(poème d’Eluard, 1946), des mélodies, des
pièces chorales, de la musique de film et
des oeuvres radiophoniques, dont la Coquille à planètes (texte de P. Schaeffer).
ARRIGO (Girolamo), compositeur italien
(Palerme 1930).
Dans sa ville natale, il étudie le cor, puis
la composition avec Turi Belfiore. Il
vient travailler à Paris avec Max Deutsch
(1954-1958) et retient l’attention des auditeurs de son trio à cordes. Tre Occasioni
obtient le prix de la Biennale de Paris en
1965. Plusieurs autres de ses oeuvres sont
données en France : à Paris, Thumos ; à
Avignon, l’opéra Orden (livret de Pierre
Bourgeade, 1969) ; à Paris encore, son
deuxième opéra, Addio Garibaldi (1972).
Ces derniers titres, auxquels il faut ajouter
Cantate pour Urbinek (1969) ou encore Solarium pour orchestre (1976), cernent un
paysage et une angoisse qui sont caractéristiques d’Arrigo. Comme plusieurs Italiens (ses aînés Nono et Dallapiccola), le
compositeur est obsédé par la liberté, dont
il fait chanter la voix en prenant appui
sur des textes beaux et denses. Son Addio
Garibaldi est tout empli de Verdi, autre
amoureux de la liberté. Une couleur italienne est d’ailleurs toujours perceptible,
dominante même chez Arrigo. Son style
vocal est souvent proche de celui des madrigalistes et, pour ses Épigrammes, pour
ses 3 Madrigaux, il fait appel à des sonnets
de Michel-Ange. Des poètes modernes tels
que Montale l’attirent aussi. Des « sons
cris », des « sons lamentos » apparaissent
dans des oeuvres vocales comme Episodi
(monodrame sur des textes de poètes
grecs anciens, 1963). Une prédilection
pour les combinaisons instrumentales,
peu habituelles, se fait jour dans la Cantate
pour Urbinek (6 joueurs d’harmonica) et
Addio Garibaldi (24 flûtes à bec). Ces deux
dernières oeuvres, avec Orden, sont sans
doute les plus originales, par leur thème
comme par le témoignage de l’artiste qui
regarde son temps, le vit, le retransmet.
Actuellement directeur du Teatro Massimo de Palerme, Arrigo demeure un
passionné, farouchement indépendant et
même solitaire. « Je suis musicien, dit-il,
par ma condition... Je n’ai qu’une possibilité : écrire de la musique. »
ARS ANTIQUA.
Terme appliqué à la musique allant des
débuts de la polyphonie (fin du IXe s.) à
1320 environ, mais en particulier à celle
du XIIe et du XIIIe siècle.
L’Ars antiqua atteignit son apogée sous
les règnes de Philippe Auguste et de Saint
Louis. Cet art a cinq formes principales :
1.L’organum. Il est d’abord écrit à deux
voix évoluant de façon parallèle : une voix
chante la teneur (ou vox principalis), qui
est une mélodie grégorienne, et l’autre
donne la même mélodie à la quarte supérieure ou à la quinte inférieure ; c’est l’organum parallèle. Au début du XIIIe siècle,
Pérotin compose des organa à 4 voix,
beaucoup plus élaborés.
2.Le déchant. C’est une écriture essentiellement syllabique (note contre note),
formée de la voix principale avec, au-dessus, la voix organale qui évolue par mouvement contraire avec des consonances
d’unisson ou d’octave, de quarte ou de
quinte. Cette technique, pratiquée vers les
XIe et XIIe siècles, est employée également
au XIVe siècle et une grande part d’improvisation est laissée aux « déchanteurs ».
3.Le motet. Il commence à se développer, pendant la seconde moitié du
XIIIe siècle, aux dépens de l’organum. La
forme est généralement à 3 voix :
- la première voix, ou teneur, est écrite
en valeurs longues sur un texte liturgique
ou profane ;
- la deuxième voix, ou duplum (motetus), évolue parallèlement en langue vulgaire, sur un texte différent ;
- la troisième voix, ou triplum, chante
un troisième texte. Ce mélange de textes,
liturgiques ou profanes, va caractériser également le motet à l’époque de
Guillaume de Machaut.
4.Le conduit (conductusb. Cette
forme semble avoir été créée par l’école
de Notre-Dame de Paris pour accompagner des processions. La teneur n’est plus
une mélodie grégorienne, mais elle est
librement inventée. Le conduit peut être
à 1, 2 ou 3 voix, mais se caractérise par un
style d’écriture plus syllabique que celui
de l’organum.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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5.Le rondeau. Il est écrit comme un
conduit à 3 voix et se singularise par sa
forme, qui obéit à la forme littéraire du
même nom comprenant plusieurs couplets et un refrain qui revient entre chacun
des couplets. C’est dans cette forme que
le contrepoint s’emploie avec le plus de
liberté (Adam de la Halle).
Ces différentes formes, développées,
ouvrent la voie aux compositeurs du siècle
suivant : ceux de l’Ars nova.
ARSIS.
Terme de métrique qui, dans l’Antiquité,
indiquait que, dans la danse, le pied ou la
main du danseur était en position élevée.
Le mot thésis, en revanche, désignait
l’abaissement, c’est-à-dire la pose ou la
frappe du pied. Par extension, on désigne,
en musique, par thesis, le temps fort, et par
arsis, le temps faible.
ARS NOVA.
Terme qui signifie « art nouveau ».
C’est le titre donné par Philippe de Vitry
(1291-1361) à un traité qui nous renseigne
sur ce que pouvait être l’enseignement de
la théorie musicale au début du XIVe siècle.
C’est aussi le nom donné au style polyphonique français (mais il s’applique également aux musiciens italiens du trecento)
qui s’étend approximativement de 1300
jusqu’à la mort de Guillaume de Machaut
en 1377. Il y a, à cette époque, une volonté
profonde de renouvellement, due à une
évolution des esprits liée à des événements
historiques tels que la guerre de Cent Ans.
L’Ars nova est caractérisé par différentes
recherches : des formes nouvelles (le
motet à 3 ou à 4 voix qui emploie souvent
la technique de l’isorythmie, et les trois
formes fixes de la chanson : ballade, rondeau et virelai), des sujets d’inspiration
différente, des textes d’une plus grande
qualité poétique (notamment dans le cas
de Machaut), des thèmes musicaux plus
lyriques (la voix supérieure, cantus, étant
plus travaillée, voire ornée), des rythmes
utilisés plus souplement, un contrepoint
plus libre, des nouveautés tonales (notes
sensibles et cadences à double sensible).
Tous ces éléments de l’Ars nova annoncent l’âge d’or de la polyphonie franco-flamande au XVe siècle, préparée par une période de transition appelée l’Ars subtilior.
ARS SUBTILIOR.
Terme introduit en 1963 dans le langage
de l’histoire de la musique par Ursula
Günther, pour désigner la période qui
s’étend entre la mort de Guillaume de Machaut (1377) et les premières oeuvres de G.
Dufay, soit entre l’Ars nova et le début
de la Renaissance. Le mot choisi est lié au
caractère d’extrême raffinement propre à
la musique de cette période. Parmi les musiciens de l’Ars subtilior, on peut compter
ceux du manuscrit de Chantilly, notamment Baude Cordier.
ARTARIA.
Maison d’édition viennoise qui exista de
1769 à 1932.
Les fondateurs en furent deux cousins,
Carlo (1747-1808) et Francesco (17441808) Artaria, originaires de Blevio, sur le
lac de Côme. Après avoir débuté dans les
objets d’art, comme déjà à Mayence leurs
pères Cesare et Domenico, et leur oncle
Giovanni, ils se tournèrent vers l’édition
musicale, d’abord en reprenant des publications étrangères (première annonce
le 19 octobre 1776), puis en réalisant des
éditions originales (première annonce le
12 août 1778).
La firme devint rapidement la principale de Vienne. Au tournant du siècle,
deux de ses collaborateurs fondèrent leur
propre maison : en 1798 Tranquillo Mollo
(plus tard Tobias Haslinger), et en 1801
Giovanni Cappi (plus tard Diabelli). Carlo
et Francesco s’étant retirés dans leur ville
natale, le fils de Francesco, Domenico
Artaria (1775-1842), devint en 1804 seul
propriétaire de la firme, non sans avoir
épousé la fille de Carlo. Il eut comme successeur son fils August (1807-1893), et celui-ci, ses trois fils, Carl August, Dominik
et Franz, morts respectivement en 1919,
en 1936 et en 1942.
Parurent chez Artaria beaucoup
d’oeuvres de Haydn (les premières furent,
en avril 1780, six sonates pour piano) et
de Mozart (dont, en 1785, les six quatuors dédiés à Haydn), puis certaines de
Beethoven et de Schubert. On possède
plus de 70 lettres de Haydn à la firme, qui
de son côté consacra à ce compositeur,
de son vivant, environ 150 publications
originales ou non. Mathias Artaria (17931835), de la branche de Mayence (plus
tard Mannheim), mais installé à Vienne,
fit paraître notamment en mai 1827 l’opus
133 (grande fugue) et l’opus 134 (transcription de la grande fugue pour piano à
quatre mains) de Beethoven, qui venait de
mourir ; Mathias Artaria s’intéressa aussi
à Schubert. La dernière grande activité de
la maison Artaria fut la publication, de
1894 à 1920, de la série des Denkmäler der
Tonkunst in Oesterreich (reprise ensuite
par Universal Edition).
ARTAUD (Pierre-Yves), flûtiste français
(Paris 1946).
Après avoir obtenu les 1ers Prix de flûte et
de musique de chambre au Conservatoire
de Paris, il étudie l’acoustique musicale à
l’université de Paris-IV. À partir de 1972,
il est flûte solo aux ensembles l’Itinéraire
et 2e2m, dévolus à la musique contemporaine. Il enseigne la flûte depuis 1965,
a été musicien-animateur des J.M.F. de
1973 à 1980, responsable de 1981 à 1986
de l’atelier de recherche instrumentale de
l’I.R.C.A.M., professeur à l’Académie de
Darmstadt en 1982. En 1985, il est nommé
professeur de musique de chambre au
Conservatoire de Paris. Il a appartenu
à plusieurs formations de musique de
chambre, dont le quatuor de flûtes Arcade, qu’il a créé en 1964. Parallèlement
à son activité de flûtiste et d’enseignant, il
a dirigé plusieurs collections de musique
contemporaine pour différents éditeurs.
Comme concertiste, pédagogue et chercheur, il a contribué à développer l’art
de la flûte, proposant un nouveau regard
sur le répertoire traditionnel et suscitant
de nombreuses créations. Il a obtenu en
1982 le Grand Prix d’interprétation de la
musique française d’aujourd’hui, décerné
par la S.A.C.E.M., et plusieurs grands prix
du disque.
ARTICULATION.
Terme de phonétique désignant l’émission claire et précise des consonnes, qui
permet la compréhension des syllabes et
des mots.
En chant, la bonne projection des
consonnes, des voyelles, des syllabes est
un élément indispensable de la technique
vocale. Par extension, la musique instrumentale a repris ce terme pour désigner
une exécution claire et une compréhension exacte du phrasé musical. On l’emploie aussi dans la technique d’un instrument (piano, violon, ...) nécessitant un
délié des doigts.
ARTS FLORISSANTS (les).
! CHRISTIE (WILLIAM).
ARTUSI (Giovanni Maria), théoricien italien (Bologne v. 1540 - id. 1613).
Cet élève de Zarlino, auteur de canzonette
à 4 voix, éditées à Venise en 1598, serait
oublié aujourd’hui si ses attaques contre
Monteverdi ne l’avaient promu à une certaine célébrité. Dans le plus connu de ses
pamphlets, L’Artusi ovvero delle imperfectioni della musica moderna (2 vol., Venise,
1600-1603), il condamne sans appel les
audaces des novateurs. Particulièrement
visé, Claudio Monteverdi répondit dans la
préface de son livre de Madrigaux (1605)
que le « compositeur moderne construit
ses oeuvres en les fondant sur la vérité ».
ASHKENAZY (Vladimir), pianiste russe
(Gorki, Ukraine, 1937).
Élève d’Oborine au conservatoire de Moscou, il a remporté en 1955 le second prix
au concours Chopin de Varsovie, en 1956,
le premier prix au concours de la reine Élisabeth de Belgique à Bruxelles et a été lauréat du concours Tchaïkowski (1962). Sa
carrière a été lente, mais il est considéré,
à l’heure actuelle, comme l’un des plus
grands pianistes de sa génération. Il vit
en Islande. Son répertoire est vaste, mais
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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on peut citer Beethoven, Chopin, Brahms,
Prokofiev parmi les compositeurs dont il
donne des interprétations marquantes. Sa
technique est étincelante, sans être jamais
envahissante. Il joue les romantiques
d’une manière limpide, sobre, presque
classique, en fait très mûrie et profonde.
Il consacre une grande part de son activité
à la musique de chambre et à la direction
d’orchestre.
ASHLEY (Robert), compositeur américain (Ann Arbor, Michigan, 1930).
Il étudie la composition à l’université du
Michigan et à la Manhattan School of
Music de New York (Master of Music,
1954). Collaborateur du Space Theatre,
créé par le peintre Milton Cohen, cofondateur, avec le compositeur Gordon
Mumma, de l’association ONCE, destinée
à promouvoir un art syncrétique, Ashley
s’est affirmé, depuis ses débuts, comme un
auteur multimédia doublé d’un « performer ». Il utilise la vidéo, l’électronique et
l’ordinateur pour réaliser une approche
globale des phénomènes artistiques ayant
une existence temporelle (bruits, gestes,
paroles, sons). Son écriture vocale avoue
les origines les plus diverses, du blues au
Sprechgesang, de la chanson au sermon
religieux. Reflet de ces préoccupations,
l’opéra pour télévision Perfect Lives (19781984) évoque, avec les moyens des médias
de masse, les animateurs de ces médias,
dans un style où le théâtral se mêle au
quotidien le plus banal et où l’action scénique se confond avec la vie propre des
interprètes et des spectateurs (Ashley est
souvent l’interprète de ses propres partitions, notamment vocales). Le compositeur traite l’actualité d’une manière
volontairement immédiate, rudimentaire ; son style est proche de celui de la
musique minimaliste, mais ce quotidien
est en quelque sorte mythifié, dans un
esprit très américain rappelant la littérature d’un John Dos Passos, comme dans
l’opéra Improvement (Don Leaves Linda),
élément d’une tétralogie C Now Eleanor’s
Idea), dont l’élaboration doit s’étendre sur
plusieurs années. Ashley a écrit d’autres
opéras (That Morning Thing, 1967 ; Strategy, 1984 ; My Brother Called, 1989), des
pièces de « théâtre électronique » (Kityhawk, 1964), des pièces « multimédia »
(In Sara, Mencken, Christ and Beethoven,
There Were Men and Women, 1972).
ASIOLI (Bonifazio), compositeur et théoricien italien (Correggio 1769 - id. 1832).
Compositeur très précoce, il vécut de 1799
à 1813 à Milan, où en 1808 il fut nommé
directeur des études au conservatoire
nouvellement fondé. On lui doit de la
musique religieuse, des opéras, l’oratorio
Jacob, de la musique instrumentale, dont
d’intéressantes sonates pour piano, et des
ouvrages théoriques parmi lesquels Principi elementari di musica (Milan, 1809). De
1806 à 1810, il eut comme élève le fils aîné
de Mozart, Karl Thomas, arrivé chez lui
muni d’une lettre de recommandation de
J. Haydn.
ASPIRATION.
1. Terme parfois employé, mais non
généralisé (cf. Couperin), pour désigner
un signe en forme d’accent vertical surmontant une note, pour l’abréger en la
détachant de celle qui suit ; l’aspiration
est en quelque sorte le superlatif du point
désignant les « notes piquées », en les rendant plus brèves encore, bien que certains
auteurs emploient parfois indifféremment
les deux signes l’un pour l’autre.
2. Ornement usité au XVIIIe siècle dans la
musique vocale et pour certains instruments à vent (flûte), consistant à toucher
très légèrement le degré supérieur, sans
lui donner la valeur d’une note véritable,
entre deux notes qui se suivent à l’unisson,
surtout quand la première est longue ; on
peut aussi l’employer dans un mouvement
mélodique légèrement descendant. L’aspiration n’est usitée que dans les morceaux
de caractère grave ou pathétique, jamais
dans les airs vifs ou gais. Les instruments,
qui, comme le clavecin, ne peuvent toucher une note sans la jouer réellement,
sont impropres à l’aspiration, encore
qu’ils s’y essaient quelquefois (Saint-Lambert). Certains auteurs assimilent l’aspiration aux ornements appelés « accent »,
« plainte » ou « sanglot ». Lorsqu’elle est
notée, ce qui n’est pas obligatoire, cette
sorte d’aspiration peut s’écrire soit par
une petite note, soit par un signe analogue
à celui qui est présenté dans la première
définition, mais placé entre les 53 41 26
notes et non au-dessus d’elles.
ASPLMAYR (Franz), compositeur et violoniste autrichien (Linz 1728 - Vienne
1786).
Il écrivit surtout de la musique de chambre
et des ballets pour Noverre (après l’installation de ce dernier à Vienne en 1771),
et, en décembre 1781, participa comme
second violon à la fameuse exécution des
quatuors opus 33 de Haydn devant l’empereur Joseph II et le grand-duc Paul de
Russie (futur tsar Paul Ier).
ASSAFIEV (Boris), compositeur et musicologue russe (Saint-Pétersbourg 1884 Moscou 1949).
Il fut élève de Liadov (composition) et
de Rimski-Korsakov (orchestration)
au conservatoire de Saint-Pétersbourg
(1904-1910), puis pianiste accompagnateur du corps de ballet au théâtre Mariinski. Conseiller du théâtre du Bolchoï,
de 1925 à 1943, il accéda à la présidence
de la Direction de l’union des compositeurs en 1948. Parallèlement, il exerça une
activité de critique musical et consacra
beaucoup de temps à la recherche. On
lui doit de nombreuses biographies sur
des compositeurs russes, essentiellement
Tchaïkovski, Scriabine, Rimski-Korsakov,
Moussorgski, Prokofiev, ainsi qu’une Histoire de la musique russe depuis le début du
XIXe siècle.
Assafiev fut un compositeur prolixe : 4
symphonies, 10 opéras, 28 ballets (dont
plusieurs, comme la Fontaine de Bakhtchissaraï, 1933-34, appartiennent, en
Union soviétique, au répertoire courant),
de la musique de chambre et nombre de
pièces et cycles vocaux.
ASSAI (ital. : « beaucoup »).
Ce terme, ajouté à d’autres indications de
mouvement, en modifie ou complète le
sens. Exemple : allegro assai, très animé,
très vite.
ASSOUCY (Charles Coypeau d’), poète
et luthiste français (Paris 1605 - id. 1679).
Personnage pittoresque, il voyagea beaucoup en France et en Italie et connut une
vie riche en aventures. Il fut au service de
Louis XIII (1635) et de Louis XIV (1653).
Poète burlesque, il s’apparenta par son
style à Scarron. Compositeur, il écrivit
la musique d’Andromède de Corneille et
plusieurs ballets. Il mettait lui-même ses
nombreuses chansons en musique, mais
la plupart de ses partitions sont perdues.
ASTON ou ASHTON (Hugh), compositeur anglais (v. 1480 - en 1522).
Les détails de sa vie sont mal connus.
L’importance de son oeuvre est reconnue
par tous, car on voit généralement en lui
le premier compositeur de musique non
vocale. Son Hornpipe pour le virginal est
un exemple à peu près unique de l’écriture pour clavier de l’époque et annonce
le style repris plus tard par John Bull.
Aston est peut-être l’inventeur de la variation. Outre des oeuvres instrumentales, il
composa sept motets, une messe et un Te
Deum.
ASUAR (José-Vicente), compositeur
chilien (Santiago 1933).
Après des études à l’université de Santiago, puis à Berlin avec Boris Blacher,
il suivit les séminaires de Boulez, Stockhausen, Maderna et Ligeti à Darmstadt
(1960-1962). Il dirige le département de
technologie sonore à l’université de Santiago depuis 1969. Parmi ses oeuvres,
citons : Encadenamientos pour flûte, basson, violon et violoncelle, plusieurs pièces
avec bande magnétique, Guararia repano
(bande et instruments typiques vénézuéliens) et Imagen de Caracas (voix, bande et
instruments).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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A TEMPO (ital. : « au mouvement »).
Locution utilisée dans le cours d’une partition pour ramener au mouvement initial
une séquence qui vient d’être ralentie ou
accélérée.
La même indication peut être aussi
donnée par la mention : tempo primo
(« mouvement primitif »).
ATHÉMATISME (gr. a privatif, et thema,
« sujet posé »).
L’athématisme qualifie une musique dans
laquelle toute trace de thème véritablement posé est absente. Si l’on peut à la
limite qualifier d’« athématique » le chant
grégorien, où le « thème » n’est qu’une
inflexion de la voix déterminant certains
traits dans le cadre du mode, le terme est
surtout employé à propos d’une grande
partie de la musique du XXe siècle, à partir de Schönberg, plus encore de Webern,
et de leurs successeurs. Schönberg utilisa parfois ses séries un peu comme des
thèmes, mais Webern établit que l’utilisation de la série avec toutes ses conséquences logiques était en fait incompa-
tible avec le principe du développement
thématique. Dans une première étape,
l’athématisme contraignit les compositeurs à employer de « petites formes », à
se limiter à des oeuvres brèves (Webern).
Plus tard, l’approfondissement du système
de la série et de ses combinaisons diverses
fit découvrir, dans le cadre de l’athématisme, de nouvelles lois d’articulation sonore, ce qui a permis de rendre sans cesse
plus étendu ce monde sonore nouveau.
ATONALITÉ.
C’est l’état d’une musique dans laquelle
sont suspendues les fonctions et lois tonales sur lesquelles reposait la musique occidentale depuis les précurseurs de Bach :
tonique, hiérarchie des degrés, notion de
consonance* et de dissonance, cadences,
etc. Elle utilise de manière conséquente
la totalité des ressources de la gamme
chromatique (total chromatique), dont les
douze demi-tons sont considérés comme
équivalents, et se fonde sur le concept de
l’émancipation de la dissonance.
Il est difficile de fixer le moment de
la naissance de l’atonalité. Elle était en
germe dans le chromatisme de plus en
plus exacerbé de Wagner et de la fin du
XIXe siècle. Ce chromatisme finit par
« envahir de façon définitive l’écriture
harmonique ou contrapuntique, rendant
les rencontres de sons inanalysables par
une pensée tonale rationnelle » (P. Boulez). Les premières oeuvres de Schönberg
(par ex., le sextuor Nuit transfigurée, 1899)
témoignent de cet envahissement. Si l’on
trouve des passages entièrement atonaux
dans certaines oeuvres d’Ives, datées des
alentours de 1900, c’est à Schönberg qu’il
convient d’attribuer la paternité d’un atonalisme conscient et systématique, dans
le dernier mouvement de son quatuor à
cordes no 2 (1907-08). Cette tendance,
chez Schönberg, s’affirme dans son cycle
de mélodies le Livre des Jardins suspendus
(1908-09) et culmine dans son Pierrot lunaire (1912). La dissolution de l’ensemble
des lois, la liberté et l’indépendance complètes qui se manifestent dans cette dernière partition ne suffirent cependant pas
au compositeur, qui ressentit le besoin
d’introduire des règles dans cet univers
informe ; le dodécaphonisme est une manière d’organiser l’atonalité, et il faut ici
rappeler la phrase de P. Boulez : « L’atonalité est essentiellement une période de
transition, étant assez forte pour briser
l’univers tonal, n’étant pas assez cohérente
pour engendrer un univers non tonal. »
Pourtant, même après l’instauration de la
musique sérielle, beaucoup de compositeurs ont préféré demeurer dans la liberté
de l’atonalisme.
Quoique l’atonalité, au sens strict du
terme, caractérise particulièrement l’école
de Vienne et ses divers descendants, elle
n’est pas leur apanage exclusif. Dès les
premières expériences de Schönberg, auxquelles s’ajoutaient les coups de boutoir
donnés au système tonal par les impressionnistes français, la notion d’atonalité
se répandit et irrigua, à des degrés divers,
l’oeuvre de nombreux compositeurs comme
Stravinski, Bartók, Hindemith, Honegger,
voire Puccini. Elle contamina non seulement l’ensemble de l’écriture musicale de
notre siècle, mais même la façon d’écouter
la musique : un auditeur qui a entendu de
la musique atonale ressent d’une manière
nouvelle la musique tonale.
Dans un sens élargi, atonalité peut qualifier la musique employant des micro-intervalles (quarts de ton et autres) et celle
qui provient de matériaux sonores non
traditionnels (musique concrète, musique
électronique). L’atonalité est dorénavant
un des traits dominants de tout le paysage
musical.
ATTACA (ital. attaccare, « attaquer », « attacher », « entamer un discours »).
Dans une partition, à la fin d’un mouvement ou d’une partie d’une oeuvre, ce
terme indique qu’il faut attaquer la partie
suivante en enchaînant, sans coupure ou
après un très court silence, et en adoptant
aussitôt le nouveau tempo sans considérer ce qui précédait immédiatement (par
exemple, passage du deuxième au troisième mouvement du 5e concerto pour
piano de Beethoven).
ATTAINGNANT ou ATTAIGNANT
(Pierre), imprimeur et éditeur français
(nord de la France ? - Paris 1552).
Établi à Paris à partir de 1514, il fut le premier Français à éditer de la musique. Son
activité fut considérable ; plus de cent recueils sortirent de ses presses : chansons et
motets polyphoniques, pièces instrumentales, notamment ses célèbres Danceries,
qui furent diffusées dans toute l’Europe. Il
permit ainsi le rayonnement de la chanson
polyphonique française de l’école de Paris,
particulièrement des oeuvres de Sermisy,
de Janequin, mais également des chansons
de Josquin Des Prés. En 1538, il obtint le
titre de « Libraire et imprimeur de musique du Roi », titre que la maison garda
jusqu’en 1557, date à laquelle sa veuve
céda devant la concurrence des éditeurs
Le Roy-Ballard.
ATTAQUE.
Terme désignant la première ou les premières notes d’un morceau de musique
(synonyme de « début »).
Il désigne également le geste du chef
d’orchestre précédant l’exécution des premières notes d’une oeuvre ou d’une partie
d’oeuvre. Dans le vocabulaire du contrepoint, l’attaque s’identifie avec l’entrée
du thème ou d’un sujet. Enfin, dans le
domaine du chant ou de l’exécution instrumentale, on appelle « attaque » le geste
de l’interprète provoquant le début de
l’émission d’un son (attaque de la touche
au piano ; position des lèvres pour les instruments à vent, etc.).
ATTERBERG (Kurt), compositeur suédois (Göteborg 1887 - Stockholm 1974).
Tout comme Alfvén, Atterberg peut être
considéré comme un national-romantique tardif, mais à ce titre il est l’un des
plus remarquables symphonistes suédois
de ce siècle. En témoignent notamment,
parmi ses neuf symphonies (composées
de 1909 à 1956), les nos 2 (1913), 3 (Images
de la côte ouest, 1916), 4 (Sinfonia piccola,
1918) et 6 (1928), mais aussi De fävitska
jungfrurna (commande des Ballets suédois
de Paris en 1920) et Fanal (1932), l’un de
ses cinq opéras.
ATTRACTION.
C’est l’un des principes fondamentaux qui
régissent la significabilité du langage musical dans la quasi-totalité de ses idiomes.
L’attraction, qui motive les rapports de
dynamisme entre sons successifs, est ainsi
complémentaire de la consonance, qui
règle les rapports de statisme entre sons
indifféremment successifs ou simultanés.
De par sa stabilité, en effet, la consonance
tend vers l’immobilité, mais en même
temps elle exerce sur ses voisins une attirance qui crée une tension, génératrice de
mouvement et d’expressivité.
L’attraction s’exerce de manière différente selon que le langage est mélodique ou harmonique, mais le principe
reste identique. Il s’agit toujours d’une
attirance du degré faible vers le degré fort
voisin, sans que jamais puisse se manifester l’appel inverse : l’irréversibilité est une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
39
loi fondamentale de l’attraction. Celle-ci
peut avoir des effets très divers ; elle peut
notamment déplacer les notes attirées en
rapprochant leur hauteur de celle de la
note attirante (échelles attractives en ethnomusicologie, accords altérés en harmonie classique). Elle peut aussi donner à un
degré ou un accord du ton employé une
tension particulière : cette tension appelle
dès lors une détente, ou résolution, qui
consiste pour le degré attiré à rejoindre
le degré attirant (dans l’ancienne théorie,
on disait sauver au lieu de résoudre). Selon
que cette résolution se produit ou non, il
se crée une sémantique particulière qui est
spécifique du langage musical, et qui correspond aux divers éléments de syntaxe
de la phrase parlée : accords ou notes suspensives, conclusives, interrogatives, etc. ;
Beethoven en donne un exemple célèbre
en commentant le thème de l’un de ses
quatuors : Muss es sein ? (interrogation :
« cela doit-il être ? »), Es muss sein (affirmation : « cela doit être »).
La dissonance, dès lors qu’elle est perçue comme telle (car on doit toujours rappeler son caractère relatif et partiellement
subjectif), peut être, elle aussi, génératrice
d’attraction, en faisant attendre une résolution vers la consonance la plus proche,
résolution à laquelle le musicien reste libre
de céder ou non ; c’est essentiellement par
la manière dont il dose acceptations et
refus, tensions et détentes, que le musicien
parvient à rendre son discours signifiant
et expressif.
On peut classer les différentes attractions en deux catégories, selon qu’elles
sont grammaticales ou expressives. L’attraction grammaticale est celle qui établit
l’alternance des tensions et détentes en
fonction de la seule significabilité de la
syntaxe, sans leur donner de valeur affective particulière (par ex., dominante-tonique de la cadence « parfaite », ou rôle
de la sensible, du triton, qui créent des
attractions particulières sur lesquelles se
fonde la phrase musicale). L’attraction
expressive, elle, va au-delà des rapports
syntaxiques minimaux et cherche à les intensifier par divers procédés, dont le chromatisme est l’un des plus importants : elle
engendre ainsi une expression passionnelle dont certains auteurs (Monteverdi,
Wagner) ont su faire un usage saisissant.
En incluant dans sa théorie l’« émancipation de la dissonance », autrement dit en
entendant abolir la distinction cependant
naturelle entre consonance et dissonance,
Schönberg, suivi par ses disciples, entendit négliger le phénomène de l’attraction
ou, du moins, lui enlever toute occasion
de se manifester. Il n’en est pas moins le
moteur essentiel de la sémantique musicale, et l’on ne connaît guère d’autre
langage que le langage atonal, sériel ou
non, qui soit soustrait à son influence, si
ce n’est quelques idiomes très primitifs
ou, au contraire, des musiques traditionnelles d’un caractère rituel accusé qui en
assure l’immobilisme - le nô japonais,
par exemple. Ce sont là des exceptions
qui ne peuvent entamer l’universalité du
principe attractif dans presque toutes les
musiques existantes.
ATWOOD (Thomas), compositeur et organiste anglais (Londres 1765 - id. 1838).
Protégé du prince de Galles, il séjourna de
1783 à 1785 à Naples, et de 1785 à 1787
à Vienne, où il fut élève de Mozart, qui
semble l’avoir fort apprécié. Organiste à
Saint-Paul de Londres en 1795, il écrivit les hymnes pour les couronnements
de George IV (1821) et de Guillaume IV
(1831), et, à cette époque, se lia d’amitié
avec Mendelssohn. Il écrivit d’abord beaucoup pour la scène, puis se tourna surtout
vers la musique religieuse. Ses devoirs de
théorie et de composition avec Mozart ont
été publiés en 1965.
AUBADE.
Concert de voix ou d’instruments donné
à l’aube sous les fenêtres d’un personnage
important ou d’un être cher.
Son origine remonte au XVe siècle et
sa pratique fut fréquente au XVIIe et au
XVIIIe siècle, pour honorer de hauts personnages. À partir du XIXe siècle, plusieurs
compositeurs, Bizet, Lalo, Rimski-Korsakov, Ravel (Alborada del gracioso), Poulenc, ont donné ce titre à des oeuvres de
même esprit, de forme libre, instrumentales ou symphoniques.
AUBER (Daniel François Esprit), compositeur français (Caen 1782 - Paris 1871).
Son père recevait chez lui musiciens et artistes ; cette atmosphère eut une influence
sur l’enfant. Celui-ci composa très tôt des
romances qui enchantèrent les salons du
Directoire. Envoyé en Angleterre pour
s’initier au négoce, il revint en France en
1804 sans avoir oublié sa vocation musicale. Un concerto pour violon et un ouvrage lyrique, l’Erreur d’un moment, furent
joués en 1806. Sous la férule de Cherubini,
qui s’intéressait à lui, il écrivit des oeuvres
religieuses et un opéra-comique, Jean de
Couvin (1812). Mais ses premiers succès
à Paris ne vinrent qu’avec la Bergère châtelaine (1820) et Emma (1821), joués à
l’Opéra-Comique.
Avec Leicester (1823) commença la
collaboration d’Auber avec Scribe. Tous
deux devinrent les meilleurs fournisseurs
de l’Opéra et de l’Opéra-Comique. Près
de cinquante partitions lyriques d’Auber
y furent créées. Le compositeur toucha à
tous les sujets, tous les genres, mais non à
tous les styles de musique. La Neige (1823)
reste une exception dans son oeuvre par
son caractère rossinien et ses abondantes
vocalises. Le compositeur demeura dans
l’ensemble fermé aux influences italienne
et allemande. Le Maçon (1825) illustre
parfaitement son inspiration dans le domaine de l’opéra-comique, élégante, pétulante, nuancée, recourant à des thèmes
très caractéristiques, qui se gravent dans
la mémoire, et à une écriture extrêmement
sûre. Avec la Muette de Portici (1828), qui
précède d’un an Guillaume Tell de Rossini et de trois ans Robert le Diable de
Meyerbeer, il ouvrit l’ère du grand opéra
historique, à mise en scène spectaculaire.
Cette oeuvre est d’une puissance et d’une
passion surprenantes et convaincantes :
lors de son exécution à Bruxelles en 1830,
le duo « Amour sacré de la patrie » donna
le signal des troubles révolutionnaires qui
entraînèrent la séparation de la Belgique
et de la Hollande. La Fiancée (1829), le
Philtre (1831), le Cheval de bronze (1835),
le Domino noir (1837), les Diamants de la
Couronne (1841) connurent une faveur
durable. Quant au succès de Fra Diavolo
(1830), il s’est prolongé jusqu’à nos jours.
Ajoutons qu’Auber écrivit une Manon
Lescaut (1856) et un Gustave III (1833),
dont le sujet est le même que celui d’Un
bal masqué de Verdi.
Auber entra à l’Institut en 1829, fut
nommé l’année suivante directeur des
concerts de la Cour, succéda à Cherubini
comme directeur du Conservatoire en
1842 et fut maître de Chapelle de la Cour
impériale à partir de 1857.
AUBERT (Jacques), dit le VIEUX, violoniste et compositeur français (? 1689 Belleville, Paris, 1753).
Élève de J.-B. Senallié, il fut nommé musicien du prince de Condé, en 1719, et devint intendant de la musique à Chantilly,
probablement en 1722. Son opéra la Reine
des Péris, représenté en 1725, déconcerta le
public, habitué aux sujets mythologiques.
Aubert a introduit en France le concerto
pour violon en trois mouvements (1735),
emprunté aux Italiens, ainsi que leur instrumentation (deux parties de violon et
basse continue). Il a composé 5 livres de
sonates pour son instrument.
AUBERT (Louis), pianiste et compositeur
français (Paramé, Ille-et-Vilaine, 1877 Paris 1968).
Venu à Paris à dix ans, il y devint immédiatement célèbre grâce à sa voix de soprano
et fut, en 1888, le créateur du Pie Jesu dans
le Requiem de Fauré. Ce dernier fut son
professeur de composition au Conservatoire. Dans un style sensible et distingué
procédant de Fauré et de Debussy, Aubert
écrivit de la musique instrumentale, en
particulier pour piano, des poèmes symphoniques, des oeuvres chorales, de nombreuses mélodies et des ballets. Excellent
orchestrateur, il fit des arrangements de
partitions de Tchaïkovski, Chopin, Offenbach pour des spectacles de ballets à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
40
l’Opéra. Il pratiqua aussi la critique musicale. Il fut élu à l’Institut en 1956.
AUBIN (Tony), compositeur et chef d’orchestre français (Paris 1907 - id. 1981).
Au Conservatoire, il travailla la direction
d’orchestre avec Philippe Gaubert et la
composition avec Paul Dukas. Il obtint, en
1930, le premier grand prix de Rome pour
sa cantate Actéon. En 1944, il fut nommé
chef d’orchestre à la radio et commença à
diriger des concerts dans les associations
symphoniques de la capitale. Professeur
de composition au Conservatoire à partir
de 1946, il devint membre de l’Institut en
1975. Aubin possède le sens de la poésie
et de l’émotion intérieure, et, s’il s’inspire
volontiers de l’austérité de César Franck,
il s’abandonne sans effort à la délicatesse
d’un Ravel. Son écriture méticuleuse
est dans l’ensemble traditionnelle, mais
non conventionnelle. Sa production, peu
abondante, est de grande qualité : musique
de piano, musique de chambre, oeuvres
vocales et symphoniques, ces dernières
incluant des musiques de film ; pour le
théâtre, il a écrit des ballets et l’opéra Goya
(1974).
AUBRY (Pierre), musicologue français
(Paris 1874 - Dieppe 1910).
Ce chartiste, qui enseigna à l’Institut catholique de Paris et à l’École pratique des
hautes études, fut un des pionniers de la
musicologie médiévale. Dès 1898, il entreprit d’étudier les troubadours et les trouvères à la lumière de la doctrine des modes
rythmiques élaborée par les théoriciens
du XIIIe siècle. Ses écrits comprennent : les
Proses d’Adam de Saint-Victor (1900), Lais
et descorts français du XIIIe siècle (1901),
Trouvères et troubadours (1909).
AUDITION.
Dans le phénomène de l’ouïe, on désigne
plus particulièrement par audition l’ensemble des processus qui font percevoir
et reconnaître comme des sons, par notre
conscience, les différences de pression
à certaines fréquences, de l’air qui nous
entoure et qui frappe les tympans de nos
oreilles. Si l’anatomie de l’oreille est aujourd’hui bien connue, la transformation
physiologique des différences de pression
en influx nerveux (c’est-à-dire en « courant électrique » qui leur soit proportionnel) et celle de ces influx en sensations
auditives n’ont pas reçu d’explication
généralement admise ; la théorie de l’information et le principe de l’ordinateur
fournissent à ce processus un modèle
intéressant, mais ne suffisent pas à interpréter ces phénomènes de façon convaincante. En fait, de nombreux facteurs
interviennent dans l’audition, comme la
culture musicale du sujet et la prévision
mentale qu’il peut faire de l’irruption d’un
événement sonore, ce qui met en cause
un autre phénomène mental, celui de la
mémoire auditive. On n’explique guère,
non plus, la faculté qu’ont certains individus d’identifier avec précision la hauteur
absolue des sons, sans élément de comparaison - ce que l’on appelle l’« oreille absolue « ; encore faut-il signaler qu’avec l’évolution rapide du diapason, cette oreille
absolue peut être remise sérieusement en
question : elle serait surtout fonction du
timbre et des rapports d’intervalles avec
d’autres sons.
Il est possible de mesurer le seuil
d’audition de chaque oreille pour toutes
les fréquences, du grave à l’aigu. Le tracé
obtenu, ou audiogramme, permet des
études statistiques sur l’audition. On
constate ainsi que la sensibilité de l’oreille
varie considérablement en fonction de
la fréquence, la zone de plus grande sensibilité se situant entre 1 kHz et 2 kHz.
Chez un sujet jeune, la bande passante
s’étend approximativement de 20 Hz à 18
ou même à 20 kHz ; dès le début de l’âge
mûr, l’acuité auditive se perd progressivement aux fréquences élevées, pour ne pas
dépasser 8 à 10 kHz chez le vieillard, au
maximum. C’est le phénomène de presbyacousie. On peut également observer
sur les audiogrammes des distorsions de
non-linéarité dans la courbe de réponse
de l’oreille, pouvant aller jusqu’à de véritables surdités partielles à des fréquences
bien déterminées : c’est le phénomène de
socioacousie, provoqué par des lésions de
l’oreille interne dues à la persistance de
bruits intenses de même fréquence dans
l’environnement sonore (c’est le cas d’ouvriers dans la métallurgie, par exemple).
On a aussi généralement noté des pertes
de sensibilité de l’audition et des surdités partielles chez les individus fréquentant régulièrement les discothèques, où le
niveau de diffusion sonore est très élevé,
de même que chez les amateurs de musique pop, dont les concerts sont, au sens
propre, assourdissants. Il faut enfin mentionner le cas très particulier et inexpliqué
du compositeur Olivier Messiaen, chez
qui l’audition provoque des associations
mentales avec des couleurs.
AUDRAN (Edmond), compositeur français (Lyon 1842 - Tierceville, Seine-etOise, 1901).
Fils d’un ténor connu, Marius Audran, il
envisagea une carrière de maître de chapelle et entra à l’école Niedermeyer, où il
fut le condisciple de Messager et de SaintSaëns. Ses parents s’étant fixés à Marseille, il y devint en 1861 organiste, puis
maître de chapelle. Il écrivit des motets,
mais aussi des romances et des partitions
lyriques, parmi lesquelles le Grand Mogol,
dont la création à Marseille en 1877 fit
sensation. Il regagna alors Paris et s’y imposa sans coup férir avec les Noces d’Olivette (1879) et surtout la Mascotte (1880).
Dès lors célèbre, il alimenta les théâtres
d’opérette avec une trentaine de partitions
souriantes, à l’écriture claire, parmi lesquelles Gilette de Narbonne (1882), Miss
Helyett (1890) et la Poupée (1896), qui,
sans atteindre la popularité de la Mascotte,
demeurent parfois représentées de nos
jours.
AUER (Leopold von), violoniste hongrois
(Veszprém 1845 - Dresde 1930).
Enfant prodige révélé à Budapest puis à
Vienne, il devient en 1863 le disciple de
Joseph Joachim à Hanovre. Premier violon des orchestres de Düsseldorf et de
Hambourg, il s’installe en Russie en 1868
pour enseigner au Conservatoire de SaintPétersbourg. Il y demeure jusqu’à la révolution de 1917 et devient l’un des plus
grands pédagogues de son temps, publiant
même deux méthodes d’interprétation.
De 1868 à 1906, il est premier violon du
Quatuor de la Société russe de musique,
tout en jouant les solos au Ballet Impérial.
Soliste prestigieux, il reproche d’abord ses
extravagances techniques au Concerto de
Tchaïkovski, qu’il jouera finalement en
1893. Glazounov, Taneïev et Arenski lui
dédient également des oeuvres. Héritier
spirituel de Joachim, il incarne un style
d’excellence technique et de classicisme
perpétué par ses élèves, dont Jascha Heifetz et Nathan Milstein. De 1928 à 1930, il
dispense ses derniers cours au Curtis Institute de Philadelphie.
AUGMENTATION.
Dans un sens général, ce terme désigne la
prolongation de la durée d’une note. On
peut adjoindre à la note un point pour
l’augmenter de la moitié de sa valeur, mais
on peut également, dans un morceau, augmenter la durée de toutes les valeurs d’une
manière égale proportionnellement à chacune. Dans une messe de Dufay (XVe s.)
par exemple, les notes de la teneur, base de
toute la structure polyphonique, peuvent
être prolongées. Plus tard, une technique
contrapuntique, fréquemment employée,
est de faire réentendre un thème, un choral par exemple, en valeur plus longue.
Ce procédé se rencontre chez Bach et ses
contemporains, mais aussi parfois chez les
compositeurs romantiques (Schumann,
Brahms).
AUGMENTÉ (intervalle).
C’est un intervalle plus grand d’un demiton que l’intervalle habituel de même
nom. Par exemple, do. fa est une quarte
juste, do. fa dièse une quarte augmentée.
Un accord étant parfois désigné par le
nom de son plus grand intervalle, l’accord
do. mi. sol dièse, par exemple, peut être
appelé accord de quinte augmentée.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
41
AUGUSTIN (saint), [de son nom latin,
Aurelius Augustinus],
Père de l’Église, évêque d’Hippone (Tagaste, Est algérien, 354 - Hippone, auj.
Annaba [Bône], 430).
Il intéresse l’histoire de la musique par
la place qu’il accorde à celle-ci dans ses
spéculations symboliques (Enarrationes
super psalmes) et par son traité De musica.
Malgré son titre, les six livres de ce dernier traitent surtout de métrique et de
rythmique poétique. Sans doute constituaient-ils la première partie d’un ouvrage
inachevé, dont une seconde partie aurait
été probablement consacrée à la mélodie.
Saint Augustin a été le premier à relier la
musique à l’idée d’amour, principalement
d’amour de Dieu (cantare amantis est).
Son commentaire sur les longues vocalises
de l’alleluia (jubilus), considérées comme
une expression de joie si intense qu’elle
en déborde les possibilités de la parole, est
resté justement célèbre. Il a joué un rôle
important dans la formation d’une culture
chrétienne et, dans tout l’Occident, son
influence s’est exercée jusqu’à la Renaissance.
AULOS (pluriel : auloi).
Terme général pour désigner un instrument à vent employé par les Grecs et les
Romains.
Formé à l’origine d’un roseau, l’aulos
fut ensuite fait en bois, en métal ou en
ivoire. C’était une sorte de chalumeau
commun à plusieurs civilisations antiques : Sumer, Babylone, l’Égypte. Les
céramiques grecques, du VIIIe au IVe siècle
av. J.-C., représentent de nombreux instruments, très souvent faits de 2 tuyaux ;
l’un d’eux, plus grave, servait de basse et
l’autre de chant. Le nombre de trous pouvait varier de 4 à 15, selon les époques.
On observe 2 sortes d’auloi : les auloi
à embouchure de flûte, parmi lesquels on
trouve le monaulos, ou flûte droite, et la
syrinx, ou flûte de Pan, à plusieurs tuyaux,
très répandue ; et les auloi à anche double
qui ont une tessiture plus grave.
Certains auloi avaient des fonctions
précises : le plus petit, ou parthenos,
accompagnait les funérailles ou les sérénades ; le païdikon accompagnait les fêtes
et les banquets ; le kitharisteros était joué
dans les tragédies ; le teleios accompagnait
les « pean « ; enfin, l’hyperteleios, le plus
grave, accompagnait les libations aux
dieux.
Les auloi étaient non seulement des
instruments orgiastiques, mais aussi des
instruments très utilisés dans les grands
concours musicaux. Bien que n’ayant
pas un son très puissant, ils pouvaient
être utilisés pour marquer la cadence des
rameurs ou faire défiler les gymnastes ou
les soldats, car le son en était pénétrant. Il
semble que l’aulos double devait toujours
faire entendre deux sons à la fois, car il
était impossible à l’aulète de souffler dans
un seul tuyau sans souffler dans l’autre.
Dans les comédies d’Aristophane, on joue
de l’aulos durant les intermèdes. On disait
que les dieux de l’Olympe avaient peu de
goût pour l’aulos, car il appartenait à Dionysos, aux silènes et aux ménades.
AURIACOMBE (Louis), chef d’orchestre
français (Pau 1917 - Toulouse 1982).
De 1930 à 1939, il apprend le violon
et le chant à Toulouse, ville à laquelle il
demeurera attaché toute sa vie. D’abord
violoniste à l’Orchestre radio-symphonique de Toulouse, il apprend la direction
d’orchestre à partir de 1951 auprès d’Igor
Markevitch, dont il sera l’assistant de 1957
à 1968. En 1953, il fonde l’Orchestre de
chambre de Toulouse, composé d’une
vingtaine de cordes. Vivaldi et d’autres
compositeurs baroques sont l’essentiel
du répertoire de son ensemble, qui grave
plusieurs disques. Il dirige souvent des
orchestres d’étudiants de haut niveau, au
Conservatoire de Paris et au Mozarteum
de Salzbourg. Il crée aussi des oeuvres
d’Ohana et, en 1970, donne la première
américaine de Ramifications de Ligeti.
Gravement malade, il abandonne ses activités en 1971.
AURIC (Georges), compositeur français
(Lodève 1899 - Paris 1983).
Il fait ses études au conservatoire de
Montpellier, puis à celui de Paris, où il
est l’élève de G. Caussade pour le contrepoint et la fugue, et se lie avec Honegger
et Milhaud ; à la Schola cantorum, il suit
les cours de composition de V. d’Indy.
Il admire Satie, Stravinski et Chabrier.
Ce n’est pas par hasard que Cocteau lui
dédie, en 1919, le Coq et l’Arlequin, véritable manifeste de l’esprit nouveau placé
sous la houlette de Satie : membre du
groupe des Six, Auric est sans nul doute
le plus authentique représentant de l’esprit contestataire, voire provocateur, qui
anime ces musiciens. Plus tard, il accède
à de hautes fonctions officielles : président
de la S. A. C. E. M. (1954), administrateur
général de la réunion des théâtres lyriques
nationaux (1962-1968) ; il devient aussi
membre de l’Institut, en 1962. Mais il ne
se coupe jamais de la création vivante et,
avec une inlassable curiosité, sait se tenir
au courant des tendances les plus avantgardistes.
La peur de se prendre au sérieux engendre le ton désinvolte d’Auric, sa verve,
son ironie, qui s’expriment à travers un
langage clair, concis. Le compositeur aime
travailler en étroite relation avec les autres
arts, d’où un goût marqué pour la musique
de scène (Malbrough s’en va-t-en guerre de
Marcel Achard, 1924 ; le Mariage de M.
Le Trouhadec de Jules Romains, 1925 ; les
Oiseaux d’Aristophane, 1927 ; Volpone
de Ben Jonson, 1927, etc.), les ballets et
la musique de film. Étroitement mêlé au
second souffle des Ballets russes, il compose pour Diaghilev les Fâcheux (1924),
les Matelots (1925), la Pastorale (1926).
Plus tard, le Peintre et son modèle (1949),
Phèdre (1950), Chemin de lumière (1952)
révèlent la seconde manière d’Auric,
puissamment vivante et tragique ; ce sont
presque des oeuvres de théâtre, « car Auric
considère et traite les ballets comme des
opéras où la danse tient le rôle du chant »
(A. Goléa). Dans la musique de film, il voit
une occasion de rappro chement avec le
grand public, une expérience novatrice,
peut-être un moyen de renouer avec l’idée
de « musique d’ameublement » chère à
Satie. Dans ce domaine, le Sang du poète
(1931), écrit pour Cocteau, précède une
quarantaine de partitions, dont À nous la
liberté (René Clair, 1932), l’Éternel Retour
(Cocteau, 1943), la Symphonie pastorale
(Delannoy, 1946), la Belle et la Bête (Cocteau, 1946), les Parents terribles (Cocteau,
1946), Orphée (Cocteau, 1950), MoulinRouge (Huston, 1953). Parallèlement, dans
sa musique instrumentale, il sait retrouver
les ressources du contrepoint et manifeste
son sens aigu de la construction, en particulier dans la Sonate pour piano en fa
majeur (1931) et la Partita pour 2 pianos
(1955), conjonction de Satie et de Schönberg, méditation sur l’écriture sérielle. La
série tardive des Imaginées (1965-1973)
témoigne d’une réflexion sur les possibilités et la signification de la musique pure.
AUSTIN (Larry D.), compositeur américain (Duncan, Oklahoma, 1930).
Après ses études, il enseigne à l’université de Californie à Davis. Intéressé par
le jazz moderne, il cherche d’abord à en
étendre les possibilités, puis, ayant fondé
le New Music Ensemble, il opte pour une
« musique ouverte », plus ou moins libre
dans une rythmique non métrique. Ses
recherches se portent enfin vers l’union
de la « musique ouverte », de la technologie moderne et des ressources théâtrales. Ainsi réalise-t-il un certain nombre
d’oeuvres dites « theatrical pieces in open
style » comme The maze, Bass ou The magicians (pour enfants, sons vivants et électroniques, lumière noire, diapositives et
film), qu’il présente lui-même non comme
pièces de musique, mais comme « objets
de temps ». À partir de 1967, il a édité
Source, publication de musique d’avantgarde.
AUTHENTE (gr. : « qui domine », « principal »).
1. D’abord employé pour désigner trois
modes de la musique grecque antique, ce
terme sert, dans le système des huit modes
ecclésiastiques, à distinguer quatre modes
principaux, dits authentes, dont la mélodie
se déroule au-dessus de la finale, et quatre
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
42
autres, dits plagaux. Les quatre modes authentes sont le dorien (sur ré), le phrygien
(sur mi), le lydien (sur fa) et le mixolydien
(sur sol).
2.L’expression cadence authente est un
synonyme peu employé de cadence parfaite.
AUZON (Bruno d’), compositeur français
(Dijon 1948).
Spécialisé dans la musique électro acoustique, qu’il pratique surtout avec ses
moyens personnels au Studio de la Noette,
en Provence, il a fondé avec le pianiste
Jacques Raynaut et le flûtiste Gérard
Garcin un groupe d’interprétation de
musiques « mixtes » (pour instruments et
bande) et électroacoustiques. Ses Triades
1 et 2 (1977-78), Par la fenêtre entrouverte
(1978) et Des arbres de rencontre (1979),
pour percussion et bande, révèlent un
auteur sensible et personnel.
AVE MARIA.
La plus usuelle des prières à la Vierge. Sa
première partie réunit les deux salutations
adressées à Marie dans l’Évangile de saint
Luc, l’une par l’Ange (Ave gratia plena...
Dominus tecum) lors de l’Annonciation,
l’autre par Élisabeth à l’occasion de la
Visitation (Benedicta tu... fructus ventris
tui) avec ou sans l’addition des deux noms
propres, Maria et Jesus. Cette partie est
entrée très tôt dans l’office, d’abord sous
forme d’antienne jusqu’à in mulieribus,
puis d’offertoire, soit jusqu’à in mulieribus, soit jusqu’à ventris tui ; elle figure
déjà dans la liturgie dite de saint Jacques
le Mineur et dans l’antiphonaire grégorien
primitif. Sa seconde partie est une invocation ; elle n’est pas tirée de l’Écriture sainte
et date probablement du concile d’Éphèse
(431), sauf la partie terminale (nunc et in
hora mortis nostrae), qui serait une addition franciscaine du XIIIe siècle. Le texte
musical de l’antienne a souvent été pris
dans l’Ars antiqua comme teneur de motet
et, au XVIe siècle, comme thème de messe ;
mais, contrairement à ce qu’on pourrait
penser et malgré son extrême diffusion
dans la piété populaire, l’Ave Maria, en
tant que prière et sous sa forme usuelle,
n’a pas été très souvent mis en musique
en dehors de l’antienne ou de l’offertoire
liturgique. L’Ave Maria de Josquin Des
Prés est fondé sur une séquence qui développe elle-même un trope de l’antienne,
Ave Maria, Virgo serena. Celui d’Arcadelt
est un faux du XIXe siècle, dû au maître de
chapelle de la Madeleine à Paris, Dietsch.
Le célèbre Ave Maria de Schubert, écrit sur
une poésie allemande, que l’on a ensuite
réadaptée en latin de manière apocryphe,
est en réalité l’un des trois chants d’Ellen
dans la Dame du lac de Walter Scott. Et
le non moins célèbre Ave Maria de Verdi
est une prière d’opéra, celle de Desdémone au dernier acte d’Othello. Quant
à celui de Gounod, il s’agit de l’addition
arbitraire d’une mélodie au premier prélude du Clavier bien tempéré de Bach, ainsi
ravalé au rang d’accompagnement ; l’Ave
Maria a remplacé dans ce rôle, en 1859,
une première version datant de 1853, qui
comportait des paroles de Alphonse de
Lamartine.
L’Ave Maria dit « de Lourdes » est un
simple refrain de cantique populaire.
Jadis célèbres, les Ave Maria de Fenaroli
(1730-1818) et de Carafa (1787-1872) sont
aujourd’hui oubliés. Le seul Ave Maria
musical digne de ce nom est peut-être la
Salutation angélique des Prières (19141917) d’André Caplet.
À VIDE.
Expression relative à la manipulation
d’instruments à cordes.
Jouer une corde à vide, c’est faire résonner la corde en entier sans poser le doigt
dessus, ce qui raccourcirait la longueur de
la partie résonnante.
AVIDOM (Menahem), compositeur
israélien d’origine polonaise (Stanislas,
Pologne, 1908).
Après des études à Paris, il est professeur
à Tel-Aviv (1935-1945), secrétaire général de l’Orchestre philharmonique d’Israël
(1945-1952), conseiller artistique au ministère du Tourisme, et il devient président de la Ligue des compositeurs d’Israël
en 1955. Dans sa musique, les techniques
modernes se mêlent à des éléments de musique orientale et aux rythmes de danse de
son pays d’adoption. Il a composé 9 symphonies, 2 quatuors à cordes, 2 opéras et
un opéra bouffe.
PALAIS DES PAPES (chapelle du).
La papauté siégea en Avignon de 1305 à
1377. Le Grand Schisme suivit alors, avec
ses deux papes, l’un à Rome et l’autre
en Avignon, situation précaire qui dura
jusqu’en 1417. C’est durant la première de
ces deux périodes que la chapelle du palais
des Papes constitua non à proprement
parler une école, mais un important foyer
d’activité et de réforme musicale. Malgré
un fort penchant des compositeurs pour
la musique profane, qui fit l’objet d’une
bulle de Jean XXII en 1324, on possède
deux manuscrits, ceux d’Ivrée et d’Apt,
qui semblent représenter une partie du
répertoire de la chapelle. Ils contiennent
des pièces à 3 voix traitant l’ordinaire de
la messe, et font apparaître les noms de
Philippe de Vitry, Baude Cordier, Jean
Tapissier, etc. On sait aussi que Johannes
Ciconia fut au service de Clément V, aux
alentours de 1350.
AVIGNON (festival d’).
Ce fut initialement un festival d’art dramatique, créé en septembre 1947 sous
l’impulsion de l’acteur et metteur en scène
Jean Vilar, du poète René Char et de personnalités avignonnaises. Dès l’origine,
la musique fit partie intégrante des spectacles de théâtre. Elle était signée par M.
Jarre, G. Delerue, J. Besse, K. Trow, J. Prodromidès. Au bout de quelques années,
des concerts vinrent s’ajouter aux programmes, en particulier des cycles d’orgue
donnés dans les églises de la région. En
1968, un concert de l’Ensemble polyphonique de Paris, dirigé par Charles Ravier, comportant des oeuvres de B. Jolas,
C. Ballif et G. Arrigo où « les limites de
l’exploration vocale étaient diversement
élargies » (G. Erismann), ouvrit l’ère du
théâtre musical. Dès 1969, cette forme, où
l’esprit d’ouverture, la participation du
public, la polyvalence des exécutants s’accordaient à l’évolution de l’ensemble du
festival, prit une part importante dans les
programmes. Depuis, plusieurs dizaines
d’oeuvres ont été jouées, le plus souvent en
création. Les auteurs en sont, entre autres,
C. Prey (Fêtes de la faim, 1969 ; On veut la
lumière... allons-y !, 1969 ; les Liaisons dangereuses, 1974), G. Aperghis (Pandaemonium, 1973 ; Histoires de loups, 1976, etc.),
G. Arrigo (Orden, 1969), A. Boucourechliev, P. Drogoz, A. Duhamel, A. Essyad,
H. W. Henze, B. Jolas, M. Kagel, G. Ligeti,
F.-B. Mâche, I. Malec, M. Ohana, M. Puig,
R. Wilson et Ph. Glass, S. Yamashta.
AVISON (Charles), compositeur et organiste anglais (Newcastle 1709 - id. 1770).
Auteur de sonates et de concertos, il organisa dans sa ville natale et à Durham des
sociétés musicales et des concerts par
abonnement. Il est surtout connu par
son traité An Essay on Musical Expression
(1752) et par ses arrangements sous forme
de concertos grossos de douze sonates de
Domenico Scarlatti.
AX (Emmanuel), pianiste polonais naturalisé américain (Lvov 1949).
Il travaille d’abord le piano avec son père
en Pologne. Après l’installation de sa
famille à New York en 1961, il entre à la
Juilliard School où il reçoit l’enseignement de Mieczyslaw Munz. Un premier
concert à New York en 1973 marque le
début de sa carrière, qui devient rapidement internationale. Après avoir été
lauréat des Concours Chopin à Varsovie (1970) Vianna da Motta à Lisbonne
(1971) et Reine Élisabeth de Belgique
(1972), il remporte en 1972 le Ier Prix du
Concours Rubinstein de Tel-Aviv, puis
en 1979 l’Avery Fisher Prize. Les années
80 sont marquées par la création d’un
trio avec le violoniste Young Uck Kim
et le violoncelliste Yo-Yo Ma (avec lesquels il enregistre plusieurs oeuvres de
Brahms), et d’un duo avec Yo-Yo Ma.
Depuis 1990, Emmanuel Ax s’est aussi
beaucoup intéressé à Haydn, dont il a
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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enregistré plusieurs sonates, et à la musique du XXe siècle, interprétant Tippett,
Henze ou Copland et créant des oeuvres
d’Ezra Ladermann, William Bolcom et
Joseph Schwantner.
AYRE.
Équivalent de l’air de cour, en France, à
la même époque, ayre est le nom donné à
la chanson anglaise à la fin du XVIe siècle,
et surtout pendant une courte période de
trente années environ au début du siècle
suivant.
Cette chanson était généralement
conçue pour une voix seule (parfois deux,
en dialogue) accompagnée au luth avec
l’adjonction toujours possible d’une basse
de viole. Souvent le luthiste était luimême le chanteur. C’était le cas du maître
incontesté du genre, John Dowland. Mais
d’autres musiciens illustrèrent cette forme
avec autant de talent. Nous ne citons ici
que quelques noms : Th. Morley, Ph. Rosseter, Th. Campion, Th. Ford.
Comme pour l’air de cour français, la
forme de l’ayre anglais est généralement
strophique, la musique étant composée
sur le texte de la première strophe. Cela
pose souvent des problèmes de prosodie
lors d’une exécution des autres strophes
sur la même musique. Parfois, cependant, un ayre est durchkomponiert, par
exemple l’admirable plainte de Dowland,
In Darkness Let Me Dwell. Une grande
importance est accordée à la beauté mélodique et à des recherches harmoniques.
Il est fréquent que l’ayre anglais soit plus
strictement mesuré que son équivalent
français.
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B.
Lettre par laquelle a été désignée d’abord
la note ré dans la notation médiévale du
système de Notker Balbulus, puis la note si
dans le système d’Odon de Cluny.
Elle indique toujours le si naturel
dans les pays de langue anglaise, mais le
si bémol (B flat en anglais) dans ceux de
langue allemande, où le H représente le si
naturel. En ce qui concerne la désignation
des tonalités, B et b (majuscule et minus-
cule) indiquent respectivement, pour les
Anglais, si majeur et si mineur, pour les
Allemands, si bémol majeur et si bémol
mineur ; pour ces derniers enfin, Bes représente si double bémol.
BABBITT (Milton), compositeur et théoricien américain (Philadelphie 1916).
Mathématicien, il ne vint à la musique
qu’à la suite de ses rencontres avec Marion Bauer, Philip James et surtout Roger
Sessions, qui l’incita à mettre rapidement
un terme à une carrière de compositeur
de chansons et de comédies musicales.
Subtil théoricien de la technique sérielle,
reprenant et étendant la dernière manière
de Schönberg dans l’utilisation des douze
sons, il a créé un système personnel reposant sur une plus grande complexité et un
plus grand raffinement des intervalles, liés
à l’idée structurale qui sert de point de
départ à l’oeuvre. Cette reformulation de
la base empirique de la tradition musicale
s’accompagne d’une exploration logique
de la matière sonore dans ce qu’elle a de
plus abstrait, qu’il s’agisse des possibilités
des instruments ou de l’électronique. Professeur à l’université de Princeton, puis à
la Julliard School, directeur du Centre de
musique électronique de Columbia-Princeton et directeur de la musique à l’université de New York, il exerce une très
grande influence sur les jeunes composiB
teurs, et, s’il n’est pas absolument reconnu
comme le chef de file de l’école américaine
(notamment par le groupe de John Cage),
il en demeure l’une des personnalités les
plus importantes. Son rayonnement s’est
également exercé à travers ses ouvrages
théoriques (Some aspects of 12 tones compositions ; Past and present of the nature
and limits of music ; The use of computers
in musicological research ; 12 tones rhytm
structure and the electronic medium),
ainsi que par ses conférences, données
aux États-Unis et en Europe (Salzbourg,
Darmstadt), où il analyse ses conceptions
avec brio.
L’oeuvre de Babbitt comprend de la musique de piano, de la musique de chambre,
de la musique pour voix et piano ou bande
magnétique et des compositions pour instruments électroniques.
BACARISSE (Salvador), compositeur es-
pagnol (Madrid 1898 - Paris 1963).
Prix national de composition musicale
dans son pays en 1923, 1930 et 1934,
critique musical, directeur artistique de
l’Unión Radio de Madrid et de différents
organismes culturels jusqu’à la guerre
civile, Salvador Bacarisse vécut exilé en
France à partir de 1939. C’était un traditionaliste, dont l’oeuvre, en majeure
partie orchestrale, franche d’accent et ardemment optimiste, ne conservait qu’un
contact discret avec l’art et le folklore
espagnols.
BACCALONI (Salvatore), basse italienne
(Rome 1900 - New York 1969).
Enfant, il fut soprano dans les choeurs de
la chapelle Sixtine. Il débuta au théâtre
Adriano de Rome dans le Barbier de Séville
(rôle de Bartholo) et fut engagé à la Scala
de Milan par Toscanini en 1927. Dès lors,
il s’imposa comme la plus célèbre basse
bouffe de son époque. Il chanta aux festivals de Glyndebourne (1936-1939) et de
Salzbourg avant d’émigrer, au moment de
la guerre, aux États-Unis, où il demeura
longtemps attaché au Metropolitan Opera
de New York. Salvatore Baccaloni possédait un timbre profond, que pourraient
envier nombre de basses dramatiques, et
un talent d’acteur exceptionnel. Bartholo
(le Barbier de Séville, les Noces de Figaro),
Osmin (l’Enlèvement au sérail), Alfonso
(Cosi fan tutte), Leporello (Don Juan) et
Don Pasquale furent ses rôles les plus
marquants.
BACCHANALE.
Morceau de musique ou de danse dans le
caractère des fêtes bachiques, lesquelles
célébraient, dans le monde antique, le
culte de Dionysos (Bacchus).
À l’époque de la Renaissance, le terme
a été appliqué à des compositions vocales,
sur des thèmes populaires et burlesques,
qui se chantaient à Florence. Mais il désigne surtout les divertissements d’opéra
qui s’inspirent des danses des bacchantes,
traditionnellement désordonnées et
teintées d’érotisme. La bacchanale de
Tannhäuser de Wagner et celle de Samson et Dalila de Saint-Saëns sont les plus
typiques.
BACEWICZ (Grażyna), femme compo-
siteur polonaise (Ðód’z 1913 - Varsovie
1969).
Elle étudia au conservatoire de Varsovie la composition avec K. Sikorski et le
violon avec J. Jarzebski, puis travailla à
Paris avec Nadia Boulanger. En tant que
violoniste, elle donna pendant plusieurs
années des séries de concerts en Pologne
et à l’étranger, avant de se consacrer à la
composition. Elle a reçu dans son pays le
prix d’État en 1950 et 1952. La démarche
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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musicale de ses débuts était d’expression
néoclassique et fortement teintée par la
musique populaire. Ultérieurement,
Grażyna Bacewicz s’est ouverte à la nouvelle musique et a participé à son développement, notamment dans le cadre du
sérialisme. Son oeuvre comprend essentiellement des compositions orchestrales,
ainsi qu’un ballet (le Paysan qui devint un
roi, 1953) et un opéra radiophonique (les
Aventures du roi Arthur, 1959).
BACH (Carl Philip Emanuel), compositeur allemand (Weimar 1714 - Hambourg 1788).
Deuxième fils de J. S. Bach et de sa première femme Maria Barbara, et deuxième
de ses quatre fils musiciens, le « Bach de
Berlin et de Hambourg » fut l’élève de son
père à Saint-Thomas, grava lui-même à
17 ans son premier menuet, et, après de
solides études de droit, devint en 1738
claveciniste dans l’orchestre du prince
héritier de Prusse. Lorsque celui-ci accéda
au trône sous le nom de Frédéric II, il le
suivit à Potsdam. Il se révéla rapidement
un maître de la musique instrumentale,
en particulier du clavier, et, à ce titre,
marqua profondément son époque, aussi
bien par ses Sonates prussiennes (1742),
ses Sonates wurtembergeoises (1744) ou ses
Sonates avec reprises variées (1760) que par
son Essai sur la véritable manière de jouer
des instruments à clavier (Versuch über die
wahre Art, das Clavier zu spielen, 1753 et
1762, traduction française, Paris, 1979).
Ce traité est fondamental pour la connaissance des questions d’interprétation au
XVIIIe siècle. Des années berlinoises ne
datent que deux ouvrages religieux, la
cantate de Pâques Gott hat den Herzn
auferwecket (1756) et surtout le Magnificat en ré (1749). À la mort de son parrain,
Telemann (1767), il lui succéda comme
directeur de la musique à Hambourg et
occupa ce poste de 1768 à sa mort. Là, il
fit entendre le Messie de Haendel, le credo
de la Messe en si de son père, le Stabat
Mater de Haydn et composa lui-même
une assez grande quantité de musique
religieuse dont les oratorios Cantate de
la Passion (1769 ?), Die Israeliten in der
Wüste (« Les Israélites dans le désert »,
version originale 1769) et Die Auferstehung und Himmelfahrt Jesu (« La résurrection et l’ascension de Jésus », version
originale 1774), de nouveaux ouvrages
pour clavier (6 recueils de Sonates, rondos
et fantaisies pour connaisseurs et amateurs
parurent de 1779 à 1787), de la musique
de chambre et 10 symphonies (la moitié
de sa production en ce domaine) : 6 pour
cordes à l’intention du baron Van Swieten
(1773) et 4 pour grand orchestre, parues
en 1780. Dans son héritage se trouvaient
la plupart des documents originaux de
la famille Bach. Contrairement à celle de
son frère, Wilhelm Friedemann, sa musique fut largement éditée de son vivant
et sa renommée fut grande. Haydn (qui
travailla ses sonates dans sa jeunesse) et
Mozart l’admirèrent profondément, et le
premier surtout, par certains côtés, fut son
continuateur. Pionnier du concerto pour
clavier (une cinquantaine), il fut, par ses
brusques modulations dramatiques, ses
rythmes imprévus, sa démarche parfois
velléitaire, le plus grand représentant en
musique de l’Empfindsamkeit. « Un musicien ne peut émouvoir que s’il est ému
lui-même », disait-il volontiers, et, sous
les notes d’un des dix-huit Probe-Stücke
accompagnant l’Essai..., à caractère de
récitatif, le poète Heinrich Wilhelm von
Gerstenberg (1727-1823) put inscrire les
paroles du monologue d’Hamlet. Son instrument préféré était le clavicorde. Parmi
les domaines injustement méconnus de sa
production, une vaste série d’Odes et lieder
pour voix avec accompagnement de clavier. De la galanterie il sut éviter les écueils
et il occupa en son siècle, pas seulement
comme adepte de la nouvelle « forme
sonate », une position unique. Il fut d’ailleurs le seul musicien de son rang à avoir
couvert, par une production abondante,
tout le deuxième tiers et une bonne partie du troisième tiers du XVIIIe siècle. Le
catalogue de ses oeuvres dressé par Alfred
Wotquenne (1905) est à peu de choses
près une copie de celui, incomplet, réalisé
après la mort du compositeur par un de
ses amis, l’organiste Johann Jacob Heinrich Westphal (1756-1825). Un autre, dû à
Eugen Helm, est paru en 1989.
BACH (Georg Christoph), compositeur
allemand (Erfurt, Saxe, 1642 - Schweinfurt, Basse-Franconie, 1697).
Fils de Christoph Bach (1613-1661),
Georg Christoph occupa, vingt ans durant,
le poste de cantor à Themar (Saxe), avant
d’obtenir la même charge à Schweinfurt.
Là, il reçut la visite de ses frères Johann
Christoph et Johann Ambrosius et, pour
cette occasion, il composa une cantate sur
le psaume 133 : Siehe wie fein und lieblich...
(Oh ! qu’il est agréable et doux pour des
frères de demeurer ensemble !).
BACH (Heinrich), compositeur allemand
(Wechmar 1615 - Arnstadt 1692).
Fils de Johannes Bach, il fut d’abord musicien de la ville d’Erfurt, puis organiste à la
Liebfrauenkirche et à l’Oberkirche d’Arnstadt. Il composa de nombreux concertos,
des préludes de choral, des chorals, des
motets et des cantates. Comme organiste,
il jouit d’une assez grande réputation à
son époque.
BACH (Johann Bernhard), compositeur
allemand (Erfurt, Saxe, 1676 - Eisenach,
Saxe, 1749).
Fils de Johann Aegidius, il étudia Erfurt
avec Pachelbel avant de débuter comme
organiste à la Kaufmannskirche (1695). Il
fut ensuite nommé à Magdebourg, puis à
Eisenach où il resta jusqu’à sa mort. Une
partie seulement de ses compositions a été
conservée (oeuvres pour orgue, chorals,
fugues et 4 suites pour orchestre).
BACH (Johann Christian), compositeur
allemand (Leipzig 1735 - Londres 1782).
Dernier enfant de J. S. Bach et de sa seconde femme Anna Magdalena, et dernier de ses quatre fils musiciens, le « Bach
de Milan et de Londres » - appelé aussi
Jean Chrétien - n’avait que quinze ans à
la mort de son père et profita moins que
ses deux demi-frères et que son frère de
son influence et de ses conseils. Après
1750, il poursuivit sa formation à Berlin auprès de son demi-frère Carl Philip
Emanuel, et, en 1755, alla en Italie, voyage
qu’auparavant aucun Bach n’avait effectué. Là, il fut protégé par le comte Litta,
devint l’élève du padre Martini, composa
de la musique sacrée (Dies irae) et des
opéras (genre qu’avant lui aucun Bach
n’avait pratiqué), se lia avec Sammartini,
et, pour devenir organiste à la cathédrale
de Milan, se convertit au catholicisme. Il
donna à Turin Artaserse (1760) et à Naples
Catone in Utica (1761) et Alessandro nell’
Indie (1762). En 1762, il arriva à Londres
comme compositeur attitré du King’s
Theatre, et pendant vingt ans, premier
Bach cosmopolite, premier Bach mondain, il participa activement à la vie musicale et théâtrale intense de la capitale britannique (où il accueillit en 1764 l’enfant
Mozart et sa famille). Il organisa et dirigea
à partir de 1765 avec le gambiste Carl Friedrich Abel les concerts par abonnements
Bach-Abel (tenus à partir de 1775 à Hanover Square Rooms), fit chaque mercredi de
la musique chez la reine, devint professeur
des enfants royaux, introduisit en Angleterre le piano-forte. Dès 1763, il donna à
Londres les opéras Orione et Zenaida, et en
1778 encore La Clemenza di Scipione. On
le vit à Mannheim en 1772 et peut-être en
1775 pour les créations respectives de Temistocle et de Lucio Silla, et en 1778 à Paris
(où il retrouva Mozart) afin de signer un
contrat pour un opéra français (Amadis
de Gaule, 1779). Sa mort prématurée émut
surtout ses créanciers, mais provoqua
chez Mozart cette réaction rare : « Bach
n’est plus, quelle perte pour la musique ! »
Ivresse mélodique, élégance, sensualité,
facilité apparente caractérisent son style
(il fut l’un des créateurs de l’allegro chantant repris par Mozart), mais n’en cachent
pas moins le métier le plus sûr. D’une production très abondante, mais dont seule
une partie fut éditée de son vivant, citons
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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les douze sonates pour clavier op. 5 et op.
17, les six quintettes op. 11, les dix-huit
concertos pour clavier op. 1 (le finale du
sixième et dernier est une série de variations sur le God Save the King), op. 7 et op.
13, les vingt-quatre symphonies op. 3, op.
6, op. 8, op. 9 et op. 18. Certaines de ces
symphonies sont en fait des ouvertures
d’opéra, comme par exemple le célèbre op.
18 no 2 (ouverture de Lucio Silla). On lui
doit aussi de très nombreuses symphonies
concertantes et des airs de concert dont
l’un (Ebben si vada) avec piano obligé. Il
sacrifia largement au style galant, mais
des oeuvres comme la sonate en ut mineur
op. 5 no 6 ou la symphonie en sol mineur
op. 6 no 6 nous montrent (comme ses
improvisations au clavier montraient à
ses contemporains) que lui aussi savait
explorer profondeur et passion. Une des
clés du personnage réside sans doute dans
cette confidence à un ami : « Mon frère
Carl Philip Emanuel vit pour composer,
et, moi, je compose pour vivre. »
BACH (Johann Christoph), compositeur
allemand (Arnstadt, Saxe, 1642 - Eisenach, Saxe, 1703).
Fils de Heinrich et petit-fils de Johannes,
il fut organiste à Arnstadt, puis à Eisenach
où il joua dans les trois églises, notamment à la Georgenkirche. Excellent musicien, il composa beaucoup. J. S. Bach joua
quelques-unes de ses oeuvres à Leipzig et
C. Ph. E. Bach le tenait en estime. Johann
Christoph laissa des oeuvres pour le clavier
(orgue ou clavecin), dont 44 chorals pour
le service divin, des cantates et des motets.
Ses quatre fils furent également musiciens.
On le considère généralement comme le
plus grand musicien de la famille Bach,
antérieur à Jean-Sébastien.
BACH (Johann Christoph Friedrich),
compositeur allemand (Leipzig 1732 Bückeburg 1795).
Fils aîné de J. S. Bach et de sa seconde
femme Anna Magdalena et troisième de
ses quatre fils musiciens, le « Bach de Bückeburg » fut éduqué par son père et mena,
contrairement à ses frères, une carrière
modeste et peu agitée. Engagé au début
de 1750, juste avant la mort de son père, à
la cour du comte de Schaumburg-Lippe à
Bückeburg (Westphalie), il devait y rester
jusqu’à sa mort, au service des comtes Wilhelm (jusqu’en 1777) et Friedrich Ernst
(1777-1787), puis de la régente Juliane.
Il dut d’abord se consacrer surtout à la
musique italienne, en particulier jusqu’au
départ en 1756 du maître de concerts Angelo Colonna et du compositeur G. B. Serini. La fin de la guerre de Sept Ans (1763)
marqua pour la chapelle de Bückeburg un
nouveau départ. L’écrivain Johann Gottfried Herder, qui séjourna à Bückeburg
de 1771 à 1776, écrivit pour J. C. F. Bach
les textes des oratorios Die Kindheit Jesu
(« l’Enfance de Jésus », 1773) et Die Auferweckung des Lazarus (« la Résurrection
de Lazare », 1773) et de diverses cantates.
En 1778, il rendit visite, à Londres, à son
frère Johann Christian. La plupart de ses
oeuvres ne franchirent jamais les limites
de Bückeburg. De ses vingt symphonies,
dont sept seulement ont été préservées intégralement, la dernière, en si bémol majeur (1794), est un chef-d’oeuvre durable
de l’époque classique. Dans les quinze
dernières années de sa vie, surtout dans le
domaine instrumental (sonates, musique
de chambre, concertos), il fut moins influencé qu’auparavant par son demi-frère
Carl Philip Emanuel et par les maîtres de
l’Allemagne du Nord et se rapprocha du
style de son frère Johann Christian et de
l’équilibre classique. Il mit en outre à ses
programmes des oeuvres de ses contemporains « avancés », dont Mozart. Avec son
fils Wilhelm Friedrich Ernst (1759-1845),
également musicien, devait s’éteindre la
descendance mâle de Jean-Sébastien. Un
catalogue des oeuvres de J. C. F. Bach a été
réalisé par Hannsdieter Wohlfarth (1960,
réimpr. 1971). ( ! NEUBAUER.)
BACH (Johann Ernst), compositeur allemand (Eisenach, Saxe, 1722 - id. 1777).
Il étudia avec son père, Johann Bernhard
Bach, et avec son petit cousin, Johann
Sebastian. D’abord élève à l’école SaintThomas de Leipzig, il entreprit ensuite son
droit à l’université de la même ville. En
1749, il fut nommé organiste à la Georgenkirche d’Eisenach. La même année, il
dédia au prince de Weimar une série de
fables mises en musique. Lorsque le prince
accéda au pouvoir (1756), Johann Ernst
devint chef d’orchestre de la Cour tout
en conservant ses fonctions d’organiste à
Eisenach.
Johann Ernst Bach a laissé des sonates
pour clavier ou pour violon et clavier, des
cantates d’église, des cantates profanes,
une messe, un Magnificat, des psaumes.
Outre ses compositions, il écrivit la préface d’un ouvrage du théoricien Jakob
Adlung, Anleitung zu der musikalischen
Gelahrtheit (méthode d’éducation musicale).
BACH (Johann Ludwig), compositeur
allemand (Steinbach 1677 - Meiningen,
Saxe, 1741).
Surnommé le « Bach de Meiningen », il
étudia la théologie avant d’être musicien
à Salzungen. En 1708, il fut nommé cantor et maître des pages de Bernhard Ier à
Meiningen, puis, en 1711, directeur de
l’orchestre de la Cour. Johann Sebastian
a recopié de sa main les 18 cantates allemandes de Johann Ludwig Bach. Celuici est également l’auteur d’une Suite pour
orchestre.
BACH (Johann Michael), compositeur
allemand (Arnstadt, Saxe, 1648 - Gehren,
Saxe, 1694).
Fils de Heinrich Bach et frère de Johann
Christoph, il était le père de Maria Barbara, première femme de Johann Sebastian. Il étudia avec son père et fut, jusqu’en
1673, organiste à la cour d’Arnstadt, puis
organiste à Gehren. Il fut également facteur d’instruments, expert en instruments
à clavier et en violons. Ses oeuvres, essentiellement destinées à l’orgue, comptent
aussi des motets et des cantates.
BACH (Johann Nicolaus), compositeur
allemand (Eisenach, Saxe, 1669 - Iéna,
Saxe, 1753).
Fils de Johann Christoph, il commença
ses études à Eisenach, puis, en 1689, entra
à l’université d’Iéna. En 1695, il obtint
un poste d’organiste dans deux églises
d’Iéna ; il en conserva un jusqu’à l’âge de
80 ans.
Il construisit des clavecins et inventa
le Lautenwerk, sorte de luth muni d’un
clavier. L’organiste Jakob Adlung fut l’un
de ses élèves. De ses oeuvres, il reste une
messe brève, un Bicinium pour orgue et
une cantate burlesque (le Crieur de vin et
de bière d’Iéna).
BACH (Johann Sebastian), compositeur
allemand (Eisenach, Saxe, 1685 - Leipzig
1750).
Issu d’une lignée de musiciens-ménétriers - organistes et cantors fixés en Thuringe depuis le XVIe siècle, dont l’un au
moins, Johann Christoph (1642-1703),
cousin germain de son père, avait été un
compositeur d’une importance particulière -, il naquit le 23 mars 1685, la même
année que Haendel et D. Scarlatti. Il était
le dernier des huit enfants de Johann
Ambrosius Bach (1645-1695), musicien
des villes d’Erfurt et d’Eisenach, et d’Elisabeth Lämmerhirt (1644-1694). Johann
Sebastian Bach fit des études générales,
brillantes, au gymnasium d’Eisenach et
eut l’occasion d’entendre son cousin Johann Christoph au clavecin et à l’orgue.
Une oeuvre de ce dernier - le motet à 8
voix Ich lass dich nicht - devait lui être plus
tard attribuée.
ÉTUDES ET APPRENTISSAGE.
Recueilli, à la mort de son père, par son
frère aîné Johann Christoph (1671-1721),
élève de Pachelbel et organiste à Ohrdruf,
Bach poursuivit son instruction générale
au lyceum d’Ohrdruf et fit ses études musicales avec son frère. À 15 ans, grâce à sa
belle voix, il fut admis dans la manécanterie de la Michaeliskirche de Lüneburg :
d’après les statuts, les choristes devaient
être « nés de pauvres gens, sans aucune
ressource, mais possédant une bonne
voix ». Là, il lut et copia beaucoup de musique, fit la connaissance des organistes
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
47
J. J. Löwe, ancien élève de Schütz, et de
G. Böhm. Il effectua plusieurs voyages
à Hambourg pour y écouter J. A. Reinken, entendit la chapelle française du duc
de Celle et découvrit ainsi, entre autres,
les oeuvres instrumentales de François
Couperin. Avec le facteur d’orgues J. B.
Held, il apprit à construire, à expertiser
et à réparer les orgues, domaine où sa
réputation dépassa bientôt celle de ses
contemporains.
LES DÉBUTS D’ORGANISTE.
Quelque temps violoniste dans l’orchestre
privé du duc Johann Ernst de Weimar,
Bach fut nommé, en août 1703, organiste à
la Neue Kirche d’Arnstadt, où il composa
ses premières oeuvres religieuses - la cantate Denn du wirst meine Seele nicht in der
Hölle lassen (« Car tu ne laisserais pas mon
âme en enfer ») BWV 15 - et ses premières
pages pour clavier, dont le Capriccio sopra
la lontananza del suo fratello dilettissimo
(« Caprice sur l’éloignement de son frère
bien-aimé »). Il s’essaya à la toccata, au
prélude et fugue, au prélude de choral.
En octobre 1705, il fit à pied le voyage
d’Arnstadt à Lübeck pour y entendre le
célèbre organiste Buxtehude, qui lui offrit
sa succession : mais Bach, comme d’autres
avant et après lui, recula à la perspective
de devoir épouser la fille du vieux maître.
De retour à Arnstadt, il attira sur lui
les foudres de ses supérieurs à la fois en
raison de son absence prolongée et de
par sa façon « inhabituelle » de jouer de
l’orgue. Ces incidents et d’autres - comme
l’indiscipline et le manque de dons pour
la musique des choristes dont il avait la
charge - le décidèrent à accepter, au cours
de l’été 1707, la succession de Johann
Georg Ahle à la Blasiuskirche de Mühlhausen. Le 17 octobre de la même année,
il épousa sa cousine Maria Barbara (16841720), fille de Johann Michael Bach (16481694), organiste à Gehren. Celle-ci devait
lui donner sept enfants, dont deux grands
musiciens, Wilhelm Friedemann (17101784) et Carl Philip Emanuel (1714-1788).
À Mühlhausen, il composa trois cantates
d’église : Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu
dir (« Des profondeurs, je t’appelle, Seigneur ») BWV 131, Gott ist mein König
(« Dieu est mon roi ») BWV 71, et Der
Herr denket an uns (« Le Seigneur pense à
nous ») BWV 196.
D’UNE COUR À L’AUTRE.
En 1708, Bach devint musicien de chambre
et organiste à la cour de Weimar, où en
Thuringe, depuis 1707, son cousin Johann
Gottfried Walther était organiste et enseignait la musique aux jeunes princes. Plus
tard, sous le règne de Charles Auguste
(1775-1828), cette Cour devait devenir
« l’Athènes de l’Allemagne », devenir le
lieu de résidence de Goethe et de Schiller, et attirer des hommes célèbres dans
tous les domaines de la culture. Du temps
de Bach, elle se distinguait déjà des autres
cours allemandes, en particulier par une
atmosphère d’austérité qui contrastait fortement avec le faste et la frivolité de mise
ailleurs. Tout tournait autour de la religion, et Bach eut la chance de trouver là
un patron dont les idées musicales allaient
en gros dans le même sens que les siennes.
Plusieurs voyages le menèrent à Cassel
(1714), à la cour du duc Christian de SaxeWeissenfels (1716) et à Dresde (1717), où
il devait rencontrer Louis Marchand pour
une sorte de joute musicale, mais l’organiste français, craignant sans doute une
défaillance, se déroba. À Weimar, Bach
composa ses premières grandes oeuvres
pour orgue (en particulier, le début de
l’Orgelbüchlein, recueil de 46 chorals, et
des pièces très célèbres comme la Toccata
et fugue en « ré » mineur et la Passacaille
et fugue en « ut » mineur) et pour clavier
(toccatas, concertos d’après Vivaldi, Telemann, A. Marcello et le duc Johann Ernst
de Weimar). La Cour était luthérienne
et fort pieuse : d’où, chaque mois, de la
part de Bach, une nouvelle cantate pour
l’excellent ensemble de chanteurs et d’instrumentistes dont il disposait.
Toutefois, à la mort du maître de chapelle J. S. Drese (décembre 1716), Bach
n’obtint pas sa succession, et, pour exprimer son mécontentement, il fit une sorte
de « grève sur le tas » tout en cherchant
un autre poste ailleurs. Une offre lui était
justement parvenue du prince Léopold
d’Anhalt-Köthen, mais, quand il fit part
de ses intentions au duc régnant de Weimar, celui-ci le mit aux arrêts « pour avoir
sollicité son congé avec trop d’obstination ». En 1717, Bach arriva néanmoins
à Köthen, où ses tâches allaient être bien
différentes de celles qu’il avait connues à
Weimar.
La cour de Köthen était réformée (calviniste) : Bach ne devait donc ni jouer
de l’orgue ni composer de la musique
d’église. En revanche, le prince Léopold,
passionné de musique instrumentale,
attendait beaucoup en ce genre de son
nouveau maître de chapelle. Il en obtint
plus qu’il n’avait jamais espéré : Concerts
brandebourgeois, dédiés, au printemps
1721, à Christian Ludwig, margrave de
Brandebourg ; suites, partitas et sonates
pour orchestre, violon seul, violoncelle
seul, viole de gambe, flûte ou violon avec
clavecin obligé ou continuo ; concertos
pour violon ; et pour clavier (clavecin),
le livre I du Clavier bien tempéré (1722),
les 30 inventions et sinfonie, la Fantaisie
chromatique et fugue (1720), le Petit Livre
de clavier de Wilhelm Friedemann Bach
(1720) et celui d’Anna Magdalena (1722),
les suites anglaises et françaises. Ayant
perdu Maria Barbara (juin 1720), Bach se
remaria, en décembre 1721, avec la cantatrice Anna Magdalena Wilcken (17011760), qui allait lui donner treize enfants,
parmi lesquels deux autres grands musiciens, Johann Christoph Friedrich (17321795) et Johann Christian (1735-1782).
LE CANTORAT À SAINT-THOMAS.
À l’automne 1720, Bach se rendit à Hambourg et improvisa devant le vieux Reinken sur le choral An Wasserflüssen Babylon (c’est ce choral qui, dans l’éblouissante
exécution de Reinken, l’avait tenu luimême sous le charme quelque vingt ans
auparavant). À la fin, Reinken, d’ordinaire
avare de louanges, s’écria : « Je pensais
que cet art était mort, mais je vois qu’il vit
encore en vous. »
En 1722, le prince Léopold, au service
duquel Bach pensait passer le reste de ses
jours, se maria. Or sa femme n’aimait ni
la musique - Bach la traita d’amusa - ni
l’art en général, et les conditions à la cour
de Köthen changèrent totalement. Mais
il se trouva qu’après la mort de Johann
Kuhnau, cantor à l’école Saint-Thomas de
Leipzig, le conseil de la ville avait proposé
le poste à Telemann et à Johann Christoph
Graupner, qui, tous deux, l’avaient refusé,
puis à Bach. Celui-ci, ayant accepté, fut
nommé en mai 1723 ; il devait rester à
Leipzig jusqu’à sa mort.
À Saint-Thomas, Bach assurait l’enseignement musical aussi bien que les cours
de latin. La chorale de l’école était formée
de musiciens médiocres ; sur 55 élèves, 17
seulement étaient capables de remplir correctement leur tâche. Outre ces fonctions,
il était chargé de la musique des églises
Saint-Thomas et Saint-Nicolas, ainsi que
de celles de la ville et de l’université pour
les cérémonies officielles. Ses relations
avec l’université, le recteur Ernesti et le
conseil de la ville allaient être marquées
par d’incessantes disputes. Le conseil se
plaignait des fréquentes absences de Bach,
qui se rendait à Weimar, à Cassel - où il
joua sur l’orgue de la Martinuskirche
(1732) -, à Dresde, où vivaient Johann
Adolf Hasse et son épouse, la célèbre cantatrice Faustina Bordoni. Dans cette dernière ville, il jouissait de l’estime du comte
Hermann Carl Keyserling, pour qui il
composa les Variations Goldberg (publiées
en 1742), et joua sur l’orgue Silbermann
de la Sophienkirche.
En 1741, Bach visita Berlin, et, au printemps 1747, il se rendit à Potsdam sur l’invitation de Frédéric II de Prusse, au service duquel se trouvait son fils Carl Philip
Emanuel. Bach improvisa une fugue sur
un sujet donné par le roi, et, à son retour
à Leipzig, en tira l’Offrande musicale.
Mais une maladie des yeux, s’aggravant
durant les dernières années, devait lui
ôter presque entièrement la vue à la fin
de 1749. Son élève - et gendre - Johann
Christoph Altnikol allait écrire, sous sa
dictée, ses dernières oeuvres.
Dans les premières années de son cantorat à Leipzig, Bach composa surtout des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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cantates d’église, ainsi que l’Oratorio de
Pâques et le Magnificat. Cette période fut
couronnée par la Passion selon saint Matthieu, exécutée en 1729, le jour du vendredi saint. Bach écrivit ensuite des cantates profanes pour les fêtes en l’honneur
de la famille régnante de Saxe, duché dont
la capitale était Dresde, mais sur le territoire duquel se trouvait Leipzig (de 1697 à
1763, les princes-électeurs de Saxe furent
en même temps rois de Pologne). L’année
1733, qui vit Frédéric Auguste II succéder à son père, fut marquée par de nombreuses festivités, auxquelles Bach contribua par trois cantates différentes pour la
fête du nouveau monarque et les anniversaires de son fils le prince héritier et de
son épouse. À cette époque appartiennent
aussi les deux premières parties de la Klavierübung : d’une part, les 6 partitas dont
la publication s’étendit jusqu’en 1731 et,
d’autre part, l’Ouverture dans le style français et le Concerto italien, publiés en 1735
(la troisième partie de la Klavierübung devait être constituée d’oeuvres pour orgue
et la quatrième des Variations Goldberg).
L’Oratorio de Noël, en réalité succession de
6 cantates, date de 1734, l’Oratorio pour le
jour de l’Ascension de 1735 et le livre II du
Clavier bien tempéré de 1744.
Au cours des dernières années de sa
vie, Bach transcenda le passé, donnant
la quintessence de l’art contrapuntique
avec l’Art de la fugue, révisant des chorals
pour orgue et complétant la Messe en « si »
mineur, qui l’avait occupé de façon intermittente depuis 1733. Le 18 juillet 1750,
il recouvra soudain la vue, mais il eut
quelques heures après une attaque, suivie
d’une fièvre qui l’emporta dix jours plus
tard.
UNE SYNTHÈSE GÉNIALE.
De toutes les formes musicales, l’opéra
est la seule à laquelle Bach ne se soit pas
essayé (mais de nombreux épisodes des
cantates s’en rapprochent fort par l’esprit). Comme de coutume à son époque,
sa production comporte presque entièrement des oeuvres de circonstance étroitement liées aux exigences des postes qu’il
occupait. Il ne fut pas créateur de formes
ni de genres, mais il reprit ceux légués par
ses prédécesseurs en les élargissant considérablement tant sur le plan structural
qu’expressif, en les portant à un degré de
perfection et d’universalité inconnu avant
lui. Du point de vue architectural, il se
renouvela sans cesse : ses inventions, ses
fugues, ses cantates sont toutes construites
différemment. L’oeuvre de Bach se distingue également par un caractère nettement polyphonique allant néanmoins de
pair avec la clarté et l’abondance mélodique. On peut, à ce propos, parler de synthèse d’éléments germaniques et italiens ;
cela sans oublier les influences françaises,
elles aussi miraculeusement assimilées et
magnifiées, en particulier dans les suites ou ouvertures - pour orchestre, qui approfondissent un modèle jadis créé par Lully.
Si Bach fut l’héritier de la longue tradition polyphonique occidentale, il assuma parallèlement la grande révolution
du XVIIe siècle (réduction de la structure
sonore à une mélodie accompagnée par
une basse) : son originalité essentielle est
d’avoir été à la croisée de ces deux chemins, raison pour laquelle il ne devait pas
avoir d’héritier musical direct. Sa synthèse
ne pouvait intervenir qu’entre 1700 et
1750. L’évolution de l’esthétique musicale la rendait impossible ultérieurement,
et, déjà à la fin de sa vie, Bach se trouva
incompris et « dépassé » aux yeux de ses
contemporains. À la tradition allemande,
il reprit le choral luthérien, qui vivifia
toute son oeuvre, vocale et instrumentale.
LES OEUVRES INSTRUMENTALES.
Bach conçut la plupart de ses oeuvres
instrumentales à Weimar et à Köthen,
où ses activités lui permirent d’acquérir
la maîtrise des formes, du style, des combinaisons instrumentales. Il exploita les
perfectionnements techniques apportés
à la facture du violon, du violoncelle ou
de la flûte. Le concerto à l’italienne l’intéressa particulièrement. Il transcrivit de
nombreux concertos d’auteurs italiens,
en écrivit lui-même pour violon et il fut
aussi le premier à concevoir de véritables
concertos pour clavecin et orchestre.
Ceux-ci sont, presque tous, des transcriptions. Cependant, pour le 5e Brandebourgeois, il confia au clavecin non seulement
un rôle de soliste, mais une audacieuse
cadence de 65 mesures : on a pu dire de
cet ouvrage qu’il était le premier en date
de tous les concertos pour clavier. Sur
les six Brandebourgeois, trois (nos 1, 3 et
6) font dialoguer divers « choeurs instrumentaux » d’égale importance, alors que
les trois autres opposent aux cordes un
groupe d’instruments solistes, et à ceux-ci
un soliste principal (trompette dans le no
2, flûte dans le no 4, clavecin dans le no 5).
Bach se passionna également pour le
clavier (clavecin) seul. Là, il mena à terme
les deux grandes formes léguées par ses
prédécesseurs. Outre des oeuvres plus ou
moins isolées, mais d’une grande importance comme la Fantaisie chromatique et
fugue ou le Concerto italien, il y eut, en
effet, d’une part les trois recueils de six
suites chacun - françaises (1722), revêtant
encore le caractère de la danse populaire,
anglaises (avant 1722), adoptant davantage
celui de la danse de cour, et allemandes ou
partitas (1726-1731), plus proches de la
musique pure - et, d’autre part, les deux
livres du Clavier bien tempéré (1722, 1744),
comprenant l’un et l’autre 24 préludes et
fugues dans toutes les tonalités majeures
et mineures et démontrant l’intérêt musical - pas seulement théorique - du tempérament égal (division de l’octave en douze
demi-tons strictement égaux).
Quant aux Variations Goldberg, elles témoignent d’une grande richesse d’invention et d’une science extrême du contrepoint, du canon en particulier : Bach y
présente 9 genres différents de canons.
Synthèse de formes - l’air varié s’y mêle à
la passacaille -, cette oeuvre est aussi une
synthèse de procédés d’écriture. Dans le
quodlibet final, deux mélodies populaires
viennent se superposer au thème de la
passacaille. Bach jeta ici les solides fondements de la grande variation moderne.
De l’écriture canonique, le sommet fut
l’Offrande musicale, série de variations
contrapuntiques sur le thème proposé
par Frédéric II. Cette oeuvre, construite
selon une structure symétrique chère à
Bach, présente le plan suivant : ricercare/5
canons/sonate en trio/5 canons/ricercare.
Cinq des canons sont à deux voix avec
une troisième voix utilisant le thème
royal comme cantus firmus, les cinq autres
traitent des variations du thème de façon
canonique. Sauf pour la sonate en trio et
pour le 9e canon (flûte, violon et basse
figurée), Bach n’a laissé aucune indication
d’instruments pour cet ouvrage prenant
appui, par sa virtuosité et sa rigueur polyphoniques, et en particulier par son usage
du canon-énigme, sur la grande école
franco-flamande des XVe et XVIe siècles.
Pour le violon, Bach a écrit notamment 2 concertos, 1 concerto pour deux
violons, 6 sonates avec clavecin adoptant
la structure quadripartite de la « sonata
da chiesa » (sonate d’église) et, surtout, 3
sonates et 3 partitas pour violon seul où il
parvint à faire de cet instrument, en principe purement monodique, un instrument
polyphonique. La chaconne en ré mineur
de la 2e partita, avec ses 32 variations, est
une page unique dans le répertoire du violon.
UN DOMAINE PRIVILÉGIÉ : L’ORGUE.
La musique pour orgue occupa Bach toute
sa vie durant. Il écrivit environ 250 oeuvres
pour orgue, soit fondées sur le choral, soit
librement inventées. La usion d’éléments
de provenances diverses, caractéristique
de l’oeuvre de Bach en général, est ici particulièrement évidente.
Bach composa plus de 150 chorals
d’orgue, et les groupa en 4 grands recueils
(Orgelbüchlein, chorals du cathéchisme
formant la 3e partie de la Klavierübung,
chorals de Leipzig, recueil de Schübler)
tout en les traitant de manière très différente, en soumettant ces simples airs de
cantiques à toutes les formes possibles
de métamorphose : chorals ornés, figurés, contrapuntiques, en trio, variés, harmonisés, fugués, en canon, en fantaisie
sur le choral, etc. Mais le choral se veut
toujours expressif, traduction d’une idée
clé s’imposant avec force, grâce, notamdownloadModeText.vue.download 55 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ment, à divers procédés symboliques.
Quand il mit en musique un texte - et ce
fut presque toujours un texte religieux -,
Bach ne laissa jamais passer une idée,
une image ou un mot important sans en
donner musicalement une transcription
symbolique. De même, son élève Gottfried
Ziegler put écrire : « Pour le jeu du choral, mon professeur, le maître de chapelle
Bach, me l’enseigna de telle sorte que je ne
joue pas les chorals simplement tels quels,
mais d’après le sentiment indiqué par les
paroles. » Le dernier choral de Bach, Vor
deinen Thron tret’ich (« Je comparais devant ton trône »), atteste le goût du compositeur pour les symboles numériques :
la première période du choral est énoncée
en 14 notes et la mélodie entière en 41
notes rétrograde de 14.
Par opposition aux chorals, les fantaisies, les toccatas, les préludes et fugues
sont des pages brillantes illustrant les
éléments décoratifs du culte. Avec le
Clavier bien tempéré, ce sont là les pages
de Bach qui, même durant son éclipse à
la fin du XVIIIe siècle et pour une bonne
partie du XIXe, ne cessèrent jamais d’être
jouées. Les plus anciennes de ces pièces
portent la marque à la fois d’une jeunesse
bouillonnante et de l’influence des maîtres
de l’Allemagne du Nord, avec, à leur tête,
Buxtehude : ainsi la célèbre Toccata et
fugue en « ré » mineur. Plus tard, à partir
du séjour à Weimar et sous l’influence des
Italiens et des maîtres de l’Allemagne du
Sud (Pachelbel), la beauté plastique de
la forme s’impose, mais toujours avec de
saisissants contrastes (Toccata, adagio et
fugue en « ut » majeur).
Dernière grande oeuvre instrumentale
entreprise par Bach, même si ce ne fut pas
la dernière à laquelle il travailla, l’Art de la
fugue (inachevé) devait réunir 24 fugues
réparties en 6 groupes comprenant chacun 2 paires de fugues (rectus et inversus).
Nous ne possédons que 20 de ces fugues,
dont la dernière est incomplète. L’oeuvre,
dont nous ignorons à quels effectifs elle
était destinée - il est fort probable que
Bach lui-même ne se posa jamais la question -, explore toutes les possibilités de
l’écriture fuguée, et édifie à partir d’un
thème court et très simple un monument
grandiose - fugues simples à développement libre, fugues à conséquent obligé,
fugues à plusieurs sujets - faisant un usage
des plus savants de tous les procédés
contrapuntiques connus. Cette partition
didactique, d’une écriture transcendante,
n’en est pas moins d’une grande beauté
expressive, Bach n’ayant jamais été plus
à l’aise, plus libre, plus inventif, que dans
la fugue.
LA MUSIQUE VOCALE.
La musique vocale de Bach, comme sa
musique instrumentale, est dominée par
le choral, grand principe de la musique
luthérienne. Les chorals sont présents
dans les motets, les oratorios, les Passions
et surtout dans les cantates, genre qui en
est le plus directement issu.
La cantate est au centre de l’oeuvre
vocale de Bach, qui en écrivit cinq séries
pour tous les dimanches et fêtes de l’année
ecclésiastique. De ces quelque 300 cantates sacrées où se mêlent les influences
du concerto profane, du concert sacré
et de l’opéra italien, moins de 200 nous
sont parvenues. La plupart reposent sur
deux piliers extrêmes : au début, un grand
choeur d’introduction presque toujours
construit sur une mélodie de choral ; à
la fin, le chant très simple du même choral (entonné également à l’époque, selon
toute probabilité, par la foule des fidèles).
Entre ces deux éléments, la liberté la plus
complète dans la nature et l’enchaînement
des pièces : airs à une ou plusieurs voix
accompagnés par l’orchestre ou des instruments solistes, récitatifs, ariosos, autres
choeurs construits ou non sur le choral.
Dans ses cantates religieuses, qui musicalement ne contiennent guère de faiblesses,
mais dont les textes - empruntés au pasteur Neumeister, à Salomon Franck, à
Henrici (dit Picander), à Ch. M. von Ziegler ou à Christian Weiss, père et fils - sont
souvent médiocres, Bach réutilisa à l’occasion, non sans parfois les métamorphoser
en profondeur, des morceaux tirés de ses
cantates profanes, voire de pages instrumentales.
Il en va de même pour les trois oratorios, qui proviennent essentiellement
de compositions (surtout profanes) antérieures. La musique de l’Oratorio de
Pâques est composée à partir de cantates
pastorales, celle de l’Oratorio de Noël,
suite de six cantates, provient de diverses
sources dont la cantate profane Preise dein
Glücke, gesegnetes Sachsen (« Chante bien
haut ton bonheur, Saxe bénie »), composée pour l’anniversaire de l’accession
d’Auguste III de Saxe au trône de Pologne,
celle de l’Oratorio de l’Ascension correspond à la cantate BWV 11.
La pratique de la transcription fut d’ailleurs une des constantes de l’évolution de
Bach, qui poursuivit ainsi l’identité du
profane et du sacré, du vocal et de l’instrumental. De ses motets allemands, six nous
sont parvenus, datant tous de la période
de Leipzig. Il n’a pas composé de motets
latins, mais a utilisé la langue latine pour
le Magnificat et la Messe en « si » mineur.
Du Magnificat, écrit à Leipzig, la première
version fut composée en 1723 pour le jour
de Noël : elle était en mi bémol majeur
et comprenait, outre les douze morceaux
du Magnificat latin, quatre interpolations
en langue allemande, étroitement rattachées à la liturgie de Noël. Vers 1730,
Bach révisa l’ouvrage, le transposa en ré
majeur, permettant d’y introduire l’éclat
des trompettes et des timbales et supprima
les quatre interpolations (ce qui permit de
le chanter également à Pâques et à la Pentecôte). La Messe en « si » mineur, monumental édifice, « catholique » par le texte
mis en musique, mais véritablement oecuménique par sa portée spirituelle (voire
par les emprunts qui y sont faits aux « cantates luthériennes » de l’auteur), fut entrepris en 1733 et comprend 25 morceaux
(dont plusieurs repris de compositions
antérieures) disposés en 4 sections. Bach
écrivit aussi 4 messes brèves luthériennes.
Des 4 Passions qui nous sont parvenues, la Passion selon saint Luc n’est probablement pas de Bach. De la Passion
selon saint Marc, seul le livret de Picander
a été conservé. Mais certains de ses airs
et choeurs se retrouvent notamment dans
l’Ode funèbre de 1727, dans la cantate
pour alto solo Widerstehe doch der Sünde
(« Résiste donc au péché ») BWV 54, de
1730 environ, et dans l’Oratorio de Noël.
Restent la Passion selon saint Jean et la
Passion selon saint Matthieu, datées respectivement de 1723 et de 1729. Ce sont
comme d’immenses cantates où le récitatif prend une place importante. Le texte
de l’Évangile en constitue la trame essentielle. Dans ces véritables drames sacrés,
Bach se révèle comme un extraordinaire
homme de théâtre sans théâtre. La Passion
selon saint Jean, qui fait des emprunts au
livret de Brockes déjà utilisé par Haendel pour tout ce qui est en marge du récit
évangélique, est à la fois la plus intime et
la plus violente. La Passion selon saint Matthieu, sur un livret de Picander, fait appel
aux effectifs les plus importants jamais
utilisés par Bach : deux choeurs (et choeur
d’enfants), deux orchestres, deux orgues
se répondant de part et d’autre de l’église,
solistes vocaux et instrumentaux. L’une et
l’autre combinent et opposent le récit dramatique avec intervention (aux côtés de
l’évangéliste) de certains personnages (Pilate, Pierre, Judas) et du choeur (la foule,
les apôtres), la méditation lyrique et individuelle (ariosos, airs), et enfin la prière (le
choral). Avec ses 78 morceaux regroupés
en une architecture sans faille, sa synthèse
unique de bonheur et de tristesse et son
rayonnement de tendresse et d’amour, la
Passion selon saint Matthieu représente le
plus haut sommet de ce que Bach écrivit
pour l’Église protestante et l’un des plus
hauts de la musique religieuse de tous les
temps.
OEUVRES PRINCIPALES DE MUSIQUE VOCALE.
Cantates : 224 cantates, la vaste majorité étant des cantates d’église, 25 sont des
cantates profanes ; quelques cantates sont
d’une authenticité douteuse. 7 motets.
Messes : Messe en si mineur ; 4 messes
« luthériennes « ; 5 sanctus. Magnificat :
Magnificat en ré majeur. Passions : Passion selon saint Matthieu ; Passion selon
saint Jean ; Passion selon saint Luc. oradownloadModeText.vue.download 56 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
50
torios : Oratorio de Noël ; Oratorio de
Pâques. Chorals : à 4 voix et instruments ;
à 4 voix, environ 185. ARIAS ET LIEDER du
Notenbuch (« Petit livre ») d’Anna Magdalena. Lieder spirituels.
MUSIQUE INSTRUMENTALE.
OEuvres pour orgue : 6 sonates, 24
préludes, toccatas ou fantaisies et fugues.
8 petits préludes et fugues ; environ 145
chorals, dont 46 de l’Orgelbüchlein, les 6
transcriptions « Schübler », chorals du
livre III de la Clavier-Übung ; 6 concertos
d’après Vivaldi et d’autres compositeurs ;
5 fantaisies ; 3 toccatas ; 3 préludes ; 8 fugues ; 4 trios ; aria.
OEuvres pour clavier : inventions
à 2 et 3 voix ; duos de la 3e partie de la
Clavier-Übung ; suites anglaises ; suites
françaises ; d’autres suites ; partitas ; Das
Wohltemperierte Clavier (le Clavier bien
tempéré I, II), 48 préludes et fugues ; 9 préludes et fugues ; 19 fugues ; fantaisie chromatique et fugue ; 5 fantaisies et fugues ; 5
fantaisies ; concerto et fugue ; 7 toccatas ;
4 préludes ; 9 petits préludes du Clavierbüchlein pour W. Friedemann ; 11 petits
préludes ; 5 sonates ; Concerto italien ; 16
concertos d’après Vivaldi et d’autres compositeurs ; Variations Goldberg ; Capriccio
sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo.
OEuvres pour luth : 2 suites ; 1 partita ;
prélude, fugue et allegro ; prélude ; fugue.
OEuvres pour instruments divers :
sonates, suites et partitas pour le violon,
la viole de gambe, flûte traversière, etc.,
avec ou sans la basse continue. Concertos :
2 concertos pour violon et 1 concerto pour
deux violons ; concerto pour flûte traversière, violon et clavier ; 6 concertos brandebourgeois ; 7 concertos pour clavier ;
3 concertos pour 2 claviers ; 2 concertos
pour 3 claviers ; 1 concerto pour 4 claviers.
OEuvres diverses : 4 suites pour ensemble instrumental (ouvertures) ; sinfonia ; 7 canons ; Offrande musicale ; l’Art
de la fugue.
BACH (Wilhelm Friedemann), compositeur et organiste allemand (Weimar
1710 - Berlin 1784).
Deuxième enfant et fils aîné de J. S. Bach
et de sa première femme Maria Barbara,
il étudia surtout auprès de son père, dont
il fut le premier des quatre fils musiciens,
et qui écrivit pour lui, entre autres, le Clavierbüchlein. Nommé organiste à Dresde
(1733), il quitta cette ville, trop férue à son
goût de musique italienne et où le prince
électeur et sa femme favorisaient la religion catholique, et devint en 1746 organiste et directeur de la musique à Halle.
Il conserva ces fonctions dix-huit ans en
se consacrant beaucoup, comme compositeur, au domaine religieux (cantates),
alors que les années de Dresde avaient
été dominées par la musique instrumentale (symphonies, concertos, pièces pour
clavier). Ayant eu avec les autorités de
Halle de nombreux démêlés, notamment
au moment de la mort de son père, il
accepta, sans aller l’occuper, un poste à
Darmstadt (1762) et finalement renonça à
ceux dont il jouissait à Halle sans en avoir
d’autres en vue (12 mai 1764) : dix-sept
ans avant Mozart, il prit ainsi le risque de
la liberté. Il resta à Halle jusqu’en 1770,
séjourna quelque temps à Brunswick, et,
en 1774, s’installa à Berlin. Il y fut bien
reçu par Kirnberger et par la princesse
Amélie de Prusse, à qui il dédia, en 1778,
huit fugues à trois voix pour clavier (une
transcription pour trio à cordes précédée
d’un prélude de celle en fa mineur est
attribuée à Mozart) ; il y subsista grâce
à des leçons et à des récitals d’orgue (le
premier fit sensation), mais y mourut en
laissant sa femme et sa fille dans la plus
complète misère. Une légende entretenue
au XIXe siècle par le roman pseudo-historique de Brachvogel s’édifia rapidement
autour de son nom et le présenta comme
un ivrogne et un malhonnête homme. On
peut en faire bon marché, tout comme de
l’incompréhension et de l’irrespect qu’il
aurait manifestés envers l’art de son père
(dont néanmoins il prit moins soin des
manuscrits que son frère Carl Philip Emanuel). Il souffrit particulièrement de sa
situation entre deux âges, l’attachement
à son père s’opposa chez lui à la fidélité à
son temps : même sa production instrumentale, particulièrement réussie (Polonaises, Fugues, Sonates et Fantaisies pour
clavier), sembla à ses contemporains surannée et inutilement compliquée. Il lui
manqua la concentration et la force de
volonté nécessaires pour faire bon usage
de sa liberté et exploiter à fond ses intuitions géniales, mais ses oeuvres reflètent la
personnalité sinon la plus forte, du moins
la plus visionnaire, parmi les fils de JeanSébastien. Pionnier de la « forme sonate »,
il se réfugia dans un monde à lui, d’une
rare intensité d’expression mais offrant
peu de prises à ses successeurs immédiats.
On lui doit, outre sa musique pour clavier,
des pièces pour orgue, de la musique de
chambre faisant souvent appel à la flûte,
des symphonies et des concertos, des cantates et de la musique d’église. À sa mort,
la seule notice nécrologique à laquelle il
eut droit le qualifia de « plus grand organiste d’Allemagne ». Ce fut, en effet, le seul
des quatre fils musiciens de Jean-Sébastien
à perpétuer sur ce plan la tradition de la
famille Bach. Un catalogue de ses oeuvres a
été dressé par Martin Falck (1913).
BACHAUER (Gina), pianiste grecque
naturalisée anglaise (Athènes 1913 id.1976).
Elle doit vaincre les résistances de son
père qui refuse l’idée qu’une femme soit
musicienne professionnelle, et suit deux
années de droit à l’université d’Athènes.
Elle remporte cependant en 1933 le Prix
d’honneur du Festival international de
Vienne. Elle étudie ensuite avec Cortot à
l’École normale de musique de Paris et, en
1935, reçoit les conseils de Rachmaninov.
La même année, Dimitri Mitropoulos la
fait débuter avec l’orchestre du Conservatoire d’Athènes. Pendant la guerre, elle se
réfugie en Égypte et donne de nombreux
concerts de bienfaisance pour les armées. En 1947, sa carrière anglo-saxonne
commence à l’Albert Hall de Londres.
En 1950, seules trente-cinq personnes
assistent à ses débuts au Carnegie Hall !
C’est pourtant en Amérique qu’elle s’impose comme une artiste marquante avec
des récitals-fleuves qu’elle reprend aussi
bien en Australie qu’en Nouvelle-Zélande
ou en Israël. En 1966, elle triomphe enfin
à New York, et aborde plusieurs concertos
avec le Houston Symphony Orchestra.
BACHELET (Alfred), compositeur et chef
d’orchestre français (Paris 1864 - Nancy
1944).
Il fut l’élève d’E. Guiraud au Conservatoire de Paris et obtint le grand prix de
Rome en 1890 avec sa cantate Cléopâtre.
Ensuite, il entra à l’Opéra Garnier comme
second chef des choeurs avant d’y entamer,
en 1907, une carrière de chef d’orchestre.
Comme compositeur, Alfred Bachelet
a manifesté un puissant tempérament
dans trois oeuvres lyriques écrites sans la
moindre concession au goût populaire,
mais cependant riches de mélodies attachantes : Scemo (1914), Quand la cloche
sonnera (1922), Un jardin sur l’Oronte
(1932). Il succéda à Guy Ropartz à la tête
du conservatoire de Nancy (1919).
BACILLY (Bénigne de), compositeur,
chanteur et théoricien français (Normandie v. 1625 - Paris 1690).
Sa réputation de maître de chant fut
grande sous Louis XIV, et il publia de
nombreux volumes d’airs avec basse
continue. Son ouvrage principal, traité
intitulé Remarques curieuses sur l’art de
bien chanter (1668), est très précieux pour
la connaissance de la technique vocale, des
ornements et de la prononciation dans la
musique française du XVIIe siècle. Bénigne
de Bacilly est également l’auteur d’un Recueil des plus beaux vers qui ont esté mis en
chant (3 vol.), qui a permis l’identification
de nombre d’auteurs des textes des airs de
cour de l’époque.
BÄCK (Sven Erik), compositeur suédois
(Stockholm 1919 - id. 1994).
Entré en 1938 à l’Académie royale de Stockholm pour suivre les classes de violon
et d’alto, il y travailla la composition de
1940 à 1944 avec Hilding Rosenberg, puis
poursuivit ses études à la Schola cantodownloadModeText.vue.download 57 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
51
rum de Bâle (1948-1950) et à l’académie
de Sainte-Cécile, à Rome, auprès de G.
Petrassi. Après avoir appartenu à des formations de musique de chambre, il dirige
depuis 1959 l’École de musique de la radio
suédoise. Dans un style éclectique, empreint d’une profonde connaissance de la
musique du passé, il a composé 3 quatuors
à cordes et diverses pièces instrumentales,
de la musique vocale, dont un Concerto
per bambini (1952) pour choeur d’enfants,
des opéras de chambre, des ballets, des
musiques de scène et de film.
BACKHAUS (Wilhelm), pianiste allemand (Leipzig 1884 - Villach, Autriche,
1969).
À dix ans, il entra au conservatoire de
Leipzig et travailla avec Alois Reckendorf.
Il entendit le 2e concerto pour piano de
Brahms, joué en soliste par E. d’Albert
sous la direction du compositeur, et reçut
des conseils de ce dernier. En 1900, ses premiers concerts, à Londres, inaugurèrent sa
longue carrière. Interprète, au début, de
tous les romantiques, Backhaus finit par
ne jouer pratiquement que Brahms et surtout Beethoven. Son jeu alliait grandeur,
sobriété et pureté de style.
BACON (Ernst), compositeur américain (Chicago, 1898 - Orinda, Californie,
1990).
Élève d’Eugène Goossens et d’Ernest
Bloch, il a été professeur au conservatoire
de San Francisco, directeur des activités
musicales régionales dans le cadre du Federal Music Project (1934-1937), professeur à l’école Eastman de Rochester, direc-
teur de la faculté de musique à l’université
de Syracuse. Il a obtenu le prix Pulitzer
(1932) et le prix de la fondation Guggenheim (1939 et 1942). Son oeuvre, d’esprit
néoclassique, inspirée par son pays et ses
traditions musicales, comporte deux symphonies, des suites d’orchestre, un opéra
folklorique (A tree on the plains, 1942), des
cantates, de la musique de chambre et des
mélodies.
BACQUIER (Gabriel), baryton français
(Béziers 1924).
Après des études au Conservatoire de
Paris, il chante, plusieurs années durant,
dans les théâtres de province et, à partir
de 1953, à la Monnaie de Bruxelles, puis,
à Paris, à l’Opéra-Comique (débuts, en
1956, dans Sharpless de Madame Butterfly) et à l’Opéra (1958, d’Orbel de la Traviata). Son incarnation de Don Juan au
festival d’Aix-en-Provence (1960) inaugure une carrière exceptionnelle qui le
conduit sur toutes les grandes scènes du
monde. Gabriel Bacquier est un chanteur
à la voix peu spectaculaire, mais d’une
extrême habileté. Son expression et son
jeu scénique sont très raffinés, et son vaste
répertoire va du bouffon au tragique. Le
comte (dans les Noces de Figaro), Alfonso
(Cosi fan tutte), Scarpia (Tosca), Golaud
(Pelléas et Mélisande) lui ont, entre autres,
valu la renommée. Il a enseigné l’art lyrique au Conservatoire de Paris jusqu’en
1987.
BADINERIE.
Ce terme a le même sens que bagatelle,
mais avec une nuance de naïveté. On le
rencontre dans la musique des XVIIe et
XVIIIe siècles. Le plus célèbre exemple est
la badinerie qui sert de finale à la Suite no
2 en si mineur, pour flûte et cordes, de J.
S. Bach.
BADINGS (Henk), compositeur néerlandais (Bandoeng, Indonésie, 1907 Maarheze 1987).
Il écrivit ses premières oeuvres en autodidacte, travailla ensuite avec Wilhelm
Pijper, donna sa symphonie no 1 en 1930,
la no 2 en 1932 et devint célèbre avec la no
3 (1934). Il fut professeur aux conservatoires de Rotterdam et d’Amsterdam, puis
dirigea celui de La Haye de 1941 à 1945. Il
a enseigné ensuite à Utrecht (1961) et à
Stuttgart (1962-1972). Son opéra radiophonique Oreste (1954) lui valut le prix
Italia. Parti du langage classico-romantique, il en vint à explorer toutes les
découvertes de son temps (polytonalité,
emploi original des modes) et fut en son
pays, à partir de 1952, un des pionniers
de la musique électronique (ballet Kain,
1956). Sa production abondante comprend notamment 14 symphonies pour
diverses formations (de 1930 à 1968), dont
la 6e avec choeurs (Symphonie de Psaumes,
1953) ; des oeuvres symphoniques diverses
et des ballets ; des concertos dont deux
pour 2 violons (1954 et 1969), un pour 2
pianos (1954) et un pour basson et contrebasson (1963) ; de la musique de chambre,
de piano et d’orgue ; de nombreuses partitions électroniques ; l’oratorio Apocalypse
(1940) et une Passion selon saint Marc
pour solistes, choeur d’hommes, orchestre
et bande magnétique (1970-71) ; des opéras dont Martin Korda (1960).
BADOARO, BADOERO ou BADOVERO
(Giacomo), librettiste italien (Venise
1602 - id. 1654).
Gentilhomme dilettante, il fournit à Monteverdi deux livrets d’opéra (Il Ritorno
d’Ulisse in patria, 1641 ; Le Nozze di Enea
con Lavinia, 1641). Il fit preuve d’une
conception dramatique hardie pour
l’époque et ne respecta pas toujours les
règles traditionnelles.
BADURA-SKODA (Paul), pianiste autrichien (Vienne 1927).
Il a étudié le piano avec Viola Thern à partir de 1939 et au conservatoire de Vienne
à partir de 1948, avant d’être, à Lucerne,
l’élève, puis l’assistant, d’Edwin Fischer.
Depuis 1960, il dirige des cours de perfectionnement à Vienne et à Édimbourg, et,
depuis 1962, au Mozarteum de Salzbourg.
Il s’est rendu célèbre par ses interprétations de Haydn, de Mozart, de Beethoven
et de Schubert, souvent sur des instruments d’époque (il en possède une vaste
et remarquable collection). Sa recherche
de l’authenticité s’est aussi exprimée dans
des ouvrages tels que Mozart-Interpretation, Anregungen zur Interpretation der
Klavierwerke (initiation à l’interprétation
des oeuvres pour piano de Mozart, en collaboration avec son épouse Eva Halfar,
Vienne, 1957), Die Klaviersonaten von L.
van Beethoven (en collaboration avec Jörg
Demus, Vienne, 1970) et Bach-Interpretation (1990).
BAER (Olaf), baryton allemand (Dresde
1957).
Dès 1967, il fait partie du Kreuzchor
de Dresde puis, à partir de 1978, étudie
à la Musikhochschule de la même ville.
Il devient membre du Semper Oper de
Dresde et ne tarde pas à connaître ses
premiers engagements internationaux.
En 1983, il débute au Wigmore Hall de
Londres, puis, en 1985, à Covent Garden
dans le rôle d’Arlequin d’Ariane à Naxos
de Richard Strauss. En 1986, il chante à
nouveau cet opéra à Aix-en-Provence et
débute comme Papageno à la Scala de
Milan. En 1987, il chante dans Capriccio
à Glyndebourne, où il incarne Don Juan
en 1991. La même année, il chante la Flûte
enchantée à Vienne sous la direction de
Solti. Avec le pianiste Geoffrey Parsons,
il consacre aussi une grande part de son
travail aux lieder. Ses interprétations de
Schubert et de Wolf, notamment, sont très
appréciées.
BAGATELLE.
Composition musicale vive, légère et
brève, présentée par son auteur comme
une petite chose sans importance, conformément au sens général du terme (ital.
bagatella, qui désigne un tour de bateleur).
Ce genre, qui n’obéit à aucune règle
précise, a été illustré notamment par
Beethoven (bagatelles pour piano op. 33,
op. 119 et op. 126 ; Bagatelle en « la » mineur « pour Élise »).
BAGGIANI (Guido), compositeur italien
(Naples 1932).
Auteur d’oeuvres instrumentales,
d’oeuvres mixtes utilisant des instruments
traditionnels et des moyens électroacoustiques et d’oeuvres sur bande réalisées par
ordinateur. Il a étudié avec Stockhausen
à la Rheinische Musikschule de Cologne
et a été membre de l’association Nuova
Consonanza (1965-1975). Sa première
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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oeuvre importante, Mimesi pour violon,
alto, violoncelle, flûte, clarinette et basson
(1967), fut jouée par Nuova Consonanza
sous la direction de Gilbert Amy. Il a enseigné au conservatoire de Pesaro (19741978), et a réalisé vers la même époque
trois oeuvres électroacoustiques : Twins
pour piano, bande à deux pistes et appareils électroacoustiques (1971), Accordo
presunto pour deux groupes instrumentaux et dispositif électronique (1973) et
Senza voci I, bande magnétique à quatre
pistes pour instruments électroniques et
micro-ordinateur (1977-78). Particulièrement attiré par Charles Ives, il a consacré
à sa mémoire Contr-Azione, pour deux
orchestres (1975-76). En 1977, il a fondé
avec W. Branchi l’association Musica verticale, qui se propose l’étude et la diffusion
de la technologie musicale contemporaine. Il enseigne actuellement la composition au conservatoire de Pérouse. Ses
oeuvres traduisent une méfiance profonde
à l’égard du système tempéré traditionnel.
Citons encore Senza voci II, pour bande à
quatre pistes et ordinateur (1979-80) et 4
Studi pour 2 pianos (1981).
BAGLAMA.
Luth à manche long et à trois ou quatre
rangs de cordes, utilisé en Turquie dans la
musique populaire ou par les troubadours
du Moyen-Orient.
BAGPIPE.
Littéralement, « pipeau à sac ». Cette version écossaise de la cornemuse ne diffère
pas sensiblement du biniou breton. Le
souffle de l’exécutant gonfle une outre de
peau, doublée de tissu de laine, qui alimente en air sous pression quatre tuyaux à
anche double, dont un chanter modulant,
à huit trous et trois bourdons. Les régiments écossais de l’armée britannique ont
encore leurs bagpipers, qui maintiennent
une tradition militaire très ancienne.
BAGUETTE.
1.Terme d’organologie qui désigne la partie de l’archet (ronde ou octogonale), aujourd’hui légèrement concave, où les crins
sont attachés grâce à un coin de bois ; la
baguette est généralement en pernambouc, bois dur et élastique.
2.Mince bâton à l’extrémité arrondie,
dont on frappe la peau du tambour. -
3.Mince bâton en bois ou parfois en
métal, de couleur claire, que tient le chef
d’orchestre pour prolonger les gestes de
sa main droite et rendre ceux-ci plus visibles pour les musiciens ; cet usage de la
baguette ne remonte qu’au XIXe siècle.
BAÏF (Jean Antoine de), poète, humaniste et musicien français (Venise 1532 Paris 1589).
Il fit siennes les théories musicales de Platon, selon lesquelles la soumission de la
musique à la poésie et l’union des deux
à la danse engendrent les « effets » bénéfiques qu’on attend de l’éducation des
futurs citoyens, dans une société harmonieuse. Pour produire ces effets, que les
Grecs avaient obtenus par leur théâtre,
Baïf fonda une Académie de poésie et de
musique (1570) qui tint séance sous le
patronage - et souvent en la présence - du
roi Charles IX, dans la propre demeure du
poète. Pour unir la poésie à la musique,
Baïf agit en musicien et en orthophoniste : il écrivit une poésie mesurée d’après
la durée relative des syllabes, longues ou
brèves selon leurs sonorités, et d’après la
combinaison de l’accent tonique avec les
accents d’intonation. Mais, à son époque,
la prononciation et l’orthographe françaises étaient indécises ; pour que le compositeur éventuel ne se trompât point sur
les durées ni les interprètes sur la prononciation, il mit au point un système
orthographique apte à transcrire avec précision la couleur des voyelles et le son des
consonnes. Les plus grands musiciens de
son temps tels Roland de Lassus, Nicolas
de La Grotte, Claude Le Jeune et Jacques
Mauduit, composèrent sur ses Chansonnettes et sur ses Psaumes. Il est juste de dire
que, si la poésie mesurée n’a pas eu d’avenir, Baïf est, de tous les poètes français,
celui qui a exercé la plus forte influence
sur la musique de son époque.
BAILLEUX (Antoine), compositeur, pédagogue et éditeur français ( ? v. 1720 Paris v. 1798).
À partir des années 1760, et durant une
trentaine d’années, il fut l’un des plus importants éditeurs de musique parisiens,
publiant des oeuvres de Vivaldi ou Corelli
mais aussi de compositeurs « modernes »
comme Carl Stamitz ou Boccherini. Dès
1769 parut chez lui un groupe de six symphonies de Haydn (dont une apocryphe).
Il publia en 63 volumes, réunissant 240
oeuvres, un Journal d’ariettes des plus célèbres compositeurs (1779-1788) et rédigea
une Méthode raisonnée pour apprendre à
jouer du violon (Paris, 1798). À sa mort, sa
firme fut reprise par Erard.
BAILLOT (Pierre), violoniste et compositeur français (Passy 1771 - Paris 1842).
À dix ans, il entendit Viotti jouer un de
ses concertos et ce musicien demeura
toujours son modèle. En 1795, il travailla
l’écriture avec Catel, Reicha et Cherubini.
Sa réputation le fit nommer, la même
année, professeur de violon au Conservatoire. De 1805 à 1808, il fit une tournée à Vienne (où il rencontra Haydn et
Beethoven) et en Russie avec le violoncelliste Lamare, et fut premier violon solo à
l’Opéra de Paris de 1821 à 1832. De 1814
à sa mort, il organisa à Paris d’importants
concerts publics de musique de chambre.
Baillot fut le dernier représentant français
de la grande école classique du violon. Ses
compositions (concertos, quatuors, trios,
duos) sont aujourd’hui oubliées, mais son
Art du violon (1834) sert encore de référence.
BAIRD (Tadeusz), compositeur polonais
(Grodzisk Mazowiecki 1928 - Varsovie
1981).
Il étudia la composition avec Kazimierz
Sikorski, puis avec P. Rytel et P. Perkowski
à l’École nationale supérieure de musique
de Varsovie, où il travailla aussi le piano
avec Wituski. Parallèlement, il suivit des
cours de musicologie à l’université.
Tadeusz Baird appartient à cette génération de compositeurs qui s’est trouvée
isolée du développement de la nouvelle
musique en Europe occidentale et aux
États-Unis à partir des années 50, et qui,
restant ainsi à l’écart du sérialisme, a, d’une
manière générale, pratiqué une approche
de la musique bien plus immédiate, axée
sur l’exploration de la matière sonore et
l’affinement du jeu instrumental. Ses premières oeuvres (symphonie no 1, concerto
pour orchestre, quatuor à cordes, etc.)
témoignent de cette tendance. Comme ses
contemporains, il bénéficia de la création
du festival d’automne de Varsovie (1956),
dont la vocation est la promotion de la
jeune musique ; la confrontation avec des
compositeurs venus d’autres horizons et
le contact avec d’autres styles d’écriture et
conceptions musicales ne peuvent qu’élar-
gir leur propre façon d’envisager l’univers
du son.
Si, pour lui, la musique continua
« d’être une manière d’exprimer les émotions, les sentiments et les aventures intérieures » de sa vie, ses oeuvres, « une sorte
de carnet de notes », son « autobiographie
écrite en sons », Baird expérimenta différentes utilisations formelles d’organisation des sonorités. À partir du moment
où sa musique suit en quelque sorte
l’évolution de sa propre vie intérieure, les
méthodes de composition doivent suivre
le même itinéraire, comme si chaque nouvelle problématique musicale devait décider de sa mise en forme ; aussi bien est-il
difficile de parler d’un style spécifique à
Baird, mais faut-il au contraire souligner
la multiplicité de sa démarche. Cela explique sans doute son incursion dans le
drame musical (Demain, 1966), la diversité de son travail sur la voix - des Quatre
Sonnets d’amour pour baryton et orchestre
de chambre sur des textes de Shakespeare
(1956) aux Quatre Chants pour mezzosoprano et orchestre de chambre (1966)
ou aux Lettres de Goethe, cantate pour
baryton, choeur et orchestre (1970) -, ou
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
53
encore son exploration des possibilités de
l’orchestre - du concerto pour orchestre
(1953) aux Scènes pour violoncelle, harpe
et orchestre (1977).
BAKER (Janet), mezzo-soprano anglaise
(Hatfield, Yorkshire, 1933).
Profondément émue dès son jeune âge par
le chant religieux, elle travaille le chant à
Londres avec Helen Isepp, remporte en
1956 le prix Kathleen Ferrier et débute à la
scène en 1959, au festival de Bath, dans le
rôle de la sorcière de Didon et Énée de Purcell, ouvrage dans lequel elle interprétera
plus tard le personnage de Didon. Ses succès en concert au festival d’Édimbourg, en
1960 et 1961, lui ouvrent une carrière internationale qu’elle mène de front comme
récitaliste et comme cantatrice de théâtre
dans les répertoires anglais, italien, français et allemand. Ses interprétations de
Purcell, Haendel, Bach, Monteverdi, Cavalli, Gluck, Mozart, Berlioz (les Troyens),
Mahler, Britten (le Viol de Lucrèce) sont
particulièrement remarquables. Sa voix
est longue, souple, et son timbre a une
grande personnalité.
BAKFARK (Bálint) ou Valentin Greff-Bakfark, luthiste et compositeur hongrois
(Brassó-Kronchtadt, Transylvanie, 1507
? - Padoue 1576).
Il passa sa jeunesse à la cour de Jean de
Zápolya, futur roi de Hongrie, et y apprit le luth. À la mort de son protecteur,
il s’installa à la cour du roi de France,
Henri II, puis à celle du roi de Pologne.
Un long voyage le conduisit notamment
à Lyon, où il fit imprimer son premier
livre de pièces pour luth chez J. Moderne
(1553). Après divers voyages et un séjour à
Vienne au service de l’empereur Maximilien, il s’établit à Padoue, où il mourut de
la peste, cinq ans plus tard. Avec les frères
Neusiedler, Bakfark est l’un des premiers
luthistes à avoir écrit des pièces de virtuosité pour l’instrument polyphonique seul.
Son oeuvre conservée est généralement
regroupée par genres : oeuvres originales
pour le luth (fantaisies), transcriptions de
motets, madrigaux et chansons d’autres
compositeurs (Janequin, Sandrin, Arcadelt, etc.).
BAL.
Danse folklorique de caractère vif et de
rythme binaire, en usage dans l’ouest de
la France.
BALAFON.
Xylophone africain, portatif, composé
d’une douzaine de grandes lames de bois
dur reposant sur autant de calebasses faisant office de caisses de résonance.
Avec de nombreuses variantes, le balafon est répandu dans toute la partie occidentale du continent noir.
BALAKAUSKAS (Osvaldas), compositeur lituanien (Vilnius 1937).
Il étudie la musique à Vilnius, puis à Kiev
(1966-1969). Il compose essentiellement
de la musique de chambre, mais écrit aussi
quelques pièces pour orchestre : Symphonie (1973), Ad astra (1976). Son langage est
d’essence webernienne, mais, depuis 1970,
il tente de retrouver, par des modes de 8
et 9 tons, de nouvelles possibilités harmo-
niques comparables aux modes, surtout
pentatoniques, de la musique paysanne.
Dans le domaine des rythmes, chez lui
très organisés, il reprend à son compte les
résultats acquis par B. Blacher et H. Searle.
Fort élaborée techniquement, la musique
de Balakauskas s’oppose à la tradition soviétique, vouée à la cantate académique et
à la symphonie miaskovskienne.
BALAKIREV (Mili Alexeïevitch), compositeur russe (Nijni-Novgorod 1837 Saint-Pétersbourg 1910).
Cet autodidacte naquit dans un milieu de
toute petite noblesse ruinée. Oulibichev,
riche gentilhomme et excellent biographe
de Mozart, lui permit de se former au
contact de l’orchestre qu’il entretenait et,
en 1855, le présenta à Glinka. En 1877,
Balakirev entreprit la réédition de l’oeuvre
de Glinka. La même admiration le poussa,
pour tenter une réforme musicale fondée sur les principes de ce maître, à réunir autour de lui, à Saint-Pétersbourg,
de jeunes dilettantes : Cui, Moussorgski,
Rimski-Korsakov et Borodine ; ce fut la
« puissante petite bande », plus connue
sous le nom de « groupe des Cinq ». Pour
divulguer et mettre en pratique les idées
du groupe, Balakirev créa, en 1862, l’École
libre de musique, consacrée à la diffusion des oeuvres russes. Il vivait au jour
le jour : leçons de piano, prestations dans
des salons ; il fut même employé de gare,
mais trouva enfin une relative sécurité
matérielle comme directeur de la Chapelle impériale (1883-1895), institution
qu’il réorganisa profondément. Souvent
souffrant, atteint d’une grave maladie, il
avait un tempérament autoritaire qui fut
cause de l’isolement dont il souffrit à la
fin de sa vie.
Sur le plan de la composition, une soif
de perfection dans sa propre musique peut
sembler une fuite devant l’achèvement
d’un acte : il mit seize ans pour écrire
Thamar, oeuvre de vingt-trois minutes, et
trente-six ans pour sa première symphonie. Le folklore fut une source importante
de son inspiration. Balakirev manqua sans
doute de souffle et de spontanéité, mais,
sans lui, il n’y aurait pas eu de continuateur de Glinka, et, peut-être, pas de musique nationale russe.
OEUVRES PRINCIPALES
. - Ouvertures, 2 symphonies, 2 poèmes
symphoniques, 2 concertos pour piano et
orchestre, oeuvres pour piano seul (sonate,
mazurkas, valses), nombreuses mélodies,
choeurs.
BALALAÏKA.
Instrument populaire russe de la famille
du luth, à caisse triangulaire montée de
trois cordes simples ou doubles.
Comme la mandoline, dont elle se
rapproche aussi par sa touche garnie de
frettes, la balalaïka se prête au jeu mélodique par le va-et-vient rapide d’un
plectre sur la corde, qui produit ainsi un
son tremblé continu. Elle existe en plusieurs tessitures, de la basse au soprano.
On peut rencontrer des ensembles de balalaïkas très fournis.
BALASSA (Sandor), compositeur hongrois (Budapest 1935).
Ayant abordé la musique à l’âge de dixsept ans, il étudia d’abord la direction
chorale (1952-1956), puis la composition
à l’Académie de musique de Budapest
avec E. Szervansky (1960-1965). Depuis
1964, il est producteur au département
musical de la radio hongroise. Il écrivit la
cantate Âge d’or pour soprano, choeur et
orchestre en 1965, Zénith pour contralto
et orchestre en 1967, et parvint à la célébrité avec son Requiem pour Lajos Kassak
pour soprano, ténor, basse, voix mixtes
et orchestre (1969). Cette oeuvre obtint le
premier prix de la Tribune internationale
des compositeurs, à Paris, en 1972. La
même année, Balassa reçut le prix Erkel.
Ses oeuvres suivantes, parmi lesquelles
Iris pour orchestre (1971) ou Lupercalia,
« concerto in memoriam Igor Stravinski »
pour ensemble d’instruments à vent
(1972), lui ont valu une audience internationale. On lui doit aussi de la musique
de chambre et des mélodies. Son esthétique, dans la tradition expressionniste
d’Emil Petrovics, révèle une personnalité
inquiète, parfois violente, mais aux dons
mélodiques évidents. En témoigne l’opéra
Sur le seuil, sur un livret de Gaza Fodor
d’après Draussen vor der Tür de Wolfgang
Borchert, composé de 1973 à 1977 et créé
à Budapest en 1978.
BALÁZS (Árpád), compositeur hongrois
(Szentes 1937).
Il fait ses études au conservatoire de
Szeged, puis à l’Académie F.-Liszt de
Budapest, dans la classe de composition
de F. Farkas (1961-1964). Successeur spirituel de Bartók, utilisant fréquemment
la veine populaire, il ne s’est pas limité à
un postsérialisme d’éthique bartókienne.
L’importance de son oeuvre chorale en
fait un continuateur de Kodály. Balázs a
également composé de la musique symphonique, une musique de ballet, Quatorze Pièces faciles pour piano, des arrangements de chansons populaires et des
musiques de film et de scène.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
54
BALBASTRE (Claude), compositeur,
organiste et claveciniste français (Dijon
1727 - Paris 1799).
Élève de Claude et de Jean-Philippe Rameau, il s’établit, en 1750, à Paris, où il fut
titulaire des orgues de Saint-Roch (1756)
et de Notre-Dame (1760). Il occupa plusieurs fonctions à la Cour, notamment
celles de maître de clavecin de Marie-Antoinette et du duc de Chartres et d’organiste de la chapelle royale. Il survécut à la
Révolution en composant des hymnes de
circonstance, qu’il jouait à Notre-Dame,
désaffectée. Virtuose et improvisateur
acclamé, il écrivit dans le style rococo
de son temps des pièces agréables, mais
assez pauvres d’invention : airs et ariettes,
sonates en quatuor, pièces de clavecin, 14
concertos pour orgue (perdus), et, son
oeuvre la plus populaire, un recueil de
Noëls formant 4 suites avec des variations
pour le clavecin ou le forte-piano, que l’on
joue aussi à l’orgue, comme le faisait Balbastre lui-même.
BALFE (Michael William), chanteur et
compositeur irlandais (Dublin 1808 Rowney Abbey, Hertfordshire, 1870).
D’abord violoniste, il devint à Londres
l’élève du chanteur Ch. Horn et s’initia
aussi à la composition. En 1825, il se rendit en Italie pour se perfectionner en chant
et en contrepoint. Engagé par Rossini, à
Paris, comme premier baryton, il chanta
Figaro (le Barbier de Séville) avec succès en
1827. Il passa la saison 1829-30 à Palerme
comme chanteur et y fit créer son premier
opéra, I Rivali di se stessi. Après avoir été le
partenaire de la Malibran à la Scala, il regagna l’Angleterre et, sans abandonner le
chant ni renoncer à ses nombreuses tournées à travers l’Europe, il composa une
trentaine d’opéras d’une écriture agréable,
parmi lesquels The Bohemian Girl (1843)
connut la célébrité dans plusieurs pays.
BALLAD.
Mot anglais désignant une chanson sentimentale, dont on trouve de multiples
exemples dans la comédie musicale américaine.
La ballad a été l’objet d’innombrables
emprunts de la part des musiciens de jazz,
qui l’interprètent généralement en tempo
lent. Au répertoire des ballads de Hoagy
Carmichael (Star Dust), Vernon Duke,
George Gershwin, Jerome Kern, Cole Porter (Body and Soul), Richard Rodgers, les
musiciens de jazz ont ajouté des pièces
telles que I let a Song go out of my Heart, de
Duke Ellington, et Round’bout Midnight,
de Th. Monk.
BALLADE.
Une des formes fixes de la poésie lyrique
du Moyen Âge, la ballade est une composition strophique, à l’origine monodique,
puis polyphonique. Il s’agit d’une chanson à danser, formée d’une ou plusieurs
strophes identiques et reliées entre elles
par un refrain. Chaque strophe comporte
deux phrases musicales (la première répétée), suivies généralement du refrain
(schématiquement : AAB+ refrain). Au
XIIIe siècle, la ballade est illustrée par les
trouvères, notamment Adam de la Halle,
au XIVe par les musiciens de l’Ars nova,
comme Guillaume de Machaut, auteur de
42 ballades (1 seule monodique, 16 à deux
voix).
Au siècle suivant, la ballade poursuit
son développement avec G. Dufay et G.
Binchois. La plupart des textes mis en
musique parlent d’amour courtois pour
une dame chère et inaccessible. La forme
disparaît à la fin du siècle ( ! BALLATA).
En Angleterre, la ballad, chantée au
XIIIe siècle par des ménestrels et des jongleurs, épouse la forme des quatrains, et la
musique des différentes strophes ne varie
pas. Comme la ballata et la ballade fran-
çaise, la ballade anglaise n’est pas
par les musiciens du XVIe siècle. Le
réapparaîtra plus tard pour désigner
pièce narrative (par exemple, Keats,
Belle Dame sans merci).
traitée
terme
une
la
En Allemagne, la ballade est également
un genre narratif, cultivé au XVIIIe siècle
sous l’influence anglaise (par exemple,
Bürger, Lénore). À l’époque du « Sturm
und Drang », des poètes romantiques, tels
Schiller, Goethe, s’inspirent des légendes
anciennes. Schubert, Schumann, Brahms
les mettent en musique, avec accompagnement de piano.
Enfin apparaît au XIXe siècle, la ballade
instrumentale, dont les 4 ballades pour
piano de Chopin sont le modèle. Citons
aussi Fauré (Ballade pour piano et orchestre) et Ibert (Ballade de la geôle de Reading pour orchestre, d’après O. Wilde).
BALLAD OPERA.
Forme anglaise de théâtre lyrique au
XVIIIe siècle, différente aussi bien de
l’opéra que de l’opéra-comique.
Les dialogues sont parlés, les airs et les
choeurs sont empruntés soit à des chansons populaires, soit à des oeuvres de
maîtres renommés (Purcell, Haendel). Les
plus célèbres parmi les compositions de ce
genre sont le Beggar’s Opera (l’Opéra des
gueux) de J. Gay et J. Pepusch (1728) et
The Devil to pay de Ch. Coffey (1731), qui,
traduit en allemand sous le titre Der Teufel
ist los, fut à l’origine du Singspiel en Allemagne et en Autriche. Vers la fin du siècle,
les ressources des chansons populaires
s’épuisant, on eut de plus en plus recours
à une musique originale et le genre se rapprocha de l’opéra-comique.
BALLARD. Famille d’éditeurs et d’imprimeurs de musique français.
La maison fut fondée en 1551 par Robert Ballard († 1588) avec son cousin, le
luthiste, Adrien Le Roy et reçut un privilège du roi Henri II. Pendant cette période
furent imprimés nombre de chansons polyphoniques, de messes, de psaumes et de
motets (Sermisy, Janequin, Le Jeune, Goudimel, Lassus). La direction de l’entreprise
se transmit ensuite strictement de père
en fils jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et à la
septième génération. Pierre († 1639) reçut
de nouvelles lettres patentes en 1633. Il
publia des pièces pour luth et des oeuvres
de Du Caurroy, Moulinié, Titelouze ;
Robert II après 1650, les oeuvres de Du
Mont et des opéras de Cambert comme
Pomone (1671) ; Christophe (1641-1715),
qui fut imprimeur de l’Académie royale
de musique, d’innombrables airs à boire
ainsi que les tragédies lyriques de Lully et
les opéras de Campra, Destouches, Desmarets. Sous la direction de Jean-Baptiste
Christophe (v. 1663-1750), la concurrence
devint redoutable et la maison commença à perdre son hégémonie tout en
éditant Charpentier, Delalande, Couperin et Rameau. Suivirent Christophe Jean
François (v. 1701-1765) et Pierre Robert
Christophe († 1812), qui dirigea la maison
jusqu’en 1788.
BALLATA (ital. ballare, « danser »).
Forme répandue en Italie de la fin du XIIIe
au XVe siècle.
C’est une composition strophique, à
l’origine monodique, plus tard polyphonique, destinée au chant et à la danse, dont
la structure correspond, dans le domaine
français, non à la ballade, mais au virelai.
La forme fondamentale est la suivante : un
refrain (ripresa) ; deux phrases (piedi) qui
se chantent sur une même mélodie ; puis
le retour, sur un texte nouveau, mais empruntant les rimes du refrain, de la phrase
musicale du début (c’est la volta) ; enfin,
le retour du refrain (ripresa), texte et musique. Soit, schématiquement : A BB A’A.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle,
la ballata fit fureur, notamment à Florence, avec Landini. Elle fut cultivée aussi
par Nicolaus da Perugia, Bartolino da Padova, Ciconia, puis Dufay et A. de Lantins,
avant d’être détrônée par la frottola.
BALLET (MUSIQUE DE).
La musique et la danse étroitement unies
dans un spectacle habilement conçu, cela
arrive parfois, et l’on assiste à ce que l’on
appelle « une parfaite réussite ». Cette
fusion s’est réalisée en mainte occasion
depuis que la danse est montée sur la
scène (le Triomphe de l’Amour, mus. de
Lully, chorégr. de Beauchamp et de Pécourt, 1681), depuis qu’elle est devenue
théâtrale.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
55
Au fil des siècles, le public a pu bénéficier d’un certain nombre de ces réussites.
De ces chefs-d’oeuvre, quelques-uns sont
arrivés jusqu’à nous ; nous pouvons donc
les voir et les entendre, tout à la fois, dans
leurs formes premières, grâce à des documents, des partitions intactes, des notations.
Peut-on expliquer ce qui a si parfaitement réussi à un chorégraphe et à un
musicien dont la collaboration se voit
couronnée de succès ? Peut-on oublier
que certains prônent la composition d’un
ballet sur n’importe quelle musique, que
d’autres, des compositeurs de renom ou
qui se jugent eux-mêmes plus artistes
que le chorégraphe, pensent que leur
musique souffrirait d’une adaptation chorégraphique ? Peut-on oublier aussi que
des chorégraphes, au nom de leur inspiration, « massacrèrent » des partitions
exceptionnelles, que des danseurs - hélas
sans rythme - ratèrent de beaux ballets
bien construits et que des compositeurs
médiocres eurent quand même droit à
des morceaux chorégraphiques d’une rare
qualité ?
Le problème des rapports entre la musique et la danse, la musique et le ballet, a
toujours été soulevé et nul n’a pu y apporter de véritable solution. La question est
encore entière. Musique préexistante ou
musique composée spécialement ? Le chorégraphe doit-il suivre fidèlement la partition sans trahir le compositeur ou même,
dans certains cas, le librettiste ? Doit-il
écrire son propre argument, réaliser son
canevas chorégraphique et commander
sa musique à un compositeur qu’il aurait
préalablement choisi ? Ou bien, encore,
doit-il composer dans le silence et chercher ensuite une musique adéquate ?
Au-delà de ces questions, on peut,
pourtant, affirmer que la musique et la
danse ont eu de tout temps des rapports
étroits et privilégiés. N’y avait-il pas qu’un
seul mot, « danse », pour désigner la suite
de pas et l’air sur lequel elle s’exécutait ?
Peut-être cette interdépendance est-elle à
l’origine d’une émancipation que la musique et la danse recherchaient depuis que
les premiers auteurs du XVe siècle tentèrent de codifier les pas de danse et de défi-
nir la danse dans son unicité. Plus la danse
s’élaborait, plus elle tendait à son autonomie. Engendrant son propre rythme,
la danse pouvait donner son tempo à la
musique qui la soutenait. Danses de cour
ou danses villageoises, divertissement de
l’homme civilisé de la cité ou de l’homme
rustique, les danses franchirent un pas
considérable à partir du moment où la
danse, expression première de l’homme,
devint spectacle. La musique devint support, soutien, faire-valoir ou, au contraire,
impulsion, élément essentiel de la composition dansée.
C’est sensiblement vers le XVIe siècle
que danse et musique eurent leur identité propre. Les danses de cour (gaillardes,
pavanes), les danseries issues de chansons
s’ordonnancèrent peu à peu, se construisirent dans un lieu, non pas clos, mais
délimité, où, au niveau du sol, on pouvait suivre les évolutions, et où, au niveau
d’une galerie surélevée, on pouvait lire les
dessins et la géométrie des évolutions des
danseurs. Les premières danses décrites
s’ornèrent d’additions, de variations rythmiques dont on retrouve l’existence dans
les musiques correspondantes.
Au Moyen Âge, dans les fêtes et les
festivités, la danse est déjà un spectacle.
Mais la forme de ces spectacles n’est pas
définie : on y donne pêle-mêle, à côté de
la danse, des chants, des pantomimes, des
acrobaties, des pièces de poésie. Mais c’est
à cette époque que la danse commence à
devenir figurative, encore qu’il faille noter
que les danses portées à la scène et celles
dansées dans les salles de bal sont presque
identiques. Leur amalgame en forme de
ballet se fera sous l’emprise de la musique
et leur structure se pliera aux règles musicales. En fait le ballet « spectacle » sera
toujours associé - du moins jusqu’à la fin
du XVIIIe siècle - au théâtre et à l’opéra.
DU BALLET DE COUR À L’OPÉRA-BALLET.
L’engouement pour le ballet français et la
quasi-faillite de l’implantation de l’opéra
italien en France, en dépit des tentatives
de Mazarin, sont deux faits bien réels. Le
ballet de cour vécut trois décennies.
Dans ce divertissement, il faut distinguer, dès le début, les parties vocales
avec leur accompagnement, et la partition
instrumentale dédiée exclusivement à la
danse, aux danses. Il est clair qu’il y a une
nette séparation des compétences. Sous
le règne de Louis XIII, les musiciens de
la Chambre du roi ne s’abaissent pas à
ce genre de composition ; ils en laissent
le soin à d’autres artistes, mais non des
moindres, tel Cambefort. Pierre Guédron
compose pour sa part la musique du Ballet
de la délivrance de Renaud (1617). Antoine
Boesset, musicien favori du roi, collabore
à presque tous les ballets de cour et son fils
Jean-Baptiste travaille avec Lully.
Au début du règne de Louis XIV, le ballet de cour a déjà une structure bien définie. C’est, de plus, un genre musical qui a
la faveur des courtisans et du peuple ; c’est
un genre musical essentiellement français.
Jusqu’au début du XVIIe siècle, les
genres lyriques et chorégraphiques demeurent séparés. Pour la création d’un
ballet de cour, le musicien travaille en
collaboration directe avec le chorégraphe
(on disait, alors, le compositeur de ballet).
La réputation des musiciens français est
telle que les compositeurs italiens, appelés par Mazarin, sollicitent toujours le
concours des compositeurs français pour
créer la musique des différentes entrées.
Cette façon de valoriser la danse par rapport à la partie lyrique est très significative
de l’époque. Partitions de qualité pour la
danse, passages plus simples pour les parties chantées et purement musicales.
Ni Luigi Rossi ni Francesco Cavalli
ne peuvent faire vivre l’opéra italien en
France. C’est pourtant un autre Italien,
Jean-Baptiste Lully, venu très jeune en
France, qui, de l’emploi le plus humble,
s’élève à la charge de surintendant de la
musique et crée l’opéra français. Il écrit
d’abord la musique de ballet des opéras
de Cavalli et danse lui-même. Il collabore
avec Molière et Beauchamp. Maître du
menuet, Lully l’a mis à la mode à la Cour.
Devenu danse royale par excellence, le
menuet prend alors place dans la suite
instrumentale.
Avec un sûr instinct, Lully apporte au
public français ce que ce dernier espère ;
une version musicale d’un genre théâtral
que lui ont révélé Corneille et Racine, la
tragédie. Son premier opéra - le premier
opéra français - Cadmus et Hermione
(1673) est un succès. D’Alceste (1674) à
Armide (1686), Lully déploie son art de
compositeur de musique et de ballet. Dans
les ballets, il donne une composition particulière à l’orchestre (violons, flûtes et
hautbois).
L’opéra-ballet survivra avec Pascal
Collasse qui termine Achille et Polyxème
(1687), commencé par Lully, et compose
Thétis et Pélée (1689), les Saisons (1695).
André Campra donne l’Europe galante
(1697). Avec Jean-Philippe Rameau
l’opéra-ballet connaît son second souffle
(les Indes galantes, 1735 ; les Fêtes d’Hébé,
1739). Il s’éteindra pourtant, faute de
successeurs, avec Rameau. Il étouffe sous
les critiques : dans ce genre composite, la
danse, un de ses attraits majeurs, est accusée de rompre la progression dramatique.
Cette attaque porte en elle la justification
de la scission qui va séparer l’opéra et le
ballet. Encore verra-t-on imposer dans les
opéras du milieu du XIXe siècle une action
chorégraphique, un « ballet obligé » (la
Traviata, les Vêpres siciliennes de Verdi ;
la Damnation de Faust, les Troyens de Berlioz ; Eugène Onéguine, la Dame de pique
de Tchaïkovski).
DE GLUCK ET MOZART, COLLABORATEURS DE
NOVERRE, AU BALLET ROMANTIQUE.
Les Encyclopédistes incitent les artistes à
un « retour à la nature ». Rousseau déplore
l’introduction de la danse hors de l’action
dramatique. Diderot pense que la pantomime doit être liée à l’action dramatique,
mais que la danse, en fait, ne doit pas intervenir.
On peut compter Gluck parmi les compositeurs de musique de ballet. Son Don
Juan (Vienne, 1761) est le fruit d’une
collaboration étroite entre son libretdownloadModeText.vue.download 62 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
56
tiste, Calzabigi, le chorégraphe Angiolini et lui-même. Orphée, créé à Vienne
la même année, s’orne d’un grand ballet
d’Angiolini à l’acte II ; dans une nouvelle
version (1774), Gluck inclut 6 ballets d’action. Pour Alceste (1767), il travaille avec
Noverre, pour qui la création d’un ballet
repose essentiellement sur la construction chorégraphique, la composition de la
musique n’intervenant qu’en dernier lieu.
Gluck et Noverre collaborent également
pour Iphigénie en Tauride (Paris, 1779),
qui comporte, outre une danse finale, des
interventions dansées dès le premier acte.
Noverre compose les danses des Petits
Riens de Mozart (Paris, 1778). Contrairement à Gluck, Mozart fait peu appel à
la danse pour ses opéras. Les quelques
séquences dansées des Noces de Figaro ou
de la Flûte enchantée ne sont jamais gratuites et s’intègrent parfaitement à l’action
dramatique.
Peu enclin à travailler pour le ballet,
Beethoven compose pourtant les Créatures de Prométhée pour le chorégraphe
italien Salvatore Vigano, qui présente cet
ouvrage à Vienne en 1801.
Le romantisme en matière de ballet
s’est révélé dans une tendance à l’exotisme
(la Bayadère, la Péri) et une tendance à
l’immatérialité, une vision fantomatique
des êtres et du monde (la Sylphide). Le
chorégraphe, qui a écrit son histoire,
construit son ballet ; il impose son schéma
au musicien. Les partitions ne sont guère
brillantes, mais elles s’adaptent parfaitement à la chorégraphie et traduisent assez
bien l’atmosphère du ballet. Jean-Madeleine Schneitzhöffer est l’auteur de la
musique de plusieurs ballets, mais il doit
de survivre à la Sylphide (1832), ballet que
compose Filippo Taglioni pour sa fille
Marie. Adolphe Adam a une renommée
plus grande que celle du compositeur de
la Sylphide. Il est l’auteur de la musique de
la Fille du Danube (chorégr. F. Taglioni,
1836), et signe celle de Giselle ou les Wilis
(1841), sur une chorégraphie de Jules
Perrot et Jean Coralli. Boris Assafiev et
Tchaïkovski font l’éloge de sa partition.
Plus tard, il réalise la Fille de Gand pour
Albert (1842), puis la partition du Diable à
quatre (1845) et le Corsaire (1856), ballets
chorégraphiés par Mazilier.
Les musiques de ballet deviennent
ensuite de plus en plus insignifiantes. On
passe rapidement aux dernières décennies
du XIXe siècle pour trouver Léo Delibes
qui signe Coppélia (1870) et Sylvia (1876),
que règlent respectivement Arthur SaintLéon et Louis Mérante. Les Deux Pigeons,
musique de Messager (chorégr. de Mérante, 1886), ont encore une version dansée actuellement.
DE BOURNONVILLE À PETIPA.
Au XIXe siècle, August Bournonville
(1805-1879) a une méthode toute personnelle pour composer un ballet et choisir sa
musique. Ayant écrit le sujet de son futur
ballet, il l’oublie dans un tiroir ; le retrouvant ensuite, il le lit, et, s’il le juge digne
d’être monté en ballet, il fait alors appel
à un musicien. À partir de ce moment, le
musicien travaille seul sur les indications
du chorégraphe. Son oeuvre terminée,
les deux hommes se concertent, découvrant de part et d’autre des détails, des
nuances que ni l’un ni l’autre n’ont entrevus. Arrangement, refonte de différentes
parties, modifications s’effectuent à partir
de confrontations. En définitive, chacun
d’eux s’est habitué à l’idée de l’autre. Si la
musique est bonne, la mélodie agréable, le
rythme correspondant à la construction
chorégraphique, la partition sera dansante
et dansable.
À la fin du XXe siècle, une virtuosité
gratuite, les luttes incessantes des étoiles
ternissent le lustre de la danse. Le ballet
se sclérose, il s’enlise dans l’indigence et
peu de tentatives viendront le sortir de
l’ornière avant la venue en France des Ballets russes.
En Russie la composition musicale pour
les ballets est tout autre. Pugni, Minkus et
Drigo ont la haute main sur la musique
de ballet. Fonctionnaires appointés des
théâtres impériaux, ces musiciens sont
considérés en qualité de compositeurs de
ballet et on les surnomme « musiciens à
tiroirs ». Ce surnom leur vient d’une technique toute particulière de création.
Avant l’innovation - d’un incomparable apport artistique - de la collaboration d’un chorégraphe et d’un musicien
de renom, le chorégraphe « commandait »
sa musique à un compositeur patenté. Petipa, avant de travailler avec Tchaïkovski,
demandait à Léon Minkus, compositeur
attitré du Bolchoï, la musique pour un
ballet. Ce dernier, qui avait en réserve des
séquences musicales composées au hasard
de son inspiration et qu’il avait classées
par genres, puisait dans ce stock pour assembler un tout cohérent pouvant s’adapter à la chorégraphie de l’auteur qui avait
minutieusement précisé toutes les indications scéniques. Il suffisait au musicien de
faire des « raccords » pour que la partition
soit complète. Cesare Pugni (musique du
Petit Cheval bossu, de la Fille du Pharaon,
du Corsaire), Léon Minkus (musique de
Don Quichotte, de la Bayadère) et Ricardo
Drigo (musique du Talisman, des Millions
d’Arlequin) ont composé de cette manière
plus de trois cents musiques de ballet.
Les premières versions de nombre de
ballets, dont le succès les fit danser jusqu’à
nos jours et même inscrire au répertoire
de différents théâtres et compagnies, ont
résisté au temps, non pas grâce à leur support musical, mais à la chorégraphie et au
livret dans la ligne de l’époque. Le même
ballet remonté sur une musique différente
reste encore valable aujourd’hui (par
exemple, le Prisonnier du Caucase). L’association de Tchaïkovski et de Petipa propose des horizons nouveaux au ballet. Qui
se souvient des premières versions de la
Belle au bois dormant, du Lac des cygnes... ?
Même sujet, nouvelle chorégraphie de M.
Petipa, sur une partition de Tchaïkovski,
le ballet connaît le succès, la tradition
le transmet et le préserve de génération
en génération. Où se situe la différence ?
Où se situe la frontière entre la postérité
et l’oubli ? La musique a été associée à la
danse de manière délibérée. Le musicien a
composé pour le chorégraphe ; tous deux
ont travaillé ensemble avec une même
volonté : réaliser un ballet.
LE DÉBUT DU XXE SIÈCLE : ISADORA DUNCAN,
LES BALLETS RUSSES.
Le ballet aurait plutôt tendance à négliger
l’apport de la danseuse américaine Isadora
Duncan (1878-1927), dont la technique,
si elle peut être ignorée du ballet, dans sa
conception strictement théâtrale, n’en a
pas moins, pour certains, transformé la
danse, qui, après elle, allait être différente.
Elle rejeta tout : la discipline classique, les
chaussons de pointe et le tutu. Elle dansait
pieds nus ; elle improvisait sur des musiques qu’elle aimait et qu’elle « sentait ».
Quand Isadora Duncan parut, la danse
se mourait. De tout. De sa virtuosité, de
sa musique sans vie. Du cloisonnement
qui séparait les artistes. Pourtant elle ne
voulut pas s’intéresser à une musique spécialement conçue pour la danse. Pas plus
qu’elle ne se tourna vers les compositions
contemporaines, dont elle trouvait les
rythmes antinaturels, ne convenant pas
aux mouvements et impulsions naturels
du corps. Elle affirmait que les partitions
de cette époque ne pouvaient pas s’ins-
crire dans le contexte d’une harmonie
universelle, à laquelle elle voulait faire
tendre la danse. Elle dansa sur du Bach, du
Beethoven, du Chopin, mais elle le faisait
avec une certaine réticence, trouvant que
« c’était un crime artistique que de danser
sur de telles musiques ».
Diaghilev, organisateur de concert,
a déployé une large activité pour faire
connaître à l’Europe les musiciens de
l’école russe. Il organisa des concerts
où l’on découvrit Boris Godounov (avec
le ténor Féodor Chialiapine) et la Khovanchtchina de Moussorgski. Dès 1909, il
présentait à Paris ses Ballets russes, dont
l’apport musical a été considérable. Après
les musiques édulcorées et sans relief des
compositions de la fin du XIXe siècle et des
premières années du XXe, l’éclatement des
orchestrations contemporaines réveilla
l’intérêt du public qui n’attendait que ce
révélateur pour porter au plus haut une
musique étonnante et d’un autre registre.
Avec les Ballets russes, il y avait la
danse, la danse exécutée avec ferveur et
passion par des artistes au nom dès lors
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
57
prestigieux (Karsavina, Fokine, Balanchine, Nijinski, etc.). Il y avait aussi,
chaque soir de représentation, un véritable concert qui soulevait également
l’enthousiasme - et, parfois, la contestation - du public. Les compositeurs russes
sont largement représentés : Borodine (les
« danses polovtsiennes » du Prince Igor),
Rimski-Korsakov (le Coq d’or, Shéhérazade) et, surtout, Stravinski avec l’Oiseau
de feu, le Sacre du printemps, Petrouchka,
Pulchinella, les Noces.
Debussy, à qui il avait été demandé
d’écrire une musique pour les Ballets
russes, répondit par son fameux « Pourquoi ? ». Quelle signification donnait-il à
cette interrogation : pourquoi non, après
tout, pourquoi pas... ? Et il écrivit l’Aprèsmidi d’un faune, qu’il fit suivre - en dépit
du scandale provoqué par la chorégraphie
« osée » de Nijinski - d’une autre partition,
Jeux, que signa le même chorégraphe.
Qui pouvait imaginer que des com-
positions pour piano de Chopin seraient
orchestrées ? C’est, pourtant, ce qui arriva
à plusieurs d’entre elles que Michel Fokine
choisit pour régler Chopiniana (appelé par
la suite les Sylphides). La partition du ballet
regroupe plusieurs pièces (2 préludes, 1
nocturne, 3 valses et 2 mazurkas), dont
l’orchestration a été demandée à Glazounov et à Keller. Ce choix incita de nombreux chorégraphes à choisir des partitions de musiciens célèbres pour monter
leurs ballets.
Pendant vingt ans, les Ballets russes
concentrèrent dans leurs programmes l’essentiel de la musique contemporaine, avec
ses tendances, ses innovations techniques
et ses esthétiques. Certes, l’ensemble de
ces musiques ne tenait pas totalement du
chef-d’oeuvre, mais c’était plutôt un panorama de la musique contemporaine. Ravel
(Daphnis et Chloé), Manuel de Falla (le Tricorne), Richard Strauss (la Légende Joseph),
Francis Poulenc (les Biches), Georges
Auric (les Facheux), Eric Satie (Parade) et
Prokofiev (le Fils prodigue) étaient inscrits
au répertoire.
Cocteau avait demandé à Diaghilev de
l’étonner ; il ne fut pas le seul à l’être. Mais
Diaghilev, en plus de cet immense étonnement de l’oreille, de l’oeil et du coeur
qu’il suscita par ses spectacles, ouvrit la
voie à toute la contemporanéité, que fit
découvrir le ballet aux nouvelles générations. Après la mort de Diaghilev, plusieurs troupes tentèrent de faire revivre
les moments d’exceptionnelle qualité que
tous, public et artistes, vécurent de 1909 à
1929. Ainsi furent les tentatives des Ballets
de Monte-Carlo, dont l’éclat n’eut qu’une
courte durée.
Les Ballets suédois (1920-1925) voulurent du nouveau. Ils choisirent d’être
l’avant-garde. Le ballet moderne doit refléter la vie intellectuelle de son temps et
associer au même titre poésie, peinture,
musique et danse. L’innovation des Ballets
suédois de Jean Borlin et de Rolf de Maré
se situe plutôt au niveau de la scénographie (les Mariés de la tour Eiffel) que dans
le domaine musical, où ils firent appel à
Casella, Satie, Milhaud, Alfvén, entre
autres. De son côté, Ida Rubinstein (18851960) offrit des spectacles, éblouissants
feux d’artifice, que l’aidèrent à préparer
peintres, décorateurs et chorégraphes
en renom, et dont les musiciens avaient
pour noms Debussy (le Martyre de saint
Sébastien), Sauguet (David), Honegger
(Amphion, Sémiramis).
ATTITUDES ET TENTATIVES DES CHORÉGRAPHES
CONTEMPORAINS.
Bien qu’influencé par Isadora Duncan
dans sa recherche de la liberté d’expression, Fokine jugera - contrairement à cette
danseuse « libre » - que l’on peut danser sur toute musique. C’est même cette
volonté délibérée d’adaptation qui lui a
fait composer un nombre considérable de
ballets de genres totalement différents. De
Chopiniana à Petrouchka, en passant par
le Spectre de la rose (Weber), Daphnis et
Chloé, Bluebeard (Offenbach), Francesca
da Rimini (Tchaïkovski) ou le Lieutenant
Kije (Prokofiev), toutes les partitions
étaient préexistantes.
Balanchine, le maître du ballet abstrait,
a fait de la danse le contrepoint visuel de
chaque partition ; partition qui est toujours antérieure à la chorégraphie. Ses
grands ballets figuratifs ont suivi la tradition de la création chorégraphique,
mais ses oeuvres abstraites, elles, ont suivi
rigoureusement les partitions. Non pas
absolument « pas contre note », car la
musicalité et la compétence musicale de
Balanchine sont plus subtiles, plus nuancées que ce jeu strict et respectueux de
l’écriture d’une partition. Il s’en joue, il
retient, il devance, il retrouve la phrase,
la note même. Sans histoire à raconter, la
danse est belle, elle est juste, elle est souvent émouvante. Elle est musique visuelle.
Serge Lifar, qui fit partie des Ballets russes, a affirmé dans son Manifeste
du chorégraphe (1935) certaines idées
concernant la libération du ballet de
toute contrainte musicale. Il voulait que
la danse retrouve son autonomie et que le
ballet ne soit l’illustration d’aucun art. La
danse a, en elle-même, son propre rythme
et c’est le chorégraphe qui conçoit la base
rythmique du ballet. Ainsi en a-t-il fait
pour la création de son ballet Icare, pour
lequel il dicta les rythmes au compositeur
Georges Szyfer. Mais, en fait, cette libération était illusoire, car, même simplifiée
à l’extrême, comme ce fut le cas, à une
rythmique d’instruments à percussion, la
partition existait effectivement. D’ailleurs,
Lifar revint de lui-même sur cette attitude
et prit certains accommodements avec la
musique.
La contrainte semble, certes, difficilement tolérable pour le chorégraphe ;
mais le compositeur se retranche derrière
cette même appréhension quand il s’agit
de créer sous les directives impérieuses
du chorégraphe. Comment donc concevoir une libre collaboration, sans asservissement d’aucune sorte ? Comment ne
jamais trahir le dessein d’un compositeur,
qu’il soit présent ou non, au moment de la
création chorégraphique ?
Par exemple, pour Michel Descombey
(né en 1930), « l’idée d’un ballet naît soit
d’une anecdote, soit d’une musique préexistante ». Dans le premier cas, il faut
choisir une musique qui soit adéquate à
l’anecdote, dans le second cas, il faut que
l’atmosphère de la musique choisie détermine un thème. C’est le cas pour sa Symphonie concertante qu’il régla sur la partition de Frank Martin. Le thème en est « la
solitude, le refus des autres ». La diversité
des rythmes et des timbres de la partition
permit au chorégraphe de trouver une
forme parfaitement adaptée à sa composition chorégraphique. Il choisit la forme
concertante qui utilise les ressources
offertes par l’association de plusieurs solistes avec l’orchestre, de plusieurs solistes
entre eux ou de groupes différents entre
eux. Descombey a pratiquement disséqué
la partition, travaillant au magnétophone,
repassant de nombreuses fois une même
séquence pour en apprécier la pulsion
rythmique. L’oeuvre qu’il a composée de
cette manière, il l’a transmise point par
point à ses danseurs, dans la recherche
d’une perfection synchronique.
Des tentatives de tous ordres ont été
faites pour rendre la danse indépendante
de la musique, tout en conservant à la
musique un rôle de support rythmique
sans que l’on retombe dans les inepties du
XIXe siècle, soit pour que la danse « colle »
parfaitement à la partition ou pour qu’elle
soit une visualisation de la partition. Le
Jeune Homme et la Mort, ballet que réalisa
Roland Petit, d’après des indications de
Jean Cocteau, aussi bien pour l’argument
et la chorégraphie que pour les décors et
les costumes, a été répété sur une musique
de jazz au rythme syncopé. Le jour de la
première seulement, les interprètes surent
qu’ils allaient danser sur la Passacaille de
Bach. Quelle preuve évidente, alors, que le
ballet possédait déjà son propre rythme !
À cette méthode de travail on peut,
peut-être, opposer celle d’un Balanchine,
par exemple, qui règle ses chorégraphies
comme le musicien compose sa partition
ou comme le peintre agence son tableau.
C’est-à-dire qu’il assigne à chacun de ses
gestes une valeur qui a une réelle importance dans l’ensemble de la composition et
les uns par rapport aux autres. Ses structures chorégraphiques se sont parfaitement adaptées à la musique sérielle. Pourtant, par ailleurs, que dire de ses méthodes
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de travail avec Stravinski, lorsque tous
deux envisageaient la création d’Orphée
comme n’importe quels chorégraphe et
compositeur du XIXe siècle, minutant, évaluant la durée possible d’une traversée de
scène ?
Autre personnage de la danse contemporaine, Maurice Béjart est un amoureux de la musique. « J’écoute la musique
parce qu’elle représente la charpente de
ma vie », dit-il. Il sait, sans doute plus que
tout autre, que la danse, reflet d’un instant
donné, se périme rapidement. Ne dit-il
pas lui-même que ses propres oeuvres seront bientôt dépassées, qu’un autre que lui
en aura une vision nouvelle ? Son Sacre du
printemps, qui renouvelait la version qu’en
avaient donné les Ballets russes, s’est vu
affronté par celle qu’a créée récemment
John Neumeier.
Pour Béjart, c’est aussi grâce à Isadora
Duncan que la danse a pu être envisagée
dans une autre ambiance sonore. Il est
persuadé que, si Webern avait connu et
aimé la danse, il aurait compris son travail
de chorégraphe et qu’il aurait approuvé
son adaptation de sa musique. Les musiques qu’il utilise sont parfois désarticulées, parfois brusquement coupées par des
interventions étrangères, insolites, mais,
souvent, pour apporter une information
visuelle complémentaire.
Il a abordé des partitions nullement
faites pour la danse et en a conçu des
oeuvres qui sont d’amples visualisations de
la musique. La construction géométrique
de Symphonie pour un homme seul (de
Pierre Henry et Pierre Schaeffer) l’avait
frappé ; il en a été de même pour le Marteau sans maître et Pli selon pli de Pierre
Boulez. Pour Maurice Béjart, un ballet
que l’on regarde peut être à l’origine d’une
meilleure compréhension de la musique.
Pour lui, la musique gagne presque toujours à servir de support à la danse, même
si la composition chorégraphique se permet certaines libertés de rythmes ou d’expression. Il choisit toujours ses musiques
en toute liberté. Méfiant à l’égard des
« commandes », il a pourtant travaillé avec
Berio pour I trionfi, ballet qu’on lui avait
commandé pour être créé à Florence, en
hommage à Pétrarque. Sans doute étaitce la première partition contemporaine
écrite dans de telles conditions, mais cette
collaboration, ce travail de recherche ont
été des plus fructueux. Béjart, que cette
expérience a pleinement satisfait, semble
prêt à recommencer. Mais peut-être de
telles réalisations poseraient-elles avec
acuité les problèmes de la collaboration.
Problèmes qui sont loin d’être résolus et
qui, s’ils touchent les parties artistiques et
musicales de l’oeuvre, n’en sont pas moins
le reflet d’affrontement de personnalités.
QUELQUES QUESTIONS EN FORME DE
CONCLUSION.
Les rapports de la musique et de la danse
peuvent être résumés à une simple question de rythme. Mais ce serait évidemment trop schématiser. En musique, certaines partitions sont très simples tant leur
lecture est évidente ; les points de repère
auditif sont nets et il est aisé de jalonner la
composition chorégraphique grâce à ces
références. Souvent cette simplicité n’est
qu’apparente et il est difficile de détecter
des jalons auditifs pour construire une
danse cohérente et bien adaptée à la partition.
Une question peut encore se poser.
Comment la danse, art de l’éphémère,
peut-elle résister à l’usure du temps ?
Comment la danse, reflet d’un moment
privilégié, d’une époque peut-être, peutelle être associée à une musique qui, elle,
même si elle n’est pas un chef-d’oeuvre incontestable, a de larges moyens de conservation (partitions écrites, imprimées,
enregistrements magnétiques, disques) ?
La musique, telle que l’a composée un
musicien, conserve son identité ; le style
de la danse - même classique - évolue. Un
même ballet, dansé par des générations
différentes de danseurs, n’a pas à chaque
époque la même apparence visuelle. Une
symphonie de Beethoven sera presque
toujours égale à elle-même, les subtilités
des variations d’interprétation se situant
au niveau de la direction d’orchestre.
La survie, ou du moins la longévité d’un
ballet, peut être considérée par rapport
aux qualités de celui qui l’a créé chorégraphiquement, mais aussi par rapport à
celui qui en a composé la musique. Certaines partitions, qui n’ont pas été créées
pour le ballet, ont fort bien supporté cette
existence parallèle. Des compositeurs qui
aimaient la danse, qui ne la redoutaient
ni comme rivale ni comme élément destructeur, ont réalisé des partitions intéressantes (Bacchus et Ariane d’Albert Roussel
ou l’Amour sorcier de Manuel de Falla).
C’est l’évolution même de la musique
qui a rendu son association avec le ballet plus difficile. L’arythmie de la plupart
des partitions musicales contemporaines
oblige le chorégraphe à des ruptures de
phrases, à d’incessantes modifications
dans son discours. L’évolution savante, intellectuelle de la musique a banni en partie le lyrisme que la musique tonale permettait d’exprimer. L’émotion ressentie
naguère a fait place, le plus souvent, à un
état de tension qui est peut-être à l’origine
d’une autre forme de sensibilité. Mais qui
a le plus évolué ? La musique qui a trouvé
d’autres langages au cours de ses incessantes recherches ou la danse qui parvient,
pour vivre son époque, à se plier à une discipline plus rigide encore que celle dont
elle entendait se délivrer ?
BALLETTO (ital. ; « ballet »).
Terme désignant en particulier une chanson strophique à danser, généralement à
cinq voix et de structure simple, caractérisée par un refrain sur les syllabes « fala-la ».
À cette chanson, pouvaient se joindre
les instruments. Cette forme connut
une grande vogue en Italie à la fin du
XVIe siècle et franchit rapidement les frontières. Son représentant le plus célèbre
fut Giovanni Gastoldi, dont les Balletti a
cinque voci parurent en 1591. En Angleterre, Thomas Morley publia, en 1595,
ses Balletts a 5, dont le célèbre Now is the
Month of Naying, que Rosseter arrangea
pour concert instrumental. Peu à peu, le
balletto devint une forme purement ins-
trumentale.
BALLIF (Claude), compositeur français
(Paris 1924).
Il a fait ses études au conservatoire de Bordeaux, puis à celui de Paris (1948-1951)
avec Noël Gallon, Tony Aubin et Olivier
Messiaen. Il a ensuite (1951) travaillé à
Berlin avec Boris Blacher et Josef Rufer,
ainsi qu’à Darmstadt avec Hermann
Scherchen. En 1955, il a obtenu le premier
prix de composition au concours international de Genève pour son oeuvre Lovecraft, et enseigna aux Instituts français
de Berlin (1955-1957) et de Hambourg
(1957-58). Rentré en France en 1959, il a
travaillé au Groupe de recherches musicales de l’O. R. T. F. avant d’entreprendre
une carrière de professeur. Il a enseigné l’analyse et l’histoire de la musique
à l’École normale de musique de Paris
(1963-64), la pédagogie, puis l’analyse au
conservatoire de Reims (à partir de 1964).
En 1968, il a participé à la fondation du
département de musique de l’université
Paris-VIII (Vincennes), qu’il a ensuite dirigé pendant un an, et il est, depuis 1971,
professeur d’analyse au Conservatoire de
Paris. En 1978-79, il a passé un an comme
professeur à l’université McGill de Montréal, tandis que le compositeur et professeur Bruce Mather le remplaçait à Paris.
Libre de toute école, Claude Ballif a
adopté, dès les années 50, une position
particulière, refusant l’alternative tonalité-atonalité, ne voyant dans les termes
« tonal », « atonal » ou « modal » que les
reflets de situations limites, et développant pour sa part le concept de métatonalité, fondé sur une échelle de onze sons
et capable de prendre en compte toute
écriture musicale. Son Introduction à la
métatonalité (1953) est parue en 1956. Il
a publié également une monographie sur
Berlioz (1968) et de nombreux articles,
dont certains réunis en volume (Voyage de
mon oreille, 1979). Solitaire non dépourvu
d’humour, c’est un homme de culture
doté d’une grande curiosité et d’une solide
foi religieuse.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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On lui doit à ce jour une bonne soixan-
taine d’ouvrages. Citons, pour piano solo,
5 Sonates (1953-1960), Airs comprimés op.
5 (1953), Pièces détachées op. 6 (1952-53),
Bloc-notes op. 37 (1961) ; 4 Sonates pour
orgue op. 14 (1956) ; pour flûte et piano,
la Sonate op. 23 (1958) et Mouvements
pour deux op. 27 (1959) ; 3 trios à cordes,
3 quatuors à cordes (1955-1959) et de la
musique de chambre diverse ; 1 quatuor
pour trio à cordes et percussion op. 48
(1975) ; la série des 6 Solfegiettos pour instrument so
liste (de 1961 à 1975) ; Imaginaire I à
VI, série d’ouvrages tous conçus pour 7
instruments et tous basés sur un seul
intervalle ; pour orchestre, Lovecraft op.
13 (1955), Voyage de mon oreille op. 20
(1957), Fantasio op. 21 (1957), Fantasio
grandioso op. 21 B (création en 1977),
Ceci et cela (1959-1965), À cor et à cri op.
39 (1962) ; comme oeuvres religieuses,
Quatre Antiennes à la Vierge (1952-1965),
les Battements du coeur de Jésus pour trompette, trombone et double choeur (1971)
et le requiem la Vie du monde qui vient
(1953-1972, créé à Paris en mai 1974) ;
comme ouvrages avec voix, Phrases sur
le souffle op. 25 (1958), Fragment d’une
ode à la faim op. 47 pour 12 voix solistes
(1974), Poème de la félicité op. 50 pour 3
voix de femmes, guitare et 2 percussions
(1977). On lui doit encore Cendres pour
percussion (création en 1972), et, comme
oeuvres récentes, Ivre-Moi-Immobile op.
49 pour clarinette, petit orchestre et percussion (1976), une sonate pour clarinette
et piano op. 52 (1978), l’Habitant du labyrinthe op. 54 pour 2 percussions (1980),
Un coup de dé-Mallarmé op. 53, contresujet musical pour choeur symphonique,
2 percussions, 2 timbales, 2 contrebasses
et un ruban sonore (1978-1980), l’opéra
Dracoula (1984), la farce lyrique Il suffit
d’un peu d’air (1990-1991).
Claude Ballif a reçu le prix Arthur Honegger en 1974 et le grand prix musical de
la ville de Paris en 1980.
BALLO.
Forme musicale populaire en Italie au
début du XVIIe siècle.
Il s’agit d’une pièce de circonstance
(mariage, visite d’une personnalité importante, etc.) écrite généralement pour
une voix soliste, représentant le poète,
qui chante des strophes entrecoupées de
ritournelles instrumentales. Pour terminer, vient la danse, accompagnée par les
instruments, avec ou sans la participation
d’autres chanteurs.
BAN ou BANNIUS (Joan Albert), théoricien et compositeur néerlandais (Haarlem v. 1597 - ? 1644).
Ordonné prêtre, il termina sa vie comme
archevêque de Haarlem. Nous ne savons
rien de sa production musicale (si ce n’est
que, dans la composition d’un air de cour,
il eut le dessous face à Boesset, lors d’une
dispute esthétique à laquelle se mêlèrent
Descartes, Mersenne et les principaux
musiciens de l’époque). Mais ses traités
font autorité en ce qui concerne la musique du XVIIe siècle et, en particulier, la
monodie. Le plus célèbre est Dissertatio
epistolica de musicae natura, origine, progressu et denique studio bene instituendo
(Haarlem, 1637).
BANCHIERI (Adriano), compositeur italien (Bologne 1567 - id. 1634).
Élève de Gioseffo Guami, il fut organiste
à San Michele in Bosco, près de Bologne,
puis à Imola. Ce bénédictin, devenu abbé
du Monte Oliveto (1620), fonda l’Accademia de’ Floridi (1614) et joua un rôle fort
important dans la vie musicale à Bologne,
où on l’appelait Il Dissonante. Monteverdi,
O. Vecchi et G. Diruta étaient en relation
avec lui, et ses ouvrages théoriques, tels
que la Cartella musicale (1614) concernant
les ornements vocaux, comptent autant
que ses compositions sacrées et profanes.
L’Organo suonarino (1605) précise les
règles de l’accompagnement à partir d’une
basse chiffrée. Banchieri composa des canzone et des sonates dans le style brillant
de G. Gabrieli, comme le recueil Moderna
harmonia (1612), ou des oeuvres pour
double choeur (cori spezzati) comme les
Concerti ecclesiastici (avec accompagnement d’orgue pour le premier choeur, ce
qui justifie le titre de concerto).
Également poète (il écrivait sous le
nom de Camillo Scaglieri), Banchieri fut
l’auteur de comédies madrigalesques non
destinées à la scène. Celles-ci contiennent
des mélodies faciles, agréables, dans un
style homophonique et sur des textes souvent comiques tirés de la vie de l’époque.
Parmi ces oeuvres, citons La Pazzia senile
(1598), où figurent déjà, fait exceptionnel
à cette époque, des indications de nuances
(« forte », « piano »), la Barca di Venezia
per Padova (1605) et il Festino nella sera del
Giovedi grasso avanti cena (1608).
BANCQUART (Alain), compositeur français (Dieppe 1934).
Il a fait ses études au Conservatoire de
Paris (1952-1960), notamment avec Darius Milhaud, a été altiste à l’Orchestre
national de l’O. R. T. F. (1961-1973), puis
conseiller artistique de l’Orchestre national de France (1975-76), il est devenu
ensuite inspecteur de la musique au ministère de la Culture (1977-1984) et producteur pour Radio-France de Perspectives
du XXe siècle, puis professeur de composition au C. N. S. M. de Paris (1984-1995).
Sa formation d’altiste et son expérience
à l’intérieur d’un orchestre se reflètent
dans sa musique, marquée par son goût
des timbres et sa passion pour la poésie. Sa
personnalité s’est affirmée dans une série
d’oeuvres instrumentales, et, plus encore
peut-être, dans l’alliance musique-poésie
des oeuvres vocales et chorales. Citons,
parmi les premières, la Naissance du geste
pour orchestre à cordes et piano (1961),
Symphonie en trois mouvements pour
grand orchestre (1963), un concerto pour
alto (1964), Passages pour grand orchestre
(1966), Palimpestes pour 22 instrumentistes, où il a expérimenté l’emploi systématique des quarts de ton (1967), Écorces
I pour violon et alto (1967), II pour violon,
clarinette, cor et piano (1968) et III pour
trio à cordes (1969), Thrène I (1967) et II
(1976) pour trio à cordes, cette dernière
pièce en deux versions, l’une scénique
sur un texte de Marie-Claire Bancquart
et de Pierre Dalle Nogare et l’autre instrumentale, Simple, 6 pièces pour orchestre
(1972), Une et désunie pour 2 trios à
cordes (1970, version pour 2 orchestres
à cordes 1973). Et, parmi les secondes,
Strophes pour choeur mixte et ensemble
instrumental (1966), Ombre éclatée pour
voix de femme et orchestre (1968), Proche
pour voix de basse et violoncelle ou alto
(1972), À la mémoire de ma mort pour
choeur mixte a cappella (1975-76).
De 1977 date Ma manière de chat pour
harpe seule. La même année, Bancquart
fut cofondateur du C. R. I. S. S. (Collectif
de recherche instrumentale et de synthèse
sonore), centré sur le traitement instru-
mental du son électrique : dans l’opérathéâtre l’Amant déserté, sur un texte de
Marie-Claire Bancquart et de Pierre Dalle
Nogare (1978), l’électronique se mêle à
des instruments traditionnels électrifiés
et certaines scènes sont écrites en quarts
de ton (il en existe aussi une version instrumentale). Bancquart a écrit ensuite une
Symphonie pour grand orchestre que, malgré l’ouvrage de 1963, il considère comme
sa première (1979), une Symphonie de
chambre pour violoncelle en quarts de ton,
flûte et 14 instruments à vent (1980), Ma
Manière de double pour violon seul (1980),
Herbier pour voix et violon (1980), Voix
pour 12 chanteurs (1981), une Symphonie no 2 (1981), une Symphonie concertante
pour harpe et 13 instruments (1981), une
Symphonie no 3 (Fragment d’Apocalypse)
pour solistes vocaux et instrumentaux
et orchestre (1983), l’opéra de chambre
les Tarots d’Ulysse (1984), Mémoires pour
quatuor à cordes (1985), une Symphonie
no 4 (1987), Nocturne pour trio à cordes
et orchestre (1987), une Symphonie no 5
« Partage de Midi » (1992).
BAND.
Terme désignant le petit ensemble instrumental, base de l’exécution du jazz traditionnel.
Le band est formé d’une section rythmique (batterie, piano, guitare ou banjo,
contrebasse ou tuba) et d’une section mélodique (trompette ou cornet, trombone,
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clarinette, puis saxophone). Un ensemble
plus important est appelé big band.
BANDE.
Jusqu’au XVIIIe siècle, il s’agit d’une formation orchestrale régulière, composée en
principe d’instruments de même famille.
À la cour de Louis XIV, la Grande Bande
des violons du roy réunissait non seulement
des violons, mais également des altos, des
violoncelles et des violones.
Tombé en désuétude depuis la fin de
l’Ancien Régime, le terme a laissé des
traces dans la langue anglaise, où le mot
band désigne toujours les formations de
type militaire, les fanfares, harmonies
(brass bands) et, d’une façon générale, les
ensembles où dominent les instruments
à vent, y compris les jazz bands, dance
bands, etc.
BANDIR ou BENDIR.
Tambour sur cadre utilisé dans le monde
arabo-islamique et plus particulièrement
dans le Maghreb.
BANDONÉON.
Instrument de musique à soufflet et
anches libres, plus proche du concertina
que de l’accordéon.
Beaucoup plus grand que le concertina,
et de forme carrée, il en possède toutes
les autres caractéristiques. Sa pureté de
son et son étendue considérable sont très
appréciées dans les formations typiques
sud-américaines.
BANDOURA.
Instrument folklorique russe à cordes pincées, d’origine tartare, également employé
dans l’Orient musulman.
Proche parente de la balalaïka, la bandoura s’en distingue par sa caisse ovoïde
et par un nombre de cordes très variable.
BANDURRIA.
Instrument à cordes pincées, proche de
la guitare et de la famille des cistres par la
forme de sa caisse ; sa tessiture est aiguë.
En usage en Espagne depuis le
XVIe siècle, la bandurria comporte jusqu’à
six cordes simples ou doubles, au lieu de
trois à l’origine, et se joue avec un plectre
d’écaille.
BANISTER (John), compositeur et violoniste anglais (1630 - Londres 1679).
Charles II le remarqua et l’envoya se
perfectionner en France. En 1663, il fut
nommé chef des Violons du roi, poste
dont il fut écarté en 1667 au profit d’un
Français, Louis Grabu. Banister composa
des airs et organisa à Londres, en 1672,
les premiers concerts publics à entrée
payante qui aient eu lieu en Angleterre.
BANJO.
Instrument à cordes pincées du folklore
négro-américain dont il a été fait grand
usage au début du jazz.
Le banjo, à quatre, cinq ou six cordes,
se joue avec un plectre et produit un son
bref, percutant. Vers 1930, les banjoïstes
de l’école New Orleans, Danny Barker,
Mancy Cara, Johnny Saint-Cyr, Bud Scott,
ont cédé la place, dans la section rythmique de l’orchestre de jazz, aux guitaristes.
BANKS (Don), compositeur australien
(Melbourne 1923 - Sydney 1980).
Fils d’un musicien de jazz, il étudia au
conservatoire de sa ville natale, et s’installa en Angleterre en 1950, poursuivant
sa formation auprès de Mátyás Seiber
(1950-1952), puis auprès de Milton Babbitt à Salzbourg, de Luigi Dallapiccola à
Florence et, enfin, de Luigi Nono. Sa première oeuvre publiée fut une sonate pour
violon et piano (1953). Les Trois Études
pour violoncelle et piano (1955), le Pezzo
drammatico pour piano seul (1956) et le
concerto pour cor, écrit pour son compatriote Barry Tuckwell (1965), relèvent
de la technique sérielle, mais ce n’est pas
le cas du trio pour cor, également destiné
à Tuckwell. De 1961 date la Sonata da camera pour 8 instruments à la mémoire de
M. Seiber. Equation I (1963-64), Equation
II (1969) et Settings from Roget (1966) sont
autant de tentatives pour mêler le jazz et
la musique d’orchestre, cela dans la voie
appelée par Gunther Schuller « troisième
courant » (Third Stream), en opposant volontiers une musique de jazz se mouvant
rapidement et une musique d’orchestre
se mouvant lentement. Suivirent Tirade
pour mezzo-soprano, piano, harpe et
trois percussionnistes sur trois poèmes
de l’Australien Peper Porter (1968) et
Intersections pour sons électroniques et
orchestre (1969). Parmi les oeuvres orchestrales de Don Banks, citons encore
Divisions (1964-65), Assemblies (1966), et,
surtout, le concerto pour violon (1968).
Fondateur de l’Australian Musical Association à Londres, Banks a été président
de la Society for the Promotion of New
Music (1967-68), et, en 1969, cofondateur
de la British Society for Electronic Music.
Retourné en Australie en 1973, il y a occupé des postes d’enseignant à Canberra
(1974) et à Sydney (1978).
BANTI (Brigida), soprano italienne (Monticelli d’Ongina 1756 - Bologne 1806).
Fille d’un chanteur de rue, elle débuta
à Paris en 1776, séjourna à Londres en
1779-80, puis parcourut l’Europe avant de
revenir en 1794 à Londres, où elle se produisit jusqu’à sa retraite en 1802. C’était
une admirable actrice qui brillait particulièrement dans les récitatifs dramatiques. Elle savait à peine lire les notes et
l’écriture, mais compensait cette lacune
par une mémoire prodigieuse. En 1795,
Haydn écrivit pour elle son plus bel air
de concert, Berenice che fai ? (ou Scena di
Berenice).
BANTOCK (sir Granville), compositeur
anglais (Londres 1868 - id. 1946).
Étudiant à la Royal Academy of Music
(1889-1892), il fut attiré par les sujets
orientaux ou celtiques. De 1893 à 1896, il
publia The New Quarterly Musical Review
et défendit avec passion la musique de ses
contemporains, dirigeant des concerts de
« premières auditions », financièrement
désastreux. Professeur à l’université de
Birmingham jusqu’en 1933, il fonda son
enseignement aussi bien sur les classiques
que sur la musique vivante. Il composa
des poèmes symphoniques (Fifine at the
Fair), des symphonies (Celtic Symphony,
Hebridean Symphony), des oeuvres chorales (Omar Khayyám, 1906-1909), des
cycles de mélodies anglaises (Old English
Suites, 1909) et trois opéras.
BAR.
Terme allemand employé au Moyen Âge,
par les maîtres chanteurs, pour désigner
leurs chants.
Le bar comporte un nombre impair
de strophes (3, 5 ou 7) ; chaque strophe
contient deux couplets sur la même mélodie, suivis d’une section différente quant à
la musique et au texte. La structure d’une
strophe est généralement : AA’B. Ce plan
se retrouve souvent dans les chorals protestants, chez J. S. Bach par exemple.
BARBAUD (Pierre), compositeur français
(Alger 1911 - Nice 1990).
Après des études de lettres et de musicologie, il est bibliothécaire à la Bibliothèque
nationale, puis professeur d’éducation
musicale à l’Institut national des sports.
Il entreprend, au cours des années 50, des
travaux pour introduire la pensée mathématique et les méthodes qui en découlent
dans la composition musicale. À partir de
1958, Barbaud utilise un ordinateur, devenu indispensable devant la complexité
croissante des calculs, et abandonne la
composition manuelle et la simulation
pour la composition automatique. C’est le
moment où il fonde le Groupe de musique
algorithmique de Paris avec Roger Blanchard et Janine Charbonnier. On peut dire
que les travaux et réalisations de Barbaud
ont précédé ceux de Xenakis.
En remplacement de M. Philippot,
Barbaud a enseigné au Conservatoire de
Paris (1977-78) l’informatique musicale,
c’est-à-dire « l’élaboration, au moyen
de l’ordinateur, d’une partition qui soit
cohérente au regard d’une certaine grammaire des sons ». L’informatique musicale permet l’établissement artificiel d’un
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
61
discours musical, parfois fondé sur les
concepts a priori de l’harmonie traditionnelle (Lumpenmusik, 1974-1978), et
laisse souvent intervenir le hasard pur, à
condition qu’aucune règle ne soit violée.
Mais Barbaud préfère explorer des terres
inconnues (Maschinamentum firminiense,
1971 ; Terra ignota ubi sunt leones, 1973).
Son attitude intellectuelle est si rigoureuse
qu’il s’oblige à prendre tels quels les résultats obtenus par l’ordinateur. Tant qu’il
n’a pas eu de convertisseur numériqueanalogique à sa disposition - c’est-à-dire
jusqu’en 1974 -, Barbaud a dû effectuer
lui-même le décodage des résultats fournis
et faire exécuter la partition obtenue par
des instruments traditionnels. En 1973,
il s’associe avec l’acousticien F. Brown
et l’informaticienne G. Klein, et fonde le
groupe B. B. K. (Barbaud, Brown, Klein).
Dans les Marteaux maîtrisés, sa musique
dépasse les possibilités des instruments, et
l’ordinateur se charge de l’exécution.
Barbaud était persuadé que, à l’avenir,
cette manière de procéder remplacerait la
production artisanale de la musique.
BARBEAU (Marius), anthropologue, ethnologue et folkloriste canadien (SainteMarie, Québec, 1883 - Ottawa 1969).
Professeur à l’université Laval (Québec),
il fut l’un des premiers à s’intéresser au
folklore et devint le plus éminent folkloriste du Canada. Il recueillit des chansons
populaires, les transcrivit et les publia.
Il écrivit un ouvrage, The Folk Songs of
French Canada (les Chants populaires du
Canada francais), et, grâce à lui, le Musée
national du Canada possède plus de 5 000
mélodies folkloriques.
BARBER (Samuel), compositeur américain (West Chester, Pennsylvanie, 1910 New York 1981).
D’abord chanteur, il devient élève du Curtis Institute de Philadelphie où il étudie la
composition avec Rosario Scalero. Il obtient le prix Bearns de l’université Columbia, le prix de Rome américain et le prix
Pulitzer (1935). Au cours d’un séjour à
Rome, il écrit ses premières oeuvres (quatuor, symphonie et le célèbre Adagio pour
cordes) dans un style néoromantique. Le
concerto pour violon (1939) ouvre une
nouvelle période qui comprend, entre
autres, la 2e symphonie, le Capricorn
Concerto pour flûte, hautbois, trompette
et cordes, le concerto pour violoncelle, le
quatuor à cordes no 2 et la suite de ballet
Medea (1946). On y trouve pêle-mêle une
rythmique plus complexe, une couleur
orchestrale allant de Debussy à Webern,
une tendance de plus en plus nette vers
le contrepoint dissonant, voire la polytonalité. Puis, Knoxville, summer of 1915
pour soprano et orchestre, et une sonate
pour piano dédiée à V. Horowitz constituent une incursion sans lendemain dans
le dodécaphonisme, dont on ne trouve
plus guère de trace dans des oeuvres ultérieures comme Prayers of Kierkegaard
pour solistes, choeur et orchestre. Vanessa
(1957), opéra sur un livret de Menotti,
est une oeuvre plaisante, sincère et sans
prétention. Anthony and Cleopatra (1966),
autre partition lyrique, ne manque pas de
puissance, mais évite toute audace. Ainsi,
difficile à enfermer dans les limites d’une
seule tendance, Barber apparaît-il avant
tout comme un compositeur à la sûreté
technique sans faille, ayant le sens de la
mélodie et se maintenant avec prudence
dans un juste milieu.
BARBIER (Jean-Noël), pianiste français
(Belfort 1920 - Paris 1994).
Élève de Blanche Selva et de Lazare Levy,
il interrompt ses études musicales en
1939. Après la guerre, il se consacre surtout à l’écriture, publiant des romans, des
articles de critique musicale et, en 1961, un
Dictionnaire des musiciens français. À partir de 1950, il donne des concerts consacrés le plus souvent à la musique française
(Debussy, Déodat de Séverac, Ibert, Chabrier, etc.). Son enregistrement de l’intégrale des oeuvres pour piano seul de Satie
est primé par l’Académie du disque français en 1971. En 1974, il est nommé directeur du conservatoire de Charenton. Il est
apparu dans le film de Robert Bresson Au
hasard Balthazar (1966).
BARBIER (Jules), librettiste français
(Paris 1822-id. 1901).
Seul ou en collaboration avec Michel
Carré, il fournit des livrets à Gounod
(Faust, Philémon et Baucis, Roméo et Juliette), Meyerbeer (le Pardon de Ploërmel),
Ambroise Thomas (Mignon, Francesca da
Rimini, Hamlet), Offenbach (les Contes
d’Hoffmann), Victor Massé (les Noces de
Jeannette).
BARBIERI (Francisco Asenjo), compositeur espagnol (Madrid 1823 - id. 1894).
Il entra à quatorze ans au conservatoire de
Madrid, mais, son père ayant été tué dans
une émeute, il dut gagner sa vie comme
clarinettiste dans une clique militaire, pianiste de café, copiste et chanteur (il aurait
interprété Basile dans le Barbier de Séville).
Il devint l’un des créateurs essentiels du
théâtre musical espagnol, vite opposé au
mélodrame italien, qu’il parodia volontiers. L’oeuvre demeurée la plus célèbre
de Barbieri, la zarzuela El Barberillo de
Lavapiés (1874), est d’ailleurs une parodie du grand opéra historique et du Barbier de Rossini. Barbieri composa près de
80 zarzuelas. Wagnérien de la première
heure, animateur infatigable, homme de
culture exceptionnelle, il fut l’une des figures les plus marquantes de la musique
espagnole avant Manuel de Falla. Il publia
une ample anthologie de musiques anciennes espagnoles (Cancionero musical
de los siglos XV y XVI) et édita les oeuvres
de Juan del Encina. Il fut organisateur
de concerts, professeur d’histoire de la
musique au conservatoire de Madrid, et
il écrivit de nombreux articles musicologiques.
BARBIREAU (Jacques ou Jacobus), compositeur flamand (Mons v. 1408 - Anvers
1491).
Il occupa, de 1440 à 1491, le poste de
maître de chapelle à la cathédrale d’Anvers, où il augmenta considérablement
le nombre de chantres ; il eut J. Obrecht
pour successeur. Vers la fin de sa vie, envoyé par l’empereur Maximilien à Buda, il
y fut reçu en grande pompe en raison de
sa renommée. Trois messes (Terribilment,
Virgo parens Christi et Faulx perverse, dont
les sombres couleurs annoncent P. de La
Rue), un motet et un Kyrie montrent que
Barbireau s’inscrit dans la ligne stylistique
d’Ockeghem. Parmi ses sept chansons
conservées, Een vroylic wesen, à 3 voix, fut
très célèbre aux XVe et XVIe siècles, et se
rencontre dans plusieurs versions différentes, vocales et instrumentales.
BARBIROLLI (John), chef d’orchestre anglais d’origine italienne (Londres 1899 id. 1970).
Après des études de violoncelle à la Royal
Academy of Music (1912-1917), il entreprit une carrière de violoncelliste. En
1925, il créa un orchestre à cordes (Barbirolli Chamber Orchestra). Nommé directeur musical et premier chef d’orchestre
à Covent Garden en 1926, il succéda, en
1936, à Toscanini à la tête de l’Orchestre
philharmonique de New York. De retour
en Angleterre en 1943, il prit et conserva
jusqu’à sa mort la direction de l’Orchestre
Hallé de Manchester, dont il étendit la
réputation. Particulièrement inspiré par
Berlioz, Brahms, Verdi, Mahler, Sibelius, Barbirolli a aussi défendu les compositeurs anglais modernes (Vaughan
Williams, Bax, Walton). Il a également eu
une activité de compositeur de musique
orchestrale et d’arrangeur.
BARBITOS.
Instrument à cordes pincées de tessiture
grave, proche de la harpe, qui semble avoir
été répandu, avant l’ère chrétienne, dans
la plupart des pays de civilisation grécoromaine.
BARBIZET (Pierre), pianiste français
(Arica, Chili, 1922 - Marseille 1990).
Au Conservatoire de Paris, il obtient trois
premiers prix (piano, 1944). En 1948, il
reçoit le Grand Prix du Concours international de Scheveningen ; en 1949, il est
lauréat du Concours Marguerite LongdownloadModeText.vue.download 68 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
62
Jacques Thibaud. Parallèlement à sa carrière de virtuose, il se produit dans un cabaret de Pigalle en compagnie de Samson
François et Pierre-Petit. De 1963 à 1990,
il dirige le conservatoire de Marseille et,
en 1974, il est nommé professeur de piano
au Conservatoire de Paris, où il crée les
« Lundis du Conservatoire », série de
concerts consacrés aux jeunes talents. Il
a formé avec le violoniste Christian Ferras
un duo très renommé.
BARBLAN (Otto), compositeur suisse
(Scans, Engadine, 1860 - Genève 1943).
Après des études musicales à Coire et à
Stuttgart, et des débuts comme professeur
de musique à l’école cantonale de Coire, il
se fixa à Genève, en 1887, pour y assurer
la charge d’organiste à Saint-Pierre. Également directeur de la Société de chant
sacré et professeur au conservatoire de
Genève, à partir de 1892, il prit une part
active à la révision de Il Coral (psautier
en langue romanche) et à celle du psautier romand. Pédagogue, son rôle auprès
des jeunes compositeurs fut important.
Son oeuvre, influencée par l’esprit germanique, comprend essentiellement des
pages vocales (choeurs, psaumes, cantates,
chants patriotiques), des pièces instrumentales (piano, orgue) et de la musique
de chambre.
BARBOTEU (Georges), corniste et compositeur français (Alger 1924).
Né dans une famille de musiciens, il commence des études de cor à neuf ans, obtient
à onze ans un premier prix au conservatoire d’Alger dans la classe de son père et
devient premier soliste à l’orchestre symphonique de Radio-Alger en 1940. Il entre
à l’Orchestre national de la R.T.F. en 1948,
remporte le prix d’honneur de cor au
conservatoire de Paris (1950) et le premier
prix au Concours de Genève (1951). Professeur au Conservatoire de Paris depuis
1963, il poursuit une carrière de soliste, de
musicien d’orchestre et de pédagogue. Ses
stages à Darmstadt auprès de Stockhausen
et son activité de compositeur témoignent
de son intérêt pour la musique contemporaine.
BARCAROLLE.
Chant évoquant une atmosphère marine,
et plus particulièrement les gondoliers
vénitiens.
Son rythme caractéristique, généralement à 6/8 ( ), suggère le balancement
d’un bateau sur l’eau. La barcarolle se rencontre notamment dans la littérature pianistique (Chopin, Mendelssohn, Fauré),
mais aussi dans l’opéra, par exemple chez
Rossini (Otello et Guillaume Tell), chez
Offenbach (les Contes d’Hoffmann), sans
oublier le sublime trio de Cosi fan tutte
(Mozart) « Soave sia il vento », qui y puise
son inspiration.
BARDE. Poète et chanteur de l’Antiquité
celte, qui s’accompagnait sur un instrument traditionnel, le crwth.
La conquête romaine et, surtout, l’évangélisation de la Gaule et des îles Britanniques
ont fait disparaître la caste sacerdotale
des bardes, qui vivaient dans la maison
des grands seigneurs dont leurs chants
conservaient la mémoire et célébraient les
exploits. Les bardes ont, toutefois, subsisté
au pays de Galles fort avant dans le Moyen
Âge, à la cour de nombreux roitelets qui
avaient conservé le goût de la poésie nationale. Au XIIIe siècle, l’unification de la
Grande-Bretagne jeta à la rue ces trouvères d’un genre particulier, qui en furent
réduits à la mendicité. Leur rôle avait été
considérable dans le maintien d’une très
riche tradition orale, et leur nom continue d’être donné aux poètes épiques ou
lyriques, quelle que soit leur origine.
BARDI (Giovanni), comte DI VERNIO, mécène, humaniste et compositeur italien
(Florence 1534 - Rome 1612).
Dès 1576, il réunissait à Florence des savants et artistes dont les réflexions s’inspiraient des idées de la Grèce antique.
Les travaux de cette Camerata fiorentina
(ou Camerata Bardi) contribuèrent grandement au développement du récitatif
chanté fondé sur le stile rappresentativo.
En 1592, Bardi quitta Florence pour
Rome, où il fut au service du pape Clément VIII jusqu’en 1605.
Il avait écrit des intermèdes musicaux pour des fêtes données à Florence,
mais il ne nous reste de ses compositions
que deux madrigaux à 4 et 5 voix. On a
conservé également son Discorso mandato
a Caccini sopra la musica antica.
BARENBOÏM (Daniel), pianiste et chef
d’orchestre israélien (Buenos Aires
1942).
Il fait ses débuts de pianiste à l’âge de sept
ans, à Buenos Aires. Il a ensuite, parmi
ses professeurs, Edwin Fischer, Nadia
Boulanger et Igor Markevitch. En même
temps que grandit rapidement sa réputation de pianiste, il aborde, en 1962, la
direction d’orchestre et travaille beaucoup
avec l’Orchestre de chambre anglais. Avec
cet ensemble, ses interprétations de Mozart, aussi bien comme chef d’orchestre
(symphonies) que comme pianiste et
chef (concertos), font très vite autorité.
Il aborde alors la direction d’orchestre
symphonique, où il acquiert aussi une
grande réputation. Nommé directeur
de l’Orchestre de Paris en 1974, il prend
ses fonctions la saison suivante, pour
les conserver jusqu’en 1988. En 1989, il
est nommé directeur musical de l’Opéra
de la Bastille, mais doit abandonner ces
fonctions. En 1990, il succède à Solti à la
tête de l’Orchestre de Chicago. Son successeur à l’Orchestre de Paris est Semyon
Bychkov, dont le contrat viendra à terme
en 1998. C’est un artiste prodigieusement
doué, dont la polyvalence et la curiosité
insatiable sont très caractéristiques de sa
génération. Il pratique le piano en solo,
en concerto, en musique de chambre, en
accompagnement de chanteurs de lieder,
et la direction d’orchestre en musique
symphonique et en opéra.
BÄRENREITER VERLAG.
Maison allemande d’édition de musique,
fondée en 1924 à Augsbourg par Karl Vötterle.
En 1927, elle a été transférée à Kassel,
d’où ses initiales BVK. Des filiales ont été
créées à Bâle (1944), à Londres et à New
York (1957) ; la filiale française, née en
1963, s’est installée en 1970 à Chambraylès-Tours (Indre-et-Loire) et a disparu en
1979. Parmi les nombreux ouvrages édités par BVK figure le célèbre dictionnaire
Die Musik in Geschichte und Gegenwart
(MGG).
BVK publie plusieurs périodiques musicologiques et l’une de ses branches est
consacrée à l’édition de disques.
BARIOLAGE.
Dans les instruments à cordes frottées,
coup d’archet faisant alterner deux cordes
ou bien entendre une note alternativement avec un doigt appuyé et avec la corde
à vide.
BARKAUSKAS (Vytautas), compositeur
lituanien (Vilnius 1931).
Après des études au conservatoire de
Vilnius, il enseigne la théorie musicale
dans ce même établissement, à partir de
1961. Depuis 1964, Barkauskas use d’un
dodécaphonisme élargi, d’abord dans ses
compositions de chambre (cycle de piano
Poésie, 1964 ; Partita pour violon seul, 1967,
etc.), puis dans des oeuvres vocales telles
que La vostra nominanza e color d’erba
(choeur de chambre et quintette à cordes,
1971). Il s’est fait connaître par les prix
d’État attribués à des commandes officielles : Hommage à la révolution (1967) et
la 2e symphonie (1971).
BARKER (Charles Spackmann), facteur
d’orgues anglais (Bath 1804 - Maidstone
1879).
Il s’installa à Paris de 1837 à 1870, puis
à Londres. Il construisit les orgues de
Saint-Augustin, à Paris, de Saint-Pierre,
à Montrouge, et ceux des cathédrales de
Dublin et de Cork. Il est surtout connu
pour avoir inventé une machine pneumatique à laquelle on a donné son nom :
des leviers pneumatiques assistent la tracdownloadModeText.vue.download 69 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
63
tion des notes et permettent l’accouplement des claviers sans durcir le toucher.
Aujourd’hui, la traction électrique, d’une
part, le retour à une mécanique légère,
souple et bien réglée, d’autre part, ont
conduit à abandonner la machine Barker.
BARLOW (Fred), compositeur français
(Mulhouse 1881 - Boulogne-sur-Seine
1951).
Pendant ses études d’ingénieur à l’École
polytechnique de Zurich, il composa en
amateur ses premières mélodies. En 1908,
il vint s’installer à Paris pour travailler
la musique. Ses maîtres, Jean Huré et
Charles Koechlin, le libérèrent de sa passion pour Wagner ; ils lui firent connaître
les richesses des modes anciens et les subtilités de la musique française moderne,
que Barlow unit à son inspiration délibérément simple, douce, mais éloquente.
Son oeuvre comprend notamment des
pièces pour piano, dont de nombreux
morceaux pour enfants, de la musique de
chambre, l’opéra-comique Sylvie d’après
G. de Nerval (1923), où s’exprime une
troublante poésie, l’opérette Mam’zelle
Prud’homme (1932), qui retrouve la verve
d’Offenbach et la distinction de Messager,
et deux ballets.
BARONI (Leonora), chanteuse, compositeur, gambiste et théorbiste italienne
(Mantoue 1611 - Rome 1670).
Elle s’installa à Rome et sa célébrité y
devint considérable à partir de 1630. Le
violiste francais Maugars, séjournant
dans cette ville, pensait en l’écoutant
« estre desjà parmy les anges... » C’était
une musicienne complète, un esprit
brillant, qui se mêlait aussi de politique.
Milton lui dédia son poème, inspiré de la
Leonora du Tasse, Ad Leanoram Romae
Canentem. Mazarin, qui fut à Rome son
ami et peut-être son amant, la fit venir
à la cour de France en 1643. Malgré un
accueil extrêmement favorable et l’amitié
d’Anne d’Autriche, elle ne s’y plut guère et
retourna à Rome en 1645. Mais son séjour
avait contribué à développer le goût pour
l’art vocal italien et préparé le succès de
l’Orfeo de Luigi Rossi (1647).
BAROQUE.
Ce terme contient l’idée d’une forme irrégulière, voire bizarre, et implique à l’origine une nuance péjorative. Il s’applique
à un style dans l’histoire de tous les arts, y
compris la musique, et correspond à une
époque située entre 1600 et 1750 environ.
Le baroque musical est né avec la monodie accompagnée et l’invention de la basse
continue, opposant le stile moderno au stile
antico de la Renaissance, dans la lignée de
Palestrina et de la musique polyphonique.
E. d’Ors précise que le style du baroque est
conçu dans des « formes qui s’envolent »
par opposition au classicisme qui emploie
des « formes qui pèsent ». Pour Suzanne
Clercx, « le baroque est un art de mouvement, c’est-à-dire un art où le dynamisme
apparaît comme un caractère permanent
[...], un art de variation, d’abondance, qui,
fatalement, entraîne au maniérisme ». Il
inclut en effet un goût de l’ornementation
et de la virtuosité, souvent poussé par la
vanité humaine à des excès dont parlent
nombre d’écrivains de l’époque. Le baroque révèle le besoin de créer un monde
irréel, extravagant, peuplé de contrastes
bien marqués comme, en musique, ceux
entre « forte » et « piano ».
À cette époque apparaissent l’opéra,
l’oratorio, la cantate ; la musique instrumentale se développe (concerto, sonate et
toutes les musiques pour instruments à
clavier, en particulier l’orgue). Ces différentes formes se divisent en trois groupes
de style caractéristique : l’église (chiesa),
la chambre (camera) et, bien entendu, le
théâtre, puisque le baroque est un spectacle permanent. Ainsi, la sonate d’église et
la cantate religieuse se distinguent-elles de
la sonate de chambre et ses mouvements
de danse et de la cantate de chambre, souvent dramatique, qui se rapproche du troisième groupe, celui de l’opéra.
La forme a tre (à trois) est très caractéristique de l’écriture musicale baroque.
Elle se compose de deux parties mélodiques (vocales ou instrumentales) soutenues par une troisième partie, la basse
continue, qui comprend elle-même en
général deux instruments, un instrument
polyphonique et un à archet. C’est également à cette époque que s’affirment le sens
de la tonalité et celui de l’harmonie.
Dans la mesure où la monodie accompagnée et l’opéra se développent surtout
en Italie, on peut dire que le style baroque
en musique est né dans ce pays. En effet,
l’Italie est, au XVIIe siècle, le principal
centre d’une écriture fondée sur la basse
continue, d’abord avec les musiciens de
la Camerata fiorentina, Monteverdi, les
membres de l’école romaine (L. Rossi,
Carissimi, A. Cesti) et ceux de l’école vénitienne (F. Cavalli, G. Legrenzi).
C’est dans la lignée des modèles italiens
de l’opéra, de la cantate, de l’oratorio que
se placent les musiciens allemands, de
Schütz à Haendel, et aussi, le plus grand
compositeur anglais du XVIIe siècle, Henry
Purcell.
À la même époque fleurit en Italie une
production instrumentale qui, ayant pour
point de départ la sonate et la sonate à
trois, trouve, grâce aux efforts de Stradella,
de Corelli, de Torelli et enfin de Vivaldi,
sa structure définitive dans le concerto
et la sonate classiques, dont les formes se
consolideront, après Bach, avec son fils
Carl Philip Emanuel et avec Haydn.
En France, en revanche, il est difficile et
parfois imprudent de parler de baroque en
musique. La pratique de la basse continue
s’y introduit très tard - vers 1640 -, et le
luth, essentiellement un instrument de la
Renaissance, garde sa suprématie. Dans
ce pays se crée la tragédie lyrique, basée
sur une déclamation régie par le rythme
du langage racinien, en opposition avec
le récitatif souple et parfois fort rapide
des Italiens, beaucoup plus proche de la
langue parlée. Quant à la musique instrumentale qui prend forme alors, elle est
inspirée des rythmes de danse de toutes
sortes provenant des ballets de cour et du
répertoire des luthistes. Ainsi se dessine
la suite française. C’est Lully qui, mêlant
ces éléments préexistants à ceux de son
Italie natale, amène la musique française,
à peine sortie de la Renaissance, directement à un style dit « classique », contenant
peu d’aspects baroques.
Le baroque se définit donc en musique
comme une déformation des techniques
déjà existantes, leur mélange avec d’autres
techniques naissantes fondées sur l’emploi
de la basse continue et sur des « effets ».
Peut-être l’exemple le plus frappant de ce
mélange est-il la vaste fresque religieuse
de Claudio Monteverdi : les Vêpres de la
Vierge (1610).
BARRAGE.
Sur le piano, ensemble de barres en métal
ou en bois servant à renforcer la caisse,
ce qui permet d’accroître la tension des
cordes. L’invention en est attribuée à
Sébastien Érard. Sur le luth, le barrage
consiste à renforcer la table d’harmonie,
très fragile, par une série de fines lattes de
bois.
BARRAINE (Elsa), femme compositeur
française (Paris 1910).
Elle travaille avec Paul Dukas et obtient
en 1929 le premier grand prix de Rome.
Elle écrit deux symphonies (1931, 1938),
riches, chatoyantes, encore traditionnelles. Poésie ininterrompue, d’après
Eluard (1948), marque une évolution vers
une expression plus vive et plus audacieuse. Viennent ensuite les Variations
pour percussion et piano (1950) et la
Nativité (1951). Le Livre des morts tibétain
(auquel s’intéressera aussi Pierre Henry)
est pour elle une illumination qui porte
et inspire sa Musique rituelle pour orgue,
tam-tam et xylophone (1968), l’une des
oeuvres les plus marquantes qu’ait écrites
cette « musicienne de l’essentiel » (C. Rostand). Citons aussi la Cantate du vendredi
saint (1955). Elsa Barraine a aussi écrit des
musiques de film, et le ballet la Chanson
du mal-aimé (1950).
En 1969, Elsa Barraine devient titulaire
d’une classe d’analyse au Conservatoire
de Paris. Dans le cadre de la Fédération
musicale populaire, qui regroupe des chorales, et en collaboration avec le compositeur François Vercken, elle suscite des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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oeuvres nouvelles, jouant le rôle de médiatrice entre les chanteurs amateurs et les
compositeurs.
BARRAQUÉ (Jean), compositeur français
(Puteaux 1928 - Paris 1973).
Issu d’une famille bourgeoise, il apprit
d’abord le piano et travailla au Conservatoire de Paris l’harmonie, le contrepoint et
la fugue avec Jean Langlais, puis, de 1948
à 1951, l’analyse avec Olivier Messiaen.
Compositeur exclusivement et fièrement
sériel, il n’a laissé que six ouvrages auxquels vient s’ajouter son Étude pour bande
magnétique (1954), résultat de ses travaux
avec Pierre Schaeffer (1951-1954). Mais
ses oeuvres sont de celles qui marquent
une époque. Les deux premières sont la
Sonate pour piano (1950-1952) et Séquence
pour soprano, ensemble instrumental et
percussions (1950-1955). La Sonate, la
plus monumentale peut-être depuis la
Hammerklavier de Beethoven, est en deux
parties, de dimensions à peu près égales,
mais dont la première, aux arêtes vives,
est surtout rapide, et la seconde, envahie
peu à peu de zones de silence, surtout
lente. Elle ne fut créée - au disque ! - qu’en
1957, et on ne l’entendit en concert qu’en
1967. De Séquence, la version initiale date
de 1950. Plus tard, Barraqué remplaça les
poèmes de Rimbaud et d’Eluard par des
poèmes de Nietzsche, et, en 1955 encore,
ajouta deux interludes instrumentaux.
L’ouvrage fut créé en 1956. La même
année, Barraqué découvrit le roman de
Hermann Broch la Mort de Virgile (achevé
en 1947), et fut d’emblée captivé par cette
vaste méditation, si proche de ses préoccupations propres, sur les rapports entre
l’art, l’artiste et la société. « Le livre dépeint les dix-huit dernières heures de la
vie de Virgile, depuis son arrivée au port
de Brindisium (l’actuel Brindisi) jusqu’à
sa mort dans l’après-midi du lendemain
au palais d’Auguste. Bien que rédigé à la
troisième personne, il s’agit d’un monologue du poète. C’est avant tout un bilan
de sa vie, du bien-fondé - ou non - moral
de cette vie, du bien-fondé - ou non du travail poétique auquel cette vie fut
consacrée (Virgile désirait que toute son
oeuvre fût détruite), mais, comme toute
son existence est liée à son époque, ce
bilan embrasse la totalité des courants
spirituels et souvent mystiques qui parcoururent l’Empire romain en ce dernier siècle avant le Christ, et qui ont fait de
Virgile un précurseur du christianisme »
(Broch). Barraqué, fasciné notamment par
le concept de la méditation à l’orée de la
mort, conçut le projet (que sa démesure
voulue condamnait d’avance à l’inachèvement) d’une vaste série de compositions,
du piano solo à l’opéra, constituant un
cycle de commentaires et de paraphrases
des quatre parties du roman. La mort
prématurée du compositeur, ainsi que la
lenteur qu’il apportait à l’acte d’écrire,
comme s’il s’agissait à chaque instant
d’une question de vie ou de mort, ne lui
permirent de mener à bien que ...au-delà
du hasard pour quatre formations instrumentales et une formation vocale (195859, création en 1960) ; Chant après chant
pour soprano, piano et 6 percussionnistes
(1966) ; le Temps restitué pour soprano,
soprano dramatique, choeur mixte à 12
voix et 31 instruments (1956-1968, créa-
tion en 1968) ; et Concerto pour clarinette,
vibraphone et 6 formations instrumentales (1968). De ces quatre partitions, les
trois premières utilisent à des titres divers
le texte de Broch, alors que la quatrième se
rattache au roman de manière indirecte.
Toutes unissent la rigueur intellectuelle
la plus intransigeante et le romantisme
le plus généreux et le plus ardent : c’est
ainsi notamment que Barraqué put s’inscrire dans la descendance de Beethoven,
maître qu’il révérait par-dessus tout. Tant
par ses travaux sur la série - qui le conduisirent au système des séries proliférantes
(permettant, à partir d’une série initiale,
l’engendrement de séries dérivées toutes
différentes, mais restant apparentées à
l’originale) - que par ses recherches formelles, Barraqué ne ménage ni l’interprète
ni l’auditeur, mais quelle récompense à
l’issue de l’effort ! « La musique c’est le
drame, c’est le pathétique, c’est la mort »,
disait-il. Cet athée solitaire, qui ne vivait
que pour la musique, laissa peut-être la
musique le détruire. La maladie exécuta
ce que lui-même n’osa peut-être pas faire :
arrêter sa vie, une vie qui avait été une fusion constante d’exaltation, de désespoir,
de crises agressives, de persécution et de
fureur. Conscient de sa valeur, il vécut et
travailla en marge de la vie musicale. Son
bagage ne représente que trois heures et
demie de musique, mais peut-être faudrat-il plusieurs générations pour en mesurer
la profondeur et les résonances. Auteur
également d’une importante monographie sur Debussy (Paris, 1962) et de Debussy ou la naissance des formes ouvertes,
thèse pour le C. N. R. S. (1962), il laissa à
sa mort, en état d’inachèvement et sous un
aspect à peu près indéchiffrable, Lysanias
pour solistes, choeurs et grand orchestre,
les Portiques du feu pour 18 voix a cappella
et les Hymnes à Plotia I pour quatuor à
cordes et II pour piano, cela sans compter divers projets parmi lesquels, pour la
scène, l’Homme couché.
BARRAUD (Henry), compositeur français (Bordeaux 1900).
Après avoir été, à Paris, l’élève de Georges
Caussade, Paul Dukas et Louis Aubert, il a
mené parallèlement des activités de compositeur et d’organisateur, d’homme d’action. Il a été directeur des programmes
musicaux à la R. T. F. de 1944 à 1948 et
directeur de la chaîne nationale de 1948 à
1966. À ces deux postes, il a innové, atti-
rant au micro Gide, Claudel, y créant dès
1944 une « intégrale Stravinski » et aidant
un Boulez, un Xenakis et bien d’autres
à s’imposer à une large audience. Plus
récemment, son émission hebdomadaire
« Regards sur la musique » est devenue
l’une des plus écoutées des mélomanes.
Sa curiosité pour tous les styles ne l’a pas
empêché de développer une écriture très
homogène et très caractéristique, avec
un rythme qui lui est propre (commandé
souvent par une figure de brève accentuée, obstinément suivie d’une longue
appuyée), un goût pour les nombreuses
subdivisions métriques produisant la vivacité du tempo, une largeur de mouvement sous-jacente et, surtout, une savante
polyphonie, ne reculant pas devant la
dissonance, qui le place sans aucun doute
dans la descendance de Roussel. C’est une
musique rigoureuse, noble, capable pourtant d’émotion immédiate, chargée d’un
romantisme latent ; une musique apte à
la méditation, à l’expression du spirituel
et du métaphysique, mais aussi de l’humour (Trois Lettres de Madame de Sévigné,
1938 ; la Farce de Maître Pathelin, opéracomique, 1938 ; Huit Chantefables pour les
enfants sages, texte de R. Desnos, 1946) et
même d’une fantaisie surréaliste (le Roi
Gordogane, opéra, 1975).
Barraud a abordé des sujets ambitieux,
et a su se montrer à leur hauteur, par
exemple, dans l’oratorio le Mystère des
saints Innocents, d’après Péguy (1946),
dans la tragédie lyrique Numance (1952 ;
Barraud en a tiré une Symphonie de Numance), dans Une saison en enfer, d’après
Rimbaud (1968-69), la Divine Comédie,
d’après Dante (1972) et Tête d’or, tragédie
lyrique d’après Claudel (1980). Diverses
oeuvres lyriques et dramatiques, des symphonies et de nombreuses pièces symphoniques, de la musique vocale, de la musique de chambre et quelques pièces pour
piano complètent l’abondant catalogue
des oeuvres du compositeur, qui s’est vu
décerner en 1969 le grand prix national
de la Musique. Barraud a également fait
oeuvre de musicographe, notamment avec
un Berlioz (Paris, 1955).
BARRE.
1. Sur les instruments à cordes, petite
pièce de sapin collée sur la face interne de
la table, sous le pied gauche du chevalet et
dans le sens longitudinal ; elle renforce la
table du côté gauche et communique les
vibrations du chevalet.
2. Sur l’orgue, partie de bois séparant les
gravures du sommier.
3. Sur le clavecin, morceau de bois recouvert de feutre qui empêche les sautereaux
de remonter trop haut.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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BARRE DE MESURE.
Terme désignant une ligne verticale placée
en travers de la portée (ou des portées), et
qui indique des divisions métriques régulières.
L’introduction de la barre de mesure
telle que nous la comprenons aujourd’hui
est relativement récente : elle ne date que
du début du XVIIe siècle environ. Auparavant, on trouvait des barres de mesure
placées de manière irrégulière, comme
de simples repères, par exemple dans la
musique de luth et, souvent encore, dans
les airs de cour qui en découlaient. De nos
jours, avec les fréquents changements de
mesure ou même la disparition de la mesure, la barre tend à redevenir un simple
repère visuel pour éviter les trop grandes
difficultés d’exécution.
BARRER.
1. Sur le luth et la guitare, raccourcir la
longueur de la partie des cordes entrant en
vibration et changer ainsi la hauteur des
notes, en appuyant l’index sur les cordes
concernées.
2. On peut barrer une petite note ornementale (appoggiature) d’un trait oblique
pour rendre la valeur de cette note encore
plus brève.
3. On parle de « barrer un luth » lorsque le
facteur ajoute une série de barres de renforcement ( ! BARRAGE).
BARRIÈRE (Françoise), femme compositeur française (Paris 1944).
Cofondatrice (1970) et coresponsable,
avec Christian Clozier, du Groupe de
musique expérimentale de Bourges, elle
a composé plusieurs oeuvres électroacoustiques ou « mixtes » (pour instrument et
bande magnétique), oeuvres d’un style
composite, difficilement définissable, où se
manifeste le souci d’être « en prise » sur la
réalité contemporaine (citations de chants
révolutionnaires, références sonores
diverses à notre société) et qui sonnent
parfois comme de longues plaintes : Ode
à la terre marine (1970), Java Rosa (1972),
Aujourd’hui (1975), Chant à la mémoire
des Aurignaciens (1977), Musique pour le
temps de Noël (1979), Mémoires enfuies
(1980). Ses deux oeuvres « mixtes »,
Cordes-ci-cordes-ça pour vielle à roue, violon et bande (1971) et Ritratto di Giovane
(1973) pour piano et bande, jonglent ironiquement avec les formes classiques.
BARRIOS (Angel), compositeur espagnol (Grenade 1886 - Madrid 1964).
Fils d’un célèbre guitariste ami de Manuel de Falla, il étudia le violon, puis fut
l’élève, à Madrid, de Conrado del Campo
(1899) et, à Paris, d’André Gédalge (1900).
Comme violoniste et aussi comme guitariste, il parcourut l’Europe pour populariser la musique espagnole. Il vint ensuite
se fixer à Madrid et se consacra à la composition de zarzuelas, ainsi que de pages
symphoniques et instrumentales toujours
fortement inspirées par son pays.
BARSHAI (Rudolf), chef d’orchestre et
altiste russe naturalisé israélien (Labinskaïa, Russie, 1924).
Au Conservatoire de Moscou, il étudie
l’alto avec Borisovski et la composition
avec Chostakovitch. Jusqu’en 1955, il
mène une carrière de soliste et de chambriste, se consacrant en particulier au quatuor (Quatuor Philharmonique de Moscou et Quatuor Tchaïkovsky) et donne des
concerts avec Guilels, Kogan, Rostropovitch. En 1955, il s’oriente vers la direction d’orchestre et fonde l’orchestre de
chambre de Moscou, qu’il dirige jusqu’en
1976, et auquel de nombreuses oeuvres de
compositeurs soviétiques ont été dédiées.
En 1977, il émigre en Israël et commence
à diriger dans le monde entier.
De 1982 à 1988, il est chef permanent
de l’orchestre symphonique de Bournemouth ; de 1985 à 1987, il dirige aussi
l’orchestre symphonique de Vancouver.
On lui doit plusieurs transcriptions pour
orchestre, en particulier d’oeuvres de musique de chambre de Chostakovitch - celle
du Quatuor no 8 appartient désormais,
sous le nom de Symphonie de chambre,
au répertoire d’orchestre courant.
BARTALUS (István), compositeur et musicologue hongrois (Balvanyosvaralja
1821 - Budapest 1899).
À la suite de Janos Erdelyi et Gabor Matray, il entreprit une vaste publication
de mélodies populaires, avec accompagnement (7 vol., 1873-1896). Sans avoir
recours aux méthodes que devait appliquer plus tard Béla Vikár, promoteur de
l’étude scientifique du folklore, Bartalus
joua un grand rôle dans le maintien de
l’intérêt pour la musique « populaire ». Il
fit paraître, par ailleurs, une importante
anthologie d’oeuvres pour piano de compositeurs hongrois (1885) et publia de
nombreuses monographies sur la musique
de son pays à cette époque.
BARTHÉLEMON (François Hippolyte),
violoniste et compositeur français (Bordeaux 1741 - Londres 1808).
Fils d’un Français et d’une Irlandaise,
il se produisit comme violoniste en
France, puis se rendit à Londres (1764),
où, en 1766, il donna son premier opéra,
Pelopida, et épousa la chanteuse Mary
Young. On le vit à Paris (1767-1769),
à Dublin (1771-72), en France, en Allemagne et en Italie (1776-77), mais l’essentiel de sa carrière se déroula dans la
capitale britannique. Il composa d’autres
opéras, des ballets, l’oratorio Jefte in Masfa
(Florence, 1776), des quatuors à cordes,
des concertos et des sonates pour son instrument, et fut considéré comme un des
premiers violonistes de son temps. Sa fille
Caecilia Maria composa également de la
musique. Lors des deux séjours de Haydn
à Londres (1791-1795), Barthélemon noua
avec lui des liens d’amitié étroits et lui
suggéra même, selon certaines sources, le
sujet de la Création.
BARTHOLOMÉE (Pierre), compositeur
et chef d’orchestre belge (Bruxelles
1937).
Il a étudié au conservatoire de Bruxelles
de 1952 à 1957 (composition avec Henri
Pousseur) et a été l’élève de Pierre Boulez pour la direction d’orchestre. Il a pro-
duit des émissions musicales à la télévision belge, à partir de 1960, et fondé en
1962 l’ensemble instrumental Musiques
nouvelles. Depuis septembre 1977, il est
directeur musical et chef permanent de
l’Orchestre de Liège, devenu en 1980
l’Orchestre philharmonique de Liège. Ses
oeuvres reflètent les influences non seulement de Pousseur ou de Berio, mais des
musiques des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
Citons Chanson pour violoncelle (1964),
Cantate aux alentours pour alto, basse,
instruments et moyens électroacoustiques
(1966), la Ténèbre souveraine pour quatuor vocal, 2 choeurs et orchestre (1967),
Tombeau de Marin Marais pour violon
baroque, 2 violes de gambe et clavecin,
pièce en micro-intervalles notée sur tablature (1967), Premier Alentour pour flûte,
alto et 2 violes de gambe (1966), Deuxième
Alentour « Cueillir » pour voix d’alto,
percussion et piano (1969-70), Troisième
Alentour « Récit » pour orgue (1970), Harmonique pour orchestre (1970), Fancy
pour harpe (1974), Fancy II pour harpe
et petit orchestre (1975), Ricercar pour 4
saxophones (1974) et Sonata quasi une
fantasia (1976) et Fancy as a ground pour
orchestre de chambre (1980).
BARTÓK (Béla), compositeur hongrois
(Nagyszentmiklós, auj. en Roumanie,
1881 - New York 1945).
Initié par sa mère au piano, il étudia, dès
1893, cet instrument et la composition
avec Lászó Erkel, puis, sur les conseils
d’Ernó Dohnányi, entra à l’Académie
royale de musique de Budapest, où il
travailla le piano avec István Thomán,
élève de Liszt, et la composition avec
János Koessler. En 1900, il se lia avec Zoltán Kodály. En 1902, la découverte des
poèmes symphoniques de Richard Strauss
influença ses premières oeuvres. Nationaliste convaincu, Bartók se fit connaître par
Kossuth, poème symphonique exaltant le
héros hongrois de la révolution de 1848. Il
mena alors une carrière de pianiste, écrivit une sonate pour violon et piano sz 20,
Burlesque sz 28 pour piano et orchestre,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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puis une rhapsodie pour piano sz 26. En
1905, il se présenta à Paris au concours
Rubinstein, que remporta Wilhelm Backhaus. Mortifié, il rentra à Budapest pour
se consacrer à la recherche des traditions
populaires hongroises. Avec Kodály, il
tenta de relier l’héritage de l’Orient à celui
de l’Occident, ce dernier fondé sur les enseignements de Debussy quant au sens des
accords, de Bach quant à « la transparence
du contrepoint », de Beethoven quant à
la forme.
Professeur à l’Académie de musique
de Budapest (1907), Bartók voulut, pour
améliorer l’enseignement du piano, habituer les élèves aux mélanges de tonalités et
à la relativité de la barre de mesure. Aussi
commença-t-il une série de pièces didactiques qui, des 10 Pièces faciles sz 39 de juin
1908, devaient l’amener aux Mikrokosmos
sz 107, terminés en 1937. En 1908, il écrivit son 1er quatuor à cordes, qui révèle les
influences de Wagner et de Debussy. La
violoniste Stefi Geyer lui inspira son 1er
concerto pour violon sz 36, dont le premier volet devint le premier des 2 Portraits
sz 37. Les 3 Burlesques sz 47 utilisèrent,
en leur morceau central (Un peu gris),
une technique nouvelle consistant à faire
précéder une note d’appui d’un groupe
d’ornementation que l’on « écrase » sur
le clavier. En 1910, Bartók semblait avoir
échappé à l’influence de Strauss, dont il
critiqua violemment l’Elektra. En 1909,
il épousa Márta Ziegler, qui, l’année suivante, lui donna un fils.
La fréquentation de l’écriture modale
des mélodies populaires inspira au compositeur les 4 Nénies sz 45, fondées sur des
chants très anciens ignorant totalement
« la tyrannie des systèmes modaux majeurs et mineurs ». L’année 1911 fut marquée par la mobilité percutante de l’Allegro
barbaro pour piano sz 49 et par le Château
de Barbe-Bleue sz 48, premier opéra utilisant spécifiquement la prosodie naturelle
de la langue hongroise. Cette oeuvre inaugurait une collaboration particulièrement
fructueuse entre Bartók et Béla Balázs,
essayiste hongrois puisant ses idées politiques avancées dans les contes et ballades
populaires. L’opéra de Bartók et de Balázs
dépasse le cadre traditionnel et décrit la
solitude de tout créateur, la destruction
de tout un patrimoine d’amour par la
soif d’une connaissance inutile. En 1913,
Kodály et Bartók recueillirent deux cents
chants arabes et kabyles et se penchèrent
sur les patrimoines mongols, hongrois et
finnois. Les intentions pédagogiques de
Bartók coïncidaient alors avec son désir
de recréer les musiques populaires qu’il
découvrait. Il écrivit pour le piano : Danse
orientale sz 54, 6 Danses populaires roumaines sz 56, 20 Noëls roumains sz 57. Il
tenta une recréation par la voix avec les
9 Chansons populaires roumaines sz 59,
les 5 Mélodies sz 61, 63, les 8 Chansons
populaires hongroises sz 64. Mais la guerre
l’empêcha de continuer ses recherches. Il
écrivit alors son 2e quatuor sz 67.
Au lendemain de la guerre, Bartók eut
soudain l’espoir d’être aidé par les nouveaux gouvernants. Mais ces derniers
restèrent enfermés dans un nationalisme
étroit et critiquèrent son oeuvre, qui osait
déborder du cadre national. Le compositeur disposait désormais d’une matière
musicale qu’il pouvait recréer à sa manière. Il composa alors les Improvisations
sur des chansons paysannes pour piano sz
74, d’une grande liberté de forme, et, surtout, ses deux sonates pour violon et piano
sz 75 et 76, qui ont gardé, aujourd’hui encore, toute leur âpreté et leur nouveauté.
Commande lui fut faite d’une oeuvre pour
fêter le cinquantième anniversaire de la
réunion de Buda et Pest : ce fut la Suite
de danses (1923), formée de deux danses
arabes, une danse hongroise et une roumaine, dont il réunit les identités rythmiques et modales dans un allégro final.
En 1923, il se sépara de sa femme et épousa
Ditta Pásztory. Il étudia alors Scarlatti, les
clavecinistes de la Renaissance italienne,
et composa son 1er concerto pour piano sz
83, créé en juillet 1927 avec l’auteur au clavier et Furtwängler au pupitre. Il effectua
son premier voyage aux États-Unis, reçut
un prix à Philadelphie pour son 3e quatuor
sz 85 et écrivit deux Rhapsodies pour violon et piano sz 286 et 89 l’une à l’intention
du virtuose Josef Szigeti et l’autre à celle
de Zoltán Szekely.
En 1930, dans sa Cantata profana, Bartók emprunta aux « colindas » (chants
de Noël roumains) un thème légendaire :
les neuf fils d’un paysan, transformés en
cerfs, retrouvent la liberté ; ce thème rejoint le besoin pour tout un peuple asservi
de vivre, de chanter, de courir les risques
d’une indépendance toujours préférable
à une soumission qui ramènerait le cycle
infernal de l’incompréhension et de la
guerre. En 1933, Bartók créa lui-même
son 2e concerto pour piano à Francfort,
accompagné par le chef d’orchestre Hans
Rosbaud. À la demande d’Erich Döflein,
il transcrivit pour deux violons des pièces
pour piano ; ces 44 duos sz 98 devaient,
selon lui, « aider les élèves à trouver la
simplicité naturelle de la musique des
peuples et aussi ses particularités rythmiques et mélodiques ». En avril 1935, le
Quatuor Kolisch créa à Washington son
5e quatuor sz 102, que sa perfection de
forme, son expressionnisme tendu et la
complexité de son contrepoint rythmique
placent au sommet de sa production de
musique de chambre. En 1936, s’inquiétant de la poussée du nazisme, Bartók demanda que ses oeuvres subissent le même
sort que celles des compositeurs d’origine
israélite (interdiction à l’édition et à l’exécution). Il vint fréquemment se reposer
en Suisse chez son ami, le chef d’orchestre
Paul Sacher. Pour répondre à des commandes de ce dernier, il écrivit deux de
ses chefs-d’oeuvre, la Musique pour cordes,
percussion et célesta sz 106 et le Divertimento pour cordes sz 113, respectivement
créés, par Sacher et l’Orchestre de Bâle,
en 1937 et 1940. De retour d’un voyage
en Turquie, il commença une oeuvre pour
violon qui, par le voeu du dédicataire, le
virtuose Zoltán Szekely, prit la forme d’un
2e concerto pour violon, que Szekely et
le chef d’orchestre Mengelberg créèrent
en avril 1939. Parallèlement à la Musique
pour cordes, Bartók avait écrit une sonate
pour 2 pianos et percussion sz 110, que
sa femme et lui-même créèrent en janvier
1938 à Bâle.
Après un voyage de reconnaissance aux
États-Unis avec Szigeti, en 1939, Bartók
décida de s’exiler et donna son dernier
concert à Budapest le 8 octobre 1940 sous
la direction de Janos Ferencsik. Il séjourna
à New York comme chargé de recherches à
l’université Columbia, fit quelques conférences, mais sa situation matérielle était
des plus modestes. Bartók donna quelques
concerts avec Szigeti et le clarinettiste de
jazz Benny Goodman (Contrastes pour
clarinette, violon et piano, sz 111) et transcrivit pour orchestre son concerto sz 110.
Sa santé s’altéra peu à peu ; il était atteint
de leucémie. En 1943, le chef d’orchestre
Koussevitski lui commanda une oeuvre
pour l’Orchestre symphonique de Boston, le concerto pour orchestre, créé en
décembre 1944. Yehudi Menuhin lui demanda également une oeuvre ; Bartók écrivit la sonate pour violon seul sz 117. Le
succès revint, les commandes affluèrent :
il acheva presque son 3e concerto pour
piano, termina les esquisses de la partie
soliste d’un concerto pour alto destiné à
l’altiste William Primrose. Ce fut la fin de
la guerre ; Bartók ne vécut plus que dans
l’espoir de retourner à Budapest. Mais il
fut transporté à l’hôpital du West Side à
New York, où il s’éteignit le 26 septembre
1945.
Bartók est le premier ethnomusicologue dont la compétence s’est étendue à
tout le bassin méditerranéen oriental, lieu
de brassage des richesses de l’Orient et de
l’Occident. Ses recherches l’ont amené à
mettre en évidence les identités des musiques populaires, dont il s’est attaché à
retrouver, au-delà des civilisations et des
nationalismes, le langage commun. Il est
ainsi remonté aux origines de la musique
traditionnelle de son pays, débarrassant
les mélodies recueillies des apports étrangers qui les avaient altérées. Conscient de
la complexité des influences entre races,
de la mouvance des mélodies transmises
par tradition orale, il a créé une notation
nouvelle lui permettant, non pas de reproduire ce matériau jamais figé, mais d’en
consigner les schémas de base pour une
éventuelle recréation savante.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Imprégné de l’esprit de ces musiques
populaires, Bartók a échappé à tout système harmonique clos. Il est vain de tenter
de dissocier chez lui rythme et harmonie,
son art étant fait de leur parfaite association. De ce fait, sa démarche de compositeur s’oppose à la conception romantique
qui a attribué une si grande importance à
l’invention thématique, prétendant chercher l’individuel dans toute chose. Bartók
avait compris « à quel point la musique
populaire est le contraire d’un art personnel, à quel point, de par son essence
même, toutes ses manifestations sont collectives ».
Progressivement, Bartók a réussi une
synthèse unique entre modalité et tonalité,
chromatisme et diatonisme. À l’examen
attentif, on décèle une ambiguïté entre
la liberté harmonique de ses oeuvres et la
présence de dissonances non annoncées ni
résolues. Le dualisme majeur-mineur est
dépassé dans la mesure où l’ordre modal
de la chanson archaïque, violemment
diatonique, n’est pas gommé par l’accumulation des éléments chromatiques.
Les oeuvres essentielles de Bartók laissent
percevoir des pôles de toniques et de
dominantes qui les organisent en dehors
de toute rhétorique hiérarchisée, d’ordre
traditionnel ou dodécaphonique. Les intervalles utilisés acquièrent une certaine
autonomie, et, comme dans la chanson
populaire, septième aussi bien que tierce
ou quinte se présentent comme naturelles.
Les proportions temporelles de ses oeuvres
de la maturité, s’appliquant aux harmonies comme aux rythmes, sont conformes
aux propositions issues du nombre d’or.
Ernö Lendvai a même démontré que les
rapports entre chromatisme et diatonisme
ou l’utilisation du pentatonisme lydien,
dorien, etc., peuvent être considérés
comme la preuve d’un travail extrêmement original et personnel lié à la section
d’or.
La complexité formelle de l’art de Bartók est telle qu’il ne peut y avoir de néoou postbartokisme. Les nombreux compositeurs contemporains, qui ont subi
l’influence de Bartók, se sont ordinairement limités à puiser dans la thématique
de la chanson paysanne, sans s’astreindre
au véritable travail de recréation auquel
s’était soumis, puis par lequel s’était totalement exprimé leur maître à penser.
L’universalisme du message bartokien
montre que ce musicien a réussi à transcender l’origine même de ses sources.
BARTOLINO DA PADLVA, moine et
compositeur italien (fin du XIVe s. - début
du XVe s.).
Peu de détails de sa vie sont connus avec
certitude. Fra Bartolino est l’une des figures marquantes de l’Ars nova italien,
style qui naquit probablement à Padoue.
Très connu de ses contemporains, à Florence par exemple, il exerça une influence
sur tous les aspects de la musique de son
pays, écrivant des ballate et des madrigaux polyphoniques - formes favorites du
Moyen Âge italien - dans un style proche
de celui du grand florentin Francesco
Landini, plus facile et plus mélodique que
celui des maîtres français de l’Ars nova.
BARTOS (Jan Zdenek), compositeur
tchèque (Králové Dvºur 1908 - Prague
1981).
Après avoir étudié le violon et commencé
une carrière de soliste, il a approfondi
ses connaissances musicales, notamment
dans le domaine de l’écriture, dans différents établissements de Prague (19331943). Il a occupé, à partir de 1945, d’importants postes officiels au ministère de
l’Information, au département musical
des éditions d’État de littérature, musique
et beaux-arts et au service de la musique
du ministère de l’Éducation et de la
Culture. Il est devenu en 1958 professeur
de composition et de théorie au conservatoire de Prague. Bartos est l’auteur d’ouvrages de vulgarisation, d’articles divers,
et d’une abondante oeuvre de compositeur
comprenant des opéras, opérettes, ballets
et musiques de scène, des oeuvres symphoniques et concertantes, des cantates,
des choeurs, de la musique de chambre,
des pièces pour piano, des mélodies. C’est
un compositeur doué qui manifeste une
parfaite connaissance des découvertes et
des audaces de son époque, mais qui ne s’y
abandonne qu’avec réserve.
BARYTON.
1. Voix de dessus, de la famille des
basses, intermédiaire entre la basse chantante et le ténor, tant en timbre qu’en
tessiture. Le mot « baryton » qui, étymologiquement, signifie « grave », apparut
d’abord en France, à la fin du XVIIIe siècle,
pour désigner précisément une voix de
ténor de tessiture assez basse, dont JeanBlaise Martin (1768-1837) fut l’un des représentants, bien que le nom de ce dernier
soit demeuré associé à un type de baryton à la voix claire et légère. Les rôles de
cet emploi étaient notés en clef de ténor,
Gluck, cependant, notait en clef de basse
les rôles pour voix grave, mais de tessiture particulièrement élevée d’Oreste et de
Thoas dans Iphigénie en Tauride.
L’appellation de baritenore fut conservée pour désigner parfois certains ténors
mozartiens et rossiniens. Toutefois, c’est
déjà à cette nouvelle catégorie que se rattachèrent des emplois comme Don Juan
dans l’opéra de Mozart, Pizarro dans Fidelio de Beethoven, Figaro dans le Barbier
de Séville et Dandini dans la Cenerentola
de Rossini, souvent chantés par Antonio
Tamburini (1800-1876) ; ce chanteur fut
appelé « basse », mais, au-delà de 1830,
Bellini et Donizetti l’opposèrent à la basse
dans des rôles antagonistes. L’emploi
s’imposa mieux lorsque, le ténor contraltino ( ! TÉNOR) succédant au ténor grave,
une véritable catégorie vocale, assurant
l’intermédiaire entre la basse et ce nouveau ténor, devint indispensable. Le terme
de baryton s’imposa avec le Français Paul
Barroilhet (1810-1871), créateur du rôle
d’Alphonse dans la Favorite de Donizetti
en 1840. Verdi allait délimiter un type
vocal précis, d’une tessiture relativement
faible (si bémol 1 - la bémol ou la 3), mais
unissant l’éclat et la souplesse du ténor à
la rondeur de la voix de basse ; le « baryton-Verdi » ainsi défini, qu’il soit de caractère noble (Germont dans la Traviata),
jeune et parfois amoureux (De Luna dans
le Trouvère, Renato dans un Bal masqué,
Posa dans Don Carlos), ou encore « vilain » (Macbeth, Rigoletto, Carlo dans la
Force du destin), cet emploi, à une exception près - celui de Posa -, assurait la fonction dramatique d’antagoniste du ténor,
dont il contrecarrait les projets sentimentaux, à titre de père, de frère ou de rival.
En France, où s’était imposé le barytonMartin (jeune premier dans l’opérette, et
souvent confident ou ami dans l’opéra-comique), le clivage fut moins net entre barytons et basses, le terme de baryton d’opéra
équivalant pratiquement à celui de basse
chantante : Jean-Baptiste Faure (18301914) chantait Alphonse de la Favorite et
Méphisto dans le Faust de Gounod, mais
créa le rôle de Posa ; les rôles de baryton
dans Thaïs, les Contes d’Hoffmann, Lakmé,
Louise, etc., sont encore aujourd’hui aussi
bien distribués à une basse qu’à un baryton. La différence apparut encore moins
en Russie et en Allemagne. En Russie, en
effet, Ivan Melnikov créa les rôles de Boris
Godounov dans l’opéra de Moussorgski et
d’Igor (le Prince Igor de Borodine), cependant que Tchaïkovski faisait appel au véritable baryton-Verdi ; chez Wagner, barytons et basses se partagent les emplois de
Wotan dans l’Anneau du Nibelung, Hans
Sachs dans les Maîtres chanteurs, etc.
Comme la basse bouffe, le baryton
bouffe est avant tout un bon acteur doué
d’agilité vocale. Si les dénominations de
baryton brillant, héroïque, méchant, etc.,
varient selon les pays et les époques et demeurent assez imprécises, l’usage a mieux
défini le baryton-Verdi, le baryton-Martin
qui peut également chanter les rôles de
Pelléas (Debussy) de Mârouf (Rabaud) et
les jeunes premiers de l’opérette viennoise
(le terme de baryton viennois correspond
aux emplois écrits pour ténor par Johann
Strauss, Franz Lehar, etc.) ; le barytonMartin convient particulièrement à l’interprétation de la mélodie française.
Parmi les interprètes, dans le passé, on
notera les barytons-Verdi, Varesi, Graziani, Cotogni, Battistini, Stracciari, De
Luca, Ruffo, Galeffi, Tibbett ; en France,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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les barytons Devoyod, Maurel, Renaud,
Noté, Endrèze ; parmi les interprètes de
Wagner et de R. Strauss, Scheidemantel,
Van Rooy, Bockelmann, Janssen, Schorr ;
pour l’interprétation de la mélodie, Ch.
Panzéra, G. Hüsch, H. Schlusnus, et, plus
récemment, G. Souzay, C. Maurane, J.
Jansen - par ailleurs titulaire du rôle de
Pelléas - et D. Fischer Dieskau, qui, à
l’instar de son prédécesseur H. Schlusnus,
tient au théâtre les emplois de baryton les
plus divers.
2. instrument à cordes frottées, joué
à l’aide d’un archet et ressemblant à la
basse de viole. Il comporte 6 ou 7 cordes
en boyau, accordées comme sur la basse
de viole, ainsi qu’un plus grand nombre
de cordes (de 9 à 24) en acier dites « sympathiques ». En Italie, on l’appelait viola di
bordone. Le baryton connut une certaine
popularité au XVIIIe siècle, en Allemagne
et en Autriche. Le prince Nikolas Esterházy avait une passion pour cet instrument. À son service, Joseph Haydn écrivit
pour le baryton près de 150 partitions.
3. Instrument à vent de la famille des
cuivres. C’est le saxhorn en si bémol, à
trois pistons, de tessiture intermédiaire
entre l’alto (en mi bémol) et la basse (en
si bémol grave). Dans le vocabulaire du
jazz, le mot baryton, sans autre précision,
désigne non pas le saxhorn, mais le saxophone baryton.
BARZUN (Jacques), historien et musicologue américain d’origine française (Créteil, Val-de-Marne, 1907).
Professeur à l’université Columbia, dont
il a été vice-recteur (1955-1967), Jacques
Barzun a consacré son oeuvre d’historien
à la pensée et à la culture européennes
de 1789 à 1914. Mais il est aussi l’un des
meilleurs spécialistes de Berlioz, qu’il a
situé à sa vraie place dans le romantisme
européen. Parmi ses écrits, citons Berlioz
and the Romantic Century (2 vol., Boston,
1950), New Letters of Berlioz (New York,
1954), Berlioz and his Century (New York,
1956), Music in American Life (New York,
1956-1965), Critical Questions on Music
and Letters, Culture and Biography, 19401980 (1982).
BAS-DESSUS.
Terme aujourd’hui abandonné et qui
désignait les parties graves des voix élevées, de femmes, d’enfants ou de castrats,
actuellement dénommées mezzo-soprano,
alto ou contralto, d’après la terminologie
italienne.
Jusqu’à l’entrée en désuétude des clefs
d’ut vocales, les bas-dessus s’écrivaient
normalement comme les dessus ordinaires en clef d’ut 1re, ou exceptionnellement en clef d’ut 2e ligne. L’expression
était usuelle aux XVIIe et XVIIIe siècles, tandis que son contraire haut-dessus, réservé
aux voix exceptionnellement hautes, est
toujours resté d’un emploi limité.
BASHMET (Yuri), altiste russe (Rostov
1953).
Il commence ses études musicales à Lvov
avant d’entrer au Conservatoire de Moscou en 1971. En 1976, il remporte le premier prix du Concours international de
Munich et débute une fulgurante carrière
de soliste. Il est en effet le premier altiste
à avoir donné des récitals solistes dans
des lieux aussi prestigieux que la Scala
de Milan et le Concertgebouw d’Amsterdam. Il devient le plus jeune professeur de
l’histoire du Conservatoire de Moscou et
se tourne, en 1984, vers la direction d’ensemble en fondant les Solistes de Moscou. Il donne des master-classes à Tours,
où Sviatoslav Richter l’appelle dès 1983
pour participer au Festival de la Grange
de Meslay. En 1988, il fonde un festival à
Bonn-Rolandseck. En 1990, les Solistes de
Moscou s’installent à Montpellier, mais
un conflit avec les musiciens lui fait abandonner ses fonctions : il rassemble néanmoins d’autres instrumentistes sous une
appellation voisine. Il crée de nombreuses
oeuvres contemporaines, notamment de
Denisov, Kantcheli et Schnittke.
BASSANELLO.
Instrument ancien à anche double, répandu en Italie jusqu’au XVIe siècle, qui
présentait les principales caractéristiques
du basson.
BASSANI (Giovanni Battista), compositeur italien (Padoue v. 1657 - Bergame
1716).
Il fit ses études musicales à Venise, où il
fut notamment l’élève de G. Legrenzi. Il
est possible qu’il y ait travaillé le violon
avec Vivaldi. Quoi qu’il en soit, Bassani
fut, après Corelli, l’un des meilleurs compositeurs de sonates de l’école de Bologne,
où il devint membre de l’Accademia Filarmonica. Il fut nommé maître de chapelle
à Ferrare (1688), puis à Santa Maria Maggiore de Bergame (jusqu’à sa mort). Outre
ses Sonate a 3, Bassani a écrit des cantates
profanes et religieuses, genre où il excella
également, des oratorios (La Morte delusa,
1686) et des opéras dont quelques airs
seulement subsistent.
BASSE.
1. Sur le plan harmonique, terme générique désignant toute partie inférieure
d’un accord : ce terme peut donc avoir
plusieurs acceptions selon la manière
dont on considère cet accord. La note la
plus grave entendue matériellement est
la basse réelle ou basse exprimée ; elle peut
être différente (par exemple, si l’accord est
« renversé ») de la basse harmonique, qui
est la note la plus grave de l’accord remis
dans son état primitif non renversé (dit
alors « état fondamental »). Cette basse
harmonique peut à son tour être différente
de la basse fondamentale, qui est une note
de même nom, mais située à une hauteur
d’octave déterminée et qui est le son générateur de l’accord.
2. Sur le plan polyphonique, partie la plus
grave d’un ensemble qui en comprend
plusieurs. Elle ne prend, toutefois, pleinement ce nom qu’à l’époque (XVIe s.) où
elle acquiert une importance harmonique
qu’elle n’avait pas auparavant. La partie grave a d’abord été une partie mélodique du contrepoint, souvent le « chant
donné « ou teneur (lat. tenor) ; puis on a
contrepointé au ténor une partie com-
plémentaire placée souvent, mais non
systématiquement, en dessous d’elle et
dite contre-teneur (lat. contratenor, ou en
abrégé contra), ce qui a repoussé le ténor
en seconde position dans la tessiture de
bas en haut. On trouve au XVe siècle
l’expression contrabassus, c’est-à-dire
contra en basse, qui deviendra bassus au
XVIe siècle, en même temps que la voix
correspondante prendra une signification
nouvelle, de plus en plus harmonique,
qu’elle conservera jusqu’à nos jours.
! BASSUS.
3. Dans l’échelonnement vocal, famille
groupant les diverses catégories de voix
masculines graves (d’où, par extension, le
même sens pour les instruments de l’orchestre). L’étendue moyenne de la voix de
basse est la suivante :
On divisait, autrefois, cette famille
en deux catégories : basse-contre et
basse-taille. On admet aujourd’hui trois
divisions principales : basses profondes,
basses chantantes, barytons. Dans le
théâtre lyrique, les emplois de baryton se
sont, dans l’ensemble, nettement différenciés de ceux de basse et comprennent
leurs propres subdivisions ( ! BARYTON).
En ce qui concerne la basse proprement
dite, la terminologie d’opéra fait usage de
diverses distinctions, de l’aigu au grave :
- la basse-taille était, dans l’ancienne
terminologie, la voix de dessus de la
famille des basses, appelée également
concordant. Elle correspond à l’actuel
baryton ;
- la basse chantante est une voix de tessiture moyenne entre la basse profonde
et le baryton ; elle est très abondamment
employée dans l’opéra aussi bien français (Méphisto dans le Faust de Gounod)
qu’italien (Philippe II dans Don Carlos de
Verdi) et russe (Boris Godounov) ;
- la basse bouffe est une voix souple et
agile, apte aux rôles de comédie (Uberto
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
69
dans la Servante maîtresse de Pergolèse) ;
certains rôles exigent une grande étendue
(Osmin dans l’Enlèvement au sérail de Mo-
zart est une basse bouffe devant avoir le
registre grave d’une basse profonde, dont
il se sert pour faire rire) ;
-la basse-contre était, dans la terminologie de l’ancien opéra, la voix la plus grave
de la famille des basses, placée en dessous
de la basse-taille (Polyphème dans Acis et
Galatée de Haendel) ; elle correspondrait
presque à notre basse profonde, mais ce
dernier terme insiste davantage sur l’utilisation d’un registre d’extrême grave ;
- la basse profonde ou basse noble est
la plus grave des voix masculines, mettant
en valeur les notes extrêmes du registre
grave (Sénèque dans le Couronnement de
Poppée de Monteverdi, Sarastro dans la
Flûte enchantée, le cardinal Brogni dans la
Juive). Cette voix est exceptionnelle dans
nos pays, plus fréquente chez les Noirs,
ainsi que chez les peuples slaves, où elle
constitue de superbes pupitres graves dans
les choeurs.
BASSE (voix de).
La voix de basse fut employée pour d’importants solos dès la naissance de l’opéra
et de l’oratorio, à l’aube du XVIIe siècle,
et soumise aux mêmes exigences de virtuosité que les autres catégories vocales,
mais sur une étendue souvent plus importante (ré 1-mi 3 chez Caccini). Cette
voix, principalement destinée à l’incarnation de divinités (Caron dans Orfeo de
Monteverdi, 1607) ou de personnes âgées
(Manoah dans Samson de Haendel, rôle
colorature écrit pour Giovanni Boschi),
servit aussi, notamment dans l’opéra français, à personnifier l’amoureux, souvent
malheureux, antagoniste du ténor ou du
haute-contre : Louis Chassé (1699-1786)
interpréta dans les opéras du style de Rameau ces rôles d’une tessiture généralement plus élevée, proche de celle de notre
baryton actuel. À la fin du XVIIIe siècle,
Mozart écrivait encore pour ces deux
types de voix : rôles graves tels que ceux
d’Osmin dans l’Enlèvement au sérail, créé
par Ludwig Fischer (1745-1825), ou de
Sarastro, rôles plus aigus pour des emplois
d’amoureux, tels que ceux du Comte dans
les Noces de Figaro et de Don Juan. Rossini confia à Filippo Galli (1783-1853) des
emplois bouffes ou tragiques (Mustafa
dans l’Italienne à Alger, Assur dans Semiramis) d’une très haute virtuosité. Durant
le romantisme, la voix de basse fut surtout assimilée aux personnages royaux ou
ecclésiastiques, âgés, nobles, etc., mais, dès
la fin du XIXe siècle, elle servit à nouveau
à personnifier des caractères très divers,
jeunes ou vieux (opéras de Puccini, des
compositeurs naturalistes, de R. Strauss,
Rimski-Korsakov, Berg, etc.).
L’éventail des attributions de la voix
de basse correspond à sa couleur et à sa
tessiture : la basse noble ou profonde,
assez volumineuse et de couleur sombre
(étendue do 1 - fa 3) a pour exemples les
rôles du Cardinal (la Juive de Halévy),
de l’Inquisiteur (Don Carlos de Verdi),
de Hunding (la Walkyrie de Wagner),
d’Arkel (Pelléas et Mélisande de Debussy),
etc. ; la basse chantante, de caractère plus
lyrique (étendue fa 1-fa dièse 3) est illustrée par ceux de Silva (Ernani de Verdi),
Philippe II (Don Carlos), Méphisto (Faust
de Gounod, cet emploi étant parfois tenu
par des barytons), etc. L’Allemagne et la
Russie différencient plus les caractères que
les tessitures : basse démoniaque (Kaspar
dans le Freischütz de Weber, Alberich dans
l’Or du Rhin de Wagner), basse héroïque
(Wotan), etc. Notons que, si les choeurs
slaves renferment des basses au grave
exceptionnellement étendu, l’opéra russe
fait au contraire plus volontiers appel à
une voix aiguë ; Féodor Chaliapine (18731938) était plus proche du baryton que de
la basse. La voix de basse convient également au concert pour l’interprétation des
lieder, des oratorios et cantates classiques,
sans exiger une spécialisation exclusive de
la part du chanteur. En revanche, l’emploi de basse bouffe, qui peut se satisfaire
d’une moins belle qualité vocale, réclame
non seulement une grande virtuosité et
une articulation rapide, mais aussi, au
théâtre, un talent d’acteur sûr.
La voix de basse permet des carrières
fort longues, les grands interprètes de
cette catégorie quittant rarement la scène
avant soixante-cinq ans. Parmi les grandes
basses de notre siècle, on peut rappeler
les Italiens Navarrini, De Angelis, Pinza,
Pasero et Siepi, l’Espagnol Mardones, les
Français Plançon, Delmas, Journet, Pernet, les Slaves Reizen, Pirogov, Kipnis,
Christoff, et, dans des genres bien déterminés, S. Baccaloni, exemple type de la
basse bouffe, et H. Hotter, aussi réputé
dans l’interprétation du lied et de l’oratorio que dans celle du rôle de Wotan dans
l’Anneau du Nibelung de Richard Wagner.
BASSE CHIFFRÉE.
Sorte de sténographie inventée au début
du XVIIe siècle en même temps que la
basse continue pour guider l’accompagnateur en lui suggérant, à partir de la basse
écrite, les accords à employer sans avoir
à en écrire les notes, ce qui faisait gagner
au compositeur un temps considérable
(on pouvait ainsi, sur deux portées - chant
et basse -, écrire un opéra en quelques
jours). Abandonnée vers 1750 en même
temps que la basse continue, la basse chiffrée s’est maintenue dans l’enseignement
comme auxiliaire pédagogique des études
d’harmonie, mais c’est abusivement qu’on
la considère comme un instrument d’analyse, car, non conçue dans cette optique,
elle ne rend compte que très imparfaitement de la constitution des accords ; elle
n’en donne qu’une description matérielle
et n’intervient que fort mal dans leur explication grammaticale - d’où la nécessité
d’un chiffrage de fonction complétant le
chiffrage d’intervalles seul envisagé par la
pratique de la basse chiffrée.
Le principe de cette dernière est simple :
au-dessus (ou en dessous) de la note de
basse (basse réelle), sont notés un ou plusieurs chiffres dont chacun représente
la note formant avec la basse l’intervalle
indiqué par le chiffre. Selon les écoles,
tantôt cet intervalle est indiqué réellement, tantôt il est réduit à un intervalle
simple, sans dépasser la neuvième (ainsi
la dixième est notée 3, car c’est une tierce
redoublée à l’octave). Diverses conventions interviennent soit pour limiter le
nombre de chiffres par des sous-entendus
(par exemple, 6 pour 6 et 3), soit pour
apporter diverses précisions (ainsi une
croix indique la sensible, un chiffre barré
marque un intervalle diminué, etc.). On
note les altérations en les plaçant devant
le chiffre, et les silences sont chiffrés par
un zéro. Mais les conventions ne sont pas
toujours uniformes et elles peuvent varier
d’un auteur à un autre.
La basse chiffrée, conçue comme un
« guide-doigts » pratique à l’usage des accompagnateurs, a bien rempli sa fonction
tant que ce qu’elle avait à noter restait limité à quelques accords simples et qu’ellemême ne visait pas à autre chose qu’à en
suggérer les grandes lignes. Lorsque les
auteurs ont voulu chiffrer minutieusement des basses devenues complexes (J. S.
Bach), cette pratique devint une complication supplémentaire, et l’on conçoit que la
basse chiffrée n’ait pas survécu à l’usage de
la basse continue.
BASSE CONTINUE (ital. basso continuo ;
all. Generalbass ; angl. thorough-bass).
Mode d’écriture inauguré en Italie, au
début du XVIIe siècle, avec les premiers
opéras et généralisé partout, ensuite,
jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, avant de
disparaître totalement vers 1775.
Son apogée coïncida avec celle de l’art
baroque en musique. Le principe en était
de sous-entendre, dans tout ensemble
instrumental ou vocal, la présence d’un
accompagnement de remplissage, réalisé
sur un instrument polyphonique (orgue,
clavecin, luth, théorbe, etc.) et dont seule
était écrite la basse, chiffrée ou non. Cette
basse était généralement doublée par un
autre instrument tel que la basse de viole,
le violoncelle, le basson, etc., et comportait soit de simples basses réelles d’accords
de soutien, soit une ligne mélodique et
concertante. L’existence de la basse continue était considérée comme normale et
toute absence d’indication contraire supposait sa présence ( ! TASTO SOLO). Ainsi
est-il souhaitable que, même en l’absence
d’indication formelle à ce sujet, un clavedownloadModeText.vue.download 76 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
70
cin prête son concours à l’exécution de
certains mouvements lents des premières
symphonies « classiques », de Haydn en
particulier, pour compléter l’harmonie.
La disparition de la basse continue coïncida avec l’abandon du clavecin au profit
du piano-forte dans la seconde moitié du
XVIIIe siècle.
BASSE D’ALBERTI. ! ALBERTI (DOMENICO).
BASSE DANSE.
Ce nom s’appliquait autrefois à des danses
« terre à terre », caractérisées par l’absence
d’élévation (pas lents et glissés), par opposition aux danses où intervenait le saut.
La basse danse (XVe s. - début XVIe s.) était
construite, comme la plupart des compositions de l’époque, sur une teneur (autre
danse ou chanson), au-dessus de laquelle
des instruments mélodiques à anche
double improvisaient. Une source importante pour la connaissance de ces danses
est l’oeuvre de Thoinot Arbeau, Orchésographie, traité en forme de dialogue par
lequel toute personne peut facilement
apprendre à pratiquer l’honnête exercice
des danses (1589).
BASSE DE FLANDRE.
Instrument de musique rudimentaire
particulièrement utilisé en Flandre au
XVIe siècle, et parfois appelé en France
« basse à boyau ».
Elle était constituée essentiellement
d’un bâton jouant le rôle de manche,
d’une vessie de porc servant de caisse de
résonance et d’une corde unique frottée à
l’aide d’un archet primitif.
BASSE FONDAMENTALE.
Notion de base de l’harmonie tonale, telle
qu’elle a été dégagée par Rameau, en 1722,
à partir d’un théorème énoncé par Descartes en 1650.
Remaniée en 1735 pour faire place
à la théorie de la résonance, découverte
en 1701 par Joseph Sauveur, mais dont
Rameau semble n’avoir eu connaissance
qu’en 1725, la basse fondamentale a subi,
depuis lors, diverses rectifications de
détail, mais n’a jamais été démentie dans
son principe. Elle consiste essentiellement
dans la recherche, pour chaque accord
donné et après élimination éventuelle des
notes étrangères, du son générateur dont
la résonance contient toutes les notes de
l’accord, si celui-ci est naturel, ou, s’il est
artificiel, les notes de l’accord naturel dont
il est issu. Ce son générateur, exprimé ou
non, est la basse fondamentale de l’accord.
Celle-ci est l’élément déterminant d’où
découlent l’analyse et l’emploi des accords. Elle ne doit pas être confondue avec
la basse harmonique, qui est la basse fondamentale transportée ou non à une octave quelconque, à condition qu’elle reste
inférieure à tous les autres sons exprimés.
BASSE HARMONIQUE.
Note de basse (ou l’une de ses octaves
inférieures) de tout accord formé de notes
réelles et présenté dans son état fondamental, ce qui le rend analysable en tant
qu’accord, en fonction de cette basse harmonique.
Si l’accord est « renversé » ( ! RENVERSEMENT), la basse harmonique est celle
qu’aurait l’accord une fois remis dans son
état fondamental. La basse harmonique
ne se confond pas obligatoirement avec la
basse fondamentale, bien que toutes deux
aient toujours le même nom de note : en
effet, l’octave où se situe la basse fondamentale est commandée par la disposition de l’accord, tandis que l’octave où se
situe la basse harmonique est indifférente
pourvu qu’elle reste inférieure aux autres
notes de l’accord ; la basse fondamentale
commande la justification physique de
l’accord, la basse harmonique suffit pour
en déterminer l’analyse pratique.
BASSE OBSTINÉE ou BASSE CONTRAINTE.
Procédé de composition consistant à répéter inlassablement une cellule de base,
généralement de quatre ou huit mesures,
souvent une descente chromatique, qui
demeure inchangée tandis que les autres
parties se modifient.
Le procédé de la basse obstinée est donc
différent de celui du « thème varié » (
! VARIATION), encore que la confusion ait
parfois été faite (par exemple, les Variations Goldberg de J. S. Bach ne sont pas
des variations à proprement parler, mais
une suite de compositions distinctes sur
une même basse obstinée). Le plus ancien
exemple connu est sans doute le pes ou
« pédale » de trois notes qui soutient sans
arrêt le canon Sumer is icumen in dans
le « chant du coucou », noté vers 1300
au monastère de Reading en Angleterre.
Au XVIe siècle, la basse obstinée devint le
signe distinctif de certaines danses, dont
chacune possédait son schéma mélodique
propre : passamezzo, romanesca, follia. Au
XVIIe et au XVIIIe siècle, la basse obstinée
fut le terrain d’élection de la chaconne
et de la passacaille. La chaconne servit
souvent de cadre, en France, au « grand
ballet » des finales d’opéra ; mais elle y
abandonna plus d’une fois son ostinato au
cours des différents couplets, pour ne le
retrouver qu’au refrain. Dérivé de la chaconne, le ground anglais fit de la basse obstinée, notamment dans l’opéra, un emploi
pathétique dont l’exemple le plus célèbre
est celui des adieux de Didon dans Didon
et Énée de Purcell. Avec ses Variations
Goldberg pour clavecin, sa chaconne pour
violon seul et sa Passacaille et fugue pour
orgue, J. S. Bach donna à la basse obstinée une ampleur inconnue jusqu’à lui.
À l’époque classique, la basse contrainte
tomba quelque peu en désuétude, mais
les romantiques y firent de temps à autre
des emprunts de caractère quelque peu archaïsant (Brahms, finale de la 4e symphonie). Elle semble avoir repris vigueur au
XXe siècle (Webern, Dutilleux, etc.) ; mais
la scène de Wozzeck intitulée par Alban
Berg Passacaille ne se rattache que d’assez
loin aux normes du genre.
BASSE RÉELLE ou BASSE EXPRIMÉE.
Note la plus grave d’un accord sous la
forme dans laquelle il est exprimé.
La basse réelle ne se confond pas toujours avec la basse harmonique ni avec la
basse fondamentale, qui servent de base à
son analyse.
BASSETTO.
1. Terme italien quelquefois employé au
XVIIe siècle pour désigner la partie grave
d’un choeur de voix élevées, ne comportant pas de voix de basse ; on la confiait
soit aux altos, soit aux ténors.
2. Le mot peut également désigner la basse
de viole ou un instrument de même forme
dont la tessiture se situe entre le violoncelle et la contrebasse.
BASSON.
Instrument à vent de la famille des bois,
fait de deux tubes de bois parallèles,
d’érable ou de palissandre, adaptés à une
« culasse » qui les met en communication
de sorte qu’ils forment un seul tuyau sonore continu.
La « branche » antérieure est surmontée d’un pavillon ; l’autre, plus étroite et
plus courte, supporte un mince tuyau de
cuivre recourbé, le bocal, au bout duquel
est fixée l’anche double de roseau. L’étendue du basson est considérable : 3 octaves
et 1 quinte, partant du si bémol grave.
Son timbre va d’un grave robuste, incisif, à un aigu un peu « bouché », capable
d’une grande expression, en passant par
un médium ferme mais doux.
Le basson descend du fagotto, qui existait dès le XIVe siècle. Mersenne parle
de fagot dans son Harmonie universelle
de 1636, et ce nom, qui évoque l’aspect
de l’instrument, un paquet de bois, est
conservé en allemand (Fagott) et en italien (fagotto). Très utilisé dans les ensembles symphoniques au XVIIIe siècle,
notamment pour doubler et renforcer
les basses, le développement progressif
de sa technique permit son emploi dans
les formations de chambre (quintette KV
452 de Mozart, octuors de Beethoven, de
Schubert). Il n’en était pas moins, jusqu’à
l’époque romantique, d’une pratique difficile et d’une justesse approximative, malgré les efforts et l’ingéniosité de nombreux
facteurs. L’Allemand Johann Adam Heckel (1812 ?-1877) apporta des perfectiondownloadModeText.vue.download 77 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
71
nements décisifs et développa un instrument muni de 24 clés et 5 soupapes. À la
même époque, les recherches de plusieurs
facteurs français contribuèrent aussi à
donner au basson ses caractéristiques définitives. Il faut noter que la mise au point
du contrebasson, plus grave d’une octave,
se révéla encore plus délicate.
BASSUS (lat. : « basse « ; ital. basso).
Terme employé à partir de la fin du
XVe siècle pour désigner la partie inférieure d’une polyphonie dans la tessiture
des voix masculines graves.
Il a remplacé le mot contratenor (en
abrégé contra) après un bref emploi de
contrabassus. Le changement de dénomination est intéressant, car il implique
la notion de tessiture dans la conception
polyphonique, alors que l’ancienne terminologie - contratenor, tenor, motetus (qui
devint altus, supplanté plus tard par alto),
triplum (qui devint superius, plus tard soprano) - ne retenait que la structure. Seul
le mot tenor est passé d’une nomenclature
à l’autre, mais en impliquant une notion
de tessiture qu’il n’avait pas auparavant.
L’emploi actuel du mot contrebasse au
sens de « tessiture inférieure à celle de la
basse » provient d’une dérivation légèrement postérieure du mot contra que l’on
retrouve dans le terme basse-contre.
BASTIAN (René), compositeur français
(Strasbourg 1935).
Autodidacte, polyvalent, interprète de
musique électronique en direct sur synthétiseur, responsable du département
électroacoustique du Centre européen
de recherche musicale, animé à Metz par
Claude Lefebvre, René Bastian est une personnalité unique dans le milieu musical
francais, par son rare mélange d’humour,
d’ouverture d’esprit, de haute compétence
et de responsabilité dans l’engagement artistique. Il défend, notamment, le principe
d’une musique électroacoustique libre,
vivante et mobile, qui « n’a besoin que de
presque rien pour exister », contre les académismes du beau son lisse et sans arêtes
et contre le fétichisme technologique des
studios lourds.
Sa production, essentiellement destinée
au synthétiseur en direct, avec ou sans dispositifs électroacoustiques et instruments
associés (les Archanges au galop, 1971 ; le
Pain du dinosaure, 1971-72 ; Extrasystoles,
1972 ; Avers, 1975-76 ; Régression 1, 2, 3,
1975-76), comprend aussi des oeuvres
instrumentales (État 1, État second, 1976 ;
le Rhin est mort, 1978, cantate, Partition
III, 1978 pour 12 ensembles d’harmonie
jouant en plein air) et des pièces « conceptuelles » (Concept-Concerts, 1959-1978).
BASTIN (Jules), basse belge (Bruxelles
1933).
Il étudie au Conservatoire de Bruxelles
avec Frédéric Anspach. En 1960, il reçoit
son premier engagement au Théâtre de
la Monnaie, et remporte en 1963 un premier prix au Concours international de
Munich. Jusqu’en 1964, il est première
basse de l’Opéra de Liège, avant d’aborder les rôles de basse profonde du répertoire italien et français. En 1975, il débute
à l’Opéra de Paris, où il chante le rôle
du banquier dans Lulu en 1979. Depuis,
il participe aux plus grands festivals, de
Salzbourg à Aix-en-Provence, et aborde
aussi bien les opéras de Berlioz, Chabrier
et Ravel que ceux de Janacek ou Prokofiev.
BATAILLE.
Le thème des batailles n’a pas moins inspiré les musiciens que les peintres, mais
ils n’en ont, en général, retenu que l’aspect
extérieur et superficiel : appels, fanfares,
chocs spectaculaires, auxquels s’ajoute
volontiers, lorsqu’il s’agit pour l’auteur
d’une victoire de son prince ou de son
peuple, un chant de triomphe dominant
la défaite de l’ennemi. Le Chef d’armée de
Moussorgski, l’un des 4 Chants et danses
de la mort, est un exemple quasi unique
d’évocation vraiment dramatique des
batailles.
Sous l’aspect vocal, le genre apparaît
dès la fin du XIVe siècle (Grimace : Alarme,
alarme !), se poursuit au XVe et culmine au
XVIe siècle, où Costeley écrit une Prise de
Calais et une Prise du Havre, Janequin une
Bataille de Metz, une Bataille de Renty et, la
plus célèbre de toutes, la Guerre (connue
sous le nom de la Bataille de Marignan).
Cette dernière n’est pas un récit héroïque
de la victoire de François Ier. Ayant pour
propos d’amuser de « gentils Gallois »,
c’est-à-dire des bons vivants et joyeux
drilles, elle traduit les bruits et épisodes du
combat en une extraordinaire évocation
d’orchestration chorale, qui a fait l’objet, dès sa parution, de très nombreuses
transcriptions, surtout pour le luth. Elle
a même été transformée en messe (messe
la Bataille), probablement par Janequin
lui-même, selon la technique de la messeparodie ( ! MESSE).
Conformément à la casuistique amoureuse de la Renaissance, l’amour est souvent évoqué en termes de bataille (Claude
Le Jeune, dans le Printemps : « Le dieu Mars
et l’Amour sont parmi la campagne « ; suit
la comparaison des deux actions) et donne
lieu à des scènes musicales analogues les
unes aux autres ; Monteverdi met sur le
même plan ses Madrigali guerrieri ed amorosi (1638). Les opéras fourmillent, sinon
de scènes de bataille difficiles à rendre au
théâtre, du moins de « bruits de guerre »
ou évocations symphoniques analogues.
Le clavecin lui-même accueille des descriptions plus ou moins naïves de batailles
terrestres ou navales. Abandonné par le
piano-forte, le genre est, au XIXe siècle,
abondamment recueilli par l’orchestre,
et jusque dans les messes, où l’Agnus Dei,
entre autres, par son Dona nobis pacem, si
amplement développé par Beethoven dans
sa Missa solemnis, appelle le contraste de
la guerre à apaiser. Ouvertures, poèmes
symphoniques, etc. - en attendant les musiques de film du XXe siècle - lui font bonne
place, de la Victoire de Wellington (ou la
Bataille de Vittoria), que Beethoven écrit
en 1813 avec accompagnement de canon
obligé, à l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski
(1880), la Sinfonia brevis de bello gallico de
Vincent d’Indy (1918) ou la symphonie no
7 « Leningrad » de Chostakovitch (1941).
BATAILLE (Gabriel), luthiste et compositeur français (Paris v. 1575 - id. 1630).
Connu surtout par ses contemporains
comme luthiste, il écrivait des chansons et
faisait des transcriptions, pour voix seule
et luth, d’airs de cour polyphoniques composés par Guédron, Mauduit, A. Boesset.
Ainsi contribua-t-il au développement du
chant soliste, alors tout nouveau. De 1608
à 1615, il publia six livres d’Airs de différents autheurs mis en tablature de luth chez
P. Ballard. Quelques airs de sa composition figurent également dans des livres
parus en 1617, 1618-1620. Parfois on peut
discerner l’influence de la poésie mesurée
à l’antique sur ses oeuvres. Bataille collabora aux ballets de cour sous Louis XIII.
En 1617, Marie de Médicis fit de lui son
maître de musique et, en 1624, il devint
celui d’Anne d’Autriche. Bataille écrivit
peu d’oeuvres, mais ses recueils constituent une intéressante anthologie de la
musique de cour au début du XVIIe siècle.
BATESON (Thomas), compositeur anglais (comté de Cheshire 1570 - Dublin
1630).
Il fut le premier madrigaliste à obtenir
un grade musical au Trinity College de
Dublin. Il fut organiste de la cathédrale
de Chester (1599-1609), puis de la cathédrale de la Trinité à Dublin (1609-1618).
Il publia à Londres deux livres de madrigaux : le premier de 28 madrigaux de 3 à
6 voix (1604) ; le second de 30 madrigaux
(1618). La fraîcheur mélodique de son inspiration inscrit l’oeuvre de Bateson dans la
meilleure tradition des madrigalistes anglais (consulter E. H. Fellowes, édit., The
English Madrigal School, vol. XXI, XXII).
BATHORI (Jeanne-Marie BERTHIER, dite
Jane), mezzo-soprano française (Paris
1877-id. 1970).
Ayant débuté au concert en 1898, elle
commença à Nantes, en 1900, une carrière d’opéra qui la conduisit notamment
à la Scala de Milan en 1902. Mais, à partir
de 1904, elle se consacra presque excludownloadModeText.vue.download 78 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
72
sivement à la mélodie française de son
époque, faisant connaître dans le monde
entier, et créant souvent, les oeuvres de
Debussy, de Ravel, de Fauré, de Caplet,
de Koechlin, de Satie et des membres
du groupe des Six. Cette remarquable
musicienne s’accompagnait volontiers
elle-même au piano. Elle eut aussi une
activité de pédagogue et de conférencière
et publia deux ouvrages : Conseils sur le
chant (1929) et Sur l’interprétation des
mélodies de Claude Debussy (1953).
BÂTON.
1. Au XIXe siècle, avant d’être remplacé
par la mince baguette, plus maniable,
un bâton de bois ou d’ivoire était utilisé par le chef d’orchestre pour diriger
ses musiciens. Auparavant, aux XVIIe et
XVIIIe siècles, on battait la mesure à l’aide
d’une canne que l’on frappait sur le sol ;
cette pratique causa l’accident qui fut
à l’origine de la mort de Lully. Parfois
aussi, on se servait d’un archet de violon
ou d’un rouleau de papier tenu à pleine
main.
2. Sur une portée, barre verticale traversant plusieurs interlignes et servant à
noter les silences de plus d’une mesure. Le
bâton peut être remplacé par des chiffres.
BATTERIE.
1. Signal militaire ; le tambour battait ou
roulait un rythme selon l’événement à
annoncer (charge, retraite, etc.).
2. Par dérivation du sens précédent, le
terme batterie désigne aujourd’hui, d’une
manière familière, le groupe des instruments de percussion de l’orchestre.
3. Dans le jazz, la batterie (on dit aussi
les drums), tenue par un seul musicien, se
compose de la grosse caisse, de la caisse
claire, des toms, des diverses cymbales
et de quelques petits accessoires (woodblock, cloches, etc.).
4. Sur les instruments à clavier, la batterie est une façon d’arpéger les accords
en répétant le motif parfois pendant plusieurs mesures (la basse dite d’Alberti est
une forme de batterie). Cette technique est
quelquefois employée aussi sur les instruments à archet.
5. Technique du jeu de la guitare qui
consiste à frapper les cordes avec les
doigts au lieu de les pincer.
BATTISTELLI (Georgio), compositeur
italien (Albano Laziale 1953).
Il suit les cours du Conservatoire de
L’Aquila. Cofondateur, en 1974, à Rome,
du Groupe de recherche et expérimentation musicale « Edgard Varèse », il enseigne au Conservatoire de Pérouse et, en
1985-86, réside à Berlin comme invité de
la DAAD. Compositeur « jaloux de son
indépendance » (selon le musicologue
Daniel Charles), Battistelli connaît son
premier succès majeur avec Experimentum Mundi (1981), « oeuvre de musique
imaginaire pour acteur, cinq voix naturelles de femmes, 16 artisans et trois percussionnistes », dans laquelle un ensemble
accompagne des textes de l’Encyclopédie,
au son des divers outils cités (marteau,
enclume, scie, forge, etc.). La musique
de Battistelli garde toujours une composante théâtrale, qu’il s’agisse de ses
oeuvres scéniques (Aphrodite, monodrame
d’après Pierre Lous, 1983 ; Teorema, parabole musicale adaptée librement d’après
Pasolini, 1992 ; Prova d’orchestra, d’après
Fellini, créé à Strasbourg en 1995) ou de
ses pièces instrumentales (La fattoria del
vento, 1988 ; Anarca, hommage à E. Jünger, 1988-89 ; Erlebnis, 1990).
BATTISTINI (Mattia), baryton italien
(Rome 1856 - Rieti 1928).
Il aborda le chant après des études de droit
et débuta en 1878 au théâtre Argentina de
Rome dans la Favorite. Sa carrière dura
près d’un demi-siècle ; il ne l’interrompit
que peu avant sa mort. Il ne quitta guère
l’Europe, mais, de Lisbonne à Moscou,
il remporta des succès immenses et fut
surnommé « la Gloria d’ltalia ». Battistini
fut l’un des derniers et des plus grands
représentants de la longue tradition du bel
canto. Admirable dans les oeuvres de Rossini, Bellini, Donizetti et Verdi, auxquelles
il apportait sa virtuosité transcendante
et son sens exceptionnel du cantabile, il
chantait les rôles les plus dramatiques
sans se départir d’une élégance suprême.
Quant aux rôles du répertoire plus moderne, postérieur à Verdi, dans lesquels il
jugeait que l’élégance ne pouvait être de
mise, il ne les inscrivait pas à son réper-
toire.
BATTUE.
Matérialisation des temps de la mesure
par un geste ou un bruit pour en assurer
la transmission ou la régularité.
Jusqu’au XVIIe siècle au moins, la battue se faisait par touchements du doigt
ou tactus successifs, sans groupement en
mesures : on comptait donc 1. 1. 1... Au
XVIIe siècle, avec la généralisation des
barres de mesure, on commença à grouper les battues par mesures (par exemple,
1. 2. 3. 1. 2. 3...), en donnant au geste de
chaque temps une direction conventionnelle lui permettant d’être à tout moment
identifié par les musiciens.
Si la battue à 2 temps est aujourd’hui
uniformisée, il n’en est pas de même des
autres. À la française, la battue à 3 temps
dessine dans l’espace un triangle. Celle à
4 temps dessine un angle droit : 1er temps
de haut en bas, 2e de droite à gauche, 3e
en retour de gauche à droite, 4e de bas en
haut. À 5 temps, elle bat successivement
une mesure à 3 temps et une mesure à
2 temps. À l’italienne au contraire, on
ignore tous les mouvements latéraux et on
ne quitte pas la ligne verticale. C’est la manière française qui est la seule enseignée
dans les classes de solfège et de direction
d’orchestre.
La musique aléatoire a modifié, pour un
secteur de la musique contemporaine, la
pratique de la battue, en remplaçant tout
ou partie de l’indication des temps par des
signaux conventionnels, comportant notamment des indications de numéros de
repère, excluant de la part du chef l’usage
de la baguette. La main nue, parfois moins
précise que la main tenant la baguette,
apparaît en revanche plus expressive. Certains chefs, comme Pierre Boulez, ont systématiquement abandonné la baguette en
toute circonstance, mais ne semblent pas
avoir fait école sur ce point.
BATTUTA.
Terme italien pour « battue » et, par extension, pour « temps de la mesure », désignant également l’unité de battue, parfois
différente de l’indication de mesure.
Ritmo di tre battute indique par
exemple pour la pulsation un regroupement trois par trois des mesures, et non
des temps, à chaque mesure correspondant une seule battue (trois battues par
groupe de mesures) : cela implique un
tempo très rapide. Le Molto vivace (deuxième mouvement) de la Neuvième Symphonie de Beethoven (1824), bien qu’écrit
à 3/4, s’entend en ritmo a quattro battute
(groupes de quatre mesures avec une battue par mesure, donc quatre battues par
groupe) ; à partir de la mesure 177 débute
en outre un passage faisant alterner ritmo
a tre battute et ritmo a quattro battute.
L’Apprenti sorcier de Paul Dukas (1897)
est écrit à 3/8, mais se dirige d’un bout à
l’autre a tre battute (« à trois battues », correspondant à un groupe de trois mesures).
BATUQUE.
Danse populaire brésilienne, fortement
influencée par les rythmes africains, et
se rapprochant de la samba ou de la matchiche.
BAUDELAIRE (Charles), poète français
(Paris 1821 - id. 1867).
Orphelin de père dès l’âge de six ans, il
supporte mal le remariage de sa mère.
Après des études faciles mais indisciplinées, il se voit offrir par ses parents un
tour du monde destiné à épuiser son dandysme excentrique. Mais il l’interrompt,
revient à Paris et fréquente les milieux
littéraires en même temps qu’il se lie à
Jeanne Duval (1842). Sans se laisser arrêter ni par ses démêlés avec la censure (les
Fleurs du Mal, 1857) ni par l’aggravation
inexorable d’une maladie vénérienne, il
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
73
produit avec fièvre : les Paradis artificiels
(1860), le Spleen de Paris, l’Art romantique
(1868). Mais sa santé décline brutalement.
Hospitalisé en 1866, il connaît une longue
et douloureuse déchéance, dont la mort
le délivre un an plus tard. Son attitude
envers la vie, fondamentalement romantique, sera érigée au rang de système par
un Wagner. Rien d’étonnant à ce que Baudelaire, après le premier concert donné
par ce dernier à Paris le 25 février 1860,
ait écrit au compositeur (dont la vie res-
semble souvent à la sienne) une lettre
demeurée célèbre, pour l’assurer de sa
compréhension intime, lettre à laquelle
Wagner répondit assez banalement. De
même, lorsque l’année suivante Tannhaüser tomba à l’Opéra, Baudelaire publia-t-il
dans la Revue européenne (1er avr. 1861) un
article qu’il compléta ultérieurement, où il
reprenait des thèmes chers : « la musique,
capable de suggérer des idées analogues
dans des cerveaux différents », réalise cette
fusion des sons, des couleurs, des parfums,
des espaces, des formes, dont rêvait déjà
Hoffmann. Le poète est mort trop tôt pour
participer, comme le feront plusieurs de
ses amis, au triomphe de Wagner à Bayreuth. Mais en France, il a trouvé un compositeur fraternel en la personne d’Henri
Duparc, lui aussi retranché du monde par
la maladie et le doute sur sa création, et
auquel on doit une Invitation au voyage et
une Vie antérieure (1870) ouvrant grands
les yeux sur la douleur, où le piano, seul,
prolonge la vision. Au contraire, Debussy,
qui aimait aussi Edgar Poe, s’est montré
dans ses cinq poèmes (Recueillement, le Jet
d’eau, la Mort des amants, le Balcon, Harmonie du soir, 1890) malhabile, trop jeune,
trop peu inventif quant à la musicalité des
mots.
BAUDO (Serge), chef d’orchestre français (Marseille 1927).
Il a fait ses études à Marseille, puis au
Conservatoire de Paris, notamment avec
L. Fourestier pour la direction d’orchestre.
En 1966, il remplace Karajan à la Scala de
Milan et dirige Pelléas et Mélisande. L’année suivante, il fonde avec Ch. Munch
l’Orchestre de Paris, dont il assume la
direction jusqu’en 1970. Il a été ensuite,
de 1971 à 1987, directeur de l’Orchestre
de Lyon (depuis 1984 Orchestre national
de Lyon), qui, sous sa férule, est devenu
une excellente formation. Serge Baudo
a composé quelques oeuvres, dont les
Danses païennes pour clarinette et percussion. Son successeur à Lyon est Emmanuel
Krivine.
BAUDRIER (Yves), compositeur français
(Paris 1906 - id. 1988).
Il s’orienta d’abord vers le droit, mais il
découvrit que seule la musique pouvait lui
apporter une possibilité d’évasion et une
satisfaction spirituelle. Il devint alors élève
de G. Lath, organiste du Sacré-Coeur. En
1936, il fonda le groupe « Jeune France »
auquel s’associèrent Daniel Lesur, André
Jolivet et Olivier Messiaen. Ces quatre
musiciens allaient tenter de retrouver,
pour leur art, les forces généreuses que
connut jadis le romantisme de Berlioz.
Baudrier, rejetant tout système d’écriture trop rigide, renouant en revanche
avec les libertés rythmiques des anciens, se
libéra de la tonalité sans s’enfermer dans
un autre système. Ses compositions instrumentales ou vocales sont souvent fort
sensibles, son style étant, en somme, celui
de l’expression, d’une musique qui chante.
Il a composé des pièces pour piano, deux
quatuors à cordes (1939, 1941), de la musique symphonique (le Musicien dans la
cité, 1936-37, rev. 1946 ; Partition trouvée
dans une bouteille, mouvement symphonique, 1965), de la musique de films et
des oeuvres vocales (Deux Poèmes de Tristan Corbière, 1939 ; Deux Poèmes de Jean
Noir, composés au secret, 1944 ; Cantate
de la Pentecôte, en collaboration avec M.
Rosenthal et M. Constant, pour choeur de
femmes et orchestre, 1950).
BAUDRON (Antoine Laurent), violoniste
et compositeur français (Amiens 1742 Paris 1834).
Violoniste à la Comédie-Française (1763)
puis directeur de son orchestre (1766), il
collabora avec Beaumarchais et est probablement l’auteur du célèbre air « Je suis
Lindor » inséré dans le Barbier de Séville
(1775) et traité par Mozart en variations
pour piano (K.354, 1778). Ses 6 Quartetti
opus 3 (1768) sont considérés comme les
premiers quatuors à cordes composés par
un Français.
BAUER (Harold), pianiste anglais naturalisé américain (Londres 1873 - Miami
1951).
Il étudie d’abord le violon avant de se
consacrer au piano en 1892, sur les conseils
de Paderewski. En 1893, il commence une
importante carrière à Paris et en Russie.
Il joue aux États-Unis une première fois
en 1900, avant de s’y installer en 1915. Il
y fonde la Beethoven Association de New
York, et se produit souvent avec Thibaud
et Casals. Entre 1918 et 1941, il dirige une
célèbre Société de musique de chambre. Il
a été admiré par les plus grands compositeurs de son époque : Ravel lui dédie Ondine, il crée Children’s Corner de Debussy
en 1908 et le Quintette d’Ernest Bloch en
1925. Il a cependant excellé dans le répertoire romantique, où il affectionnait surtout Schumann, Brahms et Franck.
BAUER (Marion), femme compositeur
américaine (Walla Walla, Washington,
1887 - South Hadley, Massachusetts,
1955).
Elle fit des études à Paris avec Nadia Boulanger, Raoul Pugno, André Gédalge ; à
Berlin avec Paul Ertel, et aux États-Unis
avec Pierre Monteux et Campbell-Tipton.
Sa musique, considérée au début comme
audacieuse à cause de ses sympathies
impressionnistes (pièces pour piano, 1er
quatuor), apparaît en fait néoclassique
avec un goût pour les sonorités raffinées
et les combinaisons instrumentales chatoyantes. Son oeuvre comporte des pièces
symphoniques, dont deux symphonies, de
la musique de chambre, des choeurs et de
nombreuses pièces pour piano. On lui doit
également une oeuvre de musicographe.
BAUGÉ (André), baryton français (Toulouse 1893 - Paris 1966).
Il débuta à Grenoble en 1912, puis à
l’Opéra-Comique dans Frédéric de Lakmé
(1917). Il acquit une grande popularité
entre les deux guerres. Sa voix typiquement française de baryton aigu, légère
mais sonore, et son aisance en scène firent
de lui un excellent interprète de Figaro du
Barbier de Séville de Rossini et du répertoire d’opérette (par exemple, des oeuvres
de Messager, Monsieur Beaucaire).
BAUMONT (Olivier), claveciniste français (Saint-Dié 1960).
Il obtient deux premiers prix (clavecin et
musique de chambre) au Conservatoire
de Paris et se perfectionne ensuite auprès
d’Huguette Dreyfus et de Kenneth Gilbert. En 1982, il réussit le concours de
solistes de Radio France et enregistre son
premier disque. Il est ensuite régulièrement invité par le festival de piano de La
Roque-d’Anthéron, ainsi que par celui
de Radio France et Montpellier, et donne
plusieurs récitals au Japon et aux ÉtatsUnis. Il joue régulièrement à deux clavecins avec Davitt Moroney, accompagne le
contre-ténor James Bowman, la soprano
Jill Feldman, publie des articles de musicologie. En 1992, il prend la direction du
Festival Couperin de Chaumes-en-Brie.
Il a enregistré l’intégrale de l’oeuvre pour
clavecin de Rameau, ainsi que celle de
Couperin.
BAUR (Jurg), organiste et compositeur
allemand (Dusseldorf 1918).
Après des études à Cologne à la Musikhochschule, en particulier avec Philipp
Jarnach (composition), et à l’université
avec Karl Gustav Fellerer (musicologie),
il devient professeur au conservatoire
Schumann de Düsseldorf, puis directeur,
depuis 1965, de cet établissement, ainsi
que cantor et organiste à l’église SaintPaul (1952-1960). Son oeuvre reflète les
influences successives de Reger, de Hindemith et de Bartok, puis de Schönberg.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
74
Il a écrit de la musique orchestrale, de la
musique de chambre, des concertos et de
la musique vocale (motets, lieder, dont un
cycle : Herx stirb oder singe).
BAX (sir Arnold), compositeur anglais
(Londres 1883 - Cork, Irlande, 1953).
Il fit ses études à partir de 1900 à la Royal
Academy of Music. Ses premières oeuvres
datent de 1903. Très doué, il transcrivait à
vue n’importe quelle partition d’orchestre
au piano. En 1910, il fit un court séjour
en Russie et certaines de ses pièces pour
piano en portent la trace. Mais, de sang
à moitié irlandais, il imprégna avant tout
ses oeuvres de l’amour de son pays et de
l’attachement à la race celte, n’hésitant pas
à s’inspirer du folklore dans ses compositions. Il participa d’autre part au mouvement littéraire nationaliste irlandais.
On l’a nommé le « Yeats de la musique »
à cause de son penchant pour un mysticisme coloré de romantisme. En 1941, il
devint Master of the King’s Music. Bax
a composé notamment des sonates pour
piano, de la musique de chambre dont 3
quatuors à cordes, 7 symphonies (de 1922
à 1939), des poèmes symphoniques dont
The Garden of Fand (1916) et Tintagel
(1917), deux ballets, des choeurs et une
cinquantaine de mélodies.
BAYER (Joseph), compositeur, chef d’or-
chestre et violoniste autrichien (Vienne
1852 - id. 1913).
Directeur des ballets à l’opéra de Vienne
à partir de 1885, il est célèbre encore aujourd’hui pour son ballet Die Puppenfee
(1888).
BAYLE (François), compositeur français
(Tamatave, Madagascar, 1932).
Abandonnant une carrière d’enseignant
pour compléter une formation musicale
d’autodidacte à Darmstadt et auprès d’Olivier Messiaen et de Pierre Schaeffer, il est
l’un des premiers membres du Groupe de
recherches musicales de l’O. R. T. F., en
1958, avant d’en devenir, en 1966, après
Pierre Schaeffer, le véritable responsable.
Le G. R. M., en effet, doit beaucoup à son
inlassable activité d’animateur, de programmateur, de semeur d’idées et d’initiatives. Dans la personnalité très riche
de ce créateur, le penseur et le théoricien
tiennent une place importante, apparente
jusque dans le titre de certaines oeuvres.
Celles-ci se nourrissent souvent des suggestions nées d’une fréquentation assidue
des courants d’idées modernes (philosophie bachelardienne de la connaissance,
théorie des arts plastiques chez Paul Klee,
mathématiques de René Thom), assimilées et transposées par lui dans le domaine
musical avec plus d’intuition que de méthode. Sa musique ne s’aventure jamais
dans le rêve sans auteurs de chevet : ceux
que nous avons cités, mais aussi Bataille,
Lewis Carroll, les surréalistes. François
Bayle se propose, armé de ces références,
d’explorer par ses oeuvres la « genèse des
formes et des mouvements sonores, la
grammaire de leur formation, leur relation avec les événements du monde plastique ou psychique ». En témoigne une
somme comme l’Expérience acoustique
(1969-1972), oeuvre géante en 5 volets
et 14 mouvements, qui est un des chefsd’oeuvre de la musique électroacoustique
par la cohérence et l’unité de sa conception et la puissance et la diversité de
son inspiration : une de ces « utopies de
sons » que seuls, jusqu’ici, Pierre Henry
et Stockhausen avaient su créer pour les
haut-parleurs. Aussi maîtrisée, mais plus
intime, est la suite en 17 mouvements
Jeïta (1969-70), inspirée par une grotte du
Liban, dont la première partie atteint une
perfection, une concentration et une poésie dignes du plus grand Ravel. Remon-
tant dans le temps, on peut saluer avec
les Espaces inhabitables (1967), inspirés
de Bataille et de Jules Verne, la première
cristallisation musicale des préoccupations théoriques qui devaient l’amener
à cataloguer et à manier de plus en plus
systématiquement les processus sonores
repérés par lui comme appartenant en
propre à la musique des haut-parleurs.
Ce qui n’empêche pas ces oeuvres d’être
foisonnantes d’images et de poésie et très
séduisantes de couleurs. Mais les Vibrations composées (1973) et Grande Polyphonie (1974) semblent porter à la limite
du dessèchement leur assurance de style,
dans leur maîtrise un peu tendue, ce qui
n’est pas le cas de Camera Obscura (1976),
oeuvre-labyrinthe, ou d’Érosphère (1980),
merveilleuse tapisserie musicale intégrant
une oeuvre antérieure, Tremblement de
terre très doux (1978), et renouant avec la
poésie miroitante et scintillante de Jeïta.
Dans cet itinéraire, une oeuvre à part met
à jour plus explicitement le monde symbolique de François Bayle : c’est le Purgatoire (1972), d’après la Divine Comédie
de Dante, second volet d’un triptyque
commandé par le chorégraphe Vittorio
Biagi, dont Bernard Parmegiani signait
l’Enfer, et les deux compositeurs, le Paradis (1974). Interprétant librement le texte
de Dante, lu par Michel Hermon, l’auteur
en dégage le sens initiatique, invente, pour
le placer au centre de son labyrinthe, le
personnage de l’Ange-Feu, séducteur dangereux incarné par des flammèches et des
pétillements sonores caractéristiques de
Bayle, et conclut sur une très belle exaltation mystique de la résonance musicale
pure, dont l’aimée Béatrice est le symbole.
En 1983 ont été créés les Couleurs de la
nuit pour bande et ordinateur (1982) et
Son vitesse-lumière, version intégrale en 5
sections (1980-1983), et en 1990 Fabulae.
BAYLERO.
Chant du bayle « valet », en langue d’oc.
Dialogue chanté, en partie improvisé
autour de certaines notes invariables de la
mélodie, échangé par les bergers de haute
Auvergne se répondant d’un sommet
à un autre. Joseph Canteloube a baptisé
bailèro la première pièce de ses Chants
d’Auvergne ; la mélopée chantée et le climat orchestral y évoquent un paysage
immense et triste.
BAYREUTH.
Petite ville de Haute-Franconie dans le
nord de l’État de Bavière, célèbre pour
son festival exclusivement consacré aux
oeuvres de Richard Wagner.
Provisoirement banni de Bavière en
1865, las des intrigues de cour et de la
surveillance jalouse que son protecteur
Louis II exerçait sur lui, Wagner renonça
au projet, lancé en 1864 par ce souverain,
de construire à Munich un théâtre destiné aux représentations de l’Anneau du
Nibelung, mais non à ce rêve, qu’il caressait depuis longtemps, d’un théâtre bien
à lui, où ses oeuvres pourraient être jouées
d’une manière parfaite. Il se mit en quête.
Bayreuth retint son attention : il s’y dressait un théâtre, l’opéra des Margraves, à
l’acoustique réputée et dont la scène était
l’une des plus vastes d’Allemagne. À l’examen, cet édifice, qu’il visita en avril 1871,
ne lui convint pas. Mais la compréhension
qu’il rencontra à Bayreuth le décida : c’est
là qu’il édifierait son théâtre des festivals
(Festspielhaus), spécialement destiné à
servir de cadre aux représentations solennelles de l’Anneau, oeuvre dont les dimensions et le caractère exigeaient, selon lui,
des conditions d’exécution totalement différentes de celles d’un opéra traditionnel.
L’ambitieux projet de Wagner était
celui d’une véritable école où les interprètes, par le biais de l’étude de ses ouvrages, apprendraient les fondements
du théâtre lyrique moderne : avènement
d’acteurs-chanteurs se substituant aux
« gosiers » sacrifiant tout à « la » note, restauration de la conception initiatique du
spectacle que Wagner croyait déceler dans
la tragédie grecque.
C’est dans cette perspective que, reprenant les principes qu’en accord avec lui
l’architecte Gottfried Semper avait posés
pour le projet de Munich, Wagner conçut
un bâtiment aux caractéristiques révolutionnaires (quoique inspirées, pour certains traits, du théâtre de Riga où il avait
travaillé dans sa jeunesse) : une salle
d’environ 1 800 places en amphithéâtre,
sans loges ni baignoires, étagée sur trente
gradins, avec une visibilité parfaite pour
tous les spectateurs ; un orchestre profondément enfoncé dans une fosse de six
gradins, recouverte aux trois quarts par
deux auvents de bois mince dont l’un, du
côté de la scène, fait office de proscenium,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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créant une fausse perspective qui trompe
le spectateur sur la taille réelle des décors
et même des personnages.
Le fait de cacher l’orchestre répondait à deux préoccupations : d’abord, en
supprimant cette source de lumière qui
d’ordinaire s’interpose entre le public et le
plateau, concentrer l’attention du spectateur sur le déroulement scénique ; ensuite,
obtenir un son d’orchestre décanté, limpide, mal localisé, presque mystérieux,
qui, jaillissant de l’invisible « abîme mystique », enveloppe idéalement les voix sans
les masquer. À l’atmosphère sérieuse, fervente, ainsi recherchée, contribuent également l’austérité de la salle, sans dorure,
sans ornement (elle était d’ailleurs considérée par Wagner comme provisoire ; les
fonds disponibles avaient été utilisés en
priorité pour créer un équipement scénique parfait, considéré, lui, comme définitif), l’inconfort des rudimentaires sièges
de bois et le fait, nouveau pour l’époque,
que la salle était plongée dans l’obscurité
durant les représentations.
L’école ne vit pas le jour, mais, dans
l’édifice bâti grâce à la vente de cartes
de patronage et, surtout, à une ultime et
décisive aide de Louis II, le rideau se leva
sur l’Or du Rhin, inaugurant un Anneau
du Nibelung complet, en août 1876. L’événement, à la fois politique et artistique Guillaume II et l’empereur du Brésil y
côtoyaient Liszt, Bruckner, Tolstoï, SaintSaëns, Tchaïkovski -, connut un succès
rendu relatif par le déficit, qui interdit
d’annoncer la date du festival suivant, et
par l’indifférence du public d’opéra traditionnel. Le wagnérisme, pourtant, s’institutionnalisa cette année-là ; Nietzsche,
voyant son ami accaparé par les associations « d’amateurs de bière, de peaux de
bête et de Wagner », fuit Bayreuth à l’arrivée des premiers « pèlerins ».
Six ans plus tard, la création de Parsifal (1882) fut accueillie avec déférence ;
mais la mort de Wagner (1883) menaça
la survie de Bayreuth. Parsifal fut joué
en 1883 et 1884, mais des festivals isolés, arrachés au destin, n’avaient créé ni
une habitude ni une tradition. Cosima
Wagner décida alors d’assumer l’héritage.
Entourée d’une extraordinaire équipe de
chefs d’orchestre (Hans Richter, Hermann
Levi, Felix Mottl), elle présenta à tour de
rôle l’ensemble des oeuvres principales
du maître, du Vaisseau fantôme à Parsifal. Avec l’aide de son fils Siegfried (18691930) et d’un conseiller musical, Julius
Kniese, elle fit de Bayreuth une institution
où, conception radicalement neuve, mise
en scène et chant comptaient autant l’un
que l’autre. Longtemps, on accusa Cosima
d’avoir favorisé la naissance d’une « race
de hurleurs » (B. Shaw). Mais de grandes
voix, comme Rosa Sucher, étaient alors
aussi rares qu’aujourd’hui. Il est vrai cependant que Cosima, qui estimait honorer
les chanteurs en les engageant et les payait
fort peu (pratique qui s’est maintenue à
Bayreuth jusqu’à nos jours), ne craignit
jamais de sacrifier la beauté vocale sur
l’autel de l’articulation « wagnérienne »
obligatoire qu’elle avait instituée, déclamation inspirée du théâtre parlé. Soumis à
ce style dont ils ne pouvaient enfreindre la
moindre règle sous peine d’expulsion, les
vedettes du Bayreuth de l’époque, Erick
Schmedes, Ernest Van Dyck, Theodor
Bertram, Ellen Gulbranson, purent sembler au public des voix moins « belles »
que leurs rivaux Leo Slezak, Jacques Urlus,
Emil Fischer, Lillian Nordica, Felia Litvinne, qui chantaient librement Wagner
dans les autres théâtres. Assurément, l’intégrité de la fidélité de Cosima à certaines
volontés réelles, ou supposées, de Wagner
ôta aux chanteurs toute spontanéité, toute
imagination, et supprima sur le plan scénique toute possibilité d’innovation.
En 1907, Cosima abandonna la direction du festival à Siegfried. Celui-ci se
contenta, jusqu’à la guerre, de maintenir
les méthodes instaurées par sa mère. Après
le conflit, il eut grand mérite à réunir les
fonds nécessaires pour la reprise, qui eut
lieu en 1924. Cette période se caractérise
par la création d’une régie des éclairages,
la simplification des décors et l’utilisation
de projections, un style plus naturaliste et
psychologique dans la direction d’acteurs,
bref, un heureux compromis entre les
théories d’Appia, que Cosima avait formellement rejetées et qu’il n’osa suivre totalement, et la tradition. Des chefs comme
Karl Muck et Michael Balling, des chanteurs comme Nanny Larsen-Todsen et le
chef des choeurs Hugo Rüdel l’aidèrent à
maintenir une haute qualité musicale et
vocale. Les nouvelles productions de Tristan et Isolde (1927) et Tannhäuser (1930),
qu’il mit en scène, furent critiquées par
les passéistes, mais furent dans l’ensemble
très admirées. Siegfried mourut en 1930,
laissant à sa femme Winifred (1897-1979),
depuis longtemps son assistante, un festival d’une tenue exemplaire, où pourrait
briller la nouvelle génération de chanteurs
wagnériens exceptionnels qui atteignait
alors son apogée : Frida Leider, Alexander Kipnis, Friedrich Schorr, Lauritz Melchior, Lotte Lehmann, Emanuel List.
Or, Bayreuth allait beaucoup changer.
À mesure que l’Allemagne tombait sous
la coupe du national-socialisme, de très
nombreux artistes, imitant Toscanini
dont la rupture avec Bayreuth (1933)
fut éclatante, prenaient le chemin de
l’exil. On ne trouva bientôt plus au festival que des chefs appréciés ou tolérés
par le régime (Karl Elmendorff, Franz
von Hoesslin, Wilhelm Furtwängler) et
des chanteurs « protégés « : Max Lorenz,
Franz Völker, Maria Müller, Margarete
Klose, Jaro Prohaska, Ludwig Hofmann,
Josef von Manowarda, Rudolf Bockelmann. Tous étaient au demeurant de remarquables acteurs-chanteurs, membres
pour la plupart de l’opéra de Berlin dont le
directeur, le chef d’orchestre et metteur en
scène Heinz Tietjen (1881-1967), assura
à partir de 1933 la direction artistique du
festival. Avec l’aide du décorateur Emil
Preetorius et du chef éclairagiste Paul
Eberhardt, Tietjen créa un monde de symboles, d’archétypes, plus proche des réalisations ultérieures de Wieland et Wolfgang Wagner que du style de Siegfried.
Toutefois, à travers cette forme nouvelle,
Tietjen présenta un « message » de plus
en plus ouvertement nationaliste. Hitler
lui-même demeura relativement discret
en raison de la sympathie aveugle, mais
sincère, que lui vouait Winifred... mais
Bayreuth était bel et bien devenu un
temple culturel nazi, et si Germaine Lubin
se flatte d’y avoir chanté Isolde en 1939,
une Kirsten Flagstad préféra rejoindre au
Metropolitan de New York tous les grands
chanteurs exilés.
La guerre limita l’activité du festival,
l’écroulement du Reich l’interrompit
en 1944. Touchée par la dénazification,
Winifred dut céder la direction à deux
de ses enfants, Wieland (1917-1966)
et Wolfgang (1919). En 1951, le théâtre
rouvrit ses portes. Une production, mise
en scène par Wieland, de Parsifal, qui fit
scandale avant de devenir unanimement
admirée au fil des années, inaugurait l’ère
du « nouveau Bayreuth ». Les deux frères
s’attachèrent à définir un style de scénographie systématiquement épuré, jouant
de la lumière et de la couleur pour fouiller
le sens profond des oeuvres. Wieland se
montra symboliste et rigoureux, Wolfgang
plus humain, plus coloré. Les productions
les plus remarquées furent celles de Wieland (Tristan et Isolde, 1952 et 1962 ; les
Maîtres chanteurs, 1956 ; l’Anneau du
Nibelung, 1965) ; elles furent à leur tour
violemment combattues par les passéistes,
mais vite admises et même saluées comme
des exemples, des jalons dans l’histoire
du théâtre ; ces visions décapantes amorçaient une réflexion idéologique qui allait
bien au-delà du simple renouvellement de
style. Un tel travail, décisif pour l’avenir
de l’art lyrique, ne fut possible qu’avec la
fidèle collaboration des chefs d’orchestre
Hans Knappertsbusch, Wolfgang Sawallisch, Karl Böhm, André Cluytens, Josef
Keilberth, Rudolf Kempe, des chanteurs
Wolfgang Windgassen Hans Hotter, Leonie Rysanek, Gustav Neidlinger, Josef
Greindl, Astrid Varnay, Martha Mödl,
Birgit Nilsson, Anja Silja, et du chef des
choeurs Wilhelm Pitz.
Wieland mourut en 1966, année où,
appelé par lui, Pierre Boulez dirigeait
son premier Parsifal. Wolfgang a, depuis,
assumé seul la responsabilité suprême.
Brisant heureusement le rêve de certains
de transformer Bayreuth en « musée
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Wieland », il a, tout en poursuivant ses
propres recherches, ouvert le Festspielhaus à des metteurs en scène aussi divers
qu’August Everding (le Vaisseau fantôme,
1969 ; Tristan et Isolde, 1974), Götz Friedrich (Tannhäuser, 1972 ; Lohengrin,
1979), Patrice Chéreau (l’Anneau du Nibelung, 1976), Harry Küpfer (le Vaisseau
fantôme, 1978 ; Parsifal, 1982). En même
temps, il a renouvelé les distributions en
appelant des chanteurs (René Kollo, Peter
Hofmann, Gwyneth Jones, Franz Mazura,
Heinz Zednick) ne répondant pas aux cri-
tères de puissance vocale que l’on associait
au chant wagnérien depuis quelques dizaines d’années, mais capables d’affronter
les exigences actuelles de la recherche et
de la sincérité théâtrales. Ainsi Bayreuth
demeure-t-il, comme à ses origines, un
lieu d’avant-garde, un phare du théâtre
contemporain. Wolfgang a confié à Norbert Balatsch la difficile succession de Wilhelm Pitz, à la tête des choeurs (qui sont
une élite recrutée essentiellement dans les
théâtres allemands, ainsi qu’à l’étranger),
et mis l’orchestre (qui est une sélection
de musiciens des orchestres d’opéra et
de radio des deux Allemagnes) entre les
mains de personnalités aussi exigeantes
et aux conceptions wagnériennes aussi
peu sclérosées que Pierre Boulez, Carlos
Kleiber, Colin Davis ou Silvio Varviso.
Wolfang, en accord avec sa mère, a définitivement assuré l’avenir du festival en
suscitant la création, en 1973, d’une Fondation Richard Wagner (Richard Wagner
Stiftung Bayreuth), qui, légataire des
biens matériels et spirituels de la famille
Wagner, est chargée de les gérer. Cette
fondation regroupe la République fédérale d’Allemagne, l’État de Bavière, la Fondation régionale bavaroise, le district de
Haute-Franconie, la Fondation de HauteFranconie, la ville de Bayreuth, la Société
des amis de Bayreuth et les membres de
la famille Wagner. Il a, enfin, développé
les Rencontres internationales pour la jeunesse, nées en 1951, qui organisent, parallèlement au festival, des séminaires, des
conférences, des ateliers de jeunes interprètes.
Le succès du doyen des festivals ne se
dément pas et s’est élargi aux dimensions
du monde grâce à une intelligente collaboration avec la radio, le disque et, plus
récemment, l’audiovisuel.
BAZIN (François), compositeur français
(Marseille 1816 - Paris 1878).
Élève d’Auber et d’Halévy, il obtint le second grand prix de Rome en 1839, derrière
Gounod, puis le premier, en 1840. Ses envois de Rome {Messe solennelle, oratorio la
Pentecôte, Psaume CXXXVI) et le début de
sa carrière furent consacrés à des oeuvres
religieuses d’une très belle facture. Il se
tourna ensuite vers le théâtre lyrique et
écrivit des partitions tenant de l’opéra-comique et de l’opéra bouffe : petites oeuvres
en 1 acte dont certaines, comme Maître
Pathelin (1856), connurent le succès. Sa
seule oeuvre plus développée, le Voyage en
Chine (1865), jouit d’une grande popularité pendant plusieurs dizaines d’années.
Il devint professeur au Conservatoire de
Paris en 1844, et membre de l’Académie
des beaux-arts en 1872.
BEAT.
Mot anglais désignant d’une manière
générale les temps de la mesure, mais
aussi, dans le jazz, la qualité du tempo par
rapport aux critères propres à ce type de
musique.
Lorsque la partie de basse comporte régulièrement quatre noires par mesure, on
parle d’un four-beat rhythm ; en revanche,
si la deuxième noire n’est que sous-entendue, il s’agit d’un two-beat rhythm. Ces
deux systèmes opposés peuvent se succéder au cours d’une même exécution.
BEAUFILS (Marcel), critique et esthéticien français (Beauvais 1899 - id. 1985).
De formation universitaire, excellent
germaniste, orienté vers les recherches
touchant à l’esthétique (il a été professeur d’esthétique musicale au Conservatoire de Paris), Beaufils est un des rares
critiques qui ont traité avec bonheur ce
difficile sujet que constituent les rapports
du mot et de la musique. Son ouvrage sur
le Lied romantique allemand (Paris, 1956)
est particulièrement remarquable. Citons
encore Wagner et le Wagnérisme (Paris,
1947), la Musique de piano de Schumann
(Paris, 1951), Musique du son, musique du
verbe (Paris, 1954) et la Philosophie wagnérienne : de Schopenhauer à Nietzsche (in
Wagner, ouvr. collectif, Paris, 1962).
BEAUJOYEUX (Baldassaro DA BELGIOIOSO
ou Baltazarini DI BELGIOIOSO, dit Balthazar
de),violoniste et chorégraphe italien
(Piémont début du XVIe s., - Paris v 1587).
Il arriva à Paris vers 1555 dans la suite du
maréchal de Brissac. Catherine de Médicis l’accueillit à la Cour, le nomma violoniste de la Chambre et fit de lui son premier valet de chambre. Responsable des
divertissements de la Cour, il est connu
surtout pour avoir conçu en France le premier ballet de cour fondé sur un argument
suivi et préfigurant l’opéra. Il organisa
avec bonheur, à l’occasion du mariage
du duc de Joyeuse avec mademoiselle de
Vaudémont le 15 octobre 1581, le grandiose spectacle intitulé Ballet comique de la
Royne (à l’origine Ballet de Circé) qui comportait des chants, des danses, des machines et des intermèdes instrumentaux,
mais il ne semble pas avoir participé à la
composition de sa musique due à Lambert
de Beaulieu et à Jacques Salmon.
BEAUMARCHAIS (Pierre Augustin
Caron de), écrivain français (Paris 1732 id. 1799).
Quoiqu’il ait enseigné les rudiments de la
musique, et, en particulier, de la guitare,
aux trois filles de Louis XV, écrit le livret
d’un opéra, Tarare, mis en musique par
Salieri (Paris, 1787), et composé de nombreuses romances (paroles et musiques),
ses rapports avec la musique se fondent
principalement sur ses comédies, le Barbier de Séville (1775) et le Mariage de
Figaro ou la Folle Journée (d’abord interdite par Louis XVI et enfin représentée
en 1784). Les intrigues à l’italienne de
ces deux oeuvres courageuses, qui s’attaquaient aux privilèges, ont inspiré divers
musiciens. En particulier, Mozart (1786)
s’empara de la seconde, et Paisiello (1782),
puis Rossini (1816) triomphèrent grâce
à la première, que Beaumarchais avait
d’ailleurs dès l’origine conçue comme un
opéra-comique, et pour laquelle il avait
lui-même écrit de la musique.
BEBUNG (allemand pour « tremblement »).
Effet produit au clavicorde en faisant
osciller le doigt sur la touche à peu près
comme les instrumentistes à cordes pour
produire un vibrato.
BEC.
Embouchure de certains instruments à
vent de la famille des bois.
Dans la flûte douce (ou flûte à bec),
c’est un court sifflet à biseau qui produit
à lui seul la vibration initiale. Dans les
instruments à anche simple (clarinettes,
saxophones), le bec consiste en un cône
allongé et aplati dont la partie inférieure
évidée, appelée « table », est recouverte
par l’anche qu’une « ligature » métallique
maintient en place. Les becs de clarinette,
autrefois taillés dans du bois dur, puis réalisés en ébonite, sont aujourd’hui coulés
dans de la matière plastique, dont la stabilité est très supérieure. Il existe aussi, pour
le jazz, des becs de saxophone en métal
inoxydable.
BÉCARRE.
Dans l’usage actuel, signe de notation
musicale qui précise que la note à laquelle
il s’applique n’est pas altérée et qui annule
les altérations ayant pu antérieurement
affecter cette note. Comme les autres
signes d’altération, le bécarre se place
normalement avant la note qu’il affecte,
et peut aussi s’employer en armature ou
en chiffrage. Dans la musique sérielle,
on a pris pour règle de placer un bécarre
devant toute note naturelle, même s’il n’y
a pas d’altération antérieure à annuler,
afin d’éviter qu’une graphie différente ne
suggère une différence de traitement entre
notes naturelles et notes altérées.
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Les solfèges un peu anciens prescrivent,
si l’on veut changer l’altération d’une
note, par exemple affecter un bémol à une
note subissant l’effet d’une altération par
un dièse, de mettre d’abord un bécarre
d’annulation ; on renonce aujourd’hui à
cette complication inutile.
Dans l’ancienne solmisation, le sens du
bécarre était assez différent de celui qu’il a
aujourd’hui ( ! BÉMOL). Sa graphie initiale
était celle du bémol : un b minuscule, mais
dont on prenait soin d’anguler la boucle
( , b carré, d’où bécarre, s’opposant à b,
b arrondi, « mol », d’où bémol). Puis la
différence de graphie apparut insuffisante
et, pour éviter les confusions, on ajouta
un petit trait descendant prolongeant la
partie droite du « carré « : telle est encore sa forme actuelle ( ). Mais, jusqu’au
XVIe siècle, il ne fut pas fait de véritable
différence entre le bécarre et le dièse.
BECERRA-SCHMIDT (Gustavo), compositeur chilien (Temuco 1925).
Il a fait des études à l’université et au
conservatoire de Santiago où il a eu pour
professeurs Pedro Allende, Domingo
Santa-Cruz et Carvajal. Professeur à
l’université du Chili depuis 1947, il a été
directeur de l’Institut de diffusion musicale (1959-1963) et de la télévision universitaire (1964). D’abord néo-classique à
tendance folklorisante son style a évolué
vers un modernisme éclectique non dépourvu de fantaisie (dans Juegos. il utilise,
avec un piano et une bande enregistrée,
des balles de ping-pong et des briques). Il
est l’auteur de 3 symphonies, de concertos
pour piano et pour guitare, de pièces de
musique de chambre, dont 7 quatuors à
cordes, de pages vocales (Machu Picchue,
oratorio ; Llanto por el Hermano solo) et
de compositions obéissant à des formules
variées (Responso para José Miguel Carrera
pour voix, quintette avec piano et percussion, etc.).
BECHSTEIN (Friedrich Wilhelm Carl),
facteur de pianos allemand (Gotha
1826 - Berlin 1900)
. Après avoir travaillé avec divers facteurs
de pianos, allemands ou français, il fonda
sa propre maison à Berlin en 1853, puis
créa des succursales à Londres, Paris et
Saint-Pétersbourg. Les grands pianos de
concert Bechstein étaient particulièrement réputés à l’époque romantique. La
fabrique fut reprise par ses fils Edwin et
Carl.
BECK (Conrad), compositeur suisse
(Lohn, Schaffhouse, 1901 - Bâle 1989).
Élève de Volkmaar Andreae et de Reinhold
Laquai à Zurich, puis de Nadia Boulanger
au cours d’un long séjour à Paris (19231932), il reçoit également les conseils
d’Honegger, Ibert et Roussel. Directeur de
la section musicale de Radio-Bâle à partir
de 1939, il est l’auteur d’une oeuvre importante, dont les caractères, proches de
Hindemith et du néoclassicisme jusqu’en
1940, ont évolué ensuite vers un lyrisme
plus détendu (jusqu’en 1950), et, plus tard
encore, vers une syntaxe claire et sobre.
Son oeuvre unit le souci d’une polyphonie stricte à celui d’une pureté de lignes,
d’une simplicité qui se rapproche parfois
d’éléments folkloriques. Il est l’auteur de
7 symphonies, 12 concertos, du poème
symphonique Innominata, de 4 quatuors
et 2 trios à cordes, de sonates pour différents instruments, d’oratorios (Angelus
Silesius ; Der Tod zu Basel), de cantates (la
Mort d’OEdipe ; Die Sonnenfinsternis), d’un
Requiem, etc .
BECK (Franz), compositeur allemand
(Mannheim 1734 - Bordeaux 1809).
Élève de J. Stamitz, il dut quitter sa ville
natale à la suite d’un duel, étudia à Venise
avec Galuppi, puis se rendit à Naples et de
là en France. En 1757 déjà, on entendit à
Paris des symphonies de lui. Il séjourna à
Marseille, et, dès 1761, se trouvait à Bordeaux, ville où il fut organiste et chef d’orchestre, et qui devait rester sa résidence
principale. En 1783, il fut appelé à Paris
pour diriger son Stabat Mater, oeuvre
longtemps inaccessible (partition en possession privée), mais finalement entendue
à Bordeaux en 1996. On lui doit notamment l’opéra la Belle Jardinière (Bordeaux,
1767), le mélodrame l’Île déserte, une
musique de scène pour Pandore (Paris,
1789), quelques hymnes révolutionnaires,
et, surtout, une trentaine de symphonies
dont celles parues en quatre groupes de
six, sous les numéros d’opus 1 à 4, de 1758
à 1766, date après laquelle il ne publia
plus rien. Ces oeuvres subjectives et très
intéressantes sur le plan formel font de lui
un des plus grands représentants, injustement ignoré, du style de Mannheim.
BECK (Jean Baptiste), musicologue alsacien (Guebwiller, Haut-Rhin, 1881 - Philadelphie, États-Unis, 1943).
Docteur en théologie de l’université de
Strasbourg, il se fixa, en 1911, aux ÉtatsUnis, où il enseigna dans plusieurs universités. Dès 1907, ses travaux portaient
sur la lyrique médiévale. Appliquant aux
chants de trouvères la doctrine des modes
rythmiques échafaudée par les théoriciens
du XIIIe siècle, il professa que les rythmes
de ces chants dérivent de la métrique des
poèmes. Dans ce domaine, ses résultats
sont analogues à ceux de Pierre Aubry.
On doit à Jean Beck d’excellentes éditions
de chants de trouvères et de troubadours :
Corpus cantilenarum Medii Aevi (Paris Philadelphie, 1927-1938).
BECKERATH (Rudolf von), facteur d’orgues allemand (Munich 1907 - Hambourg 1976).
Son importante manufacture, fondée en
1949 et établie à Hambourg, a restauré
des instruments anciens et construit des
orgues de style classique, à traction mécanique, en Europe du Nord, aux États-Unis
et au Canada.
BECKWITH (John), compositeur canadien (Victoria, Colombie britannique,
1927).
Il a fait ses études musicales à Toronto
avec Alberto Guerrero et à Paris avec
Nadia Boulanger. Pédagogue, pianiste et
critique musical, établi à Toronto, fidèle
à l’esthétique néoclassique et abordant
tous les genres, il est l’auteur d’une oeuvre
abondante comprenant en particulier
des partitions pour orchestre, des opéras
de chambre (Night blooming Cereus, The
Shivaree), une musique de scène (The Killdear, pour piano préparé), de la musique
de chambre et un grand nombre de pièces
vocales.
BÉCLARD D’HARCOURT (Marguerite),
femme compositeur et musicologue
française (Paris 1884 - id. 1964).
Formée à la Schola cantorum, elle composa notamment un drame lyrique (Dierdane, 1941), un ballet (Raïmi ou la Fête du
soleil, 1926), Trois Mouvements symphoniques (1932) et des oeuvres de musique
de chambre où, à l’exemple de son maître
Maurice Emmanuel, elle utilisa les ressources du langage modal. Elle orchestra
le Mariage de Moussorgski et le Poème du
Rhône, oeuvre posthume de M. Emmanuel. Elle est connue surtout pour ses
travaux sur la musique des Incas et sur la
chanson française au Canada.
BEDFORD (David), compositeur anglais
(Londres 1937).
Né dans une famille de musiciens, il choisit très tôt sa voie et entre à la Royal Academy of Music, où il étudie avec Lennox
Berkeley. Il est sensible au langage de
Schönberg. En 1961, une bourse lui permet d’aller suivre des cours avec Luigi
Nono à Venise. Il visite les studios électroniques de Milan en 1962, et subit aussi
l’influence de Maderna. Bedford aime travailler avec les musiciens du monde de la
« pop music », tels que Kevin Ayers et Mick
Taylor des Rolling Stones. Cette collaboration débouche, par exemple, sur Star’s
end (1974) pour 2 guitares électriques,
un percussionniste « pop » et orchestre
symphonique. Il a composé egalement
des oeuvres pouvant être jouées par des
enfants et des amateurs. La musique de
Bedford est originale, mais, quoique très
élaborée, elle n’a jamais l’apparence de la
complication. Le compositeur aime puiser
son inspiration dans un texte (Tentacles
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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of the dark nebula, d’après une nouvelle
de science-fiction d’Arthur Clarke). Une
certaine élégance, héritée sans doute de
Berkeley, caractérise son oeuvre et, comme
celle de son maître, la musique de Bedford ne révèle pas toutes ses qualités à la
première approche. Mentionnons encore
Piece for Mo, une oeuvre pour choeur et orchestre, Star clusters, nebulae and places in
Devon, et deux symphonies (1981, 1986).
BEDINGHAM (John), compositeur anglais (XVe s.).
Vivant à l’époque de la guerre de Cent
Ans, ce musicien voyagea probablement
sur le continent, puisque c’est là qu’ont été
trouvées, dans des manuscrits, quelques
oeuvres qui lui sont dues. Il est l’auteur de
la messe cyclique Deuil angouisseux, qui se
sert d’une ballade de Gilles Binchois, de 4
chansons (O rosa bella, le Serviteur, Grand
Temps, Mon seul plaisir), et de quelques
motets. Les solutions qu’il fournit aux
problèmes posés par les règles strictes de
l’écriture de l’époque en font un précurseur.
BEDOS DE CELLES (dom François),
moine bénédictin et facteur d’orgues
français (Caux, Hérault, 1709 - abbaye de
Saint-Denis 1779).
Constructeur de l’orgue de l’abbaye de
Sainte-Croix de Bordeaux, il fut surtout un
expert de premier plan et eut à connaître
toutes les grandes réalisations de son
temps. Il consigna le fruit de son expérience pratique et de ses connaissances
théoriques en un monumental traité, l’Art
du facteur d’orgues (3 vol., 1766-1778), qui
demeure aujourd’hui l’ouvrage de base
inégalé en ce domaine, réédité et étudié
par tous les facteurs d’orgues.
BEECHAM (sir Thomas), chef d’orchestre
anglais (Saint-Helens, Lancashire, 1879 Londres 1961).
De formation autodidacte, il joua un
rôle de premier plan dans la vie musicale britannique durant plus d’un demisiècle, donnant son premier concert en
1899 et le dernier en 1960. Outre ceux
qu’il réorganisa, il ne fonda pas moins de
trois orchestres, dont les deux derniers
existent toujours : le Beecham Symphony
Orchestra en 1909, l’Orchestre philharmonique de Londres en 1932 et le Royal
Philharmonic Orchestra en 1946. En 1910,
il présenta sous sa propre responsabilité
artistique et financière deux saisons à
Covent Garden au cours desquelles furent
créées en Angleterre Elektra et Salomé de
Richard Strauss. Il dirigea également en
1913 la première londonienne du Chevalier à la rose et organisa cette année-là et
en 1914 deux grandes saisons d’opéras et
de ballets russes avec, notamment, la première apparition en Angleterre de Serge
de Diaghilev.
Cette première période à Covent Garden prit fin en 1919, non sans qu’ait été
fondée, dans l’intervalle, la Beecham
Opera Company (1915).
Après une retraite de quelques années
due à des embarras financiers, Beecham
fit sa réapparition en 1923, et en 1929,
consacra un festival entier à Frederick
Delius, compositeur dont il se fit toujours
une spécialité. En 1932, la fondation de
l’Orchestre philharmonique de Londres
et son retour à Covent Garden, dont
il fut le maître unique et incontesté de
1936 à 1939, lui assurèrent une position
unique. Ces années furent marquées par
de mémorables représentations d’opéras et par des concerts tout aussi mémorables, parmi lesquels le festival Sibelius
de 1938. De 1940 à 1944, Beecham vécut
surtout aux États-Unis et dirigea au Metropolitan Opera de New York. Il passa ses
quinze dernières années à la tête du Royal
Philharmonic Orchestra, et, au terme de
sa carrière, avait dirigé plus de 70 opéras
différents.
Célèbre pour sa répartie et son sens
de l’humour, dont il usait parfois sans
ménagement, admiré pour son panache,
pour son style incisif mais d’une suprême
élégance, il vécut en grand seigneur en
témoignant toujours d’un goût particulier pour la musique française, de Grétry
et Méhul à Fauré et Debussy, et, notamment, pour Berlioz, dont il fut un des très
grands interprètes. « Je donnerais tous les
Brandebourgeois pour Manon de Massenet, sûr et certain d’avoir largement gagné
au change », lança-t-il un jour comme
boutade. Il excella aussi dans Haendel,
Haydn, Mozart, Schubert, Bizet, Wagner,
Puccini, Richard Strauss, Sibelius, et n’eut
pas son égal, comme en témoignent de
nombreux enregistrements, pour insuffler
dynamisme et feu intérieur aux compositeurs qui suscitaient en lui « joie de vivre,
et, qui plus est, fierté de vivre ». On lui doit
une autobiographie (A Mingled Chime,
Londres, 1944) et un livre sur Frederick
Delius (Londres, 1959).
BEECKE (Franz Ignaz von), compositeur
allemand (Wimpfen-im-Talg 1733 - Wallerstein 1803).
Membre, avec le jeune Dittersdorf, de la
chapelle du prince von Sachsen-Hildburghausen, il entra chez les Oettingen-Wallerstein en Bavière en 1759 ou en 1760,
et poursuivit au service de cette famille
princière une carrière à la fois musicale (il
composa plusieurs symphonies), administrative et militaire, atteignant en 1792 le
grade de major. En 1766, il rencontra les
Mozart à Paris.
BEECROFT (Norma) femme compositeur
canadienne (Oshawa 1934).
Elle étudie au conservatoire de Toronto
avec John Weinzweigz à Rome avec Petrassis à Tanglewood avec Copland et
Lukas Foss, à Darmstadt avec Madernaz et
s’initie aux techniques électroacoustiques
à Toronto avec Myron Schaeffer et à Princeton avec Mario Davidovsky Assistante,
puis productrice à la radio canadienne
(1963-1969), elle déploie une grande activité en faveur de la musique contemporaine. Attirée au début par la technique
sérielle, elle y a joint peu à peu des éléments électroacoustiques. On trouve dans
son oeuvre des pages destinées à des formations instrumentales - traditionnelles
ou insolites - et d’autres utilisant l’apport
électroacoustique (From Dream of Brase
pour récitant, soprano, choeurs, orchestre
et bande ; Eleg, Undersea Fantasy, etc.)
BEETHOVEN (Ludwig van), compositeur
allemand (Bonn 1770 - Vienne 1827).
On trouve la trace d’ancêtres de Beethoven à Malines et à Louvain (Belgique),
des cultivateurs devenus citadins. Le nom
signifie littéralement « jardin aux betteraves » et la particule « van » n’a point de
sens nobiliaire. C’est à Malines que naquit,
en 1712, le premier Beethoven musicien,
« Ludwig l’Ancien ». Il s’installa à Bonn
comme Hofmusikus du prince-archevêque. Johann, son seul enfant demeuré
en vie, lui succéda à la chapelle princière
comme ténor ; ce dernier épousa, en 1767,
Maria Magdalena Keverich, fille du chef
cuisinier du prince électeur de Trèves,
femme douce et résignée, qui devait mourir de tuberculose en 1787. De leurs sept
enfants, trois seulement survécurent.
Ludwig, le deuxième des sept et l’aîné des
trois frères survivants, naquit le 16 ou 17
décembre 1770 dans leur pauvre logis de
la Bonngasse.
UN TALENT PRÉCOCE ET HORS DU COMMUN.
L’enfance de Beethoven ne fut pas heureuse, quoiqu’on ait exagéré les cruautés
de Johann à l’égard de son fils qu’il voulait « enfant prodige » comme Mozart. Ses
premiers maîtres furent selon l’occasion :
Tobias Pfeiffer, ténor dans une troupe
ambulante, le violoniste Rovantini, le
vieil Aegidius Van der Eeden, organiste
de la Cour. Christian Gottlieb Neefe,
successeur de ce dernier, doit être considéré comme le premier maître sérieux
de Beethoven. L’enfant fit de tels progrès
sous sa férule qu’il reçut à douze ans un
titre d’organiste suppléant, rétribué et investi de responsabilités croissantes, tandis
que le père s’enfonçait dans l’alcoolisme
et la déchéance. C’est à cette époque que
Beethoven déserta de plus en plus le domicile paternel pour celui, accueillant et
chaleureux, de la famille von Breuning,
qui allait être son foyer d’élection.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
79
Très vite, le rayonnement de son talent
dépassa ce cercle amical ; le comte Waldstein, favori du nouveau prince électeur libéral Max Franz, obtint que Beethoven effectuât un voyage d’études à Vienne. De ce
premier séjour (du 7 au 20 avril 1787 environ), on ne sait pas grand-chose. La rencontre avec un Mozart tout absorbé par la
composition de Don Giovanni et méfiant
à l’égard des jeunes prodiges, semble être
restée sans résultat : ni enseignement ni
consécration - des encouragements peutêtre. Beethoven revint à Bonn pour assister à la mort de sa mère, tandis que son
père sombrait tout à fait dans l’éthylisme.
Johann et Kaspar, les plus jeunes frères,
étaient alors à la charge de Ludwig (ils ne
le lui pardonnèrent pas). De cette époque
(1790) datent les cantates pour la mort de
Joseph II, pour l’avènement de Léopold II,
non jouées « à cause de leurs difficultés »,
oeuvres assez conventionnelles dont les
maladresses laissent cependant présager
un grand musicien. Aussi, lorsque Haydn
les vit, lors d’un passage à Bonn, il invita
le jeune Beethoven à faire des « études suivies » avec lui. Le fidèle Waldstein intervint une nouvelle fois et Beethoven quitta
définitivement Bonn pour Vienne, le 2
novembre 1792. « Recevez des mains de
Haydn l’esprit de Mozart », écrit Waldstein dans son album.
LE PIANISTE DE L’ARISTOCRATIE VIENNOISE.
Vienne, capitale du monde germanique,
ville de cours, de palais et de faubourgs
champêtres, était une ville de mode et de
plaisirs, obstinément traditionaliste, résolument superficielle. Terre de génies, elle
accueillit Beethoven d’abord avec grâce.
D’emblée, il fut adopté par l’aristocratie mélomane : Lichnowsky, Lobkowitz,
Schwarzenberg, Zmeskall von Domanovecs furent parmi les souscripteurs des 3
trios op. 1 (1794-95), oeuvres déjà marquées par la personnalité, sinon le style
du jeune musicien. Avec les 3 sonates op.
2 pour piano (1795-96), dédiées à Haydn,
Beethoven rendit à son ancien maître un
unique hommage officiel. Ses études avec
lui avaient été assez sporadiques : l’exemple
de ses oeuvres lui fut bien plus profitable
que ses leçons de contrepoint. Beethoven
fréquenta, non moins sporadiquement,
d’autres maîtres : Schenk, Albrechtsberger, Salieri ; il acquit rapidement, chez l’un
ou l’autre, les connaissances techniques
qui lui étaient nécessaires. En 1795, il était
déjà en pleine possession de son métier,
de sa personnalité, d’une virtuosité de
pianiste hors du commun, comme en
témoigne son premier grand concert viennois, en mars 1795, où il joua un concerto
de Mozart, avec des cadences de sa composition, et une des versions primitives de
son propre 1er concerto (publié plus tard
comme 2e). Mais le domaine où le génie de
Beethoven s’affirma déjà conquérant, irrésistible, ce fut, au dire de tous les témoins
de l’époque, celui des improvisations au
piano où il déchaînait son imagination
sans entraves. Beethoven habitait alors
chez le prince Lichnowsky et se produisait
dans tous les salons viennois, arrachant
« larmes » et « sanglots » (Czerny) à ses
auditeurs bouleversés.
UNE PENSÉE NOVATRICE.
Dans les sonates op. 7, op. 10 pour piano
(1796-1798), dans celle notamment en ré
majeur, Beethoven fit entendre, déjà et
d’emblée, la modernité de son génie, ses
audaces, ses dissymétries, sa force dramatique inouïe : le largo e mesto de cette
sonate op. 10 no 3 en est le surprenant
témoignage. Tous les éléments du langage
musical s’associent là, selon des modes
nouveaux, en des structures où les anciennes hiérarchies sont bouleversées, les
convergences harmoniques, rythmiques,
dynamiques contestées.
Les sonates suivantes, op. 13 Pathétique,
op. 26 et 27, font éclater la menace beethovénienne sur la forme traditionnelle :
bouleversements au niveau du dualisme
thématique et des développements, mise
en question de l’ordonnance des mouvements (sonate op. 27 Quasi una fantasia).
Les 6 quatuors à cordes op. 18, publiés en
1801 (notamment, le premier composé,
op. 18 no 3), attestent également cette
pensée novatrice qui associe les lignes de
force musicales selon des critères libres :
oppositions de registres, de masses, d’intensités, contrastes brutaux, raffinements
extrêmes. Le 6e quatuor (avant-dernier
dans l’ordre de composition) fait entendre
dans son adagio, intitulé la Malinconia
(« la mélancolie »), l’une des pages les plus
saisissantes de la musique, un développement halluciné et hallucinant d’harmonies
sans polarité, de forces contradictoires,
qui annonce le Beethoven des dernières
années.
Ces premières années viennoises furent
les plus heureuses de Beethoven : succès,
faveur des princes, amitiés profondes et
durables avec Wegeler, Ries, Amenda,
Zmeskall, le violoniste Schuppanzigh,
inlassable pionnier de sa musique. Mais
voici que, en 1801, dans deux lettres du
mois de juin à Wegeler et à Amenda, qui
avaient quitté Vienne, l’ombre apparut :
Beethoven dévoilait ce qu’il cachait à
tous depuis un certain temps - sa surdité
naissante, croissante, bientôt irrémédiable. Son désespoir sembla momentanément apaisé - ou plutôt différé - par
l’entrée dans sa vie « d’une jeune fille
bien-aimée « : Giulietta Guicciardi, dont
le charme frivole, à dix-sept ans, conquit
Vienne ; Beethoven lui dédia la sonate op.
27 no 2, dite Clair de lune. De ce que fut cet
amour réellement, des sentiments de l’un
et de l’autre, nous ne savons rien, et tout le
reste est légende. Toujours est-il que Giulietta épousa le comte Gallenberg et laissa
Beethoven à la solitude et au désespoir,
que traduisit, en 1802, un document poignant : le « testament d’Heiligenstadt ».
L’idée de suicide hanta Beethoven : « C’est
l’art et lui seul qui m’a retenu », écrivit-il.
Lorsqu’il quitta sa retraite d’Heiligenstadt
et rentra à Vienne, il avait sur sa table le
manuscrit achevé de la 2e symphonie, dont
la gaieté et l’entrain déjouent l’idée d’identité ponctuelle entre oeuvre et vie, chère
aux commentateurs ; le 1er mouvement de
la 3e symphonie était aussi esquissé.
Dès la 1re symphonie, Beethoven avait
manifesté l’audace de son génie. Dans la
forme d’abord : le ton d’ut majeur n’est
atteint qu’au terme d’une pérégrination harmonique de 12 longues mesures
adagio, « anacrouse formelle » que l’on
retrouve amplifiée dans la 2e symphonie
(33 mesures adagio précèdent l’allegro
initial). Dans l’orchestration ensuite : la
suprématie hiérarchique des cordes y est
contestée par une véritable promotion des
instruments à vent (la critique reconnut
ce fait en lui reprochant d’écrire « de la
musique militaire »). Dans la 3e symphonie, achevée au début de 1804, la pensée
orchestrale novatrice de Beethoven était
à son point culminant : le timbre entre de
plein droit dans l’architecture musicale,
associé aux métamorphoses harmoniques,
formant ce que l’on pourrait appeler des
« modulations de timbre », dont voici un
exemple extrait du 1er mouvement : mi
bémol majeur/fa majeur/ré bémol majeur
Violoncelles/Cor en fa/Flûte-violons en si
bémol majeur/mi bémol majeur 2 flûtesaltos-basses/Tout l’orchestre.
Dans le mouvement lent, marche funèbre, le timbre est associé aux rythmes
en d’étranges alliages, sombres ou d’une
clarté tranchante : ces associations inouïes
créent le climat dramatique du morceau.
Quant au mouvement final, il est bâti
sur le thème du finale du ballet de Prométhée op. 43 et se déroule ostinato en
12 variations qui mettent entre parenthèses la forme traditionnelle du rondo.
Le contexte historique de ce chef-d’oeuvre
a fait couler beaucoup d’encre ; on sait
que Beethoven, républicain convaincu dès
1798, l’avait dédié à Bonaparte, en qui il
voyait l’égal des grands consuls romains.
En apprenant que Bonaparte s’était fait
sacrer empereur, il entra en grande fureur,
déchira la page de dédicace et donna à son
oeuvre le titre définitif de Sinfonia eroica.
DE FIDELIO À LA PASTORALE.
Pendant toute l’année 1804, Beethoven travailla à son unique opéra, Fidelio,
d’abord intitulé Léonore, et dont le sujet,
à la gloire de l’amour conjugal, dû au
dramaturge français Bouilly, fut remanié
plus tard par Treitschke. Achevé en 1805
et créé le 20 novembre dans une Vienne
envahie par les troupes de Napoléon, dedownloadModeText.vue.download 86 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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vant un parterre clairsemé (presque tous
les Viennois avaient fui), ce fut un échec
complet. Sur l’insistance de ses amis,
Beethoven consentit à d’importantes
redistributions et coupures dans la partition, et fit représenter l’oeuvre, à nouveau,
le 29 mars 1806. L’accueil fut meilleur. Ce
n’est que huit ans plus tard que, retravaillé
de fond en comble, l’opéra reçut sa forme
définitive et connut le succès. On peut
considérer Fidelio comme la préfiguration
du drame musical moderne, tant par la
liberté dans l’écriture des parties vocales
et la consonance immédiate de la parole
et de la musique que par le rôle capital
dévolu à l’orchestre, véritable lieu théâtral
d’où s’élèvent et rayonnent, en profonde
unité, les voix.
De ces années extrêmement fécondes
(1804-1808) datent la 4e symphonie, la
sonate op. 53, dédiée à Waldstein, d’une
écriture pianistique révolutionnaire dans
le domaine de la couleur, la grandiose sonate op. 57 Appassionata, le concerto pour
violon, le 4e concerto pour piano dédié à
l’archiduc Rodolphe, nouvel élève et ami
de Beethoven, ainsi que les 3 quatuors op.
59 commandés par le prince Razoumovski, ambassadeur de Russie à Vienne et
fervent admirateur du compositeur. Les
dernières oeuvres ont été jugées « difficiles,
compliquées, dissonantes « ; c’est dire leur
modernité de conception, leurs exigences
techniques d’interprétation aussi, notamment dans la fugue finale du 3e de ces qua-
tuors, dont les « normes « conceptuelles et
interprétatives, en dynamique, tessiture,
vitesse et cohésion, sont absolument nouvelles, spectaculaires. « Que m’importe
votre sacré violon lorsque l’esprit souffle
en moi ! « Ce sont, enfin, les 5e et 6e symphonies, composées en même temps, entre
1805 et 1808, et exécutées ensemble pour
la première fois le 22 décembre 1808. La
Cinquième Symphonie est l’oeuvre la plus
célèbre de Beethoven et celle qui, avec la
Neuvième Symphonie, a suscité le plus de
commentaires. Elle exalte et illustre la notion de thème. Celui-ci, composé de trois
brèves et d’une longue, cellule rythmique
élémentaire, se retrouve dans toute la poésie et toute la musique du monde, et dans
mainte oeuvre beethovénienne, mais c’est
son développement qui, dans la 5e symphonie, dans tous ses mouvements et de
mille manières, le rend singulier, unique.
Telle qu’en elle-même l’oeuvre la change,
cette cellule, ailleurs anonyme, devient
ici le « thème du Destin «. Tout autre est
la voie de la 6e symphonie, dite Pastorale,
qui puise son inspiration dans la nature,
en demi-teintes, en couleurs raffinées, en
poésie contemplative. « La description est
inutile, note Beethoven, s’attacher davantage à l’expression du sentiment qu’à la
peinture musicale. « Ainsi Beethoven
met-il en garde contre une « musique à
programme «, contre une interprétation
exagérément pittoresque de sa musique
qui pourrait interdire l’accès à ces « autres
contrées « où la musique est souveraine.
LASSITUDE ET ABATTEMENT.
Brouillé avec Lichnowsky, à court de
moyens, aspirant à la stabilité matérielle,
fatigué de Vienne et de ses intrigues,
Beethoven songea à partir. Fausse sortie,
qui provoqua cependant, par l’intermédiaire de Marie von Erdödy, amie tendrement dévouée, un sursaut chez les aristocrates admirateurs du musicien. Les
princes Kinsky, Lobkowitz, l’archiduc
Rodolphe signèrent, le 1er mars 1809, un
« décret « garantissant 4 000 florins de
rente annuelle au compositeur, décret
qui allait être dénoncé par leurs héritiers. Mais l’Autriche et la France étaient
de nouveau en guerre. Dans le manuscrit
du 5e concerto pour piano se glissent les
mots « chant de triomphe pour le combat !
attaque ! victoire ! «. L’oeuvre est une symphonie plutôt qu’un concerto virtuose, le
piano étant lui-même, de facture orches-
trale, grandiose. Le surnom « l’Empereur
« est d’origine aussi anonyme que gratuite.
Après une audition à Leipzig, l’oeuvre fut
créée à Vienne par Czerny en soliste,
en 1812, et elle était dédiée à l’archiduc
Rodolphe, de même que la sonate dite les
Adieux, qui célèbre le retour du dédicataire après sa fuite de Vienne.
Quelques figures féminines passèrent
dans la vie de Beethoven, comme pour
masquer celle qui, inconnue, détenait son
véritable, sans doute son seul, amour. Bettina Brentano, la jeune amie de Goethe,
Amalie Seebald, Teresa Malfatti ne furent
que des amies, des amitiés amoureuses.
Quant à l’» immortelle bien-aimée «, à
laquelle s’adresse la fameuse lettre trouvée
après la mort de Beethoven, son identité
reste secrète. On a longtemps cru qu’il
s’agissait de Thérèse von Brunsvick, mais
on pense aujourd’hui que ce fut soit Joséphine von Brunsvick, soeur de Thérèse et
veuve du comte Deym, soit plus probablement Antonie Brentano, cousine de
Bettina. Cet été de 1812 (au cours duquel
fut écrite la fameuse lettre) marqua la rencontre avec Goethe aux eaux de Teplice,
l’achèvement de la Septième Symphonie,
la composition de la Huitième lors d’un
séjour à Linz. Encore un « couple symphonique « antinomique : à la mélancolie énigmatique qui émane du second
mouvement de la Septième et qui, nous
semble-t-il, irradie toute l’oeuvre, répond
la joie explosive de la Huitième. Entre 1813
et 1819, Beethoven sembla traverser une
longue et profonde crise. « Rien ne peut
plus désormais m’enchaîner à la vie «,
écrivit-il dans l’abattement. Sa production
elle-même en fut atteinte, elle se réduisit à
des oeuvres mineures, souvent purement
alimentaires, d’où cependant émergent,
comme pour défier le destin, quelques
chefs-d’oeuvre : la sonate pour violoncelle
op. 102 (1815), le cycle de lieder An die
ferne Geliebte (1816) et la sonate op. 101
(1816), qui attaque de front les formes
traditionnelles ; enfin, en 1817-1819,
la sonate op. 106 - ces deux dernières
oeuvres étant destinées au Hammerklavier,
le piano à marteaux (celui-ci ne cessait de
se perfectionner, et c’est aux « derniers
modèles «, les plus chantants, que Beethoven destina ces sonates).
La sonate op. 106 est un des chefsd’oeuvre de Beethoven, et il est impossible
d’approcher en quelques lignes ses pages
visionnaires qui culminent en la monumentale fugue née dans le conflit de forces
contradictoires où elle puise sa violence :
« Ce qui, précisément, donne aux fugues
de Beethoven leur caractère exceptionnel,
ce qui fait d’elles des créations uniques et
inégalées, c’est cette confrontation périlleuse entre des rigueurs d’ordre différent
qui ne peuvent qu’entrer en conflit ; aux
frontières du possible, elles témoignent
de l’hiatus qui va s’accentuant entre des
formes qui restent le symbole du style
rigoureux et une pensée harmonique qui
s’émancipe avec une virulence accrue « (P.
Boulez). La forme classique de la sonate
achève de se disloquer dans les dernières
oeuvres pour piano de Beethoven : liberté
absolue avec l’opus 109 (1820) et ses variations finales, architecture visionnaire avec
l’opus 110 (1821).
La sonate op. 111 (1821-22), enfin,
signe dans les résonances apaisées de
son admirable arietta, 2e et dernier mouvement, l’» adieu à la sonate « selon Th.
Mann (le Docteur Faustus). Voici l’un des
édifices les plus codifiés du classicisme définitivement détruit, et voici l’ère ouverte
à l’invention de nouvelles formes.
AU FOND DE LA DÉTRESSE.
1817 et 1818 marquèrent le fond de la
détresse beethovénienne. Aux maladies inflammation pulmonaire, jaunisse - et à
l’isolement par la surdité, aux tourments
secrets, dont quelques lettres se font
l’écho, se joignirent les ennuis domestiques de tous ordres et la présence intermittente de son neveu Karl (que le frère de
Beethoven avait confié, avant de mourir,
à sa femme et au compositeur conjointement) - présence torturante, à laquelle
Beethoven s’accrocha désespérément
et que les procès d’une tutelle contestée
rendirent d’autant plus douloureuse. Une
oeuvre grandiose, qu’il garda pendant
quatre ans sur le chantier, l’arracha à la
détresse : ce fut la Missa solemnis, que
l’archiduc Rodolphe, devenu archevêque
d’Olmütz, lui avait commandée pour son
intronisation solennelle. Voici Beethoven
à nouveau dans la fureur de composer. Parallèlement aux dernières sonates, le Kyrie,
le Gloria, le Credo virent le jour lentement,
et, déjà, apparurent les esquisses d’une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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nouvelle symphonie : la Neuvième. L’une
comme l’autre de ces oeuvres monumentales dépassent leur cadre consacré, église
ou concert. Ni la Missa ni la Neuvième
ne peuvent se définir exactement par les
termes de messe et de symphonie : l’une,
débordant une fonction liturgique, ouvre
aujourd’hui de grands festivals, l’autre est
devenue symbole et hymne sur toutes les
lèvres. La messe est écrite par blocs, où le
volume, le poids, les ensembles dominent
et assujettissent le détail. Ce n’est que dans
le Credo que le détail semble reprendre
de l’importance, dans un style presque
théâtral, défi à toute idée de musique religieuse. La fugue In vitam arrache la pièce
à cette théâtralité, la replace dans sa vraie
perspective architecturale. Le Dona nobis
pacem conclut l’oeuvre dans la sérénité.
La Neuvième Symphonie op. 125 semble
avoir accompagné Beethoven durant toute
sa vie créatrice. Dès 1792, il s’était enthousiasmé pour l’Ode à la joie de Schiller ; en
1817, il esquissa une oeuvre orchestrale
avec voix. Puis, au fur et à mesure que
la composition de la symphonie avança
(1822-23), il renonça à un finale vocal.
Ce n’est qu’à la fin de 1823 que s’opéra la
synthèse : l’Ode de Schiller vint couronner
l’oeuvre, exécutée le 7 mai 1824. Les trois
premiers mouvements sont puissamment
ancrés au finale par une introduction
qui les remémore un à un. Le « thème de
la joie « y fait alors une entrée discrète,
presque tendre, aux cordes graves, et commence son expansion. Ce thème, très universellement connu de toute la musique,
a été l’objet de recherches inlassables du
compositeur ; on en connaît plus de deux
cents états. Dans mainte oeuvre, Beethoven a cherché, à travers d’innombrables
esquisses, l’état générateur le mieux approprié à l’expansion d’un thème. Ici, en revanche, il cherche son état idéal de permanence, inaltérable, inaltéré, qui sera porté
par le chant innombrable. Aussi le « développement « du finale n’en est-il pas un à
vrai dire, c’est l’amplification constante, la
glorification d’une idée, l’incantation : par
quoi ce finale porte, au-delà des salles de
concert, sa destinée d’hymne.
Une dernière oeuvre monumentale
pour piano se glisse entre la Messe et la
Neuvième : les 33 Variations sur une valse
de Diabelli op. 120 (1819-1823), oeuvre vi-
sionnaire entre toutes, où se nie la notion
de thème, à la limite la notion de variation. Tout est thème, tout est métamorphose dans ce gigantesque parcours qui ne
retient comme « donné « (omniprésent)
qu’une formule harmonique rudimentaire qui, tout au long de l’oeuvre, va être
l’agent unificateur de trente-trois éclats
fulgurants de l’imagination.
APAISEMENT ET SOLITUDE.
Au cours des dernières années de son
existence, Beethoven sembla atteindre un
étrange équilibre. Sa vie fut désormais tout
intérieure, tournée vers l’oeuvre ultime les derniers quatuors. Indifférent au succès, d’un aspect extérieur négligé, sauvage,
il communiquait avec son entourage uniquement par les « cahiers de conversation
« (dans lesquels Schindler, son « famulus
«, a pratiqué coupures et destructions).
On pouvait voir Beethoven, lorsque la
maladie intestinale ou la faiblesse de sa
vue ne le faisaient pas trop souffrir, attablé
avec quelques amis à l’enseigne du Cygne
d’Argent, manger des huîtres arrosées de
bière et poursuivre de longs monologues
philosophiques ou politiques, pessimistes,
critiques, sauf à l’égard des Anglais, qu’il
idéalisait. Son affection exclusive, jalouse,
pour Karl (dont il avait la mère en horreur)
envenima complètement leurs relations,
et le neveu, désaxé par ces conflits incessants, fit une tentative de suicide. Effondrement, réconciliation, séjour précipité
à Gneixendorf chez Johann : des scènes
éclatèrent entre les deux frères, Beethoven
quitta précipitamment la propriété sous la
pluie, dans une carriole, et rentra à Vienne
avec une double pneumonie. Il mourut le
26 mars 1827, pendant un violent orage.
Seul la veille, il fut accompagné au tombeau par un cortège de 20 000 personnes.
L’OEUVRE ULTIME.
Les derniers quatuors sont les chefsd’oeuvre intérieurs de Beethoven. Leur numérotation n’est pas chronologique. Au
12e quatuor op. 127 (1824) et ses jeux de
miroirs succède, dans l’ordre de la composition, le 15e op. 132, dont le troisième
mouvement, Chant de reconnaissance,
dans le mode lydien, est un des sommets
de la musique. Le 13e quatuor, achevé
en 1825, est en six mouvements. Dans
l’avant-dernier, l’admirable Cavatine, les
silences se font tout aussi éloquents que
des sons. On sait que c’est la Grande Fugue
qui devait terminer cette oeuvre ; Beethoven l’en détacha - geste accompli à regret,
dit-on, geste logique cependant, nous
semble-t-il, car à quoi un tel organisme,
aux proportions gigantesques, aux tensions harmoniques inouïes, pourrait-il se «
rattacher « ? La Grande Fugue op. 133, qui
fait éclater - dans la mesure même où elle
semble y souscrire - un schème classique,
est un chef-d’oeuvre solitaire dans tous
les sens du terme. Le 14e quatuor op. 131,
achevé en 1826, est le plus audacieux du
compositeur dans le domaine de la forme :
ses sept mouvements si divers défient - et
pourtant accomplissent, comme par l’effet
d’une formidable pression - l’unité de
l’oeuvre. Le 16e quatuor op. 135 (1826), le
dernier composé et le plus bref du groupe,
a été l’objet particulier de gloses, en raison
de son célèbre exergue inscrit en tête du
mouvement final : « Muss es sein ? - Es
muss sein « (« Cela doit-il être ? - Il faut
que cela soit «). Mais il s’agit, croit-on,
d’une boutade, non d’une interrogation
tragique du destin. Dans le Doux Chant
de repos, chant de paix qui précède, dans
ses admirables variations, Beethoven fait
entendre une voix apaisée, sereine, une
voix d’adieu.
Si les derniers quatuors, les Variations
Diabelli, les dernières sonates constituent
le suprême accomplissement de la pensée visionnaire de Beethoven, ils procèdent d’un esprit novateur qui se manifeste
dès les premiers chefs-d’oeuvre de sa vie
créatrice. C’est là que, déjà et d’emblée,
les fondements du langage hérité se voient
contestés dans leurs hiérarchies musicales,
dans leurs structures, ï sinon dans leurs
formes. De la sonate op. 10 no 3 à celle
de l’opus 53, de l’opus 57 à l’opus 111,
du 3e quatuor op. 18 au 3e « Razoumovski « et à la Grande Fugue, chaque oeuvre
apporte à l’édifice nouveau ses matériaux
inédits. Dès lors, les divisions rigides de
l’oeuvre beethovénienne en deux, trois ou
quatre périodes (« période d’imitation-de
transition-de réflexion «, selon Vincent
d’Indy) paraissent fallacieuses, d’autant
qu’elles impliquent une notion sommaire
de « progrès «, notion trompeuse en art.
Inclassable à l’intérieur de sa propre
oeuvre, Beethoven l’est aussi à l’intérieur
des catégories historiques. Classique ou
romantique ? Beethoven semble dépasser
d’emblée cette alternative où l’on tente
de l’enfermer. Aux confins de deux uni-
vers spirituels, son oeuvre échappe, par
sa nature, à l’histoire : infiniment singulière, perpétuellement au présent, cette
oeuvre est moderne, elle définit, éclaire,
concrétise la notion même de modernité notion que l’homme moderne à son tour
explicite, recrée, façonne dans son langage
propre. C’est dans ce dialogue, que chaque
génération, chaque individu poursuit avec
l’oeuvre de Beethoven, que celle-ci se révèle actuelle et novatrice à jamais.
BEHRENS (Hildegard), cantatrice allemande (Varel, près de Brême, 1937).
De par ses origines - elle appartenait à une
famille de médecins - rien ne la destinait
à une carrière musicale ou théâtrale. Elle
étudia le droit et s’orienta vers le barreau
quand sa vocation lui fut révélée par sa
participation, en tant qu’amateur, à la chorale de l’école de musique de Fribourg-enBrisgau. Elle entra alors à l’Opéra-Studio
de Düsseldorf, où Herbert von Karajan la
découvrit à l’occasion d’une répétition de
Wozzeck et l’engagea aussitôt pour interpréter Salomé au festival de Salzbourg, en
1977. C’est dire que très peu d’années lui
ont suffi pour ajouter à son répertoire Elisabeth de Tannhäuser, Elsa de Lohengrin,
Kundry, Isolde, ainsi que l’Impératrice de
la Femme sans ombre et Senta du Vaisseau
fantôme, qui l’ont fait acclamer à l’Opéra
de Paris pendant la saison 1980-81. Elle a
abordé ensuite d’autres rôles wagnériens
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ainsi que certains rôles italiens et chanté
en 1987 celui d’Elektra à l’Opéra de Paris.
BELAÏEV (Mitrofan Petrovitch), éditeur russe (Saint-Pétersbourg 1836 - id.
1903).
Fervent mélomane, Belaïev joua un rôle
fondamental dans la vie musicale russe
du dernier quart du XIXe siècle. Il organisait chez lui des soirées de musique de
chambre consacrées à Haydn, à Mozart,
etc. Admirateur passionné de Glazounov,
il fonda à Saint-Pétersbourg, en 1885,
les Concerts symphoniques russes dans
l’intention d’y faire jouer les oeuvres de
ce musicien. La même année, Belaïev créa
à Leipzig une maison d’édition pour pu-
blier les oeuvres de Glazounov, mais aussi
celles de Borodine, Rimski-Korsakov,
Moussorgski, Liadov, Tanéiev, etc. En
1891, il fonda les Concerts de musique de
chambre pour l’exécution de la musique
russe. À sa mort, Liadov, Rimski-Korsakov et Glazounov devinrent les administrateurs de la maison d’édition et des
sociétés de concerts.
BEL CANTO (litt. « beau chant »).
Cette expression, qu’une certaine tradition populaire assimile encore parfois aux
diverses manifestations de l’opéra traditionnel, définit en fait une manière de
chanter et un style de composition donnés,
correspondant à une période assez déterminée de l’histoire du chant italien, de la
fin du XVIIe siècle aux premières décennies
du XIXe. Il n’en demeure pas moins que
ce terme ainsi que ses dérivés belcantiste
et belcantisme, aujourd’hui fréquemment
employés, peuvent s’appliquer, en dehors
de ces limites, à tout autre type d’écriture
ou d’interprétation qui se réclame de ses
principes, quels qu’en soient le pays ou
l’époque.
Ces principes peuvent se définir essentiellement par :
1. La priorité donnée à la beauté du chant,
non seulement dans l’interprétation, mais
également dans une écriture musicale
spécifique, où la prosodie du texte mis en
musique obéit aux impératifs du chant,
de sa respiration (d’où la symétrie des périodes), du dosage des registres de la voix,
du choix des voyelles employées dans ces
registres, etc. ;
2. L’obligation faite au chanteur, en certains endroits prévus du texte, d’enrichir
la ligne de chant écrite par une ornementation (ou abbellimenti) appropriée (v.
ORNEMENTS), ainsi que celle de pratiquer sur les points d’orgue des passages ou
cadences de virtuosité de sa composition ;
3. La pratique de la sprezzatura (soit un
phrasé stentato, c’est-à-dire « détendu »)
qui libère la phrase chantée du carcan
trop étroit du rythme inscrit, et, dès le
XVIIIe siècle, celle du chant legato ou portato, qui consiste à lier les sons d’un mot
ou d’une phrase en « portant » la voix
d’une note vers la suivante, sans solution
de continuité, mais laissant entendre très
rapidement les sons intermédiaires, ainsi
que le pratique le violoniste dans la technique du glissando. L’usage du portamento,
qui donne une grande élégance au chant,
survécut au bel canto et il était toujours
préconisé dans tous les traités de la fin du
XIXe siècle, tant en Italie qu’en France ou
en Allemagne.
On en déduit que le bel canto exigeait,
de la part de l’interprète, une parfaite
connaissance des lois de l’écriture, ainsi
qu’une maîtrise vocale fondée sur un exceptionnel contrôle du souffle et sur une
virtuosité spécifique qui dépassait, à cette
époque, celle des instrumentistes ; cette
virtuosité permettait d’une part de longues tenues et des nuances expressives,
dont notamment la messa di voce (note
enflée puis diminuée), d’autre part l’exécution de différents types de trilles, de
gammes rapides diatoniques ou chromatiques, piquées ou liées, d’arpèges, etc. Cet
art, que possédèrent au plus haut point
les castrats d’opéra, eut pour véhicule,
en particulier, la forme de l’aria da capo,
où le chanteur est tenu d’ornementer très
largement la redite de la section initiale,
démontrant ainsi, à la fois, sa science et sa
maîtrise vocale.
Historique. Le terme, apparu vraisemblablement vers la fin du XVIIIe siècle,
et qui sera couramment cité par Stendhal, fut sans doute créé par les amateurs
et non par les musiciens. Il se substitua
aux expressions buona maniera di cantare
(Caccini), puis buon canto (Burney, 1772).
Mais il s’agit bien du même art, dont G.
Caccini pose déjà les bases (Prefazione alle
nuove musiche, 1614), que définissent P.
F. Tosi (Opinioni..., 1723) et G. B. Mancini (Riflessioni..., 1774) et auquel se réfère
encore Garcia au XIXe siècle. Or, certaines
de ses exigences laissent deviner une origine plus ancienne, notamment la virtuosité vocale (vraisemblablement héritée des
chants alléluiatiques de la liturgie) dont le
haut niveau est attesté par Diego Ortiz en
1553 et R. Rognoni en 1592.
Mais le chant soliste ne trouva son plein
épanouissement que lorsque la monodie
eut supplanté la polyphonie, donnant
naissance à l’art savant de l’opéra, de la
cantate ou de l’oratorio ; avec ses premiers
défenseurs, Monteverdi puis Cavalli,
les premières constantes du beau chant
s’appliquent non seulement à l’aria avec
passages, mais au récitatif, qui, d’abord
défini comme recitar cantando, se confond
parfois avec l’aria, exigeant la même qualité de chant. C’est seulement à partir d’A.
Scarlatti, vers 1680, d’A. Steffani, puis avec
Haendel et ses contemporains que le bel
canto, dédaignant le récitatif devenu mécanique et stéréotypé, trouve son terrain
d’élection dans les arias, dont les chanteurs
font le véhicule d’une virtuosité de caractère presque instrumental de plus en plus
luxuriante, cela notamment dans l’opera
seria, dont l’intérêt dramatique pâtit. Il
faut remarquer que l’écriture belcantiste
ne fut pas l’apanage exclusif des castrats,
mais s’appliqua à tous les types vocaux,
de la voix de basse, soumise à une grande
virtuosité (Palantrotti, interprète de Caccini, puis Boschi et Montagnana aux
temps de Haendel), à celle du soprano :
Francesca Cuzzoni et Faustina BordoniHasse, au début du XVIIIe siècle, Elizabeth
Billington et Brigida Banti, plus tard, rivalisèrent avec les grands castrats sur ce terrain. Remarquons aussi que le bel canto
réclamait une émission vocale sonore et
large : Caccini préconisa l’attaque du son
à pleine voix et Tosi, lorsqu’il définissait
le passage (ou l’union) des registres de la
voix qui donne aux sons élevés leur couleur noble et généreuse, s’il condamnait
les sons trop forcés, excluait, avec la même
netteté, l’usage du fausset dans le medium
et le grave des voix masculines.
L’apogée du bel canto se situe peu
après le milieu du XVIIIe siècle : dès cette
époque, divers courants d’opinion réagissent contre sa prépondérance, non
seulement en France où le souci du beau
chant avait rarement prévalu, mais aussi
en Italie où d’une part l’opera buffa et
l’opera semi-seria, plus réalistes, allaient
accorder moins d’importance au chant
expressif, et d’autre part l’opera seria - notamment avec les compositeurs Jommelli
et Traetta - se réformait sous l’influence de
la tragédie lyrique française. À leur suite,
Calzabigi (dont Gluck appliqua partiellement les théories dans ses derniers opéras) combattit ouvertement le bel canto.
En fait, ce phénomène essentiellement italien se maintint beaucoup plus longtemps
dans les pays anglo-saxons et en Espagne,
où il avait fait souche, qu’en Italie même.
On ne peut cependant lui rattacher qu’à
titre marginal l’écriture italianisante des
ariettes de Campra, de Rameau, de Philidor ou de Grétry, ainsi que l’école des
sopranos suraigus de la fin du XVIIIe siècle,
principalement appréciée en Allemagne
et en Autriche ; en revanche, l’écriture
vocale de J. S. Bach, dans sa musique religieuse, procède presque constamment des
principes belcantistes adaptés à la langue
allemande.
À la fin du XVIIIe siècle, l’oeuvre vocal
de Haydn, de Mozart ou de Cimarosa se
rattache en bien des aspects au bel canto.
Puis Rossini, dès 1813 (Tancrède), réaffirme mieux la prépondérance du bel
canto, même au sein du récitatif obligé,
largement orné. Pourtant, en codifiant les
règles de cet art si intimement lié à celui
de l’improvisation, en rédigeant lui-même
la plupart de ses « passages », le compositeur prend ses distances par rapport au
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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genre, dont le déclin est encore précipité
par la disparition des castrats.
Ce ne sont plus désormais que quelques
composantes du bel canto qui survivront
dans l’écriture vocale de Bellini (et à un
moindre degré chez Donizetti, Mercadante et dans les premières oeuvres de
Verdi), sous l’aspect d’une colorature plus
ou moins mesurée et par l’usage du stentato et du portamento expressif. Notons
que cet usage a su être préservé jusqu’à nos
jours, non seulement dans l’interprétation
des oeuvres belcantistes, mais encore en
bien des pages de Debussy, Puccini ou Richard Strauss, avant que des auteurs plus
récents, dont Luciano Berio, ne renouent
avec l’esprit même du bel canto, esprit que
le romantisme avait renié en entraînant
l’art du chant vers d’autres horizons. Les
oeuvres nouvelles avaient alors sacrifié à
la vaillance vocale, délaissé peu à peu le
chant fleuri et permis aux chanteurs de
conquérir ces notes aiguës, brillantes, très
appréciées d’un public devenu moins aristocratique ; avec, en outre, la priorité donnée au texte du livret et l’accroissement
de la masse orchestrale, l’écriture romantique s’affirmait en opposition absolue
avec les lois du bel canto.
L’esprit belcantiste survécut néanmoins grâce à quelques interprètes, ceux
qu’avait formés Rossini, d’abord la Malibran et Giuditta Pasta, le ténor Rubini ou
la basse Tamburini, ensuite, ceux dont le
répertoire demeura étranger aux vagues
romantiques et naturalistes : la plupart
des sopranos légers, d’Adelina Patti à Toti
Dal Monte et Margherita Carosio, surent
préserver la pureté du beau chant, sa virtuosité, son phrasé souple et nuancé, mais
d’autres encore, les barytons et basses
Mattia Battistini et Pol Plançon, les ténors
Angelo Masini, Alessandro Bonci ou Fernando De Lucia, les sopranos dramatiques
Celestina Boninsegna, Giannina Russ ou
Giannina Arangi-Lombardi apportèrent
parfois au disque naissant quelques échos
d’un art oublié.
Enfin, de nos jours, les cantatrices Joan
Sutherland, Montserrat Caballé ou Marilyn Horne, le ténor rossinien Pietro Bottazzo ont su ressusciter en partie ce type
de chant bien particulier, avec lequel les
falsettistes modernes sont trop souvent en
contradiction.
BELKIN (Boris), violoniste russe naturalisé israélien (Sverdlovsk 1948).
Il commence le violon dès l’âge de six ans,
à l’École des jeunes prodiges de Moscou,
puis au Conservatoire. En 1973, il obtient
le premier prix du Concours national de
violon et, l’année suivante, il est autorisé
à émigrer en Israël. Une carrière internationale du plus haut niveau s’ouvre alors à
lui, sous la direction de Zubin Mehta et de
Leonard Bernstein. Ce dernier lui fait faire
ses débuts parisiens en 1975, et aborde
avec lui les grands concertos de Paganini
et les deux de Prokofiev. Entre deux tournées mondiales - il est particulièrement
demandé en Asie -, il enseigne, depuis
1987, à l’Académie Chigiana de Sienne.
BELLAIGUE (Camille), critique français
(Paris 1858 - id. 1930).
Premier prix de piano au Conservatoire
de Paris en 1878, il débuta en 1884 dans
la critique musicale et entra en 1885 à la
Revue des Deux Mondes. Écrivain élégant,
mais superficiel, C. Bellaigue a écrit des
ouvrages sur Mendelssohn (1907), Gounod (1910) et Verdi (1912), mais il a méconnu l’art de Franck et de Debussy, et,
par une juste revanche, sa réputation de
critique en a gravement souffert.
BELLINI (Vincenzo), compositeur italien
(Catane 1801 - Puteaux 1835).
Fils d’un maître de chapelle, il révéla un
talent précoce de compositeur et fut envoyé parfaire ses études au conservatoire
de Naples auprès de Zingarelli, l’adversaire de Rossini. Son inclination première
pour le style d’église et la musique ancienne se retrouve dans ses compositions
de jeunesse dont on retient aujourd’hui
quelques mélodies et un Concerto pour
hautbois et cordes. Encore élève, Bellini
écrivit l’opéra Adelson e Salvini (1825),
dont la perfection formelle fit voir en lui le
successeur de Rossini, celui-ci ayant définitivement quitté l’Italie. Le théâtre San
Carlo de Naples lui commanda aussitôt
Bianca e Fernando (1826) et la Scala de
Milan, le Pirate (1827), sur un poème de
Felice Romani, le librettiste italien alors
le plus en renom. Il donna ensuite, avec
des fortunes diverses, la Straniera (Milan,
1829), Zaïra (Parme, 1829), I Capuleti e i
Montecchi (Venise, 1830), puis, en 1831, à
Milan, la Somnambule et Norma au succès
desquelles contribua considérablement la
cantatrice Giuditta Pasta, cependant que
la société féminine des salons de la capitale lombarde voyait en Bellini l’image de
l’idole romantique, sorte de héros byronien consumé par le mal du temps. Après
avoir donné, à Venise, Beatrice di Tenda
(1833), Bellini quitta l’Italie, puis, au retour d’un bref voyage à Londres, s’établit
à Paris, où, protégé par Rossini, il se lia
notamment avec Chopin et écrivit pour le
Théâtre des Italiens les Puritains (1835). Il
mourut peu après des suites d’une infection intestinale.
La disparition prématurée de Bellini
a privé l’histoire de l’opéra du seul très
grand rival qu’aurait eu Verdi ; contemporain de Pacini, Mercadante et Donizetti,
il occupa une position déterminante entre
le retrait de Rossini, en 1829, et l’avènement véritable de Verdi en 1842. Au
confluent d’un art encore aristocratique
et de la poussée romantique, il réalisa
dans son oeuvre l’union parfaite entre la
beauté classique et le thème de l’exaltation du héros - ou plus souvent de l’héroïne - condamné par le sort. Son culte des
formes et des techniques du passé nous
est attesté par une vingtaine de compositions religieuses écrites de 1810 à 1825 et
par 7 symphonies de jeunesse, tandis que
ses Polonaises pour piano à quatre mains
(ainsi que celle de son Concerto pour hautbois) nous le montrent déjà sensible à l’art
de Weber. N’oublions pas que son maître
Zingarelli, tenant du vieil opera seria,
n’avait pu l’empêcher de prêter une oreille
favorable aux réformes novatrices de Rossini, et que Naples était en outre la ville la
plus ouverte aux créations françaises et allemandes. Ayant étudié l’oeuvre de Haydn
et, surtout, celle de Mozart, il fut sensible
aux courants nouveaux et se trouva naturellement en parfaite communion spirituelle et artistique avec Chopin : de là
naquit le frémissement jusque-là inconnu
qui parcourt son écriture mélodique expressive, à la respiration plus ample, plus
incantatoire et moins mesurée (l’invocation Casta diva, dans Norma), qui renouait
avec la liberté rythmique monteverdienne
(la sprezzatura), mais héritait encore de la
virtuosité belcantiste, exempte d’effets de
puissance dans l’aigu.
On note encore, chez Bellini, soit le
recours à la formule ancienne des structures par morceaux isolés, soit celle des
vastes architectures « ouvertes « : dans les
Puritains, certains actes se déroulent sans
solution de continuité. Enfin, les cahiers
d’esquisse de Bellini, aussi éloquents que
ceux de Beethoven, révèlent que le don
mélodique n’était chez lui que le fruit d’un
long labeur, et que, afin de mieux laisser
à la voix le contenu émotif du drame, il
épurait sans cesse l’harmonie et l’orchestration pour n’en garder que le substrat, ce
qui l’a fait méjuger au début du XXe siècle,
époque où les paramètres esthétiques se
référaient à l’harmonie wagnérienne ou
debussyste. Notre époque a remis à sa
vraie place ce compositeur, dont le monde
sonore offre une intime parenté avec celui
de Chopin.
BÉMOL.
Dans l’usage actuel, le bémol est l’un
des signes d’altération ayant pour objet
de déplacer la hauteur d’une note sans
modifier ni son nom ni, le plus souvent,
sa fonction. L’effet du bémol est de baisser d’un demi-ton chromatique la note
devant laquelle il est placé. Il existe aussi
un double-bémol qui, répétant deux fois
l’opération, la baisse de deux demi-tons,
ce qui, dans le système tempéré ( ! TEMPÉRAMENT), équivaut à un ton en sonorité
matérielle, mais non en valeur grammaticale pour l’analyse.
Aux origines de la notation, le bémol
n’était pas une altération, mais le nom
même de la note, B en nomenclature aldownloadModeText.vue.download 90 sur 1085
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phabétique (notre si), avec spécification
de sa forme la plus basse ; en effet, la note
B pouvait être à volonté soit haute (B dur,
écrit carré, d’où bécarre), soit basse (B
mol, écrit rond b, d’où bémol). Le signe
actuel du bémol a conservé le dessin du
b minuscule arrondi. Quand on adopta la
notation par neumes, puis par points, on
prit soin parfois, mais non toujours, de
spécifier auquel des deux B correspondait
le signe placé à cet endroit, ce qu’on fit
en notant le signe B, rond ou carré, soit à
la place de la clef, soit après elle (ce qui a
donné naissance à nos armatures), soit en
cours de texte, avant la note ou avant le
groupe dont la note faisait partie (ce qui
a donné naissance à nos altérations accidentelles) ; cette indication est restée longtemps facultative, de sorte que l’absence
d’altération ne signifiait pas que la note
était « naturelle », mais que l’on n’avait
pas cru utile de spécifier sa nature : il en
fut ainsi jusqu’au XVIe siècle inclus. La
même incertitude règne sur la durée de
validité du signe : elle cesse souvent avec la
ligne, mais peut aussi dépendre de règles
compliquées de solmisation, dont on n’a
pas encore à l’heure actuelle percé tous les
secrets.
Vers les XIIe et XIIIe siècles, l’usage des
signes bécarre et bémol s’étendit à d’autres
notes que le B, non pas pour les comparer,
comme aujourd’hui, à leur position naturelle, mais, par analogie avec le B, pour
en désigner la position haute ou basse, de
sorte que sur certaines notes, fa ou do par
exemple, on employait le bémol (position
basse) là où nous mettrions un bécarre
(position naturelle), et un bécarre (position haute) là où nous mettrions un dièse
(un demi-ton au-dessus du naturel). Cet
usage était encore parfois en vigueur au
XVIIIe siècle, bien que l’usage actuel eût
commencé à se répandre dès le XVIIe.
On entend parfois dire que le bémol
est plus bas d’un comma que le dièse
correspondant. Un tel énoncé accumule
les inconséquences. Il est emprunté à un
système acoustique (dit « de Holder »,
XVIIe s.) qui n’est plus aujourd’hui em-
ployé qu’occasionnellement, et il est faux
hors de ce système. La plupart des musiciens utilisent le système du « tempérament égal » - celui du clavier usuel -, où
dièse et bémol sont rigoureusement équivalents. Toutefois, sous l’effet de l’attraction, ceux qui ne sont pas prisonniers du
clavier ont souvent tendance à « serrer les
demi-tons » et à exagérer les différences
d’intervalles lorsqu’ils pensent mélodiquement : ils se rapprochent alors, sans
le savoir, du système pythagoricien, dont
s’inspire celui de Holder, et où effectivement le dièse est plus haut que le bémol
(mais non pas d’un comma au sens où
l’entend Holder). À l’inverse, un choeur
a cappella, attiré par la tierce basse de la
résonance, aura les réactions inverses et
se rapprochera sans le savoir du système
zarlinien, où, tout au contraire, les bémols
sont plus hauts que les dièses, aplanissant
les différences au lieu de les accuser.
BENATZKY (Ralph), compositeur
tchèque (Moravské, Budoeejovice, 1884 Zurich 1957).
Il étudia la musique à Prague, puis à
Munich avec Felix Mottl, et vécut successivement à Berlin, à Paris, en Suisse, en
Autriche, à Paris et, de nouveau, en Suisse.
Il a écrit environ 5 000 romances, des musiques de film et de revue, et quelque 90
opérettes qui n’ont pas connu un succès
durable, sauf une, l’Auberge du Cheval
blanc, qui demeure l’une des plus populaires du répertoire. Le style de Benatzky
est proche de la comédie musicale américaine, quoique l’Auberge emprunte certains traits à l’opérette viennoise.
BENDA, famille de musiciens de Bohême, établie en Allemagne.
Frantisek (Franz), violoniste et compositeur (Stare Benatzky 1709 - Neuendorf,
près de Potsdam, 1786). Enfant de choeur
à Prague et à Dresde, puis de nouveau
à Prague, il entra en 1733 au service du
prince-héritier de Prusse, le futur Frédéric
II, et fut un membre illustre de l’école de
Berlin. En 1771, il succéda à J. G. Graun
comme premier violon de l’orchestre
de Frédéric II. Il écrivit des sonates et
des concertos pour son instrument, des
oeuvres pour flûte, des symphonies.
Jan Jiri (Johann Georg), violoniste et
compositeur, frère du précédent (Stare
Benatzky 1713 - Potsdam 1752). Il fut
également au service de Frédéric II et ses
oeuvres ne furent pas éditées.
Jiri Antonin (Georg Anton), violoniste et compositeur, frère des précédents
(Stare Benatzky 1722 - Köstritz 1795). Violoniste à Berlin en 1742, il s’y familiarisa
avec les opéras de Graun et de l’école
napolitaine, puis devint, en 1750, maître
de chapelle à la petite cour de Gotha, où
il écrivit des sonates, des symphonies, de
la musique d’église. Un voyage en Italie
(1765-66) l’orienta vers l’opéra, mais ce
n’est que quelques années après qu’il écrivit les ouvrages dont il tira l’essentiel de sa
célébrité : les mélodrames Ariane à Naxos
(Gotha, 1775) et Médée (Leipzig, 1775),
les singspiels Der Dorfjahrmarkt (Gotha,
1775), Walder (1776), Julie und Romeo
(Gotha, 1776), Der Holzhauer (1778). Citons aussi Pygmalion. En 1778, Médée fit
à Mannheim une grande impression sur
Mozart, qui s’en inspira l’année suivante
dans les scènes en forme de mélodrame de
Zaide. Défendant, en 1783, pour le drame
musical l’expression parlée par rapport
au récitatif, Benda écrivit sa maxime célèbre : « Je ne puis renoncer à la vérité de
la phrase, la musique y perd quand on lui
sacrifie tout. »
Joseph, violoniste, frère des précédents
(Stare Benatzky 1724 - Berlin 1804). Il succéda à son frère aîné Frantisek comme
premier violon de l’orchestre de Frédéric
II.
Anna Franciska, cantatrice, soeur des
précédents (Stare Benatzky 1728 - Gotha
1781).
Friedrich Wilhelm Heinrich, violoniste et compositeur, fils aîné de Frantisek
(Potsdam 1745 - id. 1814). Il fut au service
de la cour de Berlin.
Karl Hermann Heinrich, violoniste,
frère du précédent (Potsdam 1748 - Berlin
1836). Il fut premier violon à l’opéra de
Berlin.
Juliana, femme compositeur, soeur des
deux précédents (Potsdam 1752 - Berlin
1783). Elle épousa le compositeur Johann
Friedrich Reichardt.
Friedrich Ludwig, violoniste et compositeur, fils de Jiri Antonin (Gotha 1746 -
Königsberg 1792).
Ernst Friedrich, fils aîné de Joseph, violoniste et claveciniste (Berlin 1747 - id.
1787).
Karl Franz, violoniste, frère du précédent
(1753-1817). Hans von Benda, chef d’orchestre allemand, descendant de Frantisek
(Strasbourg 1888 - Berlin 1972). Il fonda
en 1939 l’Orchestre de chambre de Berlin.
BENEDETTI MICHELANGELI (Arturo),
pianiste italien (Brescia 1920 - Genève
1995).
Il a fait ses études à Brescia, puis au conservatoire de Milan, et a remporté le premier
prix au Concours international de Genève
en 1939. Après la guerre, la célébrité lui est
venue rapidement. Quoique menant une
carrière insolite et se produisant rarement,
aussi bien en public que dans les studios
d’enregistrement, Benedetti Michelangeli
est considéré comme l’un des plus grands
pianistes de notre temps. Sa technique
exceptionnelle, avec un art du toucher et
des colorations particulièrement remarquables, est au service d’une approche des
oeuvres très réfléchie et sans concession.
Benedetti Michelangeli se consacre, aussi,
beaucoup à l’enseignement.
BENEDICAMUS DOMINO.
Formule dialoguée (Benedicamus Domino - Deo gratias) souvent employée
comme clausule, d’abord pour clôturer les
heures canoniques, puis transportée à la
fin de la messe en alternance avec Ite missa
est, qu’elle remplace en diverses circonstances.
La réponse Deo gratias reprend le plus
souvent la mélodie du Benedicamus, qui
peut être soit originale, soit empruntée à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
85
un mélisme d’une autre pièce. Dans les
messes polyphoniques, le Benedicamus
Domino est très rarement inclus dans la
composition, ce qui est paradoxal si l’on
songe que c’est là l’une des parties de la
messe qui se sont le plus prêtées, dans
les débuts, aux amplifications de toutes
sortes, tant verbales que musicales. Les
tropes de Benedicamus sont parmi les
plus développés et vont parfois jusqu’au
remplacement du texte primitif par une
longue série de couplets, où la formule
n’apparaît qu’à la fin (trope de substitution) ; un exemple populaire fort connu
est le cantique de Pâques O filii et filiae,
qui ne révèle son origine qu’aux deux
derniers couplets, dont le no 13 s’achève
par Benedicamus Domino et le no 14 par
Deo dicamus gratias. Dans les débuts de la
polyphonie, le Benedicamus Domino était
également apparu comme privilégié : très
fréquemment traité en organum, il motive
au XIe siècle, à Saint-Martial de Limoges,
le premier motet connu, un Stirps Jesse sur
teneur liturgique Benedicamus Domino.
La messe de Guillaume de Machaut,
qui s’achève par un Ite missa est, est une
exception ; après elle, ni Ite missa est ni son
substitut Benedicamus Domino ne figurent
plus habituellement dans les « messes en
musique ».
BENEDICITE (lat. : « bénissez »).
Terme générique désignant, quelle qu’en
soit la formule, une prière avant le repas
comportant bénédiction, parlée ou chantée, de la table et des mets.
Une telle prière est régulièrement
pratiquée dans les monastères, les presbytères et était traditionnelle, autrefois,
dans les foyers chrétiens, dont certains
la pratiquent encore. L’usage en est très
ancien (une bénédiction analogue existe
dans les repas juifs rituels), mais il ne
s’est jamais dégagé de formule généralisée, et les usages, à cet égard, sont assez
divers, allant d’une série assez longue
de récitations et d’oraisons à un bref
échange d’incipits sans lien grammatical
entre eux (Benedicite-Dominus). Toutefois, tous ont en commun une invitation
à bénir le repas, d’où le nom conservé. Au
XVIe siècle, la Réforme a adopté l’usage du
Benedicite dans la vie domestique et favorisé la pratique du chant pour l’exprimer.
De nombreux compositeurs, réformés ou
non, l’ont ainsi mis en musique à plusieurs
voix, soit en latin, soit en langue vulgaire,
surtout dans les pays touchés par la Réforme : France, Allemagne, Angleterre,
Flandres. Le Benedicite a pour symétrique
l’« action de grâces » (ou « grâces » en
abrégé) de la fin du repas (dire les grâces).
BENEDICTUS.
1. Deuxième partie du Sanctus qui forme
l’une des parties chantées de l’ordinaire
de la messe. C’est une courte formule,
Benedictus qui venit in nomine Domini
(« Béni celui qui vient au nom du Seigneur », Luc, XIII, 35), suivie, comme la
première partie, du refrain Hosanna in
excelsis. Alors que le Sanctus est un des
chants les plus anciens de la messe, le Benedictus n’apparut qu’au VIe siècle, et on
le trouva d’abord en Gaule ; puis il gagna
Rome et l’Orient. Vers le XVe siècle, on prit
l’habitude, surtout en polyphonie, de scinder le Sanctus en deux et de considérer le
Benedictus comme un morceau à part. On
le chanta d’abord pendant l’élévation, puis
après celle-ci. Au XVIIIe siècle, apparut
l’usage de remplacer le Benedictus après
l’élévation par un motet, le plus souvent O
salutaris, si bien que plusieurs messes de
cette époque n’ont pas de Benedictus. Pour
le traitement musical de l’Hosanna, l’usage
chez les musiciens est resté variable, certaines messes incorporant le refrain au
Benedictus, d’autres se contentant d’une
reprise de celui du Sanctus. Dans sa messe
en ré, Beethoven donne un traitement particulier au Benedictus en concrétisant par
un violon solo, descendant des hauteurs,
la venue de l’envoyé du Seigneur évoquée
par le texte.
2. Il existe aussi dans la liturgie d’autres
pièces commençant par le mot Benedictus.
La principale est le cantique de Zacharie Benedictus Dominus Deus Israel (Luc,
I, 68), qui figure avec le Magnificat et le
Nunc dimittis parmi les « cantiques majeurs » de l’Église romaine.
BENET (John), compositeur anglais
(XVe s.).
Comme Dunstable, à qui il a parfois été
identifié, Benet travailla sur le continent,
où ses oeuvres ont été conservées dans
des manuscrits. Ses compositions comprennent une messe cyclique complète
mais sans titre, un Gloria, un Sanctus, des
fragments de messe et des motets de facture isorythmique. Aux côtés du grand
Dunstable, des musiciens tels Power,
Bedingham et Benet ont certainement
contribué à l’influence de la « contanance
angloise » sur les musiciens français de
l’époque de la guerre de Cent Ans.
BENEVOLI (Orazio), compositeur italien
d’origine lorraine (Rome 1605 - id. 1672).
Il fit ses études musicales avec V. Ugolini, puis devint maître de chapelle à
Saint-Louis-des-Français, à Rome, avant
de partir pour l’Autriche ; il séjourna à
Vienne, à la cour de Léopold-Guillaume,
de 1644 à 1646, et il y composa nombre
de motets et autres pièces religieuses. De
retour à Rome, il obtint le poste de maître
de chapelle à Sainte-Marie-Majeure. Il fut
longtemps connu surtout pour la messe
polyphonique à 53 voix, dite Missa salisburgensis, mais cette oeuvre de 1682 lui
fut attribuée à tort et est sans doute soit
d’Ignaz Biber soit d’Andreas Hofer. Elle ne
fut donc pas écrite en 1628 pour la consécration de la cathédrale de Salzbourg. Il
existe aujourd’hui une édition des oeuvres
complètes de Benevoli, où nous trouvons
d’autres messes à plusieurs choeurs et
à multiples parties réelles, maniées avec
habileté dans la tradition palestrinienne.
BEN-HAÏM (Paul FRANKENBURGER, dit
Paul), compositeur israélien (Munich
1897 - Tel-Aviv 1984).
Il a fait ses études à l’Akademie der Tonkunst et à l’université de Munich. Chef
d’orchestre à l’Opéra de Munich (19201924) et à l’Opéra d’Augsbourg (19241931), il a décidé, en 1933, de s’établir
en Palestine. Ses oeuvres révèlent les
influences de la musique orientale et de
la musique d’Europe centrale. À la suite
de sa rencontre avec la chanteuse Brach
Zefira, spécialiste des mélodies liturgiques
et des chansons profanes des différentes
communautés juives (1935), Ben-Haïm
a écrit pour celle-ci des arrangements de
chansons et trouvé là une source d’inspiration nouvelle. Il a d’autre part composé
4 symphonies, des concertos, des pièces
pour piano, un Poème pour harpe, de la
musique de chambre (trio à cordes, quatuor à cordes, quintette avec clarinette)
et de la musique vocale, dont l’oratorio
Joram (1931-32).
BENJAMIN (George), compositeur,
pianiste et chef d’orchestre anglais
(Londres 1960).
Il entreprend ses premières compositions
dès l’âge de neuf ans et poursuit sa formation, de 1976 à 1978, au C.N.S.M. de
Paris avec Yvonne Loriod (piano) et Olivier Messiaen (composition), puis, entre
1978 et 1982, avec Alexander Goehr au
King’s College de Cambridge. Sa musique,
désinvolte et colorée, témoigne d’un esprit
versatile et polyvalent (At First Light pour
orchestre de chambre, 1982). Benjamin
s’initie à l’informatique musicale, et son
travail à l’I.R.C.A.M. à partir de 1984
aboutit à la création d’Antara pour seize
instruments et équipement électronique,
commande pour le dixième anniversaire
du Centre Georges-Pompidou. Dans cette
oeuvre, le son de la flûte de pan est échantillonné, puis transmis aux claviers électroniques. La musique fait ainsi référence,
comme presque toujours chez Benjamin,
à la réalité acoustique la plus concrète, et
la sonorité nouvelle ne se définit qu’en
fonction de cette référence. Il a écrit des
pièces pour piano (Sortilèges, 1981), de la
musique de chambre (Octuor, 1978), des
pièces pour orchestre (dont Ringed by the
Flat Horizon, 1979-80, programmé dans
le cadre des Promenades-Concerts), de
la musique vocale (Upon Silence, pour
mezzo-soprano et cinq violes da gamba,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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1990). La musique de Benjamin est accessible et garde toujours une certaine complaisance envers les formes et les images
convenues (Upon Silence pour mezzo-soprano et 5 violes de gambe, 1990 ; Three
Inventions, pour orchestre de chambre,
commande du Festival de Salzbourg,
1995).
BENNETT (Richard Rodney), compositeur anglais (Broadstairs, Kent, 1936).
Il fut l’élève de Lennox Berkeley et de
Howard Ferguson à la Royal Academy of
Music de Londres (1953-1956) et commença à composer dès cette période.
Puis il vint à Paris travailler avec Pierre
Boulez (1957-58). De retour à Londres, il
entreprit une carrière à la fois de compositeur - il se fit connaître, notamment, par
des musiques de film - et de pédagogue,
il enseigna, en particulier, au Peabody
Institute de Baltimore. Parmi ses oeuvres,
outre les nombreuses musiques de film, les
compositions pour la radio, la télévision,
les musiques de scène, on compte 2 symphonies, 4 quatuors à cordes, un concerto
pour piano, diverses oeuvres pour en-
semble de chambre et pour piano. Dans le
domaine de la musique vocale, citons une
oeuvre pour la chanteuse anglaise de jazz
C. Laine, Soliloquy for Cleo Laine (1967),
et trois opéras : The Ledge, The Mines of
Sulphur (les Mines de soufre, 1963-1965),
qui ont été joués avec succès dans de nombreux pays, et A Penny for a Song (1966).
Compositeur sériel à l’origine, initié par
les oeuvres de Webern à la musique dodécaphonique, marqué par ses deux années
avec Boulez, Bennett a connu une évolution à partir de son retour à Londres. Dans
ses oeuvres récentes, il semble s’attacher
d’abord à la richesse de l’orchestration et
aux textures instrumentales (Commedia
IV pour cuivres).
BENNETT (sir William Sterndale), compositeur et pianiste anglais (Sheffield
1816 - Londres 1875).
Choriste dès l’âge de huit ans au King’s
College de Cambridge, il fit, à la Royal
Academy of Music de Londres, des études
très complètes (violon, chant, piano,
composition). Sa première oeuvre date de
1832 : c’est un concerto pour piano joué
en 1833 en présence de Mendelssohn, qui
demeura dès lors son ami, et auquel Bennett rendit visite en Allemagne en 1836,
1837 et 1838. Lors de son deuxième séjour, Bennett, remarquable pianiste, d’une
personnalité très attachante, se lia d’amitié avec Schumann. Il créa, au Gewandhaus de Leipzig, deux de ses meilleures
oeuvres, les ouvertures The Naiads et The
Woodnymphs.
Devenu professeur
of Music, Bennett
gnement, une très
musique anglaise.
à la Royal Academy
exerça, par son enseiforte influence sur la
Ayant fondé, à Londres,
la Bach Society (1849), il dirigea, en 1854,
la première exécution en Angleterre de la
Passion selon saint Matthieu de Bach. Les
nombreuses charges auxquelles il accéda à
la fin de sa vie, notamment la direction de
la Royal Academy (1866), le détournèrent
de la composition. Son oeuvre comprend
surtout des pièces pour piano, pour piano
et orchestre, des pièces vocales et de la
musique d’église.
BENOIT (Marcelle), musicologue française (Lille 1921).
Élève de Norbert Dufourcq au Conser-
vatoire de Paris, elle obtient dans cet établissement un premier prix d’histoire de
la musique en 1952 et un premier prix de
musicologie en 1954 ; elle y a enseigné à
partir de 1959, devenant chargée de cours
en 1973. Spécialiste de la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles, elle a fait
dans ses recherches sur les institutions et
sur la musique de cette époque un usage
systématique et nouveau des archives, et
a publié notamment Quelques nouveaux
documents sur François Couperin, ses ancêtres, sa musique, son foyer (Paris, 1968),
Versailles et les musiciens du roi : étude institutionnelle et sociale, 1661-1733 (Paris,
1970 ; thèse d’État, 1971), Musiques de
cour : chapelle, chambre, écurie, recueil de
documents, 1661-1733 (Paris, 1970 ; suppl.
thèse d’État, 1971) et les Musiciens du roi
de France (Paris, 1983). À partir de 1960,
elle a dirigé avec Norbert Dufourcq les
Recherches sur la musique française classique. Elle a également dirigé un Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et
XVIIIe siècles (1992).
BENOIT (Peter), compositeur belge (Harelbeke, près de Courtrai, 1834 - Anvers
1901).
Après des études au conservatoire de
Bruxelles avec Bosselet et Fétis, puis avec
Louis Hanssens, directeur du théâtre de
la Monnaie, il débuta dans la carrière de
compositeur par des mélodrames flamands et un petit opéra, et remporta le
prix de Rome belge, en 1857, avec le
Meurtre d’Abel. Il voyagea en Allemagne
et en France, et fut chef d’orchestre au
théâtre des Bouffes-Parisiens. De retour
en Belgique, il connut le succès avec une
Messe solennelle et fonda à Anvers, en 1867,
l’École flamande de musique, imposant le
flamand comme langue unique et encourageant une musique qui reflétât l’esprit
de la race. Son rôle fut, à la fois, culturel
et politique. Benoit exerça une grande
influence sur des compositeurs comme
Mortelmans, Blockx, Wambach, etc. Sa
musique, d’un lyrisme coloré, parcourue d’élans postromantiques et épiques,
est une référence à laquelle le public est
demeuré fidèle comme à celle d’un barde
national. Outre ses oeuvres pour orchestre
et ses opéras flamands, Benoit est surtout connu pour de vastes partitions avec
choeurs : De Schelde (l’Escaut), De Oorlog
(la Guerre), Antwerpen (Anvers), etc.
BENSERADE (Isaac de), poète et auteur
dramatique français (Paris 1613 - id.
1691).
Après sa première tragédie, Cléopâtre
(1635), il reçut la protection de Richelieu
et conserva celle de Mazarin pendant la
minorité de Louis XIV. Très estimé des
dames et de la société des précieuses, Benserade devint le poète familier de la cour.
Il écrivit, à partir de 1651, de nombreux
ballets de cour (Cassandre, la Nuit, Psyché, Alcidiane, etc.) mis en musique collectivement par Lully, Jean de Cambefort,
Michel Lambert, etc. Ses poèmes élégants,
destinés à des spectacles de cour auxquels
participait le jeune monarque, sont remplis de scènes allégoriques. Avec lui, le
ballet de cour devint un divertissement
plus cohérent et son influence fut loin
d’être négligeable pendant les années qui
précédèrent la naissance de l’opéra français avec Lully (1673).
BENTOIU (Pascal), compositeur, musicologue et esthéticien roumain (Bucarest
1927).
Il étudie la composition avec Mihaïl Jora
(1944-1948) à Bucarest et travaille comme
chercheur à l’Institut de recherches ethnologiques et dialectologiques de Bucarest
(1953-1956). Après la chute du communisme en Roumanie, il sera président de
l’Union des compositeurs (1990-1992). La
musique de Bentoiu se caractérise par sa
clarté, son sens de l’élocution (le compositeur a beaucoup écrit pour le théâtre), par
le souci d’intégrer, dans des structures héritées du passé, bon nombre de procédés
spécifiques de la musique d’aujourd’hui.
Dans son opéra Hamlet (1966-1969, prix
Guido Valcarenghi, Rome 1970), le compositeur met la diversité des moyens et des
formes utilisés au service d’une synthèse
originale entre drame et musique. L’opéra
radiophonique le Sacrifice d’Iphigénie
(1968, prix « Italia ») reprend des systèmes d’intonation propres à la musique
roumaine ancienne pour recréer l’esprit
et la signification du spectacle antique.
Ses symphonies, surtout les dernières,
témoignent de ses préoccupations concernant la relativisation des procédés stylistiques et la possibilité de construction
de métastyles. On lui doit, entre autres,
huit symphonies (1965-1987), plusieurs
concertos (dont deux pour piano, 1954
et 1960, et un concerto pour violoncelle,
1989), six quatuors à cordes (1953-1982),
plusieurs cycles de mélodies. Il se consacre
actuellement à la reconstitution et à l’orchestration des symphonies inachevées
de Georges Enesco (la Cinquième, dont
la reconstitution fut terminée en 1995,
sera bientôt suivie de la Quatrième). BendownloadModeText.vue.download 93 sur 1085
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toiu a publié plusieurs livres d’esthétique
musicale ainsi que Chefs-d’oeuvre d’Enesco
(Bucarest, 1984, prix de l’Académie roumaine 1987).
BENTZON (Jørgen), compositeur danois
(Copenhague 1897 - Hørs-holm, près de
Copenhague, 1948).
D’abord étudiant en droit, il se tourna, en
1915, vers la musique, qu’il étudia avec
Carl Nielsen, puis au conservatoire de
Leipzig (1920-21). Avec Finn Høffding,
il créa, en 1931, des écoles populaires
de musique dont il s’occupa jusqu’en
1946. Son oeuvre, de style néoclassique,
comprend de la musique d’orchestre, dont
2 symphonies, de la musique de chambre,
dont 5 quatuors à cordes, et un opéra,
Saturnalia (1944).
BENTZON (Niels-Viggo), compositeur
danois (Copenhague 1919).
Cousin de Jørgen Bentzon, il appartient à
une famille de musiciens, les Hartmann,
dont la tradition remonte au XVIIIe siècle.
D’abord attiré par le jazz, qu’il a étudié
avec le pianiste Leo Mathiesen, il est entré
au conservatoire de Copenhague pour y
travailler le piano avec C. Christiansen
et la théorie musicale avec K. Jeppesen.
Sa carrière de compositeur, entreprise en
1942, s’est révélée brillante malgré une
certaine nonchalance. Son oeuvre, considérable, possède des affinités avec celles de
Hindemith et de Bartók. Elle comprend 15
symphonies (de 1942-43 à 1980), 2 concertos pour violon, 5 concertos pour pianos,
des sonates, notamment pour piano et
violon, de nombreuses oeuvres pour piano
seul (sonates, partitas, études), des quatuors à cordes, des ballets, un opéra, Faust
III (1963), créé à Kiel en 1964, ainsi qu’un
opéra de chambre, Automaten (1974).
BENZI (Roberto), chef d’orchestre fran-
çais d’origine italienne (Marseille 1937).
Ayant reçu très jeune une formation musicale poussée et ayant commencé l’étude
de la direction d’orchestre dès l’âge de huit
ans avec André Cluytens, Roberto Benzi fit
ses débuts de chef d’orchestre à onze ans ;
il se produisit en France, en Scandinavie,
en Amérique du Sud, et tourna des films.
Mais il interrompit cette carrière précoce
pour suivre une scolarité normale et, sur
le plan musical, pour approfondir les
études d’écriture. Il reprit son activité de
chef d’orchestre en 1957 et dirigea dans de
nombreux pays avant d’assumer, de 1973
à 1987, année où lui succède Alain Lombard, les fonctions de directeur de l’Orchestre régional de Bordeaux-Aquitaine.
Il a dirigé ensuite l’orchestre d’Arnhem
(Pays-Bas). Son répertoire est essentiellement fondé sur la musique romantique.
BERBERIAN (Cathy), mezzo-soprano
américaine d’origine arménienne (Attleboro, Massachusetts, 1925 - Rome 1983).
Après une éducation vocale traditionnelle,
elle a consacré l’essentiel de son activité
à la recherche de nouveaux modes d’expression vocale, mettant une intelligence,
une sensibilité, une force de conviction
exceptionnelles au service de la musique
contemporaine. Maints compositeurs ont
écrit spécialement à son intention, en particulier Luciano Berio dans des oeuvres
comme Circles, Recital I et Sequenza III.
C. Berberian fait essentiellement une carrière de concertiste, avec des récitals dont
le programme va de la musique ancienne notamment Monteverdi, qu’elle affectionne - à l’avant-garde, en passant par de
désopilantes parodies du chant traditionnel d’opéra ou de mélodie. La cantatrice
n’hésite pas à employer le microphone
pour amplifier ou modifier sa voix. Son
aisance en scène, sa verve font de ses récitals un spectacle total.
BERCEUSE.
Forme de chanson populaire de rythme
lent, faite pour endormir les enfants, la
berceuse a donné naissance à un genre
instrumental ou vocal caractérisé par le
rythme obstiné de la basse, ainsi que par
une mélodie doucement balancée.
Parmi les compositions les plus connues
inspirées par ce rythme, citons la Berceuse
de Chopin pour piano, celle de Brahms
pour chant et piano. Dans le domaine de
l’orchestre, des berceuses ont été intro-
duites par Fauré dans sa suite Dolly et par
Stravinski dans l’Oiseau de feu.
BEREZOVSKI (Maxime), compositeur
russe (Gloukhovo, Ukraine, 1745 - SaintPétersbourg 1777).
Choriste à la chapelle impériale, il y fut
remarqué par le compositeur italien Zoppis, qui prit soin de sa formation. En 1765,
l’impératrice Élisabeth l’envoya travailler
à Bologne auprès de Martini. Son premier
opéra Demophon, créé à Livourne en 1773,
conquit rapidement toute l’Italie. De retour en Russie en 1774, il constata qu’il
était tombé dans l’oubli et que sa musique
ne plaisait guère. Il se suicida dans sa
trente-deuxième année.
Dans ses opéras, Berezovski ne rechercha pas les effets faciles et s’intéressa aux
rapports entre le texte et la musique. Dans
ses nombreuses cantates d’église, il tenta
d’unir le style et l’esprit des chants orthodoxes à une technique d’écriture italienne.
BERG (Alban), compositeur autrichien
(Vienne 1885 - id. 1935).
Avec Schönberg et Webern, Berg forme
l’école de Vienne. Un moment tenté par la
poésie, passionné de littérature, il devint,
de 1904 à 1910, le disciple de Schönberg,
à qui il dut toute sa formation musicale.
Un héritage lui permit, en 1906, de quitter
la fonction publique pour se consacrer à
la musique ; cependant, il assura, aux éditions Universal, un travail de réduction
d’oeuvres pour le piano et ne fut délivré de
tout souci matériel qu’en 1920. Dès 19071908, ses oeuvres furent exécutées dans
les milieux d’avant-garde viennois, provoquant parfois un scandale comme, par
exemple, deux des 5 Lieder avec orchestre
d’après des textes de cartes postales illustrées d’Altenberg (1913).
Rappelé sous les drapeaux en 1914, mais
maintenu à Vienne en raison de sa santé
précaire, Berg entreprit la composition de
Wozzeck, d’après la pièce de Büchner qu’il
venait de voir à la scène ; c’est à la suite de
la création de cet opéra à Berlin (1925),
sous la direction d’Erich Kleiber, qu’il
fut reconnu. Cette même année, il termina le Concert de chambre, en hommage
à Schönberg, et entreprit la Suite lyrique.
Parallèlement, son activité pédagogique
était intense. La montée du nazisme, l’exil
de Schönberg (1933) l’amenèrent à se retirer dans sa propriété des bords du Wörthersee, non loin de Klagenfurt. Ses efforts
se concentrèrent, dès lors, sur la poursuite
de la composition de Lulu, son second
opéra, d’après Wedekind, composition
entreprise en 1928. Mais la mort l’empêcha d’achever l’orchestration du dernier
acte. La création des 5 Fragments symphoniques de Lulu en concert, sous la direction
de Kleiber à Berlin (1934), constitua l’une
des dernières manifestations publiques
antinazies. Une septicémie emporta Berg
en décembre 1935, quelques mois après
la composition du concerto pour violon À
la mémoire d’un ange, dont le titre évoque
la mort de la jeune Manon, fille de l’architecte Gropius et d’Alma Mahler.
Les adversaires de la méthode dodécaphonique et de la pensée sérielle en
général ont toujours admis Berg en raison du caractère postromantique, sinon
expressionniste, de certaines de ses pages.
Il est de fait que ce compositeur n’a jamais
refusé l’influence de Brahms, de Wagner
ou de Schumann, sollicitant d’autre part
l’amitié de Mahler, dont il est proche par
la pensée, le souci formel et la recherche
d’une sonorité orchestrale nouvelle. Il
y a chez lui une obsession de la citation
qui est une manière de s’enraciner dans
la tradition (choral de Bach du concerto
pour violon, etc.) ; cet enracinement est
renforcé par le refus des formes brèves,
chères à un Webern, exception faite des
4 Pièces pour clarinette et piano, au profit des schémas traditionnels. Ainsi, dans
Wozzeck, chaque scène est-elle conçue au
moyen d’une forme établie (suite, rhapsodie, passacaille, rondo) ; l’acte II se
présente comme une vaste symphonie en
cinq mouvements. Cet aspect constitue un
élément d’approche pour un public désodownloadModeText.vue.download 94 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
88
rienté par une apparente rupture, rupture,
qui, d’ailleurs, n’existe pas, même chez
Schönberg.
Certes, la spécificité de Berg est bien
de « rattacher au passé chaque nouvelle
étape du devenir de l’univers schönbergien » (Leibowitz), pour nier l’existence
d’une rupture et pour affirmer une évolu-
tion du mode de pensée et d’écriture : si
déjà on peut parler, dans son quatuor op.
3, de suspension de la tonalité et, dans la
passacaille de Wozzeck, de l’emploi d’une
série de douze sons différents, c’est dans
la Suite lyrique qu’il réussit la gageure de
faire coexister la composition libre et le
système dodécaphonique ; seule une moitié de l’oeuvre est dodécaphonique, le reste
relevant de l’écriture atonale libre sans
que ne soient nullement affectées l’unité
de style et la cohérence de l’oeuvre. Dans
le concerto pour violon, oeuvre strictement dodécaphonique comme le Vin et
Lulu, Berg tente la synthèse de la sérialité
et de la tonalité par l’intermédiaire d’une
série de base déterminant quatre accords
parfaits majeurs et mineurs et s’achevant
par quatre tons entiers. L’analyse qu’il
en a fait ne laisse planer aucun doute sur
le caractère rationnel de sa démarche et
l’organisation de son langage. Il va encore
plus loin dans Lulu, où il découvre les
premières méthodes de permutation de
la série de douze sons, qui lui permettent
d’engendrer de nouvelles séries - un procédé qui va être perfectionné plus tard par
Boulez, puis par Barraqué.
Mais Berg est aussi, et surtout, un
homme de théâtre, qui s’est orienté vers la
« geste dramatique », même dans son écriture instrumentale. Wozzeck peut, d’une
certaine manière, être considéré comme
l’aboutissement d’une conception romantique et même wagnérienne de l’opéra.
Le thème de l’oeuvre - un fait divers - se
transforme en un mythe : l’exploitation de
l’homme et ses conséquences. Obsédé par
l’idée de pallier l’absence de l’unité que
peut engendrer la tonalité et ses possibilités harmoniques, Berg a recours à l’organisation des formes anciennes de la musique
pure, à douze musiques d’enchaînement
et à une sorte de leitmotiv pour assurer la
continuité du discours musical. De plus,
l’acte III est entièrement construit sur des
inventions : sur une note (si), un accord,
un rythme, un intervalle. La grande leçon
de Berg réside dans la prééminence de
l’expression, mais aussi, dans de nouvelles
propositions architectoniques et un nouveau mode de développement des cellules
thématiques. Toutefois, cette élaboration
formelle très poussée ne vise qu’à un seul
but : l’efficacité dramatique. Enfin, on
doit signaler, dans Wozzeck et dans Lulu,
la manière d’user de la voix : Berg y fait
appel à différentes techniques d’émission,
du bel canto à la voix parlée et au choeur à
bouche fermée.
BERG (Gunnar), compositeur danois
(Saint-Gall, Suisse, 1909 - Berne 1989).
Il a fait des études à Copenhague, à Paris
avec Honegger et Messiaen, à Darmstadt
avec Stockhausen. Influencé, à ses débuts,
par Bartók, il a évolué vers une forme
d’expression pointilliste aux structures
multiples, se rattachant dans une certaine mesure au sérialisme. Ses oeuvres
comprennent essentiellement des pièces
pour orchestre, de la musique de chambre,
des pièces pour piano et pour orgue et de
nombreuses mélodies sur des textes de
Shakespeare, Verlaine, etc.
BERG (Josef), compositeur tchèque
(Brno 1927 - id. 1971).
Élève de Vilem Petrželka au conservatoire de Brno, puis critique musical,
musicologue, théoricien, il a été l’un des
animateurs de la vie artistique de Brno.
Il écrivit à ses débuts plus d’une centaine
d’arrangements ou de compositions originales pour l’orchestre populaire de la
radio, sur de vieilles mélodies moraves.
Puis se fit sentir l’influence occidentale celle de Henze, celle du studio de Cologne
(Eimert, Stockhausen) -, ce qui détermina
l’écriture de ses oeuvres pour petites formations de chambre : Sextuor pour harpe,
piano et quatuor à cordes (1959), Nonuor
(1962), Quatuor à cordes (1966). Berg a
aussi tenté de pasticher l’opéra classique :
en utilisant une mise en scène dépouillée,
un petit effectif de chanteurs-acteurs, il a
cherché à renouveler des mythes célèbres
avec le Retour d’Ulysse (1962), Johanes
Doktor Faust (1966), l’Orestie (1967). On y
retrouve des traces de Stravinski, de Milhaud, au travers d’une écriture qui joue de
la couleur de formations instrumentales
inusitées.
BERGAMASQUE (ital. bergamasca).
Chanson à danser de rythme binaire,
originaire de la province de Bergame en
Italie.
Elle emprunte souvent le schéma de la
chaconne, c’est-à-dire une série de variations à partir d’une basse obstinée. Le
terme apparaît pour la première fois dans
le 3e livre de luth de Giacomo Gorzanis
(1564), puis dans le 3e livre de villotte de
Filippo Azzaiolo (1569). On trouve un
célèbre exemple de bergamasque dans les
Fiori musicali de Frescobaldi (1635). Au
XIXe siècle, cette danse a adopté un tempo
très rapide à 6/8 se rapprochant de la
tarentelle. Mais c’est seulement la consonance agréable du mot et son emploi par
Verlaine dans un poème qui ont inspiré
le titre de Suite bergamasque à Debussy et
celui de Masques et bergamasques à Fauré.
La romanesca est une forme analogue à
la bergamasque.
BERGANZA (Teresa), mezzo-soprano
espagnole (Madrid 1935).
Après des études au conservatoire de
Madrid, elle a fait ses débuts en récital,
en 1955, et à la scène, en 1957, au festival
d’Aix-en-Provence dans le rôle de Dorabella (Cosi fan tutte, Mozart), inaugurant
ainsi une carrière mondiale. T. Berganza
est une styliste remarquable, servie par
une technique exemplaire qui maîtrise un
timbre pur et incisif. Son répertoire s’est
longtemps fondé sur deux personnages de
Mozart (Chérubin des Noces de Figaro et
Dorabella) et trois de Rossini (Rosine du
Barbier de Séville, Isabella de l’Italienne à
Alger et Cendrillon). Son interprétation du
rôle de Ruggiero dans Alcina de Haendel
est également célèbre. Elle a abordé plus
récemment les personnages de Carmen
(Édimbourg, 1977) et de Charlotte dans
Werther de Massenet. Elle obient aussi de
grands succès en récital, notamment dans
le domaine de la mélodie espagnole.
BERGER (Erna), soprano allemande
(Cossebaude 1900 - Essen 1990).
Elle étudie le piano et le chant à Dresde,
et est engagée pour la première fois par
Fritz Busch à la Staatsoper de cette ville
en 1925. En 1929, elle entre au Stätdtische
Oper de Berlin, où elle participe à la création de Christ-Elflein de Hans Pfitzner.
Entre 1929 et 1933, elle chante au Festival
de Bayreuth, et, à partir de 1932, à Salzbourg. Sa facilité dans l’extrême aigu et sa
tessiture de colorature dramatique lui permettent d’aborder soixante-dix rôles, de
Rossini à Richard Strauss. Dans les opéras
de Mozart, elle triomphe dans les rôles de
la Reine de la Nuit et de Constance. De
1934 à 1938 elle chante à Covent Garden,
en 1949 au Metropolitan de New York. De
1955 à 1968, elle se consacre au lied et à
l’enseignement.
BERGER (Ludwig), compositeur allemand (Berlin 1777 - id. 1839).
D’abord élève de Joseph Gürrlich dans
sa ville natale, il se rendit à Dresde en
1801 pour y étudier avec Johann Gottlieb
Neumann, mais celui-ci venait de mourir. De retour à Berlin, il y devint l’élève
de Muzio Clementi, puis suivit ce dernier
à Saint-Pétersbourg, où il resta jusqu’en
1812. L’invasion française l’obligea à
gagner Stockholm, puis Londres, où il
triompha comme pianiste. À partir de
1815, il vécut de nouveau à Berlin, comptant parmi ses élèves Mendelssohn et sa
soeur Fanny. De ses nombreux lieder, cinq
furent écrits vers 1817 sur des poèmes qui
devaient former le noyau du cycle la Belle
Meunière, plus tard mis en musique par
Schubert. On lui doit aussi, pour piano,
un concerto, des pages diverses dont les
études op. 12 et op. 22, et sept sonates
parmi lesquelles la Grande Sonate pathétique en ut mineur op. 7 (1804, version
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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révisée publiée en 1812-1814), dédiée à
Clementi et nettement inspirée de l’op. 13
de Beethoven.
BERGER (Theodor), compositeur autrichien (Traismauer 1905 - Vienne 1992).
Il a étudié la composition avec Franz
Schmidt à l’Akademie fur Musik de
Vienne, de 1926 à 1932. Son art se caractérise par une invention riche et exubérante,
un style passionné et le goût de la beauté
sonore recherchée pour elle-même,
comme dans Rondino giocoso et Malinconia pour cordes (1938). Il a composé de la
musique d’orchestre (Legende vom Prinzen
Eugen, Concerto manuale, Concerto macchinale, Symphonischer Triglyph), un ballet
(Homerische Symphonie), de la musique de
chambre (2 quatuors à cordes, etc.), des
oeuvres vocales (Faust, 1949) et des musiques de film.
BERGERETTE.
1. Genre poétique et musical dérivé du
rondeau, en vogue au XVe siècle en France ;
à la différence du rondeau, la strophe du
milieu n’a pas de refrain et sa longueur est
variable, car elle n’est pas liée à celle de la
première strophe.
2. Au XVIe siècle, bergerette est le nom
donné à quelques basses danses.
3. Chanson populaire de caractère pastoral et amoureux, de forme strophique,
répandue au XVIIIe siècle.
BERGEROTTI (Anna), cantatrice italienne (Rome v. 1630 - fin XVIIe s.).
Ce « trésor venu d’Italie » arriva à Paris en
1655. Elle fit partie de la troupe italienne
qu’entretint Mazarin et participa aux représentations d’opéras de Cavalli (Xerse,
Ercole amante). Elle chanta aussi dans
presque tous les ballets de cour en compagnie des cantatrices françaises Mlle Hilaire
et Mlle de La Barre et figura notamment
dans les scènes italiennes composées par
Lully. Elle fut admirée par tous, même par
les nombreux ennemis de la musique italienne. Les concerts qu’elle organisa dans
sa résidence parisienne furent célèbres
jusqu’à l’étranger. Elle quitta Paris en 1668
et épousa un marquis italien.
BERGLUND (Paavo), chef d’orchestre
finlandais (Helsinki 1929).
Il étudie le violon et la direction à l’Académie Sibelius d’Helsinki et travaille
ensuite à Vienne avec Otto Rieger, puis à
Salzbourg. En 1949, il est engagé comme
violoniste dans l’Orchestre symphonique
de la radio finnoise, formation qu’il dirige
de 1952 à 1971, et qu’il élève à un niveau
international. De 1972 à 1979, il dirige
l’Orchestre symphonique de Bournemouth, de 1974 à 1979 l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, de 1987 à 1992
l’Orchestre philharmonique de Stockholm
et, depuis cette dernière date, celui de Copenhague. Parallèlement à ces différentes
fonctions de chef permanent, il dirige
aussi la plupart des grands orchestres
américains. Particulièrement apprécié
pour ses interprétations des oeuvres de Sibelius, dont il a enregistré deux intégrales
des symphonies, et de Chostakovitch, il a
aussi été l’ardent défenseur des oeuvres de
Nielsen, dont il a enregistré les six symphonies.
BERGMAN (Erik Waldemar), compositeur finlandais (Nykarleby 1911).
Il a fait ses études à Helsinki, à Berlin
et en Suisse. Intéressé par le grégorien
et par les cultures d’Extrême-Orient, il
recherche des formes d’expression nouvelles issues des sonorités impressionnistes aussi bien que de la technique
sérielle ou du style tonal libre. Il a été,
en Finlande, un pionnier de l’écriture
dodécaphonique et son influence dans ce
domaine s’est exercée à travers ses cours
à l’Académie Sibelius. Il a surtout écrit
des oeuvres pour orchestre, pour voix et
pour piano. Son opéra l’Arbre qui chante
a été créé à Helsinki en 1995.
BERGONZI (Carlo), ténor italien (Parme
1924).
Il a commencé sa carrière comme baryton, à Lecce, en 1948, dans le rôle de
Figaro (Barbier de Séville, Rossini),
puis a fait de nouveaux débuts comme
ténor, à Bari, en 1951, dans André Chénier de Giordano et a acquis peu à peu
une réputation mondiale. Sa voix est peu
spectaculaire, mais d’une belle qualité ; sa
technique et son style sont exemplaires.
Il s’est consacré exclusivement au répertoire italien, de Donizetti à Puccini et
Giordano, et, particulièrement, à Verdi.
Ses interprétations de Radamès dans
Aïda et de Riccardo dans Un bal masqué
sont très renommées.
BERIO (Luciano), compositeur italien
(Oneglia, Ligurie, 1925).
Issu d’une famille musicienne, il a eu
son père pour premier professeur. Au
conservatoire Verdi de Milan, il a étudié
la composition avec Paribene et Ghedini,
la direction d’orchestre avec Votto et Giulini. Il a subi l’influence de Dallapiccolla,
son maître à Tanglewood (États-Unis).
Certaines de ses premières oeuvres comme
Nones (1954) sont d’inspiration sérielle.
En 1955, Luciano Berio fonde avec
son ami Bruno Maderna le studio de
phonologie de la R. A. I. à Milan. Luigi
Nono se joint à eux. C’est l’époque vive
des premières découvertes électroacoustiques ; il écrit Thema (Omaggio a Joyce)
[1958]. Dans ce lieu ouvert viennent travailler de jeunes compositeurs de tous
pays, comme André Boucourechliev.
Berio s’affirme comme un pionnier, un
explorateur. À partir de 1960, il donne des
cours à Darmstadt (mais là, on l’entend
le soir improviser du jazz au piano, avec
Maderna), à Darlington, à Mill’s College
(Californie), à Harvard, à l’université
Columbia. Il s’intéresse au rock, au folk,
leur consacrant des essais et les mêlant
dans le creuset de sa musique, laquelle est
une musique libre, sans frontières. Berio
a sondé, d’abord dans la clarté de l’intuition, puis prudemment, lucidement, des
domaines originaux et longtemps oubliés
de notre culture occidentale, en particulier celui de la voix, qu’il a littéralement
libérée. La figure étrange et passionnée
de Cathy Berberian apparaît dans sa vie
et devient l’âme de sa création en même
temps que l’« instrument » adapté à ses
recherches : C. Berberian va créer nombre
de ses oeuvres.
Tout en enseignant la composition à la
Juilliard School of Music de New York,
Berio fait de nombreux voyages. Fulgurant, éclatant, limpide, baroque, fou
de théâtre et de littérature, il dévore les
poètes (Joyce, Cummings, Sanguineti). La
mort de Martin Luther King l’émeut profondément, O King (1965, créé en 1967).
Proustien, Berio retouche sans cesse ses
oeuvres, élabore de nouvelles versions.
Tout en aimant l’Amérique, il ne tranche
pas ses racines italiennes. Il ne se laisse,
de toute façon, enfermer dans aucun clan.
On ne trouve chez lui aucune trace de
parti pris théorique, aucune gratuité abstraite. Son intelligence prend appui sur la
vie, sur une imagination généreuse, sur
un esprit d’invention, une chaleur méditerranéenne qui garde le contact entre les
hommes et l’art. Il libère une expression
verbale souvent affective, spontanée, immédiatement descriptive : murmures, cris,
souffles, pleurs, bruissements, onomatopées attachés à la vie corporelle. Il libère la
respiration. Sa musique semble couler de
source ; l’élégance de l’écriture en cache
les complexités.
Circles (1960), ou encore la série des
Séquences (Sequenza I à XI, 1958-1988)
pour instruments solistes, inventent, dans
un jeu de manipulations et de métamorphoses, des formes nouvelles, et il en va
de même de la série parallèle des Chemins.
Voix ou instruments sont poussés à l’extrême limite de leur virtuosité, arrachés à
leur tradition, élargis. Epifanie (1961) suit
la même évolution : textes de poètes, écartelés, au bord du tragique. Harmoniste
raffiné dans Folk Songs, Berio se montre
un maître de la technique de la variation
dans la série Chemins (1965-1975), où
des commentaires variés à l’infini laissent
apparaître des « collages ». Passagio (1962,
créé en 1963), Laborintus II (1965), Recital
I (1972) sont des approches très personnelles du théâtre musical. L. Berio semble
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être imprégné de tout ce qui vit, pour le
laisser réapparaître tôt ou tard. On rencontre dans Sinfonia (1968) l’amour de
Mahler, dans Sequenza VII (1969) pour
hautbois un goût de la lumière, et, un peu
partout, les jeux de la mémoire de ce qui
fut aimé, entendu, rencontré. Chez Berio
se côtoient des inflexions vocales ou instrumentales proches du jazz, la tension
du nô japonais, l’esprit contemplatif de
la musique indienne. Partout, le compositeur recrée des situations déchirantes ou
paisibles. Coro (1976) est sans doute l’un
des sommets de son oeuvre, une anthologie de l’homme, de son aventure et de son
paysage intérieurs. Les langues, les folklores, les styles y sont brassés avec violence
et tendresse.
Après avoir dirigé jusqu’en 1980
le département électroacoustique de
l’I. R. C. A. M. à Paris il devint responsable de l’antenne de cet organisme à
Milan. Après Opera (1969-70), des oeuvres
comme Linea (1974), Points on the curve to
find (1974), Coro (1976), les opéras La vera
storia (Milan, 1982), Un re in ascolto (Salzbourg, 1984) et Outis (Milan, 1995), Formazioni pour orchestre (1986), Concerto
II « Echoing Curves « (Paris, 1988), Festum
pour orchestre (Dallas, 1989), Chemins
V pour guitare et orchestre de chambre
(1992) ont montré que Berio avait encore
le pouvoir de surprendre.
Le compositeur s’explique : « Je crois
qu’il faut vivre dans l’esprit de la fin de
la Renaissance et des débuts du baroque,
dans l’esprit de Monteverdi qui inventait
la musique pour trois siècles à venir...»
BÉRIOT (Charles Auguste de), violoniste
et compositeur belge (Louvain 1802 Bruxelles 1870).
Autodidacte, il était déjà en pleine possession de sa technique quand il rencontra
Viotti en 1821 ; celui-ci le fit entrer dans
la classe de Baillot, au Conservatoire de
Paris. Puis une tournée triomphale en
Angleterre établit sa renommée. Après la
révolution de 1830, Bériot fit de nouvelles
tournées avec la cantatrice Maria Malibran
qu’il épousa en 1836. Il devint aveugle et
paralysé après 1858. Son art élégant, qu’il
transmit à ses disciples, notamment Henri
Vieuxtemps, à travers son enseignement
au conservatoire de Bruxelles (18431852), se retrouve dans ses compositions,
par exemple ses 9 concertos pour violon.
Il a écrit une Méthode de violon en 3 parties (1858) et a collaboré à des ouvrages de
son fils Charles Wilfrid (1833-1914) sur
l’accompagnement au piano.
BERKELEY (sir Lennox), compositeur anglais (Boars Hill, Oxford, 1903 - Londres
1989).
Après des études à l’université d’Oxford,
il décida de se consacrer à la musique
et séjourna, de 1927 à 1932, en France,
où il travailla avec Nadia Boulanger, se
lia d’amitié avec Francis Poulenc et se
convertit au catholicisme. Il chercha aussi
conseil auprès de Maurice Ravel et tira
de cette formation et (peut-être) de son
ascendance françaises un goût marqué
pour l’élégance et la clarté, pour la forme
et la concision. De 1946 à 1968, il a enseigné la composition à la Royal Academy
of Music de Londres. Berkeley est un des
compositeurs les plus respectés en Angleterre. Sa réputation s’est d’abord fondée
sur des oeuvres à effectifs réduits, comme
la Sérénade pour cordes op. 12 (1938) ou
le Divertimento op. 18 (1943), sa première
grande réussite. Il aime l’intimité et a
beaucoup composé pour des formations
de chambre : son trio pour cor, violon et
piano op. 44 (1954), conçu pour Dennis
Brain, est particulièrement remarquable,
et on lui doit aussi un trio à cordes (1943)
et trois quatuors à cordes (1935, 1942 et
1970). Sa musique pour piano est également importante (sonate op. 20, 1943).
Comme son contemporain et ami Britten,
Berkeley éprouve un vif penchant pour
la voix : il a composé plusieurs cycles de
mélodies, parmi lesquels les 4 Sonnets de
Ronsard op. 40 (1952), les 4 Sonnets de
Ronsard op. 62 pour ténor (1963), à la mémoire de Francis Poulenc, et, surtout, les
4 Poèmes de sainte Thérèse d’Avila op. 27
pour contralto et cordes (1947) : cette dernière page, sans doute son chef-d’oeuvre,
fut destinée à Kathleen Ferrier. Ayant
souffert de l’étiquette de miniaturiste,
Berkeley a su montrer une autre forme
de son talent dans ses concertos - pour
piano op. 30 (1947), pour 2 pianos op. 34
(1948), pour violon op. 59 (1961) - , dans
Dialogue pour violoncelle et orchestre
op. 79 (1970), ainsi que dans ses quatre
symphonies op. 16 (1940), op. 51 (19561958), op. 74 (1969) et op. 94 (1976-77).
Il a moins réussi dans ses opéras Nelson
op. 41 (Londres 1954), A Dinner Engagement op. 45 (Aldeburgh, 1954), Ruth op.
50 (Londres, 1956) et Castaway op. 68
(Aldeburgh, 1967), mais a écrit de belles
oeuvres religieuses, dont le Stabat Mater
op. 28 (1947), la Messe a cappella op. 64
(l964) et le Magnificat op. 71 (1968).
BERLIN (histoire de la vie musicale à).
Au début du XVIIe siècle, Berlin entra dans
l’histoire de la musique avec des musiciens tels Johannes Eccard et Nikolaus
Zangius, maîtres de chapelle à la cour du
prince électeur. La musique protestante
fut représentée dans la première moitié du
XVIIe siècle par Johann Crüger. Pendant la
guerre de Trente Ans, l’activité musicale
connut un ralentissement comme dans
le reste de l’Allemagne. En 1701, Berlin
prit rang de résidence royale. C’est sous
le règne de Frédéric II (1740-1786) que la
ville devint un foyer musical important,
les artistes se partageant entre la capitale
de la Prusse et le séjour royal de Potsdam.
On y rencontre Johann Joachim Quantz,
Carl Philipp Emanuel Bach, les Benda,
Carl Heinrich et Johann Gottlieb Graun,
Johann Friedrich Reichardt, Christoph
Nichelmann, Johann Philipp Kirnberger, Friedrich Wilhelm Marpurg et Carl
Friedrich Zelter. Les compositeurs de
l’école de Berlin se sont illustrés dans les
domaines de la symphonie, de la musique
instrumentale, du lied et de l’opéra. En
1742 fut inauguré l’Opéra royal Unter den
Linden ou Hofoper (Opéra de la Cour).
Berlin était également réputé à cette
époque comme centre de théorie musicale.
Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe régna une activité intense :
les orchestres, les sociétés chorales, les
académies de musique religieuse, les
opéras et les écoles de musique se multiplièrent, en particulier, de 1800 à 1832,
sous l’impulsion de Zelter. La musique
orchestrale se développa particulièrement
dans la seconde moitié du XIXe siècle. De
nombreuses formations furent créées : la
Musikausübende Gesellschaft, fondée par
Johann Philipp Sack en 1752, l’Orchestervereinigung Berliner Musikfreunde,
devenue ensuite le Berliner Orchesterverein, le Königliches Hoforchester, devenu
ensuite la Staatskapelle, qui compta parmi
ses chefs Felix Weingartner et Richard
Strauss, et, enfin, l’Orchestre philharmonique de Berlin qui, fondé en 1882, est
considéré depuis plusieurs dizaines d’années comme l’un des meilleurs orchestres
du monde ; il a eu notamment pour chefs
Hans von Bülow (1887-1892), Arthur Nikisch (1897-1922), Wilhelm Furtwängler
(1922-1945 et 1947-1954), Sergiu Celibidache (1945-1947) et Herbert von Karajan
(depuis 1954). Au XXe siècle, sont venus
s’ajouter les orchestres de la radio : Berliner Rundfunk pour Berlin-Est, Nordwestdeutscher Rundfunk et RIAS pour Berlin-Ouest. L’Orchestre RIAS a connu une
période de grande notoriété quand Ferenc
Fricsay en était le directeur (1948-1954).
Parmi les sociétés chorales figurent le
Choeur philharmonique, le Choeur de la
cathédrale Sainte-Hedwige et la célèbre
Singakademie, fondée, en 1791, par Christian Fasch et dirigée ensuite par Zelter ;
c’est avec le concours de cette formation
que Mendelssohn dirigea, en 1828, la Passion selon saint Matthieu de Bach, tombée
dans l’oubli depuis près d’un siècle. Les
académies de musique religieuse les plus
importantes sont l’Akademie für Kirchenmusik, fondée en 1822, la Gesellschaft zur
Förderung der kirchlichen Tonkunst et le
Caecilienverein.
Plusieurs grandes scènes d’opéra
ont valu à Berlin sa renommée dans le
domaine lyrique. Inaugurée en 1742, la
Hofoper a vu la création du Freischütz de
Weber en 1821 et l’opposition entre les
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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partisans de cette oeuvre de style nouveau
et ceux du style de Spontini, qui était alors
directeur musical du théâtre. Les Joyeuses
Commères de Windsor de Nicolai y furent
créées en 1849. Baptisée, après 1918,
Staatsoper (Opéra d’État), cette scène a eu
pour intendants ou directeurs de la mu-
sique Richard Strauss, Felix Weingartner,
Karl Muck, Max von Schillings, Heinz
Tietjen. Les créations de Wozzeck d’Alban
Berg (1925), Christophe Colomb de Milhaud (1930), Das Herz de Pfitzner (1931)
et Peer Gynt de Egk (1938) s’y sont, entre
autres, déroulées. Située dans l’ancien secteur Est, la Staatsoper a eu pour directeurs
musicaux, après la guerre, Franz Konwitschny (1955-1961) et Otmar Suitner, de
1964 à 1975.
Le Deutsches Opernhaus, inauguré en
1912 et appelé après 1918 Städtische Oper
(Opéra municipal), a compté parmi ses
intendants Carl Ebert et parmi ses directeurs musicaux Bruno Walter et Ferenc
Fricsay. Détruit en 1944, lors d’un bombardement aérien, il a repris en 1961 le
nom de Deutsche Oper.
Inaugurée en 1924, la Kroll Oper devint
rapidement célèbre par son orientation
très particulière ; notamment sous la direction d’Otto Klemperer (1927-1931), ce
fut un théâtre de créations (opéras de Hindemith, etc.) et une scène d’avant-garde
en ce qui concerne les décors et la mise en
scène du répertoire. Une position comparable, dans le domaine de l’interprétation
scénique, a été occupée après la dernière
guerre par la Komische Oper, qui, ouverte
en 1947, a appuyé sa célébrité sur les mises
en scène de son intendant Walter Felsenstein.
Dans le domaine de l’enseignement
de la musique, les institutions les plus
importantes sont l’université, où ont professé Philipp Spitta et Arnold Schering, la
Hochschule für Musik, fondée en 1869,
le conservatoire municipal (autrefois
Stern’sches Konservatorium), le conservatoire Klindworth-Scharwenka, l’Institut für Musikforschung et la Berliner
Kirchenmusikschule.
BERLIOZ (Hector), compositeur français
(La Côte-Saint-André, Isère, 1803-Paris
1869).
C’est à La Côte-Saint-André, où son père
était médecin, qu’Hector Berlioz reçut sa
première éducation musicale. Il apprit à
jouer du flageolet, de la flûte et de la guitare. À seize ans, muni de quelques rudiments théoriques puisés dans les traités
d’harmonie de Rameau et de Catel, ainsi
que dans les Éléments de musique de
d’Alembert, il écrivit un quintette pour
flûte et quatuor. Bachelier, en 1821, il
partit pour Paris afin d’y suivre les études
de médecine, selon le voeu de son père.
Mais il y fréquenta plus volontiers l’Opéra
que l’amphithéâtre de la Pitié et il voua
à Gluck une admiration passionnée. Dès
1823, il travailla la composition avec Lesueur et, à l’automne de la même année,
entreprit d’écrire une Messe solennelle, qui
devait être exécutée, à ses frais, à l’église
Saint-Roch, en 1825. Si cette messe fut très
remarquée, elle laissa son auteur endetté.
Et Berlioz vécut pauvrement.
VOCATION : MUSICIEN.
À cette époque, le jeune homme découvrit Weber ; ce fut une nouvelle flambée
d’enthousiasme. Éliminé au concours de
Rome (1826), il vit ses parents s’opposer à
sa vocation artistique. Sa mère le maudit,
mais son père finit par céder. Berlioz s’inscrivit alors au Conservatoire, où il étudia
la composition avec Lesueur, le contrepoint et la fugue avec Reicha. En 1827,
il se présenta à nouveau, sans succès, au
concours de Rome. Peu après, il fut subjugué par Shakespeare, dont on joua Hamlet
et Roméo et Juliette à l’Odéon ; en même
temps, il tomba amoureux, et amoureux
fou, de l’actrice irlandaise qui interprétait
les rôles d’Ophélie et de Juliette, Harriet
Smithson. Bientôt, il reçut un nouveau
choc avec le Faust de Goethe. Son destin
musical était déjà tracé.
Une troisième fois, en 1828, Berlioz
se présenta au concours de Rome et obtint le second grand prix avec Herminie.
Il composa Huit Scènes de Faust. Après
un nouvel échec au concours de Rome,
pour lequel il écrivit la Mort de Cléopâtre
(1829), l’année 1830 fut marquée par la
Symphonie fantastique et par le premier
grand prix de Rome avec la cantate la Dernière Nuit de Sardanapale. Le 5 décembre,
dans la salle du Conservatoire, eut lieu la
première audition de la symphonie. Liszt
fut enthousiaste.
UNE PÉRIODE AGITÉE.
Berlioz se croyait alors guéri de sa passion pour Harriet Smithson et se fiança
avec une jeune pianiste, Camille Moke. En
mars 1831, il arriva à Rome, à la Villa Médicis. Il ne s’y plut guère et, ayant appris
que Camille Moke avait rompu ses fiançailles, possédé par un désir de vengeance,
il voulut regagner Paris. Mais il s’arrêta
à Nice, où il écrivit les ouvertures du Roi
Lear et de Rob Roy. De retour à Rome, en
juin, il composa Lélio ou le Retour à la vie,
présenté comme une suite à la Symphonie
fantastique. En novembre 1832, Berlioz,
redevenu parisien, fit exécuter, sous la direction d’Habeneck, la Symphonie fantastique et Lélio ; ces oeuvres remportèrent un
grand succès. Harriet Smithson assistait
au concert et, s’enflammant de nouveau,
le compositeur lui déclara sa passion ; il
devait l’épouser en octobre 1833.
À la demande de Paganini, le musicien composa une oeuvre pour alto et orchestre, Harold en Italie, dont la première
audition, avec Chrétien Urhan en soliste,
fut donnée l’année suivante. Critique musical au Journal des débats à partir de 1835,
il obtint, en 1837, la commande d’un Requiem, qui devait être joué aux Invalides,
le 5 décembre. Cette partition fut très bien
accueillie. Mais il n’en fut pas de même
pour son opéra Benvenuto Cellini, qui, en
1838, ne fut représenté que quatre fois.
Toutefois, en décembre de cette même
année, un concert au cours duquel Berlioz dirigea Harold en Italie et la Symphonie fantastique apporta au compositeur
une revanche : Paganini proclama son
génie et lui fit don d’une somme de vingt
mille francs qui lui permit d’éponger ses
dettes et d’entreprendre en janvier 1839 la
symphonie dramatique Roméo et Juliette,
créée avec succès en novembre. Wagner
assista à cette première et ne cacha pas son
enthousiasme. L’année suivante, pour le
dixième anniversaire des Trois Glorieuses,
le compositeur dirigea sa Symphonie funèbre et triomphale.
Au cours de cette période, la vie conjugale de Berlioz devenait insupportable ; le
ménage se désagrégeait de jour en jour. Et,
en 1841, le musicien s’éprit d’une cantatrice, Marie Recio.
DES TRIOMPHES À L’ÉTRANGER.
Commença alors l’ère des tournées de
concerts à l’étranger, d’abord en Belgique, puis en Allemagne, où Marie Recio
l’accompagna. Revenu à Paris, en 1843,
Berlioz se sépara d’Harriet. En 1846, des
concerts triomphaux à Prague et à Budapest le dédommagèrent des déceptions
que lui avaient apportées les « festivals »
qu’il avait organisés à grands frais à Paris.
Il acheva la Damnation de Faust, qui fut
créée sous sa direction en décembre, à
l’Opéra-Comique ; ce fut un demi-échec.
Criblé de dettes, le compositeur partit, en
1847, pour diriger des concerts en Russie ; il y remporta un très grand succès,
à Saint-Pétersbourg comme à Moscou.
En 1849, il écrivit son Te Deum. Liszt fit
représenter Benvenuto Cellini à Weimar,
en 1852, et, cette fois-ci, l’ouvrage remanié et abrégé fut fort bien accueilli. Mais la
vie familiale de Berlioz demeurait difficile.
En 1854, Harriet Smithson, malade depuis
plusieurs années, paralysée, mourut. Le
musicien épousa Marie Recio.
La première exécution de l’Enfance
du Christ, en 1854, fut un triomphe. Le
Te Deum fut joué à Saint-Eustache en
1855. Élu à l’Institut l’année suivante, Berlioz se tourna de nouveau vers l’opéra :
en 1859, il acheva les Troyens et, en 1862,
Béatrice et Bénédict, dont la première eut
lieu à Baden-Baden, tandis que les trois
derniers actes des Troyens ne furent représentés qu’en 1863, à Paris, au Théâtre
lyrique, sous le titre les Troyens à Carthage. 1862 fut aussi l’année de la mort de
Marie Recio, qui laissa le compositeur en
proie au découragement et à la solitude.
En 1864, il démissionna du Journal des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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débats. Trois ans plus tard, son fils Louis
(né en 1834) mourut de la fièvre jaune à
La Havane. Berlioz était lui-même malade.
Pourtant, il effectua un nouveau voyage en
Russie. La fin de l’année 1868 fut particulièrement sombre : en décembre, la maladie le cloua au lit. Il mourut le 8 mars 1869
et fut enterré au cimetière de Montmartre.
LE SENS DE L’UNIVERSEL.
Hector Berlioz est une des grandes figures
de la musique romantique européenne. Il
fut mieux compris en Allemagne, en Bohême, en Hongrie et en Russie que dans
son propre pays. Ses meilleurs défenseurs
furent Paganini, Liszt et Schumann. Il
est vrai que ses sources littéraires d’inspiration, puisées dans Shakespeare et
Goethe, lui ont donné le sens de l’universel, dépassant le cadre étroit des frontières
nationales. Mais, parmi ces sources, il y a
aussi Virgile, et l’on ne peut nier, à côté
du « fantastique » et des débordements
de la passion, la clarté méditerranéenne
d’Harold en Italie, de l’Enfance du Christ
et des Troyens.
Berlioz est un passionné lucide. Il
conçoit dans l’enthousiasme, puis exécute
froidement. Ce romantique est exactement
le contraire d’un improvisateur. Il faut
que sa vision poétique soit rendue avec
évidence, il faut que la projection dans la
musique de son « moi » omniprésent soit
parfaitement perceptible. Même le rêve,
même le délire cèdent chez lui au besoin
d’énoncer clairement et d’enchaîner logiquement. Dès la Symphonie fantastique
(1830), il rejette le schéma traditionnel
de la symphonie, pour lui substituer une
progression dramatique en cinq épisodes
(Rêveries et Passions ; Un bal ; Scène aux
champs ; Marche au supplice ; Songe d’une
nuit de sabbat), qui évolue de la tendresse
la plus pure au délire et au sarcasme, unifiée par la présence d’un thème obsessionnel, l’« idée fixe ». Avec le concours d’un
alto solo « combiné avec l’orchestre de
manière à ne rien enlever de son action
à la masse orchestrale », Harold en Italie
(1834) met de nouveau en vedette un personnage mélodique (analogue à l’« idée
fixe »), qui se mêle à des paysages et à des
scènes tout en poursuivant sa méditation
solitaire. Roméo et Juliette (1839) se libère
totalement des contraintes de la structure
symphonique, au bénéfice d’une approche
poétique, mais toujours logique, qui cerne
l’action dramatique de diverses manières,
tantôt la survolant, tantôt la commentant,
tantôt s’y incorporant pour la vivre intensément.
La Symphonie fantastique a pour soustitre « Épisode de la vie d’une artiste ».
Roméo et Juliette est une « symphonie dramatique ». La Damnation de Faust (1846)
est une « légende dramatique » sans être
pour autant destinée à la scène ; ici, la
symphonie évolue vers l’opéra. Tout est
drame chez Berlioz. Les thèmes sont des
personnages ; l’orchestre est un décor, un
lieu scénique. La Grande Messe des morts
ou Requiem (1837) n’échappe pas à cette
loi, et même la confirme avec éclat.
LA MODERNITÉ DE BERLIOZ.
Berlioz est essentiellement un musicien
de rupture. Il y a dans son oeuvre des
moments où sa fougue créatrice anticipe
étrangement sur les audaces de la musique
du XXe siècle. Berlioz annexe des territoires encore vierges, ne s’embarrasse pas
de contraintes, ne redoute pas la démesure. Peu lui importent les moyens, seul
compte ce qu’il a à dire, et cette volonté
d’aller jusqu’au bout de ce qu’il doit exprimer entraîne la découverte de moyens
nouveaux qui élargissent le domaine du
compositeur. Une orchestration « moderne », où le timbre, la couleur, la dynamique jouent un rôle prépondérant dans
l’expression musicale, le sens du modal
qui enrichit l’harmonie et affine la mélodie, une conception toute personnelle du
contrepoint qui lui permet de superposer
des éléments très différenciés, créant une
sorte de simultanéité qui lui appartient
en propre, le recours à la stéréophonie,
telles sont quelques-unes des conquêtes de
Berlioz, mais elles n’ont force d’évidence
que parce qu’elles sont apparues dans des
chefs-d’oeuvre (Symphonie fantastique, Requiem, Harold en Italie, Roméo et Juliette,
la Damnation de Faust, les Troyens).
On n’oubliera pas enfin que Berlioz
fut un remarquable écrivain et un excellent critique musical. Ses passionnants
Mémoires et ses livres sur la musique en
témoignent.
BERMAN (Lazar), pianiste russe (Leningrad 1930).
Élève d’abord de sa mère, enfant prodige (il se produit pour la première fois
en public à l’âge de sept ans), il n’entre
qu’en 1948 au Conservatoire de Moscou,
où il étudie avec Goldenweiser, Richter et
Sofronitzki. Lauréat de plusieurs concours
internationaux, dont en 1956 le Concours
Reine Élisabeth de Belgique, il devient en
U.R.S.S. l’un des pianistes les plus réputés
de sa génération, pour sa virtuosité exceptionnelle et la clarté de son jeu. Pendant
vingt ans, sa carrière se déroule presque
uniquement en U.R.S.S. En 1976, son enregistrement du 1er concerto de Tchaïkovski sous la direction de Karajan le fait
connaître hors de son pays et dans toute
l’Europe. De même que Richter, Sofronitzki ou Guilels, il est l’un des très grands
représentants de l’école russe de piano.
Depuis la fin des années 1970, il se produit
dans le monde entier.
BERNAC (Pierre BERTIN, dit Pierre), bary-
ton français (Paris 1899 - Villeneuve-lèsAvignon 1979).
À partir de 1933, il se consacra exclusivement à la mélodie et, accompagné au
piano par Francis Poulenc dont beaucoup
d’oeuvres furent créées par lui, il constitua
avec le compositeur un duo exceptionnel
qui contribua beaucoup à la diffusion de
la mélodie française dans le monde entier.
L’art d’interprète de Bernac fit de lui l’un
des grands noms dans le difficile domaine
de la « parole en musique ». Il fut professeur à l’université Howard de Michigan et
au conservatoire américain de Fontainebleau, avant de poursuivre son activité de
pédagogue à Londres et à Saint-Jean-deLuz, notamment.
BERNAOLA (Carmelo Alonso), compositeur espagnol (Ochandiano, Vizcaya,
1929).
Il a fait ses études au conservatoire de
Madrid et obtenu le prix national de la
musique en 1962 et celui des Jeunesses
musicales en 1967. Il a également travaillé à Rome avec Goffredo Petrassi et,
à Darmstadt, avec Bruno Maderna. Parti
d’une phase néoclassique, illustrée notamment par le Piccolo Concerto pour violon
et orchestre à cordes (1959), il a évolué
ensuite vers l’atonalité, sous le signe à la
fois du sérialisme et de l’improvisation :
en témoignent Superficie no 1 pour double
quatuor d’instruments à cordes et d’instruments à vent (bois), piano et percussion
(1961), Superficie no 2 pour violoncelle
solo (1962, rév. 1965), Superficie no 3 pour
flûte piccolo, saxophone alto, xylophone
et bongos (1963), et Espacios variados pour
grand orchestre (1962, rév. 1969). Heterofonias pour grand orchestre (1965, rév.
1967) est d’une conception plus abstraite,
et influencée par les arts plastiques, alors
que dans Impulsos pour grand orchestre
(1970-1972) on retrouve certaines polarisations harmoniques ou formelles traditionnelles. Clarinettiste, Bernaola a écrit
pour son instrument Oda für Marisa pour
clarinette, cor et orchestre de chambre
(1970), Argia Ezta Ikusten pour clarinette,
vibraphone, piano et percussion (1973),
et Superposiciones variables pour clarinette et 2 magnétophones (1975). On lui
doit encore de nombreuses musiques de
scène - pour les Femmes savantes, Lysistrata, Hedda Glaber, le Roi Lear - et de
nombreuses musiques de film, et il a reçu
à ce titre, de l’Association des composi-
teurs de cinéma, le prix de la meilleure
musique en 1967, 1969 et 1972.
BERNARD (Robert), compositeur et
musicologue suisse (Genève 1900 - Paris
1971).
Après des études musicales à Genève, il se
fixa à Paris en 1926. Pianiste, organiste,
conférencier, professeur à la Schola candownloadModeText.vue.download 99 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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torum, directeur de la Revue musicale,
président ou animateur de nombreuses
associations, Robert Bernard se dévoua
totalement à la cause de la musique. Il est
l’auteur d’une oeuvre de style néoromantique, pour orchestre, pour des formations
de chambre et pour la voix. On lui doit
d’autre part de nombreux ouvrages de
musicologie, notamment une Histoire de
la musique (3 vol., Paris, 1961-1963).
BERNARD (saint), théologien français
appartenant à l’ordre de Cîteaux (château de Fontaine, près de Dijon, v. 1090 Clairvaux, Aube, 1153).
Il n’était pas musicien au sens propre du
mot, mais, par son esthétique de dépouillement et d’austérité, il provoqua dans la
liturgie de l’ordre cistercien une série de
restrictions : mélismes amputés, mélodies
appauvries, ambitus réduit à dix notes au
plus pour respecter la parole du psalmiste
qui évoque son « psaltérion à dix cordes ».
Saint Bernard est également cité comme
l’auteur du Salve Regina, mais l’expression
doit s’entendre au sens littéraire et non
musical.
BERNARD DE VENTADOUR, troubadour occitan (château de Ventadour,
Corrèze, v. 1125 - abbaye de Dalon, Dordogne, v. 1195).
C’est un des rares troubadours d’origine
roturière. Il eut pour maître et protecteur Eble II, seigneur de Ventadour, qui
lui enseigna l’art de « trouver ». Il tomba
amoureux de Marguerite de Turenne, puis
d’Aliénor d’Aquitaine, qui lui accorda
sa protection. Il voyagea beaucoup en
France et suivit sa maîtresse en Angleterre, où il séjourna à la cour d’Henri II.
Il entra au service de Raimond IV, comte
de Toulouse, avant de devenir moine à
l’abbaye de Dalon. De ce très grand poète,
il nous reste 45 textes, dont une vingtaine de chansons notées, presque toutes
des chansons d’amour dans lesquelles la
musique vient renforcer l’extrême beauté
de chaque image. Bernard de Ventadour
disait lui-même que « le chant qui ne vient
pas du fond du coeur n’a pas de valeur ».
La plus célèbre de ses chansons est sans
doute Can vei la lauzeta mover.
BERNARDI (Steffano), compositeur italien (Vérone 1576 ? - ? 1636).
Il fut maître de chapelle à la cathédrale
de Vérone avant d’entrer au service de
l’évêque de Breslau. Il obtint ensuite le
poste de maître de chapelle à Salzbourg,
qu’il garda jusqu’à sa mort. Auteur de
messes et d’oeuvres religieuses diverses,
de madrigaux, de sonates, etc., il doit surtout sa réputation à un Te Deum à 48 voix
réparties en 12 choeurs, qui fut exécuté
pour la consécration de la cathédrale de
Salzbourg en 1628.
BERNERS (sir Gerald Hugh Tyrwitt-Wilson, lord), compositeur anglais (Arley
Park, Shropshire, 1883 - Londres 1950).
Membre du corps diplomatique de 1909
à 1920, il étudia la musique à Dresde et à
Vienne, reçut les conseils de Stravinski, de
Casella et de Vaughan Williams, et se lia
d’amitié dans les années 1920 avec George
Bernard Shaw, H. G. Wells et Osbert Sitwell. Son comportement social bizarre et
son goût de la plaisanterie firent de lui une
sorte de Satie britannique. Ses oeuvres les
plus célèbres sont l’opéra le Carrosse du
Saint-Sacrement, d’après Mérimée (Paris
1924) et le ballet The Triumph of Neptune
(1926).
BERNGER VON HORHEIM,
minnesänger allemand, originaire de
Souabe (fin du XIIe s.).
On retrouve sa trace en Italie. On
connaît de lui six chansons, où se manifeste une forte influence française. L’une
d’entre elles a été identifiée par Friedrich
Gennrich comme une nouvelle version
d’une chanson de Chrétien de Troyes,
D’amours qui a tolu a moi, ce qui attire l’attention sur l’important apport de Chrétien de Troyes au minnesänger.
BERNHARD (Christoph), compositeur
et théoricien allemand (Dantzig 1627 Dresde 1692).
Il étudia à Dantzig avec Paul Siefert, puis
à Dresde avec Heinrich Schütz. En 1649
et 1651, il voyagea en Italie où il rencontra Carissimi. Vice-maître de chapelle
à Dresde (1655-1664), il devint maître
de chapelle à Hambourg (1664), puis à
Dresde (1681-1688). Sa musique vocale
religieuse (concerts spirituels, Missa
« Christ unser Herr zum Jordan kam ») se
situe à mi-chemin de Schütz et de Johann
Sebastian Bach. Bernhard est également
l’auteur d’ouvrages théoriques.
BERNIER (Nicolas), compositeur français
(Mantes-la-Jolie 1664 - Paris 1734).
Après avoir été enfant de choeur à la
collégiale de Mantes, il aurait travaillé à
Rome avec Caldara. En 1692, il enseigna
le clavecin à Paris, puis fut, entre 1694 et
1698, maître de chapelle à la cathédrale
de Chartres. De retour à Paris, il se fit
connaître par un Te Deum, aujourd’hui
perdu, qui fut joué dans plusieurs églises
et à la Cour à Fontainebleau. En 1703,
il publia son premier livre de motets et
succéda, l’année suivante, à Marc-Antoine Charpentier à la Sainte-Chapelle. Il
épousa, en 1712, l’une des filles de Marin
Marais, collabora aux fêtes données à
Sceaux par la duchesse du Maine et obtint,
en 1723, l’un des quatre postes de sousmaître de chapelle à Versailles, vacants
depuis la démission de Delalande.
Outre une oeuvre religieuse comprenant des leçons de ténèbres et des motets,
Nicolas Bernier a laissé de nombreuses
pièces profanes ; airs sérieux et à boire et,
surtout, 8 livres de cantates, genre qu’il fut
l’un des premiers à illustrer, par exemple
avec sa cantate le Café. Ses compositions,
essentiellement vocales, allient avec bonheur les goûts français et italien.
BERNIER (René), compositeur belge
(Saint-Gilles-lès-Bruxelles 1905 Bruxelles 1984).
Il a fait des études au conservatoire de
Bruxelles et avec Paul Gilson. Critique,
professeur aux conservatoires de Liège et
de Mons et à l’Académie de musique de
Bruxelles, puis, après la guerre, inspecteur
de l’Éducation musicale pour la Belgique
francophone, il s’inscrit dans la lignée des
impressionnistes respectueux des formes
classiques, partisans du langage modal
et délicats harmonistes. En dehors d’un
poème symphonique, d’un concerto pour
saxophone et de deux ballets, il a surtout
écrit pour la voix et pour des formations
de chambre.
BERNSTEIN (Leonard), compositeur,
pianiste et chef d’orchestre américain
(Lawrence, Massachusetts, 1918 - New
York 1990).
Il a étudié à l’université Harvard avec Walter Piston, Tillman Merritt et Edward Burlingame Hill jusqu’en 1939, puis au Curtis
Institute de Philadelphie avec Fritz Reiner
et Randall Thomson jusqu’en 1941. Élève
de Koussevitski à Tanglewood, à partir de
1940, il y est devenu son assistant (1942),
avant d’être celui d’Arthur Rodzinski
à New York (1943). C’est là qu’ayant eu
l’occasion de remplacer Bruno Walter
au pied levé, il a commencé sa carrière
de chef d’orchestre. Il a fait des tournées
en Europe et a été le premier Américain
d’origine à diriger l’orchestre de la Scala
de Milan (Médée de Cherubini avec Maria
Callas, 1953). Aux États-Unis, il a animé, à
partir de 1954, des émissions de télévision.
Après l’énorme succès de sa comédie musicale West Side Story (1957), succès prolongé par un film, il est nommé directeur
musical de l’Orchestre philharmonique de
New York (1958). Il a abandonné ce poste
(1968) pour se consacrer à la composition,
à ses émissions de télévision, à ses cours à
l’université Harvard et à diverses charges
officielles, mais a poursuivi jusqu’à sa
mort sa carrière de chef sur le plan international.
Pianiste de talent, chef d’orchestre fougueux, animateur et organisateur, compositeur populaire, Bernstein fut l’un des
personnages les plus en vue de la musique
américaine et même mondiale. Dans son
oeuvre, qui vise souvent au spectaculaire
et hésite devant les véritables audaces, se
sont succédé, ou parfois mélangées pêledownloadModeText.vue.download 100 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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mêle, les influences de Stravinski, de Copland, de Hindemith, de Mahler, du jazz,
du folklore, de l’opéra italien, de la pop
music. Dans un langage universel et accessible, il parvient à traiter certains grands
thèmes, celui de la foi perdue et reconquise, celui de la condition humaine. Il a
rêvé de nouvelles formes de théâtre musical, mais ses tentatives, quoique convaincantes, demeurent un peu artificielles.
Bernstein a composé notamment 3
symphonies (Jeremiah 1942, The Age of
Anxiety 1948-49, Kaddish 1957) ; des ballets (Fancy Free 1944, Facsimile 1946) ;
des musiques de scène et des musiques de
film, dont celle pour On the Waterfront
(Sur les quais, 1954) ; des oeuvres pour
piano et des mélodies ; pour le théâtre, les
comédies musicales On the Town (1944),
Wonderful Town (1953), West Side Story
(1957), l’opéra Trouble in Tahiti (1952),
l’opérette Candide (1956), Chichester
Psalms (1965) ; Mass, oratorio scénique
pour chanteurs, danseurs, comédiens
(1971) ; Songfest (1977) ; Slava, ouverture
politique (1977) ; Meditation from Mass
pour violoncelle et orchestre (1977) ; Divertimento pour orchestre (1980) ; A Musical Toast, à la mémoire d’André Kostelanetz (1980) ; Halil pour flûte, cordes et
percussion (1981) ; l’opéra A Quiet Place
(1982), créé à Houston en 1983 (version
révisée comprenant Trouble in Tahiti,
Milan 1984).
BÉROFF (Michel), pianiste français (Épinal 1950).
Prix d’excellence au conservatoire de
Nancy en 1963, il est entré la même année
au Conservatoire de Paris, dans la classe
de Pierre Sancan. En 1966, il a obtenu
un premier prix et a donné son premier
concert avec orchestre. En 1967, il a donné
son premier récital à Paris et remporté à
Royan le premier prix du concours Olivier
Messiaen. Il a alors commencé une carrière internationale. Son répertoire va de
Bach à la musique contemporaine, mais
ses interprétations de Debussy, Prokofiev
et Messiaen sont particulièrement renommées.
BERRY (Walter), baryton-basse autrichien (Vienne 1929).
Il fait ses études à l’Académie de Vienne
et débute à l’Opéra de Vienne en 1950. Il
rencontre son premier succès dans le rôle
du Comte des Noces de Figaro, ce qui lui
vaut plusieurs engagements à Salzbourg
dès 1952. Il épouse la mezzo-soprano
Christa Ludwig, qui est aussi sa partenaire sur scène, principalement de 1957
à 1971. Sous la direction de Klemperer,
Karajan ou Böhm, il fait partie des distributions qui ont suscité un certain âge
d’or de l’art lyrique autrichien d’aprèsguerre. Doué d’une présence chaleureuse,
il excelle aussi bien dans des rôles mozartiens comme Papageno, qu’en incarnant
Wozzeck ou les personnages de Wagner,
Richard Strauss et Bartok. Il crée plusieurs
oeuvres contemporaines, notamment de
Liebermann, Von Einem et Egk. Depuis
1990, il enseigne le lied et l’oratorio à la
Hochschule für Musik de Vienne.
BERTHEAUME (Julien ou Isidore), violoniste et compositeur français (Paris v.
1751 - Saint-Pétersbourg 1802).
Il étudia avec Giardini et fit ses débuts à
Paris au Concert spirituel, en 1761, avec
une sonate de son maître. Il se produisit
ensuite régulièrement au Concert spirituel, dont il fut directeur de l’orchestre à
partir de 1783, y faisant entendre notamment les concertos de Gaviniès. En 1767, il
entra à l’orchestre de l’Académie royale de
musique. Grâce à un privilège obtenu en
1769, il commença à publier ses oeuvres.
Parmi celles-ci, destinées essentiellement
à son instrument (sonates, concertos,
symphonies concertantes...), citons tout
particulièrement sa Sonate dans le style
de Lully pour violon, qui utilise la scordatura de la 4e corde, permettant ainsi des
contrastes entre les registres.
BERTON (les), famille de musiciens français.
Pierre-Montan, compositeur et chef
d’orchestre (Maubert-Fontaine, Ardenne, 1727 - Paris 1780). Après des
études musicales à Senlis, il se rendit à
Paris, où il fut engagé comme chanteur
à Notre-Dame et à l’Opéra. À partir
de 1755, il connut dans ce théâtre, au
Concert spirituel et à la Cour, une carrière brillante de chef d’orchestre, qui lui
donna l’occasion d’arranger des oeuvres
lyriques, lors de leurs reprises. Il composa également pour la scène : Deucalion
et Pyrrha (1755), Érosine (1766) et, en
collaboration avec Trial, Grenier et La
Borde, Sylvie (1765), Théonis et le Toucher (1767) et Adèle de Ponthieu (1772).
Sa réputation était telle, qu’il participa,
dès 1765 et jusqu’en 1778, à la direction
de l’Opéra.
Henri-Montan, compositeur, fils du précédent (Paris 1767 - id. 1844). Formé par
son père et par Sacchini, il débuta comme
violoniste dans l’orchestre de l’Opéra et
assista, en 1786, à l’exécution de son premier oratorio au Concert spirituel. L’année suivante, ses opéras-comiques les Promesses de mariage et l’Amant à l’épreuve
furent représentés. Attiré par la scène lyrique, il composa une cinquantaine d’ouvrages, dont certains s’inscrivirent dans la
tradition de l’opéra-comique, tandis que
d’autres annonçaient l’opéra historique
de Meyerbeer. Ses drames, les Rigueurs
du cloître (1790), Montano et Stéphanie
(1799) et le Délire (1799), d’une écriture
sensible et originale, ouvrent la voie au
romantisme, et leur succès valut au compositeur le poste de chef d’orchestre à
l’Opéra-Comique entre 1807 et 1815.
BERTONI (Ferdinando), compositeur
italien (Salo, lac de Garde, 1725 - Desenzano, lac de Garde, 1813).
Élève du padre Martini, auteur d’un Orfeo
sur le livret déjà mis en musique par Gluck
(1776), il visita Londres à deux reprises
(1778-1780 et 1781-1783) et s’y spécialisa dans la confection de pastiches pour
le King’s Theatre. En 1785, il succéda à
Galuppi au poste de maître de chapelle de
Saint-Marc de Venise.
BERTRAND (Antoine de), compositeur
français (Fontanges, Auvergne, v. 1530 Toulouse 1581).
À Toulouse, il se lia d’amitié avec le dramaturge Robert Garnier et appartint au
cercle humaniste gravitant autour du
cardinal Georges d’Armagnac, un milieu
constitué de magistrats et de nobles. Vers
1570, il reçut la protection de Charles
de Bourbon, mais, malgré la défense de
cette puissante famille, son catholicisme
militant lui valut d’être assassiné par les
huguenots en 1581. Son oeuvre maîtresse
reste les Amours de Ronsard (Premier
Livre, 1576 ; Second Livre, 1578 ; Tiers
Livre, qui ne comporte que trois pièces de
Ronsard, 1578). Avec celle de Claude Le
Jeune (Chansons de Ronsard), la réussite
d’Antoine de Bertrand illumine la tentative d’union de la poésie et de la musique,
inaugurée par le supplément musical à
l’édition des Amours de Ronsard en 1552.
Remarquable polyphoniste, Bertrand
se réfère parfois à Lassus ou même à
Josquin Des Prés par des voix groupées
en duos, par des imitations (Ce ris plus
doux ; le Coeur loyal) ; il tente les audaces
harmoniques les plus grandes : quarts de
ton (Je suis tellement amoureux), chromatismes chers aux madrigalistes italiens,
mais adaptés pour ne pas choquer l’oreille
française, modulations surprenantes (Ces
deux yeux bruns ; Nature ornant la dame) ;
comme Le Jeune, il hésite souvent entre
le climat modal et tonal. Mais toute son
inspiration est mise au service des vers de
Ronsard. Il a pris la peine de préciser en
préface que la musique ne doit pas « être
enclose dans la subtilité des démonstrations mathémathiques », mais au contraire
« recevoir le jugement du vulgaire » et
« contenter l’oreille ».
BERTRAN DE BORN, troubadour périgourdin (château de Hautefort, Dordogne, v. 1140 - abbaye de Dalon, Dordogne, v. 1215).
Seigneur de Hautefort, qualifié de « semeur de discorde » par Dante dans son
Enfer, Bertran de Born se mêla souvent
aux affaires politiques. Il fut l’ami, puis
l’ennemi, de Richard Coeur de Lion. Son
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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oeuvre comprend une quarantaine de
pièces, surtout des sirventès (d’inspiration politique et satirique), mais aussi des
planh (plaintes) et des chansons d’amour.
Une seule de ces pièces est notée ; il s’agit
de Rassa, tan creis e mont’ e poja (Paris, B.
N.).
Bertran de Born connut vraisemblablement le troubadour Bernard de Ventadour à l’abbaye cistercienne de Dalon.
Son fils, Bertran, mourut à la bataille de
Bouvines (1214) ; on a conservé de lui
deux sirventès.
BERWALD (Franz Adolf), compositeur
suédois (Stockholm 1796 - id. 1868).
Il apprit le violon avec son père, d’origine allemande, qui était violoniste de
l’orchestre de la cour. Mais son éducation
musicale fut par ailleurs assez négligée et il
ne reçut aucune instruction pour la composition et l’harmonie. Il commença cependant très tôt à donner des concerts et à
composer et, en 1812, il devint violoniste
de la chapelle royale. Il conserva cette
fonction jusqu’à son départ pour Berlin
(1829). Dans cette ville, il se lia d’amitié
avec Mendelssohn et Zelter. En 1841, il
se rendit à Vienne, où plusieurs de ses
compositions furent données avec succès.
Il y composa un opéra, Estrella de Soria,
créé plus tard à Stockholm en 1862. Après
d’autres voyages au cours desquels il visita
Paris, Salzbourg, Vienne, Berwald rentra
définitivement en Suède (1849). Quelques
années plus tard, il devint membre de
l’Académie royale de musique (1864) et
professeur de composition au conservatoire de Stockholm (1867).
L’oeuvre de Berwald, quoique peu
abondante et peu estimée en Suède de son
vivant, est d’une originalité certaine. Né
un an avant Schubert, mort un an avant
Berlioz, le compositeur rappelle tantôt ce
dernier, tantôt Schumann, avec une écriture d’un grand pouvoir évocateur, mais
aussi avec une concision, voire un côté
abrupt qui lui sont très particuliers. Il s’y
mêle enfin un certain classicisme et des
traits sinon nationaux, du moins scandinaves. Berwald a écrit une symphonie de
jeunesse détruite et quatre de maturité
(dont une Symphonie sérieuse, une Symphonie capricieuse et une Symphonie singulière, etc.), 5 poèmes symphoniques (Jeu
d’elfes, Souvenir des Alpes norvégiennes,
etc.) tous composés en 1841 et 1842,
avant ceux de Liszt, des ouvertures, de la
musique de chambre (trios avec piano,
quatuors à cordes, quintettes), quelques
concertos (piano, violon) et deux opéras :
Estrella de Soria (1841) et la Reine de Golconde, représenté seulement en 1968 pour
le centenaire de sa mort.
BÉSARD (Jean-Baptiste), luthiste et
compositeur français (Besançon v. 1567 Augsbourg v. 1625).
Il est surtout connu pour avoir publié
une des premières grandes anthologies de
musique pour luth, le Thesaurus harrnonicus (1603), qui comprend plus de quatre
cents pièces, empruntées aussi bien aux
musiciens les plus célèbres du temps qu’à
certains qui ne figurent dans aucun autre
recueil et seraient restés inconnus sans celui-ci. Docteur en droit, très érudit, grand
voyageur, Bésard contribua dans une large
mesure, par son inlassable curiosité et sa
vaste culture, au développement du luth
en France. On lui doit d’autre part, outre
plusieurs compositions pour luth seul ou
concertant, un important ouvrage pédagogique, Isagoge in artem testudinariam
(Augsbourg, 1617).
BESSEL (Vassili Vassiliévitch), éditeur
russe (Saint-Pétersbourg 1843 - Zurich
1907).
En 1869, il créa à Saint-Pétersbourg sa
maison d’édition et fut aussi le rédacteur
des revues Mouzykalny listok (« le Feuillet musical ») et Mouzykalnoié obozrenié
(« l’Observation musicale »). Il publia et
contribua à faire connaître les oeuvres de
Dargomyjski, de Tchaïkovski et, surtout,
des compositeurs du groupe des Cinq.
C’est lui qui publia, en 1874, la partition
pour piano et chant de Boris Godounov.
BESSELER (Heinrich), musicologue allemand (Dortmund-Hörde 1900 - Leipzig
1969).
Il fit des études de musicologie à Fribourg
avec Willibald Gurlitt, puis à Vienne avec
Guido Adler, Wilhelm Fischer et Hans
Gal, et à Göttingen avec Friedrich Ludwig. Il fut nommé professeur successivement à Heidelberg (1928), Iéna (1949)
et à l’université de Leipzig (1956). Il est
l’auteur de très nombreux livres et articles d’une extrême importance sur la
musique du Moyen Âge et sur Johann
Sebastian Bach. Il a, d’autre part, édité
une grande quantité d’oeuvres musicales,
et a contribué à la publication des oeuvres
complètes de Guillaume Dufay.
BEUCHET-DEBIERRE.
Maison spécialisée dans la facture d’orgues depuis 1862 et établie à Nantes.
Son activité s’est étendue à l’ouest de
la France et à la région parisienne, avec
les orgues de Saint-Louis-des-Invalides
(Paris) et de la cathédrale d’Angoulême.
BEYDTS (Louis), compositeur français
(Bordeaux 1895 - Caudéran, Gironde,
1953).
Il étudia la composition et la direction
d’orchestre à Bordeaux. Venu à Paris en
1924, il travailla avec Messager et se fit
connaître par ses mélodies. Il s’imposa
en 1931 avec l’opérette Moineau. Dans
celle-ci, dans ses quatre autres opérettes
ou comédies musicales, ses musiques de
scène et de film (la Kermesse héroïque) et
ses nombreuses mélodies, il a maintenu
la tradition de Messager et de Reynaldo
Hahn, celle d’une musique claire et mélodique, soutenue par une subtile orchestration.
BIALAS (Günther), compositeur et pédagogue allemand (Bielschowitz, HauteSilésie, 1907 - Glonn, près de Munich,
1995).
Il a étudié la musicologie à Breslau et la
composition à Berlin. Bialas a enseigné
à Breslau, Weimar et Detmold, puis a
été nommé professeur à l’Académie de
musique de Munich, en 1959. Son écriture s’est caractérisée par une conception
élargie de la tonalité, puis par l’utilisation des modes et de la technique sérielle.
Son oeuvre comprend de la musique
d’orchestre, de la musique de chambre
(quatuors à cordes, sonates, Partita pour
10 instruments à vent), des oeuvres pour
piano, 7 Méditations pour orgue, des
oeuvres vocales (choeurs, cantates, lieder),
ainsi que de la musique théâtrale : Jorinde
und Joringel, conte musical (1963) ; Hero
und Leander, opéra (1966) ; Der Weg nach
Eisenstadt (1980) ; Musik für Klavier und
Orchester (1990).
BIBA (Otto), musicologue autrichien
(Vienne 1946).
Il dirige depuis 1979 (après y avoir travaillé à partir de 1973) les archives, la
bibliothèque et les collections de la Gesellschaft der Musikfreunde (« Société des
amis de la musique ») à Vienne, et enseigne à l’École supérieure de musique et
des arts figuratifs de cette ville. Il a réalisé
de nombreuses expositions en Autriche et
à l’étranger. Ses publications concernent
surtout la musique autrichienne du XVIIe
au XXe siècle : Die Wiener Kirchenmusik
um 1783 (1971), Concert Life in Beethoven’s
Vienna (1977), Beethoven und die « Liebhaber Concerte » in Wien im Winter 18071808 (1978), ou encore « Eben komme ich
von Haydn... » Georg August Griesingers
Korrespondenz mit Joseph Haydns Verleger
Breitkopf Härtel 1799-1819 (1987).
BIBALO (Antonio), compositeur nor-
végien d’origine italienne et slovaque
(Trieste, Italie, 1922).
Il a fait, au conservatoire de Trieste, des
études de piano et de composition. Antimilitariste, il a été emprisonné pendant la
guerre, puis a mené une existence errante
et a exercé divers métiers. Mais il a repris
l’étude de la composition, en particulier
en Angleterre avec Elisabeth Lutyens,
et a remporté des prix de composition
à Varsovie, à Bloomington (États-Unis)
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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et à Rome. Son opéra le Sourire au pied
de l’échelle, d’après Henry Miller (créé à
Hambourg en 1965), lui a valu une certaine renommée.
BIBER ou VON BIBERN (Heinrich Ignaz
Franz), violoniste et compositeur autrichien (Wartenberg, Bohême, 1644 - Salzbourg 1704).
Il est possible que Biber ait étudié avec
le célèbre violoniste viennois Johann
Schmelzer avant de devenir musicien à
la cour d’Olmütz et de Kremsier. Puis il
entra au service du prince-archevêque de
Salzbourg et, à partir de 1677, dirigea le
choeur d’enfants de la cathédrale de cette
ville. Il fut nommé vice-maître de chapelle en 1679. Événement rare pour un
musicien à l’époque, l’empereur Léopold
Ier l’anoblit en 1690. Biber effectua divers
voyages dans les cours d’Europe, notamment à celle de Munich.
Avec Schmelzer, Biber fut le premier
compositeur d’Europe centrale à écrire
des oeuvres pour violon d’une réelle valeur
artistique. Ses sonates révèlent à la fois
des influences italiennes et allemandes,
alliées parfois à un style d’improvisation
qui lui est particulier. Il fit progresser la
technique du violon, notamment dans
l’utilisation des doubles cordes (héritage
de la tradition polyphonique allemande)
et dans l’emploi des positions élevées. Il
était lui-même un véritable virtuose. Dans
ses 16 sonates Sur les mystères du Rosaire
(v. 1674), il utilise quatorze scordature
différentes - en relation avec la tonalité
de chaque pièce - qui permettent toutes
sortes d’effets et de sonorités et facilitent le
jeu des octaves, des dixièmes et même des
onzièmes et douzièmes. C’est un exemple
sans précédent dans l’histoire de la scordatura. Ses 8 sonates pour violon et basse
continue (1681) révèlent sa connaissance
des styles français (danses ornées), italien
(technique de la variation) et allemand. Sa
Passacaille pour violon seul sur une basse
contrainte est une oeuvre exceptionnelle.
On conserve un seul opéra de Biber, Chi
la dura la vince (1687), qui témoigne d’une
pensée originale, mais dont l’écriture
vocale se fonde sur le bel canto italien. Sa
musique religieuse est dominée par une
messe concertante (Missa S. Henrici), mais
il a également composé deux Requiem, des
Vesperae longiores ac breviores pour 4 voix
et instruments, des offertoires à 4 et un
Stabat Mater. Il est sans doute l’auteur de
la Missa saliburgensis à 53 voix jadis attribuée à drazio Benevoli.
BICINIUM.
Composition généralement vocale, à deux
voix, connue de la Rome antique et qui
s’est perpétuée jusqu’au XVIIe siècle.
Les bicinia les plus célèbres datent du
XVIe siècle (G. Rhau, Bicinia Gallica, Latina, Germanica, 1545 ; bicinia de Phalèse,
parus à Anvers, 1590). Josquin Des Prés,
R. de Lassus, Gastoldi, Th. Morley, etc.,
ont illustré cette forme dont la technique
se retrouve au XVIIe siècle dans la musique
d’orgue de l’école allemande.
BIGOPHONE.
Instrument populaire dérivé du mirliton,
qui ne produit aucun son par lui-même.
C’est la voix de l’exécutant qui fait vibrer une membrane solidaire du corps de
l’instrument, lequel existe dans tous les
formats et sous les formes les plus fantaisistes, imitant parfois celles des instruments classiques. L’effet amplificateur
s’accompagne d’un nasillement caractéristique dont Offenbach, entre autres,
a exploité les ressources comiques. Les
bigophonistes restent nombreux dans certains pays, telle l’Espagne, où ils forment
de véritables orchestres symphoniques.
BIGOT (Eugène), chef d’orchestre français (Rennes 1888 - Paris 1965).
Élève de Xavier Leroux, André Gédalge
et Paul Vidal au C.N.S.M. de Paris, il
fut nommé dès 1913 chef des choeurs au
Théâtre des Champs-Élysées. De 1920 à
1923, il parcourut l’Europe avec les Ballets
suédois, et en 1923 devint chef adjoint de
la Société des concerts du Conservatoire. Il
mena jusqu’à sa mort une très importante
carrière dans les domaines symphonique
et lyrique, en particulier à la radio, tout
en dirigeant de 1935 à 1950 les Concerts
Lamoureux et en assurant de 1936 à 1947
les fonctions de premier chef à l’OpéraComique. De 1957 à 1964, il présida le
concours international des jeunes chefs
d’orchestre de Besançon.
BIGOT (Marie), pianiste française (Colmar 1786 Paris 1820).
Elle reçoit ses premiers cours de sa mère,
avec laquelle elle vit en Suisse, à Neuchâtel. À Vienne, elle épouse Paul Bigot, bibliothécaire du comte Razoumovski, et ne
tarde pas à être admirée de Salieri, Haydn
et surtout Beethoven. Ce dernier lui offre,
en 1806, le manuscrit de l’Appassionata
et entretiendra, avec elle et son mari, une
correspondance témoignant d’une réelle
amitié. En 1809, elle s’installe à Paris,
où elle rencontre Cherubini et enseigne
à partir de 1812. Elle compta parmi ses
élèves Félix Mendelssohn. On lui doit également quelques pièces pour piano.
BIHARI (János), compositeur et violoniste hongrois d’origine tzigane (Nagyabony 1764 - Pest 1827).
Musicien errant, il fut le plus éminent
représentant de la musique verbunkos à
son apogée. Il fonda à Pest un orchestre
de cinq musiciens, dont le répertoire
était surtout fondé sur l’improvisation.
Il connut son heure de gloire en 1820,
lorsqu’il joua devant l’empereur François
Ier. Victime d’un accident au bras en 1824,
il perdit sa virtuosité et mourut dans la
misère. Admiré par Beethoven et Liszt, il
ne put, faute de connaissances musicales,
noter lui-même les quelque 80 compositions qui lui sont attribuées ; elles furent
transcrites par ses contemporains, comme
Czerny. Bihari passe pour être l’auteur de
la célèbre Marche de Rákóczi que Berlioz et
Liszt, notamment, ont reprise, le premier
dans la Damnation de Faust, le second
dans une Rhapsodie hongroise.
BILLAUDOT.
Maison d’édition française fondée en 1896
par
Louis Billaudot (1871-1936), qui la dirigea jusqu’à sa mort. Ses deux fils, Robert
(1910-1981) et Gérard (1911-1986), y
entrèrent en 1927 et en 1928 respectivement et la dirigèrent à partir de 1936, le
premier jusqu’en 1957, le second jusqu’en
1979. Depuis cette dernière date, la maison est dirigée par François Derveaux (né
en 1940), gendre de Gérard Billaudot. Elle
a notamment acquis les éditions Costallat (sauf Berlioz) en 1958 et les Éditions
françaises de musique en 1988, et s’est
particulièrement consacrée depuis 1959
aux ouvrages d’enseignement (théorique
et instrumental) et aux oeuvres instrumentales et d’orchestre. Elle participe depuis
1993 au projet éditorial Jean-Philippe Rameau, Opera Omnia (achèvement prévu
en 2014, pour le 250e anniversaire de la
mort du compositeur). Parmi les compositeurs représentés aux catalogues : Alkan,
Tchaïkovski, Bizet, Chabrier, Koechlin, Le
Flem, Ibert, Rivier, Sauguet, Arma, Baudrier, Martinon.
BILLINGTON (Elizabeth), soprano anglaise (Londres 1765 - environs de Venise 1818).
Née Weichsell, élève de J. C. Bach, puis
du contrebassiste James Billington, qu’elle
épousa en 1783, elle débuta la même
année à Dublin dans l’Opéra des gueux de
Pepusch. Haydn, qui l’entendit à Londres
en 1791-92, vit en elle « un grand génie ».
En 1794, deux ans après la parution de la
brochure à scandale Memoirs of Mrs. Billington, elle partit pour l’Italie. Elle revint
à Londres en 1801. Elle avait une voix très
étendue (trois octaves) et d’une virtuosité
exceptionnelle, mais on lui reprochait
parfois sa froideur. Le peintre Reynolds la
représenta sous les traits de sainte Cécile.
BINAIRE.
1. Une mesure est dite binaire si la division
des temps se fait par deux (ou puissances
de deux), par exemple lorsque la noire, si
elle est unité de temps, se divise en deux
croches ou quatre doubles croches ou huit
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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triples croches. La mesure à trois temps
(ex. 3/4) est donc une mesure binaire.
2. La forme binaire est celle d’un morceau
de musique en deux parties, souvent avec
reprises ; en général, la première partie
module vers la dominante et la seconde
amène le retour de la dominante à la tonique. Cette forme se trouve notamment
dans la suite classique au XVIIe siècle (allemande-courante-sarabande-gigue).
BINCHOIS, DE BINS ou DE BINCHE
(Gilles), compositeur franco-flamand
(Mons v. 1400-probablement Soignies,
près de Mons, 1460).
Une célèbre miniature du Champion des
dames de Martin Le Franc représente d’un
côté Dufay vêtu d’une robe bleue d’allure
cléricale, près d’un orgue portatif, et de
l’autre Binchois en tunique rouge, portant une harpe. Fils de Jean de Binche,
bourgeois de Mons, Binchois fut ordonné
prêtre. Fut-il soldat auparavant, comme
l’indique le texte de la Déploration sur la
mort de Binchois (« Et sa jeunesse fut soudart »), mis en musique par Ockeghem ?
En tout cas, on ignore les circonstances de
sa formation musicale. Binchois est mentionné pour la première fois en 1424. Il fut,
à Paris, au service de William de la Pole,
comte, puis duc de Suffolk et musicien
lui-même. Il suivit son maître en Hainaut
et, peut-être, en Angleterre. Mais c’est au
service du duc de Bourgogne, Philippe le
Bon, qu’il fit l’essentiel de sa carrière. Il
eut le grade de chapelain et reçut des prébendes non négligeables attachées à son
titre de chanoine de Mons et de Soignies.
Bien que sa musique religieuse soit souvent mentionnée dans les archives, ce qui
nous en est parvenu est beaucoup moins
abondant que sa musique profane. Fortement influencées par le style des chansons, ces compositions religieuses sont
généralement à 3 voix. On a conservé des
motets, des hymnes, des magnificats et des
fragments de messes. Dans ces derniers,
la technique du cantus firmus n’apparaît
pas et, si Binchois puise parfois sa matière
mélodique dans les chants grégoriens en
les paraphrasant, l’esprit de ces fragments
reste proche de celui des chansons. Les
compositions psalmodiques ou hymniques demeurent extrêmement simples
et contrastent avec la variété d’écriture
que l’on rencontre dans les motets : isorythmie dans Nove cantum melodie, paraphrase dans Ave Regina coelorum.
Binchois excella dans la musique profane. Plusieurs copies de certaines de ses
chansons existent dans différents manuscrits, témoignant de la popularité qu’elles
connurent. Les 55 chansons authentifiées,
presque toutes à 3 voix et empruntant
les structures poétiques à forme fixe du
Moyen Âge, comprennent 47 rondeaux,
7 ballades et une chanson de forme libre
(Filles à marier, exceptionnellement à 4
voix). Les poètes y chantent l’amour courtois ; la majeure partie d’entre eux reste
inconnue, bien qu’on puisse citer Christine de Pisan (Dueil angoisseux, ballade),
Alain Chartier (Triste Plaisir, rondeau) ou
Charles d’Orléans (Mon cuer chante joyeusement, rondeau). Les chansons de Binchois ont une beauté mélodique certaine
et leur sonorité est rendue plus chaleureuse par la présence de tierces et de sixtes
(emploi du faux-bourdon et influence anglaise). La mélancolie, qui en est souvent
le caractère dominant, rend surprenante
l’appellation de « père de joyeuseté » donnée à Binchois par Ockeghem.
Sans avoir la même liberté, le même
esprit d’invention que son contemporain
Guillaume Dufay, Binchois fut l’admirable serviteur d’un art de cour raffiné.
BINET (Jean), compositeur suisse (Genève 1893 - Trelex, Vaud, 1960).
Après des études à Genève, notamment
avec Jaques-Dalcroze et Otto Barblan, et
aux États-Unis avec Ernest Bloch de 1919
à 1923, il vécut à Bruxelles jusqu’en 1929,
puis en Suisse. Il a laissé des oeuvres vocales (psaumes, odes, cantates), des pièces
pour orchestre, des musiques de ballet, de
radio, de film d’une écriture élégante et
traditionnelle.
BIONDI (Fabio), violoniste italien (Palerme 1961).
Il donne son premier concert à douze ans
avec l’orchestre de la radio-télévision italienne. Ouvert à tous les styles, il se tourne
cependant assez vite vers l’interprétation
des répertoires des XVIIe et XVIIIe siècles,
en particulier italien. En 1981, il fonde
le Quatuor Stendhal, qui joue sur ins-
truments anciens, mais consacre aussi
une part importante de son activité à la
création contemporaine. En 1990, Biondi
crée l’ensemble Europa Galante, dont il
est le premier violon et le chef, formation
remarquable par ses interprétations novatrices des concertos baroques italiens.
Sa version des Quatre Saisons de Vivaldi
est unanimement saluée par la critique.
Biondi interprète aussi le répertoire romantique, enregistrant par exemple les
sonates pour violon et clavier de Schubert
et de Schumann, accompagnées au pianoforte.
BIRET (Idil), pianiste turque (Ankara
1941).
Élevée dans une famille imprégnée de
musique, elle rêve longtemps de devenir philosophe ou médecin. Les liens
qui unissent la vie musicale turque et la
France expliquent qu’une bourse d’étude
au Conservatoire de Paris lui soit attribuée très tôt. Elle obtient trois premiers
prix : de piano, d’accompagnement chez
Nadia Boulanger et, en 1954, de musique
de chambre avec Jacques Février. En 1953,
à douze ans, elle interprète le Concerto
pour deux pianos de Mozart avec Wilhelm
Kempff. De 1959 à 1961, elle étudie avec
Alfred Cortot. Au cours de sa carrière
internationale, elle joue notamment avec
Pierre Monteux, Hermann Scherchen, et
Yehudi Menuhin en 1973. D’une culture
encyclopédique, elle étend son répertoire
de Bach à la musique contemporaine, en
privilégiant les oeuvres monumentales et
contrapuntiques. Elle enregistre des intégrales de Brahms, Chopin, Liszt et Rachmaninov, et se spécialise aussi dans les
transcriptions des symphonies de Beethoven par Liszt. Elle réalise elle-même des
transcriptions des symphonies de Brahms.
BIRTWISTLE (Harrison), compositeur
anglais (Accrington, Lancashire, 1934).
Il a d’abord étudié la clarinette. Reçu boursier au Royal Manchester College of Music
(1952), il y a travaillé la composition avec
Richard Hall avant d’entrer à la Royal
Academy of Music de Londres. Il a fait
partie du New Manchester Music Group.
De 1962 à 1965, il a enseigné la musique
dans un collège près de Salisbury. Une
bourse de la fondation Markness lui a permis ensuite de passer deux ans aux ÉtatsUnis (1966-1968). Il a été professeur dans
ce pays, d’abord à Swarthmore College en
Pennsylvanie (1973-74), puis à l’université
de New York à Buffalo (1975-76). Depuis
1975, il est directeur de la musique au
National Theatre de Londres. Birtwistle
possède un don mélodique certain, mais
son style peut atteindre un degré de complexité considérable. Il a composé de la
musique destinée aux écoles (The Mark
of the Goat, Visions of Francesco Petrarca)
et aime écrire pour la voix humaine. Son
opéra en 1 acte Punch and Judy, sur un
livret de Stephen Pruslin (1966-67, créé
à Aldeburgh en 1968), témoigne de son
talent lyrique. Il s’est souvent inspiré
de la musique médiévale. Sa première
oeuvre connue est Refrain and Choruses
pour quintette à vent (1957). On lui
doit : Chorales (1962-63) et The Triumph
of Time (1972) pour orchestre ; Silbury
Air pour petit orchestre (1977) ; pour la
scène, Monodrama (1967), Down by the
Greenwood Side (1969), Orpheus (19741977), une musique de scène pour Hamlet
(1975), le ballet Frames (1977), la pièce de
théâtre musical Bow Down (1977) ; The
Fields of Sorrow pour choeur, 2 sopranos
et ensemble (1977) ; de la musique de
chambre comme Medusa pour ensemble
de chambre (1969-70), 9 mouvements pour
quatuor à cordes (1991-1996) et des pièces
électroniques comme 4 Interludes from
a Tragedy (1970), Chronometer (1971)
et Chanson de geste (1973) ; les opéras
Yan, Tan, Tethera (Londres, 1986) et Sir
Gawain (Londres, 1991).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
98
BIS (lat. : « deux fois »).
1. Mention qui, placée à la fin d’un texte,
d’un refrain par exemple, indique que ce
texte doit être répété.
2. Exclamation par laquelle le public, au
cours d’un concert, réclame la répétition
d’un morceau. Dans la pratique, maintenant, le public réclame le bis le plus
souvent à la fin du concert, et le ou les
morceaux exécutés alors par l’interprète
sont fréquemment des pièces hors programme, et non la répétition de pièces
déjà entendues. Le soliste d’un concerto
joue généralement en bis une pièce pour
son instrument seul. Par extension, le mot
bis désigne aussi des pièces brèves, parti-
culièrement propres à être jouées dans les
circonstances précitées.
BISEAU.
Pièce de bois ou de métal située dans la
flûte, le flageolet, le sifflet.
En la frappant, l’air insufflé provoque
la vibration de la colonne d’air. Ce système existe aussi dans les jeux de flûtes de
l’orgue.
BIWA.
Instrument japonais à cordes pincées, de
la famille du luth.
Originaire du Moyen-Orient comme
le luth européen, mais importée au Japon
dès le VIIIe siècle, la biwa est également
caractérisée par une caisse de résonance
en forme de poire, un manche très court
et un chevillier à angle droit. Montée de
quatre cordes, elle se joue avec un plectre.
BIZET (Georges), compositeur français
(Paris 1838 - Bougival 1875).
Fils d’un professeur de chant, il eut pour
premiers maîtres ses parents, jusqu’à l’âge
de neuf ans. Entré au Conservatoire de
Paris, il y fut l’élève de Marmontel (piano),
Benoist (orgue), Zimmermann (harmonie) et Halévy (composition). Il travailla
également avec Gounod, qui éprouva
pour lui une vive sympathie. Après avoir
obtenu de nombreuses récompenses, il
remporta en 1857 le premier grand prix
de Rome et partit pour la Villa Médicis. Il
avait alors déjà composé un chef-d’oeuvre,
la symphonie en ut (1855, créée en 1935
seulement), et s’était essayé à l’opérette,
notamment en 1857 avec le Docteur Miracle, partition couronnée ex aequo avec
l’oeuvre homonyme de Charles Lecocq, à
l’issue d’un concours organisé par Offenbach, et représentée en alternance avec
celle-ci aux Bouffes-Parisiens.
À Rome, où il resta trois ans, Bizet fit
beaucoup d’excursions, lut énormément
et composa un peu : une opérette, Don
Procopio, une symphonie descriptive avec
choeurs, Vasco de Gama, une ouverture, la
Chasse d’Ossian, une marche funèbre et un
scherzo. Revenu à Paris, il connut une situation matérielle précaire, ce qui l’amena
à entreprendre la transcription pour le
piano de quantité de morceaux célèbres,
voire d’opéras entiers. Il était d’ailleurs
excellent pianiste, et émerveilla Berlioz et
Liszt par la facilité de sa lecture et la sûreté
de son jeu. En 1863, le Théâtre-Lyrique
créa, sans grand succès, les Pêcheurs de
perles, commande de son directeur Léon
Carvalho, qui demanda trois ans plus
tard à Bizet un deuxième ouvrage, la Jolie
Fille de Perth. Entre-temps, Bizet apporta
sa contribution à un ouvrage collectif,
Malborough s’en va-t-en-guerre, fit jouer
sa suite symphonique Roma et acheva un
opéra, Ivan le Terrible ou Ivan IV, qui ne
devait être représenté qu’en 1946. Il se
maria en juin 1869 avec Geneviève Halévy, fille de son ancien maître, au château
de Nühringen (Wurtemberg), et termina
l’opéra Noé, laissé inachevé par ce dernier.
Après la guerre de 1870, Bizet fut
nommé chef des choeurs à l’Opéra, mais
préféra un an plus tard le poste de chef
de chant à l’Opéra-Comique. Ce théâtre
monta Djamileh (1872) et lui commanda
Carmen. C’est en novembre 1872 que
Bizet connut son premier véritable succès
avec l’exécution, aux Concerts Pasdeloup,
de la première suite qu’il tira de sa musique de scène pour la pièce de Daudet
l’Arlésienne, qui avait subi un échec six
semaines auparavant. L’ouverture Patrie
triompha en 1874 et, l’année suivante, ce
fut la consécration, trop tardive et trop
brève, avec la création de Carmen (mars
1875), qui souleva la fureur d’une partie
de la critique, mais suscita de nombreux
témoignages d’admiration, de celui de
Théodore de Banville à celui de SaintSaëns. Trois mois plus tard, le 3 juin, Bizet
mourut subitement.
La popularité de l’Arlésienne, de la
symphonie en ut, de Jeux d’enfants, des
Pêcheurs de perles et surtout de Carmen,
un des opéras les plus joués au monde actuellement, font de Bizet, à juste titre, un
des plus célèbres musiciens français. Les
reproches qui lui furent adressés de son
vivant, par exemple celui de wagnérisme,
nous paraissent aujourd’hui fort singuliers. Une pensée élégante et forte, un
vocabulaire précis, une harmonie savoureuse, un grand pouvoir de suggestion et,
dans Carmen, un souci de profonde vérité,
voire de réalisme, qui ne consent cependant pas à la moindre vulgarité d’écriture,
tels sont les traits essentiels d’un compositeur en qui Nietzsche voyait l’incarnation
d’une musique « méditerranéisée ». Bizet,
qui, en dehors de son voyage à Rome, ne
quitta jamais Paris, évoqua à merveille
l’atmosphère des différents pays où se
déroulent ses ouvrages lyriques (surtout
l’Espagne dans Carmen ou la Provence
dans sa musique de scène pour l’Arlésienne). Il composait ses partitions comme
un peintre ses toiles, créant et dosant
savamment des couleurs personnelles. La
limpidité et le caractère savant de son écriture sont particulièrement frappants dans
des passages à plusieurs voix, comme le
quintette de l’acte II de Carmen.
BJÖRLING (Jussi), ténor suédois (Stora
Tuna, près de Falun, 1911 - environs de
Stockholm 1960).
Dès l’âge de six ans, il appartint à un quatuor vocal masculin que formaient avec
lui son père et ses deux frères. Il débuta en
1930 à l’opéra de Stockholm dans le rôle
de Don Ottavio de Don Juan de Mozart.
Il remporta des succès à l’étranger à partir de 1937 (Vienne, Londres). Ayant fait
ses débuts au Metropolitan de New York
en 1938 (Rodolphe dans la Bohème de
Puccini), il demeura attaché à ce théâtre
jusqu’en 1941 et de 1946 à sa mort. Son
répertoire était essentiellement fondé sur
les oeuvres de Puccini, Verdi, Bizet (Carmen), Gounod (Faust et Roméo et Juliette)
et Massenet (Manon). Ses interprétations
de Faust et Roméo, de Manrico dans le
Trouvère de Verdi, de Riccardo dans Un
bal masqué de Verdi, de Rodolphe dans
la Bohème demeurent particulièrement
célèbres. La voix de Björling était d’une
beauté exceptionnelle, avec une émission
et un style parfaits. Ses interprétations
étaient empreintes d’un lyrisme poétique.
Il eut aussi une activité de concertiste.
BLACHER (Boris), compositeur allemand
(Nou-tchouang, Chine, 1903 - Berlin
1975).
Il suivit sa famille à Reval (actuellement
Tallin, Estonie), à Irkoutsk (Sibérie) et à
Charbin (Mandchourie), puis, en 1922, se
fixa à Berlin. Il y étudia l’architecture et les
mathématiques à la Technische Hochschule, puis, à partir de 1924, la composition avec Friedrich Ernst Koch à la Musikhochschule et la musicologie avec A.
Schering, F. Blume et E. M. von Hornbostel à l’université. Il enseigna, en 1938-39,
la composition au conservatoire de Dresde
et, à partir de 1948, à la Musikhochschule
de Berlin-Ouest, dont il fut directeur de
1953 à 1970. Il a eu notamment pour
élèves Gottfried von Einem, Giselher
Klebe, Heimo Erbse et Isang Yun. Blacher
est l’une des figures les plus importantes
de la musique allemande contemporaine.
Son langage est parfois polytonal, parfois
dodécaphonique comme dans le ballet
Lysistrata (1950) et l’opéra Rosamunde
Floris (1960). L’élément prédominant
est le rythme. Ses oeuvres sont généralement construites à partir de courts motifs
rythmiques, associés parfois à certaines
combinaisons de timbres qui reviennent
de manière organisée tout au long de
l’ouvrage (Concertante Musik, 1937). Les
« mètres variables », système rythmique
fondé sur des séries mathématiques préétablies et consistant en changements sysdownloadModeText.vue.download 105 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
99
tématiques de mesure, sont utilisés pour
la première fois dans les Ornamente pour
piano (1950) qui portent le sous-titre Sieben Studien über variable Metren (7 Études
sur les mètres variables) ; ils sont en accord
avec la théorie de Joseph Schillinger qui
tente de rationaliser la relation entre mathématiques et musique. L’influence du
jazz apparaît notamment dans Jazzkoloraturen (1929), Concertante Musik (1937), 2
Poems for Jazz Quartet pour vibraphone,
contrebasse, percussion et piano (1957)
et Rosamunde Floris (1960). À partir de
1962, Blacher s’intéresse également aux
techniques électroniques (Multiple Raumperspektiven et Elektronische Studie, 1962 ;
Elektronische Impulse, 1965 ; Musik für
Osaka, 1969, etc.). Il a constamment recherché la clarté, l’objectivité, l’économie
des moyens, et son refus de l’expression,
qui se traduit par une certaine sécheresse,
évoque parfois Satie ou Stravinski dans
la Symphonie de psaumes. Son Abstrakte
Oper Nr 1 (Opéra abstrait no 1, 1953) ne
comporte pas d’action et est chanté sur
des combinaisons abstraites, sans aucune
signification, de voyelles et de consonnes.
D’une production abondante, citons
encore les ballets Hamlet (1949), Der Mohr
von Venedig (1955), Demeter (1963), Tristan (1965), l’opéra de chambre Roméo et
Juliette (1943), l’opéra-ballet Preussisches
Märchen (« Conte de Prusse », 1949),
l’opéra avec bande magnétique Zwischenfälle bei einer Notlandung (« Incidents au
cours d’un atterrissage forcé », 1964), les
opéras Yvonne, Prinzessin von Burgund
(1972) et Das Geheimnis des entwendeten
Briefes, d’après Poe (1975).
BLAINVILLE (Charles-Henri de), compositeur et théoricien français (Rouen ou
village près de Tours ? v. 1710 - Paris ?
apr. 1777).
Sa vie reste encore mal connue : il semble
qu’il ait vécu quelque temps à Rouen,
puis qu’il se soit rendu à Paris, où il aurait bénéficié de la protection de mécènes
comme la marquise de Villeroy. En dépit
d’une oeuvre variée, en partie perdue,
comprenant des sonates, des symphonies,
des arrangements, des cantates profanes,
des romances, des leçons de ténèbres, des
motets et des ouvrages lyriques, il s’est
davantage distingué comme théoricien
que comme compositeur. Son Essay sur
un troisième mode, accompagné d’une
symphonie (jouée avec succès au Concert
spirituel en 1751) qui met en pratique
l’invention d’un « mode mixte » réunissant à la fois le majeur et le mineur, suscita
l’intérêt des philosophes.
BLAISE (Benoît), bassoniste et compositeur français († Paris 1772).
Bassoniste de l’orchestre de la ComédieItalienne en 1737, il composa pour ce
théâtre et pour celui de la Foire, avant la
fusion des deux troupes en 1762. Auteur
de danses, d’opéras-comiques, de parodies
et de vaudevilles, il publia, en 1739, une
cantate, le Feu de la ville, et, en 1759, trois
recueils de chansons. Ses oeuvres les plus
célèbres furent écrites en collaboration
avec Favart : Annette et Lubin (1762) et
Isabelle et Gertrude ou les Sylphes supposés
(1765). Il eut l’art d’agencer des ouvrages
élégants, aux mélodies agréables, empruntant parfois quelques thèmes à Campra,
Philidor ou Gluck.
BLANCHARD (Esprit Antoine), compositeur français (Pernes-les-Fontaines, Vaucluse, 1696 - Versailles 1770).
Formé par Guillaume Poitevin à la cathédrale d’Aix-en-Provence, il fut nommé
maître de chapelle successivement à l’abbatiale Saint-Victor de Marseille (1717),
à Toulon (1727), à Besançon (v. 1733)
et à Amiens (1734). En 1738, succédant
à Bernier, il obtint l’un des quatre postes
de sous-maître de la chapelle royale de
Versailles (les trois autres étant occupés
par Campra, Gervais et Madin). Compositeur d’oeuvres sacrées, Blanchard s’inscrit, avec son Te Deum, qui servit en 1745
à la célébration de la victoire de Fontenoy,
et une trentaine de motets, dans la tradition de Delalande. Il soigna particulièrement l’instrumentation de ses ouvrages
et introduisit la clarinette, vers 1761, dans
l’orchestre de la chapelle royale.
BLANCHET (Émile Robert), pianiste et
compositeur suisse (Lausanne 1877 - id.
1943).
Fils d’un organiste connu, Charles Blanchet, qui avait été élève de Moschelès, il fit
ses études auprès de son père, puis à Cologne et enfin à Berlin, auprès de Busoni.
Fixé à Lausanne, il fut professeur de piano
au conservatoire (1904-1917) et directeur de cet établissement (1905-1908), se
consacrant parallèlement à une carrière de
concertiste et à la composition. Il a laissé
une quantité considérable d’oeuvres pour
piano (préludes, études, etc.) d’une écriture pleine d’intérêt sur le plan rythmique
et contrapuntique.
BLAND (John), éditeur anglais (Londres ?
v. 1750 - id. ? v. 1840).
Il débuta à Londres en 1776 et prit sa
retraite dès 1795. En novembre 1789, il
rendit visite à Haydn à Eszterháza et lui
commanda les trois trios pour clavier,
flûte (ou violon) et violoncelle Hob.
XV.15-17. À cette visite est associée la célèbre anecdote du Quatuor du Rasoir (en
fa mineur opus 55 no 2). Parurent chez
lui comme opus 3 les premières oeuvres
de chambre écrites par un Américain de
naissance (trois trios à cordes de John
Antes composés au Caire).
BLASIUS (Matthieu Frédéric), compositeur et chef d’orchestre français (Lauterbourg, Bas-Rhin, 1758 - Versailles 1829).
Il fut clarinettiste à l’Hôtel de Bourgogne,
puis devint un des plus sûrs chefs d’orchestre de l’Opéra-Comique, où il débuta
en 1802. Il fut le créateur de nombreuses
oeuvres de Dalayrac, Boieldieu, Méhul,
etc. Il composa lui-même surtout des
romances, des marches militaires et des
oeuvres de musique de chambre, mais
aussi quelques charmants opéras-co-
miques comme le Pelletier de Saint-Fargeau (1793). Il écrivit encore une Nouvelle
Méthode pour la clarinette (Paris, 1796).
BLATNY(Pavel), compositeur tchèque
(Brno 1931).
Héritier d’une lignée de musiciens, fils
d’un élève de Janáček, Blatny a été luimême l’élève de Pavel Borkovec, et c’est
avec un mémoire sur les oeuvres scéniques de ce dernier qu’il a obtenu, en
1958, un diplôme à l’issue de ses études
de musicologie à l’université de Brno,
menées parallèlement à des études de
composition à Brno et à Prague. Poursuivant une formation éclectique, Blatny a
fréquenté aussi bien les cours de Darmstadt (1965-1969) que les classes de composition de jazz à la Berklee School of
Music de Boston. Influencé à ses débuts
par Stravinski, Martinu, Prokofiev, puis
par le baroque et la Renaissance, il a expérimenté depuis 1960 à peu près toutes
les voies de la création contemporaine :
musiques dodécaphonique, sérielle, aléatoire, électronique, etc. L’empreinte du
jazz moderne est tout particulièrement
perceptible chez lui et apparaît, par
exemple, mêlée à d’autres tendances,
mais souvent dominante, dans Concerto
pour orchestre de jazz (1962), Per orchestra sintetica I et II (1960 et 1971), Étude
pour trompette en quarts de ton (1964),
Coda pour flûte, clarinette, contrebasse
et percussion (1968), Histoire pour neuf
musiciens de jazz (1968). La plupart de
ses autres compositions sont écrites pour
de petites formations instrumentales.
BLAUKOPF (Kurt), musicologue autrichien (Czernowitz 1914).
Il s’est spécialement consacré à la sociologie de la musique, dirigeant à partir de
1965 l’Institut de sociologie de la musique
de Vienne et publiant en 1952 un important ouvrage sur le sujet (rév. en 1972).
Il a également écrit un livre sur Mahler
(Vienne, 1969 ; trad. française, 1979), et
fait paraître sur ce compositeur un vaste
volume documentaire et iconographique
(Vienne, 1976).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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BLAVET (Michel), flûtiste et compositeur
français (Besançon 1700 - Paris 1768).
Après avoir étudié dans sa ville natale,
il se rendit, à l’âge de vingt-trois ans, à
Paris, où s’établit d’emblée sa réputation de flûtiste, qui gagna vite l’Europe.
Quantz l’admira et Frédéric II lui proposa
d’entrer à son service à la cour de Prusse.
Blavet fit toutefois carrière en France, où
il bénéficia de la protection du prince de
Carignan et du comte de Clermont. En
1738, il entra dans la Musique du roi, et
fut nommé deux ans plus tard au poste
de premier flûtiste de l’Opéra. Il perfectionna la technique de la flûte traversière
et composa plusieurs recueils de sonates
pour une ou deux flûtes, parus entre 1728
et 1740. Il laisse également un concerto
et plusieurs ouvrages lyriques, dont son
« opéra bouffon » le Jaloux corrigé, qui date
de 1752, année du début de la querelle des
bouffons, et qui, ainsi que d’autres partitions de Blavet, classe celui-ci parmi les
artistes français les plus italianisants de sa
génération.
BLAZE, famille de compositeurs et critiques musicaux.
Henri (Cavaillon, Vaucluse, 1763 - id.
1833). Les compositions, essentiellement
religieuses, de ce musicien délicat ne
furent guère connues qu’en Provence où
il enseignait la musique. Il signa aussi des
sonates pour piano et fit éditer à Avignon
de nombreuses études sur les musiciens
de son temps.
François, dit Castil-Blaze, fils du précédent (Cavaillon 1784 - Paris 1857). Après
des études de droit et d’harmonie à Paris,
il fut, à Cavaillon, avocat, puis sous-préfet,
ensuite inspecteur de librairie. Il s’installa
à Paris en 1820 et, après le succès de son
livre De l’opéra en France (2 vol., 18201826), il fit une brillante carrière de critique musical, notamment au Journal des
débats (1822-1832), où lui succéda Berlioz. Parallèlement, il signa des oeuvres
fort singulières : d’une part, des adaptations d’ouvrages étrangers, où il modifiait,
amputait les originaux et les enrichissait
de pages musicales de son cru (par ex.,
transformation du Freischütz de Weber
en Robin des bois, 1824) - Berlioz s’éleva
à maintes reprises contre ces réalisations ;
d’autre part, des livrets originaux ou adaptés de pièces de théâtre, qu’il habillait de
musiques glanées dans les partitions de
différents compositeurs (par ex., les Folies
amoureuses, musiques de Mozart, Cimarosa, Paer, Rossini, Generali et Steibelt,
1823). Il composa aussi quelques partitions sur des livrets écrits par lui-même,
ainsi que des romances, des pastiches et
des messes. Il fit enfin paraître d’autres
livres, souvent d’un grand intérêt, comme
le Mémorial du Grand Opéra (1847).
Henry, baron de Bury, fils du précédent
(Avignon 1813 - Paris 1888). Après avoir
été attaché d’ambassade, il devint l’un des
critiques musicaux les plus célèbres de son
époque et écrivit dans la Revue des Deux
Mondes, la Revue de Paris et la Revue musicale. Il publia plusieurs études, dont une
Vie de Rossini (1854).
BLISS (sir Arthur), compositeur anglais
(Londres 1891 - id. 1975).
Sorti de l’université de Cambridge avec
le titre de Bachelor of Music (1913), il a
travaillé avec Stanford, Vaughan Williams
et Holst au Royal College of Music de
Londres. Pendant la Grande Guerre, il a
été blessé sur la Somme (1916) ; ses premières oeuvres, dont un quatuor à cordes,
furent écrites alors. En 1919, il s’est passionné pour la musique du XVIIIe siècle - il
a dirigé notamment la Servante maîtresse
de Pergolèse - et pour l’époque élisabéthaine. Le quintette avec piano, composé
à cette époque, révèle l’influence de Ravel
et de la musique française. Mais la Rhapsodie pour soprano, ténor et instruments,
qui date également de 1919, marque la
rupture soudaine avec les influences extérieures. Dès lors, quoique sensible à l’attirance de Stravinski et du groupe des Six,
Bliss est sorti des sentiers battus. En 1923,
il s’établit en Californie, où il devint, en
1940, professeur à l’université. Directeur
du département musical international de
la BBC, de 1942 à 1944, il reçut en 1953, à
la mort d’Arnold Bax, le titre de « Master
of the Queen’s Music ».
Bien que chargée d’un certain romantisme, parfois vigoureuse et aux lignes
bien dessinées, la musique de Bliss, d’une
manière générale, relève de l’impressionnisme sur le plan de l’écriture. Son oeuvre
comprend de la musique d’orchestre, dont
la célèbre Colour Symphony (1921-22, rév.
1932), un concerto pour piano (1938) et
un pour violon (1955), de la musique de
chambre (4 quatuors à cordes, 2 quintettes
dont un avec piano et un avec clarinette),
des oeuvres vocales, et, pour le théâtre, des
ballets, dont Checkmate (1937) et The Lady
of Shalott (1958), ainsi que les opéras The
Olympians (1949) et Tobias and the Angel
(1960-61).
BLITZSTEIN (Marc), compositeur américain d’origine russe (Philadelphie 1905 Fort-de-France, Martinique, 1964).
Il commença ses études à Philadelphie et
à New York, avec Alexander Siloti pour
le piano et Rosario Scalero pour la composition, puis fut l’élève de Nadia Boulanger à Paris, et de Schönberg à Berlin.
Ses premières oeuvres attestent l’influence
néoclassique de Stravinski et du Paris
des années 20. On perçoit ensuite celles
de Hindemith, de Kurt Weill, de Dessau, et ses premières partitions lyriques
eurent pour thèmes les luttes de classes
et la justice sociale (The Cradle will rock,
1936 ; No for an Answer, 1941). Un sens
dramatique certain y va de pair avec un
langage typiquement américain, dans
lequel les touches de jazz, la polyrythmie
et la polytonalité pimentent des mélodies
diatoniques chargées de dissonances. Son
écriture, qui eut une grande influence sur
Leonard Bernstein, n’évolua plus guère
par la suite. L’oeuvre de Blitzstein comprend des pièces symphoniques, des ballets, des poèmes symphoniques - souvent
avec voix solistes et choeurs -, de nombreuses musiques de film et de scène, 2
quatuors à cordes et des opéras, souvent
proches du style de la comédie musicale (parmi eux, une nouvelle version de
l’Opéra de quat’sous de Weill, 1951).
BLOCH (Ernest), compositeur suisse naturalisé américain (Genève 1880 - Agate
Beach, Oregon, 1959).
Élève de Jaques-Dalcroze à Genève, il
se destinait initialement à une carrière
de violoniste et travailla avec Ysaye à
Bruxelles avant d’étudier la composition à Francfort et à Munich, avec Ludwig Thuille. Il s’affirma en 1902 avec une
gigantesque Symphonie. Après un bref
séjour à Paris, il vécut en Suisse à partir
de 1904.
Sa première période créatrice, nettement postromantique, culmina avec son
unique opéra, Macbeth (1910). De 1912 à
1916 s’édifièrent les diverses parties de son
« Cycle juif », dont les 3 Poèmes juifs pour
orchestre (1913), la rhapsodie hébraïque
pour violoncelle et orchestre Schelomo
(1915-16), son oeuvre la plus connue, et
la Symphonie no 2 « Israël » pour 5 voix solistes et orchestre (1912-1916). Suivirent
Baal Schem pour violon et orchestre ou
violon et piano (1923) et Voix dans le désert pour orchestre avec violoncelle obligé
(1936). De 1916 à 1930, puis de 1938 à sa
mort, il vécut aux États-Unis, où il dirigea
les conservatoires de Cleveland (19201925) et de San Francisco, et enseigna
jusqu’en 1952 à l’université de Californie
(Berkeley).
D’une production abondante se
détachent encore le Service sacré (19301933), deux Concertos grossos (1925 et
1952), dont le premier a acquis une certaine célébrité, un monumental Concerto
pour violon (1938) et de la musique de
chambre dominée par deux quintettes
avec piano (1921-1923 et 1957) et, surtout,
par cinq admirables quatuors à cordes
(1916, 1945, 1952, 1953, 1956) formant en
ce genre un des ensembles les plus importants du XXe siècle. Le premier quintette
utilise les quarts de ton, les 2e et 3e quatuors la technique sérielle. Dans sa quête
d’une musique hébraïque, Bloch ne s’est
pas fondé sur des éléments superficiels
et folkloriques, mais a tenté de retrouver
l’esprit profond du peuple juif.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
101
BLOCKX (Jan), compositeur belge (Anvers 1851 - id. 1912).
Venu assez tard à la musique, il fut l’élève
de Peter Benoit. En 1876, il présenta un
premier concert de ses oeuvres. Après
avoir poursuivi ses études auprès de Reinecke à Leipzig, il revint à Anvers, où il
occupa divers postes officiels. Considéré
comme le plus important disciple de P.
Benoit, il succéda à celui-ci, en 1901, à
la direction du conservatoire royal. Ses
ouvrages lyriques (Maître Martin, 1892 ;
Princesse d’auberge, 1896 ; la Fiancée de
la mer, 1901) se sont longtemps maintenus au répertoire des scènes flamandes.
Blockx a aussi composé de la musique
d’orchestre, un ballet (Milenka, 1886) et
de la musique de chambre.
BLOCS.
Instruments à percussion de la famille des
bois.
Tous sont en bois dur, évidés et fixés à
un pied. Les blocs plats sont parfois groupés par jeux chromatiques, comme les
lames d’un xylophone. Le bloc cylindrique
est construit en deux parties et donne
deux notes différentes. Le bloc chinois,
enfin, ressemble extérieurement à un gros
grelot ouvragé et décoré.
BLOM (Eric), critique musical anglais
d’origine danoise (Berne, Suisse, 1888 Londres 1959).
Critique au Manchester Guardian (19231931), au Birmingham Post (1931-1946),
il fut rédacteur en chef de la revue Music
and Letters, de deux dictionnaires (Grove’s
Dictionary of Music and Musicians, 5e éd.,
1954 ; Everyman’s Dictionary of Music,
1954) et dirigea une collection de monographies (Master Musicians) pour laquelle
il écrivit lui-même le volume consacré à
Mozart, compositeur à l’étude duquel il
a particulièrement attaché son nom. Il
traduisit également en anglais plusieurs
ouvrages tels que le Schubert d’Otto Erich
Deutsch.
BLOMDAHL (Karl Birger), compositeur
suédois (Växjö 1916 - Kungsängen, près
de Stockholm, 1968).
Après des études de composition à Stockholm, avec Hilding Rosenberg, il vint
en France et en Italie grâce à une bourse
(1946-47). De retour en Suède, il joua
un rôle capital en faveur de la musique
contemporaine, successivement comme
membre du groupe du Lundi (porte-drapeau de l’évolution musicale en Suède
après la guerre), comme président de la
Société de musique de chambre Fylkingen (1950-1954), qu’il transforma en un
centre de réflexion et de création, comme
professeur de composition à l’Académie
royale de musique de Stockholm (19601964) et, enfin, comme directeur musical
de la radio suédoise, où il créa un studio
de musique électronique.
D’abord marqué par Hindemith,
Blomdahl subit ensuite l’influence de
Schönberg et de Bartók. Des recherches
sur l’atonalité, le dodécaphonisme, la
rythmique marquent alors ses ballets et
ses oeuvres vocales, telles que l’oratorio
Dans la salle des miroirs (1951-52). La
cantate Anabase (1955-56), texte d’après
Saint-John Perse, l’opéra Aniara sur un
sujet de science-fiction (1959), amorcent
l’évolution vers une écriture plus personnelle. Fioriture et Forma ferritonans
(1961) sont des oeuvres pointillistes aux
sonorités subtiles et poétiques, rappelant
parfois Ligeti. Les dernières oeuvres de
Blomdahl sont électroniques (Altisonans,
1966). Parmi ses autres compositions, on
doit mentionner l’opéra-comique Herr
von Hancken (1965) et de nombreuses
musiques de film, notamment pour Ingmar Bergman.
BLOMSTEDT (Herbert), chef d’orchestre
suédois (Springfield, États-Unis, 1927).
Il étudie d’abord au Collège royal de
musique de Stockholm et à l’université
d’Uppsala. Il complète ensuite sa formation à la Juilliard School de New York,
puis à la Schola Cantorum de Bâle, et enfin
à Tanglewood avec Leonard Bernstein. De
1950 à 1955, il est l’assistant d’Igor Markevitch à Salzbourg et, de 1954 à 1961, il
dirige l’Orchestre symphonique de Norrköping, en Suède. Il est à la tête de plusieurs grands orchestres scandinaves : au
Philharmonique d’Oslo de 1962 à 1968 ;
à Stockholm, où il enseigne aussi la direction d’orchestre, jusqu’en 1971 ; et à l’Orchestre symphonique de la radio danoise
de 1967 à 1977. Avec ce dernier, il enregistre l’intégrale des symphonies de Carl
Nielsen. En 1975, il est nommé à la tête
de la Staatskapelle de Dresde, qu’il quitte
en 1985 pour diriger jusqu’en 1995 l’Orchestre symphonique de San Francisco.
BLÖNDAL JÓHANSSON (Magnus), compositeur, pianiste et chef d’orchestre
islandais (Skálar 1925).
Après avoir terminé ses études en 1953 à
la Juilliard School de New York (avec B.
Wagenaar, M. Bauer et C. Friedberg), il
fonde à Reykjavík le groupe Musica Nova
en 1960. Au tournant des années 50 à 60,
chef de file des compositeurs islandais
d’avant-garde, il s’intéresse à toutes les
formes d’expression musicale, à tous les
langages et aux matériaux sonores les plus
divers. Ses oeuvres, tant instrumentales
(Minigrams, 1961) que pour instruments
et bande magnétique (Study, 1957 ; Punktar, 1961), ou pour bande magnétique
seule (Constellation, 1960), ont été des
événements parfois violents de la vie musicale de son pays.
BLONDEL DE NESLE, trouvère français
(Nesle, Somme, v. 1150 - v. 1200).
Ami du grand trouvère Gace Brulé, son
nom est souvent confondu avec celui de
Blondel, ménestrel au service de Richard
Coeur de Lion. Les 24 chansons conservées de Blondel de Nesle sont toutes
pourvues de mélodies notées ; elles sont
réunies dans l’ouvrage de U. Arrburg, Die
Singweisen des Blondel de Nesle (Francfort,
1946).
BLOW (John), compositeur et organiste
anglais (Newark, Nottinghamshire,
1649 - Londres 1708).
Enfant, il fit partie du choeur de la chapelle royale, dirigé par Henry Cooke à
partir de 1660, année du rétablissement
de la chapelle, et commença, dès 1663,
à composer des anthems. C’est à cette
époque également qu’il travailla avec John
Hingeston et avec Christopher Gibbons,
le fils du grand Orlando. En 1668, il succéda à Albertus Bryne comme organiste à
Westminster Abbey. Il participa à la musique de la Chambre, à la cour de Charles
VII (Private Musick for Lutes and Voyces,
Theorboes and Virginalls) et en devint le
virginaliste attitré. Gentilhomme de la
chapelle royale (1674), il prit la suite de
Pelham Humphrey comme maître des
enfants de cette chapelle et comme compositeur de la musique vocale. L’archevêque de Canterbury l’honora du titre
de Doctor of Music (1677). Deux ans plus
tard, il renonça à son poste d’organiste à
Westminster en faveur de son élève Henry
Purcell. En 1687, on lui confia la charge
des choristes de Saint-Paul, poste qu’il
abandonna en faveur d’un autre élève, J.
Clarke. Entre-temps, il était devenu organiste à la chapelle royale. Enfin, en 1699,
il reçut le titre de Composer of the Chapel
Royal. Blow fut enterré à Westminster ;
sa tombe porte à sa mémoire le Gloria en
canon de son Service en sol.
John Blow a laissé un catalogue important d’oeuvres variées et souvent d’une
grande qualité. Professeur illustre, son
enseignement lui a mérité l’estime de ses
contemporains. Parmi ses élèves se trouvèrent Clarke, Croft, Daniel Purcell et,
surtout, Henry Purcell. Auteur d’une belle
et touchante ode sur la mort de ce dernier,
Blow a signé avec le masque Vénus et Adonis ce qui est en fait l’un des premiers opéras anglais ; les styles français (ouverture,
prologue) et italien (récitatif, audaces harmoniques) s’y mêlent harmonieusement.
BLUES.
Complainte du folklore négro-américain,
dont les paroles, imprégnées de poésie
populaire, sont quelquefois violentes et
érotiques.
Sur le plan musical, le blues se caractérise par l’usage d’un mode mélodique
variable et, pour le type courant, par une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
102
coupe ternaire A. A. B. Les deux périodes
A, de quatre mesures chacune, sont mélodiquement identiques, mais une variante
harmonique intervient au début de la seconde, l’accord de sous-dominante remplaçant l’accord de tonique, tandis que la
dominante colore la période B, conclusive.
Les paroles s’organisent en strophes successives (une strophe = un chorus, généralement de douze mesures), chacune d’elles
épousant le même schéma A. A. B., en
deux vers dont le premier (A) est répété.
Après chaque vers, qui occupe approximativement deux mesures, la fin de la
période de quatre mesures donne lieu à
une réponse instrumentale.
Né vers la fin du XIXe siècle dans les populations rurales noires du sud des ÉtatsUnis, le blues est postérieur au negrospiritual et au chant de plantation, dont
l’influence l’a marqué, ainsi, semble-t-il,
que celle du folklore blanc contemporain.
Le climat du blues est souvent mélancolique (blues est synonyme de cafard) ; d’où
l’idée reçue qu’il ne se chante ou ne se joue
qu’en tempo lent.
L’usage voulait que le chanteur de blues
s’accompagnât au banjo ou à la guitare.
Il en était ainsi, le plus souvent, dans la
tradition du blues rural (country blues),
dont les premiers représentants, contrairement au pionnier Robert Johnson, émigrèrent vers le nord au cours de l’entredeux-guerres, venus d’Arkansas, comme
Big Bill Broonzy (William Lee Conley),
du Texas comme « Blind » Lemon Jefferson, de Louisiane comme Lonnie Johnson
ou de Floride comme Tampa Red (Hudson Whitakker) et étaient des chanteursguitaristes. Toutefois, on voyait déjà un
Washboard Sam (Robert Brown), un Will
« Son » Shade s’accompagner au moyen
d’instruments hétéroclites issus d’un bricolage ingénieux, tandis qu’un Sonny
Terry et, avant lui, un « Sonny Boy »
Williamson I faisaient alterner chant et
harmonica. Une place à part peut être faite
à Leadbelly (Huddy Ledbetter) qui mit le
blues vocal à la mode dans les milieux intellectuels et artistiques de Greenwich Village, à New York. Dans les ghettos noirs
des grandes villes et principalement à
Chicago, le blues s’acclimate et, peu à peu,
se transforme au contact des spectacles de
vaudeville, dont le public de couleur est
friand ; au contact du jazz aussi. Le piano
tend à s’imposer à côté de la guitare ; il
s’y substitue parfois. Des chanteurs-pianistes, tels que Leroy Carr et, plus tard,
Memphis Slim (Peter Chatman), se font
connaître. Il arrive que des musiciens de
jazz, pianistes, comme Fletcher Henderson et James P. Johnson, ou cornettistes,
comme Louis Armstrong et Joe Smith,
soient conviés à accompagner les plus
célèbres chanteuses de blues : Gertrude
« Ma » Rainey, « la mère du blues », et sa
disciple Bessie Smith, « l’impératrice du
blues ». À New York, Lonnie Johnson a
le privilège d’enregistrer quelques disques
avec Louis Armstrong et Duke Ellington.
On verra même un chanteur de blues très
doué pour le jazz, Jimmy Rushing, se faire
engager chez Count Basie.
Parallèlement, une seconde génération
de chanteurs-guitaristes venus du Sud
s’agrège au courant du blues urbain (city
blues) qui prédomine dès la fin de l’entredeux-guerres. Avec Andrew « Smokey »
Hogg, John Lee Hooker, Sam « Lightnin »
Hopkins et Muddy Waters (Mc Kinley
Morganfield), le blues urbain apparaît
moins fruste, moins rustique que ne l’était
son ancêtre ; il devient même tendu, voire
agressif, à l’image des jeunes Noirs qui
récusent la passivité sociale de leurs aînés.
L’art spontané (encore qu’il laisse peu de
place à l’improvisation) du chanteur-guitariste ne se perdra pas et, dans les années
60 et 70, le succès d’un Riley « B. B. » King
montre que le blues folklorique a conquis
une petite audience internationale.
L’après-guerre voit surgir de nouvelles formes de blues. La tradition vocale
cherche un prolongement instrumental
que nécessitent les grands dancings tels
que l’Apollo Theater de Harlem. Désormais, le chanteur (« blues shouter ») crie le
blues dans le micro plus qu’il ne le chante.
Derrière lui, la guitare électrique, introduite par Aaron « T. Bone » Walker, et le
saxophone ténor s’attachent à créer un climat d’excitation permanente que renforce
un afterbeat hérité du jazz, mais hypertrophié. C’est le mouvement Rhythm’n’Blues,
que préfigurent Wynonie Harris, Louis
Jordan, Joe Turner et Eddie « Cleanhead »
Vinson, et d’où sortiront les Chuck Berry,
les Fats Domino, les Aretha Franklin, les
Little Richard, voire Ray Charles. Par le
canal de ces chanteurs populaires devenus
vedettes de variétés, le blues a contaminé
toute une partie du show business, et l’on
trouve trace de son influence dans la pop
music et le rock’n’roll des années 60. On a
même pu parler, à propos des chansons de
Bill Haley et d’Elvis Presley, d’un « blues
blanc », dont l’interprétation est, il est
vrai, involontairement caricaturale.
Toutefois, on estime généralement que
le blues doit ses développements les plus
remarquables, sur le plan musical, aux
artistes de jazz. Dès les premiers temps du
jazz, en effet, le blues s’y est acclimaté et
y a prospéré. Les pianistes de jazz, d’Earl
Hines (Blues in Thirds) à Thelonious Monk
(Blue Monk), en ont organisé et enrichi
le langage harmonique. L’orchestre de
Duke Ellington, l’orchestre de Count
Basie, entre autres, lui ont consacré une
importante partie de leur répertoire ; et
certaines pièces ellingtoniennes (Black
and Tan Fantasy, Saddest Tale, Ko-Ko,
par exemple) débordent largement, par
leur complexité et leur force expressive,
le cadre de l’art populaire. La séquence
harmonique du blues de douze mesures
est fréquemment utilisée par les musiciens
de jazz en tant que base d’improvisation,
indépendamment de toute donnée mélodique. Le style du blues a profondément
influencé le jazz tout entier ; en retour, les
grands solistes de jazz, Louis Armstrong,
Charlie Parker, Lester Young, ont donné
du blues une image magnifiée. D’autre
part, la relation privilégiée tonique-sousdominante a conduit les compositeurs de
jazz à une reconsidération limitée du système tonal.
BLUME (Friedrich), musicologue allemand (Schlüchtern, Hesse, 1893 - id.
1975).
Élève de Hugo Riemann et de Hermann
Abert, il obtint en 1921 le grade de docteur à l’université de Leipzig. Nommé en
1925 professeur à l’université de Berlin, il
fut directeur de l’Institut de musicologie
de l’université de Kiel (1934-1958), puis
président de la Société internationale de
musicologie (1958-1961). Il a également
dirigé la commission mixte du Répertoire international des sources musicales
(R.I.S.M.) et présidé le Joseph-Haydnlnstitut de Cologne (1955-1973). Il a édité
les oeuvres complètes de Michael Praetorius, écrit de nombreuses études sur Bach,
Mozart, Haydn et d’autres musiciens, et
dirigé plusieurs publications, dont Das
Chorwerk et surtout le dictionnaire Die
Musik in Geschichte und Gegenwart (14
vol., 1949-1968). Des nombreux articles
écrits par lui pour ce dictionnaire, sont
parus en volume séparé ceux consacrés à
la Musique de la Renaissance, à la Musique
baroque, à la Musique classique et à la Musique romantique.
BLÜTHNER (Julius Ferdinand), facteur
de pianos allemand (Falkenhain, près de
Merseburg, 1824 - Leipzig 1910).
Il fonda la firme Blüthner
1853. Ses instruments font
échappement amélioré et au
aliquotes où une quatrième
vibre à l’octave sans être
la sonorité dans l’aigu.
à Leipzig en
appel au double
système des
corde, qui
frappée, enrichit
BOCCHERINI (Luigi), compositeur et
violoncelliste italien (Lucques 1743 Madrid 1805).
Il apprit le violoncelle, tout enfant, avec
son père et devint un virtuose célèbre dès
l’âge de quatorze ans, après s’être produit à Rome. Il fut ensuite engagé par le
Théâtre impérial de Vienne, où il fit trois
séjours de 1757 à 1764 ; de cette période
date sa première oeuvre connue, un recueil
de six trios à cordes (1760), suivi en 1761
d’un recueil de six quatuors à cordes.
En 1764, Luigi et son père rentrèrent à
Lucques, où furent écrits une cantate et
les deux oratorios Giuseppe riconosciuto
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
103
et Gioa, re di Giuda. Après la mort de son
père (1766), Boccherini s’associa avec le
violoniste Filippo Manfredini et entreprit
avec lui des tournées qui le menèrent, notamment, à Paris (1767). Il se produisit au
Concert spirituel, mais ne fut pas invité à
Versailles. Admirant autant sa virtuosité
d’instrumentiste que son talent de compositeur, l’ambassadeur d’Espagne à Paris
le pressa d’aller à Madrid. Boccherini accepta, mais, à son arrivée dans la capitale
espagnole (1769), il fut mal reçu, dit-on,
par Brunetti, responsable de la musique
à la Cour. En revanche, il trouva un soutien décisif auprès du frère du roi Charles
III, l’infant Don Luis, qui lui conserva sa
protection jusqu’à sa mort (1785) et avec
lequel il s’installa en 1776 à Las Arenas,
près de Madrid.
Au cours de ces années, Boccherini
composa une très grande quantité de
musique de chambre pour des formations
diverses, dont une série de quintettes à
cordes s’inspirant parfois de motifs espagnols. L’étonnant Quintettino op. 30 no
6 dit La Musica notturna delle strade di
Madrid (1780) reflète parfaitement cette
période d’expérimentation euphorique.
Ayant sans doute subi l’influence des idées
de Jean-Jacques Rousseau lors de son séjour à Paris, Boccherini, italien lui-même,
s’intéressait à une musique « locale » au
moment même où la musique italienne
régnait toute-puissante ! Après avoir entendu à Madrid les quatuors op. 33 (1781),
l’ambassadeur de Prusse n’eut de cesse
que Boccherini ne fût attaché à son souverain. Le compositeur, à partir de 1786,
envoya à Frédéric-Guillaume II, excellent
violoncelliste, une quantité considérable
de musique, dont 28 quintettes et 16 quatuors. Dans la famille Benavente-Osuna,
avec laquelle il s’était lié, Boccherini eut
l’occasion d’entendre nombre d’oeuvres
de Joseph Haydn et côtoya notamment
Goya, le poète et dramaturge Moratin
et l’écrivain anglais Beckford. Pour cette
société éclairée, il composa son unique
opéra, la Clementina, retrouvé en 1960.
La vie de Boccherini de 1787 à 1796
est mal connue. On crut longtemps qu’il
s’était rendu en Prusse, à la cour de Potsdam, alors qu’en fait il resta à Madrid,
végétant dans une relative obscurité. À la
mort de Frédéric-Guillaume II, en 1797, il
proposa en vain d’envoyer de la musique à
son successeur. Sous le Consulat, le poste
de directeur du conservatoire de Paris lui
fut offert, mais Boccherini préféra demeurer dans cette Espagne qu’il considérait
presque comme sa patrie. Lucien Bonaparte, ambassadeur du Consulat à Madrid
à la fin de 1800, attira sa sympathie et
reçut la dédicace de deux groupes de six
quintettes op. 60 et 62. Après le retour
de L. Bonaparte en France, Boccherini ne
vécut plus que de la vente de ses oeuvres,
confiées depuis 1796 à Ignace Pleyel, un
éditeur qui payait fort mal. Une suite de
deuils précipita la mort du musicien à
Madrid. Ses cendres furent ramenées en
Italie en 1927 et ensevelies en la basilique
Saint-François de Lucques.
Boccherini fut un des plus grands
compositeurs de musique de chambre
pour cordes et le plus grand compositeur
italien de musique instrumentale de la
seconde moitié du XVIIIe siècle. La maîtrise d’écriture et l’aisance formelle de
ses très nombreux quatuors et quintettes
passèrent pour « inexplicables « chez un
héritier du baroque italien, jusqu’au jour
où Hugo Riemann soutint que Boccherini avait récolté à Paris les fruits de l’école
de Mannheim. Cette hypothèse confirme
l’importance du musicien créateur, avec
Joseph Haydn, du quatuor à cordes et initiateur du quintette, où il préfère, comme
plus tard Schubert, la formule à 2 violoncelles - entre le rococo italien et les grands
classiques viennois. À la pureté relativement abstraite de ces derniers, Boccherini,
pourtant spontanément mélancolique et
même dramatique comme Mozart, oppose un souci des couleurs, des trouvailles
instrumentales (archet utilisé col legno,
etc.) et une exceptionnelle sensibilité aux
atmosphères qui font de lui l’héritier de
certains traits les plus remarquables de
Vivaldi. Le quintette del Fandango fait ouvertement appel au folklore. La Musique
nocturne de Madrid résume un art extraordinairement en avance sur son temps :
elle naît des bruits incohérents d’instruments en train de s’accorder, évolue vers
des fredons populaires et des souvenirs de
musiques sacrées et aboutit à une intense
péroraison relevant de la plus pure tradition des danses de cour.
Longtemps, un ravissant menuet extrait
du quintette op. 11 no 5 (1771) est resté
l’oeuvre la plus célèbre de Boccherini,
offrant de lui une image gracieuse et fragile. On découvre aujourd’hui qu’il fut un
compositeur hardi, engagé, précurseur de
ce qu’il devait y avoir de meilleur dans les
musiques « nationales « du siècle romantique.
BOCHSA (Robert), compositeur et harpiste français (Montmédy 1789 - Sydney,
Australie, 1856).
Auteur de nombreuses pièces pour son
instrument, il débuta comme compositeur
d’opéras, d’oratorios et de ballets avant
de transformer la harpe en un instrument
virtuose. Membre de la chapelle impériale
puis de celle de Louis XVIII, il fut impliqué dans une histoire de faux et dut se
réfugier en Angleterre (1817), où il devint
le premier professeur de harpe à la Royal
Academy of Music. De nouveaux scandales l’obligèrent à quitter le pays (1827).
En 1839, il s’enfuit avec la soprano Ann
Bishop, épouse du compositeur sir Henry
Bishop. Il se produisit avec elle en un tour
du monde au cours duquel il mourut.
BODIN (Lars-Gunnar), compositeur suédois (Stockholm 1935).
Animateur et, de 1969 à 1972, président
d’un organisme essentiel dans la création
musicale en Suède, la fondation Fylkingen, il est devenu après cette date directeur du studio de musique électronique
du Conservatoire royal de Stockholm.
Après des expériences de théâtre musical, il consacre l’essentiel de sa production aux moyens électroacoustiques,
dans des oeuvres qui cherchent souvent
à intégrer des thèmes liés aux techniques
et aux disciplines modernes - cybernétique (Cybo I et Cybo II, 1967), théorie de
la connaissance (Traces I, 1970, et Traces
II, 1971), philosophie marcusienne (Toccata, 1969) -, et qui utilisent fréquemment
des textes (« Text-Sound Composition »,
équivalent de la poésie sonore française).
Il a également réalisé des oeuvres multimédias associant des moyens musicaux
et visuels (Clouds, 1972-1976) et des musiques de ballet (Place of Plays, 1967 ; From
One Point to Another Point, 1968). On peut
citer encore la pièce pour bande From the
Beginning to the End (1973) et la cantate
radiophonique For Jón (1977).
BOÈCE (Anicius Manlius Torquatus Severinus Boetius, en fr.), philosophe latin
(Rome v. 480 - environs de Milan 524).
Conseiller de Théodoric le Grand, il fut,
au faîte d’une carrière politique, impliqué
dans un procès et mis à mort. Entre 500
et 507, il avait écrit un traité en 5 livres.
De institutione musicae. Cet ouvrage, qui
s’inspire de Platon, d’Aristote, de Nicomaque et de Ptolémée, aborde la théorie
musicale sous l’angle de l’acoustique et
de l’harmonie. Boèce assigne une place
majeure à la musique dans l’éducation, en
raison de l’influence morale qu’elle peut
exercer. Le Moyen Âge dut à ce traité sa
connaissance de la théorie musicale de
l’Antiquité ; jusqu’à la Renaissance, l’autorité de Boèce demeura incontestée.
BOËLLMANN (Léon), compositeur et organiste français (Ensisheim, Haut-Rhin,
1862 - Paris 1897).
Disciple et neveu, par alliance, d’Eugène
Gigout, il travailla la musique à l’école
Niedermeyer. Nommé organiste à SaintVincent-de-Paul, il disparut prématurément, laissant une oeuvre importante,
qui fut jouée avec succès de son vivant :
symphonie en fa majeur, Variations symphoniques pour violoncelle et orchestre,
sonate pour violoncelle et piano, Fantaisie pour orgue et orchestre, musique religieuse abondante. On ne joue plus guère
aujourd’hui que la Suite gothique pour
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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orgue, l’une des très nombreuses pièces
qu’il écrivit pour son instrument.
BOËLY, famille de musiciens français.
Jean-F ranço is (Saint-Léger-de-Crossy,
Aisne, 1739 - Chaillot 1814). Il fut hautecontre à la Sainte-Chapelle, à Paris, compositeur (il est l’auteur d’un motet Beatus
vir) et professeur de harpe à la cour de
Versailles. Il a, en outre, écrit un Traité
d’harmonie, d’après Rameau, resté inédit
(1808).
Alexandre Pierre François, organiste et
compositeur, fils du précédent (Versailles
1785 - Paris 1858). Élève de l’Autrichien
Ladurner, qui l’initia à la musique de
Bach, de Haydn et de Beethoven, alors in-
connus en France, il fut nommé, en 1840,
organiste à Saint-Germain-l’Auxerrois et
y demeura jusqu’en 1851, date à laquelle
on le congédia en raison de l’« austérité »
de la musique qu’il y jouait : Bach, Frescobaldi, Couperin, Walther, Kirnberger, les maîtres français ; à cette époque,
c’était plutôt les transcriptions d’opéras-comiques qui faisaient fureur. Pour
exécuter les oeuvres de Bach, réputées
injouables, il fit installer à son orgue un
pédalier à l’allemande, dont l’usage ne se
généralisa, dans la facture française, que
durant la seconde moitié du siècle. Ses
rares auditeurs - Gigout, Franck, et surtout Saint-Saëns - furent émerveillés d’entendre ces oeuvres ressuscitées, ainsi que
le contrepoint sévère par lequel il traitait
les thèmes du plain-chant, que l’on commençait à redécouvrir. Il finit ses jours
comme humble professeur de piano. Il
laisse une oeuvre abondante : musique de
chambre, nombreuses pages pour le piano
(caprices, suites, études), oeuvres souvent
concises, très soigneusement composées
et d’une réelle couleur romantique, où il se
montre l’héritier de Scarlatti, de Cramer,
de Haydn et de Beethoven. Pour l’orgue,
il a écrit douze Cahiers de pièces de différents caractères et quatre Livres pour orgue
à pédales ou piano à trois mains, en plus
de publications d’oeuvres anciennes et de
transcriptions diverses. Il y renoue avec
le style des maîtres français classiques
(versets, duos, dialogues, tierces en taille)
et s’inspire des Allemands (fantaisies et
fugues, chorals ornés). Inconnu du grand
public, il n’en a pas moins joué un rôle
déterminant dans la renaissance de la
musique française au XIXe siècle. En 1902,
Saint-Saëns reconnut la dette des musiciens français envers lui, en publiant une
collection de ses oeuvres.
BOESMANS (Philippe), compositeur
belge (Tongres 1936).
Au conservatoire de Liège, il étudia
d’abord le piano avec Stefan Askenase et
Robert Leuridan et s’orienta vers la composition après avoir rencontré Pierre Froidebise, puis Henri Pousseur. Programmateur musical au 3e Programme de la
R. T. B. (1962), il est pianiste de l’ensemble
Musiques nouvelles et attaché, depuis
1971, au Centre de recherches musicales
en Wallonie dirigé par Pousseur. La même
année, il a pris des fonctions à la station
de Liège de la R. T. B. et obtenu le prix
Italia pour Upon La Mi pour voix et cor
solo, 11 instrumentistes et amplification
(1969). Sa production, issue du courant
sériel postwebernien, tente de s’en dégager en réintégrant certaines fonctions harmoniques, des rythmes périodiques, des
éléments mélodiques ou des mouvements
conjoints. L’intuition y fait bon ménage
avec la rigueur. Boesmans est, assurément,
une des principales figures de la jeune musique belge. On lui doit notamment Cassation pour 5 instruments (1962), Sonance
pour 2 pianos (1963), Verticales pour
grand orchestre (1969), Fanfare I pour 2
pianos à 2 mains (1970) et II pour orgue
(1972), Intervalles I (1972) et II (1973)
pour grand orchestre et III pour voix solo
et grand orchestre (1975-76), Sur mi pour
2 pianos, orgue électrique, crotales et
tam-tam (1974), Multiples pour 2 pianos
et orchestre (1974-75), Ring pour orgue
électronique, harpe, piano, 2 percussionnistes et ensemble instrumental (1975).
Attitudes, qui relève du théâtre musical, a
été créé à Bruxelles en 1979 et repris à Avignon en 1980. Suivirent un Concerto pour
violon (1979), Conversions pour orchestre
(1980), l’opéra la Passion de Gilles (1982),
Trakl Lieder (1988), l’opéra la Ronde
(1993), Dreamtime (1993).
BOESSET (Antoine), compositeur français (Blois 1586 ou 1587 - Paris 1643).
Élève de Pierre Guédron, dont il devint le
gendre et auquel il succéda à la charge de
surintendant de la Musique du roi (1622),
il fut un des musiciens favoris de Louis
XIII, qui le nomma successivement maître
de chant des bénédictines de Montmartre, maître des enfants de la musique
de la Chambre du roi (1613) et surtout
maître de la Musique de la reine (1615).
De tempérament lyrique, il lui manqua
malheureusement le sens dramatique
qui lui aurait permis de mettre ses belles
mélodies au service d’un argument suivi.
Au contraire, dans de nombreux ballets
« à entrées », la musique de Boesset et de
ses collègues s’éloigne du courant nettement dramatique établi par Guédron.
Mais Boesset vécut au temps des ballets de
cour, et sa collaboration à ces spectacles
fut parmi les plus importantes, tant par la
qualité que par la quantité (la Délivrance
de Renaud, 1617 ; Ballet des dandins, 1626 ;
Grand Bal de la douairière de Billebahaut,
1626 ; Ballet de la félicité, 1639, etc.). Boesset est un admirable mélodiste, et les textes
qu’il met en musique sont souvent tirés
de l’oeuvre des meilleurs poètes, tels que
Tristan, Théophile, Boisrobert ou Racan.
Ses airs possèdent un charme irrésistible,
une grâce et une harmonie entre poésie
et musique qui lui méritèrent le respect
de ses contemporains et qui le placèrent
au premier rang des musiciens de son
époque. Les airs du « vieux Boesset » ont
été chantés longtemps après sa mort. Il est
l’un des premiers à avoir employé la basse
continue en France, et cette technique se
rencontre dans ses derniers livres d’airs
polyphoniques. Il a laissé en tout 9 livres
d’Airs de cour à 4 et 5 parties (1617-1642).
Ses airs pour une voix et luth se trouvent
dans différents recueils parus chez Ballard
entre 1608 et 1643. Il a également composé des messes et des motets à 4 et 5 voix.
Son fils, Jean-Baptiste (1614-1685),
devint surintendant de la Musique en
1644. Des airs de sa composition sont
conservés.
BOESWILLWALD (Pierre), compositeur
français (Toulon 1934).
Il est collaborateur, depuis 1972, du
Groupe de musique expérimentale de
Bourges. Sa production, d’abord consacrée presque exclusivement aux moyens
électroacoustiques (la Promenade du dimanche, 1970) ; les 3 Tocatannes, 19731975 ; Dedans-dehors, 1975), s’ouvre ensuite à des expériences de théâtralisation
de la musique par haut-parleurs, faisant
intervenir un comédien, des projections,
etc. (Homo dixit, 1977). Boeswillwald est
un poète en prose de la musique électroacoustique, qui écrit au présent de l’indicatif avec un style bien à lui, familier, vif
et aéré.
BOETTICHER (Wolfgang), musicologue
allemand (Bad Ems 1914).
Ayant abordé la musique par l’étude du
piano, il a donné, très jeune, des concerts.
Mais il a renoncé à cette carrière pour se
consacrer à la musicologie. À l’université
de Berlin, il a été l’élève d’Arnold Schering et de Curt Sachs. Il a publié plusieurs
ouvrages sur Schumann et poursuivi des
recherches très étendues sur la musique
de la Renaissance. Il a aussi préparé des
éditions des oeuvres de Schumann et de
R. de Lassus. En 1956, W. Boetticher
a été nommé professeur à l’université
de Göttingen, où il enseignait depuis
1949. Parmi ses principaux écrits, on peut
mentionner : R. Schumann, Einführung in
Persönlichkeit u. Werk (Berlin, 1941) ; O.
di Lasso u. seine Zeit (2 vol., Kassel et Bâle,
1959-1969).
BOEUF (Georges), compositeur français
(Marseille 1937).
Professeur de saxophone, instrument pour
lequel il a écrit les deux quatuors Parallèles
(1967-68) et l’Image poursuivie (1973), il a
été membre du Groupe de musique expédownloadModeText.vue.download 111 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
105
rimentale de Marseille, fondé en 1968 par
Marcel Frémiot, avant d’en devenir le responsable en 1974. Parmi ces oeuvres électroacoustiques, on peut citer : Mémoire
(1972), le Départ pour la lune, pour orgue
et bande magnétique (1972), Champs
(1975), Jusqu’au lever du jour (1977), Du
côté du miroir (1977), Phrases, pour flûte
et bande (1977). Avec Michel Redolfi, il a
conçu et créé Whoops (1re version, 1976 ;
2e version, 1977), première oeuvre pour
« homo-parleur » (système de diffusion
par haut-parleurs « greffés » sur le corps
d’interprètes en action), et contribué à la
réalisation collective du G.M.E.M., la Mer
(1978).
BÖHM (Georg), compositeur et organiste allemand (Ohenkirchen, près
d’Ohrdruf, 1661 - Lüneburg 1733).
Après des études à l’université d’Iéna, il
séjourna à Hambourg avant d’occuper, de
1698 jusqu’à sa mort, le poste d’organiste
à l’église Saint-Jean de Lüneburg, église où
le jeune Johann Sebastian Bach fut choriste en 1700. Il composa 11 suites pour
clavecin, une vingtaine d’oeuvres pour
orgue, 23 lieder spirituels ; 9 cantates et
2 motets lui sont attribués. Influencé par
les maîtres de l’Allemagne du Nord, Buxtehude en particulier, il marqua à son tour
les organistes allemands du XVIIIe s., dont
Johann Sebastian Bach qui l’imita dans
ses premières oeuvres et lui emprunta un
menuet dans le Petit Livre d’Anna Magdalena Bach.
BÖHM (Karl), chef d’orchestre autrichien
(Graz 1894 - Salzbourg 1981).
Parallèlement à des études de droit à
Graz, il étudie la musique à Vienne avec
Eusebius Mandyczewski. Il devint premier chef d’orchestre à l’opéra de Graz en
1917. Bruno Walter l’engagea à l’opéra de
Munich en 1921. Il fut nommé directeur
de la musique à Darmstadt en 1927, au
Stadttheater de Hambourg en 1931, fut
directeur de l’opéra de Dresde, de 1932
à 1942, et de l’opéra de Vienne, de 1943 à
1945 et de 1954 à 1956. Durant cette deuxième période, il fut également premier
chef de la Philharmonie de Vienne. Böhm
a été l’ami de Richard Strauss, dont il a créé
les opéras la Femme silencieuse et Daphné.
Il a dirigé les premières représentations de
nombreux autres ouvrages, comme Massimilla Doni d’Othmar Schoeck. Il a fait
dans le monde entier une carrière aussi
brillante comme chef d’opéra que comme
chef d’orchestre symphonique. Ses interprétations, qui donnent une impression
de perfection, de juste mesure, d’équilibre,
sont particulièrement admirées dans les
oeuvres de Mozart, Beethoven, Richard
Strauss, mais aussi Brahms, Wagner et
Bruckner. Il a écrit des lieder et de la musique de chambre.
BÖHM (Theobald), flûtiste et compositeur allemand (Munich 1794 - id. 1881).
Virtuose accompli que ses contemporains tenaient pour le plus grand flûtiste
d’Allemagne, il a enrichi le répertoire
de son instrument d’une vingtaine de
concertos, fantaisies, variations et autres
compositions d’un romantisme maintenant démodé. Mais son nom reste attaché
aux améliorations considérables et définitives qu’il apporta à la flûte traversière
à partir de 1830 (système de clés, perce
cylindrique, etc. ; ! FLÛTE). Elles sont présentées dans son traité Über den Flötenbau
und die neuesten Verbesserungen desselben,
Mayence, 1847 (« de la fabrication et des
derniers perfectionnements de la flûte »).
Il écrivit également Die Flöte und das
Flötenspiel, Munich, 1871 (« la flûte et le
jeu de la flûte »).
Le « système Böhm » a été adapté avec
succès à d’autres instruments de la famille
des bois, notamment la clarinette et le
hautbois.
BOIELDIEU (François Adrien), compositeur français (Rouen 1775 - Jarcy, Essonne, 1834).
Fils du secrétaire de l’archevêque de
Rouen, il devint enfant de choeur à la
cathédrale et reçut de l’organiste Broche
des notions de composition musicale,
qui furent ses seules études. En effet, si,
après ses premières oeuvres où l’instinct
et le bon goût remplaçaient la science, il
comprit qu’il lui faudrait apprendre son
métier, c’est en autodidacte qu’il fit cet
apprentissage. Étonnamment doué, Boieldieu écrivit à dix-huit ans son premier
opéra-comique, la Fille coupable (1793),
sur un livret de son père. L’accueil fait à un
second ouvrage, Rosalie et Myrza (1795),
l’incita à se fixer à Paris pour y poursuivre
une carrière de compositeur. Reçu dans
la maison Érard, il y rencontra Méhul et
Cherubini, qui devinrent ses amis et le
conseillèrent utilement. Les chanteurs
Pierre-Jean Garat et Cornélie Falcon, en
interprétant ses romances dans les salons,
le rendirent célèbre. Le théâtre Feydeau
lui ouvrit bientôt ses portes (1796), puis
l’Opéra-Comique, où s’imposa en 1798 la
Dot de Suzette, dont les gracieuses mélodies restèrent longtemps populaires. Le
Calife de Bagdad (1800) et Ma tante Aurore
(1803) furent chaleureusement accueillis.
Les querelles de Boieldieu avec sa
femme, la danseuse Clotilde Malfleuroy,
décidèrent le compositeur à s’éloigner de
Paris. Il partit pour Saint-Pétersbourg,
où il obtint le poste de compositeur de
la Cour. Il y resta sept ans et y composa
six ouvrages, dont deux (la Jeune Femme
colère, 1805 ; les Voitures versées, 1808)
furent repris à Paris. Les triomphes de Jean
de Paris (1812) et du Nouveau Seigneur
du village (1813) marquèrent le retour de
Boieldieu dans la capitale française. Déjà
professeur de piano au Conservatoire, il y
devint professeur de composition en 1817,
succédant à Méhul. Il présenta l’année suivante le Petit Chaperon rouge, dont il avait
particulièrement soigné l’écriture et qu’il
déclara plaisamment être son discours de
réception à l’Académie des beaux-arts, où
il fut élu à cette époque. Après un silence
de plusieurs années fut représenté son
chef-d’oeuvre, la Dame blanche (1825),
dont le succès s’est prolongé jusqu’à nos
jours. Devenu veuf la même année, Boieldieu épousa la cantatrice Phillis. Atteint
d’une laryngite tuberculeuse, il résilia ses
fonctions au Conservatoire et se retira
dans sa propriété de Jarcy, où il s’éteignit
comblé d’honneurs, mais dans une situation matérielle difficile. Son service fu-
nèbre eut lieu en grande pompe aux Invalides et on y joua le Requiem de Cherubini.
Que l’on ait pu souvent, en parlant de
Boieldieu, évoquer Mozart suffit à indiquer le ton de sa musique et sa qualité ;
en même temps, l’art de ce compositeur
apparaît spécifiquement français : tendre,
spirituel, sensible, intelligent, ennemi de
toute mièvrerie, d’une délicate originalité,
avec une écriture à la fois simple et subtile.
Wagner et bien d’autres grands musiciens
ont dit toute leur admiration pour son
talent.
Outre une quarantaine d’ouvrages lyriques, Boieldieu a écrit de la musique de
piano, dont plusieurs sonates, de la musique de chambre, un concerto pour piano
(1792) et un concerto pour harpe (1795).
BOIS.
Terme générique qui désigne :
1. Les instruments à vent construits en
bois, même de nos jours (hautbois, basson, cor anglais, clarinette, etc.) ;
2. Les instruments à vent qui, à l’origine,
étaient construits en bois (flûte) ;
3. Les instruments à anche simple qui ont
toujours été métalliques, mais que leur
principe rattache aux bois (saxophones).
La famille des bois comprend donc, pratiquement, la flûte et tous les instruments à
anche simple ou double.
BOISGALLAIS (Jacques), compositeur
français (Le Mesle-sur-Sarthe, Orne,
1927).
Il a été, au Conservatoire de Paris, l’élève
de Samuel-Rousseau pour l’harmonie, de
Simone Plé-Caussade pour le contrepoint,
de Darius Milhaud et de Jean Rivier pour
la composition. En 1955, il entre à la R.
T. F. comme musicien-metteur en ondes,
métier qu’il continue d’exercer pour
Radio-France. Compositeur, il s’est vu
décerner plusieurs récompenses : son 1er
quatuor à cordes a obtenu le prix YvonneLiébin (1958), sa symphonie les Ombres, le
premier prix de la Ville de Paris (1966-67).
Il a essentiellement écrit des oeuvres pour
downloadModeText.vue.download 112 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
106
orchestre et pour diverses formations
instrumentales, d’une écriture ferme et
colorée. On lui doit aussi des partitions de
musique radiophonique.
BOISMORTIER (Joseph Bodin de),
compositeur français (Thionville 1689 Roissy-en-Brie 1755).
Après avoir passé les vingt-cinq premières
années de sa vie en Lorraine, où il rencontra H. Desmarest, alors surintendant
de la musique du duc Léopold, il effectua
plusieurs séjours à Perpignan. Quatre ans
plus tard, il commença à éditer ses oeuvres
à Paris, où il poursuivit sa carrière de
compositeur.
Ses compositions s’inscrivirent parfois dans la tradition de la musique française lorsqu’il écrivit des opéras comme
Daphnis et Chloé (1747), sa sonate pour 2
flûtes et sans basse ou ses cantates, genre
auquel il s’efforça toutefois d’apporter
un renouveau, notamment dans Actéon
(1732). Il fut aussi l’un des premiers musiciens français à adopter la forme tripartite
du concerto italien, quand parurent, en
1727, ses 6 concertos pour 5 flûtes traversières. À cet instrument, il consacra bon
nombre de sonates, tout en étant aussi
inspiré par la vielle et la musette, pour
lesquelles il composa plusieurs pièces qui
témoignent du goût, alors très en vogue,
pour la bergerie. Il céda aussi à la mode
lorsqu’il intercala des noëls populaires
dans son motet le plus célèbre, Fugit nox,
qui eut le privilège de rester pendant vingt
ans au répertoire de la chapelle royale. Par
son inspiration, mais aussi par son style
gracieux et élégant, Boismortier peut être
considéré comme l’un des artistes les plus
représentatifs de l’art musical français de
la première moitié du XVIIIe siècle.
BOÎTE À MUSIQUE.
Le cylindre à picots, issu du principe de
la roue à cames, était connu depuis la fin
du Moyen Âge et servait à animer des
carillons, des automates et autres objets
mécaniques. Vers la fin du XVIIIe siècle, un
horloger genevois eut l’idée de l’adapter à
un mince peigne d’acier, dont les dents, de
longueur inégale, produisaient autant de
notes. Quand le cylindre tourne, entraîné
par une manivelle ou, le plus souvent, par
un mouvement d’horlogerie, les picots
disposés sur une même ligne horizontale
accrochent au passage le bout des lames
correspondantes et les font vibrer. Des airs
plus ou moins longs (suivant le diamètre
du cylindre) peuvent être ainsi reconstitués avec leur accompagnement. Par la
suite, des cylindres interchangeables ont
permis aux modèles les plus perfectionnés
de rivaliser avec l’orgue de Barbarie, quant
à la variété du répertoire.
C’est surtout au XIXe siècle que la boîte
à musique a connu la plus grande vogue,
jouant un rôle certain dans la diffusion de
la musique. L’invention du phonographe
semble lui avoir porté un coup fatal, mais
on continue pourtant à en fabriquer,
surtout en Suisse, à cause du charme archaïque et naïf, inimitable, qui se dégage
de la sonorité de cet appareil.
BOÎTE EXPRESSIVE.
Disposition utilisée en facture d’orgues et
consistant à enfermer tous les tuyaux d’un
clavier dans un coffret étanche, clos vers
l’avant par une série de jalousies mobiles
actionnées par une cuiller ou une pédale
commandée de la console.
Les sonorités sont ainsi étouffées et
s’éclaircissent en léger crescendo lorsque
l’exécutant ouvre la boîte. Inventée au
XVIIIe siècle, la boîte expressive a été très
généralement répandue dans les orgues
d’esthétiques romantique et postromantique, où elle répond au besoin de nuances
nouvelles du style symphonique. Elle affecte les jeux du clavier de récit et, sur les
instruments plus grands, ceux du clavier
de positif.
BOITO (Enrico, dit Arrigo), compositeur, poète et librettiste italien (Padoue
1842 - Milan 1918).
Fils d’un sculpteur italien et d’une comtesse polonaise, il mena de pair des études
musicales et littéraires dans des conditions
difficiles, son père ayant abandonné le
domicile familial. Il publia des poésies de
caractère libertaire et entama une carrière
de chroniqueur, puis, encouragé par Emilio Praga, l’un des pères de la « scapigliatura » ( ! VÉRISME), il se rendit à Paris, où
il découvrit une musique instrumentale
inconnue en Italie, rencontra Baudelaire,
Rossini, Verdi (auquel il fournit les vers
de l’Hymne des nations) et Gounod, dont il
fit représenter le Faust à Milan. Conscient
des faiblesses du livret de cet opéra, il rédigea un poème d’après les deux Faust de
Goethe, en écrivit la partition et présenta
l’oeuvre à la Scala en 1868, sans aucun succès. Révisé, notablement raccourci, ce Mefistofele triompha à Bologne en 1875, mais
ne trouva sa forme définitive qu’après de
nouvelles modifications pour sa nouvelle
présentation à la Scala, en 1881, avec
une éclatante distribution. Entre-temps,
Boito s’était enflammé pour les courants
nouveaux de l’art ; il milita en faveur de
Wagner (on lui doit les versions italiennes
de Rienzi et de Tristan, mais aussi celle
du Freischütz de Weber) et prit position
contre Verdi. L’éditeur Ricordi ayant
réconcilié les deux artistes, Boito aida
Verdi à la refonte de son Simon Boccanegra (1881), puis écrivit pour lui les livrets
d’Otello et de Falstaff. Il fournit également
des livrets à d’autres musiciens : son ami
Franco Faccio (Hamlet), Ponchielli (La
Gioconda), Catalani (La Falce) et Mancinelli (Ero e Leandre). Directeur du conservatoire de Parme, de 1889 à 1897, élu
sénateur en 1912, il travailla longtemps à
un Néron, dont il publia le livret en 1901,
mais qu’il laissa inachevé ; complétée par
Antonio Smareglia et Vincenzo Tommasini, l’oeuvre fut créée à la Scala de Milan
en 1924, sous la direction de Toscanini.
Esprit ambitieux et tourmenté, toujours insatisfait, à l’image de son héros
Faust, Boito, auteur de recueils de vers,
de romans, de drames, ne sut pas toujours
mettre son talent musical à la hauteur de
son inspiration littéraire ; son Mefistofele,
oeuvre d’extrême jeunesse, n’en contient
pas moins des pages prophétiques, cependant que Néron souligne la prodigieuse
évolution de son style vers un modernisme affirmé.
BOKANOVSKI (Michèle), femme compositeur française (Paris 1943).
Après un stage au Groupe de recherches
musicales de Paris, elle poursuit, dans son
studio personnel, la réalisation d’oeuvres
électroacoustiques et « mixtes » (pour instruments et bande) rares et méditées. On
peut citer : Koré (1972), pour ensemble
vocal et bande, Pour un pianiste (1974),
pour bande et piano, pièce remarquable,
dédiée à son instigateur et interprète
Gérard Frémy, 3 Chambres d’inquiétude
(1975-76), Suite pour l’Ange (1980) et les
bandes sonores très denses et étudiées
qu’elle a réalisées pour les films de Patrick
Bokanovski (la Femme qui se poudre, le
Déjeuner du matin, l’Ange).
BOLCOM (William), compositeur américain (Seattle 1938).
Il fit ses études à l’université de Washington, à Mill’s College, à l’université Stanford avec Leland Smith et au Conservatoire de Paris (1959-1961) avec Simone
Plé-Caussade (contrepoint), Olivier Messiaen (esthétique), Darius Milhaud et Jean
Rivier (composition). Il fréquenta aussi
Darmstadt, où il subit l’influence de Pierre
Boulez. Il a ensuite occupé diverses fonctions aux États-Unis, notamment celle
d’assistant au Queen’s College de New
York (1966-1968). Sa musique fait appel
à des techniques très diverses : composition sérielle, expériences dans le domaine
des microtons, etc. Son catalogue comprend notamment 4 symphonies, 9 quatuors à cordes, des oeuvres concertantes,
des pièces pour différentes formations
instrumentales (en particulier Sessions I
à IV, 1965-1967) et les opéras d’acteurs
Dynamite Tonite (1963), Greatshot (1969)
et Theatre of the Absurd (1970).
BOLÉRO.
Danse espagnole et plus particulièrement andalouse, connue depuis la fin du
XVIIIe siècle.
Elle est issue de la séguedille et son
inventeur serait le danseur Cerezo. AcdownloadModeText.vue.download 113 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
107
compagné, à l’origine, de chants et de
castagnettes, le boléro se compose de trois
couplets sur un mouvement modéré à
3/4. Des changements de rythme à l’intérieur du ternaire sont possibles. rappel
schéma
Le boléro s’est rapproché du fandango
par l’accent de plus en plus nerveux des
castagnettes. Weber, Auber, Chopin, Albéniz et Ravel (ce dernier dans un mouvement un peu plus lent) ont utilisé le
rythme caractéristique de cette danse.
BOLET (Jorge), pianiste cubain naturalisé américain (La Havane 1914 - Moutain
View, Californie, 1990).
Il étudie au Curtis Institute de Philadelphie avec Saperton, Hofman, Godowski
et Moritz Rosenthal, puis à Vienne et à
Paris. À l’âge de seize ans, il fait ses débuts
à Carnegie Hall sous la direction de Fritz
Reiner. De 1939 à 1942, il est l’assistant
de Rudolf Serkin à la direction du Curtis Institute de Philadelphie. Sa carrière
se partage d’emblée entre le piano et la
diplomatie. En 1946, il prend la direction
de la musique au Quartier général américain de Tokyo, où il dirige principalement
des opérettes, dont la première japonaise
de The Mikado de Gilbert et Sullivan. En
1960, il double Dirk Bogarde interprétant
le rôle de Liszt dans le film Song without
End. Ses interprétations des oeuvres de
Liszt et de Chopin, ses deux compositeurs
de prédilection, se réclament d’une tradition pianistique qui remonte à Rachmaninov et Lhevine mais aussi à Cortot.
BOLOGNE (école de).
La période la plus glorieuse de cette école,
qui concerne en particulier la musique
de violon, se situe dans la seconde moitié du XVIIe siècle et au début du XVIIIe.
Cependant, on peut déjà citer, à la fin du
XVe siècle, le nom de Giovanni Spataro,
maître de chapelle de la basilique San
Petronio et auteur d’ouvrages théoriques.
C’est en raison de l’importante activité
musicale à San Petronio qu’une véritable
école se développa à Bologne. Après Girolamo Giacobbi (1567-1629), qui fit toute
sa carrière attaché à la basilique, Maurizio
Cazzati (v. 1620-1677) y devint maître de
chapelle en 1657 et établit les bases formelles et stylistiques de l’école. Cazzati est
l’auteur d’une oeuvre considérable (musique religieuse, sonates), mais sa musique
n’a pas le souffle de celle de son élève Giovanni Battista Vitali (1632-1692), chez lequel l’invention thématique, qui se prête à
un traitement en contrepoint, et la rigueur
de l’écriture, alliées à une grande connaissance du violon, donnèrent naissance
aux premiers chefs-d’oeuvre de l’école de
Bologne.
À San Petronio, Giovanni Paolo Colonna (1637-1695), puis Giacomo Antonio Perti (1661-1756) succédèrent à
Cazzati. À cette époque, Bologne comptait un grand nombre d’académies, dont
la plus importante était l’Accademia dei
Filarmonici, fondée, en 1666, sur l’initiative de Colonna. Mozart devait y appartenir plus tard. Parmi les élèves de Perti,
on trouve Giuseppe Torelli (1658-1709),
Giuseppe Jacchini ( ?-1727) et le padre
Martini (1706-1784). À l’Accademia dei
Filarmonici, on rencontre, outre Torelli
et Martini, Giovanni Battista Bassani, les
Bononcini, Arcangelo Corelli. À l’intense
vie musicale de Bologne sont également
associés Giuseppe Felice Tosi et Domenico Gabrielli.
Formé à Bologne, Corelli (1653-1713)
poursuivit sa carrière à Rome. De Bologne,
il hérita l’assurance avec laquelle il écrivit
pour le violon et le talent avec lequel, dans
ses concertos, il établit le contraste entre
mouvements mélodiques et mouvements
en contrepoint.
Demeuré à Bologne et, depuis 1686,
attaché à San Petronio, Torelli continua
à cultiver le style du concerto et fixa la
forme tripartite qui allait demeurer longtemps en vigueur : allegro-adagio-allegro.
À sa mort, le centre de la création violonistique italienne se déplaça de Bologne
à Venise. Cependant, le padre Martini
continua d’attirer dans sa ville, durant
tout le XVIIIe siècle, des disciples venus des
quatre coins de l’Europe.
BOMBARDE.
1. Instrument à vent en bois, de la
famille du hautbois, en usage essentiellement du XVe au XVIIe siècle. Munie d’une
anche double large et courte, d’un pavillon
très ouvert et souvent d’une clé, elle existe
en plusieurs tailles, correspondant à des
tessitures différentes, et produit des sons
d’une justesse approximative, mais d’une
rare puissance. Le modèle aigu percé de
sept trous s’est maintenu en Bretagne
comme instrument folklorique.
2. Jeu d’orgue à anche, du type trompette, dont le tuyau est de forme conique
régulière et de grande longueur, à grosse
taille, fabriqué en étain ou en bois. Il sonne
à l’octave grave de la trompette (16 pieds)
ou à la double octave (32 pieds), prenant
alors parfois le nom de contre-bombarde
ou de bombardon. La bombarde est associée à la trompette et au clairon pour
constituer une batterie d’anches complète,
utilisée dans les tutti de l’instrument. On
trouve la bombarde au pédalier, pour soutenir les basses, ou aux claviers manuels,
soit au grand-orgue, soit, dans les grands
instruments, à un clavier spécialement
consacré à la batterie d’anches et prenant
alors le nom de clavier de bombarde.
BOMBARDON.
Nom donné à la basse de la famille des
bombardes en Allemagne et en Italie, aux
XVIe et XVIIe siècles. Le terme bombardone
était employé en Allemagne au XIXe siècle
pour désigner un instrument grave, en
cuivre et à vent, semblable à ce que nous
appelons en France ophicléide. Enfin,
bombardon est devenu le nom familier et
général des instruments de cuivre de la
tessiture la plus grave (saxhorn, contrebasse, tuba).
BOMTEMPO (João Domingos), pianiste
et compositeur portugais (Lisbonne,
baptisé en 1775 - id. 1842).
C’était l’un des dix enfants d’un musicien
italien au service du roi Joseph. Il étudia le
hautbois, le contrepoint et le piano, et devint premier hautbois de l’Orchestre royal
(1795). En 1801, il partit à Paris pour s’y
perfectionner ; jusqu’alors, les musiciens
portugais se rendaient en Italie. En 1802,
il rencontra dans la capitale française
Muzio Clementi et son élève John Field ;
le nouveau style pianistique de Clementi
l’influença. À partir de 1804, plusieurs
concerts établirent, à Paris, sa renommée
de pianiste et compositeur ; il fit publier
chez Leduc ses premières oeuvres. En
1810, après la création de sa 1re symphonie
(1809), il se rendit à Londres, où Clementi
publia, dans sa propre maison d’édition,
plusieurs de ses partitions. En 1814, il
regagna son pays natal, mais fit encore
plusieurs séjours à Paris et à Londres,
avant de s’installer définitivement à Lisbonne, en 1820. À son initiative naquit,
en 1822, une société philharmonique, qui,
par ses concerts, allait beaucoup contribuer, jusqu’en 1828, à l’évolution du goût
des mélomanes portugais. En 1833, à la
création du conservatoire de Lisbonne,
Bomtempo en fut nommé directeur. Il
finit sa vie entouré de respect.
Son activité de pianiste, compositeur,
pédagogue et organisateur alla à l’en-
contre de la prépondérance du style italien
et fit place à la musique instrumentale face
à l’opéra. Le modernisme de son écriture
pour le piano contribua à définir la technique de cet instrument alors en pleine
évolution. Outre ses nombreuses compositions pianistiques, Bomtempo a écrit de
la musique symphonique et concertante,
des cantates et oeuvres religieuses, et de la
musique de chambre.
BONCI (Alessandro), ténor italien (Cesena, province de Forli, 1870 - Viserba,
près de Rimini, 1940).
Il débuta à Parme, en 1896, dans le rôle de
Fenton de Falstaff de Verdi, acquit rapidement une notoriété internationale et fut
engagé dans le monde entier. Sa carrière se
poursuivit jusqu’en 1927. C’était un ténor
lyrique à la voix limpide, émise avec une
égalité parfaite. Son style raffiné, son art
de « miniaturiste » (R. Celletti) firent de
lui, avec Mattia Battistini, un des derniers
représentants de la tradition du bel canto
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
108
au début du XIXe siècle. Alessandro Bonci
brilla particulièrement dans les oeuvres de
Bellini et de Donizetti.
BONDEDIVERS (Emmanuel), compositeur français (Rouen 1898 - Paris 1987).
Fils du sacristain de l’église Saint-Gervais
de Rouen, il commença, fort jeune, ses
études musicales avec l’organiste Louis
Haut. Orphelin à seize ans, il fut nommé
organiste de Saint-Nicaise, travailla avec
Jules Haelling, organiste de la cathédrale,
puis, après la guerre, à Paris avec Jean
Déré. Il écrivit trois pièces pour piano,
les Illuminations, qu’il orchestra ; l’un de
ces trois poèmes symphoniques, le Bal des
pendus, fut joué sous la direction d’Albert
Wolff aux Concerts Lamoureux. En 1934,
il entra à la station de radio de la tour Eiffel et devint secrétaire général de la Radiodiffusion française, en 1938 ; il s’efforça
de faire jouer les compositeurs français
contemporains et participa à la création
des dix premiers orchestres radiophoniques régionaux. Il fut aussi l’un des
fondateurs du groupe le Triton. En 1935,
son École des maris fut créée à l’OpéraComique. Directeur artistique de Radio
Monte-Carlo (1945), directeur de l’OpéraComique (1949), où l’on créa sa Madame
Bovary en 1951, il fut nommé directeur de
l’Opéra en 1952, puis directeur de la musique de la Réunion des théâtres lyriques
nationaux en 1959. Membre de l’lnstitut
depuis 1959, il est, à partir de 1964, secrétaire perpétuel de l’Académie des beauxarts. Son opéra Antoine et Cléopâtre a été
créé au théâtre des Arts de Rouen en 1974.
Ses trois oeuvres pour le théâtre constituent l’essentiel de la production d’Emmanuel Bondeville. Ce sont des partitions
vivantes, d’une écriture variée, d’une
orchestration habile, d’une inspiration lyrique parfois brûlante. Bondeville a aussi
écrit des pièces symphoniques, des motets
et des mélodies.
BONDON (Jacques), compositeur français (Boulbon, Bouches-du-Rhône,
1927).
Il a fait ses études à l’école César-Franck,
puis avec Charles Koechlin et au Conservatoire de Paris avec Jean Rivier et Darius
Milhaud. Il a obtenu, en 1963, le grand
prix musical du conseil général de la Seine
pour l’ensemble de son oeuvre. Même si les
influences de Milhaud et de Bartók sont
perceptibles, Bondon apparaît comme un
musicien libre et indépendant. Le fantastique et la science-fiction ont inspiré
plusieurs de ses oeuvres. Bondon a écrit
de la musique symphonique, de la musique de chambre (dont deux partitions
remarquables : quatuor à cordes, 1958, et
Giocoso pour violon et orchestre à cordes,
1960), de la musique vocale (dont le Pain
de serpent pour voix et 14 instruments,
1959), de nombreuses musiques de films,
les opéras Mélusine au Rocher (Luxembourg, 1969), Ana et l’albatros (Metz,
1970) et i. 330 (Nantes, 1975), l’oratorio le
Chemin de Croix (1989).
BONGO.
Instrument à percussion cubain, de la
famille des « peaux ».
Le petit fût cylindrique du bongo, fait
de planchettes juxtaposées à la manière
des douves d’un tonneau, est fermé à la
partie supérieure par une peau, dont la
tension est réglable. Les bongos vont par
paire, posée sur les genoux ou fixée sur
pied, et se jouent soit à mains nues, soit
avec des baguettes de tambour.
BONI (Guillaume), compositeur français
(Saint-Flour v. 1515 - Toulouse 1594).
Il vécut dans l’entourage humaniste du
cardinal Georges d’Armagnac, qu’il accompagna dans ses ambassades à Venise
et à Rome. Celui-ci, devenu archevêque
de Toulouse, lui confia la maîtrise de la
cathédrale. Boni composa pour ce choeur
deux volumes de motets à 5 et 7 voix, et
d’autres pièces religieuses témoignant de
l’influence de la musique italienne qu’il
entendit au cours de ses voyages. Il écrivit
aussi des chansons profanes sur des vers
de Ronsard et de Pibrac (Sonetz de P. de
Ronsard à 4 voix, Paris, 1576 ; les Quatrains
du Sieur de Pibrac, de 3 à 6 voix, Paris,
1582 ; 2e livre, 1579).
BONNET (Joseph), organiste et compositeur français (Bordeaux 1884 - SaintLuce, Canada, 1944).
Élève de son père - lui-même organiste
à Bordeaux (église Sainte-Eulalie), puis
à Paris -, de Vierne, de Tournemire et
de Guilmant, il fut nommé organiste de
Saint-Eustache en 1906, poste qu’il occupa
jusqu’à sa mort, tout en effectuant des
tournées internationales, principalement
en Amérique. Il a écrit pour son instrument et publié des éditions d’oeuvres classiques, notamment des Fiori musicali de
Frescobaldi. Il s’est imposé par la pureté
de son style d’exécution et par la réflexion
qui présidait à ses interprétations.
BONNET (Pierre), compositeur français
(fin XVIe s.).
On ignore pratiquement tout de son existence sinon qu’il naquit dans le Limousin
et qu’il fréquenta la cour du roi Henri III
jusqu’en 1586, année où il entra au service
de Georges de Villequier, gouverneur de
la haute et de la basse Marche. Il a laissé
des airs et des villanelles à 4 et 5 voix (1er
Livre d’airs, Paris, 1585 ; Airs et villanelles,
Paris, 1600 et 1610). Comme les airs de
Jean Planson, ceux de Pierre Bonnet,
fort beaux, mettent l’accent sur l’importance mélodique de la partie supérieure
et appartiennent à la première période
de l’air de cour. Ses chansons s’inspirent
parfois de la musique mesurée à l’antique,
et leur écriture verticale contribue à la
compréhension des paroles. Souvent, elles
prennent la forme d’un dialogue (ex. :
Francion vint l’autre jour, à 5 voix).
BONNO (Giuseppe), compositeur autrichien d’origine italienne (Vienne 1710 id. 1788).
Auteur surtout d’ouvrages religieux et
d’opéras, il succéda en 1774 à Florian
Gassmann au poste de maître de chapelle
impérial et eut lui-même comme successeur Salieri.
BONONCINI, famille de musiciens italiens.
Giovanni Maria, violoniste et compositeur (Montecorone, près de Modène,
1642 - Modène 1678). Il fut probablement
l’élève de Marco Uccellini et étudia la
théorie et le contrepoint avec A. Bendinelli. Membre de l’Accademia Filarmonica de Bologne, il fut nommé, en 1671,
violoniste à la chapelle de la cathédrale de
Modène, puis, à partir de 1673, maître de
chapelle.
G. M. Bononcini fut le représentant le
plus important de l’école instrumentale de
Modène à la fin du XVIIe siècle. Il marqua
de son talent la sonate d’église et la sonate
de chambre, refusant toute virtuosité
purement instrumentale, si ce n’est dans
les Arie, correnti e sarabande op. 4, pièces
écrites pour lui-même et son protecteur
Obizzo Guidoni. Ses sonates de chambre
représentèrent la dernière étape de l’évolution aboutissant, en 1685, à l’opus 2 de
Corelli. Quelques-uns de ses recueils de
musique instrumentale portent de jolis
titres comme son opus 1 : I primi frutti del
giardino musicale pour 2 violons et continuo (1666).
Giovanni, parfois appelé, à tort, Giovanni Battista, compositeur (Modène
1670 - Vienne v. 1755). Fils du précédent,
il fut l’élève de son père, de G. P. Colonna,
à Bologne, et étudia le violoncelle avec G.
Buoni. Il publia à Bologne, dès l’âge de
quinze ans, Trattenimenti da camera op.
1. En 1687, il entra à la chapelle San Petronio de Bologne comme violoncelliste, puis
à l’Accademia Filarmonica, avant de devenir maître de chapelle de San Giovanni in
Monte. De 1689 à 1696, il se trouva à Rome
au service du cardinal Pamphili. Après un
bref séjour à Venise, il se rendit à Vienne
où il fut nommé, en 1700, compositeur
de la cour de Léopold Ier. Il séjourna en-
suite à Berlin, à Milan, à Londres (1716),
à Rome (1719) et, en 1720, de nouveau à
Londres où il devint le rival de Haendel
en tant que compositeur d’opéras italiens
(l’Odio e l’Amore, 1721 ; Crispo et Griselda,
1722 ; Erminia et Farnace, 1723 ; Calfurnia,
1724 ; Astianatte, 1727). Accusé de plagiat,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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mêlé aux querelles entre prime donne (la
Bordoni et la Cuzzoni), il dut quitter la
capitale anglaise malgré la protection du
duc de Marlborough. Après des séjours
à Paris et à Lisbonne, il mourut dans la
misère à Vienne.
Son oeuvre, distinguée et de grande
qualité, comprend des concertos, des sinfonie, des pièces de clavecin et des sonates,
des cantates, des duos, une vingtaine de
sérénades, environ 27 opéras (quelquesuns sont peut-être d’Antonio Maria, son
frère), des oeuvres religieuses (messes,
motets, Te Deum, Anthem funèbre pour
John, duc de Marlborough) et 7 oratorios
dont La Conversione di Maddalena et Ezechia.
Antonio Maria, compositeur, parfois
appelé, à tort, Marc’Antonio (Modène
1677 - id. 1726). Fils de Giovanni Maria
et frère du précédent, élève de son père et,
peut-être, de G. P. Colonna, il remporta
un premier grand succès avec l’opéra Il
Trionfo di Camilla, représenté à Naples en
1696. En 1702, il séjourna à Berlin avec
son frère Giovanni ; puis il le retrouva à
Vienne, où il fit jouer un grand nombre
d’opéras et d’oratorios de 1704 à 1711. Il
séjourna à Rome (1714), à Milan (1715),
avant de regagner Modène (1716), où il
fut chef d’orchestre aux théâtres Molza
(1716-1721) et Rangoni (1720) et maître
de chapelle à la cour du duc Rinaldo
d’Este, de 1721 à sa mort.
Antonio Maria a laissé des opéras, des
oratorios, un Stabat Mater et une messe.
Sa musique sacrée est d’une grande
beauté. Certains opéras sont d’authenticité douteuse ; peut-être sont-ils confondus avec ceux de son frère Giovanni.
Giovanni Maria, dit Angelo, violoncelliste (Modène 1678 - ?). Demi-frère d’An-
tonio Maria et de Giovanni, il fut violoncelliste à la chapelle de la cathédrale de
Modène.
BONPORTI (Francesco Antonio), compositeur italien (Trente 1672 - Padoue
1749).
Il étudia à Innsbruck et à Rome, peut-être
auprès de Corelli, obtint un bénéfice à la
cathédrale de sa ville natale, puis vécut à
Padoue, à partir de 1740. « Gentiluomo
di Trento », il fut ordonné prêtre et montra, mais en vain, encore plus d’ambition
dans sa carrière ecclésiastique que dans
sa carrière musicale. De ses douze recueils
publiés (l’opus 1 en 1696 et l’opus 12
après 1745), tous sont profanes sauf l’opus
3. Les opus 8 et 9 ont disparu. Ces recueils
ne regroupent pas six ou douze ouvrages
chacun, comme d’usage à l’époque, mais
dix. Bonporti a surtout cultivé le style da
camera (sonates en trio). De ses Invenzioni
a violine solo op. 10 (1712), quatre (nos 2
et 5 à 7) ont été copiées par J.-S. Bach et
même publiées sous son nom.
BONTEMPI (Giovanni Andrea Angelini,
dit), compositeur, chanteur et théoricien
italien (Pérouse v. 1624 - id. 1705).
Chantre à Saint-Marc de Venise dès 1643,
il se rendit à Dresde en 1650 où il devint
vice-maître de chapelle sous l’autorité de
Schütz. L’architecture, les sciences physiques tenaient une grande place dans sa
vie, et il fut également à partir de 1650
ingénieur des machines du théâtre de
Dresde. Il faut citer ses opéras Il Paride
(1662), le premier opéra italien représenté en Allemagne du Nord (Dresde), et
Dafne (1671). C’est à Schütz qu’il dédia un
ouvrage théorique : Nova quatuor vocibus
componendi methodus (Dresde, 1660).
BONYNGE (Richard), pianiste et chef
d’orchestre australien (Sydney 1930).
Après des études de piano dans sa ville
natale, il se produit d’abord comme pianiste dans son pays, puis choisit d’aller
travailler à Londres. Il débute comme
chef d’orchestre à Rome en 1962 et se
consacre alors essentiellement à la direction d’orchestre et à la musicologie, liant
étroitement ces deux activités. Avec sa
femme, la cantatrice Joan Sutherland, il
fait connaître, au théâtre, au concert et par
le disque, de nombreuses oeuvres oubliées
du XVIIIe et du XIXe siècle, notamment,
dans le répertoire italien du bel canto classique et romantique. Dans l’exécution des
partitions qu’il fait revivre, comme dans
celle d’oeuvres connues et consacrées, il
cherche à restituer un mode d’exécution
authentique, sur le plan du tempo, de
l’effectif orchestral, du choix des types vocaux et du style de chant (ornementation,
etc.). Ces recherches, aboutissant généralement à une interprétation plus « légère »
que l’interprétation traditionnelle, ont
touché non seulement l’opéra italien, mais
certaines oeuvres françaises (Meyerbeer)
et le Don Juan de Mozart.
BOOSEY AND HAWKES.
Maison d’édition musicale et fabrique
d’instruments londonienne, issue de la
fusion, en 1930, des firmes Boosey and Co.
et Hawkes and Son.
La maison Boosey datait de 1792 environ, la maison Hawkes de 1865. Depuis
la dernière guerre, son activité s’est étendue à de nombreuses succursales étrangères (États-Unis, Canada, Afrique du
Sud, Australie, France, Allemagne, etc.).
Son important catalogue comprend des
oeuvres de R. Strauss, Stravinski, Prokofiev, Britten, Martinºu, Offenbach, Smetana, Bartók, etc. Boosey and Hawkes a
acquis en 1996 le fonds de la maison allemande Bote und Bock (fondée à Berlin en
1838).
BORDES (Charles), compositeur français
(Rochecorbon 1863 - Toulon 1909).
Élève d’Antoine François Marmontel
(piano) et de César Franck (composition),
il devint maître de chapelle à Nogent-surMarne (1887), puis à Paris, à l’église SaintGervais (1890). Il mit sur pied une chorale, les chanteurs de Saint-Gervais, qui se
spécialisa dans le répertoire polyphonique
sacré et profane des XVe, XVIe et XVIIe s., et
se produisit dans toute la France. Chargé
d’une mission officielle au Pays basque
(1889-90), il recueillit et publia une centaine de chansons populaires (Archives
de la tradition basque). Fondateur, avec
Vincent d’Indy et Alexandre Guilmant, de
la Schola cantorum (1894), il en créa une
filiale à Montpellier. Son intense activité
d’animateur et de pionnier de la décentralisation artistique eut raison de ses forces,
et il disparut brutalement, au cours d’une
tournée, à quarante-six ans.
Ses oeuvres, comprenant notamment
des mélodies, sont peu nombreuses, mais
son influence fut importante dans la
connaissance de la musique de la Renaissance, dont il édita des anthologies, et de
musiciens de l’époque classique comme
Rameau ou Clérambault.
BORDONI (Faustina), soprano italienne
(Venise 1700 - id. 1781).
Ses débuts à Venise, en 1716, dans l’Ariodante de Pollarolo, furent suivis d’immenses succès dans toute l’Italie, puis en
Allemagne et à Vienne. En 1726, Haendel
la recruta pour sa troupe d’opéra italien
de Londres où elle continua de triompher. Mais une rivalité demeurée fameuse
l’opposa à Francesca Cuzzoni, provoquant
une division dans le public et des incidents
graves. De retour en Italie, elle épousa, en
1730, le compositeur Johann Adolf Hasse.
Leurs carrières furent dès lors parallèles,
essentiellement partagées entre Dresde et
l’Italie. Excellente actrice, Faustina Bordoni possédait un timbre mordant et une
brillante technique de l’ornementation.
BORG (Kim), basse finlandaise (Helsinki
1919).
Il se destine à la chimie avant de se tourner vers le chant, qu’il étudie à l’Académie Sibelius (1947-48), puis à Stockholm
(1948). Sa carrière internationale débute
en 1951, lorsqu’il chante à Copenhague
le rôle de Méphisto dans le Faust de Gounod. La même année, son interprétation
du rôle de Colline dans la Bohème lui vaut
des engagements aux États-Unis. En 1956,
il chante à Glyndebourne le rôle-titre de
Don Giovanni et la Kovantschina à l’Opéra
d’État de Munich sous la direction de
Frenc Fricsay. Paris le découvre dans une
Neuvième Symphonie de Beethoven dirigée
par Igor Markevitch et dans un récital de
mélodies avec le pianiste Erik Werba, son
accompagnateur depuis 1951. Son ample
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
110
tessiture lui permet d’aborder aussi bien
les rôles de basse que de baryton, et il
accorde une grande importance au respect de la diction, quelle que soit la langue
abordée.
Il enseigne de 1972 à 1990 au Conservatoire royal de Copenhague, puis se retire
à Humlebaek, près de cette dernière ville.
Outre de nombreux rôles d’opéra et d’oratorio, il a enregistré notamment des lieder
de Schubert et de Schumann, les Chants et
danses de la mort de Moussorgski (dont il
a orchestré lui-même la partie de piano) et
des mélodies de ses compatriotes Sibelius
et Kilpinen.
BOŘKOVEC (Pavel), compositeur
tchèque (Prague 1894 - id. 1972).
Il prit d’abord des leçons particulières de
composition avec Josef Bohuslav Foerster et Jaroslav Křička. De 1925 à 1927, il
fut, au conservatoire de Prague, l’élève
de Josef Suk, qui l’éveilla au postromantisme. Sous cette influence, il écrivit le
poème symphonique Stmívání et sa 1re
symphonie (1926-27). Après avoir sacrifié
à la mode et s’être placé dans le sillage de
Stravinski et Honegger, il évolua vers un
style vigoureux, s’apparentant au Hindemith didactique, avec son concerto grosso
(1941-42), son 2e concerto pour piano
(1949-50) et ses deux derniers quatuors
à cordes (1947 et 1961). Deux autres symphonies (1955 et 1959) témoignent de son
goût pour la construction classique alliée
à des recherches polytonales et fondée
sur un solide métier de contrapontiste
rythmique. De 1946 à 1964, il enseigna
au conservatoire de Prague et forma une
grande partie de l’école musicale tchèque
actuelle.
Il a laissé des oeuvres pour piano, 5 quatuors à cordes, des sonates, 3 symphonies,
4 concertos, le ballet Krysař (Le preneur
de rats joue de la flûte, 1939), deux opéras, Satyr (le Satyre, 1937-38) et Paleček
(Tom Pouce, 1945-1947), des mélodies,
des choeurs, des madrigaux.
BORODINE (Aleksandr Porfirievitch),
compositeur russe (Saint-Pétersbourg
1833 - id. 1887).
« Je suis un musicien du dimanche », affirma Borodine lui-même. De fait, la musique resta toujours une occupation secondaire pour ce fils naturel du prince Lucas
Guedeanov, qui fit sa carrière comme professeur de chimie à l’Académie militaire
de médecine. Peut-être cela explique-t-il
le caractère restreint de sa production et
la lenteur de son rythme de travail. Boro-
dine reçut des leçons de flûte, violoncelle,
hautbois et, surtout, des leçons de piano
de sa mère. S’étant lié d’amitié avec Moussorgski et Balakirev, en 1862, il participa à
la constitution du groupe des Cinq. Tout
en partageant les idées fondamentales du
groupe, il se montra moins hostile que ses
condisciples à l’emprise germanique sur la
musique russe.
« Je suis moi-même, de nature, un
lyrique et un symphoniste. Je suis attiré
par les formes symphoniques. » Balakirev
l’encouragea, d’ailleurs, dans cette voie
de la musique pure (1re symphonie, 18621867). Liszt, qui considérait la musique
russe comme le seul courant de vitalité depuis le Parsifal de Wagner, en fit l’éloge. La
2e symphonie (1869-1876), menée de pair
avec le Prince Igor, reflète l’influence de cet
opéra. Vraie symphonie héroïque russe,
elle symbolise le rôle historique que Borodine a joué : une synthèse entre la Russie
et l’Occident par un mélange des sources
populaires et des formes classiques ou
romantiques européennes. Malgré la lenteur avec laquelle cette oeuvre a été élaborée, l’inspiration en est d’une richesse et
d’une aisance étonnantes et les mélodies
naissent spontanément. N’a-t-on pas dit
qu’il y a dans le Prince Igor la matière d’au
moins cinq opéras ? Commencée en 1869,
l’oeuvre demeura inachevée à sa mort et
fut terminée par Rimski-Korsakov et Glazounov.
Le compositeur crée deux univers différents, l’un russe - celui d’Igor -, avec
ses thèmes francs et diatoniques, l’autre
oriental - celui de Kontchak -, avec son
chromatisme, par exemple les Danses polovtsiennes ou la cavatine de Kontchakovna. Il préfère les formes italiennes traditionnelles (revues par Glinka) au style
récitatif de Moussorgski. Le souci de la
ligne générale l’emporte sur les détails. La
voix occupe la première place, l’orchestre
la seconde.
En 1880, Borodine contribua à fêter
les vingt-cinq ans de règne d’Alexandre
III avec Dans les steppes de l’Asie centrale,
mais ses sentiments politiques étaient ambigus. Son libéralisme donna la clé d’un
certain nombre de ses mélodies, telles que
la Princesse endormie, Chanson dans la
forêt sombre, la Mer, dont la vraie lecture
est parabolique.
L’écriture de Borodine souligne son
attachement à la simplicité de la ligne
mélodique, à la légèreté et à l’agilité du
contrepoint, à la clarté d’une harmonie
riche en modulations. Le 2e quatuor, la 2e
symphonie, à l’orchestration singulièrement audacieuse, connaissent une juste
célébrité.
BORREL (Eugène), musicologue français
(Libourne 1876 - Paris 1962).
Élève de Vincent d’Indy, il fonda en 1909,
avec Félix Raugel, la Société Haendel,
dont l’activité fut grande entre 1909 et
1913. Borrel réédita des oeuvres de musique ancienne pour le violon, instrument
dont il jouait lui-même et qu’il enseigna
à la Schola cantorum. Ses recherches
portèrent principalement sur les maîtres
français des XVIIe et XVIIIe s., comme l’indiquent les titres de ses principaux écrits :
l’Interprétation de la musique française de
Lully à la Révolution (Paris, 1934 ; rééd.
Paris, 1977) ; Jean-Baptiste Lully (Paris,
1949).
BORTNIANSKI (Dimitri), compositeur
ukrainien (Gloukhovo, Ukraine, 1751 Saint-Pétersbourg 1825).
Choriste à la chapelle impériale, il travailla à Saint-Pétersbourg avec Baldassare
Galuppi (1765-1768) et suivit ce dernier à
Venise. Il se perfectionna aussi à Bologne
avec le padre Martini, puis à Rome et à
Naples. Il rentra en Russie en 1779, et fut
nommé directeur de la chapelle impériale de Paul Ier en 1796. Il composa des
oeuvres pour la scène, puis se consacra à la
musique religieuse. Il préconisa une étude
attentive des chants neumatiques des XIIe
et XIIIe s., qui devaient, selon lui, « contribuer à la naissance d’un style nouveau,
d’une école foncièrement russe ». C’était
là un langage neuf, qui annonçait étrangement les théories de Glinka. Tchaïkovski étudia les partitions de Bortnianski
et en dirigea la réédition. Les oeuvres vocales (mélodies religieuses à 3 ou 4 voix,
psaumes orthodoxes, 35 concerts à 4 voix,
10 concerts pour 2 choeurs, une messe,
etc.) remplissent 10 volumes et furent publiées, à Moscou, aux alentours de 1880.
Bortnianski écrivit aussi 3 opéras - tous
trois créés en Italie -, 4 opéras-comiques
de style français, des sonates et une symphonie.
BÖRTZ (Daniel), compositeur suédois
(Hässelholm 1943).
Élève de H. Rosenberg et de K.-B.
Blomdahl, il effectue des voyages d’études
en Allemagne, France, Italie et Hollande
(musique électronique à Utrecht avec M.
Koenig). Börtz se distingue par son intérêt pour les idées philosophiques nées
de Hesse et de Kafka et pour les prolongements du mouvement musical né
avec Mahler et Bruckner ; sa Kafka-Trilogi (1966-1968, 1968 et 1969), les opéras Landskab med flod (1972) tiré de Sid
dharta de Hesse, et Baccgabterna (19881990), en témoignent talentueusement.
BOSCHOT (Adolphe), musicologue et
critique musical français (Fontenaysous-Bois 1871 - Neuilly-sur-Seine 1955).
Il fut surtout le biographe minutieux et
enthousiaste de Berlioz, mais on ne peut
oublier ni ses livres sur Mozart ni ses
traductions des livrets du même compositeur. Critique musical à l’Écho de Paris
(1910-1938), Adolphe Boschot fut élu,
en 1926, à l’Académie des beaux-arts et,
succédant à Ch.-M. Widor, en devint le
secrétaire perpétuel en 1937. Ses travaux
sur Berlioz comprennent : l’Histoire d’un
romantique, en 3 volumes, I.la Jeunesse
d’un romantique ; II.Un romantique sous
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
111
Louis-Philippe ; III.le Crépuscule d’un romantique (Paris, 1906-1912, rééd. Paris,
1946-1950) ; le Faust de Berlioz (Paris,
1910 ; rééd. Paris, 1945).
BOSCOVITCH (Alexander), compositeur
et chef d’orchestre israélien (Cluj, Roumanie, 1907 - Tel-Aviv 1964).
Il fit ses études à l’Académie de musique
de Vienne et à Paris avec Paul Dukas,
Nadia Boulanger et Alfred Cortot. Il devint chef d’orchestre de l’Opéra de Cluj,
fonda et dirigea un orchestre symphonique juif, l’Orchestre Goldmark. Invité
en Palestine, en 1938, pour la première
exécution de sa suite d’orchestre la Chaîne
d’or, inspirée de mélodies juives d’Europe
de l’Est, il s’installa dans le pays et devint
un des pionniers de la musique israélienne
par ses compositions (concerto pour vio-
lon, 1942 ; concerto pour hautbois, 1943,
rév. 1960 ; Suite sémite, 2 versions, piano
ou orchestre, 1946) et par les articles qu’il
publia. Vers la fin de sa vie, il se tourna
vers la technique sérielle (Concerto da camera pour violon et 10 instruments, 1962 ;
Ornements pour flûte et orchestre, 1964).
Sa cantate Fille d’Israël (1960) témoigne
de son intérêt pour les relations entre la
musique et la langue hébraïque, et pour la
mystique de la kabbale.
BOSE (Hans-Jürgen von), compositeur
allemand (Munich 1953).
Il fait ses études au conservatoire (19691972) et à la Hochschule für Musik (19721975) de Francfort avec, notamment,
Hans Ulrich Engelmann. On note dans la
création de von Bose deux tendances, apparemment contradictoires. L’une, proche
du modernisme, poursuit une démarche
rationnelle qui enjoint au matériau musical une évolution prédéterminée ; on y rattache des oeuvres comme Labyrinth II pour
piano (1987) et, surtout, le troisième Quatuor à cordes (1986-1987), où le compositeur s’appuie sur des fonctions logiques
pour élaborer des structures complexes
sur le plan rythmique et sur celui de l’intonation. L’autre tendance, plus proche du
postmodernisme, vise un art « subjectif »
qui touche immédiatement et de manière
simple l’auditeur : opéra Traumpalast 63,
créé à Munich en 1990, conglomérat de
styles variés, d’allusions diverses ; ou Solo
pour violoncelle, 1979, réplique ambitieuse à l’écriture polyphonique baroque.
De son catalogue font partie aussi Morphogenesis pour orchestre (1975), Travesties in a Sad Landscape pour orchestre de
chambre (1978), l’opéra Chimäre d’après
Lorca (Aix-la-Chapelle, 1986), les « scènes
lyriques » Die Leiden des jungen Werthers,
d’après Goethe (1983-1984, créé à Schwetzingen en 1986), l’oeuvre liturgique... Im
Wind gesprochen (1984-1985), Labyrinth I
pour orchestre (1987), Seite Textos de Miguel Angel Bustos pour soprano, accordéon
et violoncelle (1991).
BÖSENDORFER, famille de facteurs de
pianos autrichiens.
Ignaz (Vienne 1796 - id. 1849) fonda, en
1828, la firme Bösendorfer, que dirigèrent
plus tard son fils Ludwig (Vienne 1835 - id.
1919), puis les fils de celui-ci, Alexander et
Wolfgang Hutterstrasser. Inaugurée en
1872 avec un récital de Hans von Bülow,
la salle de concerts Bösendorfer demeure
un haut lieu de la vie musicale viennoise.
Les pianos Bösendorfer sont aujourd’hui
parmi les instruments de concert les plus
réputés.
BOSKOWSKY (Willi), violoniste et chef
d’orchestre autrichien (Vienne 1909 Visp, Suisse, 1991).
Il a fait ses études à l’Académie de musique de Vienne où, à partir de 1935, il a
enseigné le violon. Premier violon solo de
l’Orchestre philharmonique de Vienne
à partir de 1939, il a créé l’Octuor de
Vienne, en 1948, et en a été également le
premier violon. Puis il a fondé l’Ensemble
Mozart de Vienne. En 1955, il a succédé
à Clemens Krauss à la tête de l’Orchestre
philharmonique pour les concerts du nouvel an. Depuis 1969, il dirige l’orchestre
Johann Strauss de Vienne et fait des célèbres valses sa spécialité.
BOSSINENSIS (Francesco), luthiste et
arrangeur italien (début du XVIe s.).
Son nom est lié aux premières transcriptions de frottole (pièces vocales à 4 voix)
pour voix soliste et luth, publiées chez Ottaviano Petrucci, à Venise, en 2 volumes
(1509, 1511), sous le titre Tenori e contrebassi intabulati col sopran in canto figurato
per cantar e sonar lauto. Les compositions
utilisées par Bossinensis étaient de la
main de divers auteurs, dont, en particulier, Bartolomeo Tromboncino. Dans ses
arrangements, Bossinensis les fit précéder
de courtes pieces uniquement instrumentales (ricercari), destinées au luth. Les versions pour voix seule et luth de chansons à
plusieurs voix, qui se répandirent alors un
peu partout en Europe, ne peuvent encore
être qualifiées de monodies accompagnées, car leur écriture demeurait dépendante de leur origine polyphonique.
BOSSLER (Heinrich), éditeur allemand
(Darmstadt 1744 - Gohlis, près de Leipzig, 1812).
Il fonda sa maison d’édition en 1781 à
Spire où, de 1788 à 1790, il fit paraître la
revue Musikalische Realzeitung, puis la
transféra en 1792 à Darmstadt et en 1799
à Gohlis. À sa mort, son fils Friedrich lui
succéda, mais la firme cessa ses activités
en 1828. Chez Bossler à Spire parurent
notamment en 1783 les trois sonates WoO
47 de Beethoven dédiées au prince-électeur Maximilian Friedrich de Cologne.
BOSTON (vie musicale à).
Dès les premiers temps de la colonisation, Boston connut une activité musicale importante. À la fin du XVIIe s., on
y trouvait déjà un magasin de musique,
des professeurs et des théoriciens. La plus
ancienne référence à un public de concert
et de théâtre date de 1731. La vie musicale
y prit un essor considérable au XIXe s. Une
école de chant fondée en 1815, la Haendel
and Haydn Society, devint célèbre pour
l’étude des grands maîtres européens.
Des ensembles vocaux et instrumentaux,
des orchestres amateurs ou semi-professionnels, des journaux et des éditeurs
de musique, des sociétés de concert se
constituèrent. Le premier festival de musique des États-Unis eut lieu à Boston,
en 1858. En 1867, deux ans après celui
d’Oberlin (Ohio), qui avait été le premier
du pays, naquit un autre conservatoire, le
New England Conservatory. Une troupe
d’opéra apparut en 1879, mais le premier
théâtre d’opéra n’ouvrit ses portes qu’en
1909.
C’est surtout à son Orchestre symphonique que Boston doit, depuis près
d’un siècle, son renom musical. Fondé
par Henry Lee Higginson en 1881, cet
orchestre n’a jamais cessé d’être constitué de quelques-uns des meilleurs instrumentistes d’Europe et d’Amérique. À
sa tête se sont succédé George Henschel,
Wilhelm Gericke, Arthur Nikisch, Emil
Paur, Karl Muck, Henri Rabaud, Pierre
Monteux, Serge Koussevitski, Erich Leinsdorf et, depuis 1974, Seiji Ozawa. Depuis
Koussevitski, l’Orchestre symphonique
de Boston favorise la création en passant
des commandes à des compositeurs. On
ne saurait oublier, d’autre part, le Boston Pops Orchestra, longtemps dirigé par
Arthur Fiedler, qui, sur une esplanade
spécialement aménagée, donne, pour des
foules énormes, des concerts essentiellement consacrés à des oeuvres populaires.
BOTE UND BOCK.
Maison d’édition fondée à Berlin en 1838,
et qui, depuis 1945, se consacre très largement à la musique contemporaine.
Elle a été rachetée en 1996 par Boosey
and Hawkes.
BOTSTIBER (Hugo), musicologue autrichien (Vienne 1875 - Shrewsbury, Angleterre, 1941).
Élève de Guido Adler, il occupa jusqu’en
1938 d’importants postes musicaux et
administratifs à Vienne, et, en 1927, mena
à terme la grande biographie de Haydn de
Carl Ferdinand Pohl, laissée inachevée par
la mort de ce dernier en 1887.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
112
BOTTESINI (Giovanni), contrebassiste,
compositeur et chef d’orchestre italien
(Crema 1821 - Parme 1889).
Il apprit d’abord le violon, puis entra au
conservatoire de Milan, où la seule place
vacante fut dans la classe de contrebasse.
Ce Paganini de la contrebasse dut donc sa
carrière de virtuose au hasard. Il débuta
dans des orchestres italiens, mais Verdi lui
conseilla de tenter une carrière de soliste.
Bottesini voyagea beaucoup (La Havane,
Londres, Paris, Palerme, Barcelone). Directeur de l’orchestre du Théâtre-Italien à
Paris (1855-1857), il fut nommé, en 1871,
directeur du Lyceum Theatre de Londres
et, à la demande de Verdi, dirigea la première d’Aïda au Caire. Il fut ensuite directeur du conservatoire de Parme, jusqu’à
sa mort.
Bottesini a promu son instrument à un
rôle de soliste et sa Grande Méthode complète de contrebasse a fait date. Il a composé 4 opéras, dont Ero e Leandro (1879),
et, surtout, un concerto, un Grand Duo
concertant et une tarentelle pour la contrebasse.
BOTTRIGARI (Ercole), théoricien et
compositeur italien (Bologne 1531 - id.
1612).
De famille riche et illustre, il travailla la
composition avec Bartolommeo Spontone
et écrivit quelques madrigaux dans sa jeunesse. Par la suite, il se consacra essentiellement à l’étude des lois scientifiques de la
musique. Il fut conseiller d’État à Bologne
(1551), puis, de 1575 à 1586, vécut à la
cour de Ferrare, où il connut le Tasse et
fréquenta les milieux humanistes.
Il Desiderio, publié sous le pseudonyme de
Alemanno Benelli (Venise, 1594), décrit la
manière de faire de la musique dans les
différentes Accademie : d’intéressantes
descriptions y abondent ; on y trouve aussi
une discussion concernant l’accord des
instruments et leur classement. D’autres
ouvrages théoriques de Bottrigari ont
pour titres : Il Patricio (Bologne, 1593) et
Il Melone secondo (Ferrare, 1602).
BOUCHE.
Ouverture latérale des tuyaux d’orgue
dits, justement, « à bouche », pour les distinguer des tuyaux à anche.
Cette bouche, qui s’ouvre horizontalement sur la partie aplatie du tuyau, comporte deux lèvres et une langue qui dirige
l’air sous pression vers la lèvre supérieure,
d’où l’effet vibratoire. Le principe est donc
le même que celui du sifflet ou de la flûte
à bec. On appelle également bouche le trou
ovale qui constitue l’embouchure de la
flûte traversière.
BOUCHÉ (son).
Tous les instruments de la famille des
cuivres peuvent en principe recevoir une
sourdine qui obture partiellement le pavillon. Ce cône d’aluminium ou de carton
bouilli (parfois, l’instrumentiste plonge
simplement sa main dans le pavillon) a
pour effet non seulement d’assourdir le
son de l’instrument, mais d’en modifier le
timbre, surtout dans le cas de la trompette,
qui, bouchée, revêt un tout autre caractère. Ce procédé est d’usage extrêmement
fréquent dans le jazz.
BOUCHE FERMÉE.
Indication que l’on trouve dans la musique
vocale et, plus particulièrement, chorale,
et qui a pour but d’obtenir un effet quasi
instrumental, le chant n’étant pas articulé.
Cet effet sert souvent d’accompagnement : par exemple, une voix soliste peut
chanter un texte sur un accompagnement
à bouche fermée fourni par les choeurs.
BOUCHERIT (Jules), violoniste et pédagogue (Morlaix 1877 - Paris 1962).
Il commence le violon avec sa mère - qui
enseigne également le piano - et entre en
1890 au Conservatoire, où il obtient son
1er prix deux ans plus tard. En 1894, il devient violon solo de l’Orchestre Colonne
et entame une carrière internationale qui
le mène à se produire avec Alfred Cortot
ou Magda Taglieferro. Nommé professeur
de violon au Conservatoire de Paris en
1920, il abandonne sa carrière de soliste
pour se consacrer à l’enseignement, qu’il
pratique également à l’École normale de
musique ou au Conservatoire d’été de
Fontainebleau. Michèle Auclair, Serge
Blanc, Devy Erlih, Christian Ferras, Ivry
Gitlis, Ginette Neveu et Manuel Rosenthal
figurent parmi ses élèves.
BOUCOURECHLIEV (André), compositeur français d’origine bulgare (Sofia
1925).
Il a commencé ses études à l’Académie de
musique de sa ville natale, puis est venu à
Paris en 1949. À l’École normale de musique, il a étudié le piano avec Reine Gianoli et l’harmonie avec Georges Dandelot,
avant d’enseigner lui-même le piano dans
cet établissement, de 1952 à 1960. Il a aussi
été l’élève de Walter Gieseking et travaillé,
de 1957 à 1959, au studio de phonologie
de Milan, où il rencontra Luciano Berio et
Bruno Maderna et composa Texte I (195758). En 1960, il réalisa à l’O. R. T. F. une
autre oeuvre électroacoustique, Texte II. Le
contact avec les jeunes musiciens italiens,
les cours de Darmstadt, les réflexions sur
la musique sérielle (objet d’une enquête
qu’il fit pour la revue Preuves), les rencontres avec Boris de Schloezer et avec
Pierre Boulez furent d’importantes étapes
dans son développement. Ses ouvrages
répondent souvent à des pulsions de vie
ou de mort. « Certaines oeuvres, dit-il,
m’offrent le modèle de ma propre mort.
Simple pressentiment peut-être, mais on
ne peut nier que des pulsions s’exercent
au moment de la création, qu’elles parlent
à leur manière en déterminant un climat
et certaines figures. L’oeuvre parle parfois
plutôt que l’homme corporel. »
Il écrivit Musique à trois pour flûte,
clarinette et clavecin (1957), une Sonate
pour piano (1959-60), Signes pour deux
percussions, flûte et piano (1961). Son
premier succès fut sans doute Grodek
pour soprano, flûte et 3 percussions sur
un texte de Georg Trakl (1963, création au
Domaine musical). De 1966 date Musiques
nocturnes pour piano, clarinette et harpe.
Mais l’oeuvre qui attira définitivement
l’attention sur lui fut Archipel I pour 2 pianos et percussion, une des réussites indéniables de la musique « aléatoire » (création au festival de Royan en 1967, version
2 pianos 1968). Suivirent Archipel II pour
quatuor à cordes (Royan, 1969), Archipel
III pour piano et 6 percussions (Paris,
1969), Archipel IV pour piano (Royan,
1970), et finalement Anarchipel pour 6
instruments concertants (harpe amplifiée, clavecin amplifié, orgue, piano et 2
percussions). À partir de cette dernière
pièce, composée en 1970-71 et créée en
1972, on peut réaliser divers Archipels V
pour chaque instrument seul (Archipel Vb
pour clavecin, Archipel Vc pour orgue...).
« Les partitions de la pièce sont comme de
grandes cartes marines sur lesquelles les
quatre interprètes sont amenés à choisir, à
orienter, à concerter, à modifier sans cesse
le cours de leur navigation, jamais deux
fois la même entre les îles d’un archipel
toujours nouveau à leurs regards. Dans
ces eaux incertaines, ils ne vont cependant pas à la dérive : s’ils ne se voient ni
n’échangent des signes de ralliement, ils
s’écoutent, parfois s’appellent. Et c’est
dans cette communion étroite, proprement musicale, de tous les instants, qu’ils
tracent leur route imprévisible, mais partagée. La moindre décision de l’un engage
totalement celle de l’autre. C’est dire que
cette dépendance, où ils exercent leur
liberté de choix, exclut totalement toute
idée de hasard » (Boucourechliev, à propos d’Archipel I).
En 1970, Boucourechliev a donné
Ombres, « Hommage à Beethoven » pour
11 instruments à cordes, et, en 1971, Tombeau « à la mémoire de Jean-Pierre Guézec »
pour clarinette et percussion, ou piano.
Suivirent Faces pour 2 orchestres avec 2
chefs (1971-72), Amers pour 19 instruments (1972-73), Thrène pour choeurs,
récitants et bande magnétique (1973-74),
Concerto pour piano (1974-75), et Six
Études d’après Piranese pour piano (1975).
Le Nom d’OEdipe, sur un livret de Hélène
Cixous, a été créé en oratorio à RadioFrance le 27 mai 1978, et scéniquement
à Avignon le 26 juillet 1978. En mai 1980
a été entendu Orion, pour orgue, en avril
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
113
1981 Ulysse, pour flûte (s) et percussions et
en 1983 Orion III pour piano. Suivirent en
1984 Nocturnes pour clarinette et piano,
Lit de Neige pour soprano et 19 instrumentistes, Le Miroir, 7 répliques pour
un opéra possible pour mezzo-soprano
et orchestre (1987). En 1988 fut créé à
Genève les Cheveux de Bérénice. Suivirent
Quatuor à cordes no 2 (1991), Quatuor-Miroir II (1992), Trois Fragments de MichelAnge pour soprano, flûte et piano (1995).
Grand prix musical de la Ville de Paris
en 1976, Boucourechliev enseigne depuis
cette même année à l’université d’Aix-enProvence. Il exerce également une activité
de critique. Parmi ses travaux de musicographe, des livres sur Schumann (1956),
Beethoven (1963) et Igor Stravinski (1982),
un Essai sur Beethoven (1991), le Langage
musical (1993).
BOUÉ (Georgette, dite Géorï), soprano
française (Toulouse 1914).
Après des études et des débuts à Toulouse, elle se perfectionna à Paris. Elle
débuta à l’Opéra-Comique, en 1939, dans
le rôle de Mimi de la Bohème de Puccini
et à l’Opéra, en 1942, dans celui de Marguerite de Faust de Gounod. Elle fit une
superbe carrière en France et fut invitée
sur de grandes scènes étrangères. Sa voix
limpide, capable de charme et de brio,
était d’un type caratéristique de l’école
française de chant, et elle faisait merveille
dans de grands rôles du répertoire français : Marguerite, Mireille dans l’opéra de
Gounod, Thaïs dans l’opéra de Massenet.
Elle fut aussi une interprète célèbre du duc
de Reichstadt dans l’Aiglon d’Ibert et de
Honegger, et de Desdémone dans Othello
de Verdi. Plus tard dans sa carrière, elle
fit d’intéressantes incursions dans l’opéra
contemporain (Colombe de Damase, le
Fou et les Adieux de Landowski).
BOUFFE (ital., opera buffa, « opéra
bouffe »).
Adjectif que l’on attribue à un genre de
spectacle particulièrement comique.
En France, au XIXe s., on qualifia de
« bouffe » le chanteur (basse bouffe, etc.),
la troupe, le théâtre (les Bouffes-Parisiens,
créé par Offenbach) qui se consacraient à
ce genre.
BOUFFONS (querelle des).
Querelle
français
débuta à
tations,
Servante
entre les partisans de l’opéra
et ceux de l’opéra italien, qui
Paris en 1752, lors de représenpar la troupe des Bouffons, de la
maîtresse de Pergolèse. J.-J.
Rousseau, parmi les admirateurs de
l’ouvrage italien, profita du succès de
celui-ci pour critiquer, dans sa Lettre
sur la musique française (1753), l’opéra
français, illustré alors par Rameau : le
récitatif n’avait pas le naturel de celui
d’outre-monts, les choeurs manquaient de
simplicité avec leur écriture contrapuntique, l’harmonie et l’orchestre étaient
trop riches ; la langue française était
jugée incompatible avec la musique. Aux
attaques du coin de la reine dirigé par
Rousseau, le coin du roi riposta : les spectacles des Bouffons ne comportaient que
des airs et ne pouvaient rivaliser avec les
grandes tragédies lyriques. La « guerre »
devint aussi bien littéraire que musicale :
on ridiculisait le merveilleux dans l’opéra
français, tandis que l’on appréciait les personnages réalistes et de condition modeste
que les intermèdes italiens mettaient en
scène. La querelle des Bouffons s’inscrit,
ainsi, dans ce mouvement en faveur de
la « nature », qui a bouleversé la pensée
européenne au milieu du XVIIIe siècle.
BOUKOFF (Youri), pianiste bulgare naturalisé français (Sofia 1923).
Il manifeste très tôt des dons exceptionnels et étudie au Conservatoire de Sofia,
tout en poursuivant ses études secondaires au collège allemand de cette ville.
En 1938, il donne son premier récital et
en 1946 il reçoit le 1er Prix du Concours
national de Bulgarie. Doté d’une bourse
d’études pour la France, il entre dans la
classe d’Yves Nat au Conservatoire de
Paris, où il obtient l’année suivante le 1er
Prix, premier nommé. Il se perfectionne
ensuite auprès de Georges Enesco, Marguerite Long et suit les cours d’Edwin Fischer à Lucerne. De 1947 à 1952, il est lauréat de plusieurs concours internationaux
(Marguerite Long en 1949 et Reine Élisabeth en 1952) et commence une brillante
carrière en France et dans le monde. Sa
triple culture, bulgare, allemande et française, fait de lui un artiste à la personnalité
originale et riche, européen comme a pu
l’être un Liszt. Il a réalisé le premier enregistrement intégral des sonates pour piano
de Prokofiev.
BOULANGER (Lili), femme compositeur
française (Paris 1893 - Mézy, Yvelines,
1918).
Ayant commencé ses études musicales
avec sa soeur Nadia, elle signa sa première
mélodie, la Lettre de mort, à onze ans et
entra au Conservatoire en 1909. Elle y
fut l’élève de Georges Caussade pour le
contrepoint et de Paul Vidal pour la composition. Particulièrement douée et précoce, Lili Boulanger révéla très vite une
sensibilité aiguë, une aptitude à atteindre
le plus grand pathétique. Avec sa cantate Faust et Hélène, elle fut la première
femme à obtenir le premier grand prix
de Rome (1913). Mais la guerre l’empêcha de séjourner à la Villa Médicis autant
qu’elle l’eût aimé ; de plus, elle souffrait
déjà de la maladie qui devait l’emporter à
vingt-cinq ans. Elle rentra à Paris et poursuivit sa carrière créatrice, se penchant
avec prédilection sur des textes religieux
ou funèbres. Son auteur préféré semble
avoir été Maeterlinck ; elle mit plusieurs
de ses poèmes en musique et commença,
d’après sa Princesse Maleine, un opéra qui
demeura inachevé. Elle se retira à Mézy et
y composa sa dernière oeuvre, un Pie Jesu
pour soprano, orgue, quatuor à cordes et
harpe. Ainsi s’éteignit, si jeune, un talent
fécond et d’une surprenante puissance.
Le catalogue de Lili Boulanger comprend surtout de la musique vocale : des
mélodies avec piano, Renouveau pour
quatuor vocal et piano, des Psaumes (24
pour ténor, choeur et ensemble instrumental ; 129 pour choeur et orchestre ;
130 pour contralto, choeur et orchestre),
la Vieille Prière bouddhique (1917) pour
ténor, choeur et orchestre. On y trouve
également des pièces pour piano, diverses
oeuvres instrumentales dont une sonate
pour violon et piano inachevée, de la
musique symphonique (dont 2 poèmes
symphoniques, Un matin de printemps et
Un soir triste), la cantate Faust et Hélène
et l’opéra la Princesse Maleine, demeuré
inachevé.
BOULANGER (Nadia), femme compositeur et pédagogue française (Paris
1887 - id. 1979).
Dès son enfance, elle aima profondément
la musique et se passionna toute sa vie
pour son enseignement. Élève de Guilmant pour l’orgue et de Gabriel Fauré
pour la composition au Conservatoire de
Paris, elle obtint le second grand prix de
Rome en 1908. Elle fut le guide affectueux
de sa jeune soeur Lili. Elle devint assistante
à la classe d’harmonie du Conservatoire
de Paris (1909-1924), professeur à l’École
normale de musique (1920-1939) et au
conservatoire américain de Fontainebleau
(1921-1939) où elle enseigna l’harmonie,
le contrepoint, l’histoire de la musique.
De 1940 à 1945, elle professa aux ÉtatsUnis et donna des concerts à la tête de
l’Orchestre symphonique de Boston et de
l’Orchestre philharmonique de New York.
Nommée professeur à la classe d’accompagnement du Conservatoire de Paris en
1945, elle prit la direction du conservatoire américain de Fontainebleau en 1950.
Il est impossible de citer tous les musiciens connus, venus du monde entier, qui
furent, à leurs débuts, les élèves de cette
pédagogue extraordinaire. Nadia Boulanger joua un rôle capital pour les rapports
musicaux entre la France et les États-Unis.
Elle eut toujours le souci de servir la cause
des jeunes musiciens qu’elle estimait de
valeur. Le rayonnement de son enseignement a éclipsé ses dons de compositeur, de pianiste et de chef d’orchestre.
Elle composa peu, mais se dévoua à faire
connaître, outre les oeuvres de sa soeur,
celles des maîtres français de la Renaissance, celles de Bach, de Schütz. Elle a pardownloadModeText.vue.download 120 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
114
ticulièrement contribué à la redécouverte
des madrigaux de Monteverdi qui, encore
inconnus du grand public, furent enregistrés par un ensemble vocal et instrumental
qu’elle dirigeait elle-même du clavier. En
1977, l’Académie des beaux-arts lui remit
sa grande médaille d’or. Parmi ses nombreuses activités, elle fut également maître
de chapelle du prince de Monaco. Ses
oeuvres comprennent des pièces d’orgue,
une Rhapsodie pour piano et orchestre,
une cantate, Sirène, un cycle de mélodies
écrit en collaboration avec Raoul Pugno,
les Heures claires, et une oeuvre lyrique
inédite, la Ville morte, d’après Gabriele
D’Annunzio (également avec R. Pugno).
BOULAY (Laurence), claveciniste française (Boulogne-sur-Seine 1925).
Elle a étudié le clavecin, l’harmonie, le
contrepoint au Conservatoire de Paris.
Elle a soutenu une thèse sur l’interprétation de la musique française au XVIIIe s., et
préparé de nombreuses éditions d’oeuvres
de maîtres français des XVIIe et XVIIIe s.
Elle est l’une des meilleures interprètes
des oeuvres de François Couperin. Elle a
enseigné à partir de 1968, au Conservatoire de Paris, la réalisation de la basse
continue au clavecin.
BOULEZ (Pierre), compositeur et chef
d’orchestre français (Montbrison, Loire,
1925).
Ce n’est qu’après avoir suivi la classe de
mathématiques spéciales à Lyon que Boulez choisit de se consacrer à la musique
et s’installa à Paris (1942). Il suivit, au
Conservatoire, les cours d’Olivier Messiaen (premier prix d’harmonie en 1945),
travailla le contrepoint avec Andrée Vaurabourg-Honegger et la méthode dodécaphonique avec René Leibowitz. Nommé
directeur de la musique de scène de la
Compagnie Renaud-Barrault (1946),
il fonda, en 1954, sous ce patronage, les
Concerts du Petit-Marigny, devenus, l’année suivante, le Domaine musical, dont
le rôle fut capital dans la diffusion de la
musique contemporaine en France - Boulez devait en céder la direction à Gilbert
Amy en 1967.
En 1958, cédant à l’invitation pressante
de la station de radio du Südwestfunk
de Baden-Baden et de son directeur, H.
Strobel, Boulez se fixa à Baden-Baden.
Son audience en Allemagne était, en effet,
très grande, surtout depuis la création
du Marteau sans maître (Baden-Baden,
1955), la première oeuvre à lui assurer un
large public ; pendant ce temps, la France
continuait de l’ignorer, du moins officiellement. Professeur d’analyse, de composition musicale et de direction d’orchestre
à la Musikakademie de Bâle (1960-1966),
il fut professeur invité à l’université Harvard en 1962-63, période où il rédigea
son ouvrage théorique Penser la musique
aujourd’hui. Son activité de chef d’orchestre s’intensifia et s’internationalisa :
il créa Wozzeck à l’Opéra de Paris en
1963, donna des concerts avec l’orchestre
de Cleveland, auprès duquel il exerça les
fonctions de conseiller musical (1970-71),
et fut chef principal de l’Orchestre symphonique de la BBC à Londres de 1971 à
1975 et directeur musical de l’Orchestre
philharmonique de New York de 1971 à
1977. En 1976, dix ans après avoir dirigé
Parsifal à Bayreuth à la demande de Wieland Wagner, il fut chargé d’y conduire,
à l’occasion du centenaire du festival,
l’Anneau du Nibelung, dans une mise en
scène de Patrice Chéreau. Ce spectacle
fut redonné sous sa direction jusqu’en
1980. Il a pris ses fonctions de directeur
de l’I. R. C. A. M. à la fin de 1975, et a été
nommé en 1976 professeur au Collège de
France.
« J’ai toujours pris Debussy pour
modèle, j’ai toujours lu et analysé ses
partitions. Avec Webern et Messiaen,
c’est mon plus grand, mon permanent
modèle. » Ainsi Pierre Boulez indique-til, en 1958, les références - reniées par la
suite - de sa première étape créatrice. Il
faudrait y ajouter, sur le plan rythmique,
Stravinski (son étude Stravinski demeure
analyse magistralement l’organisation
rythmique du Sacre du printemps). De
fait, le premier problème rencontré par le
compositeur au lendemain de la guerre est
celui de l’organisation rationnelle et totale
de tous les paramètres du monde sonore.
Ses premières oeuvres sont autant d’étapes
dans la fertilisation de l’héritage des trois
Viennois, Schönberg, Berg et Webern :
Sonatine pour flûte et piano (1946), Première Sonate pour piano (1946), Deuxième
Sonate pour piano (1947), Livre pour quatuor (1949) où Boulez propose un traitement sériel, outre des hauteurs, de tous les
autres paramètres, pris successivement. La
généralisation sérielle ne s’accomplit que
dans Polyphonie X pour 18 instruments
solistes (1951), un symbole graphique
représentant le croisement de certaines
structures, et dans le premier livre des
Structures pour 2 pianos (1952). La série
devint pour Boulez « un mode de pensée
polyvalent, et non plus seulement une
technique de vocabulaire », et s’élargit à
la structure même de l’oeuvre engendrée.
L’introduction de certaines possibilités de
choix (réaction à un excès de contrainte)
est, pour lui, une autre manière de poser
des problèmes de forme dans un univers
relatif, en perpétuelle variation, et d’esquisser de nouveaux rapports entre l’interprète et le compositeur.
En réalité, avant les Klavierstücke (1956)
de Stockhausen, Boulez souleva la question : choix et ordonnance des mouvements dans le Livre pour quatuor (1949),
de certains parcours de la Troisième Sonate pour piano (1957) - tous néanmoins
écrits, prévus et donc assumés par l’auteur
(par ex., Formant no 3, Constellation-Miroir, imprimé en deux couleurs pour souligner la structure : vert, les points ; rouge,
les blocs) - pour atteindre, en principe,
une improvisation à deux par le biais des
choix successifs et de l’interaction dans
le second livre des Structures pour piano.
Doubles pour orchestre (1957), devenu en
1964 Figures, Doubles, Prismes, remet en
question l’organisation fixe de l’orchestre.
Outre ses marges d’initiative dans la partie
centrale, Éclat pour 15 instruments (1964),
devenu en 1970 Éclat-Multiples, pose des
problèmes d’interprétation des signes directionnels, tandis que, dans Domaines,
pour clarinette et 21 instruments (1968),
le clarinettiste, par ses déplacements, sollicite la réponse d’un des 7 groupes disposés
en cercle et détermine ainsi la forme de
l’oeuvre (la seconde partie étant un miroir
de la première).
D’autre part, Pierre Boulez a toujours
été intéressé par les rapports du texte et de
la musique. Après le Soleil des eaux (1948)
et Visage nuptial (1951), c’est encore à
René Char, qui représente une « concentration de langage », que Boulez s’adresse
pour le Marteau sans maître (1954). Le
texte et son contenu conditionnent la
structure : 3 cycles très différenciés et s’interpénétrant autour d’un noyau, le poème
(doublement présent dans le troisième),
dont les deux autres pièces, instrumentales, constituent le développement, le
commentaire. Le compositeur poursuit sa
recherche avec les Deux Improvisations sur
Mallarmé (1957), où il tente la « transmutation » de Mallarmé en musique, Poésie
pour pouvoir (1958), un essai de spatialisation sans lendemain sur un texte d’Henri
Michaux, puis Cummings ist der Dichter
(1970), où le texte est seulement utilisé
comme élément sémantique sonore.
Le souci de la sonoristique est, en
effet, porté à un haut degré chez Boulez. Il ne faut pas oublier son stage chez
Pierre Schaeffer en 1952, où il réalisa
Deux Études de musique concrète, même
s’il n’avait alors vu dans la bande qu’un
instrument de spéculation rythmique.
Son goût pour le raffinement des timbres
éclate dans le Marteau sans maître : c’est
non seulement « du Webern qui sonne
comme du Debussy » (H. Strobel), mais
presque la création d’un univers sonore
extrêmement oriental. Cette prédilection
se perçoit aussi à travers les mélismes du
Livre pour cordes (1968), recomposition de
deux mouvements du Livre pour quatuor
de 1948 ; les combinaisons de couleurs
d’Éclat, la libération totale des sons dans
Explosante-Fixe (1972-1974) ; et la grandeur hiératique de Rituel « In memoriam
Maderna « (1974-1975).
Depuis 1964, Boulez poursuit principalement son idée de « work in progress », d’oeuvre en devenir, c’est-à-dire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
115
d’une musique pouvant être développée,
transformée à l’infini : une conception
de l’oeuvre ouverte, mobile. Ainsi Pli
selon pli intègre-t-il, dès 1960, les Deux
Improvisations sur Mallarmé (1957) et
ne trouve-t-il sa version définitive qu’en
1969. Ainsi Figures-Doubles-Prismes pour
orchestre (1964) est-il un nouveau travail,
très expressionniste, à partir de Doubles
(1957), le Livre pour cordes (1968) un élargissement pour orchestre du Livre pour
quatuor (1949), Multiples pour orchestre
(1970) un développement d’Éclat pour 15
instruments (1964). Boulez donne donc
une série de miroirs d’un premier état.
Cette démarche est l’un des fondements
de Répons pour ensemble instrumental,
solistes et dispositif électro-acoustique
(1981-1984...), oeuvre concrétisant un travail de plusieurs années à l’IRCAM et par
laquelle, depuis Pli selon pli, Boulez a fait
le plus sensation. En 1985 ont été créés
Dialogue de l’ombre double pour clarinette
et bande, en 1988 Dérive 2 pour 11 exécutants et en 1989 l’ultime version du Visage
nuptial ainsi que Antiphonies pour piano
et ensemble de chambre.
Pour imposer la musique du XXe s. et
ses conceptions personnelles, le compositeur a dû s’engager très tôt dans la polémique (Schönberg est mort, 1952), et bien
des oeuvres ont été accompagnées d’une
réflexion théorique (Son et verbe, 1958 ;
Éventuellement, 1952). Relevés d’apprenti
(1966) réunit des articles parus avant
1962. Penser la musique aujourd’hui
(1963), condensé des cours de Darmstadt
et de Bâle, est « une investigation méthodique de l’univers musical » et de sa tentative déductive de construire un système
cohérent. Par volonté et par hasard (1975),
Points de repère (1981) et Jalons pour une
décennie (1989) actualisent cette réflexion.
Une nouvelle édition de ses écrits a été
lancée pour son 70ème anniversaire, inaugurée avec Points de repère I : Imaginer
(1995).
BOULIANE (Denys), compositeur canadien (Grand-Mère, Québec, 1955).
Élève de Jacques Hétu et de Roger Bédard, chargé de cours pour l’harmonie,
le contrepoint et l’instrumentation à
l’université Laval de Québec de 1978 à
1980, il a également travaillé avec Ligeti
à Hambourg (1980-1985). Il est actuellement directeur de l’Ensemble XXe Siècle
de l’Orchestre symphonique de Québec et
conseiller artistique du même orchestre, et
enseigne depuis septembre 1995 la composition à l’université McGill de Montréal
tout en résidant fréquemment à Cologne.
On a parlé à son sujet de « musique du
réalisme magique ». Il s’est imposé en
1982 avec Jeux de société pour quintette
à vent et piano (1978-1980, rév. 1981), et
parmi ses ouvrages, on peut citer Comme
un silène entr’ouvert pour 7 instrumentistes et bande (2 versions, 1983-1985), À
propos... et le Baron perché ? pour 10 instrumentistes (1985), Das Affenlied pour
soprano solo d’après Gottfried Benn (en
hommage à Ligeti, 1988), Une soirée Vian,
méta-cabaret pour 8 musiciens (19901991), Concerto pour orchestre (Variations
sans thème) pour orchestre (1988-1995).
BOULT (sir Adrian), chef d’orchestre
anglais (Chester 1889 - Farnham 1983).
Ayant, pendant ses études à Oxford,
décidé de devenir chef d’orchestre, il
travailla à Leipzig avec Nikisch, puis, en
1918, débuta avec l’Orchestre philharmonique de Londres. Il enseigna la direction
d’orchestre au Royal College of Music à
partir de 1920. De 1930 à 1942, il assuma
la responsabilité de toutes les émissions
musicales de la BBC. Lorsque l’Orchestre
symphonique de la BBC fut créé, en 1930,
il en devint le premier chef et le resta
jusqu’en 1950. Parmi les nombreux autres
postes qu’il occupa, citons la direction de
l’Orchestre philharmonique de Londres
(1950-1957). Il a été anobli en 1937. Respecter les intentions de l’auteur, toujours
conserver la clarté, donner à l’auditeur
l’impression d’une absence d’effort, telles
sont, d’après sir Adrian Boult, les conditions d’une interprétation idéale. Son
vaste répertoire va de Bach et Haendel à
ses compatriotes, Holst, Elgar, Vaughan
Williams.
BOUNINE (Revol), compositeur soviétique (Moscou 1924 - id. 1976).
Élève de Chebaline et de Chostakovitch
au conservatoire de Moscou, Bounine a
voulu suivre l’évolution spirituelle de
Chostakovitch, tentant de faire évoluer
l’académisme miakovskien vers la simplicité épique, puis désespérée de Chostakovitch. Il a laissé 8 symphonies (19431970), des cycles vocaux sur des textes de
Pouchkine, Nekrassov, Essenine, Petöfi,
une Symphonie concertante pour violon et
orchestre (1972), des concertos pour alto
(1953) et pour piano (1963), des quatuors
(no 1, 1943 ; no 2, 1956), un quintette avec
piano (1946).
BOUR (Ernest), chef d’orchestre français
(Thionville 1913).
Il a fait des études de piano, d’orgue et de
théorie à Strasbourg et a été, pour la direction d’orchestre, l’élève de Fritz Munch
et de Hermann Scherchen. Dès 1934,
il organisa à Strasbourg, avec le chef et
compositeur Frédéric Adam, des concerts
de musique de chambre contemporaine.
Dans les années 40 et 50, il occupa des
postes pédagogiques et de chef d’orchestre
à Mulhouse et à Strasbourg, et, en 1964,
succéda à Hans Rosbaud comme chef de
l’orchestre du Südwestfunk de BadenBaden, fonctions qu’il devait conserver
jusqu’en 1979. À ce titre, il joua un rôle
de premier plan dans la diffusion de la
musique contemporaine et participa régulièrement au festival de Donaueschingen.
Il a été l’invité d’honneur du festival de
Royan en 1977, et, de 1976 à 1987, il a
occupé les fonctions de chef invité permanent de l’Orchestre de chambre de la radio
d’Hilversum.
BOURDELOT (Pierre Michon, dit l’abbé),
médecin et mélomane français (Sens
1610 - Paris 1685).
Praticien réputé, il fut médecin du prince
de Condé, puis, en 1642, obtint une des
charges de médecin auprès de Louis XIII.
Mélomane passionné, il amassa une multitude de documents et de renseignements
afin d’écrire une Histoire de la musique. Il
entreprit ce travail en collaboration avec
son neveu Pierre Bonnet. Mais ce fut le
frère de celui-ci, Jacques Bonnet, qui le
termina et le fit paraître, en 1715, sous le
titre Histoire de la musique et de ses effets
depuis son origine jusqu’à présent... par M.
Bourdelot (Paris, 1715 ; 2e éd., Amsterdam, 1725). Cet ouvrage de compilation,
fort intéressant, contient de nombreuses
inexactitudes.
BOURDIN (Roger), flûtiste français (Mulhouse 1923 - Versailles 1976).
Disciple de Jacques Chalande, Marcel
Moyse et Fernand Caratgé, il fit ses études
au conservatoire de Versailles (où il devint
professeur en 1943) et au Conservatoire
de Paris. À 17 ans, il obtint le poste de flûte
solo aux Concerts Lamoureux. Il fonda un
duo de flûte et harpe avec Annie Challan
et un quatuor de flûtes avec Jean-Pierre
Rampal, Pol Mule et M. Vigneron. De
nombreuses oeuvres pour flûte lui sont dédiées. Il a composé Atlantide (1949) pour
quatuor de flûtes, un ballet (Une certaine
lady), des pièces pour flûte avec orgue
et contrebasse (À la mémoire de Maurice
Ravel, Votre concerto, Mr. Lully à la cour,
etc.).
BOURDIN (Roger), baryton français (Levallois 1900 - Paris 1974).
Élève d’lsnardon et de Gresse au Conservatoire de Paris, il débuta à l’Opéra-Comique, en 1922, dans le rôle de Lescaut de
Manon de Massenet. À l’Opéra de Paris,
où il débuta en 1942, il fut notamment le
créateur du rôle de Bolívar dans l’opéra de
Milhaud (1950). Sa carrière internationale
le conduisit notamment à Londres pour
chanter le rôle de Pelléas en 1930. Il fut
professeur au Conservatoire de Paris. Ce
fut un artiste à la diction, au style et à la
musicalité parfaits, et un excellent acteur.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
116
BOURDON.
Grondement grave, note tenue, associée
depuis le Moyen Âge à la notion d’accompagnement.
Certains instruments populaires (cornemuse, vielle à roue) ont un système dit
bourdon pour tenir une note grave. On appelle également bourdon l’avant-dernière
corde grave du luth, de la basse de viole et,
en Angleterre notamment, la voix grave
qui soutient le chant improvisé des parties
supérieures.
Appliqué à l’orgue, ce terme désigne la
famille de jeux de fonds, à tuyaux généralement en bois et de section carrée, ou plus
rarement en métal. Bouché à son extrémité, le tuyau de bourdon sonne à l’octave
grave de sa longueur réelle, avec un timbre
particulièrement doux. C’est l’un des jeux
de base de l’orgue, au pédalier comme à
tous les claviers. Il sert à l’accompagnement du chant, mais aussi comme fondamental avec les jeux de détail, dans les
ensembles de fonds et dans les pleins jeux.
BOURGAULT-DUCOUDRAY (Louis
Albert), compositeur français (Nantes
1840 - Vernouillet, Yvelines, 1910).
Alors qu’il achevait ses études de droit à
Nantes, il fit représenter au théâtre Graslin un petit opéra-comique, l’Atelier de
Prague, dont le succès le décida à entrer
au Conservatoire de Paris dans la classe
d’Ambroise Thomas (1860). Grand Prix
de Rome en 1862, il se lia, à la Villa Médicis, avec Massenet, Guiraud et Paladilhe.
Revenu à Paris en 1868, il fonda l’année
suivante une chorale avec laquelle il interpréta des oeuvres de Bach, des oratorios
de Haendel et de Haydn. Envoyé en Grèce
en mission officielle, pour recueillir des
mélodies populaires, il en publia plusieurs
recueils, puis se livra à des recherches
semblables en Bretagne et en Écosse. Il
fut professeur d’histoire de la musique au
Conservatoire de Paris, de 1878 à 1908. Il
composa des mélodies, des cantates, des
pages symphoniques, dont plusieurs utilisent des thèmes et modes grecs d’origine très ancienne, et plusieurs ouvrages
lyriques.
BOURGEOIS (Jacques), critique musical
français (Londres 1918).
Il a débuté dans la critique musicale en
collaborant aux revues Disques et ArtsSpectacles. Intéressé par toutes les formes
de spectacle (le premier ouvrage qu’il a
publié est une étude sur le cinéaste René
Clair), il n’a pas tardé à se passionner
pour le chant. L’essentiel de ses travaux,
comme de ses activités, de présentateur
radiophonique concerne l’opéra et l’art
vocal. Il a été l’un des premiers à prôner
le retour à l’école du bel canto. Il a été, de
1971 à 1981, directeur artistique du festival d’Orange. Il a écrit un Richard Wagner
(Paris, 1959 ; rééd. 1976) et un Giuseppe
Verdi (Paris, 1978).
BOURGEOIS (Loys), compositeur français (Paris v. 1510-1561).
Chantre à Saint-Pierre de Genève, où son
nom apparaît dans les archives à partir
de 1545, il resta à Genève jusqu’à la fin
de 1552. Ce séjour détermina en grande
partie la nature de son oeuvre. Il publia,
en effet, à Lyon, en 1547, deux livres de
psaumes à 4 parties ; un livre de 83 autres
psaumes parut en 1554 et, selon Fétis,
il en aurait publié 83 encore à Paris en
1561. Loys Bourgeois fut en grande partie responsable de la mise en musique du
psautier huguenot. Il traita généralement
les textes syllabiquement (une note = une
syllabe). Bourgeois est également l’auteur
d’un ouvrage didactique, le Droict Chemin
de musique (Genève, 1550), et de quelques
chansons profanes.
BOURGOGNE (cour de).
Au XVe siècle, à Dijon, capitale des ducs de
Bourgogne, pendant les règnes de Philippe
le Bon (1419-1467) et de son fils Charles le
Téméraire (1467-1477), la musique ainsi
que les autres arts tiennent une place très
importante dans toutes les festivités, dont
la nature nous est rapportée par Olivier
de la Marche, qui, lui-même, y avait participé activement. Au service de cette cour,
riche en couleurs et en manifestations
somptueuses, un brillant groupe de musiciens, mis à part les oeuvres écrites pour la
liturgie catholique, cultive la chanson dite
« bourguignonne », généralement conçue
à trois voix (G. Dufay, A. Busnois, G. Binchois, P. Fontaine, mais aussi l’Anglais R.
Morton). Pour terminer la célèbre fête du
faisan (1454), on donne le motet de Dufay
(Lamentation Sanctae Matris Constantinopolitanae) avec comme cantus firmus
un verset des Lamentations de Jérémie
pour pleurer la chute de la ville en 1453 (
! ÉCOLE FRANCO-FLAMANDE).
BOURRÉE.
Danse populaire française à deux ou trois
temps, encore pratiquée dans le Berry et le
Massif central.
Adoptée par l’aristocratie, au début
du XVIIe s., et devenue danse de cour, la
bourrée a inspiré de nombreux musiciens
qui l’ont fait figurer non seulement dans
l’opéra-ballet, mais dans des suites (Bach,
Haendel, etc.). Dans le vocabulaire de la
danse académique, le « pas de bourrée »
n’a que de lointains rapports avec l’original folklorique.
BOUTRY (Roger), compositeur et chef
d’orchestre français (Paris 1932).
Entré au Conservatoire de Paris à onze
ans, il y a fait des études traditionnelles
et a été l’élève, notamment, de Tony
Aubin (composition) et de Louis Fourestier (direction d’orchestre). Il a obtenu
de nombreux prix, dont le grand prix de
Rome en 1954, et a fait ses débuts de chef
d’orchestre en 1955. Nommé professeur
d’harmonie au Conservatoire de Paris en
1967, il est devenu en 1972 chef de la musique de la garde républicaine de Paris et a
entrepris des tournées à travers le monde.
Boutry a composé un oratorio, le Rosaire
des joies (1957), de la musique symphonique et, bien entendu, de la musique
d’harmonie ainsi que des pièces instrumentales.
BOUTZKO (Iouri), compositeur russe
(Loubny 1938).
Élève de Bakassanian (composition) au
conservatoire de Moscou, il devient, en
1968, assistant dans ce même conservatoire et se met à étudier les chants russes
anciens, les éléments archaïsants d’un
folklore d’origine paysanne ou religieuse.
Il réussit, comme ses confrères Prigojine
ou Slonimski, à se dégager des poncifs
académiques en honneur à Moscou en
utilisant des matériaux sonores empruntés à l’ancienne Russie, cependant qu’une
prosodie extrêmement évoluée apparaît
dans ses opéras, oratorios et cantates. Son
oeuvre s’est imposée par le Journal d’un
fou, opéra-monologue d’après Gogol
(1964), les Nuits blanches, opéra d’après
Dostoïevski (1968), Apocalypse, nouvelle
chorégraphique (1973), l’Histoire de la
révolte de Pougatchev (1968), 4 Chants
russes anciens (1969), Concerto polyphonique pour 4 claviers (orgue, célesta, piano,
clavecin, 1969), des mélodies, des sonates
et un quatuor à cordes.
BOUZIGNAC (Guillaume), compositeur
français, originaire du Languedoc (fin du
XVIe s. - apr. 1643).
Il devint enfant de choeur à la cathédrale
de Narbonne avant de diriger, en 1609,
la maîtrise de la cathédrale de Grenoble.
Il fut un temps au service de G. de la
Chanlonye, juge-prévôt à Angoulême. Il
semble qu’il ait été maître des enfants à
Rodez et à Tours. Il travailla aussi pour
le duc de Montmorency, gouverneur du
Languedoc. En fait, nos connaissances
biographiques à son sujet sont très fragmentaires. Ajoutons à cela qu’il n’a laissé
aucune oeuvre imprimée ; mais les témoignages de ses compatriotes sont fort élogieux (Mersenne, Harmonie universelle,
1636 ; Gantez, l’Entretien des musiciens,
1641).
La musique de Bouzignac n’est accessible que dans deux manuscrits, conservés
l’un à la bibliothèque de Tours, l’autre à
la Bibliothèque nationale. Ils contiennent
trois messes à 2, 3 et 7 voix, des motets,
des psaumes, des hymnes (4 à 7 voix) et
quatre chansons françaises. Une soixantaine de motets, des messes et les chansons
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
117
françaises se trouvent dans des éditions
modernes. Bien que dix oeuvres seulement
soient signées de la main de Bouzignac, on
lui attribue généralement aujourd’hui la
totalité des oeuvres du manuscrit de Tours
(96 pièces) et une vingtaine parmi celles
du manuscrit de Paris.
À travers l’oeuvre de Bouzignac, nous
pouvons observer la pénétration en
France de l’influence italienne, puisque le
compositeur écrit dans un style proche du
madrigal dramatique de Marenzio ou de
Vecchi et cherche à traduire en musique
tous les mots du texte, utilisant au besoin
des audaces harmoniques et mélodiques.
Ses motets révèlent un élément de tension
de caractère quasi théâtral dans l’alternance du choeur et du soliste ou le dialogue des deux choeurs. Par exemple, des
scènes sacrées tirées de la vie du Christ,
comme Unus ex vobis ou encore Ecce
homo, ont certainement contribué à l’avènement de l’oratorio en France. Dans ce
domaine, Bouzignac se présente comme le
précurseur de Marc-Antoine Charpentier.
BOWMAN (James), contre-ténor anglais
(Oxford 1941).
Choriste à la cathédrale d’Ely en 1960, il
débute au sein des maîtrises d’Oxford, ce
qui lui évite une formation académique.
En 1966, Benjamin Britten l’engage dans
son English Opera Group pour chanter
Oberon dans le Songe d’une nuit d’été.
C’est le début d’une longue complicité qui
amène Britten à lui destiner son Canticle
IV, Journey of the Magi (1971) et le rôle
d’Apollon dans Mort à Venise (1973). Il
inspire aussi The Ice Break à Michael Tippett en 1977. Réhabilitant la tessiture de
contre-ténor dans la musique contemporaine, il participe aussi à la redécouverte
du répertoire baroque : dès 1967, il chante
avec David Munrow et le Early Music
Consort of London. Il s’impose dans les
oratorios de Haendel, dont Rinaldo, mis
en scène par Pizzi en 1981 à Vérone et
en 1985 au Châtelet. Il effectue de nombreuses tournées avec Christopher Hogwood et assure des master-classes depuis
1990. Après Alfred Deller, dont il n’est
pourtant pas un disciple, il a largement
contribué à redonner à la voix de contreténor un rôle désormais reconnu.
BOYAU.
Corde d’instrument à archet, faite avec la
membrane médiane de l’intestin grêle du
mouton.
Les violons étaient autrefois entièrement montés en boyaux, chanterelle comprise. L’élévation progressive du diapason
et la tension supplémentaire qui en résulte
ont entraîné le remplacement de cette
chanterelle par une corde d’acier moins
fragile ; puis, pour des raisons de sonorité,
le boyau de la corde la plus grave (sol) a été
gainé d’une spirale de fil d’argent. Longtemps, le boyau nu est resté en usage pour
les cordes intermédiaires de ré et de la,
mais il tend à disparaître complètement au
profit des cordes filées d’argent ou d’aluminium qui sonnent plus brillamment.
Les autres instruments du quatuor ne sont
pas épargnés par cette évolution. Cependant, le retour à une exécution fidèle de la
musique baroque - s’accommodant d’une
sonorité plus douce et jouée à un diapason
plus bas d’environ un demi-ton que le diapason normal actuel - a entraîné récemment la remise en honneur du boyau, dans
un usage spécialisé.
BOYCE (William), compositeur et organiste anglais (Londres 1710 - id. 1779).
Élève de Maurice Greene et de Johann
Christoph Pepusch, il poursuivit ses
études musicales malgré un début de surdité. Nommé, en 1736, compositeur de
la chapelle royale, pour laquelle il composa de nombreux services et anthems, il
reçut, l’année suivante, la charge des trois
ensembles de Gloucester, Worcester et
Hereford, connus sous le nom de Three
Choirs. En 1755, il succéda à Greene
comme maître de musique du roi. Mais,
à partir de 1769, sa surdité empirant, il se
retira à Kensington afin de se consacrer
à son célèbre recueil de musique d’église
Cathedral Music (3 vol., 1760-1778).
Grâce à cette collection, le répertoire
sacré de l’Église anglicane des XVIe, XVIIe
et XVIIIe siècles put être en grande partie
conservé.
Si Boyce fut l’un des meilleurs compositeurs anglais du XVIIIe siècle, son oeuvre
a souffert de la présence, en Angleterre, de
la personnalité immense d’Haendel. Ses
huit symphonies à 8 parties demeurent
aujourd’hui des oeuvres originales et inspirées. Boyce composa également une
soixantaine d’anthems, des services, des
ouvertures, 12 sonates en trio, des pièces
d’orgue et de clavecin, une cinquantaine
d’odes, de la musique théâtrale, des airs,
cantates, duos, contenus dans un recueil
intitulé la Lyra britannica.
BOYVIN (Jacques), organiste et compositeur français (Paris v. 1653 - Rouen
1706).
Peut-être fut-il l’élève de Lebègue. En
1674, il fut nommé organiste à la cathédrale de Rouen et conserva cette charge
jusqu’à sa mort. Après un incendie,
son orgue fut magnifiquement reconstruit par Robert Clicquot et inauguré en
1689. Cette même année, Boyvin publia
son premier Livre d’orgue, qui devait être
suivi d’un second en 1700. Chacun de ces
deux Livres contient des suites de six à dix
pièces « dans les huit tons à l’usage ordinaire des églises ». Le premier est précédé
d’un précieux Avis au public concernant
le meslange des jeux de l’orgue, les mouvements, agréments et le toucher, et le second,
d’un Traité abrégé de l’accompagnement
pour l’orgue et le clavecin. Les suites font
alterner pleins-jeux, dialogues, récits,
basses, fugues, selon la meilleure tradition française. Outre un coloriste raffiné,
Boyvin s’y montre un musicien expressif,
qui manie avec délicatesse l’harmonie et
le style fugué. Il est l’un des principaux
jalons qui mènent de Titelouze à Grigny.
BOZAY (Attilá), compositeur hongrois
(Balatonfüzfö 1939).
Il a fait ses études musicales à l’école de
musique de Békéstarhos, puis à Budapest
au Conservatoire Béla Bartók et à l’Académie Ferenc Liszt dans la classe de composition de Ferenc Farkas, d’où il est sorti en
1962. Nommé professeur de composition
au conservatoire de Szeged (1962-63), il a
été producteur à la radio hongroise (19631966), puis a séjourné à Paris grâce à une
bourse de l’Unesco (1967). Depuis son
retour en Hongrie, il s’est consacré exclusivement à la composition, remportant le
prix Erkel en 1968.
Influencé à la fois par Webern et Bartók,
Attilá Bozay use soit d’une structure très
stricte d’origine sérielle, soit d’une forme
très souple fondée sur la dynamique et les
jeux de timbre. Il semble vouloir retrouver l’esprit du verbunkos tout en se servant
de techniques de permutation (séries de
Fibonacci et de Seiber). Il s’est imposé sur
la scène internationale à côté de György
Kurtág et de Zsolt Durkó, ses aînés. Son
oeuvre comprend essentiellement des
compositions pour un instrument seul
(piano, violon, violoncelle, cithare), de la
musique de chambre pour différentes formations, dont 2 quatuors à cordes (1964,
1971), des pièces pour orchestre comme
Pezzo concertato no 1 pour alto et orchestre
(1965) et no 2 pour cithare et orchestre
(1974-75), Pezzo sinfonico no 1 (1967) et no
2 (1975-76) et Variazioni (1977), et l’opéra
la Reine Küngisz (1969).
BRAHMS (Johannes), compositeur allemand (Hambourg 1833 - Vienne 1897).
L’histoire de Johannes Brahms, c’est
d’abord celle de son père. Johann Jakob
Brahms, né en Basse-Saxe en 1806, reçut
sa formation de contrebassiste (et, accessoirement, de flûtiste et de violoniste)
dans une Stadtpfeiferei (orchestre municipal), institution typiquement allemande
dont l’origine remontait au Moyen Âge :
les membres de cette confrérie jouaient
surtout des instruments à vent et se tenaient à la disposition de quiconque avait
besoin de musiciens pour un bal, une cérémonie ou une fête publique ou privée. Dès
qu’il eut son diplôme en poche, le jeune
homme prit la route comme le voulait la
tradition. La première étape de ce voyage
à travers l’Allemagne fut aussi la dernière.
Ayant facilement trouvé à s’employer à
Hambourg, il s’y fixa pour toujours. En
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
118
1830, âgé de 24 ans, il épousa sa logeuse,
Christiana Nissen, qui avait 41 ans et
n’était guère plus riche que lui, mais joignait à une certaine culture toutes les vertus domestiques. De cette union naquirent
trois enfants, dont Johannes en 1833.
UN ENFANT PRODIGE.
La gêne financière qui pesa longtemps sur
la famille (Johann Jakob avait depuis longtemps élevé ses enfants quand il trouva
enfin une situation stable de contrebassiste
à l’orchestre philharmonique) explique en
grande partie les débuts de Johannes. Si
précocement doué qu’il imagina un système de notation musicale avant de savoir
qu’il en existait déjà un, l’enfant n’avait
qu’un défaut aux yeux de son père : sa passion de la composition et du piano. Malgré
ses préventions contre cet « instrument
de riche » (d’ailleurs absent du minuscule
logis familial) qu’il jugeait peu rentable,
Johann Jakob fit donner des leçons au
jeune garçon par un maître très estimé,
Otto Cossel, lui-même disciple d’Édouard
Marxsen, dont la réputation était grande
dans toute l’Allemagne du Nord. À 10
ans, Johannes donnait en privé son premier récital, qui lui valut d’être adopté par
l’illustre Marxsen en personne. Et celuici devait lui enseigner beaucoup plus que
l’art de jouer du piano. Compositeur sans
génie, mais technicien de premier ordre, il
forma son élève dans le culte de Bach, de
Mozart et de Beethoven.
Parallèlement à ces études classiques,
le jeune Brahms, tenu de contribuer au
maigre budget familial, se livra bientôt à
des travaux pratiques qui absorbèrent la
plus grande partie de son temps. Entre
12 et 20 ans, il enseigna, accompagna des
chanteurs ou des spectacles de marionnettes au théâtre municipal, publia sous
divers pseudonymes quantité de morceaux de danse et de fantaisies sur des airs
à la mode, donna quelques concerts, joua
de l’orgue à l’église et, le soir, tint le piano
dans des tavernes à matelots. C’est même
dans ces lieux malfamés que l’adolescent
assouvit une autre de ses passions, celle
de la lecture : tout en « tapant » des valses
et des polkas, il ne quittait pas des yeux
un livre ouvert sur le piano. Puis il rentrait chez lui par le chemin des écoliers
et se couchait à trois heures du matin, la
tête pleine de musique qu’il notait à son
réveil, quitte à la détruire ensuite. Très
perfectionniste, il ne devait rien conserver
de cette production de jeunesse qui comprend notamment d’innombrables lieder
inspirés par ses lectures. Ce goût des livres
et des longues promenades à pied n’allait
jamais le quitter. Une nuit, s’étant trop
éloigné de la ville et ayant pris le parti de
dormir à la belle étoile, il contracta une
angine. Survenant en pleine mue, cet
accident l’affligea pour longtemps d’une
« voix de fille » qui, vraisemblablement,
ne surprenait guère chez ce garçon fluet,
aux longs cheveux blonds. Il en paraissait
simplement encore plus jeune qu’il n’était.
DES RENCONTRES DÉCISIVES.
En 1849, Brahms avait fait la connaissance
d’un violoniste hongrois, Eduard Reményi, ancien condisciple du déjà illustre Joseph Joachim. Ce spécialiste de la musique
tzigane, qui apportait beaucoup de fantaisie à son interprétation des classiques,
reparut à Hambourg en 1853 et décida
Brahms, son cadet de trois ans, à l’accompagner en tournée. Cette tournée, d’ailleurs fructueuse, aboutit à Hanovre où
Joachim exerçait les fonctions de Kapellmeister de la Cour. Joachim, qui ne tenait
pas son compatriote en très haute estime,
fut, en revanche, conquis par la personnalité et le talent de Brahms ; leur rencontre
fut le point de départ d’une amitié et d’une
collaboration qui allaient durer toute leur
vie. Précédés d’une lettre de recommandation de Joachim pour Liszt, Brahms et
Reményi se rendirent ensuite à Weimar.
Il ne semble pas que le jeune pianiste ait
été séduit par l’ambiance mondaine qui
régnait à l’Altenburg, où son glorieux aîné
faisait l’objet d’un véritable culte. Plus
tard, considéré à son corps défendant
comme le chef de file des adversaires de
la « musique de l’avenir », Brahms devait
rendre justice à Franz Liszt et à Richard
Wagner. À cette époque, l’élève de Marxsen était, à l’image de son maître, rebelle
à toute innovation ; même Robert Schumann le laissait indifférent.
Aussi quitta-t-il l’Altenburg sans regret, seul, Reményi ayant préféré s’attacher aux pas de Liszt. Muni par Joachim
de nombreuses lettres qui lui garantissaient l’hospitalité chaleureuse des musiciens rhénans, il descendit à pied la vallée
légendaire, s’attardant à Mayence, Bonn
et surtout Mehlem, où un riche banquier
mélomane, Deichmann, avait sa résidence
d’été. Ce fut à Mehlem qu’il commença
à apprécier la musique de Schumann, se
préparant ainsi à la fameuse rencontre de
Düsseldorf, le 30 septembre 1853. Dès le
premier contact, les deux hommes sympathisèrent. Brahms, qui s’était mis au
piano, joua sa sonate en ut majeur op.
1. Schumann l’interrompit à la fin du premier mouvement, appela sa femme Clara
et pria son jeune confrère de recommencer. Clara Schumann, la première femme
au monde - et longtemps la seule - à avoir
fait profession de virtuose du clavier,
fut à son tour conquise. Brahms, retenu
à dîner, entra d’emblée dans l’intimité
de la famille Schumann. Lui qui n’avait
prévu qu’une brève halte à Düsseldorf y
resta un mois, bientôt rejoint par Joachim.
Avant le départ de Brahms, le 3 novembre
1853, Schumann décida en secret d’offrir
un cadeau à Joachim, et c’est Brahms qui
composa le scherzo de la sonate dite F-A-E
(Frei aber einsam, la maxime de Joachim).
À Brahms Schumann réserva une autre
surprise de taille : un article dithyrambique
dans l’influente Neue Zeitschrift für Musik,
qu’il avait fondée vingt ans plus tôt à Leipzig. Après dix ans de silence, le maître
reprit la plume pour annoncer au monde
musical allemand, d’autant plus stupéfait
que les héros du jour étaient Liszt et Wagner, sa découverte d’un « nouveau messie
de l’art ». C’est aussi grâce à Schumann
que Breitkopf et Härtel édita quelques-
unes de ses premières compositions.
Le jeune Brahms fut plus intimidé
qu’encouragé par la gloire soudaine que
lui valut cet article retentissant. Il ne lui
échappa pas que les louanges de Schumann, exprimées en des termes qui ne ménageaient pas les susceptibilités du camp
adverse, allaient l’exposer à de sévères critiques. De retour à Hanovre, il mit aussi
peu d’empressement à publier ses quatre
premiers opus qu’à faire le voyage à Leipzig, « cerveau » de l’Allemagne musicale,
où Schumann et Joachim le pressaient
de se rendre. La cité saxonne lui réserva
pourtant un accueil chaleureux ; il y rencontra son premier admirateur français Hector Berlioz - et, de nouveau, Liszt, qui
lui faisait toujours bonne figure. La fin de
cette année triomphale le trouva dans sa
ville natale, où il passa les fêtes en famille.
Puis, il regagna Hanovre avec l’intention de s’y installer pour quelque temps,
mais, le 20 janvier 1854, Robert et Clara
Schumann y arrivèrent à leur tour pour
entendre l’oratorio de Schumann, le Paradis et la Péri, en présence du roi George
V. Schumann, dont l’équilibre nerveux
laissait à désirer depuis plusieurs années,
n’avait jamais paru plus heureux de vivre.
Mais, dès son retour à Düsseldorf, il allait
se jeter dans le Rhin. Brahms vola à son
secours : Schumann se trouvait dans une
clinique de Bonn, d’où il ne devait plus
sortir. Pendant les deux années de son
agonie, Brahms ne quitta guère Düsseldorf, consacrant la plus grande partie de
son temps à la famille nombreuse de son
ami : six enfants, puis, le 11 juin 1854, un
petit Félix dont il fut le parrain.
Cette situation avait naturellement favorisé entre Johannes et Clara une amitié
propice à l’épanouissement d’un amour
réciproque, qui ressemblait fort à l’idylle
de Werther et Charlotte, au point que
Brahms songea au suicide. Sans doute
se faisait-il une trop haute idée de ses
devoirs envers l’absent, et de l’amour en
général, pour succomber jamais à la tentation. Notons aussi que la fréquentation
des dames de petite vertu aidait Brahms
à garder son équilibre. Par la suite, il devait lui arriver plus d’une fois d’aimer et
d’être aimé, d’être tenté par le mariage et
cette vie de famille qui avait pour lui tant
d’attraits. Il rompit toujours au dernier
moment, sous divers prétextes, non sans
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déchirement, redoutant en fait de perdre
l’indépendance qu’il jugeait indispensable
à lui-même et à l’accomplissement de son
oeuvre. Mais la tendre amitié qui le liait à
Clara Schumann, son aînée de quatorze
ans, dura toute leur vie ; Brahms l’accompagna dans ses tournées, et l’on ne saurait
sous-estimer la part que prit la grande pianiste à la diffusion de sa musique.
DE HAMBOURG À VIENNE.
Cette douloureuse épreuve n’avait pas empêché Brahms d’approfondir ses connaissances musicales et littéraires, ni de donner des concerts en Allemagne du Nord,
seul ou avec Joachim. En 1857, il sollicita
et obtint le poste de chef des choeurs à la
cour du prince de Lippe, à Detmold, poste
qu’il devait occuper jusqu’en 1859, non
sans poursuivre son activité de compositeur et de concertiste. En janvier 1859
eut lieu à Hanovre la première audition
du concerto no 1 op. 15 en ré mineur pour
piano. Ce fut un succès d’estime, que suivit, cinq jours plus tard, un fiasco complet
à Leipzig. Une troisième audition à Hambourg, en mars, fut accueillie de manière à
le consoler de cet échec, mais il allait délaisser la musique orchestrale au profit du
lied et de la musique de chambre pendant
les deux années suivantes, après avoir démissionné de ses fonctions de musicien de
cour, décidément incompatibles avec son
caractère extrêmement timide. Ces deux
années, Brahms les passa à Hambourg,
dans l’espoir toujours déçu que ses concitoyens lui offriraient un poste officiel. Ou,
plus exactement, il fit de Hambourg son
port d’attache, d’où il s’éloigna fréquemment pour des séjours plus ou moins
longs à Hamm (un village des environs),
dans le Harz, à Oldenbourg, à Cologne,
etc. En fait, depuis qu’il ne vivait plus
chez ses parents, Brahms n’avait jamais
passé et ne devait jamais passer six mois
au même endroit, pas même à Vienne où
il allait bientôt trouver son point de chute
définitif.
À la fin de 1862, las d’attendre, Brahms
se rendit à Vienne, où il bénéficia d’un
accueil qui passa ses espérances, notamment de la part du célèbre critique Hanslick. Il avait 30 ans. En pleine possession
de ses moyens pianistiques, il multiplia
les concerts et en profita pour imposer
ses propres compositions, dont les Variations et fugue sur un thème de G. Fr. Haendel pour piano, que Clara avait créées en
1861. Le 6 février 1864, il eut une cordiale
entrevue avec R. Wagner aux environs de
Vienne. Un peu plus tard, il rencontrait le
« roi de la valse », Johann Strauss, près de
Baden-Baden. De 1866 à 1868, ses tournées le conduisirent jusqu’en Hollande,
à Presbourg, Budapest, Copenhague et
en Suisse, où il devait souvent retourner.
De cette période d’intense activité datent
le Requiem allemand et la Rhapsodie
pour alto, choeur d’hommes et orchestre.
En 1870, Brahms fit la connaissance de
l’éminent pianiste et chef d’orchestre
Hans von Bülow, que Wagner venait de
trahir en lui prenant sa femme Cosima, la
fille de Liszt. Hans von Bülow allait bientôt se faire l’un des plus actifs propagandistes de son nouvel ami.
1872, UN TOURNANT DANS LA CARRIÈRE DE
BRAHMS.
Nommé directeur de la Société des amis
de la musique à Vienne, le compositeur
décida de louer un véritable appartement, son premier et dernier domicile fixe
puisqu’il devait y mourir. Il exerça avec
conscience et succès ses fonctions à la
tête des grands concerts viennois, et, s’il
démissionna en 1875, c’est qu’il estimait
avoir encore mieux à faire dans le domaine de la composition. D’ailleurs, l’indépendance matérielle lui était désormais
acquise. Les droits d’auteur gonflaient son
compte en banque d’autant plus qu’il y
touchait à peine, ses cachets de concertiste
suffisant à son modeste train de vie de célibataire que le luxe ne tentait pas. Cependant, le rythme de son existence allait être
toujours à peu près le même, partagé entre
les concerts pendant la saison d’hiver et,
l’été, quelque retraite en pleine nature où
rien ne venait le distraire de la composition. C’est au bord du lac de Starnberg,
en Bavière, qu’il acheva les Variations sur
un thème de J. Haydn ; à Rügen, village de
pêcheurs sur la mer du Nord, il termina
la symphonie no 1 en ut mineur ; à Pörtschach, en Carinthie, il composa la symphonie no 2 en ré majeur, le concerto pour
violon, créé, naturellement, par Joachim,
la première sonate pour violon et piano et
les deux Rhapsodies pour piano. Au fil des
années, la part du concertiste se réduisit.
Brahms, qui n’avait jamais aimé le métier
de virtuose (de l’avis de tous les témoins,
y compris Clara Schumann, il jouait beaucoup mieux en petit comité qu’en public),
délaissa le piano au profit de la direction
d’orchestre. En 1874, le roi Louis II de
Bavière lui décerna l’ordre de Maximilien
en même temps qu’à Richard Wagner, son
aîné de vingt ans. Si l’on songe à ce que
représentait Wagner pour le jeune souverain, cette distinction donne la mesure de
la réputation que Brahms avait acquise.
En 1877, il fut aussi nommé doctor honoris
causa de l’université de Cambridge, mais
refusa obstinément de franchir le détroit
pour revêtir la toge.
Au printemps de 1878, Brahms
visita l’Italie, pays qu’il aimait beaucoup, jusqu’en Sicile, escorté de son ami
Billroth, un éminent chirurgien suisse
qui le connaissait bien. Brahms se rendit souvent au-delà des Alpes. En 1879,
c’est l’université de Breslau qui, à son
tour, le nommait doctor honoris causa ; il
la remercia en lui dédicaçant l’Ouverture
académique, composée l’année suivante,
ainsi que l’Ouverture tragique, non pas à
Pörtschach, mais à Ischl, où il était plus
tranquille. Entre-temps, le triomphe de
sa symphonie no 2, à Hambourg, lui avait
donné la satisfaction d’être enfin apprécié
dans sa ville natale. Les années suivantes,
jusqu’en 1885, furent dominées par son
intense collaboration avec Bülow, qui
venait de réorganiser l’orchestre du duc
de Saxe-Meiningen et en avait fait l’un
des meilleurs d’Allemagne. C’est Bülow
qui lança le slogan flatteur des « trois B »
(Bach-Beethoven-Brahms) ; il établit ses
programmes en conséquence et partagea
la baguette avec Brahms dans de brillantes
tournées. Les troisième (fa majeur) et quatrième (mi mineur) symphonies, le deuxième concerto pour piano en si bémol
majeur (achevé à Florence) datent de cette
époque. Puis Bülow, surmené, peut-être
agacé par la tranquille assurance de son
collaborateur, se fâcha avec lui et donna
sa démission. La brouille devait durer
jusqu’en 1887.
LE BRAHMS LÉGENDAIRE.
Aux approches de la cinquantaine, Brahms
s’était laissé pousser la barbe et apparaissait désormais tel que le représente
l’iconographie classique. L’embonpoint
aidant, son côté « gros ours » s’en trou-
vait accentué. La physionomie ouverte
était bien celle d’un bon vivant, gros mangeur, franc buveur et grand amateur de
cigares et de café, doué d’une santé de fer
et d’une résistance peu commune. Sportif
à sa manière, il plongeait au petit matin
dans les eaux glacées du lac de Starnberg
et couvrait à pied des distances invraisemblables. En société, c’était un bouteen-train d’une bonne humeur inaltérable,
partout accueilli à bras ouverts, bien que
son franc-parler eût parfois la dent dure.
Ses tourments intimes, il les gardait pour
lui et les exorcisait par la musique, avec
la pudeur qui caractérisait toutes ses actions et principalement les bonnes. Antón
Dvořák, qui végétait misérablement à
Prague, n’a jamais caché ce que sa carrière ultérieure devait à la générosité de
Brahms. Mais bien d’autres personnes on ne le sut qu’après sa mort - avaient
bénéficié d’une pareille munificence.
C’est sous son aspect le plus débraillé
que Brahms passa les étés de 1886, 1887
et 1888, en vue du lac de Thoune et de la
Jungfrau ; dans ce site qui l’enchantait, il
composa le double concerto pour violon,
violoncelle et orchestre, les sonates pour
violon en la majeur et ré mineur, la sonate
no 2 pour violoncelle, son quatrième trio,
bon nombre de choeurs et de lieder, et les
Onze Chants tziganes. Il y reçut la visite de
la jeune cantatrice Hermine Spies, pour
qui il éprouva un tendre sentiment et qui
contribua à l’inspirer. Mais cette idylle
tardive ne devait pas plus aboutir que les
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autres ; et Brahms n’écrivit plus de lieder
avant les Quatre Chants sérieux (1896), son
chant du cygne.
Le séjour d’Ischl, son ancienne résidence d’été, où il allait séjourner chaque
année à partir de 1889, ne fut pas aussi
fécond sur le plan musical : on ne peut y
rattacher que les Intermezzi et Caprices op.
116 et 117. Qu’il fût là ou ailleurs, et bien
qu’il continuât de manifester une prodigieuse vitalité quand il s’agissait de faire
bombance entre amis ou de participer à
des excursions périlleuses en Suisse ou en
Sicile, quelque chose s’était brisé en lui.
Une série de deuils et autres chagrins n’y
furent sans doute pas étrangers.
DOULEURS ET SOLITUDE.
En 1891, année du merveilleux quintette
en si mineur op. 115 et du trio op. 114
pour clarinette et cordes, se produisit une
brouille avec Clara Schumann, vieillie,
malade et aigrie. L’année suivante, il perdit sa soeur Élise et se fâcha avec son ami
Billroth à propos de Massenet, dont il
détestait la musique. En 1893, réconcilié
avec Clara, il se réfugia en Italie pour se
soustraire aux festivités organisées pour
son 60e anniversaire. Mais au lieu de le
célébrer le 7 mai à Venise, comme il en
avait l’intention, il le passa à Messine au
chevet d’un de ses compagnons, le poète
Widmann, qui s’était brisé la cheville.
En 1894 disparaissaient successivement
Billroth, Bülow et le musicologue Alfred
Spitta, dont la mort l’affecta profondément. Brahms, comme Mozart, avait heureusement rencontré « son » clarinettiste,
et c’est ainsi que sa musique de chambre,
un des domaines les plus riches et inspirés
de son oeuvre (sonates ; trios, quatuors,
quintettes souvent avec piano ; sextuors à
cordes), se trouve enrichie d’un trio en la
mineur, du quintette et de deux sonates,
qui devaient être pratiquement ses dernières oeuvres avant les tragiques et prémonitoires Chants sérieux op. 121. Ce clarinettiste, nommé Richard von Mühlfeld,
Brahms l’avait remarqué parmi les musiciens du duc de Saxe-Meiningen.
En mai 1896, Brahms arriva à Bonn
après quarante heures de chemin de fer
pour enterrer Clara Schumann. Dès le
mois suivant, sa magnifique santé l’abandonna. Il perdit l’appétit, maigrit et s’affaiblit jusqu’au 3 avril de l’année 1897, où il
succomba à un cancer du foie et rejoignit
au cimetière de Vienne ses confrères Mozart, Beethoven et Schubert.
BRAHMS, « NOUVEAU MESSIE DE L’ART ».
Deux séries de faits ont longtemps empêché une juste appréciation de la grandeur et du caractère « avant-gardiste »
de la musique de Brahms : d’une part, les
controverses qui, dans la seconde moitié
du XIXe s., opposèrent les tenants de la
« musique de l’avenir » (Wagner et Liszt)
à ceux pour qui les grandes formes instrumentales héritées du passé n’étaient pas
épuisées, et, qui, plus d’une fois, tentèrent
d’enrôler Brahms sous leur bannière ;
d’autre part, les liens évidents de Brahms
avec le passé, reflétés tant dans ses oeuvres
que dans l’admiration qu’il porta à des
maîtres anciens, en son temps, inconnus
ou tenus pour négligeables. Paradoxalement, ce second facteur est le principal
fondement de la grandeur de Brahms et
de son importance pour la musique du
XXe siècle. Schönberg le vit bien, il fut le
premier à se réclamer à la fois de Wagner
et de Brahms.
À la différence de ses prédécesseurs
immédiats, Brahms s’intéressa au passé
de façon vitale, un passé qui, pour lui,
ne s’arrêtait pas à Bach, mais remontait
jusqu’aux polyphonistes de la Renaissance, voire jusqu’aux origines du lied
allemand. À son époque, il fut à peu près le
seul à vouer un culte à Haydn, et ses séries
de variations sur des thèmes de Haendel
(pour piano) ou de Bach (finale de la symphonie no 4) furent les premières oeuvres
importantes depuis la Renaissance à puiser leurs thèmes chez des compositeurs
disparus depuis des lustres. Cela n’empêcha pas l’ombre de Beethoven d’avoir
sur lui des effets parfois inhibants, qui le
poussèrent à détruire de nombreuses partitions d’une qualité probablement comparable à celle d’autres qu’il jugea dignes
de survivre, ou à attendre la quarantaine
pour se faire connaître comme auteur de
quatuors à cordes, puis de symphonies.
Mais, de cette attitude fondamentale,
plus intense et plus vivifiante chez lui que
chez n’importe quel autre compositeur
avant le XXe siècle, de cette attitude qui
explique largement (tout en les réduisant
à l’état de péchés véniels) les citations ou
quasi-citations que contient sa musique,
Brahms tira un sens de l’ordre et de l’architecture. Cette rigueur est d’autant moins
réactionnaire qu’elle alla de pair avec une
liberté et une invention linéaire et rythmique toutes novatrices, même révolutionnaires - son écriture harmonique n’est
pas exempte d’audaces, mais, contrairement à celle de Wagner, elle apparaît toujours fonctionnelle, génératrice de formes
au sens classique. Les superpositions et
les oblitérations rythmiques existent chez
Brahms, au point de parfois annihiler le
sens de la barre de mesure, mais présentent en soi un haut degré d’organisation,
où d’aucuns ont vu l’annonce du principe
de la modulation métrique cher à Elliott
Carter, ou, plus généralement, « la source
de la structure polyrythmique de bien des
partitions contemporaines » (Schönberg).
Tout aussi important est le fait que, pardelà sa complexité rythmique (ou plutôt
de pulsation), la densité de sa polyphonie linéaire et la richesse de ses relations
motiviques, la musique ne perd jamais le
sens de la direction, en particulier à cause
du soin que le compositeur prit à conserver à ses lignes de basse agilité et mobilité.
Brahms fut un admirable coloriste, en particulier dans la demi-teinte, mais il préféra toujours la substance au brillant extérieur et, après Bach et Haydn, il s’imposa
comme le troisième grand artisan (au sens
le plus noble du terme) de l’ère classicoromantique en Allemagne. D’où, malgré
la splendeur de ses symphonies ou de ses
concertos, ses trois domaines d’élection,
tous synonymes d’intimité : le piano, la
musique de chambre et le lied (il n’aborda
ni le poème symphonique ni l’opéra). Le
sextuor à cordes la Nuit transfigurée de
Schönberg (1899) provient de Brahms
autant que de Wagner, et c’est avec pertinence qu’Adorno a fait remarquer que
Schönberg ne se serait jamais détourné de
la pompe de son temps s’il n’avait puisé
dans l’écriture « obligée » des quatuors à
cordes de Brahms.
Tout cela étant admis, il faut se garder
de qualifier Brahms, ce Nordique attiré
par Vienne, par les Tziganes et par l’Italie, de conservateur sur le plan esthétique
(par opposition à son langage). Chez
lui, esthétique et langage ne font qu’un.
Comme nul autre à son époque, il réussit
d’une part à mettre en rapport la science
musicale la plus élaborée et les origines
populaires de son art, d’autre part à
« énoncer clairement cela même qui ne se
conçoit qu’à peine et qui vit en nous obscurément en des régions où la raison n’a
pas de prise... Il est probable que, sans sa
science de l’écriture, Brahms se fût perdu,
égaré dans sa propre forêt, étouffé par ses
propres ombres, [alors que] la mélancolie
la plus vague, les désirs les plus ambigus,
les mouvements les plus flottants, les plus
changeants, les plus indéfinis du coeur,
s’expriment dans le langage le plus net, le
contrepoint le plus clair qui soient » (Romain Goldron). Si, comme d’autres musiques postérieures (Mahler, Alban Berg),
la musique de Brahms évoque globalement un paradis perdu, elle reste la première à avoir fait sienne cette démarche,
et la seule à baigner dans la nostalgie
avouée de ce paradis, dans le regret avoué
d’être née trop tard. Le paradis perdu
était encore proche : d’où la possibilité de
la démarche de Brahms, qui ne pouvait
qu’exclure les « feux et tonnerres » d’un
Berlioz et qui explique aussi les côtés
lucidement désabusés, amers parfois, de
l’homme et du musicien. Brahms ne songea jamais, comme avant lui Schumann
ou après lui Mahler, à se lancer à la poursuite d’un idéal inaccessible. Cela éclaire
les réserves qu’il suscita, mais aussi sa
position unique dans la musique germanique du XIXe siècle.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
121
BRAILLE (Louis), organiste français
(Coupvray, Seine-et-Marne, 1809 - Paris
1852).
Devenu aveugle à l’âge de trois ans, il fit
ses études à l’Institution des aveugles à
partir de 1819 et fut élève de Jean-Nicolas
Marrigues. En 1833, il fut nommé organiste à Notre-Dame-des-Champs, puis, de
1834 à 1839, à Saint-Nicolas-des-Champs,
et ensuite à l’église des Missionnaires-Lazaristes. Il fut aussi professeur à l’Institut
national des jeunes aveugles et inventa un
nouveau système d’écriture, qui est maintenant universellement employé tant pour
les textes que pour la musique.
BRǍILOIU (Constantin), ethnomusicologue roumain (Bucarest 1893 - Genève
1958).
Il étudia à Vienne et à Paris, où il fut
élève de Gédalge. Professeur à l’Académie
de musique de Bucarest, il fonda, avec
Enesco, la Société des compositeurs roumains. En 1928, il créa à Bucarest les Archives du folklore, puis, en 1944, à Genève,
les Archives internationales de musique populaire. Il se fixa, en 1948, à Paris, où il fut
nommé maître de recherches au C.N.R.S.
Ses travaux (ouvrages écrits, éditions
phonographiques du musée de l’Homme,
de l’Unesco), d’une rigueur scientifique
exemplaire appuyée sur des connaissances
musicales très complètes, ont rénové les
méthodes de l’ethnomusicologie. Pour
une bibliographie de l’oeuvre de C. Brailoiu, on peut consulter le travail d’André
Schaeffner, Bibliographie des travaux de
Constantin Brailoiu (Revue de musicologie,
1959).
BRAIN (Dennis), corniste anglais
(Londres 1921 - Hatfield 1957).
Élève de son père, Aubrey Brain, il s’imposa comme l’un des meilleurs cornistes
de sa génération et comme un soliste de
renommée internationale, avant sa mort
tragique, dans un accident de voiture, à
l’âge de 36 ans. Sa beauté de timbre ainsi
que sa maîtrise technique demeurent légendaires. De nombreuses oeuvres ont été
composées à son intention comme la Sérénade pour ténor, cor et cordes de Britten ;
le trio op. 44 pour violon, cor et piano de
Berkeley, et des concertos écrits par Gordon Jacob, Élisabeth Lutyens, Hindemith,
etc.
BRANLE.
Danse française dont l’origine remonte au
Moyen Âge, mais qui a connu une grande
vogue au XVIe s. et au siècle suivant.
La plupart des branles sont de mesure binaire ; d’autres, dits branles gais,
peuvent être ternaires. Quant à la danse
elle-même, il s’agit de former une chaîne
et de se déplacer non en avant mais latéralement. Un grand nombre de branles
(simples, doubles, de Bourgogne, etc.)
ont été publiés à Paris au XVIe siècle par
Attaignant (en particulier ceux de Claude
Gervaise) et par Du Chemin.
BRANT (Henry Dreyfus), compositeur
américain (Montréal 1913).
D’abord élève de son père, violoniste professionnel, il étudia ensuite au conservatoire de l’université McGill. En 1929, il
s’établit avec sa famille à New York, où il
continua ses études à l’lnstitute of Musical
Art et à la Juilliard School, ainsi qu’avec
Wallinford Riegger, George Antheil et
Fritz Mahler. Dans les années 30, il fut
orchestrateur et arrangeur pour Benny
Goodman, puis composa et dirigea des
oeuvres radiophoniques, des ballets et de
la musique de film à Hollywood, New
York et en Europe. Il a enseigné à l’université Columbia (1945-1952), à la Juilliard
School (1947-1954), et professe à Bennington College depuis 1957.
Influencé par Charles Ives, Brant a écrit,
outre ses musiques de film et de théâtre,
une bonne centaine d’oeuvres ayant volontiers recours à des sonorités insolites,
comme dans Angels and Devils, concerto
pour flûte avec un orchestre de piccolos,
flûtes, et flûtes alto (1931, première audition en 1933). À partir des années 50, en
réaction contre les musiques ne faisant
référence qu’à « un seul style », il s’est
systématiquement attaché à « confronter,
entre eux, deux (et de préférence davantage) types de musique entièrement différents - d’où des combinaisons aussi
hétérogènes que celles suggérant à la fois
un ensemble dixieland, un gamelan balinais et un cortège militaire ». De là l’intérêt du compositeur pour les musiques
« spatiales » et les oeuvres faisant appel à
« deux groupes au moins, chacun conservant son propre style, irréductible au style
des autres groupes, ainsi que ses propres
schémas rythmiques, harmoniques et
instrumentaux, en fonction de sa propre
position, spécifique et isolée, dans la salle.
Il n’y a pas d’échange de style ni de matériau de groupe à groupe ». Ces conceptions sont illustrées par Grand Universal
Circus (1956), Voyage 4 (1963) ou encore
Windjammer (1969).
BRASSART (Johannes), compositeur
flamand, originaire du diocèse de Liège
(XVe s.).
Il est mentionné en 1422 à Saint-Jeanl’Évangéliste à Liège où il fut succentor
(« sous-cantor ») en 1423. Comme beaucoup de ses compatriotes, il visita l’Italie ; il fut, en effet, chantre à la chapelle
papale d’Eugène IV (1431). Puis il regagna
son pays natal, exerça jusqu’en 1434 les
fonctions de chapelain à Saint-Lambert
de Liège et, à partir de 1438, celles de
chantre à Notre-Dame de Tongres où il
fut également chanoine. En 1443, on le
retrouve chantre principal de l’empereur
Frédéric III, et sans doute était-ce à cette
époque qu’il écrivit sa paraphrase à 3 voix
du cantique allemand Christ ist erstanden
(« le Christ est ressuscité »). Il ne nous a
laissé que des oeuvres religieuses (pièces à
3 voix dont 5 motets et des mouvements
de messe ; 5 motets à 4 voix), où il tente
de ne pas sacrifier l’expression - on peut
même parler, à son sujet, de grâce et de
délicatesse - à son goût pour une écriture
contrapuntique soignée.
BRASSEUR (Élisabeth), chef de choeur
français (Verdun-sur-Meuse 1896 - Versailles 1972).
Elle commença à travailler la musique avec
son grand-père, organiste à la cathédrale
de Verdun, puis étudia le chant et le piano
au conservatoire de Versailles. C’est dans
cette ville qu’elle fonda, en 1920, la Chorale féminine de l’église Sainte-Jeanned’Arc qui, devenue mixte, prit, en 1943,
le nom de chorale Élisabeth-Brasseur.
Celle-ci devint l’une des plus célèbres formations françaises, participant à des centaines de concerts et de représentations
d’opéras, créant des oeuvres de Honegger
(Cantate de Noël), Florent Schmitt, Claude
Delvincourt, Jacques Charpentier, Charles
Brown, etc., et apportant régulièrement
son concours, en particulier, au festival
d’Aix-en-Provence. Après la mort d’Élisabeth Brasseur, la formation qui porte son
nom a poursuivi ses activités sous la direction de Catherine Brilli.
BRAUNFELS (Walter), pianiste et compositeur allemand (Francfort-sur-leMain 1882 - Cologne 1954).
Il fut l’élève, pour le piano, de James Kwast
à Francfort et de Leszetycki à Vienne, et,
pour la composition, de Ludwig Thuille à
Munich, ville où il vécut jusqu’en 1925. Il
devint alors codirecteur avec Hermann
Abendroth de la Staatliche Hochschule
für Musik de Cologne, mais il fut congédié
en 1933, et l’exécution de ses oeuvres fut
interdite en Allemagne jusqu’en 1945. De
1945 à 1950, il retrouva la direction de
l’école de musique de Cologne.
Ses oeuvres relèvent d’une esthétique
post romantique, mais avec une harmonie parfois fort peu conventionnelle. Il
a composé des oeuvres symphoniques et
concertantes, de la musique pour piano,
un quintette et trois quatuors à cordes, des
oeuvres chorales religieuses, des lieder et
une douzaine d’opéras dont il écrivit en
général lui-même les livrets.
BREAM (Julian), guitariste et luthiste
anglais (Londres 1933).
Élève de son père, il se produisit en public
pour la première fois à l’âge de douze ans
et reçut les conseils d’Andrés Segovia. Il
acquit bientôt une réputation mondiale.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
122
Au luth, il s’est spécialisé dans le riche
répertoire des XVIe et XVIIe siècles, notamment dans les oeuvres de Dowland, où il
lui arrive fréquemment d’accompagner
des chanteurs. Virtuose de la guitare,
Julian Bream interprète le répertoire habituel ; de plus, maintes oeuvres ont été
composées à son intention, par exemple
les mélodies de Britten Songs from the
Chinese avec accompagnement de guitare.
BREBOS, famille de facteurs d’orgues
flamands (fin du XVIe s.).
Ils émigrèrent en Espagne à l’invitation de Philippe II, en 1579. Gilles Brebos construisit les orgues à Louvain et à
Anvers, puis les quatre orgues du palais
royal de l’Escurial et de petits instruments
pour la famille régnante d’Espagne. L’un
de ses quatre fils, Hans, établit des orgues
à Madrid et à Tolède (cathédrale).
BRECHT (Bertolt), auteur dramatique allemand (Augsbourg 1898 - Berlin 1956).
La collaboration avec des musiciens se
situe au coeur de sa production. Pour lui,
ajoutée au texte, la musique, par sa seule
présence, constituait une attaque contre
l’atmosphère étroite, lourde et visqueuse
des drames impressionnistes. Il écrivit des
textes d’opéras mis en musique par Kurt
Weill (l’Opéra de quat’sous, Grandeur et
décadence de la ville de Mahagonny, Celui
qui dit oui, celui qui dit non) et Paul Dessau (le Procès de Lucullus). Avec Weill et
le chorégraphe Balanchine, il conçut le
ballet les Sept Péchés capitaux des petitsbourgeois. Pour Weill, Dessau, Hans Eisler, Hindemith, Brecht écrivit les textes de
sorte de cantates et de songs, forme qui ne
s’apparente guère à la chanson occidentale en général, française en particulier, ni
même avec le couplet de la chanson, aiguisée d’une pointe politique, du XIXe siècle.
Le song est une arme plus acérée, qui
évoque sans fard la condition ouvrière,
qui stigmatise le mal, la misère, la cruauté,
la bêtise. Dans les pièces de Brecht, les
parties chantées retournent les situations,
démasquent les personnages, procurent
un point de vue nouveau (auquel correspond d’ailleurs un éclairage scénique
particulier durant le chant), commentaire
critique, souvent cruel, de l’action, trait
de clarté orientant le spectateur. On doit
aussi à Brecht un changement dans la
façon d’envisager le chant, car il prit des
acteurs, des danseurs et les fit passer du
parler, du geste au chanter.
BREGENZ.
Ville d’Autriche sur le lac de Constance,
capitale du Vorarlberg, abritant chaque
été depuis 1956 un festival d’opéras et
d’opérettes.
Certaines représentations sont données sur un scène édifiée sur le lac même
(Seebühne).
BREITKOPF, famille d’éditeurs de musique allemands.
La firme fut fondée, à Leipzig, en 1719, sur
les bases d’une imprimerie remontant à
1542 par Bernhard Christoph Breitkopf
(1695-1777). Elle imprima notamment
des oeuvres de Leopold Mozart, Telemann
et Carl Philipp Emanuel Bach. Gottlob
Immanuel (1719-1794), fils du précédent, développa l’entreprise tout en faisant paraître, chaque année ou presque,
de 1762 à 1787, un précieux catalogue
thématique des oeuvres manuscrites ou
imprimées qu’il avait en magasin (rééd.
par Barry S. Brook, New York, 1966). Son
fils Christoph Gottlob (1750-1800) s’associa en 1795 avec Gottfried Christoph Härtel (1763-1827), la maison devenant alors
Breitkopf und Härtel. Härtel lui donna un
second souffle en fondant la célèbre revue
Allgemeine Musikalische Zeitung (17981848), en lui adjoignant une fabrique de
pianos (1807) et en entreprenant l’édition des « oeuvres complètes » de Mozart,
Haydn, Clementi et d’autres musiciens.
Breitkopf und Härtel publia également
plusieurs ouvrages de Beethoven. Gottfried Christoph Härtel eut comme successeurs ses deux fils, Hermann (1803-1875)
et Raimund (1810-1888), et ceux-ci, privés d’héritiers mâles, leurs neveux (fils de
leurs deux soeurs) Wilhelm Volkmann
(1837-1896) et Oskar von Hase (18461921). Suivirent, de génération en génération, Ludwig (1870-1947), Wilhelm (18981939) et Joachim (1926) Volkmann, et les
fils d’Oskar von Hase, Hellmuth (18911979) et Martin (1901-1970). Leur frère
Hermann von Hase (1880-1945) joua un
rôle de 1910 à 1914. La maison, qui, au
XIXe siècle, avait compté parmi les fondateurs de la Bach-Gesellschaft et publié les
oeuvres complètes de Bach, possédait pro-
bablement à la veille de la dernière guerre
le fonds musical le plus important du
monde. Une grande partie de ses archives
et de son matériel devait malheureusement disparaître dans un bombardement
de Leipzig en 1943. Après la guerre, elle
s’est retrouvée divisée du fait de la partition de l’Allemagne : l’ancienne maison
mère, nationalisée en 1952, subsiste à
Leipzig comme entreprise d’État, tandis
qu’une filiale fondée à Wiesbaden en 1945
y existe depuis 1947 comme établissement
indépendant. Après la réunification, le
siège principal de la maison est demeuré à
Wiesbaden, avec des filiales à Leipzig et à
Paris. La direction est assurée depuis 1979
par Liselotte Sievers (1928), fille de Hellmuth von Hase, auparavant assistante de
son père et de Joachim Volkmann.
BRELET (Gisèle), philosophe et critique
musicale française (Fontenay-le-Comte,
Vendée, 1919 - La Tranche-sur-Mer, Vendée, 1973).
Élève du Conservatoire de Paris et de la
Sorbonne, elle soutint en 1949 une thèse
sur le temps musical. Les structures temporelles de la musique et les problèmes
d’interprétation, qui leur sont liés, ont
fait l’objet d’une grande partie de ses
recherches. En 1951, elle créa la Bibliothèque internationale de musicologie
(Paris), remarquable collection d’ouvrages d’histoire et d’esthétique musicales.
Ses principaux écrits sont : Esthétique et
Création musicale (Paris, 1947) ; l’Interprétation créatrice (2 vol., Paris, 1951) ; Béla
Bartók, Musique contemporaine en France
in Histoire de la musique (« Encyclopédie
de la Pléiade », t. II, 1963).
BRENDEL (Alfred), pianiste autrichien
(Loučná nad Desnau, Moravie, 1931).
Il fit ses études avec Sofija Dezelic, Ludovika von Kaan, le compositeur Arthur
Michl, Paul Baumgartner, Eduard Steuermann et Edwin Fischer. Il se fit, dès ses
débuts, le champion d’oeuvres en marge
du grand répertoire : Schubert, à l’époque
encore peu joué, Busoni, Schönberg, les
oeuvres les moins connues de Liszt. Aussi
lui a-t-il fallu de longues années pour
connaître la popularité. L’art de Brendel,
nourri de profondes réflexions, est hypersensible, ses interprétations sont inspirées
et imprévisibles, quoique profondément
respectueuses des partitions. Il est célèbre
surtout pour ses interprétations de Schu-
bert, mais aussi de Beethoven et de Liszt.
Son ouvrage Réflexion sur la musique a été
traduit en français (Paris, 1979).
BRENET (Marie Bobillier, dite Michel),
musicologue française (Lunéville 1858 Paris 1918).
Venue s’établir à Paris, en 1871, afin de se
consacrer à l’histoire de la musique, elle
collabora à plusieurs publications et écrivit de nombreux ouvrages sur les sujets
les plus divers sans vouloir étudier une
époque bien déterminée. Pour illustrer
l’étendue de ses travaux, voici un choix
des thèmes traités : Grétry, Deux Pages de
la vie de Berlioz (1889), J. de Ockeghem
(1893), Sébastien de Brossard (1896),
Goudimel, Palestrina, Haendel, Haydn,
ainsi que des sujets plus généraux tels que
la Musique militaire, les Concerts en France
sous l’Ancien Régime et les Musiciens de la
Sainte-Chapelle du Palais (1910).
BRENTA (Gaston), compositeur belge
(Schaerbeek, près de Bruxelles, 1902 Bruxelles 1969).
Élève de Paul Gilson et membre du groupe
des Synthétistes, il entra en 1931 à l’Institut national de radiodiffusion belge où
il occupa diverses fonctions et où son
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
123
action fut grande en faveur de la musique
contemporaine. Son style néoromantique
unit à un goût particulier pour l’exotisme
un sens de la mélodie ample et expressive,
essentiellement tonale et parfois pimentée de dissonances imprévues. Brenta
a composé, notamment, de la musique
d’orchestre, dont une symphonie et un
concerto pour piano, des ballets, de la musique de chambre, un Requiem, la Passion
de Notre-Seigneur (1949), des mélodies et
des choeurs a cappella.
BRESGEN (Cesar), compositeur autrichien (Florence 1913 - Salzbourg 1988).
Tout en occupant un poste d’organiste à Munich, il étudia à l’Akademie
für Toukunst avec Emanuel Gatschner
(orgue) et avec Joseph Haas (composition). En 1939, Clemens Krauss l’appela
au Mozarteum de Salzbourg pour ensei-
gner la composition.
Dans ses oeuvres se révèlent les influences du folklore allemand, de la musique baroque, de Reger et de Stravinski.
Bresgen a composé de la musique symphonique, dont la Frescobaldi-Symphonie
(1953), des concertos, de la musique de
chambre, onze opéras, dont certains destinés à un public d’enfants, des cantates et
de nombreux choeurs, des cycles de lieder
et un Requiem pour Anton Webern (1945).
BRETÓN Y HERNÁNDEZ (Tomás), compositeur espagnol (Salamanque 1850 Madrid 1923).
Il fit ses études à Salamanque, puis avec
Arrieta à Madrid où, en 1901, il fut
nommé professeur de composition au
conservatoire royal. Pablo Casals et Manuel de Falla furent ses élèves. Bretón fut
également chef d’orchestre, théoricien et
directeur de plusieurs scènes lyriques.
On lui doit de la musique de chambre
très soignée et harmoniquement très
audacieuse pour l’époque (un trio en mi,
3 quatuors à cordes, un quintette avec
piano, un sextuor pour instruments à
vent), un concerto pour violon dédié à la
mémoire de Sarasate, de la musique symphonique de caractère descriptif, méritant
souvent le qualificatif de « préimpressionniste » (Scènes andalouses, Salamanque,
À l’Alhambra), et un oratorio, l’Apocalypse (1882). Mais Bretón doit surtout sa
renommée à une dizaine d’opéras (Los
Amantes de Teruel, 1889 ; La Dolores,
1895 ; Raquel, 1900 ; etc.) et davantage
encore à une trentaine de zarzuelas, dont
La Verbena de la paloma (1894). Dans ces
deux genres, il s’évade, au moins en partie,
du style italianisant à la manière d’Arrieta
pour réaliser un type d’ouvrages lyriques
spécifiquement espagnol, adaptant à la
langue castillane une ligne mélodique, qui
en souligne les inflexions avec naturel.
BRÉVAL (Bertha Agnès Schilling, dite Lucienne), soprano française (Berlin 1869 Neuilly-sur-Seine 1935).
Elle étudia le piano aux conservatoires
de Lausanne et de Genève, puis le chant
à celui de Paris. Elle débuta à l’Opéra de
Paris, en 1892, dans le rôle de Selika de
l’Africaine de Meyerbeer, et fit une carrière
internationale, tout en demeurant essentiellement fidèle à l’Opéra de Paris, où elle
fut la créatrice, notamment de trois rôles
wagnériens : Brünnhilde (la Walkyrie),
Eva (les Maîtres chanteurs de Nuremberg),
Kundry (Parsifal).
Elle participa à plusieurs créations
mondiales, dont celle de Pénélope de
Fauré, en 1913, à Monte-Carlo. Elle se
retira, en 1921, pour se consacrer à l’enseignement. Valentine dans les Huguenots
de Meyerbeer et Chimène dans le Cid de
Massenet furent deux autres rôles célèbres
de cette chanteuse à la voix ample et au
timbre splendide.
BRÉVAL (Jean-Baptiste), violoncelliste
et compositeur français (Paris 1756 Chamouille, Aisne, 1825).
Soliste virtuose, il se produisit souvent au
Concert spirituel. Il fut aussi renommé
pour ses qualités de pédagogue et de compositeur. Il publia un Traité du violoncelle
(Paris, 1804). Son oeuvre, très abondante,
d’une écriture élégante et habile, mais
sans profondeur, garde un intérêt pédagogique. Elle comprend des concertinos,
concertos, symphonies concertantes, des
quatuors, duos, sonates et autres pièces de
musique de chambre.
BRÈVE.
1. Valeur de note depuis longtemps en désuétude, mais qui s’est maintenue dans les
solfèges jusqu’au milieu du XXe siècle en
désignant paradoxalement la plus longue
des valeurs écrites, avec en principe la valeur de deux rondes ; son signe de silence
était le bâton entre les lignes 3 et 4 de la
portée.
Ce paradoxe s’explique par l’histoire. À
la fin du XIIe siècle, dans les débuts de la
notation proportionnelle, les deux seules
valeurs étaient la longue et la brève. Par
la suite, et dès le XIIIe siècle, on n’a cessé
de subdiviser ces deux valeurs primitives,
sans pour autant modifier leurs noms.
Semi-brève, minime, fusa, semi-fusa sont
apparues ; mais, au fur et à mesure, on
transportait chaque fois sur les nouvelles
valeurs le tempo moyen des anciennes,
qui se sont trouvées ainsi de plus en
plus allongées, de telle sorte que, dès le
XVe siècle, la brève, sans cesser de s’appeler
ainsi, se trouvait la plus longue des valeurs
usuelles, l’ancienne longue ne servant plus
guère que de note finale équivalant à un
point d’orgue.
D’abord simple point noir, la brève s’est
évidée au XIVe siècle pour devenir le carré
de la notation blanche. Au XVIIe siècle,
ce carré était devenu une ronde enserrée
entre deux traits verticaux.
Jusqu’au XVIIIe siècle, certains mouvements s’écrivaient exceptionnellement
dans leurs valeurs antérieures plus longues, qui reprenaient alors leur tempo
ancien plus rapide, ce que l’on appelait,
selon les cas, alla breve ou alla semibreve.
2. En métrique, la brève, unité de scansion
indivisible, se note par un demi-cercle
ouvert vers le haut ( ). Ce signe est également utilisé dans la notation musicale
grecque classique, mais généralement
sous-entendu, seules étant notées les longues de diverses sortes.
BRÉVILLE (Pierre Onfroy de), compositeur français (Bar-le-Duc 1861 - Paris
1949).
D’abord destiné à la carrière diplomatique, il fit ses études musicales avec Théodore Dubois, puis avec César Franck. Il
enseigna au Conservatoire de Paris et à la
Schola cantorum et fut aussi critique musical et président de la Société nationale de
musique. Wagnérien de la première heure,
il ne refusa cependant pas l’influence de
Franck et de Debussy. Son oeuvre se réclame d’une inspiration élégante et d’une
grande vertu expressive, dont le meilleur
témoignage est sans doute son cahier de
mélodies (plus de cent). Bréville fut, avec
d’lndy, Chausson, Coquard et SamuelRousseau, l’un des compositeurs qui terminèrent l’orchestration de l’opéra de
Franck Ghisèle. Il a laissé également une
Histoire du théâtre lyrique en France.
BRIAN (Havergal), compositeur anglais
(Dresden, Staffordshire, 1876 - Shoreham, Sussex, 1972).
Largement autodidacte, il est surtout
connu pour ses trente-deux symphonies,
dont vingt-deux furent écrites à partir de
1954, et dix à partir de 1965. Beaucoup
ne furent créées qu’après sa mort. La
monumentale Première (1919-1927), dite
The Gothic (pour chanteurs solistes, plusieurs choeurs dont un choeur d’enfants,
quatre fanfares de cuivres et très grand
orchestre), fut donnée pour la première
fois par des amateurs en 1961 et par des
professionnels en 1966. Longtemps considéré comme perdu, son opéra The Tigers
(1916-1919, orchestré en 1928-29) fut retrouvé en 1977 et créé à la BBC en 1983. Il
pratiqua également la critique musicale.
BRICEÑO (Luis de), guitariste espagnol
(XVIIe s.).
Il fit paraître en 1626, chez Ballard, à Paris,
une Méthode très facile pour apprendre à
jouer de la guitare espagnole contenant,
outre les conseils techniques, un grand
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
124
nombre de pièces, chansons, romances,
d’une bonne qualité didactique et musicale.
BRIDGE (angl. : « pont »).
Phrase « B » d’un thème de jazz de type
AABA, à fonction généralement modulante.
On dit aussi middle-part.
BRIDGE (Frank), compositeur anglais
(Brighton 1879 - Eastbourne 1941).
Élève de Charles Villiers Stanford pour
la composition, il acquit une renommée
d’interprète comme violoniste (il fut
membre du quatuor Grimson), comme
altiste (il fut membre du quatuor Joachim) et comme chef d’orchestre. Il eut
l’occasion de diriger les grands orchestres
londoniens et les principales formations
des États-Unis. Comme compositeur, il
fut d’abord influencé par le postromantisme et par Brahms, ce dont témoignent
notamment ses premières mélodies et
ses premières partitions de musique de
chambre, parmi lesquelles son quatuor
à cordes no 1 (1906), les fantaisies pour
quatuor à cordes (1901), trio avec piano
(1907) et quatuor avec piano (1910), la
suite symphonique The Sea (1910-11) et
le poème symphonique Summer (1914).
La Première Guerre mondiale, au cours de
laquelle il écrivit son 2e quatuor à cordes
(1915), fut pour lui un choc et orienta
sa production vers un modernisme qui
n’excluait ni la polytonalité ni certaines
rencontres avec l’univers d’Alban Berg,
et qui fit de lui, avec Vaughan Williams,
le compositeur anglais le plus intéressant de sa génération. Inaugurée avec
la sonate pour piano (1921-1924), cette
nouvelle période créatrice fut marquée,
entre autres, par les quatuors à cordes no 3
(1926) et no 4 (1937), le trio avec piano no
2 (1929), la rhapsodie symphonique Enter
Spring (1927), le concerto élégiaque pour
violoncelle et orchestre Oration (1930), la
rhapsodie pour piano et orchestre Phantasm (1931), et par l’ouverture Rebus,
sa dernière oeuvre achevée (1940). Son
unique élève de composition fut Benjamin
Britten.
BRIDGETOWER (George Polgreen), violoniste anglais (Biala, Pologne, 1778 Peckham, Londres, 1860).
Fils d’une mère européenne et d’un père
antillais (d’après certaines rumeurs le
Maure du prince Esterházy), il fit ses
débuts au Concert spirituel, à Paris, le
13 avril 1789, puis passa en Angleterre,
où, après avoir joué en même temps que
Haydn à un concert de J. P. Salomon
en 1791, il entra au service du prince de
Galles. Il joua à Dresde en 1802 et 1803,
et de là se rendit à Vienne, où Beethoven composa pour lui les deux premiers
mouvements de la sonate pour piano et
violon connue plus tard comme Sonate à
Kreutzer. Ils les interprétèrent ensemble,
avec un finale prévu à l’origine pour l’opus
30 no 1, le 24 mai 1803, et c’est sous cet
aspect que l’ouvrage parut en 1805 sous le
numéro d’opus 47.
BRIDGMAN (Nanie), musicologue française (Angoulême 1910 - Paris 1990).
Élève d’André Pirro, elle a consacré l’essentiel de ses travaux à la musique italienne des XVe et XVIe siècles. Elle est (ou
a été) membre du comité de rédaction des
Acta musicologica (Bâle), des Documenta
musicologica (Kassel), de la Revue française
de musicologie. Elle a effectué d’importants
travaux pour le Répertoire international
des sources musicales (R. I. S. M.) et a collaboré aux grandes publications françaises
collectives (encyclopédies, dictionnaires).
Son ouvrage la Vie musicale au quattrocento et jusqu’à la naissance du madrigal
(Paris, 1964) témoigne de l’étendue de sa
culture et de la profondeur de ses vues.
Elle a signé aussi la Musique italienne
(Paris, 1973).
BRINDISI (ital. : « toast », « brinde »).
On baptisait ainsi, dans les opéras italiens
du XIXe siècle, les airs entonnés par un
personnage durant une fête pour porter
un toast ; on en trouve par exemple dans
Lucrèce Borgia de Donizetti et la Traviata
de Verdi.
BRISURES.
Dans les instruments à cordes frottées,
coup d’archet détaché qui consiste à attaquer alternativement 2 cordes éloignées.
BRITTEN (Benjamin), compositeur anglais (Lowestoft, Suffolk, 1913 - Aldeburgh 1976).
Naître le jour de la Sainte-Cécile ne pouvait être de mauvais augure, d’autant que
Benjamin Britten garda toute sa vie une
passion pour l’oeuvre de son grand prédécesseur Henry Purcell, qui, souvent,
dans ses propres Odes, rendit hommage
à cette protectrice de la musique. Dès ses
premières années, Britten entra en contact
avec la musique ; sa mère était secrétaire
de la société chorale de Lowestoft. Il reçut
l’éducation traditionnelle dans la bourgeoisie anglaise et, à l’âge de douze ans,
commença à travailler avec Frank Bridge
dont l’enseignement devait le marquer
profondément. À 16 ans, il entra au Royal
College of Music de Londres et étudia
sous la direction de John Ireland (composition) et de A. Benjamin (piano). C’est
là qu’il composa le Phantasy Quartet op. 2
avec hautbois et les variations chorales A
Boy was born op. 3. Il ne faut pas oublier
que, durant toute sa vie professionnelle,
Britten demeura un remarquable pianiste,
dans ses propres oeuvres, le plus souvent
en tant qu’accompagnateur, mais aussi
dans Mozart par exemple. Sa Sinfonietta
op. 1 fut entendue lors d’un concert public
en 1933.
Après le Royal College of Music vinrent
des commandes de la radio, du cinéma et
la rencontre avec le poète W. H. Auden
pour une série de créations communes. En
1937, on joua à Salzbourg les Variations
on a theme by Frank Bridge op. 10 pour
orchestre à cordes.
Après la mort de sa mère (1938), inquiet du tour que prenait la situation poli-
tique en Europe, Britten partit pour les
États-Unis (1939). Profondément antimilitariste, il trouva en Amérique la paix qui
lui était nécessaire ; un désir impétueux
de composer le posséda alors : les Illuminations ; Sinfonia da Requiem ; Sonnets of
Michelangelo, etc. Il voulait s’expatrier,
composer sur des textes autres qu’anglais,
élargir ses horizons. Aux États-Unis, Britten atteignit sa maturité de compositeur et
tenta un premier essai dans son domaine
d’élection, l’opéra, avec Paul Bunyan op.
17, qu’il retira ensuite de son catalogue.
En 1942, Britten prit une décision difficile : il décida de repartir pour l’Angleterre,
où, réformé, il lui était accordé de poursuivre sa carrière de musicien. Avant son
départ, Koussevitski lui demanda pourquoi il n’avait pas encore écrit d’opéra,
Britten ayant déjà envisagé comme livret
un poème de George Crabbe, Koussevitski
lui proposa l’argent nécessaire. Après A
Ceremony of Carols, oeuvre composée pendant son difficile voyage de retour vers
l’Angleterre, il s’isola à Snape, et, à Sadlers
Wells, son opéra Peter Grimes triompha le
7 juin 1945. Du jour au lendemain, Britten
devint célèbre, inaugurant une ère nouvelle de la musique anglaise.
Aussitôt, il abandonna momentanément le grand opéra traditionnel pour
aborder un genre plus intime et difficile à
réussir : l’opéra de chambre avec, d’abord,
le Viol de Lucrèce (1946), Albert Herring
(1947) [d’après un conte de Maupassant]
et, plus tard, The Turn of the Screw (1954).
Afin de donner ces opéras, mais aussi
d’autres ouvrages contemporains, il créa,
en 1946, le English Opera Group, dont il
occupa les postes de directeur artistique,
de chef et de compositeur. Deux années
plus tard, il fonda le festival d’Aldeburgh,
petite ville du Suffolk, où, dans une maison baptisée The Red House, il était installé depuis 1947.
Désormais, le compositeur travailla
près de la nature et de la mer, chère à
l’âme britannique, aimant la pêche, le
tennis, les voitures de sport et les longues
promenades à travers les Suffolk Downs.
Britten évitait Londres, sauf pour ses engagements professionnels. Il donna des
concerts dans le monde entier, comme
chef d’orchestre et comme accompagnadownloadModeText.vue.download 131 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
125
teur, le plus souvent en compagnie de
son ami le ténor Peter Pears, créateur du
rôle de Peter Grimes et pour qui Britten
composa tant d’oeuvres vocales, telle la
fameuse Serenade op. 31 (1943).
Britten fut d’ailleurs essentiellement
un compositeur de musique vocale ; il
affectionnait toutes les voix et honorait les
plus célèbres : K. Ferrier fut la première
Lucrèce, les Songs and Proverbs of William
Blake sont dédiés à D. Fischer-Dieskau et
Phaedra op. 93 fut écrite pour Janet Baker.
Mais sa musique est marquée par un goût
prononcé pour les voix d’enfants (The
Little Sweep ; A Ceremony of Carols ; Spring
Symphony ; le rôle de Miles du Turn of the
Screw ; War Requiem, etc.). Britten mit la
langue anglaise en musique avec le génie
d’un Purcell, musicien qu’il ne supportait
pas d’entendre critiquer et dont il réalisa
un nombre assez important d’oeuvres,
parmi lesquelles une version nouvelle de
Didon et Énée. Britten connut mieux que
quiconque la personnalité rythmique que
cette langue donnait à une oeuvre vocale.
L’oeuvre de Britten ne peut être considérée comme révolutionnaire, mais elle
est très personnelle, originale, lyrique et
profondément anglaise. Homme pratique,
il a déclaré que sa musique devait toujours
répondre à un besoin, faire plaisir à un
large public, mais il n’a pas pour autant
sacrifié la qualité. Très cultivé, il connaissait la poésie et comprenait de manière
pénétrante la musique des autres, en particulier celle des maîtres élisabéthains, de
Bach, de Mozart et surtout de Schubert.
Aujourd’hui, les oeuvres de Britten sont
inscrites aux programmes de tous les festivals internationaux. En 1958, son opéra
The Turn of the Screw (le Tour d’écrou),
peut-être son chef-d’oeuvre lyrique, fut
créé à la Fenice de Venise. Dans ses opéras, les sujets et les époques traités offrent
une grande variété : la Rome de Tarquinius par exemple ou la magie de Shakespeare du Songe d’une nuit d’été (livret de
Britten et Pears), la brutalité de la marine
anglaise au XVIIIe siècle (Billy Budd) ou
la « Venise » de Thomas Mann. Pourtant
dans ces oeuvres, et dans bien d’autres, un
même thème réapparaît avec une certaine
insistance : celui de la défense de l’humanité contre les injustices. Les cycles de mé-
lodies sont nombreux et importants. On
this Island (W. H. Auden, 1938) contient
la parodie de Purcell bien connue « Let
the florid music praise ! » et les Songs and
Proverbs of William Blake op. 74, créés à
Aldeburgh en 1965, une étonnante évocation d’une mouche à qui le poète se compare. Britten a également fait des arrangements pour voix et piano de chansons
populaires, anglaises et françaises. Si sa
musique de chambre est réduite, les trois
quatuors à cordes révèlent des qualités
considérables ; citons également la sonate
en ut pour violoncelle et piano op. 65 et
les deux Suites op. 72, op. 80, écrites pour
Rostropovitch (comme la symphonie
pour violoncelle et orchestre op. 68).
Composée avec une facilité étonnante,
la musique de Britten peut atteindre parfois une certaine préciosité, mais son inspiration ne se contente jamais de banalités
et son invention obéit à un sens très scrupuleux des formes traditionnelles qu’il sait
renouveler (la passacaille de Peter Grimes,
par exemple) sans les trahir. Quant à son
génie des couleurs, de l’orchestration,
que l’on se souvienne de l’atmosphère
que le compositeur réussit à créer dès
les premières notes du Songe d’une nuit
d’été, dans une réunion harmonieuse du
monde shakespearien avec l’Angleterre de
notre siècle.
BRIXI, famille de compositeurs tchèques
ayant exercé leur activité dans le nordest de la Bohême.
Simon, organiste, chef de choeur et compositeur (Vlkav, près de Nymburg, 1693 Prague 1735). Il vint en 1727 à Prague, où
il fut nommé organiste et où il composa
de nombreuses oeuvres de musique religieuse.
František Xaver, compositeur (Prague
1732 - id. 1771). Fils de Simon, il devint
orphelin à l’âge de cinq ans et doit son
éducation très complète aux frères piaristes du collège de Kosmonosy. Il revint
à Prague en 1750 comme organiste et fut
nommé titulaire de l’instrument de la cathédrale Saint-Veit (1759-1771). Il mourut à trente-neuf ans de tuberculose.
F. X. Brixi a laissé une oeuvre très
abondante, surtout d’essence religieuse.
Sa musique fut très appréciée dans toute
la Bohême. Son style, direct et spontané,
est affranchi de celui de ses prédécesseurs tout en s’appuyant sur une inspiration mélodique souvent populaire. Son
abondante production sacrée comprend
quelque 400 pièces (200 offertoires environ, 105 messes, 50 litanies et vêpres, 5
requiem, etc.). Sa musique instrumentale (Suite pour clavier, 5 concertos pour
orgue ou clavecin, 2 symphonies, etc.) est
réduite, mais annonce le style classique.
Viktorín Ignác, chef de choeur et compositeur (Plzeň 1716 - Poděbrady 1803).
Élève, également, des frères piaristes à
Kosmonosy (1731-1737), il fut organiste
et recteur à Poděbrady. Introduit par
František Benda, il resta deux ans à la cour
de Frédéric II. Il composa des oeuvres de
musique religieuse.
BRIZZI (Aldo), compositeur et chef d’orchestre italien (Alessandria 1960).
Il a étudié l’alto et le piano aux conservatoires d’Alessandria (1975) et de Turin
(1976-1978), puis au conservatoire de
Milan le piano avec Paolo Castaldi et la
composition avec Niccolo Castiglioni
(1979-1981). Il a aussi étudié la composition à Arezzo avec Aldo Clementi et Brian
Ferneyhough (1979-1981), suivi les cours
de Darmstadt en 1982 et 1984, et travaillé
à l’Atelier de recherche instrumentale de
l’I.R.C.A.M. à Paris en 1983-1985. Il a
enfin étudié la direction d’orchestre avec
Mario Gusella, Franco Ferrara et Pierre
Dervaux (1985-1987), et donné lui-même
des séminaires, cours et conférences depuis 1978. Considéré comme un des plus
brillants représentants de la jeune école
italienne, il a écrit notamment Piccola serenata pour flûte, alto et percussion (1978),
Wayang Purwa, concerto pour hautbois
et orchestre (1978-1981), Objet d’art pour
flûte et huit cordes (1980), Mirtenlied pour
flûte et harpe (1982), Canto a tre voci pour
trois voix récitantes, danseuse, violoniste,
pianiste et quatre percussionnistes sur un
texte de Umberto Saba (1983-84), Frammento II pour dix-sept instruments à vent
(1984), Le Erbe nella Thule pour soprano et
huit instruments (1984-85), Kammerkonzert no 1 pour flûte concertante, violon,
clarinette et piano (1986) Déchets d’atelier pour deux pianos (1986) The smallest
mustard seed pour douze voix solistes
sur un texte de Robin Freeman (1986), Il
Libro dell’interrogazione poetica I-III pour
diverses formations (1983-1984/1987...),
De la tramutatione de metalli I pour saxophones (1983-1986), II pour tuba (1985),
III pour contrebasse (1985), IV pour percussion (1988).
BRKANOVI’C (Ivan), compositeur yougoslave (Škaljari, près de Kotor, 1906 Zagreb 1987).
Il fit ses études musicales à la Schola cantorum de Paris, puis avec Blagoje Bersa
à Zagreb. Il a occupé des fonctions au
Théâtre national croate et à la Philharmonie de Zagreb. Son oeuvre témoigne de
la recherche d’un style national et d’une
expression dramatique intense, proche
de l’émotion musicale populaire, ce qui
l’amène à composer plusieurs oeuvres inspirées du folklore croate (cérémonies de
mariage dans Konavosko pirovanje, 1933,
ou mélodies Krijes planina, 1942). Ivan
Brkanovi’c a composé les opéras l’Équinoxe (1950) et Zlato Zadra (1re repr. 1954),
5 symphonies, la cantate le Triptyque pour
solistes, choeur et orchestre, ainsi que
de nombreuses oeuvres de musique de
chambre.
BROADWOOD SONS.
Fabrique anglaise de clavecins et de pianoforte, fondée à Londres, vers 1728, par le
Suisse Burkhard Tschudi (1702-1773).
Ses clavecins furent parmi les plus appréciés, à l’époque, dans toute l’Europe.
En 1770, Tschudi s’associa avec son
gendre, l’ébéniste écossais John Broadwood (1732-1812), qui devait lui succéder. La firme réalisa de grands clavecins
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
126
pour résister à la concurrence du pianoforte, puis se lança dans la fabrication de
ce dernier instrument, adoptant la mécanique dite anglaise ( ! PIANO), inventée
par Americus Backers. Au XIXe siècle, les
héritiers successifs maintinrent la maison
Broadwood à la pointe de la recherche des
perfectionnements techniques du piano
et donnèrent une extension considérable
à cette firme qui existe encore à l’heure
actuelle.
BROD (Max), compositeur et écrivain
israélien (Prague 1884 - Tel-Aviv 1968).
Docteur en droit, il fut d’abord fonctionnaire à Prague où il se lia avec Kafka, dont
il fut l’exécuteur testamentaire et le biographe. En 1939, il se fixa en Palestine, occupa des fonctions de conseiller au théâtre
hébraïque Habimah de Tel-Aviv, tout en
ayant une activité de critique musical. Il
a composé des Danses palestiniennes pour
orchestre, de nombreuses mélodies, le
Requiem hebraicum (1943), etc. D’autre
part, Max Brod a écrit des livrets d’opéra
et un ouvrage sur Janáček (Prague, 1924),
musicien dont il fut l’un des premiers à
reconnaître la valeur.
BRODERIE.
1. Au sens général, toute amplification de
caractère ornemental, improvisée ou non,
ajoutée à un texte musical donné.
2. En harmonie, toute note ou groupe de
notes quittant une note réelle (c’est-à-dire
qui fait partie de l’harmonie) par degrés
conjoints pour y revenir ensuite sans provoquer de changement d’harmonie. La
broderie peut être diatonique ou chromatique, supérieure ou inférieure ; elle est
double quand une broderie inférieure suit
une broderie supérieure ou vice versa. Il
peut y avoir aussi des accords de broderies,
des groupes-broderies (terme préconisé par
Olivier Messiaen) ou même des tonalitésbroderies ; ces différents termes désignent
des extensions du principe de la broderie.
BROOK (Barry Shelley), musicologue
américain (New York 1918).
Élève de la Manhattan School of Music
et de l’université Columbia (Master of
Arts en 1942), il a obtenu un doctorat en
Sorbonne, en 1959, et enseigne depuis
1945 à la City University de New York.
Ses ouvrages principaux sont, en 1981, au
nombre de cinq : la Symphonie française
dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (3
vol., Paris, 1962), The Breitkopf Thematic
Catalogue, 1762-1787 (New York, 1966),
Musicology and the Computer, Musicology
1966-2000 (New York, 1970), Perspectives
in Musicology (1972) et Thematic Catalogues in Music, an Annotated Bibliography
(1972). Il a pris la direction de la série The
Symphony 1720-1840, publication en partition d’orchestre et en 60 volumes de 600
symphonies d’environ 200 compositeurs
différents, dont beaucoup jamais éditées
auparavant (premiers volumes parus dès
l’année 1979). Il a été président de l’Association internationale des bibliothèques
musicales.
BROSSARD (Sébastien de), compositeur, théoricien et bibliophile français
(Dompierre, Orne, 1655 - Meaux 1730).
Après des études au collège des Jésuites et
à l’université de Caen, il reçut en 1675 les
ordres mineurs et en 1684 devint prêtre à
Notre-Dame de Paris, puis en 1687 maître
de chapelle et vicaire de la cathédrale de
Strasbourg. En 1698, il se présenta au poste
de maître de chapelle à la Sainte-Chapelle
du Palais à Paris, mais le chapitre lui préféra Marc-Antoine Charpentier. La même
année, il fut nommé maître de chapelle et
grand chapelain à Meaux. Il fut longtemps
surtout connu pour son Dictionnaire de
musique (avant-projet publié en 1701),
paru en 1703 avec une dédicace à Bossuet
et plusieurs fois réédité jusque vers 1710
(seule l’édition de 1703 a survécu). Il s’agit
du premier dictionnaire de musique en
langue française et d’une source essentielle
pour l’histoire de la musique en France
au XVIIe siècle. Il comprend un « Dictionnaire des termes grecs, latins et italiens »,
une « Table alphabétique des termes français », un « Traité de la manière de bien
prononcer » et un « Catalogue de plus de
900 auteurs ». Bibliophile averti, Brossard
réunit une collection d’oeuvres musicales
qu’il vendit en 1724-1726 à Louis XV
contre une pension, dont il prépara un
catalogue avec d’intéressantes annotations
de sa main et qui constitue aujourd’hui
un des fonds les plus précieux du département de la musique de la Bibliothèque
nationale. Théoricien remarquable, intéressant comme compositeur, il pratiqua la
plupart de grands genres de son époque,
sauf le clavecin et l’orgue. En quantité, ce
sont les airs (sérieux, à boire ou italiens)
qui dominent sa production et qui en son
temps firent le plus pour sa renommée. En
musique religieuse, il a laissé trois grands
motets - Miserere mei, Canticum Eucharisticon, In convertendo, les deux premiers
cités au moins étant de l’époque de Strasbourg -, des petits motets, deux oratorios, des leçons de ténèbres ; en musique
vocale profane, des oeuvres théâtrales
dont Pyrame et Thisbé (1685), des cantates
spirituelles (Samson trahi par Dalila) et
italiennes (Leandro) ainsi qu’une cantate
sérieuse (les Misères humaines) ; en musique instrumentale, des pièces pour luth,
pour violon et en trio et des oeuvres pour
orchestre. Un catalogue thématique a été
publié en 1995 par Jean Duron (l’OEuvre de
Sébastien de Brossard 1655-1730).
BROUWER (Leo), guitariste et compositeur cubain (La Havane 1939).
Il a débuté dans la carrière de guitariste
en 1956, après avoir travaillé avec un
élève d’Emilio Pujol. Il a fait des études
de composition de 1955 à 1959 à La Havane, en 1959-60 avec Vincent Persichetti
et Stepan Wolpe, et, enfin, à l’université
de Hartford. Il a ensuite occupé diverses
fonctions officielles à La Havane, à l’Institut des arts et de l’industrie cinématographiques (comme directeur du département musical, puis du département de
musique expérimentale), et au conservatoire (comme professeur d’harmonie et de
contrepoint, puis de composition).
Des influences très diverses se décèlent
dans la musique de Leo Brouwer, notamment celles d’lves, Cage, Nono, Kagel,
Xenakis, qui ont déterminé un style
s’orientant de plus en plus vers l’avantgarde, y compris vers la musique aléatoire.
Le compositeur a été et demeure profondément engagé dans les réflexions et les
bouleversements qui ont accompagné et
suivi la révolution cubaine. Nombre de
ses oeuvres (La tradición se rompe pour
orchestre, 1967-1969 ; Cantigas del tiempo
nuevo pour acteurs, choeur d’enfants,
piano, harpe et 2 percussionnistes, 1969)
sont liées par leur thème à un contexte
purement cubain, sans pour autant que
leur écriture ressortisse à un quelconque
nationalisme musical. Les compositions
de Brouwer comprennent essentiellement
des pièces pour diverses combinaisons
instrumentales, dont un certain nombre
pour ou avec guitare, et des pièces pour
orchestre comme Sonograma II (1964)
ou Hommage à Mingus pour ensemble de
jazz et orchestre (1965). Il a écrit plusieurs
dizaines de musiques de film.
BROWN (Charles), compositeur français
(Boulogne-sur-Mer 1898).
Il a travaillé à Paris le violon avec Lucien
Capet et l’écriture à l’école César-Franck,
notamment avec Guy de Lioncourt. Il a
été violoniste aux Concerts Lamoureux
(1938-1948), puis directeur de l’École
nationale de musique de Bourges. On lui
doit des oratorios (Évocations liturgiques,
1947 ; le Cantique dans la fournaise, 1946 ;
Cantate pour sainte Jeanne de France,
1950), des symphonies et pièces symphoniques, des oeuvres concertantes, des
trios, quatuors, quintettes. Son style relève
d’une discipline classique.
BROWN (Earle), compositeur américain
(Lunenburg, Massachusetts, 1926).
Trompettiste amateur, il fit, à Boston,
des études de mathématiques et d’ingénieur, et suivit des cours de composition,
d’orchestration et d’écriture avec Roslyn
Brogue Henning, à la Schillinger School
(1946-1950). Parallèlement, il s’initia aux
théories mathématiques (appliquées à la
downloadModeText.vue.download 133 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
127
musique) de Joseph Schillinger, avant de
les enseigner lui-même (ainsi que la composition) à Denver (1950-1952). Mais s’il
fut fasciné par ces théories, il ne devait pas
en reprendre à son compte l’organisation
extrême. Il fut influencé au début de sa
carrière par Ives et Varèse, mais davantage
encore par une certaine peinture (Pollock)
et une certaine sculpture (Calder) américaines ; chez Calder, il trouva la « précision de l’organisation » et surtout l’idée de
la mobilité d’une oeuvre.
Ses premières oeuvres - 3 pièces pour
piano (1951), Perspectives pour piano
(1952), Musique pour violon, violoncelle et
piano (1952) - rendent hommage à la fois
au sérialisme et - comme, plus tard encore,
Pentathis (1957) - aux théories de Schillinger. Mais Brown évolua rapidement vers
la « forme ouverte », notion qu’il fut l’un
des premiers à introduire en musique, et
sa rencontre avec John Cage (1951), ainsi
qu’avec Wolff et Feldman, fut à cet égard
décisive. Il collabora avec Cage et David
Tudor au projet de musique pour bande
magnétique à New York (1952-1955), participa aux cours d’été de Darmstadt, à partir de 1955, fut directeur artistique des enregistrements de musique contemporaine
chez Time Records (1955-1960), bénéficia
d’une bourse Guggenheim en 1965-66 et
fut nommé, en 1968, professeur de composition au conservatoire Peabody de Baltimore. Il le resta jusqu’en 1970. La forme
ouverte et les techniques semi-aléatoires
apparurent dans ses oeuvres à partir de
1953. Folio (1952-53) est un groupe de
trois oeuvres - November 1952, December
1952 et 1953 - pour n’importe quel nombre
d’instruments. December 1952 remplace
les hauteurs écrites, et donc fixées par un
exemple de notation graphique, par des
lignes en diverses positions et de diverses
longueurs, devant servir de support à l’improvisation d’un groupe quelconque de
musiciens durant un laps de temps indéterminé. Dans 25 Pages pour 1 à 25 pianos
(1953), le ou les exécutants peuvent disposer les pages dans l’ordre de leur choix, et
l’on trouve un principe que Brown devait
très souvent reprendre ultérieurement :
une notation proportionnelle ne divisant
pas le temps en unités précises, mais en
durées relatives dont la longueur, laissée à
l’initiative de l’exécutant, est suggérée par
l’espacement des symboles. Convaincu
qu’une musique est d’autant plus intense
que l’exécution participe davantage à sa
création, il s’intéressa moins à l’indétermination dans l’acte de composer, comme
Cage, ou à la libération des sons, qu’au
problème de la forme, aux présentations
différentes d’un même matériau et à ses
conséquences.
À Available Forms I pour 18 musiciens
(1961) succéda Available Forms II pour
98 musiciens et 2 chefs dirigeant chacun
49 exécutants (1962), la forme dépendant
de la réciprocité et de la spontanéité des
réactions des 2 chefs l’un par rapport à
l’autre. Le procédé est semblable dans 9
Rarebits pour 1 ou 2 clavecins (1965) ou
dans Synergy II pour orchestre de chambre
(1967-68), alors qu’inversement, Corroboree (1964) pour 3 pianos ou le quatuor à
cordes (1965) introduisent des structures
mobiles à l’intérieur de formes fermées.
Dans Calder Piece pour 4 percussionnistes
et 1 mobile de Calder (1965), le rôle du
chef est tenu par le mobile. Ses ouvrages
n’en contiennent pas moins des éléments
d’unité au sens traditionnel : ainsi l’usage
obstiné, presque canonique, des quintes
dans Available Forms I. Auteur également d’Octet I (1953) et d’Octet II (1954)
pour bande, de Modules I et II pour petit
orchestre et 2 chefs (1966), de Syntagm III
(1970), Cross Sections (1973) et Color Fields
(1975) pour orchestre, de Small Piece pour
choeur (1975), de Tracer pour instruments
et bande (1984), doté d’un sens raffiné des
timbres, Earle Brown est apparu comme
l’une des personnalités les plus importantes de l’avant-garde américaine.
BROWNLEE (John), baryton américain
(Geelong, Australie, 1901 - New York
1969).
Sa voix fut découverte en Australie par
Nellie Melba. Il étudia le chant avec Dinh
Gilly à Paris et y débuta au Trianon-Lyrique en 1926. Il parut la même année
au Covent Garden de Londres dans le
gala d’adieux de Nellie Melba et débuta
à l’Opéra de Paris, en 1927, dans le rôle
d’Athanaël de Thaïs de Massenet. Tout en
chantant, plus particulièrement, à l’Opéra
jusqu’en 1936, puis au Metropolitan de
New York jusqu’en 1957, il fit une carrière internationale. Son nom demeure
lié aux premières années du festival de
Glyndebourne, lors duquel il donna des
interprétations célèbres du rôle de Don
Juan. Pédagogue, il tint à la fin de sa vie
une place importante dans la vie musicale
des États-Unis et fut, en particulier, président de la Manhattan School of Music
à New York.
BRUCH (Max), compositeur allemand
(Cologne 1838 - Friedenau, près Berlin,
1920).
Il prit ses premières leçons de musique
avec sa mère, puis étudia à Bonn, à Cologne et à Leipzig. En 1858 fut représentée
à Cologne sa première oeuvre lyrique, le
singspiel Scherz, List und Rache, d’après
Goethe. En 1863, l’opéra Die Lorelei fut
créé à Mannheim. Bruch occupa des
postes de chef d’orchestre et de chef de
choeur successivement à Mannheim, Coblence, Sondershausen, Berlin, Liverpool
et Breslau. En 1872, son opéra Hermione
fut donné à Berlin. Il épousa la chanteuse Clara Tuczek (1881) et, en 1892, fut
nommé professeur de composition à la
Musikhochschule de Berlin où il enseigna
jusqu’en 1910.
Fortement influencée par Brahms et
très appréciée à son époque, l’oeuvre de
Max Bruch se caractérise par une écriture
d’une grande sûreté, par des mélodies
généreuses qui s’inspirent parfois du folklore écossais, gallois ou allemand, par des
accents postromantiques, mais aussi par
un certain académisme. Il a composé trois
symphonies, de la musique de chambre,
de nombreuses oeuvres chorales et des
oratorios, de la musique théâtrale. Sa Fantaisie écossaise pour violon et orchestre,
l’un de ses concertos pour violon, le no 1
en sol mineur, et une pièce pour violoncelle et orchestre, Kol Nidrei, demeurent
encore populaires de nos jours.
BRUCHOLLERIE (Monique de la), pianiste française (Paris 1915 - id.1972).
Élève de Cortot et d’Isidore Philipp au
Conservatoire de Paris, elle y remporte un
premier prix en 1928. Elle travaille également les rhapsodies de Liszt avec Emil
von Sauer. En 1937, un prix au Concours
Chopin lui vaut des engagements avec
l’Orchestre de Varsovie. De 1941 à 1944,
elle est sous engagement exclusif avec la
Société des concerts du Conservatoire
dirigés par Charles Münch. Entre 1955
et 1965, elle donne plus de 700 concerts
dans le monde entier, notamment à Boston avec Ansermet. Professeur réputé
au Conservatoire de Paris, elle devient
infirme en 1966 à la suite d’un accident
d’auto survenu en Roumanie.
BRUCK (Charles), chef d’orchestre français (Temesvar, Hongrie, auj. Timisoara
en Roumanie, 1911 - Hancock, Maine,
1995).
Arrivé en France en 1928, diplômé de
l’École normale de musique de Paris
(piano), il devint l’élève de Pierre Monteux
pour la direction d’orchestre et donna ses
premiers concerts en Amérique du Nord
en 1939. Après la guerre, il commença une
grande carrière de chef d’orchestre, notamment à la tête de l’orchestre de la radio
de Strasbourg, puis de l’Orchestre philharmonique de l’O. R. T. F., qu’il quitta
en 1965. En 1968, il succéda à Monteux
à l’école de direction d’orchestre de Hancock (Maine, États-Unis). Passionné de
musique contemporaine, Charles Bruck
a joué un rôle déterminant en faveur de
celle-ci. Il est le créateur de plus de deux
cents oeuvres au total. La rigueur exceptionnelle de ses interprétations n’y excluait nullement la chaleur.
BRUCKNER (Anton), organiste et compositeur autrichien (Ansfelden, HauteAutriche, 1824 - Vienne 1896).
Son grand-père fut le premier de cette
ancienne famille rurale (originaire d’Oed,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
128
près d’Amstetten) à s’élever au rang de
maître d’école en s’installant à Ansfelden
(15 km au S. de Linz) en 1776. Il eut pour
adjoint, dès 1814, son fils Anton Bruckner
Sr., qui lui succéda en 1823 et épousa la
même année Theresia Helm, dont il eut
cinq enfants. L’aîné, Josef Anton Jr., naquit
un an plus tard, le 4 septembre (il fut suivi
de trois soeurs et d’un frère, Ignaz, à demi
simple d’esprit). Le premier éveil musical du jeune Anton lui vint de son cousin
Jean-Baptiste Weiss (1812-1850), organiste à Hörsching, chez qui il séjourna
en 1835 et 1836, et écrivit ses premiers
essais connus, 4 Préludes pour orgue. De
retour à Ansfelden, il aidait déjà son père
à la fois à l’école et au violon pour les bals
villageois ; mais dès l’année suivante il vit
mourir prématurément celui-ci, et il entra
à la manécanterie de la voisine abbaye de
Saint-Florian, où il fut accueilli par le supérieur Michaël Arneth, qui lui tint lieu de
père adoptif. Là s’effectua sa formation générale et sa première instruction musicale,
notamment, à l’orgue avec Anton Kattinger, alors titulaire de la future « BrucknerOrgel ». À l’âge de seize ans, placé devant
le choix de son futur métier, Anton Bruckner répondit simplement : « Comme mon
père « ; il poursuivit une année d’études à
la Preparandie de Linz tout en prenant des
leçons d’harmonie et de contrepoint auprès d’August Dürrnberger (1800-1880).
Durant huit années, Anton demeura
maître d’école adjoint dans de petits villages de Haute-Autriche, notamment, à
Kronstorf, près de Steyr, où il prit des leçons avec l’organiste Leopold von Zenetti
(1805-1892), puis à Saint-Florian même,
dès 1845, avant d’y être enfin nommé, en
mars 1848, organiste auxiliaire et, trois
ans plus tard, titulaire. Hormis quelques
pièces d’orgue et une profusion de motets
sacrés, cette « première période » voit
naître déjà deux oeuvres très significatives : en 1849 le Requiem en ré mineur,
et, cinq ans plus tard, la Missa solemnis en
si bémol, déjà le quatrième essai du genre.
L’ORGANISTE DU « DOM ».
La Messe, notamment, marqua un premier
tournant dans la vie et la carrière de son
auteur. À la disparition de son protecteur
Michaël Arneth, le jeune organiste prit
conscience que son destin n’était plus à
Saint-Florian ; et, dans l’année qui suivit,
après diverses épreuves et nanti de certificats de capacité, il se laissa convaincre de
postuler d’abord à Olmütz puis à Linz, où
il fut nommé à l’ancienne cathédrale, ou
« Dom » (aujourd’hui Ignatiuskirche) en
novembre 1855. Il demeura près de treize
années dans la capitale provinciale, qui,
de nos jours, notamment par un festival
qui prend d’année en année plus d’importance, vénère son souvenir comme Salzburg le fait pour Mozart. Ce séjour fut
divisé en deux étapes d’égale durée. La
première offrit l’exemple, unique chez
un artiste de cet âge, d’une remise en
cause fondamentale de toute sa formation théorique. Le savant contrapuntiste
viennois Simon Sechter (1788-1867), qui
fut déjà sollicité trente-huit ans plus tôt,
par Schubert, admit Anton comme élève.
Il se rendait chez son professeur chaque
mois en empruntant le service fluvial qui
lui faisait descendre le cours du Danube,
au travers d’un paysage exaltant, dont son
oeuvre, par la suite, porta la trace. Ce cycle
d’études (sanctionné en nov. 1861 par
l’aptitude à enseigner en conservatoire)
ne fut, toutefois, pas le dernier auquel il
se soumit : durant deux années encore, il
se perfectionna en technique orchestrale
auprès du chef du théâtre de Linz, Otto
Kitzler, de dix ans son cadet. Et celui-ci lui
révéla tout le répertoire moderne, insoupçonné de l’organiste, de Weber à Wagner
en passant par Spohr, Berlioz, Mendelssohn, Schumann et Liszt - le premier
contact avec l’art wagnérien, notamment,
eut lieu en février 1863 par la création linzoise de Tannhäuser.
DU MUSICIEN D’ÉGLISE AU SYMPHONISTE.
Tandis que Sechter interdisait à son élève
tout travail créateur (la seule composition
de cette époque, le Psaume 146 pour solos,
choeur et orchestre, entreprise en 1856,
fut terminée seulement en 1861), Kitzler
suscita les premiers essais dans les formes
instrumentales « nobles », avec le Quatuor
à cordes en ut mineur (demeuré inconnu
jusqu’en 1951) et la précieuse Ouverture
en sol mineur, véritable trait d’union avec
Schubert. Ces oeuvres remontent à 1862 ;
et, l’année suivante, Bruckner signa sa
toute première symphonie en fa mineur
(dite « d’étude »), qu’il écarta plus tard
de la numérotation définitive de même
que celle en ré mineur entreprise aussitôt après et à laquelle, comme par un tardif remords, il attribua à la fin de sa vie
le symbolique numéro « zéro « ! Dans
ces années décisives de la « période de
Linz », l’organiste édifia simultanément
ses principaux monuments liturgiques. À
côté d’une seconde série de motets comprenant le célèbre Ave Maria à sept voix
(1861), allaient ainsi naître les trois principales Messes : no 5 (en édition no 1) en
ré mineur, terminée et créée en 1864 et
où le commentateur Moritz von Mayfeld
crut déceler l’éclosion soudaine d’un génie
(pour bien intentionné qu’il fût, cet ami
de Bruckner ne se doutait ni de la somme
de travaux ni de l’évolution continue dont
l’oeuvre était en vérité l’aboutissement) ;
no 6 (II) en mi mineur, avec accompagnement de quinze instruments à vent, écrite
au cours de l’été 1866, mais créée seulement en 1869, en plein air, sur le chantier
de la nouvelle cathédrale de Linz ; enfin no
7 (III), « la Grande », en fa mineur, la plus
vaste, mais d’expression plus subjective
que la précédente, entreprise en 1867 au
cours d’une grave dépression nerveuse et
comme pour « exorciser » le mal (créée
en 1872 à Vienne, elle fut alors accueillie
avec chaleur par Eduard Hanslick, qui la
compara à la Missa solemnis de Beethoven). Mais tandis qu’il créait ces pages
vibrantes d’une foi sincère, Anton devait
faire abstraction de l’exigence, non moins
impérieuse, d’une expression plus authentiquement personnelle, plus « engagée »
aussi. Cette exigence éclata dans la symphonie, avec d’autant plus de force qu’elle
avait été longtemps contenue. Les violents
contrastes et le déchaînement agogique de
la Symphonie no 1 en ut mineur (1865-66)
n’eurent pas d’autre cause, ainsi que ses
audaces formelles et harmoniques, qui
firent d’elle la première pierre du renouveau moderne de la symphonie. Rien
d’étonnant à ce qu’à sa première audition, le 9 mai 1868 à Linz (huit ans avant
l’apparition de la Première Symphonie de
Brahms), elle n’ait remporté qu’un succès
d’estime, davantage adressé à l’organiste
du Dom qu’au compositeur, qui, en vérité,
dès cet instant, était incompris.
Comme pour toutes ses oeuvres majeures jusqu’alors, Bruckner dirigea luimême cette création : depuis ses débuts,
soulignons-le, son activité secondaire
de chef de choeur l’amena maintes fois à
paraître dans la vie musicale « séculière ».
Ainsi Wagner, avec qui il était entré en
rapport dès 1865, lui confia-t-il, en avril
1868, l’avant-première d’un choeur extrait
des Maîtres chanteurs ; et lui-même écrivit, notamment pour sa chorale Frohsinn
à Linz, maintes pièces toujours pratiquées en pays germanique, mais guère à
l’étranger. Cependant Sechter, mort en
septembre 1867, l’avait désigné pour lui
succéder dans ses charges de professeur au
conservatoire de Vienne et d’organiste de
la chapelle impériale.
Intimidé par la perspective de telles
responsabilités, d’autant qu’il les ambitionnait, Anton hésita et il multiplia les
démarches dans d’autres directions (Salzburg, Munich), pour céder enfin aux
objurgations de Johann Herbeck, qui
venait de découvrir la Symphonie inachevée de Schubert, et qui s’était fait aussi le
prosélyte de notre musicien. Les décrets
de nomination de Bruckner intervinrent,
en juillet 1868, au conservatoire, et, le 4
septembre - jour de son 44e anniversaire -,
à la Hofkapelle ; la semaine suivante, il
s’embarqua sans retour pour Vienne, ne
se doutant pas que cette ville allait devenir
aussi son Golgotha.
UN CARACTÈRE AMBIVALENT.
L’homme mûr qui s’installa à Vienne,
au numéro 42 de la Währingerstrasse,
en compagnie de sa soeur cadette Maria-Anna (Nanni) qui tint son ménage,
n’offrait pas encore l’image, aujourd’hui
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
129
familière, de l’ascète chenu courbé sous le
poids des ans et de l’adversité. Il conserva
cependant la tendance, facile à confondre
avec de l’humilité, à s’incliner devant
toute autorité temporelle ou spirituelle,
qu’elle lui fût imposée par les institutions
ou qu’il l’eût lui-même choisie, comme ce
fut le cas pour Wagner (dans la populaire
silhouette dessinée par Otto Böhler, il paraissait plus petit que son confrère alors
qu’en fait c’était l’inverse). Son comportement, son vêtement trop large nécessité
par les mouvements qu’il exécutait aux
claviers, son accent rural (l’équivalent
pour la France de celui d’un paysan berrichon), tout cela prêtait à sourire, et il en
était fort conscient. Mais avec une habileté qui suffisait à la démentir, il joua de
cette réputation de niaiserie (Halb Gott,
halb Trottel, « moitié Dieu, moitié benêt »,
disait, paraît-il, Mahler) pour endormir
la méfiance de l’intelligentsia au sein de
laquelle il se créa peu à peu une position
que nul n’eût imaginé lui voir occuper un
jour. Derrière une piété démonstrative,
qui accentua encore son côté marginal, il
dissimula une ambition amplement justifiée par son génie, mais que d’aucuns qualifient aujourd’hui d’« arriviste ». Après
avoir, jusqu’à la trentaine passée, douté de
sa vocation musicale, il prit conscience désormais de l’oeuvre qu’il était destiné à accomplir, et il était prêt à endurer les pires
épreuves pour la mener à bien. Il savait
qu’il n’allait la faire triompher que si sa
position sociale lui en donnait les moyens.
Étant fils et petit-fils d’instituteurs, il eut la
chance d’être un bon pédagogue, et devait
mettre ce don à profit avec une admirable
persévérance non seulement au conservatoire, mais aussi à l’université, terrain où il
était peu prédestiné à prendre pied.
LA « SECONDE ÉCOLE VIENNOISE ».
Après maintes sollicitations auprès du
ministère, et sans se préoccuper de ce
qu’il s’aliénait définitivement son collègue
Hanslick en marchant par trop sur ses brisées, il obtint en effet en 1875 la création
à son profit (mais, au début, sans émoluments) d’une chaire de théorie musicale
ouverte aux étudiants du doctorat en philosophie, où se succédèrent durant vingt
années les futurs grands noms de la pensée
viennoise et pas seulement des musiciens.
De ce maître qui entretenait avec eux des
relations quasi familiales, la plupart de ses
étudiants garderont un souvenir impérissable, l’honorant de multiples façons dans
leurs écrits. Certains, comme Mahler,
suivirent son enseignement à la fois au
conservatoire et à l’université. Il eut, en
outre, des élèves privés ; et un Hugo Wolf
devait plaider pour lui avec acharnement
dans le Wiener Salonblatt, et se réclamer
de lui sans jamais avoir pris ses leçons. Le
terme de « seconde école viennoise » doit
donc s’appliquer, non pas au groupe de
Schönberg (qui sera la « troisième ») mais
à celui constitué par Bruckner et ses deux
principaux héritiers Hugo Wolf et Gustav
Mahler, avec aussi quelques autres noms,
comme par exemple Franz Schmidt. Malgré de grandes divergences de pensée et
de style, des affinités musicales frappantes
les liaient sur le plan de l’écriture et même
de certaines citations explicites ; et l’on
ne saurait trop souligner l’antériorité de
Bruckner dans les conquêtes de forme
et de langage qui allaient marquer la fin
du siècle et aboutir à l’éclatement du
monde tonal.
DU DÉSASTRE AU TRIOMPHE.
Mais reportons-nous à l’arrivée du maître
à Vienne, pour le suivre brièvement dans
son destin musical - qui d’ailleurs se
confondait avec sa vie privée, puisque la
composition allait absorber tout le temps
que lui laissèrent ses triples fonctions
(dans les cinq dernières années de sa vie
seulement il eut le loisir de s’y consacrer
totalement, et il était alors trop tard pour
qu’il puisse mener à bien son oeuvre ultime, la 9e Symphonie). Quant au bonheur
intime d’un foyer, on sait qu’il lui fut toujours refusé, encore qu’en deux occasions,
au moins, il y eût lui-même renoncé par
intransigeance religieuse (du moins étaitce là le prétexte avoué). En 1870, sa soeur
mourut, et il dut engager une servante,
Kathi Kachelmayer, qui lui fut dévouée
jusqu’à sa mort. Chaque été, il retourna au
pays natal passer de studieuses vacances ;
et trois grandes diversions, trois voyages
lointains seulement marquèrent les vingthuit années du séjour viennois : deux tournées organistiques triomphales, en 1869,
en France (Nancy et Paris) et, en 1871, à
Londres ; et un voyage de tourisme, en
1880, en Bavière, Suisse et Haute-Savoie.
Ne s’y ajoutèrent que quelques brefs déplacements en Allemagne pour assister à
divers concerts de ses oeuvres, qui y furent
parfois jouées avant de l’être à Vienne ;
ou, bien sûr, au festival de Bayreuth, dont
il devint d’emblée un familier. Les autres
événements saillants furent rares. Au plan
matériel, deux seuls déménagements (en
1877 pour la Hessgasse, à l’angle du Ring,
et en 1895 pour le pavillon de garde du
Belvédère mis à sa disposition par l’empereur François-Joseph) ; au plan de l’anecdote, sa réception par l’empereur, en 1886,
où le monarque s’entendit demander par
le musicien s’il ne pouvait « empêcher
Hanslick de (le) démolir si méchamment « ;
ou son unique rendez-vous avec Brahms,
au restaurant « Zum roten Igel », où ils
ne se comprirent qu’en matière culinaire !
Reste l’essentiel : les premières auditions
des symphonies. Et là nous passons d’un
extrême à l’autre, du désastre de la Troisième (16 déc. 1877) au triomphe de la
Huitième (18 déc. 1892), tandis qu’en 1887
le rejet par Hermann Levi de la version
primitive de cette même Huitième avait
failli conduire Bruckner au suicide. À l’inverse, l’une des grandes joies de sa vieillesse fut, en novembre 1891, son accession
au doctorat honoris causa de l’université
de Vienne ; les solennités qui s’ensuivirent
l’émurent jusqu’aux larmes.
LES VERSIONS MULTIPLES.
Ce fut donc l’édification du monument
symphonique qui occupa principalement
ses pensées à Vienne. Après un hiatus de
trois années environ, dû à la nécessité de
s’accoutumer à la vie urbaine nouvelle
à laquelle il était si mal préparé, il y revint en 1871-72 avec la Deuxième en ut
mineur, et le poursuivit désormais sans
désemparer, en passant parfois des années
(notamment de 1876 à 1879 et de 1888 à
1891) à remodeler le travail antérieur. La
plupart des symphonies connurent ainsi
deux, voire trois rédactions successives ou
« Fassungen », souvent très divergentes,
plus diverses variantes pour des mouvements isolés : tous ces textes ont aujourd’hui paru dans l’Édition critique intégrale réalisée à Vienne. Sans tenir compte
des retouches mineures, on s’aperçoit, en
considérant cette somme, que Bruckner
a produit, non pas neuf ni onze symphonies, mais bien dix-sept ! (On en donne
plus loin la nomenclature.) Ces remaniements systématiques répondaient,
certes, d’abord au souci de perfectionner
l’ouvrage, de mieux profiler un thème
ou de resserrer la forme. Mais ils eurent
parfois l’inconvénient de faire disparaître
des hardiesses précieuses ; d’où l’intérêt
de la redécouverte des versions primitives
(« Urfassungen »). En outre, certaines
des révisions les plus tardives furent influencées par les exigences des élèves et
interprètes du compositeur, soucieux de
rendre sa musique acceptable aux oreilles
des contemporains ; et dans certains cas
ils rédigèrent eux-mêmes de nouveaux
textes, qui furent en réalité les premiers
publiés. Ceux-ci sont aujourd’hui heureusement abandonnés, mais il en demeure
des traces fâcheuses, notamment dans les
dernières versions des Troisième et Huitième symphonies.
L’« ART DE LA SYMPHONIE ».
Bien qu’il s’agisse dans tous les cas de
musique pure, et que l’ensemble ait pu
être qualifié d’« Art de la symphonie » (A.
Machabey), au sens de l’Art de la Fugue,
chacune des symphonies - nous l’avons
vu pour la Première - comporte en sa
substance, sinon un programme précis,
du moins un lien direct avec les circonstances de sa création et les sentiments qui
assaillaient alors le musicien. En ce sens,
Anton Bruckner s’affirma fondamentalement comme un romantique, donc un
enfant de son siècle, ce qu’il fut aussi par
sa situation chronologique, entre Beethoven et Schubert d’une part, Mahler et le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
130
XXe siècle de l’autre. Ces deux faits, à
tout le moins, contrebattirent l’idée de
son « intemporalité « ; et ce qu’on appela
son « mysticisme » fut en vérité la traduction de son émerveillement devant
toutes les beautés de ce monde et de sa
gratitude envers Celui qu’il reconnaissait pour leur créateur. Ce terme constitua une constante de sa pensée dans
toutes les symphonies et spécialement
dans leurs adagios, dont les cinq derniers, au moins, comptent au nombre
des pages les plus inspirées de toute la
musique. Il reste que les terribles conflits
qui sous-tendent cette pensée, et qui se
traduisent notamment par des tensions
harmoniques, dont le musicologue anglais Robert Simpson a fait une étude
remarquable, justifient la conclusion de
Gustave Kars : « On ne saurait imaginer qu’une oeuvre d’une telle portée et
d’une telle complexité ait pu être le fruit
d’une vie béate, d’où la lutte et le doute
auraient été absents. »
Si diverses par leur propos, les symphonies répondent toutes à une évolution sans faille, chacune s’appuyant
sur les précédentes pour préparer la
suivante. Leur structure formelle obéit
à deux principes fondamentaux : d’une
part l’unité interne, accomplissement et
systématisation d’un processus ébauché déjà par le dernier Schubert, et qui
consiste à fonder l’oeuvre sur une cellule
mère qui féconde tous les mouvements
et triomphe en conclusion ; d’autre part
le trithématisme des mouvements de
sonate, qui, de même que la succession
des temps, répond à un souci primordial
de contrastes (deux données vigoureuses
ou épiques encadrent un « groupe du
chant » de caractère lyrique). Contrairement à une idée trop répandue, ni
leurs durées (à deux exceptions près :
Cinquième et Huitième) ni leur effectif instrumental n’outrepassent maints
exemples antérieurs (Berlioz). Le compositeur employait rarement des instruments autres que ceux de l’orchestre du
dernier Beethoven ou de Brahms, mais
il tira de cet orchestre des effets bien
plus somptueux grâce à une technique
plus moderne et surtout à un instinct
infaillible dans le choix et la répartition
des couleurs. L’influence de la registration organistique est évidente, mais elle
se traduit, non par l’abus de doublures,
mais par l’indépendance des groupes
orchestraux, qui évoluent en grands
blocs selon une démarche que seul le
XXe siècle saura retrouver. À la pratique
de l’orgue on peut, de même, rattacher
les fréquentes césures (pauses générales)
qui émaillent le discours brucknérien et
préparent souvent l’énoncé d’une idée
directrice. En réalité, ce rôle philologique du silence est commun aux trois
grands romantiques autrichiens (Schubert, Bruckner, Mahler) : c’est un des
traits fondamentaux qui les distinguent
de leurs collègues d’Allemagne (de
Beethoven à Reger), qui, dans la symphonie tout au moins, professent plutôt
l’« horreur du vide « !
Enfin, toute création liturgique majeure étant, chez Bruckner, absente du
catalogue viennois à la seule exception du
Te Deum entrepris en 1881 et terminé en
1884, la tentation est forte de considérer
que les symphonies de la grande période
(2 à 9) unissent l’expression sacrée et
l’expression profane en un seul et même
genre : phénomène pratiquement unique
dans la littérature musicale. Grâce à
cette dualité autant qu’à ses conquêtes
d’écriture, Anton Bruckner s’élève très
au-dessus du cadre régional et même national pour s’égaler aux deux plus grands
chantres de l’humanité, Jean-Sébastien
Bach et Ludwig van Beethoven. C’est
donc lui, et non Brahms, qui devrait
constituer, si l’on tenait à cette image,
le troisième terme de la trinité proclamée par Hans von Bülow ; et la multiplicité des études qui lui sont consacrées
montre d’ailleurs combien s’affirment de
jour en jour l’importance et la valeur de
son message au regard de la musique de
notre temps.
LES CHEFS-D’OEUVRE VIENNOIS.
Il reste à caractériser brièvement chacune des symphonies viennoises. La
Deuxième a été qualifiée par August
Goellerich, élève préféré et principal biographe de Bruckner, de « symphonie de
Haute-Autriche », ce que justifie surtout
son scherzo bondissant (la danse populaire sera d’ailleurs un terme constant
dans les scherzos, au moins jusqu’à la
Cinquième incluse). La Troisième, qui
ambitionne pour la première fois d’allier
l’inspiration épique beethovénienne et
le monde des Nibelungen, fut dédiée à
Richard Wagner ; et cela valut à son auteur vingt années d’ostracisme de la part
de la critique traditionaliste viennoise.
La Quatrième reçut son sous-titre de
Romantique du compositeur lui-même,
qui fournit aussi pour chaque mouvement un programme quelque peu naïf :
elle est, dans l’ensemble, dominée par
l’amour de la nature, mais bien moins
tributaire d’intentions précises que la
Pastorale, dont on la rapproche souvent.
En revanche, sa structure cyclique est
peut-être la plus parfaite. Premier point
culminant de la chaîne et création éminemment typique de son auteur (qui ne
l’entendit jamais !), la Cinquième (18751877) unit le climat religieux au lyrisme
viennois en une formidable architecture
sonore qui intègre une double fugue. La
Sixième connaît en son adagio l’épilogue
d’une des nombreuses idylles que le musicien se forgeait sans véritable espoir ;
tandis que le scherzo est d’atmosphère
fantomatique. La Septième fut celle
qui valut à son auteur la gloire internationale : sa création à Leipzig, le 30
décembre 1884, par Arthur Nikisch, le
tira du jour au lendemain de l’obscurité.
Elle avait, il faut dire, de quoi séduire le
plus vaste auditoire, tant par la noblesse
de ses mélodies que par la somptuosité
de sa parure orchestrale. L’adagio, où
Bruckner emploie pour la première fois
les tubas, fut entrepris dans le pressentiment de la mort de Wagner ; il s’achève
sur la Trauerode qui, treize ans plus tard,
devait accompagner son auteur à sa dernière demeure. La Huitième, la plus vaste
et la plus complexe de toutes (elle occupa
le compositeur de 1884 à 1890), comporte au moins trois éléments programmatiques : le glas (Totenuhr) qui résonne
à la fin du premier mouvement dans la
seconde version ; la peinture du paysan
danubien dans le scherzo ; et le thème en
trois vagues qui ouvre le finale et illustre
une rencontre des empereurs d’Autriche,
d’Allemagne et de Russie. Mais, au-delà
de l’anecdote, la grandiose et cataclysmique péroraison, avec superposition
de tous les thèmes de l’oeuvre, manifeste
l’extrême limite des potentialités de la
forme symphonique ellemême.
Bruckner eût-il pu aller plus loin
encore dans la Neuvième, qu’il dédia
symboliquement « au bon Dieu « ? On
pouvait l’attendre par les dimensions
du premier mouvement, ou par la percée qui s’accomplit en matière harmonique (superposition de tous les degrés
de la gamme diatonique) au sommet de
l’adagio. Et dans les esquisses du finale,
auquel le musicien travailla jusqu’à
son dernier jour, les fonctions tonales
semblent fréquemment suspendues.
Mais ce dernier morceau ne parvint pas
à son terme (il s’interrompit au seuil de
la péroraison) : c’est donc sur le sublime
apaisement de l’adagio, venant après la
terrifiante course à l’abîme du scherzo,
que le maître prit congé de son auditoire
terrestre. À sa mort, le 11 octobre 1896,
au terme d’un lent déclin et d’une hydropisie aggravée d’atteintes pulmonaires, il
laissait parmi d’autres genres, au moins,
deux oeuvres majeures : le Quintette à
cordes en fa, avec deux altos (1879), et
Helgoland (1893), sur un poème d’August Silberstein, pour choeur d’hommes
et grand orchestre, couronnement d’une
production chorale profane ininterrompue comportant une quarantaine de
pièces. Enfin en musique sacrée, outre
le Te Deum déjà cité, un bref et éclatant
Psaume 150 (1892) et une dernière série
de motets, les mieux connus et les plus
neufs d’expression : quatre graduels
(du Locus iste de 1869 au Virga jesse
de 1885) ; Ecce sacerdos, avec cuivres
(1886) ; Vexilla regis (1892).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
131
UN AUDITOIRE D’OUTRE-TOMBE.
Les obsèques d’Anton Bruckner furent
célébrées en grande pompe, devant le
Tout-Vienne de la musique, le 14 octobre
1896, à l’église Saint-Charles. Quelques
semaines auparavant, il réclamait encore
de ses médecins une attestation écrite
garantissant sa liberté ; et cette même exigence supérieure lui avait fait demander
par testament que son cercueil demeurât
exposé - et non inhumé - dans la crypte
de Saint-Florian, au-dessous de l’orgue
qui, depuis, porte son nom. Lorsqu’on
exauça ce voeu, on découvrit une nécropole remontant aux invasions turques,
et d’où l’on retira plusieurs milliers de
crânes devant lesquels il joue désormais
pour l’éternité !
BRUDIEU (Joan), compositeur français
(Limoges v. 1520 - Urgel, Espagne, 1591).
On ne sait presque rien de son enfance
et de sa formation. Arrivé en Espagne
en 1539, il fut maître de chapelle de la
cathédrale d’Urgel en Catalogne, de 1539
à 1543 et de 1545 à 1577. Il fut ordonné
prêtre en 1543. À partir de 1577, il fit
quelques voyages, et on le trouve en 1585
à Barcelone où il publie ses Madrigales. Il
abandonna l’année suivante toute fonction après avoir obtenu un bénéfice ecclésiastique important. Ses seize madrigaux
(par exemple, Las Cañas) montrent qu’il
connut les oeuvres de Janequin. Il marqua
sa prédilection pour les dissonances, et
son style d’écriture est moins strict que
celui de son cadet Victoria. Cinq madrigaux sont écrits sur des textes catalans,
notamment d’Auzias March, poète du
XIIIe siècle. Brudieu est, d’autre part, l’auteur d’un Requiem à 4 voix, conservé en
manuscrit.
BRÜGGEN (Frans), flûtiste et chef d’orchestre néerlandais (Amsterdam 1934).
Après des études dans sa ville natale, au
conservatoire pour la musique et à l’université pour la musicologie, il s’est très
vite imposé comme l’un des plus grands
virtuoses actuels de la flûte traversière et
plus encore de la flûte à bec. Passionné
par ce dernier instrument, il en a, de nos
jours, confirmé la renaissance en lui rendant accès aux salles de concert comme
instrument soliste. Il a exhumé, interprété
et souvent édité de nombreuses partitions
du XVIIe et du XVIIIe siècle. Attentif à
toutes les époques et à tous les genres de
musique, il est le créateur d’oeuvres écrites
spécialement pour la flûte à bec par des
compositeurs comme Berio. Il collabore
avec le facteur de flûtes Hans Coolsma,
d’Utrecht, gardien de la célèbre tradition
des facteurs de flûtes hollandais des XVIIe
et XVIIIe siècles. Comme chef, il a fondé en
1981 et dirige depuis l’Orchestre du XVIIIe
Siècle.
BRUHNS (Nicolaus), organiste et compositeur allemand (Schwabstedt,
Schleswig, 1665 - Husum, Schleswig,
1697).
Après des études de violon, de viole de
gambe, d’orgue et de composition, notamment avec Buxtehude, il passa sa brève
carrière comme organiste à Husum, où
il fut nommé en 1689. Ses oeuvres pour
orgue - 4 toccatas et une fantaisie de choral sur Nun komm der Heiden Heiland -,
qui révèlent un digne disciple de Buxtehude, par la virtuosité et le renouvellement incessant de l’imagination, furent
rapidement célèbres dans toute l’Allemagne. Bruhns laissa également douze
Concerts spirituels et Cantates, où son
tempérament fougueux s’exprime par une
écriture vocale et instrumentale recherchée et brillante.
BRUITEUR.
Exécutant qui accompagne une action
dramatique de bruits destinés à en illustrer
le déroulement et à en renforcer l’impact.
Déjà, dans le théâtre antique, des bruiteurs étaient chargés, notamment, de faire
vibrer de grandes plaques de bronze pour
simuler l’orage accompagnant l’apparition du deus ex machina. Les mystères médiévaux en appelaient également au bruitage pour évoquer, par exemple, l’horreur
de l’enfer. Le théâtre baroque fit grand
usage de bruiteurs, mais c’est surtout pour
le théâtre radiophonique et le cinéma que
l’art du bruiteur eut à se développer, en
simulant une extraordinaire quantité de
sons à l’aide de moyens généralement
rudimentaires. L’enregistrement de certaines oeuvres lyriques peut réclamer
l’intervention d’un bruiteur (par exemple,
l’orage du début de l’Otello de Verdi).
Aujourd’hui, grâce au développement des
techniques d’enregistrement, on tend à recomposer l’environnement sonore à l’aide
d’éléments recueillis sur le vif.
BRUMEL (Antoine), compositeur français (v. 1460 - v. 1520).
Heurier à la cathédrale de Chartres en
1483, il fut nommé maître de chant des
enfants à la cathédrale Saint-Pierre de
Genève (1486-1492). Membre du choeur
de Laon en 1497, il devint maître des enfants à Notre-Dame de Paris (1498-1500).
Il vécut ensuite, peut-être, à Lyon, avant
d’occuper le poste de maître de chapelle
du duc de Ferrare, Alphonse Ier (1505).
Ses treize messes utilisent le cantus firmus, profane (l’Homme armé, Bergerette
savoyenne, À l’ombre d’un buyssonnet) ou
liturgique (Pro defunctis sur l’introït de
Requiem aeternam et le Dies irae, une nouveauté en matière de teneur). Mais si, dans
ses premières messes, comme l’Homme
armé, le superius et le ténor commandent
encore les deux autres voix, la messe De
Beata Virgine, plus tardive, semble avoir
été pensée à 4 voix et s’ouvre, bien que
timidement, au style nouveau (souci de
l’harmonie, homorythmie). La souplesse
et la variété qu’apportent ces qualités
expressives contrebalancent le caractère
parfois trop accusé de ses connaissances
purement techniques et son attachement
premier à la tradition. Le motet Laudate
Dominum (il en a écrit environ une trentaine) est un excellent exemple de cet
équilibre. En avançant dans sa carrière,
Brumel accorde une attention spéciale à
la déclamation (Sicut lilium inter spinas),
à l’homorythmie (Missa Super Dringhs)
et une place grandissante à la richesse
sonore, signes d’une influence italienne
directement subie.
BRÜN (Herbert), compositeur israélien
(Berlin 1918).
Il a fait ses études au conservatoire de
Jérusalem (1936-1938), notamment avec
Stefan Wolpe pour la composition, et à
l’université Columbia aux États-Unis
(1948-49). De 1955 à 1961, il a orienté ses
recherches vers l’utilisation de l’électronique et de l’électroacoustique en composition et, à partir de 1963, vers celle des ordinateurs. Il a commenté ses travaux dans
de nombreux articles publiés dans divers
pays, dans des cours à Darmstadt et dans
des émissions de radio en Allemagne. Il
est devenu professeur à l’université de
l’Illinois en 1963. Herbert Brün a composé des oeuvres pour orchestre comme
Mobile for Orchestra (1958), des oeuvres
de musique de chambre, dont 3 quatuors
à cordes (1953, 1957, 1961), des pièces
pour piano, pour clavecin, des ballets, des
musiques de scène et de la musique élec-
tronique (Anepigraphe, 1958 ; Non sequitur VI, pour instruments et bande, 1966),
parfois avec intervention d’un ordinateur
(Infraudibles, 1968).
BRUNEAU (Alfred), compositeur français Paris 1857 - id. 1934).
Sa mère était peintre ; son père, violoniste et éditeur de musique. Entré au
Conservatoire de Paris en 1873, il obtint
un premier prix de violoncelle en 1876,
travailla la composition avec Massenet et
remporta le second grand prix de Rome
en 1881. Après avoir abordé le théâtre
lyrique, en 1887, avec Kerim, il se lia avec
Émile Zola et tira d’un roman de ce dernier, le Rêve, un opéra-comique créé salle
Favart en 1891. Influencé par le naturalisme littéraire, Bruneau résolut de le
transplanter dans l’opéra et précéda dans
cette voie Gustave Charpentier, choisissant ses héros parmi les humbles, paysans, ouvriers, soldats. D’abord surpris, le
public se laissa conquérir par la sincérité
de l’écriture de Bruneau et la noblesse des
sentiments exprimés. Il imposa les personnages de Zola sur les scènes de l’OpéraComique et de l’Opéra avec l’Attaque du
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
132
moulin (1893), Messidor (1897), l’Ouragan
(1901), l’Enfant-Roi (1905). Après la mort
de Zola, il se laissa tenter par des sujets
pleins d’humour (le Roi Candaule, 1920) et
par un drame historique de Victor Hugo
(Angelo, tyran de Padoue, 1928).
Le langage musical de Bruneau est
simple et clair, mais lyrique, capable
d’une grande vigueur, avec un don particulier pour évoquer la nature (forêt de
l’Attaque du moulin, blés mûrs de Messidor, féerie du Paradou dans sa musique
de scène pour la Faute de l’abbé Mouret
de Zola). À ses oeuvres théâtrales, il faut
ajouter quelques pièces symphoniques et
de belles mélodies. Bruneau eut aussi une
importante activité de critique et de musicographe.
BRUNETTE.
Brève composition pour 1, 2 ou 3 voix
et basse continue sur un sujet galant et
champêtre, voire pastoral, en vogue au
XVIIIe siècle. La brunette tire son nom de
l’idéal féminin de la « petite brune » de
la poésie médiévale. Le genre est léger,
tendre, et se rattache soit à la forme binaire de l’air de cour, soit à celle de la
chanson avec refrain. L’éditeur parisien
Christophe Ballard a publié un certain
nombre de brunettes dans divers recueils.
La brunette poursuivit sa carrière en devenant également instrumentale (flûte,
hautbois, violon).
BRUNETTI (Gaetano), compositeur italien (Fano, États pontificaux, v. 1740 Madrid 1808 ?).
Élève de Nardini, il arriva avec sa famille
en Espagne en 1762 et y bénéficia de la protection du prince des Asturies et du duc
d’Albe. Il écrivit pour eux de nombreuses
oeuvres. Il n’occupa aucune position officielle sous Charles III, mais, sous Charles
IV, on le trouve mentionné comme « premier violoniste du roi ». Il fut, semble-til, lié d’amitié avec Boccherini. On perd
toute trace de lui après 1798 et la date de
sa mort est incertaine. Il écrivit un opéra,
Jason, donné à Madrid en 1768 (perdu), et
quelques pièces religieuses, mais sa production est pour l’essentiel instrumentale.
Elle comprend beaucoup de musique de
chambre et, surtout, 37 symphonies (dont
7 perdues) qui font de lui, avec Boccherini, le principal symphoniste italien de
la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dans la
plupart de ses symphonies, le menuet est
écrit pour instruments à vent seuls.
BRUNI (Antonio Bartolomeo), compositeur et violoniste italien (Cuneo 1757 id. 1821).
Élève de Pugnani à Turin, installé à Paris
en 1780, il y donna les opéras Célestine
(1787), Claudine (1794) et la Rencontre
en voyage (1798), et dirigea l’orchestre
de l’Opéra-Comique (1799-1801) puis de
l’Opéra italien (1801-1806). Il publia une
méthode de violon et une d’alto.
BRUNOLD (Paul), musicologue français
(Paris 1875 - id. 1948).
Organiste, il devint titulaire de l’orgue
de Saint-Gervais. Également claveciniste,
il édita les oeuvres de Dieupart, Clérambault, Jacquet de la Guerre et, en collaboration avec A. Tessier, celle de Chambon-
nières. Il publia, en collaboration avec H.
Expert, une Anthologie des maîtres français du clavecin des XVIIe et XVIIIe siècles.
En 1946, il fut nommé conservateur du
Musée instrumental du Conservatoire.
Paul Brunold est l’auteur d’ouvrages
théoriques, notamment un Traité des
signes et agréments employés par les clavecinistes français (rééd. Nice, 1964) et une
Histoire du grand orgue de Saint-Gervais
(Paris, 1934).
BRUSCANTINI (Sesto), baryton italien
(Porto Civitanova, prov. de Macerata,
1919).
Après des études de droit, puis de chant, il
a débuté à la Scala de Milan en 1949 dans
le rôle de Geronimo du Mariage secret de
Cimarosa. À partir de 1951, sa participation aux festivals de Glyndebourne et de
Salzbourg l’a rendu très vite célèbre. Sa
voix souple, sa musicalité, ses talents d’acteur lui ont permis de s’illustrer essentiellement dans des rôles de Rossini (Figaro
dans le Barbier de Séville, Dandini dans La
Cenerentola), de Donizetti (Malatesta dans
Don Pasquale) et aussi de Mozart (Alfonso
dans Cosi fan tutte).
BRUXELLES.
La gloire de la chapelle dite « de Bourgogne » ou « du roi », au XVIe siècle, où
avaient oeuvré Gombert, Créquillon,
Canis, est sans doute à l’origine d’une
tradition qui permit à Bruxelles, dans la
seconde moitié du XVIe siècle et la première du XVIIe, le maintien d’une activité
musicale régulière, marquée par l’émulation qui régna entre la chapelle du roi et
la maîtrise de la collégiale Sainte-Gudule.
En 1650, la cour de l’archiduc Léopold
Guillaume accueillit pour la première
fois un spectacle lyrique (Ulisse all’isola
di Circe de Zamponi) ; en 1682, l’opéra
du quai au Foin ouvrit ses portes, et le
répertoire italien s’installa en maître. En
1700, l’Atys de Lully inaugura le « Grand
Théâtre sur la Monnoye », futur théâtre de
la Monnaie. Ce fut le début d’une période
brillante où Bruxelles servit de tremplin à
l’opéra italien dans sa conquête de l’Allemagne, de Vienne et de l’Angleterre, avant
d’assurer le triomphe de l’opéra français
avec les oeuvres de Campra, Destouches et
Mouret. Le ballet était fort à l’honneur, et
la célèbre danseuse Marie-Anne Camargo
y fit ses débuts.
La création de l’Académie de musique
(1681) donna une impulsion à la musique
instrumentale. Au XVIIIe siècle se constituèrent une importante bibliothèque
musicale et un musée d’instruments.
Bruxelles vit alors naître plusieurs compositeurs de talent, tel Pierre Van Maldere, violon solo à l’Orchestre de l’Opéra
royal et auteur du premier opéra-comique
belge.
De l’École de musique, créée en 1813 par
Jean-Baptiste Roucourt et devenue École
royale en 1826, sortit en 1832 le conservatoire, que ses directeurs successifs,
Fétis, Gevaert, Tinel, du Bois, Joseph et
Léon Jongen, Marcel Poot, ont maintenu
à un très haut niveau. Cet établissement
a été une pépinière d’illustres maîtres, en
particulier dans le domaine du violon,
où une tradition installée depuis André
Robberechts (1798-1860) est restée vivace
au fil des générations, grâce à Charles de
Bériot, Martin-Pierre-Joseph Marsick (qui
fut aussi un professeur célèbre à Paris),
Vieuxtemps, Ysaye, Mathieu Crickboom,
Édouard Deru, Alfred Dubois et, enfin,
l’élève de ce dernier, Arthur Grumiaux.
Durant tout le XIXe siècle, des sociétés se
fondèrent et diffusèrent largement l’art
musical. Le cercle des XX, créé par Octave
Maus pour la défense de l’art moderne,
devint la Libre Esthétique, tremplin de
la musique française en Belgique, qu’il
s’agisse du franckisme ou de Debussy.
Parallèlement, le théâtre de la Monnaie,
devenu l’une des premières scènes d’Europe, créait maints opéras nouveaux.
Après la Première Guerre mondiale
sont nés, en 1930, l’Orchestre de l’I. N. R.
(Institut national de radiodiffusion),
en 1931, l’Orchestre symphonique de
Bruxelles et des sociétés plus spécialisées
comme Pro Musica Antiqua (fondée en
1930) ou la Sirène (fondée en 1934 en
faveur de la musique contemporaine).
En 1940, en pleine guerre, vit le jour à
Bruxelles le Mouvement international des
jeunesses musicales, à l’initiative de Marcel Cuvellier.
Après 1950, le même éventail d’activités a permis à la fois la résurrection d’un
passé musical injustement méconnu et
l’essor de la jeune école belge, dont André
Souris, puis Henri Pousseur ont été les
personnalités les plus marquantes. Les
studios, groupes d’études ou ensembles
d’exécutants (Centre de recherches musicales de Wallonie, Studio de musique
électronique de Bruxelles, Dédale, Logos,
Musique nouvelle, Enteuxis, Pentacle,
etc.) défendent et illustrent la musique
contemporaine. Dans un autre domaine,
l’ensemble Alarius s’est trouvé à une certaine époque à la pointe de la recherche
dans l’exécution instrumentale de la musique ancienne et baroque. Des interprètes
comme le violoniste Sigiswald Kuijken, le
gambiste Wieland Kuijken, le claveciniste
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
133
Robert Kohnen y firent leurs premières
armes. L’ensemble Alarius se disloqua
quelque temps après la mort accidentelle
de son fondateur, le flûtiste Charles Maguire.
Témoignent également de la vitalité de
la vie musicale dans cette ville le concours
d’interprétation Reine Elisabeth et le
festival de musique contemporaine Ars
Musica.
BRUYNÈL (Ton), compositeur néerlandais (Utrecht 1934).
Élève de Kees Van Baaren au conservatoire de sa ville natale (1952-1956), il s’est
tourné, à partir de 1967, vers la musique
électronique, et a écrit depuis une série
d’oeuvres pour bande et sources sonores
traditionnelles qui le placent au premier
rang de la jeune école néerlandaise. Citons
Études pour piano et bande (1959), plus
tard utilisé comme ballet, Résonance I, en
collaboration avec un groupe de danse
(1962), Résonance II (1963), Relief pour 4
magnétophones et orgue (1964), Mobile
pour 2 magnétophones (1965), Signes
pour quintette à vent, 2 magnétophones
et projections lumineuses (1969), Phases
pour orchestre et bande (1974), Soft Song
pour hautbois et bande, Translucent II
pour cordes et bande (1978), Serène pour
flûte et bande (1978), Toccare pour piano
et bande (1979), John’s Lullaby pour
choeur, bande et orchestre (1985).
BUCCHI (Valentino), compositeur italien
(Florence 1916 - Rome 1976).
Il fut élève de V. Frazzi et de L. Dallapiccola au conservatoire de Florence.
Également critique musical, il enseigna
au conservatoire de Florence (19451957) et à celui de Venise (1951-52,
1954-55). À partir de 1957, il dirigea le
collège musical de Pérouse et, de 1958 à
1960, fut directeur artistique de l’Accademia Filarmonica à Rome. Bucchi a
écrit pour le théâtre : Il Gioco del barone
(1939, première représentation 1944) ; Il
Contrabasso (1954) ; Una notte in paradiso (1960) ; des ballets Raconta siciliano
(1956) ; Mirandolina (1957) ; un mystère
chorégraphique Laudes Evangelii (1952). Il
a composé des oeuvres pour orchestre, des
concertos (piano, violon), de la musique
de chambre, de la musique de film, ainsi
qu’une transcription moderne du Jeu de
Robin et Marion (1951-52).
BÛCHE DE FLANDRE ou BÛCHE.
Instrument ancien à cordes frappées ou
pincées, de facture rudimentaire.
Peut-être formé, à l’origine, d’une véritable bûche évidée, il consistait en une
simple caisse de forme oblongue, sur
laquelle étaient tendues quelques cordes
métalliques.
BUCHNER (Hans), organiste, théoricien
et compositeur allemand (Ravensburg
1483 - Constance 1538).
Il étudia l’orgue avec Paul Hofhaimer et
devint très vite l’un des plus éminents
« Paulomimes » (ainsi appelait-on les
disciples de ce musicien). Vers 1506, il
fut nommé organiste de la cathédrale de
Constance, dont l’orgue, reconstruit par
Hans Schentzer (1516-1520), fut l’un des
plus importants d’Allemagne. En 1526,
l’évêque de Constance, chassé par la Réforme, dut se réfugier à Uberlingen, et
c’est là que Buchner exerça désormais son
art. Sa méthode d’orgue Fundamentum
contient des pièces liturgiques pour les
principales fêtes religieuses. Il a également
signé des motets et des lieder. Ses oeuvres
pour orgue ont été rééditées en 1974 à
Francfort.
BUCHT (Gunnar), compositeur, pédagogue et musicologue suédois (Stocksund 1927).
Il étudie avec K.-B. Blomdahl, C. Orff, G.
Petrassi et M. Deutsch. Sa position dans
la musique suédoise le situe parmi les
modernistes, grâce notamment à son langage d’une très grande rigueur. Président
de la Société internationale de musique
contemporaine de 1962 à 1972, il a écrit
7 symphonies (1952-1971), de la musique
de chambre, des oeuvres vocales et instrumentales et de la musique électronique.
BÜCHTGER (Fritz), compositeur allemand (Munich 1903 - Starnberg 1978).
De 1921 à 1928, il étudia, à la Hochschule
für Musik de Munich, l’orgue, la flûte, le
chant, la direction d’orchestre, la théorie
et la composition. De 1922 à 1931, il organisa et dirigea des festivals de musique
nouvelle, faisant connaître les oeuvres de
Hindemith, Egk, Krenek, Bartók, Stravinski, Schönberg. Il anima aussi des
chorales et des orchestres d’amateurs.
Toujours à Munich, il fonda en 1927 la
Société pour la musique contemporaine,
dirigea à partir de 1948 le Studio pour la
musique nouvelle et, à partir de 1954, une
école, la Jugendmusikschule, mettant en
application les principes pédagogiques
les plus modernes. En raison de l’hostilité du régime nazi à certaines formes
de musique, en particulier à la musique
sérielle, Büchtger, dans les années 30, ne
franchit pas les limites de l’écriture tonale.
Après la guerre, il se tourna vers le dodécaphonisme, mais l’utilisa en le combinant avec des procédés tonaux. Son oeuvre
abondante comprend des pièces pour
orchestre ou pour ensemble à cordes, de
la musique de chambre, dont 4 quatuors
à cordes (1948, 1957, 1967, 1969), de la
musique chorale (la Cité de rêve pour 5
choeurs, 1961), des cantates, de nombreux
oratorios, des mélodies d’après des textes
de Villon et de Cummings.
BUFFET D’ORGUE.
Meuble entourant et contenant la soufflerie, la mécanique et la tuyauterie d’un
orgue, à l’exception du moteur électrique
de la soufflerie, qu’on cherche à isoler
acoustiquement en le plaçant dans un
local séparé.
Le rôle du buffet est de masquer par un
décor les organes de l’instrument, mais
aussi, par le jeu de ses panneaux réflecteurs, d’améliorer la diffusion sonore
des tuyaux qu’il renferme. Au cours
des siècles, et selon les pays, la forme,
la dimension et l’exécution des buffets
d’orgue ont connu bien des variantes,
qui en rattachent l’évolution à celle du
mobilier religieux et des arts décoratifs :
buffets simples ou doubles (le petit buffet
de positif, à l’avant de la tribune, étant la
réplique réduite du buffet principal, dit
de grand-orgue), buffets à étages superposés (grands instruments), buffets en plusieurs éléments séparés (orgues baroques
allemands), buffets plats (Italie) ou faisant
alterner tourelles et plates-faces (France),
buffets en nid d’hirondelle accrochés à la
muraille, buffets à plusieurs façades différemment orientées (Espagne), etc.
Meuble décoratif, le buffet d’orgue
met en valeur certains tuyaux présentés
en « montre », parfois décorés, dorés ou
guillochés (par exemple, les chamades,
caractéristiques de l’orgue espagnol) ;
certains (quand ce n’est pas tous) sont
factices et ne se justifient que pour le seul
coup d’oeil. Le buffet d’orgue est orné de
panneaux sculptés, de cariatides, de statues (anges musiciens), parfois même
d’automates. Jusqu’au XVIIe siècle, le
buffet est protégé par des volets peints
qu’on ouvre avant de jouer. Suivant l’évolution du goût, le buffet d’orgue devient
au XIXe siècle un meuble de style néogothique ou néo-Renaissance sans caractère
personnel.
Au XXe siècle, le parti pris de dépouillement et de stylisation a conduit à ne
garder du buffet qu’un soubassement, la
disposition des tuyaux apparents constituant le principal élément décoratif. Mais
l’absence de panneaux et de toit réfléchissants nuit à l’acoustique, et on en revient,
en Allemagne et en Hollande notamment,
à placer la tuyauterie dans des caissons de
bois traités de façon moderne.
BUFFO.
Substantivement, le mot désigne un chanteur spécialisé dans les emplois comiques
de l’opera buffa. En tant qu’adjectif, buffo
qualifie les chanteurs de manière plus
précise : tenore buffo, basso buffo. Dès
le XVIIIe siècle, le terme a été traduit en
français par bouffe, avec le même sens.
Dans l’opéra classique et le premier opéra
romantique, l’élégance avec laquelle devaient être chantés les rôles élégiaques ou
dramatiques exigeait pour les voix autant
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
134
de préparation technique que de virtuosité nécessaire dans les rôles de buffo.
Aussi est-ce plutôt à la fin du XIXe siècle et
surtout au XXe que les personnages buffo
ont été réservés à des chanteurs spécialisés, au volume vocal parfois réduit, mais
capables de virtuosité, alors que les rôles
dramatiques étaient attribués à des voix
puissantes, mais non préparées selon la
technique du bel canto.
BUGLE.
Instrument à vent de la famille des cuivres,
le plus aigu du groupe des saxhorns.
Extérieurement semblable à un clairon
muni de trois pistons (bugle est le nom
anglais du clairon militaire), il existe en
deux formats : le petit bugle en mi bémol
et le grand bugle en si bémol.
BUISINE.
Trompette ancienne de forme droite, au
pavillon évasé, dérivée du buccin militaire
des Romains.
En usage pendant tout le Moyen Âge,
surtout comme instrument d’apparat, la
buisine fut repliée sur elle-même à partir
du XVe siècle pour prendre la forme classique de la trompette de cavalerie.
BUKOFZER (Manfred), musicologue
américain d’origine allemande (Oldenburg 1910 - Berkeley, Californie,
1955).
Il étudia au conservatoire Stern et à la
Hochschule für Musik de Berlin, ainsi
qu’avec Michael Taube. Il enseigna aux
universités de Bâle, Cambridge, Oxford et
Cleveland, puis à Berkeley. Ses recherches
personnelles ont porté sur la musique du
Moyen Âge, de la Renaissance et, plus
particulièrement, sur celle de l’époque
baroque. Il a écrit le premier ouvrage en
langue anglaise consacré à l’histoire de
la musique à cette époque (Music in the
Baroque Era, rééd. Londres, 1948 ; trad. fr.
Paris, 1982). Il a également publié Studies
in Medieval and Renaissance Music (1950),
un fac-similé de l’ouvrage de G. Coperario
Rules how to compose (1610), ainsi que les
oeuvres complètes de J. Dunstable (Musica
Britannica VIII, 1954). Son édition Duns-
table est reparue révisée en 1969.
BULL (John), compositeur anglais
(1562 ? - Anvers 1628).
D’abord enfant de choeur et élève de
Blitheman à la chapelle royale de la reine
Élisabeth, il fut nommé organiste à la
cathédrale de Hereford en 1582. Il obtint
le doctorat des universités d’Oxford et de
Cambridge et devint le premier professeur de musique du Gresham College à
Londres en 1596 sur la recommandation
de la reine. Sa santé l’obligea à quitter
l’Angleterre en 1601 et il voyagea sur le
continent, en France et en Allemagne. La
mort d’Élisabeth (1603) n’entama ni sa
position sociale ni sa réputation. Honoré
et distingué également par Jacques Ier, il
conserva son rôle de musicien officiel.
Il se maria en 1607, entra au service du
prince Henry (1611) et, avec Byrd et Gibbons, publia le premier recueil anglais de
pièces pour le virginal (Parthenia, 1611).
En 1613, il composa un anthem pour le
mariage de l’électeur palatin avec la princesse Élisabeth. Peu après, sans doute
pour des raisons en partie religieuses, il
s’enfuit et obtint l’un des postes d’organiste de la chapelle royale à Bruxelles. Il
se rendit ensuite à Anvers (1617), où il
fut organiste de la cathédrale jusqu’à sa
mort. L’oeuvre pour clavier de John Bull
illustre parfaitement le génie de l’école des
virginalistes anglais. L’écriture fait preuve
d’un grand esprit d’invention, d’un sens
remarquable des possibilités des instruments à clavier de l’époque et témoigne de
la virtuosité de l’instrumentiste. Un certain nombre de ces pièces, dont un monument, les Walsingham Variations, figurent
dans le Fitzwilliam Virginal Book. Avec
Sweelinck, qu’il connaissait, Bull fut l’un
des premiers musiciens à écrire de la vraie
musique de clavier. Autour du cadre du
portrait du musicien, un couplet pouvant
se traduire ainsi : « Le taureau règne par la
force dans les champs, mais Bull (= taureau) attire la bienveillance par son habileté. »
BULL (Ole Bornemann), violoniste et
compositeur norvégien (Bergen 1810 id. 1880).
Quoiqu’il se soit produit comme violoniste à neuf ans, son père n’était pas favorable à une carrière musicale et l’envoya à
Christiana faire des études de théologie.
Mêlé à des agitations politiques, Bull dut
quitter la Norvège en 1829 et se rendit à
Kassel où il travailla avec Spohr. En 1831,
il entendit Paganini à Paris et s’attacha dès
lors à perfectionner sa technique. Il donna
à Paris son premier concert, en 1832, déchaîna l’enthousiasme en Italie et entreprit des tournées triomphales à travers
l’Europe, puis, après 1843, en Amérique.
Il vécut alors alternativement en Norvège
et aux États-Unis, où il perdit en partie sa
fortune, qui était considérable, en tentant
de fonder une colonie norvégienne. Sa
mort fut un deuil national. Sa technique
éblouissante fut comparée à celle de Paganini. Bull utilisait un archet et un violon
conçus spécialement pour lui ; son violon
avait un chevalet plat. À l’exception de
quelques oeuvres de Paganini, il ne jouait
en public que ses propres compositions
qui, parfois inspirées du folklore norvégien, comprennent des oeuvres pour violon seul, pour violon et piano, et 2 concertos (1834, 1841).
BÜLOW (Hans Guido von), pianiste, chef
d’orchestre, compositeur et critique musical allemand (Dresde 1830 - Le Caire
1894).
Élève de Friedrich Wieck et de Franz Liszt,
il fut l’un des pianistes les plus fameux de
son temps, mais sa renommée comme chef
d’orchestre ne fut pas moins grande. Il fut
un merveilleux animateur de la vie musicale dans les villes où il exerça son activité
de chef : Munich (1864-1869), Meiningen
(1880-1885 ; il rendit célèbre dans l’Europe entière l’orchestre de la cour de ce
petit duché d’Allemagne centrale), Hambourg et Berlin (1887-1892). Prototype
du chef d’orchestre moderne, il se considérait comme entièrement au service des
oeuvres qu’il dirigeait et exigeait leur parfaite mise au point. Il défendait aussi bien
les classiques que les jeunes compositeurs,
et prenait souvent la parole devant son
public pour expliquer les oeuvres. Conquis
par l’art wagnérien dès 1849, il dirigea
les premières de Tristan et Isolde (1865)
et des Maîtres chanteurs de Nuremberg
(1868). En 1857, il avait épousé Cosima
de Flavigny, fille de Liszt, qui le quitta
pour devenir la compagne de Wagner.
Le divorce fut prononcé en 1870, mais,
jusqu’en 1880, Bülow continua à défendre
la cause wagnérienne. Bülow contribua à
faire connaître Bach, Beethoven (notamment les dernières sonates pour piano,
longtemps jugées incompréhensibles),
Chopin, Liszt, Brahms, Richard Strauss.
Parallèlement à la direction d’orchestre, il
écrivit quelques partitions et eut une activité d’éditeur, de critique et de musicographe. Il demeure l’une des plus grandes
intelligences musicales du XIXe siècle.
BUNLET (Marcelle), soprano française
(Fontenayle-Comte, Vendée, 1900 - Paris
1991).
Elle débuta en 1926 en concert, et, en
1928, à l’Opéra de Paris dans le rôle de
Brünhilde du Crépuscule des dieux de
Wagner. Elle acquit bientôt une grande
renommée dans les rôles wagnériens et
chanta Kundry de Parsifal au festival de
Bayreuth en 1931. Ariane dans Ariane et
Barbe-Bleue de Dukas et des rôles de Richard Strauss, comme Elektra et Arabella,
comptèrent parmi ses spécialités. Elle fut
aussi une chanteuse de concert réputée et
la créatrice des Poèmes pour Mi d’Olivier
Messiaen. Sa voix était ample, d’une belle
couleur et très expressive.
BUNRAKU.
Terme japonais désignant un genre de
théâtre de marionnettes, du nom du
Théâtre Bunrakuza, fondé à Osaka en
1862 par Uemura Bunrakuken.
Vers le Xe siècle, on trouvait déjà au
Japon des poupées articulées, sûrement
importées du continent asiatique ; elles
étaient le gagne-pain de mendiants errant
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
135
à travers le pays. Puis les marionnettes
se mirent au service de la foi, et les montreurs continuèrent à les présenter de
village en village. En 1734, une nouvelle
technique de manipulation des marionnettes, qui sont de grande taille et somptueusement vêtues, a donné à ce genre sa
forme définitive.
Les marionnettes s’expriment par le
biais du jōruri, musique alliant le chant
épique aux complaintes populaires, avec
accompagnement de shamisen. Un chanteur installé sur une plate-forme, à droite
de la scène, donne les monologues et les
dialogues de tous les personnages, soit en
parlant, soit en chantant, accompagné par
le shamisen. Le joueur de shamisen n’a
pas le droit de prononcer des mots, mais
peut accompagner le narrateur-chanteur
par des bruits vocaux divers (soupirs, grognements, etc.). Il peut y avoir plusieurs
narrateurs et plusieurs instrumentistes,
des instruments comme le kokyū, luth à
trois ou quatre cordes, étant susceptibles
de s’ajouter au shamisen.
BURGHAUSER (Jarmil), musicologue et
compositeur tchèque (Písek 1921).
Il a fait ses études de lettres et de musicologie à Prague, tout en travaillant la
composition avec J. Křička et O. Jeremiáš.
Après la guerre, il s’est initié à la direction d’orchestre. Successivement lecteur
à l’Académie de musique, chef répétiteur
au Théâtre national, puis musicologue
chargé de l’édition critique des oeuvres
de Dvořák (dont il a établi le catalogue
complet) et de Fibich, il a publié de nombreux articles et études théoriques. Son
style se contente d’une technique sérielle
modifiée qu’il nomme « système des séries
harmoniques ». Sa production est relativement restreinte, axée sur l’orchestre et
sur l’opéra.
BURGMÜLLER (Norbert), compositeur
allemand (Düsseldorf 1810 - Aix-la-Chapelle 1836).
Il écrivit notamment deux symphonies (la
seconde, inachevée), une ouverture, des
lieder ainsi que de nombreuses pièces et
sonates pour piano, et sa mort prématurée
fut vivement déplorée par Schumann.
BURKHARD (Willy), compositeur suisse
(Evilard-sur-Bienne 1900 - Zurich 1955).
Il fit ses études musicales à Leipzig, à Munich, et avec Max d’Ollone à Paris. Il fut
professeur de composition au conservatoire de Berne de 1928 à 1933, puis, après
une interruption de son activité due à la
maladie, au conservatoire de Zurich à partir de 1942 et jusqu’à sa mort. Ce savant
contrapuntiste a édifié une oeuvre très
abondante, généralement inspirée par le
sentiment religieux. À son désir de régénérer la musique liturgique, à son respect
pour la musique chorale ancienne, pour
Bach, pour Bruckner, sont venues s’ajouter, à un certain stade de son évolution,
les influences de Scriabine, Hindemith,
Bartók et Stravinski. Ses compositions
comprennent notamment des oratorios
(la Vision d’Isaïe, 1933-1935 ; l’Année,
1940-41), des cantates, un opéra (l’Araignée noire, 1948, rév. 1954), des symphonies et pièces pour orchestre, des oeuvres
pour orgue, pour piano, diverses pièces
instrumentales, de la musique de chambre
et des mélodies.
BURLESQUE (ital. burla, « farce »).
Si, en littérature, burlesque évoque la parodie, la caricature bouffonne de sujets classiques réputés nobles, avec une nuance
d’extravagance (en ce sens, les livrets des
opéras bouffes d’Offenbach sont burlesques), en musique, le mot désigne simplement des pièces instrumentales assez
brèves, de style libre et de caractère gai
(Burlesque pour piano et orchestre de
Richard Strauss, Burlesques pour piano de
Bartók).
BURMEISTER (Joachim), théoricien et
compositeur allemand (Lüneburg 1564 Rostock 1629).
À partir de 1586, il étudia à l’université de
Rostock, y obtint le grade de magister et
fut cantor au lycée de la ville. Il composa
deux volumes de Psaumes spirituels (Geisfliche Psalmen, Rostock, 1601), mais sa
renommée vient surtout de ses ouvrages
théoriques, dont le dernier, Musica poelica (Rostock, 1606 ; rééd. en fac-similé,
Cassel et Bâle, 1955), fait la synthèse des
précédents. C’est un livre de rhétorique
musicale où sont exposées des figures
qui demeurèrent en vigueur durant toute
l’époque baroque.
BURMESTER (Willy), violoniste allemand (Hambourg 1869 - id. 1933).
Il reçoit ses premières leçons de son père,
éminent violoniste de l’Orchestre philharmonique de Hambourg. Entre 1882 et
1885, il étudie avec Joseph Joachim, dont
il devient un disciple. Dès 1886, il inaugure une carrière de virtuose avec une
prédilection pour les oeuvres de Paganini.
Il joue à Londres en 1895 et effectue, en
1899, sa première tournée aux États-Unis.
À partir de 1905, il intègre à son répertoire
les oeuvres de Bach et de Haendel, qui supplantent Paganini et Brahms. Cette évolution vers un classicisme plus dépouillé
sera le trait marquant de son héritage.
C’est sans doute lui qui, vers 1902, suggère à Sibelius de composer un concerto.
Il publie son autobiographie en 1926.
BURNEY (Charles), compositeur et musicographe anglais (Shrewsbury 1726 Chelsea College, Londres, 1814).
Son père s’appelait James Macburney, et
il apprit la danse, le violon, le français et
l’orgue avec Edmund Baker à Chester. À
dix-huit ans, il fut remarqué par Thomas
Arne, qui l’emmena à Londres et le fit travailler jusqu’à l’épuisement de ses forces
(1744-1746). Nommé organiste à King’s
Lynn (Norfolk) en 1751, il revint définitivement à Londres en 1760 et y donna,
en 1766, The Cunning Man, adaptation
du Devin du village de J.-J. Rousseau.
Pour pouvoir écrire son ouvrage capital,
General History of Music en 4 volumes (1er
vol. 1776, 2e vol. 1782, 3e et 4e vol. 1789),
il voyagea en 1770 en France et en Italie,
puis en 1772 dans les pays germaniques
et aux PaysBas. Les événements consignés par lui furent publiés sous les titres
The Present State of Music in France and
Italy (1771) et The Present State of Music
in Germany, the Netherlands and United
Provinces (1773). Il n’appréciait vraiment,
sauf exception, que la musique de son
temps. Ami de Samuel Johnson, il joua
un rôle non négligeable dans les milieux
littéraires. On peut toujours le consulter
avec profit non seulement comme voyageur, mais comme arbitre du goût, ce dont
témoignent en particulier ses Verses on the
Arrival in England of the Great Musician
Haydn (1791).
BUSCH, famille de musiciens allemands.
Fritz, chef d’orchestre (Siegen, Westphalie, 1890 - Londres 1951). Après des études
au conservatoire de Cologne, il occupa
des postes à Riga, Gotha, Bad-Pyrmont et
Aix-la-Chapelle, et fut, après la Première
Guerre mondiale, maître de chapelle, puis
directeur à l’opéra de Stuttgart (19181922). Il dirigea ensuite l’opéra de Dresde
(1922-1933), où il assura la création
d’Intermezzo (1924) et d’Hélène d’Égypte
(1928) de Richard Strauss, de Doktor
Faust de Busoni (1925), de Cardillac de
Hindemith (1926). Il fut pour beaucoup,
à cette époque, dans la renaissance de
Verdi en Allemagne. Privé de ses postes
par le régime nazi, il vécut en Argentine
de 1933 à 1936, à Stockholm et à Copenhague de 1937 à 1941, puis de nouveau
en Amérique. À partir de 1934, il dirigea
au festival de Glyndebourne, et les enre-
gistrements d’opéras de Mozart réalisés
là sous sa direction sont mémorables. Sa
carrière de chef se poursuivit brillamment
après la Seconde Guerre mondiale et il
avait accepté, peu avant sa mort brutale,
la direction de l’opéra de Vienne. Ce fut
un des chefs les plus marquants de la première moitié du XXe siècle.
Adolf, violoniste et compositeur (Siegen
1891 - Guilford, Vermont, États-Unis, 1952),
frère du précédent. Élève du conservatoire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de Cologne (1902-1908), il se lia en 1907
avec Max Reger, dont il devint un des interprètes privilégiés. Nommé en 1912 premier violon solo de la Société des concerts
de Vienne (Wiener Konzertverein), il
fonda la même année le quatuor du Konzertverein, qui, en 1919, devint le quatuor
Busch. La renommée de cette formation
ne l’empêcha pas de mener une carrière
de soliste : il donna avec le pianiste Rudolf
Serkin, qui devint son gendre, de remarquables séances de sonates. Son jeu, à la
sonorité et au vibrato très particuliers,
mettait en valeur la plasticité et le contenu
expressif des oeuvres, et il fut, à la tête d’un
orchestre de chambre portant son nom,
un célèbre interprète des Concerts brandebourgeois de Bach. Il vécut aux États-Unis
à partir de 1940, et, en 1950, fonda avec
son frère Hermann et Rudolf Serkin une
école de musique à Marlboro.
Hermann, violoncelliste (Siegen 1897 Bryn Mawr, Pennsylvanie, 1975), frère des
précédents. Élève du conservatoire de
Cologne et de l’Académie de musique de
Vienne, il joua en trio avec son frère Adolf
et Rudolf Serkin, et fut membre, de 1930
à 1952, du quatuor Busch. Il enseigna à
Marlboro, et, jusqu’en 1964, à l’université
de Miami en Floride.
BUSENELLO (Giovanni Francesco),
poète et librettiste italien (Venise 1598 Legnaro, près de Padoue, 1659).
De milieu aisé, il écrivit quelques pièces en
dialecte vénitien, mais il doit aujourd’hui
sa célébrité aux excellents livrets qu’il
composa pour Monteverdi (L’Incoronazione di Poppea, 1642) et pour Cavalli
(Gli Amori d’Apollo e di Dafne, 1640 ; La
Didone, 1641 ; La Statira Principessa di
Persia 1655 ; La Prosperità infelice di Giulio Cesare, 1654). Il témoigna de sa prédilection pour des sujets historiques et fut
d’ailleurs le premier à en écrire. Il entra
en conflit avec les compositeurs, jugeant
que ses textes étaient trop malmenés pour
les besoins de la musique. Il les publia en
1656 tels qu’il les avait vraiment conçus.
BUSH (Alan), compositeur, chef d’orchestre et pianiste anglais (Londres
1900 - Watford 1995).
De 1918 à 1922, il étudia le piano, l’orgue
et la composition à la Royal Academy of
Music, où il enseigna dès 1925. De 1922
à 1927, il travailla la composition avec J.
Ireland, puis le piano avec A. Schnabel.
De 1929 à 1931, il étudia la philosophie
et la musicologie à l’université de Berlin.
Il a voyagé comme conférencier ou chef
d’orchestre en Allemagne, en U.R.S.S., en
Europe centrale et aux États-Unis. Communiste militant actif, il voit ses oeuvres
jouées plus souvent dans les pays de l’Est
qu’en Angleterre. Il a écrit 3 symphonies,
des concertos dont un pour piano, baryton solo et choeur d’hommes et un autre
pour violon, de la musique de chambre,
des mélodies, des cantates (Voices of the
Prophets ; The Winter Journey, 1946). Il a
composé un opéra important, Wat Tyler
(1950), inspiré de la révolte des paysans en
Angleterre en 1381. Il faut également citer
d’autres ouvrages théâtraux tels Men of
Blackmoor (1955, représenté en 1956), The
Sugar Reapers ou Guyana Johnny (19611964), The Man who never died (19651968). Sa musique se caractérise par un
aspect néomodal et une vigueur certaine.
BUSNOIS (Anthoine, ou A. DE BUSNES,
dit), compositeur et poète français (†
1492).
Originaire de Busnes, bourgade des environs de Béthune, il vécut d’une manière
presque constante dans le milieu bourguignon pour le divertissement duquel il
composa des chansons dont une soixantaine sont parvenues jusqu’à nous. Indignus musicus de Charles le Téméraire,
alors comte de Charolais, il est cité en
1468 parmi les chantres, et si grande
était l’importance que Charles le Téméraire accordait à la musique sur le plan
de la magnificence, comme de la valeur
éthique, que Busnois accompagna le duc
dans tous ses déplacements, entre 1471
et 1475. Passé au service de Marguerite
d’York (1476), il servit sa fille Marie
de Bourgogne, épouse de Maximilien
(1477). Sans doute est-ce lui qui mourut
à Bruges en 1492 avec le titre de rector
cantoriae de Saint-Sauveur.
Busnois est l’un des rares compositeurs
de son époque à avoir cultivé la poésie,
comme en témoigne sa correspondance
avec Jean Molinet, et il s’y montre habile disciple des rhétoriqueurs. Mais la
pratique littéraire l’a amené à faire des
trouvailles musicales : utilisation d’une
voix parfois plus proche du récit que du
chant ; division des voix en deux groupes,
voix aiguës et graves dans Terrible Dame,
procédé qui sera fréquent, par exemple,
chez Josquin Des Prés ; renversement
de thème, par exemple, dans le motet In
hydraulis et dans la teneur de la chanson
J’ay pris amours tout au rebours ; alternance de strophes binaires et ternaires,
notamment dans les bergerettes ; un premier exemple de marche harmonique
dans Au pauvre par nécessité. Libérant
le contraténor de la teneur, Busnois
aime les imitations, sait ménager et varier les effets et se sent plus à l’aise dans
l’écriture à 3 voix égales, généralement
graves ; les musiciens français du début
du XVIe siècle écriront ainsi par prédilection. Il est maître dans l’art du rondeau
et surtout de la bergerette, où son côté
brillant mais un peu superficiel fait merveille. Ses neuf motets attestent ce souci
d’invention singulière (sur teneur soit
grégorienne, soit inventée). Même si Molinet l’associe à Ockeghem et si Tinctoris
leur dédie son Liber de natura et proprietate tonorum, Busnois supporte malaisément la comparaison avec Ockeghem car,
malgré son métier et son ingéniosité, il
n’en a pas l’envergure. Outre ces oeuvres,
Busnois a composé 2 Magnificat à 3 voix,
une hymne et 3 messes à 4 voix, dont
l’Homme armé.
BUSONI (Ferruccio Benvenuto), pianiste
et compositeur italo-allemand (Empoli,
près de Florence, 1866 - Berlin 1924).
Fils d’un clarinettiste italien et d’une pianiste allemande, il fut formé à la musique
et particulièrement au piano par ses parents, donna ses premiers concerts à huit
ans et dirigea à douze ans un Stabat Mater
de sa composition. En 1888, il commença,
par une fugue d’orgue, son monumental
travail de transcription pour piano des
oeuvres de Bach. Dès 1890, sa réputation
de pianiste était établie ; au clavier, son
style était caractérisé par un sens des vastes
architectures et de la décoration, plus que
par une émotion romantique. Entre 1902
et 1909, il dirigea à Berlin douze concerts
de musique contemporaine, qui comportèrent notamment la première audition en
Allemagne du Prélude à l’après-midi d’un
faune de Debussy. En 1911, il joua en six
récitals la majeure partie des oeuvres de
Liszt, qu’il considérait comme l’oméga du
clavier, Bach étant l’alpha. Un peu plus
tard, il fit connaître au public les concertos pour piano de Mozart, alors très négligés, qu’il ornait d’intéressantes et aventureuses cadences. Malgré une dévorante
carrière de virtuose voyageur et de professeur (il enseigna à Helsinki, Moscou,
Boston, Berlin), il parvint peu à peu à faire
de son activité de compositeur le centre
de sa vie.
Dans la composition, Busoni mit longtemps à devenir le novateur qu’il demeure pour la postérité. Il écrivit d’abord
des oeuvres, certes, très élaborées, mais
où dominait une virtuosité étourdissante,
comme son concerto pour piano avec
choeur final op. 39 (1904), et ne trouva
qu’avec la Berceuse élégiaque op. 42 pour
orchestre (1909) sa résonance personnelle. Cependant, depuis Rameau, aucun
compositeur, avant de s’engager dans ses
oeuvres les plus importantes, n’a exposé
la théorie de sa pratique avec autant de
conviction et de lucidité ni aussi succinctement : car, dans l’espace d’une mince
brochure, son Projet d’une nouvelle
esthétique musicale (1907) est un traité
complet d’anticonformisme en matière
de musique. Busoni y conteste le recours
aux seuls modes majeur et mineur, la
forme sonate, etc., et il y propose à peu
près toutes les innovations qui allaient se
faire jour pendant la première moitié du
XXe siècle : polytonalité, emploi de modes
anciens et de modes de fantaisie obtenus
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en distribuant les bémols et les dièses de
toutes les façons sur les sept notes de la
gamme diatonique, micro-intervalles, et
même l’électronique, Busoni ayant déniché en Amérique le « dynamophone du
docteur Cahill », capable de produire
des timbres inédits. Il prôna un « jeune
classicisme », un style se réclamant « de
toutes les expériences du passé et de
toutes les expérimentations actuelles ».
En accord avec ses idées, il façonna la
Fantaisie indienne op. 44 (1913) et Romanza e scherzoso op. 54 (1921) pour
piano et orchestre, ainsi que 6 sonatines
pour piano (1910-1920), toutes différentes, toutes marquées par des audaces
diverses, y compris des dissonances sans
pitié, ou des consonances enchaînées de
façon insolite.
Dans le domaine des ouvrages pour le
théâtre, Projet avait esquissé une esthétique bien peu conventionnelle, surtout
à cette époque, visant à éviter les inconvénients de la convention antiréaliste du
chant en surenchérissant sur cet antiréalisme pour faire des opéras à l’aide « de
situations et conflits invraisemblables
au-delà de toute crédibilité » et reflétant
uniquement « l’artificiel, le pas naturel et
le surnaturel ». C’est pourquoi, après Die
Brautwahl («le Choix de la fiancée, 1911),
conte fantastique d’après Hoffmann, Arlecchino op. 50 (1916) et Turandot (d’après
Gozzi, 1917) ressortissent à la commedia
dell’arte, Turandot se référant aussi aux
Mille et Une Nuits et au théâtre de marionnettes, et Arlecchino, dont le protagoniste
est un rôle parlé, se compliquant d’une
parodie d’opéra ; ce « caprice théâtral »
s’ouvre par une fanfare dodécaphonique,
plusieurs années avant que Schönberg
n’ait mis en place ce système d’écriture.
Quant à Doktor Faust (1925), on peut,
dans une certaine mesure, le comparer à
la Flûte enchantée de Mozart, en tant que
spectacle pittoresque teinté de philosophie et de métaphysique.
De 1910 à sa mort, Busoni fut le
seul compositeur moderniste dont les
recherches ne furent redevables ni à
Debussy ni à Wagner. La ligne que ses
affinités lui firent suivre part du dernier
Beethoven, passe par Berlioz et s’italianise avec Liszt. À cette tradition, qu’il ne
partage avec aucun autre, s’ajoute tout ce
que son esprit inlassablement curieux lui
proposait de fantaisie et de recherche. Il
est significatif que parmi ses élèves, on
compte des figures aussi dissemblables
que Kurt Weill et Edgar Varèse, ainsi que
de remarquables musiciens marginaux
comme Arthur Lourié et comme Philippe
Jarnach, qui orchestra et compléta les dernières pages de Doktor Faust (commencé
en 1916).
L’oeuvre de Busoni comprend essentiellement les quatre opéras déjà cités, dont il
écrivit lui-même les livrets, une douzaine
de pièces pour orchestre, quelques partitions pour piano et orchestre, un concerto
pour violon op. 35 (1897), un concerto
pour clarinette (1919), un divertimento
op. 52 (1920) pour flûte et orchestre,
quelques cantates et oeuvres chorales,
de nombreuses pièces pour piano, dont
4 versions d’une Fantasia contrappuntistica (1912) d’après la fugue inachevée de
l’Art de la fugue de Bach, de la musique
de chambre (2 quatuors à cordes, oeuvres
pour violoncelle et piano, etc.), des mélodies. On doit y ajouter 7 volumes de
transcriptions d’oeuvres de Bach, des
transcriptions d’oeuvres de Beethoven,
Brahms, Liszt, etc., et des cadences pour
des concertos de Beethoven et de Brahms.
BUSSER (Henri), organiste, chef d’orchestre et compositeur français (Toulouse 1872 - Paris 1973).
Il commença ses études musicales à la
maîtrise de Toulouse, dont son père
était l’organiste ; il les poursuivit à Paris
à l’école Niedermeyer et les acheva au
Conservatoire en obtenant en 1893 le
premier grand prix de Rome. Il y avait été
l’élève de Franck, Widor, Guiraud et Gounod, et succéda à ce dernier aux grandes
orgues de Saint-Cloud. Sa première oeuvre
lyrique, Daphnis et Chloé, fut créée à
l’Opéra-Comique en 1897. Il aborda alors
une carrière de chef d’orchestre, qui fut
des plus brillantes, et s’exerça essentiellement à l’Opéra-Comique, où il débuta
en 1902, et à l’Opéra (1905-1938). Professeur d’ensemble vocal au Conservatoire, à
partir de 1904, professeur de composition
dans ce même établissement de 1930 à
1948, il fut élu à l’Institut, en 1938, au fauteuil qu’avaient occupé Gounod et Pierné,
puis fut directeur de l’Opéra-Comique
(1939-40) et de l’Opéra (1946-1951).
Tout au long de sa carrière, et jusqu’à
un âge avancé, Henri Busser s’adonna
à la composition. Dans un style académique inspiré par les leçons de ses
maîtres, il écrivit mélodies, oeuvres
pour choeur, pièces pour orgue ou pour
piano, poèmes symphoniques, suites
d’orchestre, ballets. Mais ce sont surtout
ses oeuvres lyriques, d’une belle facture,
qui lui valurent une certaine renommée :
les Noces corinthiennes (d’après Anatole France, 1922) ; Colomba (d’après
Mérimée, 1921), le Carrosse du saint
sacrement (d’après Mérimée, 1948) et
la Vénus d’Ille (d’après Mérimée, 1964).
D’autre part, il révisa certaines partitions pour les théâtres lyriques nationaux : Mireille de Gounod (2 rév., 1901,
1939), les Indes galantes de Rameau
(1952), Obéron de Weber (1954). Il révisa aussi Ivan IV de Bizet, pour la création de cet ouvrage à Bordeaux en 1951.
BUSSOTTI (Sylvano), compositeur italien (Florence 1931).
Il commence à étudier le violon à l’âge de
cinq ans, abandonne l’école très tôt, grandit dans un milieu de théâtre. Élève au
conservatoire Cherubini de Florence, il
travaille le piano avec Luigi Dallapiccola.
Une bourse lui permet de poursuivre
l’étude du violon, mais les événements
de la fin de la guerre l’empêchent d’en
bénéficier jusqu’à l’examen final. À partir
de 1949, Bussotti travaille en autodidacte,
copiant des partitions dans les bibliothèques, découvrant Stravinski, Hindemith, et composant déjà avec prodigalité.
À Aix-en-Provence, à Avignon, durant
des rencontres de jeunes, le Marteau
sans maître de Boulez l’impressionne. Il
travaille auprès de Max Deutsch à Paris,
en 1957, et rencontre Cage à Darmstadt,
en 1958. Ses oeuvres commencent à être
jouées. À Paris, au Domaine musical,
Boulez dirige des fragments de Torso,
lecture d’un texte de Brabanti, pour récitant, mezzo-soprano et orchestre, oeuvre
volontairement non achevée, qui remporte un prix de la Société internationale
de musique contemporaine. Invité, en
1964, par la fondation Rockefeller, Bussotti se rend aux États-Unis. En 1965 est
créée au festival de Palerme la Passion
selon Sade, « mystère de chambre avec tableaux vivants », oeuvre provocante, d’un
lyrisme déchiré. Bussotti, avide d’expériences, dessine les costumes, conçoit
la mise en scène, dirige, joue le rôle du
récitant. Il professe une « éthique de la
disponibilité » relevant selon lui d’une
tradition humaniste propre à Florence,
sa ville natale.
1967 est l’année de Marbre pour
cordes, et de 5 fragments à l’Italie, pour
sextuor vocal en choeur, sorte de madrigaux modernes renouant avec Gesualdo
et Monteverdi. En 1969 suit The Rara
Requiem pour 4 voix principales, sextuor
vocal de solistes, choeur mixte, guitare
et violoncelle solistes, piano, harpe, orchestre d’instruments à vent et percussions. C’est en quelque sorte un requiem
d’amour. « Une personne vivante et jeune
demande à un ami musicien de lui composer un requiem pour l’écouter de son
vivant. » Cette personne est Romano
Amidei, compagnon de Bussotti, en qui
s’incarne Rara, personnage allégorique,
présent dans plusieurs oeuvres du compositeur. The Rara Requiem comporte
un montage de textes de vingt-quatre
auteurs, d’Homère à Rilke, Mallarmé et
Adorno. Mais cette oeuvre, apparemment
chargée de culture, offre une démarche
à reculons qui a permis de parler à son
sujet de « mémoires du futur ».
Dans The Rara Requiem, comme dans
Pièces de chair (1958-1960), Torso ou
Memoria pour baryton solo, 27 voix et
orchestre, la musique est indissolubledownloadModeText.vue.download 144 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
138
ment liée à la course du sang, à la respiration retenue ou épanouie. Ces oeuvres
évoquent la contemplation de soi, les
paysages du dedans ; elles contiennent
des jeux au deuxième degré, des pièges.
De 1972 à 1973 date une des plus grandes
réussites de Bussotti, le ballet (symphonie chorégraphique) Bergkristall. L’opéra
Lorenzaccio, « mélodrame romantique
dansé », créé à Florence en 1972, est imprégné d’un étrange lyrisme où se perçoit
une odeur de mort ; mais on y retrouve
cette écriture vocale d’une beauté parfaite, caractéristique de Bussotti, et évidente aussi dans Notte tempo (1975-76),
drame lyrique commandé par la Scala
de Milan. La voix fait chatoyer toutes
ses possibilités. Mélismes, écarts, soupirs, rires, sanglots, gémissements, râles,
agonies semblent toujours remonter du
fond de la mémoire. La voix est comme
dénaturée, au centre d’épisodes instrumentaux qui dessinent autour d’elle une
mise en scène et un paysage, de la même
manière que chez Monteverdi. Dans les
oeuvres les plus récentes de Bussotti,
comme la symphonie chorégraphique
Il Catalogo è questo (Opus Cygne) pour
flûte principale et orchestre (création à la
biennale de Venise, 1980), l’opéra le Racine, pianobar pour Phèdre (Milan, 1980),
ou le mélodrame L’ispirazione (1988), un
climat passionné, quasi exaspéré, alterne
avec une contemplation silencieuse. Le
compositeur continue à se nourrir de lectures (Proust, Brabanti, Artaud, Musset).
Il admire Pasolini, s’adonne au dessin et
à la peinture (il expose à Paris en 1966 ;
on doit signaler que la beauté graphique
de ses partitions est remarquable), met en
scène des oeuvres de Puccini, Stravinski,
etc. Il a été de 1975 à 1979 directeur artistique du théâtre de la Fenice à Venise.
BUTI (abbé Francesco), poète et librettiste italien (Narni ? - id. 1682).
Docteur en droit, protonotaire apostolique, l’abbé Buti fut un diplomate avisé
et un fin lettré qui joua un rôle important
dans l’introduction de l’opéra italien en
France au milieu du XVIIe siècle. Avec le
cardinal A. Barberini, il arriva, en 1645,
à Paris, où Mazarin le chargea de veiller
sur les artistes ultramontains vivant dans
la capitale. Il se distingua aussi comme
librettiste des opéras à machines donnés à
la cour : L’Orfeo (1647), Le Nozze di Petro
e di Teti (1654) et Errole Amante (1662),
écrits respectivement en collaboration
avec les compositeurs L. Rossi, C. Caproli
et F. Cavalli.
BUTTING (Max), compositeur allemand
(Berlin 1888 - id. 1976).
Il étudia à Munich à partir de 1908, et, à
ses débuts, se réclama surtout de Bach et
de Reger. En 1922, il rencontra Schönberg
à Vienne et participa pour la première
fois au festival de Donaueschingen. Après
1945, il devint l’un des compositeurs les
plus en vue de la R.D.A. (membre fondateur de l’Académie des arts à Berlin en
1950). On lui doit notamment dix symphonies (les cinq premières entre 1922 et
1944 et les cinq dernières entre 1945 et
1963) et dix quatuors à cordes (entre 1918
et 1971).
BUUS (Jacob), compositeur flamand
(Gand ? v. 1500 - Vienne 1564 ?).
Il fut peut-être un disciple de Willaert,
et on le trouve comme organiste à SaintMarc de Venise entre 1541 et 1556, puis
au service de l’empereur Ferdinand
comme organiste à la chapelle de la cour
de Vienne. Son style s’apparente à celui
de Cl. von Papa, et ses oeuvres présentent
un vif intérêt historique. Il a composé 13
livres de Ricercari qu’on peut interpréter
à l’orgue, à d’autres instruments ou à la
voix, 43 Canzoni francesi (Venise, 1543,
1550) à 5 et à 6 voix d’inspiration généreuse, une trentaine de motets, ainsi que
des pièces instrumentales dans le style du
motet.
BUXTEHUDE (Dietrich, originellement
Diderik), compositeur et organiste allemand d’origine danoise (Hälsinborg ? v.
1637 - Lübeck 1707).
De souche allemande, il passa les trente
premières années de sa vie au Danemark
(période dans laquelle ne s’inscrivent en
toute certitude que trois oeuvres, peutêtre cinq) et les quarante dernières, les
plus glorieuses, en Allemagne. Sans
doute formé par son père, lui-même
organiste (présent à Hälsinborg au plus
tard en 1641 et mort à Lübeck en 1674),
et probablement ensuite par Scheidemann à Hambourg (1654-1657), il occupa au cours de sa carrière trois postes
d’organiste : à Hälsinborg (ville actuellement suédoise mais alors danoise)
en 1657-58, à la paroisse allemande de
Sainte-Marie d’Elseneur (Danemark) en
1660, puis à Sainte-Marie de Lübeck à
partir de 1668. Il y succéda à Franz Tunder, dont, selon la tradition, il épousa
la fille. C’est à Lübeck, ou il fut à la fois
administrateur de l’église, responsable
de la musique et organiste, que son activité se déploya : comme organiste de renommée européenne, il reçut la visite de
Haendel et de Mattheson en 1703, puis
celle de Bach, qui en 1705 vint à pied
depuis Arnstadt et reçut du maître nordique l’un des plus grands chocs artistiques de sa vie (mais aucun de ces trois
musiciens ne se résolut à épouser la fille
de Buxtehude pour obtenir sa succession à un poste pourtant fort convoité) ;
comme compositeur, il écrivit des pages
religieuses et surtout des pièces d’orgue
sans égales en leur temps. À Sainte-Marie de Lübeck, l’usage s’était développé
pour l’organiste de donner chaque jeudi
en dehors de tout office une sorte de
récital public. Ayant décidé de conférer
à ces manifestations une forme nouvelle,
Buxtehude les transporta au temps de
l’avent. À partir de 1673, pendant les
cinq dimanches précédant Noël, eurent
lieu après le prêche de l’après-midi les
fameuses Abendmusiken (Musiques du
soir) que Buxtehude devait décrire fièrement comme « ne se faisant nulle part
ailleurs ». Il s’agissait chaque fois d’un
ensemble cohérent pouvant s’étaler sur
plusieurs dimanches et fait de musique
sacrée (vocale et instrumentale) ainsi
que de morceaux d’orgue. Or il ne reste
malheureusement de ces Abendmusiken que trois livrets - Die Hochzeit des
Lamms (1678), Castrum doloris (1705),
Templum doloris (1705) - dont la musique est perdue. On sait toutefois qu’en
1705 furent utilisés comme exécutants
deux choeurs de trompettes et timbales,
deux de cors de chasse et de hautbois,
plus de vingt violons, quatre choeurs
dans les tribunes et un autre dans la
nef, et évidemment les quatre orgues.
D’autre part, il est vraisemblable que
l’oratorio retrouvé en 1927-28 par W.
Maxton et publié par lui en 1939 avec
comme titre Das Jüngste Gericht (« le
Jugement dernier ») ait été une Abendmusik de Buxtehude.
Nous possédons en compensation
plus de 120 compositions vocales sacrées
de Buxtehude, dont certaines ont certainement retenti lors des Abendmusiken. Ces oeuvres, qui vont du genre du
concert spirituel et de ceux du choral et
de l’aria (l’influence du piétisme naissant
sur Buxtehude est ici particulièrement
nette) à celui de la cantate en plusieurs
parties, influencèrent directement J. S.
Bach, surtout dans sa période de Weimar
(1707-1718). C’est néanmoins dans sa
production pour orgue, la plus considérable (environ 90 pièces) et la plus belle
avant celle de Bach, que Buxtehude fut
le plus grand, c’est d’abord grâce à elle
qu’il put fêter, après deux siècles d’oubli,
une éclatante résurrection. On y trouve
des toccatas, des préludes et fugues,
des passacailles, des chorals ornés, des
chorals variés. Destinées au grand instrument de la Marienkirche (Sainte-Marie), ces pièces possèdent une puissance
de caractère, une densité et une ampleur
constamment vivifiées par l’originalité de
la pensée et soulevées par la véhémence
du ton. C’est cette prodigieuse liberté
d’expression d’une nature ardente qui
devait tant impressionner le jeune Bach :
la célèbre Toccata et fugue en ré mineur
ou la Passacaille en ut mineur, sans doute
écrites par ce dernier peu après sa visite à
Lübeck, en sont les preuves évidentes, de
même que les cantates de jeunesse BWV
106 (Actus tragicus) ou BWV 4 (Christ
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
139
lag in Todesbanden) révèlent l’empreinte
de Buxtehude. À noter cependant que les
préludes et fugues (au nombre d’environ
25) de Buxtehude ne sont pas des diptyques comme ceux de Bach, mais, selon
la tradition d’Allemagne du Nord, des
praeludia, polyptyques d’un seul tenant
faisant alterner des épisodes fugués et
d’autres de caractère improvisé et virtuose en stylus phantasticus.
Sur le plan instrumental, Buxtehude
écrivit encore des pièces pour clavecin (25
connues, retrouvées en 1942 seulement, à
savoir 19 suites et 6 séries de variations),
et 21 sonates en trio dont 7 publiées probablement en 1694 (op. 1), 7 en 1696 (op.
2) et 7 restées manuscrites. Il fut en ce
dernier domaine, avec son compatriote
Johann Rosenmüller, un pionnier en Allemagne. Les sonates en trio de Buxtehude
ont d’ailleurs la particularité d’exiger
une viole de gambe, et donc d’opposer
expressément cet instrument « ancien »
à l’instrument « moderne » qu’était alors
le violon.
Buxtehude fut en son temps le premier compositeur germanique, et l’un des
quatre ou cinq premiers à l’échelle européenne. Il faut connaître cette forte personnalité non seulement pour elle-même,
mais pour l’influence déterminante qu’elle
exerça sur le Bach de l’orgue et des cantates.
BUZUQ.
Luth à manche long.
Instrument de musique traditionnelle.
Dérivé du tanbûr médiéval, le buzuq
ou tanbura-buzuq se retrouve de nos
jours au Proche-Orient arabe, plus précisément chez les Tsiganes-Nawwār de
Syrie et du Liban, sans que l’on puisse
affirmer si son nom vient de bizik (turc)
ou de buzurg (persan). Sa renaissance
récente marque la réhabilitation du luth
à manche long dans la musique traditionnelle arabe, dont le classicisme reposait exclusivement depuis treize siècles
sur le ‘ūd, luth à manche court accordé
par quartes. On décrira ici un buzuq,
luth tsigane de Homs (Syrie) à 4 cordes.
La caisse, piriforme, faite de fuseaux de
bois, longue de 33 cm, large de 28 cm, et
profonde de 17 cm, est fermée par une
table plate de sapin présentant une ouïe
ouvragée. Le manche, long de 51 cm,
est muni de 27 frettes pour une octave
et une quinte. La présence de 17 frettes
pour l’octave grave, comme sur le tunbūr
du Khorassan, explique le contresens
des observateurs du XIXe siècle qui ont
voulu diviser l’octave arabe en dix-sept
tiers de ton égaux. En réalité, ces frettes
sont ajustables au mode, maqām joué en
dehors de toute notion de tempérament,
mais en fonction de l’école à laquelle se
rattache le musicien pour les systèmes
d’intervalles (commatiques ou à quarts
de ton) et pour les hauteurs des finales
de mode (rāst en do, ré, fa, sol). Il est très
facile de transposer les maqām-s sur le
buzuq, dont le système n’est pas modulé
à la quarte de façon rigoureuse comme
celui du ‘ūd. Quatre cordes métalliques,
dont la première est filée, tendues du
bouton métallique au chevillier - soit sur
un diapason de 77 cm lorsqu’elles vibrent
à vide - reposent sur un chevalet et sont
accordées en fonction de l’octave et de
la quarte, par analogie avec le ‘ūd, soit
le plus souvent sol1/sol2/do3-do3. Cette
accordature peut être globalement abaissée ou élevée, en ré-sol ou en mi-la par
exemple. Il existe d’autres types de buzuq.
Certains buzuq-s n’ont que 23 frettes.
D’autres sont pourvus de six cordes. On
peut en voir de plus petite ou de plus
grande taille, en particulier les buzuq-s
fabriqués à Damas et à Beyrouth dont
la longueur dépasse le mètre. Enfin, les
buzuq-s des musiciens tsiganes-nawwâr
sont ornés de nombreuses incrustations
sur le manche, la table et la caisse. Les
cordes du buzuq sont pincées par l’intermédiaire d’un plectre.
BYLSMA (Anner), violoncelliste néerlandais (La Haye 1934).
Issu d’une famille de musiciens, il commence l’étude du violon à l’âge de trois
ans avec son père, pour choisir finalement
le violoncelle à huit ans. En 1957, il obtient le Prix d’excellence au Conservatoire
royal de La Haye et en 1959 le 1er Prix du
Concours Pablo Casals. Parallèlement à
ses activités de virtuose, il est violoncelle
solo à l’orchestre de l’Opéra d’Amsterdam, au Nederlands Ballet Orkest, au
Nederlands Kamer Orkest et, de 1962 à
1968, à l’orchestre du Concertgebouw
d’Amsterdam. En 1970, il est nommé professeur au Conservatoire d’Amsterdam et
au Conservatoire royal de La Haye. Longtemps étiqueté comme un spécialiste du
baroque (il a en effet fréquemment joué
avec Gustav Leonhardt, Frans Brüggen et
les frères Kuijken), il s’intéresse en réalité tout autant au répertoire romantique
et contemporain et joue sur trois violoncelles différents selon les oeuvres qu’il
interprète.
BYRD (William), compositeur anglais
(Lincolnshire ? 1543 - Stondon, Essex,
1623).
Il fut très probablement l’élève de Th.
Tallis, mais on ne connaît pratiquement
rien de ses débuts. Nommé en 1563 organiste de la cathédrale de Lincoln, il garda
ce poste jusqu’en 1572. Il se maria en
1568 avec Juliana Birley et, en secondes
noces, avec une femme prénommée Ellen.
Cinq enfants naquirent de ces mariages.
Byrd succéda à R. Parsons comme gentilhomme de la chapelle royale (1570) dont
Tallis occupait le poste d’organiste. Ce
dernier partagea cette situation avec son
jeune confrère à partir de 1572, et les deux
musiciens commencèrent une collaboration fructueuse. En 1575, ils obtinrent de
la reine Élisabeth le privilège pour toute la
musique imprimée en Angleterre pendant
vingt et un ans. Pour célébrer cet événement, ils dédièrent à la reine un recueil de
Cantiones sacrae (1575). Mais cette affaire
d’imprimerie ne semble pas avoir été très
lucrative ; dès 1577, les deux partenaires
durent solliciter une aide financière. La
reine l’accorda, mais sous forme de certaines terres et d’une rente. Après la mort
de Tallis (1585), Byrd céda ce monopole,
devenu son entière propriété, à Th. East,
lequel publia les Psalms, Sonnets and Songs
de W. Byrd (1588).
Élevé dans la foi catholique, Byrd réussit à garder sa religion et son poste à la
cour malgré les difficultés que lui im-
posa la nouvelle liturgie anglicane. Son
talent, son intelligence et l’octroi d’un
compromis le préservèrent de la persécution. Ainsi composa-t-il et publia-til des oeuvres pour le rite romain (trois
messes à 3, 4 et 5 voix ; environ 260
motets). Mais il écrivit aussi pour l’église
anglicane 5 services, des anthems et des
psaumes en anglais, une soixantaine
d’oeuvres en tout. De fait, sa production
est considérable : par la quantité comme
par la qualité et la diversité. Et William
Byrd est probablement, avec Henry Purcell, le plus grand compositeur anglais et
l’un des meilleurs polyphonistes de tout
le XVIe siècle. On peut le comparer à Victoria, à Lassus ou à Palestrina, et, si son
domaine d’élection reste indiscutablement la musique religieuse - où seul Tallis en Angleterre peut être considéré au
même titre -, son génie est présent dans
toutes les formes musicales, à l’exception
du répertoire de luth. Il a illustré le madrigal (120) avec parfois un accompagnement de violes, écrit des « rounds » (6) et
des canons (32), des fantaisies (14) et des
In nomine (7) pour violes, ainsi que 125
pièces pour le clavier. Quelques-unes de
ces pièces (8) se trouvent dans le premier
recueil de musique de clavier imprimé en
Angleterre (Parthenia, 1611) ; d’autres figurent dans le Fitzwilliam Virginal Book
ou dans My Ladye Nevell’s Booke.
La musique de Byrd révèle une parfaite
maîtrise technique, un don certain de
mélodiste, d’ailleurs caractéristique de la
musique anglaise en général, et un sens
aigu de l’imagerie, qui lui permet de tirer
profit des mots expressifs contenus dans
un texte. Il a composé des airs, souvent
de dévotion, pour une voix seule avec un
accompagnement polyphonique (violes
ou voix) dont il est le maître absolu. Byrd
est l’un des fondateurs de l’école anglaise
du madrigal. Bien qu’il fasse preuve d’une
certaine réserve et d’un goût pour le style
traditionnel, plus sévère, il sait aussi acdownloadModeText.vue.download 146 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
140
cueillir les techniques du madrigal italien.
Parmi ses réussites, citons This sweet and
merry month of May à 6 voix ou « some
strange chromatic notes » de Come woeful Orpheus à 5 voix. Les trois messes de
Byrd font appel à la vieille technique du
« motif de tête », mais elles se distinguent
par l’absence de teneur, ce qui laisse plus
de liberté à chaque voix (« entrées en
strette »). Dans sa musique de clavier, il se
montre l’égal de ses collègues, sans les dépasser. Comme son cadet J. Bull, il a écrit
des Walsingham Variations, des danses et
des adaptations pour clavier de mélodies
liturgiques.
Tenu en haute estime par ses contemporains, Byrd, le « Father of Musick »,
mourut, selon son propre testament,
« now in the eightieth year of myne age »,
à Stondon après avoir formé quelquesuns des musiciens les plus illustres de la
génération suivante (Th. Morley, J. Bull
et O. Gibbons).
BYZANTIN (chant).
Musique traditionnelle de l’Église orthodoxe grecque, et, par extension, musiques
des Églises orthodoxes chrétiennes de
l’Europe de l’Est et du Sud-Est, qui se sont
développées sur la base du chant byzantin avant d’acquérir progressivement leur
aspect national définitif.
Le chant byzantin possède une origine
composite dans laquelle se retrouvent les
chants hébraïques des synagogues, les survivances de la musique grecque ainsi que
d’autres éléments orientaux (syriens et
arméniens). Le développement musical et
social du chant byzantin est évidemment
lié à celui de la liturgie orthodoxe, dont
les deux formes principales furent établies
dès la fin du IVe siècle par saint Basile le
Grand et saint Jean Chrysostome - ce
dernier fut évêque de Constantinople en
390. Les chants, toujours monodiques,
étaient exécutés selon le principe antiphonaire, faisant alterner deux choeurs,
le protopsaltis et le lampadarios. L’exécution était toujours a cappella, interdisant
l’usage des instruments de musique. De
nos jours, les églises orthodoxes continuent à observer cette règle. Toutefois, à
Constantinople, les cérémonies à la cour
de l’empereur, plus fastueuses que celles
des églises, utilisaient l’orgue. En 757,
l’empereur Constantin Copronyme en offrit un à Pépin le Bref. À l’exception d’un
fragment d’hymne datant du IIIe siècle,
les premiers manuscrits musicaux n’apparurent qu’au Xe siècle. L’écriture neumatique d’origine connut une évolution
en plusieurs étapes, en passant par une
notation dite « moyenne » (XIIe-XVe s.) et
celle plus précise, nuancée et complexe de
Ioannis Koukouzeles (XVe s.). Il faut savoir
cependant que les manuscrits sont loin de
transmettre la totalité des chants : nombre
d’entre eux, réduits à de simples psalmodies, étaient exécutés de mémoire et transmis oralement.
Parmi les premiers compositeurs
byzantins, qui étaient aussi d’importantes personnalités religieuses, souvent
canonisées par la suite, on connaît : saint
Éphrem (306-373) ; Romanos le Mélode
(VIe s.), à qui l’on doit de nombreux
kontakion (poèmes religieux composés
de nombreuses strophes toutes chantées
sur une même mélodie) ; André de Crète
(660-740), auteur du grand Kanon, forme
venue remplacer le kontakion et composée de neuf odes appelées hiermos ; saint
Sophrone de Jérusalem ; saint Germain
de Constantinople ; et surtout saint Jean
Damascène (678-749).
On s’accorde à distinguer trois types de
chant, selon leur degré d’ornementation :
1. hirmologique, chant simple des canons
et des hiermos ;
2. stichérarique, plus orné, pour les stichères (courts textes intercalés entre les
versets) et les tropaires (textes poétiques
pour les fêtes religieuses) ;
3. mélismatique, très orné, exécuté par un
soliste (psaltika) ou par le choeur (asmatika).
À partir du XIVe siècle se développa
un style d’une exubérance ornementale
et d’une virtuosité excessive, souvent au
mépris de l’intelligibilité du texte. Mais
le principe le plus important, qui régit
toute l’ordonnance musicale de la liturgie
byzantine, est celui de l’octoechos (les huit
voix) qu’on attribue à saint Jean Damascène, lequel n’a peut-être fait que codifier
et développer un système déjà existant.
Chaque semaine on exécutait des chants
groupés en fonction de leur parenté mélodique, les faisant correspondre à l’un des
huit modes grecs (quatre modes « authentes » et quatre modes « plagaux »). Ces
appartenances n’ont d’ailleurs été déterminées du point de vue théorique que bien
plus tard, aux XIIe et XIVe siècles, et restent
dans une certaine mesure sujettes à cau-
tion. Néanmoins, le cycle musical de huit
semaines ainsi constitué reste un usage
immuable des offices orthodoxes.
L’influence musicale du chant byzantin s’est certainement exercée sur le chant
gallican et le chant grégorien (le pape Grégoire le Grand avait été nonce à Constantinople), de même qu’elle a servi de base
aux Églises orthodoxes slaves (serbe, bulgare, russe) avant de s’y mélanger avec des
éléments mélodiques locaux.
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C
C.
1. La lettre C désigne la note ut ou do dans
les pays de langue anglaise et allemande.
Ce système de lettres remonte au moins
au IXe siècle et, d’autre part, figure sur
la célèbre main de Guy d’Arezzo qui, au
XIe siècle, inventa les syllabes ut-ré-mi, etc.
Voici, dans trois langues, l’appellation des
différentes altérations de cette note :
français
anglais
allemand
ut dièse
C sharp
Cis
ut double dièse
C double
sharp
Cisis
ut bémol
C flat
Ces
ut double
bémol
C double flat
Ceses
2. Dans la notation proportionnelle,
C, étant la moitié d’un cercle, indiquait
le tempus imperfectus, c’est-à-dire une
mesure nonuternaire, voire imparfaite.
Aujourd’hui encore, cette notion persiste
puisque C est le signe qui signifie une mesure à 4/4. signifie alla breve, une mesure
qui se bat deux fois plus vite (2/2).
3. Autrefois, les deux principales clefs
étaient celles de fa et d’ut (ou C), soprano,
alto, ténor indiquant la position de cette
note sur la portée :
4. C. est également employé comme abréviation dans la musique polyphonique
pour cantus. D’autre part, B. C. signifie
basse continue et D. C. da capo.
CABALETTA.
Air d’opéra bref, généralement simple et
avec des sections à reprises.
On en trouve un grand nombre dans les
opéras de Rossini, où ils étaient destinés à
recevoir l’ornementation improvisée des
chanteurs à chaque reprise. Toujours au
XIXe siècle, la cabaletta désigne la dernière
partie d’un air particulièrement développé ; le genre appartient ainsi à la fin de
l’époque du bel canto, et a été illustré en
particulier par Bellini et Verdi (le Trouvère).
CABALLÉ (Montserrat), soprano espagnole (Barcelone 1933).
Elle fit ses études de chant au conservatoire
de Barcelone et à Milan, et débuta en 1956
à l’opéra de Bâle dans le rôle de Mimi de
la Bohème de Puccini. Au début de sa carrière, elle chanta des rôles très divers des
répertoires italien, français et allemand.
Après le triomphe qu’elle remporta en
1965 au Carnegie Hall de New York dans
Lucrèce Borgia de Donizetti, elle s’est spécialisée dans le répertoire romantique italien de Rossini, Bellini, Donizetti, où elle a
poursuivi l’oeuvre de réhabilitation de partitions longtemps négligées, entreprise par
Maria Callas ; mais elle s’est distinguée de
cette dernière en cherchant à rendre justice
à ces partitions surtout à travers la perfection, l’extrême raffinement de l’exécution
vocale, refusant de sacrifier une part de
cette perfection à des impératifs théâtraux.
Cependant, son timbre naturel, incisif, sait
être très dramatique. Sa technique est l’une
des plus accomplies de l’histoire du chant.
CABANEL (Paul), basse française (Oran
1891 - Paris 1958).
Après s’être orienté vers le droit, il étudie
au Conservatoire de Toulouse de 1911 à
1913. Gravement blessé en 1916 à Verdun,
il ne recommence ses études qu’en
1919. En 1922, il est engagé au Théâtre
royal du Caire, où il chante les opéras de
Bizet, Gounod et Massenet. Rentré en
France, il demeure longtemps au sein des
théâtres lyriques de Bordeaux et Vichy.
Il lui faut attendre 1932 pour débuter
à l’Opéra-Comique, et 1933 pour entrer
à l’Opéra de Paris. En 1934, il y incarne
Don Juan sous la baguette de Bruno Walter, puis Boris Godounov. En 1942, il est
nommé professeur de déclamation lyrique
au Conservatoire de Paris. En 1947, il cesse
de se produire sur scène. Bien qu’il n’ait
rencontré qu’une reconnaissance assez
tardive, il a profondément marqué les rôles
de Scarpia dans Tosca, de Méphisto dans la
Damnation de Faust de Berlioz, et les trois
rôles de basse dans les Contes d’Hoffmann.
CABANILLES (Juan Bautista), compositeur et organiste espagnol (Algemesí
1644 - Valence 1712).
Il fut le disciple de Vargas et de la Torre,
à qui il succéda comme organiste à la cathédrale de Valence (1665), avant d’être
ordonné prêtre en 1668. À la faveur de
voyages en Italie et en France où il donna
de nombreux concerts, il s’initia au répertoire des organistes italiens et français et
sans doute subit-il l’influence de ses collègues, notamment dans l’art de la variation.
Il combina ces éléments avec la tradition
espagnole des vihuelistes et organistes.
Cabanilles peut être considéré comme
le plus grand organiste espagnol du
XVIIe siècle, qui a porté au plus haut degré
le style de Cabezón tout en s’engageant résolument dans la voie de l’orgue baroque.
CABEZÓN (Antonio de), organiste et
compositeur espagnol (Castrojeriz, près
de Burgos, 1500 - Madrid 1566).
Frappé de cécité dès son enfance, il étudia avec Garcia de Breza, organiste de la
cathédrale de Palencia, et, en 1526, fut
nommé organiste et claveciniste de la chadownloadModeText.vue.download 148 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
142
pelle royale de Castille, avant de devenir
musicien de la chambre de Charles Quint.
Il entra ensuite au service de Philippe II
et l’accompagna dans ses voyages (Italie,
Allemagne, Angleterre, Pays-Bas), ce qui
lui permit de rencontrer les principaux
musiciens des écoles étrangères. Dès lors
se firent jour des influences réciproques,
celle notamment de Josquin Des Prés
sur son style polyphonique, la sienne sur
l’école napolitaine et dans le domaine de
la variation auquel il donna une ampleur
considérable. Ce n’est que douze ans après
sa mort (1578) que son oeuvre fut publiée,
par les soins de son fils Hernando, luimême organiste et compositeur.
Cette oeuvre, presque entièrement
destinée au clavier, atteste l’importance
de sa contribution à l’avènement d’une
technique spécifiquement instrumentale,
capable de rivaliser avec les plus belles
polyphonies vocales. Mais elle pouvait
également être exécutée sur vihuela ou
harpe. La musique y reflète un mysticisme
concentré qui commande un style grave,
dépouillé et visant à la plénitude de l’harmonie. Cabezón a cultivé en maître les
deux formes propres de la musique pour
clavier en Espagne : le tiento et la variation.
CABEZÓN (Hernando), organiste et
compositeur espagnol (1541 - Madrid
1602).
Fils d’Antonio de Cabezón, Hernando succéda à son père comme organiste et compositeur de la chapelle royale. Il publia une
partie des oeuvres de son père en tablature
dans le recueil intitulé Obras de música...
(1578), dans lequel on trouve également
quelques pièces de lui ainsi qu’un Glosado
de son frère cadet Juan.
CACCIA (ital. : « chasse »).
Forme vocale prisée par les compositeurs
de l’Ars nova florentin (Gherardello, Landini) au XIVe siècle et par ses disciples (J. da
Bologna, N. da Perugia).
Deux parties vocales, généralement
assez ornées, se déroulent en canon audessus d’une teneur instrumentale. La
forme s’est répandue à Florence en même
temps que le madrigal (il n’y a pas de rapport avec le madrigal du XVIe siècle). Le
texte poétique de la caccia évoque le plus
souvent des scènes de chasse en les parsemant de cris (Feu ! feu ! ; Au secours !,
etc.) et d’effets descriptifs. Par exemple,
le Codex Squarcialupi (XVe s.), manuscrit
d’une beauté impressionnante, contient
entre autres des caccie (Gherardello, Tosto
che l’alba).
Le mot caccia est également employé
pour préciser le caractère de certains instruments de l’époque baroque (hautbois
da caccia, cor da caccia) auxquels Bach,
pour ne citer que lui, a fait appel dans ses
cantates.
CACCINI, famille de musiciens italiens.
Giulio, dit Giulio Romano, compositeur,
luthiste et chanteur (Rome v. 1550 - Florence 1618). Il apprit le chant à Rome avec
Scipione del Palla et entra au service des
Médicis à Florence, peut-être dès 1565. Il
fut, avec son collègue J. Peri, l’un des
membres fondateurs de la célèbre Camerata fiorentina, groupe de poètes et musiciens se réunissant chez le comte Giovanni
de’Bardi, surtout pendant les années 1570.
De leurs discussions et de leurs expériences
naquit peut-être l’opéra, mais d’abord
une nouvelle utilisation dramatique de
la musique, qui mettait en valeur le texte
selon la conception qu’avait l’homme du
XVIe siècle de la tragédie grecque. Il en
sortit ce que l’on appela le stile rappresentativo, en réaction contre la polyphonie
vocale qui, malgré des tendances homorythmiques, ne facilitait pas la compréhension des paroles chantées.
On attribue généralement à Caccini ou
à Peri l’invention du style récitatif, où la
musique conserve le rythme naturel du
langage parlé, avec un accompagnement
instrumental destiné à fournir un simple
soutien harmonique aux « passions » exprimées (Ho sempre procurata l’imitazione
dei concetti delle parole, Caccini, Nuove
Musiche).
En 1600, Caccini composa le Rapimento
di Cefalo à l’occasion du mariage de Marie
de Médicis avec Henri IV. Seul un choeur
final subsiste, publié dans le plus connu
des recueils du compositeur, les Nuove
Musiche (Florence, 1602). Renfermant des
madrigaux et des airs pour voix seule, cet
ouvrage constitue, tout particulièrement
dans sa préface, une source précieuse pour
notre connaissance de l’art du chant virtuose à l’époque de Caccini. Son opéra Euridice fut représenté à Florence en 1602 et,
en 1614, parut un second livre de Nuove
musiche e nuove maniere di scriverle.
La cour des Médicis résonnait non
seulement des passaggi de la belle voix de
Giulio Romano, mais pouvait apprécier
aussi les voix de sa famille (sa femme et
ses deux filles).
Francesca, chanteuse, claveciniste et
compositeur (Florence 1587 - Lucques [ ?]
v. 1640). Fille du précédent, elle a composé
des airs à 1 et à 2 voix (1618), des pièces
isolées et un ballet.
CACERES (Oscar), guitariste uruguayen
(Montevideo 1928).
Il donne son premier concert dans sa
ville natale à l’âge de treize ans. Il est l’un
des guitaristes qui défendent le mieux la
musique du XXe siècle en Amérique du
Sud. En 1957, il donne la première audition en Uruguay du Concerto d’Aranjuez
de Rodrigo. Au Brésil, il étudie la musique
populaire et rencontre le compositeur
Pixinguinha, ce qui lui permet d’aborder
en connaisseur les oeuvres de Villa-Lobos :
il donne les premières auditions à Rio de
la Suite populaire brésilienne en 1958, du
Concerto pour guitare et orchestre en 1963
et, en 1964, il joue en duo avec Jacob de
Bandolim. En 1967, il fait ses débuts à
Paris. Avec son partenaire Turibio Santos, il étend son répertoire aux pièces de la
Renaissance et de l’époque baroque.
CACHUCHA.
Danse andalouse, proche du boléro, de
tempo modéré, et généralement notée à
3/8.
C’est une danse de soliste, à l’origine
chantée et accompagnée à la guitare. Elle
fut introduite au théâtre, sans doute par
le chorégraphe Jean Coralli, dans le ballet
le Diable boiteux de Casimir Gide, dansé à
Paris par Fanny Elssler en 1836.
CACOPHONIE.
Assemblage discordant de voix ou d’instruments qui chantent ou jouent sans être
d’accord, produisant un effet désagréable
à l’oreille.
Son contraire est euphonie.
CADÉAC (Pierre), compositeur français
(XVIe s.).
En 1556, il était maître des enfants de la
cathédrale d’Auch. Il publia chez les éditeurs parisiens Le Roy et Ballard diverses
oeuvres dont un livre de Moteta 4, 5 et 6
vocibus (1555), ainsi que trois messes à 4
voix (1558). La messe Alma Redemptoris
parut chez N. Du Chemin en 1556. Il faut
y ajouter trois autres messes, des motets (2
à 6 voix), des chansons à 4 voix, telles que
Je suis déshéritée, d’un style simple, d’une
grande pureté d’expression, qui évoque
celui de Cl. de Sermisy.
CADENCE (en ital. cadenza : « chute «).
1. Au sens général, la cadence désigne le
mouvement régulier des battues de temps.
2. En harmonie, on appelle cadence certains enchaînements d’accords introduisant dans le discours musical un caractère
de ponctuation grammaticale plus ou
moins conclusive. La cadence parfaite (dominante, V - tonique, I) est la plus conclusive de toutes. Cette signification conclusive de la cadence V-I ne s’est dégagée que
peu à peu, durant le XVe siècle où de la perception mélodique on passe à la perception
harmonique. L’enchaînement de la sousdominante (IV) à la tonique (I), la cadence
plagale, est également conclusif, mais de
manière moins affirmative, et est souvent
doté d’un sens allusif de caractère religieux. Cette cadence emprunte son nom
à sa présence fréquente dans l’accompagnement des « modes plagaux » du plainchant au XIXe siècle. La réunion de ces deux
cadences donne la cadence complète, ainsi
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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nommée parce que toutes les notes de la
tonalité y sont exprimées. On appelle parfois cadences modales celles qui amènent la
tonique par d’autres degrés que V ou IV.
On les désigne par le numéro du degré employé (II, III, VI), le VIIe étant inusité. Si,
au lieu d’aboutir sur un accord « solide »
à son état fondamental, la cadence se fait
sur un renversement de ce même accord,
la fondamentale n’étant plus à la basse, la
cadence est dite imparfaite pour le premier
renversement (chiffrage 6/3) et ouverte
pour le deuxième renversement (chiffrage
6/4). Cette dernière cadence introduit traditionnellement la cadence de soliste (v. §
3) dans le concerto classique (Haydn, Mozart). Lorsque l’accord de dominante (V),
après avoir fait supposer une cadence à la
tonique, mène de manière imprévue vers
un autre degré, la cadence est dite rompue
ou évitée. L’inversion de la cadence parfaite (V-I) entraîne un mouvement cadentiel concluant sur la dominante (I-V), de
caractère suspensif. Elle prend généralement le nom de demi-cadence. Parmi les
autres cadences, citons une variante de la
cadence parfaite employée dans l’opéra
italien ancien, la cadence italienne (II-IV-I), et également diverses cadences dites
modales et caractérisées par l’absence de
notes sensibles (dorien, phrygien, mixolydien). Dans la table d’exemples, ces
cadences sont données sous leur forme la
plus simple. Bien entendu, de nombreuses
variations peuvent exister, et l’exemple O
(cadence plagale amollie), variante de B, en
donne un spécimen.
3. Dans un concerto de soliste, on attribue
le nom de cadence à un intermède, généralement placé vers la fin du morceau et
souvent introduit par la cadence ouverte
(accord de 6/4), pendant lequel l’orchestre
d’accompagnement s’interrompt pour
laisser au soliste le temps de montrer son
savoir jusqu’à ce qu’un signal convenu
(souvent un trille prolongé) lui rende la
parole. À l’origine, les cadences n’étaient
pas écrites ; cette habitude apparut vers la
fin du XIXe siècle.
4. Par analogie avec les cadences de
concerto, les chanteurs donnent parfois
le nom de cadence à des additions non
écrites, improvisées, fréquentes dans
l’opéra italien jusqu’à la fin du XIXe siècle.
5. Dans la littérature de chant et de clavier
des XVIIe et XVIIIe siècles, la cadence figurait sur la liste des agréments à exécuter. Le
plus souvent, cet ornement correspondait
en fait au tremblement, équivalent de notre
trille usuel.
CADMAN (Charles Wakefield), composi-
teur américain (Johnstown, Pennsylvanie, 1881 - Los Angeles 1946).
Il étudia à Pittsburgh et fut chef de chorale et organiste avant de pouvoir vivre de
sa musique grâce au succès populaire de
quelques-unes de ses chansons, notamment At Dawning, qui dépassa le million
d’exemplaires vendus. Sans considérer
pour autant les thèmes de la musique indienne comme la base spécifique de la musique américaine, il en emprunta un grand
nombre dans ses pages symphoniques
ou dans ses opéras (Shanewis, 1918 ; The
Sunset Trail, première représentation en
1922), ceux-ci évoquant d’ailleurs souvent
les rapports des Indiens avec les Blancs.
Cadman s’intéressa aussi au transcendantalisme (The Garden of Mystery, d’après
Hawthorne, première représentation en
1925).
CAESAR (Rodolfo), compositeur brésilien (Rio de Janeiro 1950).
Formé à la musique électroacoustique au
stage du Groupe de recherches musicales
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de Paris, où il a réalisé Curare (1974) et
Tutti Frutti (1975), oeuvres prometteuses,
il s’est installé ensuite à Rio de Janeiro
pour continuer sa création (Curare II,
1977) et collaborer, comme « artiste sonoplastique », avec des créateurs d’autres disciplines, peintres, sculpteurs, etc.
CAFFARELLI (Gaetano MAJORANO, dit),
castrat sopraniste italien (Bitonto 1710 Naples 1783).
Élève de Cafaro (d’où son surnom), il
travailla avec le compositeur Porpora à
Naples et débuta à Rome en 1726. Il devint
rapidement célèbre, tant dans les grands
théâtres italiens que dans toute l’Europe.
Il chanta à Paris, à Londres dans des opéras de Haendel dans la lutte de ce dernier
contre Hasse et... Porpora ! Il chanta également aux côtés du grand Farinelli.
Caffarelli fut un technicien miraculeux
de l’art du bel canto à son apogée ; spécialisé dans des rôles féminins, il eut une
réputation légendaire, aux dires de ses
contemporains, malgré une certaine froideur et des excès de virtuosité.
CAGE (John), compositeur américain
(Los Angeles 1912).
Doué pour tous les arts, il songea d’abord à
une carrière pianistique ou littéraire, puis
hésita entre la peinture (il devait encore
exposer une série de lithographies à New
York en 1969) et la musique. Il choisit
celle-ci sur les conseils de Henry Cowell,
son professeur de composition à New
York, et poursuivit ses études avec, entre
autres, Arnold Schönberg à l’université de
Californie du Sud (1934-1937). Une commande de musique de film l’orienta très tôt
vers la percussion : il fonda un ensemble
de batteurs, organisa des concerts sur la
côte ouest des États-Unis et devint accompagnateur de la classe de danse de Bonnie
Bird (où se forma Merce Cunningham) à
la Cornish School de Seattle (1937-1939).
Après avoir enseigné à la School of Design
de Chicago (1941-42), il s’établit à New
York, commença de collaborer avec Merce
Cunningham (il devait devenir directeur
musical de sa compagnie, dès sa création,
en 1952), et noua d’étroites relations dans
le milieu international de la peinture (Max
Ernst, Peggy Guggenheim, Mondrian, plus
tard Rauschenberg, Jasper Johns et Marcel
Duchamp) tout en étudiant particulièrement, en musique, Anton Webern et surtout Erik Satie.
À la fin des années 1940, Cage entreprit
son initiation à la philosophie orientale
et au zen (avec Daisetz Suzuki). En 1950
débuta sa collaboration avec le pianiste
David Tudor. Il lança, en 1952, avec Earle
Brown, Christian Wolff et Morton Feldman, le Project of Music for Magnetic Tape
(premier groupe américain à produire
de la musique pour bande), et de 1948 à
1952, participa aux cours d’été de Black
Mountain, où il donna avec la Compagnie
Merce Cunningham Theater Piece (1952),
probablement le premier happening à
s’être jamais déroulé aux États-Unis. En
1954, une tournée en Europe (Donaueschingen lui avait commandé deux oeuvres
qui allaient devenir deux pièces superposables) le conduisit dans des hauts lieux
de la musique contemporaine, comme
Cologne, Milan et Paris (où il avait déjà
séjourné en 1949 et rencontré Boulez et
Schaeffer). Le groupe Cage-FeldmanTudor-Wolff devait dès lors jouer un
rôle déterminant, voire historique, dans
la diffusion de l’avant-garde américaine,
et Cage lui-même devait devenir sur le
plan esthétique, voire philosophique, le
point de mire de toute une génération de
compositeurs, surtout après les cours (la
Musique comme processus) qu’il donna
à Darmstadt en 1958 : il dynamisa alors
le courant européen de la musique aléatoire - terme que lui-même ne devait jamais faire sien - inauguré en 1957 par le
Klavierstück XI de Stockhausen. Toujours
en 1958, il prononça au pavillon français
de l’Exposition universelle de Bruxelles sa
conférence Indeterminacy (« Indétermination »), et séjourna quatre mois au Studio
de phonologie de la R. A. I. à Milan, tandis
que le scandale de la première audition
du Concerto pour piano et orchestre (oeuvre
utilisant 84 systèmes de notation différents) consacrait au Town Hall de New
York ses vingt-cinq années de création.
Depuis 1966, John Cage a été compositeur en résidence aux universités de l’Illinois, de Californie (Davis), de Cincinnati
et à l’université wesleyenne. En 1969, il a
été élu au National Institute of Arts and
Letters.
Cage est un de ceux à qui l’on doit une
nouvelle façon non plus de « penser en
musique », mais de « penser la musique ».
Il a introduit dans l’art des sons, selon une
démarche tout à fait à l’opposé de celle
d’un Pierre Boulez, la notion d’indétermination, l’idée de hasard et une conception
neuve du silence, écrit pour des sources
sonores et des exécutants non spécifiés
quant à leur nombre et à leur nature, et récusé la notion traditionnelle d’oeuvre musicale. Il commença en utilisant de façon
quasi sérielle une échelle de 25 demi-tons
(Six Brèves Inventions, Sonate pour 2 voix,
Sonate pour clarinette), mais se détourna
vite de cette méthode, la recherche d’un
substitut à la tonalité défaillante ne l’ayant
jamais intéressé en soi. Beaucoup de ses
innovations remontent dans leurs principes à la fin des années 1930. Il s’attacha alors aux structures fondées sur le
rythme et le temps, et s’interrogea sur la
nature des sons écoutés pour eux-mêmes,
en dehors de toute culture ou « avant la
culture « : d’où First Construction (in
Metal) pour percussions (1939), ou encore
Living Room Music (1940), ouvrages témoignant d’une nette indifférence envers
la « valeur » en soi du matériau sonore,
mais reculant comme chez Varèse les
frontières de l’art musical. De la même
époque datent ses premiers essais de musique électroacoustique avant la lettre :
ainsi Imaginary Landscape No 1 pour deux
électrophones à vitesse variable, enregistrements de sons sinusoïdaux, piano
avec sourdine et cymbales (1939). Dans
Imaginary Landscape No 4 (1951), il devait
faire appel à 12 radios, 24 exécutants et un
chef ; dans Cartridge Music (1960), à des
micros de contact mettant en évidence des
événements sonores jusqu’alors imperceptibles ou rejetés ; et pour la création
de Variations II (1961) + III (1963), à un
micro de contact de gorge amplifiant la
déglutition d’un verre d’eau.
L’invention la plus célèbre de Cage, celle
du piano préparé - consistant à loger entre
les cordes de l’instrument, ou ailleurs, des
corps étrangers destinés à en modifier les
sonorités et les propriétés acoustiques, et
de façon plus fondamentale à accroître
l’imprévisibilité du résultat sonore -, date
de 1938 (Cage pallia ainsi l’impossibilité
dans laquelle il s’était trouvé d’utiliser
un orchestre de percussions pour la musique du ballet Bacchanales, qui lui avait
été commandée par la danseuse Syvilla
Fort) : de cette invention, les Sonates et
Interludes (1946-1948), aux remarquables
structures rythmiques, puis le Concerto
pour piano préparé et orchestre de chambre
(1951), tirèrent le plus large parti. Après
cette exploration de l’indétermination au
niveau du matériau sonore, Cage l’étendit
à l’acte même de composer, par exemple
en se servant de diagrammes, de jets de
dés ou de pièces de monnaie. À partir de
Music of Changes (1951), et jusqu’à Empty
Words (1973-1976), il recourut volontiers
pour ce faire à la méthode I-Ching, recueil
d’oracles de la Chine ancienne permettant
d’effectuer des opérations de consultation
du sort et ainsi d’éliminer tout critère de
choix subjectif tout en préservant dans le
« produit fini » une structure, une forme :
le hasard intervient ici au niveau de la
composition, non de l’exécution.
Ce « hasard » devait prendre chez
Cage (y compris et surtout au niveau de
l’exécution) d’autres aspects de moins en
moins compatibles avec la notion traditionnelle de structure : détermination des
notes dans l’espace de la feuille-partition
en fonction des imperfections du papier
dans Music for Piano (1953-1956) ou
dans le Concerto pour piano et orchestre
(1957-58) ; calques transparents superposables ad libitum dans les Variations
I-IV (1958-1963) et VI (1966) ; examen
de cartes astronomiques anciennes dans
Atlas Edipticalis (1961) ou dans Études
australes (1976). Cette pluralisation des
techniques de hasard semble bien être un
abandon de toute prétention à la strucdownloadModeText.vue.download 151 sur 1085
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ture, une volonté de court-circuiter à
tous les niveaux les aspects intellectuels
du choix. Il ne s’agit pas pour autant de
privilégier le hasard en soi, ce qui ressortirait encore à la logique, mais plutôt
d’une tentative pour se rapprocher de la
nature, pour libérer le son, mais aussi
le silence. Dans 4’33’’ pour n’importe
quel(s) instrument(s) [1952], pièce la plus
indéterminée et la plus « silencieuse » qui
soit, aucun son ne doit être produit, et
ce pour montrer que de toute façon il en
existe, qui doivent être entendus. Il n’y
a pas non-oeuvre : c’est l’ambiance qui
crée l’oeuvre, la seule indication précise
étant celle de durée. Le souci de ne pas se
couper de la nature apparaît aussi dans le
fait qu’à de rares exceptions près, comme
Fontana Mix (1958), composé au studio
de la R. A. I. à Milan, Cage répugna à utiliser la bande seule : Bird Cage, donné en
1972 dans un espace où les gens étaient
libres de bouger et les oiseaux de voler,
met en jeu douze bandes magnétiques
en superposition avec Monbird de David
Tudor, et Lecture on the Weather (1976)
est pour douze voix, bande magnétique et
film. Dans HPSCHD pour 1 à 7 clavecinistes et 1 à 51 magnétophones, composition à l’ordinateur entreprise avec Lejaren Hiller à l’université de l’Illinois, est
généralisée la technique du collage. On a
parlé à propos de Cage de néo-dadaïsme,
d’anarchisme, de provocation et même
d’entreprise de dégradation, alors que
s’il nous propose d’oublier les relations
que nous trouvions dans l’art auparavant,
c’est pour ne plus limiter la musique à
une activité cérébrale, abstraite et élitiste.
Avec lui, l’oeuvre est présentée comme
une action - il parle d’acteur (performer)
plus que de musicien ou d’interprète - et
le geste comme générateur de sons. La
musique est donc théâtre, « un autre mot
pour désigner la vie « : en témoigne par
exemple une de ses productions les plus
récentes, Roaratorio, an Irish Circus on
Finnegans Wake (1980). Mieux, sa démarche est un éveil à la fête par la participation que ses oeuvres réclament : ainsi
33 1/3 (1969) pour une douzaine d’électrophones et 250 disques que le public
doit faire passer, ou Musiccircus (1967,
1970 et 1973), où la déambulation d’une
source sonore à l’autre est indispensable.
Trente Pièces pour cinq orchestres (1981)
est une oeuvre dont l’autre titre, À la surface, fait référence à Thoreau. Une de ses
dernières oeuvres est One Hundred and
One pour orchestre (Boston, 1989).
Pour Cage, la musique était un fait
social, et il resta profondément persuadé
que dans la mesure où dans et par sa
musique il contestait par exemple l’hégémonie du chef ou la dictature du compositeur, pour s’attacher au contraire à
la créativité de l’interprète, à l’indépendance et à la dignité de chacun (qu’il soit
auditeur ou exécutant), ou à l’obligation
d’une écoute réciproque avant toute
intervention, c’est l’ordre social qu’il
remettait en question.
CAHEN (Robert), compositeur français
(Valence 1945).
Il est membre du Groupe de recherches
musicales de Paris de 1971 à 1973, puis
chargé de recherche en « vidéoacoustique » à l’Institut national de l’audiovisuel. Ses musiques électroacoustiques
(Craie, 1971 ; Masques 2, 1973 ; la Nef des
fous, 1975 ; Masques 3, 1978, pour piano et
bande) comme ses courts-métrages, dont
il réalise fréquemment la bande sonore,
manifestent un don mélodique incontestable et un univers personnel et sensible
de poète.
CAHIER (Mme Charles), contralto américaine (Nashville, Tennessee, 1870 - Manhattan Beach, Californie, 1951).
Un certain mystère entoure sa biographie,
au point que les archives du Metropolitan
contiennent des lettres de sa petite-fille
demandant des renseignements sur sa
carrière ! Née Sarah-Jane Layton Walker,
elle débute sous le pseudonyme de Morris Black, puis est engagée par Mahler à
l’Opéra de Vienne. Elle chante de 1907 à
1911 notamment le rôle-titre de Sansom
et Dalila de Saint-Saens. En 1911, elle par-
ticipe à la création posthume du Chant de
la terre sous la direction de Bruno Walter. Mariée en 1905 à un aristocrate suédois, elle quitte Vienne en 1912 et devient
professeur à New York. Parmi ses élèves
figurent Marian Anderson et Lauritz Melchior. En 1930, elle enregistre, avec l’orchestre du Staatsoper de Berlin dirigé par
Selmar Meyrowitz, deux lieder de Mahler,
prestation considérée comme un témoignage d’une éventuelle tradition vocale
mahlerienne.
CAHUSAC (Louis de), librettiste, dramaturge et théoricien de la danse français
(Montauban v. 1706 - Paris 1759).
Il est surtout connu aujourd’hui pour
avoir été le collaborateur le plus fidèle de
Rameau, écrivant notamment le livret de la
tragédie lyrique Zoroastre (1749), ainsi que
ceux des opéras-ballets (les Fêtes de Polymnie), des pastorales héroïques (Zaïs, Naïs)
et probablement de la tragédie lyrique
les Boréades (1764), non représentée. Il a
écrit un important traité intitulé la Danse
ancienne et moderne (1754), où il tente de
réhabiliter la pantomime dans le ballet
académique et où il étudie sérieusement
la danse antique, en particulier celle des
Romains.
CAILLARD (Philippe), chef de choeur
français (Paris 1924).
Après avoir été instructeur national du
mouvement « À coeur joie », il a fondé
un ensemble vocal portant son nom,
spécialisé tout d’abord dans l’interprétation des oeuvres de la Renaissance, mais
dont le répertoire s’est étendu peu à peu.
Il a transcrit et édité de la musique vocale ancienne.
CAILLAT (Stéphane), chef de choeur
français (Lyon 1928).
Il a fait ses études musicales à Lyon et à
Paris (harmonie, contrepoint, orgue, direction d’orchestre), puis fondé et animé
la chorale, l’ensemble vocal et le quatuor
vocal qui portent son nom. Il dirige également l’ensemble Per cantar e sonar, créé
en 1977 et spécialisé dans l’interprétation
de la musique de la Renaissance. Son répertoire, très varié, comprend également
des oeuvres contemporaines. Il a harmonisé des chants populaires et composé des
oeuvres pour choeur : Illuminations (1973),
Cantique (1974), Qui ? Quoi ? Comment ?
(1975), Ma vie avec la vague (1980). Il a été
de 1979 à 1993 directeur artistique du Festival d’art sacré de la Ville de Paris.
CAISSE CLAIRE.
Instrument à percussion de la famille des
membranophones.
Son aspect extérieur est à peu près celui
du tambour, en plus plat, et sa peau inférieure, dite « peau de timbre », est doublée par une nappe transversale de 12 à
24 ressorts métalliques qu’un dispositif
déclencheur amène facultativement à son
contact. Ces ressorts entrent en vibration quand les baguettes (ou les balais)
attaquent la peau supérieure, dite « peau
de frappe », et renforcent le caractère sec,
percutant, de la sonorité de l’instrument.
CAISSE DE RÉSONANCE.
Corps des instruments à cordes, dont la
cavité sert à amplifier la vibration de ces
dernières.
La caisse est voûtée, étant formée d’un
fond galbé, d’une table percée de deux
ouïes ou d’une rosace, et parfois d’éclisses.
Dans certains instruments, notamment
orientaux, c’est la table qui est galbée et
le fond plat.
CAIX D’HERVELOIS (Louis de), violiste et compositeur français (Amiens v.
1680 - Paris 1760).
Il fut l’élève du grand virtuose de la viole
Marin Marais et du mystérieux Monsieur
de Sainte-Colombe. Sa réputation fut
grande de son vivant. Il publia six livres
de Pièces de viole pour une ou deux violes
et basse continue (Paris, 1719-1751), trois
recueils de Pièces pour la flûte traversière et
basse continue (Paris, 1726, 1731, 1736) et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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un livre de Pièces pour pardessus de viole
(1751). Si plusieurs de ses oeuvres ont souvent figuré dans le répertoire traditionnel des violoncellistes, elles conviennent
mieux à l’instrument pour lequel elles
furent conçues et dont la technique est
bien différente.
CALANDO (ital. : « baisser »).
Terme exprimant une notion de diminution de sonorité en même temps qu’un
ralentissement du mouvement.
CALATA.
Danse italienne des XVe et XVIe siècles, de
mouvement rapide.
D’origine populaire, elle s’apparente à
la basse danse, et est mise à l’honneur par
les musiciens de cour. On peut trouver des
exemples de la calata dans une publication
de O. Petrucci, Intavolatura di lauto, livre
IV (Venise, 1508).
CALDARA (Antonio), compositeur italien (Venise 1670 - id. 1736).
Élève de Legrenzi, il fut violoncelliste et
chantre à Saint-Marc de Venise, maître de
chapelle du duc de Mantoue (1700-1707),
compositeur attaché au théâtre San Giovanni Crisostomo à Venise (1707-1709),
maître de chapelle du prince Ruspoli à
Rome (1709-1716). Ayant, durant l’été
1708, collaboré à Barcelone aux fêtes des
noces du prétendant (contre Philippe V)
au trône d’Espagne, il fut appelé plus tard
à Vienne par ce souverain, devenu empereur sous le nom de Charles VI. Nommé
en 1716 vice-maître de chapelle impérial
sous l’autorité de Johann Joseph Fux, il
demeura à Vienne jusqu’à sa mort.
Sa production fut immense : quelque
87 ouvrages lyriques (dont Don Quichotte,
1727 ; Mithridate, 1728 ; La Clemenza di
Tito, 1734, sur le livret de Métastase qui
fut aussi utilisé par Mozart), plus de 30
oratorios et 30 messes, des motets et
pièces sacrées diverses, une centaine de
cantates profanes, des sonates, sonates
en trio, quatuors, un septuor, des pièces
pour clavecin. Son oeuvre, qui fut connue
de Haydn, de Mozart et des compositeurs
de l’école de Mannheim, est à la croisée
des chemins entre le baroque et le préclassicisme. Son art, fondé sur un don
mélodique exceptionnel et une grande
science du contrepoint, se réfère au style
instrumental de Corelli, au style polychoral des Gabrieli, à l’opéra vénitien, mais
fait place aux prouesses vocales de l’école
napolitaine, et offre des lignes flexibles, un
lyrisme enveloppant, une intériorisation
des sentiments, qui viennent d’Europe
centrale plus que d’Italie, et annoncent
davantage l’apogée du XVIII siècle qu’ils
ne rappellent celle du XVIIe.
CALDERÓN DE LA BARCA (Pedro),
poète et dramaturge espagnol (Madrid
1600 - id. 1681).
En intégrant de plus en plus la musique au
spectacle, par des intermèdes chantés, par
des danses ou par la présence de choeurs
ou d’instruments en coulisse, Calderón a
joué un rôle non négligeable dans les premiers âges du théâtre lyrique. La première
zarzuela, El Jardín de Falerina (1648), et
le plus ancien opéra espagnol connu, La
Purpura de la rosa (de Hidalgo, 1660),
l’eurent comme librettiste. Il a également
utilisé la puissance d’évocation que permet
la musique dans les autos sacramentales,
avec des chants et des ballets.
CALINDA.
Danse des Noirs des Antilles et du sud des
États-Unis, à l’origine danse rituelle africaine accompagnée de tambours.
À l’acte II de l’opéra de Frederick Delius Koanga (1896-1897), dont l’action se
déroule dans une plantation de Louisiane
dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les
esclaves chantent et dansent « la Calinda »
durant les préparatifs des fêtes d’un mariage.
CALLAS (Maria Anna Kalogeropoulos,
dite Maria), soprano grecque (New York
1923 - Paris 1977).
Elle fit ses premières études musicales aux
États-Unis et les poursuivit en Grèce où
elle s’installa en 1937. Elle débuta en 1939 à
Athènes dans Santuzza de Cavalleria Rusticana de Mascagni et devint l’élève d’Elvira
de Hidalgo au conservatoire d’Athènes.
Entrée à l’opéra de cette ville en 1941, elle
y interpréta une grande variété de rôles.
Après avoir sans succès tenté sa chance
aux États-Unis, elle se fit remarquer en
1947 aux Arènes de Vérone dans La Gioconda de Ponchielli. Elle chanta alors en
Italie des rôles de grande soprano dramatique : Turandot dans l’opéra de Puccini,
et des héroïnes de Wagner (Isolde dans
Tristan et Isolde, Kundry dans Parsifal,
Brünhilde dans la Walkyrie). Mais, appelée
en 1949 à Venise pour remplacer au pied
levé Margherita Carosio dans les Puritains
de Bellini, elle découvrit son véritable uni-
vers, celui du bel canto romantique italien,
où elle devait s’affirmer de façon incomparable, ressuscitant un type de voix dramatique, mais capable de souplesse et de
virtuosité, qui avait disparu.
À la Scala de Milan, où elle débuta en
1950, Maria Callas inaugura une ère nouvelle, une grande partie du répertoire de
ce théâtre étant choisie en fonction de
sa présence. Elle y chanta des partitions
auxquelles son nom est resté attaché, soit
chefs-d’oeuvre célèbres dont elle proposait une vision nouvelle, soit oeuvres
partiellement ou totalement oubliées, de
la résurrection desquelles elle est à l’origine : Norma, la Somnambule et le Pirate
de Bellini, la Vestale de Spontini, Médée
de Cherubini, Alceste et Iphigénie en Tauride de Gluck, Anna Bolena, Poliuto et
Lucie de Lammermoor de Donizetti, Macbeth, les Vêpres siciliennes et La Traviata
de Verdi, sans oublier, dans le registre
bouffe, le Turc en Italie de Rossini. Dans le
même temps, Maria Callas chantait dans
le monde entier, célébrée comme aucune
autre cantatrice du XXe siècle ne l’avait
été. En 1962, alors que ses moyens vocaux
déclinaient, elle s’installa à Paris. En 1963
et 1965, elle donna quelques représentations de La Tosca et Norma à l’Opéra de
Paris et au Covent Garden de Londres, et,
quoiqu’elle eût été par la suite fréquemment annoncée et même affichée, elle ne
parut plus au théâtre, se produisant seulement occasionnellement en concert.
Possédant à l’origine une étendue
vocale de près de trois octaves, avec une
technique très remarquable, notamment
dans le domaine de la vocalise, Maria
Callas était une actrice admirable autant
qu’une musicienne inspirée. La voir en
scène était une expérience inoubliable.
Son art a profondément marqué l’évolution du théâtre lyrique, tant dans le style
d’interprétation que dans l’orientation du
répertoire. Le don total de sa personne
à des rôles très divers était incompatible
avec toute prudence dans la manière de
conduire la voix, ce qui explique la brièveté de sa carrière.
CALLINET, famille de facteurs d’orgues
français, actifs dans l’est de la France
pendant un siècle environ (v. 17801890).
Le fondateur de la dynastie, François
(1754-1820), travailla avec Riepp, à Dijon,
et transmit à ses successeurs l’héritage de la
facture traditionnelle du XVIIIe siècle. Son
fils Joseph (1795-1857) fut le plus remarquable organier de la famille et parvint à
maintenir, dans la décadence de la facture
au XIXe siècle, et avant l’épanouissement
de l’orgue symphonique de Cavaillé-Coll,
un style de grande tenue. Les quelque 150
instruments signés par les Callinet valent
par la qualité de leur mécanique et de
leur harmonisation. D’autres membres de
cette illustre famille sont Claude-Ignace
(1803-1874), frère de Joseph, Louis-François (1834 - v. 1890), fils de Claude-Ignace,
ainsi que le cousin des frères Callinet,
Louis (1786-1846), qui s’établit à Paris.
CALMEL (Roger), compositeur français
(Béziers 1921).
Élève, au Conservatoire de Paris, de Simone Plé-Caussade pour le contrepoint et
la fugue, de Jean Rivier et Darius Milhaud
pour la composition, il a reçu le grand
prix musical de la Ville de Paris (1958)
et diverses autres récompenses. Musicien
minutieux, il fait usage dans une certaine
mesure des techniques dodécaphoniques,
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mais son écriture à l’harmonie riche, parfois violemment dissonante, reste caractérisée dans l’ensemble par une belle inspiration mélodique et une allure noble. Il a écrit
une symphonie, des oeuvres concertantes,
des suites et poèmes symphoniques, de la
musique théâtrale (le Jeu de l’amour et de la
mort, d’après Romain Rolland, 1966), des
mélodies et cantates pour solistes (Cantate du jardin des Oliviers, pour baryton,
clavecin et cordes, 1971 ; 5 Nocturnes pour
mezzo-soprano et ensemble instrumental,
1973, etc.), des oeuvres chorales à caractère
profane (Cantate de la vigne, 1974) ou religieux (Marie au Calvaire, oratorio d’après
Péguy, 1977), Requiem à la mémoire de la
reine Marie-Antoinette (1993).
CALONNE (Jacques), compositeur belge
(Mons 1930).
Il a travaillé au conservatoire de Mons
(1944-1947), puis avec Jean Absil, et a
poursuivi des études personnelles. Il a
suivi les cours d’été de Boulez et Stockhausen à Darmstadt, où plusieurs de ses partitions ont été créées et où il a obtenu un
prix de composition en 1962. S’adonnant,
parallèlement à la musique, à une activité
picturale et littéraire, il a écrit notamment, pour orchestre : Chances (1961),
Orbes (1965) ; pour instrument seul :
Quadrangles pour piano (1959), Fenêtres
et boucles pour piano (1960), Cahier pour
violoncelle (1961) ; pour ensembles de
chambre ou formations instrumentales
diverses : Métalepses pour 9 exécutants
(1957), Album pour quatuor (1958), Pages
pour 19 instruments (1959), Tome pour
2 pianistes et 3 percussionnistes (1962),
Scolies pour orchestre de chambre (1964),
Mutations pour 2 à 5 pianos (1972-1975),
Partiels pour violoncelle et 12 autres solistes (1974-1976).
CALVÉ (Emma), soprano française (Decazeville, Aveyron, 1858 - Millau, Aveyron, 1942).
Elle fit des études de chant à Paris et débuta à Bruxelles en 1882 dans le rôle de
Marguerite de Faust de Gounod. Après
de nouvelles études à Paris avec Mathilde
Marchesi, elle entra à l’Opéra-Comique en
1886 et acquit une renommée internationale. Sa personnalité très particulière résultait de la fusion d’une technique vocale
remarquable, appuyée par une grande virtuosité, et d’un talent d’actrice exceptionnel, tourné vers un réalisme parfois violent. Massenet écrivit pour elle Sapho et la
Navarraise. Elle fut une interprète illustre
du rôle de Carmen dans l’opéra de Bizet.
CALVIÈRE (Antoine), organiste et compositeur français (Paris v. 1695 - id.
1755).
Disciple de François Couperin, il fut organiste à la basilique de Saint-Denis et en
diverses églises de la capitale, pour devenir
finalement titulaire de l’orgue de NotreDame (1730) et succéder à Marchand en
tant qu’organiste de la chapelle royale
(1738). Il fut réputé pour sa virtuosité et
surtout pour son talent d’improvisateur.
De ses compositions pour orgue, il ne subsiste qu’un Récit de cromorne en taille.
Il a également écrit des motets à grand
choeur, aujourd’hui perdus.
CALVIN (Jean), réformateur français
(Noyon 1509 - Genève 1564).
Alors qu’en Allemagne Luther réservait
à la musique une large place dans le service sacré, Calvin lui assigna un rôle beaucoup plus étroit. Proscrivant l’usage de
l’orgue et celui de la polyphonie, il n’admit
à l’église que le chant à l’unisson, et le
borna pour les textes (à quelques exceptions près) aux psaumes de l’Ancien Testament. Le premier recueil de chants de
réformés de France, Aulcuns Pseaulmes et
cantiques mys en chant, fut publié en 1539
à Strasbourg. Dans ce recueil se trouve
le psaume LXVIII (le célèbre psaume
« des Batailles ») dont la mélodie est de
Mathias Greiter, musicien strasbourgeois. Le psautier huguenot, comprenant
les 150 psaumes de David, fut achevé en
1562. Clément Marot et Théodore de Bèze,
pour les textes, Loys Bourgeois, pour les
chants, en furent les principaux auteurs.
Calvin veilla à son unité et à son austérité.
Il voulait que le chant des psaumes « ne
soit ni léger ni volage, mais qu’il ait poids
et majesté ». Sans doute n’a-t-il pas joué,
dans l’histoire de la musique française, un
rôle comparable à celui de Luther pour la
musique allemande. Toutefois, c’est dans
le climat spirituel du calvinisme que se
sont développés, dès 1546, les psaumes polyphoniques qui, pour n’être pas destinés
à l’église, n’en sont pas moins, sous les signatures de Pierre Certon, Loys Bourgeois,
Claude Goudimel, Paschal de L’Estocart,
Claude Le Jeune, des pages maîtresses de la
musique religieuse française.
CALVISIUS (Sethus), compositeur, théoricien, astronome et érudit allemand
(Gorsleben, Thuringe, 1556 - Leipzig
1615).
Il fit ses études aux lycées de Frankenhausen et Magdebourg, puis aux universités
de Helmstedt et Leipzig. Il fut cantor successivement à la Paulinerkirche de Leipzig (1581), à Schulpforta (1582-1594) et
à Saint-Thomas de Leipzig (1594-1615).
Il a laissé des hymnes, des bicinia, des
psaumes, des motets et des traités (Melopoeia sive Melodiae condendae, Erfurt,
1592 ; Compendium musicae practicae pro
incipientibus, Leipzig, 1594, etc.), qui ont
contribué à l’évolution du style contrapuntique au style harmonique.
CALVOCORESSI (Michael Dimitri), musicologue et critique musical italien d’ascendance grecque (Marseille 1877 - id.
1944).
Autodidacte en grande partie, il commença sa carrière de critique dans l’Art
moderne belge, la Renaissance latine, puis
devint correspondant du Monthly Musical
Record. Sa correspondance avec Balakirev
à partir de 1905 l’amena à s’intéresser particulièrement à la musique russe, dont il se
fit le propagateur. Il fut l’un des principaux
conseillers de Diaghilev lors de ses premières saisons parisiennes. Ses ouvrages,
surtout son Moussorgski (1908), son Glinka
(1911) et Masters of Russian Music (1936,
en collaboration avec G. Abraham) font
encore autorité. On lui doit aussi les traductions françaises des livrets de Boris Godounov et du Coq d’or, ainsi que du Traité
d’orchestration de Rimski-Korsakov.
CALZABIGI (Ranieri de), écrivain et librettiste italien (Livourne 1714 - Naples
1795).
Après des études à Livourne et à Pise, il
commença sa carrière de librettiste à
Naples, comme imitateur de Métastase.
Puis il se rendit à Paris, où, en 1750, il
introduisit, avec Casanova, un système
de loterie. Il y fut également engagé dans
la querelle des Bouffons, ce qui l’incita
à écrire son poème héroï-comique, la
Lilliade. En 1761, il fut nommé à Vienne
conseiller de l’empereur et commença,
l’année suivante, à collaborer avec Gluck
en lui fournissant un premier livret, Orfeo
ed Euridice, suivi en 1767 et 1770 de ceux
d’Alceste et de Paride ed Elena. Après son
retour, en 1780, en Italie, où il passa les
dernières années de sa vie, il participa
également, en tant que librettiste, à la
création d’ouvrages lyriques de Salieri et
de Paisiello. Préconisant le retour à la tragédie des Anciens, défenseur des idées de
Gluck, Ranieri de Calzabigi joua un rôle
non négligeable dans la réforme de l’opéra.
Il s’inscrit ainsi dans ce grand courant de
pensée classique, en faveur dans la seconde
moitié du XVIIIe siècle.
CAMARGO GUARNIERI (Mozart), compositeur, chef d’orchestre et pédagogue
brésilien (Tietê, province de São Paulo,
1907).
Il a fait ses études musicales à São Paulo,
puis à Paris, en particulier avec Charles
Koechlin. De retour dans son pays, il a été
cofondateur de l’Académie brésilienne
de musique en même temps que le prin-
cipal animateur de la vie musicale à São
Paulo, ville où il a occupé notamment les
fonctions de professeur de composition
et de directeur de l’orchestre municipal.
Dans ses partitions, des éléments issus de
la tradition folklorique sont moulés dans
des formes généralement très classiques.
Son oeuvre abondante comprend des symdownloadModeText.vue.download 154 sur 1085
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phonies, des concertos pour piano, des
quatuors à cordes, des sonates, des oeuvres
pour orchestre de chambre, des cantates,
des mélodies, un opéra-comique, Pedro
Malazarte (1932), qui le rendit populaire,
et un opéra, l’Homme seul (1960).
CAMBEFORT (Jean de), compositeur
français ( ? 1605 - Paris 1661).
À partir de 1635, date à laquelle le musicien est mentionné pour la première fois,
il fit une carrière de chanteur et de compositeur à la cour. Successivement au service
des cardinaux de Richelieu et Mazarin, il
exerça plusieurs charges dépendant de la
musique de la Chambre : en 1643, celle
de maître des enfants ; en 1655, celle de
surintendant et, l’année suivante, celle de
compositeur. Il publia en 1651 et en 1655
deux livres d’airs de cour, dont il est l’un
des derniers représentants, et composa
des récits pour des ballets, notamment
pour le Ballet de la nuit, dansé en 1653. Sa
musique, dont il faut apprécier les qualités mélodiques, influença les créateurs de
l’opéra français.
CAMBERT (Robert), compositeur français (Paris v. 1628 - Londres 1677).
Élève du claveciniste Chambonnières, il
succéda à Gigault en tant qu’organiste à
l’église Saint-Honoré. Toutefois, c’est dans
le genre profane qu’il se fit connaître. Suivant l’exemple de l’opéra italien, il fut l’un
des premiers à mettre en musique une
pièce destinée à être entièrement chantée en langue française. Après la Muette
ingrate, composée en 1658 sans être représentée, ce fut la Pastorale, donnée à Issy
en avril 1659. Lors de la reprise de l’oeuvre
à la cour, en mai, Cambert fut encouragé
par Mazarin et devint en 1662 maître de
musique d’Anne d’Autriche. Il publia en
1665 des airs à boire et collabora avec le
même librettiste que celui de la Pastorale,
Pierre Perrin, à un nouvel ouvrage lyrique,
Pomone. L’écrivain, ayant obtenu en 1669
le privilège de l’Opéra, fit représenter
l’oeuvre avec faste, le 3 mars 1671, dans
ce nouveau théâtre, après en avoir confié
la direction musicale au compositeur,
qui se chargea notamment de recruter les
chanteurs. Perrin ayant été emprisonné
pour dettes, Cambert dut se tourner vers
un autre librettiste, Gilbert, pour écrire
les Peines et les plaisirs de l’amour, pastorale créée en 1672. L’achat du privilège de
l’Opéra par Lully* allait interrompre les
représentations et amener Cambert à se
rendre en Angleterre. Là, au service de
Charles II, il put fonder une « Royal Academy of Music » et donner au public en
1674 son dernier ouvrage lyrique, Ariane.
Trois ans plus tard, il mourait dans des circonstances obscures. De ses oeuvres écrites
pour la scène subsistent quelques fragments de Pomone et de les Peines et les plaisirs de l’amour, qui présentent déjà cette
alternance de récitatifs, d’airs, de duos, de
trios, de choeurs et de pièces instrumentales, comme les ritournelles et les danses,
qui constituent des éléments variés que
l’opéra français devait conserver pendant
plus d’un siècle.
CAMBIATA (ital. nota cambiata : « note
échangée »).
Terme s’appliquant à des dissonances qui
résultent du maniement des parties d’un
morceau polyphonique.
Deux sens lui sont attribués : il désigne
soit une note de passage accentuée sur un
temps fort, soit, plus souvent, d’après J.
J. Fux (XVIIIe s.), une dissonance abordée
par note conjointe et quittée par saut de
tierce descendant avant de remonter sur
une autre harmonie. Cette technique est
fréquente chez les musiciens des XVe et
XVIe siècles.
CAMBINI (Giuseppe Maria), compositeur italien (Livourne 1746 - Bicêtre,
Paris, 1825).
Il fut l’élève de Manfredi, mais il n’est
pas prouvé qu’il ait aussi travaillé avec le
fameux Padre Martini. Il fit représenter à
Naples en 1766 un opéra qui échoua complètement, et, après des aventures romanesques (il aurait été esclave en Barbarie),
s’installa en 1770 à Paris, où il fut bientôt
l’un des auteurs les plus écoutés, notamment dans le genre, alors très prisé, de la
symphonie concertante. Il joua pour la
première fois au Concert spirituel en mai
1773, et en décembre de la même année
parut son opus 1 (une série de quatuors). Il
devint un personnage influent, mais c’est
sans doute à tort qu’il fut accusé d’avoir
empêché l’exécution au Concert spirituel
en 1778 de la symphonie concertante
pour quatre instruments à vent de Mozart
(d’autant que ce dernier parla alors de
Cambini en termes assez flatteurs). Durant
la période révolutionnaire, il devint directeur de théâtre et écrivit des hymnes pour
les fêtes organisées par David. Il tomba ensuite dans l’oubli, bien qu’on trouve dans
les premières années du XIXe siècle des articles de lui dans l’Allgemeine Musikalische
Zeitung et les Tablettes de Polymnie. Il
mourut dans le dénuement, selon certaines
sources non pas à l’hospice de Bicêtre,
mais en Hollande dès 1818. On lui doit de
la musique vocale, mais c’est surtout dans
le domaine instrumental qu’il triompha
dans sa période de grande vogue. Il écrivit
ainsi des symphonies, plus de 80 symphonies concertantes, des duos et trios, des
quatuors pour diverses formations dont
près de 150 quatuors à cordes (1773-1809,
plusieurs furent attribués à Boccherini), et
plus de 100 quintettes à cordes.
CAMBRELING (Sylvain), chef d’orchestre
français (Amiens 1948).
Titulaire d’un 1er Prix de trombone au
Conservatoire de Paris, il travaille la direction d’orchestre à l’École normale de
musique de Paris avec Pierre Dervaux.
En 1974, il est lauréat du Concours international de Besançon. Il fait ses débuts
de chef d’orchestre en France à la tête de
l’Orchestre de Lyon, où il est l’assistant
de Serge Baudo de 1975 à 1981. En 1976,
Pierre Boulez l’invite à venir diriger l’Ensemble InterContemporain. Il est invité
à diriger plusieurs grandes productions
d’opéra au Palais Garnier, sous la direction de Rolf Liebermann. En 1981, il fait
ses débuts au festival de Glyndebourne
et en 1984 à la Scala de Milan. De 1987 à
1991, il est directeur musical du Théâtre
de la Monnaie de Bruxelles. En 1991, il est
nommé conseiller musical à l’Opéra de
Francfort, puis directeur général de la musique de cet établissement en 1993. Ouvert
à tous les genres musicaux, il a mené sa
carrière principalement dans le répertoire
lyrique.
CAMERA (ital. : « chambre »).
Terme s’appliquant à la sonate ou au
concerto pour distinguer une musique de
chambre (sonata da camera, concerto da
camera) de la sonate ou du concerto da
chiesa, destinés à être joués dans une église.
En principe, les différents mouvements
d’une sonata ou d’un concerto da camera
se réfèrent à des danses profanes dont
ils portent les noms, alors que les titres
des mouvements d’une sonata ou d’un
concerto da chiesa ne correspondent qu’à
des indications de tempo (adagio, allegro,
etc.).
CAMERATA FIORENTINA ou CAMERATA
DI BARDI.
Nom donné au mouvement culturel apparu à Florence vers 1575 et qui regroupa
musiciens, chanteurs, poètes et théoriciens
humanistes. On lui doit essentiellement la
naissance du genre melodramma, du stile
rappresentativo, autrement dit, de l’opéra.
Les membres de la Camerata fiorentina se réunirent régulièrement jusqu’au
début du XVIIe siècle. Ils se rencontraient
d’abord chez Giovanni de’ Bardi, comte
di Vernio et homme de grande culture.
Vincenzo Galilei, Pietro Strozzi, Ottavio
Rinuccini, Jacopo Peri, Giulio Caccini y
parlaient de musique, de poésie et d’art.
En 1592, après le départ de Bardi pour
Rome, la Camerata élut demeure chez
Jacopo Corsi.
C’était le groupe culturel le plus actif
de Florence, en matière de recherche
théorique et intellectuelle, fidèle en cela
à la tradition humaniste florentine du
XVe siècle. La musique grecque antique y
était à l’honneur. Un témoignage précieux
des activités de la Camerata nous est pardownloadModeText.vue.download 155 sur 1085
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venu avec le Dialogo della musica antica
e moderna de V. Galilei (Florence, 1581).
L’auteur y démontre la supériorité de la
monodie grecque sur la polyphonie de la
Renaissance, soulignant aussi son effet
moral, opposé à l’hédonisme de la pratique contrapuntique. Galilei et Strozzi
composèrent des oeuvres qui reflètent
parfaitement leur conception de la monodie : le premier, Lamento del conte Ugolino,
d’après la Divine Comédie de Dante, et le
second, Fuor de l’umido nido (1579), que
chanta G. Caccini. La monodie avait pour
but principal de rendre le texte intelligible
dans tous les détails, la musique n’étant
que secondaire et au service des différentes
« passions » contenues dans le texte.
Les premières oeuvres importantes
conçues selon les règles du nouveau style
furent la Dafne (1597) et l’Euridice (1600)
de J. Peri, la Rappresentazione di Anima e
di Corpo (1600), de Cavalieri, une autre
version d’Euridice de Caccini, que l’auteur des Nuove Musiche fit représenter en
1602. L’année 1607 fut marquée par un
chef-d’oeuvre absolu : l’Orfeo de Monteverdi, qui apparaît comme un mélange de
tous les styles en usage à l’époque. En cette
même année, Marco da Gagliano fonda
l’Accademia degli Elevati, qui prit la relève
de la Camerata fiorentina avec l’Arianna
de Monteverdi et une Dafne de Gagliano,
les deux oeuvres datant de 1608.
CAMPIAN ou CAMPION (Thomas),
compositeur et poète anglais (Witham,
Essex, 1567 - Londres 1620).
Il se rendit à Cambridge en 1581 et y étudia probablement la médecine et peutêtre même la physique, sans obtenir de
diplôme précis. Cependant, sa réputation dans le domaine scientifique parut, à
l’époque, aussi bien établie que sa renommée comme poète et musicien. Il mourut
à Londres et fut enterré à Saint Dunstan.
Campian publia ses premières oeuvres
dans A Booke of Ayres (1601), recueil d’airs
pour voix soliste et luth soutenus par une
basse de viole. Cet ouvrage comprend
deux livres distincts, l’un de Campian, qui
écrivit paroles et musique, l’autre de son
ami Philip Rosseter. Quatre autres recueils
devaient suivre, réunissant au total une
centaine de morceaux pour voix soliste (I
et II, v. 1613 [ ?] ; III et IV, v. 1617).
Moins élaborées que celles de Dowland,
les compositions de Campian sont néanmoins très caractéristiques du degré
d’accomplissement auquel parvinrent
les compositeurs anglais du début du
XVIIe siècle. Elles révèlent un sens remar-
quable des rapports entre la musique et
le texte, en même temps qu’une sensibilité particulièrement affinée. Campian
composa aussi plusieurs masques, dont il
écrivit paroles et musique. Il est également
l’auteur d’ouvrages théoriques.
CAMPION (François), guitariste et théorbiste français (Rouen 1680 - Paris 1748).
Guitariste et théorbiste de l’Académie
royale de musique, il publia plusieurs
ouvrages théoriques : Nouvelles Découvertes sur la guitare (Paris, 1705) ; Traité
d’accompagnement pour le théorbe (Paris,
1710) ; Traité d’accompagnement et de
composition selon la règle des octaves de
musique (Paris, 1716). Il composa de nombreuses pièces, sonatines, fugues, danses,
etc., qui exploitent toutes les possibilités
de leur instrument et sont d’une grande
richesse polyphonique.
CAMPIONI (Charles-Antoine Campion,
dit Carlo Antonio), compositeur français
(Lunéville, Meurthe-et-Moselle, 1720 Florence 1788).
Sa vie demeure mal connue. De 1764 environ à 1780, il fut maître de chapelle du
grand-duc de Toscane à Florence. Il fut à
son époque très apprécié pour sa musique
religieuse et plus encore pour ses intéressantes compositions instrumentales :
sonates à 3, duos pour violons ou pour
violon et violoncelle, sonates pour clavecin, etc.
CAMPO Y ZABALETA (Conrado del),
compositeur espagnol (Madrid 1878 - id.
1953).
Il fit ses études au conservatoire de Madrid
avec Amato, Hierro et Emilio Serrano.
Violoniste, altiste et chef d’orchestre, il
fonda l’Orchestre symphonique de Madrid et le quatuor Francès, puis le quintette
Madrid, avec Joaquín Turina. Professeur
d’harmonie au Conservatoire royal de Madrid, puis de contrepoint, fugue et composition, il mena de front ces différentes
activités et l’élaboration d’une oeuvre
abondante qui s’inscrit dans le sillage du
postromantisme germanique (influence de
Richard Strauss).
Plus que ses opéras et poèmes symphoniques, ses seize quatuors à cordes
constituent la partie la plus originale de
son catalogue et même la plus importante
contribution de l’école espagnole à la mu-
sique de chambre. Il a formé de nombreux
disciples, tels Bacarisse, Bautista, Cristobal Halffter, Manuel Parada, etc., et son
rôle d’animateur, surtout comme membre
du quatuor Francès, a été considérable
pour la connaissance de la musique instrumentale et la constitution d’un répertoire (Arregui, Villar, Chapi, etc.).
OEUVRES.
- Pièces pour orchestre. La Divine
Comédie pour choeurs et orchestre (19051908), Granada (1917), Kasida (1920),
Ofrenda a los caídos (1938), Ofrenda a la
Santísima Virgen (1944) [poèmes symphoniques]. El Viento en Castilla (1942),
Suite madrileña (1934), Concerto pour
violon (1938), Concerto pour violoncelle
(1944), Evocación de Castilla pour piano et
orchestre (1931), Fantasía castellana pour
piano et orchestre (1939).
Musique théâtrale. quinze opéras,
dont : El Avapies (1918), Bohemios (1919),
La Malquerida (1925), Lola la Piconera
(1949). - 20 zarzuelas, dont : La Flor del
agua (1912), El Burlador de Toledo (1933),
El Demonio de Isabela (1949). Musique
religieuse. 2 messes, psaumes, motets.
Ballets. Mascarada (1921), En la pradera
(1943).
CAMPRA (André), compositeur français
(Aix-en-Provence 1660 - Versailles 1744).
Fils d’un chirurgien originaire de Turin,
Campra bénéficia, dès 1674, dans sa ville
natale, à la cathédrale Saint-Sauveur, d’une
excellente formation musicale, sous la
direction de G. Poitevin. En 1681, il fut
nommé maître de chapelle à Saint-Trophime d’Arles et deux ans plus tard à SaintÉtienne de Toulouse. En 1694, il obtint le
poste de maître de musique à Notre-Dame
de Paris, poste auquel il dut renoncer en
1700, pour se consacrer au genre profane
que représentait l’opéra. Son premier ouvrage lyrique, l’Europe galante, avait connu
en 1697 un très grand succès. Il fut suivi
par une quinzaine d’opéras-ballets et de
tragédies lyriques, dont certains, comme
Hésione (1700), Tancrède (1702) ou les
Fêtes vénitiennes (1710), eurent le privilège
d’être repris plusieurs fois du vivant même
de l’artiste. Dès les premières années du
XVIIIe siècle, Campra fut chef d’orchestre
à l’Académie royale de musique et devint
à Paris un compositeur célèbre. Il donnait
des leçons au duc de Chartres, qui réu-
nissait dans son entourage des musiciens
comme Morin, Gervais et Forqueray. Professeur également du futur Régent, il allait
bénéficier de la protection de cette personnalité après la mort de Louis XIV : en 1718,
il reçut une pension annuelle de 500 livres
et, en 1722, il fut nommé sous-maître à la
chapelle royale de Versailles. Cet emploi à
la cour et celui qu’il exerçait, depuis 1721,
chez les jésuites l’amenèrent à écrire davantage pour la musique religieuse : Campra lui consacra une trentaine de motets,
une messe de requiem, des psaumes et de
nombreuses pièces, aujourd’hui presque
toutes perdues, destinées aux spectacles du
collège Louis-le-Grand. Il ne laissa plus,
en dehors de remaniements d’anciens ouvrages lyriques, qu’un seul opéra, Achille
et Déidamie, créé en 1735, et ce malgré le
poste d’inspecteur de l’Académie royale
de musique, qu’il avait reçu en 1730, en
remplacement de Destouches. Quelques
circonstances lui donnèrent, toutefois,
l’occasion de se tourner encore vers le
genre profane : il composa en 1722 pour
le prince de Conti, la Fête de l’Isle-Adam
(musique perdue) et, en 1724, à l’occasion
du mariage du duc de Chartres, le Lis et la
Rose, oeuvre qu’il inséra dans son dernier
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
150
livre de cantates, paru en 1728. En dépit
du renom dont il avait joui auprès des mécènes à la ville et à la cour, Campra passa
les dernières années de sa vie dans un très
grand dénuement et mourut en 1744 dans
un modeste logement à Versailles.
L’oeuvre de Campra doit être appréciée
dans sa diversité. Les motets et les messes
témoignent généralement d’une recherche
à la fois mélodique et harmonique, caractéristique de leur époque de création, en
dépit d’une réelle originalité, sensible notamment dans le Requiem. On y retrouve
la majesté pathétique de Delalande et
l’union des goûts français et italien, chère
aux contemporains du musicien aixois. La
sonate et la cantate, genres ultramontains
par excellence, exercèrent, avec l’opéra,
une influence notable dans l’accompagnement instrumental et dans l’alternance des
récits et des airs.
L’oeuvre lyrique du compositeur est
représentée par deux genres : l’opéra-ballet et la tragédie lyrique. Bien que Campra n’ait pas créé le premier, il a toutefois
beaucoup contribué à son épanouissement. Il a bénéficié de la vogue dont jouissait le goût pour la couleur locale, goût
que se plaisait à montrer généralement ce
spectacle. Il a su avec charme et raffinement peindre des scènes vénitiennes en
usant d’éléments directement empruntés
au style ultramontain. C’est particulièrement sensible dans le petit opéra Orfeo
nell inferi, écrit en 1699 sur des paroles italiennes, auquel on assiste à la fin du Carnaval de Venise et dans les trois cantates
qui figurent dans les Fêtes vénitiennes.
Les tragédies lyriques de Campra s’inscrivent davantage dans la tradition lullyste, que le compositeur a su toutefois
renouveler : une instrumentation recherchée et une inspiration originale lui ont
permis de laisser des pages délicates et
poétiques, comme les célèbres plaintes
des arbres de la forêt enchantée dans
Tancrède. Par là, Campra ne doit pas être
considéré comme un artiste de transition
entre Lully et Rameau, mais avant tout
comme l’un des meilleurs représentants
de l’opéra français.
CANARIE.
Danse française du XVIe siècle, originaire
d’Espagne et notée à 3/8, à 6/8 ou à 3/4.
On la trouve surtout chez les clavecinistes. Son rythme rapide s’apparente
assez à celui de la gigue.
CANCAN.
Sous ce nom, les cabarets parisiens présentent aujourd’hui une danse au mouvement
endiablé, mais rigoureusement réglée, à
peine acrobatique, presque sage. On est
loin du véritable cancan né dans les bals
publics sous le règne de Louis-Philippe,
danse libre, échevelée, issue du galop de
quadrille et écrite sur un rythme à 2/4 très
rapide. Le cancan permettait des bonds,
des écarts de jambes, des contorsions, des
déhanchements ; son caractère « dévergondé » lui valut de faire fureur durant
toute la seconde moitié du XIXe siècle.
Gavarni l’illustra dans plusieurs de ses
lithographies, et Offenbach l’utilisa dans
ses opéras bouffes.
CANCIONERO (esp. : « chansonnier »).
Recueil de chansons polyphoniques,
espagnoles ou portugaises, des XVe et
XVIe siècles.
Le plus important des cancioneros
est probablement le Cancionero musical
de Palacio, transcrit et publié en 1890
par Barbieri, puis révisé par H. Anglès.
Il réunit 463 compositions à 2, 3 ou 4
voix, parfois avec un apport instrumental, élaborées entre 1460 et 1510. Ce sont,
pour la plupart, des villancicos, des canciones et quelques pièces italiennes (frottole, strambotti), répartis en chansons de
caractère amoureux, religieux, historique
et romanesque, pastoral, burlesque, etc.
Des musiciens les plus anciens (J. Urreda,
M. Enrique, J. Cornago, Fr. de la Torre,
Badajoz ou Peñalosa) aux plus modernes
(J. del Encina, Escobar, A. de Mondejar
ou Baena), on peut y suivre l’évolution de
la technique comme moyen d’expression
lyrique ou dramatique, dans le sens d’une
simplification progressive.
D’autres cancioneros méritent d’être signalés : celui de Juan Vasquez (Villancicos
y canciones, 1551, transcrit par H. Anglès),
celui de Claudio de Sablonara, embrassant l’époque de 1590 à 1640 (publié par
Jesús Aroca), celui de la Casa de Medinacelli (transcrit et publié en 1950 par
Miguel Querol), celui d’Upsala (découvert
en Suède par Rafaele Mitjana et transcrit
par Jesús Bal) et plusieurs de moindre
importance publiés à Barcelone, Venise
ou Prague au XVIe siècle.
CANINO (Bruno), pianiste italien (Naples
1935).
Il étudie le piano et la composition au
Conservatoire de Milan, où il obtient
deux premiers prix. Lauréat des concours
de Bolzano et de Darmstadt, il consacre
d’emblée une grande part de son activité
à la musique contemporaine. Il se produit
comme pianiste et claveciniste, partenaire
de musiciens tels que Salvatore Accardo,
Itzhak Perlman et surtout la soprano Cathy
Berberian, avec qui il donne plusieurs
récitals au programme original, mêlant la
chanson, la mélodie, les contemporains.
Avec le violoncelliste Rocco Filippini et le
violoniste Cesare Ferraresi, il forme le Trio
de Milan. Parallèlement à ses activités de
concertiste, il enseigne au Conservatoire
de Milan et compose. De nombreux musi-
ciens ont composé à son intention : Berio,
Bussotti, Donatoni, Rihm, Xenakis, etc.
CANIS (Cornelius, de HONDT), compositeur flamand (Flandre v. 1510-1520 Prague v. 1561).
Chantre à Notre-Dame d’Anvers, maître
des enfants de la chapelle de Charles Quint
à Madrid (1547), il devint maître de chapelle de Marie de Hongrie, régente des
Pays-Bas, puis chapelain et chanoine de
Courtrai, avant d’entrer à la chapelle de
Ferdinand Ier à Prague. Auteur de 26 chansons françaises et d’une messe à 6 voix,
Canis a surtout excellé dans le motet ; 26
motets sur des textes latins nous sont parvenus (3 à 6 voix).
CANNABICH, famille de musiciens allemands.
Martin Friedrich ou Matthias Friedrich ( ? v. 1700 - Mannheim 1773). Flûtiste et hautboïste, il fit partie de l’orchestre
de la cour de Mannheim de 1723 à 1758
et enseigna la flûte au prince électeur Karl
Theodor.
Johann Christian (Mannheim 1731 Francfort-sur-le-Main 1798). Fils du précédent, élève de son père et de J. Stamitz,
il entra dans l’orchestre de Mannheim en
1744 et en prit la direction après la mort
de J. Stamitz (1757). Entre-temps, il avait
étudié à Rome auprès de Jomelli (1753) et
séjourné à Milan. Bientôt devenu un des
chefs d’orchestre les plus célèbres d’Europe, il se produisit à Paris (1764, 1766,
1772), et se lia d’amitié avec Mozart à
Mannheim en 1777-78. En 1778, il suivit
avec son orchestre Karl Theodor à Munich,
où il donna des concerts non plus seulement pour la cour, mais aussi en public, et
où, en 1790, il reçut la visite de J. Haydn
en route pour Londres. Il passa quelque
temps à Vienne, en 1796, et mourut durant
une visite chez son fils. Essentiellement
compositeur de musique instrumentale,
Johann Christian laissa, notamment, de la
musique de chambre et plus de 100 symphonies. À partir des années 1770, il se
consacra de plus en plus au ballet, genre
où il put donner libre cours à son talent de
coloriste (la Descente d’Hercule, les Meuniers provençaux, les Fêtes du sérail, la Foire
de village hessoise). Beaucoup de ces ballets sont perdus. On lui doit également les
opéras Azakia (1778) et les Croisés (1788),
ainsi que le mélodrame Elektra (1780).
Karl Konrad ou Karl August (Mannheim 1771 - Munich 1806). Fils du précédent, élève de son père pour le violon, il
devint en 1800 directeur de la musique à
Munich.
CANON.
1. Genre polyphonique caractérisé par la
similitude des voix qui se reproduisent
l’une l’autre avec un décalage dans le
temps. On appelle antécédent la partie proposée en premier, conséquents les parties
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
151
suivantes, qui doivent être déduites automatiquement de l’antécédent, soit telles
quelles, soit avec des modifications convenues à l’avance.
Le canon le plus simple, type Frère
Jacques, est celui dans lequel chaque voix
entre sur la mélodie de l’antécédent en
un endroit convenu de celui-ci et laisse
ensuite le canon se dérouler de lui-même,
répétant la mélodie un nombre de fois indéfini. C’est le canon perpétuel ou ouvert ;
chacun s’arrête quand il en a assez. Parfois,
on modifie le chant donné au moment de
finir ; le canon est dit fermé et la partie
modifiée porte le nom de coda. Dans certaines formes de canon, le conséquent est
plus long ou plus court que l’antécédent ;
on complète alors par des parties libres
qui échappent à l’automatisme du canon.
À côté de ces canons simples, les
contrapuntistes n’ont jamais cessé de
rechercher des procédés susceptibles de
produire des canons élaborés (intervalles,
rythmes). Par exemple, on peut faire commencer le conséquent sur un autre degré
que l’antécédent ; ce genre de canon est
désigné par l’intervalle qui sépare l’antécédent de sa réponse (canon « à la tierce »,
par exemple).
Le canon peut aussi transformer la mélodie de l’antécédent ; il peut commencer
par la dernière note et continuer de droite
à gauche (canon rétrograde, dit aussi à
l’écrevisse), ou bien remplacer chaque intervalle montant par le même intervalle
descendant et vice versa. On peut égale-
ment mélanger ces procédés et proposer
un renversement de la rétrogradation.
Sur le plan rythmique, on peut procéder
soit à un resserrement des valeurs (canon
en diminution), soit à leur élargissement
(canon en augmentation). Ce genre de
canon amène souvent à recourir à des parties libres pour combler la différence de
longueur (cf. Bach, canons de l’Art de la
fugue).
Les contrapuntistes se sont souvent
complu à présenter leurs canons sous
forme de devinette, en n’écrivant que l’antécédent et le programme et en laissant
à l’usager le soin de trouver la « résolution ». Le plus célèbre exemple de ce type
de canon énigmatique est la série proposée
par Bach dans l’Offrande musicale avec la
devise significative Quaerendo invenies
(cherchez et vous trouverez).
Il y a enfin canon multiple (double,
triple, etc.) quand plusieurs canons se
déroulent simultanément. Tel est le cas
du plus ancien canon identifié comme tel
avec certitude, un double canon anglais
sur le chant du coucou, Sumer is icumen
in (v. 1300).
De nos jours, Olivier Messiaen a appliqué le nom de canon rythmique à une
imitation ne portant que sur les valeurs,
indépendamment de l’élément mélodique.
L’emploi du mot « canon » (grec ;
« règle ») provient par dérivation de la
« règle » ou mode d’emploi qui accompagnait généralement la notation de l’antécédent. La dénomination primitive était
rotundellus ou rondellus, « qui tourne en
rond », apparenté à rota (roue) et source
du mot rondeau ; l’anglais round et l’allemand Radel se réfèrent à cette origine. Au
XIVe siècle, la chace (chasse) en France et
la caccia en Italie présentent le caractère
de canons. À partir du XVe siècle, le canon
est de plus en plus utilisé comme élément
occasionnel de polyphonie, mais, en tant
que genre, il n’est plus guère conservé que
comme divertissement « domestique « :
Haydn, Mozart, Cherubini en écriront
souvent à ce titre. Le canon possède un
abondant répertoire de caractère plus ou
moins populaire dû au fait que, sous sa
forme la plus simple, il constitue l’un des
moyens d’accès les plus aisés vers la pratique polyphonique.
Le canon était autrefois considéré
comme une variété de la fugue, bien que
ses règles soient très différentes. C’est
pourquoi Bach a pu inclure les canons (fugues canoniques) dans son Art de la fugue.
2. Par extension du sens précédent, passage en style de canon (dit aussi canonique), ou dans lequel figure un canon,
qu’il soit complet ou non, mélangé ou non
à d’autres parties non canoniques. Compris de la sorte, les canons sont fréquents
dans la musique de toutes époques depuis
le XIIIe siècle au moins, tout particulièrement dans les messes et motets de la Renaissance.
3. Dans l’Antiquité grecque, on appelait
canon harmonique l’ensemble des proportions numériques calculées sur le monocorde pour définir les intervalles, d’où le
nom de canonistes parfois donné aux harmoniciens de l’école pythagoricienne.
4. Dans la liturgie latine, le canon est la
partie essentielle de la messe, incluant la
consécration et dite à voix basse entre le
Sanctus et le Pater.
5. Canon byzantin. Avec le « kontakion », le canon est la forme la plus importante dans la musique de l’Église byzantine, mais il se trouve également dans sa
poésie. Sa période de floraison se situe aux
VIIIe et IXe siècles, et on peut citer à ce titre
le nom d’André de Crète, auteur du Grand
Canon.
CANONIQUE.
Qui fait appel au style du canon. Bach a
écrit des Variations canoniques (Kanonische Veränderungen) sur le choral « Vom
Himmel hoch ».
CANSO ou CANZO (provençal : « chanson »).
Pièce musicale et poétique des troubadours du XIIe siècle.
La forme est celle d’une série de couplets (« coblas »), pour lesquels est composée une musique originale, fondée sur les
échelles modales. Très voisin de l’hymne
et du versus latin, le canso chante l’amour
courtois avec une extrême richesse d’invention. Dépourvu d’accompagnement
dans les chansonniers, il recevait un soutien instrumental, comme l’atteste l’ico-
nographie.
Parmi les compositeurs de canso, citons
Bernard de Ventadour (Can vei l’alautzeta
mover), Jaufré Rudel (Lan can li jorn) et
Raimbaud de Vaqueiras.
CANTABILE (ital. : « chantant »).
Terme employé pour indiquer le caractère
expressif d’un morceau.
Les intervalles de la mélodie sont faciles
et son ambitus demeure moyen. La qualification de cantabile fut très utilisée au
XVIIIe siècle pour inviter les instrumentistes à jouer une mélodie en se rapprochant au maximum du style vocal du bel
canto.
De nombreux mouvements lents de
Mozart, par exemple, comportent l’indication andante cantabile.
CANTATE (en ital. cantata, de cantare,
« chanter »).
Composition vocale née au début du
XVIIe siècle en Italie.
La cantate est directement issue du madrigal ; à l’origine, elle est tout simplement
la voix supérieure de ce même madrigal,
les autres parties de l’édifice polyphonique
n’étant pas chantées, mais jouées soit par
un seul instrument comme le luth ou le
chitarrone, soit par plusieurs instruments.
C’est la monodie accompagnée de G. Caccini et ses collègues, dont 12 pièces des
Nuove Musiche pour voix seule et basso
continuo (1602) sont appelées des madrigaux. La cantate va se développer et se
partager en deux catégories : la cantate
d’église, parallèlement à l’oratorio, et la
cantate de chambre, qui est le plus souvent
un opéra en miniature. La forme se divise
en un ensemble de récitatifs et d’airs pour
une, deux et parfois trois voix, soutenues
par la basse continue (instrument à clavier
et instrument à archet) avec parfois un apport d’instruments mélodiques (1 violon,
2 violons, flûte, hautbois, etc.). La cantate
d’église doit toujours, en principe, adopter
un style d’expression plus sobre, intérieur,
tandis que la cantate de chambre est souvent passionnée, dramatique et se prête à
des effets de virtuosité. La cantate à deux
voix va devenir un terrain de prédilection
pour des expériences dans le domaine de
l’harmonie, des sauts d’intervalles inatten-
dus, et des effets particulièrement recherdownloadModeText.vue.download 158 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
152
chés, raffinés et destinés à un public de
connaisseurs (Fr. Durante).
Plusieurs pièces de Monteverdi (Tempro la cetra) peuvent déjà être assimilées à la cantate. Après des exemples de
Francesco Cavalli, Giovanni Legrenzi est
l’un des premiers musiciens de Venise à
illustrer le genre de manière importante.
À Rome, Carissimi, L. Rossi, suivis d’A.
Cesti, adoptent un style mélodique caractéristique de la musique de cette ville,
moins élaboré et plus sévère. À Bologne,
d’abord avec G. Bassani, on renouvelle la
forme de la cantate par l’adjonction d’une
ritournelle instrumentale en introduction à la pièce, la formule deux violons et
basse continue étant très fréquente. Autre
centre important, Naples : avec A. Stradella et, surtout, A. Scarlatti, la cantate
devient de plus en plus lyrique et expressive, d’une profonde richesse mélodique,
d’une grande virtuosité dans les airs et
d’un grand naturel dans les récitatifs. C’est
à Naples que l’air à da capo, forme capitale
de toute la musique baroque, se concrétise
et se perfectionne.
En France, la cantate se développe sur le
modèle italien, mais seulement vers la fin
du XVIIe siècle, avec, par exemple, la cantate de M.-A. Charpentier Coulez, charmants ruisseaux. Suivent les cantates françoises de J.-B. Morin, d’A. Campra, de N.
Bernier, de L.-N. Clérambault ; M. Pignolet de Monteclair et Rameau écrivent de
véritables petits opéras, conçus pour une
ou deux voix le plus souvent, avec ou sans
instruments obligés. Bien que la cantate
française soit considérée comme un genre
mineur, elle tient une place importante
dans le développement de la musique dramatique en France.
La cantate d’église en France, à la même
époque, ne prend pas le nom de cantate,
mais existe néanmoins sous forme de motets, divisés en récits et airs épousant ainsi
la même structure.
En Allemagne, on peut noter la présence de la cantate profane, mais c’est la
cantate d’église qui fleurit et qui est mise
au service de la liturgie protestante. Elle
naît dans la seconde moitié du XVIIe siècle
avec Heinrich Schütz, dont les Geistliche
Konzerte sont écrits pour une à cinq
voix et basse continue, puis avec Samuel
Scheidt. Ces exemples seront suivis d’un
grand nombre de compositeurs avant
D. Buxtehude, précurseur de J. S. Bach.
Celui-ci écrit un très grand nombre de
cantates de plusieurs types, destinées aux
différents « temps » du calendrier chrétien, y introduit le choral protestant, les
sinfonie instrumentales, des airs à da capo,
souvent accompagnés d’instruments obligés recherchés pour la beauté de leur couleur (hautbois d’amour, corno da caccia,
etc.), des ensembles pour 4 voix mixtes.
Après Bach, qui porte le genre à son apogée, la cantate ne sera plus qu’une oeuvre
de circonstance chez Haydn, Mozart,
Beethoven, Schubert, puis Brahms et, de
nos jours, Stravinski, Prokofiev, Schönberg, etc.
En France, la cantate demeure un
modèle de concision et de possibilités de
variété dans l’expression, puisque, en raccourci, elle peut contenir toutes les formes
vocales et instrumentales. De 1893 à 1969,
elle sera imposée comme épreuve pour
l’obtention du prix de Rome.
CANTATILLE.
Terme français désignant au XVIIIe siècle
une petite cantate de même plan, mais
pour voix seule avec accompagnement
d’un clavecin, éventuellement d’un instrument soliste, rarement plus.
Les sujets abordés, d’une poésie légère,
sans recherche dramatique, s’inscrivent
dans les divertissements de l’opéra ou de
l’opéra-ballet. La cantatille est conventionnelle, mondaine, toujours élégante,
souvent sur le ton de la Badine - pour
citer l’exemple de Monteclair qui y décrit
« la jeune et badine Lisète » se promenant
accompagnée de son chien. D’autres compositeurs français, comme Mouret, Boismortier, A.-L. Couperin, etc., ont écrit de
nombreuses cantatilles.
CANTATRICE (en ital. cantatrice).
Soliste du chant plus particulièrement
classique et de haute qualité. Le terme
« chanteuse », plus général, est plutôt ré-
servé à la chanson populaire, de variétés
ou de jazz, qui peut, elle aussi, atteindre un
haut niveau artistique.
CANTE JONDO ou CANTE HONDO (esp. :
« chant profond »).
Chant andalou ancestral portant la marque
des Arabes, qui se maintinrent en Andalousie jusqu’à la capitulation de Boabdil
en 1492.
Il se fonde sur la richesse modale des
gammes antiques, sur les mélismes liturgiques byzantins et sur un ambitus mélodique étroit, ne dépassant pas la sixte. Là
où le texte suggère la passion, sa mélopée
laisse place à une riche ornementation
improvisée. Se souvenant des vocalises
du muezzin, le cante jondo privilégie
l’usage réitéré et obsédant d’une même
note accompagnée d’appoggiatures inférieures ou supérieures. Sans perdre son
caractère hiératique et tragique, il a été
influencé dans son évolution par le chant
des gitans, qui s’établirent dans la région
de Grenade au XVe siècle, et s’est dès lors
exprimé à travers des formes toutes liées à
l’idée de tristesse poignante, d’accablante
fatalité : la seguiriya gitana, au rythme et à
l’intonation très libres ; la soleá, chant de
l’absence, de l’abandon ; le martinete, que
les forgerons gitans rythmaient de leurs
coups de marteau.
Confondu à tort avec le flamenco,
contaminé par des formes plus extérieures
et plus spectaculaires, ce genre s’était
édulcoré et se mourait lorsque le Centre
artistique de Grenade organisa en 1922
un concours de cante jondo. Federico
García Lorca et Manuel de Falla furent
étroitement associés à l’organisation de
ce concours, et l’étude publiée par Falla à
cette occasion joua un rôle décisif dans la
restauration du cante jondo authentique.
CANTELLI (Guido), chef d’orchestre
italien (Novare 1920 - aéroport d’Orly
1956).
À quatorze ans, il donna son premier
récital de piano, puis étudia le piano et
la direction d’orchestre au conservatoire de Milan avec Pedrollo, Ghedini et
Antonnio Votto. En 1943, il fut nommé
chef d’orchestre et directeur artistique du
théâtre Coccia de Novare. Presque immédiatement interrompue par la guerre, sa
carrière reprit en 1945 et sa renommée
s’étendit rapidement. Toscanini, qui l’appréciait particulièrement, l’invita à diriger
l’orchestre symphonique de la NBC à New
York (1949). À partir de 1951, il remporta
de grands succès en dirigeant le Philharmonia Orchestra de Londres. Quelques
jours avant sa mort dans une catastrophe
aérienne fut annoncée sa nomination
comme directeur de l’orchestre de la Scala
de Milan. Ses interprétations, claires, vives,
fouillées, incisives, intenses mais maîtrisées, le firent considérer comme l’héritier
du style de Toscanini.
CANTELOUBE (Marie-Joseph), compositeur français (Malaret, près d’Annonay,
Ardèche, 1879 - Paris 1957).
Élève de Vincent d’Indy à la Schola cantorum, il s’imposa comme un musicien
régionaliste par excellence, tirant de l’inspiration terrienne la substance même
de ses compositions. Non seulement ses
nombreux recueils de chants folkloriques,
qu’il harmonisa avec délicatesse et esprit
(5 vol. de Chants d’Auvergne, 1923-1955 ;
Chants populaires de haute Auvergne et
du haut Quercy ; Chants d’Angoumois, du
Languedoc, de Touraine, des Pays basques,
etc. ; 400 choeurs à voix égales ou mixtes :
Chants paysans, Chants des terroirs, etc.),
mais aussi ses opéras, le Mas (1910-1913,
première représentation à l’Opéra de
Paris, 1929) et Vercingétorix (1930-1932,
première représentation 1933), sont imprégnés de sa tendresse pour le terroir du
Massif central.
Il écrivit aussi des pages instrumentales
et orchestrales, édita une Anthologie des
chants populaires français (4 vol., Paris,
1939-1944) et publia des études, dont
les Chants des provinces françaises (Paris,
1946).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
153
CANTIGA (esp. : « chanson »).
Ce terme général désigne toutes les chansons écrites en Espagne et au Portugal au
XIIIe siècle. Les plus célèbres sont sans
doute les chants religieux en l’honneur de
la Vierge Marie contenus dans l’anthologie Las Cantigas de Santa María, quelque
428 pièces en langue galicienne, attribuées
à Alphonse X de Castille (dit le Sage).
D’autres recueils sont également conservés (Lisbonne, Rome), dans lesquels les
sujets traités sont, cette fois, profanes et
témoignent de l’influence de l’art des troubadours. Trois manuscrits des Cantigas de
Santa María existent aujourd’hui, et ceux
de l’Escorial comportent des illustrations à
la fois fort belles et importantes pour notre
connaissance des instruments employés à
l’époque.
CANTILÈNE. (en lat. cantilena).
Le terme est souvent employé aujourd’hui
pour désigner une ligne mélodique particulièrement chantante, qui doit se dégager
en relief au-dessus de son accompagnement. C’est aussi une manière d’interpréter où l’instrumentiste doit jouer sa partie comme une mélodie vocale ; sens très
proche de cantabile. Jusqu’au IXe siècle,
toute pièce chantée profane à une voix, de
genre épique et lyrique, ou religieuse, mais
seulement de forme monodique, reçoit
le nom de cantilena. Plus tard, le terme
désigne le chant polyphonique et, vers la
fin du Moyen Âge, également la musique
instrumentale.
CANTILLATION (en lat. pop. cantillare).
Style d’exécution d’une pièce vocale
comme une psalmodie, situé à mi-chemin entre le vrai chant et la déclamation,
et adopté dans la liturgie hébraïque et la
liturgie chrétienne.
CANTIQUE.
1. Au sens liturgique strict, le nom de
cantique est réservé aux chants d’action
de grâces de certains personnages transcrits dans l’Ancien ou le Nouveau Testament sous une forme lyrique. On a recensé 17 cantiques, dont 14 proviennent
de l’Ancien Testament, les 3 autres étant
de saint Luc : cantique de la Vierge ou
Magnificat, de Zacharie ou Benedictus (ne
pas confondre avec celui du Sanctus), de
Siméon ou Nunc dimittis. Les principaux
cantiques de l’Ancien Testament sont ceux
de Moïse, des enfants dans la fournaise,
d’Ézéchias et d’Habacuc. Les cantiques se
chantent à l’office de la même manière que
les psaumes, mais parfois avec un timbre
spécial plus solennel. On donne quelquefois le nom de « cantique christologique »
au Gloria in excelsis de la messe.
2. Au XVIe siècle, la Réforme française a
donné le nom de cantiques spirituels à des
pièces versifiées d’inspiration religieuse ou
moralisatrice, toujours en langue vulgaire,
et destinées à être chantées dans les assemblées pieuses ou les réunions familiales.
Une grande partie du répertoire a été élaborée en dotant de nouvelles paroles des
mélodies déjà connues. Le fait de « travestir » en cantique spirituel une chanson grivoise, par exemple, était considéré comme
une action pieuse. De cette manière, Un
jeune moine est sorti du couvent, chanson
polyphonique assez leste de R. de Lassus, devient Quitte le monde et son train
décevant. Les airs de cour du siècle suivant
sont également transformés en « airs de
cour servant de timbre à des cantiques »
(M. Lambert). Mais il existe aussi des cantiques spirituels originaux, monodiques ou
polyphoniques, comme les Octonaires de la
vanité et inconstance du monde, du poète
huguenot A. de La Roche-Chandieu, mis
en musique par L’Estocart et surtout Cl.
Le Jeune. Le cantique spirituel est avec le
psaume français la principale manifestation musicale du calvinisme, aspect dominant de la Réforme en France et en Suisse.
3. À partir du sens précédent, l’Église
catholique a ensuite donné le nom de
cantique spirituel à un répertoire spécial
de chants en langue vulgaire. Il existait de
tels chants depuis longtemps, puisqu’au
XIe siècle, déjà, on trouve dans un manuscrit de saint Martial de Limoges un cantique en français (dialecte limousin), mais
c’est surtout à partir du XVIIe siècle que la
confection des cantiques prit une grande
extension.
Si l’on excepte certains secteurs privilégiés comme le noël, ou certaines enclaves
ethniques comme la Bretagne ayant fait
du cantique une des expressions de leur
art populaire, il faut bien reconnaître que
le cantique, d’une poésie souvent fruste ou
fade, et d’une mélodie qui vaut ce que vaut
sa source, présente assez rarement une
valeur littéraire ou musicale appréciable.
Aujourd’hui, le cantique tend à supplanter toute autre forme de musique à
l’église, et l’épiscopat en organise luimême la diffusion sous forme de fiches et
dispose à cet effet des services du Centre
national de pastorale liturgique.
CANTO CARNIALESCO (ital. : « chant carnavalesque »).
Chant d’origine florentine, de la fin du
XVe siècle et des premières décennies du
XVIe.
Conçus pour célébrer les fêtes du carnaval et exécutés sur des chars somptueusement décorés, les plus célèbres exemples
du genre datent de l’époque de Laurent
le Magnifique. Leur style ainsi que leur
forme peuvent être associés à la frottola,
c’est-à-dire à une chanson simple de caractère populaire et homorythmique. Le
canto carnialesco est souvent satirique. Les
textes restent pour la plupart anonymes ;
en revanche, la musique révèle des noms
de compositeurs connus, tels que H. Agricola ou H. Isaac.
CANTOR.
Mot latin signifiant « chanteur », traduit
en français par chantre lorsqu’il s’agit des
chanteurs d’église et spécialement de ceux
chargés du plain-chant, mais qui, conservé
tel quel en allemand dans l’Église luthérienne, y a d’abord désigné celui qui était
chargé de guider le chant en en donnant
l’intonation ; de là le terme est devenu synonyme de « maître de chapelle ».
Il est parfois reproduit dans ce sens
en français : c’est ainsi que J. S. Bach fut
« cantor » à Saint-Thomas de Leipzig.
CANTUS (lat. : « chant »).
1. S’opposant à discantus (déchant), le
cantus, dans la polyphonie médiévale,
désigne la vox principalis (voix principale)
dont le déchant constitue l’ornementation
en contrepoint (c’est-à-dire point contre
point ou note contre note), de sorte que
le chant peut s’exécuter sans le déchant,
mais, en principe, non l’inverse.
2. Quelquefois employé au lieu de superius pour indiquer la voix supérieure
d’une pièce polyphonique qui, notamment
au XVIe siècle, commence à se détacher
comme étant la partie la plus intéressante
mélodiquement.
3. Différentes catégories de chants sont
appelées par des locutions composées,
soit selon le genre (cantus planus ou plainchant ; cantus mensuratus ou chant mesuré, etc.), soit selon le rite correspondant
(chant byzantin, chant ambrosien, etc.).
CANTUS FIRMUS.
L’une des acceptions de CANTUS § 3 ayant
conservé en français son expression latine.
1. Dans la polyphonie religieuse du
XVe siècle et au-delà, l’une des voix de la
polyphonie présentant en valeurs plus longues que les autres parties la citation littérale d’un texte connu, généralement liturgique, soit que l’ensemble de la polyphonie
en soit le développement, ou l’harmonisation, soit que le cantus firmus intervienne
à titre de commentaire pour une citationréférence éclairant le sens du texte. On
peut faire remonter la conception du cantus firmus aux teneurs d’organa de l’école
de Pérotin, où le chant donné s’étalait en
valeurs longues, tandis que les autres voix
tissaient une broderie en valeurs courtes. Il
arrive fréquemment que le cantus firmus
présente un texte latin, alors que les autres
voix sont en langue vulgaire. Le mélange se
trouve dans le motet au Moyen Âge (G. de
Machaut) ; Dufay a écrit une déploration
sur la perte de Constantinople qui emploie
le même principe, O très piteulx, en lui
donnant pour cantus firmus un verset latin
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
154
des Lamentations de Jérémie. Le procédé
du cantus firmus se retrouve jusque dans
la musique religieuse du jeune Mozart
(motet Benedictus sit).
2. Au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle,
l’usage du cantus firmus s’étend au répertoire du choral luthérien, qui l’utilise aussi
bien dans les cantates religieuses que dans
les développements pour orgue, notamment dans le genre dit choral figuré, illustré
principalement par Pachelbel, puis par J.
S. Bach. Le choral De profundis de Bach, à
double pédale (Aus tiefer Noth), en constitue l’un des exemples les plus parfaits.
3. À partir du XVIIIe siècle, la pédagogie a
annexé la pratique du cantus firmus en lui
enlevant le caractère signifiant qui le justifiait pour le transformer en simple artifice
d’écriture, enseigné comme l’une des bases
du contrepoint. Le cantus firmus ainsi
compris n’est plus dès lors qu’une simple
suite de valeurs longues quelconques sur
lesquelles l’élève est prié de réaliser certains exercices d’écriture.
4. À l’imitation du cantus firmus ancien,
on désigne parfois sous ce nom une mélodie quelconque lorsque, dans un ensemble
polyphonique, elle se présente en valeurs
plus longues que son entourage : un
exemple célèbre en est le choral qui termine la 2e symphonie d’Arthur Honegger.
CANZONA ou CANZONE (ital. : « chanson « ; pl. canzone ou canzoni).
Terme italien au sens plus diversifié dans
le temps et dans la forme que le mot français chanson.
Il peut très bien ne pas s’appliquer à
une pièce vocale, bien que le caractère
mélodique soit toujours présent sous
une forme ou sous une autre, rappelant
ainsi l’art vocal. Dérivant du canso provençal, la canzona est d’abord une forme
poético-musicale cultivée en Italie, dès le
XIIIe siècle, mais, cette fois, elle est polyphonique et pas nécessairement chantée.
La forme en est strophique.
Plus tard, vers la fin du XVe siècle et
au début du siècle suivant, on donne le
nom de canzona à des compositions profanes éloignées du genre populaire (frottola, strambotto). Ce caractère sérieux se
retrouve bientôt dans le madrigal italien.
En effet, vers le milieu du XVIe siècle, la
canzona désigne au contraire une composition légère, populaire et de forme strophique, où l’écriture verticale domine afin
de faciliter la compréhension du texte. Né
à Naples, ce type de composition se répand
dans toute l’Italie et reçoit le titre de villanella ou villota, comme le recueil d’O. de
Lassus (2e Libro de Villanelle, Moresche ed
Altri Canzoni..., Paris, 1581), qui contient
le célèbre Matona mia cara à 4 voix.
Entre-temps, sous l’influence francoflamande, les musiciens italiens font aussi
des transcriptions de chansons polyphoniques de l’école parisienne (en particulier celles de Cl. Janequin), de Josquin
Des Prés et de bien d’autres, pour le luth
et pour les instruments à clavier. Un
musicien particulièrement actif dans ce
domaine est Fr. da Milano, mais on peut
citer également les noms de Cl. Merulo ou
de G. Cavazzoni, l’auteur d’une Canzon
sopra Il est bel est bon du Parisien Passe-
reau.
Après 1560, la forme instrumentale de
la canzona francese se développe rapidement ; elle peut soit être une adaptation
d’une pièce vocale, soit n’en prendre
qu’une phrase, ou encore devenir une
composition originale dans le même esprit, un des liens essentiels avec la chanson étant le rythme caractéristique du
début : blanche-noire-noire. Cette musique devient plus idiomatique et mène
à l’éclosion de la sonate. Les canzone les
plus célèbres - destinées à tout un assortiment d’instruments auxquels les voix
peuvent se joindre -, et peut-être aussi les
meilleures, sont l’oeuvre de G. Gabrieli.
Mélangées à des sonate, genre plus solennel, ces canzone sont publiées à Venise
chez Gardano (Sacrae Symphoniae, 1597 ;
Canzoni e Sonate, 1615), ainsi que chez
Raverio dans une anthologie datant de
1608. L’écriture en imitation demeure
fréquente dans ces pièces, mais on y
trouve également de nombreux passages
homorythmiques en même temps que
plusieurs thèmes. Une variété rythmique
est aussi introduite au moyen de sections
contrastantes (binaires/ternaires) ; les instruments sont souvent répartis en deux
groupes qui dialoguent entre eux. Les
lignes mélodiques de Gabrieli (surtout
celles des cornetti) peuvent recevoir une
ornementation en diminution, du genre
proposé par le « chef des instruments à
vent » à Saint-Marc de Venise, le cornettiste G. dalla Casa, dans son ouvrage théorique (1584).
Encore une fois, la canzona évolue vers
une forme instrumentale, sans doute sous
l’influence de sa voisine la sonata et sous
celle du grand maître G. Frescobaldi,
qui compose à la fois des canzone traditionnelles et d’autres fondées sur un seul
thème avec variations. Ce dernier type de
canzona, destiné aux instruments à clavier,
continue à être écrit jusqu’au XVIIIe siècle.
J. S. Bach en a signé un exemple, la Canzona (BWV 588, v. 1709).
CANZONETTA (ital. : diminutif de canzona, « chansonnette »).
Composition vocale profane de la fin du
XVIe siècle, issue de la musique de danse
instrumentale, c’est-à-dire de la bassedanse.
Il s’agit d’une chanson dans laquelle se
mêlent des éléments populaires et ceux,
plus savants, du madrigal aristocratique.
Généralement composée à 3 ou à 4 voix
et de forme strophique, la canzonetta se
caractérise par l’importance du cantus
et du bassus, c’est-à-dire de la voix supérieure mélodique et de la basse qui joue un
rôle essentiellement harmonique. L’importance de ces deux parties va conduire
éventuellement à la cantate, mais d’abord
à l’introduction de la basse continue. Les
petites cantates du début du XVIIe siècle,
telles que celles d’un L. Rossi ou d’un C.
Caproli, reçoivent souvent le titre de canzone, de préférence à celui de canzonetta
qui désignerait plutôt un air court et léger.
Plus tard, le terme de canzonetta s’applique à une composition assez simple,
et sans forme bien déterminée, pour une
voix avec accompagnement. J. Haydn, par
exemple, a écrit deux recueils de 6 Canzonets sur des textes anglais (1794, 1795)
et, là encore, la forme strophique domine.
CAPDEVIELLE (Pierre), compositeur et
chef d’orchestre français (Paris 1906 Bordeaux 1969).
Élève de Gédalge, Paul Vidal et Vincent
d’Indy, il débuta en 1930 comme chef d’orchestre à l’Opéra de Grenoble. Nommé en
1944 directeur des émissions de musique
de chambre à la radio, il fonda en 1952
l’Orchestre de chambre de la Radiodiffusion française. Son oeuvre comprend des
mélodies sur des poèmes d’Apollinaire,
Baudelaire, Suarès, Rilke, etc., de la musique instrumentale, 3 symphonies (1936,
1942, 1953), des fresques symphoniques
(Incantation pour la mort d’un jeune spartiate, 1931), de la musique de scène, des
cantates (la Tragédie de Pérégrinos, 1941)
et deux opéras, les Amants captifs (19471950, première représentation 1960) et la
Fille de l’homme (1967).
CAPE (Safford), chef de choeur et compositeur américain (Denver, Colorado,
1906 - Bruxelles 1973).
Il a étudié le piano et la composition à
Denver, puis, à partir de 1925, à Bruxelles,
où il a été l’élève de R. Moulaert (composition) et de Ch. Van den Borren (musicologie). En 1933, toujours à Bruxelles, il a
fondé l’ensemble Pro musica antiqua afin
de faire connaître la musique du Moyen
Âge (G. de Machaut) et de la Renaissance
à travers des interprétations d’un grand
sérieux musicologique et d’un goût très
sûr. Safford Cape a lui-même composé un
trio à cordes, un trio avec piano, des pièces
pour piano et de la musique vocale.
CAPET (Lucien), violoniste, pédagogue
et compositeur français (Paris 1873 - id.
1928).
Élève de Jumas et Maurin au Conservatoire de Paris, il y obtint un premier prix
de violon en 1893 et fonda aussitôt après
un quatuor à cordes portant son nom,
auquel il se consacra en même temps qu’à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
155
une carrière de soliste, et qui acquit une réputation mondiale. Professeur au conservatoire de Bordeaux de 1899 à 1903, il fut,
à partir de 1907, titulaire de la classe de
musique de chambre au Conservatoire de
Paris ; il se lia alors avec Tournemire, qui
lui enseigna la composition. Parallèlement,
le quatuor Capet poursuivait son activité,
s’illustrant en particulier dans les oeuvres
de Beethoven.
Lucien Capet a écrit 5 quatuors, 2
sonates, 6 études et diverses pièces pour
violon, ainsi que quelques oeuvres symphoniques et vocales. Il est l’auteur d’un
important ouvrage théorique, la Technique supérieure de l’archet (Paris, 1916).
Il a aussi laissé une édition des quatuors
de Beethoven.
CAPITOLE (Théâtre du).
Fondé à Toulouse en 1736, reconstruit
en 1880, détruit par le feu en 1917, il a
été entièrement rénové en 1974. Dans ce
haut lieu du théâtre lyrique en France ont
débuté plusieurs des meilleures voix françaises. Dirigé depuis 1990 par Nicolas Joël,
il a vu au cours de la période récente les
créations de Hop, Signor de Manuel Rosenthal (1962), du Silence de la mer d’Henri
Tomasi (1964), de Gambara d’Antoine
Duhamel (1980), de Montségur de Marcel
Landowski (1985). Régionalisé en 1974,
dirigé depuis 1968 par Michel Plasson,
l’Orchestre du Capitole a acquis, grâce
notamment à ses enregistrements de musique française, une dimension d’orchestre
symphonique international.
CAPLET (André), compositeur et chef
d’orchestre français (Le Havre 1878 Neuilly-sur-Seine 1925).
Après avoir entrepris des études musicales
au Havre, il entra, en 1896, au Conservatoire de Paris dans les classes de Leroux,
Lenepveu et Vidal, et remporta en 1901 le
premier grand prix de Rome avec sa cantate Myrrha. Il débuta comme timbalier
dans l’orchestre des Concerts Colonne et
devint rapidement l’assistant d’É. Colonne.
Directeur de la musique à l’Odéon à partir
de 1899, Caplet fut aussi chef d’orchestre
à l’opéra de Boston de 1910 à 1914. Mais
la guerre interrompit sa brillante carrière ;
touché par les gaz, il vit sa santé compromise et dut peu à peu réduire son activité.
Aussi renonça-t-il à la direction de l’Opéra
de Paris (1919), ainsi qu’à celle des orchestres des Concerts Lamoureux (1920)
et des Concerts Pasdeloup (1922).
Très lié avec Debussy - il dirigea la
création du Martyre de saint Sébastien
(Paris, 1911) et orchestra ou réduisit plusieurs de ses oeuvres -, Caplet se dégagea progressivement de l’influence de ce
dernier, par exemple dans le Vieux Coffret (1917). Il devait aussi rejeter celle de
Fauré. La pratique de la scène lyrique lui
fit acquérir une connaissance des possibilités de la voix humaine qu’il utilisa avec
une certaine audace (Inscriptions champêtres, 1914). On n’hésita pas à voir dans
les quinze vocalises du Pain quotidien les
prémices de la technique moderne du
chant. Comme Debussy, le compositeur
fréquenta Solesmes et se familiarisa avec le
plain-chant ; sa foi lui inspira des oeuvres
très attachantes (le Miroir de Jésus, 1923 ;
Prières, 1914-1917) ; la Messe à 3 voix,
1919-20), caractéristiques de son souci
d’un langage personnel exempt de stéréotypes. Caplet a écrit quelque trente-cinq
mélodies, personnelles, difficiles à interpréter (en particulier les parties de piano).
Soulignons enfin la hardiesse avec laquelle
il employa la harpe dans le Masque de la
mort rouge ou le violoncelle dans Épiphanie, ses deux oeuvres instrumentales
essentielles.
CAPODASTRE (en ital. capotasto).
Petite barre d’ébène, d’ivoire ou de métal,
placée transversalement en haut de la
touche de certains instruments à cordes
pincées (luth, guitare), et qui sert à raccourcir la longueur des cordes afin de
modifier l’accord de l’instrument.
Un type de doigté appelé le « barré »
sert à obtenir le même résultat.
Enfin, pour le violoncelle et la contrebasse, l’emploi particulier du pouce
gauche, délimitant la longueur de vibration des cordes, constitue une technique
qui fut connue parfois, jadis, sous le nom
de capodastre.
CAPRICCIO (ital. : « caprice »).
Au XVIIe siècle, ce terme désigne une
forme instrumentale, généralement
courte, de caractère léger et souvent amusant, improvisée et pleine de fantaisie. Le
capriccio emploie une écriture contrapuntique et ressemble à la canzona ; en effet,
il n’y a guère de différence entre ces deux
termes. On trouve les meilleurs exemples
de capriccio chez Frescobaldi où un thème,
comme celui du Capriccio sopra l’aria
di Ruggiero, est exposé et suivi de plusieurs sections traitées en variations. Au
XVIIIe siècle, J. S. Bach écrit un Capriccio
sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo. La forme contrapuntique du capriccio a contribué à la naissance de la fugue.
Plus tard, prenant un sens plus général,
le terme désigna une pièce libre, brillante
et rapide, indiquant plutôt une manière
de jouer. Le capriccio est soit un morceau
pour instrument seul (les 24 Capricci de
Paganini), soit une oeuvre concertante
(Rondo capriccioso pour piano et orchestre
de Mendelssohn), mais, dans les deux cas,
prime le côté virtuose.
Enfin, le capriccio peut être une pièce
pour orchestre : par exemple, les évocations lors du mouvement des écoles nationales de la seconde moitié du XIXe siècle
(Capriccio espagnol de Rimski-Korsakov,
Capriccio italien de Tchaïkovski).
CAPROLI ou CAPRIOLI (Carlo), dit CARLO
DEL VIOLINO, compositeur italien (Rome v.
1615 - id. v. 1693).
Élève de Luigi Rossi, il entra au service
du prince Ludovisi, neveu du pape Innocent X. Sa réputation était déjà considérable lorsque l’abbé Francesco Buti, poète,
librettiste et agent de Mazarin, le fit venir
à Paris avec une troupe de chanteurs.
Son opéra Le Nozze di Peleo e di Theti
fut représenté le 14 avril 1654 à l’hôtel
du Petit-Bourbon. Le spectacle, heureux
mélange de comédie italienne et de ballet de cour français, connut un immense
succès. Malheureusement, la partition de
Caproli est aujourd’hui perdue. Seuls les
airs du ballet, oeuvre de musiciens français,
ont été conservés. Malgré cette réussite,
le musicien regagna Rome, accompagné
de sa femme, la Signora Vittoria, qui avait
chanté le rôle de Theti. Sur la recommandation de Mazarin, il entra au service du
cardinal Barberini (jusqu’en 1665). Gardien de la section des instruments de
l’Accademia di Santa Cecilia, il fut nommé
maître de chapelle de Saint-Louis-desFrançais (1667). Bien que son oeuvre demeure quasi inconnue, on sait que Caproli
fut considéré, en son temps, comme l’un
des meilleurs compositeurs de cantates.
Quelque 70 canzoni e cantate témoignent
de l’art subtil et extrêmement raffiné de ce
musicien, tout comme l’oratorio Davide
prevaricante e poi pentito (1683).
CAPRON (Nicolas), violoniste et compositeur français ( ? v. 1740 - Paris 1784).
Élève de Gaviniès, Capron fut l’un des violonistes les plus célèbres de son temps. Il
fit carrière à l’Opéra-Comique, où il figure
parmi les musiciens dès 1756, puis dans
l’orchestre de La Pouplinière et au Concert
spirituel, où il occupa, à partir de 1765,
le poste de premier violon, qu’il conserva
jusqu’à sa mort. Virtuose et excellent professeur, il composa pour l’instrument dont
il jouait un recueil de sonates. Premier
Livre de sonates à violon seul et basse op.
1 (1768), des concertos, dont la musique
n’est pas conservée, et Six Duos pour 2 violons op. 3 (1777). Ses oeuvres témoignent
des préoccupations de ses contemporains
par l’adoption de la forme tripartite, du
bithématisme dans l’allegro initial et du
jeu de nuances préconisé par l’école de
Mannheim.
CARA (Marco Marchetto), compositeur
italien (Vérone ? - Mantoue 1527).
De 1495 à 1525, Cara résida à Mantoue, à
la cour du marquis de Gonzague et dans le
cercle musical qui entourait son épouse,
Isabelle d’Este. ll suivit son maître à travers l’Italie du Nord (Venise, Milan), à une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
156
époque marquée par les vicissitudes de la
guerre, notamment avec la France. Célèbre
en son temps comme luthiste et comme
chanteur, il fut, avec Tromboncino, l’un
des compositeurs les plus importants de
frottole, forme qui engendra le madrigal ;
il en composa au moins une centaine.
Cosimo Bartoli devait voir en lui l’un des
successeurs les plus doués de Josquin Des
Prés. En revanche, les frottole de Cara rendaient grand service à Isabelle d’Este, qui
cherchait, avec ces compositions simples
et attrayantes, le moyen de détrôner l’art
franco-flamand en Italie. Ces oeuvres ont
été publiées dans les recueils parus chez
Petrucci à Venise (1504-1514), ainsi que
dans d’autres publiés à Rome. Quelques
pièces religieuses sont également attribuées à ce compositeur.
CARAFA DI COLOBRANO (Michele),
compositeur italien naturalisé francais
(Naples 1787 - Paris 1872).
Fils d’un prince de Colobrano, formé à
Naples et à Paris, il fut officier de l’armée
de Murat en Russie et ne se consacra
définitivement à la composition qu’après
Waterloo. Il triompha aussitôt avec une
Gabriella di Vergy écrite pour Isabelle
Colbran (Naples, 1816), et fit représenter à Paris Jeanne d’Arc d’Orléans (1821)
et le Solitaire (1822). Fixé en France en
1827, naturalisé en 1834, il succéda à
Lesueur à l’Institut, puis enseigna l’écriture au Conservatoire de Paris de 1840 à
1858. Outre plusieurs messes, un Stabat
Mater et un Requiem, il donna de 1814 à
1838 quelque trente-six opéras francais
ou italiens, enrichissant le style napolitain
traditionnel par une écriture orchestrale
extrêmement raffinée. Michele Carafa di
Colobrano eut la malchance de mettre en
musique plusieurs livrets qui devaient plus
tard être repris par Auber, Donizetti ou
Mercadante dans des oeuvres dont le succès effaça les siens. Il demeura un peu dans
l’ombre de Rossini, qui le chargea d’écrire
un ballet pour la reprise de sa Sémiramis à
Paris en 1860.
CARCASSI (Matteo), guitariste italien
(Florence 1792 - Paris 1853).
Avec son compatriote Carulli, il fut célèbre
à Paris à partir de 1820. Sa carrière se
partagea entre l’enseignement et les tournées de concerts qui lui firent parcourir
l’Allemagne, l’Italie et l’Angleterre avant
qu’il ne se fixât en France. Également compositeur, il écrivit quelque quatre-vingts
pièces diverses pour la guitare, mais la
part la plus intéressante de son oeuvre est
constituée par sa Méthode et ses Études,
qui témoignent d’une réelle expérience
pédagogique.
CARDEW (Cornelius), compositeur
anglais (Winchcombe, Gloucestershire,
1936 - Londres 1981).
Choriste à Canterbury (1943-1950), élève
de la Royal Academy of Music de Londres
(1953-1957), il a étudié ensuite la musique
électronique à Cologne (1957-58), où il
fut aussi assistant de Stockhausen (19581960), et avec Petrassi à Rome (1964-65).
Ses premières pièces, d’esprit sériel, et
la plupart pour piano (February Pieces,
1959-1961 ; 2 Books of Study for Pianists,
1959), exigent beaucoup de l’interprète sur
le plan technique. À partir de 1960, sous
l’influence de Cage, il s’est orienté vers la
notation graphique et l’aléatoire (Treatise, 1963-1967). Cofondateur en 1969 du
Scratch Orchestra, censé pratiquer la création collective, il s’est, en 1971, détourné
de cette expérience, à son avis toujours
coupée de la réalité sociale, pour fonder
l’Ideology Group. Il s’est efforcé, depuis
lors, à partir d’analyses marxistes, d’explorer les rapports entre la classe prolétarienne et la musique, et ce aussi bien dans
ses écrits (Stockhausen Serves Imperialism,
1974) que dans sa musique (Four Principles
on Ireland and Other Pieces, 1974).
CARDON, famille de musiciens français
du XVIIIe siècle, qui s’illustra par deux
compositeurs.
Jean-Guillain (Mons 1722 - Versailles
1788). Il arriva à Paris en 1761, entra, trois
ans plus tard, à la chapelle royale comme
violoniste et fut nommé en 1772 maître de
violon du comte de Provence, futur Louis
XVIII. Avant de devenir aveugle en 1780,
il composa pour cet instrument des duos
et des sonates, parus entre 1764 et 1770.
Il publia également des recueils d’airs et
d’ariettes avec accompagnement de violon,
des trios à grand orchestre (1768 et 1772)
et, à la fin de sa vie, un traité, le Rudiment
de la musique ou Principes de cet art mis à
la portée de tout le monde, par demandes et
réponses (1786).
Jean-Baptiste (Rethel v. 1760 - Saint-Pétersbourg 1803). Fils du précédent, il se fit
connaître comme harpiste et, après avoir
été au service de la comtesse d’Artois, il
enseigna l’instrument dont il jouait à la
cour. La Révolution allait interrompre sa
carrière en France et l’amena à s’exiler en
Russie, où il entra au service de Catherine
II (1794). Il écrivit pour la harpe plusieurs
sonates, deux symphonies concertantes
(1787), deux trios (1790), et lui consacra
un traité paru en 1784, l’Art de jouer de la
harpe.
CARDONNE (Jean-Baptiste, dit Philibert), compositeur français (Versailles
1730 - ? apr. 1792).
Versaillais, il fit carrière à la cour en débutant comme page de la musique royale,
sous la direction de Colin de Blamont.
En 1743, son premier motet était exécuté
et, deux ans plus tard, Cardonne entra
comme chanteur à la chapelle royale, poste
qu’il garda jusqu’à la Révolution. En 1755,
il fut nommé maître de luth des pages, puis
claveciniste et, en 1777, maître de musique
de la Chambre, avant de devenir en 1781
surintendant honoraire. Son oeuvre variée
comprend des sonates en trio pour deux
violons et basse (1764), des sonates pour
clavecin et violon obligé (1765), des syrnphonies, des concertos, des motets (17431748), des ariettes, une tragédie lyrique,
Omphale (1769), et Ovide et Julie, acte
de l’opéra-ballet les Fragments héroïques
(1773). Son oeuvre lyrique, représentative
de l’opéra français traditionnel, fut victime
des attaques des partisans de la musique
italienne.
CARILLON.
Jeu de cloches (sans battant), de timbres
ou de tubes permettant un jeu mélodique
plus ou moins étendu et varié suivant le
nombre de ses éléments (quatre notes seulement pour les carillons primitifs et même
ensuite pour certains carillons célèbres,
comme le carillon de Westminster).
À l’origine, qui semble remonter au
haut Moyen Âge en ce qui concerne
l’Europe occidentale, les corps sonores
étaient frappés à l’aide d’un ou deux petits
marteaux tenus à la main, comme c’est
encore le cas du carillon d’orchestre (
! CLOCHES). Mais, à partir du XIVe siècle
et jusqu’au XVIe, qui vit son apogée aux
Pays-Bas et sa large diffusion dans les
pays voisins, le carillon connut des perfectionnements considérables. Les cloches
se multipliant, chacune fut pourvue d’un
marteau articulé, relié par câble à l’une
des touches d’un gros clavier que le carillonneur frappait à coups de poing. Les
modèles les plus importants étaient même
munis d’un pédalier. Ainsi l’humble sonneur finit-il par se doubler d’un virtuose,
voire d’un improvisateur, à l’occasion des
fêtes carillonnées.
D’autre part, le rôle fonctionnel du carillon en tant que complément des cloches
d’église ou de beffroi entraîna l’invention
de dispositifs mécaniques déclenchés par
l’horloge elle-même. Le carillon put alors
jouer automatiquement, à des heures
déterminées, des airs préalablement « enregistrés » sur des cylindres à picots, ou
plutôt à taquets, qui actionnaient les marteaux. Les carillons de ce type étaient parfois associés à des automates dont certains
(jacquemarts) participaient à la percussion des cloches. Il en est qui fonctionnent
encore, notamment en pays flamand où ils
ont été soigneusement conservés, restaurés ou reconstitués. Par la suite, les marteaux ont été mis en mouvement par des
systèmes pneumatiques, puis électriques,
commandés par un clavier ordinaire qui
peut éventuellement, dans le cas des cadownloadModeText.vue.download 163 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
157
rillons d’église, faire partie de la console
de l’orgue. Signalons, enfin, les carillons
électroniques, qui ne font qu’imiter la
sonorité joyeuse et cristalline des cloches.
Les carillons de porte, faits d’une grappe
de tubes métalliques qui tintent en s’entrechoquant, ne sont pas à proprement parler
des instruments de musique. En revanche,
des carillons de bambou, tout à fait semblables aux carillons de porte sauf quant à
la matière première, ont leur place parmi
les percussions dans certains ensembles
extrême-orientaux, et même dans les
orchestres occidentaux modernes sous le
nom anglais de wood-chimes, qui signifie
littéralement « carillon de bois ».
Le terme de carillon s’applique également aux morceaux de musique conçus
non seulement pour le carillon, mais pour
d’autres instruments chargés de l’évoquer
(clavecin, piano, et, très fréquemment
à l’époque moderne, orgue : Carillon de
Marcel Dupré, Carillon de Westminster
de Louis Vierne). Au XXe siècle, l’art des
carillonneurs a connu une renaissance,
actuellement personnifiée, en France, par
exemple, par Jacques Launoy.
CARILLON-LYRE.
Glockenspiel dont les lames sont disposées verticalement, dans un cadre en forme
de lyre qui est lui-même monté sur une
hampe, comme le chapeau chinois.
Cet instrument portatif, dont l’étendue
ne dépasse pas l’octave, n’est employé que
dans les ensembles de type militaire.
CARISSIMI (Giacomo), compositeur italien (Marino, près de Rome, 1605 - Rome
1674).
Peu de renseignements nous sont parvenus sur sa vie. On sait seulement qu’il fut
chantre et organiste de la cathédrale de
Tivoli (1624-1627), puis maître de chapelle
de la cathédrale d’Assise (1628-29). De
1630 à sa mort, il occupa le poste de maître
de chapelle de Saint-Apollinaire à Rome.
Si Carissimi voyagea peu au cours de sa
carrière, ses oeuvres, en revanche, furent
estimées et jouées partout en Europe ;
l’étendue de leur popularité est confirmée
par le fait que des manuscrits de sa musique sont conservés dans de nombreuses
bibliothèques, non seulement en Italie,
mais aussi en Allemagne, en France et en
Angleterre. L’excellent Dr. Burney qualifia
Carissimi d’« admirable maître ». Et tout
aussi élogieux furent les Français Maugars
et P. Bourdelot.
Carissimi est indiscutablement l’un des
premiers grands maîtres de l’oratorio.
Dans cette forme, il succéda à Cavalieri et
à Quagliati, prenant comme point de départ le motet latin et faisant dialoguer les
choeurs avec des voix seules qui incarnent
les différents personnages du drame. En
principe, le texte biblique est raconté par
l’historicus ; les choeurs commentent l’action, renforçant ainsi l’expression, mais
parfois aussi, ils sont utilisés à des effets
spéciaux (échos) comme dans Jephté, le
mieux connu des oratorios de Carissimi.
Pour le rôle de la fille de Jephté, le plus
développé de l’ouvrage, le compositeur
emploie le style récitatif, le style arioso et
l’air avec une grande souplesse.
Sa production de musique religieuse
est considérable : elle va du petit motet en
dialogue (Tolle Sponsa), de l’histoire sacrée
qui fait appel à trois personnages (Historia di Job) à l’oratorio en deux parties
(Diluvium universale) pour lequel douze
voix sont nécessaires. Quelles que soient
les proportions de l’oeuvre, tout repose
sur la seule basse continue, sauf dans de
rares exceptions où deux violons prêtent
leur concours (Historia di Ezechia). En
revanche, les récitatifs, airs, duos, trios
et choeurs (qui semblent demander un
effectif réduit en raison des dimensions de
l’accompagnement), parfois à huit voix en
double choeur, se mêlent avec bonheur. Si
l’aspect théâtral se fait sentir, il demeure
discret et du meilleur goût, préservant une
atmosphère de musique de chambre.
La même variété de formes et de moyens
d’expression caractérise les quelque 130
cantates de Carissimi. Peut-être son génie
se manifeste-t-il ici mieux qu’ailleurs.
Bien que le sujet traité soit généralement
celui des peines d’amour, Carissimi est
l’un des rares compositeurs romains à utiliser des thèmes comiques (Amor mio, che
cosa è questo ?) ou à évoquer le jugement
dernier (Suonerà l’ultima tromba) avec une
puissance dramatique inattendue dans un
genre si intime. C’est également dans ses
cantates que le musicien se montre le plus
sensible aux raffinements harmoniques ;
la beauté des lignes mélodiques témoigne
d’une certaine réserve, typique de l’école
romaine.
Au cours de sa brillante carrière, Giacomo Carissimi a trouvé le temps de
former au moins trois élèves illustres : le
Français M.-A. Charpentier, ainsi que les
deux Italiens P. Cesti et A. Scarlatti.
CARLIER, famille de facteurs d’orgues
français des XVIe et XVIIe siècles.
Originaires des Flandres, les Carlier travaillèrent dans le nord de la France, dans la
région parisienne, en Normandie et dans
les pays de la Loire. Crespin Carlier, de
Rouen, construisit en 1620 les orgues de
la collégiale de Saint-Quentin et, en 1629,
celles de Saint-Ouen à Rouen.
CARLSTEDT (Jan), compositeur suédois
(Orsa 1926).
Élève de Lars Erik Marsson à Stockholm
(1948-1952), il a aussi étudié à Londres
(1952-53), à Rome (1954-55), en Tchécoslovaquie et en Espagne. Il a joué un
rôle important dans la vie musicale de
son pays, fondant en 1960 la Société de
musique contemporaine de Stockholm,
et, en 1961, la branche suédoise des Jeunesses musicales. Parti du sérialisme, il a
évolué vers un style où la tonalité retrouvait sa place. Sa symphonie no 1 date de
1952-1954 (rév. 1961). La deuxième, dite
Symphonie de la fraternité (1968-69), est
un hommage à Martin Luther King. On
lui doit aussi, entre autres, quatre quatuors
à cordes (1951-52, 1966, 1967 et 1972),
un concerto pour violoncelle (1970) et un
autre pour violon (1975).
CARMAGNOLE.
Chanson révolutionnaire anonyme, datant
de l’époque où Louis XVII fut prisonnier
au Temple, et danse, en forme de ronde,
qui l’accompagnait.
L’une et l’autre tenaient sans doute leur
nom d’une pièce de vêtement : la veste à
courtes basques et large collet, garnie de
plusieurs rangs de boutons métalliques,
que portaient dans le Midi les ouvriers
piémontais originaires de Carmagnola.
Inconnu à Paris jusqu’en 1792, ce costume y devint subitement populaire lors
de l’arrivée des fédérés marseillais.
CARMEN (Johannes), compositeur français de la première moitié du XVe siècle.
Il fut qualifié d’« escripvain et noteur de
chant » en 1403. Il fut chantre en l’église
Saint-Jacques-de-la-Boucherie à Paris
et est cité par Martin Le Franc dans son
Champion des dames (v. 1440). On a
conservé de lui deux motets isorythmiques
et un motet à 4 voix, Pontifici decori speculi, en hommage à saint Nicolas. Ce
dernier, bel exemple d’un rationalisme
musical raffiné, combine une structure
isorythmique générale et l’emploi pour les
deux voix supérieures d’un canon, l’écriture de l’ensemble faisant songer à Ciconia. Ces trois motets ont été publiés par G.
Reaney (Early, 15th Century Music, CMM
II/I, 1955).
CARMIRELLI (Pina), violoniste italienne
(Varzi 1914 - Carpena 1993).
Étudiant d’abord le violon et la composition au Conservatoire de Milan, elle remporte en 1937 le Prix national Stradivarius
à Crémone, puis le Prix Paganini en 1940.
Elle va devenir une éminente chambriste,
fondant en 1949 le Quintetto Boccherini,
qui s’attache à la redécouverte du compositeur éponyme. Elle est aussi premier violon du Quatuor Carmirelli, en activité de
1954 à 1962. En octobre 1962, l’Académie
Sainte-Cécile de Rome lui confie le célèbre
Stradivarius Toscan daté de 1690. Elle
devient la partenaire de Rudolf Serkin au
Festival de Marlboro et au Carnegie Hall
en 1970, pour une intégrale des sonates de
Mozart. En 1977, elle remplace Salvatore
Accardo comme violon solo de I Musici.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
158
Enfin, en 1979, elle fonde le Quintetto
Fauré di Roma.
CARNEYRO (Claudio), compositeur portugais (Porto 1895 - id. 1963).
Fils du peintre Antonio Carneiro, il vécut
dans un milieu artistique. Sa vocation musicale s’affirma tardivement. Élève, à Porto,
de Miguel Alves et de Carlos Dubbini (violon) ainsi que de Lucien Lambert (composition), il partit pour Paris en 1919 et s’y
perfectionna avec Boucherit et Bilewski.
Nommé professeur de solfège au conservatoire de sa ville natale en 1921, il retourna
à Paris en 1924 pour y fréquenter la classe
de composition de Charles-Marie Widor.
Son oeuvre Prélude, choral et fugue, créée
au théâtre du Châtelet par l’orchestre Colonne sous la direction de Gabriel Pierné,
le 27 octobre 1923, y fut redonnée le 14
novembre 1925.
Une bourse du gouvernement portugais
permit à Carneyro de partir, en 1926, pour
les États-Unis, où il épousa la violoniste
Katherine M. Hickel (1927). De retour à
Porto à la fin de 1928, il fit un nouveau
séjour à Paris en 1933 pour travailler avec
Paul Dukas. Enfin, il se fixa définitivement
à Porto à partir de 1938. Nommé professeur de composition au conservatoire à
la mort de Lucien Lambert, il organisa et
dirigea un orchestre de chambre, fit des
conférences, donna des leçons publiques,
devint consulteur de la Radiodiffusion et
membre du Cabinet d’études musicales
de cette institution. Sa liste d’oeuvres augmenta et les premières auditions se succédèrent. En 1955, il fut nommé directeur
du conservatoire de musique de Porto, se
rendit en 1956 aux États-Unis, mais des
difficultés de santé allaient bientôt l’éloigner de ses fonctions et diminuer ses activités.
Carneyro avait hérité de son père - dans
l’atelier duquel il habitait quand la mort
le frappa - la sensibilité et la probité artistiques. Modestie, un certain mysticisme,
goût pour le passé, étaient d’autres traits
de sa personnalité, que son oeuvre reflète.
Il a parfois cherché l’inspiration dans le
folklore portugais et créé de très belles mélodies avec piano et avec orchestre. Parmi
ses compositions, il faut citer Harpa Eolia,
Paciências de Ana Maria, Raiana, Bailadeiras, pour piano (cette dernière aussi en
versions d’orchestre, 1954 et 1962), Gradualis (1962), Portugalesas pour orchestre,
Khroma (1954) pour alto et orchestre, et
une importante musique de chambre,
dont un quatuor à cordes, un quatuor avec
piano, une Sonata pour violon et piano.
CAROL (terme angl. prov. du fr. carole).
Chanson qui consiste en un refrain à danser, ce refrain alternant avec des strophes
confiées à une voix soliste.
Au XVe siècle, la strophe garde sa forme
monodique, mais le refrain est traité polyphoniquement. Depuis la Réforme, le
carol est associé à la fête de Noël, ce qui est
encore le cas aujourd’hui en Angleterre,
où il désigne tout chant de Noël, traditionnel ou non. C’est à Benjamin Britten que
l’on doit, au XXe siècle, une composition
fondée sur cette tradition : A Ceremony
of Carols.
CAROLAN ou O’CAROLAN (Turlough),
compositeur et harpiste irlandais (Nobber, comté de Meath, 1670 - Ballyfarnon,
comté de Roscommon, 1738).
Il apprit à jouer de la harpe après être
devenu aveugle à dix-huit ans, et mena
ensuite une vie itinérante, composant à la
fois la musique et les paroles des chants
qu’il interprétait. Ses quelque 220 chan-
sons sont toutes en gaélique sauf une seule,
O’Carolan’s Devotion (en anglais). Il fut
le plus célèbre des musiciens itinérants
irlandais, et le dernier à être également
compositeur. Il semble avoir bien connu
la musique « savante » de son temps, en
particulier celle de Geminiani. En 1748,
son fils collabora à une première édition
de ses oeuvres, qui, malheureusement,
n’a survécu qu’incomplète. On ignore en
outre à peu près totalement comment il
harmonisait ses chansons. Vers 1780 parut
à Dublin A Favourite Collection of... Old
Irish Tunes of... Carolan.
CARON (Firmin ou Philippe), compositeur français (XVe s.).
Loyset Compère voit en lui un magister
cantilenarum, tandis que Tinctoris, dans
son Liber de arte contrapuncti et dans son
Proportionale, le rapproche d’Ockeghem
et de Busnois dont il fut le contemporain.
Peut-être eut-il même la chance d’être
l’élève de Dufay. Quoi qu’il en soit, Caron
s’efforce, comme lui, d’enjamber mélodiquement chaque vers. Il prise le temps binaire et le rythme du dactyle (une blanche
suivie de deux noires), lequel se maintint
longtemps dans la chanson française. Il
possède un sens certain de la clarté et de la
ligne mélodique. On lui doit une vingtaine
de chansons, dont Accueillie m’a la belle,
et quatre messes (Missa super l’Homme
armé ; Accueillie m’a la belle ; Super Jesus
autem ; Clemens et benigna).
CARPANI (Giuseppe), écrivain, librettiste et poète italien (Vill’Albese, Côme,
1752 - Vienne 1825).
Il vécut à Milan, puis, à partir de 1797, à
Vienne. Son poème In questa tomba oscura
fut mis en musique par plusieurs compositeurs dont Beethoven, et il traduisit en
italien le livret de la Création de Haydn. Il
a survécu essentiellement grâce à deux ouvrages consacrés respectivement à Haydn
et à Rossini : Le Haydnine ovvero Lettere
sulla vita e le opere del celebre maestro Giuseppe Haydn (Milan 1812, 2e éd. révisée
Padoue 1923, trad. française Paris 1837),
une des trois « biographies authentiques »
de ce compositeur (ouvrage par certains
côtés assez fantaisiste et plagié par Stendhal en 1814), et Le Rossiniane ossia Lettere
musico-teatrali (Padoue 1824).
CARPENTER (John Alden), compositeur
américain (Park Ridge, Illinois, 1876 Chicago 1951).
Élève de Paine (comme la plupart des
compositeurs américains de sa génération)
et d’Elgar, il mena de front, comme Ives,
la composition et une carrière d’homme
d’affaires, subissant tour à tour l’influence
allemande et l’influence française. Son
Concertino pour piano et orchestre (1915,
révisé en 1947) et son ballet Krazy Kat
(1921) sont les premiers exemples d’utilisation du jazz dans la musique américaine.
L’humour des Aventures in a Perambulator
(créé à Chicago en mars 1915) incita Diaghilev à lui commander un ballet s’inspirant de la vie et de l’esprit des États-Unis
(Skyscrapers, 1926). Ses dernières oeuvres 2 Symphonies (1re symphonie en do maj.,
1917, révisée en 1940 ; 2e symphonie,
1942), les 7 Âges (1945), Carmel Concerto
(1948) - témoignent d’une plus grande
densité de pensée.
CARRÉ (Albert), auteur dramatique, librettiste et homme de théâtre français
(Strasbourg 1852 - Paris 1937).
Il dirigea l’Opéra-Comique de Paris à deux
reprises, de 1898 à 1913, y faisant représenter Louise de Gustave Charpentier (1900)
et Pelléas et Mélisande de Debussy (1902),
puis de 1919 à 1925. Il fournit à Messager
le livret de la Basoche (1890).
CARRÉ (Michel), auteur dramatique et
librettiste français (Paris 1819 - Argenteuil 1872).
Oncle d’Albert Carré, il travailla, seul
ou en collaboration avec Jules Barbier,
pour Meyerbeer (le Pardon de Ploërmel),
Gounod (huit livrets dont ceux de Faust,
Mireille et Roméo et Juliette), Ambroise
Thomas (Hamlet, Mignon), et écrivit la
pièce dont sortit le livret des Contes d’Hoffmann d’Offenbach.
CARRERAS (José), ténor espagnol (Barcelone 1946).
Il commence le piano et le chant dès l’âge
de six ans. Encore enfant, il est remarqué
dans le Retable de maître Pierre de Falla
dirigé par José Iturbi. Il étudie ensuite au
Conservatoire de Barcelone, et débute au
Liceo de Barcelone dès 1971. Les encouragements de Montserrat Caballé lui valent
ses premiers engagements internationaux.
En 1973, il chante la Bohème et débute à
Covent Garden en 1974 dans la Traviata.
Il s’impose d’emblée dans tous les opéras de Verdi et de Puccini, et devient l’un
des ténors les plus populaires du monde.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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En 1975, il chante à la fois au Metropolitan dans Tosca et à la Scala dans Un bal
masqué. Dès 1976, Karajan le fait venir à
Salzbourg pour Don Carlos. Il reprend cet
opéra à la Scala la saison suivante, mais
cette fois avec Abbado et une mise en
scène de Strehler. Atteint d’une leucémie
en 1978, il ne revient sur scène qu’à l’été
de 1980. Depuis, il reconquiert tous les publics et aime faire redécouvrir des opéras
peu connus, de Donizetti, Verdi et Halévy
notamment.
CARRILLO (Julián), compositeur mexicain (Ahualulco 1875 - Mexico 1965).
Il fit ses études à Mexico et, de 1899 à
1904, à Leipzig (composition, direction
d’orchestre et violon) et à Gand (violon).
Il se lia alors avec Romain Rolland, SaintSaëns et Debussy. De 1906 à 1924, il joua
un rôle important dans la vie musicale de
son pays - fondation de l’orchestre et du
quatuor Beethoven (1909), direction du
Conservatoire national de Mexico (1913,
puis 1920-1924) - et à New York. Après
plusieurs partitions académiques, dont la
symphonie no 1 en ré (1901) et la symphonie no 2 en ut (1908), et tout en explorant
l’atonalité (4 quatuors à cordes atonaux,
1917-1920), il orienta ses recherches vers
le dépassement du système tempéré traditionnel pour aboutir à un système fondé sur
les micro-intervalles, et codifié par lui aux
alentours de 1920. Il fut ainsi l’un des premiers à écrire des oeuvres en quarts, tiers,
huitièmes et seizièmes de ton : ainsi Preludio a Colón pour petit orchestre (1922),
3 Columbias pour orchestre (1926-1930),
ou Fantasía Sonido 13 pour petit orchestre
(1931). Horizontes (1950) est un prélude
pour petit orchestre en quarts, huitièmes
et seizièmes de ton, accompagné par un
orchestre en demi-tons traditionnels,
et Preludio 29 de Septiembre pour piano
(1949) va jusqu’à utiliser les trentièmes de
ton. Pour tous ces ouvrages, il fit naturellement construire les instruments - pianos,
flûtes, clarinettes, harpes, etc. - appropriés,
en particulier quinze pianos qu’on put voir
à l’Exposition universelle de Bruxelles en
1958. Un de ses principaux champions, à
partir de 1926, fut Leopold Stokowski, et
son disciple le plus éminent, actuellement,
est le Français Jean-Étienne Marie.
Sa musique, extrêmement intéressante
sur le plan sonore, n’en reste pas moins
fidèle pour l’essentiel aux formes et à
l’esthétique postromantiques, et ce avec
de fortes résonances tonales (il divisa le
ton en micro-intervalles, mais égaux entre
eux). On lui doit également de nombreux
écrits théoriques.
CARSE (Adam), compositeur anglais
(Newcastle-on-Tyne 1878 - Great
Missenden, Buckinghamshire, 1958).
Élève de Corder à la Royal Academy of
Music de Londres (1893-1902), avant
d’y enseigner lui-même l’harmonie et le
contrepoint (1908-1922), Adam Carse fut
surtout collectionneur d’instruments et
se spécialisa dans leur étude et dans leur
histoire. Il publia notamment : Practical
Hints on Orchestration : Harmony Exercises (1919), Musical Wind Instruments
(1939), The Orchestra in the XVIIIth Century (1940), The Orchestra from Beethoven
to Berlioz (1948). Sa collection personnelle
d’instruments anciens fut léguée en 1947
au Horniman Museum de Forest Hill à
Londres. Sa production musicale est surtout orchestrale : 2 symphonies (la 1re,
1906 ; la 2e créée en 1908, révisée pour le
festival de Newcastle en 1909), The Death
of Tintagiles (d’après Maeterlinck, 1902),
prélude pour Manfred de Byron (1904),
Ouverture de concert (1904), poème symphonique In a Balcony (1905). On lui doit
aussi des mélodies et de la musique de
chambre, ainsi que la cantate The Lay of
the Brown Rosary (1901).
CARSON (Philippe), compositeur français (Neuilly-sur-Seine 1936 - Paris 1972).
Membre du Groupe de recherches musicales de Paris, il y réalisa, avant d’être
interrompu dans ses activités par la maladie, deux « classiques » de la musique
concrète française des années 60 : Phonologie (1962) et Turmac (1962). Ces oeuvres
sont construites chacune sur un matériau
sonore unique, d’origine vocale pour la
première, industrielle (bruits de machines
d’une usine de Hollande) pour la seconde,
qu’elles tiennent la gageure de manipuler
au minimum (uniquement par montage
dans Turmac) et d’assembler avec la plus
grande clarté. On doit aussi à Philippe
Carson Collages pour ensemble instrumental et bandes, pièce qu’il réalisa dans le
même esprit pour l’expérience du concert
collectif du G. R. M. (1963).
CARTER (Elliott), compositeur américain
(New York 1908).
De ses études à l’université Harvard auprès
de Walter Piston, puis à Paris auprès de
Nadia Boulanger, il tira une formation
purement néoclassique, sous le signe de
Stravinski, de Hindemith, et de Copland,
ce qui lui valut dix années d’incertitudes
stylistiques illustrées notamment par le
ballet Pocahontas (1939) ou la Première
Symphonie (1942). Avec la Sonate pour
piano (1945-46), le ballet le Minotaure
(1947) et surtout la Sonate pour violoncelle
(1948), son langage gagna en complexité
rythmique tout en se libérant de la tonalité.
Il reprit alors à son compte le concept de
« modulation métrique », déjà utilisé de
façon empirique par Charles Ives, et qui
devait rester une constante de son style ; il
s’agit d’un changement de tempo progressif par utilisation de valeurs irrationnelles,
procédé auquel la musique de Carter doit
une souplesse rythmique unique rendant
sa notation et son exécution particulièrement difficiles.
Aux Huit Études et Une Fantaisie pour
quatuor à vent (1950) succéda le vaste
Premier Quatuor à cordes (1951), premier
prix du concours de quatuors de Liège et
l’un des plus importants depuis Bartók et
Schönberg : avec cette oeuvre, il se trouva
lui-même. Les Variations pour orchestre
(1954-55) inaugurèrent un nouveau principe, celui de la caractérisation psychologique des instruments.
Ce principe reçut une très nette et
très remarquable consécration dans le
Deuxième Quatuor à cordes (1959), qui,
comme plus tard le Troisième (1971),
obtint le prix Pulitzer : dans cet ouvrage
presque deux fois plus court que le quatuor précédent, chaque instrumentiste
mène le jeu à son tour, avec un rôle psychologique très précis au sein d’une sorte
de « théâtre musical ».
Carter considère ses partitions les plus
récentes comme des « scénarios », les ins-
trumentistes comme des « acteurs ». Le
Double Concerto pour clavecin, piano et
deux orchestres de chambre (1961) poursuit dans cette voie, tout en donnant à
chacun des deux ensembles instrumentaux (séparés dans l’espace comme, déjà,
les quatre instrumentistes du quatuor
de 1959) son propre répertoire mélodique et harmonique. En revanche, le
Concerto pour piano (1964-65) oppose
« un individu aux humeurs et aux idées
changeantes et un orchestre traité de
façon plus ou moins monolithique ». Le
Concerto pour orchestre (1969-70), inspiré par le poème Vents de Saint-John
Perse, traite pour l’essentiel de la « poésie du changement, de la transformation, de la réorientation des sentiments
et des pensées », tandis que le Troisième
Quatuor à cordes (1971), créé à New
York après plusieurs révisions en janvier
1973, divise les quatre instruments en
deux duos (premier violon - violoncelle
et second violon - alto), dont l’un joue
« quasi rubato » et l’autre « en rythme
bien strict ». Suivirent un Duo pour
violon et piano (1973-74), un Quintette
de cuivres (1974), A Mirror on which to
Dwell pour soprano et ensemble instrumental sur 6 poèmes d’Élisabeth Bishop
(1975), première oeuvre vocale du compositeur depuis près de trente ans, Symphonie de trois orchestres (1976), Syringa
pour mezzo-soprano, basse et 11 instruments (1978, In Sleep, in Thunder pour
ténor et 14 exécutants (1981), Triple Duo
pour 6 exécutants (1983). Penthode pour
ensemble (1985), un Quatrième Quatuor
à cordes (1986), un Concerto pour hautbois (1987), Remembrance (1988), un
Concerto pour violon (1990), un Concerto
pour violon (1990), un Quintette pour
piano et vents (1991), Partita pour orchestre (1994), Of Challenge and of Love
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
160
pour soprano et Piano (1995), Adagio
tenebroso pour orchestre (1995), un Quatuor à cordes no 5 (1995). Carter a enseigné au Peabody Institute de Baltimore
et à l’université Columbia et au Queens
College de New York. Produisant relativement peu, il n’a reçu la consécration
qu’à plus de cinquante ans, mais apparaît
comme l’un des plus grands composi-
teurs américains.
CARTIER (Jean-Baptiste), violoniste et
compositeur français (Avignon 1765 Paris 1841).
Il vint à Paris, en 1783, compléter sa formation d’instrumentiste auprès de Viotti,
qui l’introduisit à la cour : là, il fut accompagnateur de Marie-Antoinette jusqu’à
la Révolution. En 1791, il entra dans l’orchestre de l’Opéra et fit partie, de 1804 à
1830, de la Musique de Napoléon, de Louis
XVIII et de Charles X. Il finit sa carrière
au Conservatoire, où il avait été nommé
en 1828. Dans son ouvrage théorique, l’Art
du violon, paru en 1798 et 1801 (réimpr.
1973), Cartier publia pour la première
fois des pièces de Tartini, de Nardini et de
Bach. Il consacra la plupart de ses oeuvres
au violon en composant sonates, duos, airs
variés, pots-pourris, études, caprices et
concertos.
CARULLI (Ferdinando), guitariste et
compositeur italien (Naples 1770 - Paris
1841).
Après avoir appris la guitare en autodidacte, il vint à Paris en 1808 et y mena une
carrière de virtuose. Il publia environ 330
pièces diverses pour guitare seule, deux
guitares et divers instruments, ainsi qu’un
traité intitulé l’Harmonie appliquée à la
guitare (Paris, 1825), une méthode de guitare et un manuel d’accompagnement. Si
la part didactique de son oeuvre n’est pas
négligeable, l’esthétique de ses multiples
pièces souffre souvent d’une réelle pauvreté mélodique et harmonique.
CARUSO (Enrico), ténor italien (Naples
1873 - id. 1921).
Né dans une famille humble, dix-neuvième
enfant d’un mécanicien, il dut travailler en
atelier dès l’âge de dix ans. Chantant dans
des églises, il apprit les rudiments de la musique, mais ne fit aucune étude vocale particulière avant 1891. Il débuta en 1894 au
Teatro Nuovo de Naples à l’occasion de la
création de L’Amico Francesco de Morelli.
Les premières années de sa carrière furent
modestes et difficiles. La création du rôle
de Loris dans Fedora de Giordano au Teatro Lirico de Milan, en 1898, attira l’attention sur lui. Il fut engagé en Amérique du
Sud, en Russie, débuta à la Scala de Milan
en décembre 1900 dans la Bohème de Puccini et y créa en 1902 le rôle de Maurice de
Saxe dans Adrienne Lecouvreur de Cilea.
Dès lors célèbre, il fut accueilli sur toutes
les grandes scènes du monde, mais, à partir de ses débuts au Metropolitan de New
York dans Rigoletto (1903), ce théâtre devint son principal port d’attache. Il y participa notamment à la création mondiale
de la Fille du Far West de Puccini en 1910.
En 1919, sa santé s’altéra. Le 24 décembre
1920, toujours au Metropolitan, dans la
Juive de Halévy, il parut pour la dernière
fois en scène. Il regagna l’Italie et mourut
dans sa ville natale, où il avait refusé de se
produire depuis 1902, son interprétation
de l’Élixir d’amour de Donizetti y ayant été
fraîchement accueillie.
La couleur de la voix de Caruso était
d’une beauté exceptionnelle, avec quelque
chose de velouté même dans la force.
Cette voix était, à ses débuts, celle d’un
demi-caractère lyrique. Elle gagna peu à
peu en volume et sa couleur s’assombrit
après l’ablation d’un nodule sur une corde
vocale (1909). Son art peut être caractérisé
par la réunion d’une technique irréprochable, qui le rattachait au passé, et de la
recherche d’une interprétation moderne,
inspirée par le réalisme. Cette synthèse
de deux écoles avant lui inconciliables lui
permettait d’interpréter les ouvrages de
bel canto dans un style parfait, mais avec
une intensité expressive jusque-là inconnue, et les ouvrages dramatiques avec tout
le sentiment nécessaire, jusqu’à la violence, mais sans sacrifier la beauté de la
voix. Son très vaste répertoire s’étendait
du classicisme de Gluck et du romantisme
élégiaque de Donizetti, en passant par
Meyerbeer, Massenet, Puccini, etc., au vérisme de Leoncavallo et aux grands rôles
de Verdi, sauf Othello, qu’il ne chanta
jamais au théâtre.
Le disque, encore balbutiant, dont il
fut la première grande vedette, contribua
sans aucun doute à sa popularité, demeurée unique.
CARVER (Robert), compositeur écossais
(1487 [ ?] - apr. 1546).
Entré dans les ordres à seize ans, il vécut
plus de trente ans à l’abbaye de Scone.
Le célèbre manuscrit portant son nom,
conservé à Édimbourg, contient sept de
ses oeuvres : 5 messes (l’Homme armé à 4
voix ; Dum sacrum mysterium à 10 voix ; à
4 voix ; à 5 voix ; à 6 voix) et deux motets,
Gaude flore virginali, à 5 voix, et O bone
Jesu, écrit pour 19 voix et témoignant
d’une richesse d’harmonie remarquable.
Savant contrapuntiste et doué d’une
inspiration généreuse, Carver est le plus
grand compositeur écossais de sa génération.
CARY (Tristram), compositeur anglais
(Oxford 1925).
Il fit à Oxford des études de science et de
philosophie (1942, puis 1946-47), ainsi
que de musique (1948-1951). Pionnier de
la musique électronique dans son pays, il
songea à la manipulation du son dès son
service dans les radars de la marine durant
la guerre, commença à expérimenter en
1947 et, vers 1949, produisit de la musique
concrète avec un équipement rudimentaire. Mais les temps n’étant pas mûrs, il
écrivit beaucoup de musiques de film (The
Lady Killers, 1955) et (pour la chaîne de télévision B.B.C.) de scène (Jane Eyre, 1963 ;
Madame Bovary, 1964), tout en se livrant
à la composition traditionnelle (Concerto
grosso pour 5 vents et 5 cordes, 1961). Le
15 janvier 1968, lors du premier concert
à Londres de musique électronique avec
des oeuvres de compositeurs anglais, on
entendit de lui 3.4.5 (1967) et Birth is Life
is Power is Death is God is... (1967). Fondateur en 1968 d’un studio de musique
électronique au Royal College of Music de
Londres, directeur depuis 1969 de Electronic Music Studios Ltd, il ne considère pas
la musique électronique comme un domaine isolé du reste, et, dans Continuum
(1969), oeuvre électronique, adopte une
démarche quasi symphonique par certains
aspects.
CASADESUS, famille de musiciens
français originaire de Figueras, en Catalogne.
Luis, violoniste et guitariste (Paris 1850 id. 1919). Il publia l’Enseignement moderne
de la guitare (Paris, 1913).
Francis, fils du précédent, violoniste, chef
d’orchestre, critique musical et compositeur (Paris 1870 - Suresnes 1954). Élève
de Lavignac et de César Franck, violoniste
à l’Opéra-Comique, critique musical à
l’Aurore, il participa en 1921 à la fondation
du conservatoire américain de Fontainebleau et en fut directeur. Il composa des
drames lyriques, des ballets, de la musique
de scène, de la musique symphonique et de
la musique de chambre.
Robert-Guillaume, dit Casa, frère du
précédent, pianiste, acteur, chansonnier et
compositeur (Paris 1878 - id. 1940). Il écrivit des opérettes et des chansons.
Henri-Gustave, frère du précédent, violoniste et compositeur (Paris 1879 - id.
1947). Élève de Lavignac et Laforge au
Conservatoire de Paris, il fit partie du quatuor Capet de 1910 à 1917. Il était aussi
virtuose de l’alto et de la viole d’amour, et
c’est la pratique de ce dernier instrument
qui l’amena à fonder en 1901 la Société des
instruments anciens, qui se produisit dans
toute l’Europe jusqu’en 1939, et à reconstituer des oeuvres anciennes inédites. Il fut
directeur du Théâtre lyrique de Liège et de
la Gaîté-Lyrique à Paris et écrivit des opérettes. On lui doit aussi un ouvrage didactique, Méthode de la viole d’amour suivie
de 24 Études pour la viole d’amour (Paris,
1931).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
161
Marius-Robert, frère du précédent, violoniste et compositeur (Paris 1892 - id.
1981). Virtuose du quinton, instrument de
la famille des violes de gambe, il appartint
à la Société des instruments anciens, animée par son frère Henri-Gustave, et fonda
lui-même l’ensemble Violes et violons. Il
écrivit surtout de la musique symphonique
et instrumentale.
Robert, fils de Robert-Guillaume, pianiste et compositeur (Paris 1899 - id. 1972).
Élève de Diémer pour le piano, de son
oncle Francis et de Xavier Leroux pour la
composition, il fit une brillante carrière de
concertiste en Europe et aux États-Unis
et enseigna au conservatoire américain
de Fontainebleau à partir de 1934. Pianiste sobre, rigoureux, aux interprétations
équilibrées, remarquablement construites,
gardant grâce à leur pureté une sorte de
caractère classique jusque dans la musique
des impressionnistes français, il se rendit célèbre notamment dans les oeuvres
de Mozart, Beethoven, Debussy, Ravel. Il
écrivit de la musique symphonique, des
oeuvres concertantes pour divers instru-
ments, des cadences pour certains concertos pour piano de Mozart, de la musique
de chambre. Sa femme Gaby (Marseille
1901), élève de Diémer et de Marguerite
Long, et son fils Jean (Paris 1927 - près de
Renfrew, Ontario, 1972) furent également
pianistes.
CASALS (Pablo ou Pau), violoncelliste,
chef d’orchestre et compositeur espagnol (Vendrell, prov. de Tarragone,
1876 - San Juan, Porto Rico, 1973).
Il reçut de son père, qui était organiste,
ses premières leçons de musique. Il étudia plus tard, à Barcelone, le violoncelle
avec José García et l’harmonie avec J. Rodoreda, puis, au conservatoire de Madrid,
la musique de chambre avec Jesús Monasterio et le contrepoint avec Tomás Bretón.
Violoncelle solo de l’orchestre de l’Opéra
de Paris de 1895 à 1898, il fut professeur
de violoncelle au conservatoire de Barcelone à partir de 1897. Mais sa renommée
croissante l’amena très vite à se consacrer
essentiellement à une carrière de concertiste. Passionné de musique de chambre, il
forma un quatuor à cordes, dont Mathieu
Crickboom était le premier violon, et composa, à partir de 1905, avec Alfred Cortot
et Jacques Thibaud, un trio qui est resté
légendaire. En 1919, il fonda à Barcelone
l’orchestre Pablo-Casals et eut dès lors, au
moins occasionnellement, une activité de
chef d’orchestre. S’étant établi en France,
à Prades (Pyrénées-Orientales), il y créa
un festival en 1950. Grâce à sa lucidité,
sa bienveillance, son rayonnement et à la
vivacité d’esprit qu’il avait conservée, il
continua, jusqu’à sa mort, à jour un rôle
dans la vie musicale mondiale.
Devenu de son vivant un personnage
de légende, Pablo Casals s’identifie littéralement au violoncelle, qu’il a contribué à
mieux faire connaître. Il a révolutionné la
technique du coup d’archet et atteint une
pureté d’intonation inconnue avant lui. Il
a exploré les possibilités jusque-là peu exploitées du registre aigu de l’instrument.
De son jeu émanaient de la noblesse, de la
profondeur, de la poésie. C’est qui a rendu
populaires les oeuvres pour violoncelle de
Bach et de Beethoven.
Comme compositeur, il est l’auteur de
pièces pour violoncelle solo, violoncelle
et piano, violon et piano, d’une Sardana
pour ensemble de violoncelles, de pièces
de musique sacrée (dont un Miserere) et
des oratorios La Visión de Fray Martin et
El Pesebre (« la crèche »).
CASANOVA (André), compositeur français (Paris 1919).
Il mena de front des études musicales et
de droit, fut élève de G. Dandelot à l’École
normale de musique, et, surtout, devint en
1944 le premier disciple français de René
Leibowitz, dont, malgré son utilisation très
souple des techniques sérielles, il ne devait
jamais renier l’enseignement. « Mon souci
et mon propos sont d’être romantique et
moderne », a-t-il déclaré. Plus proche d’A.
Berg que de Webern, attiré sur le plan littéraire par J. Moal, Rilke, Joyce, Barbey
d’Aurevilly, il a écrit notamment trois
symphonies - no 1 (1949), no 2 da camera
(1951-1969, créée en 1971), no 3 Dithyrambes (1964, créée en 1973) - ; Amorphoses pour orchestre (1961) ; Concerto
pour violon (1964, créé en 1965) ; le Livre
de la foi jurée, geste lyrique d’après la
Chanson de Roland (1964), la Clé d’argent,
d’après Villiers de l’Isle-Adam (1965) ;
Règnes, trois allégories pour soprano et
orchestre (1967) ; le Bonheur dans le crime,
d’après Barbey d’Aurevilly (1969) ; la cantate ...Sur les chemins d’acanthes noires...
(1974) ; Métaphonie pour grand orchestre
(1977) ; 4 Dizains de la DELIE de SCEVE
pour baryton et 10 instruments (1978) ;
Esquisse pour une tragédie pour clarinette,
2 violons, alto, violoncelle et contrebasse
(1979) ; Quintette à cordes (1988).
CASANOVAS (Narciso), organiste et
compositeur espagnol (Sabadell, prov.
de Barcelone, 1747 - Montserrat 1799).
Il étudia l’orgue, puis devint bénédictin à
Montserrat, où il fut maître de l’Escolanía.
L’un des meilleurs organistes et improvisateurs de son époque, il a laissé 5 motets,
13 psaumes, des répons, des messes, un
Benedictus, un Salve Regina et des pièces
pour clavecin, notamment une sonate
dans le style de Haydn, qui a été publiée
par Joaquín Nin.
CASCATA (ital. : « cascade »).
Ornement vocal en usage au XVIIe siècle,
qui consiste à aller d’une note aiguë à une
note grave (par ex., de la dominante à la
tonique), plus ou moins éloignées l’une de
l’autre, en parcourant une échelle de notes
intermédiaires.
En général, on ajoute les notes immédiatement supérieures ou inférieures (par
ex., la sus-dominante et la sensible). Caccini en précise exactement l’emploi théorique dans sa célèbre préface des Nuove
Musiche (Florence, 1602).
CASELLA (Alfredo), compositeur et pianiste italien (Turin 1883 - Rome 1947).
Élevé à Turin à l’heure du renouveau de
la musique instrumentale italienne, il étudia à Paris en 1896 avec Fauré et Xavier
Leroux, connut Debussy et Ravel, participa
activement à la vie musicale parisienne et
fut assistant de Cortot à sa chaire de piano
au Conservatoire. Son goût le portait alors
aussi bien vers les descendants spirituels
de Mahler que vers Stravinski, dont l’influence se fait sentir dans les oeuvres de
sa période française. De retour en Italie
en 1915, il mena une intense activité de
pianiste, de pédagogue, critique, musicologue, animateur, et participa à la renaissance des oeuvres des maîtres italiens des
XVIIe et XVIIIe siècles. Prenant la tête du
mouvement néoclassique de l’entre-deuxguerres avec Malipiero, Pizzetti et, dans
une certaine mesure, Respighi, il se forgea
un langage personnel dépouillé, également
éloigné du romantisme et de l’impressionnisme, à la fois austère et attachant.
Casella s’est affirmé dans tous les genres,
et on lui doit notamment des concertos
pour solistes (piano, violon, violoncelle,
etc.) ou conçus dans la forme du concerto
grosso (op. 43 pour orgue, cuivres, timbales et orchestre à cordes, op. 69 pour
quatuor, piano, timbales, percussion et orchestre, etc.), des poèmes symphoniques,
de la musique de chambre, de la musique
instrumentale (notamment des pièces
pour piano à quatre mains), des mélodies,
etc. Parmi ses oeuvres pour la scène, on
peut mentionner ses ballets Il Convento veneziano (1912, 1re représentation à Milan,
1925), La Camera dei disegni (1940) et La
Rosa del sogno (1943), ainsi que La Giara
(1924), comédie chorégraphique d’après
Pirandello, son oeuvre la plus célèbre, et
enfin ses oeuvres lyriques : La Donna serpente, d’après C. Gozzi (1932), La Favola
d’Orfeo (1932) et Il Deserto tentato (1937).
CASIMIRI (Raffaele), compositeur et musicologue italien (Gualdo Tadino, prov.
de Pérouse, 1880 - Rome 1943).
Il voua sa vie à l’étude et à la restauration
de la musique sacrée, du grégorien aux
débuts de la polyphonie. Dès 1901, on le
trouve directeur à Rome du journal Rassegna Gregoriana. Ordonné prêtre la même
année, il fut nommé maître de chapelle
dans différentes villes de province, puis,
en 1911, à Saint-Jean-de-Latran à Rome
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
162
et, l’année suivante, fut également nommé
professeur de composition à l’École supérieure de musique sacrée de Rome. Il
fonda les périodiques Psalterium (1907)
et Note d’Archivio per la Storia musicale
(1924), l’almanach Sacri Concentus et la
Bibliotechina Ceciliana, écrivit de nombreux articles et créa en 1919 un choeur,
la Società Polifonica Romana, avec lequel
il donna des concerts dans de nombreux
pays. Son édition de l’oeuvre complète de
Palestrina, entreprise en 1938, est restée
inachevée (15 volumes publiés sur les 33
projetés). Casimiri composa des messes,
oratorios et oeuvres sacrées diverses, ainsi
que des pièces chorales profanes (Madrigali e Scherzi).
CASINI (Giovanni Maria), compositeur
italien (Florence 1652 - id. 1719).
Il s’initia au contrepoint dans sa ville
natale, puis vint à Rome travailler avec
Simonelli et Pasquini, qui fit de lui un
remarquable organiste. Il occupa ensuite
des postes de second organiste (1676) et
de premier organiste (1678) à la cathédrale
de Florence et devint maître de chapelle
et organiste du grand-duc Cosme III. Il
s’intéressa, à la suite de Vicentino et de
Colonna, à la renaissance de la musique
de l’Antiquité, construisit même des clavecins, dont un à 4 octaves, divisées chacune
en 31 notes, et à 125 touches, blanches et
noires. Il composa des oeuvres pour orgue
et de la musique d’église (motets, répons,
oratorios).
CASPARINI, dynastie de facteurs d’orgues allemands des XVIIe et XVIIIe siècles.
Les divers membres de la famille travaillèrent en Italie, en Autriche et dans l’Europe du Nord (Prusse, Silésie, Pologne).
L’activité d’Eugen Casparini (1623-1706),
maître d’orgues de l’empereur d’Autriche,
se déploya en Italie du Nord (Venise, Padoue), dans le Tyrol, à la cour de Léopold
Ier à Vienne et en Allemagne.
CASSADÓ, famille de musiciens espagnols.
Joaquín, organiste et compositeur (Barcelone 1867 - id. 1926). Destiné à la prêtrise,
il débuta comme organiste à Barcelone,
puis y fonda la Capilla Catalana (1890).
Il fonda ensuite un trio avec ses deux fils,
avant de se consacrer à la pédagogie et à
la composition. On lui doit notamment
un opéra (El Monjo negro), des zarzuelas,
trois poèmes symphoniques, une Sinfonia
dramatica et une Fantaisie pour piano et
orchestre.
Gaspar, fils du précédent, violoncelliste
et compositeur (Barcelone 1897 - Madrid
1966). Il fut l’élève de Pablo après ses
études au conservatoire de Barcelone.
Il joua en trio avec son père et son frère
(disparu prématurément), puis fit une
brillante carrière de virtuose et enseigna
à l’Accademia Chigiana de Sienne. Ses
oeuvres comprennent des pièces pour son
instrument (y compris beaucoup de transcriptions), un concerto, une sonate, etc.,
mais également une Rapsodia catalana, un
oratorio et trois quatuors à cordes.
CASSARD (Philippe), pianiste français
(Besançon 1962).
Il obtient en 1980 le 1er Prix de musique
de chambre et en 1982 celui de piano
au Conservatoire de Paris, puis étudie
avec Léon Fleischer et Bruno Seildlhofer. De 1982 à 1984, il se perfectionne à la
Hochschule für Musik de Vienne auprès
de H. Graf et y travaille aussi l’accompagnement du lied. En 1988, il remporte
le 1er Prix du Concours international de
Dublin, ce qui lui vaut de nombreuses
invitations des grands orchestres britanniques. En 1990, il donne son premier
concert aux États-Unis. Profondément
intéressé par la musique de chambre, il a
fondé en 1993 un quatuor avec Raphaël
Oleg, Miguel da Silva et Marc Coppey.
Il est aussi un accompagnateur de lieder
accompli.
CASSATION.
Un des termes utilisés au XVIIIe siècle
pour désigner une musique relevant du
concept global de divertissement ou de
divertimento. Ces termes furent alors
souvent employés de façon synonyme,
et inversement, les sources différentes
d’une même oeuvre utilisent fréquemment l’un ou l’autre. Les traditions locales jouèrent sur ce plan un rôle non
négligeable : presque toutes les oeuvres
de musique de chambre de Haydn et de
ses contemporains conservées à l’abbaye
autrichienne de Göttweig y sont intitulées cassations. Ce n’est qu’avec H. C.
Koch qu’à cette diversité terminologique
fut donnée une base théorique. Le terme
« cassation » proviendrait de l’italien cassazione (séparation, abandon, adieu), et
désignerait une musique « mettant fin »
à une manifestation de circonstance. On
a aussi voulu le faire dériver de l’expression allemande gassatim gehen (aller en
promenade nocturne dans un but amoureux, de Gasse : chemin, voie, ruelle),
mais pour Koch, c’est « cassation » qui
aurait donné « gassatim », et non l’inverse : effectivement, pouvaient se jouer
en plein air non seulement une cassation,
mais tout aussi bien un divertissement
ou une sérénade. Mozart n’appela luimême cassations que quelques ouvrages
de jeunesse (1769) pour ensemble instrumental (K. 62, 63, 99), et Haydn uniquement deux groupes de brèves pièces
avec baryton (Hob. XII.19 et 20-23) sans
doute destinées à « terminer » une soirée
musicale chez le prince Esterhazy.
CASSETTE.
De son vrai nom « cassette compacte »,
et dite également « minicassette », elle a
été lancée par les laboratoires de la firme
Philips en 1963. Elle consiste en un petit
chargeur contenant du ruban magnétique
de petite largeur (3,81 mm) et de très faible
épaisseur (0,020 mm maximum). Elle est
destinée à fonctionner sur des magnétophones spéciaux, à vitesse de 4,75 cm/s,
et son inscription magnétique sur quatre
pistes permet l’enregistrement et la lecture dans les deux sens de défilement en
stéréophonie, d’une durée totale qui peut
atteindre deux heures.
L’intérêt de la cassette est de pouvoir
obtenir des enregistrements sonores à
partir d’appareils portables, de coût peu
élevé et de fonctionnement simple, et
d’autoriser la diffusion de musique de
son choix dans une automobile. Cepen-
dant, pour atteindre à la qualité prescrite
par les normes de la haute fidélité, la
cassette exige d’être dotée d’une bande
magnétique de performances élevées, et
d’être utilisée sur des appareils perfectionnés, coûteux et d’un maniement délicat. Dans de telles conditions, la qualité
d’enregistrement obtenue peut atteindre,
voire dépasser, la qualité moyenne des
disques. Mais ce n’est généralement pas
le cas des cassettes préenregistrées, ou
« musicassettes » produites industriellement et destinées à un usage d’exigences
moindres. Après différentes tentatives
pour développer des cassettes de standard différent, ce sont aujourd’hui les
cassettes numériques qui semblent s’imposer.
CASSUTO (Alvaro), chef d’orchestre et
compositeur portugais (Porto 1938).
Après des études de composition à Lisbonne (1955-1959), il a travaillé la direction d’orchestre, en particulier avec
Karajan (1960), Pedro de Freitas-Branco
(1960-1963) et Jean Fournet (1966). Chef
adjoint de l’orchestre de chambre de la
fondation Gulbenkian de 1965 à 1968,
il a ensuite occupé à New York un poste
d’assistant de Leopold Stokowski, et est
devenu en 1971 chef permanent de l’orchestre de la radio de Lisbonne. Comme
compositeur, il a été le premier au Portugal
à utiliser la série dodécaphonique, et, dans
les années 60, il a suivi Penderecki dans
son exploration des clusters de cordes. Ses
oeuvres principales sont pour orchestre :
Sinfonia breve no 1 (1959) et no 2 (1960), In
Memoriam Pedro de Freitas-Branco (1963),
ou encore Évocations (1970).
CASTAGNETTES.
Instrument à percussion de la famille des
bois.
Ces cuillères de bois dur, toujours couplées, sont réunies par un cordon ou articulées au bout d’un manche pour claquer
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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l’une contre l’autre, ou disposées côte à
côte pour s’abattre sur un socle horizontal. Il existe aussi des castagnettes de fer,
montées en pince ou sur socle.
CASTELNUOVO-TEDESCO (Mario),
compositeur italien naturalisé américain (Florence 1895 - Beverly Hills, Californie, 1968).
Il fit ses études au conservatoire de Florence et avec I. Pizzetti, écrivit à l’âge de
quinze ans Cielo di settembre (« Ciel de
septembre ») pour piano, page orchestrée
plus tard, et devint rapidement un des plus
brillants représentants de la musique italienne. Les événements précédant la Seconde Guerre mondiale l’obligèrent à émigrer aux États-Unis, d’abord dans l’État
de New York (1939) puis à Los Angeles,
où il enseigna la composition à partir de
1946. Dans un style délicat et raffiné, il a
composé les opéras La Mandragola d’après
Machiavel (Venise 1926), Bacco in Toscana
(Milan 1931), Aucassin et Nicolette (1938,
première représentation, Florence 1952),
Il Mercante di Venezia (Florence 1961)
et Tout est bien qui finit bien (Florence
1959), l’un et l’autre d’après Shakespeare,
The Importance of being Earnest d’après
Wilde (1962), plusieurs ouvertures de
concert pour des pièces de Shakespeare,
des concertos dont deux pour guitare et
un pour deux guitares, et de nombreuses
pièces vocales et instrumentales dans à peu
près tous les genres, parmi lesquelles des
versions pour voix et piano, dans la langue
originale, de toutes les chansons des pièces
de Shakespeare (1921-1926).
CASTÉRÈDE (Jacques), compositeur
français (Paris 1926).
Il a fait ses études au Conservatoire de
Paris, y travaillant notamment le piano
(premier prix en 1948), la composition
(avec T. Aubin) et l’analyse (avec O. Messiaen). Premier grand prix de Rome en
1953 avec la cantate la Boîte de Pandore,
il a été nommé professeur de solfège au
C.N.S.M. de Paris en 1960, et y est devenu
conseiller aux études en 1966, puis professeur d’analyse en 1970. Sa production, de
caractère néoclassique, traduit nettement
son appartenance à une tradition nationale. Au sein d’un catalogue de plusieurs
dizaines d’oeuvres de toutes formes et utilisant volontiers des voix et des instruments
peu habitués à évoluer ensemble, on peut
citer une symphonie pour cordes (1952) ;
une sonate pour piano et violon (1955),
une pour piano (1967) et une pour piano
et alto (1968) ; l’oratorio le Livre de Job
(1959) ; la Chanson du mal-aimé d’après
Apollinaire (1960) ; Quatre Poèmes de Robert Desnos pour baryton et piano (1965) ;
deux concertos pour piano (1968, 1972) ;
Images pour un jour d’été, concerto pour
2 pianos et cordes (1969) ; Hymn pour
récitant, choeurs, orgue, cuivres et percussion (1973) ; In Memoriam Ludwig van
Beethoven pour orchestre (1975) ; Avant
que l’aube ne meure pour piano, violon,
alto et violoncelle (1976) ; Fanfares pour
La Fayette pour ensemble de cuivres
(1976) ; Pianologie pour 3 pianos, chant
et percussion (1977) ; Concert on a boat
pour clarinette et orchestre à vents (1978) ;
un concerto pour guitare (1979) ; Psaume
VIII pour orgue, violoncelle et soprano
(1987), Miroirs du rêve pour orchestre à
cordes. Il a reçu en 1991 le Grand Prix de
la Ville de Paris.
CASTI (Giovanni Battista), librettiste
italien (Acquapendente, près d’Orvieto,
1724 - Paris 1803).
Rival de Da Ponte à Vienne, où il s’installa
en 1783, il y écrivit le livret d’Il rè Teodoro de Paisiello (1784) et, pour Salieri,
ceux de La grotta di Trofonio (1785), de
Prima la musica e poi le parole (1786),
avec attaques contre Da Ponte, de Cublai,
Gran Can dei’Tartari (1788) et de Catilina (d’après Voltaire, 1792). En raison de
leurs résonances politiques, ces deux derniers ouvrages ne furent pas représentés.
Presque tous comiques, les livrets de Casti
contiennent de nombreux traits satiriques.
Fait poète de cour par l’empereur François
II à la fin de 1792, il quitta définitivement
Vienne en 1796.
CASTIGLIONI (Niccolò), compositeur
italien (Milan 1932).
Il a fait ses études au conservatoire de
sa ville natale avec Desderi, F. Ghedini,
Margola et Fuga, puis au Mozarteum de
Salzbourg avec Friedrich Gulda et Carlo
Zecchi et, enfin, à partir de 1958, aux cours
d’été de Darmstadt. Il a aussi eu comme
maître Boris Blacher. Il s’est d’abord fait
une renommée de pianiste virtuose au
toucher et au jeu raffinés et, en 1961, a
obtenu le prix Italia pour son opéra radiophonique Attraverso lo specchio (« À travers le miroir »). En 1966, il a émigré aux
États-Unis, où il a d’abord été composer in
residence au Center of Creative and Performing Arts de Buffalo. Nommé ensuite
visiting professor in composition à l’université du Michigan à Ann Arbor, puis regent
lecturer à l’université de Californie à San
Diego, une sorte d’épuisement le força à
rentrer en Europe, et, depuis le début des
années 70, il a assez peu produit.
Ses oeuvres, de tendance postsérielle élargie, surtout instrumentales,
témoignent d’un tempérament lyrique et
dramatique extrêmement vif et d’une sensibilité aiguë pour laquelle la musique ne
doit se justifier que d’elle-même : « Tout
comme un dessin où le noir des traits n’a
d’autre fonction que d’articuler le blanc
du papier, les Disegni (1960) sont de par
leur forme un continuum du silence au
sein duquel les notes viennent s’insérer
pour articuler le silence par les sons » (à
propos de sa pièce d’orchestre Disegni).
Ses ouvrages, volontiers très courts, ont
souvent quelque chose d’éphémère, qui
répugne à la durée, telles les images d’un
kaléidoscope. À propos de Gyro, pour
choeur mixte et 9 instruments (1963), il
a d’autre part fait remarquer « que depuis
toujours un mystère, une exigence religieuse existent dans la science, et que la
religiosité de tout temps peut s’exprimer
aussi à travers la science. C’est le besoin
de ne rien renier - dans le meilleur sens
du terme - de ce qui est profane ». Il a
écrit notamment Aprèslude pour orchestre
(1959), Gymel pour flûte et piano (1960),
A Solemn Music I (1963) et II (1965) pour
soprano et orchestre de chambre sur des
textes de John Milton, une symphonie en
ut pour choeur et grand orchestre (avec 4
pianos et 4 clavecins) sur des textes de Ben
Johnson, Dante, Shakespeare et J. Keats
(1969-70), Inverno In-Ver, 11 poésies musicales pour orchestre (1972), Quodlibet
pour piano et instruments (1976) ; Hymne
pour choeur à 12 parties a cappella (198889) ; Fantasia concertata pour piano et orchestre (1991). On lui doit également un
intéressant ouvrage de synthèse : le Langage musical de la Renaissance à nos jours.
CASTIL-BLAZE (François) ! BLAZE.
CASTILLON DE SAINT-VICTOR (Alexis
de), compositeur français (Chartres
1838 - Paris 1873).
Venu à la musique assez tard, après une
brève carrière militaire, il fit ses études
avec Delioux et Victor Massé, puis César
Franck dont il fut l’un des disciples les plus
doués. Il participa en 1871 à la fondation
de la Société nationale de musique et en
fut le secrétaire. Ses oeuvres symphoniques
et instrumentales, présentées notamment
dans le cadre des concerts de la Société
nationale, se heurtèrent plus d’une fois à
l’incompréhension et à l’hostilité du public, en raison de leur nouveauté. Castillon
est l’un des premiers à avoir ressuscité, en
France, la musique de chambre. La poésie,
la fraîcheur et la force de son inspiration,
écho d’un généreux tempérament romantique, font déplorer qu’il n’ait pas eu de
connaissances assez solides en technique
d’écriture pour affermir son style et son
langage. Son oeuvre comprend essentiellement des pièces symphoniques, dont une
symphonie, de la musique de chambre (un
quintette pour piano et cordes, 2 quatuors
à cordes, un quatuor pour piano et cordes,
2 trios pour piano et cordes, etc.) et des
pièces pour piano.
CASTRAT.
Ce terme, qui est un doublet de châtré ou
castré, désigne un type de chanteur, très en
vogue aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le castrat,
n’ayant pas mué à la suite d’une émascudownloadModeText.vue.download 170 sur 1085
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lation précoce, avait, grâce à de sévères
études, développé les réflexes et la puissance d’une voix d’adulte agissant sur un
larynx d’enfant.
Pratiquée avant la puberté, la suppression (ou plutôt l’annulation des fonctions)
des testicules compromet l’apparition des
caractères sexuels principaux et, en particulier, arrête le développement du larynx,
cependant que la croissance se poursuit et
que la cage thoracique atteint la dimension de celle de l’adulte (et devient même,
semble-t-il, anormalement volumineuse),
faisant bénéficier de cette « soufflerie »
d’adulte une voix dont le timbre avait
gardé les caractéristiques de celle d’un
jeune garçon.
Les castrats, utilisés dès l’Antiquité
dans certains cultes orientaux, gagnèrent
le monde latin et l’Allemagne. La chapelle de Roland de Lassus, à Munich, en
possédait six vers 1560. On en trouvait
en Espagne, où ils furent indistinctement
confondus avec les falsettistes artificiels,
et bientôt à Rome où la chapelle Sixtine
les admit officiellement dans ses choeurs
(ainsi était résolu le problème des voix élevées là où les femmes étaient proscrites,
alors que les enfants perdaient leur aigu
dès qu’ils avaient acquis les connaissances
musicales nécessaires et que les voix des
falsettistes artificiels se révélaient trop
faibles). L’opéra naissant récupéra ces voix
étranges et quasi asexuées, capables d’incarner les rôles masculins ou féminins :
Giovanni Gualberti créa le rôle d’Orfeo
dans l’opéra de Monteverdi (1607), et ce
fut aussi un castrat qui incarna Néron à la
création du Couronnement de Poppée.
Il est donc faux de croire que les castrats d’opéra eurent pour mission de
remplacer l’élément féminin, et leur suprématie est bien antérieure à l’interdiction faite aux femmes de paraître sur les
scènes romaines. Il faut seulement noter
que l’Église approuvait implicitement
une mutilation qu’elle condamnait officiellement et que des parents trop cupides
couvraient d’un prétexte quelconque pour
l’imposer à des enfants trop jeunes pour
en saisir les conséquences ; il faut ajouter
que les jeunes victimes n’étaient nullement sûres de devenir toutes célèbres et
riches. Remarquons encore que, d’après
d’Ancillon (Traité des eunuques, 1770),
l’opération était parfaitement indolore,
étant non une ablation, mais un type de
sclérose après une longue immersion dans
un bain bouilli et traité en conséquence ;
précisons enfin que les castrats pouvaient
parfois mener une existence conjugale,
mais non procréer, et que leur état ne les
prédisposait en rien à l’homosexualité.
L’exceptionnelle qualité de leur chant
venait non seulement de la particularité
de leur timbre, très brillant, et de l’étendue de leur tessiture, mais aussi de leur
vocation précoce inéluctable : entrés très
jeunes dans des écoles spécialisées dont
ils étaient pensionnaires, les castrats étudiaient pendant huit ou dix ans, et plus
de dix heures par jour, non seulement les
humanités et les sciences, mais la composition musicale, le jeu des instruments, et
naturellement le chant, avec une persévérance inconnue des autres types d’interprètes. Leur art reposait sur une virtuosité
sans faille, de type instrumental (les flûtistes, par exemple, travaillaient les mêmes
exercices), avec ses gammes diatoniques
et chromatiques, ses octaves piquées, ses
trilles, etc., sur une remarquable longueur
de souffle (on cite l’exemple de Farinelli,
capable de tenir deux ou trois cents notes
d’une seule haleine), sur leur étendue vocale (leurs résonances « de poitrine » se
développaient dans le grave tandis qu’ils
conservaient l’aigu de leur voix de tête initiale), mais aussi, et cela est trop oublié
aujourd’hui, sur le caractère pathétique et
profond de leur expression, enrichi par un
inépuisable éventail de nuances. Leurs caprices, exagérés par les historiens, furent
semblables à ceux que manifestèrent à
toutes les époques les bénéficiaires du
vedettariat artistique.
Non seulement les castrats incarnaient
des personnages masculins ou féminins,
mais le costume qu’ils portaient n’était
pas nécessairement en rapport avec le
sexe du rôle : dans le cas d’incarnations
masculines, le castrat était appelé musico,
tandis que le terme primo uomo désignait,
au sein d’une compagnie lyrique, son rôle
de « vedette » au cachet le plus élevé. Les
castrats, sur lesquels reposa l’édifice du bel
canto, furent les interprètes d’élection de
Scarlatti, Haendel, Pergolèse, Hasse, etc.,
et leur domaine privilégié fut l’opera seria ;
mais, contrairement à la croyance générale, ils furent aussi souvent sollicités dans
l’opera buffa. Il existait entre les castrats
contraltistes et sopranistes une distinction, mais celle-ci tenait davantage à leur
timbre qu’à l’étendue qui était d’ailleurs
plus facile à apprécier dans l’ornementation qu’ils ajoutaient aux textes écrits que
dans ces derniers ; on relève néanmoins
l’emploi exceptionnel du ré 2, dans le
grave, et du ré 5 dans l’aigu.
Parmi les castrats les plus célèbres, citons Baldassare Ferri (1610-1680), avec
lequel la virtuosité tendait déjà à l’emporter sur l’expression, puis Giovanni Grossi,
dit il Siface (1653-1697), célèbre aussi
pous ses conquêtes féminines, Nicola
Grimaldi, dit il Nicolino (1673-1732),
Francesco Bernardi, dit il Senesino (v.
1680-v. 1750), Antonio Bernacchi (16851756), pédagogue célèbre, Carlo Broschi,
dit Farinelli (1705-1782), qui fut aussi
ministre de Philippe V en Espagne, son
rival Giovanni Carestini (1705-1782),
doté d’un exceptionnel grave de contralto,
Gaetano Majorano, dit Caffarelli (17101783), Gioacchino Conti, dit il Gizziello,
Gaetano Guadagni (1725-1792), créateur
de l’Orfeo de Gluck, Guiseppe Aprile
(1732-1813), Giusto Tenducci (1736apr. 1800), dont le mariage fit scandale,
Giuseppe Pacchierotti (1740-1821), jugé
par certains supérieur à Farinelli pour
son expression pathétique, Venanzio
Rauzzini (1746-1810), pour qui Mozart
écrivit Lucio Silla et l’Esultate Jubilate,
Luigi Marchesi (1754-1829), Vincenzo
Del Prato (1756-1828), créteur du rôle
d’Idamante dans Idoménée de Mozart, et
Girolamo Crescentini (1762-1846), pour
lequel Cherubini écrivit, et qui fut décoré
par Napoléon.
Le dernier castrat d’opéra fut Giovanni
Battista Velluti (1781-1861) : Pavesi,
Morlacchi, Mayr, Rossini, et encore
Meyerbeer en 1824, écrivirent pour lui.
Il triompha dans toute l’Europe, eut de
nombreuses aventures féminines, dirigea
le Covent Garden de Londres où il parut
jusqu’en 1829, et émut encore Stendhal
en 1831. C’est à Londres également que
chanta Pergetti en 1844, mais les derniers
castrats furent ceux de la chapelle Sixtine :
le directeur de celle-ci, Domenico Mustafà (1829-1912), auquel Wagner pensa
un moment confier le rôle de l’eunuque
Klingsor dans Parsifal, et dont la célèbre
chanteuse Emma Calvé fut l’élève, puis
Alessandro Moreschi (1858-1922), qui
enregistra sur disques en 1902 ; son témoignage, certes imparfait, est suffisant pour
confirmer à quel point ces voix différaient
autant de celles des femmes que de celles
des falsettistes modernes.
CASTRO (Jean de), compositeur flamand originaire du pays de Liège ( ? v.
1540 - ? v. 1600).
Il s’établit à Anvers, et semble avoir quitté
cette ville pour des raisons politiques vers
1575, année où parut à Paris sous son nom
un livre de chansons à trois voix. Il se dirigea vers l’Allemagne puis vers Lyon, où fut
publié en 1580 un deuxième livre de chansons. On le retrouve en 1586 à Anvers, où
parut un livre de chansons à cinq parties.
Il occupa ensuite des postes à Düsseldorf
et à Cologne, où peut-être il mourut (toujours est-il que six livres de musique de lui
furent imprimés dans cette ville de 1593
à 1599). Castro fut un des compositeurs
les plus appréciés et les plus édités de son
temps. À l’aise à la fois dans le profane et
dans le sacré, il a écrit des motets, trois
messes parodiques, des chansons, des ma-
drigaux. Sensible aux courants
venus d’Italie, il mit souvent
les mêmes textes que Roland de
chercha son inspiration, entre
la poésie de Ronsard.
nouveaux
en musique
Lassus, et
autres, dans
CATALANI (Alfredo), compositeur italien (Lucques 1854 - Milan 1893).
Il étudia la composition avec Antonio Bazzini à Milan, où il se fixa et mourut prémadownloadModeText.vue.download 171 sur 1085
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turément. Son opéra La Falce, sur un livret
de Boïto (1875), lui valut une immédiate
renommée que ne confirmèrent qu’à demi
Elda (1880, ébauche de sa future Loreley),
Dejanice (1883), puis Edmea (1886), dont
la création fut dirigée par Toscanini, son
fervent admirateur, qui fit à cette occasion
ses débuts en Italie. Loreley (1890) et La
Wally (1892) donnent la pleine mesure
du talent de ce romantique auquel on doit
encore des romances et de la musique de
chambre, de cet amoureux de la France et
de l’Allemagne, attiré par le surnaturel weberien et wagnérien, et consumé, à l’image
de ses héros, par un amour impossible. Son
art, élaboré entre la maturité de Verdi et
la naissance de la nouvelle vague vériste,
occupe une place à part dans l’histoire de
l’opéra italien, proposant une rare osmose
entre une ligne de chant sensible et raffinée et un orchestre aux riches harmonies,
d’une épaisseur quasi germanique.
CATALANI (Angelica), soprano italienne
(Sinigaglia 1780 - Paris 1849).
Élevée dans un couvent à Gubbio, elle fut
poussée vers le chant par son père à la suite
de revers de fortune de sa famille. Elle débuta à Venise en 1797 dans Lodoiska de
Mayr et s’imposa d’emblée par la facilité
extraordinaire de sa voix, son intonation
juste et pure et sa technique prodigieuse.
Son agilité dans l’exécution des ornements
les plus compliqués frappait d’autant plus
que le volume de sa voix était considérable. Elle était très belle et son maintien
en scène fut jugé « royal », mais son goût
musical n’était pas irréprochable. L’apogée
de sa carrière se situa entre 1806 et 1814 à
Londres, où elle perçut des cachets d’un
montant fabuleux. Elle fut à Paris direc-
trice du Théâtre-Italien entre 1814 et 1817,
puis parcourut l’Europe jusqu’à ses adieux
à la scène en 1827.
CATALOGUE THÉMATIOUE.
Ouvrage donnant une liste d’oeuvres identifiées par leurs premières mesures ou incipit. Il peut s’agir des oeuvres (complètes
ou non) de tel ou tel compositeur, soit
encore (ce fut particulièrement le cas au
XVIIIe siècle, notamment avec le catalogue
Breitkopf) des oeuvres disponibles chez tel
ou tel éditeur ou tel ou tel collectionneur.
Mozart dressa un catalogue thématique
de ses oeuvres à partir de 1784, Haydn en
dressa ou en fit dresser deux (à partir de
1765 et de 1805 respectivement, l’un et
l’autre incomplets). Un catalogue comme
celui de Breitkopf n’exclut pas les erreurs
d’attribution (on y trouve sous le nom
de Haydn des oeuvres qui ne sont pas de
lui). L’exemple des éditeurs fut suivi par
les bibliothèques publiques ou privées. À
partir du XIXe siècle, on établit systématiquement les catalogues thématiques des
différentes collections et des oeuvres d’un
même compositeur, ce travail de musicologue consistant à accompagner le thème
cité du plus grand nombre possible de détails : titre précis, auteur du texte, formation, date et lieu de composition, dédicace,
collection où est conservé le manuscrit,
édition originale, rééditions, lieu, date et
interprètes lors de la création, bibliographie relative à l’oeuvre.
Parmi les catalogues thématiques
les plus importants figurent ceux de W.
Schmieder pour J.S. Bach (BWV), L.
Köchel pour Mozart (KV ou K), A. van
Hoboken pour J. Haydn (Hob), G. Kinsky
et H. Halm pour Beethoven, O. E. Deutsch
pour Schubert (D), A. Wotquenne puis
Eugene Helm pour Carl Philip Emanuel
Bach et Wotquenne également pour
Gluck (Wq), Y. Gérard pour Boccherini
(G), A. Tyson pour Clementi, P. Ryom
pour Vivaldi (R).
CATCH (angl. to catch, « attraper »).
Forme musicale très populaire en Angleterre aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Il s’agit d’un jeu en musique, proche
du canon ou encore du round, et où le
maniement astucieux du texte poétique
joue un rôle important. En effet, le but
du catch est d’obtenir des effets verbaux
amusants, parfois tout à fait grivois. De
nombreux recueils de rounds and catches
furent publiés, le premier étant le Pammelia (1609) de Th. Ravenscroft. Une écriture
en contrepoint - souvent fort savant - fait
appel à trois voix et parfois à dix voix.
Parmi d’autres compositeurs de catches,
citons H. Purcell et Th. Arne.
CATEL (Charles-Simon), compositeur
français (L’Aigle, Orne, 1773 - Paris
1830).
Formé à Paris par Gossec, il fut nommé
en 1790 accompagnateur de l’Opéra et
chef adjoint de la musique de la garde
nationale. Puis, lors de la création en
1795 de l’Institut national de musique,
futur Conservatoire, il fut désigné comme
professeur d’harmonie, avant de devenir
inspecteur de cette école (1810). Il finit sa
carrière membre de l’Institut, après avoir
succédé à Monsigny (1815).
Il laissa une oeuvre variée, qui reflète
une évolution en trois temps. De 1792 à
1795, Catel composa des hymnes et des
marches militaires pour les fêtes révolutionnaires. De 1795 à 1802, il se consacra à
des oeuvres pour piano ou pour ensembles
de musique de chambre (3 quatuors,
1796 ; 6 quintettes, 1797 ; 6 sonates, 1799),
et à des ouvrages pédagogiques, comme
l’Harmonie à la portée de tous (1802).
Enfin, de 1802 à 1818, il se tourna vers la
scène lyrique, pour laquelle il écrivit des
opéras-comiques et des opéras, dont certains, tels Sémiramis (1802) ou les Bayadères (1810), connurent le succès. Dans
son ballet héroïque, Alexandre chez Apelle
(1808), il mit en oeuvre une orchestration particulièrement raffinée. Son oeuvre
longtemps la plus connue est l’Auberge de
Bagnères (1807).
CAUCHIE (Maurice), musicologue français (Paris 1882 - id. 1963).
Homme de lettres, il commença par publier
des études sur la littérature du XVIIe siècle
avant de s’intéresser à la musique. Il se
pencha sur l’Odhecaton, recueil de motets
et de chansons publié par Petrucci en
1501. Il rédigea ensuite, dans les colonnes
du Ménestrel ou de la Revue de musicologie, toute une série d’articles consacrés à
Cl. Janequin, P. Cléreau, A. Boesset, au
protestant Cl. Le Jeune et à Couperin le
Grand. Il effectua des recherches sur Ockeghem et sur l’éditeur P. Attaignant, édita
des chansons de Janequin et collabora à
l’édition complète des oeuvres de Couperin
(l’Oiseau-Lyre, 1933). Il fut également l’auteur d’une Pratique de la musique (Paris,
1948), ainsi que de l’Index thématique des
oeuvres de F. Couperin (Paris, 1949).
CAUDA (lat. : « queue »).
Terme employé au Moyen Âge avant de
passer dans l’usage sous sa forme italienne
coda avec un sens légèrement dérivé.
1. Au sens latin primitif, le mot cauda est
employé, dans la musique non liturgique,
pour désigner une partie mélismatique sur
l’une des syllabes du texte chanté. Après
l’Ars antiqua, la ballade du XIVe siècle et
la frottola italienne du XVe ont généralisé
la cauda terminale, ce qui a provoqué le
glissement de sens vers la forme italienne
ultérieure coda.
2. Dans la notation mensurale du XIIIe au
XVIe siècle, la cauda est un trait vertical
(haste) affectant certaines notes ou ligatures, et dont la forme est empruntée à la
virga.
CAUSSADE, couple de pédagogues
français.
Georges (Port-Louis, île Maurice, 1873 Chanteloup-les-Vignes, Yvelines, 1936).
Il consacra toute son existence à l’enseignement. Au Conservatoire de Paris, il fut
nommé professeur de contrepoint en 1905,
puis de fugue en 1921. On lui doit deux ouvrages remarquables, Traité de l’harmonie
et Technique de l’harmonie (1931).
Simone Plé-Caussade (Paris 1897 Bagnères-de-Bigorre 1986). Elle succéda
à son mari en 1928 comme professeur de
fugue au Conservatoire. Élève de Cortot,
elle eut une certaine notoriété comme
pianiste. Compositeur, elle écrivit surtout des oeuvres pour piano (dont des
sonates), ainsi que des pièces pour orgue,
des choeurs, de nombreuses mélodies, des
pages religieuses. Son écriture, traditionnelle, révèle beaucoup de poésie et de sensibilité.
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CAUSSÉ (Gérard), altiste français (Toulouse 1948).
Au Conservatoire de Paris, il obtient
deux premiers prix (alto et musique de
chambre). De 1969 à 1971, il est l’altiste
du Quatuor Via Nova, et de 1972 à 1980
celui du Quatuor Parrenin. En 1976, il
entre à l’Ensemble InterContemporain,
qu’il quitte en 1982 pour se consacrer à
nouveau à la musique de chambre en petite formation, comme altiste du Quatuor
Ivaldi. L’enseignement occupe une grande
place dans sa carrière : d’abord au Conservatoire de Paris, où il assiste Jean Hubeau
à la classe de musique de chambre, puis au
Conservatoire de Lyon, où il est nommé
professeur d’alto en 1982, enfin de 1987 à
1992 au Conservatoire de Paris. Il a créé
de nombreuses oeuvres contemporaines,
notamment de compositeurs français
(Grisey, Hersant, Jolas, Koering, Lenot,
Masson, Nigg, etc.).
CAVAILLÉ-COLL, famille d’organiers
français, dont le nom de Cavaillé devint,
après un mariage, Cavaillé-Coll.
Joseph Cavaillé, religieux (v. 1700 - v.
1767). Il apprit la facture d’orgues avec le
frère Isnard. Jean-Pierre Cavaillé, neveu
du précédent (1743-1809). Il travailla avec
son oncle et lui succéda en Catalogne, en
Languedoc et en Roussillon. On lui doit
notamment l’instrument de Saint-Guilhem-le-Désert.
Dominique-Hyacinthe Cavaillé-Coll,
fils du précédent (1771-1862). Il fut l’élève
de son père. Il s’installa à Montpellier
avant de s’associer avec son propre fils à
Paris, en 1834.
Aristide Cavaillé-Coll, fils du précédent
(1811-1899). Il est le plus illustre représentant de la famille. Formé par son père, il
remporta très jeune le concours pour la
construction de l’orgue de la basilique de
Saint-Denis, qu’il édifia avec l’aide de son
père. Dès lors installé à Paris, il construisit,
pendant soixante ans, tous les grands intruments français de l’époque : Trocadéro,
Madeleine, Sainte-Clotilde, Saint-Sulpice
(1863), Notre-Dame, à Paris, Saint-Ouen
à Rouen, Saint-Sernin à Toulouse. Ayant
fait l’objet de restaurations ou d’agrandissements, ses instruments ne sont
généralement plus aujourd’hui dans leur
état d’origine. À la mécanique de l’orgue,
Cavaillé-Coll a apporté de nombreuses
innovations : emploi de la machine Barker,
généralisation du pédalier à l’allemande,
augmentation des combinaisons par tirasses, extension des claviers à 56 notes,
amélioration importante de la soufflerie.
Sur le plan sonore, il développe le clavier
de récit avec boîte expressive, oppose les
caractères des claviers, qu’il souhaite au
minimum de trois, introduit des sonorités nouvelles (flûtes harmoniques et octaviantes) et modifie l’équilibre général de
l’instrument, traité de façon plus grave et
compacte, plus puissante aussi, et s’inspirant des couleurs de l’orchestre symphonique. Aristide Cavaillé-Coll a également
présenté plusieurs mémoires d’acoustique
à l’Académie des sciences.
CAVALIERI (Catarina), soprano autrichienne (Vienne 1760 - id. 1801).
De son vrai nom Franziska Kavalier, elle
étudia avec Salieri et fit ses débuts à Vienne
en 1775 dans La Finta Giardiniera d’Anfossi. Son nom reste lié à celui de Mozart :
elle créa le rôle de Constance de l’Enlèvement au sérail en 1782, puis chanta celui
d’Elvire lors de la première viennoise de
Don Giovanni en 1788 (Mozart écrivit
alors pour elle l’air Mi tradi) et celui de la
comtesse lors de la reprise des Noces de Figaro en 1789. Une voix puissante compensait chez elle un physique désavantageux.
CAVALIERI (Emilio de’), compositeur italien (Rome v. 1550 - id. 1602).
Noble romain, fils de Tommaso Cavalieri ce beau garçon pour lequel Michel-Ange
quitta Florence pour Rome -, Emilio Cavalieri apporta une importante contribution
à la musique de la fin de la Renaissance et
du début de l’époque baroque en étant l’un
des premiers musiciens à composer dans
le nouveau style monodique. Il passa la
majeure partie de son temps à Florence, où
il fut nommé intendant de l’activité artistique à la cour de Ferdinand Ier de Médicis
en 1588. Membre de la Camerata de Giovanni Bardi, il y côtoya des artistes accomplis, tels G. Caccini et J. Peri.
Il put mettre en pratique ses idées et
fut parmi les premiers à utiliser la basse
continue avec des signes destinés à guider
les différents instruments. Sur des textes
de la poétesse Laura Guidiccioni, il composa plusieurs pastorales (La Disperazione
di Fileno, Il Satiro, Il Gioco della cieca), qui
ont été perdues.
Lors d’un de ses nombreux séjours à
Rome, où il put sans doute voir, à la chapelle Sixtine, le portrait de son père peint
par Michel-Ange, Cavalieri fit donner
en 1600 la Rappresentazione di Anima e
di Corpo, son oeuvre la plus célèbre, qui,
malgré une certaine similitude avec l’oratorio, n’en est pas un. L’oeuvre est composée dans le nouveau stile rappresentativo,
c’est-à-dire en récitatif, destiné à imiter le
plus possible le rythme de la langue parlée.
Bien qu’empreint d’une certaine sécheresse, ce récitatif ne manque pas d’expression, et la partition contient de nombreux
choeurs, dans un style syllabique simple,
qui introduisent un élément de contraste
heureux.
Dans le domaine de l’oratorio, on
conserve de Cavalieri une partition intitulée L’Ascensione del Nostro Salvatore.
D’autres musiques d’église ont également
survécu : les Lamentations Hieronemiae
Prophetae, écrites en collaboration avec
Isorelli, ainsi que les Responsi pour 2 et 3
voix.
CAVALLI (Pier Francesco Caletti-Bruni,
dit Pier Francesco), compositeur italien
(Crema 1602 - Venise 1676).
Chantre dans sa ville natale, doté d’une
belle voix de soprano, il attira l’attention du gouverneur de la cité, Federigo
Cavalli, qui lui obtint un poste de chantre
et d’organiste à la chapelle San Marco de
Venise (1616). Dès lors, il se fit appeler
P. F. Cavalli, du nom de son protecteur.
La musique de cette chapelle était dirigée
par Cl. Monteverdi et Cavalli devint son
élève pour la composition. En 1640, il fut
nommé titulaire de l’orgue de la chapelle
et, à la mort de Monteverdi (1643), s’imposa comme la personnalité la plus importante de la vie musicale à Venise. À partir
de 1639, le musicien commença à écrire
pour le théâtre, mais il est fort possible
qu’il ait, auparavant, collaboré à la production de quelques opéras de Monteverdi,
composant, ici et là, une ritournelle instrumentale selon les instructions du maître.
Entre 1639 et 1669, Cavalli écrivit 42
ouvrages lyriques, dont 4 dans la seule
année 1651. Il fut le compositeur le plus
remarquable de l’école vénitienne de sa
génération en matière d’opéras. Son grand
talent de mélodiste et son sens dramatique
très développé l’orientèrent vers la scène.
Sa musique, plus à la portée du grand
public que celle de Monteverdi, visait les
théâtres payants de Venise, le premier de
ces établissements (San Cassiano) ayant
ouvert ses portes en 1637. Sa véritable
carrière débuta avec la représentation des
Nozze di Teti e di Peleo (1639). Dès 1641,
son style atteignait une certaine maturité avec son premier chef-d’oeuvre, La
Didone. La partition contient notamment
une scène d’adieu admirable, chantée par
Énée, et reflète parfaitement le style de Cavalli : conçue de manière très continue, la
musique part du récitatif pour se transformer en arioso et en air avec une souplesse
inégalable. Suivirent d’autres opéras, dont
certains sont redécouverts aujourd’hui :
L’Egisto (1643) ; L’Ormindo (1644) ; Il
Giasone (1649) ; La Calisto (1651) ; Xerse
(1654) ; L’Erismena (1655). La réputation
de Cavalli grandit au point que Mazarin
refusa toute autre proposition pour fêter
le mariage de Louis XIV que la commande
d’un opéra à Cavalli. Les préparatifs et
dépenses ainsi que diverses difficultés
empêchèrent pourtant la représentation
de L’Ercole amante, qui ne devait avoir
lieu qu’en 1662, augmentée d’importantes scènes de ballet dues à J. B. Lully.
Le spectacle ne rencontra pas le succès
qu’il méritait et Cavalli, dégoûté, rentra
à Venise où il allait écrire de la musique
religieuse, dont une Missa pro defunctis,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
167
oeuvre concertante pour 8 voix et instruments, destinée à ses propres funérailles.
Au cours de sa carrière, Cavalli composa également quelques pièces instrumentales, parmi lesquelles des sonates et
canzoni (de 2 à 12 voix).
De nos jours, la représentation des opéras de Cavalli est chose peu aisée. En effet,
il faut tenir compte de la façon dont on
notait la musique d’une oeuvre de scène
à l’époque. Comme le Couronnement de
Poppée de Monteverdi, tous les opéras
de Cavalli sont composés sur deux por-
tées (chant et basse) avec seulement, de
temps en temps, une ritournelle notée à
plusieurs parties où il est possible de chercher des conseils stylistiques. Nul besoin
donc d’insister sur les difficultés que rencontre un éditeur moderne s’il veut faire
« revivre » cette musique et préparer une
édition de l’oeuvre (une réalisation). Cette
tâche a été accomplie avec grand succès
par des musicologues et musiciens spécialisés, notamment pour le festival de
Glyndebourne. Tel est le génie dramatique de Cavalli qui n’attend, pour être
redécouvert, que le talent et la fidélité du
réalisateur. Les librettistes sont souvent
excellents, tels Busenello ou Faustini, ce
dernier étant particulièrement habile à
mêler un drame essentiellement sérieux à
toutes sortes de péripéties comiques pour
créer un spectacle fort amusant et si typiquement italien lorsqu’il est bien réussi.
CAVATINE.
Pièce vocale à une ou deux parties sans
da capo. Son écriture est plus mélodique
que celle du récitatif, mais son lyrisme est
moins ample que celui de l’air.
Elle est dérivée de la cavata, terme qui,
au XVIIIe siècle, conformément à son étymologie (lat. cavare, « graver, creuser »),
désignait la terminaison, le résumé en
quelque sorte gravé sous forme de sentence, d’un récitatif. À la fin du XVIIIe siècle
et au début du XIXe, la cavatine, devenue
une forme plus développée et plus indépendante, garda de ses origines le caractère coulant de son débit vocal, évitant les
reprises, les répétitions de texte. Elle était
utilisée en particulier pour les entrées de
personnages, leur permettant de se présenter, de situer leur position par rapport
au déroulement de l’action (dans les Noces
de Figaro de Mozart, cavatine de Figaro
Se vuol ballare ; dans le Barbier de Séville
de Rossini, cavatines d’Almaviva, puis de
Rosine).
Plus tard, le terme a désigné des morceaux ne répondant plus strictement à la
définition originelle et se distinguant mal
de l’air habituel (comme la cavatine de
Faust dans l’opéra de Gounod).
Le mot cavatine se rencontre aussi dans
la musique instrumentale, avec un sens
relativement mal défini. Il s’applique en
général à une pièce essentiellement mélo-
dique, libre de forme et concise. Beethoven baptisa « cavatine » le douloureux cinquième mouvement de son 13e Quatuor
op. 130.
CAVAZZONI, famille d’organistes italiens du XVe siècle.
Marco Antonio, dit d’Urbino (Bologne
v. 1490 - Venise apr. 1559). Il occupa divers
postes d’organiste et de claveciniste en
Italie du Nord et à Rome, et fut chantre à
Saint-Marc de Venise. Son livre de Ricerchari, Motetti, Canzoni... (Venise, 1523)
contient les premières pièces écrites spécialement, en Italie, pour instruments à
clavier (Canzoni pour orgue).
Girolamo, son fils (Urbino v. 1510 - Venise
1560). Élève de son père et de Willaert, il
s’établit à Mantoue, où il fut organiste à
Santa Barbara, et publia deux recueils de
pièces d’orgue en tablature, dont la polyphonie serrée annonce Frescobaldi. Il fut
le maître de Costanzo Antegnati.
CAVENDISH (Michael), compositeur
anglais (v. 1565 - Aldermanbury 1628).
Il appartenait à une grande famille, proche
de la cour. Après John Dowland, le maître
incontesté de l’ayre anglais pour voix et
luth, Cavendish se classe parmi d’autres
excellents musiciens qui illustrèrent le
genre avec talent et surent habilement
marier le texte poétique à la musique
(Campion, Danyel, Rosseter, Pilkington,
Ford). Il a laissé des madrigaux à 4 et 5
voix, riches en mélodie et proches du style
balletto, gai et enlevé, cher à Th. Morley.
En 1598, il publia à Londres un recueil
d’ayres, Tabletorie to the Lute, qui contient
également 8 madrigaux à 5 voix. D’autres
compositions de Cavendish ont paru dans
des publications collectives, celles de Th.
East (Whole Booke of Psalmes, 1592), de
Th. Morley (The Triumphs of Oriana, 1601)
et encore de Th. Ravenscroft (The Whole
Booke of Psalmes with the Hymnes Evangelicall and Songs Spirituall, 1621).
CAVOS (Catterino), compositeur et chef
d’orchestre italien (Venise 1776 - SaintPétersbourg 1840).
Fils du directeur du théâtre de la Fenice à
Venise, Cavos remplit, dans ce haut lieu,
les fonctions de chef de chant avant de
diriger le théâtre de Padoue. Parti pour
Saint-Pétersbourg à la tête d’une troupe
italienne d’opéra (v. 1800), il devait y
demeurer jusqu’à sa mort, exerçant une
influence de plus en plus importante sur la
vie musicale. Nommé chef d’orchestre du
théâtre impérial en 1800, il en devint le régisseur en 1804, tout en étant professeur de
chant au Collège de l’Ordre de Sainte-Catherine. Puis, chef attitré de l’orchestre de
l’opéra russe (1806), il assuma, à partir de
1821, la direction générale de la musique.
Il joua un rôle déterminant dans la diffusion d’oeuvres alors jugées audacieuses :
sous sa baguette furent créées, en Russie, le
Freischütz (Weber), Fra Diavolo (Auber),
Robert le Diable (Meyerbeer). Bien plus,
alors même qu’il avait écrit un opéra sur
l’épisode d’Ivan Soussanine (représenté
en 1815), il dirigea et imposa l’oeuvre de
Glinka traitant le même sujet, la Vie pour
le tsar (1836), avec une conviction et une
chaleur révélatrices du regard qu’il portait sur la nouvelle musique russe. Il est
vrai qu’il avait personnellement ressenti
la nécessité de faire appel à des sujets historiques ou légendaires (outre Ivan Soussanine, Ilya Bogatyr, la Jeunesse d’Ivan III,
le Cosaque versificateur) et même parfois
à des thèmes musicaux populaires, sans
toutefois pouvoir oublier ses origines italiennes.
CAZZATI (Maurizio), compositeur italien
(Guastalla, Reggio Emilia, v. 1620 - Mantoue 1677).
Il fut maître de chapelle et organiste à la
chapelle Sant’Andrea de Mantoue, puis
maître de chapelle du duc de Sabbioneta
à Bozzolo (1646-1648), et occupa la même
charge à l’Accademia della Morte à Ferrare (1640-1651) et à Santa Maria Maggiore à Bergame (1653). De 1657 à 1673,
il résida à Bologne, où il s’affirma comme
un membre important de l’école de cette
ville, notamment dans le domaine de la
musique instrumentale. Il occupa le poste
de maître de chapelle à San Petronio où
l’activité musicale était particulièrement
intense, mais dut le quitter à la suite d’une
violente dissension avec Arresti, l’organiste de l’église. De retour à Mantoue, il
entra au service de la duchesse Anna Isabella de Gonzague et fonda une imprimerie musicale. Maurizio Cazzati a laissé
nombre de messes, psaumes, lamentations
et autres oeuvres religieuses, de madrigaux,
de cantates, d’oratorios dont la composition s’échelonna entre 1659 (Espressione in
versi di alcuni fatti di S. Giuseppe) et 1669
(La Vittoria di S. Filippo Neri). Son oeuvre
instrumentale, également abondante, se
compose de sonates et danses diverses.
CEBALLOS, famille de musiciens espagnols.
Francisco ( ? - Burgos 1571). Maître de
chapelle à Burgos de 1535 à sa mort, il a
laissé 4 messes et 7 motets.
Rodrigo, frère du précédent (Aracena
1525 - Grenade 1581). Il fut maître de chapelle à Malaga (1554), Séville (1556), Cordoue (1556), puis de la chapelle royale de
Grenade (1561). Important compositeur
de musique religieuse et profane, représentatif du Siècle d’or, il est l’auteur de
messes, motets, et pièces sacrées diverses,
de villanelles, éditées dans le Cancionero
des ducs de Medinaceli, et de madrigaux,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
168
édités par Esteban Daza dans El Parnaso
(Valladolid, 1576).
CEBOTARI (Maria), soprano autrichienne d’origine russe (Kishinev, Bessarabie, 1910 - Vienne 1949).
Elle chanta successivement aux Opéras de
Dresde (1931-1936), où elle créa le rôle
d’Aminta dans la Femme silencieuse de Richard Strauss, de Berlin (1936-1944) et de
Vienne (1944-1949). Elle créa à Salzbourg
les rôles de Lucille dans la Mort de Danton,
de Gottfried von Einem (1947), et de Iseut
dans le Vin herbé, de Frank Martin (1948).
Grande interprète de Mozart (la Comtesse,
Suzanne, Zerline) et de Richard Strauss
(Sophie, Ariane), elle alliait une technique
vocale raffinée à un physique séduisant.
CÉDEZ (en ital. cedendo).
Terme indiquant un léger fléchissement
du mouvement établi, ce dernier étant
repris lors de l’indication au mouvement.
Souvent employé par Debussy, cédez est
synonyme de retenu (ritenuto).
CÉLESTA.
Instrument à percussion inventé au
XIXe siècle par le facteur Victor Mustel et
perfectionné par son fils Auguste, qui en
déposa le brevet en 1886.
Extérieurement semblable à un petit
piano de 4 ou 5 octaves, il est pourvu d’un
clavier qui agit sur des lames métalliques
lestées d’une masselotte, par l’intermédiaire d’un mécanisme de marteaux et
d’étouffoirs. D’un son court, mais pur et
très cristallin, il a été employé à l’orchestre
par de nombreux compositeurs.
CELIBIDACHE (Sergiu), chef d’orchestre
et compositeur roumain (Roman 1912).
Son père, officier de cavalerie, le destinait
aux plus hautes fonctions. Il montra très
jeune des dons exceptionnels dans les
domaines des mathématiques, de la philosophie et de la musique. Consacrant trop
de temps à cette dernière matière au gré
de son père, il fut chassé par ce dernier et
connut alors à Bucarest des années difficiles. En 1939, il vint travailler en Allemagne, à Berlin, à la Hochschule für Musik
avec Tiessen et à l’université avec Schering
et Schünemann, et soutint successivement
des thèses de doctorat en musicologie
(Principes de développement et éléments
formels dans la technique de composition
de Josquin Des Prés), en philosophie et en
mathématiques.
En 1945, il se présenta au concours de
recrutement de premier chef d’orchestre
de la Radio de Berlin, et fut admis, alors
qu’il n’avait jamais auparavant tenu une
baguette de sa vie. La même année, il fut
nommé directeur de la Philharmonie de
Berlin et le demeura jusqu’en 1952. Par
la suite, il mena une vie itinérante, donnant sur tous les continents des concerts
et des cours de perfectionnement pour la
direction d’orchestre. Il est depuis 1979
directeur musical de la Philharmonie de
Munich.
Artiste exigeant, doté d’une organisation de pensée et d’une mémoire musicale
exceptionnelles, il domine un très vaste
répertoire, allant de Mozart aux compositeurs modernes. Appartenant à la religion bouddhique, il refuse toute commercialisation de son art et, peu satisfait des
techniques actuelles d’enregistrement,
il a réalisé peu de disques. Aussi n’a-t-il
jamais accédé à la popularité auprès d’un
très grand public. Il est également compositeur (4 Symphonies, un Concerto pour
piano, etc.) mais s’oppose à toute exécution publique de ses oeuvres.
CELLIER (Alexandre), organiste, compositeur et musicologue français (Molièressur-Cèze, Gard, 1883 - Paris 1968).
Élève d’Alexandre Guilmant et de CharlesMarie Widor au Conservatoire de Paris,
il fut nommé en 1910 organiste de l’église
réformée de l’Étoile à Paris. Il fut aussi
inspecteur de l’enseignement musical. Il
a composé des pièces pour orgue, de la
musique de chambre et quelques oeuvres
orchestrales. On lui doit des éditions
d’oeuvres de Nicolas Bernier, Marc-Antoine Charpentier et Michel-Richard Delalande. Alexandre Cellier a publié plusieurs
ouvrages sur l’orgue : l’Orgue moderne
(Paris, 1913), l’Orgue, ses éléments, son histoire et son esthétique (Paris, 1933) et Traité
de la registration d’orgue (Paris, 1957).
CENCERROS.
Instrument à percussion de la famille des
claviers.
Ce nom espagnol a été donné par
Olivier Messiaen à des cloches de vache
bombées disposées par rangs, pour former
des jeux qui couvrent jusqu’à 3 octaves et
demie.
CENSURE.
En ce qui concerne les écrits sur la musique, la censure ne se distingue pas de ce
qu’elle est dans les autres domaines. Elle
s’est notamment exercée envers les livrets
d’opéras ou d’oratorios de la même manière et dans la même mesure qu’envers les
pièces de théâtre, en fonction de directives
soit politiques (par exemple, Rigoletto de
Verdi, dont le sujet, pris au Roi s’amuse de
V. Hugo, dut être transplanté dans un milieu différent), soit morales (par exemple,
Pelléas et Mélisande de Debussy, dont deux
mesures durent être enlevées parce que le
texte faisait allusion au lit des amants). La
censure était plus préventive que corrective (Da Ponte fait grand cas, pour faire
jouer les Noces de Figaro de Mozart, des
adoucissements qu’il a apportés au modèle
de Beaumarchais). Sur le plan religieux,
l’Église exerçait sa propre censure (à
Vienne, la Création de Haydn fut interdite
dans les églises à cause de la coloration maçonnique de son livret pourtant biblique),
et la Réforme, surtout chez les calvinistes,
se montrait très sourcilleuse dans la sur-
veillance des chansons profanes, dont elle
dénonçait le caractère pervers, d’où les
nombreuses « parodies » édifiantes qu’elles
ont suscitées (Un jeune moine est sorti du
couvent, de Roland de Lassus, devient ainsi
Quitte le monde et son train décevant).
En ce qui concerne la musique proprement dite, on peut plus difficilement
parler de censure. On peut néanmoins
considérer comme telle l’interdiction faite
parfois aux Grecs de modifier les modes
ou d’augmenter le nombre des cordes
de lyre ; la décrétale Docta Sanctorum de
Jean XXII (1322), condamnant sous des
peines ecclésiastiques sévères (qui ne
furent jamais appliquées) la déformation
du plain-chant dans la polyphonie d’Ars
nova ; les prohibitions de chants religieux
sur thèmes profanes, notamment dans
les messes polyphoniques qui ont suivi le
concile de Trente ; l’interdiction à l’église
du répertoire d’opéra ou de certains instruments comme le piano, qui entoura
le Motu Proprio de Pie X (1903). Mais la
véritable censure visant la musique en tant
que telle ne s’est manifestée que comme
corollaire des régimes totalitaires, qu’elle
accompagne très fréquemment (interdiction des compositeurs juifs et de la musique « dégénérée » par Hitler vers 1937,
décrets Jdanov contre la musique « bourgeoise » sous Staline en 1936, interdiction
de la musique occidentale sous Mao Tsétoung en Chine, etc.).
CENTRE DE DIFFUSION DE LA MUSIQUE
CONTEMPORAINE (C.D.M.C.).
Il a été inauguré à Paris en 1978. Plus de
6 000 oeuvres musicales (partitions et/ou
enregistrements) peuvent y être consultées, les supports ayant suivi les évolutions
les plus récentes de la technologie. Les
oeuvres sont accompagnées de fiches techniques, des biographies des compositeurs,
de leur catalogue. Après son installation à
la Cité de la musique, le centre a ouvert en
1994 une section vidéo. Le C.D.M.C. est,
en même temps, un outil de promotion qui
publie une revue trimestrielle, Ostinato,
organise des rencontres, des conférences
et des concerts. Il a ouvert des antennes
à l’étranger, au Japon et au Brésil notamment.
CENTRE DE MUSIQUE BAROQUE DE VERSAILLES.
Institution de production et de recherche
musicale créée en 1987.
La première mission du centre est la reconstitution du cadre musical du château
de Versailles, notamment par l’organisadownloadModeText.vue.download 175 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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tion de concerts et de spectacles dédiés à la
musique des XVIIe et XVIIIe siècles. Un Atelier d’études et de recherches a la charge
de retrouver, de restaurer et d’éditer les
manuscrits musicaux de l’époque. La formation des interprètes au répertoire et aux
techniques adéquates incombe à l’Atelier
lyrique, au Studio baroque de Versailles,
ainsi qu’à la maîtrise (les Pages de la Chapelle). Depuis sa création, le centre s’est
doté d’un service de documentation informatisé, d’une bibliothèque, d’un département des arts de la scène (qui a abouti à
la création d’une structure indépendante,
le Théâtre baroque de France, dirigé par
Philippe Beaussant). Il publie aussi une
collection de disques.
CENTRE D’ÉTUDES DE MATHÉMATIQUES ET AUTOMATIQUE MUSICALES
(C. É. M. A. M. U.).
Association de recherche musicale créée
en 1972, sur l’initiative du compositeur
Yannis Xenakis, qui en est le président,
à partir d’un groupe qu’il fonda en 1966,
dans le cadre de l’École pratique des hautes
études, sous le nom d’Émamu, avec François Genuys et les mathématiciens Marc
Barbut et Georges-Th.
Guilbaud. La nouvelle association
comprend, autour de son animateur et
inspirateur Xenakis, des personnalités
scientifiques de diverses disciplines, et
bénéficie du soutien du Collège de France,
du Centre national d’études des télécommunications et de la fondation Gulbenkian. Son objet est l’application des
connaissances scientifiques modernes et
des moyens techniques (ordinateur) à la
composition musicale. Elle a produit des
travaux et des séminaires de recherche,
donné des enseignements, contribué à des
réalisations musicales, et présenté au public, en 1980, l’U. P. I. C., une « machine à
composer » permettant à tous de dessiner
des sons en vue d’un projet musical. Elle
se consacre à des expériences sur la synthèse des sons par ordinateur, selon des
postulats et des programmes qui diffèrent
de ceux communément utilisés dans les
autres studios (comme le programme
Music V de Mathews).
CEREROLS (Joan), compositeur catalan
(Martorell 1618 - Montserrat 1676).
Admis comme novice au monastère de
Montserrat à l’âge de dix-huit ans, il n’en
sortit pratiquement plus. Ses fonctions de
maître de chapelle l’amenèrent à composer de nombreuses pièces de musique religieuse, surtout chorales, dont la renommée
a largement franchi les murs de la célèbre
abbaye. C’est notamment le cas de la Missa
de Batalla, à trois choeurs.
CERHA (Friedrich), compositeur et chef
d’orchestre autrichien (Vienne 1926).
Élève de Vasa Prihoda pour le violon
et d’Alfred Uhl pour la composition à
l’école supérieure de musique de Vienne,
il a également étudié, à l’université, non
seulement la musicologie, mais la philosophie et la philologie germanique. Violoniste, professeur à l’école supérieure de
musique de Vienne à partir de 1959, il a
séjourné à Rome en 1957, et fondé en 1958
l’ensemble de musique contemporaine Die
Reihe, qui a joué à Vienne un peu le même
rôle que le Domaine musical à Paris. On
lui doit l’achèvement, ou plutôt l’orchestration, des parties manquantes du 3e acte
de l’opéra Lulu d’Alban Berg.
Comme compositeur, Cerha est parti
des classiques du XXe siècle et des techniques sérielles issues de l’école de Vienne
pour développer, à partir de 1956 surtout,
un langage personnel qui privilégie la
qualité du traitement des matériaux plutôt
que des tendances puristes dans le choix
de ces matériaux. Il a commencé à écrire
dès 1942 (2 lieder pour soprano et piano
sur des poèmes de Storm et Mörike), mais
l’ouvrage le plus ancien qu’il retient habituellement est Deux Éclats en réflexion
pour violon et piano (1956). On lui doit
notamment : Espressioni fondamentali
pour orchestre (1957) ; Relazioni fragili
pour clavecin et orchestre de chambre
(1957) ; Enjambements pour 6 interprètes
(1959) ; Spiegel I à VII pour grand orchestre et bande magnétique (1960-1971),
dont la première exécution d’ensemble
a eu lieu au festival de la S. I. M. C. à
Graz, en 1972 ; Verzeichnis pour 16 voix
a cappella (1969) ; Curriculum pour vents
(1972) ; Sinfonie pour orchestre (1975) ;
Double Concerto pour violon, violoncelle
et orchestre (1973-1976) ; Baal, opéra
d’après B. Brecht (1980, créé au festival
de Salzbourg en 1981) ; Netzwerk, oeuvre
scénique (1981) ; Keintate pour voix
moyenne et instruments (1982) ; Requiem
für Hollensteiner (1984) ; Concerto pour
flûtes (1986) ; opéra Der Rattenfänger
d’après Zuckmayer (Graz, 1987) ; Monumentum für Karl Prantl (Salzbourg, 1989),
Quatuor à cordes no 2 (1991).
ČERNOHORSKÝ ou CZERNOHORSKY
(Bohuslav Matěj), organiste et compositeur tchèque (Nymburk 1684 - Graz,
Autriche, 1742).
Il est considéré comme le plus important représentant de la musique baroque
tchèque. Fils d’un instituteur organiste, il
étudia la philosophie à Prague, puis entra
au noviciat. Père minorite en 1703, regens
chori à l’église Saint-Jacques de Prague,
il enseigna dans cette ville et en Italie, où
il fut envoyé par son ordre. Le « Padre
Boemo » eut comme élèves des musiciens
tchèques tels que Zach, Seger, Tuma, Haza,
mais aussi Tartini et Gluck. D’un an l’aîné
de Bach, il semble avoir fortement contribué à l’évolution de l’orgue baroque. Malheureusement, sa musique d’orgue a pour
l’essentiel été détruite dans l’incendie de
l’église Saint-Jacques en 1754.
De nombreuses copies d’oeuvres de
Froberger, Muffat, Roberday semblent
être de sa main, parmi d’autres originales.
Ses oeuvres vocales le désignent comme un
représentant de l’école vénitienne tardive,
tout comme A. Michna d’Otradovice.
CERRETO (Scipione), compositeur et
théoricien italien (Naples v. 1551 - id.
apr. 1631).
Il s’imposa comme auteur de madrigaux.
Ses oeuvres sont aujourd’hui en grande
partie perdues, mais on a conservé trois
précieux ouvrages théoriques qui touchent
la vie musicale en Italie au début du
XVIIe siècle, et principalement l’improvisation en style contrapuntique. Ce sont Della
prattica musica (...) [1601], Dell’arbore
musicale (...) [1608] et Dialogo harmonico
(...) [Ire version, 1626 ; 2e version, 1631].
CERTON (Pierre), compositeur français
( ? v. 1510 - Paris 1572).
Clerc de matines à Notre-Dame de Paris
(1529), Certon entra à la Sainte-Chapelle
en 1532 et y occupa successivement les
fonctions de chantre, maître des enfants
de choeur (v. 1542), chapelain perpétuel
(1548). Malgré des tensions avec la hiérarchie ecclésiastique, dues à son indépendance de caractère, il obtint une prébende
de chanoine à Notre-Dame de Melun
(1560) et devint à la fin de sa vie le protégé
du seigneur de Villeroy.
Continuant d’utiliser les techniques
de la messe-parodie du siècle précédent
(Sur le pont d’Avignon, Le temps qui court,
Dulcis amica), Certon ne saurait montrer,
sur le plan de la musique religieuse, une
originalité particulière. En revanche, dans
le domaine de la chanson, malgré l’écriture traditionnelle de ses premières pièces
(Amour est bien, Jetez-les hors) et le style
parisien (Un vert galant, Ho, le vilain),
son rôle est d’importance historique et
son oeuvre très estimable. Il est, en effet,
l’un des quatre musiciens - avec Janequin,
Goudimel et Muret - à mettre en application dès 1552 le souci tant affirmé par
Ronsard de la nécessité du retour à l’union
de la poésie et de la musique à l’image de
l’Antiquité classique. Participant à l’appendice musical (10 morceaux à 4 parties
imprimées sur deux pages en regard) du
recueil des Amours de Ronsard publiés
chez la veuve De La Porte, avec deux sonnets (Bien qu’à grand tort..., I, 5 et J’espère
et crains, I, 8), il pose le problème des rapports du texte et de la musique. Il adopte
les principes avancés par les théoriciens de
la Pléïade : découpage strophique, traitement syllabique du texte, écriture homorythmique afin de faciliter la compréhendownloadModeText.vue.download 176 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
170
sion des paroles chantées. La même année,
il publia un recueil entier, Premier Livre
de chansons dans ce style nouveau. Adaptées pour voix et guitare, ces chansons, qui
parurent sous le nom de « voix de ville »,
représentent une étape de transition entre
la chanson parisienne du début du siècle
et l’air de cour.
CERVEAU (Pierre), compositeur français d’origine angevine (fin XVIe s. - début
XVIIe s.).
Il fut au service de l’évêque d’Angers
Charles Myron, dédicataire du seul recueil
qu’on ait conservé de lui : Airs mis en
musique à 4 parties, publié chez la veuve
Ballard et fils en 1599. Rappelant dans la
préface de ses Airs que la chanson peut
s’interpréter de plusieurs manières, Cerveau indique clairement que le terme d’air
de cour, utilisé pour la première fois par A.
Le Roy en 1571 (Livre d’airs de cour mis sur
le luth) pour indiquer la transcription pour
voix et luth d’une chanson polyphonique,
s’applique aussi, à partir de 1597 (cf. Airs
de cour... à quatre et cinq parties), aux airs à
plusieurs voix. De ce fait, outre son recueil
de 1599, on trouve des airs de cour de sa
composition dans le troisième livre d’Airs
mis en tablature de luth transcrits par G.
Bataille (Ballard, 1611).
Ajoutons que Cerveau fut influencé
par le mouvement de musique mesurée
à l’antique, dirigé par A. de Baïf et Th. de
Courville dans le cadre de l’Académie de
poésie et de musique créée en 1570. Citons
enfin la présence de Cerveau à Troyes en
1604, époque où il contribua à la mise en
musique des hymnes latines de L. Strozzi.
Les chansons polyphoniques de Cerveau
témoignent de la préférence accordée
au superius, la partie mélodiquement la
plus intéressante. Elles sont également de
facture très élégante et peuvent compter
parmi les meilleures de leur temps.
CERVELAS.
Instrument ancien de la famille des bois, à
anche double, apparu à la fin du XVIe siècle.
S’il ressemble vaguement à un gros saucisson - d’où son nom français -, le cervelas se présente plus précisément comme
un cylindre de bois massif, de deux à trois
fois plus haut que large, percé latéralement de petits trous ; un court pavillon
émerge de la face supérieure, ainsi que
l’anche parfois montée sur un « bocal »
métallique recourbé. En fait, ce bloc est
une véritable termitière, creusée d’un
canal unique replié sur lui-même jusqu’à
dix fois, de sorte que ce petit instrument
trapu émet les mêmes notes graves que
l’énorme contrebasson, avec moins de
puissance toutefois.
CERVERI DE GERONA, troubadour catalan (XIIIe s.).
Il fut tour à tour à la cour d’Aragon
(Jacques Ier, Pierre Ier et Pierre III), d’Alphonse le Sage, d’Henri II de Rodez et de
Ramon Folch VI de Cardona. On connaît
de lui plus de 110 pièces (estampidas,
retroensas ou descortz) ; sans doute a-t-il
pratiqué les genres les plus rares des chansons de son temps. Les oeuvres de Cerveri
de Gerona ont été éditées par Martin de
Riquer : Obras completas del trovador Cerveri de Gerona (Barcelone, 1947).
CESARIS (Johannes), compositeur français (fin XIVe s. - début XVe s.).
Cité par Martin Le Franc aux côtés de Carmen et de Tapissier dans son Champion
des dames (v. 1440), Cesaris ne nous est
connu que par un motet isorythmique, une
ballade et sept rondeaux. Il soumet ces derniers aux mêmes subtilités d’écriture que
la ballade (changement de mesure, syncope, ornementation), empruntant parfois
aussi au motet l’usage de deux textes différents. Mais il est bien difficile d’affirmer
si les souvenirs de l’Ars nova sont chez lui
des caractéristiques plus intentionnelles
que la simplicité du double rondeau Pour
la douleur/Qui dolente.
CESTI (Pietro), compositeur et chanteur
italien (Arezzo 1623 - Florence 1669).
Baptisé Pietro, il se fit frère franciscain et
adopta le prénom d’Antonio, mais il est
connu surtout sous le nom de Marc’Antonio, d’où la confusion qui régna à son sujet
de nombreuses années durant. Bien qu’il
fût l’élève de Carissimi à Rome, terre de la
cantate par excellence, son style est très influencé par l’école vénitienne, notamment
dans le domaine théâtral. Sa vie privée ne
fut pas toujours conforme à ce qu’auraient
souhaité ses supérieurs ecclésiastiques,
en particulier ses relations avec le poète
Salvatore Rosa, dont les lettres ont fourni
nombre de détails révélateurs. Maître de
chapelle à Volterra (1645), membre de la
chapelle pontificale à Rome (1659), il devint vice-maître de chapelle de la cour impériale de Vienne (1665), avant de revenir
à Florence en 1668. Certains prétendent
que Cesti mourut empoisonné.
L’essentiel de son oeuvre consiste en
créations pour le théâtre. La plus célèbre
est l’opéra Il Pomo d’oro, représenté dans
des décors somptueux de Bernacini à
Vienne, à l’occasion du mariage de Léopold Ier avec Marguerite d’Espagne (1666).
Parmi ses autres ouvrages pour la scène,
citons Cesare amante (1651) et Orontea
(1656), tous deux créés à Venise, La Dori,
son chef-d’oeuvre représenté pour la première fois à Florence en 1661 et donné
ensuite dans toute l’Italie, suivi, en 1662,
de la Serenata. Argia (1655) et La Magnanimità d’Alessandro (1662) furent créés à
Innsbruck. En 1666, Cesti donna Il Tito
à Venise et, enfin, à Vienne, Nettuno e la
Flora festeggianti, suivi de trois autres ouvrages en 1667, La Disgrazie d’Amore, La
Semirami et La Germania esultante.
Cesti a également composé des motets,
des airs profanes isolés et, surtout, des
cantates pour 1 ou 2 voix qui sont importantes pour l’histoire de la forme, tout en
offrant une haute valeur artistique.
CÉSURE.
D’abord terme de métrique, la césure
est aussi, en musique, une pause à l’intérieur d’un motif, pause déterminée par la
construction rythmique de la phrase.
CHABANON (Michel Paul Guy de), écrivain, compositeur et violoniste français
(Saint-Domingue 1729 - Paris 1792).
Auteur d’un opéra (Sémélé) et de plusieurs
pièces instrumentales dont une seule nous
est parvenue, cet ami de Voltaire et de
Rameau doit l’essentiel de sa notoriété à
son activité d’homme de lettres. Il fut d’ailleurs élu à l’Académie des inscriptions et
belles lettres en 1759, et à l’Académie française en 1780. Il a laissé deux tragédies, des
traductions en prose de Pindare et Théocrite et d’intéressants travaux musicologiques qui commencent avec un Éloge de
M. Rameau (1764) et s’achèvent sur De la
musique considérée en elle-même et dans ses
rapports avec la parole, les langues, la poésie
et le théâtre (1785).
CHABRIER (Emmanuel), compositeur
français (Ambert, Puy-de-Dôme, 1841 Paris 1894).
Né dans une famille bourgeoise implantée
en Auvergne depuis plusieurs générations,
il étudia, à six ans, le piano avec Manuel
Zaporta, puis Mateo Pitarch. En 1852,
ses parents s’installèrent à Clermont-
Ferrand, où il travailla avec le violoncelliste Tarnowski. Une de ses compositions,
Aïka, polka mazurka arabe, fut imprimée
à Riom. En 1856, il suivit ses parents à
Paris, où, tout en poursuivant ses études
classiques, il étudia le piano avec Édouard
Wolff, tandis que Th. Semet, puis R. Hammer et A. Hignard lui enseignèrent l’écriture. Bien qu’il se sentît une vocation de
compositeur, Emmanuel Chabrier sembla
accepter sans révolte l’idée de suivre la tradition familiale en poursuivant des études
de droit qui le menèrent au ministère de
l’Intérieur, où il resta de 1861 à 1880.
Peu après, il fréquentait le milieu parnassien et s’y liait avec Verlaine, qui lui
fournit le livret de deux opéras bouffes,
Fisch-Ton-Kan et Vaucochard et Fils Ier.
Les poètes qu’il rencontra alors lui inspirèrent, en 1862, neuf mélodies. Cette
même année parurent ses Souvenirs de
Brunehaut pour piano. Mais un projet
plus ambitieux devait le retenir à partir
de 1867 : la composition d’un opéra en 4
actes sur un livret de H. Fouquier : Jean
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Hunyade. À cette époque, il se lia aussi
avec les impressionnistes, dont il allait
être l’un des rares et des plus avertis collectionneurs. Son ami Manet fit plusieurs
portraits de lui.
En 1876, Chabrier devint membre
de la Société nationale de musique qui
allait accueillir la plus grande partie de
ses oeuvres. Son Larghetto pour cor et
orchestre y fut créé en 1877 et, l’année
suivante, son Lamento pour orchestre. En
1877, le théâtre des Bouffes-Parisiens avait
créé son opéra bouffe, l’Étoile. L’opérette
Une éducation manquée fut jouée en 1879
dans un cercle privé. L’audition de Tristan
et Isolde à Munich, en 1880, bouleversa le
compositeur. L’année suivante, son ami
Lamoureux créa les Nouveaux Concerts
et l’appela pour le seconder dans l’étude
des oeuvres wagnériennes qui allaient former le fond de son répertoire. Le musicien
venait de composer ses Pièces pittoresques
pour piano. Un voyage à travers l’Espagne,
au cours de l’automne de 1882, lui inspira
España. Donnée en première audition par
Lamoureux en 1883, cette oeuvre rendit
son auteur célèbre. Cette même année, il
donna à la Société nationale de musique
ses Valses romantiques pour 2 pianos.
1883 marqua un changement dans la
vie de Chabrier. Désormais, il séjourna
plusieurs mois, chaque année, à La Membrolle, petit village de Touraine, où il
composa la majeure partie de son oeuvre.
Après plusieurs tentatives lyriques infructueuses (Jean Hunyade, 1867 ; le Sabbat,
1877 ; les Muscadins, 1878), il composa
Gwendoline, puis le Roi malgré lui. Mais
ces deux oeuvres virent leur essor arrêté
peu après leur création : le 10 avril 1886, à
la Monnaie de Bruxelles pour Gwendoline,
abandonnée après quelques représentations à la suite de la faillite du directeur ;
le 18 mai 1887, pour le Roi malgré lui, à
l’Opéra-Comique qui brûla une semaine
plus tard. Quant à Briséis, Chabrier ne
put l’achever pour raison de santé. Seul
le premier acte fut joué après sa mort par
Lamoureux (1897), avant d’être monté par
l’opéra de Berlin, puis par celui de Paris.
Sans l’amitié agissante de Félix Mottl - qui
accueillit avec succès Gwendoline, en 1889,
et le Roi malgré lui, en 1890, au théâtre de
Karlsruhe, favorisant ainsi leurs entrées
sur plusieurs grandes scènes d’outre-Rhin
(Munich, Leipzig, Dresde, Cologne, Düsseldorf) -, Chabrier n’aurait connu que
d’éphémères succès.
Avant d’assister, impuissant, à la perte
progressive de ses facultés, le compositeur écrivit encore quelques oeuvres
radieuses où apparaissent les deux faces
de son génie cocasse et tendre. Prélude et
Marche française - qu’il rebaptisa Joyeuse
Marche - fut créé en 1888 à l’Association
artistique d’Angers, sous sa direction, avec
Suite pastorale formée de quatre des Pièces
pittoresques orchestrées, Idylle, Danse
villageoise, Sous-Bois et Scherzo-Valse.
En 1890, il publia une série de mélodies
d’aspect tout nouveau, qu’il baptisa avec
humour ses « volailleries ». Cette même
année, il réorchestra la Sulamite vieille de
six ans, et composa, pour l’inauguration
de la maison d’un ami, l’Ode à la musique.
Avec la Bourrée fantasque de 1891 confiée
au piano - sur lequel il fut, au témoignage
de tous, un remarquable virtuose -, il
abandonna son papier réglé sur un chefd’oeuvre qui inaugurait une nouvelle manière de traiter cet instrument.
Chabrier déroute. Comme son ami
Manet, il présente « plusieurs manières
admirables d’être soi ». Ses volte-face
déconcertent. À peine remis de l’audition de Tristan et Isolde, qui l’assombrit,
et le fit douter de lui, il composa allégrement l’éblouissante España. Connu pour
son fervent wagnérisme - Fantin-Latour le campa devant le piano au centre
d’une grande toile que le public baptisa
les Wagnéristes ; le pape du wagnérisme,
Lamoureux, se l’attacha à la fondation des
Nouveaux Concerts -, il aborda la composition par de désopilantes opérettes écrites
en collaboration avec son ami Verlaine :
Fisch-Ton-Kan et Vaucochard et Fils Ier. Il
écrivit des oeuvres plus ambitieuses que
ces tentatives de jeunesse, mais sans abandonner pour autant sa veine comique.
Parallèlement à Gwendoline et à Briséis,
drames lyriques wagnériens d’intention,
surtout à cause des livrets de Catulle Mendès, il composa non seulement d’autres
opérettes comme l’Étoile, Une éducation
manquée, le Roi malgré lui - opéra bouffe
transformé en opéra-comique à la demande de Carvallho -, mais également
des pièces orchestrales comme la Joyeuse
Marche ou des romances telles que la cocasse suite des « volailleries », ainsi qu’il
nommait plaisamment la Villanelle des
petits canards, la Ballade des gros dindons,
les Cigales, la Pastorale des cochons roses.
Ce ne fut pas par hasard que des musiciens des plus divers, voire les plus étrangers les uns aux autres, chérirent comme
un père spirituel un compositeur si mobile
dans ses expressions. Son influence se décèle dans les directions les plus opposées,
chez Fauré comme chez Richard Strauss,
chez Messager comme chez Satie, chez
Ravel, qui le vénéra, et chez Debussy, qui
pourtant était plus secret sur ses sources,
mais dont le Pelléas rappelle Briséis, chez
R. Hahn et chez M. de Falla, chez Milhaud, Poulenc, etc.
Mais quel que fût le genre qu’il adopta,
comique ou grave, léger ou dramatique,
la rupture des styles reste de surface et
n’affecte pas sa manière. En toutes circonstances réapparaissent des obsessions
syntaxiques qui lui confèrent un visage
très particulier, où la tendresse, le chatoiement harmonique, l’imprévu rythmique,
l’ardeur, la naïveté, tout un monde de sensations captées dans l’allégresse se combinent subtilement.
Il n’aborda d’ailleurs pas les grandes
surfaces. Point de symphonies, de poèmes
symphoniques, de sonates comme chez
ses amis de la Société nationale de musique qui gravitèrent autour de Franck.
Chabrier fut un musicien sérieux, mais
c’était un sérieux qui se cachait. Il ne
joua pas les importants. La hiérarchie des
genres, il l’ignorait et, de même que ses
amis impressionnistes, Manet, Monet,
Renoir, Sisley, Cazin, Sargent, dont les
toiles, et des plus belles, illuminèrent son
appartement, il traita avec une lucide
conscience de courtes pages pour le piano
comme l’Impromptu en ut majeur (1873)
dédié - on pourrait dire symboliquement à Mme Manet, de petites pièces improprement appelées « pittoresques », la Bourrée fantasque ou des romances comme la
troublante Chanson pour Jeanne, de même
que ces peintres aimés donnèrent, par
leurs vertus strictement picturales, de la
noblesse à des sujets qui en principe n’en
avaient guère : une serveuse de bar, une
femme enfilant ses bas, une danseuse de
café-concert...
Cet autodidacte « écrivit » comme personne, avec la science cachée d’un maître
déduisant avec sûreté l’effet recherché.
Néanmoins, un départ relativement tardif dans la carrière musicale, un emploi
de fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, un enseignement musical dispensé
hors des écoles patentées lui créèrent une
réputation d’amateur. Lui-même ne fut
pas sans en éprouver un obscur complexe. « J’ai peut-être plus de tempérament que de talent », confia-t-il trois ans
avant sa mort. « De nombreuses choses
que l’on apprend dans sa jeunesse, je ne
les conquerrai plus jamais. » Sans doute
regrettait-il cette aisance à composer qu’il
observa chez tant de ses amis et camarades, Saint-Saëns, Massenet, Messager,
Lecocq. « Je n’ai pas ce que l’on appelle de
la facilité ! » soupira-t-il. Il est vrai qu’il
travaillait minutieusement, au petit point,
dans une trame serrée, où vinrent s’entrecroiser des éléments variés.
On y trouve, et dès ses premières compositions, dès Fisch-Ton-Kan - avant un
Fauré par exemple, plus long à se dégager de l’emprise tonale -, une utilisation
très caractérisée des gammes modales. Les
gammes défectives suivirent, comme par
exemple dans la troisième des Valses romantiques. Wagner, Chopin, Schumann,
qu’il a soigneusement étudiés, l’aidèrent
à se libérer de contraintes d’une écriture
toujours pesantes à l’esprit. Enchaînements inusités de neuvième parallèles,
frottements audacieux autant que délicieux, accords incomplets sont chez lui
autant de piments. Sa nature tellurique,
liée à son hérédité auvergnate, lui fit,
comme il le disait plaisamment, « rythmer
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sa musique avec ses sabots d’Auvergnat » et pas seulement dans la Bourrée fantasque - et retrouver dans la polyrythmie
espagnole un monde rythmique en liberté
qui le confirmait dans sa voie. Et Berlioz,
dont il avait réduit à quatre mains Harold
en Italie en 1876, n’avait pu que renforcer sa tendance à rompre avec les carrures
prévues. Ajoutons-y l’esprit léger, allusif,
tout d’accentuation, en trompe-oreille, de
la musique de nos grands clavecinistes,
qui anime tant de ses oeuvres, telles les
Pièces pittoresques et la Suite pastorale qui
en découle. Quant à son génie de l’orchestration, plus que chez certains musiciens,
dont Berlioz en premier lieu, sa source
pourrait en être décelée sur les toiles de
ses amis impressionnistes où la couleur
prélevée sur le motif irradie avec une véhémence et une pureté sans précédent. De
même, sa couleur orchestrale aux timbres
sans mélange, ignorant les bitumes, a pu
choquer ou surprendre, jusqu’à paraître
« crue, voire outrancière », même un ami
et admirateur comme Vincent d’Indy,
encore que le coup de soleil d’España
lorsqu’il éclata sous la baguette de Lamoureux sous un tonnerre d’applaudissements
ait, et pour longtemps, chassé plus d’une
ombre, dissipé bien des brumes, éclairant
vers l’avenir un radieux paysage musical
français.
CHACONNE ou CHACONE (esp. chacona ;
ital. ciacona).
Forme de danse ancienne, peut-être d’origine mexicaine, venue d’Espagne au début
du XVIIe siècle et généralisée dans toute
l’Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Très voisine de la passacaille, elle s’est
souvent confondue avec elle. Il semblerait
cependant que chacune ait conservé des
particularités ( ! PASSACAILLE), même si
on trouve fréquemment les mêmes pièces
portant, selon la copie ou l’édition, tantôt un titre et tantôt l’autre. Passée très tôt
au répertoire du luth et de la guitare, puis
au théâtre où Lully l’affectionne, parfois
avec des parties chantées, elle y prend de
grandes dimensions qui la font préconiser
pour les finales d’opéra, jusqu’à Rameau
et Gluck inclus. Dans ce cadre, la chaconne proprement dite sert généralement
de refrain, et se prolonge par des couplets
qui peuvent ne pas conserver ses caractéristiques.
CHADWICK (George Whitefield), compositeur américain (Lowell, Massachusetts, 1854 - Boston 1931).
Après des études à Boston, Leipzig (1877)
et Munich (1879), il fut successivement,
à Boston, organiste et professeur au New
England Conservatory, qu’il dirigea de
1897 à 1930. Membre de l’École de Boston,
il eut notamment comme élèves Horatio
Parker et Daniel Gregory Mason. Il écrivit
à Leipzig l’ouverture Rip Van Winkle, et
devait, par la suite, largement rester fidèle
à l’esthétique postromantique de sa formation germanique. Attiré par la musique à
programme ou de caractère descriptif, il
sut allier l’émotion (ouverture Melpomène,
1887) au pittoresque (poème symphonique Aphrodite, 1912) et à la verve typiquement américaine (Symphonic Sketches).
On lui doit aussi le drame Judith (1901)
et l’opérette burlesque Tabasco (1894). Il
utilisa parfois les chants de la communauté
noire, et dans la ballade symphonique Tam
o’Shanter, d’après Burns (1915), ne recula
pas devant certains « modernismes ».
CHAILLEY (Jacques), compositeur et
musicologue français (Paris 1910).
Issu d’une famille de musiciens, successivement secrétaire général (1937), puis
sous-directeur (1947) et enfin professeur
d’ensemble vocal (1948) au Conservatoire
national de Paris, professeur d’histoire de
la musique à la Sorbonne et directeur de
l’Institut de musicologie de l’université
de Paris (1952), inspecteur général de la
musique (1973), il a occupé des postes
corporatifs importants (président du Comité national de la musique, 1962, de la
Consociatio internationalis musicae sacrae,
1969, etc.) et sa carrière multiple a abordé
presque tous les aspects de l’activité musicale. Chef de choeurs, il a été l’un des pre-
miers animateurs des chorales de jeunesse
(Alauda, 1929) ; chef d’orchestre, il a dirigé
à la Comédie-Française en 1944 (débuts de
Raimu) ; il est directeur de la Schola cantorum depuis 1962. Depuis son accession à la
Sorbonne en 1952, son activité d’exécutant
s’est progressivement effacée devant ses
tâches d’enseignement et de recherche. Il
a écrit d’importants traités, souvent novateurs (Traité historique d’analyse musicale,
1950 ; Traité d’harmonie au clavier, 1977),
étudié la musique médiévale (Histoire musicale du Moyen Âge, 1950 ; l’École musicale
de saint Martial de Limoges, thèse de doctorat d’État, 1952), l’histoire de la théorie
musicale (l’Imbroglio des modes, 1960 ; la
Musique grecque antique, 1979 ; la Musique
et son langage, 1996), et renouvelé l’exégèse de nombreuses oeuvres classiques et
modernes, de Josquin Des Prés à Bartók
et Messiaen (les Passions de Bach, 1963 ;
la Flûte enchantée, 1968 ; Parsifal, 1979).
Il a créé et développé une discipline nouvelle, la philologie musicale, à laquelle il a
consacré de nombreux travaux (Éléments
de philologie musicale, 1981). Transposant
dans l’art visuel ses méthodes d’analyse
musicale, il a également abordé l’exégèse
d’oeuvres plastiques et picturales (Jérôme
Bosch et ses symboles, 1978).
Compositeur, Jacques Chailley a écrit
de la musique de chambre (Quatuor à
cordes, 1939 ; Sonate pour alto et piano,
1942), de la musique symphonique (Symphonie, 1947), un opéra (Thyl de Flandre,
1953), un ballet avec Jean Cocteau, la
Dame à la licorne (1952), des mélodies et
de nombreux choeurs (le Cimetière marin,
1980). Il est considéré comme l’un des
principaux représentants d’une modernité
non agressive, qui se veut continuatrice et
rejette aussi bien la répétition stérile du
passé que sa négation destructrice.
La carrière de Jacques Chailley et le
catalogue analytique de son oeuvre musicale (129 titres) et musicologique (359
numéros) sont relatés dans un livre publié
en 1980 sous le titre De la musique à la
musicologie. Il est membre de l’Académie
royale de Belgique, de l’Académie des
beaux-arts de San Fernando à Madrid, et
a été plusieurs fois lauréat de l’Académie
des beaux-arts de l’Institut de France.
CHAILLY (Luciano), compositeur italien
(Ferrare 1920).
Il a étudié le violon dans sa ville natale
avec A. Boscoli, puis la composition à
Milan avec C. Righini et R. Rossi avant
de se perfectionner, à Salzbourg, avec
Paul Hindemith et, pour la direction
d’orchestre, avec A. Votto. Très vite intéressé par l’audiovisuel, il s’est occupé des
programmes musicaux à la radio et à la
télévision, et a été directeur artistique à
la Scala (1968-1971), conseiller artistique
au théâtre Regio de Turin (1972), directeur artistique de l’Angelicum de Milan
(1973-1975), puis des Arènes de Vérone
(1975-76), et directeur de l’organisation
artistique de la Scala (1977). Il enseigne,
en outre, la composition au conservatoire
de Milan. Il a écrit, à ses débuts, beaucoup
d’oeuvres instrumentales, mais a trouvé sa
voie véritable à la scène, au théâtre. Ferrovia soprelevata (« Train surélevé »), écrit en
collaboration avec Buzzati (1955), relève
surtout du genre musique de scène, mais
à partir de Una domanda di matrimonio
(« Une demande en mariage »), d’après
Tchekhov (1957), se succèdent de nombreux opéras, dont plusieurs « à succès »
(Una domanda di matrimonio a connu
plus de 200 représentations). Parmi eux,
Il Canto del cigno (« le Chant du cygne »),
d’après Tchekhov (1957), La Riva delle Sirti
(« le Rivage des Syrtes »), d’après J. Gracq
(1971), L’ldiota (« l’Idiot »), d’après Dostoïevski (1re représentation Rome, 1970),
ou encore Sogno (ma forse no) [« Songe,
mais peut-être, non »], d’après Pirandello
(1975). On lui doit aussi Contrappunti a
quattro dimensioni pour orchestre (1973),
Kinder requiem (1977) et la Missa papae
Pauli, dédiée à Paul VI (1964). Son fils Riccardo, chef d’orchestre (Milan 1953), a été
nommé en 1982 chef permanent de l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin
et, en 1986, a succédé à Bernard Haitink
à la tête de l’orchestre du Concertgebouw
d’Amsterdam.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
173
CHALEMIE.
Terme désignant une famille d’instruments du Moyen Âge, de tailles diverses,
avec ou sans pavillon, qui obéissent aux
mêmes principes que le hautbois (anche
double, perce conique), dont ils sont l’ancêtre.
On appelle aussi chalemie des instruments plus primitifs à un, deux ou trois
tuyaux.
CHALIAPINE (Féodor), basse russe
(Ometeva, province de Kazan, 1873 Paris 1938).
Issu d’une famille très humble, ayant eu
pour père un ivrogne, il eut une enfance
difficile. Il chanta à l’église, puis participa à
des représentations locales sans connaître
la musique, fit de brèves études vocales,
débuta à Tiflis, en 1893, dans le rôle de
Méphisto de Faust de Gounod, puis fut
engagé à Saint-Pétersbourg où il se familiarisa avec le répertoire français et italien.
À partir de 1896, appartenant, à Moscou, à
la compagnie privée du mécène Mamontov, il fréquenta l’élite littéraire et artistique russe et aborda les grands rôles du
répertoire national. Il débuta au Bolchoï
de Moscou en 1899, à la Scala de Milan
en 1901 (dans Mefistofele de Boïto, avec
Caruso, sous la direction de Toscanini),
au Metropolitan de New York en 1907. À
Paris, où il avait eu l’occasion de chanter
en 1907, il remporta des triomphes, en
1908, au théâtre Sarah-Bernhardt, avec
une troupe formée par Diaghilev, dans
Boris Godounov, oeuvre alors encore peu
connue hors de Russie, et que ce succès
dans la capitale française contribua à imposer. En 1910, il créa à Monte-Carlo Don
Quichotte de Massenet. Il regagna la Russie
en 1917, mais la quitta définitivement en
1922. Il tourna, en 1933, le film de Pabst
Don Quichotte (musique de Jacques Ibert)
et fit ses adieux à la scène à Monte-Carlo
en 1937, dans Boris Godounov.
Sa voix était sonore mais de couleur très
claire. Quoique doté d’une belle technique
de chant, il tourna le dos au bel canto et
imposa au théâtre lyrique des conceptions
inspirées en partie du courant naturaliste
et en partie du geste et de la parole larges
des grands tragédiens, notamment russes,
de son époque. Son style vocal relève souvent plus de la déclamation que du chant.
Nul ne peut dire si un tel style, qui verse
souvent dans ce qui nous semble être des
exagérations calculées et contrôlées, serait
ou non toléré par le public d’aujourd’hui.
Les disques de Chaliapine surprennent
parfois, mais ne constituent pas une pièce
à conviction décisive, car son art consistait
essentiellement en sa façon d’unir le chant
et le geste. De plus, ainsi que le démontre
l’échec de tous ceux qui tentèrent de l’imiter, son autorité en scène, son rayonnement d’acteur servi par un art extrême du
maquillage, faisaient admettre toutes ses
audaces.
Il marqua tout particulièrement de sa
personnalité les rôles de Boris Godounov, de Dossifei dans la Khovantchina de
Moussorgski, du meunier dans Russalka
de Dargomyjski, de Méphisto dans Faust
de Gounod et Mefistofele de Boïto, de Don
Quichotte dans l’opéra de Massenet et de
Basile dans le Barbier de Séville de Rossini.
CHALLAN (Henri), compositeur et pédagogue français (Asnières-sur-Seine
1910 - id. 1977).
Élève de Jean Gallon et de Henri Büsser
au Conservatoire de Paris, premier second
grand prix de Rome en 1936, il se consacra
surtout à l’enseignement et fut nommé, en
1942, professeur d’harmonie au Conservatoire. On lui doit une symphonie, un
concerto pour violon et d’autres pièces
orchestrales - instrumentales et vocales.
Son frère jumeau René, mort à Nevers en
1978, a suivi la même filière, mais a remporté le premier grand prix de Rome dès
1935. Directeur artistique de la firme phonographique Pathé-Marconi pendant 26
ans, il est l’auteur de trois symphonies, de
plusieurs concertos et d’un opéra bouffe,
Jörgen de Danemark, créé à Metz en 1960.
CHALUMEAU.
Ce nom a été indistinctement appliqué
à divers types d’instruments à anche, et
confondu avec chalemie. En fait, chalumeau désigne précisément un instrument
en général très court, à anche simple et
perce cylindrique, en usage en Allemagne
et en Italie dans la première moitié du
XVIIIe siècle. On conserve des instruments
du même type, mais plus longs, montrant
que le chalumeau peut être considéré
comme un ancêtre de la clarinette.
Le terme de chalumeau peut aussi désigner le registre grave de la clarinette, et,
dans la cornemuse, le tube conique percé
de trous qui fournit la mélodie. Dans le
langage courant, on parle aussi de chalumeau pour désigner un pipeau pastoral
fait d’un tuyau de paille ou de roseau.
CHAMADE.
Disposition à l’horizontale des tuyaux de
certains jeux d’orgue à anche.
Le son, dans ces jeux, étant émis par
l’extrémité du tuyau, cette disposition
en renforce l’éclat pour les auditeurs. On
place ainsi les deux ou trois jeux de la batterie d’anches, généralement au pied des
tuyaux de la façade dont ils complètent
l’effet décoratif. Cette pratique est propre
aux instruments espagnols du XVIIIe siècle.
Elle s’est peu répandue au-delà du monde
ibérique, jusqu’au milieu du XXe siècle, où
on la trouve assez souvent sur les grands
instruments modernes.
CHAMBRE (Musique de).
Depuis le XIXe siècle, ce terme général s’applique à des oeuvres pour un petit nombre
d’instruments solistes. Jusqu’à la fin du
XVIIIe siècle, avant la généralisation des
concerts publics, il désignait une musique
destinée à être exécutée chez un particulier, quel que soit son rang, par opposition
à la musique d’église et à la musique de
théâtre (cf. la distinction, v. 1700, entre la
sonata da camera et la sonata da chiesa). La
musique « de chambre » peut alors faire
appel aux effectifs les plus divers et les traiter ou non en solistes ; elle peut être instrumentale ou vocale ; mécènes et, parfois,
interprètes amateurs jouent dans son processus de production un rôle important.
En France, sous François Ier, les musiciens au service du roi étaient répartis en
trois groupes : ceux de la Chambre, de la
Chapelle et de l’Écurie. Sous Louis XIII, la
musique de chambre comprenait notamment deux surintendants et deux compositeurs, ainsi que la fameuse Grande
Bande des 24 violons du Roy, fondée à la
fin du XVIe siècle. Louis XIV créa en outre
la bande des Petits Violons, ou Violons du
Cabinet, associée à la Grande Bande en
1661, et la charge de maître de la musique
de la Chambre du Roy. Les musiciens de
la Chambre participèrent alors également
à des concerts publics.
Au milieu du XVIIIe siècle, la distinction
entre musique de chambre au sens moderne et musique d’orchestre était encore
assez floue : les quatuors pour orchestre de
Johann Stamitz pouvaient, par exemple,
être joués avec, par partie, soit un seul
instrument soliste, soit plusieurs instruments, et le choix reste encore ouvert,
aujourd’hui, pour certains divertimentos
de Mozart des années 1770 (K 136-138, K
287, K 334). Mais aux alentours de 1760,
Haydn et Boccherini écrivirent, indépendamment l’un de l’autre, les premiers spécimens du genre qui devait tout d’abord
dominer la musique de chambre, puis en
quelque sorte la symboliser : le quatuor
à cordes, avec ses quatre instruments solistes et son absence de basse continue. À
partir de 1770 et surtout de 1780, Haydn et
Mozart, auxquels il faut joindre une multitude d’autres compositeurs avec à leur tête
Boccherini, écrivirent consciemment des
symphonies pour orchestre jouées surtout par des professionnels d’une part, des
quatuors à cordes ou des trios avec piano
conçus essentiellement à l’usage des amateurs d’autre part (en ce qui concerne la
musique de chambre au sens moderne, les
oeuvres les plus anciennes du répertoire
précédèrent donc de plusieurs décennies
le terme générique).
Bien que destiné en principe aux amateurs, le second type d’oeuvres ne le céda
pas au premier en complexité, bien au
contraire. Et la dédicace, en 1785, par
Mozart de six grands quatuors à cordes
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
174
à un autre compositeur (Haydn), la composition par Haydn en 1793 des premiers
grands quatuors (op. 71 et op. 74) expressément destinés à une vaste salle de
concerts publics (Hanover Square Rooms
à Londres), ainsi que la fondation des premiers quatuors de professionnels (cf. le
rôle joué à Vienne par le violoniste Ignaz
Schuppanzigh), marquèrent en la matière
la revanche du compositeur-créateur et de
la salle de concerts, d’une part, sur l’interprète-amateur et, d’autre part, sur l’intérieur privé, ces derniers continuant néanmoins à jouer un rôle non négligeable
dans la vie musicale.
La situation devait rester à peu près
la même tout au long du XIXe siècle, en
particulier sur le plan de la production,
avec les nombreux duos, trios, quatuors,
quintettes, sextuors, septuors, octuors
ou nonettes de Beethoven, Schubert,
Spohr, Weber, Mendelssohn, Schumann,
Brahms, Smetana, Dvořák, Tchaïkovski,
Franck, Saint-Saëns et bien d’autres. À
noter toutefois que, pour des raisons aussi
bien musicales que sociologiques, le quatuor à cordes en tant que tel perdit alors
plus ou moins, au profit de la musique de
chambre avec piano, la position en flèche
qui avait été la sienne avec Haydn, Mozart,
Beethoven et Schubert. Ce fut d’ailleurs
moins une question de quantité, encore
moins de qualité, que de moindre concordance avec le climat spirituel du siècle
romantique. De ce siècle, l’instrument
par excellence fut bien le piano, ce dont
témoignent également les transcriptions
alors réalisées pour piano, piano à quatre
mains ou formations de chambre avec
piano des symphonies et pièces diverses
pour orchestre du répertoire classico-romantique. Ces transcriptions témoignent
à leur tour qu’interprètes-amateurs et musique de chambre à domicile n’étaient pas
morts, loin de là. La musique de chambre
ne s’en installa pas moins solidement dans
les lieux publics, ce qui se traduisit notamment par le phénomène de la « petite
salle », par opposition aux grandes salles
destinées aux orchestres symphoniques.
Les frontières entre musique de
chambre et d’orchestre, en principe bien
étanches, étaient en fait plus ou moins perméables (cf. l’orchestration « musique de
chambre » de la 4e symphonie de Brahms,
et les sonorités « orchestrales » de ses sonates pour piano). Chez les compositeurs
pratiquant les deux, comme Beethoven,
les audaces harmoniques et formelles
étaient fréquemment plus grandes dans
la musique de chambre, conçue en partie
au moins pour des interprètes, que dans la
symphonie, destinée pour l’essentiel à des
auditeurs. Dans le même ordre d’idées, on
put souvent déceler chez l’auditeur (et a
fortiori chez l’interprète-amateur) de musique de chambre une plus grande compétence technique, voire une meilleure
perception auditive, que chez le simple
habitué des concerts symphoniques.
Tout cela aboutit, vers 1900, à une
sorte d’éclatement. Mahler eut tendance à
traiter en soliste chaque membre d’un orchestre aux effectifs très nombreux (trait
de style qui devait largement caractériser
le XXe s.) ; et Schönberg, avec la Nuit transfigurée (1899), fit relever la musique de
chambre (il s’agit d’un sextuor à cordes)
du genre poème symphonique, avant de
faire scandale, en public, avec ses deux
premiers quatuors à cordes (op. 7 et op.
10) et sa symphonie de chambre op. 9,
au titre symbolique. Avec cette dernière
oeuvre (1906), la musique de chambre
(quinze instruments solistes) lâcha les
amateurs tout en rejoignant l’orchestre
sur des terrains nouveaux qu’Alban Berg
devait explorer à son tour (1923-1925)
avec son concerto de chambre pour piano,
violon et 13 instruments à vent.
D’Alban Berg également, la Suite lyrique pour quatuor à cordes (1926) a pu
être qualifiée d’opéra latent. Il y a eu depuis 1900 les quatre quatuors à cordes de
Schönberg, les six de Bartók, les cinq d’Ernest Bloch, les quinze de Chostakovitch,
les trois de Cristobal Halffter, le Livre de
Boulez, Archipel II de Boucourechliev, les
Sonatas de Ferneyhough, Ainsi la nuit de
Dutilleux, mais l’évolution amorcée au
XIXe siècle s’est poursuivie au XXe : dans
la mesure où, aujourd’hui, le quatuor à
cordes conserve une position en flèche,
c’est autant sur le plan du prestige que de
la production proprement dite.
L’éventail de la musique de chambre
s’est, en effet, considérablement élargi,
avec comme résultat que cette notion supporte de moins en moins une définition
dogmatique : en relèvent finalement ces
oeuvres pour voix et quelques instruments
solistes que sont Pierrot lunaire de Schönberg (1912) et le Marteau sans maître de
Pierre Boulez (1953-54). Le critère essentiel serait-il la capacité non seulement de
jouer et de s’entendre soi-même, mais
aussi de se mettre en retrait et d’écouter
les autres ? Ce sont là autant d’éléments
inséparables, même s’ils n’appartiennent
pas qu’à elle, de la « musique de chambre
moderne », née avec la dialectique du
thème juste avant 1789 et évoquant irrésistiblement la concurrence, ou, si l’on
préfère, le dialogue.
CHAMINADE (Cécile), pianiste et femme
compositeur française (Paris 1857 Monte-Carlo 1944).
À partir de 1875, elle mena une brillante
carrière de pianiste. Elle composa de nombreuses pièces pour piano et des mélodies
qui connurent une grande vogue dans les
salons de la bourgeoisie, mais aussi de la
musique de chambre, des pièces symphoniques et un ballet, Callirhoë (1888).
CHAMISSO (Louis Charles Adélaïde de,
dit Adalbert von), écrivain et poète de
langue allemande (1781 - 1838).
Arraché par la Révolution à sa terre
champenoise, Chamisso mena pendant
longtemps, en Prusse, une existence besogneuse et précaire, jusqu’à ce qu’il réalise
ses rêves d’enfant : devenir heureux père de
famille, voyager, étudier. Explorateur (on
le vit au Kamtchatka, dans le Pacifique),
il a fui le monde littéraire de son temps
pour se rapprocher d’une nature pure et
simple, telle que, en bon disciple de Rousseau, il pouvait l’imaginer. Ses poèmes,
tardifs, portent eux-mêmes la marque
d’une droiture bourrue et tendre, parfois
plate, toujours très proche du quotidien :
qu’il chante des fiançailles vertueuses, l’art
d’être grand-père ou le bonheur domestique, avec son cortège de joies et de deuils,
ou qu’il s’aventure à considérer l’avenir, il
prend toujours bien soin de ne pas écrire
en dehors du droit sillon. Ce bon bourgeois éclairé n’a cependant trouvé la sérénité qu’après avoir exorcisé les errances,
les maladresses, le ridicule maniaque, la
tristesse, aussi, de sa jeunesse, dans son
ouvrage le plus célèbre : Peter Schlemihl
(1814). Ce conte, qui a fait beaucoup pour
la popularité de son auteur, et où le héros,
gaffeur éternel (tel est le sens du mot yiddish schlemihl), vend son ombre au diable,
a inspiré à E. T. A. Hoffmann la matière
de son conte les Aventures de la nuit de la
Saint-Sylvestre.
En musique, Chamisso n’a guère inspiré que Schumann (l’Amour et la Vie
d’une femme), lequel d’ailleurs n’a tenu
aucun compte des idées du poète sur le
rôle subalterne de la femme dans le couple
et a, au contraire, exalté sa capacité d’émotion.
CHAMPAGNE (Claude), compositeur et
pédagogue canadien (Montréal 1891 id. 1965).
Il étudia le violon et le piano, puis entra au
conservatoire de sa ville natale. D’abord
influencé par la musique russe, ainsi qu’en
témoigne son poème symphonique Hercule et Omphale (1918), il découvrit la musique française en 1919 et vint terminer ses
études musicales à Paris avec Paul Dukas,
André Gédalge, Charles Koechlin et Raoul
Laparra.
De retour au Canada (1928), il se consacra au développement de la vie musicale.
Professeur de composition au conservatoire et à l’université de Montréal (1930),
puis directeur suppléant du conservatoire
(1942), il eut la plus heureuse influence
sur ses nombreux élèves et révéla à des
musiciens tels Vallerand, Pépin, Papineau-Couture, Mercure l’art de Debussy,
Fauré, Dukas et Ravel.
Ses propres compositions, disciplinées,
élégantes, pénétrées d’une lumière méditerranéenne, s’en réclament volontiers,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
175
tout en s’inspirant du folklore canadien
(Suite canadienne [1928], Images du Canada français, Danse villageoise, Paysanne).
À la fin de sa carrière, il se créa un langage
plus personnel avec son Quatuor à cordes
(1951) et Altitudes (1959) sur des thèmes
d’origine huronne. Son oeuvre comprend
essentiellement des partitions symphoniques (Symphonie gaspésienne, 1945) et
concertantes (Concerto pour piano, 1950),
des pièces pour choeur et orchestre et de la
musique de chambre.
CHAMPION DE CHAMBONNIÈRES
(Jacques), compositeur et claveciniste
français (Chambonnières-en-Brie entre
1601 et 1611 - Paris 1672).
Fils et petit-fils d’organistes, il descendait,
par sa mère, d’un fameux luthiste écossais.
Son père, Jacques Champion, jouait de
l’épinette à la cour d’Henri IV et de Louis
XIII. Dès l’âge de onze ans, Chambonnières devint, lui-même, joueur d’épinette
de la Chambre du roi, puis organiste de la
chapelle royale. Il s’intéressa alors au clavecin, ce nouvel instrument aux sonorités
plus puissantes et aux registres plus riches
en contrastes que le luth, qu’il allait peu à
peu éclipser. Chambonnières fut, en fait,
le fondateur d’une méthode française de
clavier et l’un des premiers représentants
d’une authentique école de clavecinistes
en France. À la mort de son père (1638), il
obtint le poste de claveciniste du roi qu’il
garda jusqu’à sa mort, malgré une période
de disgrâce. Il semble que, vers 1654, il
ait été au service de la reine Christine de
Suède qui venait de renoncer à son trône.
Ayant prétendu qu’il était de famille noble,
il dut s’exiler aux Pays-Bas (1656-1662) et
s’installa à Amsterdam.
Le jeu subtil et raffiné de Chambonnières lui a valu une réputation internationale. Ses compositions, toutes pour le clavecin, doivent encore beaucoup au style
polyphonique des luthistes. Un certain
nombre de ces pièces portent aussi des
titres évocateurs qui vont marquer l’école
française de clavecin (la Dunquerque, Madame la Reyne, le Tambourin des Suisses,
l’Affligée...). Son oeuvre se limite à deux
livres de pièces de clavecin (le premier
date de 1670), mais ces pièces jettent les
bases que vont développer ses successeurs.
Les pièces sont groupées afin de composer
des suites dans une même tonalité, certaines pouvant choisir le mode mineur
ou vice versa par rapport à la tonalité
principale. Il s’agit de danses (allemande,
courante, sarabande, gigue) de la suite
classique, auxquelles pouvaient s’ajouter
une gaillarde, un menuet ou encore une
chaconne.
CHAMPS-ÉLYSÉES (Théâtre des).
Théâtre parisien de 2 100 places qui aurait
dû être construit sur les Champs-Élysées
mais qui le fut avenue Montaigne tout en
conservant sa dénomination d’origine.
Son promoteur, Gabriel Astruc, plaça
d’emblée sa programmation sous le signe
de l’avant-garde : lors du concert inaugural, le 2 avril 1913, Saint-Saëns, Dukas,
Debussy et d’Indy dirigèrent eux-mêmes
leurs oeuvres. Le lendemain, la première
représentation lyrique fut consacrée à Benvenuto Cellini de Berlioz (direction Weingartner), et le 15 mai y eut lieu la création
mondiale de Jeux de Debussy, suivie le
29 mai par celle du Sacre du printemps
de Stravinski. Le premier semestre 1914
vit la première parisienne de la version
originale de Tristan et les premières françaises de celle des Maîtres chanteurs et de
Parsifal. L’opéra ne réapparut au Théâtre
des Champs-Élysées qu’en 1922 (représentations wagnériennes en italien), avec
notamment, dans les années suivantes,
la création de la version scénique du Roi
David de Honegger (1924) et les visites
de l’Opéra de Vienne (1924) et de Berlin
(1937). Parallèlement furent donnés de
très nombreux concerts symphoniques.
Après 1945, le Théâtre des Champs-Élysées est resté un des hauts lieux de la vie
musicale parisienne. Il a accueilli de très
nombreux concerts de la radio, ainsi que
d’innombrables orchestres tant français
qu’étrangers, et vu en 1952, dans le cadre
du festival « l’OEuvre du XXe siècle », la
création française de Wozzeck d’Alban
Berg. Cette politique d’accueil a été poursuivie et approfondie par ses deux derniers directeurs, Georges-François Hirsch
(1984) et Alain Durel (depuis 1990).
CHANCE (Michael), haute-contre anglais
(Buckinghamshire 1955).
Il pratique le chant dès l’enfance dans le
très renommé choeur du King’s College
de Cambridge et commence sa carrière de
soliste en 1983. Il interprète le plus couramment les opéras de Haendel et de Monteverdi (Tamerlano à Lyon en 1985, Ptolémée du Jules César de Haendel à l’Opéra de
Paris en 1988, Israël en Égypte à la Scala),
mais excelle également dans les rôles de
haute-contre des opéras de Britten (Obéron dans le Songe d’une nuit d’été, la Voix
d’Apollon dans la Mort à Venise). Il a aussi
participé à la création de plusieurs oeuvres
contemporaines, dont notamment l’Ophelia de R.R. Bennett (1988), écrite pour lui.
CHANCY (François de), chanteur,
luthiste et compositeur français ( ? v.
1600 - Versailles 1656).
Remarqué par le cardinal de Richelieu, il
devint maître de sa musique en 1631. Il occupa successivement les postes de maître
de musique de la Chambre du roi (v. 1635),
puis de la chapelle du roi (v. 1649). Il collabora à la réalisation des ballets de cour,
s’occupant de la musique vocale comme
ses collègues Vincent et A. Boesset (Ballet
de la vieille cour, 1635 ; Ballet de la prospérité des armes de France, 1639 ; Ballet du
dérèglement des passions, 1652), la musique
instrumentale étant confiée, en général, à
d’autres musiciens. François de Chancy
composa également des chansons à boire
et des pièces pour le luth seul. En effet, il
fut contemporain du grand luthiste français Denis Gautier. D’autre part, il publia
deux livres d’Airs de cour à quatre parties
(1635, 1644). Dans l’intéressante préface
du premier livre, l’auteur indique qu’il
est l’auteur de la plupart des textes poétiques. Quelques-uns de ces airs prennent
la forme d’un dialogue avec un refrain à 4
voix (Faut-il mourir sans espérance ?).
CHANSON.
Qu’elle soit monodique ou polyphonique,
la chanson savante en langue vulgaire
représente la principale forme de composition musicale profane qui nous soit
parvenue de toute la fin du Moyen Âge et
de la Renaissance. Il faut la distinguer de
la chanson populaire, qui se transmet de
façon orale et échappe jusqu’au XVe siècle
à la notation musicale (elle ne fait l’objet
de collectes systématiques qu’à partir du
XIXe siècle), même si elle intervient comme
élément thématique dans la musique savante dès le XIIIe siècle.
Historiquement, depuis le début de la
notation musicale jusqu’à l’éclosion de
la musique instrumentale qui marque la
fin de la Renaissance, la chanson savante
évolue considérablement, de la monodie
sous-tendant un poème lyrique (fin XIe s.)
à la polyphonie complexe des musiciens
franco-flamands du XVIe siècle.
On peut schématiquement distinguer trois grandes périodes dans l’histoire de la chanson savante : l’époque
de la chanson monodique, dominée par
la chanson des troubadours, puis des
trouvères et des minnesänger, aux XIIe et
XIIIe siècles ; la chanson polyphonique des
XIVe et XVe siècles (Ars nova, Guillaume
de Machaut, Ockeghem, Dufay, Josquin
Des Prés) ; et la chanson de la Renaissance, au XVIe siècle (Janequin, Claude
Le Jeune, Roland de Lassus). La chanson
monodique. À la fin du XIe siècle, la poésie lyrique issue des tropes, des séquences
et des hymnes, apparaît en pays d’oc avec
les troubadours. Cette poésie très élaborée
et raffinée demeure intimement liée à la
musique ; elle est composée de vers destinés à être chantés - et sans doute aussi
parfois mimés -, même si la musique ne
nous en est pas toujours parvenue. En
effet, les poèmes des troubadours ont été
recueillis et notés, à partir de la fin du
XIIIe siècle, dans des manuscrits collectifs appelés « chansonniers « ; mais sur
la cinquantaine que nous en possédons
pour les XIIIe et XIVe siècles, moins de la
moitié seulement comportent un texte
musical. Celui-ci indique avec précision
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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le profil mélodique des chansons. Généralement destinées à une voix d’homme
de tessiture moyenne, elles se déploient
sur un ambitus plus étendu que le chant
liturgique, faisant un plus large appel aux
intervalles disjoints et aux altérations (il
y est fait usage du bémol et du bécarre,
ancêtre du dièse actuel). En cela, le chant
des troubadours marque un progrès dans
l’évolution de l’expression mélodique et
se révèle comme véritablement moderne
en son temps. Il constitue d’ailleurs la
dernière forme occidentale de la monodie
pure, libre, puisque, après l’éclosion de la
polyphonie, toute ligne mélodique se réfèrera toujours, implicitement ou explicitement, à une harmonie sous-jacente. En revanche, la notation musicale des chansons
des troubadours n’en fait pas apparaître
la structure rythmique. La reconstitution
de leur rythme est conjecturale et soulève
encore d’ardentes polémiques parmi les
spécialistes.
La chanson n’exclut pas un soutien instrumental, largement attesté par les textes
et l’iconographie ; mais celui-ci, qui devait
sans doute doubler les parties chantées et
apporter une assise rythmique par les percussions, n’a jamais fait l’objet d’une notation particulière, et on ne peut le reconstituer que de façon hypothétique.
Développant tous les grands thèmes de
l’amour courtois, chers à la grande société
chevaleresque du XIIe siècle, les genres
lyriques abordés par les troubadours
peuvent être classés, selon Jean Beck, en
deux familles principales : les chansons
personnelles et les chansons narratives
ou dramatiques. Parmi les premières, la
chanson d’amour ou canso (chanson), la
plus fréquente, la chanson politique ou
morale, ou sirventés (sur des thèmes mélodiques déjà connus par ailleurs, qui par
conséquent « asservissent » le poète - d’où
son nom), l’ennui ou enneg (dépit amoureux ou social), la plainte ou planh (déploration sur la mort d’un personnage), le
débat poétique, jeu parti ou tenso. Dans
les chansons narratives ou dramatiques,
on distingue l’aube ou alba (chant de séparation des amants au petit jour), les chansons d’histoire ou de toile (plaintes des
jeunes filles sur leur sort), les romances
(plus gaies et plus légères que les chansons de toile), les pastourelles (chansons
légères mettant en scène des bergères) et
les estampies ainsi que diverses formes de
chansons à danser. La chanson de croisade
relève de l’une et l’autre des deux familles.
Les trouvères et les minnesänger qui
se développent au XIIIe siècle à la suite
des troubadours, respectivement en pays
d’oïl et en terre germanique, reprennent
la thématique de la lyrique occitane. On
retrouve chez eux les différents genres
cultivés par les troubadours, avec, là aussi,
une prédominance très marquée pour la
chanson d’amour : la canso des troubadours devient le son ou sonet des trouvères
et le liet (ou lied) des minnesänger - dont
le nom signifie d’ailleurs précisément
« chanteurs de l’amour ».
Sur le plan de la forme, la chanson des
troubadours, des trouvères et des minnesänger relève de quatre genres principaux : - le type litanie, succession de
strophes de durée égale avec un élément
de refrain (autonome ou repris de la fin
d’une strophe) ; - le type séquence-lai,
succession de strophes différentes chaque
fois répétées ; - le type hymne, succession
de strophes différentes dont certaines
peuvent être répétées ; - le type rondeau,
où un refrain est systématiquement repris
en choeur.
LA CHANSON POLYPHONIQUE.
Alors qu’au XIIIe siècle disparaît la chanson monodique, liée à la culture chevaleresque, la polyphonie religieuse, apparue
au début de ce même siècle, se développe
au point de gagner le domaine profane.
Dès le début du siècle, en effet, il n’est pas
rare que la polyphonie religieuse à quatre
voix emprunte ses troisième et quatrième
parties (respectivement triplum et quadruplum) à des chansons, savantes ou
populaires, à danser ou à boire, quand ce
n’est pas la partie principale, le ténor, qui
y fait appel (c’est ainsi qu’il y aura plus
tard de nombreuses messes de « l’Homme
armé », qui doivent leur titre à la chanson
du même nom leur servant de support
thématique). De la sorte, la chanson profane est entendue avec un soubassement
polyphonique complexe qui en enrichit
considérablement la matière et l’expressivité. Les compositeurs vont donc pouvoir
procéder à l’inverse, partir d’une mélodie
profane et lui donner des parties d’accompagnement - au nombre de deux, d’abord,
au XIVe siècle, puis de trois et jusqu’à cinq
au cours du XVe siècle.
Ainsi se cristallise au XIVe siècle, à l’âge
de l’Ars nova, la cantilène ou chanson à
trois voix, dont le génial représentant sera
le poète et musicien Guillaume de Machaut. La composition part d’un poème
auquel est associé la mélodie principale de
la chanson, avec toute son ornementation
et sa diversité expressive. C’est le superius,
à quoi le compositeur adjoint une partie
de ténor qui sert de base à la mélodie, et
une partie intermédiaire de contreténor
qui comble l’intervalle entre les deux voix
extrêmes et enrichit le tissu harmonique.
Mais contrairement à ce qui se produit
pour le motet polyphonique, où les trois
ou quatre parties sont chantées, parfois
sur des textes différents, dans la chanson polyphonique, seule généralement la
partie supérieure, la mélodie proprement
dite, est alors chantée, les deux autres parties, beaucoup plus simples, étant exécutées sur les instruments.
Grand poète et admirable virtuose de
l’écriture, Guillaume de Machaut a laissé,
à côté de 24 virelais monodiques, 9 virelais
polyphoniques, 9 ballades, 21 rondeaux,
19 lais, une complainte et une chanson
royale : corpus de plus de 100 pièces qui
font de lui le maître de la chanson savante
au XIVe siècle. Auprès de lui, ses contemporains pâlissent de son éclat : Jehan
Vaillant, Jacob de Senlèches, François
Andrieu.
Le début du XVe siècle voit l’éclosion
de la grande polyphonie franco-flamande
et l’hégémonie musicale de la cour de
Bourgogne. Gilles Binchois est alors le
plus fameux représentant de l’art de la
chanson polyphonique bourguignonne,
avec 55 compositions. Plus novateur, son
contemporain Guillaume Dufay marque
un nouveau pas dans la conquête de
l’expression poétique ; si ses chansons,
d’un nombre supérieur à 80, sont pour la
plupart des rondeaux à trois voix sur le
modèle de ceux de Machaut, son art tend,
néanmoins, à la mise au point d’une polyphonie à quatre voix d’égale importance.
Pour ne conserver encore que trois voix,
Johannes Ockeghem, à la fin du siècle,
n’en adopte pas moins un type d’écriture
d’une polyphonie sévère, à la trame extrêmement serrée ; ses 21 chansons font
une part égale à chacune de leurs parties,
comme dans les motets, et les trois voix
sont chantées sur leurs paroles, sans doute
doublées par des instruments.
Au cours du XVe siècle se sont également développées la bergerette, dérivée
du rondeau sous l’instigation d’Antoine
Busnois, et la chace, canon à trois voix à
l’unisson.
Toutes les formes musicales du
XVe siècle allaient trouver leur achèvement, avec Josquin Des Prés. Ce dernier
laisse plus de 60 chansons de trois à six
voix (le plus souvent à quatre), où une
extrême science de l’écriture s’allie à un
grand lyrisme expressif. Compositeur
européen, il a su opérer la synthèse de
la science polyphonique des artistes du
Nord - Ockeghem, notamment - avec la
clarté mélodique des Italiens. Sa maîtrise
du contrepoint est parfaite - il utilise six
voix, en triple canon, dans la chanson Baisies moy ma doulce Amye -, mais il est tout
autant attentif à illustrer au plus près le
texte par la musique, ce qui n’était guère le
cas d’un Ockeghem, par exemple. Auprès
de Josquin Des Prés, il faut mentionner
Antoine Brumel, Antoine de Févin, Pierre
de La Rue, Loyset Compère, Jehan Mouton.
LA CHANSON DE LA RENAISSANCE.
Les années 1530-1560 connaissent l’essor
de ce qu’on appellera la chanson de la
Renaissance, et, plus particulièrement, de
la chanson « parisienne ». Il est, en partie, dû au développement de l’imprimerie
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
177
musicale des Parisiens Attaingnant, Du
Chemin, et Le Roy-Ballard, et du Lyonnais Moderne, qui diffusent largement et
par grande quantité chansons, messes et
motets. C’est l’époque où l’écriture contrapuntique commence à s’effacer derrière
l’harmonie, aux accords et enchaînements
riches en tierces et en sixtes, qui en adoucissent l’éclat. Le maître de cette école est
Clément Janequin ; en quelque 250 chansons, il se montre habile à suggérer et à
décrire, dans une invention rythmique
éblouissante et une grande précision prosodique (le Chant des oiseaux, la Guerre,
le Caquet des femmes, etc.). Il est aussi
typiquement un artiste de la Renaissance,
poursuivant l’idéal des poètes contempo-
rains, avec, notamment, l’imitation de la
nature et la recherche d’une expression
de caractère théâtral, mettant en musique
des textes de Marot, Melin de Saint-Gelais ou Ronsard. De Janequin, il faut rapprocher Pierre Certon, auteur de plus de
300 chansons de deux à treize voix. Son
Premier Livre de chansons, publié en 1552,
devait avoir une grande importance historique. En forme de vaudeville, cellesci concrétisent, en effet, l’avènement de
l’écriture verticale, d’un style beaucoup
plus simple que celle, encore très horizontale et contrapuntique, d’un Josquin Des
Prés par exemple ; par ailleurs, elles sont
fortement marquées par la chanson et la
danse populaires.
À ces courants d’influences s’ajoutent
ceux que favorise, par l’imprimé, la diffusion des partitions musicales nouvelles,
et particulièrement à cette époque celui
du nouveau madrigal italien tel qu’il se
développe alors sous l’influence des polyphonistes flamands travaillant dans la
péninsule (Willaert, Cyprien de Rore). Ses
traits dominants - primauté de la poésie,
intensité de l’expression des sentiments
humains, large usage du chromatisme viennent vivifier la chanson traditionnelle,
et l’Européen Roland de Lassus, comme
un siècle plus tôt l’avait fait Josquin Des
Prés, réalise une admirable synthèse de
tous ces courants divers. Ses nombreuses
chansons françaises sont écrites pour
quatre, cinq ou six voix, parfois davantage.
Une dernière phase dans l’évolution de
la chanson polyphonique peut être relevée lorsque, à partir de 1570 environ (date
de la fondation de l’Académie de poésie
et de musique, par Baïf et Courville), se
répandent en France les recherches des
poètes humanistes, qui tentent de renouer avec l’art (supposé) de l’Antiquité
grecque et latine. Les musiciens - Claude
Le Jeune, surtout, génial rythmicien, mais
aussi Costeley, Goudimel ou Anthoine
de Bertrand - s’inspirent des nouveaux
vers français pour composer une « musique mesurée à l’antique », où le rythme
musical est calqué sur le monnayage de
durées prosodiques de la phrase poétique. Ils s’efforcent également de restaurer une écriture modale qui, pensent-ils,
les relie à la musique grecque. Illustrant,
notamment, les poèmes de Ronsard, ils
vont mettre de plus en plus en vedette la
partie supérieure de la polyphonie dont
les autres voix se cantonnent progressivement au rôle d’accompagnatrices. Au
terme d’une évolution longue et continue,
la chanson polyphonique disparaît donc
d’elle-même, à l’aube du XVIIe siècle, alors
que se manifeste une conception nouvelle
de la musique - la musique « baroque » -,
de l’harmonie, et qu’apparaît la musique
instrumentale en tant que telle. Dans cette
mutation, la chanson polyphonique débouchera naturellement sur l’air accompagné.
Au XXe siècle, certains compositeurs
français, manifestant par là leur goût pour
la musique de la Renaissance, ont écrit des
chansons polyphoniques : Debussy (Trois
Chansons de Charles d’Orléans), Ravel,
Schmitt, Poulenc, Milhaud, etc.
CHANSON AU LUTH.
Le terme proprement dit date du
XVIe siècle, mais on trouve déjà au Moyen
Âge un emploi primitif du luth pour accompagner la voix (G. de Machaut). C’est,
en effet, au début du XVIe siècle que paraît,
pour la première fois à Venise, dans des
recueils de musique imprimée, le terme
tablature de luth indiquant une version
pour voix et luth d’une chanson polyphonique (Intabulatura de lauto de Fr. Spinaccino, 1507). Il s’agit de frottole, et d’autres
compositeurs suivent cet exemple, tels Fr.
Bossinensis, B. Tromboncino. Les premiers madrigaux à recevoir ce traitement
sont ceux de Ph. Verdelot. La chanson au
luth est pratiquée également aux Pays-Bas
(Josquin Des Prés, J. Planson), en Allemagne, en Espagne (L. Milán, D. Pisador),
en Angleterre - où la musique pour voix
et luth est particulièrement florissante - et
en France. Dans ce dernier pays, le genre
apparaît pour la première fois, semble-til, dans une publication de 1529, chez P.
Attaingnant. En 1571, A. Le Roy publie un
recueil de grande importance historique :
Airs de cour mis sur le luth, contenant
une pièce célèbre de Cl. de Sermisy, intitulée Tant que vivray. Entre 1603 et 1643,
date à laquelle meurt A. Boesset, un très
grand nombre d’airs de cour pour chant
et luth voient le jour, quelques-uns en
forme de dialogue. À la même époque, en
Angleterre, l’ayre atteint son apogée avec,
notamment, J. Dowland, le chef de file de
cette école.
CHANSON DE GESTE.
Forme de récit épique du Moyen Âge.
Les chansons de geste, datent, pour la
plupart, des XIIe et XIIIe siècles, mais la
plus célèbre d’entre elles est, sans doute,
l’une des premières : la Chanson de Roland
(fin XIe s.). Il s’agit de longs récits contant
des exploits héroïques, par exemple un
épisode tiré des croisades ou encore la
geste de Guillaume d’Orange, celle-ci
étant particulièrement développée. Le
poème est divisé en sections de longueur
variable appelées laisses ; il se chante sur
une mélodie simple qui est répétée, mais à
la fin, la mélodie bénéficie d’une modification, sorte de coda finale.
CHANSONNETTE.
1. Titre donné au XVIe siècle à une chanson polyphonique imitée de la canzonetta
italienne.
2. Diminutif ou sens péjoratif de la chanson.
CHANSONNIER.
1. Terme désignant tout auteur de chansons et, plus spécialement, de textes de
chansons. Mais on l’applique particulièrement à une certaine catégorie d’auteursinterprètes puisant leur inspiration dans
l’actualité, appliquant les paroles de leur
invention sur des airs en vogue et chantant leurs oeuvres satiriques sur des scènes
de cabaret. Béranger, Nadaud furent de
célèbres chansonniers.
2. Nom donné à tout recueil, imprimé ou
manuscrit, musical, comportant soit le
texte seul, soit le texte et une notation de
chansons profanes du Moyen Âge émanant de divers auteurs. Il peut s’agir de
recueils d’oeuvres de trouvères ou de troubadours ou, au XVe siècle, de recueils de
chansons à une ou plusieurs voix.
CHANT.
Le chant, une des expressions orales de
l’homme, demeure le reflet de chaque ethnie et de son évolution. Ainsi que le chant
dit « classique », le chant qui relève des
traditions orales exige parfois un apprentissage minutieux dont témoignent les
chanteurs de ragas aux Indes, les griots
de l’Afrique noire, etc. Mais le genre qui
nous intéresse ici, lié au développement
d’une musique élaborée, souscrit en toutes
circonstances à des préoccupations communes : destiné à traduire par la voix
une partition musicale plus ou moins
immuable, le chant, en dehors de toute
considération technique ou artistique, doit
répondre à des exigences de constante audibilité et d’élocution intelligible, ces facteurs tenant compte de l’acoustique du lieu
et de l’utilisation de la voix soit en solo, soit
soutenue par un ou plusieurs instruments
de musique. Les données essentielles de
cet art bien policé n’ont pas subi de bouleversements fondamentaux depuis le
XVe siècle, quand bien même les moyens de
parvenir à de mêmes fins diffèrent encore
selon le milieu, la culture, la langue et tous
les éléments qui conditionnent les facultés
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
178
d’audition du chanteur, celles-ci déterminant évidemment sa capacité de reproduction de sons connus. L’apprentissage du
chant est, en effet, quelque peu semblable
à la conquête de la parole par le nouveauné. Certains principes physiologiques
identiques et immuables gouvernent donc
l’émission vocale du chant et précèdent
toute spécialisation, que ce chant soit ensuite plus particulièrement orienté vers le
théâtre, le lied, l’oratorio, etc.
Depuis l’Antiquité, et quel que fût son
objet (art profane ou sacré, acte cultuel ou
divertissement), le chant s’est toujours réclamé de l’une ou l’autre de deux conceptions opposées : il peut être un geste vocal
pur, chant vocalisé sans paroles, de caractère incantatoire ou hédonistique (dit
chant mélismatique), plus particulièrement lié aux civilisations magiques latines
et orientales, type auquel se rattachent
par exemple le chant de la synagogue et
du temple, les lectures ornées du Coran,
le chant flamenco ou les coloratures de
l’opéra italien. Il peut, au contraire, se
mettre au service de la transmission intelligible d’un texte (on le nomme alors
chant syllabique, c’est-à-dire une note par
syllabe) et se présente comme une sorte de
récitation chantée. Cette seconde conception est davantage celle des civilisations
rationnelles et nordiques, plus essentielle
dans le lied germanique et la mélodie,
dans la lecture des textes scripturaires de
la liturgie, dans le Sprechgesang et ses prolongements au sein de l’opéra moderne.
Elle est néanmoins également à la base du
récitatif de l’opéra classique. Bien que ces
choix relèvent avant tout de l’évolution de
l’esthétique des genres lyriques, les interférences inévitables entre les deux conceptions ont considérablement influencé
l’évolution du chant jusque dans sa
technique même. Cet antagonisme entre
« son » et « verbe », véritable pierre de
touche des exercices du culte en tous lieux
et en tous temps, fut notamment ressenti
par l’Église chrétienne qui, tout en entretenant un enseignement vocal dont se réclamèrent plus tard les premiers chanteurs
d’opéra, manifesta une méfiance vigilante
envers les pouvoirs expressifs du chant :
on en vint donc à observer une distinction stricte entre la récitation quasi syllabique des textes sacrés essentiels, d’une
part, et, de l’autre, la libération jubilatoire
des officiants, qui, par un effet de compensation inévitable, en vinrent à orner par
d’interminables vocalises le chant du kyrie
et surtout de l’alleluia. Dans le domaine de
la musique profane, une luxuriance vocale
tout à fait comparable est attestée par le
traité de l’Espagnol Diego Ortiz (Rome,
1553), qui enseignait avant tout aux chanteurs comment composer eux-mêmes
leurs variations et passages de virtuosité.
Les mêmes tendances laissent des traces
dans l’écriture des madrigaux pour voix
soliste exécutés par de véritables professionnels du chant lors des fêtes princières
de la fin du XVIe siècle en Italie, lorsque le
triomphe définitif de la monodie accompagnée sur la polyphonie eut fait du chant
le moyen primordial d’expression des
compositeurs modernes.
EN ITALIE, JUSQU’À ROSSINI.
Auteur et interprète de plusieurs de ces
madrigaux, Giulio Caccini énonça les objectifs de ce nouvel art dans les deux préfaces qu’il écrivit pour ses Nuove musiche
(1602, 1614) : se faisant le porte-parole
des humanistes florentins et romains des
camerate (v. Camerata fiorentina), il posa
la définition d’un recitar cantando (« dire »
en chantant), récitatif très mélodique et
volontiers ornementé permettant la compréhension du texte sans négliger pour
autant la beauté du chant. Cette façon de
favellare in armonia (raconter par les sons)
se réclamait d’une voix ferme, riche, et de
l’attaque du son bien ample. Il préconisait
une grande liberté rythmique (la sprezzatura), l’emploi de toutes les nuances de coloris et de dynamique, ainsi naturellement
que la maîtrise d’une parfaite virtuosité
dans la vélocité, l’exécution des différentes
espèces de trilles, mordants, gruppi, esclamazioni, etc., à l’usage de tous les types de
voix « afin de se rapprocher au mieux du
sens des mots et du goût ». Néanmoins,
alors que Luzzaschi avait fait vocaliser la
célèbre Vittoria Archilei (1550-1618) sur
plus de deux octaves, Caccini préconisait généralement des tessitures plus restreintes, bien que, à son époque, la basse
Melchior Palantrotti ait témoigné d’une
extrême agilité sur une tessiture étendue
(ré1-fa3), cependant que la voix aiguë masculine, rarement sollicitée au-delà du sol 3,
correspondait, en fait, à celle du baryton
actuel. Enfin, cette buona maniera di cantare faisait obligation aux interprètes d’improviser leurs propres « passages » de virtuosité en fonction du style et des « points
d’orgue » que leur ménageaient les auteurs.
Cette double exigence de technique vocale
et de science musicale fut particulièrement assumée par les castrats, grâce à leur
formation musicale sans équivalent, plus
encore qu’à la nature de leur voix. Monteverdi confia au castrat Giovanni Gualberti
le rôle titulaire de son Orfeo (1607), oeuvre
où il appliqua les principes de Caccini :
un sobre recitar cantando suffit à narrer
la mort d’Eurydice, tandis que c’est par
la magie d’un chant très orné qu’Orphée
charme les divinités infernales (aria Possente spirto). Confirmant le caractère, en
quelque sorte abstrait, que revêtait alors le
chant, il confia encore à un castrat le rôle
de Néron dans le Couronnement de Poppée
(1642), tandis qu’une voix aiguë masculine
y incarnait une femme âgée : la notion de
correspondance entre un type de voix et
un caractère ne devait apparaître que bien
plus tard.
Avec l’art de Baldassare Ferri (16101680), la virtuosité vocale atteignit le
même niveau de perfection que les vertus expressives du chant, jusque-là tenues
pour l’essentiel, et c’est cette virtuosité
qui devint l’élément prédominant de ce
que nous nommons aujourd’hui le bel
canto, dont Pier Francesco, dans son
Traité (1723) posa ainsi les principes : une
technique identique pour tous les types
de voix, un chant ferme et assuré, et un
sain usage de toute l’étendue vocale, le
chanteur devant se garder aussi bien de
rechercher la puissance des notes aiguës
que de détimbrer les notes graves par
l’usage inconsidéré du fausset au-dessous
de sa limite naturelle. En rappelant que
« plus la voix monte vers l’aigu, plus les
sons doivent être attaqués avec douceur »,
et que le mélange des registres était le seul
moyen d’obtenir un chant modulé à l’infini, Tosi enseigna comment « utiliser les
premières résonances de tête, dès le bas
médium de la voix, afin que les dernières
résonances de poitrine disparaissent audelà du mi 3 (le ré de notre diapason actuel), car c’est le fausset qui domine audelà ». Notons qu’il convient d’entendre
ce terme fausset, non comme l’actuel
falsetto, mais comme le falsettone ainsi
défini par la phoniatrie moderne. Enfin, il
reconnaissait néanmoins « la voix de tête
comme plus apte à l’agilité » (c’est seulement avec Rossini que l’exécution des coloratures en bravura, c’est-à-dire en pleine
voix, fut adoptée) et recommandait naturellement « l’étude des valeurs longues et
lentes avant celles de la virtuosité et de
l’interprétation ». Il ne fut guère écouté,
en revanche, lorsqu’il préconisa une agilité qui fût propre au chant et qui différât
du style instrumental, autre objectif qui
ne fut atteint qu’à l’époque de Mozart ou
de Rossini.
En effet, avec Haendel et ses contemporains, l’art des castrats avait atteint son
apogée dans une débauche de virtuosité
au caractère purement instrumental.
Cette perfection portant en elle-même
un élément de saturation et de rupture,
ces chanteurs en revinrent à cultiver à
nouveau l’art de l’expression et du pathétique, et ils laissèrent peu à peu à d’autres
types d’interprètes le soin de maintenir le
flambeau de cette virtuosité. Haendel et
Hasse s’intéressèrent à la voix de ténor,
et le premier fit largement appel à l’agilité de basses telles que Montagnana, et,
surtout, Giovanni Boschi, doué d’une
belle étendue vocale (ré1-fa3), mais apporta tous ses soins à l’émancipation de
la voix féminine qu’allait réhabiliter le
XVIIIe siècle : interdites de séjour sur les
scènes des États pontificaux en Italie, en
raison de leurs moeurs relâchées, les cantatrices recevaient, au contraire, à Londres
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
179
un accueil favorable. La voix de contralto
de Francesca Vannini-Boschi fit merveille
dans Rinaldo de Haendel en 1711, puis
Antonia Merighi et surtout Vittoria Tesi
(1700-1775) imposèrent davantage ce type
vocal ; Hasse écrivit pour cette dernière
cantatrice dans un registre véritablement
approprié (sol2-fa4). Pourtant, le phénomène caractéristique plus particulier du
chant haendelien fut l’intérêt sans précédent que le compositeur prêta au registre
aigu des castrats et des sopranos. Et encore
les textes écrits ne nous fournissent-ils
qu’une idée relative des possibilités réelles
de ces interprètes, qui donnaient leur véritable mesure dans les « embellissements »
apportés aux arias, et notamment dans le
da capo de ceux-ci, précisément destiné
à mettre en valeur les possibilités les plus
originales de chacun d’entre eux. De la célèbre Faustina Bordoni-Hasse (env. 17001781), une soprano grave habituellement
limitée au sol 4, Haendel exigea parfois le si
bémol 5, cependant qu’il écrivit le do 5 pour
sa rivale Francesca Cuzzoni (1700-1770),
une cantatrice qui, la première, mit vraiment en valeur les caractères de pureté et
d’expressivité propres à la voix féminine
aiguë. Gluck, dans ses premières oeuvres,
puis Piccinni usèrent avec bonheur de cet
engouement nouveau, alors même que,
par un effet contraire, les castrats recherchaient dans la richesse de leur registre
central des ressources insoupçonnées, car,
ainsi que le remarque Rodolfo Celletti (La
Vocalità, in Storia dell’ opera, Turin, 1977)
« une des lois du XVIIIe siècle voulait que le
chant expressif requière des voix de tessiture moins étendue « : un siècle plus tard,
nous le constaterons, le chant wagnérien
et vériste allait souscrire à cette théorie.
Ayant désormais le champ libre, les
sopranos rivalisèrent en exploits souvent
gratuits et se lancèrent à la conquête des
sons adamantins d’un registre suraigu que
nul ne leur disputait : on vanta la qualité
du chant de Brigida Banti ou bien les cas
exceptionnels de l’Anglaise Élisabeth Billington (1766-1818), qui, à Naples et à
Vienne, fit acclamer son étendue vocale
de trois octaves (la2-la5), ou du contralto
russe Ouranova, qui pouvait aussi chanter le rôle très élevé de la Reine de la Nuit
dans la Flûte enchantée de Mozart ! Mais
les spécialistes de ce type de chant se regroupèrent autour de l’école viennoise :
l’Allemande Gertrud Mara (1749-1833)
et Anna de Amicis (1733-1816), pour qui
écrivit Mozart, atteignaient le mi 5, Élisabeth Wendling et la Polonaise Antonia
Campi (1773-1822) le fa ; Mozart, toujours, écrivit fréquemment cette note, notamment pour sa belle-soeur Josefa Weber,
qui créa le rôle de la Reine de la Nuit, pour
Francisca Lebrun-Danzi (1756-1791), qui
donnait le sol 5 (une note qu’en France
Grétry requiert également dans Renaud
d’Ast) et pour Aloysia Lange Weber, à l’intention de laquelle il composa l’air Popoli
di Tessaglia, une page dont la tessiture
aiguë n’a jamais été dépassée. Enfin, Mozart entendit en Italie la fameuse Lucrezia
Agujari (dite la Bastardella, 1743-1783)
gravir la gamme jusqu’au do 6, seulement
égalée au XXe siècle par Erna Sack et par
Mado Robin.
Mais cette aventure particulière se
développa, en fait, à contre-courant par
rapport à l’esthétique dominante. Si les
schémas essentiels du bel canto régissaient
encore l’oeuvre vocal de Haydn, de Cimarosa et de Mozart, celui-ci, particulièrement sensible aux courants réformistes
réclamant un chant « plus naturel », réduisit la liberté d’ornementation habituellement concédée aux interprètes, assigna
volontiers une fonction dramatique à la
colorature et commença à définir une correspondance entre les caractéristiques de
timbre et de tessiture des voix et l’âge, le
sexe, le caractère des personnages. Dans
cette typologie, la voix de ténor, encore
mal définie, trouva son meilleur emploi
avec les rôles de jeune premier, un amoureux encore timide, généralement un type
de ténor grave, virtuose au timbre parfois assez dramatique, s’opposant déjà au
castrat, symbole évident de l’abstraction
théâtrale : c’est en 1774 qu’avaient précisément paru les fameuses Réflexions de G.
B. Mancini, très important théoricien de
l’art vocal, où celui-ci déplorait la baisse
de qualité musicale de l’enseignement du
chant, la décadence de l’art des castrats,
et, le premier, il se pencha sur les données
physiologiques de la voix.
EN FRANCE.
Une véritable école de chant ne s’y affirma
guère avant la fin du XVIIe siècle, l’exécution des airs de cour et des oeuvres religieuses n’exigeant jusque-là ni ambitus
important, ni coloratures, ni endurance
vocale particulière. Le premier pédagogue de renom, Pierre de Nyert (1597-
1682), n’est encore souvent mentionné
que comme « chantre », bien qu’il ait
puisé sa science auprès de maîtres italiens
et transmis son enseignement à Michel
Lambert, lui-même beau-frère de Mme
Hilaire Dupuy, première cantatrice française de renom, et beau-père de Lully. Ce
Florentin naturalisé français, comprenant
néanmoins le parti à tirer d’une méfiance
certaine contre le chant italien, attisée, en
France, par les factions politiques hostiles
à Mazarin, tenta au contraire de calquer un
nouveau type de chant non sur la parole
elle-même, mais sur la déclamation théâtrale, s’inspirant étroitement de la récitation de l’alexandrin racinien pour modeler
un récitatif lyrique lent et mesuré, exempt
de toute fioriture, au déplaisir des cantatrices, mais à la satisfaction d’un chanteur
comme Beaumavielle († en 1688), réputé
pour sa très belle voix de basse, mais qui
chantait, dit-on, sans école, sans nuances,
et soutenait exagérément des notes aiguës
presque criées. De telles critiques permettent de mesurer les carences techniques
de ce style que les Italiens surnommèrent
bientôt urlo alla francese, ou « l’école du
cri », termes déjà appliqués aux comédiens
français. Pourtant, un phrasé plus musical
allait peu à peu s’instaurer, mieux servi par
les voix aiguës masculines, tailles et ténors
hautes-contre. Ces derniers usaient d’une
méthode de mélange des registres, assez
voisine de la conception italienne, et leurs
voix souples étaient plus particulièrement
prisées dans la musique religieuse (M. A.
Charpentier, M. R. De Lalande, Couperin,
etc.). Mais ce fut, en fait, avec Marthe Le
Rochois (1650-1728) que prit naissance
une école véritable, dont devaient bientôt
sortir les futurs interprètes de Rameau,
dans l’oeuvre duquel s’opéra une judicieuse
synthèse entre le récitatif d’origine lullyste,
qui épousait désormais la musicalité de la
langue chantée (et non plus de la déclamation récitée), et les italianismes introduits
dans l’opéra français par l’intermédiaire
de Campra, Mouret, etc. Le style vocal de
Rameau, qui apparaît aujourd’hui comme
le plus sûr ancêtre de l’arioso* wagnérien,
comportait néanmoins des arias dont la
noblesse n’excluait pas la présence de
la virtuosité (cf. le rôle de Phèdre dans
Hippolyte et Aricie). Ce style exigeait de
grandes et belles voix, comme en possédait
Marie Antier (1687-1747), la créatrice de
Phèdre, ou, dans les emplois plus légers, la
célèbre Marie Fel (1713-1794). Il réclamait
des tessitures masculines très longues :
plus de deux octaves pour la voix de basse,
cependant que le ténor Pierre Jelyotte
(1713-1797) imposait un chant presque
italianisant. Cumulant même les emplois
de taille et de haute-contre, il dépassait
sans doute le do 4 dans Zoroastre (1749). La
colorature italienne pénétra dans l’opéracomique de Philidor ou de Grétry, dont les
interprètes féminines, Marie Jeanne Trial
et Mme Laruette, étaient précisément des
transfuges de la Comédie-Italienne. Une
certaine confusion régna toutefois longtemps dans ce genre, quant aux tessitures
masculines : Clairval, Martin, Elleviou se
partageaient des emplois dont on ne saurait dire s’ils étaient destinés au ténor ou au
baryton, type vocal nouvellement apparu,
qui se présentait comme une variante, en
plus grave, de la voix de ténor. L’opéracomique faisait, d’ailleurs, appel à des
emplois se définissant davantage en termes
de théâtre qu’en termes de voix : des interprètes célèbres, Antoine Trial, Jean-Louis
Laruette, Rosalie Dugazon, dont les deux
premiers possédaient des voix de qualité
notoirement médiocre, laissèrent leur nom
à des types d’emplois de comédie dans le
répertoire lyrique léger, et non à des types
vocaux.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
180
En revanche, dans ses dernières oeuvres
tragiques, l’Allemand Gluck, venu se fixer
en France, tendit à imposer un chant large
et déclamé, sans fioritures, excluant même
l’emploi des notes aiguës chez la femme.
Toutefois, malgré de salutaires interférences entre les différentes écoles, le chant
français demeurait sans comparaison
possible avec le chant italien, et le musicologue anglais Charles Burney déplorait
avec véhémence, en 1770, la façon dont
les chanteurs de notre pays forçaient leurs
voix, criaient et usaient de sons détimbrés,
cela, affirmait-il, « faute d’école, car leurs
voix sont naturellement très belles ». À la
suite de Gluck, les Italiens Cherubini et
Spontini allaient mieux réaliser une première tentative de fusion entre ce chant
déclamé et la veine mélodique, qu’ils
avaient héritée de leur pays natal, apportée en France, et qui allait heureusement
influencer les auteurs français, tels que
Mehul et ses successeurs.
LE RÈGNE DE ROSSINI.
Le brassage des tendances européennes,
qu’accentua l’aventure napoléonienne,
favorisa l’osmose entre les mérites de
chaque école. Bien avant que Rossini
n’en opérât une magistrale synthèse, était
parue en 1804 à Paris la Méthode de chant
du Conservatoire, due apparemment à un
Italien, Bernardo Mengozzi (1758-1800),
formé à l’école des castrats, dont il préconisait la technique, l’associant aux impératifs de déclamation et d’expression propres
à l’opéra français. Mengozzi influença sensiblement l’écriture des auteurs d’opéracomique, en particulier de l’école dont
Boieldieu fut le chef de file. Les principes
techniques de Tosi et de Mancini y étaient
mieux explicités (notamment le principe
essentiel de la respiration abdominale, qui,
par l’écartement des côtes, laisse le ventre
plat), cependant, en adaptant la terminologie italienne aux principes cartésiens
des Français, Mengozzi définissait comme
« voix de milieu » (ou mixte) la zone médiane de la voix où sont intimement mêlés
les registres dits de poitrine et de tête.
Et, tandis que le chant italien faisait
d’autant plus facilement souche en France
qu’aucun courant nouveau n’y apparaissait plus, Rossini s’imposait à toute l’Europe, non seulement comme le seul grand
auteur lyrique des trente premières années
du siècle, mais aussi comme un théoricien
soucieux de concilier les problèmes esthétiques, éthiques et techniques du chant.
Tout en regrettant, sur le plan musical, la
disparition des castrats, devenue effective
en une vingtaine d’années, et qui, selon
lui, portait un coup fatal au bel canto
sinon au chant en son entier, Rossini en
prit acte, et, pour combler cette lacune,
il donna ses véritables lettres de noblesse
au contralto féminin, déjà mis en valeur
par Paisiello et Cimarosa, mais surtout
par Zingarelli, Mayr, Paër, etc. Cette voix,
qui conservait du castrat une certaine
ambiguïté, un caractère hermaphrodite,
s’imposa donc d’abord comme son premier substitut en incarnant, en travesti,
les rôles de guerrier et d’amoureux (et
conservant dans ce cas l’appellation de
musico que l’on donnait aux castrats chantant ces rôles), puis en occupant une place
importante comme prima donna bouffe :
dans les deux cas, Rossini demanda à cette
voix la même virtuosité qu’au castrat et
une étendue importante (il écrivit un mi
bémol 2 dans Ricciardo e Zoraide, fit généralement monter cette voix jusqu’au si4),
mais en donnant toutefois le maximum
d’intérêt au médium de sa tessiture. Il lui
conféra, en outre, un caractère plus humain qu’instrumental, rompant ainsi avec
la tradition haendelienne, cependant que
le contralto lyrique, lié à la notion d’âge
ou de rang, demeurait l’apanage du répertoire français.
La disparition du castrat devait encore
non seulement bouleverser toutes les habitudes, mais entraîner une redistribution
plus complète des emplois dramatiques,
alors que le siècle naissant allait peu à peu
exiger du chant une expression nouvelle,
en reportant sur les instrumentistes le
goût pour la virtuosité transcendante : ce
n’est pas un hasard si le public acclama
soudain Paganini, Liszt et Thalberg dès
l’instant où les chanteurs cessèrent d’évoluer sur la corde raide du funambulisme
musical. Mais, en cette période de mutations, Rossini sut préserver, quasi intactes,
les prérogatives essentielles du chant classique, que, dépouillant de son caractère
instrumental, il prépara au frémissement
nouveau du romantisme naissant. Il permit ainsi le rapprochement tant souhaité
entre les écoles française et italienne,
cependant qu’en Allemagne de nouvelles
valeurs issues d’un romantisme largement
adulte entraînaient les compositeurs vers
une solution différente ; selon Roland
Barthes, la naissance du lied romantique,
autour de 1810, fut un autre phénomène
de chant asexué, présentant, dans un
cadre non latin, un autre type de substitution du castrat.
Rossini avait décidément le champ
libre pour redistribuer les cartes et établir désormais le chant dans son idéal de
beauté et d’humanité : il signifia son congé
au soprano suraigu encore utilisé par
Mayr et Paër, préférant incarner l’éternel
féminin en un nouveau type vocal, sorte
de greffe du contralto, non sans rapport
avec le soprano employé en France par
Gluck, Cherubini et Spontini. Cette voix,
conservant du contralto la richesse de
son grave, s’élevait vers un registre aigu
étendu, dont la fragilité même symbolisait la pureté féminine : Isabel Colbran
(1785-1845) disposait d’un important
clavier vocal (sol2-mi5), mis en valeur par
Mayr, et Rossini en fit peu à peu la partenaire aiguë du contralto-musico. À sa
suite, Giuditta Pasta (1797-1865) et Maria
Malibran (1808-1836) incarnèrent tour à
tour des emplois de mezzo-contralto et de
soprano (Cendrillon dans La Cenerentola
de Rossini et Amina dans La Somnambule
de Bellini, par exemple) et méritèrent le
surnom de soprano assoluto qui fit fortune
à l’époque romantique.
Tout cela ne fut rendu possible que par
l’exacte connaissance qu’avait Rossini des
impératifs de l’expression vocale : il se gardait de faire doubler la ligne de chant par
les instruments, épargnait la voix dans la
zone « de passage », récusait l’attaque à
découvert des sons aigus, ainsi que leurs
longues tenues, et utilisait la voix sur toute
son étendue, mais ne s’aventurant généralement dans les zones extrêmes que par
des coloratures à mouvement conjoint.
Ces principes furent également appliqués
aux voix masculines : pour la basse Filippo
Galli (1783-1853), il écrivit de grands
rôles bouffes ou tragiques (Mustafa dans
l’Italienne à Alger, Selim dans le Turc en
Italie, Mahomet dans l’opéra homonyme,
Assur dans Semiramis, etc.) soumis à une
colorature assez terrifiante. Et, toujours en
conséquence de l’absence des castrats, il
fut amené à opposer deux types de ténors
qui, dans l’opera seria, avaient fonction
d’antagonistes du drame : l’un, d’origine
mozartienne, baritenore à la voix sombre
et riche dans le grave, mais susceptible de
s’aventurer dans le suraigu par l’emploi
du falsettone, et dont l’Espagnol Manuel
Garcia (1775-1832) fut le prototype ;
l’autre, de timbre plus clair et de tessiture
plus aiguë (ténor contraltino, dont l’opéracomique français devint friand), ces deux
types étant soumis naturellement à une
très grande virtuosité ainsi qu’à une tessiture très étendue (la2-ré4).
Enfin, Rossini parvint à ce que l’on
peut appeler une normalisation du chant,
en imposant aux interprètes, autant que
cela fut possible, une colorature écrite et
non plus improvisée, qui prévoyait les
aspects les plus variés d’expression et de
vélocité pour toutes les catégories vocales.
La colorature, souvent exigée à pleine
voix, perdait ainsi le caractère décoratif
et surajouté qu’elle avait souvent assumé
antérieurement, pour faire partie intégrante de la mélodie elle-même (Bellini,
puis Chopin dans son écriture pianistique
en firent, après Rossini, la base même de
leur style). Cette normalisation, dictée
à Rossini par son souci de voir enfin la
musique respectée, contenait malgré tout
en germe une des causes majeures de la
décadence du chant : abandonnant leur
formation musicale qui avait été jusquelà le corollaire indispensable des études
vocales, les chanteurs allaient désormais
se consacrer à la recherche d’effets. En
moins d’un siècle, ils devaient perdre leur
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
181
agilité, et, en conséquence, la souplesse
favorable aux nuances. Ainsi, alors que les
réformistes se félicitaient de cette innovation rossinienne, le fait d’avoir retiré des
études du chant l’art de l’improvisation
allait conduire à la carence musicale, inéluctablement accompagnée d’un appauvrissement de l’interprétation, processus
qui s’aggrava jusque vers 1950.
Si Rossini, fixé en France après 1824,
ne put jamais obtenir véritablement des
chanteurs français une maîtrise vocale
comparable à celle des Italiens, il réussit,
néanmoins, à unir les fondements des
deux écoles et ouvrit la porte au nouveau
chant romantique. En effet, par souci
d’exprimer l’exaltation du héros et son
dépassement intérieur, l’écriture vocale
franco-italienne traduisit alors ces émois
nouveaux par un désir d’ascension vers
l’aigu. Ce phénomène s’associait à un processus général déjà amorcé par Beethoven
et Paganini dans le domaine du violon,
par les facteurs de piano qui favorisaient
désormais la clarté des dernières octaves
(et y ajoutaient des notes supplémentaires), et par les progrès réalisés dans la
technique des instruments à vent auxquels
l’adjonction de clefs ou de pistons permettait aussi davantage de facilité et d’éclat
dans l’aigu.
LA VOGUE D’UN « AIGU HÉROÏQUE ».
Ce qu’avaient déjà tenté la Pasta et la Malibran, le ténor G. B. Rubini (1794-1854)
le réussit en son incarnation idéale de
l’amant romantique aux passions malheureuses. Il fut l’interprète d’élection du romantisme lunaire de Bellini, qui sollicita sa
voix jusqu’au fa 4 dans Bianca e Fernando,
puis dans les Puritains (1835). Son partenaire Antonio Tamburini (1800-1876),
cependant, donnait à la voix de basse des
inflexions ténorisantes. Comme le note
Rodolfo Celletti, « en moins de dix ans,
si les notes extrêmes des voix n’ont pas
changé, la tessiture moyenne du chant s’est
élevée d’une tierce avec Bellini, Donizetti,
Meyerbeer et Berlioz ». Mais à cette exaltation d’un romantisme byronien devait succéder le culte du nouveau héros hugolien,
né de la bataille d’Hernani et des barricades
de Juillet. Le registre aigu de la voix, après
avoir traduit l’aspiration de l’être vers son
idéal de pureté, devint l’image de ses sentiments généreux, héroïques, image liée par
conséquent à un souci, tout à fait inconnu
jusque-là, de vaillance vocale.
Alors que Garcia demandait seulement
au début du siècle que l’aigu ne fût pas
moins puissant que le médium, le Français Gilbert Duprez (1806-1896), afin de
mieux traduire par son chant la violence
libertaire du personnage d’Arnold dans
Guillaume Tell de Rossini, réussit à donner
un éclat nouveau à la voix de ténor, en reculant les limites extrêmes des résonances
dites de poitrine, non plus seulement
jusqu’au si bémol ou au si 3 comme David
ou Rubini, mais jusqu’au do 4, note dès lors
appelée, lorsqu’elle était chantée selon
cette technique, « ut de poitrine ». Duprez
fit entendre cette note à Lucques, en 1831,
lors de la création italienne de Guillaume
Tell et réédita son exploit à Paris, en 1837,
avec un succès foudroyant. Notons que le
diapason avait alors déjà atteint (et allait
dépasser souvent) l’étalon actuel de 442
fréquences.
Le succès de Duprez détermina peutêtre le suicide de son prédécesseur
Adolphe Nourrit (1802-1839), hautecontre à la déclamation noble et large,
bien plus apprécié que Duprez par Rossini
lui-même, et qui, comprenant qu’une ère
était décidément révolue, tenta en vain
d’imiter son cadet. En effet, alors que
Duprez continuait par ailleurs à savoir
utiliser toutes les ressources du registre
de tête (Donizetti, en 1835, lui écrivit un
mi bémol 4 dans Lucie de Lammermoor),
son innovation fit souche. Même si son
fameux « ut de poitrine » n’était encore
qu’un son en voix mixte, habilement
coloré de résonances plus viriles, mais
n’ayant pas l’éclat que lui donnent les
ténors modernes, les chanteurs et cantatrices de toutes tessitures se lancèrent à
sa suite dans la même recherche d’effets,
amenuisant, au profit d’un aigu héroïque,
le registre grave de leur voix jusqu’à son
atrophie partielle. Le contralto devint
mezzo-soprano, la basse se fit baryton, ce
qui affirmait définitivement l’existence de
cet échelon désormais indispensable entre
la véritable basse et le nouveau type de
ténor aigu, et le soprano rossinien s’effaça
peu à peu devant un nouveau soprano
spinto, capable encore d’exprimer l’angélisme de l’« éternel féminin », par l’usage
de notes aiguës éthérées : malheureusement, cet usage ne résista guère au désir
des cantatrices - et non des compositeurs d’exécuter dans la nuance forte toute note
tant soit peu élevée de leur registre.
À la même époque, l’orchestre des opéras croissait en volume sonore et les compositeurs qui, de Spontini à Verdi, firent
trop souvent doubler la ligne de chant par
les instruments contraignirent insensiblement les chanteurs à rivaliser de puissance avec ceux-ci. Le chant perdit ainsi
sa souplesse, et l’écriture mélismatique,
jugée par certains surannée, fit place à
une écriture syllabique que les excès du
romantisme allaient plus tard transformer en scansion exagérée, insistant sur les
consonnes. C’est en vain que Verdi voulut
concilier « le feu et la flamme » avec la voix
de son soprano sfogato (« élevé, aéré »), le
chant pathétique de son baryton avec les
« éclats terrifiants » réclamés à Macbeth
et Rigoletto, et la langueur amoureuse
d’un ténor prompt à tirer l’épée. Comme
le note Rodolfo Celletti : « Pour la première fois dans son histoire, un problème
d’éthique allait avoir des répercussions sur
la technique même du chant, à partir d’un
fait anodin en soi. »
LA NOTION DE « RÉPERTOIRE ».
Ce n’est pas un hasard si, à l’époque
même où Verdi entraînait le chant sur
des pentes vertigineuses (avant Wagner,
et beaucoup plus que lui, pour peu que
l’on observe scrupuleusement ses indications), paraissait à Paris le Traité complet de l’art du chant de Manuel Garcia
Jr (1847, rév. 1856). Faisant le point sur
l’évolution en cours, celui-ci signait là un
ouvrage, qui demeure, aujourd’hui encore
la base de toute étude du chant. Il y énonçait en termes clairs et indiscutables les
principes essentiels de l’émission vocale,
qui découlent de facteurs physiologiques
et musicaux immuables et peuvent être
adaptés ensuite à tout nouveau type de
chant. Garcia y réaffirmait les principes de
respiration que nous avons déjà évoqués
(toutefois la respiration nasale, autrefois
réputée la seule à garantir le fonctionnement parfait de l’émission chantée, devenait dans certains cas inconciliable avec les
nouveaux styles d’écriture) et insistait plus
que jamais sur la nécessité d’opérer la parfaite fusion des registres (qu’il nommait,
lui aussi, de poitrine, de fausset, puis de
tête), ces registres ayant des zones communes excédant parfois l’octave. Cette
fusion réalisée sans discontinuité audible,
grâce à divers artifices, dont la coloration
appropriée des voyelles, et la modification insensible de celles-ci, tout au long
de l’étendue vocale, grâce également à
l’adoption des premières résonances de
« fausset » dès le bas médium de la voix,
assurait la parfaite homogénéité du chant,
et permettait de le colorer et de le nuancer
à l’infini sur toute la tessiture. Ce principe
respectait en outre toutes les exigences de
la colorature en permettant, néanmoins,
de se plier aux impératifs d’un chant plus
dramatique, lequel peut parfaitement être
soumis à cette technique de base. La mise
au point de Garcia Jr arrivait d’autant plus
à propos que, jusque-là, les diverses modes
observées dans le chant avaient seulement
suivi l’évolution de la musique et n’avaient
eu d’autre fin que de faciliter l’exécution
d’oeuvres contemporaines. Mais à l’époque
de Garcia Jr s’imposait la notion de « répertoire », qui obligeait désormais le chanteur à pouvoir interpréter tous les styles
du passé, tout en demeurant disponible
aux expressions nouvelles et aussi diverses
qu’allaient être celles de Verdi, Gounod,
Wagner, Mascagni, Debussy ou Strauss.
Il faut constater que, depuis lors, aucun
élément essentiel n’est apparu qui soit
venu infirmer les données établies par
Garcia. Les acquisitions plus récentes
de la voix humaine, telles que les effets
à bouche fermée, l’annexion du rire, du
hoquet et de certaines onomatopées (ainsi
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
182
que l’a réussi avec un véritable génie une
cantatrice du XXe siècle, Cathy Berberian,
d’abord rompue au plus pur belcantisme),
débordent le cadre d’une étude réservée
au chant. Mais les deux seules créations
véritables postérieures à cette époque ont
été, d’une part, le parlando introduit par
Dargomyjski et Moussorgski dans la Russie des années 1860-1880, et repris à leur
compte par Debussy, Ravel et leurs autres
disciples ; d’autre part, le Sprechgesang,
sorte de chant parlé ou de déclamation
mélodique. Il s’est révélé que la première
de ces innovations était parfaitement
réductible aux principes traditionnels,
dont Moussorgski n’entendait pas s’écarter, même s’il haïssait la colorature italienne ; et que la seconde, de par la volonté
délibérée de son promoteur, échappait au
domaine du chant, malgré les tentatives
(demeurées un phénomène marginal,
isolé dans le temps et les lieux), qui furent
faites au début du siècle en Allemagne,
d’appliquer à l’univers vocal de Wagner
et de Strauss un style de chant dérivé du
Sprechgesang. Les importantes mutations
que l’on a pu constater dans la manière de
concevoir le chant depuis un siècle sont,
en fait, beaucoup moins dues à l’évolution
de l’écriture lyrique qu’à l’inobservation
des règles du chant par ses interprètes : ni
les auteurs du grand opéra français ni les
compositeurs véristes n’avaient su prévoir
les trahisons que des chanteurs infidèles
pourraient infliger à leurs oeuvres.
Il n’en est pas moins vrai que certains
auteurs lyriques les incitèrent à cette inobservation en gonflant immodérément la
sonorité des orchestres, en abaissant les
tessitures des rôles (ainsi que le pratiquèrent Wagner, puis Verdi à la fin de sa
carrière), en ne sollicitant plus les notes
extrêmes des voix. Les chanteurs purent
ainsi abuser de la puissance exclusive de
leurs notes centrales, perdant ainsi progressivement toute souplesse, atrophiant,
parfois irrémédiablement, leur organe.
Comme toujours, un phénomène social
est lié à ce stade d’évolution : en l’occurrence, la démocratisation de l’opéra, souhaitée par Verdi, et déjà déplorée, en 1845,
par Rossini, qui la commentait ainsi : « Il
ne s’agit plus aujourd’hui de savoir qui
chante mieux, mais qui crie le plus », ajoutant quelques années plus tard : « Plus on
gagne de force dans l’aigu, plus on perd
de grâce (...), et lorsque la paralysie de
la gorge survient, on a recours au chant
déclamé, c’est-à-dire, aboyé et détonnant
(à savoir, chanté trop bas). Alors, pour
couvrir ces excès vocaux, on fait donner
l’orchestre plus fort. »
LA PERSISTANCE DU BIEN-CHANTÉ.
S’il est exact que, durant un siècle entier,
cette tendance à chanter toujours trop fort
allait s’accroître, suscitant par réaction la
naissance d’une école incitant à chanter
systématiquement tout trop piano, avant
que le fossé ne se creusât irrémédiablement entre ces deux tendances, une certaine fidélité à la tradition du bien-chanté
persista :
- dans les pays demeurés hors des nouveaux courants de création lyrique (ÉtatsUnis, Espagne, Scandinavie, etc.), et dont
les écoles de chant, comme les publics,
restèrent attachés aux normes anciennes ;
- dans l’école française d’opéra-comique et d’opéra lyrique, dans l’école
russe ou chez les Slaves, où se perpétua
la tradition d’un chant toujours attaché
à traduire toutes les nuances de l’expression ;
- au sein même des courants progressistes, où, tout en adoptant une dramaturgie nouvelle, certains auteurs (Puccini
et Cilea en Italie, par ex.) surent néanmoins préserver intactes les prérogatives
du chant ;
- auprès de certaines catégories vocales
délaissées par les auteurs modernes : les
ténors légers, les sopranos légers, entre
autres, dont le répertoire ne fut pas renouvelé, demeurèrent les héritiers de l’ancien
style de chant, au point que la pureté
du chant d’un John McCormack (18841943), des Devriès, Sobinov, Smirnoff,
Jadlowker, d’une Maria Barrientos (18841946), d’une Amelita Galli Curci (18821963), d’une Toti Dal Monte (1893-1975)
acquit une saveur presque anachronique ;
- par la pérennité d’une école de chant
entretenue par les disciples directs des
enseignants formés du vivant de Rossini.
En effet, durant les cinquante années
qui suivirent la mort de Rossini (1868),
l’interprétation vocale avait subi des bouleversements profonds, dus, bien souvent,
à des phénomènes sociologiques particuliers ou communs à tous les pays : ainsi la
promotion de nouvelles classes sociales,
souvent très éprises de musique et s’accordant mal avec les derniers feux d’un bel
canto aristocratique, classes qui se reconnurent plus facilement dans les opéras du
type naturaliste, peu enclins aux raffinements de l’art vocal ; ainsi une certaine
démesure du postromantisme, tant dans
l’Allemagne de Bismarck où le concept
du surhomme nietzschéen se doubla,
sur les scènes d’opéra, par le culte d’un
gigantisme vocal sans fondements, qu’en
France où un même besoin de violence,
attisé par l’exaltation d’un passé national
grandiose destinée à venger l’affront de
la récente défaite, rassemblait pêle-mêle
le grand opéra, le drame naturaliste, l’interprétation « héroïque » des oeuvres de
Wagner et de Verdi, cependant que s’accentuait le divorce entre ce style nouveau
et l’art vocal « élitaire » cher aux milieux
symbolistes et aux auteurs de la mélodie
française, tous également hostiles aux plus
diverses manifestations de la lyrique italienne. L’héritage belcantiste, qui ne survivait qu’au travers de la faveur populaire
envers le vieil opéra-comique, ne pouvait
se perpétuer, ne serait-ce qu’en raison de
la faible qualité musicale et dramatique de
ce répertoire.
LE DÉCLIN DE L’ART DU CHANT.
Entre 1900 et 1920 allait donc s’établir un
style de chant quelque peu passe-partout,
et lorsque l’écriture vocale ne fut plus
enseignée aux compositeurs, l’évolution
de l’art du chant se sclérosa. L’influence
des nouvelles générations fut, dans ce domaine, quasi nulle jusqu’aux alentours de
1950. Alors, des auteurs tels que Luciano
Berio, Pierre Boulez, Betsy Jolas, Penderecki, etc., bien que dans un contexte
musical très différent, renouèrent avec les
vieux principes d’un chant instrumental
n’ayant d’autre objet que soi-même. Mais
avant ces courants récents, un même type
de chant assez déclamatoire avait donc été
appliqué aux styles les plus divers, et il l’est
encore souvent aujourd’hui, notamment
en France. Il est curieux de constater, entre
autres exemples, que le chant wagnérien
fut absolument trahi en Allemagne (par la
volonté expresse des héritiers de Wagner,
qui lui appliquèrent ce style déclamatoire)
alors qu’il sut conserver une grande partie de sa pureté aux États-Unis, jusqu’aux
approches de 1940. Ces conceptions
furent également répandues par quelques
grands chefs d’orchestre qui allaient succéder dans la faveur du public aux cantatrices, ténors ou pianistes virtuoses
naguère adulés : le cas de Gustav Mahler,
privilégiant les « acteurs » aux dépens des
« chanteurs », en est significatif, mais plus
encore celui d’Arturo Toscanini (18671957), mythifié pour son prétendu respect
apporté aux partitions dont il n’observait,
en réalité, que certaines prescriptions instrumentales, manifestant par ailleurs le
dédain le plus absolu à l’égard des volontés des compositeurs en matière d’écriture
vocale, ne respectant ni les tempi rubati,
ni les nuances, ni l’ornementation écrites,
et pratiquant au besoin la suppression des
pages qui lui déplaisaient !
Malgré tout, le processus de décadence
fut assez lent pour que le disque, apparu
dans les années 1900, nous ait conservé
l’image sonore des innombrables grands
chanteurs de cette époque. En 1913, un
spécialiste du chant tel que Reynaldo
Hahn jugeait la santé de cet art irrémédiablement compromise par rapport à un
passé récent. Mais le disque, même s’il
ne sélectionnait que les meilleurs chanteurs, fut le parfait témoin de ces mutations quasi physiologiques : la raréfaction
des grands sopranos dramatiques au-delà
des années 20, l’inaptitude aux nuances
et à la colorature de la plupart des interprètes doués de grandes voix, l’adhésion
des nouvelles écoles au chant déclamé. Il
nous révèle cependant que les plus émidownloadModeText.vue.download 189 sur 1085
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nents représentants de la nouvelle vague
lyrique avaient d’abord été d’excellents
chanteurs formés selon les plus pures exigences du vieux style : Gemma Bellincioni
(1864-1950), Eugenia Burzio (1879-1922),
Anna Bahr-Mildenburg (1872-1947), Enrico Caruso (1873-1921), Ernst Van Dyck
(1861-1923), Titta Ruffo (1877-1953),
Fedor Chaliapine (1873-1938) et bien
d’autres qui connurent d’abord un légitime succès et purent ensuite malmener
des voix encore capables de résister à ces
excès, mais autant de grands interprètes
dont les successeurs ne copièrent que les
manifestations extérieures de ces excès.
Au-delà de 1940, ces excès devinrent la
base même des études du chant et, lorsque
la guerre eut précipité le déclin d’une
tradition dont les derniers représentants
s’éteignaient après de longues carrières
sainement conduites, de nouvelles va-
leurs - en particulier le physique et le jeu
de l’acteur, impossibles à ignorer à l’ère
du cinéma - remplacèrent celles du chant,
au lieu d’y ajouter leur nécessaire complément. L’enseignement perdit peu à peu
toute base solide et les grandes Méthodes
furent oubliées ou ignorées. Parallèlement,
les techniques modernes d’enregistrement fournissaient une image totalement
artificielle de la voix chantée, une image
déformée que tentèrent maladroitement
de reproduire de nouvelles générations de
jeunes chanteurs qui, du fait de la guerre,
n’avaient jamais pu apprécier, au théâtre,
les derniers tenants de la vieille école, dont
l’éclatante supériorité était démontrée par
le nombre : à la veille de 1900, la Scala de
Milan comptait un fichier de deux cent
quatre-vingt-dix ténors prêts à intervenir
à la moindre défaillance de l’artiste engagé ! Les années qui suivirent 1950 virent
avaliser ce renoncement au texte écrit, à
ses nuances, à ses exigences de diction
et de virtuosité. Le mélange des registres
n’étant plus enseigné, non plus que la
messa di voce ( ! BEL CANTO), le chant
devint monocorde, parfois lourd, dur,
inapte à l’interprétation du fait de voix
courtes, forcées, blanches et pauvres en
ressource musicale, et dont le style musical déficient n’était que le fruit d’une technique vocale déficiente. Impossible à soumettre à ce chant athlétique, le répertoire
de concert, d’oratorio et de mélodies fut,
en revanche, trop souvent abandonné à
d’excellents musiciens ne disposant pourtant d’aucune base de technique vocale. Et
c’est en l’absence de toute unité d’école de
chant que cet après-guerre ne put tresser
de couronnes qu’à une poignée d’artistes
lyriques, parfaitement exceptionnels dans
tous les sens du terme, sans que le public
semble avoir bien perçu, pour nous en
tenir à deux exemples éloquents, quelle
prodigieuse technique de chant avait
soutenu les premiers pas et l’art d’interprètes d’une Maria Callas (1923-1977) ou
d’un Dietrich Fischer-Dieskau (1925), ni
bien compris que les dons hors pair de
quelques autres artistes n’aient trop souvent débouché, faute de bases techniques
suffisantes, que sur d’éphémères carrières.
UN RENOUVEAU CERTAIN.
Une remise en question de toutes ces valeurs s’est amorcée à partir de 1960. Il est
encore difficile de définir quelles en ont été
les causes vraiment déterminantes : y par-
ticipèrent l’hédonisme d’une société ayant
surmonté les séquelles du dernier conflit
mondial, la venue vers les scènes lyriques
d’un public jusque-là exclusivement attaché au concert, un souci musicologique
plus aigu, notamment dans les pays anglosaxons, les efforts de quelques grands artistes qui jouèrent le rôle de pionniers, et
d’autres facteurs encore. Il faut remarquer
que des interprètes comme Joan Sutherland, Marilyn Horne, Montserrat Caballé,
Alfredo Kraus, Carlo Bergonzi, plus tard,
Renato Bruson, quoique ayant, dès leurs
débuts, fourni la preuve éclatante de leur
parfaite maîtrise d’une technique de chant
de type ancien, ne furent appréciés à leur
juste valeur que longremps après, lorsque
le public fut prêt à comprendre leur message. On ne saisit pas non plus, sur le
moment, la portée du rôle joué par le chef
d’orchestre H. von Karajan, qui, au début
de sa carrière, s’était attaché à rendre leur
style vocal originel à certaines oeuvres, et,
notamment, à celles de Wagner. Il en va
de même pour l’art du falsettiste anglais
Alfred Deller, qui, même s’il ne proposait
qu’une solution de compromis, amorça un
retour aux sources du bel canto.
C’est peut-être ce désir de retrouver
l’esprit d’un beau chant perdu qui, en
même temps qu’il provoquait la réapparition des falsettistes comme une nostalgie
des voix de castrat et de haute-contre, a, en
retour, fait disparaître de la scène lyrique
les grandes voix dramatiques, et, notamment, les voix masculines. La générosité
vocale parfois trop excessive des générations précédentes ne suffit pourtant pas
à justifier l’engouement plus récent pour
un chant ascétique, aux sons détimbrés,
qui ne fut ni celui des castrats ni celui de
l’époque romantique dont le répertoire,
soudain remis à l’honneur, n’a pas toujours trouvé les interprètes masculins qu’il
lui faudrait.
Dans l’enseignement du chant, un
mouvement s’est amorcé, qui, parti des
pays anglo-saxons, a atteint l’Espagne
et l’Italie, mais n’a guère encore véritablement touché la France où, malgré quelques indices réconfortants, la
pédagogie du chant a, dans ses grandes
directives, conservés les mêmes bases
techniques qu’en 1950. Ce mouvement a
néanmoins pour résultat que l’on chante
et interprète généralement Verdi, Wagner et Mozart mieux, en 1980, qu’on ne
le faisait en 1955, même s’il faut constater que l’absence des grandes personnalités d’hier a précisément permis cette
notion d’école, une absence de personnalités aussi évidente dans la direction
d’orchestre, un domaine où la fidélité
musicologique et le talent spécifique de
chef d’orchestre ne se conjuguent plus
que très rarement. Ces considérations
rendent compréhensible l’exécution des
opéras de Haendel et de Rossini, inconcevable il y a un quart de siècle au niveau
de qualité vocale où elle se pratique couramment aujourd’hui, même, et surtout,
en l’absence de chefs et de chanteurs de
très grand renom. Il ne faut pas pour
autant mésestimer le rôle des grandes «
stars « de la scène, dans la mesure où seul
un courant de portée universelle peut
parachever l’oeuvre entreprise. De tout
temps, des chanteurs de très grand relief
ont, soit agi sur leur époque, soit permis
aux compositeurs d’appuyer leur action
sur leur talent. Farinelli, la Malibran, Duprez, la Patti, Chaliapine, Caruso, Maria
Callas ont, d’une manière ou d’une autre,
influencé leurs époques respectives :
seule une personnalité d’un rayonnement
aussi indiscutable saura donner à l’art du
chant l’impulsion nouvelle qui fera de lui
le reflet des aspirations d’une nouvelle
génération.
CHANTAVOINE (Jean), critique musical
et musicologue français (Paris 1877 Mussy, Aube, 1952).
Après des études de philosophie à Paris,
puis d’histoire de la musique à Berlin, où
il fut l’élève de Max Friedländer, Chantavoine collabora à diverses revues comme la
Revue hebdomadaire (1903-1920), l’Excelsior (1911-1921) et le Ménestrel. En 1906,
il fonda aux éditions Alcan la collection
les Maîtres de la musique, dans laquelle il
publia en particulier un Beethoven et un
Liszt. De 1923 à 1937, il fut secrétaire général du Conservatoire de Paris.
À la curiosité et à l’instinct du chercheur
(il exhuma, par exemple, un opéra de jeunesse de Liszt, Don Sanche), Chantavoine
joignait l’esprit de synthèse ; il appliqua
son talent de musicologue à des travaux
de vulgarisation et d’initiation comme
le Petit Guide de l’auditeur de musique (2
vol., Paris, 1947-48). Parmi ses principaux
ouvrages, citons : Beethoven (Paris, 1906) ;
Liszt (Paris, 1910) ; De Couperin à Debussy
(Paris, 1921) ; les Symphonies de Beethoven
(Paris, 1932) ; Mozart dans Mozart (Paris,
1948) ; Mozart (Paris, 1949) ; le Poème
symphonique (Paris, 1950).
CHANTEFABLE.
Terme provenant de « chanter » et de
« fabler » (parler), et désignant un récit
médiéval où alternent des parties en vers
chantés et des passages en prose destinés
à être récités.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
184
L’oeuvre la plus représentative du genre
est Aucassin et Nicolette (XIIIe s.), qui se
situe ainsi entre la chanson de geste et le
roman en prose.
CHANTERELLE.
Corde la plus aiguë et la plus fine d’un instrument à cordes frottées (violon, etc.) ou
pincées (luth, etc.) et à manche.
Le terme n’est jamais appliqué aux
cordes des instruments à clavier.
CHANTRE.
Transcription littérale du mot latin cantor qui signifie « chanteur », mais dont,
si l’on excepte un emploi poétique détourné de son sens musical (le « chantre
des amours »), l’usage s’est restreint à la
musique d’église.
Les chantres ont été longtemps considérés comme des membres du clergé ; ils
étaient organisés, au Moyen Âge, selon
une hiérarchie (sous-chantres, chantres,
préchantres), qui faisait de leur état une
véritable fonction ecclésiastique : le préchantre portait gants, anneau et bâton
et venait immédiatement après l’évêque.
Ils sont devenus, aujourd’hui, de simples
employés d’église et tendent même à disparaître dans l’après-concile.
Bien que l’on ait parfois, surtout aux XVe
et XVIe siècles, employé le mot « chantre »
pour les chanteurs de maîtrise, il a cessé
d’avoir cours dans cette acception et s’est
appliqué surtout aux chanteurs spécialisés
chargés du plain-chant, et qui, même laïcs,
pouvaient revêtir pour l’office des orne-
ments ecclésiastiques, tels que soutane,
surplis et chape, et prendre place dans le
choeur comme de véritables ministres du
culte.
CHAPEAU CHINOIS.
Instrument à percussion d’origine orientale, employé dans certaines musiques
militaires à partir du XVIIIe siècle, mais peu
à peu abandonné dans le courant du XXe.
Il consiste en un croissant de métal
garni de grelots et autres corps sonores,
que font tinter les secousses imprimées
à la hampe sur laquelle il est monté. Son
aspect décoratif est généralement souligné
par divers ornements : dôme en forme de
cloche, queues de cheval, etc.
CHAPELET (Francis), organiste français
(Paris 1934).
Il aborde l’orgue à l’école César-Franck
avec Édouard Souberbielle, avant d’entrer
au Conservatoire de Paris. En 1961, il y obtient ses premiers prix d’orgue et d’improvisation. En 1964, il est nommé cotitulaire
de l’orgue de Saint-Séverin, et commence
une carrière internationale. Il se passionne
pour la facture instrumentale, particulièrement celle des orgues espagnols. Il en
devient un grand spécialiste, et signe les
premiers enregistrements mondiaux réalisés sur nombre d’entre eux, dont celui de
la cathédrale de Salamanque. Il explore le
répertoire ibérique des XVIe et XVIIe siècles.
En 1979, il crée l’Académie de ParedesFuentes de Nava, en Castille. Depuis 1980,
il est professeur au Conservatoire de Bordeaux et, en 1981, le gouvernement espagnol le nomme expert pour les orgues historiques de Castille et de León. En 1994, il
fait un voyage au Mexique pour y découvrir les orgues baroques. On lui doit plusieurs compositions pour son instrument.
CHAPELLE.
Au sens religieux, le terme de chapelle
(dérivé de la chape, ou manteau, de saint
Martin, conservée, selon la tradition, dans
l’oratoire des rois de France) désigne un
lieu de culte privé (chapelle d’un château,
d’un couvent), par opposition à l’église
(lieu de l’assemblée des fidèles) et à la cathédrale (siège de l’évêque). Par extension,
le terme s’applique au personnel attaché à
ce lieu de culte (« chapelain », prêtres, ser-
viteurs laïques) et, particulièrement, aux
chantres.
La chapelle royale remonte aux origines
de la royauté franque, mais Charlemagne
et, surtout, Robert le Pieux en aménagèrent le service. Sous Charles VII, la chapelle comprenait 12 prêtres chantres, avec
à leur tête Ockeghem. Elle se développa
au XVIe siècle et comptait une cinquantaine de personnes sous Louis XIII. Louis
XIV lui donna son extension définitive,
lui adjoignant des instrumentistes nombreux, et autorisa les femmes à chanter à
sa tribune. Le maître de la chapelle royale
était un prélat, chargé des rapports de la
musique et de la liturgie ; le chef effectif
de la musique était le sous-maître (quatre
à partir de Louis XIV). Les maisons princières eurent aussi leurs chapelles (celle
des ducs de Bourgogne particulièrement
importante au XVe siècle), mais, les entraînant peu à peu dans leur déclin, ne
subsista finalement que la seule chapelle
royale. Le Dauphin eut néanmoins sa chapelle particulière à Saint-Germain.
En Allemagne, Kapell ou Capell désigna
aussi à l’origine la musique privée d’un
prince ; mais la distinction entre musique
sacrée et musique profane s’effaça, et les
villes libres s’attachèrent également des
« chapelles », terme qui devint pratiquement synonyme d’orchestre.
Le maître de chapelle est, en France, le
chef d’un ensemble (vocal, instrumental)
attaché à un édifice religieux, quel qu’il
soit (chapelle privée, église, cathédrale) ; le
Kapellmeister est, en Allemagne, un simple
chef d’orchestre (l’équivalent allemand du
maître de chapelle est alors le cantor).
CHAPELLE ROYALE (la). ! HERREWEGHE
(PHILIPPE).
CHAPÍ Y LORENTE (Ruperto), compositeur espagnol (Villena, province d’Alicante, 1851 - Madrid 1909).
Élève de son père, musicien amateur, il
joua du fifre, dès l’âge de dix ans, dans
une harmonie locale dont il fut chef de
musique durant son adolescence et pour
laquelle il composa diverses oeuvrettes. En
1867, il partit à Madrid travailler avec E.
Arrieta. En 1874, il fut nommé chef de musique d’un régiment d’artillerie. La même
année, lauréat du conservatoire de Madrid,
il fut envoyé à Rome où il étudia les an-
ciens polyphonistes espagnols et écrivit ses
premiers opéras. De retour en Espagne en
1878, il ne tarda pas à devenir, grâce à ses
ouvrages lyriques, un des compositeurs les
plus populaires du pays. Fondateur de la
Société des auteurs espagnole (1893), il fut,
avec Bretón et Chueca, l’un des premiers
maîtres de Manuel de Falla.
Son oeuvre comprend des partitions
assez conventionnelles de musique symphonique et de musique de chambre,
quelques opéras et surtout 155 zarzuelas,
dont les plus célèbres sont La Tempestad
(1882), La Bruja (1887) et La Revoltosa
(1897). Tout en témoignant d’une qualité d’écriture suffisante pour faire penser tantôt à Puccini, tantôt à Messager,
les zarzuelas de Chapí ont donné à cette
forme sa portée universelle, en fixant le
sentiment national et la langue qui le traduit, dans un refus de l’italianisme. Ce
sont les chefs-d’oeuvre du genre.
CHAPORINE (Youri Alexandrovitch),
compositeur soviétique (Gloukhov,
province de Tchernigov, 1887 - Moscou
1966).
Venu assez tard à la musique, il fit des
études d’histoire, de philologie et de droit
avant de suivre les cours du conservatoire
de Saint-Pétersbourg (1913-1918). Directeur de la musique du Grand Théâtre de
Leningrad (1919-1928), puis du théâtre
Pouchkine (1928-1934), professeur au
conservatoire de Moscou à partir de 1939,
il devint secrétaire de l’Union des compositeurs en 1952. De 1926 à 1930, il avait
présidé, à Leningrad, l’Association de musique contemporaine, qui, jusqu’en 1932,
encouragea en U. R. S. S. l’art d’avantgarde et fit connaître, par exemple, Pierrot
lunaire de Schönberg, Wozzeck de Berg ou
la musique de chambre moderne (concerts
du quatuor Amar avec Hindemith à l’alto).
Mais Chaporine s’inspira essentiellement
de la musique russe du XIXe siècle - de Borodine dans sa façon de traiter les masses
chorales, de Tchaïkovski et de Rachmaninov pour l’invention mélodique - ainsi
que du chant populaire. Il cultiva surtout
la musique vocale, et son langage, dans la
cantate Sur le champ de Koulikovo (1938)
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
185
ou l’oratorio le Dit de la bataille pour la
terre russe(1944), demeure très traditionnel, non sans références explicites au « réalisme socialiste ». Son oeuvre la plus célèbre
est l’opéra les Décembristes, d’après Tolstoï
(composé entre 1930 et 1950).
CHAPPELL CO.
Maison d’édition anglaise, fondée, à
Londres, en 1810, par Samuel Chappell,
J. B.
Cramer et Fr. T. Latour. La firme fut ensuite dirigée par William Chappell (18091888), Thomas Chappell (1819-1902) et
Samuel Arthur Chappell (1834-1904).
Outre la musique classique, les éditions
ont notamment publié des recueils de
musique de variétés anglaise, des opéras et
des opérettes (comédies musicales).
CHAPUIS (Michel), organiste français
(Dole 1930).
Élève d’Édouard Souberbielle et de Marcel Dupré, au Conservatoire de Paris, il a
effectué des recherches musicologiques
sur les oeuvres, les conditions d’exécution
et d’ornementation, et l’esthétique des
maîtres classiques français et des orgues
baroques allemands. C’est ainsi que, sous
son impulsion, s’est développée en France
une nouvelle école d’interprétation de
la musique ancienne pour orgue, et que
s’est manifesté un mouvement de regain
d’intérêt en faveur de l’orgue des XVIIe et
XVIIIe siècles français et allemand, auprès
des jeunes facteurs d’instruments. Ses enregistrements discographiques de Grigny,
de Couperin, de Buxtehude et de Bach ont
fait référence en la matière. Organiste titulaire à Saint-Séverin de Paris, depuis 1964,
expert en facture d’orgues et professeur
(il a enseigné au conservatoire de Strasbourg), il fait une carrière internationale
et participe à de nombreux cours et académies consacrés à l’orgue ancien.
CHARIVARI.
1. Concert fait de bruits volontairement
discordants, obtenus au moyen d’ustensiles divers, ou de huées. Le charivari est
donné en signe de désapprobation ou
comme sérénade à des jeunes mariés.
2. Chanson improvisée par des marins
occupés à faire un travail de force, pour
se donner du courage, et dans laquelle le
« meneur » de la chanson pouvait railler
les supérieurs. En 1826, la Marine d’État
interdit la pratique du charivari sur ses
navires.
CHARLESTON.
Danse américaine rapide, voisine du foxtrot, qui doit son nom à la ville de Caroline
du Sud où elle était dansée par les Noirs.
Elle fut utilisée pour la première fois
dans les revues de Cecil Mack et de Jimmy
Johnson (1922), avant d’être remarquée
par certains compositeurs américains
comme Copland et Gershwin (séquence
terminale d’Un Américain à Paris). Entre
1925 et 1930, elle a connu, en Amérique
et en Europe, une très grande vogue, mais
sa popularité a très vite décliné. Elle comporte habituellement deux pas sur chaque
pied, l’autre étant lancé en arrière.
CHARLIER (Olivier), violoniste français
(Albert 1961).
En 1975, il obtient un 1er Prix de violon au
Conservatoire de Paris et travaille ensuite
avec Jean Hubeau, Yehudi Menuhin et
Pierre Doukan. Lauréat de cinq concours
internationaux (2e Prix Long-Thibaud,
Grand Prix Rainier de Monaco), il remporte aux États-Unis les Young Concert
Artists International Auditions en
1989. En 1991, il reçoit le Prix Nadia et
Lili Boulanger. Toutes ces distinctions lui
valent d’être invité à jouer avec de grands
orchestres et à se produire sur les grandes
scènes dans le monde. Il joue régulièrement avec la pianiste Brigitte Engerer.
CHARPENTIER (Gustave), compositeur
français (Dieuze, Lorraine, 1860 - Paris
1956).
Après la défaite de 1871, ses parents se
fixèrent à Tourcoing et c’est dans cette
ville que Gustave Charpentier prit ses premières leçons de violon et de clarinette.
Employé à quinze ans dans une filature,
il organisa une « société de sérénades » en
collaboration avec son patron, Albert Lorthiois. Celui-ci, frappé par les qualités musicales de son jeune comptable, l’envoya au
conservatoire de Lille. Un prix de violon et
un prix d’harmonie lui valurent une bourse
de la municipalité de Tourcoing, qui lui
permit de se rendre à Paris (1881). Élève de
Massard (violon), de Pessard (harmonie)
et de Massenet (composition), il obtint, en
1887, le premier grand prix de Rome avec
sa cantate Didon, qui connut un grand succès aux Concerts Colonne. Pensionnaire
de la villa Médicis, il voyagea dans toute
l’Italie et composa successivement Impressions d’Italie, qui devait triompher en 1891
aux Concerts Lamoureux, la Vie du poète,
symphonie - drame pour solistes, choeur et
orchestre, créée au Conservatoire en 1892,
et le premier acte de Louise.
De retour à Paris, il s’installa dans une
chambre à Montmartre et s’intégra dans
l’atmosphère si vivante de la Butte, dont
il subit toujours l’heureuse influence.
C’est dans la rue qu’il donna ses premiers
concerts publics. Cela commença par de
simples défilés chantants, puis, souvenir
de Tourcoing, par des sérénades. Enfin,
il présenta le 24 juillet 1898, sur la place
de l’Hôtel de Ville, le Couronnement de
la muse, qui eut un grand retentissement
populaire et que l’on devait en partie retrouver dans le troisième acte de Louise.
À cette époque, il fonda le Conservatoire
de Mimi Pinson, dont le but était d’offrir
des places de théâtre aux jeunes ouvrières
parisiennes. Mais dès 1902, il y fit donner
gratuitement des cours de musique et de
danse, en vue de réaliser par la suite un
« théâtre du peuple », qui ne vit d’ailleurs
jamais le jour.
Louise, son roman musical et son oeuvre
maîtresse, fut créée en février 1900 avec
un rare succès, qui devait se prolonger
jusqu’à nos jours. Ce succès établit sa
réputation, et après avoir simplement
annoncé un second ouvrage et une trilogie
musicale, il fut élu à l’Institut, en 1912, au
fauteuil de Massenet. La trilogie musicale
ne fut jamais composée. Quant à Julien,
créé en 1913, il se révéla n’être que le
développement sur la scène de la Vie du
poète. Julien est une oeuvre hybride et un
peu maladroite, mais qui n’en contient pas
moins des pages d’une grande beauté. Par
la suite, le compositeur voyagea beaucoup
à travers l’Europe, mais ne composa pratiquement plus.
Sensible, sincère et naturellement
bohème, Gustave Charpentier se passionna pour la nature, l’existence des gens
simples, les réactions populaires. Il rechercha le lyrisme caché dans les humbles
destinées et n’hésita pas, en particulier
dans Louise et dans Julien, à mettre en
musique une mansarde, une ménagère à
son fourneau, un ouvrier dans son foyer.
On a voulu le classer parmi les musiciens
réalistes ou naturalistes ; il le fut moins
en tout cas qu’un Alfred Bruneau, et sut
toujours apporter une émouvante note
romantique aux scènes les plus prosaïques
de la vie moderne. Sans cesse soucieux de
généreuses préoccupations sociales, il a
très peu écrit, n’a jamais songé à entreprendre une oeuvre de musique pure. Mais
il a organisé partout des fêtes démocratiques et il a, avec sa Louise, merveilleusement développé la chanson du coeur de
Paris.
CHARPENTIER (Jacques), compositeur
français (Paris 1933).
Après avoir commencé seul l’étude de la
musique (piano, orgue, direction d’orchestre), il effectua aux Indes (1953-54) un
séjour décisif pour son évolution future,
s’y initiant à la musique classique traditionnelle du pays. À son retour, il travailla
avec Tony Aubin (composition) et Olivier Messiaen (analyse musicale), obtenant les premiers prix de philosophie et
analyse (1956), et de composition (1958).
L’influence de Messiaen se manifeste notamment dans une de ses oeuvres les plus
originales, les Soixante-Douze Études karnatiques (1957-1983), recueil longtemps
ouvert où le piano est traité en percussions
avec étagement de résonances en des sonorités s’apparentant à divers instruments
indiens. Entré aux Jeunesses musicales de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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France en 1959, il fut nommé inspecteur
principal de la musique (1966), inspecteur
général (1975) et succéda à Jean Maheu au
poste de directeur de la musique, de l’art
lyrique et de la danse au ministère de la
Culture et de la Communication (19791981). Fondateur du Centre d’études du
grégorien et de musiques traditionnelles
comparées à l’abbaye de Sénanque (1975),
grand prix musical de la Ville de Paris
(1978), il a parfois écrit en style néoclassique, en particulier dans la Symphonie
brève (1958), la Sinfonia sacra pour le jour
de Pâques (1965) ou le Prélude pour la
Genèse (1967).
Parmi ses oeuvres récentes, une 5e Symphonie (1977) ; une Symphonie no 6 pour
orchestre et orgue (1978) ; Béatrix de
Planissolas, opéra en 5 actes et en langue
d’oc, créé au festival d’Aix-en-Provence
en 1971 ; un Te Deum (1978) ; le Livre
d’orgue, commande des Journées de musique contemporaine de Metz (1973). Il
a été directeur musical de la ville de Nice
(1982), et est l’auteur d’une thèse, Introduction à la musique de l’Inde.
CHARPENTIER (Marc Antoine), compositeur français (Paris 1643 - id. 1704).
Fils d’un maître écrivain, il partit dans les
années 1660 pour Rome, où il subit l’influence des compositeurs romains, notamment celle de Carissimi, dont l’empreinte
se retrouve tout au long de son oeuvre. Il
y resta trois ans. De retour en France, il
fut probablement mêlé aux cercles italianisants, qui, sous le règne même de Lully,
pratiquaient et diffusaient la musique
ultramontaine. On sait peu de chose sur
cette période de sa vie, jusqu’au moment
où Molière, brouillé avec Lully en 1671,
fit appel à lui pour ses comédies-ballets.
Il composa pour lui les intermèdes de la
Comtesse d’Escarbagnas (1671) et du Malade imaginaire (1673), et refit la musique
des comédies antérieurement composées
par Lully (le Sicilien). Après la mort de
Molière, il poursuivit sa collaboration avec
les comédiens français, malgré les limites
imposées au genre par le tout-puissant surintendant. Il devint en 1679 compositeur
de la Musique du Dauphin (que Louis XIV
disait parfois préférer à la sienne), tout en
continuant à composer pour Mademoiselle
de Guise. En 1683, une grave maladie l’empêcha de concourir pour le poste de sousmaître de la chapelle royale. Vers 1688, il
devint maître de musique des jésuites (rue
Saint-Antoine), pour qui il devait composer de nombreuses oeuvres en tout genre :
du grand Miserere des jésuites aux opéras
sacrés du collège de Clermont. Musicien
très prisé, il écrivit de nombreuses oeuvres
de circonstance, notamment pour PortRoyal de Paris, puis devint maître de composition de Philippe d’Orléans. Célibataire, il fut admis en 1698 comme maître
de musique de la Sainte-Chapelle, poste
qu’il devait occuper jusqu’à sa mort.
L’oeuvre de Charpentier est immense
et fort diverse. Bien qu’empêché de pra-
tiquer la musique de théâtre autant que,
peut-être, il l’aurait pu, en raison de l’ostracisme de Lully, il a laissé un nombre
important d’oeuvres dans ce domaine, des
divertissements comme les Arts florissants
à l’opéra sacré David et Jonathas (1688)
[un autre, Celse, est perdu], et à l’opéra
Médée (1693). Il peut être considéré, avec
Orphée descendant aux Enfers, comme
l’introducteur en France de la cantate
profane, genre qui fleurit après lui avec E.
Jacquet de la Guerre, Morin, Clérambault
et Campra. Ses intermèdes pour les comédies de Molière, Donneau de Visé, sa musique de scène pour Polyeucte de Corneille
ne sont pas négligeables. Mais l’essentiel
de son oeuvre est religieuse.
Charpentier pratiqua tous les genres. À
la différence de ses contemporains français, qui n’ont qu’exceptionnellement
pratiqué la messe en musique, il a laissé
12 oeuvres en ce domaine, à voix seule,
à 4, 6 et 8 voix, dont une « pour les instruments au lieu des orgues », où l’on
trouve une intéressante tentative de transcription orchestrale des habitudes de ses
collègues organistes. Il fut pratiquement
seul aussi à pratiquer le genre - héritage
de Carissimi - de l’histoire sacrée, où l’on
retrouve, avec un souci de coloriste que
n’avait pas son maître et une diversité
d’écriture sans doute plus grande aussi,
les caractères de l’oratorio romain (le
Fils prodigue, Esther, Judith, Cécile vierge
et martyre, le Reniement de saint Pierre, le
Jugement de Salomon...). Dans ces deux
domaines, messe et histoire sacrée, Charpentier a suivi des chemins inhabituels en
France. Il fut novateur également dans le
domaine des Leçons de ténèbres : Michel
Lambert avait montré la voie, Charpentier la pratiqua avec assiduité et amplifia
le genre, écrivant jusqu’à 31 versions de
Leçons. Hymnes, motets et psaumes - dans
la droite ligne de la tradition française,
mais dans un style bien à lui - de toutes
les manières possibles : à voix seule, pour
petit ensemble vocal avec ou sans « symphonie », pour choeur à 4, 5, 6, 8 voix ;
s’essayant audacieusement à des formules
neuves (Laudate Dominum pour 4 voix de
femmes sans basse continue, Magnificat
pour 3 voix d’hommes et instruments sur
une basse obstinée...). Quelques oeuvres
instrumentales enfin, dont un Concert à
quatre parties de violes et une Sonate à huit.
L’ensemble de ces oeuvres, dont
quelques-unes seulement ont été publiées
de son vivant, est réuni dans 28 volumes
autographes conservés à la Bibliothèque
nationale de France, auxquels s’ajoutent
3 traités manuscrits : Abrégé des règles de
l’accompagnement, les Règles de composition et les Remarques sur les messes à 16
parties d’Italie.
Indépendamment de l’ampleur de
son oeuvre, Charpentier se signale par la
richesse de son écriture. Sa science harmonique est remarquable, l’habileté de
son contrepoint ne faiblit jamais. Aucun
musicien français de son temps n’a son
audace dans l’usage de la dissonance
expressive, du chromatisme, de la modulation. Si Charpentier est peut-être moins
homme de théâtre que Lully, il dispose
d’une syntaxe d’une richesse expressive
infiniment subtile et forte, toujours au
service de l’émotion, et, en particulier,
de l’émotion religieuse. Sa liberté mélodique, son sens de l’ornementation
vocale sont aussi admirables que son
invention dans le domaine de la couleur
instrumentale.
CHÂTELET (Théâtre du).
Théâtre parisien sur la rive droite de
la Seine, construit à l’emplacement du
Théâtre du Cirque impérial et inauguré en
1862 : il était alors le plus grand théâtre de
la capitale.
Il fut longtemps consacré au théâtre
parlé et abrita pendant près d’un siècle
les Concerts Colonne. En 1909, Diaghilev y installa ses Ballets russes. Strauss y
dirigea la création française de Salomé
en 1907, et Mahler celle de sa Deuxième
Symphonie en 1910. Maurice Lehmann,
seul directeur de 1931 à 1966, et son
successeur Maurice Marcel Lamy en
ont fait un lieu privilégié de l’opérette :
triomphent alors Francis Lopez et Luis
Mariano. Après un dépôt de bilan (1970),
une période transitoire et des travaux
considérables, le Châtelet rouvrit ses
portes en 1980. Sous la direction de JeanAlbert Cartier puis (à partir de 1988) de
Stéphane Lissner, il est devenu un des
hauts lieux de la musique et de l’opéra à
Paris, consacrant largement ses saisons à
un ou plusieurs compositeurs précis (en
1995 à Arnold Schönberg).
CHAUMONT (Lambert de Saint-Théodore, dit), organiste et compositeur wal-
lon (pays de Liège v. 1645 - Huy 1712).
Moine carmélite, il fut curé d’une paroisse
proche de Liège où il tint l’orgue. En 1695,
il publia un livre de Pièces d’orgue sur les
huit tons, augmenté d’un Traité de l’accompagnement, d’une Règle générale pour toucher le contrepoint et d’une Méthode d’accorder le clavecin. Le style des huit suites
de douze à quinze pièces qui composent
son livre d’orgue se rapproche de celui de
Nivers et de Lebègue.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
187
CHAUSSON (Amédée-Ernest), compositeur français (Paris 1855 - Limay, près de
Mantes, 1899).
Évoluant dans un milieu familial aisé (son
père était entrepreneur de travaux publics)
mais feutré, Ernest Chausson se vit confié à
un précepteur, Brethous-Lafargue, qui suscita en lui le goût de l’étude et de la culture
(lecture, dessin, expositions, concerts) et
le fit pénétrer dans divers salons littéraires
ou musicaux (chez Mme Jobert, Mme de
Rayssac). Chausson y côtoya des artistes
qui devaient avoir une influence non négligeable sur son esthétique : Fantin-Latour,
Odilon Redon, Vincent d’Indy, qui allait
le présenter à César Franck. Son caractère
grave, méditatif, voire mélancolique, s’en
trouva renforcé, comme sa soif d’absolu
qui le fit alors hésiter entre la littérature, le
dessin, la musique.
Pour complaire à sa famille, Chausson
passa sa licence (1876), puis son doctorat en droit (1897). Reçu avocat à la cour
d’appel de Paris, il préféra rejoindre, au
Conservatoire, les cours de Massenet
(classe d’instrumentation, 1879-1881) et
de Franck (auditeur libre). À ce double
enseignement qui imprègne les Mélodies
de jeunesse, et le Trio - de forme franckiste
« cyclique » -, Chausson ajouta l’influence
de Wagner découvert à Munich (1879 : le
Vaisseau fantôme, Tétralogie ; 1880 : Tristan) et Bayreuth (1882, Parsifal). Dès cette
époque, il se montra plus sûr de son langage : Sept Mélodies, op. 2 ; Viviane, poème
symphonique, dédié à sa fiancée, Jeanne
Escudier qu’il emmena, après son mariage
(le 20 juin 1883), en voyage de noces à
Bayreuth.
Désormais, Chausson mena une existence partagée entre la famille et la
musique (composition, animation de la
Société nationale de musique - S. N. M.).
Auprès de sa femme et de ses cinq enfants,
il trouva équilibre et bonheur réel, qui
s’expriment bien dans sa Correspondance
et dans des oeuvres telles que la Nuit, le Réveil, Apaisement, Cantique à l’épouse. Il entreprit de nombreux voyages, en Touraine,
dans les Pyrénées, à Arcachon (1893-94),
en Italie (Rome, Fiesole, 1894-95) ou en
Suisse (Morgins, 1899), tant pour parfaire
la santé de sa fille Annie que pour pouvoir
créer librement. À Paris, durant la saison,
il recevait, en son salon célèbre du 22 boulevard de Courcelles, toute l’intelligentsia
de son temps - de Mallarmé à Régnier,
de Tourgueniev à Lalo, des franckistes
à Debussy et Albéniz, d’Ysaýe à Cortot.
Travailleur infatigable (« ne comprenant
que l’effort, constant en toutes choses et
dirigé vers le même but », écrivait-il à P.
Poujaud), Chausson s’acharnait sur ses
partitions, à la fois pour réduire à néant
son défaitisme latent et pour ne point passer aux yeux du monde musical pour un
amateur aisé. Tout ceci explique que, tard
venu à la musique et mort prématurément
d’un accident de bicyclette, à 44 ans, alors
qu’il travaillait au 3e mouvement de son
Quatuor à cordes, Chausson ait finalement
laissé un oeuvre important, en nombre
comme en qualité, et où tous les genres se
trouvent pratiquement représentés.
Cet oeuvre s’étend sur quelque dix-sept
années, de 1882 à 1899. Marquées par sa
vaste culture littéraire (Chausson était
familier de tous les classiques, anciens et
modernes, en particulier allemands) et
artistique (beau-frère du peintre Henry
Lerolle, il sut réunir une collection de
toiles romantiques et impressionnistes
remarquables, signées Delacroix, Courbet, Corot, Renoir, Degas, Monet, Redon
ou Denis), ses compositions peuvent se
grouper en 3 périodes.
1882-1887 :
formation du langage, mélodies élégantes,
style sobre, mais plus sensible à la joliesse
du propos qu’à la profondeur du sentiment
(héritage de Massenet, qui se retrouve
dans les Papillons, le Charme, Sérénade italienne). Mais bien vite se superposent une
recherche harmonique plus poussée, une
langue plus dramatique que soulignent des
enchaînements hardis et un souci nouveau
du timbre orchestral ; apparaît là le double
héritage de Franck (mélodies comme
Nanny, la Caravane, le Trio) et de Wagner
(Viviane, op. 5).
1886-1894 :
devenu secrétaire de la S. N. M. (1886),
Chausson se trouva étroitement mêlé au
milieu musical. D’où un style plus élaboré,
plus dramatique aussi. À part quelques
oeuvres de circonstance (Chant nuptial,
1887 ; Trois Motets, 1888), cette période
fut dominée par des oeuvres majeures, de
très haute inspiration et de nature essentiellement dramatique : Poème de l’amour
et de la mer (commencé dès 1882, mais terminé en 1892), la Légende de sainte Cécile
(1891), et surtout l’opéra le Roi Arthus
auquel Chausson consacra huit longues
années (1886-1895), au cours desquelles il
écrivit encore sa noble Symphonie en « si »
bémol op. 20 (1889-90) et le Concert op. 21
(1889-1891), qui, l’un et l’autre, soulignent
son appartenance au franckisme (forme
cyclique, modulations nombreuses, intensité de l’expression lyrique).
1894-1899 :
la mort de son père, la fréquentation
des poètes symbolistes, la découverte du
roman russe (Tolstoï, Dostoïevski, Tourgueniev), enfin le sentiment confus de
sa mort prématurée accentuèrent chez
Chausson son pessimisme latent. Il en naît
l’admirable cycle des Serres chaudes sur
des poèmes de Maeterlinck (1893-1896),
le désenchantement de la Chanson perpétuelle sur un texte de Charles Cros (1898),
le fantastique et presque morbide Poème
op. 25 pour violon et orchestre, qui trahissent un postromantisme exacerbé dont
Chausson souhaitait d’ailleurs sortir. Sous
l’influence de son ami Debussy, dont il admirait les oeuvres - sans peut-être toujours
les aimer -, Chausson, devenu pleinement
maître de sa technique, éprouvant le désir
d’épurer son style et de tendre vers un
classicisme fait de clarté et de concision,
à la fois dans l’architecture et le discours,
retrouva alors les chemins de la musique
de chambre : Quatuor avec piano op. 30
(1897), oeuvre lumineuse, déridée ; Ballata
d’après Dante (1896-97), Quelques Danses
et Paysage (1895-96) pour piano, enfin l’ultime Quatuor à cordes, austère, dépouillé,
grandiose, commencé en 1897 mais que la
mort l’empêcha d’achever.
De tempérament intimiste (d’où les
nombreuses mélodies), formé à l’école
de Massenet, Franck et Wagner, de
Beethoven et Schumann, Chausson sut
se dégager très rapidement des influences
reçues pour retrouver le sens de l’architecture classique française et la règle qui
corrige l’émotion. D’une grande probité,
généreux autant que délicat (témoin son
aide discrète à Debussy ou Albéniz), lié
d’amitié avec les plus grands artistes de
son époque, il apparaît ainsi comme un
témoin et un acteur privilégié de la sensibilité française de son temps.
CHAUVET (Guy), ténor français (Montluçon 1933).
Lauréat du Concours international de
chant de Toulouse en 1955 et du Concours
des voix d’or en 1958, il entre à l’Opéra de
Paris et se fait connaître rapidement dans
les rôles de Mario (La Tosca), Don José
(Carmen), Faust, Don Carlos, et se produit aussi dans les grands rôles de ténor
des opéras wagnériens (Lohengrin, Parsifal). En 1971, il chante Radamès (Aïda)
aux arènes de Vérone en alternance avec
Carlo Bergonzi, avec un succès triomphal.
Il s’intéresse aussi à l’opéra du XXe siècle
(Mahagonny, Wozzeck). Parmi ses très
grands rôles, il faut citer enfin Otello et
Samson. Doté d’une grande voix et d’une
aisance scénique souvent saluée par la critique, il est de ces rares chanteurs qui ont
interprété avec un égal bonheur les partitions italiennes, allemandes et françaises
du répertoire lyrique.
CHAVEZ (Carlos), compositeur mexicain
(Mexico 1899 - id. 1978).
Élève de son frère (piano) puis de Manuel
Ponce, il commença à composer dès l’enfance et se forma également en Europe
(où il découvrit Schönberg et Stravinski)
et à New York. En 1921, une commande
du ministère de l’Instruction publique (le
ballet El Fuego nuevo) lui donna l’occasion d’exploiter le « primitivisme » de la
musique aztèque, ce qui devait marquer
nombre de ses partitions ultérieures,
en particulier les ballets Los Cuatro soles
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
188
(1926, 1re représentation, Mexico, 1930)
et La Hija de Colquide (1942), que dansa
Martha Graham en 1946. En 1928, il fonda
l’Orchestre symphonique du Mexique et
prit la direction (jusqu’en 1934) du conservatoire de Mexico, et de 1947 à 1952, il fut
à la tête de l’Institut national des beauxarts. Au titre de toutes ces occupations, il
mena une action considérable en faveur
de la musique contemporaine. Très attaché au folklore, y compris aux instruments
indigènes, il a laissé une production vaste
et variée, qui reflète largement ses préoccupations sociales et politiques et comprend notamment des oeuvres d’orchestre
comme la Symphonie indienne (1935-36),
la Symphonie prolétarienne pour choeurs
et orchestre (1934) ou l’Ouverture républicaine (1935), des concertos pour 4
cors (1re aud. sous la direction de Chavez,
Washington, 1937), pour piano (19381940, 1re aud., New York, 1942), pour violon (1950, 1re aud., 1952), de la musique de
chambre dont trois quatuors (1921, 1932
et 1944) et quelques partitions témoignant
de recherches plus abstraites comme Exagonos, Poligonos et Espiral, trois sonates
pour piano (1917, 1919 et 1928), ainsi que
des oeuvres chorales telles que Tierra mojada (1932), El Sol (1934), La Palma azul
(1940) ou Canto a la tierra (1946).
CHAYNES (Charles), compositeur français (Toulouse 1925).
Né de parents musiciens et professeurs au
conservatoire de Toulouse, il a très tôt suivi
les cours de cet établissement, puis a complété ses études au Conservatoire de Paris,
en particulier avec Darius Milhaud et Jean
Rivier, et obtenu le premier grand prix de
Rome en 1951. Grand prix musical de la
ville de Paris en 1965, il a été, de 1964 à
1975, responsable du programme FranceMusique à l’O. R. T. F., faisant preuve à
ce poste d’un grand esprit d’ouverture.
Depuis 1975, il est chef du service de la
création musicale à Radio-France. Partisan
d’un langage atonal, mais sans avoir appliqué de façon stricte le principe de la série,
il a manifesté d’étroites affinités avec le
monde méditerranéen et avec des compositeurs italiens comme Luigi Dallapiccola
ou Goffredo Petrassi. Parmi ses oeuvres
principales : Concerto pour orchestre à
cordes (1953) ; Ode pour une mort tragique pour orchestre (1954) ; des Concer-
tos pour trompette (1958), pour violon
(1958, créé en 1961), pour orgue (1966) ;
Trois Études linéaires (1963), Expressions
contrastées (1966) et Transmutations
(1970-71) pour orchestre ; Quatre Poèmes
de Sappho pour soprano et trio à cordes
(1968) ; un Quatuor à cordes (1970) ; Tarquinia pour ondes Martenot, percussions
et piano (1973) ; Pour un monde noir pour
soprano et orchestre (1978) ; Erzebet, six
mouvements lyriques pour une femme
seule (Paris, 1983) ; Visages mycéniens
pour orchestre (1985) ; les opéras Noces de
sang d’après Lorca (Montpellier, 1988) et
Jocaste (1993).
CHEBALINE (Vissarion), compositeur
soviétique (Omsk 1902 - Moscou 1963).
Élève de M.-I. Meritov à Omsk, puis de
N. Miakovski au conservatoire de Moscou
(1925-1931), il y fut chargé de cours dès
1928 et nommé, en 1935, professeur titulaire, avant de se voir promu recteur du
conservatoire (1942-1948). Il fut lauréat
d’État (1943 et 1947).
Artiste du peuple de la république de
Russie (1947), député au Soviet suprême,
Chebaline a fait carrière de musicologue on lui doit l’édition critique et l’achèvement de nombreuses partitions, telles que
la Foire de Sorotchinski de Moussorgski
ou la Symphonie-ouverture de Glinka -, de
pédagogue et de compositeur. Il a laissé
5 Symphonies (1925, 1929, 1934, 19351949, 1962), Lénine, symphonie dramatique (1931), Sinfonietta (1949), Concerto
pour violon (1940), Concerto pour piano
(1960), 9 Quatuors à cordes (1923-1963)
ainsi que de la musique vocale - la cantate
Moscou (1946) fut écrite pour le huit centième anniversaire de la ville -, des choeurs
a cappella, des mélodies, des chansons, des
musiques de scène et de film, et des opéras dont le Marié de l’ambassade (1942), la
Mégère apprivoisée (1946-1956).
CHÉDEVILLE, famille de musiciens français.
Les liens de parenté qui les unissaient aux
Hotteterre leur permirent de faire carrière
à Paris dans l’orchestre de l’Opéra et à la
cour dans la musique de l’Écurie. Les deux
aînés, Pierre (Oulins, Eure-et-Loir, 1694 Paris 1725) et Esprit Philippe (Oulins
1696 - Paris 1762), furent ordinaires de
l’Académie royale de musique depuis au
moins 1713, avant que le cadet, Nicolas
(Sérez, Eure, 1705 - Paris 1782), ne le devînt
en 1725. Les trois frères exercèrent à la
cour, comme hautboïstes, à partir de 1714,
1723 et 1725. À l’Opéra, Nicolas fut le seul
à porter le titre de joueur de musette, bien
que ses deux aînés fussent connus pour
fabriquer cet instrument et qu’Esprit Philippe composât pour ce dernier des duos,
des sonates, des noëls et des « concerts
champêtres ». Certaines de ces oeuvres
sont également écrites pour vielle et sont
représentatives du goût pour la pastorale
galante, alors en vogue. Des pièces de
Nicolas, destinées à une ou plusieurs musettes, témoignent de cette mode et portent
des titres évocateurs : Amusements champêtres (1729), les Galanteries amusantes
(1739), Menuets champêtres (apr. 1735).
CHEDRINE (Rodion Constantinovitch),
compositeur soviétique (Moscou 1932).
Il fut l’élève de A. Svechnikov à l’école
Chorov (1945-1950), puis de I. Chaporine
(composition) et de Y. Fliera (piano) au
conservatoire de Moscou (1950-1955).
Tout comme Prokofiev, il s’imposa
comme pianiste et compositeur avec son
1er Concerto (1954). Dans une veine posttchaïkovskienne agrémentée d’humour
et de rythmes hérités de Prokofiev, Chedrine accumule des succès mérités avec
sa 1re Symphonie (1956-1958), le ballet le
Petit Cheval bossu (1958-59), une Suite de
chambre pour harpe, accordéon, violons
et 2 contrebasses (1965), dans l’esprit du
Quintette op. 39 de Prokofiev. Sa musique
de chambre est alerte et claire : 2 Quatuors,
Quintette avec piano, 24 Préludes et Fugues,
Cahier polyphonique pour piano.
Depuis 1967, Chedrine use librement
de formes sérielles : Poèmes avec la voix du
poète A. Vosnessenski, contralto, choeur
mixte et grand orchestre (1968), où transparaît l’influence du Polonais Penderecki.
Avec le ballet Anna Karénine (1972), le
compositeur revient aux procédés néoromantiques et aux « collages ». Avec ses
Concertos pour piano no 2 (Carillon, 1968)
et no 3 (Variations et thème, 1976), il tente
de faire se rejoindre la Russie ancienne et
des sonorités néostravinskiennes dernière
manière.
CHEF D’ORCHESTRE.
Les termes de chef d’orchestre et de direction d’orchestre entraînent dans nos pays
latins une notion « dirigiste » qui fausse relativement son rôle, mieux dénommé chez
les Anglo-Saxons, conducting. Paradoxalement, en consacrant nombre de maestros au vedettariat, le public comprend
souvent mal leur utilité. Cette incompréhension a été accentuée depuis une vingtaine d’années par l’éclosion d’orchestres
de chambre de 12 à 15 musiciens, qui se
passent très facilement de chef.
Tant que les ensembles instrumentaux
de l’époque baroque furent réduits à ces
petits effectifs, le compositeur-directeur
de la musique organisait les répétitions de
ses musiciens, puis les surveillait du clavecin, sur lequel il réalisait la basse continue.
Ainsi travaillèrent Vivaldi, Bach, Haendel
et même le jeune Haydn. Les interprétations actuelles de ce répertoire, sous la
direction d’un chef, relèvent donc de la
plus haute fantaisie. La musique d’église
faisait parfois exception, puisque le maître
de chapelle pouvait rudement frapper
les temps de sa canne sur le sol. Dans
cette « préhistoire » du chef d’orchestre,
une seconde phase apparut au cours du
XVIIIe siècle : la fortune du violon, son
écriture virtuose adaptée à des musiciens
d’orchestre plus capables, à l’instar de
l’ensemble de Mannheim, déplacèrent le
chef du clavecin au violon. De là, il faisait
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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répéter ses instrumentistes et leur indiquait les départs en concert. Une troisième
phase s’ouvrit avec Beethoven : l’écriture
symphonique se compliqua, se précisa,
certaines nuances étaient inattendues,
« anormales » (par exemple le crescendo
menant à la nuance piano, ou les sforzando
répétés), et le premier violon pointant son
archet vers les groupes instrumentaux
concernés ne suffit plus. Pour être plus
maniable, l’archet raccourci, allégé, devint
une baguette : le chef d’orchestre au sens
moderne était né. Il se plaçait devant les
musiciens, et certains compositeurs furent
des chefs de grande valeur (Weber, Berlioz, Mendelssohn, Liszt, Wagner). Après
1850, l’apparition du chef interprète - non
compositeur - annonça une quatrième
période. Le fossé s’élargit entre l’écrit et
une tradition d’interprétation parfois
douteuse, le compositeur n’étant plus là
pour se défendre. Le chef d’orchestre prit
alors une nouvelle responsabilité d’ordre
moral, qui fut quelquefois outrepassée :
Gounod dut, en 1873, réagir pour diriger
ses propres oeuvres conformément à ses
vues. Cependant, les différentes fonctions
de chef (à l’opéra ou au concert) restèrent bien séparées jusqu’au milieu du
XXe siècle : Toscanini dirigea d’abord des
opéras et se consacra ensuite aux concerts
symphoniques. Mais la plupart des grands
chefs de notre époque, comme Klemperer,
Solti, Karajan, Maazel, pratiquent les deux
répertoires.
Le but du chef d’orchestre est d’unifier le jeu des instrumentistes en tenant
compte de sa propre vision musicale, pour
servir l’oeuvre du compositeur devant le
public. Pour cela, les connaissances musicales nécessaires sont très vastes, et le rôle
du chef est multiple.
La technique, parfois appelée gestique,
répond à des conventions générales, mais
doit être appliquée particulièrement à
chaque partition. La fonction primordiale
du bras droit, tenant la baguette, est d’assurer le tempo et ses variations éventuelles
par accident ou par volonté, de souligner
la mise en place rythmique des différents
instruments, d’indiquer la nuance dynamique par l’amplitude du geste et simultanément l’articulation musicale (staccato,
legato, etc.). Le bras gauche rappelle les
entrées des instruments et exprime le
sentiment musical. La symétrie entre les
deux bras reste donc exceptionnelle chez
les chefs bien formés. Cependant, ces critères sont généraux, et les fonctions sont
fréquemment interverties ou modifiées
suivant les exigences de la musique. Le
fait que cette action ne puisse être décrite
d’une manière à la fois globale et précise
indique en même temps l’impossibilité
d’une pédagogie rationnelle et unifiée :
les plus grands maîtres ne sont pas issus
d’écoles de direction. L’observation des
répétitions d’autrui, l’étude des partitions
et une longue expérience personnelle sont
des facteurs déterminants.
Le chef d’orchestre doit ajouter à une
gestique efficace de sérieuses connaissances psychologiques. Arrêter un orchestre et dire la chose juste n’est rien sans
le « bien-dire ». Le chef doit, en effet, s’assurer une collaboration, compliquée du
fait que l’on ne s’adresse pas avec le même
vocabulaire à un hautboïste, un corniste
ou un timbalier. Cet art difficile rejoint la
question de l’autorité, dont Gounod dit
qu’elle émane de celui qui s’attire non
l’obéissance à contrecoeur, mais la soumission volontaire, l’adhésion du consentement intime. Il ne faut pas oublier non
plus que l’apparence physique joue un
rôle considérable en la matière : tel chef
corpulent ne tirera pas la même sonorité
d’un orchestre que tel autre, élancé.
Le public favorisé par une place située
en arrière de l’orchestre aura eu la chance
de comprendre l’importance du regard ou de l’absence de regard - d’un chef sur
les musiciens. Le rayonnement de sa présence, sensible au concert, trouve ici un
puissant moyen d’expression.
D’autres questions ressortissent à des
modes passagères. Ainsi, au début du
XXe siècle, la plupart des chefs dirigeaientils très droits, figés dans une position qui
laissait subsister une énergique battue.
Les jeunes chefs plus décontractés ont été
accusés d’être des danseurs gesticulateurs,
mais l’excès en ce sens - souvent inefficace et gênant pour les musiciens - a été
freiné par la radio et le studio d’enregistrement, d’où le public est absent. Quelques
chefs, par conviction personnelle, ont
abandonné la baguette pour ne diriger
qu’avec les mains. Ce moyen a pu servir
la métrique complexe de certaines pages
contemporaines, mais la baguette bien employée comme prolongement du bras est
d’une lecture plus aisée pour l’orchestre,
et surtout les musiciens éloignés. Enfin,
la question du « par coeur » revient périodiquement depuis son introduction par
le grand chef allemand Hans Richter. Ce
procédé est désavoué par ceux qui savent
son influence déterminante sur le public,
enthousiasmé de prouesses touchant à
l’acrobatie. En réalité, la malhonnêteté
serait foncière si le chef ne faisait que
suivre par la battue une ligne mélodique
prépondérante mémorisée. Or Toscanini,
par exemple, dont la mémoire était légendaire, dirigeait ses répétitions par coeur,
prouvant ainsi sa connaissance des partitions jusque dans les moindres détails. Les
grands chefs actuels trouvent deux avantages à ce système : d’une part, la sensation
de posséder tout à fait la partition permet
d’en suivre le déroulement mental, tout en
la réalisant avec l’orchestre ; d’autre part,
un contact permanent avec les musiciens
assure la continuité expressive de l’oeuvre.
Cependant, le grand E. Ansermet dé-
daignait le « par coeur », en lui reprochant
de renforcer le côté spectaculaire de la
direction. Ce dernier aspect prend, de nos
jours, une importance croissante, car le
public s’identifie volontiers au chef d’orchestre, incarnation de l’activité musicale
au-dessus de l’anonymat de l’orchestre.
Son prestige en vient à attirer dans cette
activité des interprètes ayant acquis leur
renommée dans d’autres disciplines (M.
Rostropovitch, D. Fischer-Dieskau).
La direction d’orchestre n’est donc pas
une, mais multiple, et les différentes personnalités qui s’y intéressent lui apportent
des réponses aussi variées que sont leurs
tempéraments. À cette richesse s’oppose
un avenir compromis par le dédain des
compositeurs vivants à l’encontre de l’orchestre symphonique, institution musicale historique qui ne répond plus tout à
fait à leurs besoins d’expression.
CHERKASSKY (Shura), pianiste russe
naturalisé américain (Odessa 1909 Londres 1995).
Il commence à étudier la musique à l’âge de
quatre ans. En 1922, sa famille s’installe à
Baltimore (États-Unis). L’année suivante,
il entre à l’Institut Curtis de Philadelphie
où il étudie avec J. Hofmann. Sa carrière
débute en 1928. Hors des États-Unis, il
se fait connaître d’abord en Allemagne,
en Autriche et en France. Héritier de la
grande école russe de piano, son répertoire
de prédilection comprenait les oeuvres de
Liszt, Chopin, Schumann, Rachmaninov.
Il s’est produit sur les plus grandes scènes
du monde, fascinant son auditoire par son
jeu extrêmement brillant, mais libre de
toute virtuosité conventionnelle.
CHERUBINI (Luigi), compositeur italien
(Florence 1760 - Paris 1842).
Fils d’un claveciniste du théâtre de la
Pergola à Florence, il fut d’abord initié au style religieux sévère, composa sa
première messe à treize ans, puis étudia
le style dramatique à Bologne, auprès du
compositeur Sarti, écrivant également des
sonates pour clavier dans l’esprit de Galuppi. À dix-neuf ans, il écrivit son premier
opéra, Il Quinto Fabio (1780), encore dans
l’esprit de Métastase, et donna à Milan,
Florence, Venise, Rome et Mantoue une
dizaine d’oeuvres lyriques de genre seria
ou semiseria, conçues à partir de livrets
traditionnels, mais dénotant déjà une ten-
dance à étoffer l’orchestration, ainsi qu’à
privilégier les finales aux dépens de l’aria
orné, comme le faisait Mozart à Vienne,
à la même époque. Après s’être produit
à Londres (La Finta Principessa, 1785 ; Il
Giulio Sabino, 1786), il fit représenter à
Turin son dernier opéra italien (Ifigenia in
Aulide, 1788) et s’établit à Paris, où il se lia
avec Viotti et Marmontel. Celui-ci écrivit
à son intention un livret français, tiré de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
190
Métastase, pour Démophon (1788) - représenté sans grand succès à l’opéra. D’autres
oeuvres furent créées au théâtre Feydeau,
dont Cherubini devait prendre la direction
artistique.
Le compositeur s’assura très rapidement une situation de premier plan à
Paris, au lendemain de la mort de Gluck et
de Sacchini, entre les derniers triomphes
de Grétry et les premiers opéras de Le
Sueur, Méhul et Boieldieu. Lodoiska, comédie héroïque, créée en 1791, confirma
la puissante originalité de son talent. En
1794, il fit partie, auprès de Sarrette, de
la commission d’inspecteurs chargée
de l’établissement qui allait devenir le
Conservatoire de Paris. Ses ouvrages suivants, toujours écrits dans la forme de
l’opéra-comique avec dialogues parlés, témoignent d’une évolution entre le drame
larmoyant, alors en honneur à Paris, et la
comédie élégiaque et sentimentale d’esprit
préromantique. Mais en 1797, en restaurant la tragédie antique dans un style faisant la synthèse de Gluck et des Italiens, il
signait, avec la partition de Médée, l’acte
de naissance du drame romantique. Éclipsée dans les pays latins par le succès de
l’opéra de Mayr (1813) sur le même sujet,
l’oeuvre, enrichie de récitatifs chantés
que les lois du genre avaient à l’origine
interdits à Cherubini, devait entamer en
Allemagne vers 1860 sa véritable et glorieuse carrière. En 1800 fut donné les Deux
Journées (ou le Porteur d’eau), un des plus
grands succès de Cherubini.
L’échec d’Anacréon, en 1803, décida le
compositeur à renoncer à sa manière légère. Puis, son inspiration étant à l’opposé
des goûts de Napoléon, il partit en 1805
pour Vienne, où il suscita l’admiration
de Haydn et de Beethoven. L’Empereur
l’y retrouva, et malgré leur mésentente, le
réinstalla dans ses fonctions d’inspecteur
à Paris. Ce fut alors pour Cherubini, dans
le cadre d’une semi-retraite auprès de la
princesse de Chimay, un retour vers la
musique religieuse, interrompu, occasionnellement, par la composition d’ouvrages
lyriques, dont Pygmalion (1809), écrit
pour le castrat Crescentini, fort prisé de
Napoléon, et les Abencérages (1813). Son
unique Symphonie fut destinée à la Société
philharmonique de Londres (1815). Le
retour des Bourbons permit à Cherubini
de connaître une nouvelle ascension : il
devint surintendant de la chapelle royale
en 1814, membre de l’Institut en 1815 et,
enfin, directeur du Conservatoire de 1822
à l’année de sa mort ; il reçut la cravate
de commandeur de la Légion d’honneur
en 1842.
Si l’on excepte Ali Baba (1833), refonte
d’un ouvrage de jeunesse, ses trente dernières années furent dédiées à la musique
religieuse (Requiem à la mémoire de Louis
XVI, 1816 ; Messe pour le sacre de Louis
XVIII (1819, non exécutée) ; Messe pour le
sacre de Charles X (1825) ; Requiem pour
voix d’hommes, 1836) et à la musique de
chambre - ses six Quatuors (1814-1837),
dont le deuxième (1829) est la transcription de sa Symphonie, constituent en ce
domaine le sommet de la production française du temps.
La musique de Cherubini est la parfaite expression d’un homme dont
l’image a été malencontreusement déformée par les railleries de Berlioz, qui,
pourtant, l’admirait et sut l’imiter, et par
le mépris où l’ont tenu des générations
d’historiens. Sous des dehors austères,
Cherubini cachait une âme sensible, et,
prisonnier d’une pensée classique, il se
sentait égaré dans la période romantique
dont il traduisit néanmoins à merveille
les premiers émois. Il faut, en effet,
noter que Cherubini est le seul compositeur de première grandeur à avoir été
à la fois contemporain de Mozart et de
Beethoven. Ses sonates pour clavier et
son premier opéra précèdent Idoménée
et l’installation de Mozart à Vienne, son
dernier Quatuor est postérieur à ceux de
Beethoven et son ultime Requiem évoque
celui de Berlioz, composé à la même
époque. Cherubini avait, dès sa jeunesse,
mal admis le carcan du vieil opera seria,
dont il avait su étoffer l’orchestre, libérer
le récitatif et développer les finales ; Démophon, avec ses récitatifs chantés et sa
discrète colorature, avec son impossible
tentative d’unir Gluck à Mozart et l’opera
seria au goût français, échoua, alors que
la veine élégiaque de Cherubini s’adaptait soudain avec bonheur à un nouveau
type de sensibilité française. Les sujets
« idylliques » d’Élisa, des Deux Journées,
de l’Hôtellerie portugaise, ainsi que les
divers ouvrages écrits en collaboration
avec Boieldieu, son cadet de quinze ans,
semblent opérer la synthèse idéale des
styles de Piccinni, de Gluck et de Grétry, mais avec un tout autre raffinement
harmonique. D’autre part, Lodoiska et
Faniska - qui appartiennent au genre
plus ambitieux de l’« opéra héroïque »,
présentant une héroïne rédemptrice -,
et Anacréon, écrit pour l’Opéra de Paris,
offrent une parenté avec Méhul, alors
que les Abencérages, ultime tentative qui
emprunte encore à Gluck sa raideur et
ses structures fermées, témoignent de
quelque anachronisme, au lendemain de
la réussite de Spontini, qui venait alors de
donner à Paris la Vestale et Fernand Cortez. Médée demeure donc l’oeuvre la plus
marquante de Cherubini ; elle présente
en filigrane les prémices des réformes
wagnériennes, par l’emploi de leitmotive
(principe également utilisé par le compositeur dans d’autres opéras), par le rôle
de moteur donné à l’orchestre et par son
écriture vocale qui se présente souvent
comme un arioso tenant du récit et de
l’aria et obligeant l’interprète à de grands
intervalles dans la ligne vocale, avec un
appui dramatique sans précédent.
Romantique malgré lui, contemporain
de Rossini, mais étranger à son influence,
admiré de Beethoven, Schumann, Wagner
et Brahms, éduqué en Italie, Français
d’adoption et honoré par l’Allemagne,
Cherubini occupe un rôle éminent dans
l’élaboration du romantisme musical européen.
CHESTER, éditeurs britanniques.
En 1860, la maison s’établit à Brighton
avec une bibliothèque de prêt. À la suite de
son acquisition, en 1915, par Otto Marius
Kling, la maison fut transférée à Londres, et
se spécialisa dans les partitions russes, puis
dans la musique contemporaine étrangère.
La bibliothèque de prêt continua de jouer
un rôle très important. Parut ensuite un
petit périodique, The Chesterian, qui se
transforma en revue trimestrielle spécialisée en musique contemporaine. La maison d’édition, devenue ultérieurement une
société, se spécialisa également dans la
musique anglaise.
CHEVALET.
1. Dans les instruments à cordes, petite
pièce de bois sur laquelle sont tendues les
cordes ; elle repose sur la table de l’instrument et lui transmet les vibrations des
cordes ; elle est donc l’un des éléments qui
déterminent la sonorité de l’instrument.
Dans les instruments à cordes frottées,
le chevalet, de forme découpée, possède
deux pieds dont l’un est situé au-dessus
de la barre et l’autre au-dessus de l’âme.
Dans une partition, la mention sul ponticello (ital. : « sur le chevalet ») indique
que l’exécutant doit jouer de l’archet sur
la partie des cordes proche du chevalet, ce
qui provoque une sonorité détimbrée assez
particulière.
2. Au piano, pièce parallèle au chevillier et
sur laquelle les cordes sont tendues.
3. À l’orgue, partie qui soutient les bascules de la soufflerie.
CHEVILLARD (Camille), compositeur et
chef d’orchestre français (Paris 1859 Chatou 1923).
Fils d’un violoncelliste célèbre, Alexandre
Chevillard (1811-1877), il fit des études
de piano au Conservatoire de Paris, mais
n’apprit jamais la composition. Pourtant, dès 1882, il écrivit un Quintette
pour piano et cordes qui fut apprécié. En
1887, il fut engagé comme chef de chant
par Charles Lamoureux, dont il épousa
la fille l’année suivante. Il créa en 1889 la
Société Beethoven pour la divulgation de
la musique de chambre du maître de Bonn,
à la connaissance de laquelle son père avait
déjà beaucoup oeuvré. Il devint l’adjoint
de Lamoureux en 1892 et lui succéda au
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
191
pupitre de son association de concerts en
1897. Professeur d’ensemble instrumental
au Conservatoire à partir de 1907, il fut
nommé directeur de la musique à l’Opéra
en 1914. Chef d’orchestre précis mais sensible, Camille Chevillard avait une prédilection pour Wagner, pour Liszt, pour les
symphonies des romantiques allemands,
et pour les Russes, dont il fut un des tout
premiers en France à diriger les partitions.
En revanche, il avait peu de sympathie
pour la musique de ses contemporains
français. Compositeur, il a surtout laissé
de la musique de chambre, ainsi que des
oeuvres pour piano, pour chant et piano, et
quelques pièces symphoniques.
CHEDIVERS.
Sur les instruments à cordes et à manche
(violons, luths, guitares, etc.), ainsi que sur
les harpes et sur la plupart des instruments
à cordes et à clavier, petite pièce cylindrique, fixée dans la tête de l’instrument,
sur laquelle vient s’enrouler l’extrémité de
la corde et qu’il suffit de tourner pour modifier la tension de celle-ci, de façon à obtenir l’accord désiré. Il y a donc une cheville
par corde, faite ordinairement de bois, sauf
sur la guitare classique pour laquelle on
utilise, depuis le XIXe siècle, des chevilles
métalliques à filetage.
CHEVILLIER.
Dans les instruments à cordes, extrémité
du manche, portant les chevilles. Le chevillier des instruments à archet se termine
en général par une volute parfois ornée
d’une tête sculptée. Le chevillier du luth
possède des caractéristiques particulières :
il est totalement indépendant du manche
et seulement collé à l’extrémité de celuici, avec lequel il forme un angle perpendiculaire. Cette configuration, qui remonte
aux origines de l’instrument, semble avoir
été rendue nécessaire surtout par le grand
nombre des cordes du luth.
CHEVREUILLE (Raymond), compositeur
belge (Bruxelles 1901 - Montignies-leTilleul 1976).
Autodidacte, puis auditeur au conservatoire de Bruxelles (classes de Minet et de
Rasse), il a été, parallèlement à sa carrière
de compositeur, ingénieur du son (19361959) et directeur des programmes musicaux (1956-1963) à la radio et télévision
belges. D’esprit éclectique, ses oeuvres - tonales, atonales ou polytonales - témoignent
d’une esthétique traditionnelle mais étran-
gère à tout système, d’une grande variété
de formes et d’expressions, et dont l’enthousiasme et la vitalité manquent rarement leur effet. On lui doit notamment 9
symphonies (dont une « de chambre » et
une avec quatuor vocal), des concertos, des
ballets dont Cendrillon (1946), la cantate
Évasions (1942), le conte symphonique
Barbe-Bleue (1949), l’opéra de chambre
Atta Troll d’après Heine (1952), de la musique de chambre ainsi que des pièces pour
piano.
CHEVROTEMENT.
Dans la terminologie du chant, défaut
résultant d’une mauvaise coordination de
l’émission vocale. Le chevrotement est un
défaut fonctionnel et peut être un signe de
vieillissement du chanteur. On a coutume
de dire, dans le langage courant, que la
voix « bouge ».
CHIAVETTE (ital. chiavetta).
Diminutif de « clef ».
Ce nom est quelquefois donné à une
clef musicale prenant la place de la clef
habituelle pour éviter les lignes supplémentaires aiguës, comme le font encore
aujourd’hui, par exemple, la clef de sol
pour l’alto à cordes ou la clef d’ut 4e pour
le violoncelle. Le principe, introduit au
XVIe siècle, était de décaler d’une ligne
vers le bas la hauteur du nom des notes
ordinaires, dites « clefs naturelles » (chiavi
naturali), ce qui faisait gagner une tierce
vers l’aigu. Ainsi donna-t-on pour chiavette à la clef d’ut 1re du superius la clef de
sol seconde, qui la supplanta par la suite.
Au XVIe siècle, une chiavette entraînait
souvent avec elle un décalage équivalent
de l’ensemble des clefs, sauf éventuellement pour la basse hésitant parfois entre
les deux systèmes, de sorte que l’on parle
parfois de notation « haute » ou « basse »,
selon le groupe de clefs employées. Le
système des chiavettes est à l’origine de
l’adoption de la clef de sol seconde à la
place de la clé de sol première pour l’écriture du clavier dans la seconde moitié du
XVIIIe siècle, et, par extension, à la place
des clefs 1re et 3e pour les parties vocales au
cours du XIXe siècle. De plus, en l’absence
du diapason fixe, il incitait les chanteurs
à prendre un diapason plus bas qu’avec
les clefs naturelles, puisqu’il les prévenait
que la tessiture écrite serait plus élevée.
Symétriquement aux chiavettes aiguës,
on a quelquefois essayé, pour favoriser
les tessitures écrites graves, des chiavettes graves, dites chiavi trasportati (par
exemple, ut 2e au lieu de ut 1re), mais leur
usage est resté limité : assez curieusement,
on les trouve surtout dans les musiques
funèbres. Certains théoriciens modernes
(Riemann) ont voulu trouver dans l’usage
des chiavettes le témoignage de transpositions au sens moderne du mot ; leurs
arguments n’ont généralement pas paru
convaincants.
CHIFFOLEAU (Yvan), violoncelliste français (Nantes 1956).
Après ses études au Conservatoire de
Nantes, il entre au Conservatoire de Paris
dans la classe d’André Navarra, où il obtient un 1er Prix de violoncelle en 1973
et un 1er Prix de musique de chambre en
1974. Lauréat de cinq concours internationaux de 1975 à 1981 (Tchaïkovski en 1974,
Rostropovitch en 1981), il commence une
brillante carrière internationale, se produisant comme soliste et en formation de
chambre.
CHIFFRAGE.
Opération qui consiste à disposer, au-dessus ou en dessous des notes d’une basse
continue (continuo), des chiffres qui, en
fonction d’une convention, représentent
des accords.
Le système fut introduit au moment
de l’avènement de la monodie accompagnée en Italie, à l’aube du XVIIe siècle.
Sorte de sténographie musicale, ces chiffrages s’avérèrent si pratiques au bout de
quelques années qu’ils furent adoptés partout en Europe pendant toute la période
de la basse continue, c’est-à-dire à partir
de 1600 environ, jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle. Vers la fin de cette
époque, dans la musique de J. S. Bach en
particulier, les harmonies à « chiffrer »
étaient devenues presque trop compliquées pour le système en usage, qui allait
bientôt tomber en désuétude.
CHIFFRE.
Le ou les nombres qui représentent un
accord dans l’opération de chiffrage d’une
basse continue. On parle du chiffre d’un
accord ou alors de son chiffrage.
CHILD (William), organiste et compositeur anglais (Bristol. 1606 - Windsor
1697).
Après avoir été reçu Bachelor of Music
d’Oxford en 1631, il succéda, en 1632,
à l’organiste John Mundy à la chapelle
Saint-George de Windsor, tout en occupant la même position à la chapelle royale
de Londres. En 1643, par suite de la dispersion des musiciens de la cour lors de
la Révolution, il se retira à la campagne
et s’y consacra à la composition. L’année
même de la Restauration, en 1660, il reprit
sa place à la cour, où il fut parmi les musiciens privés du roi, et succéda à Ferrabosco
quatre ans plus tard.
Sa principale publication (1639) est un
recueil de vingt psaumes à trois voix, en
forme d’anthems, avec basse pour orgue
ou théorbe. Il a, en outre, composé un certain nombre d’anthems et de services, et
des pièces pour violes et pour instruments
à vent. Plusieurs de ses catches ont été publiées dans des anthologies d’Hilton et de
Playford, et une partie de sa musique sacrée, dans des recueils d’Arnold et Boyce.
Bien que certains traits stylistiques soient
assez nouveaux pour l’époque (usage du
stile concitato monteverdien, et surtout
adoption généralisée du système tonal
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
192
avec modulations bien définies), il reste
un musicien d’assez bas niveau, qui évolua
fort peu au cours de sa carrière.
CHILDS (Barney), compositeur américain (Skopane, Washington, 1926).
Docteur en lettres anglaises et professeur
d’université, il a commencé de composer
à vingt-trois ans, avant de travailler de
1952 à 1955 avec L. Ratner, C. Chavez et
A. Copland, et enfin E. Carter. D’abord
influencé par Hindemith et Chavez, il
s’est intéressé ensuite à Ives, à Carter et
aux mélodies traditionnelles des Indiens
d’Amérique. Indifférent au goût du public,
il n’a jamais utilisé la série, mais, depuis
1961, il a cultivé le son « réel » (sons indéfinis et inhabituels venant de sources dispa-
rates et enregistrés au magnétophone). Il
est notamment l’auteur de 2 symphonies,
de concertos, de Jack’s New Bag pour 10
exécutants (1966), de The Golden Bubble
(1967) pour sarrussophone, contrebasse et
percussion. Dans Nonet (1967), apogée de
ses recherches, chaque interprète assemble
et organise sa partie avant l’exécution.
CHIMENES (Myriam), musicologue française (Paris 1952).
Elle a obtenu un doctorat en musicologie
avec Khamma, ballet de Claude Debussy :
histoire et analyse (1980). Elle est depuis
1984 conservateur du Centre de documentation Claude-Debussy, depuis 1985
membre du comité de rédaction de l’édition critique des oeuvres complètes de
Claude Debussy (elle a édité à ce titre en
1988 Jeux avec Pierre Boulez) et depuis
1988 chargée de recherche au C.N.R.S. Elle
a publié notamment la Princesse de Polignac et la création musicale (in la Musique
et le Pouvoir, 1987), le Budget de la musique
sous la IIIe République (in la Musique : du
théorique au politique, 1991) et la « Nomenklatura » musicale en France sous la
IIIe République : les compositeurs membres
de l’Académie des beaux-arts (in Musique
et médiations : le Métier, l’Instrument,
l’Oreille, 1994) et édité Francis Poulenc :
correspondance 1910-1963 (1994). Elle dirige depuis 1994 le Groupe de recherches
sur la vie musicale en France pendant la
Seconde Guerre mondiale.
CHINOISE (MUSIQUE).
La musique chinoise aurait été déjà florissante lorsqu’a commencé le défrichement
des terres (v. - 3200). La tradition attribue
à des reines et à des empereurs légendaires
(confondus sans doute avec des dynasties)
l’invention des principaux instruments et
la création du système musical. Mais on ne
dispose d’aucune source historique antérieure à la grande destruction des livres,
ordonnée par l’empereur Shi Huâng Ti
(- 212).
En revanche, les ouvrages plus tardifs
sont innombrables. Une gigantesque encyclopédie, réunie à la fin du XVIIIe siècle,
contient 482 volumes sur le seul sujet de
la musique !
LE SYSTÈME MUSICAL.
Le système des lyu, sur lequel repose la
théorie musicale, daterait du IIIe millénaire
avant notre ère. Il s’agit d’une série-étalon de tuyaux sonores, qui fixe en même
temps le diapason et la valeur des intervalles. Selon la légende, un nommé LingLouen aurait imaginé le principe des lyu
en taillant des flûtes en roseau, chacune
de longueur égale aux 2/3 de la précédente
(rapport de quinte juste), mais en doublant
éventuellement les longueurs pour rester
dans des dimensions pratiques, comprises
entre celles du premier lyu ou huângtchong et sa moitié. En prenant comme
unité la longueur du premier roseau, il
obtenait les valeurs suivantes : 1er roseau :
1 ; 2e roseau : 2/3 ; 3e roseau : (2/3) 2 = 4/9
ou en doublant 8/9 ; 4e roseau : 8/9 × 2/3 =
16/27, etc. Il s’arrêta au 12e roseau, car le
13e aurait eu une longueur très voisine de
celle du demi-huâng-tchong (octave).
La série de sons obtenus par ces lyu
est l’échelle qu’engendre le « cycle des
quintes « : chaque tuyau donne la quinte
du précédent, ramenée dans la limite
d’une octave par réduction d’octave (longueurs doublées).
La dimension du premier lyu a souvent varié au cours des siècles : il donnait
récemment un fa dièse (23 cm). Si on lui
attribue le son do pour la commodité, les
douze lyu successifs produiront les sons
suivants, qui forment entre eux des intervalles ressortissant à la théorie pythagoricienne :
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 (13)
do sol ré la mi si fa do sol ré la mi (si)
Dans l’antique tradition chinoise, les
douze lyu correspondaient aux douze
lunes, aux douze mois de l’année, aux
douze heures de la journée chinoise. En
l’an - 45, le théoricien King Fâng exposa
la progression des lyu par quintes jusqu’au
60e : les douze primitifs, multipliés par le
nombre des éléments. On fit même plus
tard, à titre de pure spéculation, des tables
où le cycle était poussé beaucoup plus loin,
pour retrouver des coïncidences à d’autres
cycles numériques : 666e quinte (« cycle de
la bête «), 25 824e quinte (précession des
équinoxes), etc.
Dans la pratique, l’échelle des douze
lyu suffit. Elle constitue une base musicale
logique, puisqu’elle donne tous les intervalles du système et qu’à partir de la dou-
zième quinte (13e lyu) on tombe dans un
deuxième cycle semblable au précédent, à
un comma près.(Voir schéma ci-dessous)
Sous chaque note est indiquée la fraction caractéristique de l’intervalle formé
avec la tonique - rapport des fréquences -,
si toutes les quintes sont justes.
Les intervalles entre les degrés voisins
ne sont pas égaux. On distingue :
-des grands demi-tons, appelés apotomes dans la terminologie pythagoricienne (2 187/2 048) ; ils sont désignés par
A ;
-des petits demi-tons, appelés limmas
(256/243) ; ils sont désignés par L.
Cette
autre
tion,
sique
série de lyu ne représente pas
chose qu’une échelle de transposisans fonction mélodique, car la muchinoise n’est pas chromatique.
La gamme usuelle, dite « pentaphonique «, est fondée sur les quatre premières quintes (les cinq premiers lyu).
(Voir schéma page suivante)
Aux sons de la gamme pentaphonique
(en notes blanches) sont ajoutés deux sons
(en notes noires) correspondant aux 6e et
7e lyu (cinquième et sixième quintes). Ces
deux sons complémentaires ressemblent
à des sensibles, dont l’emploi souligne
l’importance des degrés que nous appelons tonique et dominante. Chacune des
notes de cette gamme usuelle porte un
nom, distinct de la nomenclature des lyu,
que l’on pourra lire au-dessus de la portée.
Les intervalles entre deux sons consécutifs
sont toujours des tons 9/8 (T) ou des limmas 256/243 (L).
Le kong, premier degré de la gamme
pentaphonique, ne coïncide pas nécessairement avec le huâng-tchong : il peut se déplacer dans l’échelle des lyu, donnant naissance à des transpositions de la gamme.
De plus, la finale ou tonique n’est pas toujours le kong : en la déplaçant d’un degré
à l’autre de la gamme pentaphonique, on
détermine différents aspects de l’octave,
appelés tyao (« système «). Le tyao n’a pas
le caractère d’une mode, comme le râga :
il serait comparable au murchhanâ de la
musique de l’Inde. Il y a 5 tyao dans chacune des douze « tonalités « définies par
les lyu, soit un total de 60, correspondant
aux différents mois, jours et heures. Les
anciens théoriciens attribuaient aux cinq
sons de la gamme des affinités mystédownloadModeText.vue.download 199 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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rieuses avec les 5 planètes, les 5 couleurs,
les 5 éléments, etc.
Enracinée dans le cycle des quintes, la
musique chinoise n’utilise pas d’autre type
d’échelle modale. En changer conduirait à
sauter des quintes, ce qui dénaturerait le
cycle. La variété mélodique s’obtient par
les changements de tonique ou de tyao
et par l’ornementation. Dans la musique
classique, les parties procèdent normalement à l’unisson ou à l’octave. Les exceptions à cette homophonie ne participent
pas d’une conscience polyphonique ; tantôt elles résultent du jeu de l’ornementation, tantôt elles consistent à à substituer
la quinte à l’octave, par convenance à
une meilleure tessiture vocale ou instrumentale. En revanche, le raffinement et la
variété de l’instrumentation ont toujours
joué un rôle fondamental ; et, à la chute
de l’empire (- 1911), de nombreuses règles
avaient subsisté du cérémonial compliqué
qui fixait jadis les places des musiciens
dans les orchestres impériaux.
Les Chinois utilisent depuis fort longtemps des caractères empruntés à l’écriture ordinaire pour noter la musique,
mais ne connaissent pas d’oeuvre écrite
antérieure au XVIe siècle. La notation est
d’ailleurs d’une imprécision remarquable
et ne permet pas d’assurer la transmission fidèle d’un répertoire traditionnel.
Le symbolisme confus des explications
théoriques ne paraît pas plus propice à
la pérénnité d’une civilisation musicale,
qui date pourtant de plus de cinq mille
ans ! Mais le système musical chinois est
essentiellement non évolutif ; il n’a pas
enregistré de progrès ni subi de mutation
radicale. Il s’est seulement corrompu au
contact de la civilisation occidentale.
UNE MUSIQUE DE TRADITIONS.
Ce qui caractérise la musique chinoise
par rapport à la musique occidentale,
c’est son aspect statique. Bien qu’elle ait
subi diverses transformations au cours
des siècles, la notion de progrès, au sens où
nous l’entendons, lui est totalement étrangère. Des courants d’influence d’abord
hellénistiques, puis hindous, barbares et
enfin européens, l’apparition progressive
de nouveaux instruments ont altéré son
style de manière variée. Mais ces modifications ont été considérées dans une optique
d’enrichissement et non d’évolution. La
musique repose, depuis des millénaires,
sur les mêmes bases philosophiques. Elle
est toujours fondée sur un déterminisme
astrologique et cosmologique qui règle
l’organisation des sons et des modes, la
classification et l’utilisation des instruments, le rituel des cérémonies, la danse,
etc. Il s’est, en fait, produit au fil des temps,
au lieu d’une évolution, un lent appauvrissement des traditions musicales, qui ont
fini par sombrer dans un oubli presque
total. Le seul apport des dernières dynasties a été l’opéra, qui a constitué, jusqu’à
nos jours, l’essentiel de la vie musicale en
Chine.
Si la mythologie fait remonter les bases
du système musical et l’invention de plusieurs instruments à des dates bien antérieures, la musique ne commence vraiment à prendre forme que sous les Tcheou
(v. 1050-249 av. J.-C.). C’est sous cette
dynastie que s’organise tout le rituel des
cérémonies religieuses et civiles, tant à la
cour qu’au temple ou dans les campagnes.
C’est également l’époque des grands philosophes, Lao-Tse (v. 604-517 av. J.-C.),
fondateur du taoïsme, et Confucius (554479 av. J.-C.). Ce dernier a précisé quel
devait être le rôle de la musique et sa philosophie a influencé profondément la musique en Chine. Divers ouvrages conservés
(Chi-king ou livre des odes et Li-ki ou livre
des rites, avec un chapitre, le Yo-ki, consacré à la musique) ont permis de constater que le système théorique, inspiré de la
philosophie, et la plupart des instruments
étaient déjà établis à cette époque.
Ts’in (249-206 av. J.-C). Ils détruisirent la
plupart des écrits et des instruments.
Han (206 av. J.-C.-220 apr. J.-C.). C’est
une période importante dans l’histoire
de la musique chinoise. Tout d’abord, le
courant bouddhique venu d’Inde (61-62)
se propage, amenant avec lui de nouveaux
rites et instruments. La musique prend
de plus en plus d’importance. On crée un
ministère de la Musique, dont dépend une
école, et l’orchestre est en quatre sections
(religieuse, civile, de festivité et militaire),
entretenant jusqu’à 829 musiciens et plusieurs centaines de danseurs.
Période d’anarchie (220-618). La Chine,
alors partagée en plusieurs empires, s’imprègne de divers courants extérieurs. C’est
une période d’échanges actifs, et, alors
qu’elle exporte ses propres musiciens en
Corée et au japon, la cour chinoise ellemême entretient, en 581, sept orchestres,
parmi lesquels figurent des ensembles de
Corée, d’Inde, de Boukhara et de Koutcha.
Tang (618-907) et Song (960-1280). C’est
l’âge d’or des arts et des lettres en Chine.
Les éléments traditionnels et les courants
étrangers se fondent en un ensemble cohérent et homogène. La musique de cour
prend une ampleur considérable et y participent les orchestres étrangers de l’époque
précédente. Au VIIIe siècle, on distingue
six orchestres « debout « (jouant dans la
partie basse de la salle) et huit orchestres «
assis « (jouant dans la partie haute), comprenant 500 à 700 exécutants, ainsi qu’un
grand ensemble hors du palais. Les instrumentistes et danseurs sont recrutés parmi
les élèves du premier conservatoire, le Li
Yuen (ou Jardin des Poiriers), fondé en 714
et qui joue un grand rôle dans le développement du théâtre et de la danse en Chine.
Les orchestres se multiplient dans les provinces et à l’armée. La production musicale
s’enrichit considérablement et dans tous
les domaines, mais particulièrement dans
celui de la musique de chambre. La poésie
contemporaine est mise en musique et on
assiste au développement de la littérature
pour le k’in, dont on perfectionne la technique, et du luth p’i-p’a.
Yuan (1280-1368). Période mongole.
C’est le début d’une lente désintégration
qui se poursuit jusqu’à la fin de la dernière dynastie. Les souverains étrangers
essaient, dans un but démagogique, de retrouver la tradition musicale et de rassembler les orchestres. Mais le résultat n’est
qu’une imitation appauvrie ou déformée
de la grandeur passée. Leur seul apport
est l’introduction en Chine de nouveaux
instruments. Bien que méprisé de l’élite
intellectuelle, une place importante est
maintenant accordée au drame musical,
le Yuan-k’in (ou musique des Yuan), qui,
en unissant ces trois éléments, récit, chant
et pantomine, est à l’origine de l’opéra
chinois moderne.
Ming (1368-1644). L’intérêt suscité par
la musique est maintenant purement
intellectuel. C’est l’époque (1596) où le
prince Tsai-yu effectue ses recherches
sur la tradition musicale antique et sur le
tempérament égal. Mais ses découvertes
restent dans le domaine de la théorie et, à
part l’opéra où la musique prend de plus
en plus d’importance, les autres genres
continuent à se déprécier. Ce phénomène
est accentué par le début de la pénétration
européenne.
Tshing ou dynastie mandchoue (16441912). La situation de l’art musical est au
downloadModeText.vue.download 200 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
194
plus bas. L’influence européenne s’accentue et la désintégration devient totale. La
technique instrumentale se simplifie à
l’extrême et l’éminente littérature du passé
tombe dans l’oubli. Seule l’opéra continue
à jouir d’une certaine popularité et développe différents styles régionaux.
Époque moderne. Seuls subsistent des
éléments traditionnels, l’opéra, dont la
popularité s’est étendue à l’Occident, et la
musique folklorique. La musique rituelle
s’est considérablement appauvrie et,
quant à la musique de cour, on n’en rencontre que quelques manifestations à la
cour japonaise. le gouvernement actuel,
conscient de cette situation, encourage les
recherches sur la musique dynastique et les
instruments traditionnels, tels le k’in ou le
p’i-p’a, pour lesquels on se remet à composer (ex. : Jar Fushi ou Shyu Yuanbair
pour le k’in). À la suite de la pénétration
européenne, de nombreux musiciens ont
été formés à l’étranger et l’influence occidentale a laissé une empreinte indélébile
sur la culture musicale chinoise. les instruments occidentaux sont présents dans
les orchestres et on trouve des solistes de
renommée internationale (par ex. le violoniste Ma Su-tsung). Un certain nombre
de compositeurs (Cheng Lu-cheng, Chang
Wen-kang, etc.) écrivent des symphonies,
concertos ou grandes oeuvres chorales et
le répertoire traditionnel européen commence à se répandre. Les grands centres
musicaux sont Pékin, Chang-hai et Canton, mais de plus en plus de villes de
province créent leurs propres écoles et
orchestres.
LES FORMES MUSICALES.
Musique rituelle. Utilisée dans les
temples et à la cour, elle consiste en
hymnes alliant poésie, musique et danse.
Tout est minutieusement déterminé : le
nombre et la place de chaque interprète,
les actions de l’empereur, chaque figure
de danse, la tonalité du morceau, de façon
à respecter l’harmonie des lois de l’univers (points cardinaux, saisons, etc.). Les
danseurs tiennent d’une main une flûte,
de l’autre un bouquet de plumes de faisan. La mélodie est syllabique, en valeurs
longues et régulières, en général en vers
de quatre pieds, doublée des vents et des
cloches à l’unisson et accompagnée d’accords au cheng (orgue à bouche) et au k’in
(en accords brisés pour indiquer les subdivisions rythmiques). Harmoniquement,
ces accords ne comprennent que l’octave,
la quinte et la quarte. Les instruments à
percussion, très importants, indiquent le
début et la fin de la cérémonie, des hymnes
et des vers.
Musique de chambre. Elle concerne
surtout la cithare ou k’in, qui fut de tout
temps l’instrument de l’élite intellectuelle,
et le p’i-p’a. Il s’agit soit de pièces instrumentales, soit de poésie accompagnée. Elle
est de nature essentiellement mélodique
et une technique très élaborée (nombreux
portamenti et différents types de vibrati,
par ex.) permet d’obtenir des inflections
subtiles et un ensemble d’une incroyable
délicatesse.
Opéra. Son apparition est relativement tardive dans l’histoire de la musique chinoise,
puisqu’il ne date que du XIVe siècle. À
cette époque, il était divisé en deux catégories, le Tsa chü, ou style du Nord, classique
et accompagne de la flûte, et le Hsi wen
ou style du Sud, plus libre et accompagné
du luth. C’est sous les Ming qu’il prit sa
forme a peu près définitive. On interdit, à
l’époque, la scène aux femmes, ce qui obligea les hommes chargés des rôles féminins
à développer une voix de fausset, devenue
maintenant typique de l’opéra chinois.
Par suite d’une popularité grandissante au
cours des deux derniers siècles, il a engendré de très nombreux styles de drames
musicaux (400 environ actuellement), qui
diffèrent par le genre de sujet, le rôle de
la musique, l’instrumentation, le type de
mélodie, etc. Le genre le plus répandu et
le plus célèbre à l’étranger est l’opéra de
Pékin. Il n’y a pas de mise en scène ou de
décors ; ces artifices sont remplacés par
des conventions de jeu, de costumes, de
masques et par le mime. On continue à
employer la voix de fausset pour les rôles
de femmes ou de jeunes gens. L’orchestre,
assez réduit (4 à 8 musiciens), est composé,
d’une part, des cordes (violon erh-hu) et
des vents (comme les hautbois so-na), qui
accompagnent les voix, et, d’autre part, des
percussions (claquettes de bois, petit tambour pan-ku), qui ponctuent les phrases et
marquent la mesure. les parties chantées
sont réservées à des moments privilégiés,
le reste du discours se faisant dans une
sorte de Sprechgesang.
Musique folklorique. On la rencontre
soit en ville sous forme de chansons de rue
(accompagnant les processions nuptiales
et funéraires), soit dans les campagnes.
Dans ce dernier cas, elle est d’un intérêt considérable, car son répertoire, très
ancien, est directement issu de l’antique
rituel des fêtes saisonnières. Dans les
deux cas, il s’agit de simples mélodies, en
général pentatoniques, accompagnées de
quelques instruments populaires (luths,
violons, flûtes, hautbois et petit tambour).
Elle a exercé une certaine influence sur
la musique rituelle et la musique instrumentale. On assiste à l’heure actuelle à un
regain d’intérêt pour ce qui est, en fait, le
seul témoignage vivant de la culture musicale chinoise, et les éléments folkloriques
constituent un aspect important des compositions modernes, tant dans le domaine
de l’opéra que dans les autres domaines.
La pénétration occidentale en Chine a
définitivement influencé la musique de
ce pays. Pour le moment, les deux styles
cohabitent. Une partie des musiciens,
soucieux d’authenticité, effectuent des recherches, se penchent sur la musique folklorique et les traditions populaires, et utilisent les instruments indigènes. D’autres,
formés en Europe, composent des oeuvres
purement occidentales (symphonies,
concertos) et ont intégré les instruments
de l’Ouest. Ces deux tendances, toutefois
tendent à se mêler de plus en plus. Les
orchestres unissent les deux types d’instruments et les compositeurs occidentalisants tirent leur matériel thématique du
folklore. Enfin, le socialisme donne lui-
même une certaine couleur à la musique
contemporaine en fournissant thèmes et
motifs aux oeuvres vocales et en encourageant la création de grandes fresques chorales et les compositions collectives.
LES INSTRUMENTS.
La classification chinoise des instruments
repose non pas sur le mode de production
du son comme en Occident, mais sur la
matière qui les compose. Elle distingue
donc huit classes d’instruments : pierre,
métal, soie, bambou, bois, cuir, terre et
gourde, associant à chacune d’entre elles
une saison, un point cardinal et un élément. Par souci de clarté, les instruments
sont ici regroupés d’après la tradition occidentale.
idiophones. On trouve, parmi eux, les
instruments les plus anciens, à savoir les
lithophones et les cloches, présentés soit
individuellement en série de 12 accordés
sur les 12 lyu (the king pour les pierres, potchong pour les cloches), soit en carillon
de 16 (pyen king et pyen tchong). Le fang
est un carillon de lames d’acier. Il existe
de nombreuses sortes de gongs de bronze,
dont les plus courants sont le lo, le kin,
le thong tyen, le tcheng et le un lo ou yun
ngao (carillon de 10 petits gongs). Les
cymbales, po ou thong po et les claquettes
de bois (peipan) sont surtout utilisées au
théâtre. Certains instruments particuliers
ne se trouvent que dans les temples, tel le
yu (instrument de bois sculpté en forme de
tigre) et le tchou (auge de bois carrée) pour
les rites confucianistes, ou le mu-yu (poisson en bois laqué) utilisé par les prêtres
bouddhistes et taoïstes.
membranophones. Ils se présentent sous
diverses formes (tambours, tambours de
basque, timbales) et nombreux sont ceux
d’origine étrangère. parmi les instruments
plus traditionnels, on trouve le po fou
(petit tambour), le pan-kou (à l’opéra), le
kyen kou (grand tambour) et le tchang kou.
On remarquera, au nombre d’instruments rentrant dans ces deux catégories,
l’importance accordée en Chine aux percussions. Leur rôle n’est pas seulement
rythmique. Ils sont essentiels dans les
cérémonies religieuses, où ils indiquent
le début et la fin des chants rituels. On
confiera donc souvent à un percussiondownloadModeText.vue.download 201 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
195
niste le rôle de chef d’orchestre. C’est, en
outre, sur eux que s’accordent les autres
instruments.
aérophones. Ils sont également très
anciens, puisque dérivés des tuyaux cylindriques produisant les lyu. Les flûtes sont,
de loin, la classe la plus importante et la
plus primitive. On trouve des flûtes droites
(yo, employée seulement comme accessoire figuratif dans les pantomines), des
flûtes de Pan (phai syao) et des flûtes traversières (tchhi). C’est à ce groupe qu’appartient le ti, instrument très répandu et
utilisé à de nombreuses occasions. Parmi
les instruments à anche, citons les hautbois
(so-na, très populaire, et hwan-tseu) et, les
trompettes (ta-t’ung-kyo et cha-chaio).
L’ocarina chinois, le hyuen, est le seul instrument en terre cuite encore utilisé. On
peut aussi inclure dans cette classe un des
instruments les plus typiques de la musique chinoise, le cheng ou orgue à bouche,
datant environ du XIIe siècle av. J.-C.).
cordophones. L’instrument le plus typique est le k’in ou cithare à sept cordes,
dont l’invention est attribuée à Fou-hi,
premier souverain mythique. Sa forme, ses
dimensions et les matériaux qui le composent sont tous symboliques. C’était un
instrument très apprécié de l’aristocratie
et pour lequel il existe une abondante littérature. Toujours parmi les cithares, on
trouve le se, à 25 cordes et le tcheng (petit
se de 14 cordes). Les luths les plus populaires sont le p’i-p’a (instrument court
à 4 cordes), le son hyen (à 3 cordes et au
manche très long) et le yueh ch’in (4 cordes
et de forme lunaire). Ils accompagnent
tous les trois chansons, danses et ballades.
Il existe divers genres de violon dont les
plus courants sont le kou khin et le erhhu, à 2 cordes (très populaire). On trouve
enfin une harpe à 22 cordes, le k’ung hu, et
une sorte de psaltérion, le yang-k’in, qui
accompagnent aussi la musique populaire.
CHION (Michel), compositeur français
(Creil 1947).
De 1971 à 1976, il a travaillé au Groupe
de recherches musicales de Paris, comme
responsable de diverses activités d’enseignement, de recherche, de radio et de
publications. Parallèlement, il a composé
plusieurs oeuvres électroacoustiques, la
plupart axées sur des textes, et d’un style
baroque et coloré : la Machine à passer le
temps (1972), le Prisonnier du son (1972),
Requiem (1973), On n’arrête pas le regret
(1975), album nostalgique de « scènes
d’enfant », Tu (1977-1981), qui aborde le
thème du couple impossible, à travers des
textes de Desnos et des scènes de la Flûte
enchantée, et Melchisédech (1980). Travaillant, depuis 1976, indépendamment de
tout groupe, Michel Chion se consacre de
plus en plus à l’image, réalisant des films de
court métrage, et enseignant la « mise en
scène du son » au cinéma. On lui doit aussi
des écrits musicologiques et théoriques, et
des ouvrages sur la musique parmi lesquels
Pierre Henry (1980), le Poème symphonique
et la musique à programme (1993), la Symphonie à l’époque romantique (1994) et la
Musique au cinéma (1995).
Esprit touche-à-tout, Michel Chion
s’est trouvé, sans l’avoir voulu, à l’écart
d’un mouvement assez général de « restauration » des valeurs musicales traditionnellement « françaises » qui sévit dans
la musique électroacoustique récente, à
quelques exceptions près (bon goût, discrétion, netteté et poli du matériau, haro
sur la musique « dramatique », etc.). Plutôt enclin à pratiquer la musique électroacoustique comme un « cinéma pour
l’oreille » à grand spectacle, il se revendique comme un héritier de Fellini, aussi
bien que de la musique de Pierre Henry
ou du premier Pierre Schaeffer (celui des
Orphées et de la Symphonie pour un homme
seul). Dans sa production, la critique a
surtout remarqué jusqu’ici son Requiem
de 1973, souvent rapproché de l’univers
de Jérôme Bosch. On peut y trouver en
effet un condensé de ses « tendances « : recherche de l’émotion à travers le foisonnement des situations et des voix ; contrastes
appuyés et montage dramatisé ; travail de
la matière sonore dans ses irrégularités,
son grain, son épaisseur, plutôt que pour
la rendre lisse et propre ; omniprésence
de la « voix humaine », utilisée en dehors
des techniques traditionnelles. De 1982
date la Ronde, et de 1984 la Tentation de
saint Antoine.
CHITARRONE.
De la famille des archiluths, le chitarrone
fut l’instrument préféré du compositeur
Giulio Caccini qui recommande cet instrument pour accompagner la voix dans
la préface de ses Nuove musiche (1602). La
caisse du chitarrone ressemble à celle du
luth, mais le manche est fort allongé afin
d’accommoder, à l’extérieur, des cordes
graves supplémentaires, dites cordes sympathiques et accordées dans le ton du morceau à accompagner. Un autre chevillier,
plus près de la caisse, comporte les cordes
habituelles du luth et peut être en boyau
ou en métal. Le chitarrone, souvent d’une
très grande beauté et muni d’une rosace
ouvragée, est apparu en Italie au cours du
dernier tiers du XVIe siècle. Aujourd’hui,
il est courant de faire appel à cet instrument pour le continuo des premiers opéras
de l’époque baroque (l’Orfeo de Claudio
Monteverdi).
CHOEUR (grec choros ; lat. chorus).
Ensemble de chanteurs.
Dans l’Antiquité grecque, le choeur
accompagnait la tragédie et la comédie ;
on a trouvé sur un papyrus datant de
200 avant Jésus-Christ un fragment de
choeur de la tragédie Oreste d’Euripide.
Le choeur connut un nouvel essor avec la
religion, surtout la religion protestante où
l’ensemble de la cérémonie est chanté par
les fidèles. Au Moyen Âge, les chansons
populaires à l’unisson accompagnaient
les danses. De nos jours, le choeur a gardé
toute son importance dans la liturgie des
églises chrétiennes et dans la vie scolaire.
Dans l’Antiquité, ils sont à l’unisson,
ou à l’octave, souvent accompagnés par
l’aulos et par des percussions. Au Xe siècle,
on différencie les registres d’hommes
ou même d’enfants. Vers le XIIe siècle,
on trouve des partitions écrites à 4 voix,
l’Église prend en charge l’instruction de
petits chanteurs : ce sont les « enfants
de choeur », pour qui sont créées, dans
chaque diocèse, des maîtrises. À la fin du
XVe siècle, on écrit pour 7 ou 8 voix, et
même des oeuvres pouvant être chantées
par 40 voix ; suivant leur composition, on
distingue :
- les choeurs à voix égales, composés de
plusieurs parties, mais pour des voix de
tessiture semblable ;
- les choeurs mixtes, comprenant des
voix d’hommes, de femmes et même d’en-
fants.
De plus en plus, le choeur augmente son
effectif, dans l’opéra et l’oratorio, aux XVIIe
et XVIIIe siècle, alors que voix et instruments se groupent et forment partie intégrante de l’orchestre. De nombreux opéras
du XIXe siècle et des opérettes contiennent
des choeurs, qui ont même pu représenter
des symboles de luttes politiques, comme
certains choeurs de Verdi. Au XIXe siècle,
de nombreuses associations masculines,
particulièrement en Allemagne, forment
des choeurs ou orphéons, pour chanter
des idées patriotiques ou religieuses. Dans
de nombreux grands lycées, actuellement,
existent des ensembles de chant choral,
généralement dirigés par le professeur
d’éducation musicale.
Le terme de choeur peut aussi signifier
des groupes de cordes ou d’instruments de
même famille qui jouent à l’unisson.
CHOEUR.
Appellation utilisée pour désigner un
rang de deux ou trois cordes actionnées
en même temps sur certains instruments
à clavier (piano, clavecin) ou à cordes pincées (luth, vihuela, guitare baroque) et qui
résonnent généralement à l’unisson.
Toutefois, sur certains luths et sur la
guitare en usage jusqu’au XVIIIe siècle,
quelques choeurs comportaient deux
cordes à distance d’une octave, produisant
de curieux phénomènes de doublures analogues aux jeux de l’orgue.
CHOEUR DE LUTH.
Les cordes du luth étant groupées par
deux, accordées à l’unisson ou parfois à
l’octave, chaque paire est appelée choeur ou
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
196
rang. On parle donc de luth à 4 choeurs, 6
choeurs, etc.
CHOJNACKA (Élisabeth), claveciniste
polonaise (Varsovie 1939).
Élève de l’École supérieure de musique
de Varsovie, elle y obtint son diplôme en
1962, puis étudia à Paris avec Aimée Van
de Wiele. En 1968, elle remporta le premier
prix au concours international de Vercelli.
Spécialiste de la musique contemporaine,
elle a créé en France des oeuvres de Ligeti,
Donatoni, Berio et Penderecki. Des compositeurs tels que Constant, Ohana, Ferrari, Mâche, Cristobal Halffter, Donatoni,
Miroglio, Jolas et Xenakis ont composé des
oeuvres à son intention.
CHOPIN (Frédéric Francis), compositeur
et pianiste polonais (Zelazowa Wola,
près de Varsovie, 1810 - Paris 1849).
Son père, Nicolas Chopin, originaire de
Marainville dans les Vosges, émigré en
Pologne, avait épousé une parente de la
famille Skarbek dont il était précepteur :
Justyna Krzyzanowska. Une fille, Louise,
précéda Frédéric, qui naquit le 1er mars
1810 ; deux autres filles devaient naître par
la suite.
UNE ENFANCE HEUREUSE ET PRÉDESTINÉE.
À Varsovie, Nicolas Chopin, professeur
au lycée, prend en pension des fils de propriétaires terriens, parmi lesquels Frédéric
trouvera par la suite ses amitiés les plus
durables : Titus Woyciechowski, les Wodzinski, Fontana, Slowaki... Au sein de sa
famille, très musicienne, l’aptitude précoce
de l’enfant se révèle très tôt. Premières
leçons à six ans avec sa mère. Il n’aura, en
fait, qu’un seul maître : Adalberg Zwyny,
d’origine tchèque, qui lui communique ses
deux passions : Bach et Mozart. À sept ans,
il compose une Polonaise et une Marche
militaire. Son premier concert à huit ans
(un concerto de Gyrowetz) lui vaut d’être
salué comme un « génie musical » en tant
qu’interprète. Mais sa réputation s’établit
aussi comme compositeur. Même engouement qu’autour de Mozart enfant. Frédéric Chopin joue devant la tzarine mère
et devant le grand-duc Constantin. La
cantatrice Angelica Catalani lui offre une
montre en or. À douze ans, n’ayant plus
rien à apprendre de Zwyny, il lui dédie une
Polonaise.
Cet enfant prodige est néanmoins
d’un naturel très enjoué, doué pour le
dessin, les imitations, le théâtre. Les vacances dans les environs lui permettent
de prendre contact avec le folklore et les
musiques paysannes, mazurkas, obereks,
kujaviaks, et d’en imprégner son oreille. Il
va ensuite au lycée, pour trois ans, jusqu’à
son baccalauréat, tout en continuant de se
développer pianistiquement ; étudie avec
Josef Elsner l’harmonie et le contrepoint.
De cette époque datent Variations sur un
air allemand (1824), Rondo op. 1 (1825),
Polonaise en « si » bémol min. (1826), Variations pour flûte et piano sur un thème de
Rossini (1826).
Puis Chopin entre au conservatoire,
fondé par Elsner lui-même. Ce dernier,
musicien appliqué et abondant, excellent
pédagogue, saura reconnaître l’étonnante
progression de son élève. L’année 1827
est particulièrement prometteuse, qui voit
naître les Variations op. 2 sur « Don Juan »
(publiées à Vienne trois ans plus tard, elles
provoqueront chez Schumann le fameux
« Chapeau bas, Messieurs, un génie ! »),
la Polonaise en « ré » mineur op. 71 no 1,
le Rondo à la mazurka en « la » majeur op.
5, le Nocturne en « mi » mineur op. 72 no 1
(posth.). Mais cette même année, sa jeune
soeur Émilie meurt, en mars, épreuve qui
le marque comme un avertissement.
LES SUCCÈS DE VIRTUOSE.
En 1828, un voyage à Berlin lui permet
d’entendre cinq opéras, dont le Freischütz,
ainsi que l’Ode pour sainte Cécile de Haendel, mais surtout renforce son désir de se
perfectionner et de se faire connaître à
l’étranger. « Que m’importent les louanges
locales ! » Voeu qui va dans le sens du
conseil d’Elsner : « Le maître qui ne sait
pas se laisser dépasser par son élève est un
mauvais maître. » Ses succès de virtuose lui
valent d’être accueilli au château d’Antonin chez le prince Radziwill, mélomane
averti et violoncelliste, à qui il dédie son
Trio op. 8. C’est en cette année 1828 qu’il
compose également le Rondo pour deux
pianos op. 73, la Grande Fantaisie pour
piano et orchestre sur des airs polonais op.
13, le Rondo « Krakowiak » op. 14, la Polonaise en « si » bémol op. 71 no 2, enfin, hommage à son maître, et dédiée à celui-ci, la
Sonate en « ut » mineur op. 4. Mais la vraie
nouveauté, dans cette phase brillante, se
trouve du côté des deux premières Études
qui marquent chez le jeune compositeur,
non enivré de ses succès, un souci de la
méthode et une exceptionnelle exigence
au niveau de la technique transcendante,
dont Paganini, venu jouer à Varsovie, lui
a fourni un exemple qu’il n’oubliera plus.
À Vienne, où il se rend en 1829, Chopin
donne deux concerts (deux « académies
musicales »). Accueilli, une fois de plus,
par l’aristocratie, il rencontre Gyrowetz et
Czerny. Blahetka salue en lui « un artiste
de premier ordre qui tient un rang honorable à côté de Moscheles, de Herz et de
Kalkbrenner ». Mais il ne gagne pas un
sou. Et c’est le retour par Prague, Teplitz,
Dresde et Breslau.
De charmants visages de jeunes admiratrices, comme Élisa et Wanda Radziwill, éclairent ses séjours à Antonin.
Premiers émois sentimentaux. Mais le
sentiment qu’il éprouve pour Constance
Gladkowska, jeune cantatrice, élève au
conservatoire, ne trouvera d’exutoire
que dans le lyrisme des deux concertos,
sommets de la période varsovienne. Si cet
amour, pudique et vite oublié, s’épanche
librement dans le larghetto du Concerto en
« fa » mineur, et plus tard, dans la romance
du Concerto en « mi » mineur, seul, et par
un étrange transfert, son ami préféré,
Titus Woyciechowski, en reçoit la confidence.
Son premier grand concert public a
lieu à Varsovie le 17 mars 1830 au Théâtre
national. Chopin marque une certaine
déception. Mais un deuxième concert
marque le triomphe du Concerto en « fa »
mineur et du Rondo « Krakowiak ».
LES ADIEUX À LA POLOGNE.
Son départ est pourtant décidé. Varsovie
est à la veille du soulèvement. Dernières
vacances en famille à Zelazowa Wola.
Dernier concert en Pologne, le 11 octobre 1830, avec, en première audition, le
Concerto en « mi » mineur. Au cours du
banquet de départ lui est remise une coupe
d’argent contenant de la terre de Pologne.
Adieux définitifs le 2 novembre, jour des
morts. « J’ai l’impression que je pars pour
mourir. »
Vienne de nouveau. Une semaine après
son arrivée, éclate l’insurrection de Varsovie. Son père lui écrit de ne pas rentrer.
Ce second séjour est un échec complet.
L’Autriche n’est guère favorable aux révolutions. Chopin ne réussira même pas à
se faire éditer. « Ils n’impriment que du
Strauss. » Confondue avec le souvenir de
sa patrie blessée, l’image de Constance
l’obsède. Il l’imagine aux prises avec les
cosaques. Le Scherzo en « si » mineur op.
20 exprime son angoisse, une nuit dans la
cathédrale Saint-Étienne, son souci pour
les siens, le regret de ne pas participer à
la lutte.
Il quitte Vienne pour Munich où il
donne un concert dans la salle de la Société philharmonique. Les compliments
vont au virtuose. C’est à Stuttgart qu’il
apprend la capitulation de Varsovie (18
sept.). Les pages de son Journal de Stuttgart expriment son désespoir et un désir
d’anéantissement, qui ne sont pas sans
rappeler le Testament d’Heiligenstadt de
Beethoven muré dans sa surdité et sa souffrance. Comme le Scherzo en « si » mineur,
l’Étude en « ut » mineur op. 10 no 12, dite la
Révolutionnaire, traduit ce climat de tension visionnaire et apocalyptique, dont la
littérature pianistique n’offre alors aucun
autre exemple semblable. Sans doute estce la première fois que la musique et le
génie d’un musicien se mettent ainsi directement au service d’une nation meurtrie par l’oppression.
LA CONQUÊTE DE PARIS.
Chopin ne réussit à obtenir qu’un passeport pour Londres portant la mention
« passant par Paris ». Il y arrive à l’automne
1831 et s’y installe au 27, boulevard PoisdownloadModeText.vue.download 203 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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sonnière. Coup de foudre pour cette ville
qui a pris parti pour la Pologne. « Le plus
beau des mondes », « Paris répond à tous
les désirs », écrit-il à Titus. Enfin et surtout, Paris est, à ce moment, la capitale de
la musique. « J’ai trouvé dans cette ville les
premiers musiciens et le premier opéra du
monde. » Il s’enthousiasme pour la voix
de la Malibran. Paër le présente à Rossini,
à Cherubini et à Kalkbrenner. Ce dernier
lui dit qu’il joue « dans le style de Cramer,
mais avec le toucher de Field » et lui offre
de le faire travailler pendant trois ans. À
Varsovie, la famille s’insurge contre ce
jugement : Frédéric ne risque-t-il pas de
perdre son originalité, ce qu’il doit au sol
natal, au contact de ce prétentieux qui s’est
permis de corriger le Concerto en « mi « ?
Ce qu’on craint surtout de ce côté, c’est
que, « au lieu de s’immortaliser par des
opéras » - Elsner appelait de ses voeux
la naissance d’un style national polonais
dans l’opéra -, il se consacre uniquement
au piano.
Par Kalkbrenner, Chopin fait la
connaissance de Camille Pleyel, dont il
défendra la marque et qui le fournira en
instruments jusqu’à la fin de sa vie. C’est
dans les salons Pleyel qu’en février 1832
il donne son premier concert parisien.
Liszt, Hiller, Berlioz, le chanteur Nourrit, le violoncelliste Franchomme (dont
il écoute les conseils pour son Grand Duo
concertant pour piano et violoncelle sur
des thèmes de Robert le Diable), Heine,
Mendelssohn sont devenus ses amis. Si ce
premier concert couvre à peine les frais,
Fétis discerne dans la musique du nouveau venu « une abondance d’idées originales » et prévoit d’emblée « la profonde
influence » que les formes ainsi proposées
sont destinées à exercer « sur les données
futures des oeuvres écrites pour le piano ».
Rare intuition critique.
Chopin, pour lors surtout accueilli
dans les salons polonais (le prince Czartoryski, chef de l’émigration, et le comte
Plater), ne vit que grâce à l’aide paternelle.
Le choléra (été 1832) vide Paris. Chopin
songe à repartir. Peut-être l’Amérique ?
Valentin Radziwill, rencontré par hasard,
l’emmène chez le baron James de Rothschild. Il conquiert son auditoire. Le voilà
lancé. Libéré de l’obligation des concerts,
il donnera des leçons, environ quatre
heures par jour. Dans ce milieu qui fait les
réputations, il est l’événement de la saison. Il fera plus qu’y trouver un moyen de
vivre, il y trouvera de fidèles admiratrices,
souvent bonnes musiciennes, et qui seront
d’excellentes propagatrices de son oeuvre
et de sa « méthode ». Cette période mondaine fait de lui un des artistes les plus
recherchés de la capitale. « Si j’étais plus
sot que je ne suis, je me croirais à l’apogée de ma carrière. » Il loge au 5, rue de la
Chaussée-d’Antin, dans un appartement
meublé avec raffinement, s’habille chez
les meilleurs faiseurs, fréquente les lieux
à la mode, a un cabriolet. De Varsovie, il
reçoit des conseils d’économie.
Ainsi, aux antipodes d’un Liszt, trouvet-il un équilibre matériel compatible avec
son mode de création. Si, en dix-huit années de vie parisienne, il se produit dans
dix-neuf concerts, en fait, il ne jouera en
soliste que quatre fois seulement. « Tu
ne saurais croire, écrivait-il déjà à Titus
avant de quitter la Pologne, quel martyre
c’est pour moi, durant trois jours, avant
de jouer en public. » Tout en lui - et sa
musique même - refuse les grandes extériorisations habituelles. Berlioz écrit qu’il
exécute ses Mazurkas « comme pour un
concert de sylphes et de follets »... « au
superlatif du piano » et l’appelle « le Trilby
des pianistes ».
Nullement grisé par ces succès mondains, Chopin achève et publie, entre
1832 et 1834, les douze Études de l’opus
10 dédiées à Liszt, 6 Nocturnes de l’opus
9 et de l’opus 15 (où les happy few conviés
à certaines soirées reconnaissent « la note
bleue » qui a tant fait pour fixer une certaine image mélancolique et aristocratique de son inspiration), les Variations
sur le thème de Ludovic Halévy, Je vends
des scapulaires op. 12, la Grande Fantaisie sur des airs polonais op. 13, le Rondo
« Krakowiak » op. 14, le Rondo en « mi »
bémol majeur op. 16, Quatre Mazurkas op.
17, la Grande Valse en « si » bémol majeur
op. 18 et le Boléro en « do » majeur op. 19,
composé à Varsovie sur une proposition
rythmique de la Muette de Portici d’Auber
et publié cette fois sous le titre, surprenant
chez Chopin, de Souvenir d’Andalousie.
La diffusion rapide de ces oeuvres, en
France et à l’étranger, est soulignée par la
Revue musicale comme « un phénomène
inexplicable ». Rarement l’histoire de la
musique a retenu une accession aussi immédiate à la célébrité. Même si Chopin se
défie de certaines interprétations, Liszt,
Kalkbrenner, Hiller, Osborne, Stamaty,
Clara Wieck contribuent largement à le
faire connaître.
Sept cahiers de compositions paraissent, entre 1832 et 1835. Ses éditeurs
sont Schlesinger pour la France, Wessel
pour l’Angleterre, Breitkopf et Härtel
pour l’Allemagne.
UN PÉNIBLE ÉPISODE SENTIMENTAL.
Le deuxième volet de sa vie sentimentale
est celui de Maria Wodzinska, soeur de
deux jeunes gens qui ont été autrefois en
pension chez ses parents à Varsovie. Au
retour d’un voyage à Aix-la-Chapelle, au
printemps 1834, et d’une descente du Rhin
avec Mendelssohn, Chopin est invité par la
comtesse Wodzinska à se rendre à Genève.
Pendant l’hiver 1834-35, il donne plusieurs
concerts à Paris. L’un dirigé par Berlioz,
l’autre avec Liszt. En février, Salle Érard.
En mars, chez Pleyel. Aux Italiens, au profit des Polonais, avec Nourrit et Falcon. En
avril, au Conservatoire où l’Andante spianato est vivement applaudi.
Chopin est à ce moment en excellente
forme physique. « Il n’y a que le regret
du pays qui le consume », note son ami
Orlowski. Ce même hiver, il rencontre
Bellini, lequel meurt quelques mois plus
tard. À Karlsbad, pour la première fois
depuis la séparation, Frédéric retrouve ses
parents. « Notre joie est indescriptible... »
Ceux-ci repartent pour la Pologne. Chopin ne les reverra plus.
À Dresde, il rejoint les Wodzinski
et Maria. En la quittant, il recopie pour
elle la Valse op. 69 no 1, dite de l’Adieu,
composée à cette époque, mais non point,
contrairement à la légende, pour cette circonstance.
À Leipzig, il voit Mendelssohn et les
Wieck, écoute Clara. Il est de retour à
Paris en octobre 1835. Période de dépression. Le bruit court qu’il crache le sang.
Le Courrier de Varsovie annonce même sa
mort. Ce qui ne l’empêche pas de composer plusieurs Mazurkas de l’opus 24 et
de l’opus 67, les Polonaises de l’opus 26,
d’achever la première Ballade, de composer deux Nocturnes de l’opus 27 et trois
Valses (op. 69 no 1, op. 70 no 1, op. 34 no 1).
En avril 1836, concert Salle Érard avec
Liszt qui soulève l’enthousiasme en jouant
les Études. En juillet, Chopin rejoint les
Wodzinski, à Marienbad cette fois, et demande la main de Maria. Les fiançailles
doivent rester secrètes, exige la comtesse ;
ce qui donnera à Frédéric le temps de se
soigner. Il repasse par Leipzig et joue à
Schumann sa Ballade.
Les Wodzinski ont regagné Sluzewo
en Pologne. Vainement Chopin attendra
de voir se confirmer ses espoirs. À la fin
de l’automne 1836, chez Liszt et Marie
d’Agoult à l’hôtel de France, première
rencontre, plutôt négative des deux côtés,
avec George Sand. « Qu’elle est antipathique, cette Sand ! » confie Frédéric à Hiller. « Et est-ce bien une femme ? J’arrive à
en douter. »
Ils se reverront pourtant un peu plus
tard, chez Chopin cette fois, rue de la
Chaussée-d’Antin, lors d’une soirée pendant laquelle Liszt et Chopin joueront à
quatre mains la Sonate en « mi » bémol
de Moscheles. Sand invite Chopin à
venir à Nohant avec Franz Liszt et Marie
d’Agoult. Mais alors qu’il attend toujours
un signe de Maria, il préfère accompagner
à Londres Camille Pleyel au cours de l’été
1837. Les Wodzinski, cet été-là, restent en
Pologne. Ainsi s’achève ce pénible épisode
sentimental.
LA PÉRIODE DE LA MATURITÉ.
Revenu de Londres, Chopin retrouve ses
élèves et ses leçons. En octobre 1837, paraît
le second cahier des Études op. 25, dédié
à Marie d’Agoult. Il commence à travaildownloadModeText.vue.download 204 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
198
ler aux Préludes, où se retrouveront ses
trois qualités essentielles : passion, lucidité, concision. C’est une fois de plus le
tribut payé à Bach dont « la structure de
l’oeuvre, écrit-il, ressemble à ces figures
géométriques parfaitement dessinées, dans
lesquelles tout est à sa place, aucune ligne
n’est de trop ». Compositions « d’un ordre
tout à fait à part », notera Liszt, et qui, en
dépit du titre, n’introduisent à rien d’autre
qu’à un inventaire complet de toutes les
incitations créatrices, de toutes les alternances qui construisent la personnalité de
l’homme et du musicien.
En février 1838, Chopin joue devant
Louis-Philippe et, le mois suivant, donne
deux concerts à Rouen, le second, à l’appel
d’Orlowski, au profit de ses compatriotes
polonais. Ce qui lui vaut, de la part de
Legouvé dans la Gazette musicale, des encouragements à se produire plus souvent
en public. « Si, désormais, on se demande
encore quel est le plus grand pianiste du
monde, de Thalberg ou de Liszt, le monde
répondra à ceux qui t’ont entendu : Chopin ! »
Autre signe de cette gloire « phénoménale », la visite que lui rend le virtuose
qu’il a le plus admiré : Paganini.
Il ne quitte pas Paris, cet été-là. George
vient le voir de Nohant. Finalement, elle
brusque les choses : « Loin de moi les
forts !... J’ai besoin de nourrir cette maternelle sollicitude qui s’est habituée à veiller
sur un être souffrant et fatigué. » Thème
constamment repris par elle au cours de
ses apologies successives. Leur liaison va
durer neuf ans. Leur intimité peut-être
seulement quelques mois.
À la recherche d’un climat doux pour
l’hiver, ils choisissent Majorque. Ils y
arrivent en pleine saison des pluies et
vont s’installer, à trois lieues de Palma, à
la chartreuse de Valdemosa. Chopin recommence à tousser. Dans ces immenses
couloirs, il se croit poursuivi par des fantômes. Sur le piano envoyé par Pleyel, il
travaille sans discontinuer et achève les
Préludes qu’il expédie le 12 janvier 1839 à
son ami et ancien condisciple de Varsovie,
le pianiste Julian Fontana, qui lui servait,
à cette époque, de secrétaire et de copiste.
Il lui annonce l’envoi prochain d’une Ballade (la deuxième, qui sera dédiée à Schumann pour le remercier de lui avoir dédié
ses Kreisleriana), de deux Polonaises (en
la majeur et en do mineur), ainsi que du
troisième Scherzo.
La Mazurka en « mi » mineur op. 41 no
2, les deux Nocturnes de l’opus 37 (sol mineur et sol majeur), enfin l’esquisse de la
Sonate en « si » bémol mineur, dite Funèbre,
appartiennent aussi à cette période.
Cernés par l’hostilité de la population,
une atmosphère quelque peu fantasmatique et surtout un climat qui ne convient
guère à un malade, ils quittent les lieux le
12 février. À Palma, Chopin a une hémoptysie. À Marseille, ils assistent au service
religieux pour l’enterrement du célèbre
ténor Adolphe Nourrit, qui s’est suicidé à
Naples. Bref séjour à Gênes. Et, le 22 mai,
c’est le départ pour Nohant.
La liaison de Chopin et de Sand aura
désormais un caractère conjugal : stabilité, imperméabilité réciproque, récriminations et jalousies, mais accord implicite.
Entre George et ses enfants, Maurice et
Solange, Chopin aura l’illusion d’un foyer.
Ces huit années correspondent à celles de
sa maturité et c’est à Nohant, pendant ces
longs étés, qu’il composera désormais.
Pendant le premier été dans le Berry, il
procède à la révision de l’édition française
des oeuvres complètes de Bach, achève la
Sonate en « si » bémol mineur, les Nocturnes
de l’opus 37 et les Mazurkas de l’opus 41.
Revenu à Paris, Chopin s’installe rue
Tronchet. L’année suivante, il rejoindra
George et les enfants rue Pigalle. Avec
Moscheles, qu’il vient de rencontrer chez
le banquier Léo, il est invité à jouer à
Saint-Cloud devant la famille royale. Le
salon de George voit se mêler artistes et
gens du monde. Chopin continue à enseigner et travaille. Troisième Ballade op. 47,
deux Nocturnes op. 48, la Tarentelle op.
43 - pour ce morceau, s’est-il souvenu de
Gênes ? Plutôt de Liszt et de Rossini.
Le 26 avril 1841, concert très brillant
et mondain chez Pleyel. La chanteuse
Pauline Viardot vient cet été-là à Nohant.
Chopin se sent complètement assimilé
à sa nouvelle famille. « Calme et serein,
écrit-il, comme un bébé au maillot. »
Nouveau concert chez Pleyel, l’hiver
suivant (février 1842), avec Pauline Viardot et Franchomme, qui bientôt remplacera Fontana, parti pour l’Amérique, dans
ses fonctions de factotum. Le même soir
que ce concert, meurt à Varsovie le vieux
Zwyny. Deux mois plus tard, Jas Matuszinski, camarade d’enfance avec qui Chopin a longtemps cohabité, succombe à la
suite d’hémoptysies répétées.
George se hâte d’emmener Chopin à
Nohant où Delacroix fera un long séjour.
Entre les deux hommes est née une profonde amitié. Mais si le musicien reste
étranger au génie du peintre, fermé à toute
discussion esthétique, Delacroix le situe
d’emblée à la place que lui accordera la
postérité. « C’est l’artiste le plus vrai que
j’aie rencontré. »
Cette année 1842 voit naître la quatrième Ballade qui, évoluant vers la fantaisie, tendant vers le style polyphonique,
est la plus dense, la plus prémonitoire :
« géniale improvisation stylisée » où Cortot découvre « les accents précurseurs de
l’impressionnisme ». Le quatrième Scherzo, également contemporain, tout de
lumière et de poésie, semble faire éclater
lui aussi le cadre que Chopin s’est fixé au
départ.
Revenus à Paris, Sand et Chopin
s’installent aux nos 5 et 9, square d’Orléans : « petite Athènes » où logent déjà
Alexandre Dumas, Pauline Viardot et la
comtesse Marliani. Tous n’ont qu’une
cour à traverser pour se rendre les uns
chez les autres. L’année 1843 voit paraître,
éditées en 1844, trois Mazurkas op. 56,
deux Nocturnes op. 55.
Nicolas Chopin meurt à Varsovie le 3
mai 1844, coup terrible pour Frédéric. Sa
soeur Louise et son beau-frère viennent
faire un séjour à Nohant. C’est l’année
de la Sonate en « si » mineur op. 58 et de
la Berceuse op. 57. Au contact des siens,
Chopin a retrouvé des forces. Il continue
de vivre sous la protection de George, qui,
pour sauvegarder les apparences, a toujours affecté de jouer les gardes-malades.
« UNE MYSTÉRIEUSE APOTHÉOSE ».
Sur le plan de la création, et alors qu’il
approche de la fin, Chopin est déjà entré
dans cette phase où, échappant à l’anxiété
et aux fantasmes morbides, il se tourne
paradoxalement vers la joie et la lumière
méditerranéennes. Et c’est, l’année suivante (1845), la merveilleuse Barcarolle,
qui unit au thème ondin le chant du timonier et le balancement des eaux du Switez.
La brisure de l’accord initial dans un lumineux ruissellement annonce Debussy. « Le
Nocturne tristanesque ne nous révélera
pas d’élans plus passionnés, d’inflexions
plus tendres... », note Cortot. Et Ravel
de même, après avoir salué « le thème en
tierces, souple et délicat, constamment
revêtu d’harmonies éblouissantes », voit là
« une mystérieuse apothéose ». Beaucoup
plus que le testament d’une vie et d’une
expérience créatrice, c’est une ouverture
vers l’avenir.
Cette même liberté formelle qui fait
sortir Chopin du cadre qu’il s’est fixé pour
la ballade ou le scherzo - en fait de toutes
les formes utilisées par lui - et déboucher
sur la fantaisie, apparaît de même dans
l’étonnante liberté (le titre indique bien
cette évolution à partir de l’incitation
rythmique originale) de la Polonaise-Fantaisie op. 61 en la bémol majeur terminée
l’année suivante.
Durant cette année 1846, Chopin, qui
depuis des années n’a rien écrit que pour
le piano, revient à la musique de chambre
avec la Sonate pour violoncelle et piano op.
65. Il compose aussi les deux Nocturnes de
l’opus 62.
Son oeuvre n’est pas tout à fait terminée,
mais il a dit l’essentiel. Et bien au-delà de
la « petite note bleue ». Il y aura encore,
l’année suivante (1847), et presque comme
un retour du passé, les trois Valses de
l’opus 64, fixant la perfection du modèle ;
les trois Mazurkas de l’opus 63. Il achèvera
aussi les dix-sept Chants polonais op. 74,
publiés après sa mort par Fontana. Encore
une Valse en 1848, et, en 1849, la dernière
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Mazurka op. 68 no 4, oeuvre ultime. Mais
l’élan créateur est désormais cassé depuis
sa rupture avec Sand (août 1847).
Faut-il en trouver la raison dans les
démêlés autour du mariage de Solange
avec le sculpteur Clésinger ? Ou bien dans
des divergences de tempérament, accrues
chez Sand alors qu’elle aborde sa phase
militante et se tourne vers le socialisme ?
Chopin a toujours fui, chez George, certains invités : Arago, Edgar Quinet, Louis
Blanc. « Étranger à mes idées..., dira Sand,
il ne comprenait que ce qui était identique
à lui-même. »
La mésentente des enfants de George
a certainement précipité la rupture. L’été
1847, pour la première fois depuis Majorque, Chopin n’est pas invité à Nohant.
Se brise cette illusion familiale qui lui est
devenue nécessaire pour vivre et pour travailler.
Dernier concert parisien chez Pleyel le
16 février 1848. Une dernière fois, Chopin
parvient à divulguer à ce public qui s’est
arraché les billets « le mystère d’une exécution qui n’a pas d’analogue dans notre
région terrestre » (Gazette musicale). La
chute de Louis-Philippe empêche le second concert d’avoir lieu, le prive de ses
élèves partis en province et, donc, de ses
ressources.
Un voyage en Angleterre et en Écosse
n’est qu’un recours désespéré qui ne peut
que hâter sa fin. Les concerts sont épuisants pour lui, malgré l’accueil qu’il reçoit
en général.
Il rentre à Paris le 24 novembre
1848. D’abord installé à Chaillot pour éviter l’épidémie de choléra, il admire de loin
le panorama de la capitale. Défilé inces-
sant d’amis et d’admiratrices. Il se décide
à appeler sa soeur. Louise arrive le 8 août.
On le transporte en septembre, au 12,
place Vendôme, côté soleil. Il meurt le 17
octobre 1849.
UN « GÉNIE MUSICAL » RECONNU.
Salué « génie musical » à huit ans, Chopin est né sous le signe de la précocité et
d’une reconnaissance quasi immédiate de
ses dons de pianiste et de compositeur, les
deux étant liés. Quittant Varsovie à vingt
ans, il a déjà écrit ses deux concertos et
s’apprête à réinventer musicalement une
Pologne qu’il vient de perdre définitivement. En fait, il invente tout : lui-même,
ses sources, et, en partie, le piano. Un instrument qu’on entendait pour la première
fois avec cette multiplicité de nuances et de
timbres et qui se révélait à travers lui.
En même temps, dès ses premières
oeuvres, se révèlent une voix intérieure,
une exigence méthodique, un style qui
déjà lui appartiennent en propre. D’autres
se laisseront attirer par les grands développements thématiques et orchestraux,
l’opéra ou le poème symphonique ; Chopin, dès le départ, sait que sa mesure exige
à la fois un cadre plus limité, mais répondant aussi pour chaque morceau à une
incitation immédiate et dominante. Il ne
se réfère pas à des formes établies, mais
cherche dans celles-ci une invitation thématique ou un support rythmique. Valses,
Préludes, ou Mazurkas restent les éléments d’un vocabulaire qu’il utilise sans
contrainte dans le cadre d’une invention
strictement contrôlée.
C’est cette personnalisation transcendante du style, cette variété de l’inspiration, ce sens de la nuance, cette fluidité du
jeu, cette liberté tonale qui ont tant frappé
ses contemporains, aussi bien Schumann,
Berlioz ou Liszt que la critique en général. Sous leur plume, le mot génie quand il
s’applique à Chopin désigne et rend indiscernables les deux aspects de la révélation
qu’il représente : une musique entièrement originale dans des formes nouvelles
ou renouvelées (scherzo, prélude, sonate,
etc.), une musique puisant idéalement aux
sources d’un folklore largement réinventé,
enfin, à travers celle-ci, une écoute absolument neuve de l’instrument.
Si cette admiration lui est acquise dès
ses premiers contacts avec les autres
musiciens, elle ne l’amène pas pour autant à se départir d’une certaine réserve.
Les concerts le rebutent et les manifestations d’un vaste auditoire l’effraient plus
qu’elles ne le rassurent. Chopin ne se
conçoit pas comme un improvisateur sur
des thèmes lancés par la salle. Là encore,
il sait choisir sa mesure : un cadre assez
restreint - élèves, amis, admiratrices dévouées -, cellule d’un culte appelé à toucher très vite d’autres milieux.
Ce choix initial d’une élite, d’une aristocratie ouverte à la musique, a sans doute
été pour lui à l’origine d’un malentendu
qui s’est maintenu par la suite, du fait
d’interprètes mineurs ou débutants alanguissant à plaisir la phrase et le rythme.
Chopin n’a pas à être lavé du reproche
d’être un musicien de salon, ou voué au
morbide et aux évanescences. L’oeuvre,
même quand elle paraît relativement accessible, reste d’un niveau transcendant
et échappe aux apprentissages et même
aux aptitudes moyennes. Trahie dès que
le côté brillant ou nostalgique de certaines pages est trop souligné, elle exige
de l’interprète cette suprême maîtrise,
cette totale intelligence du texte, enfin ce
complet équilibre entre la virtuosité et
l’inspiration, seul capable, comme Chopin
lui-même l’a indiqué, de réconcilier « les
savants et les sensibles ». Aux antipodes de
la facilité et de l’épanchement, cet extrême
raffinement, ces fluctuations de la tonalité, ces dissonances, ces alternances dynamiques, ces ruptures d’accords arpégés,
ces délicates parures entraînées par ce jeu
coulé amènent une sorte de transparence,
de luminosité impressionniste, qui font de
lui un jalon essentiel et l’ancêtre direct de
Claude Debussy.
Encore ne faut-il pas oublier que la véritable nature du musicien est tout entière
dans ces alternances dynamiques, entre la
sérénité et de soudains déchaînements de
violence, entre la pudeur, le repli sur soi et
de soudaines révoltes créant tout à coup
une sorte de climat visionnaire, de sursaut
épique. Génie multiple à la mesure d’une
sensibilité riche, diverse, angoissée, mais
allant au-delà de ses fantasmes, de ses
drames personnels et capable d’inscrire
au côté de ceux-ci le drame de son peuple
luttant contre l’oppression.
Chopin est le premier compositeur de
son niveau à s’être voué uniquement au
piano, révélant - et d’abord aux virtuoses
de son temps - une technique brimant les
usages de l’époque, un jeu « en souplesse »
plutôt que « en force », des attaques, des
intervalles vertigineux, une mobilité de la
main, une éducation du doigté qui introduit l’intelligence et la sensibilité dans le
pur mécanisme, une rapidité foudroyante
du trait, un usage conjugué des deux
pédales, le tout concourant à la complète
maîtrise du clavier et de l’instrument.
Si, compositeur, Chopin donne à tout
ce qu’il produit de solides bases harmoniques, enferme l’apparente improvisation dans un réseau d’indications d’une
netteté voulue, il a certainement rêvé
d’une « méthode des méthodes », rassemblant l’essentiel de son enseignement. Plus
exemplaire que réellement pédagogue, il
s’en est tenu à une dizaine de pages, assez
persuadé, on peut le penser, que l’expérience essentielle du pianiste était incluse
dans sa musique, et plus valablement que
dans un traité.
Au coeur de ce qu’on a souvent appelé
le « secret de Chopin », l’emploi du rubato,
cette liberté de mouvement comportant
l’altération du temps dans certains passages afin de souligner l’expression. C’est
une erreur à coup sûr d’affirmer comme
Berlioz : « Chopin supportait mal le frein
de la mesure ; il a poussé beaucoup trop
loin, selon moi, l’indépendance rythmique. » L’exigence de celui-ci est toute
différente. Temps dérobé, mesure souple
(en général à la main droite), le rubato
donne à la phrase mélodique dans la partie
chantante un accent de terroir en soulignant l’expression. Mais lui-même, dans
une formule célèbre, limite les risques
d’une interprétation trop poussée d’une
telle licence : « Que votre main gauche soit
votre maître de chapelle et garde toujours
la mesure », dit-il à Georges Mathias.
Ainsi, quelle que soit la nature du sentiment qui l’amène à la création, tout
s’équilibre chez Chopin autour des exigences rationnelles et dans une complexe
alchimie. Son coup de génie, c’est d’avoir
eu, à dix-neuf ans, la révélation de cette
exigence à la fois méthodique et transcendownloadModeText.vue.download 206 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
200
dante en composant sa première Étude,
après avoir entendu Paganini et par référence à Bach, son musicien préféré avec
Mozart. Et aussi, en opérant ce choix
essentiel, en dehors de tout programme
anecdotique : « La musique et la musique
seule. »
Un sensible, oui, mais comme peut
l’être un très grand poète : à partir d’un
langage original, entièrement dominé, et
aussitôt identifiable. Chopin est, en plein
romantisme, tant par son caractère, ses
goûts littéraires et artistiques, tourné vers
le XVIIIe siècle. Par ses réticences personnelles face à certains témoins de son
temps, il est, sinon un classique, du moins
un être cultivant l’intériorité, étranger à
tous les messianismes, à tous les déballages prophétiques. Le premier musicien, à
coup sûr, à avoir exprimé de façon persuasive son identité personnelle. Ce pudique
ne nous parle que de lui-même. Dans ces
alternances de passion et d’exigence formelle qui forment la structure de presque
chaque morceau, il dessine peu à peu, par
touches successives, son paysage intérieur.
S’il ne refuse pas le développement, le style
rhapsodique, la variation, il ne se soumet
jamais à la musique à programme. Ses plus
intenses intuitions, Chopin les livre de
façon concise, sans se répéter, tantôt dans
une sorte de sursaut, tantôt sous le couvert du secret et de l’énigme. Beaucoup s’y
sont trompés : sous le masque du sylphe,
Chopin lui aussi écrivait « la musique de
l’avenir », et, après lui, le piano n’a plus été
ce qu’il était avant lui.
Le cantabile si caractéristique de sa
mélodie permet-il de parler de son italianisme ? On sait qu’il recommandait à
ses élèves d’utiliser le chant et que d’autre
part il était passionné d’opéra et a eu des
contacts avec les plus grands chanteurs
de son temps. Une certaine plénitude du
phrasé mélodique, l’accent direct et pathétique de certains thèmes peuvent évoquer
le style vocal, mais, si l’influence n’est pas
à récuser, il est évident que son « italianisme » subit lui aussi une complète métamorphose et que la version qu’il nous en
donne est spécifiquement instrumentale.
Même métamorphose d’ailleurs pour la
Barcarolle. Chopin ne réussit jamais à être
autre chose que lui-même.
En revanche, la « mélodie natale »,
ce mélange de nostalgie slave (le zal)
et de bravoure patriotique, est chez lui
constamment présente. Mais cet apport
lui aussi se trouve transfiguré, « personnalisé », même dans les mazurkas où la référence est directe au plan de l’émotion et de
l’intention poétique, exceptionnellement
au plan de la citation. Chopin procède
moins par réminiscence que par analogie,
la « mélodie natale » n’étant jamais plus
vraie chez lui que lorsqu’il l’invente. De
même, jamais avant lui la polonaise n’a été
traversée par ce souffle de révolte et n’a
été, pour ceux qui la dansaient, ce poème
visionnaire.
Néanmoins, ces citations, imaginaires
pour la plupart, font pour la première fois
entrer le folklore musical dans le cycle des
nationalités et de la lutte des peuples pour
leur libération. Il reste que ce choix thématique (cette réinvention plutôt) n’a aucun
caractère scientifique ou documentaire.
Indépendamment du besoin qu’éprouvait
Chopin de se maintenir ainsi en contact
avec les siens et de faire preuve de fidélité
patriotique, ce choix va dans le sens de la
mobilité rythmique et de la liberté tonale,
et c’est là une recherche qui sera poursuivie de façon plus poussée par la suite par
d’autres musiciens à la recherche soit de
leur identité propre, soit d’une identité
régionale.
LE PHÉNOMÈNE CHOPIN.
Si l’on considère maintenant l’extraordinaire postérité de Chopin en regard de
la triple revendication de celui-ci - choix
du piano contre la collectivité orchestrale,
choix des petites formes contre l’opéra ou
la symphonie, choix enfin d’un cercle restreint de fidèles et d’admirateurs -, on ne
pourra que s’étonner de l’éclatement de ce
cadre volontairement limité et de la diffusion toujours plus grande de l’oeuvre. Pas
de traversée du désert pour cette dernière,
pas de retombée de cet engouement audelà des images légendaires du musicien
agonisant, qu’on peut tenir désormais
pour anecdotiques et marginales.
Ce qui frappe aujourd’hui, quand on
examine le phénomène Chopin dans
le monde, dégagé d’un certain contexte
morbide passé à l’arrière-plan, c’est son
extrême vitalité. Point tant parce que la
Pologne a fait de Chopin un héros national, mais parce qu’il reste, au plus haut
niveau, par ses oeuvres, une sorte de test,
aussi bien pour les jeunes virtuoses au
début de leur carrière et voulant se situer
sur la scène internationale que pour les
gloires confirmées du clavier, lesquelles,
d’une génération à l’autre, se sont transmis le flambeau.
De Liszt à Anton Rubinstein et à Paderewski, de Cortot à Horowitz et à Lipatti, Chopin n’a jamais cessé d’être servi,
en effet, par les plus grands interprètes. Il
reste encore à travers le monde un des musiciens les plus joués en concert. Et, bien
entendu, un des plus enregistrés. Au catalogue des grandes gravures historiques,
un ensemble d’intégrales monumentales
permet non seulement de comparer au
plus haut niveau des interprétations remarquables, souvent opposées (Claudio
Arrau ou Horowitz), mais également de
faire apparaître la diversité, l’énorme pouvoir de renouvellement de l’oeuvre.
L’attrait que cette oeuvre exerce sur le
public et sur les jeunes pianistes apparaît dans l’intérêt international soulevé
depuis 1927 par le concours Chopin de
Varsovie. Pour l’année 1980, le nombre
de demandes d’admission, venant de 21
pays, a dépassé 200 candidats : 171 ont
été retenues parmi ces très nombreuses
demandes.
Si Bayreuth ou Salzbourg contribuent
à maintenir le culte d’une oeuvre donnée
au niveau de la perfection en recourant
pour chaque festival à des interprètes déjà
mondialement reconnus et confirmés, le
concours de Varsovie, en fixant la limite
d’âge à 32 ans, s’emploie à unir le prestige et la défense de l’oeuvre de Chopin
en révélant de nouveaux talents dans une
compétition largement internationale,
véritable compétition olympique dans le
domaine du piano.
Des noms comme celui de Chostakovitch, d’Uninski, de Malcuzinski, avantguerre, et, plus récemment, d’Harasiewiecz, d’Ashkenazy, de Pollini, de
Marta Argerich et de Zimmermann
suffisent à en souligner l’importance et
l’impulsion qu’il peut donner à un jeune
virtuose. Longtemps la prééminence des
Russes et des Polonais a semblé être la
règle. La compétition est de plus en plus
ouverte, et l’apparition de l’Iran et de la
Chine, mais, surtout, la percée des pia-
nistes japonais prouvent à quel point le
phénomène Chopin échappe aux limites
culturelles du monde occidental. L’écho
de cette oeuvre et de cette grande voix
intérieure a trouvé sa vraie dimension audelà des limites que peut-être l’artiste a
désirées et qu’il jugeait les plus favorables
à sa propre survie et à son propre épanouissement.
CHOPIN (Henri), compositeur français
(Paris 1922).
Polyvalent et cosmopolite, semant, au
cours de ses tournées et de ses voyages,
concerts, expositions, essais, romans,
poèmes, films expérimentaux, il est un des
principaux auteurs de « poésie sonore »
ultralettriste enregistrée. Par rapport à ses
pairs dans cette technique (Bernard Heidsieck ou François Dufrene) qui utilisent
généralement la bande magnétique comme
un simple support, une « mémoire » objective de leurs travaux, son originalité fut
d’utiliser dès le début les manipulations
électroacoustiques pour transformer le
matériau vocal.
CHORAL.
L’adjectif s’applique à tout ce qui concerne
les choeurs : musique chorale, formation
chorale. Par extension, le substantif est
employé pour ensemble choral, choeur.
Mais le terme de choral désigne deux
formes musicales précises : d’une part les
cantiques luthériens, qu’ils soient à l’unisson ou harmonisés, d’autre part les pièces
pour orgue basées sur ces mélodies de cantiques.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
201
Les premiers recueils de chorals luthériens furent publiés dès 1524, aux tout
débuts de la Réforme. Luther ayant fondé
la pratique cultuelle de la religion nouvelle
sur le chant collectif, à la maison ou au
temple, il entreprit aussitôt, avec plusieurs
collaborateurs, de rédiger les poèmes
de ces cantiques - chants de louange,
d’enseignement, paraphrases du dogme,
psaumes. La musique de ces cantiques fut
soit composée spécialement (Luther luimême y participa, avec Agricola, Heyden,
Walter, etc.), soit, souvent, empruntée à
des mélodies existant antérieurement plain-chant, mélodies religieuses, chansons profanes. Le style musical des chorals
est de caractère populaire, d’intonation
facile et de carrure marquée, en phrases
courtes correspondant à des vers généralement de huit pieds, avec ponctuation régulière en fin de phrase. Ce style populaire
et cette simplicité de chant ont contribué
au succès rapide des chorals, diffusés par
de très nombreux recueils imprimés. La
composition des chorals s’est poursuivie
tout au long des XVIe et XVIIe siècles, en
particulier pendant la guerre de Trente
Ans ; les oeuvres écrites par la suite en ont
souvent dénaturé le caractère, et l’Église
luthérienne est revenue, aujourd’hui, à ses
vieux chants authentiques.
Dès le XVIe siècle, le choral, comme
d’ailleurs le psaume, qui en est l’équivalent
dans l’Église protestante française, a fait
l’objet d’harmonisations à plusieurs voix,
mais préservant la simplicité d’exécution
pour les assemblées de fidèles. Également
très répandu, le genre fut illustré par des
compositeurs comme Schein, Praetorius,
Franck ou Hassler au XVIe siècle. C’est ce
type de choral qui ponctue les cantates
d’église de Bach.
Les mélodies de chorals et les textes
religieux qui y sont attachés ont si fortement imprégné la sensibilité du monde
culturel luthérien, que les compositeurs
ont très tôt pris l’habitude de les citer dans
leurs oeuvres, souvent en cantus firmus. Le
procédé a d’ailleurs dépassé le domaine
d’expression germanique et de foi protestante. C’est ainsi que l’un des chorals fondamentaux de l’Église réformée, Ein feste
Burg ist unser Gott (« C’est une puissante
forteresse que notre Dieu »), circule dans
toute la musique religieuse luthérienne
(chez Bach, à de nombreuses reprises),
mais aussi dans des oeuvres symphoniques
ou théâtrales comme la Symphonie no 5 de
Mendelssohn (« Réformation »), l’ouverture des Huguenots de Meyerbeer ou l’Histoire du Soldat de Stravinski.
À l’orgue, le choral a été traité de diverses manières, soit pour introduire
(« préludes de choral »), soit pour commenter (chorals variés) le chant du choral
par l’assemblée. La mélodie du choral est
exposée et accompagnée en un contrepoint dont les éléments rythmiques,
harmoniques et mélodiques illustrent
de façon souvent figurée et poétique les
thèmes liturgiques et les intentions religieuses exprimées par le texte du choral.
Le thème du choral se prête aussi à être
traité en sujet de fugue, en fantaisie ou
en partita : la mélodie, exposée en harmonisation simple, fait ensuite l’objet de
variations (une par strophe de texte). Le
chef-d’oeuvre du choral varié est les variations canoniques sur Vom Himmel hoch
de J. S. Bach. Schein, Scheidt, Sweelinck,
Buxtehude, Pachelbel, J. S. Bach surtout,
ainsi que leurs élèves, ont été parmi les
principaux compositeurs de chorals pour
orgue. On a continué à en écrire au XIXe et
au XXe siècle (Brahms, Reger) ; mais certaines pièces de ce nom, comme les trois
chorals de César Franck, n’utilisent pas de
mélodie de choral et ne se réfèrent pas à
l’un des types de chorals d’école.
CHORALES.
Il est probable que toutes les civilisations
de l’Antiquité ont pratiqué le chant choral
à titre religieux, patriotique, militaire ou
simplement artistique, mais les premières
chorales organisées de l’ère chrétienne
ont été celles des églises, paroissiales ou
conventuelles. (Une maîtrise de NotreDame existait à Paris dès le VIIe siècle). Il
y eut ensuite, à partir de la fin du Moyen
Âge, des chorales de cour que de nombreux
princes, à commencer par le pape, entretenaient au même titre que leurs « bandes »
de musiciens. Un troisième type de chorales naquit en Allemagne, à l’époque de
la Réforme, avec la création de véritables
sociétés (Kantoreigesellschaften), dont
l’exemple fut suivi en France avec un siècle
de retard. La première académie musicale
française de ce genre semble avoir été celle
de Rouen, en 1662. Enfin, l’invention italienne de l’opéra et sa diffusion dans toute
l’Europe entraînèrent la formation de chorales d’un quatrième type, attachées à des
théâtres. Toutes ces catégories, sans parler
des chorales militaires des pays slaves, sont
toujours représentées et, dans certains cas,
par des formations fort anciennes. La maîtrise de Notre-Dame, déjà mentionnée, est
treize fois centenaire ; la Thomaschule de
Leipzig date de 1312, et les Wiener Sängerknaben sont ceux de la Hofburgkapelle,
fondée en 1498 par l’empereur Maximilien. L’Allemagne possède bien d’autres
chorales célèbres, telles que les Regensburger Domspatzen (Ratisbonne), le Kreuzchor de Dresde ou la Capella Antiqua de
Munich. Mais la Grande-Bretagne (John
Alldis Choir, Ambrosian Singers, Monteverdi Choir) ou l’Espagne (le Pays basque
surtout) sont aujourd’hui à peine moins
riches en belles voix disciplinées.
De presque tous les pays d’Europe,
auxquels il convient de rattacher l’Amérique du Nord et l’ex-Union soviétique,
la France passe pour être la plus démunie
sous ce rapport. Pourtant, la liste serait
longue des chorales qui y ont prospéré
de la Révolution à nos jours. Citons au
moins le choeur de la Société des concerts
du Conservatoire (1828), ancêtre de notre
choeur de l’Orchestre de Paris, la Société
pour la musique vocale religieuse et classique (1843), l’Orphéon municipal que
dirigea Gounod, l’Harmonie sacrée de
Charles Lamoureux (1873), Concordia
(1879), et plus récemment la chorale Félix-Raugel (1928-1945), la psallette NotreDame de Jacques Chailley, la chorale
Yvonne-Gouverné, la chorale ÉlisabethBrasseur, l’ensemble vocal Marcel-Couraud, la chorale Audite Nova, l’ensemble
vocal Philippe-Caillard, l’ensemble vocal
Stéphane-Caillat, le Choeur national de
Jacques Grimbert, sans oublier les choeurs
de l’Opéra transfigurés par Jean Laforge,
les choeurs et la maîtrise de Radio-France.
Ajoutons à ces formations professionnelles ou semi-professionnelles les
Chanteurs de Saint-Eustache, importante chorale d’amateurs qu’anime le
R. P. Émile Martin, et des ensembles de
province justement réputés : la Cigale de
Lyon, l’Ensemble vocal de Lyon, la chorale Saint-Guillaume et le Choeur de la
cathédrale de Strasbourg, l’ensemble vocal
Jan de Ockeghem de Tours, l’Ensemble
vocal de Nantes, l’Ensemble vocal de Toulouse, l’Ensemble vocal universitaire de
Montpellier, l’ensemble vocal Josquin Des
Prés à Poitiers, l’ensemble vocal Da Camera à Bourges, la maîtrise Saint-Évode
de Rouen, la maîtrise de la cathédrale
de Reims, la maîtrise de la cathédrale de
Dijon, la maîtrise Gabriel-Fauré à Marseille. Et aussi les quelque 500 chorales
d’amateurs que groupe le mouvement À
coeur joie fondé par César Geoffray.
CHÔRO (mot brésilien, d’origine africaine).
Le xôlo des Cafres, chanté et dansé, ayant
été introduit à Rio de Janeiro vers 1850,
devenu, par déformation, « xôro », puis
« chôro », désignait, à l’origine, les groupes
d’instruments populaires (mandoline,
guitare, ou petite guitare nommée cavaquinho, cornet à piston, trombone, flûte,
clarinette, ophicléide) qui jouaient des sérénades et des musiques de danse (valses,
polkas, lundus, tangos ou schottisches) ou
se livraient à des improvisations dominées
par un soliste et employant la technique
de la variation. Par extension, le terme en
vint à s’appliquer aux morceaux exécutés
par ces groupes, dans une nuance sentimentale qu’on généralisa abusivement
pour en faire le trait le plus caractéristique, jusqu’au moment où d’autres danses
moins languides (assustados ou arrasta-pé)
furent également désignées ainsi.
Avec Villa-Lobos enfin, le chôro devint
« une nouvelle forme de composition musicale qui synthétise les différentes modadownloadModeText.vue.download 208 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
202
lités de la musique brésilienne, indienne
et populaire », en se proposant d’évoquer
les lois de la nature et jusqu’aux sensations
physiques comme le climat, la couleur et
l’odeur des pâturages brésiliens. Parmi les
16 chôros que Villa-Lobos a laissés, certains n’utilisent qu’un instrument (piano
ou guitare) alors que d’autres font appel
à des formations importantes (orchestre,
fanfare et choeur).
CHORO (Alexandre Étienne), compositeur et musicologue français (Caen
1771 - Paris 1834).
Prodigieusement doué, il parlait et écrivait, à 15 ans, le latin, le grec et l’hébreu ; il
fut secrétaire particulier du mathématicien
Gaspard Monge et apprit la théorie musicale après avoir été reçu à l’École polytechnique et à l’École des mines. Il publia, en
1806, une Collection générale des oeuvres
classiques, où figuraient Josquin Des Prés,
Goudimel, Palestrina, Carissimi ; en 1808,
les Principes de composition des écoles d’Italie ; et, en 1811, les Considérations sur la
nécessité de rétablir le chant de l’Église de
Rome dans toutes les églises. Chargé en 1812
de réorganiser les maîtrises des églises, il
fut nommé directeur de l’Opéra en 1816,
mais dut démissionner dès 1817. Il fonda
alors l’Institution royale de musique clas-
sique et religieuse, qui exista jusqu’en
1830, et, avec ses élèves, donna tous les
mois des concerts destinés à éduquer le
public et au cours desquels eurent lieu les
premières auditions, à Paris, d’oeuvres de
Bach, Haendel, Palestrina. Il a composé
de la musique d’église et des romances,
mais on doit surtout saluer en lui l’esprit
universel et érudit, l’animateur infatigable
et le pédagogue de talent qui, avant Fétis,
témoigna d’une curiosité féconde pour les
musiciens des XVe et XVIe siècles.
CHOSTAKOVITCH (Dimitri), compositeur russe (Saint-Pétersbourg 1906 Moscou 1975).
Chostakovitch aura été marqué jusque
dans son hérédité. Sa famille était d’origine
sibérienne, son grand-père paternel, révolutionnaire polonais, ayant été déporté
dans cette partie du monde. La musique
régnait au sein du foyer familial. Le père,
ingénieur, possédait une jolie voix et chantait ; la mère pratiquait le piano et donnait des leçons aux enfants. Dimitri entra
à treize ans au conservatoire de sa ville
natale pour étudier le piano et la composition, notamment avec Maximilien Steinberg. Le conservatoire était alors dirigé
par Alexandre Glazounov. C’est au cours
de ses études qu’il écrivit ses premières
oeuvres, dont les Danses fantastiques pour
piano (1922) et la Première Symphonie
(1925), une des symphonies les plus mûres
composées par un musicien de dix-neuf
ans. Plus tard, en 1937, il fut nommé professeur à ce même conservatoire. Installé
à Moscou en 1943, il enseigna au conservatoire tout en poursuivant son activité
créatrice. La renommée de Chostakovitch
à l’étranger connut une extension considérable, notamment en Grande-Bretagne,
à partir des années 1960, alors que dans
un pays comme la France les tenants d’un
concept étroit d’avant-garde se livraient à
des commentaires peu amènes, sans disposer des pièces indispensables à la pleine
connaissance du sujet, comme les opéras le
Nez et Lady Macbeth de Mzensk ou les Quatrième et Huitième Symphonies, longtemps
frappés d’interdit par le régime soviétique.
Chostakovitch concevait généralement ses
compositions dans sa tête, pour les jeter
fébrilement sur le papier. La maladie qui
le mina au cours des dernières années de
sa vie n’entama pas ses facultés : c’est peu
de jours avant sa mort qu’il acheva son
opus 147, la Sonate pour alto et piano. Dès
1927, le gouvernement de son pays lui
commanda une symphonie, la Deuxième,
afin de commémorer l’anniversaire de
la révolution d’Octobre. Ce fut le début
d’une étrange carrière de compositeur
« officiel », marquée par une alternance
spectaculaire de consécrations et de réprimandes. Après quelques années de franc
succès, la Pravda dénonça violemment, le
26 janvier 1936, le « chaos au lieu de musique » qu’aurait été l’opéra Lady Macbeth
de Mzensk, pourtant inspiré d’un grand
classique russe de même titre dû à Nikolai
Leskov. Vinrent les purges staliniennes, au
cours desquelles Chostakovitch échappa
de peu à une arrestation. Pour couper
court à toute nouvelle attaque, il décida de
ne pas faire jouer sa Quatrième Symphonie,
oeuvre de toutes les audaces. Il rentra en
grâce avec une symphonie qui, pour être
plus classique, n’en est pas moins dramatique, la Cinquième (1937). Au cours de
la guerre, sa Septième Symphonie (1941)
célébra l’héroïque résistance de Leningrad contre l’assiégeant hitlérien. Mais, en
1948, le rapport Jdanov définissant l’esthétique du « réalisme socialiste » frappa de
nouveau Chostakovitch et sa Neuvième
Symphonie de 1945. Reconsidéré avec le
Chant des forêts (1949), le musicien allait
encore être mis à l’index en 1962 lorsqu’il
s’attaqua, par le truchement des poèmes
d’Evgueni Evtouchenko, dans sa Treizième
Symphonie, aux calamités qui s’étaient
abattues sur la société soviétique avec le
stalinisme : l’antisémitisme, l’oppression,
l’angoisse quotidienne, l’arrivisme.
L’art de Chostakovitch s’attache à
traduire l’âme russe jusque dans ses
moindres replis. D’une santé précaire, de
caractère visiblement pessimiste, Chostakovitch est, d’ordinaire, dramatique et
solennel, mais il abonde volontiers, aussi,
dans une veine satirique souvent grinçante
(scherzos de nombreuses de ses oeuvres,
ballet l’Âge d’or, 1929-30). Si, lors de ses
débuts, il s’intéressa à l’avant-garde occidentale, notamment à Berg, Stravinski et
Hindemith, et conçut des oeuvres hardies
comme l’opéra le Nez, dès la fin des années
20, il semble s’être résolu à n’écouter que
les voix de la Russie éternelle, élaborant
petit à petit un langage très personnel,
quoique fidèle dans l’ensemble au système
tonal, un langage hors du temps quant à
la « technique », et cependant très proche
de la sensibilité contemporaine. Dans
cette perspective, les oeuvres des dernières
années sont parvenues à des sommets,
souffrant moins que les précédentes de
certaines inégalités. Mais Chostakovitch
peut être un musicien d’une exceptionnelle puissance, capable aussi bien d’évoquer d’immenses horizons ou des faits
épiques que de plonger profondément
dans l’âme humaine, ou encore de faire
preuve d’une verve sarcastique. Bien souvent il s’élève, même si son écriture reste
relativement traditionnelle, au niveau des
plus grands, parvenant à marier la profondeur visionnaire d’un Moussorgski (qu’il
étudia toute sa vie) et l’appareil musical
d’un Mahler, dont il est l’héritier direct, au
moins dans le domaine symphonique (notamment Quatrième Symphonie). Aussi ne
faut-il pas s’étonner s’il s’épanouit dans
les formes consacrées du quatuor et de la
symphonie et si plusieurs de ses oeuvres
les plus délibérement néoclassiques (Préludes et fugues op. 87 pour piano [195051]) comptent également parmi ses réussites les plus inspirées.
L’essentiel de son oeuvre se compose
de quinze symphonies (le projet de Chostakovitch était d’en écrire vingt-quatre) ;
de quinze quatuors à cordes (vingtquatre étaient également envisagés) ; de
six concertos (deux pour violon, deux
pour violoncelle, deux pour piano dont
un avec trompette) ; de trois opéras (le
Nez, d’après Gogol, 1928 ; Lady Macbeth
de Mzensk ou Katerina Ismaïlova, d’après
Leskov, 1932, 1re représentation, Leningrad, 22 janvier 1934, révisé en 1962 ; les
Joueurs, d’après Gogol, 1941, resté inachevé) ; d’une opérette (Moscou, quartier
Tcheriomouchki, 1958), de trois ballets
(l’Âge d’or, 1929-30 ; le Boulon, 1930-31, le
Clair-Ruisseau, 1934-35) ; de nombreuses
oeuvres de formes et de fonctions diverses
pour orchestre ou petit ensemble ; de très
nombreuses musiques de scène (notamment pour Maïakovski et pour Hamlet
de Shakespeare) et de films (dont la
Montagne d’or, 1931, et l’Homme au fusil,
1938) ; d’un oratorio (le Chant des forêts,
1949) ; de cantates (l’Exécution de Stenka
Razine, poème d’Evtouchenko, 1964) ;
de mélodies ; de nombreuses oeuvres de
chambre (du duo à l’octuor) et pour piano
seul (deux sonates, vingt-quatre Préludes
et fugues). Chostakovitch a, en outre, proposé (1940) une orchestration de Boris
Godounov de Moussorgski, plus proche de
l’original que celle de Rimski-Korsakov,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
203
ainsi qu’une restructuration et réochestration de la Khovanchtchina (1959) du
même Moussorgski.
C’est un retour à la musique vocale qui a
caractérisé la production du compositeur
au cours des dernières années de son existence. Loin de constituer un cas d’espèce,
la Treizième Symphonie, qui avait été précédée par un cycle de 5 mélodies pleines
d’ironie, les Satires (1960), sur des poèmes
de Sacha Tchiorny, a été suivie par une
oeuvre dominant son époque par la force
de son inspiration et de son caractère
émotionnel, la Quatorzième Symphonie
(1969), où, grâce à un choix judicieux de
poèmes de García Lorca, Apollinaire, Küchelbecker et Rilke, Chostakovitch a fait
partager ses interrogations sur le sens de la
vie, la solitude de l’homme et de l’artiste,
la mort. L’un des thèmes fréquemment
présent au sein de cet âge philosophique
est celui de l’écrasement de l’artiste créateur par un pouvoir tyrannique, et la liste
des cycles vocaux ne serait pas complète
sans l’évocation des Sept Romances sur des
poèmes d’Alexandre Blok, chef-d’oeuvre
d’élévation et de pureté (1967), des Six
Poèmes de Marina Tsvetaveva (1974), de la
Suite sur des vers de Michel-Ange (1974), et
des Quatre Stances du capitaine Lebiadkine
d’après Dostoïevski (1975).
Purement instrumentale, l’ultime Quinzième Symphonie (1971), plus sereine devant le destin, semble tirer sa substance
de l’assurance de la continuité de la vie
observée dans la nature elle-même.
La mort d’un des musiciens les plus
mystérieux du vingtième siècle a été suivie de la parution de divers documents.
Témoignage, les Mémoires de Dimitri
Chostakovitch, recueilli par le musicologue soviétique Solomon Volkov (traduction française André Lischke, 1980),
a suscité des réserves par le fait même que
Chostakovitch ne se confiait jamais par
la parole et qu’on y a retrouvé des textes
déjà publiés dans la presse soviétique. En
revanche, la portée de Lettres à un ami
(traduction française Luba Jurgensova,
1994) est apparue indiscutable. Ces lettres,
adressées par Chostakovitch au fil des
ans à Isaac Glikman, son ami, confident
et collaborateur de toujours, fournissent
des informations sur ses problèmes de
création et ses soucis quotidiens. On y
voit comment le musicien, au plus fort de
l’adversité, préservait son énergie grâce à
un humour subtil. À ces précieuses pièces
du dossier s’ajoute un document musical
longtemps resté caché dans ses papiers
personnels. En 1948, condamné comme
Prokofiev et Khatchaturian par le décret
de Jdanov, il exerça toute son ironie dans
une cantate satirique, Raïok (galerie de
portraits), où Staline, Chepilov et Jdanov
sont mis en scène et ridiculisés pour leur
mauvais goût musical et leurs travers oratoires dans un style d’opérette volontairement simplifié.
CHOU (Weng-chun), compositeur américain d’origine chinoise (Chefoo, Chine,
1923).
Il a étudié à Shanghai (1941-1945) et à Boston (1946-1949), ainsi qu’avec B. Martinu
(1949) et E. Varèse (1949-1954). Citoyen
américain en 1958, il est entré en 1964 à la
faculté de musique de l’université Columbia. Sa musique, qui incorpore la tradition
et les chants populaires chinois dans une
syntaxe occidentale allant jusqu’au contrepoint atonal, s’inspire aussi volontiers de
prétextes anecdotiques ou pittoresques
liés au folklore chinois : d’où son coloris
particulier. Sa production comprend notamment Landscapes (1949, 1re aud. San
Francisco 1953), All in the Spring Wind
(1952-53) et And the Fallen Petals (1954)
pour orchestre, Yü Ko pour 9 exécutants
(1965), Yün pour vents, 2 pianos et percussion (1969). On lui doit aussi divers écrits,
en particulier sur Varèse.
CHOUDENS.
Maison d’édition musicale fondée en 1845
par Antoine de Choudens (mort en 1888).
Elle fut ensuite dirigée par ses fils
Antoine et Paul, par Paul seul jusqu’à
sa mort en 1925, puis par les gendres de
Paul, Gaston Chevrier et André Leroy.
À sa tête, se trouve actuellement André
Chevrier de Choudens. Le fonds réputé de
cette maison comprend une grande quantité d’ouvrages lyriques de Berlioz, Bizet,
Gounod, Bruneau, Offenbach, Messager,
Bondeville, Landowski, etc., des musiques
de film, des oeuvres symphoniques de
compositeurs français contemporains, des
solfèges, méthodes et ouvrages pédagogiques divers.
CHOWNING (John M.), compositeur
américain (1934).
Il a fait ses études musicales (percussion,
écriture, composition) à Stanford et à Paris
avec Nadia Boulanger. Il révolutionna, à
Stanford vers 1965, la synthèse directe
des sons par ordinateur, en inventant une
technique originale et pratique de synthèse
des timbres complexes par modulation de
fréquence (brevets américains). De ses travaux, qui ont porté également sur la simulation de trajectoires sonores dans l’espace
par des sons de synthèse, l’acquis appartient désormais au « fonds commun » de
la recherche internationale : il en a illustré
brillamment l’efficacité sur le plan sonore
par des oeuvres comme Turenas, Sabalith,
Stria.
Directeur du Stanford Computer Music
Project depuis 1975, John M. Chowning
a collaboré étroitement avec l’I.R.C.A.M.
après la création de cet organisme.
CHRÉTIEN DE TROYES. trouvère du
XIIe siècle, d’origine champenoise.
Il résida longtemps à la cour de Champagne, puis eut pour protecteur Philippe
d’Alsace, comte de Flandre. Avec ce poètemusicien s’instaura un véritable renouveau poétique ; Chrétien de Troyes fut en
effet le premier à faire passer le lyrisme
provençal dans la langue d’oïl, ceci sur les
conseils d’une autre protectrice, Marie de
Champagne, fille de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine. Si deux de ses chansons
seulement nous sont parvenues (Amors
tançon et bataille ; D’amors qui m’a tolu a
moi), il a laissé cinq « romans » écrits en
octosyllabes : Erec et Enide (v. 1170), Cligès
(v. 1176), le Chevalier au lion ou Yvain, le
Chevalier de la charrette ou Lancelot, ces
deux derniers ouvrages écrits entre 1177 et
1181. Tous deux s’inspirent des légendes
celtiques du roi Arthur. Enfin, et surtout,
il écrivit un autre « roman », empreint
d’un grand mysticisme, le Conte du Graal
ou Perceval, commandé par Ph. d’Alsace
en 1180 et resté inachevé. Ce conte devait
être traduit et chanté par le minnesinger Wolfram von Eschenbach, comme le
fit Gottfried de Strasbourg pour Tristan.
C’est de cette version allemande du Graal
que Wagner allait s’inspirer, au XIXe siècle,
pour composer son dernier drame lyrique,
Parsifal (Bühnenweihfestspiel).
Le style de Chrétien de Troyes est à la
fois novateur et fort élégant.
CHRISTIE (William), claveciniste et chef
d’orchestre américain naturalisé français
(Buffalo 1944).
Il étudie le piano, l’orgue et le clavecin, notamment avec R. Kirkpatrick. Diplômé de
Harvard et de Yale, il s’installe en France en
1971 et enregistre son premier disque pour
l’O.R.T.F. Parallèlement, il continue ses
études de clavecin avec Kenneth Gilbert et
Davitt Füller. De 1971 à 1975, il fait partie
du Five Centuries Ensemble, groupe expérimental consacré aux musiques ancienne
et contemporaine. En 1976, il rejoint le
Concerto vocale dirigé par René Jacobs,
où il tient le clavecin et l’orgue jusqu’en
1980. Il fonde en 1979 les Arts florissants,
ensemble avec lequel il se consacre à la
redécouverte du patrimoine français, italien et anglais des XVIIe et XVIIIe siècles. Sa
passion pour la déclamation française le
conduit à aborder la tragédie lyrique, et
il se voit rapidement confier la direction
musicale de productions d’opéras avec les
Arts florissants. Il contribue largement à la
redécouverte de l’oeuvre de Marc-Antoine
Charpentier. Parmi les grandes productions qu’il a dirigées, il faut citer Hippolyte
et Aricie de Rameau en 1983, Atys de Lully
en 1987, les Indes galantes de Rameau en
1990 et, la même année, la première intégrale depuis 1674 de la musique du Malade
imaginaire de Marc-Antoine Charpentier
pour la pièce de Molière. De 1992 à 1995,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
204
il a été chargé de la classe de musique ancienne au Conservatoire de Paris, créée à
son intention. Avec les Arts florissants, il a
enregistré de nombreux disques consacrés
au répertoire baroque, français en particulier, souvent en première mondiale.
CHRISTINÉ (Henri), compositeur français (Genève 1867 - Nice 1941).
Il fit des études à l’université de Genève et
fut professeur de lycée dans cette ville. Il
apprit la musique durant ses heures de loisir et jouait du piano et de l’orgue. Ayant
épousé une chanteuse de café-concert, il
quitta l’enseignement, s’installa à Nice
et composa des chansonnettes pour sa
femme, puis peu à peu pour les grandes
vedettes du moment (Dranem, Mayol,
Fragson, etc.) qui firent de ses oeuvres de
célébrissimes succès (la Petite Tonkinoise,
etc.). S’étant fixé à Paris au début du siècle,
il signa quelques opérettes en un acte,
mais conquit définitivement la popularité
avec Phi-Phi, en partie par un concours
de circonstances, car cette oeuvre, dont la
répétition générale eut lieu aux BouffesParisiens le 11 novembre 1918, bénéficia
de l’euphorie de l’armistice. Christiné
composa encore une douzaine d’opérettes
dont seule Dédé s’est, aux côtés de Phi-Phi,
maintenue au répertoire. Formées d’une
suite de chansonnettes et de quelques ensembles ou finales très simples, utilisant
les rythmes de danses nouvelles tel le foxtrot, les oeuvres de Christiné s’écartèrent
de l’opérette et fondèrent, en fait, la comédie musicale.
CHRISTOFELLIS (Aris), sopraniste grec
(Athènes 1966).
Il se destine d’abord au piano, qu’il étudie au Conservatoire d’Athènes et à l’École
normale de Paris avec France Clidat. En
1983, il travaille le chant avec Fofi Sarandopoulo : sa tessiture se révèle d’une
étendue exceptionnelle de trois octaves
et demi, particulièrement riche dans les
aigus. Cela lui permet d’aborder le répertoire destiné aux castrats du XVIIIe siècle.
En 1984, il donne son premier récital en
France, et fait ses débuts dans l’Olimpiade
de Vivaldi à Francfort. Il chante Hasse,
Porpora, Haendel, et a rendu hommage à
l’illustre Farinelli en recréant sa Sérénade
nocturne au roi d’Espagne.
CHRISTOFF (Boris), basse bulgare (Plovdiv, près de Sofia, 1918).
Diplômé en droit, il entreprenait une carrière dans la magistrature quand sa voix
fut découverte au sein d’un choeur de Sofia
auquel il appartenait. Une bourse accordée par le roi lui permit d’aller étudier à
Rome avec le célèbre baryton Riccardo
Stracciari, qui lui transmit une très belle
technique de bel canto. En 1946, il débuta
au concert, puis se produisit pour la première fois sur scène au Teatro Adriano de
Rome dans le rôle de Colline de la Bohème
de Puccini. La même année, il chanta à la
Scala de Milan le rôle de Pimen dans Boris
Godounov de Moussorgski, oeuvre dont il
aborda le rôle-titre en 1947 sur la même
scène. Il fit ensuite une carrière internationale dans les répertoires italien et russe,
ainsi que dans le rôle de Méphisto de Faust
de Gounod, et aborda en Italie certains
rôles wagnériens. Sa voix, sans être d’une
puissance exceptionnelle, était d’une couleur belle et rare, et d’une homogénéité
exemplaire. L’extrême raffinement musical de ses interprétations était valorisé par
une très grande présence scénique. Boris
Godounov (Moussorgski) et Philippe II de
Don Carlos (Verdi) ont compté parmi ses
interprétations les plus remarquées.
CHRISTOU (Iannis), compositeur grec
(Héliopolis, Égypte, 1926 - Athènes
1970).
Il étudia à Cambridge la philosophie avec
Ludwig Wittgenstein (1945-1948), la composition avec H. F. Redlich (1948-49), et
l’instrumentation à Sienne avec Francesco
Lavagnino. De 1960 à sa mort, dans un
accident d’automobile, il vécut à Athènes
et dans l’île de Chio, écrivant une musique
en général sérielle, et d’inspiration mystique et magique. On lui doit notamment
3 symphonies (1951, 1954-1958, 19591962), le poème symphonique la Musique
de Phénix (1948), Psaumes de David pour
baryton, choeur et orchestre (1953), Gilgamesh, oratorio assyrien (1958), l’opéra The
Breakdown (1964), la Femme à la strychnine pour 5 comédiens et orchestre de
chambre (1967).
CHROMATIQUE.
Nom qui, au cours de l’histoire musicale,
a été donné successivement à divers systèmes ayant en commun l’utilisation privilégiée du demi-ton ou de ses dérivés.
1. Dans l’Antiquité grecque, c’est, aux
côtés du diatonique et de l’enharmonique,
l’un des 3 genres déterminés par la place
des notes mobiles entre les deux notes fixes
qui, à distance de quarte l’une de l’autre,
enserrent le tétracorde. En théorie simplifiée, le tétracorde chromatique se compose,
en descendant, d’une tierce mineure incomposée (c’est-à-dire formant intervalle
conjoint) et de 2 demi-tons, par exemple
la/fa dièse/fa bécarre/mi. On appelle spécialement chromatique (en substantif) le 2e
degré de ce tétracorde, parce qu’il en est la
note caractéristique, ainsi que l’intervalle
formé entre ce degré et le suivant. Mais
la composition ainsi définie n’est qu’une
approximation moyenne, l’emplacement
des notes mobiles pouvant varier dans
une proportion plus ou moins grande en
raison de la pratique des nuances : Aristoxène cite 3 types de chromatique, dont
l’un (chromatique mou) faisant usage de
tiers de tons au lieu de demi-tons. Le genre
chromatique passe, aux dires du pseudoPlutarque, pour avoir été introduit dans la
tragédie postérieurement à Eschyle, mais
il précise que les citharèdes le pratiquaient
longtemps avant. On peut le considérer, en philologie musicale, comme une
étape intermédiaire entre le diatonique
et l’enharmonique dans le phénomène de
glissement des notes mobiles sous l’effet
attractif descendant de la borne inférieure
du tétracorde.
2. Au Moyen Âge et jusque vers le milieu
de la Renaissance, le chromatique est
tombé en désuétude en tant que genre.
Le terme transmis dans les écoles avec
des bribes de théorie grecque apparaît de
temps à autre sans valeur bien définie,
mais ne semble recouvrir aucune réalité
vivante. Il arrive dans la polyphonie que
par le jeu de la musica ficta, un degré altéré
par attraction succède au même degré non
altéré ou vice versa : cette relation, qui plus
tard eût été ressentie comme chromatique,
ne semble en rien l’avoir été ; elle demeure
perçue comme une simple mutation.
3. À partir de 1544, sous influence humaniste, des compositeurs comme Cyprien
de Rore, suivi par Vicentino et Zarlino en
Italie, par Claude Le Jeune en France, etc.,
s’efforcent de créer un genre chromatique
imité des Grecs en glissant dans la polyphonie de leur temps la suite d’intervalles
du tétracorde de ce nom, y compris la
tierce mineure qui, au début, fait partie du
chromatique. La tierce mineure une fois
abandonnée, le chromatique reste caractérisé par la succession de deux demi-tons, et
parfois de trois. Peu à peu, c’est cette succession elle-même qui deviendra le principal critère du chromatique ; mais elle est
restée longtemps dépendante d’un autre
critère qui est la mesure de l’intervalle : il y
avait un demi-ton chromatique entre deux
notes de même nom différemment altérées,
le demi-ton étant diatonique si le nom
des notes se faisait suite. Ce demi-ton se
retrouvait en effet avec même mesure dans
la gamme diatonique alors que l’autre était
propre à la gamme chromatique. En système pythagoricien (mélodique), l’intervalle chromatique était plus grand que le
diatonique ; par contre, en système zarlinien (harmonique), le chromatique était
plus serré que le diatonique.
4. La théorie classique conserve les mêmes
définitions, à l’exception des différences
de mesure des intervalles diatoniques ou
chromatiques abolies par le tempérament
égal, du moins en théorie : elles réapparaissent en effet fréquemment par instinct lorsque la justesse n’est pas réglée à
l’avance par un clavier pré-accordé (violonistes, chanteurs, etc.). Par extension, on
appelle également chromatique l’altération
occasionnelle d’un ou plusieurs degrés
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
205
pour raisons attractives, et gamme chromatique celle formée par une succession
de demi-tons. Mais cette succession n’implique en rien l’égalité fonctionnelle de ces
demi-tons : le ton, divisé ou non en deux
demi-tons, reste une unité structurelle de
perception, non l’addition de deux demitons exprimés ou non. La gamme diatonique reste donc perçue à l’arrière-plan de
toute gamme chromatique et en détermine
les fonctions.
5. Le dodécaphonisme de Schönberg
donne au chromatique une valeur différente en considérant la gamme chromatique comme un point de départ indépendant des relations diatoniques, et le
demi-ton, indifféremment chromatique
ou diatonique, comme unité de décompte
des gammes de manière à éliminer les
fonctions issues du diatonisme. Il appelle
total chromatique l’ensemble de l’échelle
obtenue par juxtaposition inorganique des
12 demi-tons qui divisent l’octave. Certains, en prolongeant l’exemple d’Olivier
Messiaen, ont tenté d’assimiler au total
chromatique la juxtaposition échelonnée
des durées et des intensités, et de la traiter
de manière analogue, mais cette conception ne semble pas s’être généralisée.
6. Un instrument est dit « chromatique »
lorsqu’il est susceptible de donner toutes
les notes de la gamme chromatique alors
que d’autres instruments de la même fa-
mille n’ont pas cette possibilité (ex. accordéon chromatique).
CHROMATISME.
Terme relativement récent faisant référence à l’emploi d’éléments chromatiques
dans le vocabulaire ou dans le style.
Le chromatisme est très souvent employé à titre d’élément de tension impliquant un caractère douloureux ou passionnel et s’oppose ainsi au diatonisme,
mieux adapté par sa stabilité à l’évocation
des sentiments ou des situations exemptes
de perturbations (v. figuralisme) : chromatisme des madrigalistes italiens (Marenzio, Gesualdo), chromatisme de Liszt,
de Wagner (notamment dans Tristan et
Isolde), de Richard Strauss, etc.
CHRYSANDER (Karl Heinz Friedrich),
musicologue allemand (Lübtheen, Mecklembourg, 1826 - Bergadorf, près de
Hambourg, 1901).
Docteur de l’université de Rostock (1855),
il se consacra à l’étude de Haendel en
s’attachant à replacer le musicien dans
son contexte historique. Il entreprit de
publier ses oeuvres complètes, d’abord au
sein d’une Société Haendel, créée en 1856,
puis, à la dissolution de celle-ci, avec ses
seuls moyens. Après avoir installé dans
sa propre maison un atelier de gravure
musicale et une imprimerie, il fit face à de
graves difficultés matérielles et financières
jusqu’au jour où, en 1894, il put céder son
édition à une nouvelle Société Haendel,
fondée à Londres.
CHUNG (Kyung-Wha), violoniste coréenne (Séoul 1948).
Elle est la plus jeune fille d’une famille
de sept enfants. Son père, un homme
d’affaires important, lui fait apprendre le
piano dès l’âge de sept ans, mais elle préfère le violon : à neuf ans, elle joue déjà
le Concerto de Mendelssohn avec l’Orchestre symphonique de Séoul ! De 1961
à 1967, elle étudie à la Juilliard School de
New York, où Ivan Galamian fait fructifier ses dons prodigieux. Elle remporte un
triomphe au Concours Loventritt de 1967 :
en résulte une tournée dans une centaine
de villes américaines. En 1968, elle débute
avec le New York Philharmonic, et en 1970
avec l’Orchestre symphonique de Londres
et André Prévin. La même année, elle signe
un contrat d’exclusivité avec Decca. Elle
joue les concertos d’Elgar et de Bartók avec
Solti en 1977, celui de Beethoven en 1979
avec Kondrashine et la Philharmonie de
Vienne. Elle joue aussi Bach, Stravinski,
Vieuxtemps et le Concerto de Walton,
qu’elle enregistre sous la direction du
compositeur. Elle se produit en trio avec
sa soeur Myung-Wha et son frère MyungWung. En 1980, elle joue pour la première
fois sous la direction de ce dernier.
CHUNG (Myung-Wha), violoncelliste
coréenne naturalisée américaine (Séoul
1944).
Après ses débuts publics à Séoul en 1957,
elle part avec sa soeur Kyung-Wha à la
Juilliard School de New York. Elle y étudie de 1961 à 1967, puis reçoit les conseils
de Piatigorski à l’Université de Californie
de Sud. En 1968, elle obtient le premier
prix du Concours de San Francisco, et en
1971 celui de Genève. Elle consacre une
part importante de sa carrière à la musique
de chambre. En trio avec sa soeur et son
frère Myung-Wung, elle joue les oeuvres
de Brahms, Beethoven, Mendelssohn,
Tchaïkovski et Chostakovitch.
CHUNG (Myung-Wung), chef d’orchestre et pianiste coréen (Séoul 1953).
Dès 1960, il fait ses débuts de pianiste
avec l’Orchestre symphonique de Séoul.
Installé aux États-Unis en 1968, il étudie
au Mannes College et à la Juilliard School,
s’orientant progressivement vers la direction d’orchestre. En 1974, il remporte le
second prix du Concours Tchaïkovski à
Moscou, puis, de 1975 à 1978, il se perfectionne avec Sixten Ehrling et Franco
Ferrara. De 1978 à 1981, il est assistant de
Giulini à Los Angeles. En 1982, il fait ses
débuts avec l’Orchestre de Paris et s’installe en Europe en 1983. De 1984 à 1990,
il dirige l’Orchestre symphonique de la
Radio de Sarrebruck. En 1989, il accepte
une lourde responsabilité : prendre la tête
de l’orchestre de l’Opéra de Paris. Le 17
mars 1990, il inaugure l’Opéra Bastille avec
les Troyens de Berlioz. Il décide d’agrandir l’orchestre, et plaide pour une séparation plus nette des activités lyriques et du
ballet. Dès 1990, une tournée en Corée et
plusieurs enregistrements remarqués chez
Deutsche Gramophon - Lady Macbeth de
Mzensk de Chostakovitch et la Turangalila-Symphonie de Messiaen, notamment -
traduisent une réussite certaine. Malgré
son aura, il est contraint à une démission
houleuse en 1994. Il reprend alors une carrière de chef invité, à Vienne, Londres ou
Philadelphie.
CIAMPI (Marcel), pianiste français (Paris
1891-id.1980).
Il est élève de Diémer au Conservatoire
de Paris. En 1909, il y obtient un premier
prix de piano, puis poursuit ses études
avec Perez de Brambilion, ancien élève de
Clara Schumann et d’Anton Rubinstein.
Son style romantique est particulièrement
apprécié par Pablo Casals et Jacques Thibaud qu’il accompagne souvent. George
Enesco est aussi son partenaire, et lui dédie
sa sonate pour piano no 3, qu’il crée en
1938. Entre 1941 et 1961, il est professeur
au Conservatoire de Paris où il acquiert
une grande réputation pédagogique. Il
compte parmi ses élèves Hephzibah, Yaltah et Jeremy Menuhin, ainsi qu’Yvonne
Loriod.
CICCOLINI (Aldo), pianiste italien naturalisé français (Naples 1925).
Au conservatoire San Pietro a Majella de
Naples, il a étudié le piano avec Denza et
la composition avec Alessandro Longo. Il
a donné son premier concert en 1942 au
théâtre San Carlo de Naples. En 1949, il a
remporté le prix Long-Thibaud et entrepris une carrière internationale. Après
avoir été professeur de piano au conservatoire de Naples, il enseigne, depuis 1971,
au Conservatoire de Paris. Ciccolini est un
interprète fin, cultivé, au toucher subtil,
qui est apprécié dans la musique romantique et plus encore dans la musique
française de la fin du XIXe et du début du
XXe siècle (Saint-Saëns, Chabrier, Satie, de
Séverac, etc.). Il a enseigné de 1971 à 1989
au Conservatoire de Paris.
CICONIA (Johannes), compositeur liégeois (Liège v. 1335 - Padoue 1411).
Fils d’un pelletier, il reçut sa formation
musicale à la cour des papes, à Avignon. Il
y fut au service d’Aliénor de Comminges,
vicomtesse de Turenne, nièce de Clément
VI. De 1357 à 1367, il fit partie de la maison du cardinal Gilles d’Albornoz, chargé
de reconquérir les États pontificaux d’Italie : ce fut l’occasion pour lui d’un contact
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
206
étroit avec l’Ars nova italienne et l’art de
Jacopo da Bologna et de Francesco Landini, à l’instar desquels il écrivit madrigaux, caccie et ballades. À la mort du cardinal, il regagna Liège où il devint titulaire
d’une prébende à la collégiale Saint-Jeanl’Évangéliste. Il composa alors, semble-t-il,
messes et motets, y effectuant la synthèse
de l’Ars nova française, italienne et des
usages avignonnais. Mais il adopta une notation simplifiée de l’écriture proportionnelle ( ! NOTATION) et unifia le Gloria et
le Credo par un ténor commun, un motif
initial et une construction isorythmique.
On y trouve aussi l’emploi du faux-bourdon dont S. Clercx-Lejeune avance l’origine italienne et même l’appellation.
Après 1404 ( ?), Ciconia quitta Liège
pour Padoue. Chanoine à la cathédrale de
cette ville, il portait le titre de musicus ou
de magister et avait pour mission d’enseigner la musique et de composer. Ce séjour
favorisa une réflexion théorique sur la
musique antique et médiévale, réflexion
contenue dans trois traités : De arithmetica institutione (perdu ?), Nova musica,
De proportionibus, outre l’esquisse d’un De
tribus generibus melorum (« les trois genres
mélodiques »). La musique y est comprise
comme le reflet des nombres divins et le
moyen de connaissance de l’Organisation.
Toutefois, la musique spéculative prend
chez lui appui sur l’ouïe.
CIFRA (Antonio), compositeur italien
(Terracina 1584 - Loreto 1629).
Il acquit sa formation musicale enfant en
chantant à Saint-Louis-des-Français de
Rome et en étudiant avec Bernardino Nanino (1594-1596). Il fut alors successivement maître de chapelle au Collegium Germanicum de Rome en 1609, à la Santa Casa
di Loreto de 1609 à 1622, à Saint-Jean-deLatran de 1622 à 1625 et enfin à nouveau
à Loreto de 1626 jusqu’à sa mort. Sa production musicale, énorme, a par bonheur
été conservée. Elle comprend de très nombreux livres de motets (de 1 à 12 voix) et de
madrigaux, quatre livres de messes de 4 à
6 voix, plusieurs livres de litanies, psaumes
et vêpres, des ricercari, arie, scherzi et canzonette. Cifra est un des musiciens les plus
importants de la grandiose école polypho-
nique romaine, comme en témoigne la
richesse de voix de ses messes et motets,
aux harmonies somptueuses. D’un autre
côté, on peut déjà percevoir l’influence de
la monodie accompagnée, plus développée à cette époque à Venise et surtout à
Florence, qui se traduit, dans ses motets
et madrigaux, par une émancipation de la
ligne mélodique. Ce phénomène est accentué par l’utilisation généralisée de la basse
continue, qui, sous forme d’ostinato, sert
parfois de base harmonique à des variations vocales. Cette situation musicale ambiguë dans une période de transition, ainsi
que la grande beauté de ses oeuvres font de
Cifra un des maîtres incontestés de l’école
romaine de ce début du XVIIe siècle.
CIKKER (Ján), compositeur slovaque
(Banská Bystrica 1911 - Bratislava 1989).
Orphelin de père dès l’âge de quatre ans,
il doit à sa mère sa première formation
musicale, en particulier au piano. De
1930 à 1935, il étudie au conservatoire
de Prague, avec Křička (composition),
Dědeček (direction d’orchestre) et Wiedermann (orgue). Il se perfectionne auprès
de Novák, puis de Weingartner à Vienne
(1936-37). Dès 1939, il enseigne la théorie
musicale au conservatoire de Bratislava,
et est nommé lecteur à l’Opéra national
slovaque. Depuis 1951, il est professeur
de composition à l’École supérieure de
musique et d’art dramatique de Bratislava. Sa première période de création
touche essentiellement les formes instrumentales (1re Symphonie en ut, 1930 ;
Épitaphe, 1931 ; Prologue symphonique,
1934 ; Caprice, 1936 ; Symphonie « le Printemps », 1937 ; Symphonie 1945 [1974-75] ;
Concertino pour piano, 1942 ; Idylle, ballet, 1944). Puis, en 1953, il s’oriente vers la
scène. On lui doit six opéras : Juro Janosik
(1954) sur un livret de Stefan Hoza, Beg
Bajazid (1957) sur une vieille ballade slovaque contant un épisode historique du
XVIe siècle, Mr. Scrooge (1959, 1re représentation 1963) d’après un conte de Noël
de Dickens, Résurrection d’après Tolstoï
(1962), qui se rapproche de l’opéra de
Berg, le Jeu de l’amour et de la mort d’après
le drame de Romain Rolland (1969-1973),
enfin Coriolanus d’après Shakespeare (créé
à Prague en 1974). L’ensemble de son
oeuvre, très abondante, s’appuie sur un
style vigoureux, une harmonie de timbres
fort évoluée, un sens dramatique naturel
qui fait de Cikker le maître incontesté de
l’école slovaque contemporaine.
CILEA (Francesco), compositeur italien
(Palmi, Calabre, 1866 - Varazze, Ligurie,
1950).
Formé au conservatoire de Naples, il y
présenta son opéra Gina (1889), puis
composa Tilda (1892) à la demande de
l’éditeur Sanzogno. Il écrivit encore l’Arlésienne, d’après Daudet (1897) et connut
surtout la gloire avec Adrienne Lecouvreur
(1902) ; ces deux dernières oeuvres furent
créées avec Caruso, alors à l’aube de sa
renommée. D’inspiration plus sévère, Gloria (1907) semble avoir mis un terme à la
carrière de créateur de Cilea. Remarquable
pianiste, celui-ci enseigna le piano, puis
la composition, notamment à Naples où
il fut directeur du conservatoire de 1916
à 1935. Proche de l’école vériste dans ses
premiers opéras, il s’en écarta presque
totalement ensuite, mettant sa nature délicate et raffinée au service d’une orchestration claire et limpide et d’une écriture
vocale nuancée, utilisant toute la gamme
d’expressions de la voix humaine.
CIMAROSA (Domenico), compositeur
italien (Aversa 1749 - Venise 1801).
Né dans une famille pauvre, il reçut à
Santa Maria di Loreta de Naples un enseignement musical très complet, et débuta
au théâtre en 1772 avec Le Stravaganze del
Conte, sorte de comédie musicale, et Le
Magie di Merlina e Zoroastro, intermède
burlesque. En 1778, il remporta à Rome un
énorme succès avec L’Italiana in Londra, et
à partir de 1780, fut unanimement considéré comme le grand rival de Paisiello en
matière d’opéra bouffe italien. Durant les
années suivantes, quelques opéras sérieux
comme Il Convito di pietra (1781), sur le
thème (simplement esquissé) de Don Juan,
alternèrent avec les oeuvres bouffes, toujours majoritaires (I Due Baroni di rocca
azzura, 1783 ; Il Fanatico burlato, 1787).
Invité en 1787 à la cour de Russie, que
Paisiello avait quittée trois ans plus tôt, il
s’y rendit en un voyage de six mois qui fit
figure de tournée triomphale (Livourne,
Parme, Vienne, Varsovie). Il fit représenter à Saint-Pétersbourg, où il prit momentanément la succession de Giuseppe Sarti,
des oeuvres déjà écrites, et en composa de
nouvelles, dont deux opéras sérieux (Cleopatra, 1789 ; La Vergine del sole, 1789) et
un Requiem pour les funérailles de l’épouse
de l’ambassadeur de Naples.
En disgrâce, Cimarosa arriva à Vienne
à la fin de 1791, au moment de la mort de
Mozart. Son ancien protecteur, le grandduc de Toscane, devenu l’année précédente l’empereur Léopold II, lui ayant
commandé un opéra bouffe, il donna le
7 février 1792 Il Matrimonio segreto (« le
Mariage secret »), qui devait rester son
ouvrage le plus célèbre (110 représentations en 5 mois à Naples en 1793). De
retour à Naples, Cimarosa composa encore quelques-unes de ses partitions les
meilleures, comme Le Astuzie femminili
(1794). Durant l’éphémère république
parthénopéenne (1799), il accepta d’écrire
et de diriger un hymne républicain pour
une cérémonie organisée par les Français, ce qui lui valut d’être emprisonné
au retour des Bourbons. Gracié, il jugea
plus prudent de s’expatrier, et mourut peu
après, non empoisonné comme le veut la
légende, mais d’une tumeur au bas-ventre.
Sa production instrumentale est des
plus réduites (un concerto pour deux
flûtes et un autre pour clavecin, quelques
pièces et 32 sonates en un seul mouvement pour clavecin), et sa production religieuse à peine plus importante. Quant à
ses opéras, ils se comptent par dizaines.
Cimarosa fut bien plus qu’un mélodiste
« délicieux », pour reprendre une formule
de Stendhal, qui l’idolâtrait.
Avec son sens inné du théâtre, il sut
également (quoique de façon typiquedownloadModeText.vue.download 213 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
207
ment italienne) donner vie à l’orchestre,
et (tendant en cela la main à Mozart) se
révéla un remarquable constructeur d’ensembles vocaux, dans ses finales d’actes
et en d’autres endroits en cours d’action.
Ce n’est pas pour rien que Il Matrimonio
segreto réussit à survivre tout au long du
XIXe siècle. De la renommée de son auteur
témoigne aussi le fait que, de tous les compositeurs dont Haydn dirigea des opéras
à Eszterháza de 1780 à 1790, celui qui
fut représenté par le plus grand nombre
de partitions différentes (12, totalisant
76 représentations) eut nom Domenico
Cimarosa.
FILM (musique de).
Les relations entre le cinéma et la musique
sont multiples, profondes, complexes, et
aussi anciennes que le cinéma lui-même.
On sera donc contraint ici de n’évoquer
qu’en passant certains aspects de la question, tel celui de la « biographie filmée de
musicien », genre qui, à quelques exceptions près (Abel Gance sur Beethoven,
Traugott Müller sur Wilhelm Friedemann
Bach, Ken Russel sur Tchaïkovski, JeanMarie Straub sur Jean-Sébastien Bach,
Milos Forman sur Mozart), a inspiré peu
de films marquants ; ou telle la comédie
musicale américaine, expression cinématographique qui a suscité de nombreux
chefs-d’oeuvre, mais qui, du point de vue
proprement musical, puise ses auteurs, son
style, ses formes dans un répertoire destiné à la scène. On s’attardera plutôt sur
les fonctions et les procédés propres à la
musique de film, avant d’en esquisser un
parcours historique.
LES FONCTIONS DE LA MUSIQUE DE FILM.
Où situons-nous, quand nous regardons
un western classique, l’orchestre qui joue
sur des images de chevauchée ? Certes
pas quelque part dans le paysage ou dans
le « hors-champ » de l’image, où il serait
caché à notre vue - sauf quand le réalisateur veut en tirer un gag burlesque ou critique, comme Mel Brooks dans Le shérif est
en prison ou Jean-Luc Godard dans Sauve
qui peut la vie (1980). Nous le situons dans
une sorte de « proscenium », d’avant-scène
imaginaire, de fosse d’orchestre, là où se
place l’orchestre d’opéra, là où se plaçait
le pianiste du cinéma muet. Par ailleurs, il
arrive fréquemment que l’élément musical soit intégré dans l’action du film, par
l’intervention de chanteurs, d’instrumentistes, d’orchestres, de tourne-disques,
de postes de radio, etc. - donc qu’il soit
« situé » imaginairement dans le champ ou
le hors-champ de l’image. Cette musique
« dans le film » (que, selon les auteurs,
on appelle « diégétique », « objective »,
ou « naturelle ») tenait une grande place
dans les premiers films sonores, où l’on
manifestait un étonnant souci de légitimer
l’audition de musique dans l’action, par
la vision de musiciens de rue, de gramophones, etc., comme si, le son venant de
derrière l’écran, on ne savait pas où placer
la musique de film, qu’on avait jusqu’alors
si facilement admis d’entendre venant de
dessous l’écran, jouée par le pianiste ou
l’orchestre de service. Peu à peu se sont
créés des usages de mise en scène et, chez
le spectateur, des habitudes de perception,
selon lesquels il n’y a pas de séparation
rigoureuse entre la musique « du film » (de
proscenium) et la musique « dans le film ».
De même que, dans l’opéra, un instrument
soliste ou un petit ensemble jouant sur la
scène s’intègre sans rupture dans le tissu
musical de l’orchestre principal situé dans
la fosse, de même il est fréquent de voir, au
cinéma, un personnage jouer au piano un
thème qu’accompagne ou que prolonge un
« orchestre fantôme ». Abel Gance est allé
jusqu’à sonoriser des images de Beethoven
« composant » sa Symphonie pastorale « au
piano » par l’audition orchestrale de cette
oeuvre. Il ne fit qu’accentuer un procédé
répandu.
Pourquoi une atteinte aussi grande à la
« vraisemblance » choque-t-elle moins le
spectateur qu’un minime « faux raccord »
visuel ? Sans doute parce que dans le
film la musique, retrouvant les fonctions
qu’elle assure déjà dans l’opéra, semble
représenter un lieu transcendant toutes
barrières de temps et d’espace. C’est elle
qui aide à passer en quelques secondes du
jour à la nuit, d’un continent à un autre,
d’une génération à l’autre. Non assujettie
aux lieux que montre l’image, pouvant à la
fois s’y fixer (musique « dans le film ») et
s’en envoler, elle est une espèce de plaque
tournante spatio-temporelle, comme dans
certaines histoires de science-fiction, où
un « trou » dans le continuum permet
de franchir temps et espace à volonté.
Un des premiers exemples connus dans
le cinéma parlant est une scène du film
Hallelujah (1929) de King Vidor, où une
brève chanson de Noirs commencée sur
le bord du fleuve se continue sans transition sur le bac qui sert à le franchir, et se
termine, le couplet suivant, de l’autre côté
de la rive. Dans ce cas, la chanson a servi,
entre autres, à contracter la perception du
temps. La musique, dans le film, agit sur la
perception du temps : donnée si élémentaire, si universelle, qu’on s’étonne de ne
pas la voir plus souvent énoncée. Ainsi
la musique peut-elle aider à franchir des
sauts dans le temps en direction du futur
ou du passé (« flash-back »). De même,
elle sert souvent, du point de vue dramaturgique, à dilater le temps, à étirer indéfiniment une situation de suspense (scènes
de meurtre imminent, chez Hitchcock,
par exemple). En même temps qu’elle
dilate ou qu’elle contracte, elle assure un
lien, une continuité entre des plans cinématographiques distincts, qu’elle suture,
qu’elle fait tenir aussi solidement que le
ruban adhésif utilisé au montage !
De même, dans l’opéra, l’action se fige
quand le soliste attaque son air, puis se
précipite dans les récitatifs. Des réalisateurs comme Alfred Hitchcock, Sergio
Leone, Stanley Kubrick ont su utiliser
cette fonction dilatante de la musique
pour étirer à l’infini des scènes d’attente ou
d’affrontement. Ce sont là des rôles hérités
de la convention, que certains dénoncent,
mais qui font partie du « vocabulaire » de
la mise en scène cinématographique, et ne
doivent pas être tenus pour négligeables.
Comme elle agit sur la perception
du temps, la musique influence celle de
l’espace, autre élément du langage cinématographique. Son espace propre (généralement celui, large et mouvant, d’un
orchestre symphonique) joue par rapport
à l’espace visuel du film pour le prolonger, le contrarier, l’élargir, lui faire écho,
et plus rarement pour le rétrécir : comme
si la musique avait souvent pour rôle d’ouvrir un espace que le cadre visuel du film
a dû forcément rapetisser et concentrer.
Enfin, elle joue une fonction évidente de
ponctuation : tel accord de trombones,
telle percussion sur un geste, une réplique
ou un plan les isole des autres, les détache,
découpe l’enchaînement visuel en créant
un effet de sens parfois aussi important
que la ponctuation dans la phrase ; et l’on
sait qu’un déplacement de virgule ou de
point peut modifier de fond en comble le
sens d’un texte.
Élément de ponctuation et de découpage de la narration, moyen de modeler
l’espace-temps du film, de le contrarier ou
de le dilater - mais aussi agent inducteur
de perceptions dynamogéniques (c’est-àdire de perceptions de mouvement, d’excitations corporelles créées chez le spectateur par le son, qui le font participer plus
intensément) ; mais aussi, et encore, agent
synesthétique, jouant sur des correspondances sensorielles de rythme, de couleur,
de luminosité, de « grain », entre son et
image, la musique de cinéma a donc un
rôle qui dépasse largement celui de renforcer la valeur émotionnelle des scènes
clés, en aidant à faire pleurer ou frissonner
au bon moment. Ce rôle qu’on peut dire
« structurel », dans la mise en scène, elle le
joue moins par sa valeur propre qu’en tant
qu’élément du tout qu’est le film. Certes, il
n’est pas un de ces rôles, que nous avons
signalés, qui n’ait déjà été utilisé dans les
genres dramatiques traditionnels, nô japonais, mélodrame romantique, théâtre
de foire, cirque, grand opéra ou théâtre
élisabéthain - mais pourquoi la musique
ne retrouverait-elle pas, ici, comme ailleurs, ses fonctions primitives ?
Une fonction plus symbolique, moins
réductible à un schéma simple, est celle
que la musique joue, précisément, dans la
structure symbolique du film, en tant que
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
208
signifiant d’une destinée, d’une promesse,
d’une malédiction ou d’un paradis perdu.
Dans des films aussi divers que M. le Maudit, de Fritz Lang, l’Intendant Sansho, de
Kenji Mizoguchi, India Song, de Marguerite Duras, Rencontres du troisième type,
de Steven Spielberg, une simple chanson,
voire un motif de cinq notes, dans le dernier film, s’inscrit au coeur du film comme
moteur même de l’action, signifiant tour à
tour de la compulsion au meurtre (Lang),
du lien avec la mère perdue (Mizoguchi),
de l’amour mort et éternel (Duras), d’un
espoir de communication galactique
(Spielberg). Plus qu’un personnage, la
musique tient la place d’une sorte de
« fatum », incarnant la substance même
du désir qui agite les personnages, le metteur en scène, les spectateurs eux-mêmes.
Et cela (c’est ici que beaucoup de musiciens se montrent hostiles ou méfiants),
quelle que soit, finalement, la « valeur »
de cette musique en soi. Qu’est-ce qu’une
« bonne » musique de film ? Les meilleurs
musiciens de l’écran, les plus grands réalisateurs déclarent souvent que c’est celle
qui se met au service du film comme totalité. La mode récente (inaugurée, semblet-il, au Japon) des concerts de musique
de film permet de constater que beaucoup des plus belles musiques de l’écran,
arrachées au film, paraissent souffrir de
redondance, de linéarité. Mais, si l’on arrangeait le Doppelgänger de Schubert ou
les Quatre Chants sérieux de Brahms pour
violon et piano, supprimant d’un coup le
texte et la voix, leur grandeur ne serait-
elle pas affaiblie ? La question de la valeur
« intrinsèque » de la musique de film peut
paraître donc un peu scholastique et oiseuse, comme le serait celle de la valeur en
soi de beaucoup de musiques religieuses
ou rituelles.
Le « transfert symbolique », comme
dit Jean Mitry, qui permet notamment à
la musique de transporter avec elle l’idée
d’un destin, est évidemment fréquemment
lié à l’utilisation du procédé wagnérien de
leitmotiv. Chose curieuse, ce n’est pas toujours quand elle épouse émotionnellement
le destin du personnage (qu’elle lui est
« empathique ») que la musique se trouve
personnifier le plus fortement ce destin ;
c’est au contraire quand, par rapport à
lui, elle se définit comme indifférente,
mécanique, commune, collée à ce destin
par le hasard d’une coïncidence, d’une
simultanéité, d’une rencontre. On peut la
dire alors « an-empathique », et combien
de moments cruciaux, dans des films, ne
sont-ils pas associés au déroulement d’une
musique an-empathique, boîte à musique,
limonaire de manège, piano mécanique,
chanson de gramophone, chanteur qui
passait par là ; combien de héros de films
ne sont-ils pas morts (plus rarement revenus à la vie) sur les accents indifférents et
inéluctables d’une musique « an-empathique ».
LE STYLE ET LES MOYENS.
De même que le cinéma intègre, pour son
plus grand bien, des procédés dramaturgiques fort anciens, qui viennent de références au théâtre, au cirque, à l’opéra, de
même la musique de film emprunte son
langage aux musiques existantes par ailleurs : même quand un Prokofiev écrit
une partition très élaborée pour Eisenstein
(Alexandre Nevski, 1938), il l’écrit dans son
style à lui, un peu « adouci » pour la circonstance. En laissant de côté les musiques
de style traditionnel citées et intégrées en
tant que telles dans les films qui utilisent
des sujets ou des situations musicales
(chansons, numéros chorégraphiques,
jazz, etc.), on retrouve dans l’écriture des
partitions de musiques de film des références stylistiques bien précises : à côté de
Ravel, du Liszt des Poèmes symphoniques,
de Mahler, de Richard Strauss, parfois
de Prokofiev et même de Bartók, c’est la
référence wagnérienne qui domine. Peutêtre d’abord à cause de la conception fon-
damentalement dramaturgique, ouverte
et dynamique de sa musique (poussant
toujours en avant, avec un grand impact
rythmique), et aussi à cause du principe
simple et efficace du leitmotiv. La plupart
des grandes musiques de film, en effet, sont
construites sur ce principe, c’est-à-dire sur
un nombre limité de motifs dont chacun
est associé à un protagoniste, une situation, un décor, un « thème » (la mort, le
destin, l’amour). C’est le cas de films aussi
divers que Psychose (1960, HitchcockHerrmann), Alexandre Nevski, déjà cité,
les Visiteurs du soir (1942, Carné-Thiriet),
Hiroshima mon amour (1959, ResnaisFusco-Delerue), Casanova (1976, FelliniRota), Autant en emporte le vent (1939,
Fleming-Steiner). Ce dernier film, en particulier, comporte 16 thèmes principaux
dont un pour chaque personnage principal, reliés par des affinités et des contrastes,
qui ont le même rôle symbolique que dans
la Faust-Symphonie de Liszt ou la Tétralogie de Wagner. De même, dans la construction du film, ils suivent un parcours parallèle à la dramaturgie, pour la renforcer :
ils grandissent, s’émeuvent, meurent,
renaissent, etc., avec les personnages ou
les situations qu’ils représentent, et se
battent entre eux dans les films de guerre
(bataille de thèmes dans les scènes de combat d’Alexandre Nevski). Pourquoi des
« motifs » plutôt que des « thèmes « ? Parce
qu’un thème au sens traditionnel est une
forme assez développée et surtout conclusive, bouclée par une cadence. Le motif,
ou micro-thème, plus bref, et surtout plus
ouvert, se laissant facilement mémoriser à
l’insu même du spectateur (qui n’écoute
pas la musique pour elle-même), est mieux
adapté au cinéma, encore que Theodor W.
Adorno et Hanns Eisler en aient critiqué
l’emploi. La musique de cinéma exige des
formes courtes, et le compositeur doit se
plier à des minutages précis, qui lui demandent de faire 50 secondes pour un baiser d’amour, 2 minutes pour un meurtre,
30 secondes pour un trajet en voiture, etc.
Même si le film est baigné de musique en
permanence, cette musique enchaîne différentes situations, et l’on ne peut s’attarder à des développements sophistiqués,
sauf quand l’architecture du film ou de la
scène a été conçue en étroit rapport avec la
musique, ce qui est rarement le cas. La plupart du temps, cette architecture préexiste
à la musique, elle commande au musicien
de frapper fort et vite, ou au contraire de
s’effacer dans des répétitions de motifs
un peu passe-partout, ce « papier peint »
musical dont Stravinski parlait avec mépris. Curieusement, l’utilisation de formes
fermées, à caractère nettement conclusif
dans les films (chansons, thèmes développés), est très souvent associée à la mort, à
la séparation, à l’absence.
Si l’orchestre symphonique prédomine
dans les partitions des films classiques,
le choix des sonorités joue un rôle très
important ; c’est là que la musique de
cinéma fait jouer des affinités de matière,
de sensations, de grain, entre les textures
sonores et visuelles. L’art des grands réalisateurs et des grands musiciens de films
est de déterminer une palette, un univers
de sonorités propres au film (choix des
instruments à cordes exclusivement, dans
la musique de Bernard Herrmann pour
Psychose, correspondant au parti pris visuel d’un noir et blanc très contrasté). Il
faut ajouter que ce travail de composition
de la partition musicale d’un film peut se
faire aussi bien avec des musiques préexistantes qu’avec une musique originale.
Dans le volet central de son triptyque le
Plaisir (1952), d’après Maupassant, le réalisateur Max Ophuls a su admirablement
utiliser tour à tour Offenbach, Béranger,
Mozart et des cantiques populaires dans
une savante construction thématique qui
culmine avec une audition bouleversante
de l’Ave Verum mozartien dans une église
de campagne.
Tous les styles sont donc admissibles
et admis dans la musique de film, avec,
cependant, des emplois très stéréotypés.
Le compositeur doit souvent se transformer en pasticheur pour les films d’époque,
faisant du faux baroque, ou construisant
de toutes pièces du « faux égyptien »...
comme Wagner recréait complètement
le style de ses Maîtres chanteurs. On a remarqué aussi que le spectateur de cinéma
tolère souvent des styles très modernes,
qu’il ne supporterait pas d’entendre à la
radio. Enfin, si talentueux ou génial que
puisse être le compositeur, le rôle du réalisateur est souvent déterminant dans la
qualité musicale d’un film. Avec des réadownloadModeText.vue.download 215 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
209
lisateurs comme Visconti, Syberberg, Fel-
lini, Resnais, Tarkovski, Duras, Bresson,
Bergman, Leone, Coppola, etc., film et
musique s’interpénètrent si intimement
qu’ils fusionnent en un même genre global, comme avec l’opéra.
UN SURVOL HISTORIQUE.
La première projection des frères Lumière,
le 28 décembre 1895, à Paris, était déjà
accompagnée par un piano ; uniquement,
disent certains, pour couvrir le bruit de
l’appareil de projection et pour faire supporter le caractère irréel et fantomatique
de ces silhouettes muettes qui s’agitaient
sur l’écran, de ce train fonçant sur le public sans bruit. On peut penser pourtant
que, déjà, la musique de film remplissait
les fonctions précédemment évoquées,
et on la trouvait dans presque toutes les
projections, jouée par un pianiste, voire un
harmonium ou un orgue, parfois un petit
ensemble de chambre, et dans les grandes
salles d’exclusivité, par un orchestre symphonique qui pouvait être très important.
Le répertoire était puisé soit dans le domaine classique, soit dans des recueils originaux destinés spécialement au cinéma,
pour accompagner les différents stéréotypes de situation (catastrophe, amour,
poursuite, danse orientale, etc.).
Enfin, dans les grandes occasions, des
partitions originales étaient écrites pour
accompagner la projection d’un film nouveau (le chef étant muni d’une espèce de
« pupitre de synchronisation » quand le
synchronisme devait être très précis).
C’est ainsi que Saint-Saëns écrivit une
partition pour l’Assassinat du duc de Guise
(1908), Erik Satie pour Entr’acte (1924) de
René Clair, Edmund Meisel pour le Cuirassé Potemkine (1925), de Serge Eisenstein, Darius Milhaud pour l’Inhumaine
(1924), de Marcel L’Herbier, etc.
La plupart du temps, cependant, on
pouvait recourir à des catalogues d’« incidentaux » ou de « musiques incidentales »
(comme celui publié en 1919 par Giuseppe
Becce) ou enchaîner, selon les péripéties
de l’action, la Chevauchée des Walkyries au
Prélude en « do » dièse mineur de Rachmaninov. Quand Stanley Kubrick, dans 2001
A Space Odyssey (1968), ou Francis Ford
Coppola dans Apocalypse Now (1979), utilisent le Beau Danube bleu ou la fameuse
Chevauchée wagnérienne, ils réactualisent
certains procédés du cinéma muet. Il y
eut aussi des expériences de synchroni-
sations de films muets avec des musiques
enregistrées sur disques de gramophone
dès 1904 ; ainsi signale-t-on une version
condensée du Faust de Gounod réalisée
en 1906 !
Commencées avec l’invention du cinéma, ces expériences ne se répandirent
et n’aboutirent qu’avec la mise au point
du cinéma « parlant », avec sa pellicule
sonore sur le même support que le film.
Le premier « parlant », The Jazz Singer
(1927), est en fait un film « chantant » et
musical. La comédie musicale est donc un
genre aussi ancien que le cinéma sonore
(et même muet), et elle a atteint son apogée dans le cinéma américain. À l’origine
simple transposition filmée de revues de
music-hall ou d’opérettes, elle est vite
devenue, avec Busby Berkeley notamment
(Gold Diggers, 1933), un genre autonome,
fruit d’un croisement audacieux entre
les possibilités d’ubiquité du cinéma et
le cadre magique de la scène. Les grands
metteurs en scène de comédies musicales,
outre Berkeley, furent Vincente Minnelli,
Stanley Donen, George Cukor, Ruben
Mamoulian, plus récemment Bob Fosse.
Les grands musiciens du genre sont les
mêmes que ceux qui écrivaient, pour les
scènes de Broadway, la même musique :
George Gershwin, Irving Berlin, Rodgers
et Hart, Cole Porter, Kander et Ebb, Leonard Bernstein, Jerome Kern, etc.
L’opéra filmé lui-même est un genre
aussi vieux que le cinéma. Les meilleures
réussites ne sont pas forcément celles
où l’on cherche à « aérer » l’action, mais
celles où, comme Ingmar Bergman dans
sa version de la Flûte enchantée (1975),
on a su marier le cadre de la scène (même
s’il est transgressé après avoir été posé) et
le regard librement orienté de la caméra.
Naturellement, le play-back (procédé où
les chanteurs miment leur chant préenregistré, qui leur est diffusé pendant le tournage) est le plus souvent adopté pour réaliser un opéra filmé, malgré une tentative
comme celle de Jean-Marie Straub, avec le
Moïse et Aaron de Schönberg, pour faire
un opéra filmé en « son direct ».
Dans la majorité des films de fiction
tournés après le début du cinéma « parlant », on trouve aussi un accompagnement musical : parfois d’un bout à l’autre
du film (le « 100 p. 100 musical » prôné
par Max Steiner), parfois dans une assez
grande proportion, rarement pas du
tout. Le cinéma d’Hollywood a beaucoup
utilisé un certain type de musique symphonique de style postromantique, qui
continue de fonctionner très bien dans les
films les plus récents : la musique de John
Williams pour la Guerre des étoiles (1977),
par rapport à celle de Steiner ou Korngold,
est de même inspiration. Curieusement,
une grande partie des musiciens de film
de la période classique hollywoodienne
est d’origine russe, hongroise, tchèque,
allemande : Max Steiner (1888-1971),
Miklosz Rózsa (1907), Dimitri Tiomkin
(1894-1979), Erich Wolfgang Korngold
(1897-1957), Hugo Friedhofer (1902),
Bronislav Kaper (1902) sont quelquesuns des compositeurs « classiques » du
cinéma américain, à côté d’Adolf Deutsch
(1897-1980), David Raksin (1912), Franz
Waxman (1906-1967), Alfred Newman
(1901-1970), Alex North (1910-1991), et
Bernard Herrmann (1911-1975), musicien
d’Orson Welles et de Hitchcock, autour
duquel s’est développé un culte. Dans une
génération plus récente, qui intègre souvent des éléments pris au jazz, à la variété,
aux recherches contemporaines, et dont
les orchestrations plus « éclatées » sentent
parfois moins les violons et plus les bois
et les cuivres, on trouve John Williams
(1932), Lalo Schifrin (1932), Léonard
Rosenman (1924), André Prévin (1929),
Henry Mancini (1924-1994), Jerry Goldsmith (1929), Quincy Jones (1933), Burt
Bacharach, Jerry Fielding, etc. Un retour
à l’esthétique chargée, lyrique, « opératique » de Steiner, Rozsa, Herrmann s’est
manifesté dans les années 70, sur l’initiative de réalisateurs comme Alain Resnais,
Brian de Palma et Stephen Spielberg, et
a fait émerger des compositeurs comme
John Williams (1932), James Horner,
Danny Elfman, George Fenton.
Parmi les compositeurs du cinéma anglais, on citera John Addison (1920), John
Dankworth (1927), Roon Godwin (1929),
Richard Addinsell (1904-1977), et des auteurs « de concert » comme William Walton (qui travailla pour Laurence Olivier),
Richard Rodney-Bennett, Peter-Maxwell
Davies, etc. La France a longtemps connu
une situation où les grands noms de la
musique de concert écrivaient pour le
cinéma : Henri Sauguet, Jacques Ibert,
Maurice Thiriet, Arthur Honegger et, surtout, Georges Auric (chez Jean Cocteau
notamment) travaillèrent avec les plus
grands réalisateurs français. En revanche,
la génération dite « d’avant-garde » répugne le plus souvent à se « commettre »
avec le cinéma, sauf dans le domaine de la
musique électroacoustique (Parmegiani,
Canton, Bokanowski, Schwarz, Zanési,
etc.) et à quelques exceptions près (Maurice Le Roux).
Cependant, comme ailleurs, des compositeurs se sont consacrés spécialement
au cinéma, dont le légendaire Maurice
Jaubert (1900-1940), compositeur de
l’Atalante de Jean Vigo ou du Jour se lève
de Carné, ressuscité à titre posthume dans
des films de François Truffaut. On peut
citer aussi Paul Misraki (1908), Georges
Van Parys (1902), les compositeurs de
chansons Joseph Kosma (1905-1969)
et Vincent Scotto (1876-1952), et, plus
récemment, Maurice Jarre (1924) - émigré en Amérique comme les Korngold
d’antan -, les excellents Georges Delerue
et Pierre Jansen, puis ceux qui favorisent
le « joli thème » qui chante et embue les
yeux, François de Roubaix (1939-1975),
Francis Lai (1932), le brillant Michel Legrand (1932), auteur d’un des rares « opéras » 100 p. 100 chantants écrits pour le
cinéma (les Parapluies de Cherbourg de
Jacques Demy), Michel Magne (1930),
Philippe Sarde (1948), Gabriel Yared
(1949), Éric Demarsan (1938). En Italie,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
210
à côté de Fiorenzo Carpi, Armando Trovajoli, Mario Nascimbene, Renzo Rossellini, Roman Vlad, Franco Mannino, Luis
Bacalov, Nicolá Piovani, Gian-Franco
Plenizio, émergent 3 noms : ceux de
Giovanni Fusco (1906-1968), musicien
sobre et cérébral des films d’Antonioni ;
Ennio Morricone (1928), suprêmement
doué pour gaspiller son immense talent,
tel un Rossini, et qui transgressa les habitudes en composant des musiques qui
s’« entendent » beaucoup, contrairement
à la règle qui veut qu’elles se fondent et se
fassent oublier ; enfin le grand Nino Rota
(1911-1979), dont l’association privilégiée
avec Federico Fellini a immortalisé « tel
qu’en lui-même » le style à la fois léger
et profond, qui prend ses racines dans
les genres les plus modestes et les plus
populaires (cirque, music-hall), pour en
extraire la quintessence d’émotion.
On peut citer aussi les Allemands
Hanns Eisler, Paul Dessau, les Grecs
Manos Hadjidakis et Mikis Theodorakis,
le Polonais Krysztof Komeda, le Suédois
Erik Nordgren, le Russe Eduard Artemyev. Si, parmi les musiciens dits « de
concert », Chostakovitch écrivit abondamment pour le cinéma, on connaît
surtout en Europe le travail pourtant rare
et localisé de Prokofiev, à cause des deux
films d’Eisenstein qu’il mit en musique,
Alexandre Nevski et Ivan le Terrible (19431945). La conception du rapport image/
son dans ces deux films n’est pas révolutionnaire, elle est simplement étudiée
avec plus de soin, de conscience, de talent
et de concertation mutuelle qu’il n’est
de coutume. Les procédés qu’elle met en
oeuvre (mise en rapport de temporalités,
de dimensions rythmiques, plastiques,
de masses et de matières entre le son et
l’image) se retrouvent aussi bien dans les
films dits « expérimentaux » traités par
Michel Fano (compositeur-réalisateur de
« bandes sonores » pour Robbe-Grillet)
que dans des films d’allure très classique,
avec des chansonnettes et des orchestrations traditionnelles. Cette alchimie de la
musique et du cinéma ne se réduit pas à
des procédés, les classifications habituelles
entre les genres, les styles n’ont pas de sens
ici. Qu’importe que soit « dodécaphonique », « expérimentale » ou « tonale »
une partition musicale quand l’alchimie
fait son oeuvre et qu’elle unit indissolublement le blues écrit par Carlos d’Alessio au
chant d’amour fou mis en film par Marguerite Duras sous le titre d’India Song.
CIRY (Michel), compositeur français (La
Baule 1919).
Connu surtout comme peintre et comme
graveur, il a travaillé avec Nadia Boulanger et, tout en refusant les techniques
d’avant-garde, a su échapper au néoclassicisme. Esprit mystique, il s’est, à partir de
1947, consacré presque exclusivement au
domaine religieux, non sans s’opposer violemment, sur ce point précis, à un Olivier
Messiaen. Ses 5 premières symphonies,
pour choeur et orchestre, portent les titres
significatifs de Symphonie de douleur « Stabat Mater » (1951), Dies Irae (1952), Symphonie d’espérance « De profundis » (1954),
Symphonie de pitié (1954), Symphonie de
paix (1955). La sixième (Symphonie sacrée,
1958) est pour voix d’alto et orchestre sur
des textes de R. M. Rilke. On lui doit aussi
le Mystère de Jésus (Gethsémani) [1953],
le quatuor à cordes Ecce homo (1955),
un concerto pour piano, vents et batterie
(1948), Stèle pour un héros (1949), la Pietà
pour cordes (1950).
CISTRE.
Instrument ancien à cordes pincées, à
caisse ronde, fond plat et au manche allongé.
Héritier de la cithare de l’Antiquité,
il apparaît dans l’iconographie dès le
VIe siècle. À son apogée, à partir du
XVIe siècle, il était, comme la mandoline, et à la différence du luth, monté de
cordes métalliques, souvent doubles. Il lui
fut consacré de nombreux recueils, parus
chez les grands éditeurs de Paris, d’Anvers ou de Londres. Après une éclipse,
le cistre connut un regain de vogue à la
fin du XVIIIe siècle, mais sa forme s’était
entre-temps altérée et on rencontre alors
différents types de cistres de factures fort
diverses. Il ne faut pas confondre le cistre
et le sistre, instrument à percussion.
CITÉ DE LA MUSIQUE.
Établissement public inauguré à Paris en
1993.
Visant une pluralité d’approche (écouter, apprendre, pratiquer, voir), le projet
associe sur un même site la création, la
diffusion, l’enseignement, la documentation, l’information et la conservation.
Dans une architecture inspirée par le caractère temporel des formes musicales (un
espace « qui se parcourt, que l’on ne peut
jamais saisir d’un seul regard » selon son
concepteur, l’architecte Christian de Portzamparc), la Cité de la musique s’adresse
aussi bien à l’amateur qu’au professionnel
averti, qu’elle souhaite mettre en contact
et en interaction. L’activité de l’établissement se déroule notamment autour de
la salle de concerts (800 à 1 200 places,
selon la disposition), modulable d’une
point de vue géométrique et acoustique,
ce qui permet une programmation éclectique (musique baroque, contemporaine,
jazz, musiques du monde) dans un cadre
correspondant à chacun des styles illustrés. Le musée de la Musique veut donner
à voir et à entendre les instruments dans
une présentation originale (« exposition
permanente »). Un amphithéâtre y est
destiné aux démonstrations d’instruments
acoustiques, électroniques ou informatiques. Le Centre de documentation musicale et chorégraphique comprend notamment une multimédiathèque qui utilise
les nouveaux supports de conservation
et de diffusion de l’information. Depuis
1996, un Institut de pédagogie musicale
fait aussi partie de l’établissement. La Cité
de la musique organise en outre des stages
(Académie de musique du XXe siècle, entre
autres) et déploie une activité éditoriale
(livres, CD-ROM).
CITHARE.
On appelait cithare, dans l’Antiquité classique, l’instrument aujourd’hui appelé
lyre. La cithare n’était, en fait, qu’une lyre
améliorée, à la caisse de résonance plus
développée. Le terme est de nos jours
appliqué par les musicologues à tout instrument à cordes pincées dépourvu de
manche, quelle que soit sa forme (vina de
l’Inde, etc.). Mais il désigne particulièrement la cithare d’Europe centrale, dont les
nombreuses cordes accordées chromatiquement et résonnant à vide sont tendues
sur une caisse plate de forme trapézoïdale.
CITRON (Pierre), musicologue français
(Paris 1919).
Agrégé de l’Université, docteur ès lettres,
il a été notamment attaché de recherche
au Centre national de la recherche scientifique (1957-1960), directeur des études à
l’Institut français de Londres (1960-1963)
et professeur de littérature française à la
faculté des lettres de Clermont-Ferrand
(1963-1969). À partir de 1970, il a occupé
le même poste à Paris-Sorbonne. Il a édité
des oeuvres de Balzac, Villiers de l’lsleAdam et Giono. Comme musicologue, on
lui doit des ouvrages sur Couperin (1956)
et Bartók (1963), ainsi que l’édition des
Mémoires (2 vol., 1969) et - en collaboration avec Frédéric Robert - de la Correspondance générale d’Hector Berlioz (six
volumes de 1972 à 1995, septième et dernier volume à paraître).
CLAIRON.
1. Instrument à vent de la famille des
cuivres. Cette sorte de trompette sans pistons, de perce conique plus grosse et de
forme plus ramassée que la trompette,
a une sonorité aussi claire, mais moins
sèche. Réglementaire dans l’armée française, le clairon est chargé des diverses
sonneries de service, de combat et de cérémonie, encore qu’il tende à tomber en
désuétude sauf dans ce dernier domaine.
Les clairons sont également employés en
grand nombre, avec les tambours, dans les
« cliques » militaires et civiles.
2. Jeu d’orgue à anche, du type trompette,
dont le tuyau est de forme conique régulière, à grosse taille, en métal. Il sonne à
l’octave aiguë de la trompette (4 pieds). Ce
registre dote le pédalier - où il est parfois
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
211
appelé à jouer en soliste - ou les claviers
manuels ; il est le plus souvent associé à
la trompette, et éventuellement à la bombarde, en batteries d’anches utilisées dans
les tutti.
3. Second registre (registre du médium) de
la clarinette.
CLAPISSON (Antonin Louis), compositeur français (Naples 1808 - Paris 1866).
Après avoir étudié le violon à Bordeaux,
il se rendit à Paris, où il entra en 1830 au
Conservatoire. Élève de Reicha (composition) et de Habenek (violon), il reçut
en 1832 un deuxième prix qui lui permit
de devenir second violoniste à l’Opéra.
Ce poste, qu’il conserva jusqu’en 1838, et
ses qualités de mélodiste l’amenèrent à se
tourner vers la scène lyrique. Son grand
opéra Jeanne la Folle (1848) n’ayant pas
réussi, il continua à composer surtout de
la musique de demi-caractère, écrivant
en tout plus de vingt opéras-comiques.
La Perruche (1840), la Promise (1854) et
surtout la Fanchonnette (1856) connurent
un très vif succès, tandis que le Code noir
(1842) et Gibby la Cornemuse (1846)
furent considérés comme ses meilleurs
ouvrages lyriques. Clapisson se fit également connaître par plus de deux cents
chansons, dont certaines furent popularisées par des textes de Béranger, et par une
collection d’instruments de musique, qui
vint enrichir, à Paris et à Londres, le musée
du Conservatoire et le Victoria and Albert
Museum.
CLAQUEBOIS.
Instrument ancien de la famille des percussions.
C’était en fait, comme son nom l’indique, un xylophone rudimentaire.
CLAQUETTE.
Instrument à percussion en bois, apparenté
à la crécelle, et constitué de deux lames que
l’on fait claquer l’une contre l’autre.
CLAQUETTES (danse à) [en angl. tap
dance].
Danse moderne issue du folklore noir
américain.
Elle est fondée, comme le zapateado
espagnol, sur le jeu des pieds frappant le
sol, alternativement, de la pointe et du
talon. Son effet sonore est généralement
renforcé par l’emploi de souliers spéciaux,
ferrés aux deux bouts, qui forment avec le
plancher de véritables instruments à percussion.
CLARINETTE.
Instrument à vent de la famille des bois.
Les lois de l’acoustique sont ainsi faites
qu’un tuyau sonore de perce cylindrique
sonne comme un tuyau fermé, c’est-à-dire
à l’octave inférieure d’un tuyau conique de
même longueur. C’est pourquoi la clarinette possède, au grave, près d’une octave
de plus que le hautbois. Elle est également
caractérisée par son anche simple, une
mince lame de roseau qui, fixée à un bec,
vibre contre la lèvre inférieure de l’exécutant.
Historiquement, la clarinette s’apparente à de nombreux instruments à anche
simple et perce cylindrique dont l’origine
se perd dans la nuit des temps, et qui se
retrouvent sous diverses formes jusqu’en
Extrême-Orient. Dans le monde occidental, l’ancêtre direct de la clarinette est
le chalumeau médiéval, mais le premier
instrument qui lui ressemble vraiment est
d’invention relativement récente. C’est un
facteur de Nuremberg, Johann Christoph
Denner (1655-1707), qui s’avisa vers 1690
de supprimer la capsule où était enfermée
l’anche du chalumeau, et d’ajouter au
tuyau sonore un pavillon dont la forme
rappelait celle de la petite trompette ou
clarino, d’où le diminutif « clarinette ».
Avec les fils de Denner, puis avec un
grand clarinettiste originaire de Bohême,
Joseph Beer (1744-1811), l’instrument
connut des améliorations successives se
traduisant, comme pour tous les bois,
par la multiplication des trous et des clés.
Elle acquit ses vertus actuelles d’agilité et
d’étendue (3 octaves et une sixte) grâce au
système de Theobald Böhm, au milieu du
XIXe siècle. Mais depuis une centaine d’années déjà, malgré ses imperfections, elle
possédait l’essentiel de ses caractéristiques
de timbre et de ses possibilités expressives
(large éventail de couleurs, du moelleux
au mordant, de son registre grave appelé
chalumeau ; chaleur et brio de son registre
de médium ou clairon ; incisivité et, s’il
le faut, ironie de son aigu) et avait attiré
les plus grands compositeurs. Rameau
l’introduisit dans l’orchestre de son opéra
Zoroastre (1749) ; l’école de Mannheim la
dota d’un riche répertoire de soliste ; Mozart l’employa de manière inspirée dans
l’instrumentation de ses symphonies et de
ses opéras et lui confia un rôle prépondérant dans deux partitions d’une extrême
qualité, le Concerto pour clarinette K 622 et
le Quintette pour clarinette et cordes K 581.
Toutes sortes de bois (buis, grenadille, etc.) ont servi à la construction de
la clarinette. Il y en a même eu de métalliques. Aujourd’hui, l’ébène est pour ainsi
dire seule employée. Le modèle le plus
répandu, et de loin, est en si bémol. Il en
existe également dans les tonalités plus
hautes d’ut et de mi bémol (petite clarinette) et celle, plus grave, de la. Dans les
versions encore plus graves, l’instrument
change sensiblement de forme en raison
de ses dimensions. Le cor de basset en fa,
jadis coudé en son milieu, est de nos jours
rectiligne sauf un bocal métallique légèrement incurvé qui supporte le bec.
La clarinette alto en mi bémol, avec son
pavillon métallique recourbé vers le haut,
affecte déjà la forme d’un « S », encore
plus accusée dans la clarinette basse en si
bémol ou en la. Citons enfin une clarinette
contralto (en fa ou en mi bémol) et une
clarinette contrebasse en si bémol grave.
CLARINO.
Nom donné, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle,
à une sorte de trompette qui permettait
d’exécuter les passages suraigus que comporte fréquemment la musique baroque,
et dont l’exemple le plus célèbre est fourni
par le Deuxième Concert brandebourgeois
de J. S. Bach. Si l’existence de cet instrument ne fait aucun doute, les musicologues en sont encore réduits aux hypothèses
sur sa nature exacte et sa construction, car
aucun exemplaire n’est parvenu jusqu’à
nous. La trompette naturelle - c’est-à-dire
démunie des pistons qui ne furent mis
au point que vers 1830 - n’émet en effet
que les harmoniques du son fondamental, harmoniques qui ne se suivent par
degrés conjoints que dans une tessiture
très élevée, purement théorique en ce
qui concerne les instruments de perce et
de dimensions normales. On a évoqué la
possibilité d’une trompette à anche, ou à
trous, ou comportant à la fois une anche
et des trous. Mais de récentes tentatives
de reconstitution donnent à penser que
le clarino était plutôt une véritable trompette munie d’une très petite embouchure,
dont le très long tube était plusieurs fois
enroulé sur lui-même, en forme de cercle,
à la manière du cor de poste (posthorn).
Encore l’instrument de ce type exige-t-il
une prodigieuse virtuosité, mal récompensée par la fausseté de la plupart des notes.
Le clarino est aujourd’hui avantageusement remplacé par la petite trompette en si
bémol aigu à quatre pistons, le quatrième
ayant pour effet de transposer l’instrument
dans le ton de fa.
CLARKE (John, ou Clarke-Whitfield), organiste et compositeur anglais (Gloucester 1770 - Holmer 1836).
Après des études à Oxford, il partit en
1789 en Irlande, où il occupa différentes
positions d’organiste et de chef de choeur
(à Ludlow, Dublin et Armagh). À la suite
de la révolte de 1799, il rentra en Angleterre pour y exercer, jusqu’en 1820, les
mêmes fonctions au Trinity College et au
Saint John’s College de Cambridge, où
il fut nommé professeur de musique en
1821. En 1820, il devint organiste et chef
de choeur à la cathédrale d’Hereford, poste
qu’il abandonna en 1832.
Musicien infatigable, Clarke est l’auteur de mélodies, de glees, d’un oratorio
(The Crucifixion and the Resurrection), et
surtout d’une anthologie en quatre volumes de services religieux et d’anthems
(Cathedral Music). Il a publié, en outre,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
212
un recueil de trente anthems de maîtres
contemporains, et a effectué de nombreux
arrangements, en particulier des oeuvres
de Haendel.
CLASSICISME.
Terme tendant parfois à se confondre avec
l’expression « musique classique ».
Très employé, quoique souvent de
façon ni claire ni précise, il recouvre,
selon les périodes ou les pays, des réalités fort diverses. La musique « classique »
peut s’opposer à celle dite « populaire »
ou « légère », et comprend alors toute la
musique savante (ou « sérieuse ») européenne, de Pérotin aux successeurs de
Boulez. Dans ce contexte « savant », on
peut distinguer musique classique et musique contemporaine, et faire débuter celleci avec Debussy, par exemple, ou avec la
génération Boulez-Stockhausen. Mais on
appelle « classique » contemporain une
personnalité ou une oeuvre dont la situation et le rang ne sont plus contestés par
les spécialistes, ni même parfois par le
grand public, ce qui est le cas de nombreuses partitions de Boulez ou de Stockhausen. Dans le même ordre d’idée, on
considère Schubert comme le représentant « classique » du lied allemand et Liszt
comme celui du poème symphonique, car
ils furent les premiers à donner, de ces
genres respectifs et dans un contexte historique et esthétique précis, des spécimens
convaincants, exemplaires et durables.
Mais Schubert et Liszt relèvent de ce qu’on
appelle traditionnellement le romantisme
musical.
Et de fait, on oppose aussi musique
classique à musique romantique, musique
baroque, musique de la Renaissance,
musique médiévale. En ce sens, le classicisme versaillais de Lully (1632-1687)
à Rameau (1683-1764) et le classicisme
viennois de Haydn (1732-1809), Mozart
(1756-1791) et Beethoven (1770-1827)
correspondirent bien à deux âges d’or,
mais ne se confondirent ni dans le temps
ni surtout esthétiquement. Le premier
fut essentiellement d’Ancien Régime, le
second annonciateur et contemporain de
la Révolution française. Et le passage de
l’un à l’autre fut symbolisé par un événement culturel d’importance, la Querelle
des bouffons (1752). Ils n’ont pas toujours
cultivé les mêmes formes, et leurs architectures, leurs dynamiques musicales sont
inconciliables, y compris dans les genres
pratiqués par l’un et par l’autre, comme
le concerto et surtout l’opéra (le quatuor
à cordes et la symphonie ne reçurent leurs
lettres de noblesse qu’avec le classicisme
viennois, historiquement la première
« école » qui n’eut jamais besoin d’être
redécouverte).
À noter qu’en musique, comme en littérature, le terme « classique » est d’invention assez récente (v. 1800), et chronologiquement plutôt postérieur à celui de
musique « romantique », celui-ci ayant
largement suscité celui-là. Il reste que, à
partir de Goethe, l’opposition classicismeromantisme en musique agita beaucoup
les esprits, notamment chez les écrivains.
Beaucoup se préoccupèrent surtout de défendre un programme : d’où les premières
accusations de sécheresse, de pédantisme
et de formalisme lancées contre le « classicisme », ce qui est aussi absurde que de
le définir uniquement, même en prônant
ces vertus, par rigueur formelle, raison, logique et bon goût. Alors que E. T. A. Hoffmann venait de qualifier Haydn et Mozart
(et a fortiori Beethoven) de romantiques
en raison de leur rôle dans l’émancipation
de la musique instrumentale, seule capable
selon lui, par son abandon des paroles, du
programme, d’exprimer l’inexprimable,
et que la génération de 1830 s’apprêtait à
redécouvrir Bach (1685-1750), contemporain de Rameau, Goethe lui-même alla
sans doute au coeur du problème : « Technique et mécanisme poussés à l’extrême
conduisent les compositeurs à un point
où leurs oeuvres cessent d’être de la musique, et n’ont plus rien à voir avec les
sentiments humains ; confronté à elles, on
ne peut rien apporter qui vienne de son
propre esprit ou de son propre coeur »
(lettre à Eckermann, 12 janvier 1827).
Cette phrase méconnue, selon laquelle
n’est plus musique celle qui par sa puissance despotique paralyse l’auditeur et le
prive de son pouvoir d’imagination, en dit
long sur Goethe et sur ses goûts, mais n’en
touche pas moins un point essentiel en affirmant que « c’est précisément l’équilibre
des fonctions de l’artiste et de l’auditeur
qui caractérise l’attitude classique » (Friedrich Blume).
CLAUDEL (Paul), poète et auteur dramatique français (Villeneuve-sur-Fère
1868 - Paris 1955).
Il a reconnu sa dette envers Beethoven à
qui il devait, disait-il, pour la formation
de son art, autant qu’à Shakespeare et aux
tragiques grecs. En se situant par rapport
à Richard Wagner, le poète s’est efforcé
d’établir de nouveaux liens entre la parole
et le chant. Grâce à sa collaboration avec
Darius Milhaud, commencée dès 1913
avec Agamemnon et Protée, poursuivie
de 1915 à 1922 avec les Choéphores et les
Euménides, puis en 1929 avec Christophe
Colomb, Claudel a pu montrer comment
la mélodie peut jaillir de la parole et la
phrase du rythme élémentaire, de même
que la poésie peut surgir de la réalité la
plus grossière. Ses recherches ont abouti
à substituer à l’esthétique traditionnelle
du drame lyrique celle d’un théâtre musical mettant en jeu les formes les plus diverses de l’expression. La collaboration de
Claudel et d’Arthur Honegger dans Jeanne
au bûcher n’est pas moins importante : en
se conformant strictement aux indications
du poète, Honegger a composé l’une de ses
plus grandes oeuvres.
LIVRETS ET ARGUMENTS DE BALLETS :
l’Homme et son désir, ballet (1917) ; la
Femme et son ombre, ballet (1923) ; Christophe Colomb, opéra (1929, créé en 1930) ;
le Festin de la sagesse, oratorio dramatique
(1934) ; Jeanne au bûcher, oratorio dramatique (1934) ; la Danse des morts, oratorio
dramatique (1938).
ÉCRITS SUR LA MUSIQUE :
Richard Wagner. Rêverie d’un poète français (1927) ; le Drame et la Musique (1930) ;
le Poison wagnérien (1938) ; Sur la musique
(1942) ; Hector Berlioz (1943) ; le « Beethoven » de Romain Rolland (1946) ; Arthur
Honegger (1946) ; le Dauphiné sous l’archet
de Berlioz (1949).
CLAUSULE.
Section d’organum en style de déchant
(teneur mesurée) venue se substituer à une
section en style organum (teneur non mesurée) ou à une section plus vaste en style
de déchant (démarches associées au nom
de Pérotin et aux modifications apportées
au Magnus liber de Léonin).
Exécutée séparément, avec texte nouveau à la voix organale (selon la technique
du trope) et hors de tout contexte liturgique, la clausule fut à l’origine du motet
médiéval. Le terme peut aussi signifier
« fin de phrase » et, par extension, se rapprocher de « formule cadentielle ».
CLAVÉ (José Anselmo), compositeur et
chef de chorales espagnol (Barcelone
1824 - id. 1874).
Entièrement autodidacte, venu à la musique après avoir dû abandonner pour raisons de santé le métier de tourneur, il composa quelques zarzuelas, des romances, des
choeurs, et fut un grand animateur de la
vie musicale catalane. Ayant pris en 1845
la direction d’une société musicale d’étudiants, « La Aurora », il la transforma en un
groupe choral à la manière des orphéons
français, qui prit le nom de « La Fraternidad » (1850), puis « Euterpe » (1857). À
l’instar de ce groupe se constituèrent en
Catalogne de nombreuses sociétés chorales. Clavé demeura le catalyseur de ce
mouvement en organisant des concours
et des fêtes auxquelles se joignaient des
musiciens professionnels. Au cours de
l’une d’elles, en juillet 1862, il dirigea la
« marche des pèlerins » de Tannhäuser :
ce fut la première exécution d’une page de
Wagner en Espagne. Attaché au progrès
social, Clavé participa d’autre part activement à la vie politique de sa province.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
213
CLAVECIN (en angl. harpsichord ; en all.
Kielflügel ou Cembalo ; en ital. clavicembalo).
Famille d’instruments à clavier dont les
cordes sont mises en vibration par un mécanisme comportant un plectre. De forme,
d’étendue et de dimensions variables, le
clavecin a été employé dans toute l’Europe
dès le milieu du XVe siècle, pour ensuite
disparaître presque complètement de la vie
musicale vers 1800, cédant ainsi la place
à un instrument totalement différent et
correspondant mieux à l’évolution du goût
à cette époque : le piano-forte. Redécouvert par quelques pionniers au début du
XXe siècle, le clavecin a progressivement
retrouvé son langage propre tout en élargissant son répertoire par l’augmentation
de ses possibilités. Sous l’action conjuguée
des compositeurs et de certains facteurs
d’instruments, on assiste aujourd’hui à la
naissance d’un clavecin nouveau mis à la
disposition d’interprètes de talent défendant courageusement la musique de leur
temps.
LES ORIGINES.
On ne sait pas avec précision à quelle
date apparaît le clavecin en Europe. Son
nom nous est révélé pour la première fois,
sous la forme latine clavicymbalum, dans
un poème en bas allemand de 1404, Der
Minne Regeln. On pense généralement que
ce nouvel instrument résulte de la combinaison, réalisée par un artisan inconnu,
d’un instrument à cordes à caisse trapézoïdale d’origine arabo-persane, le « qâ
nun », avec un clavier à touches étroites
comme ceux des orgues portatifs ou positifs. Dès 1420, de nombreux témoignages
iconographiques attestent la rapidité de
sa diffusion. Vers 1440, un traité capital
révèle les règles de construction de divers
instruments parmi lesquels figure en
bonne place le clavicimbalum. Rédigé par
Henri Arnaut de Zwolle (v. 1400-1466),
physicien et astronome du duc de Bourgogne Philippe le Bon, puis de Louis XI,
ce manuscrit constitue le seul traité de
construction de toute l’histoire de la facture de clavecins. Le plan très précis du
clavicimbalum qui nous est proposé a de
quoi surprendre le lecteur ; en effet, toutes
les dimensions de l’instrument sont indiquées par rapport à un « module » de base
qui sera ensuite reporté selon une « série »
mathématique précise (1, 2, 3, 5, 8, 13...).
Aucune dimension mesurée n’est indiquée
et toutes les reconstitutions actuelles sont
des hypothèses qui s’appuient principalement sur la largeur des touches du clavier.
Les plus vraisemblables de ces reconstitutions conduisent à un instrument relativement court à la courbe très prononcée - un
arc de cercle parfait -, tendu d’un seul rang
de cordes de fer. Son étendue est de trois
octaves (35 notes de si à la) et sa sonorité extrêmement brillante et percutante
s’explique à la fois par le faible volume de
la caisse de résonance, par les plectres de
bronze qui mettent les cordes en vibration,
et par l’absence de tout système d’étouffoir. Cette dernière particularité contraint
l’interprète à adopter un tempo plus que
modéré s’il veut éviter toute confusion.
Il n’y a pas à cette époque de littérature spécifique spécialement destinée au
clavicimbalum. Son clavier lui permet
cependant d’aborder les transcriptions
de messes polyphoniques ou bien les tablatures d’orgue d’un Conrad Paumann,
dont le Fundamentum Organisandi voit le
jour en 1452. Son encombrement réduit et
sa légèreté lui permettent sans doute aussi
de participer à des musiques de divertissement où son éclat et la précision de son
timbre lui permettent de soutenir quelque
« danserye ».
Certains regretteront peut-être que le
quatrième dispositif décrit par Henri Arnaut de Zwolle pour mettre les cordes en
vibration ait été si rapidement oublié : il
s’agissait d’une sorte de levier comportant
un « crampon » métallique, projeté contre
la corde par la touche du clavier. Oublié
pendant trois siècles, il devait être redécouvert ensuite pour devenir... le marteau
du piano-forte !
LE FONCTIONNEMENT.
Dès le milieu du XVe siècle, le principe
directeur du clavecin est acquis. Il restera identique, plus ou moins amplifié,
jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Ce principe
est simple : un certain nombre de cordes
métalliques, de longueur décroissante et
correspondant chacune à une note de la
gamme, sont tendues au moyen de chevilles d’accord entre deux points fixes.
L’un de ces points fixes est destiné à
transmettre et amplifier la vibration des
cordes, au moyen de la table d’harmonie,
véritable membrane de bois mince qui
agit à la façon d’une peau de tambour.
Le second point fixe est placé sur une
partie généralement non résonnante. La
réunion de ces différents points constitue
respectivement le chevalet et le sillet. Le
mécanisme de mise en vibration de chaque
corde, le sautereau, est constitué d’une
mince réglette de bois (d’environ 14 × 3
mm de section dans un clavecin classique)
armée d’un plectre à sa partie supérieure.
Ce plectre, jadis en plume de corbeau et
maintenant souvent remplacé par un matériau de synthèse, est enchâssé dans une
languette de bois dur susceptible de pivoter autour d’un minuscule axe métallique.
Un infime ressort, autrefois tiré d’une soie
de sanglier, maintient cette languette en
position verticale de repos. Lorsque l’on
enfonce une touche du clavier, le sautereau qui repose sur l’arrière de la touche
se soulève d’autant, guidé dans sa course
par une réglette de bois percée de mortaises : le registre. Le plectre qui se trouvait
sous la corde accroche ou « pince » celle-ci
dans son mouvement ascendant, la mettant ainsi en vibration. La corde « sonne »
jusqu’à ce que ses vibrations s’éteignent
par perte d’énergie. Relâche-t-on cette
même touche ? Le sautereau retombe par
son propre poids, son plectre rencontre
à nouveau la corde dans un mouvement
inverse qui oblige la languette à basculer
autour de son axe, laissant ainsi échapper
la corde sans émission de son. Toute vibration parasite est évitée grâce à un étouffoir
de drap ou de feutre qui coiffe le sautereau.
À chaque touche du clavier correspond au
moins une corde mise en vibration par un
sautereau.
S’il a existé des clavecins à une corde
seulement pour chaque note, les facteurs
ont eu bientôt l’idée - inspirés peut-être
en cela par les facteurs d’orgues - d’ajouter
une seconde corde, accordée à l’unisson
ou à l’octave de la première, créant ainsi
des « jeux » supplémentaires. Ces jeux
posséderont chacun leur propre rang de
sautereaux sur des registres séparés qui
pourront être mis « en jeu » ou « hors jeu »
au moyen de mécanismes simples actionnés par le musicien. Par analogie avec
l’orgue, l’arrangement des différents jeux
d’un clavecin est appelé sa « disposition ».
Si nous ajoutons que tout clavecin doit
posséder une caisse de résonance close à l’inverse de celle du piano moderne -,
nous aurons résumé tous les éléments spécifiques propres à cet instrument. Tous les
clavecins dignes de ce nom possèdent ces
caractères généraux, mais leur structure
ainsi que leur disposition ont sans cesse
varié selon les époques ou selon les régions, aboutissant ainsi à des instruments
d’esthétique et de sonorité différentes que
l’on a l’habitude de regrouper au sein de
plusieurs grandes écoles.
LA FACTURE ITALIENNE.
Celle-ci représente un cas particulier
parmi toutes les écoles européennes de
facture de clavecins. En effet, ses caractères
dominants se retrouvent tout au long de
son histoire, pendant près de trois siècles,
sans que le schéma initial né vers 1500
subisse de profondes altérations : tout se
passe comme si l’instrument primitif avait
été parfait dès le début de son histoire.
Seules des modifications mineures (étendue, suppression ou adjonction d’un jeu,
mise à d’autres diapasons, etc.) attestent,
par ces déviations par rapport au schéma
type, la vitalité et la créativité d’un art qui a
toujours su éviter la monotonie.
Historiquement et technologiquement,
l’école italienne est celle qui suit au plus
près le principe directeur « bourguignon » légué par Henri Arnaut de Zwolle
au milieu du XVe siècle. Historiquement
d’abord, les clavecins les plus anciens sont
dus à des facteurs italiens, à une exception
près. Il ne se passe « que » soixante ans endownloadModeText.vue.download 220 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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viron entre la rédaction du célèbre traité
et les premiers instruments qui nous sont
parvenus. Techniquement ensuite, ces
premiers facteurs ont suivi de très près la
construction « harmonique » dans l’élaboration de leurs plans et de leurs tracés. À
l’examen, on devine aisément l’existence
d’un « module » de base qui se retrouve,
multiplié ou réduit, dans toutes les parties
de l’instrument. L’un de ces modules, et
le plus évident, est la conséquence d’une
loi physico-acoustique qui veut qu’une
corde sonore, d’un matériau et d’un diamètre donnés, sous une tension égale,
sonne une octave en dessous d’une corde
de référence moitié moins longue. C’est
cette constatation qui régit l’ensemble
de la production italienne pendant ces
trois siècles en incitant les facteurs à adopter la « règle de la juste proportion » pour
le tracé de leur plan de cordes. La longueur de la corde correspondant à l’ut de
1 pied (1ʹ) est souvent prise pour module,
et cette valeur (comprise entre 280 et 300
mm) sera simplement doublée d’octave
en octave sur presque toute l’étendue du
clavecin. Cette construction quasi mathématique va conférer au clavecin italien
sa caractéristique visuelle principale qui
est une courbe extrêmement prononcée. L’éclisse courbe est en effet parallèle
au chevalet dont la place est déterminée
par la longueur des cordes. On observe
cependant une altération de la « juste
proportion » dans le grave, de façon à ne
pas obtenir un instrument exagérément
long et fragile, ainsi que des cordes molles
et sans timbre. La pointe du chevalet est
alors simplement brisée par l’emploi
d’une courte portion droite soutenant les
cordes les plus longues. Sous l’aspect de la
fabrication proprement dite, le clavecin
italien est une caisse fermée, d’une ligne
très élancée, construite avec des matériaux
de faible épaisseur. Son poids en est donc
relativement réduit. À titre d’exemple,
un instrument dû au facteur Trasuntino,
daté de 1538, pèse seulement 12 kg, clavier compris, pour une longueur de 2,08
m ! C’est donc une technique de fabrication qui s’apparente encore beaucoup à la
lutherie proprement dite.
Sur le plan pratique, la caisse est
construite à partir d’un fond en sapin
dont l’épaisseur varie de 10/11 à 21/22
mm selon les instruments. Ce fond est
parfois consolidé par des traverses « en
écharpe », clouées et collées diagonalement pour renforcer l’assemblage. Sur
cette assise plane seront fixées, par simple
collage ou par encastrement, des équerres
qui supporteront une « couronne de
contre-éclisses » servant ultérieurement
d’appui à la table d’harmonie. Des arcsboutants partant du fond et rejoignant les
contre-éclisses viennent encore rigidifier
cette charpente sans nuire à sa légèreté. Le
sommier qui recevra les chevilles d’accord
est généralement issu d’un bloc de noyer
et est fixé solidement sur des supports en
ménageant un espace ou « fosse » à l’avant
de la table, espace destiné au passage des
registres. Il est à noter que la majorité des
instruments italiens anciens comportent
une « fosse » placée en oblique par rapport
au sommier et au clavier : le registre est
ainsi plus éloigné du clavier au grave qu’à
l’aigu. Nous retrouvons là une préoccupation majeure des facteurs pour tenter de
maintenir une harmonie entre les rapports
des points de pincement de chaque corde
sur toute l’étendue du clavier. Les éclisses
sont ensuite collées sur la périphérie de
cette charpente. Ce sont des planches
minces, de 3 à 6 mm d’épaisseur et de 180
à 200 mm de largeur, généralement en
cyprès mais aussi parfois en noyer. Après
assemblage, ces éclisses ainsi que le bas de
la caisse seront ornés de moulures au profil très accentué. Moulures ornementales,
certes, mais qui joueront surtout le rôle
de renforts destinés à rigidifier ces surfaces déformables, sans augmenter sensiblement le poids de l’ensemble. La table
d’harmonie est préparée, généralement, à
partir d’un assemblage de minces feuillets
de cyprès, mais parfois aussi d’épicéa, puis
dotée de son barrage (armature de la face
interne destinée à délimiter avec précision
des aires de vibration) et de son chevalet
(baguette moulurée et cintrée qui transmet les vibrations à la table). Cette table
est collée sur les contre-éclisses et prête à
recevoir, après « division » et « pointage »,
un ou deux rangs de cordes très fines, généralement en fer et en laiton.
Il n’entre donc dans l’élaboration de
la caisse des instruments italiens que des
matériaux légers et résonnants. Cette légèreté conduisant à une relative fragilité, le
clavecin italien est contenu dans un étui
ou « caisse extérieure » en bois plus massif. C’est cette caisse qui recevra le couvercle et c’est sur celle-ci que s’exercera
le talent des peintres et des ornemanistes,
car l’instrument lui-même est toujours
laissé nu, dans la beauté du bois soigneusement poli. Un piètement qui peut aller
jusqu’à l’extravagance supporte le tout,
lorsque le clavecin est fixé à demeure. En
cas de déplacement fréquent - les princes
n’aiment-ils pas être accompagnés de
leurs musiciens ? - une table peut le recevoir, deux tréteaux permettent d’en jouer.
Une autre singularité intéressante est
l’adoption systématique par les facteurs
italiens - et par les musiciens, par conséquent - d’un clavecin à un seul clavier
dont l’étendue reste longtemps fixée autour de quatre octaves. Pour cette étendue,
représentant 49 notes, le clavier ne comprend souvent que 45 touches, l’octave
la plus grave étant amputée de certains
demi-tons. Cela résulte de l’accord particulier des instruments à clavier préconisé
jusqu’au milieu du XVIIIe siècle au moins.
Cet accord, dit « à tempérament inégal »,
avait pour cause l’impossibilité de diviser l’octave en douze demi-tons égaux en
conservant des intervalles (tierce, quinte,
etc.) acoustiquement « justes ». Les musiciens « trichaient » donc en favorisant certaines tonalités au détriment de certaines
autres, peu employées (fa dièse mineur,
par exemple). Tous les systèmes gravitant autour de ce principe avaient pour
énorme avantage de rendre l’oeuvre musi-
cale « expressive » par sa tonalité même.
En revanche, le nombre de tonalités autorisées était plus restreint, d’où la présence
de cette « courte octave » dans les claviers
de l’époque, dans une région sonore où
la main gauche ne réalise que l’harmonie.
Générale au XVIe siècle et pendant presque
tout le XVIIe, cette pratique disparut peu à
peu, à mesure que l’étendue des claviers
augmentait pour atteindre quatre octaves
et une quinte, entièrement chromatiques,
au XVIIIe siècle.
Avec ses deux seuls jeux de « huit
pieds » (8ʹ) et son clavier unique, le clavecin italien possède une vie et une présence
indiscutables. La légèreté des matériaux
favorise une attaque du son très mordante
suivie d’un son très coloré et relativement
peu soutenu. Son timbre lumineux ne pardonne pas la moindre erreur de phrasé ;
mais qu’il soit servi par un musicien sensible et averti, qu’il soit surtout accordé
selon l’un des « tempéraments inégaux »,
alors il servira mieux que n’importe quel
autre les oeuvres étonnantes qu’ont écrit
pour lui Giovanni Picchi, Salomone Rossi,
Girolamo Frescobaldi, ou... les « virginalistes » anglais !
LA PÉNINSULE IBÉRIQUE.
Fort peu de chose distingue la facture italienne de celle de la péninsule, ce qui est
assez normal compte tenu de l’étroitesse
des liens qui ont uni ces deux régions sous
l’Ancien Régime. Plan et matériaux y sont
identiques et seuls quelques éléments du
décor accusent des différences sensibles. Il
faut cependant reconnaître que peu de clavecins espagnols ou portugais antérieurs
au XVIIIe siècle nous sont parvenus. En revanche, les instruments portugais de la fin
du XVIIIe qui ont survécu permettent peutêtre de résoudre le problème posé par certaines sonates de Domenico Scarlatti. On
sait que plusieurs sonates du Napolitain
dépassent l’étendue des plus grands clavecins construits en Europe à son époque,
et atteignent le sol aigu, alors que les instruments italiens atteignent tout juste le
mi. Plusieurs instruments existent, qui
permettent d’élaborer une hypothèse satisfaisante, deux parmi ceux-ci atteignant
le la aigu (instruments de Manuel Anjos
Leo de Beja - 1700 et Joze Antunes - 1789).
Au service de Maria Barbara, ex-infante
du Portugal, reine d’Espagne, pour qui
il a composé de nombreuses « sonates »,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Scarlatti ne peut avoir ignoré de tels instruments et c’est peut-être dans cette voie
que l’on peut souhaiter une plus grande
authenticité dans l’interprétation de ses
oeuvres.
LA FACTURE FLAMANDE.
Vouloir esquisser une histoire du clavecin en Europe revient, en fait, à étudier
plus particulièrement deux pays : l’Italie
et les Flandres. Issues toutes deux du vieux
tronc commun « bourguignon », leurs
caractéristiques spécifiques divergent sensiblement au milieu du XVIe siècle. Tandis
que l’Italie influence la facture espagnole
et portugaise, les Flandres inspirent fortement les facteurs français, allemands
et anglais. Comme celle de tout produit
manufacturé important, l’histoire du clavecin, en Flandres, reflète l’histoire politique et économique de ses principaux
centres. Dès le XIVe siècle, Bruges jouit
d’une opulence incontestée due à sa situation géographique lui permettant d’offrir
au commerce l’un des plus fameux ports
de l’Europe du Nord. Malheureusement,
l’envasement progressif de ses accès, dès
le milieu du XVe siècle, donne l’avantage à
Anvers. Toute la vie artistique brugeoise y
est transférée et le trafic international dont
bénéficie la ville à cette époque porte loin
des frontières le renom de la cité. Parmi
toutes les activités que cette opulence naissante contribue à développer, la facture
instrumentale tient une place non négligeable. Dès le XVIe siècle, les nombreux
facteurs de clavecins sont regroupés au
sein de la « guilde de Saint-Luc », confrérie
réunissant des peintres et des sculpteurs,
et codifiant leurs activités. L’appartenance
à cette guilde permet simplement aux facteurs de réaliser eux-mêmes la décoration
de leurs clavecins. Il faut attendre une
ordonnance de 1558 pour que dix d’entre
eux, dont les noms sont ainsi passés à la
postérité, soient reconnus comme facteurs
à part entière.
Trois instruments seulement nous
sont parvenus des cosignataires de cette
ordonnance : celui de Joost Karest (1548),
un autre de Martin Van der Biest (1580)
et un troisième de Lodwijck Theewes
(1579). L’instrument de Karest, un virginal conservé au Musée instrumental
de Bruxelles, atteste d’une profonde influence italienne : plan polygonal, éclisses
fines à moulures, présence d’une caisse
extérieure. Mais des différences fondamentales l’éloignent du type traditionnel
italien : clavier entièrement « en retrait »,
guidage des sautereaux par la table et par
un guide séparé, et surtout adoption d’un
module de cordes plus long que sur la
plupart des instruments italiens (ut de 1ʹ :
292 mm). Il s’agit donc d’un instrument
hybride dû à un facteur né à un carrefour
d’influences, Karest se disant lui-même
« de Colonia ». L’étude de nombreux
documents iconographiques confirme la
présence de ce type d’instrument jusque
dans la seconde moitié du XVIe siècle.
On considère généralement que le clavecin flamand typique est dû à une dynastie de facteurs anversois, les Rückers,
actifs pendant plus d’un siècle, et dont le
fondateur, Hans Rückers « le Vieux » est
admis à la guilde de Saint-Luc en 1579. Il
meurt vraisemblablement en 1598, laissant à deux de ses fils, Johannes II (15781643) et Andreas I (1579-1654) le soin de
continuer la tradition familiale. Admis
tous deux comme membres de la guilde
en 1610 et 1611, ceux-ci transmettent à
Andreas II (1607 - apr. 1667) les secrets
du métier. Le nom des Couchet, dont
Johannes (1611-1655) est le plus illustre,
est inséparable des précédents dans l’élaboration du clavecin flamand traditionnel.
La facture anversoise de cette époque
se distingue de la facture italienne par ses
conceptions et par ses procédés de fabrication. Dès la fin du XVIe siècle, les Rückers
adoptent une politique de « modèles » de
clavecins pour des usages bien définis,
modèles qu’ils reproduiront à de nombreux exemplaires sans modification. Ces
modèles sont conçus pour se mêler aux
autres instruments de musique groupés
en familles homogènes depuis le début de
la Renaissance. Pour les seuls clavecins, en
plus de l’instrument « standard » accordé
au ton, les ateliers anversois fabriquent des
clavecins plus courts pour être accordés
un ton ou une quinte au-dessus ou bien
même à l’octave. Conception différente
encore par le choix d’un module de cordes
« long » (ut de 1ʹ : 355/356 mm pour l’instrument au ton). La règle de la juste proportion est sensiblement corrigée par un
raccourcissement progressif des cordes
graves et un allongement sensible des
cordes aiguës avec comme zone charnière
la région des 2ʹ. Il en résulte une courbe du
chevalet peu prononcée. L’éclisse courbe
n’est plus parallèle au chevalet, mais s’en
écarte dans les basses alors qu’elle s’en
rapproche à l’aigu.
La fabrication proprement dite est différente de celle pratiquée en Italie. Le clavecin ne sera pas élaboré en partant du fond,
mais par assemblage successif des différentes éclisses montées « en l’air ». Matériaux et dimensions diffèrent aussi. Le tilleul, le peuplier ou le saule traités en fortes
épaisseurs (13 à 14 mm pour les éclisses)
sont seuls employés pour la fabrication
de la caisse, le sommier étant constitué
d’un fort bloc de chêne débité « sur quartier ». Chaque éclisse est assemblée à sa
voisine par un joint « en mitre » assurant
une cohésion suffisante de l’ensemble.
L’habituelle couronne de contre-éclisses
augmente encore la rigidité qui est accrue
par un double système de traverses, coincées entre l’échine (grande éclisse droite)
et la courbe. Les traverses inférieures sont
perpendiculaires au fond - qui sera posé
après le tablage et peut-être même le cordage du clavecin - tandis que les traverses
supérieures ou arcs-boutants viennent
résister à la tension des cordes, au niveau
des contre-éclisses. La table est exclusivement constituée de feuillets d’épicéa d’une
épaisseur variant, dans un même instrument, de 2 mm à 3,5/4 mm. Elle comporte
un chevalet de 8ʹ et un chevalet de 4ʹ. Le
barrage intérieur est assez complexe mais
sert lui aussi à délimiter des aires de vibration précises. Entre la table et le sommier
rectangulaire viennent se loger deux registres avec guide inférieur fixe. Le clavier
unique comporte 45 touches pour une
étendue de quatre octaves, la plus grave
étant « courte ». Les « marches » (ou notes
diatoniques) sont plaquées d’os blanchi
et poli, pendant que les « feintes » (ou
notes chromatiques) sont faites de blocs
de chêne noirci.
Le clavecin type est tendu de deux rangs
de cordes, laiton pour le grave et fer pour
le reste. La disposition courante est généralement un jeu de 8ʹ plus un jeu de 4ʹ,
bien que l’on rencontre parfois des instruments ne possédant que deux 8ʹ.
La nécessité de fournir des instruments
de différentes tailles utilisés à des fins de
transposition a conduit les facteurs anversois, dès la fin du XVIe siècle, à concevoir
et à réaliser un clavecin double réunissant
l’instrument au ton et l’instrument transpositeur, tendu lui aussi de deux rangs de
cordes (1 × 8ʹ + 1 × 4ʹ). La transposition
est obtenue par deux claviers indépendants et décalés, placés l’un sous l’autre.
Cette pratique que l’on conçoit assez mal
de nos jours s’est maintenue jusque dans
la seconde moitié du XVIIe siècle, période à
laquelle les facteurs substituèrent des claviers alignés et accouplables qui devaient
particulièrement s’illustrer pendant tout
le XVIIIe siècle, sous l’appellation - moderne - de « clavecin contrastant ».
Les clavecins flamands sont abondamment décorés. La table est ornée d’un
liseré d’arabesques et d’un semis de fleurs
et de petits animaux. La « rose » qui comporte les initiales du facteur participe
à cette composition et attire les regards
avec sa couverture de feuilles d’or. L’intérieur du couvercle reçoit une garniture de
papier moiré sur laquelle se détachent les
grandes lettres d’une devise latine. Des
papiers imprimés, comme celui dit « aux
hippocampes », garnissent les éclisses
situées au-dessus du clavier. Il n’y a plus
de caisse extérieure, le clavecin étant suffisamment robuste. On peut donc peindre
les éclisses, afin de ne pas laisser le bois à
nu. Sauf commande spéciale, les motifs
les plus couramment rencontrés sont les
faux marbres, traités en bandes ou en
médaillons sertis dans des imitations de
ferrures. Le piètement, souvent composé
de puissants et nombreux balustres, redownloadModeText.vue.download 222 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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flète bien l’opulence et le goût des citoyens
prospères de la vieille cité commerçante.
La sonorité des clavecins flamands est
plus robuste que celle des instruments
italiens, et le son est plus soutenu, conséquence logique de la relative lourdeur de
la construction. C’est sans doute cela, associé à une indéniable clarté, qui confère
à ces instruments un caractère polyphonique très marqué, où chaque partie du
discours sonore est intégralement respectée. Les « ricercari » et « fantaisies » d’un
Jan Pieterszoon Sweelinck y sont particulièrement bien adaptées, de même que les
oeuvres de William Byrd et de John Bull,
deux des plus prestigieux « virginalistes »
anglais.
La tradition anversoise n’a pas disparu avec le dernier des Rückers et le
XVIIIe siècle a vu s’amplifier le schéma initial légué par ces artisans. Afin de correspondre à la musique du jour, l’étendue des
clavecins s’accroît pour atteindre cinq octaves complètes, à partir du fa, vers 17451750. La caisse de l’instrument s’allonge
pour répondre aux longues cordes de l’extrême grave, le nombre des jeux est porté
à trois (2 × 8ʹ + 1 × 4ʹ) et l’on ajoute même
un rang de sautereaux séparé, traversant
le sommier en oblique et pinçant l’un des
huit pieds tout près du sillet. La sonorité
de ce jeu « nasal » est particulièrement
riche en partiels aigus et contraste radicalement avec les autres jeux. Les noms de
Johannes Daniel Dulcken (actif de 1736 à
1769), de Johannes Petrus Bull et de Jakob
Van den Elsche doivent être associés à
ces derniers feux du clavecin flamand, de
même que l’original Albertus Delin qui
oeuvrait à Tournai entre 1743 et 1770.
LA FACTURE FRANÇAISE.
Nous avons vu précédemment que la
Bourgogne était le lieu d’origine du clavicymbalum, et l’absence de documents
contraires nous autorise à supposer que
ce type d’instrument était répandu dans
toute l’Europe cultivée d’alors. Les liens
économiques et culturels privilégiés que le
« grand duc d’Occident » entretenait avec
les autres pays a certainement favorisé la
rapide expansion du prototype décrit par
Henri Arnaut de Zwolle. De nombreuses
représentations en attestent dans des pays
aussi divers que l’Angleterre, les Pays-Bas,
l’Allemagne, la Suède et jusqu’en Istrie, ancienne dépendance vénitienne maintenant
rattachée à la Yougoslavie.
Les facteurs ont dû s’intéresser rapidement à la construction de l’instrument
à sautereaux, car les noms de plusieurs
d’entre eux nous sont parvenus. En revanche, et c’est là le principal paradoxe de
l’école française, pas un seul clavecin antérieur à la seconde moitié du XVIIe siècle
n’a survécu. Curieuse situation où les
textes sont nombreux (H. A. de Zwolle,
Mersenne, Trichet, La Rousselière, l’Ency-
clopédie, etc.) et où les instruments font
défaut.
Entre 1440 et 1636, année de la publication de l’Harmonie universelle du religieux Marin Mersenne, existe un trou de
deux siècles sur lequel nous ne savons
presque rien. L’instrument décrit par
Mersenne semble s’inspirer de la tradition
italienne : construction légère, éclisses
fines et courbe prononcée supposant
l’adoption assez rigoureuse de la règle de
la juste proportion. L’instrument possède
deux rangs de cordes et son clavier unique
contient quatre octaves entièrement chromatiques, d’ut à ut.
Les quelques clavecins de la fin du
XVIIe siècle qui nous restent montrent
une amplification de ce schéma. Tous ces
instruments possèdent deux claviers et
n’ont apparemment jamais été des instruments transpositeurs, au sens flamand du
terme. La caisse est plus imposante, sensiblement plus longue et plus large et les
éclisses en noyer ou en sapin sont d’une
épaisseur moyenne entre les mesures italiennes et les mesures flamandes. L’instrument est entièrement monté à partir d’un
fond en sapin et, comme en Italie, adopte
les équerres soutenant les éclisses et les
contre-éclisses. Les facteurs empruntent
cependant à leurs homologues du Nord
des arcs-boutants renforçant la caisse à la
hauteur des contre-éclisses. Un module
assez long (de 302 à 320 mm pour l’ut de
1ʹ), associé à une correction importante
de la règle de la juste proportion, confère
à ces instruments de la fin du siècle une
courbe tenant le milieu entre celles des
deux précédentes écoles. Tous ces clavecins sont tendus de trois rangs de cordes
(2 × 8ʹ + 1 × 4ʹ) et leur étendue maximum
est de quatre octaves plus une quarte (de
sol à ut) avec l’octave courte à la basse.
Les facteurs qui ont le mieux illustré cette
période portent les noms de Denis (toute
une dynastie), Jaquet, Richard, Barbier,
pour les facteurs parisiens, ou encore
l’étonnant Vincent Thibaut de Toulouse
pour la province.
À leurs successeurs revient le mérite
d’avoir profondément modifié ces éléments afin de donner naissance au grand
clavecin français du XVIIIe siècle. S’inspirant désormais plus étroitement des
modèles flamands, les Nicolas Dumont
(actif entre 1673 et 1708), Pierre Bellot (1675 - apr. 1732) et surtout Nicolas
Blanchet (1660-1731) donnent naissance
à des instruments à forte personnalité.
Ceux-ci possèdent un ou deux claviers de
plus de quatre octaves (fa à ré, fa à mi) faisant parler deux ou trois rangs de cordes
(2 × 8ʹ ou 2 × 8ʹ + 1 × 4ʹ). La construction de la caisse s’apparente à la méthode
flamande, avec l’emploi systématique du
tilleul comme matériau de base, la table
étant, bien entendu, en épicéa. Le barrage,
de même que la structure interne sont
fidèlement dérivés des modèles flamands
dont ils sont, parfois, la simple amplification. Un module de cordes assez long
(compris entre 340 et 365 mm), associé à
une règle de proportion radicalement corrigée (basses raccourcies et aigu allongé),
confère à ces instruments un aspect robuste et puissant non dénué d’élégance.
Si la décoration de la table s’inspire nettement des instruments anversois - avec
plus de modelé, cependant -, le décor extérieur ainsi que celui du couvercle reflètent
les caractéristiques des styles et des ornements en vigueur à la cour de France. Le
piètement ressortit lui-même beaucoup
plus à l’histoire du siège qu’à celle de la
facture instrumentale : balustres ou colonnes torses en bois naturel jusqu’à la fin
du XVIIe siècle, pieds à gaine avec entretoises sous Louis XIV, solides pieds cambrés nerveusement sculptés de la Régence.
Les deuxième et troisième générations
de facteurs français se contentent de
parfaire ces modèles, grâce surtout à des
mécaniques irréprochables et un timbre
fortement caractérisé. Parmi ces facteurs,
les Blanchet (François-Étienne Ier et II),
Jean-Claude Goujon, les frères Hemsch,
puis plus tard Pascal Taskin fournissent
la cour et les musiciens parisiens, pendant
que Collesse, Donzelague et Stirnemann
à Lyon ou Sébastien Garnier à Reims honorent les commandes des amateurs provinciaux. À l’aube de la Révolution, le clavecin français typique est un instrument
à un ou à deux claviers, d’une étendue
de cinq octaves complètes (du fa au fa),
possédant trois rangs de cordes (2 × 8ʹ +
1 × 4ʹ), que les inventions de Taskin (jeu
de « peau de buffle », genouillères pour
actionner les jeux) ou de Sébastien Érard
(clavecin « mécanique ») ne préservent
pas de la tourmente. Prudemment, certains facteurs commencent d’ailleurs à
commercialiser des pianos-forte. Il n’y a
pas, comme en Italie, de relative homogénéité du timbre des clavecins français.
Un instrument de Vincent Thibaut, par
exemple, ne préfigure en rien la sonorité
d’un grand clavecin de Hemsch des années
1750. Au premier convient parfaitement
la grandeur un peu hiératique des pièces
de Chambonnières, Danglebert ou Louis
Couperin, cependant que le second rend
pleinement justice aux suites de François
Couperin le Grand groupées en « ordres »,
ou à la prodigieuse invention des oeuvres
de Jean-Philippe Rameau. Ces derniers
clavecins se caractérisent essentiellement
par la somptuosité de leur grave, le moelleux du médium et la brillance parfois
agressive de leurs aigus. Ils ne sont absolument pas « polyphoniques » et l’interprétation d’oeuvres allemandes y est parfois
problématique. Par contre, la musique
française pour clavecin se montre toujours en parfaite adéquation avec le type
d’instrument qui l’a vue naître.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
217
LE RAVALEMENT DES CLAVECINS FLAMANDS.
Les clavecins anversois ont été prisés, de
tout temps, loin de leur pays et particulièrement en France. À la fin du XVIIe siècle,
leur étendue s’avère trop restreinte et leur
ancienne mécanique a du mal à rivaliser
avec les claviers neufs parisiens. Les facteurs de la capitale agrandissent donc le
vieil instrument tout en conservant la
majeure partie des bois originaux, cause
de ce timbre si recherché. Le clavecin est
totalement mis en pièces, élargi et rallongé, les chevalets et sillets prolongés sont
redivisés pour correspondre à la mesure
de l’octave française, plus étroite que celle
des Flandres. L’ensemble de la décoration
est soit simplement retouché, soit entièrement refait au goût du jour. La mécanique
(claviers, registres, sautereaux) est refaite à
neuf selon l’étendue de la « musique nouvelle », et l’instrument plus que centenaire
recommence une nouvelle vie sous le nouveau vocable de « Rückers-Blanchet » ou
« Rückers-Taskin « ! Il y a, certes, différents degrés dans l’ampleur de ces reconstructions et certains instruments sont
« ravalés » plusieurs fois. Cette opération,
extrêmement coûteuse puisqu’elle s’élève
au prix d’un bon clavecin neuf, devient la
spécialité de certains facteurs parisiens qui
y déploient une habileté diabolique. Ceux-
ci proposent même parfois des « clavecins
contrefaits de Flandres », totalement neufs
mais qui ont l’honnêteté de se présenter
comme tels ! C’est ainsi que les « petites
affiches » de 1769 ont proposé « un clavecin du célèbre Goujon, tenant l’accord
deux ans ( !), ayant pour titre Rückers, les
claviers sont de Blanchet... ».
Ces pratiques ne parviennent pas à sauver « le royal et majestueux clavecin » de
Balbastre d’une disparition certaine, alors
que « le nouveau venu, cet instrument de
chaudronnier » que fustige Voltaire fait
peu à peu la conquête des coeurs et des
esprits : ici commence l’histoire du piano.
LA FACTURE ANGLAISE.
Le style propre de la facture de clavecins
en Angleterre ne s’affirme réellement
qu’au cours du XVIIe siècle. Jusque-là
coexistent, comme sur le continent, des
instruments d’esthétique flamande ou italienne. C’est l’époque où tout instrument à
sautereaux, quel qu’il soit, grand ou petit,
reçoit l’appellation générique de virginal.
Ce peut être un petit instrument à un rang
de cordes du type rectangulaire comme à
Anvers, ou bien de plan polygonal comme
en Italie, comme cet instrument dit « de
la reine Élisabeth » conservé au Victoria
and Albert Museum de Londres. Ce terme
peut aussi désigner un grand clavecin à un
ou deux claviers ; ce dernier est souvent
nommé dans les inventaires « a pair of virgynalles ». Les musicologues ont nommé
cette époque féconde en oeuvres pour clavier le siècle des « virginalistes », créant
ainsi une confusion qui risque de conduire
les interprètes à utiliser exclusivement de
petits instruments pour les oeuvres admirables d’un Orlando Gibbons, d’un John
Bull ou d’un William Byrd.
Un « claviorganum » - combinaison
d’un clavecin et d’un orgue - de 1579
construit par un Flamand installé à
Londres, Lodewijck Theewes, nous permet
de constater une légère dérive par rapport
aux modèles anversois typiques. L’étendue
est plus grande (quatre octaves chromatiques, de ut à ut), et la disposition comporte déjà trois rangs de cordes (2 × 8ʹ +
1 × 4ʹ). La structure de l’instrument reste
cependant très « flamande ». À l’opposé,
un clavecin de 1622, dû au facteur John
Haward, révèle un plan directeur italien
avec ses structures légères et sa courbe
très prononcée. Le matériau est cependant
typiquement britannique puisqu’il s’agit
d’un instrument entièrement construit
en chêne, à l’exception de la table d’harmonie, bien sûr. Son étendue dépasse les
quatre octaves (de ut à mi chromatique,
ou de sol à mi avec l’octave courte) mais sa
disposition est inconnue.
Un instrument de transition construit
en 1683 par Carolus Haward achève de
nous dérouter. Son plan est articulé autour d’un module de cordes extrêmement
court (257 mm pour l’ut de 1ʹ) et sa disposition ne comporte que deux 8ʹ. Trois particularités signalent ce clavecin : l’éclisse
courbe est raccordée à l’échine par une
« contre-courbe », la caisse est construite
entièrement en noyer, et l’on note pour la
première fois l’emploi d’un rang de sautereaux séparé, pinçant un des 8ʹ très près
du sillet : le « lute stop » ou jeu nasal.
Il faut attendre l’établissement à
Londres de deux émigrés pour voir la
facture anglaise prendre un essor inouï.
Le premier, Burkat Shudi (1702-1773)
est d’origine suisse alors que le second,
Jacob Kirkman (1710-1792) est né près de
Strasbourg, à Bischwiller. Tous deux vont
rationaliser la fabrication des clavecins au
point d’imposer leur style pendant tout le
XVIIIe siècle. Respectivement créés en 1730
et 1738, leurs ateliers bénéficient de cette
révolution dans le travail artisanal qui naît
à cette époque et qui prépare la grande
révolution industrielle de l’Angleterre.
Les clavecins ne sont plus élaborés un à
un dans le secret des ateliers, avec chacun
leur identité propre, mais au contraire à
partir de modèles standards pratiquement
immuables, reproduits identiquement par
le moyen de la fabrication en série. On
estime à environ deux mille clavecins la
production totale des deux firmes sur une
période de cinquante ans. Elle se répartit
en clavecins à un clavier et à deux claviers
en proportion à peu près égale. Trois modèles de base sont régulièrement fabriqués
dans ces ateliers :
- clavecins à 1 clavier à 2 × 8ʹ ;
- clavecins à 1 clavier à 2 × 8ʹ + 1 × 4ʹ ;
- clavecins à 2 claviers : 2 × 8ʹ + 1 × 4ʹ
+ lute stop.
L’aspect en est puissant et le seul décor
de la caisse est le chatoiement des bois de
placage, acajou et noyer, disposés « en
panneaux » délimités souvent par des
filets de buis. Aucune peinture n’orne
le couvercle ni la table d’harmonie. Le
clavier reproduit la disposition actuelle
des touches du piano, marches plaquées
d’ivoire, feintes en ébène. La structure de
la caisse en sapin et en chêne est d’une
grande complexité. Elle tente d’opposer à la tension continue des cordes une
charpente rigide et très lourde merveilleusement exécutée mais souvent dépourvue d’efficacité : en effet, les instruments
anciens de ce type sont souvent considérablement déformés. L’épaisseur des matériaux employés est souvent plus importante qu’en France à la même époque et
le timbre de ces instruments est très soutenu et très rond. Il lasse l’auditeur assez
rapidement par un excès de somptuosité
dans le timbre et un manque de contraste
entre les deux 8ʹ. Ceci conduit sans doute
les facteurs à généraliser le jeu nasal, ce
« lute stop » qui est souvent utilisé en jeu
contrastant, en de brusques oppositions
avec le plenum, oppositions facilitées par
le « machine stop », mécanisme de changement rapide des jeux commandé au
pied ou à la main. En 1769, Burkat Shudi
prend un brevet pour un dispositif composé de lattes d’acajou articulées, placées
au-dessus des cordes et venant obturer la
table d’harmonie au moyen d’une pédale
commandée progressivement par le pied
du musicien. Ces « jalousies » (venetian
swell) autorisent de relatifs crescendo qui
ne suffisent pas à sauver l’instrument au
tournant du XIXe siècle. En 1809, les ateliers de Kirkman construisent leur dernier
clavecin.
Le travail des nombreux facteurs de
clavecins anglais a été admirablement
mis en valeur à diverses époques par une
pléiade de musiciens comptant parmi les
plus importants de leur temps. En premier lieu, les « virginalistes » dont les
oeuvres ont vu le jour entre 1550 et 1620
environ et que nous connaissons grâce à
deux recueils importants, le Parthenia or
the Maydenhead et surtout le Fitzwilliam
Virginal Book, collection comprenant
près de trois cents pièces. Trois grandes
figures émergent de cette gigantesque
compilation des différentes formes
d’écriture pour le clavier en usage à cette
époque : celles de William Byrd (15431623), musicien universel, de John Bull
(1562-1628), le plus savant de tous et le
plus attaché aux timbres instrumentaux,
et surtout de Giles Farnaby (1565-1640),
le plus profondément original. On note
l’absence curieuse dans le Fitzwilliam Virginal Book d’oeuvres du célèbre Orlando
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
218
Gibbons (1583-1625), considéré à son
époque comme l’un des plus grands. À
ces suites de danses (pavanes, gaillardes,
allemandes) s’enchaînent des oeuvres de
musique « pure », plus abstraites, telles
que les variations sur un thème, les fantaisies (fancy) et ricercari. John Morley
et Martin Peerson complètent cette liste
de musiciens qui ont contribué à l’éclat
des règnes d’Élisabeth Ire et de Jacques Ier.
Il faut attendre ensuite Matthew Locke
(1630-1677), John Blow (1649-1708) et
surtout Henry Purcell (v. 1659-1695) qui
adapte au caractère anglais la « suite » du
continent, composée d’une succession de
danses groupées dans un ordre défini. Les
suites importantes pour clavecin écrites
par Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
marquent un sommet dans la suite instrumentale que les oeuvres de Thomas Arne
(1710-1778), le dernier des clavecinistes
anglais, ne parviendront pas à éclipser. Le
clavecin anglais de la seconde moitié du
XVIIIe siècle s’adresse alors plus spécialement aux sonates romantiques allemandes
d’un Carl Philipp Emanuel Bach (17141788), d’un Wilhelm Friedemann Bach
(1710-1784) et surtout convient admirablement à l’exécution des sonates pour
clavier de Joseph Haydn. Déjà à cette date,
la frontière est mouvante entre les oeuvres
spécifiquement écrites pour le clavecin et
celles pensées pour le piano-forte.
LA FACTURE ALLEMANDE.
C’est en Allemagne que naît le terme de
« clavicymbalum », dans un poème de
1404. Ceci suppose une connaissance de
cet instrument, sinon une pratique régulière du métier de facteur de clavecins.
Dès le début du XVIe siècle, sont publiés
de nombreux traités musicaux où figurent
déjà tous les représentants de la famille des
instruments à clavier à cordes pincées. Le
premier ouvrage, le Musica Getutscht de
Sébastien Virdung, est publié à Bâle en
1511. Il est suivi par les ouvrages de Martin
Agricola (Musica Instrumentalis Deutsch,
Wittenberg, 1528), et Othmar Luscinius
(Musurgia seu Praxis Musicae, Strasbourg,
1536). Malgré l’imprécision des gravures
ornant ces traités, on peut cependant déduire que l’étendue habituelle était comprise entre 38 et 40 notes, en partant du
la ou du si au grave. L’échelle des illustrations suppose un accord en quatre pieds
(une octave plus haut que la normale). Là
encore, nous ne nous éloignons pas du
schéma « bourguignon » de Henri Arnaut
de Zwolle. C’est pour de tels instruments
qu’écrivent des musiciens tel Conrad Paumann (1410-1473) dont le Fundamentum
Organisandi de 1452 n’est pas strictement
réservé à l’usage des organistes. Aux XVIe
et XVIIe siècles, subsistent, dans les pays
germaniques, des instruments de type italien ou flamand, sans qu’il soit possible de
voir là une facture nettement individualisée. Force nous est de consulter les traités,
car les instruments authentiques ne nous
sont pas parvenus. Le plus important de
ceux-là est la Syntagma Musicum, publiée
de 1615 à 1620 par le compositeur et théoricien Michael Praetorius (1571-1621).
Il nous décrit sept instruments en usage
à son époque : trois de type « virginal »,
deux clavecins, un clavecin vertical monté
de cordes de boyau et un claviorganum.
Après Praetorius, survient une éclipse de
plus d’un demi-siècle, due probablement
aux conséquences économiques de la
guerre de Trente Ans. De plus, les compositeurs des pays du Nord ont souvent préféré l’orgue comme moyen d’expression,
plutôt que l’instrument à sautereaux. C’est
d’ailleurs souvent un facteur d’orgues qui
signe occasionnellement un clavecin, les
attributions respectives des deux corps de
métier étant encore floues. Au XVIIIe siècle,
la facture allemande est dominée par deux
écoles : celle de Hambourg (Allemagne du
Nord) avec la dynastie des Hass (4 facteurs), Fleischer (3 facteurs) et Zell, et une
école de l’Allemagne de l’Est et du Sud,
géographiquement plus dispersée, dont les
chefs de file sont Carl August Gräbner et
surtout les Silbermann.
La facture hambourgeoise - et celle des
Hass en particulier - représente une exception par rapport aux standards pratiqués à
la même époque dans le reste de l’Europe.
Ces particularités sont la multiplication
des rangs de cordes (2ʹ, 4ʹ, 8ʹ et 16ʹ), du
nombre de registres (jusqu’à 6 pour certains clavecins) et des claviers portés parfois au nombre de 3. Il faut sans doute voir
là un reflet de la passion qu’éprouvent les
musiciens allemands pour l’orgue. La disposition de ces instruments d’exception
peut sembler extravagante si l’on songe
que le clavier supérieur comporte (sur un
exemple dû à Johann Adolph Hass daté de
1740) un jeu de 8ʹ avec plectres en plume
et seulement une « basse » de 2ʹ, sur 30
notes. Le clavier inférieur, lui, constitue
un plenum imposant, avec, dans l’ordre,
un 4ʹ, un 8ʹ (plectres en cuir), un 16ʹ
(plectres en plume) et une basse de 2ʹ de
44 notes cette fois-ci !
LE JEU DE 16ʹ DANS LES INSTRUMENTS HISTORIQUES.
Si l’on cherche attentivement des exemples
anciens et authentiques de jeux de seize
pieds au clavecin, il est évident que l’on en
trouve quelques-uns, particulièrement en
Allemagne du Nord, mais aussi en Alsace.
Ces exemples ont toujours constitué des
exceptions et le fait est toujours souligné
comme dans cette annonce du Strassburger
Gelherte Nachrichten de 1783 proposant
la vente « d’un grand clavecin inhabituel,
de Silbermann, sonnant en 16ʹ ». Les Hass
eux-mêmes, pourtant habitués à cette
pratique, semblent en avoir pressenti les
limites acoustiques. On ne peut, en effet,
charger exagérément une table d’harmonie sans nuire à son rendement acoustique
et obtenir ainsi un instrument assourdi et
confus. Les instruments qui comportent ce
jeu ont toujours été construits de manière
particulière, avec chevalet et table séparés (Hass, Swannen) et ont été davantage
considérés comme des clavecins d’apparat
et de prestige que comme de véritables instruments de musique. Tous ces exemples
sont, par ailleurs, très tardifs et la littérature qu’ils auraient pu servir est déjà très
adaptée au piano-forte. Ce qui est certain,
c’est que l’un des plus grands compositeurs
de tous les temps, J. S. Bach, a forcément
connu ces tentatives, car il était en contact
permanent avec les plus grands facteurs
de son temps. Il serait plus que hasardeux
d’en déduire qu’il en appréciait le principe.
D’ailleurs aucun des instruments lui ayant
effectivement appartenu ne comportait de
jeu de 16ʹ.
L’ÉCOLE ALLEMANDE DE L’EST.
En Saxe et en Thuringe s’est développée
une école bien proche de la facture française. Les instruments à deux claviers ont
la disposition habituelle 2 × 8ʹ + 1 × 4ʹ,
avec seulement un 8ʹ au clavier supérieur.
La simplicité mécanique est de règle, avec
un accouplement « à tiroir » qui s’effectue parfois en faisant coulisser le clavier
inférieur. Les clavecins de cette école sont
d’une sobriété exemplaire, en comparaison avec leurs homologues hambourgeois :
le bois de la caisse est souvent laissé à nu,
qu’il soit de chêne comme dans les instruments de Carl August Gräbner (1749 - apr.
1796) ou de superbe noyer verni chez les
Silbermann. Le timbre de ces clavecins
est assez proche de celui des français,
avec néanmoins un caractère polyphonique plus marqué, et des aigus moins
agressifs. Leur rareté ne permet pas d’affirmer qu’ils servent mieux que d’autres
la littérature écrite pour eux, qui est très
abondante. Signalons pour mémoire les
oeuvres pour clavecin de Johann Kaspar
Kerll (1627-1693), Johann Krieger (16511725), Delphin Strunck et Karlman Kolb
(Certamen Aonium, 1733). Les pièces pour
clavecin de Johann Peter Kellner (17051772), dont le Manipulus Musices a été
publié en 1753-1756, sont beaucoup plus
intéressantes et sont curieusement teintées
d’italianismes annonçant l’éclosion prochaine de la forme sonate. Georg Philipp
Telemann (1681-1767), toujours prolixe, a
laissé un nombre très important de pièces
pour clavecin, comportant des suites, plus
de 20 fugues (1731) et ses curieux Dixhuit Canons mélodieux, sonates en duo
publiées en 1738 à Paris. L’oeuvre la plus
importante de toutes est, sans conteste,
celle de Jean-Sébastien Bach dont les suites
(Suites anglaises, Suites françaises), les Variations Goldberg, les toccatas et partitas,
le Concerto italien, les inventions et symdownloadModeText.vue.download 225 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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phonies sont dans toutes les mémoires. Les
préludes et fugues du Clavier - clavecin ? bien tempéré de même que son Art de la
fugue constituent des sommets inégalés. À
l’inverse des musiciens français, J. S. Bach
n’écrit pas une musique étroitement associée au timbre et au caractère du clavecin
qui la traduit ; l’instrument est presque interchangeable, sans altération sensible du
message musical. Seules quelques indications d’utilisation de deux claviers (Variations Goldberg, Concerto italien) signalent
une exigence particulière de la part du
compositeur. Au moins deux de ses fils ont
laissé une trace durable dans la littérature
tardive écrite pour le clavecin. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788), dans ses
fantaisies et surtout ses Würtembergische
Sonaten de 1744, tente de revitaliser par
une invention nouvelle l’instrument vieux
de trois siècles, avant de consacrer son art
à l’emploi exclusif du piano-forte à partir
de 1780. Son frère Johann Christian (17351782), sensiblement plus jeune, laisse le
choix de l’instrument à l’exécutant dès la
parution de son opus 5, constitué de Six
Sonates pour le clavecin ou le piano-forte
dédiées à S. A. S. le duc Ernest de Mecklembourg. Dualité d’un instrument moribond
que ne pourra sauver de l’oubli l’intérêt de
Félix Mendelssohn découvrant Bach et ...le
clavecin chez son maître Zelter.
LA FACTURE CONTEMPORAINE.
Après l’abandon presque unanime du
clavecin vers 1780-1790 au bénéfice du
piano-forte, le XIXe siècle développe et perfectionne l’instrument qui correspond le
mieux au goût de cette époque : le piano.
Les anciens facteurs de clavecins qui ont
échappé à la tourmente révolutionnaire
se reconvertissent dans la fabrication et la
vente du nouvel instrument. C’est l’époque
où se créent les grandes manufactures de
pianos. Quelques rares musiciens, cependant, n’oublient pas le clavecin et tentent
de le faire revivre au cours de concerts
« historiques « : Ignace Moscheles et
Charles Salaman à Londres, Karl Engel en
Allemagne et plus tard Louis Diemer en
France. Quelques facteurs, généralement
formés à la technique de construction du
piano, entretiennent ou « restaurent »
les clavecins les moins moribonds. Un
exemple assez unique est représenté par
Louis Tomasini, ancien technicien du
piano, qui va même jusqu’à copier des instruments de Henri Hemsch vers 1885. En
1882, la famille Taskin confie à Tomasini la
restauration du clavecin familial construit
en 1769 et, à cette occasion, la firme Érard,
réputée pour la qualité de ses pianos, est
autorisée à en dresser un plan complet. Ce
relevé sera utilisé pour la fabrication des
nouveaux clavecins Érard qui marquent le
véritable renouveau de cet art, en France.
Quelques années plus tard, sous l’impulsion de la musicienne Wanda Landowska,
la firme Pleyel construit un clavecin
muni d’un jeu de 16ʹ et dont les registres
sont actionnés par des pédales. D’autres
firmes - particulièrement en Allemagne
et en Grande-Bretagne - entreprennent la
fabrication de nombreux clavecins, pour
satisfaire un goût naissant pour la musique
des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, dont on
commence à s’apercevoir qu’elle s’adapte
très mal au piano moderne.
Hélas, ces instruments sont des interprétations du clavecin, repensées par des
fabricants de pianos et pour la fabrication
desquels sont mises à contribution toutes
les techniques du piano : tables lourdes
et épaisses, éclisses en contre-plaqué,
sommier de piano, clavier et mécanique
lourds, eux aussi dérivés du piano, cordes
très grosses et fortement tendues, etc.
Cet instrument qui n’était que légèreté
jusqu’au XVIIIe siècle se voit maintenant
renforcé d’un cadre métallique, et ce n’est
pas sans raisons que certains facteurs
parlent à son sujet de « piano-fortification du clavecin « ! Généralement dotés
de deux claviers de cinq octaves (fa à fa),
ils comportent un jeu de 16ʹ, deux de 8ʹ et
un de 4ʹ, dont les registres et l’accouplement se font à l’aide de pédales (de cinq
à sept, suivant la disposition). L’aspect de
ces clavecins évoque un compromis entre
l’ancien instrument et le moderne piano
à queue, dont ils ont parfois le poids. À
condition de ne pas se référer aux oeuvres
anciennes, le timbre de ces instruments
est musicalement intéressant et la facilité
de « registration » qu’ils proposent peut
permettre l’élaboration d’oeuvres nouvelles. Leur usage est néanmoins à éviter
pour l’interprétation des pièces anciennes
qui réclament un toucher d’une grande
légèreté et d’une grande précision et un
son beaucoup plus limpide. Ce type de
clavecin a cependant permis l’éclosion de
quelques chefs-d’oeuvre, parmi lesquels
le concerto de Manuel de Falla (Pleyel),
celui de Francis Poulenc et celui de Frank
Martin.
À l’étranger, d’autres firmes adoptent
plus ou moins ces principes de fabrication et il suffit de mentionner les noms
de Neupert et Wittmayer en Allemagne,
Lindholm en Allemagne de l’Est, Gobble
et De Blaise en Grande-Bretagne, etc. Depuis quelques années, ces firmes ont parfois un atelier spécial où sont élaborés des
instruments plus rigoureux basés sur des
modèles authentiques.
Peu après les années 50, un courant
né aux États-Unis influence considérablement le cours de la facture des clavecins. Généralement issu de facteurs
isolés, ce mouvement consiste d’abord à
mieux connaître les bases historiques du
clavecin, par de nombreuses études des
instruments eux-mêmes, études assorties
de véritables relevés scientifiques, et par
une meilleure approche des rapports qui
régissent les oeuvres écrites pour le clavecin avec l’instrument lui-même. De ces
travaux naissent des ouvrages hautement
spécialisés dont le plus bel exemple est
sans conteste Three Centuries of Harpsichord Making de Frank Hubbard, publié
aux États-Unis en 1965. Après avoir acquis la conviction que la meilleure façon
de servir la musique du passé est de revenir intégralement à une copie rigoureuse
des bons exemples anciens, ces facteurs
endossent la double responsabilité de
produire des clavecins et de former des
émules. Au nombre de ces grands facteurs,
on retrouve Frank Hubbard (1920-1975),
déjà cité, son ancien associé de Boston,
William Dowd, dont les ateliers sont remarquablement actifs, et Martin Skowroneck, qui oeuvre isolément à Brême. Leurs
élèves et successeurs sont infiniment trop
nombreux pour être tous cités ; signalons
seulement que la production de chaque
atelier est extrêmement variable, d’un instrument par an à quelques dizaines, et que
les modèles proposés reflètent généralement un éclectisme dicté par des nécessités
de répertoire, phénomène nouveau dans
l’histoire du clavecin. Depuis quelques années seulement, et grâce à des interprètes
courageux et talentueux, les compositeurs
s’intéressent à nouveau au clavecin et les
noms de György Ligeti, Maurice Ohana,
Yannis Xenakis, François-Bernard Mache
et de bien d’autres restent attachés à cette
nouvelle « résurrection » du clavecin au
XXe siècle.
LE PHÉNOMÈNE DU « KIT ».
Le « kit » est un produit manufacturé, plus
ou moins complexe, livré par le fabricant à
une clientèle de particuliers qui en assure
l’assemblage et la finition pour son usage
personnel. Sous la demande croissante
des amateurs et en raison de la production limitée de certains ateliers, quelques
artisans ont l’idée, autour des années 60,
de fabriquer des pièces détachées de clavecins destinées à être assemblées ensuite
par des amateurs. Plus ou moins élabo-
rées à l’origine, ces panoplies se perfectionnent à partir des années 70 au point
de proposer des éléments dont les normes
de qualité s’alignent sur celles exigées par
les facteurs les plus renommés. Wolfgang
J. Zuckermann est le promoteur avisé de
ce système, suivi de près par l’atelier de
Frank Hubbard dont la production est cependant nettement moins importante. On
estime, à l’heure actuelle, que les ateliers
Zuckermann ont fabriqué près de vingt
mille ensembles de pièces susceptibles de
devenir des clavecins. La France produit
aussi des kits depuis 1969, de même que
certains ateliers britanniques. Ce parti
pris est séduisant car il permet de réduire
considérablement les coûts de fabrication
tout en diminuant les délais de livraison.
En contrepartie, et malgré l’information
downloadModeText.vue.download 226 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
220
dispensée par certains fabricants auprès
des amateurs, la réussite systématique est
loin d’être assurée et un certain pourcentage d’instruments défectueux est inévitable. Cette solution nécessite en outre un
endroit relativement spacieux réservé au
montage de même qu’un outillage assez
coûteux. Avec ses contradictions, la formule est néanmoins intéressante et permet
à de très nombreux amateurs d’accéder au
monde fascinant du clavecin.
CLAVES.
Instrument à percussion de la famille des
« bois », consistant en une paire de courts
bâtons de bois dur que l’on frappe l’un
contre l’autre.
CLAVICORDE (en angl. clavichord ; en all.
Klavichord).
Instrument de musique à clavier et à
cordes frappées, d’encombrement réduit,
ce qui le rend aisément transportable.
Les débuts du clavicorde sont mal
connus ; l’instrument semble dériver du
monocorde déjà employé par Pythagore
au VIe siècle avant J.-C. pour ses expériences acoustiques. Le monocorde (qui
donne plus tard « monocordion » et
« manicordion ») se compose d’une corde
musicale tendue entre deux chevalets fixés
sur une caisse de résonance, généralement
rectangulaire. Un troisième chevalet,
mobile, permet de diviser la longueur de
la corde en deux parties et de démontrer
ainsi les rapports fondamentaux existant
entre les sons émis et les différentes longueurs de corde. Le clavicorde est né le
jour où un artisan a imaginé d’adapter
au monocorde primitif le clavier des orgues « positifs » et de remplacer le chevalet mobile par des lamelles métalliques
fixées perpendiculairement à l’arrière des
touches du clavier et appelées tangentes.
Lorsqu’on enfonce une touche, la corde
correspondante est mise en vibration par
la tangente qui la frappe en un point bien
déterminé, la subdivisant ainsi en deux
parties. Une ligature de feutre étouffe la
section la plus courte de chaque corde. La
section la plus longue vibre aussi longtemps que la pression est maintenue sur
la touche et le son finit par s’éteindre de
lui-même. Si l’on relâche rapidement cette
même touche, la note émise est instantanément étouffée par la bande de feutre.
Pendant toute la durée du son, la tangente
reste donc au contact de la corde, comme
le prolongement direct du doigt du musicien, contrairement au piano moderne,
par exemple, où le marteau quitte la corde
après la frappe. En imprimant à la touche
de subtiles variations de pression, le musicien peut donc obtenir, contrairement aux
autres instruments à clavier, une sorte de
« vibrato » qu’il peut doser à son gré.
Pendant tout le haut Moyen Âge et
jusqu’à la fin du XIIIe siècle, le manicordion est utilisé comme instrument de
musique mélodique et non plus comme
simple appareil d’expérimentation acoustique. L’augmentation du nombre de ses
cordes et leur groupement par « paires »
accordées à l’unisson, permettent assez
tôt le jeu polyphonique. Survivance de
l’antique monocorde, une même paire
de cordes (on disait un « choeur ») peut
produire plusieurs notes conjointes grâce
à des tangentes appartenant à plusieurs
touches consécutives. Ainsi peut-on produire deux, trois et jusqu’à quatre notes
sur un même choeur. Cette économie de
moyens va encore dans le sens de la réduction des dimensions d’un instrument déjà
peu encombrant. Ce type de clavicorde est
dit « lié » (angl. fretted clavichord ; all. gebunden Klavichord). C’est sous cette forme
qu’il apparaît un peu partout en Europe
occidentale aux environs de l’an 1400. Un
poème en allemand de 1404, Der Minne
Regeln, cite déjà le « clavichordium »
aux côtés du « clavicymbalum » comme
instrument de musique représentatif de
l’amour courtois.
Les premiers témoignages iconographiques du clavicorde apparaissent dès
1425 : ce sont alors de petites boîtes rectangulaires comportant un clavier d’environ trois octaves, placé en saillie sur le
grand côté. Il possède un ou plusieurs chevalets rectilignes fixés sur une table d’harmonie de très faible surface. L’instrument
se pose sur une table et permet d’accompagner chanteurs et instrumentistes. Le
célèbre traité de Henri Arnaut de Zwolle,
rédigé vers 1436-1440, passe en revue les
divers instruments de musique en usage à
son époque et donne, après le luth, l’orgue
et le clavecin, un diagramme précis pour
la construction du clavicorde. Son plan est
rectangulaire et le clavier en saillie possède une étendue de trois octaves plus une
note : de si à ut, soit 37 touches, entièrement chromatiques. On distingue clairement la progression décroissante de la
longueur vibrante, du grave à l’aigu, ainsi
que l’emplacement exact des tangentes
qui donne au clavier cette curieuse figure
d’éventail, caractéristique des clavicordes
liés. Deux variantes de cet instrument sont
représentées quelques feuillets plus loin
avec la même minutie et portent le nom
de dulce melos que les musiciens français
du XVe siècle appelleront « doulcemelle »
et parfois « doulcemere ».
Le principe de construction du clavicorde, particulièrement simple, varie
peu au cours des siècles et les influences
d’école sont réduites. Les facteurs italiens
tentent quelque temps de sortir du plan
rectangulaire initial et l’on rencontre
parfois, au XVIe siècle, des instruments à
plan polygonal à éclisses fines agrémentées de moulures (Domenicus Pisaurensis, 1543). Partout ailleurs, seules diffèrent
les proportions, ainsi que l’étendue, qui
augmente progressivement pour atteindre
quatre octaves complètes vers 1600. Chose
remarquable eu égard à la très faible puissance sonore de l’instrument, on rencontre parfois des clavicordes dotés d’un
clavier manuel et d’un pédalier dont le
plus ancien exemple connu est un dessin
allemand daté de 1467. Il s’agit là, sans
doute, d’instruments d’étude, particulièrement destinés aux organistes. Il faut
attendre 1725 pour que l’on mentionne
expressément un clavicorde comportant
un choeur de cordes différent pour chaque
note du clavier. Cette nouveauté, annoncée comme une création du facteur Daniel
Tobias Faber, de Crailsheim, en Saxe, a
reçu le nom de « clavicorde libre » (all.
bundfrei Klavichord). En fait, il semble
que, dès 1690-1700, quelques rares instruments aient été conçus de cette façon.
Le clavicorde « lié » présente en effet l’inconvénient de poser de sérieux problèmes
d’articulation lors de l’exécution de notes
conjointes descendantes à cause de l’utilisation d’un même choeur de cordes pour
plusieurs notes ; certains traits, certains
phrasés sont même impossibles. L’examen
des quarante-huit préludes de Jean-Sébastien Bach, publiés en 1722, ne laisse aucun
doute à ce sujet et leur exécution requiert
un grand clavicorde lié.
C’est en Europe du Nord que le clavicorde est le plus longtemps construit et apprécié et seuls deux pays s’enorgueillissent
de compter autant de facteurs, sinon plus,
que tous les autres réunis : l’Allemagne
et la Suède. Il est en effet curieux de
constater - et le fait n’a pas reçu à ce jour
d’explication vraiment satisfaisante - que
l’Italie, la France, l’Espagne, l’Angleterre
et les Flandres se sont progressivement et
totalement désintéressées du clavicorde
au cours du XVIIe siècle. Pour la France,
par exemple, si l’activité de nombreux
« faiseurs de manicordions » est attestée
entre 1630 et 1650, il n’en existe plus un
seul en 1700, tant à Paris qu’en province.
En revanche, il est logique de constater
que la plus forte concentration de facteurs
de clavicordes ait justement lieu, au cours
du XVIIIe siècle, sur une aire géographique
qui voit naître le mouvement « Sturm
und Drang », embryon du romantisme.
Le clavicorde possède en effet sur tous
les instruments à clavier l’incontestable
supériorité de permettre « l’expression »,
grâce au contrôle permanent du son par
le doigt du musicien. Les compositeurs
en useront - certains en abuseront - et les
innombrables facteurs s’empresseront de
mettre à leur disposition des instruments
de plus en plus grands dont l’étendue atteindra cinq octaves et une quinte (fa à ut)
vers 1800. Ce n’est que vers 1830 qu’est
abandonnée la fabrication de ce petit
instrument, au timbre si délicat et si attachant. Le piano-forte reste seul vainqueur
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
221
d’un combat, acharné en ses dernières
décennies.
S’il ne nous est parvenu aucun clavicorde français ni anglais qui nous permette de juger de la qualité de cette facture, nombreux sont les exemples signés
par les maîtres allemands. On retiendra,
pour mémoire, la dynastie des Hass
de Hambourg, actifs pendant tout le
XVIIIe siècle, Georg Haase (1650-1712),
facteur saxon, Jakob Adlung (1699-1762)
d’Erfurt, plus célèbre par son ouvrage Musica Mechanica Organoedi publié après sa
mort en 1768, Christian Gottlob Hubert
(1714-1793) d’Ansbach, et surtout les
Schiedmayer d’Erlangen (actifs entre 1711
et 1860), les Schmahl d’Ulm et de Regensburg (entre 1692 et 1815), ainsi que les Silbermann saxons ou alsaciens, dont il nous
reste nombre de témoignages de la qualité
de leur travail.
LA MUSIQUE ÉCRITE POUR LE CLAVICORDE.
À ses débuts, aux XVe et XVIe siècles, les
pièces écrites « en tablature » concernent
indifféremment tout instrument à clavier quel qu’il soit. Nous avons vu que
la possibilité d’adjoindre un pédalier au
clavicorde lui permet même d’aborder
la littérature propre à l’orgue. Les choses
n’évoluent qu’au cours du XVIIIe siècle, à
une époque où l’instrument commence à
être reconnu et apprécié pour ses qualités sonores spécifiques et non plus comme
simple instrument de travail. Tous les
grands organistes allemands pratiquent le
clavicorde, sans que ce choix soit précisé
outre mesure dans leurs oeuvres : l’écriture seule permet de choisir un instrument
plutôt qu’un autre. Ainsi écrivent Froberger (1616-1667), Buxtehude (1637-1707),
Pachelbel (1653-1706), Fischer (16651746) et Kuhnau (1660-1722). Avec J. S.
Bach (1685-1750), les choses évoluent : si
les suites anglaises et les partitas nécessitent un instrument relativement étendu
comme le clavecin d’alors (de sol à ré),
les oeuvres purement didactiques comme
les inventions, les suites françaises ou le
Clavier bien tempéré se cantonnent dans
la limite des quatre octaves du clavicorde,
d’ut à ut. Il appartiendra à deux de ses fils,
Wilhelm Friedemann (1710-1784) et sur-
tout Carl Philipp Emanuel (1714-1788) de
valoriser le caractère si particulier du clavicorde. Ce n’est certes pas par hasard que
Mozart possède un clavicorde (« lié ») qu’il
affectionne tout particulièrement, et c’est
avec une sorte de tendre complicité que
Carl Philipp Emanuel écrit, en 1781, un
merveilleux rondo Abschied von meinem
Silbermann’schen Clavier. En effet, aucun
autre instrument ne peut traduire avec
autant de délicatesse et de spontanéité les
états d’âme des musiciens de cette fin du
XVIIIe siècle. Instrument de la plus rigoureuse intimité, l’art du clavicorde saura
être cultivé en secret des dizaines d’années
encore, puisqu’un Busoni n’hésitera pas
à lui dédier ses « pièces pour clavicorde à
pédalier ».
CLAVICYTHERIUM.
Instrument de musique à clavier et à
cordes pincées de la famille du clavecin.
Sébastien Virdung emploie le premier
le terme de clavicytherium pour désigner un type de clavecin vertical, dans le
Musica Getutscht de 1511. Il en signale la
nouveauté en précisant que les cordes sont
généralement en boyau, ce dont doutent
les organologues modernes. Le plus ancien clavicytherium connu est conservé au
Royal College of Music de Londres et s’apparente à la facture italienne ; il semble
remonter au premier quart du XVIe siècle.
Le mécanisme du clavicytherium est un
peu plus complexe que celui du clavecin,
car les sautereaux, disposés horizontalement dans leurs registres, ne peuvent retomber par leur propre poids. Les facteurs
eurent l’idée d’attacher chaque sautereau
à une sorte d’équerre, solidaire du levier
de touche : le poids supplémentaire de ce
« renvoi » suffit en principe à ramener le
sautereau à sa position initiale. Certains
facteurs ont cependant utilisé des ressorts
à cet effet, compliquant ainsi le mécanisme tout en le rendant plus fragile.
Bien entendu, le clavicytherium a
suivi l’évolution de la facture au cours
des siècles, mais la production en a toujours été limitée. Quelques facteurs
semblent s’en être fait une spécialité, ainsi
qu’en attestent certains instruments prestigieux, comme celui de l’empereur Léopold Ier de Habsbourg, construit vers 1675
par Martin Kaiser (Kunsthistorisches
Museum de Vienne), et surtout ceux fabriqués à Tournai par Albert Delin entre
1750 et 1780.
Ce type de construction permet un gain
de place important par rapport au clavecin traditionnel, et le musicien assis à son
clavier bénéficie pleinement de la sonorité
de la table d’harmonie disposée verticalement, face à lui. Le réglage de la mécanique, plus délicat, a cependant freiné
l’expansion de ce type d’instruments.
CLAVIER.
Ensemble de touches mettant en fonctionnement les organes émetteurs du son d’un
instrument de musique (tuyaux, anches,
cordes, lames, oscillateurs électroniques,
etc.), sous l’action des doigts, des mains ou
des pieds de l’exécutant - dans ce dernier
cas, on l’appelle généralement pédalier.
On trouve des claviers sur de nombreux
instruments à vent (orgue, accordéon,
régale, harmonium), à cordes pincées
(clavecin, épinette, virginal), à cordes
frappées (piano, hammerflügel, clavicorde), à percussion (célesta, glockenspiel,
carillon), ainsi que sur les instruments
électroniques (orgues, synthétiseurs). Le
clavier peut également ne faire que modifier la hauteur des sons sans en provoquer
l’émission : c’est le cas de la vielle à roue.
La forme et l’étendue des claviers ont
beaucoup évolué avec les siècles et selon
les instruments. Un clavier rudimentaire
apparaît dès les hydraules de l’Antiquité
et les premiers orgues connus (époque
carolingienne). Ce ne sont tout d’abord
que quelques tirettes ouvrant le passage de l’air aux tuyaux de l’instrument,
comme le feraient des clés - d’où le nom
de clavier. Progressivement, des baguettes
associées à des soupapes se substituent
aux tirettes. Au XVe siècle, des touches
larges et peu profondes remplacent définitivement les dispositifs antérieurs ;
elles sont alignées en deux rangées et
correspondent à la gamme chromatique
complète : les sept notes diatoniques (ou
notes blanches de notre piano actuel), côte
à côte, et un second rang présentant les
cinq notes altérées, ou « feintes ». Peu à
peu, les touches s’allongent et se font plus
étroites ; au début du XVIIe siècle, le clavier est constitué à peu près sous la forme
que nous lui connaissons au XXe siècle. Les
touches sont généralement faites en tilleul
et plaquées d’ivoire ou d’ébène, en une
alternance de noir et de blanc qui a varié
selon les époques ; basculant autour d’une
pointe, en leur centre ou en leur extrémité,
elles actionnent soupapes, sautereaux,
marteaux, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un système de transmission
du mouvement mécanique, quand elles
ne se contentent pas de réaliser un simple
contact électrique.
L’étendue du clavier du clavecin,
puis du piano, ne va cesser de s’accroître trois siècles durant. Au début du
XVIIe siècle, elle atteint en général quatre
octaves. Mais dès cette époque, des facteurs tendent à l’accroître vers le grave,
en « aval », d’une quinte (clavier à « ravalement »), parfois même d’une octave
entière (« grand ravalement »). À l’orgue,
on utilisa assez souvent les deux ou trois
premières touches altérées dans le grave,
inemployées par l’écriture musicale de
cette époque, pour leur faire jouer les
notes diatoniques inférieures sans allonger le clavier ; on appela cette disposition
l’« octave courte ». Jusqu’à Mozart, le clavier du clavecin ne dépasse pas cinq octaves. Le piano-forte atteint six octaves au
début du XIXe siècle (Beethoven), et bientôt six octaves et demie (Schumann, Chopin). Le piano va peu après se stabiliser à
sept octaves et une note, soit 85 touches,
de la à la. Aujourd’hui, on monte à 88
notes, jusqu’au do aigu ; et certains pianos
de concert prolongent dans le grave leur
étendue, de deux notes et même davantage (parfois jusqu’au do grave, réalisant
un instrument de 8 octaves, soit un clavier
de 97 touches), pour donner plus de profondeur aux résonances.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
222
Les claviers d’orgue, au contraire, se
sont beaucoup moins agrandis : les jeux
sonnant à l’octave ou à la double octave
n’en rendaient pas l’extension nécessaire.
Au XVIIIe siècle, ils ne comptent que 54
notes (quatre octaves et demie, de do à
fa), portées à 56 notes au XIXe siècle (do à
sol). Au XXe siècle, ils atteignent parfois 61
notes (cinq octaves, de do à do). Aux différents claviers de l’orgue correspondent
des types de jeux et des caractères de
timbres qui s’organisent en plans sonores.
Ils portent des noms que leur ont légués la
tradition et la fonction qui leur est dévolue : grand orgue et récit ou positif, sur les
instruments à deux claviers ; grand orgue,
positif et récit sur ceux à trois claviers. Les
claviers supplémentaires sont nommés
écho, bombarde ou grand choeur, selon
l’esthétique des instruments. Les orgues
de facture allemande distinguent souvent
deux claviers de positif : positif de dos
(Rückpositiv) et positif de poitrine (Brustwerk).
Diverses tentatives de modification du
clavier ont été proposées, pour jouer des
notes supplémentaires (quarts de tons),
ou pour permettre une virtuosité ou des
effets que l’on espérait accrus. Elles ont
toutes avorté. Seul s’est répandu, sur les
harmoniums, le système de clavier transpositeur : l’ensemble des touches peut se
déplacer dans un châssis par rapport à
la mécanique de l’instrument, pour permettre aux exécutants ne sachant pas
transposer de jouer toujours un morceau
de façon identique sur le clavier, tout en
le faisant entendre dans une autre tonalité.
CLAVIOLINE.
Instrument électronique comportant un
clavier peu étendu (2 octaves au maximum) et des registres permettant de régler
l’intensité, la dynamique, le vibrato, et
ainsi d’imiter d’autres instruments.
Purement monodique, il ne peut guère
être utilisé que pour jouer une mélodie
accompagnée par un autre instrument
tel que le piano. Son timbre sans beauté
limite son usage à la musique légère et au
bruitage.
CLEF (en lat. clavis).
Signe conventionnel attribué à une note
définie, et qui, placé sur une ligne déterminée de la portée, indique la correspondance entre cette note et cette ligne.
On emploie trois sortes de clefs qui correspondent aux trois notes sol, fa et do, ces
dernières conservant leur nom archaïque
clefs d’« ut », et on les place sur certaines
lignes à l’exclusion des autres. La clef se
place normalement au début de chaque
portée et se répète à chaque ligne. On
compte aujourd’hui cinq clefs usuelles : fa
4e, sol 2e, ut 1re, ut 3e et ut 4e. Les solfégistes
y ajoutent deux clefs fictives ( fa 3e et ut
2e) qui ne sont plus employées, mais qui
complètent un système de sept clefs connu
dans les conservatoires et grâce auquel,
selon la clef choisie, n’importe quelle note
écrite peut prendre n’importe quel nom
de note. Ce procédé est commode, notamment à l’école, pour l’étude de la transposition.
Le système des « sept clefs » :
Le mot clef désignait, dans la théorie médiévale, non pas le signe, mais le nom de la
note, pris en fonction de sa position sur le
clavier (qui tire de là son nom) par opposition à la voix (vox) qui était le nom de
la note énoncé en fonction des intervalles
où elle s’insérait. Chaque note avait ainsi
une clavis fixe, désignée par une lettre, et
plusieurs voces mobiles (syllabes) entre
lesquelles on choisissait ; par exemple,
notre la actuel était, dans le système
appelé solmisation, A « la »-« mi »-« ré ».
C’est pourquoi on a donné le nom de clef
à la lettre que l’on inscrivait sur la portée
pour en déterminer les correspondances.
Au début, on pouvait employer toutes les
lettres, mais on choisit de préférence celles
qui commandaient la place du demi-ton :
soit le B (rond ou carré), soit le C ou le F
qui, s’ajoutant parfois au B, sont devenus
les premières clefs, dites d’ut ou de fa. Le
G (clef de sol aujourd’hui très usitée) vint
plus tard.
Les clefs furent d’abord écrites en lettres
ordinaires, généralement minuscules, puis
se stylisèrent en prenant progressivement
les formes que nous connaissons actuellement.
À l’origine, la clef la plus usuelle était la
clef d’ut, placée sur n’importe quelle ligne,
et relayée par la clef de fa lorsque l’écriture descendait trop bas : c’est encore le
système employé en grégorien. La clef de
sol n’intervenait qu’exceptionnellement.
Son usage se développa au cours des XVIIe
et XVIIIe siècles et spécialement avec l’écriture du clavecin, puis du piano-forte, qui
abandonna peu à peu la clef d’ut pour la
clef de sol de main droite. Les clefs d’ut
n’existent plus, aujourd’hui, que pour
quelques rares instruments comme l’alto
(3e ligne), le basson ou le violoncelle (4e
ligne). À l’inverse, l’extension de la clef de
sol a entraîné vers 1850, pour la voix de
ténor, la création d’une clef de « sol » trans-
positrice, par laquelle il faut entendre les
notes écrites une octave plus bas.
À l’origine les clefs pouvaient se placer sur toutes les lignes de la portée. Peu
à peu, s’établit le système par lequel on
employait la clef de fa pour les parties de
basse et trois clefs d’ut pour les autres voix
allant de la 1re à la 4e ligne. On obtenait
ainsi un classement des voix
d’après la clef employée : ut 1re ligne
désignait le superius (soprano), ut 2e ligne
le « second dessus » (mezzo-soprano), ut
3e ligne le « bas-dessus » (contralto ou
haute-contre), ut 4e ligne la taille (ténor ou
parfois baryton). Ce système est tombé en
désuétude de nos jours ; depuis un siècle
l’usage habituel est devenu : soprano et
alto (sol 2e ligne), ténor (sol transpositeur),
basse ( fa 4e ligne).
CLEMENCIC (René), flûtiste à bec, chef
d’orchestre, musicologue et compositeur autrichien (Vienne 1928).
Avant de s’orienter définitivement vers la
musique, il a étudié les mathématiques,
l’ethnologie et la philosophie ; il est docteur en philosophie de l’université de
Vienne. Il a appris le piano et le clavecin,
puis, à Nimègue et à Berlin, la flûte à bec,
et, à Vienne et Paris, la musicologie. Il a
commencé une carrière de flûtiste à bec en
1957, et rassemblé une collection de flûtes
à bec et instruments voisins de tous pays
et de toutes époques, dont il joue dans ses
concerts.
Il a fondé en 1969 un ensemble de musique ancienne à effectif variable, le Clemencic Consort, qui n’utilise que des instruments anciens (originaux ou copies).
Cet ensemble est destiné à l’exécution de
musiques du Moyen Âge, de la Renaissance, de l’époque baroque, et d’oeuvres
d’avant-garde écrites pour instruments
anciens. Les réalisations de musique ancienne profane et sacrée jouées par cette
formation ont pour auteur Clemencic
lui-même, qui, pour ses travaux, s’appuie
non seulement sur des données musicologiques, mais sur une vaste documentation
à l’aide de laquelle il veut comprendre la
réalité quotidienne des époques passées,
et y retrouver la fonction sociale de la
musique.
Les réalisations et les interprétations
de René Clemencic se caractérisent par
leur vigueur rythmique et leur verdeur.
Sa vision de la musique sacrée de la fin
du Moyen Âge tend à rapprocher celleci de la musique profane, dans un esprit
de pompe et de liesse de ton populaire.
Clemencic accuse en effet volontiers de
« puritanisme » et de « cécilianisme » les
interprétations de cette musique généralement données de nos jours.
CLEMENS NON PAPA (Jacques Clément
ou Jacob Clemens, dit), compositeur flamand (Flandre ou île de Walcheren v.
1510 - Dixmude v. 1556).
Maître de chant et prêtre à Saint-Donatien de Bruges (1544), puis maître de chapelle du duc d’Aerschot, Philippe de Croy,
à Beaumont, Clemens non Papa devint
chantre et compositeur à la cathédrale
de Bois-le-Duc (1550) avant d’occuper le
poste de maître de chapelle à Dixmude où
il mourut au printemps 1556.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
223
L’importance des publications dont il fit
l’objet de son vivant témoigne de l’estime
dans laquelle le tenaient tous les grands
éditeurs, notamment Attaïngnant (Paris),
Susato (Anvers), et surtout Phalèse (Louvain), qui édita ses messes (1556-1559), 8
livres de motets et 4 livres de Souterliedekens (psaumes en néerlandais sur des
mélodies populaires). Mais ce n’est qu’à
partir de 1546, époque de ses premières
relations avec Susato, qu’il prit l’habitude
de se dénommer Clemens non Papa, pour
se démarquer non du pape Clément VII
(mort en 1534), comme on l’a affirmé
longtemps, mais d’un poète religieux vivant à Ypres et appelé le « père Clemens »,
en latin « Clemens papa ».
Son sens polyphonique, parfois objet
de comparaison avec Palestrina, prend
appui sur un style imitatif et des formules
concises ; une certaine nervosité mélodique et rythmique fait oublier un langage
largement fondé sur des formules préexistantes qui expliquent peut-être sa fécondité. E. Lowinsky a cru trouver chez lui
des marques de l’usage d’un chromatisme
secret, échappant à l’écriture parce que réprouvé par l’Église. Cette thèse a été mise
en pièces par Bernet Kempers.
CLÉMENT (Edmond), ténor français
(Paris 1867 - Nice 1928).
Après des études au Conservatoire de
Paris, il débuta à l’Opéra-Comique en 1889
dans le rôle de Vincent de Mireille de Gounod et, tout en commençant une carrière
internationale, il demeura jusqu’en 1909
essentiellement lié à ce théâtre, où il participa à de nombreuses créations comme
la création française de Falstaff de Verdi
(1894). De 1909 à 1913, il se produisit aux
États-Unis, en particulier à New York et
Boston, et y fut très apprécié. Il regagna la
France et poursuivit sa carrière jusqu’en
1927. Ténor lyrique à la voix claire et très
souple, excellent acteur, doté d’une diction exemplaire, il fut considéré comme
un représentant caractéristique de l’art
vocal français. Il fut un célèbre interprète
de Manon de Massenet, Faust et Roméo et
Juliette de Gounod.
CLÉMENT (Félix), organiste et musicographe français (Paris 1822 - id. 1885).
Adolescent, il apprit la musique en secret
et ne put s’y vouer ouvertement qu’à partir
de 1843. Il fut maître de musique et organiste du collège Stanislas, maître de chapelle des églises Saint-Augustin et SaintLouis-d’Antin, puis organiste et maître
de chapelle de l’église de la Sorbonne. Il
manifesta un intérêt, à l’époque méritoire,
pour la musique du Moyen Âge, même si
la forme sous laquelle il publia des oeuvres
de cette période peut paraître, aujourd’hui,
maladroite. Il lança l’idée d’un institut de
musique d’église, qui aboutit à la fondation de l’école Niedermeyer. Il publia des
méthodes de plain-chant et de musique
vocale, et divers ouvrages, notamment
les Musiciens célèbres depuis le XVIe siècle
jusqu’à nos jours (Paris, 1868).
Choisi par Pierre Larousse, Clément rédigea plusieurs milliers de notices pour le
Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle.
Les notices concernant les opéras furent
publiées séparément dès 1869 sous le titre
de Dictionnaire des opéras (suivi plus tard
de 4 suppléments, 1869-1881, et d’éditions postérieures complétées par Arthur
Pougin). Cet ouvrage, destiné dans l’esprit
de Pierre Larousse à familiariser le public avec son entreprise encyclopédique
alors en cours, est présenté par lui, dans
son avertissement de 1869, comme « une
épreuve avant la lettre du Grand Dictionnaire universel ».
CLÉMENT (Franz), violoniste, chef
d’orchestre et compositeur autrichien
(Vienne 1780 - id. 1842).
Enfant prodige, il participa à certains
concerts de Haydn en Angleterre en 1791,
et fut violoniste à Vienne de 1802 à 1811,
puis de 1818 à 1821. Son jeu était plus délicat que puissant, mais il était doté d’une
mémoire prodigieuse et d’une virtuosité
phénoménale. Beethoven écrivit pour lui
son concerto pour violon op. 61, dont il
donna la première audition le 23 décembre
1806.
CLEMENTI (Aldo), compositeur italien
(Catania 1925).
Il découvrit la musique à treize ans grâce
au piano, obtint son diplôme de pianiste
en 1946, se perfectionna l’année suivante
avec Pietro Scarpini à Sienne, et pour la
composition, suivit les cours d’Alfredo
Sangiorgi (élève de Schönberg), puis de
Goffredo Petrassi à Rome (1952-1954). Il
fréquenta aussi les cours d’été de Darmstadt (1955-1962), où ses oeuvres furent
jouées en 1956, 1957 et 1960, et après sa
rencontre avec Bruno Maderna (1956),
travailla au Studio di Fonoglia de Milan.
Episodi pour orchestre (1958) et Sette
scene pour orchestre de chambre (1961)
lui valurent respectivement en 1959 et en
1963 le deuxième et le troisième prix de
la S. I. M. C. (Société internationale de
musique contemporaine). Il enseigne la
théorie musicale à l’université de Bologne.
Aldo Clementi est l’auteur de l’action
musicale en 1 acte sur un sujet et du matériau visuel d’Achille Perilli, Collage (1961),
ainsi que d’oeuvres instrumentales, vocales-instrumentales et électroniques. Il
s’est imposé avec son Concertino in forma
di variazioni pour orchestre de chambre
(1956). Jusqu’en 1959, il a cherché à élaborer des structures brèves et longues à partir d’accélérations ou de ralentissements
mesurés déterminant des zones sonores
diversifiées par leur densité et par leur
tension. Entre 1959 et 1961, il a cherché
à résoudre ces mêmes problèmes avec des
structures aléatoires toujours transcrites
en écriture déterminée. Depuis 1961,
chaque oeuvre développe une seule texture
contrapuntique très dense, qui réapparaît
variée. Progressivement, le compositeur
a réduit les variations au minimum pour
« annuler toute dialectique ». Sous l’influence de la peinture informelle, il s’est
alors attaché à effacer les détails de la microstructure au profit d’une sorte de matérialisme statique. La polyphonie dense des
années 1964-1968 est plutôt « optique » et
« illusoire » que matérielle. De ces années
datent notamment les musiques électroniques Collage 2 (1960-61) et Collage 3
(1966-67), Informel I pour 12 musiciens
(1961), II pour 15 musiciens (1962) et III
pour grand orchestre sans percussions
(1961-1963), Variante A pour choeur
mixte et grand orchestre sur le texte latin
de la messe (1963-64), B pour 36 musiciens (1964) et C pour grand orchestre
(1964), Reticolo 11 pour 11 musiciens
(1966), Reticolo 4 pour quatuor à cordes
(1968), Reticolo 12 pour 12 cordes (1970),
Concerto pour piano et 7 instruments
(1970). Les oeuvres des années 1970 développent un contrepoint polydiatonique
complexe. Citons Blitz, action musicale
en hommage à Marcel Duchamp (1973),
Manualiter pour orgue (1973), Sinfonia da
camera pour 36 musiciens (1974), Reticolo
3 (B. A. C. H.) pour 3 guitares (1975), trois
Concertos opposant respectivement un
soliste à un ensemble instrumental et à un
carillon un piano (1975), une contrebasse
(1976) et un violon (1977), Intermezzo
pour 14 instruments à vent et piano préparé (1977), Otto frammenti d’une ballade
de Charles d’Orléans (1978), Quintetto
pour cordes (1978), Collage 4 (Nel mio
sangue) [1979], Es, rondeau en 1 acte, livret du compositeur à partir de Es de N.
Saito pour 3 sopranos, 3 mezzo-sopranos,
3 contraltos, orchestre et 9 instruments
(1978-1980, création à la Fenice de Venise
en 1981), Concerto pour piano et onze instruments (1986).
CLEMENTI (Muzio), compositeur, pianiste et facteur de pianos italien (Rome
1752 - Evesham, Angleterre, 1832).
Fils d’un orfèvre aimant beaucoup la musique, il fut, après des études dans sa ville
natale, adopté par un gentilhomme anglais,
Peter Beckford, qui l’emmena fin 1766 ou
début 1767 dans sa propriété du Dorset,
où il continua à se former durant sept ans.
À Londres, où il s’installa en 1773 ou 1774,
donna des récitals et dirigea l’orchestre de
l’opéra italien au King’s Theatre, la renommée lui vint surtout après la publication
de ses six sonates op. 2 (1779). En 1780,
il entreprit la première de ses nombreuses
tournées à travers l’Europe : Paris, Strasbourg, Munich, Vienne (où, en décembre
1781, l’empereur Joseph II le mit en comdownloadModeText.vue.download 230 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
224
pétition pianistique avec Mozart, qui le
jugea « une mécanique, sans un sou de
sensibilité ni de goût »), Zurich, Lyon (où
une affaire sentimentale sans lendemain le
fixa plus d’un an), Rome peut-être. Rentré à Londres fin 1783, il en repartit pour
Lyon et Berne en 1784, puis s’établit dans
la capitale britannique de 1785 à 1802, s’y
consacrant à la composition, à la direction
d’orchestre, ainsi qu’à sa carrière de pianiste (qu’il arrêta soudain et apparemment
sans raison en 1790) et de professeur. En
1798, de son association avec Longman
et Broderip, qui venaient de faire faillite,
naquit la firme « Longman, Clementi and
Co. ». Sous cette raison sociale et (après
1801) d’autres, il se livra jusqu’à sa retraite
en 1830, et en témoignant d’un sens commercial avisé, à l’édition, à la vente et surtout à la manufacture de pianos. En 1802,
il partit avec son élève préféré John Field
pour une nouvelle grande tournée en Europe qui jusqu’en 1810 le mena successivement à Paris, Vienne, Saint-Pétersbourg
(où se fixa Field), Berlin, Dresde, Prague,
Vienne, Zurich, Leipzig, Berlin (où à 52
ans il épousa une jeune fille de 19 ans), en
Italie (où sa femme mourut en donnant
naissance à un fils), puis à Berlin, Riga,
Saint-Pétersbourg, Vienne (où il conclut
avec Beethoven d’avantageux contrats
d’édition), Rome, Milan et enfin Vienne,
d’où il repartit pour Londres. Le 6 juillet
1811, il y épousa Emma Gisburne, qui
lui donna 2 fils et 2 filles. Partageant son
temps entre la composition, sa fabrique de
pianos et la direction d’orchestre, il participa en 1813 à la fondation de la Philharmonic Society, et se rendit encore sur
le continent - Paris, Vienne, Allemagne,
Italie - en 1817-18, 1820, 1821-22 et 182627. À sa mort, il eut des obsèques nationales et fut enterré à Westminster Abbey.
Il fit ses débuts au clavecin et écrivit ses
premières sonates pour cet instrument,
mais de son vivant déjà (dans les années
1820), on l’appela le « père du pianoforte ». Sa carrière d’interprète servit en
effet de modèle aux innombrables pianistes virtuoses du début du XIXe siècle,
et comme compositeur, non seulement
il se consacra presque exclusivement
au clavier, mais créa le style pianistique
moderne à la fois sur le plan technique
(octaves et tierces parallèles) et sonore,
ce dont devaient largement s’inspirer
ses élèves et successeurs, avec à leur tête
Beethoven (qui mettait les sonates de
Clementi au-dessus de celles de Mozart).
Il est possible que les remarques désobligeantes de Mozart à son égard, et qui lui
causèrent un véritable choc lorsqu’il en
entendit parler au soir de sa vie, aient été
en partie dictées par l’envie. De ses sonates, plusieurs (comme l’opus 34 no 2 en
sol mineur) naquirent à l’origine comme
des concertos, mais une seule (l’opus 33
no 1 en ut majeur) a survécu également
sous cette forme. Les dernières, les trois
de l’opus 50, avec notamment la célèbre
Didone abbandonata, parurent en 1821,
mais furent sans doute composées pour
l’essentiel dès 1804-1805. Plusieurs, en
particulier l’opus 13 no 6 en fa mineur
(1785), l’opus 25 no 5 en fa dièse mineur
ou les opus 40 no 2 en si mineur et no 3 en
ré majeur (1802), sont des chefs-d’oeuvre
qui devraient apparaître fréquemment
aux programmes des récitals. Clementi
compositeur ne se résume en rien aux six
sonatines op. 36 (1797) connues de tous
les apprentis pianistes. On lui doit également un célèbre recueil didactique, le
Gradus ad Parnassum op. 44 (3 vol. 1817,
1819 et 1826) et deux symphonies (op. 18,
1787). Plusieurs autres symphonies furent
composées et exécutées dans les années
1790 et aux alentours de 1820, mais jamais
éditées et laissées dans un état de désordre
quasi inextricable. Quatre, dont une faisant usage du God Save the King, ont été
reconstituées dans les années 1970 par
Pietro Spada.
CLÉRAMBAULT, famille de musiciens
français, active durant la seconde moitié
du XVIIe siècle et tout le XVIIIe siècle.
Dominique (Paris en 1647 - id. 1704). Il
fut violoniste, membre des Vingt-Quatre
Violons du Roy.
Louis-Nicolas, fils du précédent, organiste et compositeur (Paris 1676 - id. 1749).
Formé par son père, il apprit sans doute
le violon, puisqu’on le trouve plus tard
recensé parmi les « musiciens sympho-
nistes ». Il travailla également la technique
des instruments à clavier, principalement
l’orgue, avec André Raison. Pour la composition, enfin, il fut l’élève de Jean-François d’Andrieu. Suppléant de Nivers, puis
titulaire, en 1715, des orgues de la maison
royale de Saint-Cyr, où il était aussi surintendant de la musique, il assura encore la
charge d’organiste à Saint-Sulpice, où ses
fils devaient lui succéder jusqu’en 1773. En
outre, il prit la suite de Raison à la tribune
des Jacobins (1719).
Sa carrière de compositeur fut jalonnée
par la publication de nombreux recueils
qui rencontrèrent un succès considérable : un Livre de clavecin (1704), un Livre
d’orgue (1710), une abondante oeuvre profane - Airs sérieux et à boire, cinq volumes
de Cantates à une ou deux voix (Orphée,
Médée), des cantates isolées, des divertissements et des intermèdes pour le théâtre.
Sa musique religieuse n’est pas moins
importante : Airs spirituels et moraux, six
livres de Motets, deux tomes de Chants
et Motets à l’usage des dames de SaintCyr, un oratorio (Histoire de la femme
adultère), un Te Deum. Clérambault est
le premier maître de la sonate et de la
cantate françaises, inspirées des modèles
italiens, mais adaptées à l’esprit national,
selon les principes de la « réunion des
goûts » prônée par Couperin. S’il ne possède pas le génie ardent de Couperin, il
est sans doute l’un de ceux qui réussissent
la plus séduisante synthèse de la noblesse
polyphonique française avec la souplesse
lyrique et l’art du développement des Italiens, dans la tonalité d’une sensibilité gracieuse. À l’orgue, il est l’un des derniers
représentants de la grande école française
et du style sérieux, avant que ne se développent les pièces de concert du siècle de
Louis XV.
César François Nicolas, dit « le fils », fils
du précédent (Paris v. 1705 - id. 1760). Organiste, il succéda à son père et composa
quelques cantates.
Évrard Dominique, frère du précédent
(Paris 1710 - id. 1790). Également organiste, il succéda à son tour à son père, à
Saint-Cyr, aux Jacobins et à Saint-Sulpice.
CLERCX-LEJEUNE (Suzanne), musicologue belge (Houdeng-Aimeries, Hainaut, 1910 - Liège 1985).
Elle a d’abord suivi des études classiques,
avant de s’orienter vers la musicologie,
travaillant notamment sous la direction
de Ch. Van den Borren à l’université de
Liège, où elle devint docteur en 1940. De
1941 à 1949, elle a occupé les fonctions
de bibliothécaire au Conservatoire royal
de Bruxelles. Professeur de musicologie
à l’université de Liège à partir de 1945 et
animatrice des Colloques de Wégimont
(1953), elle est l’auteur d’importantes
études sur Ciconia, dont elle a publié les
oeuvres complètes. Son livre le Baroque
et la Musique (1949), axé essentiellement
sur l’esthétique musicale, fait autorité et
constitue l’un des rares ouvrages consacrés
à la musique de cette époque.
CLÉREAU (Pierre), compositeur français
du XVe siècle.
Il fut maître des enfants de la cathédrale
de Toul en 1554, ce qui explique sans
doute certaines compositions religieuses
(4 messes à 4 voix et une Missa pro mortis,
Du Chemin, 1554 ; Missa cum 4 v. ad imitationem missae Virginis Mariae condita,
Du Chemin, 1557 ; Messe Dum deambularet et 2 motets, Du Chemin, 1557). Il joua
un rôle non négligeable dans le domaine
de la chanson ; il écrivit sur des textes de
Ronsard et publia, en 1566, chez Le Roy
et Ballard, 2 livres d’Odes (il choisit les
strophes de ce poète qui l’intéressaient
davantage) dans un style presque uniquement harmonique, à 3 voix. La même
année parurent un livre de chansons françaises et italiennes à 3 voix et deux autres
à 4 voix. En 1567, il publia un livre de
Cantiques spirituels chez Le Roy et Ballard.
L’apport de Pierre Cléreau est double : il
fut un des maillons de l’implantation d’un
style madrigalesque en France et il contridownloadModeText.vue.download 231 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
225
bua au développement de l’air de cour par
la place donnée à la voix supérieure dans
ses chansons.
CLÈVES (Johannes de), compositeur
flamand (Clèves, Prusse, v. 1529 - Augsbourg 1582).
Il eut ses premiers contacts avec la musique
à la maîtrise de la cathédrale de Clèves. De-
venu maître de chapelle de l’église SaintPierre à Leyde (Pays-Bas), il composa de
nombreuses pages polyphoniques à l’usage
de cette paroisse. Il devait quitter les PaysBas pour l’Autriche et, en 1553, il appartenait à la chapelle de l’empereur Ferdinand
Ier, à Vienne, comme ténor. En 1564, après
la mort de l’empereur, il gagna Graz où il
fut nommé maître de chapelle à la cour de
l’archiduc Charles II. De retour à Vienne
en 1570, il écrivit des motets, des messes
et des Cantiones sacrae. Neuf ans plus
tard, il se rendit à Augsbourg où il finit
ses jours, composant à son aise auprès du
maître de chapelle de la cathédrale, Bernhard Klingenstein, qui l’avait appelé pour
perfectionner ses propres connaissances
musicales.
Clèves ne composa que des oeuvres
religieuses : Cantiones sacrae, Augsbourg,
1559 ; Cantiones seu harmonicae sacrae
de 4 à 10 voix, Augsbourg, 1579-80 ; des
messes et des motets qui sont conservés
en manuscrits. Il se recommandait des
traditions franco-flamandes et témoignait
d’une grande science dans l’art du contrepoint.
CLICQUOT. Famille d’organiers français
d’origine rémoise, dont les deux plus fameux représentants, Robert (1645-1719)
et François-Henri (1732-1790) comptent
au nombre des meilleurs facteurs d’orgues de l’Europe classique.
Robert Clicquot, actif à Paris pendant plus
de quarante ans, a construit de nombreux
instruments dans la région parisienne et
dans les provinces avoisinantes : chapelle
du château de Versailles, Saint-Louis-desInvalides à Paris, Saint-Quentin, Blois,
Laon, Rouen, etc. Quant à François-Henri,
théoricien, expert et facteur de grande
renommée, il a poursuivi les travaux familiaux, restaurant et agrandissant les instruments de ses aïeux, et a construit lui-même
de nombreux instruments nouveaux (Sarlat, Poitiers, 1776 ; Souvigny, 1790). Son
activité s’est étendue sur la France entière,
qu’il a dotée de grands instruments de
puissant caractère et d’une splendide harmonie, de style très original. La couleur
de ses jeux de flûte, la poésie de ses hautbois, la rondeur de ses batteries d’anches
donnent à ses réalisations les plus belles
sonorités de l’orgue classique français.
CLIDAT (France), pianiste française
(Nantes 1938).
Brillante élève du Conservatoire de Paris,
où elle reçoit l’enseignement de LazareLévy, Maurice Hewitt, Roland-Manuel,
Norbert Dufourcq, Robert Siohan, etc.,
France Clidat obtient à douze ans son premier prix de piano. Trois ans plus tard,
l’adolescente crée à Genève le Concerto en
« la » mineur de Sauguet sous la direction
d’Ernest Ansermet, et amorce la carrière
de concertiste qui fera applaudir partout
dans le monde, dans un répertoire très
éclectique, son tempérament d’artiste et sa
rare virtuosité. Le prix international Franz
Liszt, qu’elle remporte à Budapest en 1956,
révèle ses affinités particulières avec le
maître hongrois. D’où l’enregistrement
qu’elle a réalisé, en vingt-huit disques, de
la seule « intégrale » existante de l’oeuvre
pour piano de Liszt, dont elle a publié par
ailleurs un Dictionnaire analytique, complété par un essai : Aux sources littéraires
de Liszt.
CLIQUET-PLEYEL (Henri), compositeur
français (Paris 1894 - id. 1963).
Élève de Gédalge et Koechlin au Conservatoire de Paris, il se fit remarquer avec
un Premier Quatuor à cordes (1912),
mais dut interrompre ses études à cause
de la guerre et ne passa aucun concours.
Après avoir écrit un élégant et prometteur Deuxième Quatuor à cordes (1923),
il participa en 1924 à la fondation de
l’école d’Arcueil, dont il adopta la simplicité, la pureté harmonique, le goût
pour les rythmes et les sonorités de jazz.
Particulièrement attiré par cette dernière
tendance, il abandonna la musique de
chambre pour la musique de cabaret, de
café-concert. Il signa des chansons, des
airs de danse, notamment de charmants
tangos, puis, à l’avènement du cinéma
sonore, des musiques de film. Après la
Seconde Guerre mondiale, il revint à une
inspiration plus classique, et composa de
la musique de chambre, de la musique
vocale et des oeuvres symphoniques
d’une écriture distinguée, à l’inspiration
mélodique aisée, mais devenue quelque
peu anachronique.
CLIQUETTE.
Instrument à percussion constitué par
deux ou plusieurs lames de bois ou d’une
autre matière, reliées ou non par une ligature ou une charnière, et qui, entrechoquées, produisent un cliquetis.
Au Moyen Âge, les lépreux s’en servaient pour avertir les populations de leur
passage. La cliquette fut ensuite adoptée
par divers marchands ambulants, qui signalaient ainsi leur présence. Sous forme
de deux planchettes de bois évidées et
articulées à la manière d’un livre, elle est
encore en usage dans les offices religieux,
pour indiquer aux fidèles le moment de
se lever ou de s’asseoir.
CLOCHE.
Instrument à percussion de la famille des
« métaux ».
La cloche a été connue dès la préhistoire
sous des formes et dans des matériaux très
variés qui subsistent d’ailleurs chez certains peuples. Mais le modèle répandu en
Europe, et qui n’a guère changé depuis le
Moyen Âge, apparaît comme une sorte de
vase renversé, en bronze, dont la hauteur
est à peu près égale au diamètre maximal.
La cloche mobile est pourvue d’un battant
accroché dans son axe, qui frappe la paroi
intérieure quand elle est mise en branle. Il
est aussi possible de mettre en mouvement
le seul battant, à l’aide d’une corde, sans
que la cloche bouge. Quant aux cloches
fixes, comme celles qui composent les jeux
de carillon, elles sont frappées de l’extérieur par des marteaux mécaniques ou
tenus à la main.
La cloche fournit une note fondamentale (d’autant plus grave qu’elle est grosse)
accompagnée de nombreuses harmoniques qui font la richesse de son timbre.
Le son de la cloche, qui porte très loin,
joue depuis des siècles un rôle fonctionnel
dans la vie des paroisses et des communes.
Il n’annonce pas seulement les offices religieux, mais tous les événements heureux
ou tragiques qui intéressent la population.
Citons, parmi les cloches d’église les plus
célèbres, le bourdon de Notre-Dame de
Paris, fondu en 1686 et qui pèse 13 tonnes,
et la « Savoyarde » du Sacré-Coeur de
Montmartre (1907) qui en pèse 18 ; elles
sont légères en comparaison de la grosse
cloche du Kremlin « 202 tonnes ».
La beauté de la sonorité des cloches a
fasciné bien des compositeurs, qui ont
tenté de l’évoquer, sinon de l’imiter, par
des procédés d’écriture, en particulier
dans des pièces pour piano (la Grande
Porte de Kiev dans les Tableaux d’une exposition de Moussorgski ; la Vallée des cloches
dans les Miroirs de Ravel ; la Cathédrale
engloutie dans les Préludes de Debussy).
Ils ont plus rarement employé les cloches
elles-mêmes comme instrument d’orchestre : la constitution très particulière
de leurs harmoniques rend leur usage
très complexe ; cependant, Wagner, par
exemple, y a fait appel au troisième acte
de Parsifal. Les cloches d’orchestre sont,
comme les cloches d’église, en bronze.
On les suspend à un bâti et on les frappe
avec un maillet en bois nu, ou recouvert
de peau.
Souvent, les compositeurs se sont
contentés d’utiliser des jeux de timbres ou
des cloches-tubes.
CLOCHES DE VACHE (en angl. : cow-bell).
Instrument à percussion de la famille des
« métaux ».
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Ce sont effectivement des cloches de
vache (clarines), mais dépourvues de battant, fixées sur un pied par groupes d’importance variable. Frappées au moyen de
toutes sortes de baguettes, elles rendent
un son assez court.
CLOCHES-TUBES.
Instrument à percussion de la famille des
« métaux ».
Des tubes métalliques, suspendus à
un portique, font fonction des cloches
d’église, trop lourdes, encombrantes et
coûteuses. On les frappe avec un maillet
de bois, dont un côté est garni de cuir ou
de feutre.
CLOSTRE (Adrienne), femme compositeur française (Thomery, Seine-etMarne, 1921).
Élève au Conservatoire de Paris, d’Yves
Nat pour le piano, de Darius Milhaud,
Jean Rivier et Olivier Messiaen pour la
composition, elle a été premier grand
prix de Rome en 1949 et grand prix musical de la Ville de Paris en 1955. Attachée
aux recherches contemporaines, mais leur
reprochant de ne pas aboutir à des systèmes de langages cohérents, elle a utilisé
des techniques sérielles sans abandonner
pour autant la plastique mélodique traditionnelle. Son domaine d’élection est le
théâtre lyrique, avec notamment Spectacle
Tchekhov, composé de Raïssa ou la Sorcière
(1952) et le Chant du cygne (1961), les Musiciens de Brême, d’après Grimm (1957),
Julien l’Apostat, d’après Ibsen (1971),
Nietzsche (1975), Cinq Scènes de la vie musicale (1980), le Secret (1981), l’Albatros,
d’après Baudelaire (1986-1988), Annapurna, d’après le récit de Maurice Herzog
(1988). On lui doit aussi des oeuvres d’orchestre (Concert pour le souper du roi Louis
II, 1957) et de chambre (Sun pour quatuor à cordes, 1992), ainsi que la cantate
de chambre The Fioretti di San Francesco
d’Assisi (1953, 1re audition 1955).
CLOZIER (Christian), compositeur français (Paris 1945).
Venu du stage du G. R. M., il a créé en
1969 avec Alain Savouret le groupe d’improvisation Opus N, et surtout a fondé, en
1970, avec Françoise Barrière le Groupe
de musique expérimentale de Bourges
(G. M. E. B.), participant de près à ses
nombreuses activités techniques et pédagogiques dans le domaine électroacoustique. On lui doit à ce propos la conception d’un mini-studio portatif destiné aux
enfants, le gmebogosse, et d’un système original de diffusion en concert (par diversification et répartition des couleurs sonores,
le gmebaphone. Ses oeuvres comprennent
notamment la Discordatura, « concrètesuite » réalisée par manipulation de sons
de violon (1970), le concret-opéra À vie
(1971), Symphonie pour un enfant seul
(1972-1974) et le Phlogiston (1975), À la
prochaine, la taupe (1978), Aporie et Apocope (1979), Quasars (1980), ainsi qu’un
certain nombre de spectacles musicaux.
CLUSTER.
Initialement, groupe de notes frappées au
piano par la main à plat ou le poing, ou
encore l’avant-bras, soit dans une ou plusieurs régions du clavier, soit par glissades.
Cette technique d’écriture et d’exécution
appartient à la musique contemporaine.
Elle a été amplement étudiée, à l’origine,
par le compositeur américain Henry
Cowell. Par extension, toute combinaison
de sons rapprochés formant des grappes
sonores, plus ou moins compactes, par
opposition aux sons distincts d’un accord.
CLUYTENS (André), chef d’orchestre
français d’origine belge (Anvers, Belgique, 1905 - Neuilly-sur-Seine 1967).
Il fit ses études au conservatoire royal
d’Anvers. Chef de chant au Théâtre-Royal
de cette ville, il y fut nommé en 1927 chef
titulaire en remplacement de son père.
Il vint en France en 1932 poursuivre sa
carrière, fut directeur de la musique au
Capitole de Toulouse, chef d’orchestre
à l’opéra de Lyon, et s’établit à Paris en
1942. Il y fut nommé directeur musical
de l’Opéra-Comique en 1947 et succéda
à Charles Munch comme chef attitré de
la Société des concerts du Conservatoire
en 1949. À l’Opéra-Comique, il participa
à de nombreuses reprises importantes et
à des créations comme celle de Bolivar de
Milhaud. Il mena une carrière internationale, et fut en particulier le premier chef
français à diriger au festival de Bayreuth,
où il débuta en 1955 dans Tannhäuser. Son
répertoire était vaste. Il fut tout spécialement renommé pour ses interprétations de
musique française symphonique (Berlioz,
Franck, Ravel) et lyrique (Bizet, Gounod),
des oeuvres de Wagner, des symphonies et
ouvertures de Beethoven, ainsi que de musique russe. Son style, élégant, juste, clair,
sans emphase, ne manquait pas d’intensité.
COATES (Albert), chef d’orchestre et
compositeur anglo-russe (Saint-Pétersbourg 1882 - Milnerton, Le Cap, 1953).
Après des études musicales à Saint-Pétersbourg, il entra au conservatoire de Leipzig en 1902 où il travailla le violoncelle, le
piano et surtout la direction d’orchestre
avec Nikisch. Celui-ci le nomma comme
assistant à l’Opéra de Leipzig, et sa carrière
débuta avec les Contes d’Hoffmann. En
1906, il fut chef principal à l’Opéra d’Eberfeld, puis à Dresde et à Mannheim. Invité
à Saint-Pétersbourg pour diriger Siegfried,
il devait y demeurer chef pendant cinq ans.
Coates ajouta alors à son répertoire un
grand nombre d’ouvrages russes et se fit
une réputation en Europe et en Amérique,
notamment comme interprète des oeuvres
de Scriabine. Il a composé de la musique
d’orchestre et de chambre ainsi que des
oeuvres pour le théâtre.
COATES (Eric), compositeur anglais
(Hucknall, Nottinghamshire, 1896 Chichester 1957).
Il étudia à Nottingham le violon et la composition. En 1906, grâce à une bourse de
la Royal Academy of Music de Londres, il
apprit l’alto avec Tartis et la composition
avec F. Corder. Dès 1907, il fit partie d’un
quatuor à cordes et, en 1912, il fut altiste
au Queen’s Hall Orchestra. Après 1918, il
se consacra uniquement à la composition,
écrivant des mélodies, des petits ouvrages
d’orchestre (Miniature Suite, Joyous Youth
Suite), des ouvertures (The Many Makers,
Dance Interlude). Il publia son autobiographie Suite in Four Movements, à Londres
(1953).
COBLA.
1.Strophe de la poésie lyrique occitane et
en particulier des troubadours. On rencontre de nombreux types de coblas, se
distinguant aussi bien dans leur structure
générale que sur le plan de la métrique et
des rimes. La variété de ces formes répondait avec une extrême subtilité au contenu
expressif des poèmes.
2.Ensemble instrumental traditionnellement réuni en Catalogne pour jouer des
sardanes. Il comprend : 1 flaviol (sorte
de flûte à bec à 7 trous qui prélude à la
danse par une improvisation libre à peu
près invariable) ; 2 tiples (chirimias ou
hautbois aigus à 10 trous issue du chalun
arabe) ; 2 tenoras (chirimias graves aux
sons éclatants, à l’octave inférieure du
tiple) ; 2 cornets ; 1 trombone ; 2 fiscornes
(instruments à piston) ; 1 contrebasse et 1
tambourin (frappé simultanément par le
joueur de flaviol). La vraie cobla ne joue
que des sardanes.
COCCIA (Carlo), compositeur italien
(Naples 1782 - Novarre 1873).
Fils d’un violoniste, il étudia le chant et la
composition à Naples, où Paisiello le fit
nommer pianiste de Joseph Bonaparte.
Après des débuts de compositeur incertains, il s’affirma à Venise, notamment
avec Clotilde (1815) grâce à un emploi
audacieux des choeurs, puis à Padoue,
Milan et Lisbonne (1820-1823). Il enseigna à Londres et y donna avec succès une
Maria Stuarda (1827) écrite pour la Pasta,
avant de rentrer en Italie l’année suivante.
Délaissant progressivement l’opéra bouffe
pour l’opera seria, il en soigna l’orchestra-
tion, mais se heurta à l’incompréhension
des Napolitains (La Figlia dell’ Arciere,
1834, écrit pour la Malibran). En 1837,
il succéda à Mercadante comme maître
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de chapelle à Novarre ; il gagna l’estime
de Verdi qui voulut l’associer à son projet de Requiem à la mémoire de Rossini.
Doué mais négligent, apte à saisir l’intérêt
de toute innovation, Coccia laissa trentesept opéras, dont on peut encore retenir la
Donna selvaggia (1813) et surtout Caterina
di Guisa (1833).
COCHEREAU (Pierre), organiste et compositeur français (Saint-Mandé, Seine,
1924 - Lyon 1984).
Formé au Conservatoire de Paris, il fut
l’élève de Marcel Dupré et de Henri Büsser. À dix-huit ans, il devint titulaire de
l’orgue de l’église Saint-Roch, à Paris, puis,
en 1955, il succéda à Léonce de Saint-Martin aux claviers de l’orgue de Notre-Dame
de Paris. Depuis 1960, il est directeur du
conservatoire de Nice, tout en demeurant
titulaire des grandes orgues de NotreDame de Paris. Il est également devenu directeur (1979-80), puis président (à partir
de 1980) du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon. Pierre Cochereau met son étonnante virtuosité au service des grands compositeurs-organistes
de l’école symphoniste - Vierne et Dupré
notamment -, dont il est un remarquable
interprète, et d’un talent d’improvisateur
directement issu de la tradition postromantique. Il est également compositeur
(deux concertos pour orgue et orchestre,
une symphonie, de la musique de piano et
de la musique de chambre).
COCHINI (Roger), compositeur français
(Lyon 1946).
Il est membre depuis 1973 du Groupe
de musique expérimentale de Bourges
(G.M.E.B.). Il a réalisé pour la bande
magnétique quelques oeuvres qui sonnent
comme une musique électroacoustique de
chambre, et dont le ton de confidence nocturne, lumineuse et angoissée à la fois, déjà
présent dans Remparts d’Ainay (1972),
réalisé au G.R.M., s’affirme plus épanoui
dans Éva ou les Yeux fermés (1974) et les
Chansons de geste (1977).
COCLICO (Adrian « Petit »), compositeur
et théoricien flamand (Flandres 1499 ou
1500 - Copenhague v. 1563).
On suppose que le surnom de « Petit » lui
était donné en raison de sa taille. En 1545,
il fut inscrit à l’université de Wittenberg
(Prusse). Puis il se rendit à Francfort-surOder, et, en 1547, à Stettin. Membre de la
chapelle du duc Albert de Prusse (15471550), il s’installa, à la fin de 1550, à Nuremberg, où il publia un livre de motets,
Musica reservata, consolationes piae ex
psalmis Davidicis (1552), et un traité théorique Compendium musices, dans lequel
il transmet les règles du contrepoint de
Josquin Des Prés, dont il prétendait être
l’élève, l’appelant « le prince des musiciens ». En 1555, il fut à Wismar, au service
du duc de Mecklembourg.
Puis, en 1556, il entra comme chanteur
à la chapelle du roi Christian III de Danemark pour laquelle il composa des motets.
Adrian Coclico, l’un des derniers illustrateurs de la grande tradition polyphonique
franco-flamande, s’est appliqué à établir
une correspondance étroite entre le verbe
et la musique.
COCTEAU (Jean), poète français (Maisons-Laffitte 1889 - Milly-la-Forêt 1963).
Son nom est lié à celui d’Erik Satie et au
groupe des Six. Dans le Coq et l’Arlequin
(1918), il a fait le procès de l’impressionnisme musical, prônant le retour à la simplicité, glorifiant l’esthétique du cirque et
du music-hall exaltant aussi bien la concision et la netteté du langage de Satie que
le tumulte organisé du Sacre du printemps
de Stravinski. Dans Carte blanche (1920),
il a rendu compte, à sa manière, brillante
et cursive, des activités des musiciens du
groupe des Six, lesquels (Louis Durey excepté) collaborèrent à la mise en musique
de son texte, les Mariés de la tour Eiffel
(1921). Pour Erik Satie, Jean Cocteau a
écrit l’argument du ballet Parade (1917)
et un livret d’opéra-comique, Paul et Virginie, qui, du côté du musicien, demeura
à l’état de projet. Pour Darius Milhaud, il
a écrit les arguments du Boeuf sur le toit
(1920) et du Train bleu (1924), et le livret
du Pauvre Matelot (1926). Francis Poulenc
a mis en musique la Voix humaine (1958)
et la Dame de Monte-Carlo (1961). Arthur
Honegger, qui en avait d’abord écrit la
musique de scène (1922), a composé en
1927 sur l’Antigone de Cocteau son meilleur ouvrage lyrique. Pour Georges Auric,
Jean Cocteau a écrit l’argument du ballet
Phèdre (1950). Il lui a demandé la musique
de ses films les plus importants : le Sang
d’un poète (1930), l’Éternel Retour (1943),
la Belle et la Bête (1945), l’Aigle à deux têtes
(1947), les Parents terribles (1948), Orphée
(1949). Avant tout soucieux du spectacle,
Cocteau a suivi avec passion l’évolution
du ballet, collaborant avec Serge de Diaghilev (Parade, le Train bleu), avec Serge
Lifar (Phèdre), avec Roland Petit (le Jeune
Homme et la Mort). Il ne s’est pas contenté
de fournir aux musiciens des livrets d’opéras et des arguments de ballets. Il a mis luimême en scène les Mariés de la tour Eiffel,
le Pauvre Matelot, Antigone, OEdipus rex, la
Voix humaine. Il a tenu le rôle du récitant
dans l’Histoire du soldat de Stravinski. En
1962, il a dessiné des décors pour Pelléas
et Mélisande. Inspirateur ou animateur,
meneur de jeu ou metteur en scène, du
début à la fin de sa carrière, le poète n’a
cessé de collaborer avec les musiciens. Son
nom est autant inscrit dans l’histoire de la
musique et de la danse que dans celle de la
littérature.
PRINCIPAUX ÉCRITS SUR LA MUSIQUE :
le Coq et l’Arlequin (1918) ; Carte blanche
(1920) ; Fragments d’une conférence sur
Satie (Revue musicale, mars 1924).
LIVRETS :
Paul et Virginie (livret d’opéra-comique,
en collaboration avec R. Radiguet, 1920) ;
les Mariés de la tour Eiffel (spectacle, musique de G. Auric, A. Honegger, D. Milhaud, F. Poulenc, G. Tailleferre, 1921) ;
le Pauvre Matelot (complainte en 3 actes,
musique de D. Milhaud, 1926) ; OEdipus
rex (opéra-oratorio, musique de I. Stravinski, 1927) ; Cantate (musique de I.
Markevitch, 1930) ; Patmos (musique de
Y. Claoué, 1962).
ARGUMENTS DE BALLET :
le Dieu bleu (en collaboration avec F. de
Madrazo, musique de R. Hahn, 1912) ;
Parade (musique de E. Satie, 1917) ; le
Boeuf sur le toit (pantomime, musique de
D. Milhaud, 1920) ; le Train bleu (opérette
dansée, musique de D. Milhaud, 1924) ;
le Jeune Homme et la Mort (mimodrame,
musique de J.-S. Bach, 1946) ; Phèdre
(musique de G. Auric, 1950), la Dame à la
Licorne (musique de J. Chailley, 1953) ; le
Poète et sa Muse (mimodrame, musique de
G. C. Menotti, 1959).
CODA.
Mot italien, désignant d’une manière générale dans une oeuvre musicale, et surtout instrumentale, tout développement
de caractère libre prolongeant l’une des
parties constitutives du plan sans en faire
réellement partie.
La coda terminale étant la plus fréquente - par exemple à la fin de la réexposition de la forme sonate -, et amenant
souvent la conclusion, on a tendance à
limiter le sens du mot coda à celui d’une
terminaison. Mais dans les oeuvres à plan
classique et à caractère évocateur, la coda
prend volontiers la forme d’un intermède
descriptif (chants d’oiseaux dans la Symphonie pastorale de Beethoven).
COEUROY (Jean Belime, dit André), musicologue et critique français (Dijon 1891 Latrecey 1976).
Élève de Max Reger à Leipzig, agrégé
d’allemand, il fonda, en 1920, la Revue
musicale avec Henry Prunières, il en fut le
rédacteur en chef jusqu’en 1937, et collabora à Ère nouvelle de 1920 à 1925, à ParisMidi de 1925 à 1939 et à Gringoire de 1927
à 1939. Il dirigea la section musicale de
la Société des Nations (1929-1939) et fut
maître de conférences à Harvard (193031). Directeur de collections d’ouvrages
sur la musique, il écrivit lui-même de
nombreux livres et traduisit de l’allemand
le Debussy de Heinrich Strobel, ainsi que
les Souvenirs de Bruno Walter.
Esprit très ouvert, curieux de toute
nouveauté, André Coeuroy s’est, un des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
228
premiers, intéressé au jazz, au disque, à
la radio. Il a consacré une grande partie
de ses travaux à l’étude du romantisme.
Il s’est attaché à définir les relations des
écrivains avec les musiciens et, dans plusieurs de ses ouvrages (Musique et litté-
rature, Appels d’Orphée, Wagner et l’esprit
romantique), il a fait oeuvre d’historien de
la littérature autant que de musicologue.
COHEN (Harriet), pianiste anglaise
(Londres 1895 - id. 1967).
Elle débuta à l’âge de treize ans. Blessée
à la main droite en 1948, elle se consacra
beaucoup à la musique de son temps, en
particulier aux oeuvres de Bartók et d’Arnold Bax, reçut en dédicace les Variations
symphoniques (1917) et le Concerto pour la
main gauche (1949) de ce dernier ainsi que
le Concerto de Vaughan Williams (1933),
et traita des problèmes d’interprétation
dans Music’s Handmaid (1936).
COHEN (Jeff), pianiste américain (Baltimore 1957).
En 1976, il entre au Conservatoire de
Paris où il obtient les prix de piano et
de musique de chambre dans les classes
de Reine Gianoli et Geneviève Joy, avant
de poursuivre sa formation auprès de
Léon Fleisher aux États-Unis et de Peter
Feuchtwanger en Angleterre. Chef de
chant au Théâtre de la Monnaie de
Bruxelles, professeur à l’École d’art lyrique de l’Opéra de Paris, puis responsable musical au Théâtre du Châtelet,
il mène une carrière de chef de chant
et d’accompagnateur, se produisant en
compagnie de June Anderson, Cecilia
Bartoli, Hélène Delavault, Jean-Paul Fauchécourt et bien d’autres. Avec le baryton François Leroux, il a enregistré des
disques de mélodies de Duparc, Fauré,
Hahn, Gounod, et avec Véronique Dietschy des lieder de Mozart accompagnés
au pianoforte. Il est aussi compositeur de
musiques de scène et de film et animateur d’émissions sur la musique pour la
télévision française.
COIN (Christophe), violoncelliste et
gambiste français (Caen 1958).
Il étudie avec André Navarra au Conservatoire de Paris, où il obtient un 1er Prix
de violoncelle en 1974, puis avec Nikolaus
Harnoncourt à l’Académie de Vienne,
enfin à la Schola cantorum de Bâle avec
Jordi Savall. De 1977 à 1983, il est régulièrement invité par le Concentus musicus de
Vienne, Hesperion XX ou l’Academy of
Ancient Music, et apporte son concours à
la plupart des autres ensembles européens
spécialisés dans l’interprétation de la mu-
sique ancienne. En 1984, il crée l’ensemble
Mosaïques, qui connaît rapidement le succès. Il est nommé la même année professeur de violoncelle baroque et de viole de
gambe au Conservatoire de Paris. Violoncelliste du Quatuor Mosaïques, il prend en
1991 la direction de l’Ensemble baroque
de Limoges.
COLACHON.
Instrument ancien originaire d’Orient et
qui fut utilisé en Italie du Sud
- où lui fut donné le nom de colascione -,
à partir du XVIe siècle, avant de se répandre
à travers l’Italie et l’Europe, et d’y demeurer en vogue jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
C’est une variété de luth, à petite caisse de
résonance et à très long manche, dont les
cordes, au nombre variable de deux à six
(mais le plus souvent de deux ou trois),
étaient accordées par quarte. Le colachon
se jouait le plus souvent avec un plectre.
COLASSE ou COLLASSE (Pascal), compositeur français (Reims 1649 - Versailles
1709).
Après des études à Paris au collège de Navarre, il entra au service de Lully qui l’engagea, en 1677, comme chef d’orchestre
de l’Opéra. Auprès du musicien florentin, il apprit son métier de compositeur.
Il obtint en 1683 un quartier à la chapelle
royale et fut désigné en 1687 pour terminer la tragédie lyrique, Achille et Polyxène,
que son maître avait laissée inachevée à sa
mort. Outre des oeuvres religieuses comme
les Cantiques spirituels de Racine (1695),
plusieurs airs publiés chez Ballard et des
divertissements comme l’Impromptu de
Livry (1688), il écrivit surtout pour la
scène de l’Académie royale de musique
en lui consacrant une dizaine d’ouvrages
lyriques. Considéré comme le fils spirituel
de Lully, il souffrit de cette réputation. Il
lui fut reproché notamment d’insérer dans
ses partitions des airs de son maître. En
dépit de ces emprunts à un autre compositeur, Colasse apparaît comme un novateur : il développa beaucoup les possibilités
expressives de l’orchestre et fut le premier
à décrire par la musique une tempête dans
sa tragédie lyrique, Thétis et Pélée (1689),
ainsi qu’à mettre en musique un véritable
opéra-ballet, les Saisons (1695).
COLBRAN (Isabella), soprano espagnole
(Madrid 1785 - Bologne, Italie, 1845).
Elle étudia à Madrid, puis en Italie, fit ses
débuts à Paris en 1801 et triompha à la
Scala de Milan en 1807. Elle fut simultanément la maîtresse du célèbre imprésario
Barbaja et du roi de Naples, mais les abandonna tous deux, en 1815, pour vivre avec
Rossini qu’elle épousa en 1822. C’est pour
elle que ce dernier délaissa la veine bouffe
pour écrire la majeure partie de ses opere
serie qu’Isabella Colbran allait créer : Elisabetta, regina d’Inghilterra, Otello, Armida,
Mosè, Maometto II et Semiramide.
Isabella Colbran compte parmi les
très grandes tragédiennes-chanteuses de
l’histoire de l’opéra. Son jeu, au caractère
grandiose, impressionna ses contemporains. À l’apogée de sa carrière, l’étendue
de sa voix dépassait deux octaves et demie.
Elle fut un soprano dramatique, coloratura
à l’agilité exemplaire, comme le prouvent
les rôles écrasants que Rossini écrivit pour
elle. Sa musicalité, la noblesse et la pureté
de son style furent aussi souvent louées. Sa
voix s’altéra prématurément et elle abandonna la scène dès 1824.
COLIN DE BLAMONT (François), compositeur et écrivain français (Versailles
1690 - id. 1760).
Fils d’un musicien ordinaire de la
Chambre, il collabora aux Nuits de Sceaux
de la duchesse du Maine avant de devenir,
en 1719, surintendant de la musique de la
Chambre du roi. Son ballet héroïque, les
Fêtes grecques et romaines, remporta un
grand succès à l’Académie royale de musique (1723). Avec son librettiste Fuzelier,
il fut le créateur du ballet héroïque auquel
Rameau, toujours avec le même Fuzelier,
devait donner ses lettres de noblesse avec
les Indes galantes (1735). Colin de Blamont
écrivit plusieurs ouvrages de ce genre (les
Caractères de l’amour, 1736 ; les Fêtes de
Thétis, 1750), mais aussi des motets (1732),
des cantates françaises (1723, 1729) et des
airs à boire (5 recueils). Il fut également
l’auteur d’une pastorale héroïque Endymion (1731). Devenu maître de musique
de la Chambre en 1726, anobli en 1750,
il se consacra à la composition des spectacles de la Cour. Il écrivit, en 1728, l’éloge
nécrologique de Delalande, dont il avait
été l’élève et, au moment de la Querelle
des bouffons, adversaire de la musique italienne, il s’opposa à Jean-Jacques Rousseau
en publiant un Essai sur les goûts anciens et
modernes de la musique française (Paris,
1754).
COLIN MUSET, trouvère français (1re
moitié du XIIIe s.).
D’origine champenoise, aux limites de la
Lorraine, il fut également jongleur, c’està-dire interprète. Son activité se situe entre
1220 et 1240, et il fréquenta notamment
la cour des ducs de Lorraine. On conserve
de lui une vingtaine de chansons (publiées
en 1912 par le médiéviste Joseph Bédier),
dont sept sont pourvues d’une notation
musicale. Parmi ces pièces qui contiennent
de nombreux détails sur sa vie errante et
les cours qu’il visita, il faut citer un descort
et une supplique Sir cuens, j’ai viélé. Son
oeuvre se signale par la fraîcheur de l’inspiration et par la limpidité des mélodies.
COLLAER (Paul), musicologue, ethnologue et chef d’orchestre belge (Boom
1891 - Bruxelles 1989).
Musicien amateur, de formation scientifique, il a été le principal animateur de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
229
la vie musicale en Belgique, à partir de sa
vingtième année : conférences-récitals,
manifestes confiés à des revues spécialisées, organisation de concerts participent
alors d’un besoin d’apostolat au profit
des musiques encore inconnues. Après la
guerre, Paul Collaer prend la tête du mouvement d’avant-garde, fonde les Concerts
pro arte (1922), puis les « Concerts
anciens et modernes » (1933) et dirige
les émissions musicales à la radio belge
(1937-1952), dont il fait un moyen actif
de diffusion de la musique contemporaine
(les Six, Satie, Stravinski, Roussel, Rieti,
Hindemith, Bartók, Schönberg et l’École
de Vienne). Après avoir abandonné ses
fonctions (1953), il fonde les Colloques de
Wégimont (1954) et se consacre à l’ethnomusicologie. Il prospecte la Sicile, le Portugal et la Grèce, en quête de polyphonies
populaires, et réalise des enregistrements
qu’il commente dans un esprit de large
humanisme. Parmi ses ouvrages : Stavinski (Bruxelles, 1930), Signification de la
musique (Bruxelles, 1944), Darius Milhaud
(Anvers/Paris, 1947), la Musique moderne
(Paris/Bruxelles, 1905-1955), Darius Milhaud (Genève, 1982).
COLLARD (Catherine), pianiste française (Paris 1947 - id. 1993).
Elle fait ses études au Conservatoire de
Paris dans la classe d’Yvonne Lefébure et
de Jean Hubeau, et obtient un 1er Prix de
piano en 1964 et un 1er Prix de musique
de chambre en 1966. Puis elle se perfectionne avec Yvonne Loriod. Elle remporte en 1969 deux premiers prix : celui
du Concours Claude Debussy et celui du
Concours Olivier Messiaen. Elle est aussi
lauréate des Concours Casella, Busoni et
Viotti et, en 1970, elle remporte le Prix de
la Vocation. Elle a donné au long de sa carrière une place de choix à l’enseignement
et à la musique de chambre, dirigeant par
exemple les Rencontres internationales
de piano en Pays basque, ou animant les
festivals de Perros-Guirec et du Périgord
vert ou encore l’Académie Maurice Ravel
de Saint-Jean-de-Luz. Profondément attachée à la musique de chambre, elle a eu
plusieurs partenaires privilégiés : la pianiste Anne Quéfellec, avec qui elle a formé
un duo renommé ; les violonistes Catherine Courtois et Régis Pasquier ; et, dans
les dernières années de sa vie, la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton et la contralto
Nathalie Stutzmann. De même que son
professeur Yvonne Lefébure, elle a été une
grande interprète de la musique de Fauré
et, plus généralement, de la musique française, mais son goût pour les romantiques
allemands l’a aussi amenée à interpréter
et à enregistrer fréquemment les oeuvres
de piano et de musique de chambre de
Brahms et de Schumann, deux compositeurs auxquels elle était particulièrement
attachée. Elle a également consacré plusieurs disques à Haydn. De 1976 à sa mort,
elle a enseigné au Conservatoire de SaintMaur.
COLLARD (Jean-Philippe), pianiste français (Mareuil-sur-Ay 1948).
Après avoir obtenu un 1er Prix de piano
au Conservatoire de Paris en 1964, il étudie avec Pierre Sancan. Il est lauréat de
plusieurs concours internationaux, dont
le Concours Long-Thibaud en 1969 et le
Concours Cziffra en 1970. La musique de
chambre, le piano solo et le concerto occupent une place d’égale importance dans
sa carrière. Régulièrement invité aux ÉtatsUnis, il joue fréquemment avec l’Orchestre
de Philadelphie, l’Orchestre symphonique
de Boston, le New York Philharmonic,
mais aussi en Allemagne, au Japon et, bien
sûr, en France, où il s’est produit de nombreuses fois avec l’Orchestre national de
France et l’Orchestre philharmonique de
Radio France. En musique de chambre, il
a pour partenaires privilégiés le violoniste
Augustin Dumay, le pianiste Michel Béroff
ainsi que les violoncellistes Gary Hoffmann ou Frédéric Lodéon.
COLLA PARTE (ital. : « avec la partie »,
sous-entendu, « principale »).
Locution employée soit pour économiser
la copie d’une partie en invitant un instrumentiste ou un chanteur à se mettre à
l’unisson d’un autre, soit pour l’inviter à
suivre toutes les nuances et inflexions rythmiques de la partie principale.
COLLA VOCE (ital. : « avec la voix »).
Locution employée comme colla parte,
mais plus particulièrement pour inviter un
instrumentiste à suivre toutes les inflexions
d’un chanteur, soit qu’il en double la partie, soit qu’il doive simplement s’adapter à
ses changements de mouvement.
COLLECTIF DE RECHERCHE INSTRUMENTALE ET DE SYNTHÈSE SONORE
(C. R. I. S. S.).
Organisme fondé en 1977 par Hugues Dufourt, Alain Bancquart et Tristan Murail,
dans le but d’assimiler et de fondre dans
un système d’expression cohérent les innovations encore éparses de la technologie
électronique.
Son idée-force est que cette technologie
affecte non seulement la production des
sons, mais aussi la sensibilité et mêmes
les catégories de la pensée musicale, et
il regroupe compositeurs et interprètes,
avec comme objectifs une recherche systématique et collective des possibilités
de production et de transformation des
sons électriques en direct, un programme
d’équipement favorisant ce travail, une
investigation méthodique des nouvelles
ressources de l’instrument traditionnel
et de la voix, une entreprise de réflexion
collective sur les nouvelles catégories de
la pensée musicale et l’élaboration dans
la composition musicale de nouveaux
principes d’organisation formelle appropriés à l’emploi de la technologie électronique. Parmi les oeuvres suscitées par cette
réflexion, Saturne de Hugues Dufourt
(1979). Le C. R. I. S. S. a été un élément
moteur dans les manifestations du groupe
de l’Itinéraire.
COLLECTIF MUSICAL INTERNATIONAL
2E2M (études expression des modes
musicaux).
Ensemble créé à la fin de 1971 par Denise Foucard, maire adjoint (chargée des
Affaires culturelles) de Champigny, et le
compositeur Paul Méfano, dans le but
d’offrir un débouché à la jeune musique,
de permettre aux compositeurs français et
étrangers de se faire jouer, de mettre le public en contact avec les oeuvres nouvelles,
notamment au moyen d’animations préconcerts, et de favoriser l’éducation musicale du plus grand nombre en liant très
étroitement l’expression musicale de référence et les voies nouvelles de la création.
Avec ses quelque 40 concerts par an,
tant à Paris et dans la région parisienne
qu’en province et à l’étranger, le Collectif
musical international 2e2m occupe une
des toutes premières places dans l’action
menée en faveur de la musique contemporaine sans sacrifier pour autant à la politique du vedettariat. À partir de lui ont été
fondés un quintette à vent et un quatuor
à cordes (Quatuor français 2e2m), et il a
réalisé plusieurs disques.
COLLEGIUM AUREUM.
Ensemble instrumental allemand, fondé
en 1964 par Franzjosef Maier, qui en est,
depuis cette date, le premier violon.
Il joue sur des instruments originaux
et/ou authentiques : les cordes sont pour
la plupart des XVIIe et XVIIIe siècles et
d’origine italienne, les vents, des originaux ou des copies. Il se consacre surtout
au répertoire baroque (Bach, Haendel, Rameau), préclassique (fils de Bach, Carl Stamitz) et classique du XVIIIe siècle (Haydn,
Mozart), mais a fait également quelques
incursions dans le début du XIXe siècle,
jouant par exemple l’Héroïque de Beethoven dans les mêmes conditions (effectifs,
types d’instruments) que lors de sa première audition en 1804.
COLLEGIUM MUSICUM.
Libre association d’amateurs et éventuellement de professionnels pratiquant
la musique. L’héritage des Kantorei, des
groupements de maîtres chanteurs et
autres confréries fut repris, du XVIe au
XVIIIe siècle, en Allemagne et dans les
régions soumises à l’influence allemande
(Suisse, Suède, Bohême), par des cercles
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
230
d’amateurs, d’abord inorganisés, puis
structurés, ayant pour objet l’exécution en
commun de musique, vocale à l’origine,
et par la suite instrumentale. Ces cercles
se donnèrent des noms en langue commune, par exemple, en Allemagne, das
Musikkränzlein (« le petit cercle musical »). Mais, avec la participation croissante d’étudiants à ces activités, l’appellation latine de collegium musicum, qui
apparaît pour la première fois à Prague
en 1616, vint à être la plus largement répandue. Les réunions étaient en général
hebdomadaires ; la plus pure tradition de
cette pratique excluait la présence de tout
auditeur ; en tout cas, les séances n’étaient
pas largement ouvertes au public.
Le développement de ces cercles entraîna l’enrôlement de professionnels. Les
collegia musica atteignirent un haut niveau
de qualité et connurent un grand rayonnement, en particulier à Hambourg, Francfort et Leipzig. J. Kuhnau, Telemann, J. F.
Fasch et J.-S. Bach comptent au nombre
des musiciens qui dirigèrent les activités
du collegium musicum de Leipzig. Dans
cette ville, Bach s’assura le concours des
étudiants pour l’exécution de ses Passions.
Au fur et à mesure que les collegia musica rendaient leurs activités publiques, la
notion de concert au sens moderne s’imposait. Ainsi les collegia sont-ils à l’origine
de nombreuses institutions de concert, et,
en particulier, à Leipzig, du Gewandhaus.
Au XIXe siècle, les collegia musica furent
presque oubliés. C’est le nouvel essor des
mouvements de jeunesse qui provoqua
leur renaissance. À la fin du XIXe et au
début du XXe siècle, sous l’impulsion de
Hugo Riemann, puis de Willibald Gur-
litt, presque chaque université allemande
mit un point d’honneur à constituer ou
reconstituer un collegium musicum
actif. Pour répondre aux besoins de cette
pratique musicale, Riemann, qui créa à
Leipzig le premier collegium moderne,
exhuma de nombreuses partitions anciennes, qu’il publia d’ailleurs dans un
vaste recueil portant le titre de Collegium
musicum (Leipzig, sans date). Dans les
années qui suivirent la Grande Guerre,
les collegia musica furent des foyers où
l’on redonna vie à la musique baroque en
cherchant à en respecter le style exact. Les
collegia musica ont aussi été, très tôt, à la
pointe du combat pour le retour à la pratique des instruments anciens.
COL LEGNO (ital.)
. Expression utilisée dans le jeu des instruments à cordes frottées et indiquant que
l’on doit frapper les cordes avec le bois de
l’archet et non jouer avec les crins, ce qui
produit un effet particulier employé, par
exemple, par Liszt dans Mazeppa et dans la
Danse macabre.
Dans Wozzeck, Berg utilise le col legno
legato, qui consiste à frotter les cordes avec
la baguette. On en trouve également un
exemple à la fin de l’adagio de la symphonie en fa majeur no 67 de Haydn (17751776).
COLLET (Henri), compositeur, critique
et musicologue français (Paris 1885 - id.
1951).
À la suite des deux articles qu’il publia les
16 et 23 janvier 1920, dans Comoedia, sous
les titres : Un livre de Rimsky et un livre de
Cocteau - les Cinq Russes, les Six Français
et Erik Satie, et les Six Français, le nom
d’Henri Collet est resté attaché à la formation du groupe des Six. Il faut également
retenir les travaux d’Henri Collet sur la
musique espagnole qu’il contribua grandement à faire connaître en France. Docteur ès lettres en 1913 avec une thèse sur le
Mysticisme musical espagnol au XVIe siècle,
il avait déjà publié en 1911 une étude sur
les Cantigas d’Alphonse le Sage. Allaient
suivre des ouvrages sur Victoria, puis sur
Albéniz et Granados. Élève de Pedrell,
conseillé par Déodat de Séverac, Henri
Collet a composé des oeuvres d’inspiration
ibérique qui, peut-être injustement, sont
aujourd’hui oubliées.
COLLOT (Serge), altiste français (Paris
1923).
Au Conservatoire de Paris il obtient les
premiers prix d’alto (1944) et de musique de chambre (1948), et se forme à
la composition avec Arthur Honegger.
De 1944 à 1957, il est l’altiste du Quatuor Parrenin, puis de 1957 à 1960 du
Quatuor de l’O.R.T.F., et enfin du Trio à
cordes français. Intéressé par la musique
contemporaine, il s’associe jusqu’en 1970
au Domaine musical, où il crée plusieurs
partitions, dont la Sequenza pour alto solo
de Berio, écrite à son intention. De 1957 à
1986, il est alto solo à l’orchestre de l’Opéra
de Paris et en 1990-91, altiste du Quatuor
Bernède. De 1969 à 1988, il a enseigné au
Conservatoire de Paris.
COLÓN (Teatro).
Le plus célèbre théâtre d’opéra d’Amérique
latine, situé à Buenos Aires. Le premier
Theatro Colón (2 500 places) fut inauguré
le 25 avril 1857 avec La Traviata. Le bâtiment fut vendu à la Banque nationale en
1887, mais le théâtre actuel (plus de 3 000
places assises, 1 000 places debout) n’ouvrit qu’en 1908 avec Aida : il fut longtemps
un des hauts lieux du répertoire italien,
avec notamment une « saison Toscanini »
(1912), et, dans une moindre mesure, français. Dans les années 1930, l’établissement
s’ouvrit davantage aux oeuvres allemandes,
tchèques ou russes (en 1931, Klemperer y
dirigea le dernier Ring de sa carrière). En
1968, pour le cinquantenaire du nouveau
théâtre, de mémorables représentations
de la Flûte enchantée, de Fidelio, d’Aida,
de Carmen et de Samson et Dalila furent
dirigées par Beecham. En 1964 fut créé au
Colón Don Rodrigo de Ginastera.
COLONNA (Giovanni Paolo), compositeur italien (Bologne 1637 - id. 1695).
Fils du facteur d’orgues Antonio Colonna,
il eut pour maîtres Carissimi, Abbatini et
Benovoli. Organiste de Saint-Apollinaire
à Rome, puis, à Bologne, de San Petronio,
où il devint maître de chapelle de cette
église en 1674, il fut l’un des fondateurs
de l’Accademia dei filarmonici, qui devait
compter plus tard des noms illustres, dont
Mozart lui-même ; il compta parmi ses
élèves G. B. Bononcini. Presque toutes
ses oeuvres sont de la musique religieuse
(messes, 1684, 1685, 1691 ; psaumes, 1681,
1683, 1694 ; motets, 1681 ; litanies, 1682 ;
des oratorios en manuscrit). Par ailleurs, il
est l’auteur de quatre opéras, dont Amilcare (Bologne, 1692).
COLONNE (Judas Colonna, dit Édouard),
violoniste et chef d’orchestre français
(Bordeaux 1838 - Paris 1910).
Issu d’une famille nombreuse, peu fortunée, il sut s’imposer par sa ténacité. Élève,
au Conservatoire de Paris, de Narcisse
Girard, Elwart et Ambroise Thomas, il
obtint ses prix d’harmonie en 1858 et de
violon en 1863. Mais il était déjà premier
violon dans l’orchestre Pasdeloup. Il entra
alors à l’orchestre de l’Opéra. Participant à
une tournée de concerts aux États-Unis, il
y eut l’occasion de faire ses débuts de chef
d’orchestre. De retour à Paris, il fonda,
en 1873, avec le concours de l’éditeur
Hartmann, le Concert national, installé
au théâtre de l’Odéon et où furent créés,
l’année suivante, sous sa direction, les Erinyes et Marie-Magdeleine de Massenet. En
1874, le Concert national devint l’Association artistique et se transporta au Châtelet, où il prit plus tard le nom de Concerts
Colonne. Promu chef à l’Opéra (1891),
Édouard Colonne y conduisit Lohengrin
debout, ce qui était alors une nouveauté
dans la direction d’un ouvrage lyrique. Il
devait notamment créer au Palais Garnier
Samson et Dalila de Saint-Saëns et la Walkyrie de Wagner.
Chef aux interprétations chaleureuses,
Colonne joua un grand rôle dans la formation musicale de sa génération, grâce
à l’intérêt soutenu des programmes qu’il
jouait, notamment à la tête de son association. Il travailla à imposer définitivement
Berlioz, contribua à la diffusion de l’art
de Wagner et Tchaïkovski et fit connaître
aux Parisiens Bizet, Gounod, Saint-Saëns,
Lalo et, plus tard, Chausson, Debussy et
Gustave Charpentier.
COLOR (ital. : « couleur »).
Ce terme peut avoir deux significations,
distinctes, mais mal déterminées.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
231
1. À partir du XIIe siècle, color s’applique
à tout moyen destiné à rendre la musique
plus belle. Il s’agit en général d’orner la
ligne mélodique, mais une dissonance
peut également remplir ce même rôle, tout
comme, à titre de citation, l’emploi de mélodies provenant d’autres oeuvres. De nos
jours, la musicologie, au sujet du motet polyphonique des XIVe et XVe siècles, emploie
color pour parler de la répétition d’une cellule mélodique (la répétition d’une cellule
rythmique étant appelée talea).
2. Procédé de notation qui utilise des
teintes différentes pour colorer les notes,
ce qui modifie le rythme à la lecture. Dans
les manuscrits du XIVe siècle, on trouve
des notes rouges à la place des notes
noires ; une note colorée prend une valeur
moindre. Au cours du siècle, ces notes
noires sont à leur tour évidées (avènement du papier) et les nouvelles blanches
deviennent les valeurs les plus fréquentes ;
une note noire est désormais considérée
comme colorée.
Les notes colorées peuvent aussi être la
marque du cantus firmus. En revanche, au
XVIe siècle, le color, utilisé dans les chansons et madrigaux, n’a plus de signification rythmique et se réfère au sens du
texte littéraire.
COLORATION (lat. colorare, « orner »).
Terme d’écriture musicale qui consiste à
orner et à embellir une mélodie, afin de la
transformer.
Ce procédé employé depuis le
XIVe siècle fut très utilisé au XVIIe siècle
(superius des oeuvres polyphoniques),
puis au XVIIe pour les parties supérieures
des pièces de luth, de clavecin et d’orgue.
COLORATURE.
1. Ornementation virtuose d’une mélodie vocale, soit écrite par le compositeur
lui-même, soit laissée à l’improvisation
du chanteur. Le terme est synonyme de la
diminution, de la fioriture, de la vocalise
ou du passage et s’applique parfois aussi
à un type d’écriture instrumentale ornée.
Le goût pour l’embellissement virtuose
d’une ligne mélodique est la composante
essentielle du style bel canto italien, qui
a dominé la musique vocale des débuts
de la monodie accompagnée à l’aube du
XVIIe siècle jusqu’aux oeuvres lyriques de
Rossini, Bellini et Donizetti. Le triomphe
du chant colorature se situe au XVIIIe siècle
dans la forme de l’air à da capo, air pourvu
d’une reprise de la première partie, qui
devient le véhicule de sortes de prouesses
vocales et de virtuosité parfois exagérées
et critiquables. L’époque romantique, tout
en préservant la technique du bel canto,
diminue l’importance du chant colorature
qui disparaît peu à peu. On peut le constater dans les opéras de Verdi : Léonora (le
Trouvère) est encore un rôle très vocalisant ; en revanche, quatorze années plus
tard, celui d’Élisabeth (Don Carlos) est déjà
d’une écriture nettement plus épurée.
2. Nom impropre donné au soprano léger,
possédant de grandes facilités dans l’aigu
et capable d’atteindre des notes exceptionnelles (contre fa ou sol). Par exemple, le
rôle particulièrement brillant de la Reine
de la Nuit (la Flûte enchantée de Mozart)
est confié traditionnellement à un soprano
dit « colorature ».
COMBARIEU (Jules), musicologue français (Cahors 1859 - Paris 1916).
Élève de Philipp Spitta à l’université de Berlin, il poursuivit ses études à la Sorbonne et
soutint en 1894 une thèse sur les Rapports
de la musique et de la poésie considérées du
point de vue de l’expression. Professeur de
musicologie au Collège de France de 1904
à 1910, il avait fondé, en 1901, la Revue
d’historique et de culture musicale. Esprit
scientifique, trop systématique peut-être,
mais ouvert à des méthodes de travail qui,
à son époque, n’étaient pas - en France du
moins - d’usage courant, Jules Combarieu
eut le mérite d’élargir le champ de la musicologie en lui associant d’autres disciplines
telles la philologie, l’histoire des religions,
l’ethnologie, la sociologie.
COMBINAISON.
À l’orgue, système mécanique, pneumatique ou plus généralement électrique,
qui permet d’appeler un jeu ou un groupe
de jeux par une simple pression sur une
pédale, un piston, un bouton sous un clavier ou un domino, au pied ou à la main.
Le but des combinaisons est de favoriser
les changements de registration en cours
d’exécution, sans distraire l’exécution par
des manoeuvres de registres. Ce système,
apparu sur les instruments classiques, s’est
développé avec les techniques modernes,
et, en particulier, grâce à l’électronique.
On distingue les combinaisons fixes et les
combinaisons ajustables. Fixes, c’est-àdire prévues par le facteur d’orgues et non
modifiables, elles appellent ou renvoient
les jeux d’anches, les jeux de fond, le tutti,
etc. Ajustables, elles permettent à l’organiste de préparer et d’enregistrer à volonté,
pour chaque exécution, les mélanges de
jeux de son choix, tels qu’il souhaite les
utiliser dans son interprétation. Les grands
instruments modernes comptent plusieurs combinaisons ajustables par clavier
et pour l’ensemble de l’orgue, en plus de
combinaisons fixes.
COMÉDIE-BALLET.
Genre théâtral composite, créé par Molière
et Lully, et dont l’existence fut réduite aux
dix années de leur collaboration (16611671), malgré la courte apparition de
Charpentier.
L’histoire de sa création, en apparence
fortuite, lors des fêtes de Vaux (août 1661),
en explique la nature et la raison d’être.
Molière raconta lui-même que, pour la
représentation des Fâcheux, afin de donner aux danseurs le temps de se changer
entre les différentes entrées du ballet, on
intercala celles-ci entre les scènes de la comédie : procédé de l’intermède, qui n’était
pas nouveau. Ce qui l’était, ce fut l’initiative de Molière (semblait-il) de donner à
la comédie et au ballet le même sujet, afin
« de ne pas rompre le fil ». Les Fâcheux,
comédie « à tiroir », présenta ainsi, tour
à tour, des « fâcheux dansant » et des
« fâcheux parlant ». Lully ne collaborait
à cette oeuvre que pour une courte pièce.
La comédie-ballet apparut ainsi, dès l’origine, comme la fusion du ballet de cour,
genre musical favori en France, et de la
comédie proprement dite.
En 1664, Molière et Lully donnèrent
ensemble le Mariage forcé et, dans les
années suivantes, ne créèrent pas moins
de dix oeuvres : la Princesse d’Élide (1664),
l’Amour médecin (1665), le Médecin malgré
lui (1666), Mélicerte (1666), la Pastorale
comique (1667), le Sicilien (1667), Georges
Dandin (1668), Monsieur de Pourceaugnac
(1669), les Amants magnifiques (1670), le
Bourgeois gentilhomme (1670). Après la
rupture de Molière et de Lully, qui suivit
de près la tragédie en musique de Psyché
(1671), Molière tenta de poursuivre dans
le genre de la comédie-ballet, dont le suc-
cès resta très grand, et fit appel à MarcAntoine Charpentier pour la Comtesse
d’Escarbagnas (1671-72), le Malade imaginaire (1673) et les reprises de ses pièces
antérieures avec une musique nouvelle
(le Sicilien). La mort de Lully interrompit
définitivement la destinée de cette fusion
des genres.
La comédie-ballet fut généralement
conçue, elle-même, pour s’intégrer dans
un ballet de cour ; ainsi le Sicilien faisait-il
à l’origine partie du Ballet des Muses, et
le Bourgeois gentilhomme était-il suivi du
Ballet des nations.
Certaines oeuvres souffrirent de l’alliance artificielle d’une comédie et de divertissements musicaux (Georges Dandin).
Mais, dans la plupart des cas, les deux
artistes eurent le souci d’intégrer les deux
domaines, et Molière accumula les situations où il était « naturel » que musique et
danse apparussent : la sérénade à la fenêtre
(le Sicilien), la leçon de chant et de danse
(le Bourgeois gentilhomme), etc. Dans les
meilleurs cas, l’élément musical et chorégraphique servait à faire rebondir l’action
(colère de Mme Jourdain lors de la sérénade
donnée par son mari). Si certaines comédies-ballets ne se différencièrent guère par
leur sujet des thèmes habituels à Molière,
elles le conduisirent parfois à glisser vers
des sujets plus lyriques et à créer un climat
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
232
particulier (la Princesse d’Élide), qui rapprochait l’oeuvre de l’opéra.
La disparition de Molière sonna le glas
d’une forme de théâtre musical au profit
de l’opéra, et consacra la séparation du
théâtre chanté et du théâtre parlé, que
l’opéra-comique tenta, au XVIIIe siècle, de
faire fusionner à nouveau.
COMÉDIE MÊLÉE D’ARIETTES.
Un des ancêtres de l’opéra-comique français. Apparue vers 1715, appelée d’abord
« pièce à ariettes », elle insérait dans une
comédie parlée des airs sur une musique
originale, s’opposant ainsi au vaudeville,
qui dotait de nouvelles paroles une musique déjà connue et qu’elle finit par sup-
planter.
COMÉDIE MUSICALE.
La naissance de la comédie musicale provient sans doute de la rencontre des auteurs de chansons de Tin Pan Alley, aux
États-Unis, avec l’opérette européenne.
Tin Pan Alley était un quartier légendaire
à la situation géographique floue (on le situait vers la 28e Rue à New York en 1900),
où des émigrants d’Europe s’efforçaient
de vendre leurs chansons au plus offrant
des directeurs de revue et de music-hall.
Offenbach et l’opéra bouffe français, Gilbert-Sullivan et l’opéra-comique anglais,
Strauss et l’opérette viennoise, autant
d’attraits pour les auteurscompositeurs
ambitieux qui plagiaient Franz Lehar, dont
l’opérette, la Veuve joyeuse, séduisait le
public américain. En 1866, un producteur,
Wheatley, mêla à l’épopée dramatique l’Escroc noir une troupe de ballet désoeuvrée
par l’incendie du lieu où elle devait se produire. Un mélodrame, quelques mesures
de musique, de la danse, ce fut le succès.
En 1890, on monta Voyage à Chinatown, à
partir de danses et de mélodies populaires,
nouveau succès. Ces précédents incitèrent
Jerome Kern, compositeur, et Oscar Hammerstein à créer Show Boat (1927), une
opérette construite selon le schéma classique : scène jouée suivie d’une chanson ;
mais les situations étaient familières au
public : l’oppression des Noirs dans le Sud.
Montée à Broadway, Show Boat obtint un
triomphe. C’était la porte ouverte aux comédies musicales.
Les mélodies signées Rudolf Friml,
Sigmund Romberg, Irving Berlin, Cole
Porter ou Richard Rodgers accrochèrent
l’esprit. Paroliers et auteurs de livrets
fournirent, eux aussi, leur part de rêve,
dans ces années de crise, en offrant au public une vision souriante du monde. Les
frères Gershwin, George (compositeur) et
Ira (parolier), montèrent Of Thee I sing en
1931, puis Porgy and Bess (1935), qui se
situait aux confins de l’opéra. Hollywood
ne pouvait rester indifférent au succès
populaire. Transcendée par des sorciers
de la chorégraphie comme Busby Berkeley, par les superproductions et les interprètes prestigieux (Fred Astaire, Ginger
Rogers, Judy Garland, Mickey Rooney), la
comédie envahit les écrans dans le monde.
Citons Broadway Melody d’Edmund
Goulding (1928, chansons de Nacio Herb
Brown), le Grand Ziegfeld de Robert Z.
Leonard (1936, musique d’lrving Berlin et
Walter Donaldoon), En avant la musique
de Busby Berkeley (1940), Un Américain
à Paris de Vincente Minnelli (1951, musique de George Gershwin). À Broadway,
les succès continuèrent, le compositeur
Leonard Bernstein créa West Side Story
(1957), My Fair Lady (musique de Frederick Loewe) fut présentée en 1956. Mais
les années 60 virent le déclin du genre, et
les réussites publiques de Hair (musique
de Galt Mac Dermot) ou de Jesus Christ
Superstar (musique de Andrew Lloyd
Webber) restent isolées.
COMETTANT (Jean-Pierre Oscar), compositeur et critique musical français
(Bordeaux 1819 - Montivilliers, SeineMaritime, 1898).
Élève de Carafa au Conservatoire de Paris,
il composa quelques pièces pour piano et
des oeuvres de musique religieuse. Après
un séjour aux États-Unis (1852-1855), il
revint à Paris, où, en 1871, il fonda un institut musical. Critique musical au Siècle,
il fut de ceux qui, lors de la création de
Carmen, méconnurent le génie de Bizet,
mais il eut un rôle important de vulgarisateur en présentant au grand public, de
manière claire et vivante, des informations
touchant à la musique, à la musicologie et
aux instruments.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
la Propriété intellectuelle (1858) ; Histoire
d’un inventeur au XIXe siècle : Adolphe Sax
(1860) ; la Musique, les musiciens et les
instruments de musique chez les différents
peuples du monde (1869) ; les Compositeurs
illustres de notre siècle (1883) ; Un nid d’autographes (1886).
COMMA.
Intervalle très petit, mais très perceptible
par une oreille, même non exercée.
Dans la différence entre le demi-ton
diatonique et le demi-ton chromatique,
le second est plus grand d’un comma que
le premier. L’intervalle d’un ton entier a
la valeur de neuf commas, le demi-ton
diatonique est égal à quatre commas et
le demi-ton chromatique à cinq commas.
On appelle aussi comma pythagoricien la
différence, ou l’intervalle, entre le si dièse
et le do lorsque le premier est obtenu par
la succession de douze quintes ( ! CYCLE
DES QUINTES), et le second par la succession de sept octaves.
COMMETTE (Édouard), organiste et
compositeur français (Lyon 1883 - id.
1967).
Après avoir étudié à Paris, notamment
sous la direction de Widor, il retourna
dans sa ville natale, où il fit toute sa carrière, y étant titulaire des principales tribunes, et, enfin, de la primatiale SaintJean (1904). C’est sur cet orgue qu’il a
été le premier en France à enregistrer au
disque des oeuvres de Bach. Il a publié
quatre recueils de pièces d’orgue, et composé de la musique religieuse, des mélodies et des oeuvres pour piano.
COMMUNION.
Chant ou morceau d’orgue accompagnant
ou suivant l’acte liturgique de ce nom au
cours de la messe.
1. À l’origine, comme pour l’introït, le
chant de la communion consistait dans
des versets de psaumes encadrés d’une
antienne ; cette forme a été conservée
dans la messe de requiem. Le psaume a
ensuite disparu pour ne laisser en place
que l’antienne, chantée par le choeur ou
lue par le prêtre après le rangement des
vases liturgiques de la communion.
2. Le temps de la communion, variable
lorsque celle-ci est distribuée aux fidèles,
constituait dans la messe d’orgue, avec
l’entrée, l’introït et la sortie, l’un des
moments privilégiés laissés à la disposition de l’organiste, d’où, surtout à partir
du milieu du XIXe siècle, la prolifération
de morceaux d’orgue, généralement
de mouvement modéré et de caractère
mélodique, destinés à cet emploi et en
prenant souvent le nom. Dans la messe
avec choeurs, au contraire, le temps de
la communion était généralement soit
pris sur l’exécution des morceaux placés
avant ou après elle, soit meublé par des
chants de provenance diverse, de sorte
qu’il n’existe dans ce répertoire que peu
de morceaux spécifiques de ce nom. Il en
est de même dans le culte protestant, où
l’on chante des cantiques de communion
pris dans le répertoire général, sans qu’ils
constituent un genre à part.
COMPENIUS, famille d’organiers et or-
ganistes allemands originaires de Hesse,
actifs de 1580 à 1670.
Des huit Compenius recensés, le plus
célèbre est Esaias 1 (1560-1617), dont
un précieux petit instrument à tuyaux
de bois a été transféré par lui-même au
château danois de Frederiksborg, où il
est demeuré intact et accordé au tempérament inégal. C’est le seul vestige de
l’art d’une dynastie qui domina l’Allemagne du XVIIe siècle, où elle installa de
nombreux instruments riches en jeux de
détail. Ami de Praetorius, Esaias Compenius fut aussi un théoricien écouté et
rédigea un traité de facture d’orgues.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
233
COMPÈRE (Louis, dit Loyset), compositeur français ( ? v. 1450 - Saint-Quentin
1518).
Formé à la cathédrale de Saint-Quentin, il
parfit son éducation musicale au contact
de l’Italie en entrant comme chantre au
service du duc Sforza de Milan (1474). Il
y côtoya Josquin Des Prés, Agricola, Gaspard Van Weerbeke. Il fut chantre ordinaire du roi de France, Charles VIII, en
1486, puis on le trouve à Cambrai en 1498,
à Douai en 1500, et enfin à Saint-Quentin
où il fut chanoine.
Loyset Compère a laissé quelques
témoignages de ses compositions religieuses. Ce ne fut pas un hasard s’il cita,
dans son motet Omnium bonorum plena,
Dufay comme son premier maître, puis
Busnois, Tinctoris, Ockeghem, Josquin...
Il avait, en effet, été formé dans l’esprit de
l’école bourguignonne : ses deux messes
(l’Homme armé et Allez regrets sur une
chanson de Hayne Van Ghizeghem) et
bien des motets s’y rattachent. D’autres
pages portent la marque de son séjour en
Italie ; ses préoccupations s’apparentent
à celles de Weerbeke, mais son discours
est souvent morcelé car le compositeur
développe peu ses idées. Pour cette raison, peut-être, Compère fut avant tout
un compositeur de chansons. Grâce à ces
dernières, il compta parmi les musiciens
les plus importants des années 1500 et
figura en bonne place dans les premiers
recueils d’O. Petrucci à Venise. Il reprit
parfois l’écriture à 3 voix de la chanson
bourguignonne sur des formes fixes et la
chanson de style motet sur des teneurs
liturgiques (Male bouche, le corps). Déjà
s’y manifeste son goût pour les imitations
et la progression des voix par deux (superius et ténor dans Venez regrets et Royne
du ciel) ou le canon (Un franc archer). Il
y a chez lui une simplicité générale du
propos. Ses chansons à 4 voix, équilibre
nouveau de l’époque de Josquin, font
fréquemment usage d’une technique parlando (Je suis amie du fourrier, l’Autre Jour)
ou de la répétition, par exemple, dans Et
dont revenez-vous où 10 syllabes sont sur le
même degré la. Compère ne dédaigna pas
la satire (Nous sommes tous de l’ordre de
saint Babouin) ni même la grivoiserie (Une
plaisante fillette) et la plupart de ses pages
débordent de gaieté, d’humour.
COMPLAINTE.
Chant populaire strophique de caractère
narratif sur un sujet religieux ou légendaire : complainte de la Passion, du Juif
errant, etc.
Contrairement à l’étymologie, la complainte ne comporte pas obligatoirement
de caractère plaintif, et l’on emploie peu le
terme au sens de « déploration funèbre »
tel que le comprennent les troubadours
pour leurs « planhs », hérités des planctus latins de l’époque carolingienne. Il est
possible, toutefois, que le terme provienne
de ces derniers, les planctus carolingiens
ayant souvent un caractère narratif en
même temps que de déploration. Les complaintes commencent fréquemment par
des formules d’exhortation qui annoncent
le sujet en réclamant l’attention des auditeurs :
Écoutez tous, grands et petits,
La Passion de Jésus-Christ, etc.
Au XVIIIe siècle, certains colporteurs
facétieux ont introduit dans la complainte
des éléments satiriques ou parodiques qui
ont peu à peu déconsidéré le genre et ont
fini par entraîner sa disparition.
COMPRIMARIO (ital. : « celui qui accompagne le premier rôle »).
Terme désignant, dans l’opéra, les confidents ou confidentes, dont la présence jus-
tifie les épanchements des héros, et, plus
généralement, tout personnage secondaire.
CONCENTUS (lat. : « accord »).
Terme employé dans la liturgie latine pour
désigner les chants dans lesquels l’aspect
musical, mélismatique ou non, prime la
déclamation, tandis que dans l’accentus, la
musique ne sert que de support à la récitation chantée (psalmodie).
CONCENTUS MUSICUS DE VIENNE.
! HARNONCOURT (NIKOLAUS).
CONCERT (en ital. concerto).
1.Forme musicale. Le mot italien a
servi, dès le XVIe siècle, à désigner des pièces
instrumentales en forme de dialogue à
plusieurs parties (concertare, « rivaliser »),
puis, après évolution du genre, celles où un
instrument, ou un groupe d’instruments
solistes, dialogue avec l’orchestre. Introduit en France au XVIIe siècle, sa transcription concert s’est stabilisée dans l’acception
primitive : petit groupe d’instruments dialoguant. La pièce ainsi nommée concert est
de forme assez libre, empruntant à la suite,
à la sonate. C’est ainsi que l’entendent
M. A. Charpentier (Concert à 4 parties de
violes), Montéclair (Sérénade ou Concert
divisé en 3 suites de pièces, 1697), Couperin (Concerts royaux, 1722 ; les Goûts réunis ou Nouveaux Concerts, 1724 ; Concert
sous le titre d’Apothéose (...) de M. de Lully,
1725). Le titre donné par Rameau à ses
Pièces de clavecin en concerts (1741) est
particulièrement explicite : il manifeste
que l’auteur prend consciemment ses
distances vis-à-vis de la sonate avec basse
continue, en plaçant trois instruments sur
un pied d’égalité. Le concert est de la sorte
un genre spécifiquement français, et le titre
des Concerts à plusieurs instruments, dits
« concerts brandebourgeois » (déformé en
« concertos brandebourgeois »), dont la
dédicace est d’ailleurs en français, rattache
ces oeuvres au domaine de la musique de
chambre à très petit effectif instrumental
dialoguant, beaucoup plus qu’au concerto
à l’italienne.
À la fin du XIXe siècle et au début du XXe,
des compositeurs soucieux de renouer
avec la tradition française ont ressuscité le
terme de concert avec le programme esthétique qui lui était attaché, afin de manifes-
ter leur refus des formes issues du romantisme allemand : du Concert pour piano,
violon et quatuor de Chausson (1891) au
Concert champêtre de Poulenc (1928).
2.Mode d’exécution en public. Les
concerts sont aussi anciens que la musique
elle-même. Toutefois, c’est seulement au
XVIIIe siècle qu’ont été organisés les premiers concerts publics dont la musique
fût l’unique objet, indépendamment de
toute représentation théâtrale ou célébration religieuse, civile ou militaire. À Paris,
le Concert spirituel, fondé par Philidor,
dura 66 ans, de 1725 à 1791. Il n’eut pas de
rival sérieux avant la fondation en 1770 du
Concert des amateurs, remplacé en 1780
par le Concert de la Loge olympique, lequel disparut en 1791. Mais ce fut au siècle
suivant que les concerts publics connurent
un véritable âge d’or. En 1828, Cherubini et Habeneck fondèrent la Société des
concerts du Conservatoire, qui allait fonctionner jusqu’à sa réorganisation, en 1967,
sous le nom d’Orchestre de Paris.
En 1861, 1873 et 1881, naissent successivement trois associations symphoniques qui existent encore : les Concerts
populaires de Jules Pasdeloup, le Concert
national d’Édouard Colonne et les Nouveaux Concerts de Charles Lamoureux.
Chichement subventionnés, composés de
musiciens pratiquement bénévoles qui
gagnent leur vie ailleurs, Pasdeloup, Colonne et Lamoureux se produisent chaque
dimanche à la même heure, entre matinée et soirée, du début de la saison jusqu’à
Pâques. (Ces concerts dominicaux constituent aujourd’hui la principale activité des
trois formations centenaires, qui ont joué
un rôle considérable dans la diffusion des
grandes oeuvres.) L’Orchestre de Paris,
au contraire, est un établissement officiel
qui dispose en permanence de musiciens
salariés. Il en va de même pour les deux
grandes formations de la radio d’État, l’Orchestre national de France (fondé en
1933 par le jeune ministre des P. T. T.
Jean Mistler), et le Nouvel Orchestre philharmonique (ex-Radio-lyrique) -, le tout
récent Ensemble instrumental de Paris
et les harmonies militaires : Musique de
la Garde républicaine (qui a aussi son
orchestre symphonique), Musique de
l’Air, Musique des Équipages de la Flotte,
Musique des Gardiens de la paix. Si l’on
ajoute à tous ces ensembles l’Orchestre de
l’Ile-de-France créé en 1973, l’Orchestre
de l’Opéra qui se produit de plus en plus en
concert, et de nombreuses formations de
chambre telles que l’Orchestre Jean-FrandownloadModeText.vue.download 240 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
234
çois-Paillard, l’Orchestre Paul-Kuentz ou
« la Grande Écurie et la Chambre du Roy »,
on conçoit que l’agglomération parisienne
ne manque pas de concerts malgré la disparition de l’Orchestre symphonique de
Paris et des Concerts Straram entre les
deux guerres, ou des Concerts Oubradous
depuis. Quant aux ensembles spécialisés
dans la musique contemporaine, la perte
du Domaine musical a été compensée
par l’ensemble Ars nova, la création de
l’E. I. C. (Ensemble intercontemporain),
de l’ensemble de l’Itinéraire, du Collectif
musical international 2e2m, etc.
Pourtant, les salles de concert proprement dites sont assez rares. La Salle Herz
de la rue du Mail, où furent acclamées tant
de célébrités de l’époque romantique, a
disparu. Autre salle historique, celle des
Menus-Plaisirs, rue du Conservatoire,
où fut créée la Symphonie fantastique de
Berlioz, ne s’ouvre plus guère au public
malgré son excellente acoustique et la parfaite conservation de son décor Directoire.
Restent, sans compter les petites salles
de moins de 500 places, la Salle Pleyel
(2 300 places, mais acoustique inégale),
la Salle Gaveau (véritable boîte à musique
mais 1 000 places seulement), le grand
auditorium (Studio 104) de la Maison
de Radio-France (1 000 places environ),
et l’immense Palais des Congrès (3 700
places, auxquelles l’Orchestre de Paris
a fini par renoncer, en faveur de la Salle
Pleyel, faute de pouvoir s’y faire entendre
normalement). Les théâtres et les églises
(mais pas encore les cirques bien que Pasdeloup eût donné l’exemple en organisant
ses premiers concerts au Cirque d’Hiver)
bénéficient de cette pénurie. L’Opéra, le
Théâtre des Champs-Élysées et le Châtelet
sont des salles de concert tout indiquées,
pour le cadre comme pour l’acoustique.
Le Théâtre de la Ville (1 000 places) se
transforme en salle de concert presque
chaque soir à 18 h 30, pour des séances
d’une heure dont le succès a donné des
idées à plus d’un directeur ou impresario
parisien. L’Athénée, les Variétés, le SaintGeorges, parmi d’autres, consacrent vo-
lontiers leur jour de relâche à la musique.
Enfin, le concert à l’église connaît une
vogue extraordinaire, même s’il ne s’agit
pas de musique sacrée, conçue en fonction de l’acoustique très particulière de la
plupart des édifices du culte. Saint-Eustache, Saint-Roch, Saint-Gervais, SaintÉtienne-du-Mont, le temple protestant
des Billettes, Saint-Séverin, voire NotreDame et la Madeleine, où chaque note est
multipliée par quatre, sont les plus fréquentés sous ce rapport. En ces dernières
années, le concert a également annexé
plusieurs lieux historiques restaurés, tels
que la Conciergerie et quelques hôtels du
Marais.
En province, la politique de Marcel
Landowski a permis de fonder sur des
bases solides d’excellents orchestres régionaux : Bordeaux-Aquitaine, Lyon, pays de
la Loire, Philharmonique de Strasbourg,
Toulouse, Lille, etc. Mais, là encore, les orchestres manquent de salles. Si l’Orchestre
de Lyon dispose du vaste et très moderne
auditorium Maurice-Ravel (2 000 places),
celui de Bordeaux joue surtout au Palais
des Sports car ni le Grand-Théâtre ni la
Salle Jacques-Thibaud, toute neuve, ne
peuvent accueillir des milliers d’auditeurs.
À l’étranger, nombre de pays possèdent des orchestres illustres par l’ancienneté et la qualité. Bornons-nous ici à
citer quelques salles où ils se produisent.
Londres est sans doute la capitale la mieux
pourvue en salles de très grande capacité
avec le Royal Albert Hall, achevé en 1871
(plus de 6 000 places) et le Royal Festival Hall (3 000 places) ; à Amsterdam,
le célèbre Concertgebouw possède sa
propre salle (2 200 places), tout comme
la Philharmonie de Berlin a la sienne, un
chef-d’oeuvre d’architecture fonctionnelle
(2 400 places) ; Bruxelles a le Palais des
Beaux-Arts (2 000 places) ; Anvers, la Salle
Reine Élisabeth (2 000 places). La Tonhalle
de Zurich compte également 2 000 places,
300 de plus que la Musikvereinsaal de
Vienne, mais la Liederhalle de Stuttgart en
réunit 3 200, et le Kulturpalast de Dresde
2 400. Les États-Unis justifient-ils dans ce
domaine leur réputation de terre d’élection du gigantisme ? Le Philharmonic Hall
de New York offre bien 2 800 places, et le
Symphony Hall de Boston 2 600, mais le
fameux Carnegie Hall, qui date de 1891,
2 000 seulement.
CONCERTATO.
Mot italien généralement accolé au mot
stile (en fr. style concertant) et employé à
la fin du XVIe siècle pour désigner le style
alors nouveau dans lequel voix et instruments alternaient par groupes au lieu de
se mêler de façon uniforme tout au long
de la pièce.
Par extension, le terme fut employé
jusqu’au XVIIIe siècle pour désigner le style
d’alternance entre divers groupes d’instruments tel qu’il apparut notamment
dans le concerto et le concerto grosso. Dans
l’opéra italien ancien, on l’utilise quand
tous les personnages chantent ensemble.
CONCERTGEBOUW.
Mot néerlandais signifiant « bâtiment de
concert », l’édifice portant ce nom étant
situé à Amsterdam.
La grande salle du Concertgebouw a
été inaugurée le 3 novembre 1888 ; depuis
cette date, l’Orchestre du Concertgebouw (devenu en 1988 Orchestre royal
du Concertgebouw) n’a eu que cinq directeurs : Willem Kes (jusqu’en 1895), Willem Mengelberg (1895-1945), Eduard Van
Beinum (1945-1959), Bernard Haitink
(1961-1988) et Riccardo Chailly (depuis
1988). Parmi les chefs associés et premiers
chefs, on relève les noms de Pierre Monteux (1925-1934), Eugen Jochum (19611964) et Kirill Kondrachine (1979-1981).
Depuis Mengelberg, l’orchestre possède
une très forte tradition mahlérienne, entretenue surtout par Haitink.
CONCERTINA.
Sorte d’accordéon dont l’invention par le
physicien anglais sir Charles Wheatstone
(1829) semble avoir précédé de peu celle
de l’accordéon proprement dit. Il s’en
distingue par sa forme hexagonale, ses
dimensions qui sont restées petites, l’extension beaucoup plus grande de son soufflet, le petit nombre de ses touches grâce
au système diatonique (une note en tirant,
une autre en poussant), et surtout sa pure
sonorité. Hors de son pays d’origine, où
des ensembles de concertinas, généralement féminins, participent encore à certains offices religieux, cet instrument fait
toujours partie de l’attirail des « clowns
musicaux » dans le monde entier.
CONCERTINO.
Diminutif de concerto, soit au sens propre
« petit concert ».
Ce terme désigne, au XVIIIe siècle, un
petit groupe d’instruments solistes chargé
de dialoguer avec le ripieno (« plein ») ou
orchestre proprement dit dans le concerto
grosso. L’ensemble concertino + ripieno
formait le tutti ou « grand concert »
(concerto grosso), qui a laissé son nom
au genre. Le concerto de soliste, appelé
aujourd’hui concerto tout court, ne fut
d’abord qu’une variante du concerto
grosso, celle où le concertino était représenté par un seul instrumentiste, puis il
supplanta complètement le concerto
grosso au XIXe siècle. Dans le peu qui en
subsista (Beethoven, Brahms), on cessa
de parler de concertino et la partie correspondante fut considérée au contraire
comme une amplification du soliste
(doubles ou triples concertos), consacrant ainsi le transfert du rôle principal du
groupe au soliste dans l’esprit individualiste du romantisme.
Au XXe siècle, le terme concertino est
parfois employé comme simple diminutif,
désignant soit un concerto, soit un concert
c’est-à-dire un morceau d’orchestre, de
dimension plus réduite et d’effectif moins
important que le concerto ou le concert
normal.
CONCERTO.
Genre musical faisant dialoguer un soliste instrumental (plus rarement 2 ou 3)
avec une formation instrumentale ou un
orchestre, et les confrontant de manière à
mettre en valeur l’expression et la virtuosité du ou des solistes, avec des épisodes en
solo où ceux-ci font briller leurs ressources
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
235
(notamment dans des « cadences » de style
improvisé).
La plupart des grands concertos du
répertoire, depuis le XVIIIe siècle, sont
pour piano et orchestre, et, secondairement, pour violon et orchestre, mais on en
trouve aussi pour violoncelle, flûte, hautbois, basson, cor, alto, contrebasse, harpe,
claviers divers (clavecin, positif d’orgue),
bref, pour tous les instruments, y compris la percussion (Milhaud), l’harmonica
(Wiener), l’accordéon, le saxophone, le
trombone, le tuba, etc.
Il existe aussi des « doubles concertos »
(par exemple, pour violon et violoncelle,
de Brahms), dits parfois « symphonies
concertantes » (comme celle de Mozart,
pour violon et alto) et des « triples concertos » (de Beethoven, pour piano, violon
et violoncelle). Le concerto grosso, genre
propre à l’époque baroque, faisait dialoguer avec le tutti instrumental, non un ou
des solistes indépendants, mais un petit
ensemble de solistes, ou « concertino »,
pris dans cet orchestre.
Genre plus ancien que la symphonie, au sens moderne, le concerto a
beaucoup évolué dans sa forme, et c’est
au XVIIIe siècle qu’il a trouvé sa coupe
« classique » en 3 mouvements (vif-lentvif, plan de l’ouverture à l’italienne) et
la forme propre à chaque mouvement :
forme sonate bithématique pour l’allegro
initial, forme lied ternaire A B A, ou à variations pour le mouvement lent central ;
et forme rondo (parfois rondo-sonate) ou
« thème et variations », pour le dernier
mouvement rapide.
UNE BRÈVE HISTOIRE.
Le nom de concerto s’est appliqué successivement à plusieurs genres. Primitivement, un « concerto » (du lat. concertare, « se concerter », « converser », et non
pas seulement « lutter », « rivaliser ») est
une pièce où des voix ou des instruments
dialoguent et se confrontent ; bref une
musique pour ensemble, puisque toute
oeuvre à plusieurs voix les fait se répondre,
se combiner, converser. Le compositeur
italien Gastoldi publie en 1581 des concerti
musicali pour formation instrumentale ad
libitum.
À la fin du XVIe siècle, le concerto da
chiesa (« concerto d’église ») est une pièce
pour voix accompagnée, sur un texte religieux, pouvant utiliser le double choeur
(Concerti a 6/16 voci, 1587, des frères Gabrieli, Concerti ecclesiastici, de Banchieri,
1595, et Viadana, 1602, 1607). Bach luimême appelle parfois ses cantates des
concertos.
Le concerto da camera (« concerto
de chambre ») est l’équivalent profane
du concerto d’église, dans un style plus
léger. Alors que le concerto da chiesa est
d’une écriture grave et souvent fuguée, le
concerto da camera est souvent comme un
madrigal accompagné d’instruments.
Au XVIIe siècle, les expressions sinfonia,
canzone, concerto sont souvent équivalentes. C’est dans ce genre de pièce instrumentale que se serait développé, vers 1750,
le principe d’une différenciation entre un
petit effectif de solistes, le concertino, ou
coro favorito, et le grand effectif, pleno
choro, appelé aussi ripieno, concerto grosso
ou tutti. Ainsi serait né le genre nommé,
par extension, concerto grosso, pour grand
ensemble et petit ensemble sorti de son
sein, genre que l’on tend souvent à considérer comme une forme archaïque, encore
peu différenciée, du concerto de soliste
moderne : mais cette manière de comprendre les formes du passé par référence
avec celles du présent, dont elles seraient
l’esquisse grossière, mérite d’être reconsidérée.
Le concerto grosso a été inauguré sans
doute par Stradella (Concertos de 1680), et
continué par Corelli (12 Concertos grossos
op. 6, 1714, dont le fameux Concerto pour
la nuit de Noël), Georg Muffat (6 Concertos grossos, 1701) et Giuseppe Torelli
(12 Concertos da camera, 1686, oeuvres
qui utilisent déjà la forme vif-lent-vif de
l’ouverture italienne, alors que les autres
peuvent en comporter 4 ou 5), et Pietro
Locatelli (12 Concertos grossos, 1721). Les
6 Concerts brandebourgeois de Bach (1721)
sont des concertos grossos. Déjà, en 1677,
Bononcini propose un concerto grosso où
le concertino est réduit à un violon solo,
donc un concerto de soliste moderne.
Les premiers concertos grossos sont
pour deux ensembles de cordes (ripieno
et concertino), la section de solistes étant
issue du tutti comme par « mitose » cellulaire, et, de la même façon, on tend à
voir dans la mise en vedette d’un soliste,
au sein du concertino, la deuxième étape
d’une évolution biologique. L’étude de la
genèse du concerto donne souvent lieu à
ces interprétations « finalistes », qui présentent le concerto de soliste comme la
forme achevée d’un processus de différenciation, à partir d’un chaos instrumental
primitif. Il faut alors rappeler que le modèle du concerto de soliste était présent à
l’état latent dans toute la musique vocale
de monodie accompagnée (également
dans la littérature d’orgue), et qu’il n’avait
besoin que d’être transposé au domaine
purement instrumental. On reparlera plus
loin de ces origines vocales du concerto
de solistes. Au reste, la généalogie du
concerto, éminemment « impure », faite
de croisements, est de celles qui peuvent
embarrasser le musicologue, s’il y cherche
une progression linéaire.
On constate donc un certain parallélisme dans la mise en vedette des chanteurs solistes (castrats et prime donne) et
celle des solistes instrumentaux, avec le
perfectionnement de la lutherie et de la
technique d’exécution, au sein notamment de l’école italienne. Les oeuvres de
Tomaso Albinoni (36 concertos de violon
à 5, concertos pour trompette, flûte, hautbois, etc.) et surtout d’Antonio Vivaldi
(plus de 200 concertos pour violon, dont
les Quatre Saisons, et un grand nombre
d’autres - 300 environ - pour tous les
autres instruments imaginables, sauf précisément le clavecin : 27 pour violoncelle,
20 pour hautbois, 39 pour basson, 15 pour
flûte traversière, etc.) fixent la forme du
concerto baroque en 3 mouvements viflent-vif, avec un certain type de dialogue
entre le soliste et le tutti.
Comme la plupart des oeuvres de
l’époque, ces concertos sont publiés par
séries, par livraisons, et ne prétendent pas
être chacun une oeuvre unique. Le canevas
est presque toujours le même : un allegro
à un thème, où le tutti répète une sorte de
ritournelle, entre laquelle le soliste place
ses interventions consistant souvent en
traits de virtuosité sans identité thématique ; un mouvement lent et chantant
directement inspiré de l’aria vocale ; un
allegro à ritournelle d’une forme assez
semblable à celle du premier mouvement.
L’alternance entre solo et tutti est très serrée, surtout chez Vivaldi, mais pas aussi
codifiée que dans le concerto classique.
En France, Michel Mascitti, Joseph
Bodin de Boismortier (6 concertos pour
flûte traversière), J. Aubert (6 concertos,
1734) et surtout Jean-Marie Leclair l’Aîné
(6 concertos op. 7, 1737, 6 concertos op.
10, 1743) développent le genre, comme
Telemann en Allemagne (plus de 100
concertos pour violon, viole, alto, flûte,
hautbois, trompette, cor, etc.). Leclair
aurait introduit dans l’allegro initial le
principe du bithématisme (forme sonate
à deux thèmes), qui devait donner naissance au moule du premier mouvement
de concerto classique, mis au point et
consolidé par Carl Philipp Emanuel
Bach, Haydn et Mozart. Fait important :
même si un Vivaldi, comme par jeu, se
plaît à éprouver sur tous les instruments
de son époque, de la mandoline à la viole
d’amour, l’efficacité de la formule du
concerto soliste, qu’il a su plus que tout
autre rendre parlante, les deux cinquièmes
de ses concertos publiés sont pour violon, c’est-à-dire pour un instrument issu
de l’orchestre et qui peut à tout moment
revenir s’y fondre.
En effet, la formation instrumentale
utilisée pour la majorité des concertos
emploie les seules cordes, plus un clavecin (ou un positif d’orgue) pour le continuo. Tout instrument autre que le violon,
l’alto ou le violoncelle, incorporé dans le
concerto, est donc ipso facto en position
de soliste - ce qui n’est plus le cas dans les
premiers concertos pour violon de Mozart,
dont l’orchestre comprend également les
hautbois et les cors. Les flûtes, les tromdownloadModeText.vue.download 242 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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pettes et les timbales s’introduisent également dans l’orchestre du concerto à cette
époque. C’est au milieu du XVIIIe siècle
que le violon passe la main au clavier, et
surtout au piano-forte, comme soliste
de prédilection pour le concerto, tandis
que l’orchestre d’accompagnement se fait
plus important. Un des responsables de
cette évolution a été Jean-Sébastien Bach,
avec ses concertos pour un, deux, trois ou
quatre claviers (écrits entre 1729 et 1736),
qui seraient les premiers du genre, et qui
sont pour la plupart des transcriptions
de concertos pour violon de Vivaldi ou
de lui-même. On pourrait penser que
Bach, passant d’un instrument à l’autre,
rénoverait complètement la formule : au
contraire, admiratif du modèle italien
(qu’il reprend aussi dans son Concerto italien, pour clavier, où l’instrument soliste
fait les tutti et les solos à lui tout seul), il
respecte ce moule, et s’il adapte, bien sûr,
les traits violonistiques, il ne fait rien pour
déguiser que le clavecin est ici un substitut du violon. Par ailleurs, le clavecin
chez lui continue fidèlement de la main
gauche sa fonction de continuo, tout en
brillant à la main droite. Cela explique que
le clavier des concertos de Bach, à part des
moments de virtuosité localisés (cadence
du 5e Concert brandebourgeois), est comme
soudé à l’orchestre par sa main gauche,
et, s’associant humblement aux tutti, n’a
pas le statut de personnage autonome,
maître d’oeuvre, dramaturge, micro-orchestre, etc., qui est celui du piano dans les
concertos de Mozart. Quant aux concertos
pour orgue de Haendel, écrits pour servir
d’introductions ou d’entractes à ses oratorios, ils mêlent dans un éclectisme très
mondain les formes et les styles favoris à
l’époque (styles français, italien, formes
de suite, de passacaille) et ne cherchent
pas à promouvoir un genre spécifique. Au
reste, ce sont souvent des adaptations et
des transcriptions de sonates ou d’autres
oeuvres.
On peut imaginer que c’est l’expérience
des concertos pour clavier joués en famille
qui a incité les fils de Jean-Sébastien Bach
(Wilhelm Friedemann, 7 concertos pour
clavier, Carl Philipp Emanuel, environ
50, Jean-Chrétien, 18) à en développer le
genre - mais on peut dire aussi qu’il s’agit
d’une évolution générale, liée à l’apparition du piano-forte comme instrument
expressif, et à ses progrès en nuances, en
étendue, en puissance. Le XVIIIe siècle est
l’âge d’or de l’innovation dans la lutherie
des instruments à clavier, avec Cristofori,
Silbermann, Stein. Désormais, le pianoforte peut se faire entendre par-dessus
une masse instrumentale, et, avec l’allégement du continuo qu’il assure encore chez
Mozart, il acquiert son autonomie, peut
rentrer et sortir plus facilement. En même
temps, c’est l’avènement des virtuoses du
piano-forte qui dirigent l’orchestre depuis
leur instrument et supplantent de plus
en plus le violon à cette place d’honneur,
comme chefs et meneurs de jeu. On attribue aussi à Wilhelm Friedemann et Carl
Philipp Emanuel Bach le mérite d’avoir
enrichi
la forme du premier mouvement de
concerto par l’apport d’un second thème,
et l’adaptation du moule de la forme sonate (exposition réitérée à deux thèmes, la
première fois à l’orchestre seul, la seconde
fois avec le soliste ; puis développement et
réexposition). Ce n’est pas la dernière fois
que le concerto, genre qui tend au frivole
et au mondain, va faire l’objet d’aménagements visant à le rendre plus sérieux,
plus consistant, plus complexe : au reste,
ces efforts porteront surtout, au niveau
de la forme, sur le premier mouvement,
les deux autres conservant souvent leur
simplicité originelle de structure - notamment le troisième, qui garde obstinément, même chez les romantiques et les
modernes, sa naïveté de forme (rondo
à refrain, la forme la plus populaire) et
son enjouement brillant et superficiel. La
transposition dans le concerto de la forme
sonate (étudiée plus loin) permet au premier mouvement de concerto de prendre
plus d’ampleur, en lui offrant une armature plus complexe et développée, que
dans le concerto baroque, monothématique. Mais en même temps que la forme
du concerto pour clavier se raffine, on en
écrit moins, et ces concertos deviennent
de plus en plus des oeuvres particulières et
uniques : Carl Philipp Emanuel Bach en fit
50, Mozart, 27 (dont quelques transcriptions), Beethoven 5, Chopin 2, Schumann
1. Mozart adopte le cadre bithématique et
ne le remet pas en question, mais le porte
à son maximum d’expression, de profondeur et de pathétique, en particulier
dans les concertos K. 466, K. 488 ; K. 491,
K. 595. Après lui, le concerto (contrairement à la symphonie, qui ne se réalise
pleinement qu’avec Beethoven) pourra
augmenter en nombre de mouvements,
en richesse d’orchestration, en complexité
et en variété de formes, il grandira moins
qu’il ne « grossira », dans une espèce
d’amplification ornementale qui n’est pas
un approfondissement.
À cette époque, le concerto de clavier est
un genre très prisé du public de concert,
on guette l’interprète à la cadence, où il
doit montrer ce qu’il sait faire, on apprécie les traits de virtuosité, les gammes, les
roulades, comme on fait à l’opéra pour
la prima donna - contexte mondain que
Mozart saura transcender sans omettre
d’en jouer le jeu. Cette seconde moitié
du XVIIIe siècle est certainement la plus
féconde en concertos de clavier, avec
les fils de Bach, la famille Stamitz, Abel,
Ditters von Dittersdorf, Joseph Haydn,
en attendant les pianistes virtuoses du
début du XIXe siècle, les Steibelt, Cramer,
Hummel, Field, Ries, Spohr, Kalkbrenner,
Mosscheles, Thalberg, qui eux-mêmes
en produiront un certain nombre, d’où,
peut-être, entre 1835 et 1840, une certaine usure du genre dont Schumann se
fit l’écho en 1839. Le concerto pour violon
n’est pas complètement abandonné (nous
en avons 5 de Mozart, 3 de Joseph Haydn),
non plus que celui pour flûte, hautbois,
violoncelle, etc., mais ces oeuvres, plus
légères en général, ne suscitent pas le
même engouement. Par la suite, chez
les grands romantiques, à l’initiative de
Beethoven (qui après 2 concertos de piano
faciles et pleins de verve, prit au sérieux,
voire au tragique, le genre, dans les 3
derniers), le concerto tend à devenir un
genre rare, qu’on n’aborde pas sans vouloir le réinventer, lui donner une « profondeur » (plus ou moins empruntée au
modèle de la symphonie), qu’il n’est pas
censé avoir d’emblée : les rares concertos
de piano (Schumann en a composé 1 ;
Brahms, 2 ; Liszt, 2) et ceux pour violon
(Mendelssohn, 1 ; Brahms, 1) ne sont plus
les jalons insouciants d’une série, exploitant la même formule, mais des oeuvres
ambitieuses, tendues, à la gestation parfois difficile (chez Schumann et Brahms
notamment, dont les concertos passèrent
par divers stades avant de prendre leur
forme définitive). Néanmoins, ces oeuvres
n’en respectent pas moins le « cahier des
charges » du concerto selon l’attente du
public : virtuosité, acrobaties et, dans le
dernier mouvement, enjouement bondissant. Cependant, si seuls les grands
concertos romantiques chargés d’intentions ont survécu, il est certain que le
concerto de série, divertissement sans
prétention, dont les témoignages sont aujourd’hui presque tous oubliés, tenait toujours une grande place, à l’époque, pour
faire briller la virtuosité des vedettes du
clavier. Les concertos de Weber peuvent
être considérés comme des échantillons
représentatifs de ce mélange de bravoure
cavalière et de sentimentalité qui servit de
recette à tant de concertos du XIXe siècle formule où seul peut-être un Chopin a su
être pleinement lui-même, comme Mozart, sans la remettre en cause.
Le concerto moderne de la fin du
XIXe siècle et du début du XXe, propulsé
par de nouveaux progrès dans la facture instrumentale et dans la technique
pianistique, semble renoncer à réinventer complètement le genre. Même s’il
modifie le nombre des mouvements et la
structure thématique, il semble prendre
son parti de la vocation brillante et mondaine du concerto, ce qui ne l’empêche
pas d’atteindre parfois au pathétique :
les concertos pour divers instruments de
Saint-Saëns, Dvořák, Tchaïkovski, Grieg,
Rachmaninov ruissellent d’une virtuosité
sans complexes. D’autres compositeurs,
en revanche, à l’exemple d’un Schubert
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au début du XIXe siècle, ne se commettent
pas avec le genre, pour des raisons très
diverses : c’est le cas de Berlioz (malgré
son Harold en Italie, pour alto et orchestre,
concerto avorté), Moussorgski, Wagner,
Bruckner, Mahler, Hugo Wolf, Debussy,
Fauré, Dukas, d’Indy (malgré sa Symphonie cévenole, piano et orchestre), Franck
(dont les Variations symphoniques n’en
sont pas un non plus), etc. L’esprit de sérieux, chez les uns, la vocation au « vrai »,
chez les autres, ou le sens d’un certain
message ont pu les détourner des conventions du genre, incontournables. Mais
après le romantisme, peut-être par réaction contre les épanchements métaphysiques, une nouvelle vague de concertos
arrive, des concertos très aérodynamiques,
percussifs, ivres de vitesse et de couleurs
sonores, motoristiques, avec Ravel, Prokofiev, Stravinski, Chostakovitch, Bartók,
dont les 3 concertos sont très beethovéniens, Gerschwin, Copland, etc., auteurs
qui viennent souvent soit d’outre-Atlantique, soit des pays de l’Est, et non de la
vieille Europe. Les concertos de chambre
(Kammerkonzerte) de Hindemith, comme
certains concertos de Stravinski, tentent
de retourner aux sources du concerto
grosso et du concerto baroque, dans
un souci de néoclassicisme et de « nouvelle objectivité » (Neue Sachlichkeit). En
France, avec l’esthétique d’agrément et
le retour des compositeurs à des formes
plus ramassées, ceux-ci inondent le public
de petits concertos, parfois un peu « miniatures », avec Milhaud, Poulenc (qui
louche vers Mozart), Ibert, Françaix, et
même chez Jolivet, pourtant assez distant
de cette esthétique. Mais après cette vague
de néoconcertos, le concerto contemporain est de plus en plus une somme de cas
particuliers : quoi de commun entre ceux
de Ligeti, Zimmermann, Maderna, qu’une
commune référence à un genre daté et fixé
« tel qu’en lui-même » dans ses 3 formes
canoniques : concerto baroque à la Vivaldi ou à la Bach ; concerto mozartien,
concerto romantique. Par ailleurs, beaucoup d’oeuvres se réfèrent au concerto
dans leur formule en évitant d’en revendiquer le titre ; le cas de ces « cryptoconcertos » de Xenakis, Boulez, Dutilleux sera
examiné plus loin.
L’ESPRIT DU CONCERTO.
On fait souvent dériver « concerto »
du verbe latin concertare qui signifie
« se quereller », « se battre », mais aussi
« débattre ». Et l’on s’autorise de cette
référence étymologique pour parler du
concerto comme d’un « affrontement »
entre un soliste et un orchestre, comme
entre deux parties belligérantes. Mais
si l’on cherche comment, dans le détail,
se traduit cette situation de guerre, on
est bien embarrassé pour en trouver des
exemples : il apparaît, plutôt, que soliste et
orchestre se font beaucoup de politesses,
s’assistent mutuellement, se renvoient la
balle, se servent d’écrin ou de faire-valoir. Bref, on ne trouve pas beaucoup de
marques d’hostilité dans leurs rapports
(se couvrir, énoncer simultanément deux
idées concurrentes, se contredire, se couper la parole, etc.), et, cependant, il est vrai
qu’une odeur de poudre et de bataille flotte
souvent au-dessus des concertos, dans les
premiers mouvements notamment, souvent martiaux, avec des rythmes pointés
et des allures de marche (l’Empereur de
Beethoven, le Concerto pour violon en ré
majeur de Mozart, celui pour piano en fa
mineur de Chopin). Alors ? S’il y a bien
une atmosphère martiale dans beaucoup
d’ouvertures de concertos, c’est plus au
niveau de la parade que du combat entre
ennemis : comme dans une « revue des
troupes », où chaque partenaire montre à
l’autre comment il remplit bien son rôle,
le soliste empanaché comme un général, et
l’orchestre au complet bien rangé et astiqué, présentant les armes en bon ordre.
À côté de cette inévitable référence à la
guerre, il est aussi important de rappeler
les origines vocales du concerto. Un parallèle serait instructif entre l’histoire de la
musique vocale en Occident et celle du
concerto. La voix accompagnée est la situation concertante primitive : tout ce qui
définit le concerto (mise en vedette d’un
personnage ; jeu de répliques, d’échos,
d’imitations, d’alternances avec l’ensemble ; latitude d’improvisation et d’ornementation laissée au soliste), tout cela
se trouve déjà présent dans la musique
vocale. De plus, les mouvements lents de
concertos sont souvents, bien plus nettement que dans les symphonies, sonates
ou quatuors, de grandes cantilènes qui se
réfèrent au modèle vocal, au phrasé vocal,
voire au souffle humain, même quand il
s’agit du piano ou du violon. Il apparaît
évident que le soliste instrumental personnifie le chanteur, plus qu’il n’en imite
la fonction. L’essence du concerto est bien
celle d’un genre dramatique.
Sous l’angle musical, on peut inventorier les formes d’association entre le
soliste et l’ensemble ; elles ne sont pas en
nombre infini :
- l’homophonie, quand le soliste énonce
un thème bien ensemble avec l’orchestre
mobilisé au complet. Cette situation,
très courante dans les nombreux tutti du
concerto baroque, devient assez rare dans
le concerto classique et romantique ;
- la doublure, quand il s’agit d’une partie du soliste qui double une partie de l’orchestre et réciproquement, et si cette partie n’est pas la mélodie du tutti. Dans les
concertos de Bach pour clavecin, la main
gauche double le continuo. Mais dans
d’autres cas, il arrive rarement au soliste
de doubler un instrument ou un pupitre
de l’orchestre en s’effaçant derrière lui :
c’est le contraire qui se produit souvent,
quand un instrument à vent (flûte, hautbois, clarinette) intervient pour doubler
temporairement la main droite du piano
(Concerto en « la » mineur pour piano de
Schumann). Courante dans le concerto
romantique, cette situation n’est pas fréquente chez Mozart ;
- l’alternance ; c’est la situation la plus
évidente. Souvent l’orchestre et le soliste
n’alternent pas sans se passer la parole à
l’aide de diverses formules de transition,
de cadences, de silences, d’anacrouses, de
repos à la dominante, ou bien en se « raccordant » par un accord émis ensemble.
Ce vocabulaire de transitions, souvent
redondant du seul point de vue musical,
joue un grand rôle dans la structure dramatique du concerto ;
- les répliques ; quand cette alternance
est serrée, on a affaire à des jeux de répliques entre les partenaires soit en imitation, soit en se partageant les deux termes
d’une formule mélodique sur le modèle
question/réponse ou affirmation/réplique.
Ces répliques sont souvent traitées en
marches harmoniques qui conduisent à
une sorte d’explosion ou de tutti après un
va-et-vient serré. Ce sont elles qui pourraient justifier l’idée du concerto comme
« affrontement », puisqu’elles miment le
plus évidemment la situation d’une discussion. Pourtant, elles ne tiennent pas
dans le concerto une place très importante
en proportion du reste. Cette fameuse
situation de dialogue, de concertation qui
définit le concerto se manifeste plus souvent par une espèce de passation, de transfert permanent et réciproque d’un rôle,
d’un pouvoir, d’une continuité ;
- le soutien ; c’est le cas bien connu où
l’orchestre s’allège, se fait discret pour
soutenir le soliste, harmoniquement, par
des accords tenus ou énoncés en notes
répétées, et rythmiquement, par des ostinatos. L’orchestre crée alors un fond sur
lequel se détache la voix individuelle. La
situation inverse (le soliste soutenant
l’orchestre) se rencontre surtout dans les
débuts du concerto, dans la fonction de
continuo conservée par le soliste. Peu à
peu, ce rôle s’efface, et, quand le soliste
s’ajoute en voix secondaire par-dessus
l’orchestre, c’est plutôt pour l’ornementer ;
- l’ornementation ; quand l’orchestre
fait valoir sa masse, son volume, son impact rythmique, sa densité harmonique, le
soliste peut, en regard, jouer de son agilité,
de son mordant, qu’il doit à son indépendance et à son unicité. Il se sert alors souvent de ses ressources de virtuosité pour
ornementer une reprise ou une transition
d’orchestre d’arpèges, de gammes, de
trilles, de batteries, de tenues dans l’aigu
(pour le violon) - ajouts qui sont redondants par rapport à l’information rythmique, harmonique, mélodique donnée
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
238
par l’orchestre seul, mais qui jouent un
rôle ornemental important ;
- la ponctuation ; cette ornementation
peut avoir en même temps un rôle de
ponctuation dans le continuum musical.
On sait l’importance de la ponctuation
dans l’écrit, et même dans la parole, et
comment son déplacement ou son altération peuvent bouleverser le sens, modifier le style. C’est la même chose pour la
musique : les accords légers en pizzicati
qui ponctuent la phrase du soliste, les
sonneries claironnantes qui l’introduisent
ou la concluent n’ont pas pour seul rôle
de « cimenter » ou de réaffirmer la continuité musicale, ni de rappeler la présence
de l’orchestre quand il est au second plan.
Elles servent aussi à découper, à souligner des phrases, des unités musicales, et
contribuent à en organiser et à en hiérarchiser la durée, en détachant tel accord,
telle cadence par rapport à telle autre qui
n’est pas ponctuée ni soulignée.
Cette liste de situations respectives du
soliste et de l’orchestre n’est pas exhaustive : ce qui en ressort, cependant, c’est
que, dans le concerto, les partenaires s’opposent et rivalisent moins entre eux qu’ils
ne se répartissent et ne se transmettent des
rôles, selon certains rites. Leur opposition
n’est-elle pas déjà suffisamment signifiée
par leur différence d’identité, de timbre,
de place ?
Mais que se passe-t-il quand un instrument de l’orchestre se détache de
l’ensemble et vient dialoguer en solo avec
le soliste officiel (par ex., la clarinette à
la mesure 67 du premier mouvement du
Concerto de piano de Schumann) ? A-t-on
subitement un fragment de sonate piano/
clarinette ? Non, puisque la clarinette est
perçue, même en soliste, comme membre,
délégué de l’orchestre, en second plan par
rapport au soliste, ne serait-ce qu’acoustiquement (éloignement « géographique »
du solo d’orchestre par rapport à l’instrument soliste, que respectent les mixages
des disques de concertos). L’orchestre en
tant qu’entité dialoguant avec le soliste, à
travers « sa » clarinette ou « ses » premiers
violons, est un concept, une abstraction :
qu’il reste « présent » aussi bien dans les
tutti que dans les solos de hautbois ou les
tenues de cordes relève d’une convention
d’écoute, d’un schéma mental tout à fait
irréductible à des critères musicaux précis.
Cette convention régit, pour nous Occidentaux acculturés au concerto, la perception que nous en avons. Il resterait à savoir
si une personne, non acculturée à cette
perception de l’orchestre comme entité
présente en chacun de ses membres isolés,
la retrouverait par la seule logique proprement musicale des rythmes, des harmonies, des mélodies. Sans cette convention,
en effet, toute intervention d’un pupitre
ou d’un soliste isolé par rapport au soliste
principal deviendrait alors une sorte de
cas particulier.
Dans la symphonie classique, l’orchestre
est également posé comme un « tout »,
une somme irréductible à l’addition de
ses parties, et il leur est transcendant.
Mais nous pouvons « entrer » dans cet
orchestre, comme dans un « tout » ouvert
et mouvant, et analyser par l’écoute telle
ou telle partie sans perdre le sentiment
du tout. La situation du concerto a pour
effet de faire (psychologiquement) « serrer
les rangs » à l’orchestre, devant le soliste.
L’orchestre se posant en orchestre face au
soliste (et non seulement face à l’auditeur),
et vice versa, on a une situation en miroir,
en imitation, de type « imaginaire » au
sens lacanien. Si rivalité il y a, elle est, à
ce niveau-là, dans une identification réciproque. L’écoute (aussi bien la conception
par le compositeur, ou l’exécution par les
interprètes, ou la prise de son par l’ingénieur) dans un concerto ne peut être trop
analytique, par rapport à l’orchestre, sans
risquer d’en briser la cohésion et de renvoyer chaque instrument, chaque pupitre
à son particularisme, le posant en « rival »
isolé par rapport au soliste, et du même
coup par rapport au reste de l’orchestre.
C’est ce qui se produit, parfois délibérément, dans certains concertos modernes,
à l’orchestration émiettée, qui remettent
en cause la hiérarchie classique. Il est certain que ce rapport en miroir du groupe et
du soliste dans le concerto, la façon dont
chacun tient plus ou moins son identité de
l’autre, n’est pas sans évoquer des modèles
sociaux, et l’on pourrait s’amuser à raconter les vicissitudes du concerto en termes
sociologiques : comment, sorti du rang
(cas du violoniste), ou au contraire d’une
caste à part (cas du pianiste), un individu
se pose à la fois en guide, en délégué, en
miroir pour la collectivité, lui donne la
parole et la prend d’elle.
L’orchestration classique cherche à
créer un corps orchestral homogène et
fondu, qui prend dans chaque pupitre ce
qu’il peut donner au service de la collectivité, mais sans le laisser accaparer l’atten-
tion. Cette unité précaire, cette complémentarité, cette harmonie s’appuie sur
le renoncement de chaque instrument à
être trop personnel et à vouloir tout faire,
au profit d’une répartition hiérarchisée
des rôles : dans les concertos de Mozart,
les cors font des tenues, les hautbois des
doublures ou des tenues, etc. Et quand on
y entend un solo de flûte, c’est souvent
en association avec le hautbois et le basson, formant comme un petit ensemble
délégué par le grand pour s’opposer au
soliste ; mais c’est rarement une flûte trop
personnelle, trop insistante. Par rapport
à cette masse homogénéisée, le soliste est
comme délégué par elle pour faire parade
au maximum de son individualité, pour
l’exhiber, pouvant compter sur la masse
comme faire-valoir, miroir, caisse de résonance. Une intervention aussi voyante et
personnelle que celle du violoncelle solo
dans le début du mouvement lent du Deuxième Concerto pour piano en si bémol
de Brahms est déjà un décentrement du
concerto, qui en détruit l’équilibre traditionnel. Or l’orchestre contemporain, à
force de grandir et de se diversifier, a fini
par exploser et s’atomiser. L’orchestration
moderne détruit la traditionnelle répartition des rôles, donne à chaque pupitre
des interventions imprévisibles, qui compromettent à tout instant la position du
soliste.
On peut définir l’un par l’autre le
concerto et la symphonie, les deux grands
genres orchestraux dans la musique occidentale. Par rapport à la symphonie,
genre sérieux, coiffé depuis Beethoven
d’une auréole métaphysique, le concerto
a toujours gardé une réputation justifiée de genre mondain, de rite social, de
tournoi cérémoniel, mettant en jeu des
valeurs non musicales de virtuosité, de
parade. Alors que la symphonie est devenue avec Beethoven un genre apogée, plus
haute forme de la composition, à laquelle
un Brahms osait à peine se mesurer, le
concerto n’a pas même gagné avec les
chefs-d’oeuvre de Mozart une réputation
semblable, et même Mozart, tout en portant cette forme au sublime, n’a pas voulu
l’épurer du côté mondain, « morceau de
concours », qui lui est consubstantiel.
Par ailleurs, les deux genres ont suivi
des trajectoires parallèles et différentes.
Le concerto a trouvé son moule initial
(en 3 mouvements) bien plus tôt que la
symphonie ; mais bientôt la symphonie
a dépassé le concerto en dimension, en
complexité de forme, en ambition. Et
quand le concerto a « vu » la symphonie grandir, s’élever, il a voulu l’imiter,
s’affronter à d’aussi grandes durées, lui
empruntant (ainsi qu’à la sonate) la forme
bithématique pour le premier mouvement. Ce qui est notable, c’est justement
que le concerto a rarement atteint les
proportions de la symphonie romantique, non seulement pour des raisons de
nombre de mouvements, mais par une
sorte de logique interne qui le rendait, au
contraire de la symphonie, non susceptible
d’expansion infinie. Le Deuxième Concerto
pour piano de Brahms, avec ses 4 mouvements et sa longue durée, est une exception. Encore adopte-t-il pour le dernier
mouvement un ton de rondo bon enfant,
comme s’il ne voulait plus suivre jusqu’au
bout le modèle de la symphonie, avec son
finale préparé en lourde apothéose pleine
de conflits et de gestations complexes. Du
point de vue de la texture orchestrale et de
la forme, les compositeurs romantiques
ont souvent voulu tirer le concerto vers
la symphonie : en épaississant l’orchestration, en complexifiant la forme, en tresdownloadModeText.vue.download 245 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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sant l’orchestre et le soliste de façon plus
étroite. Ils n’ont pu ou voulu donner au
concerto cette dignité purement musicale,
cette aura de pureté compositionnelle qui
était reconnue à la symphonie.
Pourquoi donc le concerto n’est-il
pas doué de cette capacité d’expansion
qui a permis à la symphonie de rester
elle-même en atteignant les proportions
géantes qu’on lui a connues à l’époque
de Mahler et de Bruckner ? Pourquoi,
après de si nombreuses tentatives pour
le « symphoniser », est-il obstinément
revenu à son moule en 3 mouvements et
à ses dimensions modestes ? Peut-être,
entre autres raisons, parce que le concerto
fonctionne non, comme la symphonie, sur
une longue recherche, une quête ouverte
et susceptible de se prolonger indéfiniment, mais plutôt comme un jeu codé, qui
n’a de sens que s’il se déroule dans une
temporalité limitée. De plus, la forme du
concerto, basée sur une oscillation, une
dualité entre soliste et orchestre, a vite fait,
si cette oscillation n’est pas dosée, de donner une impression « en dents de scie »,
qui risquerait de devenir vite fastidieuse alors que l’orchestre de la symphonie peut
se ramifier ou se rassembler à l’infini sans
lasser. Autre différence : alors que dans
la symphonie, tout peut et même doit
être intégré dans l’architecture musicale,
le concerto, lui, fonctionne aussi sur une
certaine rhétorique de « prise de paroles »,
d’échanges entre le soliste et la masse,
qui amène à remplir une bonne partie du
temps avec tout un « tissu conjonctif » de
traits de virtuosité, de formules de passation, de ponts orchestraux qui sont redondants par rapport à la pure substance
musicale, et qu’accuse encore le procédé
d’alternance entre les partenaires. Inversement, un concerto complètement allégé
de ses formules de politesse et de sa rhétorique et qui est une pure construction
musicale, comme le Concerto pour piano
op. 42 de Schönberg, ressemble un peu à
un concerto fantôme qui ne joue pas le
jeu complètement. D’où il ressort que le
concerto est effectivement en partie un
genre dramatique, régi par un code de relations entre le soliste et l’orchestre posés
comme personnages, code qui ne peut se
ramener à des relations musicales abstraites. Aborder le concerto comme pur
projet formel, en intégrant ses conventions dans un propos seulement musical
au sens le plus abstrait, est plus difficile
qu’il n’y paraît. C’est ce qu’ont tenté en
particulier les trois Viennois, Berg (dans
son Concerto de chambre ou Kammerkonzert), Webern (Concerto op. 24), Schönberg (Concerto pour piano), et l’on constate
soit que la rhétorique du concerto réapparaît dans leurs oeuvres ; soit que l’esprit du
concerto y disparaît pour laisser la place à
un discours concertant qui tend à niveler
les rôles.
Bien sûr, cette théâtralité tient pour une
grande part aux conventions de la virtuosité qui sont génératrices de redondance
musicale. Y a-t-il un seul concerto sans
virtuosité ? Une telle oeuvre est difficile
à retrouver sauf à deux ou trois exemplaires (Webern, le Concerto à la mémoire
d’un ange de Berg, pour violon) - tant la
démonstration de virtuosité fait partie
du concerto, genre ornemental par excellence, supposant donc la possibilité d’une
certaine redondance.
Dans le concerto mozartien pour piano
ou pour violon, la virtuosité est délimitée
à des traits de liaison entre les thèmes et
à des épisodes très précis (dans le développement, les cadences), mais elle ne
touche pas, ou peu, les thèmes, qui sont
généralement exposés par le piano à nu,
avec de légères broderies. Mais dans le
concerto romantique et postromantique,
les progrès techniques aidant, la virtuosité
gagne tout le jeu du piano, se complique,
s’empâte, et les thèmes eux-mêmes sont
souvent exposés la première fois dans une
version ornée d’arpèges et de traits. C’est
peut-être pourquoi beaucoup de thèmes
de concertos (le premier mouvement
du Concerto pour violon de Beethoven,
quatrième Concerto pour piano de SaintSaëns) ont la « noble simplicité » d’un
choral : on les sent prêts à être ornés et décorés à l’infini, et les compositeurs veulent
peut-être que sous cette parure ils gardent
un port altier. Un Chopin, dont le style
s’est incorporé l’ornementation comme
un trait de langage et un moyen d’expression, est à l’aise dans le concerto romantique et dans une certaine hypertrophie
ornementale de virtuose, avec laquelle il
sait faire de l’art. D’autres compositeurs,
comme Saint-Saëns, récupèrent le vocabulaire du romantisme sans y croire, en
gardent le foisonnement ornemental, tout
en recherchant parfois la « noblesse »
du genre symphonique et de la musique
pure : position ingénieuse et calculatrice,
consistant à « faire dans le concerto » un
exercice de style, et qu’ont pratiquée également Ravel, Prokofiev, Stravinski.
La virtuosité se manifeste notamment
dans la cadence pour le soliste, que la tradition situe à la fin de chacun des 3 mouvements, mais surtout à la fin du premier,
et secondairement du troisième. Cette
cadence était encore du temps de Mozart
une enclave d’improvisation subsistant
dans un genre écrit, où le soliste (qui souvent était en même temps l’auteur et le
chef d’orchestre) se ménageait un succès.
On dit que c’est pour parer aux excès qui
rendaient ces cadences interminables que
Mozart et ses successeurs ont noté leurs
cadences originales, nous permettant de
savoir dans quel esprit elles étaient menées. De plus en plus, elles furent prévues
dans l’architecture de l’oeuvre : celle du
premier mouvement du Concerto pour
piano en la mineur de Schumann, dense
et tendue, proche de certains préludes
du Clavier bien tempéré de Bach, n’a sans
doute pas grand-chose à voir avec ces
vagabondages peu modulants dans les
thèmes du concerto, en quoi consistait
au XVIIIe siècle la cadence. Cette cadence
était le seul moment où l’orchestre laissait
pendant une certaine durée le soliste complètement seul, sans l’accompagner ou le
ponctuer, et l’inévitable retour attendu de
l’orchestre, qui est là et qui attend pour
conclure, donnait à ces cadences frénétiques une allure de « tout pour le tout ».
Ce n’est pas tout de parler de virtuosité ; il faut souligner aussi que celle qui
est propre au concerto a un caractère particulier, qui peut être différent de la virtuosité des oeuvres pour piano solo. On
peut prendre le cas d’un Debussy qui n’a
jamais écrit de concerto ; non qu’il fût
ennemi de la virtuosité, loin de là, mais il
semblait aimer dans la virtuosité d’abord
cette matière irisée, fluctuante et nuancée
qu’elle pouvait créer. Or la virtuosité de
concerto tend à être plus ou moins dure et
démonstrative, surtout dans les passages
rapides avec l’orchestre. Pour passer au
même niveau que lui et parfois passer pardessus, le soliste doit souvent « projeter
la voix », parler fort, sur un ton plus gros,
plus souligné, plus contrasté que dans les
pièces pour soliste (Chopin n’a pu faire
de concerto, qui sauvegarde la finesse et
l’exquise fragilité de son piano, qu’en réduisant souvent au minimum le rôle de
l’orchestre). La virtuosité du soliste
de concerto, et plus particulièrement du
piano, est non seulement plus « grosse »,
elle est aussi et surtout d’essence discursive, et ne peut se résoudre en matière, en
poussière lumineuse. Elle est la voix de
quelqu’un qui parle et, même, parfois bavarde. Ce qu’illustre très clairement le cas
de ces musiciens, qui, dans leurs oeuvres
pour piano seul, ont su admirablement
utiliser la matière, les timbres, les sonorités créées par la virtuosité pianistique,
mais qui ont dû, dans leurs concertos,
revenir à une virtuosité plus conventionnelle et discursive. Entre Gaspard de la
nuit de Ravel et son Concerto en « sol » majeur, entre les Jeux d’eau à la villa d’Este de
Liszt et ses concertos, c’est le même degré
de virtuosité, mais ce n’est pas le même
piano. C’est du piano démonstratif, rhétorique, ce n’est plus le piano-microcosme,
avec un arc-en-ciel de sonorités. Par ce
qui n’est qu’en apparence un paradoxe,
le piano doit donc, pour dialoguer avec
l’orchestre et se poser face à lui en piano,
renoncer à certaines de ses nuances les
plus intimes.
Cette virtuosité n’empêche pas le tragique ; et c’est Mozart qui a su, plus encore
que Beethoven, dégager l’essence tragique
du genre - mais un tragique individuel,
personnifié, par opposition au tragique
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
240
collectif et impersonnel de la symphonie.
Pourtant, nous l’avons dit, le concerto a
été rarement (sauf justement chez Mozart)
un de ces genres ultimes où le compositeur s’engage tout entier et va au bout de
lui-même. Si grands furent-ils dans leurs
concertos, Beethoven, Brahms, Schumann
laissent le sentiment que le « moi » qu’ils
y délèguent, dans le rôle du soliste, est un
peu tempéré, arrangé, convenable, moins
absolument eux-mêmes que le « moi » de
leurs sonates, pièces pour piano et symphonies. Seules exceptions postmozartiennes, peut-être, Chopin (mais ce Chopin des concertos, tout à fait authentique,
n’est peut-être pas le plus attachant) et,
dans une certaine mesure, Bartók et Berg
dans le Concerto à la mémoire d’un ange
pour violon et orchestre.
C’est peut-être dans la mesure où Mozart assume complètement la part d’humanité qu’il y a dans le jeu du « paraître »
et ses conventions, que les gammes et
les traits les plus banals de ses concertos sonnent comme aussi authentiques,
l’impliquent aussi fort que ses thèmes les
plus émouvants. Ses successeurs auront
pour la plupart une position plus critique
et distanciée vis-à-vis des conventions de
virtuosité du concerto, et, en manifestant
le désir de les « ennoblir », tout en les
conservant, ils ont fait de leurs concertos des oeuvres ambitieuses et calculées,
moins absolues parfois que leurs autres
créations. Un Schubert, proche à certains
égards de Mozart, n’a jamais écrit de
concerto, et l’on attribue cela à son dédain
pour les genres mondains. Pourtant, il a su
très bien écrire sur commande des pièces
de genre et de caractère, et même une
pièce de virtuosité caracolante comme la
Wanderer-Fantaisie pour piano, que Liszt
a d’ailleurs arrangée en Konzertstück pour
piano et orchestre de façon très convain-
cante. On se demande si un concerto de
Schubert n’aurait pas été une pièce de
genre à la Weber...
Dans la mesure où le soliste de concerto
représente effectivement l’individu,
à la fois personnage et meneur de jeu
du drame musical, on est frappé par le
contraste entre la soumission du piano
de concerto mozartien à un ensemble de
lois qui délimitent sa place et ses interventions, et la liberté avec laquelle le soliste
de concerto romantique tend à se mêler
de tout, y perdant un peu en présence
tragique. Car c’est dans le jeu consenti
de conventions sociales que se dégage le
tragique du concerto chez Mozart. Par ailleurs, on ne peut oublier, ne l’aurait-on
entendue qu’une fois, la surnaturelle fragilité de ces thèmes de trois notes avec lesquels Mozart fait parfois ses mouvements
lents de concertos. Elle n’est sans doute
pas sans lien avec la juvénilité du piano de
l’époque, et il est peut-être plus difficile de
la traduire avec le grand piano moderne,
bravache et sûr de lui. Ce climat de naissance, d’origine, ne sera pas souvent retrouvé dans le concerto romantique.
Dans la première mesure du Deuxième concerto pour piano en si bémol de
Brahms, on a ce fameux appel de cors,
comme une fanfare douce, qui évoque
les forêts germaniques, appel primitif que
reprend aussitôt le piano, dans son style à
lui, avec des accords profonds et limpides.
En 4 mesures, il s’est produit comme
une « passation » entre ces cors venus
du fond des âges, des origines et le piano
de concert - une passation, dans laquelle
l’instrument moderne et raffiné semble
reprendre le flambeau de quelque chose de
très ancien et diffus, auquel il donne aussitôt un visage plus culturel, individuel.
Ce début semble reprendre le concerto à
sa genèse, aux sources de la différenciation individuelle, à la racine de l’écho, du
mimétisme originaire. Tel est peut-être le
secret du concerto, enfoui sous les fleurs
de salon.
LE CONCERTO ET SES SOLISTES.
L’histoire du concerto peut aussi se raconter à travers la concurrence des deux
grands instruments solistes de la musique
classique occidentale : piano et violon, violon et piano.
Par rapport au piano, le violon présente
dans le concerto de soliste une originalité irréductible : il est sorti du rang, de la
masse, tout prêt à s’y fondre à nouveau à
n’importe quel moment - ce qui lui donne
une certaine souplesse pour y rentrer et
en sortir. Il est nommé, d’ailleurs, jusque
dans les concertos de Mozart et de Mendelssohn, « violon principal », ce qui veut
tout dire. Alors qu’un piano, malgré tous
les efforts qu’il fait pour cela, chez un
d’Indy, par exemple (Symphonie cévenole,
pour piano et orchestre), ou un SaintSaëns (Symphonie en « ut » mineur), ne
peut s’y fondre incognito. Mais le violon
n’émerge bien de la masse, acoustiquement parlant, que s’il joue dans l’aigu, pardessus ses congénères de la troupe. Alors
que le piano perd sa sonorité quand il
monte dans l’aigu, la résonance étant plus
courte et abrupte, les harmoniques plus
pauvres, le violon, lui, s’épanouit dans ces
zones séraphiques ou grinçantes qui sont
proches de ses limites supérieures.
Mais il ne peut s’auto-accompagner
que dans une mesure très réduite (doubles
cordes), et beaucoup moins facilement
que le piano. Il ne peut pas être son propre
continuo, et semble voler souvent à la
cime de l’orchestre qui l’accompagne, en
apesanteur.
Nous avons déjà dit la relative désuétude dans laquelle est tombé, au XIXe siècle,
le concerto pour violon, au bénéfice du
piano. Cela malgré des virtuoses-phénomènes comme Paganini, dont l’exemple
diabolique n’encouragea pas les compositeurs de son temps à écrire pour lui
(cf. les vicissitudes d’Harold en Italie),
mais suscita plutôt une réaction d’émulation et de défi pianistique : c’est à qui
voudra montrer, en adaptant Paganini au
piano, que le clavier peut faire aussi bien
et mieux que lui. Apparemment le violon
est moins apte, pour le XIXe siècle, que
le piano à représenter un « microcosme
d’individu ». Les concertos de violon de
Beethoven, Mendelssohn, Brahms, et celui
presque posthume de Schumann proche
de la folie, sont des tentatives isolées dans
ce siècle. Au XXe siècle, Berg choisit le violon et son immatérialité pour chanter la
« mémoire d’un ange « ; le concerto de
violon de Bartók est, lui aussi, presque un
requiem. Tandis que ceux de Stravinski,
Prokofiev, Chostako vitch raclent un peu
diaboliquement cet instrument à la fois
exalté et déchu, dans la tradition paganinienne, qui a inspiré à d’autres tant de
« rhapsodies espagnoles » ou de « rondos
cappriciosos » souvent sans prétention.
C’est donc, à quelques exceptions près, en
musique de chambre que le violon solo est
utilisé au mieux dans la musique du XIXe
et du XXe siècle.
Le piano est dans un cas différent.
D’abord encore enfoui dans les basses,
avec les instruments qui assurent le continuo, l’instrument à clavier s’impose au
premier plan, comme un instrument qui
peut entièrement se suffire à lui-même,
et, plus encore, comme un microcosme
d’orchestre, par son registre, ses possibilités polyphoniques et dynamiques :
l’orchestre se reflète en lui, transposé, stylisé, réuni. Non seulement le piano n’est
pas sorti de l’orchestre comme le violon,
mais aussi son timbre est assez irréductible, particulier, pour que son inclusion
« anonyme » dans la masse orchestrale
soit difficile. La seule manière dont il peut
s’y ajouter est décorative : c’est en faisant
des guirlandes de traits et d’arpèges ; encore, là, ne trompe-t-il personne. Il n’est
pas de l’orchestre. Ce qui convient bien à
l’esthétique accumulative et ornementale
d’un Olivier Messiaen, dans ses « cryptoconcertos » pour piano et orchestre, la
Turangalîla-Symphonie et les Couleurs de
la cité céleste. Cette esthétique, en effet, ne
procède pas par fusion, mais par addition
d’éléments, et l’incapacité du piano à se
fondre dans la masse instrumentale en fait
justement pour elle un auxiliaire précieux.
Autonome, irréductible, armé pour
« réduire » en lui la partie d’orchestre, le
piano peut donc être dans le concerto ce
primus inter pares (« premier entre semblables »), dont parle Jean-Victor Hocquart à propos de Mozart ; ce personnage
qui est en même temps dramaturge et
meneur de jeu. Aussi comprend-t-on que
le terme concerto s’est souvent identifié
à « concerto pour piano », avec Mozart,
Beethoven, Brahms, Schumann, Ravel,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
241
Prokofiev, Bartók ; la dramaturgie du
concerto avait trouvé en cet instrument
un protagoniste insurpassable.
Aux dires de beaucoup, c’est le violoncelle qui viendrait en troisième position,
bien après le violon et le piano, parmi les
instruments solistes élus par le concerto :
certes, son timbre ne ressort pas aussi facilement, surtout dans le registre médium
que l’orchestre étouffe sans peine, et le
nombre des traits possibles est plus limité.
Mais l’ampleur, l’expressivité et la générosité de son timbre en font un partenaire
exceptionnel. S’il n’y a jamais eu de vogue
du concerto de violoncelle, comme pour
le piano ou le violon, il y a eu toujours un
répertoire fidèle et riche, de Vivaldi, Platti,
Tartini, Boccherini, en passant par Haydn
(deux concertos en ut et en ré) - mais pas
Mozart -, jusqu’aux concertos de virtuose
du XIXe siècle (Duport, Rombert, Servais,
Franchomme) et aux concertos romantiques de Schumann, Lalo, Saint-Saëns,
Brahms (Concerto pour violon et violoncelle), Dvořák, et, plus près de nous, Hindemith, Schönberg, Prokofiev, Milhaud,
Katchaturian, Honegger, Jolivet, Zimmermann, et, enfin, Henri Dutilleux, bien
que son oeuvre Tout un monde lointain ne
revendique pas ce titre de concerto. Son
plan en 5 parties soudées n’a rien à voir
avec celui du concerto classique, mais le
type de relations qu’y établissent le soliste
et l’orchestre est bien « concertant ». Utilisé ici beaucoup plus souvent qu’il n’est
de coutume dans son registre aigu et
suraigu (ce qui lui permet de passer pardessus un orchestre fourni), l’instrument
a bien ce rôle de double, de personnage
meneur de jeu, en qui la musique vient se
rassembler, et dont elle part pour se ramifier, se multiplier. Le début de cette oeuvre
est d’ailleurs remarquable par son climat
de « genèse », rappelant lointainement
celui du 2e concerto de piano de Brahms :
d’une résonance archaïque et magique de
percussion s’extrait une phrase de violoncelle, qui monte vers l’aigu, et derrière le
soliste qui chante, peu à peu l’orchestre
se dessine, se condense, comme né d’un
coup de baguette magique (on retrouve
aussi, dans un climat très différent, cette
genèse, cette brume originelle, dans le
début du Concerto pour piano en « ré »
mineur K. 466 de Mozart).
Avec son beau timbre étouffé, qui n’a
pas l’ampleur de celui du violoncelle, l’alto
est encore plus difficile à manier dans un
concerto. À l’époque préclassique, la taille
réduite de l’orchestre lui permet de tenir
son rang de soliste, dans des concertos
comme ceux de Benda, de Ditters von Dittersdorf ou des Stamitz, ou dans la Symphonie concertante pour violon et alto K.
364 de Mozart. Hector Berlioz, par esprit
de contradiction, voulut écrire pour Paganini, non un concerto de violon, mais un
concerto d’alto, qui devint la symphonie
avec alto solo, Harold en Italie, oeuvre en
demi-teinte, dans laquelle l’instrument
n’est guère appelé à briller. Le concerto
d’alto de Bartók (1945) est une oeuvre crépusculaire écrite pour le commanditaire
William Primrose, laissée en plan par la
disparition du compositeur et achevée par
Tibor Serly. Le projet de Bartók était d’y
opposer un orchestre « transparent » au
« caractère sombre et plutôt masculin » de
l’alto. Encore plus sombre, la contrebasse
a pour elle dans le concerto, par rapport
à l’alto, son caractère extrême, donc très
voyant. On ne joue plus beaucoup les
concertos de virtuoses écrits par Ditters
von Dittersdorf, Vanhal ou Dragonetti.
Les concertos pour instruments à vent
tiennent une place particulière : les bois,
notamment, ont pour eux ce caractère
fluide, volubile et léger qui en font des
partenaires souples ; mais contre eux, dans
le concerto de vaste dimension, le manque
d’assise et d’ampleur de leur timbre, et le
fait qu’ils semblent tenir difficilement la
durée en solo. Les concertos de flûte de
Mozart (2 concertos, plus le concerto pour
flûte et harpe), Telemann, Quantz, Cimarosa, Gluck ont souvent un ton de « bergerie » que refusa le romantisme, délaissant
la flûte solo, sauf au sein de l’orchestre.
Les concertos modernes pour flûte sont
également assez rares (André Jolivet,
Jacques Ibert, Frank Martin). De même,
le concerto pour hautbois, en faveur à
l’époque baroque et préclassique (Telemann, Haendel, Dittersdorf, Mozart) et
oublié presque complètement à l’époque
romantique, fut ressuscité plus tard, dans
les concertos plus ou moins néobaroques
de Richard Strauss, Henri Tomasi, Darius
Milhaud. Parmi les contemporains, Bruno
Maderna est un des rares compositeurs à
avoir écrit pour le hautbois des concertos
d’une certaine ampleur.
Instrument bien plus récent, la clarinette a connu une carrière concertante plus
rare - mais peut-être aussi flatteuse - avec
le concerto de Mozart (oeuvre de maturité, alors que les concertos pour flûte, ou
pour basson, sont des oeuvres juvéniles),
ceux de Weber, la Rhapsodie de Debussy,
ou les Domaines de Boulez. Affectionné
par Vivaldi, le basson brille encore chez
Mozart et Weber, mais le romantisme le
relègue dans l’orchestre comme pour la
flûte ou le hautbois, et il ne réapparaît que
dans les concertos modernes de Jolivet et
de Marcel Landowski. Le saxophone, puissant et expressif, mais réputé roturier chez
nos musiciens « sérieux », surtout depuis
que le jazz s’en est emparé, n’a jamais
réussi à se faire admettre définitivement
dans le cénacle instrumental classique, et
on compte peu de concertos pour saxophone, parmi lesquels on peut citer ceux
d’Alexandre Glazounov, de Jean Rivier, de
Jacques Ibert.
Instrument très archaïque, le cor doit à
ses difficultés d’émission, surtout à découvert, de tenir une place particulière dans le
concerto : autant la virtuosité coulante de
la flûte désamorce un peu, à la limite, l’impression de « performance » qui est liée à
ce genre, autant le caractère claironnant
et tendu, sur la « corde raide », de l’émission du cor renforce, un peu cruellement
même, cet effet de performance : après
Telemann, on connaît les 4 concertos de
Mozart (qui étaient des commandes), les 2
de Haydn et le difficile Konzertstück pour
4 cors de Schumann. La même remarque
peut être faite à propos de la trompette et
des autres cuivres.
Presque chaque instrument occidental a eu droit à son ou ses concertos, et
on se reportera aux différents articles qui
traitent de chacun d’eux pour compléter
ce rapide aperçu, dont il ressort qu’il y a
des instruments plus ou moins « concertables » et qu’il existe une sorte de hiérarchie des instruments par rapport au
genre du concerto, selon les formes qu’il
prend à chaque période de la musique.
LA FORME DU CONCERTO.
« Le concerto n’a pas de forme propre »,
écrit André Hodeir, non sans raison, dans
un petit ouvrage sur les Formes de la musique. Cette affirmation peut faire bondir :
qui ne sait que le concerto classique est généralement en 3 mouvements, vif-lent-vif ;
et qui ne ressent la force des conventions
qui, dans le concerto classique, dictent à
chaque mouvement son moule et font,
par exemple, presque obligatoirement du
dernier mouvement un rondo tourbillonnant ? Malgré tout ce qu’on a pu faire
depuis Weber pour la remettre en cause,
la forme en 3 mouvements a tenu bon de
Vivaldi à Berg, Bartók, Stravinski, ce qui
dénote en elle une nécessité de structure.
Et, pourtant, peu de formes ont été aussi
souvent aménagées, reprises que celle du
concerto, pour finalement revenir à leur
essence initiale.
Cette forme symétrique et ternaire
a tendance à se refermer sur elle-même
assez rapidement. Alors que, parvenue au
terme de son deuxième mouvement, la
symphonie voit encore devant elle un parcours assez long et complexe de 2 mouvements, la première mesure du dernier
mouvement de beaucoup de concertos a
déjà un caractère bouclé, conclusif : c’est
un thème de rondo enlevé, indiscutable,
pimpant - et il est clair que malgré des
épisodes intermédiaires plus ou moins
richement variés en thèmes, en tempo,
ce thème revient autant de fois qu’il le
veut pour l’emporter haut la main, sans
discussion. D’où cette impression, à la
limite, qu’un concerto est, sinon déjà terminé, du moins, déjà « joué », du point
de vue formel, dès la première mesure de
son rondo final ; impression qui frappe
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
242
aussi les commentateurs des concertos de
Mozart : après le tragique ou le pathétique
du mouvement lent, la musique saute à
pieds joints dans une insouciance totale,
sans ombre, qui ne prend même pas la
peine d’apporter un semblant d’écho et de
réponse à l’inquiétude du deuxième mouvement, et qui l’ignore complètement. Ce
geste formel abrupt, refermant les horizons infinis qui s’ouvraient encore il y a
quelques secondes, pour donner le spectacle clos d’une réjouissance mondaine (et
même pas panique ou tellurique, comme
parfois dans la symphonie), participe,
croyons-nous, de l’esprit du concerto.
Dans la symphonie, on peut voyager dans
les éléments, les étoiles, le minéral, le métaphysique, le jour et la nuit. Le concerto
classique, lui, ne nous laisse pas quitter
longtemps le clan des humains.
On essaiera ici, pour conclure, d’étudier
à travers plusieurs oeuvres de référence
dans le domaine du concerto ces pro-
blèmes de forme. On prendra par exemple,
pour commencer, le cas d’un concerto
baroque, et, plus précisément, le premier
mouvement du concerto le Printemps en
mi majeur des Quatre Saisons, où le violon
joue en soliste. On y entend successivement : une ritournelle dansante en mi majeur du tutti dans lequel se fond encore le
« violon principal « ; ce violon se détache
du peloton pour émettre des trilles imitant
le chant des oiseaux, et non mélodiques ; 2
autres violons solos sortent du rang pour
triller avec lui, comme dans un concerto
grosso ; après quoi le violon principal se
fond avec les premiers violons pour un
autre épisode imitatif en doubles croches
liées 2 par 2 évoquant les « zéphyrs » (mes.
31). C’est à la mesure 47 qu’il a droit à son
premier solo, pour lui tout seul, une sorte
de marche harmonique traitée en arpèges
brisés ; nouveau tutti sur le thème de ritournelle, en do dièse mineur, où le violon
solo redevient simple fantassin ; nouveau
solo à 3, avec 2 autres violons solos, pour
imiter les oiseaux ; thème secondaire du
tutti ; bref solo en doubles croches menant
à la ritournelle finale.
Dans ce bref inventaire, on peut constater : l’alternance serrée des solos et des
tutti ; la répartition tranchée des fonctions
entre des tutti qui se réservent la mélodie
(tutti auquel se joint alors le solo), et les
solos réservés à une virtuosité athématique et impersonnelle (gammes, arpèges,
marches harmoniques modulantes). Bref,
le soliste n’énonce jamais seul la partie
mélodique, laquelle s’identifie au tutti : le
tutti chante, le solo fait des gammes. Par
ailleurs, l’individualité de ce dernier n’est
pas mise en valeur autrement que par le
privilège de la virtuosité. Mais il faut se
hâter de dire que la situation se renverse
complètement dans le mouvement lent
central : l’orchestre se transforme alors en
« tapis d’accompagnement », et le violon
solo peut chanter alors tout son saoul,
en vedette, une grande aria d’inspiration
vocale et opératique. Quant au troisième
mouvement, il referme l’oeuvre sur une
Danza pastorale de forme rondo (refrain
et couplets) parfaitement identique de
structure au mouvement précédent.
Si l’on examine le Concerto pour clavecin et orchestre en ré mineur BWV 1052 de
Jean-Sébastien Bach, connu pour être une
transcription d’un concerto de violon, qui
pourrait être d’un autre compositeur, in-
connu, y trouve-t-on une forme essentiellement différente ? Le premier allegro de
ce concerto, également monothématique,
débute par une ritournelle de 6 mesures,
jouée à l’unisson par tout l’orchestre,
dans un style vivaldien. Le clavier, qui a
joué d’abord avec le tutti, commence par
un solo de virtuosité athématique ; une
nouvelle reprise de la ritournelle au tutti,
cette fois-ci harmonisée, ou plutôt contrepointée par 3 autres parties, évolue vers
le ton de la mineur ; nouveaux traits en
mouvement perpétuel du soliste, dans le
style des préludes du Clavier bien tempéré,
traits que l’orchestre accompagne d’imitations sur le début du thème ; c’est à la
mesure 40 que le soliste s’empare pour la
première fois de ce début de thème pour
le traiter en imitations simples (comme
le fait aussi le continuo). Il n’ira pas plus
loin dans ses interventions thématiques
en solo, mais, par contre, il ne cesse d’entretenir une perpétuelle ébullition rythmique et harmonique, avec des traits, des
ostinatos ; un superbe fondu enchaîné, où
l’orchestre s’efface à pas de loup derrière
lui, comme dans le 5e Concert brandebourgeois, lui laisse même un instant toute la
place pour poursuivre ce jeu de virtuosité.
Parallèlement, le clavier ne cesse pratiquement pas de doubler le continuo à la main
gauche, tout en jouant son rôle de soliste
ou en doublant les tutti - si bien qu’il joue
sans interruption. Dans ce concerto en ré
mineur, du point de vue de l’initiative thématique, le clavecin se trouve donc dans
la même situation que le violon de Vivaldi ; même si ses traits, ses ostinatos ont
une substance musicale autrement plus
consistante que chez Vivaldi. De même, le
mouvement lent laisse chanter le soliste à
loisir, avant un allegro final, qui, de structure identique au premier, semble simplement en être l’accélération, l’épuisement.
Les innovations apportées plus tard à
la forme du concerto visent, entre autres
buts, à casser cette symétrie, en transformant complètement le premier mouvement, mais sans toucher pour l’essentiel
à la simplicité de forme et d’allure du
dernier. C’est donc l’allegro initial qui fait
l’objet d’une « transfusion de formes »,
à partir de la sonate et de la symphonie.
On lui applique le cadre bithématique,
avec exposition réitérée, développement,
réexposition. Cette transposition, qui
doit tenir compte de la dualité soliste/orchestre, ne va pas sans obliger à des amé-
nagements qu’il est passionnant d’étudier
sur pièces, avant d’en parler en général,
à travers le cas particulier d’un des plus
beaux concertos : le K. 466 en ré mineur
pour piano et orchestre de Mozart, une
oeuvre souvent dite préromantique, mais
qui est du pur Mozart (Messiaen la rapproche des premières scènes de Don Giovanni).
Il faut d’abord préciser que les concertos dont fait partie le K. 466 étaient joués
par Mozart lui-même au clavier, d’où il
dirigeait également l’orchestre, et on rappellera, avec Paul et Eva Bakura-Skoda,
que tout en jouant sa partie, Mozart se
servait aussi de son clavier pour « assurer un continuo et étoffer l’harmonie ».
La présence de ce continuo, parfois écrit
en toutes notes et parfois non, s’explique
par le « manque de parties intermédiaires
explicitement écrites dans la plupart
des musiques du XVIIe et du début du
XVIIIe siècle ». Dans ce concerto, où une
partie de continuo est notée (mais n’est
pas toujours reproduite sur les éditions
modernes), ce continuo est parfois fait
de notes très graves, jouables seulement,
compte tenu du contexte, par une troisième main, ou sur un pédalier, comme
celui que Mozart s’était fait construire
pour son usage personnel. Avec le piano
moderne, une partie de ce continuo est
donc injouable telle quelle - mais il faut
souligner que les notes graves qu’il faisait
résonner étaient plus légères, plus transparentes que les notes équivalentes sur le
piano d’aujourd’hui. Ce continuo n’était
pas permanent et il était « purement harmonique, sans agréments, sans aucune
addition de matériel thématique ». Si bien
que dans les concertos de Mozart, le piano
« joue deux rôles distincts et contradictoires : celui d’un instrument soliste (...)
et celui d’un instrument d’orchestre ».
Mais la grande question de forme qui
nous intéresse ici est la suivante : le piano
jouait-il ce continuo dès le début, dès la
première exposition, c’est-à-dire avant le
moment officiellement écrit de son entrée ? Pour ce K. 466, on peut en douter,
et rejoindre l’opinion des Badura-Skoda,
qui constatent les difficultés de « doubler
les basses dans l’exposition sans détruire
l’effet de syncope des cordes, ainsi que le
contraste entre le solo et le tutti, particulièrement important dans ce concerto ».
On peut donc admettre que pour un certain nombre des grands concertos de Mozart, dont celui-ci, le piano attendait la fin
de la première exposition pour entrer. Le
contraire serait-il prouvé, que cela ne toucherait pas beaucoup l’analyse qui suit :
en effet, le piano continuo, qui double les
basses et les harmonies de l’exposition,
peut, à la limite, être considéré comme
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
243
un personnage, un rôle différent du piano
solo qui intervient plus tard.
Donc, ce premier mouvement commence par une exposition apparemment
complète, où le soliste reste muet. Cette
exposition comprend, mesures 1 à 22, le
premier thème, A, en ré mineur, agogique
et syncopé, dans le grave des cordes, qui
se termine sur un accord de dominante.
Un pont mène à des oscillations tragiques,
qui se stabilisent finalement sur ce même
accord de dominante sur la ; bref silence.
Au lieu de se résoudre, comme on l’attend,
en ré mineur, c’est un nouveau thème
(apparemment en fa majeur) qui résonne,
formé de deux éléments, sur le modèle
question/réponse (question aux hautbois
et aux bassons, réponse à la flûte - cela 3
fois consécutives). On peut alors considérer ce thème comme le thème B attendu,
au relatif majeur du thème principal, mais
faute d’être assuré que c’est lui vraiment,
ce deuxième thème que nous garantit par
contrat la forme sonate, nous l’appellerons pour le moment thème B. À travers
une marche harmonique d’abord ascendante, puis descendante, B a vite fait de
déclencher un nouveau tutti tragique,
avec des trémolos de violon, toujours en ré
mineur (d’ailleurs B est dans un fa majeur
« putatif », puisque sa quinte do n’est que
timidement effleurée). Ce tutti se termine
par un thème de coda, conclusif et résigné,
en ré mineur, aux violons (on verra plus
tard que ce thème secondaire est réservé
aux cordes seules, à cette place, et qu’il ne
sera pas repris par le soliste ni par un autre
pupitre).
L’exposition traditionnelle semble donc
terminée, mais le soliste entre, pour ouvrir ce que d’aucuns appellent la « vraie
exposition » (après la « fausse », celle de
l’orchestre seul), et que d’autres nomment
la « deuxième », mais que nous proposons
d’appeler l’exposition soliste, par opposi-
tion avec l’exposition orchestre qui précède.
Le piano, au lieu de reprendre le thème
A initial, attaque par un nouveau thème
en ré mineur, très simple et chantant, le
premier thème fortement dessiné dans ce
concerto (ceux précédemment entendus
ont un côté spasmodique, embryonnaire,
qui crée une atmosphère de « chaos primitif »). Ce thème, qu’on retrouvera par la
suite confié au piano et toujours à lui seul,
jamais repris ni même commenté par l’orchestre, ce thème qui signe donc l’identité
du soliste, a-t-il quelque chose de spécifiquement pianistique ? Nullement. Il
irait très bien à l’orchestre, de même que
le thème des cordes, à la fin de l’exposition orchestre, chanterait parfaitement
au piano. Simplement, l’un et l’autre sont
« réservés ». Ce nouveau thème énoncé
au piano seul s’accompagnant lui-même,
sans soutien, et qu’on appellera thème S
(comme « soliste »), se conclut par des
traits cadentiels où intervient l’orchestre
en soutien, et qui ramènent
enfin, mesure 91, au début de l’oeuvre,
c’est-à-dire au thème A syncopé, en ré
mineur, donc à l’exposition soliste proprement dite, qui est aussi une réexposition nous donnant à entendre beaucoup
de déjà entendu. Le piano laisse haleter
les cordes seules pendant 4 mesures, et ne
s’en mêle qu’à la mesure 95, rajoutant à la
main droite une sorte de basse d’Alberti
brisée, tout en doublant le continuo à la
main gauche. Plus la musique avance, plus
on voit alors le piano, d’abord pris dans
la masse, s’en dégager en montant dans
l’aigu, tirer l’attention à lui en dépassant
les cordes dans leur ascension. Il n’en faut
pas plus à Mozart pour signifier une relation pathétique d’indépendance surveillée
du soliste. À la mesure 108, l’orchestre s’est
complètement effacé en fondu, comme s’il
renonçait à suivre et déléguait la musique
au piano ; mais il rentre, mesure 110 en
tutti pour jouer les accords qui annoncent
le repos à la dominante. Mesure 115, de
nouveau résonne aux bois le début de ce
thème B, qui semblait avoir des prétentions de « second thème » de forme sonate,
et toujours dans ce ton ambigu fa majeur/
ré mineur. Seulement, aux réponses de
la flûte se substituent celles du piano, en
notes légères (comme s’il avait toujours eu
là sa place, et que la flûte l’avait remplacé
en son absence) ; et le ton de fa majeur, au
lieu d’être rapidement recouvert, comme
dans l’exposition orchestre, par le ré mi-
neur totalitaire, se confirme, se précise.
Une cadence de virtuosité du piano nous
amène en pleine lumière, d’abord énoncé
au piano solo (mes. 127), puis repris aux
vents (mes. 135), un thème tout nouveau
qui s’avère finalement être le seul, le vrai,
l’authentique thème B, au relatif majeur
(fa majeur), chantant et léger, tel qu’il
convient à un second thème de forme
sonate en mineur. Un thème B que l’exposition orchestre nous avait caché, contrairement à l’habitude même de Mozart, qui,
en principe, les énonce tous les deux, dès
le début.
Il s’avère aussi que dans l’exposition
orchestre, conformément à la règle du
concerto de forme sonate, on n’avait pratiquement pas quitté le ton de ré mineur,
hors cette échappée ambiguë, comme une
faible lueur, du thème B, qui de surcroît
« jouait » au deuxième thème. On commence à voir avec quel génie simple Mozart joue des phénomènes de prévisibilité,
de répétition, de préparation et de leurre
que lui permet le principe de la double
exposition. Comment, en jouant le jeu,
il joue avec lui et transfigure la convention, ou, plutôt, met à jour sa dimension
symbolique (ici, le déplacement introduit
par l’entrée du soliste personnage dans
une forme apparemment déjà constituée
et fermée). L’astuce de la forme sonate
dans le premier mouvement de concerto,
et qui n’est pas une invention de Mozart,
c’est donc que l’exposition soliste seule
donne aux 2 thèmes, qui constituent la
justification de sa structure, leur ton définitif : thème A au ton principal, thème B
à la dominante, ou, comme ici, au relatif
majeur (ou ailleurs mineur). L’exposition
orchestre, elle, doit maintenir le ton principal autant que possible. Pourquoi une
telle convention, qui peut être source de
monotonie, de renoncer à tout changement tonal marqué avant l’entrée du soliste ? Probablement pour éviter de briser
la continuité tonale avant cette entrée - et
peut-être aussi pour lui réserver la primeur des initiatives modulantes (ce qui
donne une fonction à son entrée, qui n’est
pas seulement d’ornementation et de prise
en charge d’une musique « déjà faite »).
Troisième raison probable : l’exposition
orchestre, dans le cas contraire, devrait se
conclure en affirmant le ton de la dominante ou du relatif, et l’entrée du soliste
dans le ton initial sonnerait alors comme
un « retour en arrière », un « recommen-
cement ». Le principe même de l’opposition de tonalité entre les 2 thèmes A et B
de l’exposition soliste relève évidemment
du souci de n’entrer dans le « vif du sujet »
qu’avec le soliste, pour donner à son intervention toute sa force, au lieu de le faire
arriver quand l’essentiel a été dit. D’où
l’idée de cette exposition orchestre (qu’il
est contestable d’appeler, comme le font
certains, une « fausse exposition », car
que faut-il entendre ici par vrai et faux ?),
qui prépare le terrain en affirmant obsessionnellement le ton principal - ce qui n’a
pas été sans gêner les compositeurs, les
incitant à rechercher d’autres solutions,
comme celle d’introduire tout de suite le
piano dans sa fonction thématique.
À ce propos, il est intéressant de lire
l’avis d’un musicologue anglais : « C’est en
fait, dit-il, une grande erreur de considérer l’introduction orchestrale (autrement
dit l’exposition orchestre) comme une
sorte d’exposition trompeuse (deceptive)
de forme sonate et une erreur encore plus
grande de considérer celle-ci et la véritable exposition, après l’entrée du soliste,
comme une double exposition » (Grove’s
Dictionary). Cette position exprime pour
le moins un embarras très partagé sur le
statut formel qu’il convient de donner à
ces expositions de concerto.
Alors commence le « développement »,
ou Durchführung en allemand, qui amène
ce qu’on appelle le « second solo » du
piano, le premier étant celui de l’exposition soliste, et le troisième celui de la
réexposition. Ici, le développement oppose (il s’agit bien d’opposition) le thème
S, toujours assumé par le piano seul, et
le début du thème A à l’orchestre, que
le soliste orne et environne de ses traits
rapides. On voyage ainsi du ton initial de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
244
fa majeur en sol mineur, puis en mi bémol
majeur, puis un fragment de A réduit à sa
cellule de base minimum donne lieu à un
épisode de virtuosité au piano, qui finit
par venir, comme essoufflé, se reposer
sur une pédale grave de la, préparant au
retour du ton initial et à la réexposition.
Cette réexposition, variée par les interventions et les ornementations du soliste,
nous confirme que le thème B, immuablement en fa majeur/ré mineur, est bien
un thème secondaire de transition, et que
B, ramené cette fois-ci de fa majeur en
ré mineur, est bien le second thème. Au
sortir du thème B, la virtuosité du piano
se fait de plus en plus pressante, amenant
bientôt le moment fatal de la cadence,
introduit par l’accord de quarte et sixte
du ton, qui prépare presque toujours ce
moment dans les concertos. Nous n’avons
pas, pour ce concerto, la cadence originale de Mozart, mais celles retrouvées
pour d’autres concertos permettent d’en
retrouver l’esprit : Paul Bakura-Skoda
propose ainsi (Alfred Brendel également)
une cadence dans le style de l’époque, car
il estime que celles de Beethoven, écrites
spécialement pour ce concerto, sont trop
romantiques et hors du style mozartien.
Selon lui, ces cadences étaient peu modulantes et ne troublaient pas excessivement
l’impression tonale fortement réaffirmée
par la réexposition, ce qui est logique, si
près de la fin. La cadence, assez développée, de Beethoven est à cet égard un véritable « second développement », creusant
à l’intérieur de la forme une cavité modulante supplémentaire réservée au soliste
seul et décentrant la forme. À la fin de
cette cadence, quelle qu’elle soit, le piano
prépare avec insistance le retour au ton
initial, dans lequel conclut le tutti, seul,
comme au début, le piano étant retourné
au silence.
On a vu ainsi à la fois la difficulté à
cerner, à nommer cette forme de premier
mouvement de concerto ; mais aussi l’art
avec lequel Mozart se sert de cette forme
« aménagée ». Ce principe d’un troisième thème (notamment repris dans le
concerto K. 491 en ut mineur), par lequel
entre le piano et qui lui est réservé, le pose
tout de suite comme individu irréductible et casse la littéralité de la nouvelle
exposition, déplaçant ses perspectives,
donnant une nouvelle force aux thèmes
déjà entendus, dérangeant leurs rapports
respectifs, entre eux et par rapport à lui.
Faisons l’expérience (mentale) d’amputer
du début de l’exposition soliste ce thème
additionnel S, et joignons directement la
fin de l’exposition orchestre à la reprise
de A, telle qu’elle figure dans l’exposition
soliste. Cela reste beau, mais textuel, répétitif, symétrique ; et le pianiste dès lors ne
semble entrer que pour ajouter ses broderies.
Une étude des autres premiers mouvements de concertos de Mozart montrerait
comment, dans cette forme à « double exposition », l’entrée du soliste est préparée
de telle sorte qu’elle n’est pas seulement
comme une addition sur un texte initial.
Les rapports apparemment, indéfinissables, entre cette fausse préexposition,
ou ouverture, et cette exposition seconde,
ou « vraie », s’éclaireront peut-être mieux
si l’on se réfère à l’opéra : il y a l’ouverture qui énonce des thèmes projetés vers
le futur, thèmes qui « vont avoir lieu », et
l’action qui les amène au présent, qui les
actualise et les inscrit forcément comme
« déjà entendus ». Cette rétroaction se
retrouve dans la double exposition de
concerto. Il n’y a pas de présent pur dans
l’opéra ni dans le concerto, en ce cas,
puisque le présent tire sa force d’avoir déjà
eu lieu, sous la forme d’une « annonce »
(comme entre l’ouverture de Don Giovanni et la scène finale du Commandeur).
Mais il a eu lieu, sans la voix, sans le personnage. Ce personnage, c’est ici le piano,
dont la présence actualise les thèmes et
leur donne leur essor définitif, leur être.
Après ces chefs-d’oeuvre mozartiens
qui fixent moins le genre dans une forme
intouchable qu’ils n’en exploitent la dramaturgie d’une manière unique et bouleversante, le concerto suit une double évolution : d’une part, vers un concerto facile
et brillant, où le compositeur ne donne de
lui-même que son savoir-faire, son savoirbriller ; d’autre part, vers des recherches
diverses, au coup par coup, pour régénérer le genre, le rééquilibrer.
En règle générale, l’orchestre de
concerto grossit, s’enrichit de plus en plus
souvent des cuivres et des timbales (exceptionnels chez Mozart), tandis que, parallèlement, le soliste gagne en technique,
et son instrument en possibilités de jeu.
Ainsi Beethoven « touche-t-il » au
moule du concerto pour introduire des
innovations, dont aucune ne deviendra la
règle : d’une part, il introduit tout de suite
le soliste (concerto pour piano no 4 en sol
majeur, et surtout no 5, l’Empereur, en mi
bémol majeur, où le piano prélude par
une cadence de virtuosité) ; d’autre part,
il lie le 2e et le 3e mouvement, le passage de
l’un à l’autre étant traité comme une nouvelle « genèse » où se prépare et s’édifie le
thème nouveau. Le premier mouvement
de l’Empereur, notamment, est merveil-
leusement construit pour tenir la durée, et
habile à relancer l’intérêt dans l’exposition
soliste, bien que tous les thèmes aient déjà
été entendus dans l’exposition orchestre.
Ce principe de la soudure entre les 2e et
3e mouvements sera repris par Mendelssohn, dans son Concerto pour violon en
mi mineur op. 64, qui enchaîne presque
sans reprendre sa respiration ses 3 mouvements. La jonction entre les 2 derniers
y est assurée par un bref allegretto, dont
le rôle, comme chez Beethoven, est de
préparer l’éclatement du rondo, et aussi
de le retarder. Même préoccupation chez
Schumann (Concerto pour piano en la
mineur), dans un épisode interstitiel qui
fait naître lentement le thème du rondo
final à partir d’un rappel du thème principal du premier mouvement, soulignant
par là leur unité thématique, et le principe
cyclique qui régit la forme. Tout se passe,
en fait, comme si l’on cherchait à franchir
d’une manière mieux préparée, moins
brutale, plus réfléchie, l’abîme qui sépare
le 2e mouvement lyrique ou rêveur, et le
dernier mouvement, délibérément facile
et optimiste, négateur de toute tension.
Saut qui se produit justement là où, dans
la symphonie, le scherzo ou le menuet
vient faire « tampon » entre le mouvement lent et le finale. On peut voir aussi,
chez Schumann, comment la division en
2 expositions, dans le premier mouvement, a été remplacée par une exposition
unique, où le piano solo, abrégeant les
formalités, rentre tout de suite dans le vif
du sujet : comment aussi le piano et l’orchestre collaborent plus étroitement, sans
ce compartimentage des rôles, ce code de
conduite auquel se plient les concertos de
Mozart. Ainsi, tantôt les violons doublent
la main gauche du piano, tantôt, inversement, le piano répand généreusement
sur l’orchestre les fruits de sa virtuosité,
sans attendre son tour. Plus souple, plus
raffinée et coulante, la forme est peut-être
moins tendue dramatiquement que chez
Mozart, ou plutôt sa dramaturgie tend à
se calquer sur celle de la symphonie, une
symphonie-concerto. En revanche, sa
rhétorique (tout ce vocabulaire de base de
traits, d’échos, de répliques, de ponctuations, d’échanges) reste à peu près semblable, même si elle s’enrichit de quelques
procédés nouveaux.
Un texte de Schumann, écrit en 1839
dans sa Revue musicale, à propos du
concerto pour piano en ré mineur de
Mendelssohn, donne le ton de ce désir
de rénovation que les compositeurs un
peu ambitieux manifestaient à l’endroit
du concerto. Il constate d’abord que les
progrès du piano, le fait qu’il puisse se
suffire, pourraient entraîner le déclin du
genre : « Le nouveau jeu du piano veut,
par bravade, dominer la symphonie à
l’aide de ses seuls moyens propres, et c’est
là qu’on peut chercher la raison de ce fait
que la dernière époque a donné naissance
à si peu de concertos de piano (...). Nous
devons donc attendre le génie qui nous
montrera, d’une neuve et brillante manière, comment l’orchestre doit être lié au
piano, de façon que celui qui domine l’ensemble, assis au clavier, puisse épanouir la
richesse de son instrument et de son art,
et que cependant l’orchestre, occupant
auprès de lui plus que le simple rôle de
spectateur, traverse artistement la scène
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de ses caractères variés. » Notons que
Schumann, lui-même, use d’un vocabulaire se référant au théâtre. Mais il réclame
de « sérieux et dignes solos de concert »,
et pas des cascades de trilles et de sauts
d’octave. Autre suggestion : « Le scherzo
(...) tel que la symphonie et la sonate nous
l’ont rendu familier ne pourrait-il pas être
introduit avec effet dans le concerto ? Il
en résulterait un agréable tournoi avec les
instruments solos de l’orchestre. » (Traduction, Henri de Curzon.)
Avec l’intermezzo central de son
Concerto pour piano (écrit entre 1841 et
1846) substitué au mouvement lent habituel, Schumann tente l’expérience. Mais
dans son Concerto no 2 en « si » bémol,
Brahms va plus loin, puisqu’il ajoute ce
scherzo, un vrai scherzo de symphonie,
en ré mineur, avec un trio en fanfare,
aux 3 mouvements de rigueur et cela en
deuxième position, entre l’allegro appassionnato et l’andante. Mais l’allegretto
gracioso final se plie au rite du rondo
insouciant, et dès le début de ce rondo,
encore une fois, tout semble joué. Ce
concerto, qui est peut-être le plus vaste du
répertoire, un vrai concerto-symphonie,
se rallie finalement à un modèle qui date
de Vivaldi. Les autres concertos à 4 ou 5
mouvements enchaînés, qui seront tentés
par Liszt ou Saint-Saëns, seront de proportions plus réduites.
Au XXe siècle, beaucoup de musiciens
prennent le concerto dans son moule
classique en 3 mouvements et redonnent
une certaine vitalité à la virtuosité : Béla
Bartók, ainsi, s’accommode très bien de
ses conventions, car le « brillant » est une
des touches de sa palette, et il sait assumer
la virtuosité tout en la rendant nerveuse,
inquiète, tendue, en quête d’on ne sait
quelle réponse. Prokofiev, lui, joue aussi
à fond le jeu du concerto, dans une perspective dynamique : le Troisième Concerto
pour piano, avec son andante à variations,
est une belle coulée d’énergie, dans une
tradition illustrée par les Italiens et par
Jean-Sébastien Bach. À la fin de sa vie,
Bartók s’acquitte même d’une commande
de « concerto pour orchestre » (titre déjà
utilisé par Kodály). Autant dire pour orchestre et... lui-même ; non point tant un
concerto où les pupitres font tour à tour la
parade devant la masse dont ils sont issus
(situation illustrée par le seul deuxième
mouvement, le « jeu des couples »), mais
une oeuvre où l’orchestre se regarde dans
un miroir et se fait une démonstration
d’homogénéité, de puissance et de virtuosité - toujours la revue des troupes, mais
avec le chef d’orchestre pour seul capitaine. Ici, la volonté de faire une oeuvre
« extérieure » est délibérée.
On se souvient peut-être que le ballet Petrouchka de Stravinski est né d’une
idée de concerto ; nouvel indice de l’essence dramaturgique de ce genre, dont
témoigne le récit du compositeur : il rêvait
de traiter le piano comme un personnage,
« un pantin subitement déchaîné, qui, par
ses cascades d’arpèges diaboliques, exaspère la patience de l’orchestre, lequel à son
tour par des fanfares menaçantes... ». Fanfares contre arpèges, la puissance contre la
vélocité, on retrouve ici l’idée qui préside
à tant de concertos.
Aujourd’hui, le titre « concerto » est
moins utilisé qu’autrefois, mais nombre
d’oeuvres dites d’« avant-garde » sont bien
des « cryptoconcertos » s’inspirant de
procédés propres à ce genre : qu’il s’agisse
de la Grande Aulodie de Bruno Maderna,
pour flûte, hautbois et orchestre atomisé en petits groupes ; des Domaines de
Pierre Boulez, pour clarinette et groupes
d’orchestre, où le soliste se mesure de
même à un orchestre éclaté ; des Synaphaï, pour piano et orchestre, de Xenakis,
morceau de bravoure assez lisztien ; ou
des grandes pièces pour orchestre ou ensemble instrumental avec piano d’Olivier
Messiaen, déjà citées (Turangalîla-Symphonie, Réveil des oiseaux, Couleurs de la
cité céleste), ou encore de Tout un monde
lointain, pour violoncelle et orchestre,
d’Henri Dutilleux. Ces oeuvres utilisent
le soliste dans une tradition bien établie,
même si elles ne reprennent pas la coupe
en 3 parties. D’autres oeuvres, comme le
Concerto grosso, de Vºinko Globokar, sont
une réflexion sur le genre concertant et le
statut de soliste, que remet en jeu l’écriture contemporaine, soit par dilution de
son identité dans une poussière d’effets
sonores, soit par promotion de chaque
membre d’un orchestre au rang de soliste,
qui se trouve, dès lors, déchu de ses privilèges. Beaucoup d’oeuvres modernes sont
des espèces de « sociodrames » musicaux
et cherchent à critiquer ou à rénover les
rôles traditionnels (Stockhausen, Nono,
Kagel, Ligeti, Ferrari, etc.), mais elles
témoignent souvent, par leur ambiguïté,
qu’il n’est pas si facile de briser les schémas anciens et d’en trouver de nouveaux.
Mais des Concertos ont été écrits tout récemment par Ligeti, Marcel Landowski,
Renaud Gagneux, Lutoslawski, Michel
Decoust, Heinz Holliger.
Le concerto, tel le fameux couteau de
Lichtenberg (couteau sans lame, auquel il
manque le manche), est un concept, qui, à
la limite, se passe de soliste et d’orchestre :
on a eu le Concerto sans orchestre pour
piano seul de Schumann, et le Concerto
pour orchestre (sans soliste) de Bartók.
Que reste-t-il, si l’on supprime la lame et
le manche ? Un mystérieux esprit concertant, baladeur et volubile, dont on sait seulement que quelque chose de l’ordre de
la parade et du miroir s’y exhibe, quelque
chose de typiquement humain.
CONCERTO GROSSO.
La forme du concerto grosso fait appel à
une répartition tripartite de la masse sonore : un violon principal dont le rôle est
strictement fonctionnel ; le concertino qui
groupe un ensemble restreint de solistes ;
le grosso (ripieno) ou tutti qui représente
l’anonymat de l’orchestre. Si le nom de
concerto grosso apparaît dans l’édition de
l’opus 2 de L. Gregori (1698), les premiers
compositeurs qui semblent s’y être intéressés sont Stradella (1676), Corelli (1682),
Gregori (1698), Muffat (1701) et Torelli
(1709). Mais c’est A. Corelli (1653-1713)
qui est le véritable créateur de la coupe
classique du concerto grosso. Il en laisse
douze, dont huit relèvent du style d’église
et quatre du style de chambre. L’effectif
instrumental est identique pour tous les
concertos : 2 violons et basse continue
pour le concertino ; 2 violons, 1 alto et
basse continue pour le grosso. Chaque
groupe instrumental possède sa basse
chiffrée et la forme générale de ces oeuvres
hésite entre celle du concerto d’église en
quatre mouvements et celle du concerto
de chambre en quatre ou sept morceaux
inspirés des formes et des titres de danse.
Quelques concertos de Corelli sont en
cinq mouvements séparés par deux repos :
grave, allegro-vivace-largo et allegro. Parallèlement, G. Torelli (1658-1709) renforce l’effectif du grosso par les hautbois,
bassons, trompettes et timbales, mais c’est
A. Vivaldi (1678-1741) qui dote, définitivement, le concerto grosso d’une coupe en
trois mouvements : allegro, adagio, allegro. Généralement, les deux allegros sont
de forme sonate monothématique, avec
réexposition de l’idée au ton principal, ou
de forme rondo. Quant à la pièce lente,
elle est, le plus souvent, de forme binaire
et construite autour d’une ritournelle
qui revient périodiquement et toujours
modifiée. Même si Vivaldi écrit aussi des
concertos grossos en quatre, cinq ou sept
mouvements, il codifie le plan classique de
cette forme qui s’exporte à travers toute
l’Europe. L’Allemagne l’accueille très favorablement, et ses compositeurs se plaisent
à offrir des versions interchangeables entre
les cordes et les vents, pour les concertinos. On assiste également à une multiplication des combinaisons instrumentales,
qui fait beaucoup pour l’enrichissement du
groupe de solistes.
Mais la forme la plus achevée du
concerto grosso est représentée par
les « Six concerts avec plusieurs instruments » de J.-S. Bach (1685-1750). Dans
les Concerts II, IV et V, il oppose le concertino au grosso ; dans les I, III, VI, les
parties concertantes agissent en groupe,
quitte à voir apparaître, de temps à autre,
un instrument soliste. Les combinaisons
instrumentales sont très variées et offrent
une place de choix aux vents. En dehors
du premier, ces concerts sont tous en trois
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mouvements avec un allegro monothématique ou bithématique (II), un adagio
de forme binaire (II, IV, V, VI), ou qui
se résume à 2 mesures (I) ou à 2 accords
(III) ; un final monothématique fugué (II,
III, V) ou non (IV), de forme rondo (I),
ou construit sur trois éléments (VI). Dans
le 4e concert, l’adagio s’enchaîne au final.
Avec son 5e concert, J.-S. Bach ouvre la
voie au concerto de soliste pour clavier,
à cette forme qui, précisément, supplante
pour un temps celle du concerto grosso.
Il faut attendre le « retour à Bach » du
XXe siècle pour voir les compositeurs se
pencher de nouveau sur cette forme : E.
Bloch, M. Reger, H. Kaminski, E. Krenek,
P. Hindemith, B. Bartók, W. Lutowslawski, I. Stravinski... Si la coupe ternaire reste généralement de rigueur, le
style, le rythme, les combinaisons instrumentales et le langage harmonique sont
du XXe siècle, et toutes les esthétiques
contemporaines peuvent s’adresser à cette
forme revivifiée.
CONCERT SPIRITUEL.
Entreprise de concerts publics fondée en
1725 à Paris par Anne Danican Philidor
et qui poursuivit ses activités jusqu’au 13
mai 1790, totalisant près de 1 300 manifestations.
Au début, on y entendit beaucoup de
motets de Lalande, mais le répertoire tant
vocal qu’instrumental et tant français
qu’étranger évolua avec le temps : de la
fin des années 1730 au début des années
1760, il fit une large place à Mondonville,
et, à partir de 1777, il fut de plus en plus
dominé par les symphonies de Haydn.
Le Concert spirituel servit de modèle et
d’exemple à plusieurs institutions semblables nées en Europe dans le courant
du siècle (concerts Bach-Abel à Londres,
concerts du Gewandhaus à Leipzig), et
pour un instrumentiste ou un chanteur, y
débuter était un événement important. La
direction fut assurée par Philidor jusqu’en
1727, puis le privilège passa à Pierre
Smart et Jean-Joseph Mouret (17281733), à l’Académie royale de musique
(1734-1748), à Pancrace Royer et Gabriel
Capperan (1748-1762, à ceci près qu’en
1755 Royer fut remplacé par sa veuve), à
Antoine Dauvergne, Gabriel Capperan
et Nicolas-André Joliveau (1762-1771), à
Antoine Dauvergne et Pierre Montan Berton (1771-1773), à Pierre Gaviniès, Simon
Leduc et François-Joseph Gossec (17731777), et enfin à Joseph Legros (17771790). Les concerts eurent lieu jusqu’en
avril 1784 dans les salles des Suisses (ou
des Cent-Suisses) du palais des Tuileries,
puis dans la salle des Machines (occupée
de 1770 à 1782 par la Comédie-Française)
du même palais. Au dernier concert dans
l’ancienne salle (13 avril 1784), on programme exprès, sous le titre de « Symphonie où l’on s’en va », la Symphonie des
Adieux (no 45 en fa dièse mineur, composée en 1772) de Haydn. À partir du 24
décembre 1789, la famille royale s’étant
installée aux Tuileries, les concerts furent
organisés en divers autres lieux.
TRENTE (CONCILE DE).
La nécessité de réunir un concile oecuménique s’imposait depuis des années, et le
pape Paul III, face aux progrès de la Réforme, s’y était décidé dès 1536. Mais les
grandes puissances catholiques - le Saint
Empire romain germanique, l’Espagne, la
France et le Saint-Siège lui-même - étaient
si divisées que le concile ne put siéger à
Mantoue en 1537, ni à Vicence l’année suivante. Une trêve dans ces conflits armés
ou non intervint enfin en 1544, et le pape
convoqua les pères conciliaires pour 1545
à Trente, cité choisie parce qu’elle était à la
fois italienne et ville d’Empire. Le concile
s’ouvrit le 13 décembre avec trente-quatre
participants seulement, presque tous italiens. Transféré à Bologne en 1547 pour
cause d’épidémie, il fut ajourné sine die en
1549. Un nouveau pape, Jules III, le rouvrit
à Trente en 1551 et le suspendit une fois de
plus en 1552. Son successeur Paul IV, hostile au principe même du concile, se garda
bien de le ressusciter, et c’est Pie IV qui
s’en chargea en 1562 après dix ans d’interruption. La vingt-cinquième et dernière
session eut lieu en décembre 1563.
Parfaitement conscient du fait que la
Réforme était née d’une révolte contre les
abus d’un clergé laxiste et corrompu, Paul
III avait espéré lui couper l’herbe sous le
pied et ramener au bercail les brebis égarées. Mais il était déjà beaucoup trop tard,
et il fallut y renoncer, du moins dans l’im-
médiat. En revanche, le concile de Trente
s’attacha à définir la position de l’Église en
matière de dogme et à remettre de l’ordre
dans ses institutions, jetant ainsi les bases
d’une contre-réforme qui devait porter ses
fruits au siècle suivant. Discipline et austérité étaient donc à l’ordre du jour. Elles ne
pouvaient épargner la liturgie et, partant,
la musique qui accompagne les offices.
(Un semblable souci de ne plus prêter le
flanc à l’accusation de triomphalisme devait jouer un grand rôle quatre siècles plus
tard, lors du concile Vatican II.) Les plus
zélés des pères conciliaires n’envisageaient
rien moins que le retour pur et simple au
chant grégorien et l’interdiction de toute
musique contemporaine. Ils ne furent
guère suivis et, dans son avant-dernière
session du 11 novembre 1563, le concile
se borna à formuler des recommandations
qui visaient certains excès de la polyphonie moderne : l’abus du style fugué, qui
tendait à rendre incompréhensibles les
textes sacrés à force de répétitions et de
superpositions, et surtout celui des tropes
(ou « farcis ») empruntés à des chansons
ou des danses profanes de caractère parfois licencieux.
Pour appliquer ces consignes générales,
le pape Pie IV nomma, le 2 avril 1564,
une commission de huit cardinaux où
figuraient notamment son neveu Charles
Borromée, futur saint et Michel Ghisleri,
le futur pape Pie V (qui devait être également canonisé). À son tour, cette commission invita le collège des chanteurs
apostoliques à désigner huit délégués pour
élaborer les détails de la réforme. L’illustre
Palestrina, ancien protégé du pape Jules
III, n’en faisait pas partie, ayant été exclu
de la Sixtine par une décision antérieure,
en tant qu’homme marié. C’est pourtant
lui qui fournit le modèle à suivre avec sa
fameuse Messe du pape Marcel, à six voix,
dédiée pour des raisons diplomatiques à
ce pontife qui n’avait régné que trois semaines en avril 1555. Pie IV l’entendit le
19 juin 1565 et, enthousiasmé, créa pour
son auteur le poste de compositeur de la
chapelle apostolique. À moins de deux ans
de la clôture du concile, le profil de la musique sacrée selon le rite romain était fixé.
CONCITATO (ital. : « agité »).
Terme par lequel Monteverdi, en 1638
(préface du 8e livre de madrigaux), désigna
un style particulier de récitatif, dont il se
proclamait l’inventeur.
Il consiste en une déclamation musicale
rapide, sans battue rigoureuse de mesure
et comportant de nombreuses répétitions
de notes, qui devait être articulée avec
toutes les nuances expressives de la parole
prononcée dans un mouvement d’émotion. Le genre est, du reste, antérieur au
mot : sous le nom de « genre représentatif », le madrigal du 7e livre (1619), dit
La lettera amorosa, en offrait déjà l’un des
exemples les plus parfaits.
CONCORDANT.
Terme employé au XVIIe siècle pour désigner une voix intermédiaire entre la basse
et le ténor, soit approximativement notre
baryton.
Dans la famille des violes, instrument
correspondant à la même tessiture, entre
la basse et la « taille ».
CONCRÈTE (MUSIQUE).
Nom donné en 1948 par Pierre Schaeffer
à une nouvelle forme d’expression musicale, dont il fut l’inventeur et, avec Pierre
Henry, le pionnier principal. Cette forme
consiste à composer à partir de sons enregistrés (sur disque puis sur bande magnétique), en travaillant et en combinant ces
sons à différents niveaux, en les enregistrant, en les manipulant sur leur support
d’enregistrement sans passer, la plupart
du temps, par une notation préalable,
d’ailleurs impossible. En quelque sorte, la
musique concrète était à la musique instrumentale ce que le cinéma est au théâtre.
Les sons utilisés étaient de provenances
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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diverses (instrumentale, anecdotique,
« naturelle », issus de corps sonores tels
que tiges, ressorts, tôles, etc.), mais le plus
souvent microphoniques, c’est-à-dire captés dans un espace quelconque, à partir
d’un corps résonnant, par opposition aux
sons électroniques, créés par des oscillations électriques transmises directement
au haut-parleur, qu’employait alors la musique électronique, née en Allemagne.
Aujourd’hui, à tort ou à raison, la « mu-
sique concrète » est considérée comme
un courant révolu ; comme le cubisme en
peinture, elle correspond à une recherche
qui a été englobée, absorbée par d’autres
courants, et l’on parle plutôt aujourd’hui,
pour les oeuvres composées avec cette
technique, de musique électroacoustique.
Cependant, dès le départ, la musique
concrète était pour Pierre Schaeffer, son
inventeur, plus qu’une nouvelle technique
« futuriste » parmi d’autres ; c’était surtout une nouvelle manière de faire, de
comprendre, d’entendre la musique. C’est
pourquoi les lignes qui suivent, dues à
Pierre Schaeffer lui-même, ne parlent de
la musique concrète qu’en la resituant
dans le contexte plus global de la musique
contemporaine, et d’abord par rapport à la
musique électronique avec laquelle elle fut
un temps opposée.
Résolument acoustique, la musique
concrète cherche son matériau dans les
corps sonores, dont le son est capté par
micro et éventuellement manipulé après
enregistrement : soit mécaniquement (par
montage ou variation de vitesse de lecture), soit électriquement (par filtrage du
spectre des fréquences et amplification).
La musique électronique, née en 1950 au
studio de la radio de Cologne, recourt au
son synthétique fourni par des oscillateurs
électriques de fréquences ou des générateurs d’impulsions. Ces sons qui ne préexistent pas dans la nature ne sont perçus qu’après avoir été amplifiés et rendus
audibles par les haut-parleurs.
La symétrie des procédés ne s’oppose
pas seulement comme l’analyse des sons
naturels ou la synthèse de sons artificiels. Elle révèle aussi bien deux sources
d’inspiration : l’une fondée sur le goût
des sons acoustiques et le recours à leurs
ressources, l’autre sur la détermination,
par la théorie et le calcul, de réaliser des
sons mentalement préconçus. Ainsi s’affrontent aussitôt « empiristes » et « rationalistes ».
Quant aux résultats, de toute façon surprenants, ils montrent que les sons naturels, après manipulation, sont souvent
plus « inouïs », plus riches, plus vivants
que les sons électroniques, qui révèlent
volontiers leur commune origine : le
« timbre » du synthétiseur, dont les variations, théoriquement illimitées, sont vite
banalisées.
Enfin deux esthétiques spontanées
résultaient de procédés divergents, mais
tous deux primitifs dans les années 50. La
musique concrète de Pierre Schaeffer et de
Pierre Henry fut tout d’abord réalisée au
tourne-disque, faute de magnétophone.
Les prélèvements sonores étaient isolés
sur des « sillons fermés », recombinés
entre eux par copie et mélanges successifs.
La musique électronique de Herbert Eimert, bientôt rejoint par K. H. Stockhausen et aidé de l’acousticien Meyer-Eppler,
permettait des subtiles « mixtures » de
fréquences, mais de quel clavier disposer
pour en jouer, sauf à recourir au mélochord de Bode et au trautonium de Trautwein ?
LES ANCÊTRES.
Aux deux procédés de renouvellement
du sonore, voire du musical, on cherche
volontiers des précédents. Les musiciens
concrets auraient alors pour précurseurs
les « bruitistes » italiens, dont le manifeste l’Art des bruits date de 1913. Pierre
Henry rend un hommage ultérieur à Russolo et Marinetti dans son oeuvre Futuristie (1975), ce qui n’empêche pas Pierre
Schaeffer de nier toute parenté avec ce
mouvement, totalement oublié en 1948,
et, en tout cas, inconnu de lui à l’époque.
De même, quel que soit le mérite des
pionniers allemands précités, Bode et
Trautwein, dont l’émule français est Maurice Martenot, leur propos commun était
d’adjoindre les performances variées et
étendues d’un instrument électronique à
ceux de l’orchestre, mais registré dans la
tradition musicale. Cet emploi fut d’ailleurs illustré notamment par Hindemith
pour le trautonium en 1931, et, pour les
ondes, Martenot par des oeuvres de Milhaud, Messiaen et Jolivet.
Les parentés authentiques doivent être
recherchées ailleurs et au-delà des apparences. Si la musique concrète accepte le
bruit comme matériau, c’est pour le traiter comme matière première et en tirer
des sons estimés « convenables » au propos musical. Si la musique électronique
recherche la pierre philosophale dans la
combinatoire des fréquences, c’est pour
outrepasser le domaine traditionnel, déjà
condamné par l’école de Vienne. Même
si les premières oeuvres concrètes s’intitulent Études de bruits, c’est davantage
par modestie que par prétention futu-
riste ou surréaliste. En fait, dès l’arrivée
des magnétophones, en 1950, la musique
concrète applique au son les techniques
du cinéma pour l’image. De leur côté, les
musiciens électroniques postulent le progrès musical, soit pour dépasser la performance des instrumentistes traditionnels,
soit pour fournir aux compositeurs, avec
une rigueur accrue, l’extension de leur
combinatoire.
LES MUSIQUES D’ÉPOQUE.
On ne saurait bien élucider la divergence
précédente sans évoquer son interférence
avec d’autres courants.
On rappellera d’abord brièvement la
crise dominante de la musique contemporaine, qui oppose, en ce milieu du
XXe siècle, les héroïques défenseurs de
la tradition mélodico-harmonique et les
doctrinaires de la série.
Si Varèse est revendiqué comme précurseur par des tendances divergentes,
c’est bien parce que son oeuvre reste équivoque autant que novatrice. On peut aussi
bien en critiquer l’aspect concret, l’incorporation d’un montage de bruits peu
convainquant sur bande magnétique en
solo avec l’orchestre. Déserts, créé en 1954
aux Champs-Élysées, conjugue l’orchestre
de l’O. R. T. F. dirigé par Hermann Scherchen avec du « son organisé » (avec l’aide
de Pierre Henry, quoique retravaillé par
l’auteur sans cesse depuis lors). Si Xenakis
fait un passage à la musique concrète, en
1956, c’est pour s’en écarter bientôt, en
préférant orchestrer directement à partir de modèles inspirés soit de modèles
géométriques, soit de ceux des lois du hasard. Si, enfin, des compositeurs comme
Ivo Malec et François-Bernard Mâche
s’inspirent volontiers de leurs pratiques
concrètes, c’est souvent pour confier à
l’orchestre, par une nouvelle écriture, le
soin de recréer un sonore plus proche de
l’exécution musicale habituelle.
LES ÉCHAPPATOIRES.
Émerge John Cage, dont on ne sait jamais
s’il se prend au sérieux lorsqu’il propose
quelques minutes de silence (les bruits
de l’auditoire constituent l’oeuvre), ou un
clauster répété plus de trois cents fois au
piano, ou un concert de postes de T. S. F.
Pourtant, parmi nombre d’excentricités
figurent des pièces pour piano préparé (du
« Mozart pour gamelong »), dont il est
l’inventeur. Contemporain de la musique
concrète, c’est ce piano, rempli de crayons
et de gommes qu’emploie aussi avec virtuosité Pierre Henry (dont Bidule en
« ut »). De son côté, Mauricio Kagel propose un spectacle musical à la fois sérieux
et dérisoire, qui tient davantage du happening que de l’art musical.
UN CHASSÉ-CROISÉ.
Entre-temps, les plus fanatiques défenseurs de la musique calculée et rigoureuse
(et à leur tête Stockhausen) ont incorporé
dans leurs oeuvres, toujours réputées électroniques, les pires excès de la confusion
sonore, ceux-là mêmes dont ils accusaient la musique concrète à ses débuts, et
qu’elle-même réprouvait : voix déformées,
piaulements de récepteurs de radio, débris
d’hymnes nationaux, bruits bizarres, mélopées de nirvāna à bouche fermée, inspirées par la foi du charbonnier dans un
boudha d’importation.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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En somme, vingt ans après 1948, la
revanche des concrets était complète et
souvent pour le pire, et bien contre le gré
des fondateurs. Sous le nom de musique
électronique, c’était tantôt le morne déroulement des événements sonores, tantôt leur malaxage injustifié. Inversement,
bien des groupes issus de l’expérience
concrète s’étaient mis à l’électronique,
attendant eux aussi, du perfectionnement
des synthétiseurs, voire de l’informatique,
les ressources d’une musique introuvable.
Quant à l’orchestre, il restait à l’émanciper. Les tenants des idées de 1968 lui
reprochèrent de rester soumis à la férule
du chef, au diktat du compositeur. Libérés
du chef, les musiciens se devaient désormais d’apporter chacun leur créativité.
Enfin, le dernier trait de la modernité était
de jouer des instruments à rebours : des
instruments à cordes derrière le chevalet,
des instruments à vent comme claquettes
et de la voix comme cri.
LE PUBLIC.
On ne peut guère s’étonner dans ces
conditions que le grand public ait décroché, n’ait plus trouvé dans la pratique du
concert, même soutenue par le snobisme
ou la technologie, le plaisir musical auquel
la tradition l’avait habitué. D’où le transfert massif de la jeunesse sur la pop music,
qui ne s’inspire pas forcément du meilleur
jazz, et son engouement pour la musique
classique. D’où la difficulté de la discographie, qui a beau présenter des collections
assez complètes d’un quart de siècle de
musique expérimentale, sans pouvoir s’assurer vraiment un succès populaire. Pierre
Henry seul a connu quelques « tubes », du
jerk à l’apocalypse, lancé aussi par le succès des Ballets de Béjart, que sa musique
accompagnait.
C’est que Pierre Henry a pu convoquer,
à différentes reprises, des foules de jeunes
en audition directe, avides de retrouver le
jeu des fonctions musicales, de bénéficier
du « voyage » proposé dans l’espace imaginaire, par cet extraordinaire aventurier du
long parcours sonore.
D’où la faveur enfin de musiques exotiques répondant presque seules à ces
fonctions de « mise en condition ». C’est
bien là, on le sait, le propos avoué des musiques qui nous viennent d’Orient, pour
la méditation, ou d’Afrique, pour une
danse qui va jusqu’à la possession. Faute
de retrouver une authentique tradition
d’« états intérieurs », vraiment conscients
et consciencieux, on se contente en général du vague à l’âme et de la chaleur
communicative qui résulte des grands
rassemblements. Soit que l’accumulation
des participants et des formations de pop
music rétablisse un climat de fête, soit que
la redondance des musiques répétitives,
avec leurs infimes variantes, fournisse aux
usagers une « drogue de la durée », en retrouvant spontanément la fascination des
primitifs « sillons fermés ».
LA RECHERCHE MUSICALE.
Cette expression évoque tantôt les oeuvres
d’essai ou d’avant-garde, tantôt la recherche instrumentale de « nouveaux
moyens », plus rarement une démarche
fondamentale, dont on ignore si elle relève
de la science ou de l’art. À la vocation de
compositeur P. Schaeffer préfère celle de
chercheur. Il définit une recherche fondamentale en musique à l’instar d’une linguistique, encore qu’il dénonce le transfert
abusif du modèle de la langue. La musique
est précisément ce que le langage des mots
n’atteint pas. Pourtant, la même « articulation » semble jouer entre sonore et
musical tout comme entre phonétique et
phonologique. Avant même de songer au
« langage musical » dans une « articulation
supérieure », on peut donc préconiser une
approche de l’objet sonore, porteur potentiel de valeurs ou caractères musicaux.
Deux différences apparaissent alors tant
avec la musicologie qu’avec la linguistique
traditionnelle. Ces deux démarches partaient de langages existants, d’un code
culturel, dont les unités élémentaires sont
déduites grâce au contexte. Dans une
musique en devenir, postulée à partir de
matériaux « inouïs », la tentation est de
remonter de l’élément à l’organisation,
du simple au complexe. C’est ce qui peut
expliquer les échecs parallèles des deux investigations, et peu importe alors qu’elles
soient empiriques ou rationnelles.
Tandis que la phonétique étudie avec le
plus grand soin un matériel sonore limité
à l’instrument phonatoire humain, une
phonétique généralisée du sonore doit
envisager l’ensemble des sons possibles.
Pour pouvoir en apprécier la convenance
musicale, on doit commencer par décrire
une morphologie et une typologie des objets sonores considérés comme unités de
perception. C’est ce que vise le Traité des
objets musicaux paru en 1966 et résumant
quinze ans d’investigation. OEuvre considérable mais inachevée, de l’avis même de
son auteur, puisque ce solfège, « le plus
général qu’il soit », devrait être complété
par un Traité des organisations musicales.
L’ÉNIGME MUSICALE.
C’est dans une investigation des « intentions » de l’oreille, de ses façons de percevoir, de sa gestalt, que les travaux de P.
Schaeffer ont été les plus féconds, sans
convaincre forcément des milieux toujours attachés à une description physique
des sons et à une combinatoire préconçue. Outre que la tendance « rationaliste »
résiste opiniâtrement aux enseignements
expérimentaux, et que des centres comme
l’I. R. C. A. M. feignent d’ignorer un acquis
indispensable, il n’est pas sûr que l’électronique, même relayée par l’informatique,
permette si vite de résoudre l’énigme musicale. Au niveau supérieur des complexités,
le sens de l’énoncé musical provient d’un
jeu entre les valeurs et les caractères musicaux. Longtemps, du moins en Occident,
cette dialectique a été celle des hauteurs et
des durées, le timbre ne jouant qu’un rôle
de différenciation des parties concertantes.
Cette musique, qui a produit les plus
grands chefs-d’oeuvre en vertu d’une très
simple grammaire de la tonalité, semble
aujourd’hui épuisée. C’est en vain qu’on se
tourne vers les musiques d’autres civilisations, mal conservées et mal explorées, qui
toutes relèvent de grammaires différentes,
quoique inspirées de principes analogues.
La grande coupure pratiquée au cours du
XXe siècle, aussi bien par la négation sérielle que par l’irruption électroacoustique,
laisse largement ouvert le problème de la
« musique même ».
Le champ de son développement estil illimité comme le croient certains, par
analogie au progrès scientifique ? Ou estil borné par la nature même de l’homo
sapiens, lui-même contenu dans ses
registres de perception et de sensibilité,
d’expression et de communication ? De
sorte que c’est en profondeur et non en
surface, dans la conscience d’entendre et
non pas seulement dans les moyens de
faire, que devraient s’exercer la réflexion
et le progrès. Ce qui peut mener à une
conclusion : l’investigation musicale ramène esentiellement à une anthropologie,
de même que la divergence des manifestations actuelles, des inspirations et des
écoles reflète éloquemment la pittoresque
incertitude de la société contemporaine.
LES GRANDES DATES DE LA MUSIQUE
CONCRÈTE.
Entre 1948, date de naissance officielle,
et le début des années 60, où la musique
concrète renonce à son étiquette propre
pour se fondre dans le courant « électroacoustique », l’histoire du genre compte
deux ou trois tournants importants. Les
premiers essais de Schaeffer, les Études de
bruit de 1948 (Étude aux chemins de fer,
pour piano ou violette, aux tourniquets,
Étude pathétique) sont, hormis la dernière,
plus « abstraites » dans leur propos que les
titres ne le donnent à penser. Ainsi l’Étude
aux chemins de fer, sur des sons de locomotive, est une « étude de rythme » plus
qu’un tableau descriptif. Après ces oeuvres
brèves (pas plus de 5 minutes chacune),
auxquelles il faut ajouter la Suite 14, l’arrivée de Pierre Henry, alors tout jeune, vient
donner l’élan décisif : ce sont les oeuvres
communes, plus vastes et ambitieuses, la
Symphonie pour un homme seul, 1949-50,
les 2 opéras concrets Orphée 51, 1951, et
Orphée 53, 1953, où chacun apporte son
talent : l’aîné, son humour, son sens dramatique, son oreille très personnelle et son
sens de la proportion très fin et sensible (et
naturellement aussi ses arguments et ses
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
249
textes) ; le cadet, sa créativité sans frein, sa
vitalité, son sens inimitable de l’espace et
de la vie du son. Pierre Henry s’affirme parallèlement par une production copieuse
d’oeuvres expressionnistes ou « virtuoses ».
Cependant, Pierre Schaeffer cherche
déjà avec Abraham Moles, Jacques Poullin,
etc., puis avec une équipe de chercheurs,
les bases d’un Solfège de l’écoute, qui aboutira dans le monumental Traité des objets
musicaux (1966). En 1951, le Groupe de
recherche de musique concrète, issu du
studio d’essai de la R. T. F., a été officialisé.
C’est le noyau initial du futur Groupe de
recherches musicales, fondé en 1958. La
petite équipe du G. R. M. C. des années
50 (Schaeffer, Henry, Arthuys, Poullin,
etc.) se répand en expériences, en analyses
de l’objet sonore, et ses travaux suscitent
des polémiques, notamment de la part des
jeunes musiciens « sériels » (Boulez, Barraqué, Stockhausen), qui, venus s’essayer
à la musique concrète de 1951 à 1952
armés pour penser la musique en notes et
en structures écrites, se trouvaient désarmés devant ce matériau qui n’obéissait pas
toujours à leurs intentions. Il y eut des attaques violentes, dont la musique concrète
ne semble pas s’être relevée dans l’avantgarde, aujourd’hui officielle, et, pourtant,
combien la connaissent autrement qu’à
travers ces anathèmes d’il y a vingt-cinq
ans.
En 1958, nouveau tournant, avec le
départ de Pierre Henry, la reprise en main
du G. R. M. C. par Pierre Schaeffer, qui
réorganise le groupe, le baptise Groupe de
recherches musicales, lui donne pour programme de mener à bien l’investigation
du sonore et la recherche rigoureuse d’une
musique généralisée, conçue à partir du
son tel qu’il est perçu. Si l’on reste attaché
au matériau « concret » (les sons microphoniques), c’est désormais pour faire
une musique « abstraite » anti-expressionniste, à l’opposé de la Symphonie pour un
homme seul (encore que celle-ci soit pleine
de recherches formelles et d’écriture), et
mettant en valeur des variations de caractères sonores dans le champs de l’écoute.
Il s’agit de dégager l’abstrait du concret.
Les 3 Études de 1958-59 de Pierre Schaeffer (Étude aux allures, aux sons animés, aux
objets) donnent l’exemple, suivies par les
premiers travaux « concrets » de Mâche,
Ferrari, Bayle, Malec, etc., qui sont les
piliers du nouveau G. R. M. Avec l’avènement de la « musique électroacoustique »,
courant plus global et syncrétique, et, surtout, après la parution du bilan du Traité
des objets musicaux, cette école de Paris, si
elle garde une identité très forte, tend à se
diversifier en styles, en démarches multiples. Seul, ou presque, Pierre Henry, travaillant à partir de 1960 dans son propre
studio, Apsome, est resté dans ses dernières oeuvres très proche du rêve primitif
de la musique concrète.
La musique « acousmatique » du
G. R. M. actuel, les musiques électroacoustiques récentes composées en France
empruntent des chemins différents. Mais
la musique concrète est loin d’être un
phénomène strictement localisé dans le
temps et dans l’espace (Paris, entre 1948 et
le début des années 60), puisque certaines
des plus grandes oeuvres dites aujourd’hui
électroacoustiques (Variations pour une
porte et un soupir de Pierre Henry ; Espaces inhabitables de Bayle ; Violostries de
Parmegiani ; même les Hymnen de Stockhausen et Acustica de Mauricio Kagel)
doivent beaucoup à l’expérience de la
musique concrète primitive ; et que l’on
peut suivre les prolongements de ce courant aujourd’hui considéré comme révolu,
dans la production de compositeurs aussi
divers que Henry, Bayle, Ferrari, Xenakis, Malec, Parmegiani, Savouret, Redolfi,
Chion, Grisey, Levinas, etc., et à l’étranger, de Mimaroglu, Riedl, Kagel, De Pablo,
et même Cage et Stockhausen.
CONDÉ (Gérard), compositeur et musicographe français (Nancy 1947).
Autodidacte de formation - ses premiers
essais datent de 1961 -, Gérard Condé a fait
ses études d’harmonie au conservatoire de
sa ville natale avant d’aller suivre à Paris,
entre 1969 et 1972, l’enseignement de Max
Deutsch pour la composition. Parmi une
quarantaine de partitions incluant parfois
une dimension théâtrale, avec ou sans support littéraire, on citera Mémorial (197172) pour baryton et quintette à cordes ;
Darjeeling (1976), rituel pour un chanteur,
Rondo varié pour tubiste (1978), Rêve
d’amour, action musicale (1982), deux
Trios à cordes (1980 et 1986), Élans pour
violoncelle et piano (1988), le Chant du
silence pour baryton et orchestre (1992),
les Miracles de l’Enfant Jésus pour choeur
d’enfants (1994), Éveil pour orchestre
(1995). La plupart d’entre elles utilisent
une technique d’écriture dérivée du principe de la série de douze sons mais, à travers l’usage de la gamme par tons entiers
et d’intervalles consonants, il réintroduit
les notions de polarité et de justesse absolue. À partir de 1968, Gérard Condé a
collaboré à un certain nombre de revues
musicales ; en 1975, il entre au journal le
Monde, auquel il consacre l’essentiel de
son activité de critique.
CONDUCTEUR.
Partition ou partie sur laquelle suit le chef
d’orchestre.
On emploie surtout l’expression
lorsqu’il ne s’agit pas d’une partition détaillée (grande partition), mais d’une réduction simplifiée, ou même d’une partie
d’orchestre, lorsqu’elle est suffisamment
explicite pour permettre la direction.
CONDUIT.
1. Dans une construction musicale, passage d’intérêt secondaire dont le rôle est
surtout de créer une transition. Dans la
fugue notamment, on appelle conduit la
prolongation du sujet qui sépare parfois
son exposition de l’entrée de la réponse.
2. Dans l’office médiéval (lat. conductus),
et spécialement du IXe au XIIe siècle, chant
d’usage local, strophique ou non, accompagnant un déplacement : par exemple le
« conduit de l’âne » orientis partibus accompagnant l’entrée de cet animal lors de
l’office des Fous à Sens ou à Beauvais.
3. Par extension, le mot s’est appliqué,
surtout aux XIIe et XIIIe siècles, à divers
chants latins versifiés non liturgiques traitant des sujets les plus variés, qu’ils soient
pieux, profanes, satiriques, d’actualité,
etc. Les conduits, appelés aussi versus (au
singulier pour désigner l’ensemble d’une
pièce), figurent parmi les ancêtres immédiats du répertoire des trouveurs et, particulièrement, des premiers troubadours
aquitains ; une des collections de versus les
plus importantes se trouvait au XIe siècle à
Saint-Martial de Limoges.
4. Par dérivation du sens précédent et par
le fait que de nombreux conduits, primitivement à 1 voix, ont été harmonisés en
déchant à 2 ou 3 voix, le mot « conduit »
a désigné, principalement dans la polyphonie de l’Ars antiqua (XIIe-XIIIe s.), des
chants latins à plusieurs voix comportant
une voix initiale (vox prius facta) spécialement composée, et non pas, comme
dans l’organum ou le motet primitif, issue
d’un modèle liturgique, harmonisée syllabiquement, en principe note contre note,
toutes les parties chantant le même texte.
Certains conduits, dits cum cauda, comportaient au début ou en finale des puncta
organi (passages d’organum) vocalisés, ce
qui a donné naissance par contre-sens à
l’expression « point d’orgue ». Le conduit
représente le premier exemple de chants
polyphoniques composés ex nihilo, sans le
support d’un texte liturgique préexistant.
CONJOINT.
Deux sons ou groupes de sons différents
sont conjoints lorsqu’ils sont réunis par
une conjonction ; ils sont disjoints dans le
cas contraire.
CONJONCTION.
1. Caractère d’un intervalle dont les deux
termes sont en relation directe de voisinage, sans qu’il soit besoin, pour l’identifier, de faire appel à des sons intermédiaires, même si de tels sons existent : ainsi
entre do et ré il y a conjonction, bien qu’il
existe entre eux un do dièse ou ré bémol,
parce que celui-ci n’est pas pris en considération dans l’échelle diatonique, seule
envisagée lorsqu’on énonce à la suite le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
250
do et le ré. Alors que les anciens solfèges
ne signalaient la conjonction que dans
le cadre de la mélodie heptatonique, on
étend aujourd’hui cette notion à la tota-
lité des échelles et on reconnaît 3 sortes
de conjonction, dont la première est commune à presque tous les langages musicaux, alors que les deux dernières ne sont
ressenties que dans le langage harmonique
occidental.
-La conjonction mélodique consiste
dans le voisinage des deux sons dans la
gamme formée par l’échelle considérée,
que celle-ci soit diatonique (ex. do-ré),
chromatique (ex. do-do dièse) ou préheptatonique, c’est-à-dire formée dans le
cycle des quintes par 2 sons (ditonique,
ex. do-sol-do à caractère mélodique) ou
par 3 sons (tritonique, ex. do-fa-sol-do)
ou par 4 (tétratonique, ex. do-ré-fa-sol-do)
ou par 5 (pentatonique, ex. do-ré-fa-solla-do) ou par 6 (hexatonique, ex. do-rémi-fa-sol-la-do), l’heptatonique rejoignant
le diatonique ci-dessus. Ainsi une tierce
mineure, disjointe en heptatonique, peut
être conjointe en pentatonique, tandis
qu’une tierce majeure n’est jamais mélodiquement conjointe.
-La conjonction d’arpège, qui n’est ressentie que dans le langage harmonique
occidental depuis l’assimilation de l’accord parfait naturel (XVIe s. env.), consiste
dans l’appartenance des notes en cause à
un même accord de soutien, exprimé ou
sous-entendu ; ainsi, sur un accord do-misol, il y aura conjonction d’arpège entre do
et mi, entre do et sol, entre mi et sol, etc.
En langage tonal, une mélodie est essentiellement constituée par un mélange de
conjonctions mélodiques et de conjonctions d’arpège, tandis que, en langage
monodique non harmonique, seules les
conjonctions mélodiques apparaissent
comme telles.
-La conjonction harmonique enfin, qui
n’existe que dans le langage de ce nom et
ne s’applique qu’à la succession des basses
fondamentales des accords, consiste dans
le voisinage des sons en cause sur le tableau des harmoniques dit tableau de la
résonance, et son efficacité décroît rapidement à mesure qu’on s’éloigne du point
d’origine de ce tableau. Ainsi, pour un tableau do1-do2-sol2-do3-mi3-sol3 etc., il y
aura conjonction harmonique maximum
dans l’octave (do1-do2), conjonction harmonique forte dans la quinte (do2-sol2),
et la quarte (sol2-do3), moins forte dans
les deux tierces majeure (do3-mi3) et
mineure (mi3-sol3), négligeable ensuite.
C’est la conjonction harmonique qui
règle, en syntaxe tonale, la succession des
accords et leur degré de ponctuation harmonique, et le refus de cette conjonction,
inclus dans la théorie de l’« émancipation
de la disjonction » énoncée par Schönberg, est l’un des éléments essentiels de la
rupture entre le langage qui en découle et
ceux qui l’ont précédé.
2. En musique grecque antique, on dénommait conjonction (synaphê) la proximité de deux tétracordes réunis par une
note commune, par exemple mi-la et
la-ré, la disjonction (diazeuxis) apparaissant quand les tétracordes se rejoignent
sur deux notes voisines et non plus communes, par exemple mi-la et si-mi, l’intervalle la-si étant dit alors « ton disjonctif ».
De plus la théorie donne le nom de tétracorde conjoint ou disjoint au tétracorde
placé au-dessus de la mèse (la central) soit
en conjonction (la-ré) soit en disjonction
(si-mi), bien que ce dernier soit le seul disjoint du système où tous les autres apparaissent conjoints.
CONLON (James), chef d’orchestre américain (New York 1950).
À la Juilliard School, il travaille la direction avec Jean Morel. Remarqué par Maria
Callas alors qu’il est encore étudiant, il
est amené à diriger la Bohème. Ses débuts
officiels ont lieu en 1971 à Spoleto, inaugurant une carrière qui fait une large part à
l’opéra. En 1976, il commence à diriger au
Metropolitan Opera de New York. Il dirige
pour la première fois à Covent Garden en
1979 et à l’Opéra de Paris en 1984. En 1979
il est nommé directeur musical du Cincinnati May Festival, consacré à la musique
chorale. De 1983 à 1991, il est le directeur
musical de l’Orchestre philharmonique
de Rotterdam. En 1989, il est nommé
directeur général de la musique à l’Opéra
de Cologne, et en 1990 chef permanent
de l’orchestre du Gürzenich de Cologne,
postes qu’il quitte à sa nomination en 1995
à celui de directeur musical de l’Opéra de
Paris.
CONON DE BÉTHUNE, trouvère français
(v. 1160 - 1220).
Fils de Robert V de Béthune, il apprit son
art auprès de son oncle Huon d’Oisy, seigneur de Cambrai. Il participa à deux croisades (la IIIe et la IVe), et fut nommé, en
1217, sénéchal d’Empire à Constantinople,
après la prise de la ville par les armées
chrétiennes (1204). Le chroniqueur Villehardouin (la Conquête de Constantinople)
le loue pour son talent poétique. On a
conservé une dizaine de ses chansons, auxquelles s’ajoute un petit nombre d’attributions plus douteuses. Dix chansons en tout
sont pourvues d’une notation musicale
(Oïmi ! Amore dure départie). Aussi célèbre
comme guerrier que comme trouvère, il
serait mort en Orient.
CONQUE.
Instrument à vent primitif, fait d’un grand
coquillage marin du même nom, appelé
aussi « triton », dont on brisait la pointe
pour former embouchure.
Elle figure donc parmi les ancêtres
lointains des trompes (trompettes, trombones) et des cors.
CONRAD (Doda), basse polonaise, naturalisé américain (Szczytnik, Silésie,
1905).
Sa mère, la cantatrice Marya Freund, lui
fait étudier la musique très jeune. À Milan
et New York, il étudie ensuite avec E. de
Gogorza, et fait ses débuts à Paris dans
une opérette de Maurice Yvain dont Mistinguett est la vedette. En 1936, il entre à
l’Ensemble vocal de Nadia Boulanger, et
donne, dans les années qui suivent, de
nombreux récitals de mélodie française. Il
crée des oeuvres pour voix de basse composées à son intention (dont les Mouvements du coeur, oeuvre collective sur des
poèmes de Louise de Vilmorin, et les Visions infernales de Sauguet, sur des poèmes
de Max Jacob).
Parallèlement à son activité de récitaliste, il a occupé comme organisateur de
concerts une place importante dans la vie
musicale et mondaine française.
CONSERVATOIRE. (ital. :conservare, :« conserver »).
Établissement où l’on « conserve » les traditions d’un art.
Le terme italien conservatorio désignait, à l’origine, un orphelinat, un asile
ou un hospice où des enfants abandonnés
étaient recueillis et initiés à la musique. Le
conservatorio le plus ancien est celui de
Santa Maria di Loreto, à Naples, fondé en
1587 par Giovanni di Tapia. Venise possédait 4 ospedali, établissements du même
genre, dont le plus connu est celui « della
Pieta », où le maître de musique a longtemps été Vivaldi.
C’est au XVIIIe siècle que le mot conservatoire est entré dans la langue française,
pour désigner un établissement où est
enseignée la musique, mais dans lequel les
différentes classes sont accessibles uniquement par concours. Outre le Conservatoire
de Paris, créé en 1795, et qui est un établissement supérieur d’enseignement de
la musique, d’autres conservatoires ont
été fondés en province dès le XIXe siècle :
Douai (1806), Lille (1816), Roubaix (1820),
Toulouse (1821), Avignon (1828), Marseille (1830), Caen (1835), Aix-en-Provence (1849)... Parmi les établissements
dépendant aujourd’hui du ministère de
la Culture, figurent 20 conservatoires
nationaux de région (1975), mais le Plan
décennal pour la réorganisation des structures musicales françaises (1969-1978)
en prévoyait 27. Ces conservatoires de
région doivent obligatoirement enseigner
32 disciplines, parmi lesquelles 30 disciplines obligatoires et 2 disciplines à choisir parmi 16 autres. Leurs directeurs sont
nommés sur concours par le ministère de
la Culture, ainsi que les professeurs des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
251
différentes disciplines. Depuis septembre
1966, fonctionnent des classes à horaires
aménagés, créées par le ministère de la
Culture et le ministère de l’Éducation,
pour permettre à des élèves de poursuivre
une scolarité normale, avec des horaires
allégés, tout en suivant des études musicales. Deux baccalauréats ont été créés :
le baccalauréat A 6 et le baccalauréat de
technicien en musique F 11. Ces deux baccalauréats ouvrent la porte des universités
au même titre que les autres baccalauréats.
Un Conservatoire national supérieur a été
créé à Lyon en 1979.
CONSERVATOIRE (SOCIÉTÉ DES
CONCERTS DU).
Ensemble symphonique et choral français
qui a donné des concerts à Paris jusqu’en
1967, date à laquelle il prit le nom d’Or-
chestre de Paris.
La Société des concerts du Conservatoire (S. C. C.) tire son origine de la même
source que le Conservatoire de Paris, car
elle est descendante de l’orchestre militaire de la garde nationale, institué par
Sarrette dans les débuts de la Révolution.
La S. C. C. a été officiellement fondée le
15 février 1828, par arrêté de la maison
du roi Charles X. Le violoniste Habeneck
avait insisté auprès de Cherubini, directeur de l’École royale, pour que reprissent
les « exercices publics » des élèves, interrompus en 1815. Il s’agissait, en fait,
de véritables concerts qui offraient des
programmes très intéressants. En 1832,
l’appellation « Société des concerts » fut
confirmée, et le nombre de concerts fixé à
7 pour la saison.
L’effectif des musiciens et des chanteurs
était, en 1828, de 76 instrumentistes et 78
choristes. Le premier concert, dirigé par
Habeneck le 8 mars 1828, s’ouvrit sur la
Symphonie héroïque de Beethoven. Entre
1828 et 1848, Beethoven, alors peu connu
en France, fut le compositeur le plus joué,
aux côtés de Mozart, Haydn, Weber,
Gluck, Berlioz et Mendelssohn. Des interprètes et des cantatrices de renom venaient
se produire aux concerts de la société :
Liszt, Chopin, Vieuxtemps, Baillot, Mlle
Falcon, Mme Pauline Viardot. Jusqu’en
1922, les concerts étaient donnés dans la
Vieille Salle du Conservatoire ; ils furent
ensuite transférés au théâtre des ChampsÉlysées.
Habeneck resta au poste de chef d’orchestre jusqu’en 1848. Il fut remplacé par
Narcisse Girard (1848-1860), puis par
Alexandre Tilmant (1862-63), qui fit faire
leurs débuts à Sarasate et à F. Planté, et
qui dirigea le 5e concerto de Beethoven,
interprété par Clara Schumann. En 1863,
Tilmant démissionna, et Georges Hainl
fut élu directeur contre Berlioz. Il fit
connaître des compositeurs et des interprètes nouveaux : Wagner, Saint-Saëns,
Th. Dubois, Fauré, Rubinstein, et dirigea
les oeuvres récentes de Berlioz, Gounod,
Franck. En raison d’un public de plus en
plus vaste, le nombre de concerts fut doublé à partir de 1867. De 1872 à 1885, la direction fut assurée par Édouard Deldevez,
qui créa Ruth et les Béatitudes de Franck,
ainsi que des oeuvres de Schumann, Reyer,
Lalo, Bizet. Jules Garcin (1885-1892),
poursuivit l’oeuvre de ses prédécesseurs
en réservant une place importante à Chabrier, Fauré, Lalo, mais aussi à Haendel,
Bach, Schumann et Brahms. Paul Taffanel
(1892-1901) exécuta en priorité SaintSaëns et Franck. Eugène Marty (19011908) accueillit le groupe de musiciens de
la Schola cantorum : Vincent d’Indy, E.
Chausson, P. Dukas, G. Ropartz, ainsi que
Claude Debussy. De jeunes interprètes :
Cortot, Thibaud, Casals y commencèrent
une carrière qui allait devenir prestigieuse. De 1908 à 1919, André Messager
dirigea des programmes très classiques où
figuraient à côté des noms précédemment
cités ceux de Florent Schmitt, Richard
Strauss, Henri Busser, Henri Rabaud ; les
solistes étaient I. Paderewski, G. Enesco,
L. Capet, J. Thibaud, F. Busoni, Cl. Croiza.
En 1917, la S. C. C. effectua une tournée en
Suisse, et, en 1918, une grande tournée de
prestige aux États-Unis.
Après la Première Guerre mondiale,
alors que la France musicale commençait à s’engager dans de nouvelles voies,
la S. C. C. se montra hostile à la musique
nouvelle qui sortait des règles traditionnelles. Malgré les luttes de Philippe
Gaubert, directeur de 1918 à 1938, le comité resta opposé au renouvellement du
répertoire. Gaubert, démissionnaire, fut
remplacé par Charles Munch, qui montra un souci d’originalité dans ses programmes, avec des oeuvres peu jouées de
maîtres anciens et des oeuvres nouvelles
de jeunes compositeurs. Mais il dut à son
tour démissionner en 1946. Le comité
engagea alors André Cluytens. Contrairement à la tradition, Cluytens ne faisait
pas partie de la société, mais fut engagé
sous contrat.
Traditionnellement, les membres de la
S. C. C. devaient obligatoirement appartenir au Conservatoire, en tant que professeurs, élèves ou anciens élèves. Jusqu’en
1946, ils élisaient leur chef, qui devenait
président de la société, ainsi que 7 musiciens qui constituaient le comité. Le directeur du Conservatoire était d’office président d’honneur. Le cahier des charges,
imposé par le ministère des Beaux-Arts,
astreignait le comité à certaines obligations : 30 concerts par saison, dont 18
devaient présenter des oeuvres contemporaines, et un minimum de 4 heures
pour des premières auditions, ceci avec
le concours d’un nouveau premier prix de
Conservatoire par saison.
Depuis 1925, la S. C. C. ne comportait
plus de choeurs. Les membres de la S. C. C.
ne touchaient pas de salaire, mais une part
de recette calculée en fin d’exercice et augmentée d’une subvention de l’État. Cette
situation matérielle fut une des principales raisons de la léthargie dans laquelle
tomba peu à peu la S. C. C. : les musiciens
étaient contraints de partager leurs activités entre elle et d’autres ensembles, et
n’avaient donc pas le temps de participer à un nombre suffisant de répétitions
pour obtenir la perfection d’exécution qui
avait assuré la réputation de cet orchestre.
Après 1962, le président d’honneur R.
Gallois-Montbrun suggéra à André Malraux, ministre de la Culture, d’en faire
un orchestre d’État. Malgré la réticence
de nombreux musiciens, il poussa à la
création, en 1967, de l’Orchestre de Paris,
qui garda certains membres de l’ancienne
S. C. C. et recruta de nouveaux musiciens
pour en agrandir l’effectif.
CONSERVATOIRE NATIONAL SUPÉRIEUR
DE MUSIQUE ET DE DANSE DE PARIS.
Le Conservatoire national supérieur de
musique puise son origine dans l’École de
musique de la garde nationale, créée par
Bernard Sarrette en l’an III (1795).
Jusqu’à la Révolution, l’enseignement
musical était dispensé par les maîtrises, les
écoles de musique et les psallettes qu’entretenaient les chapitres des différentes
églises. Le projet de Sarrette comportait
la création de 30 écoles de musique du 1er
degré, 15 du 2e degré, en remplacement
des maîtrises, quelques écoles de perfectionnement du 3e degré, et une école supérieure à Paris. L’enseignement devait y
être entièrement gratuit. Mais seule cette
école supérieure fut créée. Par la suite,
d’autres écoles furent fondées en province. Après la Révolution, les chapitres
qui en avaient les moyens rouvrirent leurs
maîtrises.
L’École supérieure de musique passa
successivement par plusieurs dénominations : École gratuite de la garde nationale (1792), Institut national de musique
(1793), Conservatoire national de musique et de déclamation (1795). Sous la
Restauration, elle devint l’École royale de
musique, puis redevint Conservatoire de
musique et de déclamation (1822), avant
de prendre son titre définitif : Conservatoire national supérieur de musique. Installé d’abord à l’hôtel des Menus-Plaisirs,
faubourg Poissonnière, il déménagea en
1911 dans un ancien collège de jésuites
situé au no 14 de la rue de Madrid.
Lors de la création de son école, Sarrette s’entoura de 5 inspecteurs : Méhul,
Grétry, Gossec, Lesueur et Cherubini. Un
arrêté du 29 vendémiaire an IV fixa à 600
le nombre des élèves, filles et garçons. Ce
nombre fut réduit dans les années suivantes, de 600 à 400, tandis que celui des
professeurs passa de 115 à 70.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
252
Depuis sa fondation, le Conservatoire
a vu se succéder 14 directeurs. Sarrette
(1796-1815) s’efforça d’attribuer à chaque
discipline une méthode d’enseignement
qui lui fût propre et bénéfique, il institua
les bourses pour les chanteurs et créa la
bibliothèque. François Perné (1815-1822)
fit don à la bibliothèque de ses manuscrits
de Guillaume de Machaut et du châtelain
de Coucy. Luigi Cherubini (1822-1842)
obtint de faire admettre 2 élèves étrangers
dans chaque classe et créa, à partir des
anciens « exercices publics » des élèves, la
Société des concerts du Conservatoire. Daniel Auber (1842-1871) fut le directeur le
plus longtemps en poste. Lui succédèrent
Ambroise Thomas (1871-1896), Théodore
Dubois (1896-1905). Gabriel Fauré (19061920) créa une classe de contrepoint, discipline enseignée jusque-là en classe de
composition, et choisit les membres du
jury parmi les musiciens réputés (Ravel,
Debussy, Dukas). Puis vinrent Henri
Rabaud (1920-1941), Claude Delvincourt
(1941-1954), qui créa en 1943 l’Orchestre
des cadets du Conservatoire - devenu un
des orchestres parisiens les plus brillants
et qui permit, pendant l’occupation allemande, de soustraire les jeunes musiciens
à la déportation -, Marcel Dupré (19541956). La direction de Raymond Loucheur (1956-1962) marqua une période de
rigidité plus administrative qu’artistique.
Raymond Gallois-Montbrun, violoniste
et compositeur, a modifié l’organisation
de la scolarité des disciplines instrumentales, les études se déroulant désormais en
deux cycles, et le concours pour l’obten-
tion du premier prix ayant lieu au cours
du second cycle. En 1966, il créa la classe
de perfectionnement, en 1969, une classe
de guitare classique confiée à Alexandre
Lagoya et, en 1977, une classe d’instrumentation et d’orchestration confiée à
Marius Constant. Il apporta des modifications dans l’enseignement de la danse,
en obligeant les danseurs à l’étude du solfège et de l’histoire de la musique. Lui ont
succédé Marc Bleuse (1983), puis Alain
Louvier (1986).
Le Conservatoire dépend du ministère
de la Culture. Les études des disciplines
enseignées sont régies par un règlement
de 106 articles. L’enseignement est gratuit,
les élèves étant seulement tenus de payer
les droits d’immatriculation et les droits
d’inscription. L’admission des élèves se
fait par des concours, qui ont lieu au cours
du premier trimestre scolaire. Chaque
discipline est astreinte à des limites d’âge
minimales et maximales, qui vont de
10 ans (harmonie, piano, harpe, violon,
violoncelle et solfège) à 30 ans (classe de
préparation au concours de recrutement
de directeur). Les élèves peuvent bénéficier de bourses d’études. Les récompenses
attribuées à la fin des cycles d’études
sont : des certificats (pouvant porter sur
plusieurs disciplines), des diplômes, des
premiers et des seconds prix, des premiers
et seconds accessits, des premières, deuxièmes ou troisièmes médailles, selon les
disciplines.
Parmi les professeurs qui ont enseigné
au Conservatoire depuis sa création et qui
ont contribué à établir sa renommée en
France et à l’étranger, il faut citer : Gossec,
Méhul, Lesueur, Berlioz, Fétis, Kreutzer,
Massenet, Widor, Guilmant, M. Emmanuel, H. Busser, P. Dukas, A. Cortot, Cl.
Croiza, M. Moyse, A. Bruneau, M. Dupré,
Roland-Manuel, Ch. Tournemire, M.
Beaufils, M. Maréchal, L. Laskine, N. Dufourcq, O. Messiaen, etc.
La durée des études au Conservatoire
varie de 1 à 5 ans. Les élèves instrumentistes du second cycle ne peuvent se présenter que trois fois pour l’obtention
du premier prix. La radiation peut être
prononcée pour les élèves qui n’ont pas
obtenu de récompense pendant deux
années consécutives. Le cycle de perfectionnement, d’une durée de 2 ou 3 ans, est
réservé aux seuls titulaires d’un premier
prix (piano, violon, musique de chambre,
chant, direction d’orchestre). L’enseignement y est dispensé par les professeurs
et les assistants du Conservatoire, ainsi
que par des personnalités extérieures à
l’établissement : P. Badura-Skoda, Y. Menuhin, H. Szeryng, M. Rostropovitch, D.
Bachkirov, S. Célibidache, P. Dervaux.
Les oeuvres des étudiants en composition sont programmées annuellement
dans 8 à 12 concerts symphoniques et 4
concerts radiodiffusés. Un poste de professeur-animateur a été créé à cette intention.
Une enquête de décembre 1975 indique
que 90 à 95 % des premiers prix d’instruments sont engagés dans des orchestres
français ou étrangers ; 70 % des pianistes
exercent un métier musical, 15 % sont
des solistes ; 80 % des chanteurs ont une
situation correspondant à leurs études ;
pour les compositeurs, peu nombreux
sont ceux qui peuvent vivre de leurs
oeuvres, mais ils sont directeurs ou professeurs dans des conservatoires ; parmi
les disciplines d’érudition, 80 % des premiers prix ont des postes dans l’enseignement secondaire, sont salariés de maisons
d’édition, de firmes de disques, critiques
musicaux, commentateurs d’émissions
musicales, dans une moindre proportion,
musicologues ; 80 % des prix de direction
d’orchestre ont une situation ; 79,5 % des
danseurs récompensés sont entrés dans la
vie professionnelle.
Le Conservatoire possède un musée
instrumental, inauguré en 1864, et dont la
collection se monte actuellement à plus de
3 000 instruments. Il faut souligner le rôle
joué par la comtesse de Chambure (Geneviève Thibault), conservateur du musée de
1961 à 1973, dans l’acquisition des instruments, ainsi que dans leur présentation.
La bibliothèque du Conservatoire est
devenue l’une des premières du monde
par la richesse de ses manuscrits (Don
Giovanni de Mozart, sonate Appassionata
de Beethoven, Carmen de Bizet, principales oeuvres de Berlioz, Lalo, Chabrier,
Debussy). Dans la salle de travail, les lecteurs ont à leur disposition la plupart des
ouvrages concernant toutes les matières
musicales : partitions, dictionnaires musicaux, encyclopédies, biographies, en
français et dans les langues étrangères. En
1911, le legs Malherbe a beaucoup augmenté les collections de partitions, lettres
autographes et manuscrits. Après la création, en 1964, du département de musique
de la Bibliothèque nationale, une grande
partie des fonds de la bibliothèque du
Conservatoire y ont été transférés.
Il faut citer enfin la discothèque inaugurée en 1975, munie de cabines d’écoute et
possédant en 1980 plus de 7 000 disques,
dont une partie importante a été fournie
en 1975 par le legs Pincherle. Cette discothèque est une annexe de la Phonothèque
nationale.
CONSOLE.
Bâti ou meuble contenant tous les organes
de commande d’exécution d’un orgue :
claviers et pédalier, jeux et combinaisons,
accouplements et tirasses, pédales d’expression, etc. Dans l’orgue classique, la
console est le plus souvent encastrée dans
le corps du grand buffet, l’organiste tournant le dos à la nef ; on la dit alors « en
fenêtre ». La facture romantique en fait un
meuble séparé, que l’adoption de la technique de transmission électrique va pouvoir rendre indépendante et même mobile,
particulièrement dans le cas des orgues de
salles de concert.
CONSONANCE.
Notion éminemment relative.
Se dit d’un intervalle qui est, en une
situation socioculturelle donnée, ressenti
comme agréable à l’oreille. Au Moyen Âge,
les consonances étaient la quarte, la quinte
et l’octave. À partir de la Renaissance, la
quarte devint une dissonance, et les consonances furent dites soit « parfaites » (octave et quinte), soit « imparfaites » (tierce
et sixte). Pour des raisons de formalisme
pédagogique, cette dernière notion est
encore utilisée de nos jours, bien que de
nombreux autres intervalles soient jugés
agréables à l’oreille.
CONSORT (lat. consortium, « réunion »).
Mot anglais, souvent employé en GrandeBretagne pour désigner un groupement
musical d’exécutants, de chanteurs ou
d’instrumentistes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
253
Dans ce dernier cas, on distinguait,
aux XVIe et XVIIe siècles, le whole consort
(« consort complet »), formé d’une seule
famille d’instruments homogènes - par
exemple, des flûtes à bec -, et le broken
consort (« consort brisé ») mélangeant plusieurs familles d’instruments, par exemple
bois et cordes.
CONSTANT (Marius), compositeur et
chef d’orchestre français (Bucarest, Roumanie, 1925).
Ses études, entreprises à Bucarest, où il
obtint le prix G. Enesco (1943), furent
poursuivies au Conservatoire national supérieur de musique de Paris (1945-1949),
et pour la direction d’orchestre à l’École
normale de musique. Marius Constant a
eu pour maîtres O. Messiaen, T. Aubin, N.
Boulanger, J. Fournet et A. Honegger. Prix
Italia en 1952 pour le ballet le Joueur de
flûte, il a été directeur musical de la chaîne
modulation de fréquence de l’O. R. T. F.
(1953), puis directeur musical des Ballets de Paris de Roland Petit (1956-1966),
avant d’être de nouveau investi de responsabilités importantes à l’O. R. T. F. (19631967). Il fut ensuite nommé directeur de
la musique du ballet de l’Opéra de Paris
(1973-1978), et depuis 1978 il est professeur de la nouvelle classe d’orchestration
et d’instrumentation du Conservatoire de
Paris. En 1963, il a fondé l’ensemble instrumental Ars nova, une des principales
formations françaises spécialisées dans
la musique contemporaine, et, en 1968, a
reçu le grand prix national de la musique.
Ses premières oeuvres eurent pour titres
Haut-Voltage, ballet pour Maurice Béjart
(1956), Contrepointe (1957) et Cyrano de
Bergerac (1959), ballets pour Roland Petit.
Mais ce ne fut qu’avec les Vingt-Quatre Préludes pour orchestre, créés sous la direction
de Leonard Bernstein en 1959, qu’il s’imposa vraiment. Contrairement à bien des
compositeurs de sa génération, Constant
n’a jamais adopté le système sériel. Il s’est
en revanche attaché aux problèmes de
timbre et de forme, dans les Vingt-Quatre
Préludes mais aussi dans Turner (1961),
trois essais pour orchestre mettant en jeu
quarante solistes instrumentaux et visant
à « interpréter l’inspiration » du grand
peintre anglais. Il s’est orienté également
vers l’aléatoire et l’improvisation, en par-
ticulier avec les Chants de Maldoror, pour
récitant, chorégraphe-chef d’orchestre, 23
musiciens « improvisateurs » - choisissant
le moment et le contenu de leurs interventions en fonction de ce que leur inspirent
le récitant et à travers lui Lautréamont et 10 violoncellistes (1962). La même
recherche inspire Winds, pour 6 bois, 7
cuivres et contrebasse (1968), ouvrage de
caractère plus abstrait au cours duquel les
interprètes utilisent, à l’occasion, d’autres
instruments à vent à fonction habituellement non musicale (flûtes à coulisse,
sirènes à bouche), et Traits (Cadavres exquis), improvisation collective (1969) suivie plus tard de Traits, du genre « théâtre
musical » (1975).
On doit encore à Marius Constant,
pour la scène, le Souper et la Serrure,
d’après J. Tardieu (1969), et le Jeu de sainte
Agnès, cérémonial d’église parlé et chanté
en provençal ancien (1974) ; Par le feu,
pour soprano dramatique et orchestre
(1968) ; comme ballets, Rain (1960) et le
Violon (1962), pour Roland Petit, Ponant
19 (1964), Éloge de la folie (1966), Paradis perdu (1966), Candide, pour clavecin
et orchestre (1970), mimodrame d’après
Voltaire créé à l’Opéra de Hambourg et
faisant coexister musicalement deux discours parallèles - celui du clavecin jouant
la Triomphante du 10e ordre de F. Couperin et celui de l’orchestre -, Septentrion
« saltavit et placuit », avec éléments de
jazz et de free-jazz (1975), et Nana, pour
Roland Petit (1976) ; et, parmi une abondante production instrumentale, Chaconne et marche militaire (1968), Moulin
à prière, pour deux clavecins (1969), Quatorze Stations, pour un percussionniste
solo et six instruments (1970), Strings,
pour clavecin et douze cordes (1972), Silete, pour clavecin (1973), Faciebat anno
1973, pour 24 violons et orchestre (1973),
Psyché, pour deux pianos et percussion
(1975), Stress, pour trio de jazz, piano
soliste, quintette de cuivres et percussion
(1977), Concerto « Gli elementi », pour
trombone et orchestre (1977), Symphonie,
pour instruments à vent (1978), Concertante, pour saxophone alto et orchestre
(1978), Neuf Pièces, pour flûte et piano
(1978), Harpalycée, pour harpe ou harpe
et quintette à cordes (1979), Alléluias,
pour trompette et orgue (1980), NanaSymphonie, pour grand orchestre (1980),
Cent Trois Regards dans l’eau, concerto
pour violon et orchestre (1981), D’une élé-
gie slave, pour guitare (1981), la Tragédie
de Carmen (1981), l’oratorio Des droits
de l’homme (1989), un Quatuor à cordes
(1990), Impressions de Pelléas d’après Debussy (1992).
CONSTANTINESCU (Paul), compositeur
roumain (Ploiesti 1909 - Bucarest 1963).
Il a fait ses études à Bucarest, en particulier
avec Constantin Brǎiloiu, puis à Vienne
avec Joseph Marx, et enseigné à l’Académie de musique religieuse (1933-1941),
puis au conservatoire de Bucarest (19411963). Titulaire de nombreux prix Enesco
et de prix d’État, il s’est intéressé au folklore de son pays, mais aussi à la liturgie
byzantine. On lui doit notamment, parmi
une production abondante, l’opéra-comique Une nuit orageuse (1935), le poème
chorégraphique Noces dans les Carpates
(1938), de la musique symphonique et de
chambre, des mélodies et des choeurs, ainsi
que, dans le domaine religieux, un Oratorio de Pâques (1946) et un Oratorio de
Noël (1947).
CONTI (Francesco Bartolomeo), théorbiste et compositeur italien (Florence
1682 - Vienne 1732).
Il fit une grande partie de sa carrière à
Vienne, où il fut attaché à la Cour comme
théorbiste (1701-1705), puis comme compositeur à partir de 1713. Il écrivit pour la
scène une quarantaine d’oeuvres relevant
de genres divers : des tragédies lyriques,
des pastorales et surtout des tragi-comédies comme Don Chischiotte in Sierra
Morena (1719), qui remporta un grand
succès à Vienne, et où se manifeste un
instinct comique efficace mais plein de
nuances. Conti écrivit aussi des oratorios,
des pièces d’église diverses et des cantates
de chambre.
CONTINUO.
Terme pratiquement synonyme de basse
continue. Toutefois, par un léger glissement de sens, d’ailleurs parfaitement
injustifié, on a tendance à appeler basse
continue la partie instrumentale jouant la
basse (violoncelle ou basson), et continuo
l’instrument à clavier jouant les accords
représentés par leurs chiffres (chiffrage,
basse chiffrée).
CONTRAFACTURE.
Traduction peu usuelle du latin contrafactum ou contrafacta, plus souvent conservé
en français.
Le terme désigne un arrangement fait à
partir d’une composition vocale existante
en lui adaptant de nouvelles paroles. Au
XVIe siècle, on employait le terme « travestissement », aux XVIIe et XVIIIe siècles celui
de « parodie ». Mais ce dernier mot pouvait aussi recouvrir des transformations
plus profondes qu’un simple changement
de paroles.
CONTRALTO.
Nom désignant la voix féminine la plus
grave, et l’interprète qui la possède. À
l’origine, le terme alto regroupait génériquement les emplois féminins graves, que
ceux-ci fussent chantés par des femmes,
des enfants ou des falsettistes, et il est encore en usage en Allemagne (Alt), cependant qu’il prête à confusion, en France,
avec l’instrument du même nom et, en
Italie, avec l’adjectif haut. Dans le chant
soliste, les parties d’alto furent longtemps
exécutées par des falsettistes et surtout par
des castrats contraltistes ; J.-J. Rousseau
employait le mot contralto comme synonyme de haute-contre, et, d’autre part, en
1847, Manuel Garcia jr. appelait encore le
ténor suraigu « ténor contraltino ».
La tessiture généralement retenue
pour la voix de contralto (du sol2 au sol4)
conduit par conséquent le contralto à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
254
utiliser son registre de poitrine sur près
de la moitié de son étendue vocale ; cette
voix fut assez rare au XVIIe et surtout au
XVIIIe siècle, et c’est à tort que l’on range
parfois dans cette catégorie la Française
Maupin ou l’Italienne Faustina BordoniHasse, dont les rôles de soprano grave
n’excédaient jamais le do3 comme limite
inférieure ; en revanche, Vittoria Tesi (v.
1700-1775) et Francesca Vanini-Boschi,
toutes deux interprètes de Haendel (la
seconde, créatrice des rôles masculins
d’Ottone dans Agrippina et de Goffredo
dans Rinaldo de ce même compositeur),
pouvaient bien être définies comme
contraltos.
C’est à la charnière des XVIIIe et
XIXe siècles, et en raison de la disparition
progressive des castrats, que les compositeurs tendirent à rechercher dans la
voix grave féminine une certaine ambiguïté hermaphrodite : à l’époque de Rossini, le contralto incarnait soit des rôles
masculins de guerrier ou d’amoureux
(Tancredi, Arsace de Sémiramis, etc.) et
conservait alors le surnom de musico,
porté naguère par les castrats destinés à
ces emplois, soit des rôles de protagoniste
féminin, généralement de caractère bouffe
(Isabelle dans l’Italienne à Alger, Rosine
dans le Barbier de Séville, Angelina dans
Cenerentola) ; Rossini n’hésitait pas à leur
assigner une étendue vocale prodigieuse :
un mi bémol2 dans Ricciardo e Zoraide
(au sein d’un ensemble) et, dans l’aigu,
le si4 écrit ou souvent sollicité implicitement. Vaccai, Bellini ou Donizetti - et
parfois Meyerbeer et les Français - écrivirent encore des rôles d’adolescent pour
le contralto travesti (Roméo dans I Capuleti e i Montecchi de Bellini, Maffio Orsini
dans Lucrezia Borgia et Smeton dans Anna
Bolena de Donizetti, etc.), mais, le romantisme entraînant les chanteurs à élever
leur tessiture et à briller par la puissance
des notes aiguës, le mezzo-soprano prit
la succession du contralto. Les véritables
rôles de contralto de premier plan disparaissaient presque au-delà de 1850 (sinon
en Russie, avec Marfa dans Khovanstchina
de Moussorgski ou Lel dans Sniegourotchka de Rimski-Korsakov), et par voie
de conséquence, les interprètes aussi ; le
contralto n’avait plus généralement que
des emplois épisodiques chez Verdi,
Wagner et leurs successeurs, emplois de
sorcières ou de prophétesses (Ulrica dans
Un bal masqué), de femmes âgées ou de
nourrices (celles de l’opéra russe, de Pelléas de Debussy, d’Ariane et Barbe-Bleue
de Dukas, la Cieca dans la Gioconda de
Ponchielli, etc.) et surtout emplois de
caractère (dame Marthe dans Faust de
Gounod, Mistress Quickly dans Falstaff
de Verdi, Madame Flora dans le Médium
de Menotti, etc.), cependant que cette voix
convient toujours au concert et à l’interprétation du lied, de Schumann à Brahms
et Mahler. Les contraltos les plus célèbres
furent, au XIXe siècle, Maria Marcolini,
Rosamunda Pisaroni, Marietta Brambilla, Marietta Alboni, Sofia Scalchi et en
Russie, Anna Vorobieva-Petrova et Daria
Leonova, puis dans la première moitié du
XXe siècle Guerrina Fabbri, Marie Delna,
Maria Gay, Sofia Preobrajenskaia, et au
concert Kathleen Ferrier. Mais dans la
majorité des cas, les cantatrices douées de
cette voix parviennent, grâce à leur éducation vocale, à aborder de nombreux rôles
de mezzo-soprano.
CONTRATENOR.
Mot latin (masculin) traduit en ancien
français par contre-teneur (féminin), et
qui désigne, antérieurement aux XVIe et
XVIIe siècles, une voix de la polyphonie de
caractère spécial, introduite au XIVe siècle
à titre de complément à la partie de ténor,
jusque-là la plus grave.
Souvent placée sous le ténor, mais de
même tessiture que lui, d’où croisements
fréquents, elle s’est, à l’époque de Dufay,
franchement placée à la partie la plus
grave, repoussant ainsi le ténor à l’emplacement qu’il a depuis lors conservé, et
donnant progressivement naissance à la
notion de partie de basse, nom qui finit
par supplanter le sien au XVIe siècle. On
distinguait parfois le contratenor bassus,
le plus fréquent, et le contratenor altus
plus élevé (haute-contre). L’exécution du
contratenor a probablement été d’abord
instrumentale, tandis que celle des parties
supérieures était le plus souvent vocale.
Ces distinctions se sont effacées aux approches de la Renaissance.
CONTREBASSE.
Instrument à cordes et à archet, le plus
grave de la famille des violons, correspondant au registre de seize pieds de l’orgue.
Issue du violone ou contrebasse de
viole, elle est apparue dans la seconde
moitié du XVIe siècle en Allemagne du
Sud, et une centaine d’années plus tard
en France. Elle avait à l’origine cinq ou
six cordes, accordées par quartes, par
quintes, ou par tierces et quartes alternées. De nos jours, ses caractéristiques ne
sont pas encore totalement stabilisées. Elle
reproduit parfois la forme du violoncelle,
mais le plus souvent celle de la basse de
viole, avec une caisse effilée en ogive. Elle
comporte, de l’aigu au grave à partir du
sol[1-] : sol, ré, la, mi. Certaines contrebasses ont cinq cordes, la cinquième étant
soit l’ut grave, soit l’ut au-dessus du sol[1]. L’instrument mesure environ 1,95 m de
haut, dont une caisse de 1,10 m. Il existe
un petit modèle de 1,60 m. L’archet peut
être convexe comme celui de la viole, rectiligne ou concave. Sa longueur est d’environ 67 cm. Le registre de la contrebasse
est d’environ deux octaves et une sixte,
quatre octaves avec les sons harmoniques.
On note la musique en clé de fa 4e ligne,
les sons réels sonnant à l’octave inférieure
des sons écrits.
Dans le jeu, où la main gauche utilise
au moins huit positions, le pouce pouvant
servir de sillet mobile, le démancher joue
un rôle important en raison de la taille de
l’instrument. Le vibrato, le glissando, le
trille, l’extension font partie de la technique de la contrebasse, mais la lourdeur
de l’archet est défavorable au jeu dans un
tempo rapide, ainsi qu’aux sauts d’une
corde à l’autre.
La contrebasse fut d’abord réservée
à l’usage de l’église, où elle renforçait le
seize pieds de l’orgue. On commença à
l’utiliser dans les orchestres de théâtre à
la fin du XVIIe siècle. Longtemps, elle ne
servit qu’à doubler les violoncelles à l’octave inférieure. Les virtuoses Domenico
Dragonetti (1763-1846), puis Giovanni
Bottesini (1821-1889) firent la démonstration des possibilités de l’instrument et
ne contribuèrent pas peu à son émancipation. Beethoven fut l’un des premiers
à confier à la contrebasse une partie plus
intéressante (traits du scherzo de la 5e
Symphonie, « orage » de la 6e). Berlioz l’utilisa pour des passages mélodiques. Mais
un répertoire de musique de chambre, de
symphonies concertantes et de concertos
se développa également.
Parmi les compositeurs ayant mis en valeur la contrebasse, citons : au XVIIIe siècle,
K. Ditters von Dittersdorf (quintettes avec
contrebasse, duo pour alto et contrebasse,
symphonies concertantes, concertos), W.
Pichl, A. Zimmermann, J. B. Vanhal, I.
Holzbauer, Mozart (aria Per questa bella
mano), Joseph Haydn, Michael Haydn, F.
A. Hoffmeister, J. Sperger ; au XIXe siècle,
Bottesini, Schubert dans la Truite, SaintSaëns dans le Carnaval des animaux, etc. ;
au XXe siècle, E. Bigot (Capriccio), E. Bozza
(pièces), M. Bitsch (suite pour contrebasse
solo), Ch. Chaynes (Lied, scherzando et finale), Koussevitski (concerto, pièces), F.
Farkas (Sonatine sur des chants populaires
hongrois) et Hindemith (sonate).
Dans le domaine pédagogique, nous
citerons les méthodes de G. Bottesini
(1869), J. Kraft (Der Weg zur Griffsicherheit
und Technik ; Schule der Bogentechnik), G.
Marangoni (Scuola teoretica-practica del
contrabasso), N. Marcelli (The Carl Fischer
basic method) et F. Simandl (New method
for double bass), et les exercices techniques
ou études de Baillot, Bottesini, H. E. Kayser, Gasparini, W. Gadzinski et A. Weber.
D’autre part, la contrebasse a toujours
joué un rôle important dans la musique
de jazz.
CONTRE-CHANT.
Partie mélodique secondaire, entendue en
même temps qu’un chant principal.
Le terme n’est pas limité à un emploi
technique particulier, mais s’emploie
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
255
quand on veut mettre en relief le caractère
mélodique propre d’une ligne secondaire.
CONTREDANSE (en angl. country dance,
« danse campagnarde »).
Danse collective et mixte, vive et aux
rythmes fortement marqués, d’origine
populaire, qui se répandit d’Angleterre sur
le continent, dès la fin du XVIIe siècle, et
connut une grande vogue pendant tout le
XVIIIe, qui l’intégra à l’opéra-ballet.
Dansée tantôt en cercle, tantôt en ligne,
les couples se faisant vis-à-vis, elle a inspiré d’innombrables airs de musique instrumentale ou vocale, qui ont longtemps
subsisté dans le répertoire du concert et
du théâtre, ainsi que des couplets et des
chansons populaires. La célèbre chanson
de l’époque révolutionnaire Ça ira s’inspire du rythme de la contredanse.
CONTRE-EXPOSITION.
En termes de fugue, on appelle contre-exposition une seconde et facultative présentation de l’exposition, faisant suite à la
première en ordre inversé (réponse, puis
sujet), et généralement réduite à 2 entrées
au lieu des 4 entrées au minimum de l’exposition.
CONTREPOINT.
Technique d’écriture musicale qui consiste
à écrire plusieurs mélodies superposées les
unes aux autres et destinées à être entendues simultanément. Dans le contrepoint
primitif (manuscrit Enchirias musices,
Xe s.), il y avait seulement deux mélodies
superposées, ayant chacune le même
nombre de notes, d’où l’expression : note
contre note, soit punctus contra punctum, soit contrepoint. En se compliquant,
l’écriture contrapunctique devint d’une
extraordinaire richesse dans les siècles qui
suivirent et, jusqu’au début du XVIIe siècle,
où l’on commença à préférer une écriture
plus harmonique (accord par accord). Le
contrepoint de la Renaissance était modal.
Les techniques se référant à la tonalité ne
semblaient guère, à l’origine, favoriser le
contrepoint. J.-S. Bach est l’un des premiers musiciens qui nous ait légué des
exemples magnifiques de contrepoint
tonal.
CONTRE-SUJET.
Terme utilisé seulement en ce qui concerne
la composition de la fugue.
La première phrase mélodique de cette
dernière est dite sujet (c’est, en quelque
sorte, le thème). Elle est suivie par une
autre phrase dans laquelle les rôles de la
tonique et de la dominante sont intervertis, cette deuxième phrase étant dite réponse. À la ligne mélodique de la réponse
s’ajoute une troisième phrase qui l’accompagne et pour laquelle le compositeur
s’efforce de faire preuve de la plus grande
imagination contrapunctique. Cette troisième phrase que l’on entend en même
temps que la réponse est dite contre-sujet.
CONTRETEMPS.
Se dit d’accentuations rythmiques qui se
produisent soit sur les temps dits « faibles »
d’une mesure, soit entre les temps. Par
exemple, dans la mazurka, l’accentuation
est souvent placée à contretemps sur le
deuxième temps d’une mesure à 3/4 qui
est, théoriquement, un temps faible. Les
contretemps sont souvent indispensables à
la variété rythmique.
CONTRE-TÉNOR.
Néologisme dérivé de l’anglais counter
tenor, et sans justification dans la langue
française.
Employé sans discernement, il semble
désigner indifféremment soit le chanteur
falsettiste, soit le ténor haute-contre. Étymologiquement ce terme désignerait une
partie vocale chantée « contre » - c’est-àdire près de - celle du ténor, autrement dit
la partie d’alto féminin ou masculin.
CONVERTISSEUR ANALOGIQUE-NUMÉRIQUE (A/N) et CONVERTISSEUR NUMÉRIQUE-ANALOGIQUE (N/A).
Le convertisseur A/N est un dispositif
qui transforme un signal sonore continu
(variations du voltage électrique) en une
information discrète exprimée sous la
forme de nombres binaires. Chaque paire
de nombres ainsi obtenus représente la
mesure de la variation des grandeurs physiques (niveau de la tension ou amplitude)
à un instant précis. Cette information est
ainsi protégée de la dégradation ; elle est
rendue apte à être stockée, modifiée, « interprétée » par un outil informatique (ordinateur, échantillonneur, lecteur de CD,
magnétophone DAT). Le convertisseur
N/A réalise l’opération inverse : il transforme l’information numérique en signal
électrique continu qui peut être exploité
par une console de mixage, un amplificateur, un haut-parleur ou un magnétophone analogique. En règle générale, le signal sonore reconstitué sous forme d’onde
doit être filtré pour écarter les bruits parasites produits par l’opération. Ce type
de convertisseur est toujours présent sur
les lecteurs de CD ou les magnétophones
DAT.
COOKE (Benjamin), compositeur anglais
(Londres 1734 - id. 1793).
Fils d’un éditeur de musique, il fut confié
à John Pepusch dès sa neuvième année.
En 1752, il succéda à son maître à la tête
de l’Academy of Ancient Music et eut luimême comme successeur Samuel Arnold
(1789). Il fut nommé maître de choeurs à
Westminster (1757) et, en 1762, après la
mort de John Robinson, devint organiste
de l’abbaye. Il fut reçu docteur en musique
par les universités de Cambridge (1775) et
d’Oxford (1782). En 1783, on le retrouva
organiste à Saint-Martin-in-the-Fields. Il
est enterré dans le cloître de l’abbaye de
Westminster où une inscription murale
célèbre son talent. Son oeuvre, considérable, a été surtout écrite pour l’église (services, anthems, hymnes, psaumes). On lui
doit aussi diverses odes.
Dans le domaine instrumental, il a
composé des concertos, des pièces pour
orgue, des lessons pour le clavecin. De son
vivant, il publia une collection de ses glees
et catches, sa réputation de compositeur
s’étant surtout fondée sur ce genre de musique vocale.
COOKE (Henry), compositeur et chanteur anglais (v. 1616 - Hampton Court
1672).
Il appartint d’abord aux enfants de la chapelle royale. Après la guerre civile, il fut
nommé basse à la chapelle royale et maître
des enfants (1660). Il travailla avec Henry
Davenant au Siege of Rhodes et chanta le
rôle de Soliman. Sous son impulsion, on
commença à employer les instruments
à cordes à la chapelle royale. Son oeuvre
comprend une trentaine d’anthems, des
odes, des hymnes, des airs, ainsi que des
intermèdes musicaux pour le théâtre. Il se
retira à Hampton Court en 1669.
COPERARIO (Giovanni Coprario, de son
vrai nom JOHN COOPER), compositeur anglais ( ? v. 1575 - Londres 1626).
On ne connaît rien des premières années
de sa vie, mais il fut sans doute confié
à un musicien professionnel au service
d’une famille aisée selon les habitudes de
l’époque. En raison de la présence, en Angleterre, de familles comme les Ferrabosco,
il comprit les avantages qu’il pouvait tirer
à donner une consonance italienne à son
nom, ce qu’il fit pendant un séjour en Italie
(v. 1604). En 1606, il publia à Londres un
recueil de chansons au luth, Funeral Teares
for the Death of the... Right Honorable the
Earle of Devonshire, et, en 1613, sept chansons au luth sur des poèmes de Thomas
Campion : Songs of Mourning, déplorant la
mort du prince Henry. La même année, il
fit un voyage à Heidelberg pour accompagner Elizabeth, fille de Jacques Ier, qui venait d’épouser l’Électeur palatin, le prince
Frédéric. De retour à Londres, il composa
trois airs pour le Earl of Somerset’s Masque,
représenté le 26 décembre 1613. Deux antiennes, The Teares or Lamentacions of a
Sorrowful Soule, parurent chez W. Stansby
(1614). Lors d’un séjour dans le Wiltshire,
au service d’Edward, comte de Hertford, il
donna des leçons à un élève particulièrement doué, William Lawes. Il n’obtint un
poste officiel à la Cour qu’au moment de
l’accession de Charles Ier au trône (1625).
Celui-ci le nomma compositeur ordinaire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
256
et musicien pour les luths et les voix. À la
mort du musicien, ce même poste revint à
Alfonso Ferrabosco.
Mises à part les oeuvres vocales citées,
auxquelles s’ajoutent 21 villanelle italiennes, des madrigaux italiens et quelques
airs, l’abondante production de Giovanni
Coperario est presque exclusivement
consacrée aux instruments, essentiellement aux instruments à archet. Il a écrit
des fantasia-suites (fantasia-almain-galliard), dont 16 pour un violon et 8 pour
deux violons, basse de viole et orgue. Mais
la fantasia pour un ensemble de violes
occupe une place prépondérante dans
son oeuvre (8 pour deux violes, 10 pour
trois violes, 7 pour quatre violes, 49 pour
cinq violes, 8 pour 6 violes). Ces pièces
révèlent leur dette envers l’Italie, mais leur
style d’écriture s’éloigne distinctement des
modèles vocaux (madrigal, canzona alla
francese) et devient plus instrumental. Les
tessitures s’agrandissent en même temps
que se développe un intérêt rythmique et
harmonique très personnel ; leur structure
est fondée sur le contrepoint imitatif et
sur une grande liberté formelle. Coprario
a également signé quelques pièces isolées
pour la lyra-viol (seule ou « en consort »)
ainsi qu’un traité, Rules How to Compose,
conservé en manuscrit.
COPLA (esp. : « strophe »).
Terme désignant, dans le villancico, les diverses pièces que relie entre elles un refrain
ou estribillo.
Mais copla est en même temps le nom
d’une forme poétique et musicale populaire, d’origine extrêmement ancienne,
très employée notamment en Andalousie. La copla a été adoptée par nombre
de grands poètes jusqu’à notre époque et
même par des mystiques tel saint Jean de
la Croix.
COPLAND (Aaron), compositeur américain (Brooklyn, New York, 1900 - id.
1990).
Issu comme Gershwin, son aîné de deux
ans, d’une famille de modestes émigrés
russes, il n’aborda le piano qu’à quatorze
ans, avant de recevoir les leçons du très
conservateur Rubin Goldmark. Après la
Première Guerre mondiale, il se rendit au
conservatoire américain de Fontainebleau,
alors dirigé par Paul Vidal, mais, déçu, il
se tourna vers Nadia Boulanger, alors débutante, ce qui lui permit de s’imprégner
des oeuvres de Ravel, Stravinski, Milhaud.
En France, où il vécut de 1921 à 1925, il
paracheva aussi sa formation de pianiste
auprès de Ricardo Viñes. Il s’orienta alors
vers une esthétique proche de celle officiellement accolée au groupe des Six et évoquant surtout celle de Poulenc : défiance
vis-à-vis de Debussy comme de Wagner
et de ses conséquences (Schönberg), souci
de bien écrire, quelque peu abstraitement
pourtant (Dance Symphony, 1re audition,
Philadelphie, 1931 ; Music for the Theater,
1925 ; Symphonie avec orgue, écrite pour N.
Boulanger, 1925).
De retour dans son pays et soutenu par
une bourse Guggenheim, Copland étudia
les diverses possibilités offertes par Stravinski, le jazz, la polytonalité, le folklore
américain et sud-américain : d’où un
style « cosmopolite » fortement teinté de
néoclassicisme, avec des oeuvres comme
la Première Symphonie, version révisée de
la Symphonie avec orgue (1928), la Deuxième (Short Symphony, 1933), la Troisième (1946), la Sonate pour piano (1941),
le Concerto pour clarinette, pour orchestre
à cordes, harpe et piano (1re audition, New
York, 1950), destiné à Benny Goodman
(1948), ou les musiques de film pour Des
souris et des hommes de J. Ford (1939) ou
l’Héritière de W. Wyler (1949). De ces
années datent également ses quatre partitions les plus célèbres, et sans doute les
plus assurées de survivre : le spirituel El
Salón México (1936), et les grands ballets
lyriques Billy the Kid (1938), Rodeo (1942)
et Appalachian Spring (1944), hymnes à
l’Ouest américain.
À partir de 1950, Copland - d’ailleurs
plus attiré par Webern que par Schönberg - s’engagea quelque peu dans la voie
du sérialisme, produisant notamment la
Fantaisie pour piano (1955-1957), Connotations pour orchestre (1961-62), Music
for a great City (Londres, 1964), Inscape,
pour orchestre (1967), un duo pour flûte
et piano (1970-71). Défenseur de la musique contemporaine, en particulier américaine, il a animé avec R. Sessions une
association de concerts spécialisés (19281931), dirigé ensuite l’American Festival
of Contemporary Music à Yaddo (New
York), exercé une grande activité au sein
de la Société des compositeurs américains
et de la SIMC, soutenu Bartók émigré à
New York, donné pendant vingt-cinq ans
des cours à Tanglewood et s’est multiplié
en articles, conférences et concerts. Considéré un peu comme le Grand Old Man de
la musique américaine, il a publié What
to Listen for in Music (New York, 1938),
Music and Imagination (Cambridge,
1952), The New Music, etc.
COR.
Instrument à vent de la famille des cuivres.
Il doit son nom, par analogie de destination, à divers instruments rudimentaires
qui remontent à des origines très reculées
et qui étaient souvent faits d’une corne de
vache, exceptionnellement d’une défense
d’« olifant ». En fait, le cor simple présente
toutes les caractéristiques de la trompe
de chasse : l’embouchure très étroite, le
pavillon très évasé et la forme circulaire
due à l’enroulement (3 à 8 tours) du tube,
dont la longueur considérable (près de 5
m) permet l’émission par le seul jeu des
lèvres de la plupart des harmoniques du
son fondamental. Cette trompe, toujours
en usage, était d’un emploi difficile à l’orchestre en raison de sa tonalité immuable.
Sa transformation en « cor d’harmonie »
a consisté à intercaler, entre l’instrument
et l’embouchure, des tubes de rechange
plus ou moins longs, appelés « tons ».
Mais le cor n’en restait pas moins réduit
aux harmoniques, c’est-à-dire à une série
d’une quinzaine de notes, assez rapprochées à l’aigu pour former un semblant
de gamme chromatique, mais de plus en
plus espacées vers le grave. C’est seulement vers 1760 qu’un corniste allemand
de l’Opéra de Paris, Haempel, découvrit
qu’en bouchant plus ou moins le pavillon
avec la main, on pouvait abaisser la note
d’un demi-ton ou davantage. Les ressources mélodiques du cor s’en trouvèrent
accrues, mais l’échelle chromatique restait
fort incomplète et il fallait une grande habileté pour atténuer l’inévitable différence
de timbre entre les « sons ouverts » et les
« sons bouchés ».
Toutes ces difficultés allaient être résolues par l’invention des pistons, en 1813,
par l’Allemand Stoelzel (1780-1844).
Après quelques tâtonnements, le corniste
parisien Joseph Meifred mit au point
le système à 3 pistons qui est encore en
vigueur non seulement pour le cor, mais
pour le cornet, la trompette et la plupart
des saxhorns. Chaque piston ouvre un
circuit supplémentaire qui allonge le tube
et, par conséquent, abaisse la note émise :
d’un ton pour le premier, un demi-ton
pour le deuxième et un ton et demi pour
le troisième. Trois tons en tout, donc, si
l’on enfonce les trois pistons à la fois, de
sorte que l’instrument gagne une quinte
dans le grave. Le cor moderne, disposant
de toutes les notes de la gamme chromatique sur trois octaves et une sixte, était
né. Signalons toutefois quelques innovations plus récentes : vers 1890, le 3e piston
« ascendant », qui élève la note au lieu de
l’abaisser ; en 1935, le « cor double » muni
d’un barillet ou d’un 4e piston ayant pour
effet de transformer instantanément le cor
en fa en cor en si bémol ; et depuis peu, le
pavillon démontable, qui facilite grandement le transport de l’instrument.
Sans doute le cor a-t-il perdu, en même
temps que ses imperfections, une partie
de sa personnalité. Cela explique la résistance que, pendant plus de cinquante ans,
de nombreux instrumentistes et compositeurs opposèrent au cor à pistons.
En 1875, Bizet s’en passait encore dans
Carmen, et l’enseignement du cor simple
au Conservatoire ne fut supprimé qu’au
début de notre siècle.
COR ANGLAIS.
Instrument à vent de la famille des bois.
Il n’a rien d’un cor et son attribution
à l’Angleterre est vraisemblablement due
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
257
à une corruption de l’adjectif « anglé ».
Il n’est autre, en effet, que l’ancienne
« haute-contre », ou alto, du hautbois en
fa, donc à la quinte inférieure du hautbois
en ut. Cet instrument étant trop long pour
que les doigts de l’exécutant puissent accéder aux trous correspondant aux notes
graves, on lui donna une forme coudée, ou
« anglée ». Le système des clés ayant résolu
ce problème mécanique, le « cor anglais »
moderne est aussi rectiligne que le hautbois, sauf un court « bocal » métallique légèrement incurvé sur lequel se fixe l’anche
double. Extérieurement, et sa taille mise à
part, il se distingue aussi du hautbois par
son pavillon en forme de poire. Mais son
mécanisme et son doigté sont identiques.
CORBETTA (Francesco, connu aussi sous
le nom de FRANCISQUECORBETTE ou CORBETT),
luthiste, guitariste et compositeur italien (Pavie v. 1615 - Paris 1681).
Après avoir parcouru l’Europe, il se fixa
vers 1656 à Paris, où il exerça une influence
considérable sur l’évolution du jeu de la
guitare, et fut aussi au service de Charles
II d’Angleterre. Son élève Robert de Visée
tira un large profit de ses leçons. Corbetta
publia cinq livres de guitare : Scherzi armonici (1639), Varii capricci (1643), Varii
scherzi di sonate per la chitana spagnola
(Bruxelles, 1648), la Guitare royalle dédiée
au roy de la Grande Bretagne (Paris, 1670)
et la Guitare royalle dédiée au Roy (Paris,
1673).
CORBIN (Solange), musicologue française (Vorly, Cher, 1903 - Bourges 1973).
Ancienne élève de la Schola cantorum, elle
a été, de 1929 à 1933, maître de chapelle
suppléant à Bourges. De 1937 à 1940, elle
a étudié le plain-chant à l’Institut grégorien de Paris. Docteur ès lettres (1957), elle
a été directeur d’études à l’École pratique
des hautes études et, de 1961 à 1970, a enseigné l’histoire de la musique et la musicologie à l’université de Poitiers, y créant
l’institut de musicologie. Spécialisée dans
l’étude des débuts de la musique d’église
en Occident, elle a, en 1960, rassemblé la
somme de ses recherches dans un remarquable ouvrage : l’Église à la conquête de
sa musique. Elle a dirigé pour le C. N. R. S.
l’établissement du Répertoire des manuscrits médiévaux contenant des notations
musicales.
CORBOZ (Michel), chef de choeur et chef
d’orchestre suisse (Marsens, près de Fribourg, 1934).
Après des études au conservatoire de Fribourg et à l’institut Ribeaupierre de Lausanne, il devient maître de chapelle de
l’église Notre-Dame du Valentin à Lausanne en 1953 et conserve ce poste seize
ans durant. En 1961, il fonde l’Ensemble
vocal de Lausanne, qui acquiert rapidement une renommée internationale et auquel se joint par la suite un ensemble instrumental. Il enseigne à l’École normale de
Bienne, au conservatoire de Genève, et occupe les fonctions de directeur des choeurs
de la fondation Gulbenkian à Lisbonne. Il
a composé des oeuvres chorales (Missa in
laetitia, Cantate à Notre-Dame, motets).
Michel Corboz est avant tout l’interprète de la musique religieuse des XVIIe
et XVIIIe siècles, et particulièrement de
Monteverdi, Jean-Sébastien Bach et MarcAntoine Charpentier. Pour traduire ce
répertoire, il ne se fonde pas sur de strictes
recherches musicologiques, mais retrouve
la vérité des partitions par d’autres voies,
se fiant à son instinct, à son intelligence, à
sa sensibilité. Il est capable de transfigurer
les ensembles qu’il dirige et de leur faire
partager sa propre foi et sa profonde compréhension des oeuvres, grâce au rayonnement exceptionnel de sa personnalité
chaleureuse.
CORDE.
Fil tendu entre deux points fixes solidaires
d’un corps sonore
- caisse de résonance ou table d’harmonie - que l’on fait vibrer soit en l’écartant
de sa position d’équilibre (instruments à
cordes pincées), soit en la frottant (instruments à archet), soit en la frappant (piano,
etc.). La corde peut être faite d’un simple
fil métallique, d’un simple boyau d’origine animale ou, depuis peu, d’un simple
fil de nylon. Mais le vrai boyau tend à
disparaître et les « cordes filées », jadis
réservées aux notes graves, se répandent
de plus en plus. Elles consistent en une
« âme » d’acier, de boyau ou de matière
synthétique autour de laquelle s’enroule
en spirale un fil plus mince de cuivre, d’argent ou de nylon. Certains instruments
à cordes pincées, comme la mandoline,
emploient des cordes doubles. Le piano
emploie même des cordes triples, dans
l’aigu, auprès des cordes simples dans le
grave et doubles dans le médium. Il faut
signaler aussi les « cordes sympathiques »
de certains instruments anciens tels que le
chitarrone ou archiluth, auxquelles l’exécutant ne touche pas, et qui résonnent à
l’unisson des notes jouées. Au pluriel, le
mot « cordes » désigne l’ensemble des instruments à archet et plus particulièrement
le quatuor (premier et second violon, alto
et violoncelle), auquel s’ajoute, dans l’orchestre, la contrebasse.
CORDE À VIDE.
Dans le domaine des instruments à cordes
comportant un manche, se dit des notes
jouées sans le secours d’un doigt de la main
gauche. Dans le cas du violon, le sol grave
est obligatoirement une corde à vide ; le
ré, le la et le mi le sont facultativement. Le
fait que la main gauche n’intervienne pas
interdit évidemment le vibrato et contribue à rendre les notes à vide plus claires,
mais plus plates et moins expressives. Le
compositeur (ou le réviseur) peut y avoir
recours pour obtenir un effet particulier et,
dans ce cas, les indique parmi les doigtés
en plaçant le signe 0 (zéro) au-dessus de
la note.
COR DE BASSET.
Instrument ancien de la famille des bois, à
anche simple, très en faveur jusqu’à Mozart inclus.
De tessiture relativement grave et, de
ce fait, trop long pour que l’exécutant pût
atteindre tous les trous d’un instrument
de forme droite, il était coudé en son
milieu à la manière du « cor anglé », dit
« anglais ». Les clés du système Boehm ont
rendu cet artifice inutile. Dans la version
moderne du cor de basset, qui se confond
pratiquement avec la clarinette alto en fa,
seuls sont coudés le pavillon et le « bocal »
métalliques.
COR DE CHAMOIS.
Jeu d’orgue à bouche, conique, de 8, 4 ou
2 pieds, ou encore de 2 1/3 pieds ou 1 1/3
pied.
Sa sonorité est douce et évoque celle du
cor.
CORDES SYMPATHIQUES.
Dans certains instruments à cordes frottées comme la viole d’amour, cordes qui
se mettent en vibration lorsqu’on en frotte
d’autres.
CORDES VOCALES.
Nom donné à l’ensemble des muscles et
des ligaments qui ferment partiellement
l’orifice glottique du larynx et constituent
la partie vibrante de l’organe de la phonation. Elles doivent ce nom à leur fonction
plutôt qu’à leur forme, qui évoque davantage deux lèvres symétriques d’écartement
variable.
CORDIER ou TIRE-CORDES.
Dans les instruments à cordes, pièce de
bois (généralement d’ébène) permettant
de fixer les cordes à leur extrémité inférieure et se terminant par une attache en
corde de boyau fixée à un bouton.
CORDIER (Baude), compositeur français
(Reims fin du XIVe s. - déb. du XVe s.).
Contemporain de Jean Tapissier, il appartient à l’époque qui se situe entre la mort
de G. de Machaut et la maturité de G.
Dufay et que l’on appelle aujourd’hui Ars
subtilior (U. Günther). Son oeuvre, éditée
par G. Reaney dans Early XVth Century
Music (CMM XI, 1, Anvers, 1955), comprend un fragment de messe à 3 voix provenant du manuscrit d’Apt et une dizaine
de chansons (3 et 4 voix) que contient le
manuscrit de Chantilly : tel, par exemple,
l’élégant rondeau a 3, Tant plus vous voy,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
258
tant plus me semblés belle, qui fait encore
usage de la cadence à double sensible dite
« Machaut », mais témoigne aussi d’un certain lyrisme italianisant.
CORDOPHONE.
Terme d’organologie, rarement employé,
qui désigne l’ensemble des instruments à
cordes frappées, pincées ou grattées, à l’exclusion des instruments à cordes frottées
(instruments à archet).
CORELLI (Arcangelo), violoniste et compositeur italien (Fusignano, près de Ravenne, 1653 - Rome 1713).
Issu de l’une des plus illustres familles de
sa ville natale, il prit vraisemblablement
ses premières leçons de musique à Faenza
où se déroula la plus grande partie de son
enfance. Mais ce fut à Bologne, où il séjourna de treize à dix-sept ans, qu’il reçut
une formation suivie auprès de deux éminents représentants de la fameuse école
bolonaise de violon : Giovanni Benvenuti
et Leonardo Brugnoli. Il est probable
qu’il y travailla également le contrepoint
avec Giambattista Bassani. Dès 1670, il
était admis à l’Accademia filarmonica.
On manque de témoignages précis sur
son activité dans les quelques années suivantes. Sans doute fit-il, à Rome, d’obscurs
débuts de violoniste d’orchestre. Et c’est
peut-être à cette époque que se situent ses
rares voyages. Non pas, comme le prétend
certaine légende, à Paris où Lully, jaloux
de son talent, aurait pris soin de lui fermer toutes les portes, mais en Allemagne
où l’on croit retrouver sa trace à Heidelberg et en Bavière, notamment à Munich.
Ce qui est certain, c’est que, à l’exception
d’un séjour à Naples en 1708, il ne quitta
plus guère Rome à partir de 1680. Dans
la Ville éternelle où l’ex-reine Christine
de Suède, convertie au catholicisme, tint
une véritable cour où les musiciens étaient
rois, Corelli accumula, dès lors, les succès de virtuose, de chef d’orchestre et de
compositeur. Nommé en 1682 maître de
chapelle de l’église Saint-Louis-des-Français, il publia en 1685 ses douze premières
Sonate a tre (deux violons et continuo). En
1687, il conduisit dans le palais de la reine
Christine un mémorable concert qui réunissait 150 musiciens. Alors protégé par le
cardinal Pamfili, il passa deux ans plus tard
au service d’un autre prince de l’église, le
cardinal Pietro Ottoboni, neveu du pape
Alexandre VIII, qui devait l’héberger
jusqu’à sa mort.
La gloire de Corelli ne connut pas
d’éclipse avant 1708, année cruciale pendant laquelle il fit la connaissance de
Haendel (dont il dirigea même un oratorio), rencontra Alessandro Scarlatti et
revint ulcéré de Naples où son succès fut
fort mitigé. Il semble qu’il n’ait jamais su
briller dans d’autres compositions que
les siennes, même écrites à son intention.
On rapporte qu’à Naples, il avait raté un
trait difficile dans une pièce de Scarlatti,
puis s’était obstiné à jouer en ut majeur,
par distraction, un passage en ut mineur.
D’un naturel sensible et fort peu combatif, il se désespéra de ces échecs et renonça
bientôt à se produire en public. Toutefois, il n’était nullement oublié quand il
mourut à la fin de sa soixantième année,
tandis qu’on achevait de graver ses douze
Concerti grossi op. 6. Grand amateur d’art,
il avait légué son importante collection
de tableaux au cardinal Ottoboni, qui
lui fit élever un monument funéraire au
Panthéon de Rome, près du tombeau de
Raphaël. L’épitaphe fait mention du titre
de « marquis de Ladenburg » que lui
avait décerné l’Électeur palatin PhilippeGuillaume, en remerciement d’une dédicace.
Par une exception remarquable dans
l’histoire de la musique italienne, Corelli
n’a jamais écrit pour les voix. Musique
religieuse et opéra sont donc absents de
son oeuvre, qui comprend six numéros
d’opus de douze pièces chacun. Les quatre
premiers, publiés à Rome de 1681 à 1694,
sont alternativement des Sonate da chiesa
et des Sonate da camera pour deux violons et continuo. L’opus 5, pour violon et
continuo, date de 1700. L’opus 6, enfin,
réunit les Concertos grossos, d’une écriture
particulièrement élaborée, qu’il ne faut
pas confondre avec les Concertos grossos
publiés à Londres en 1735, qui sont des
transcriptions par Geminiani des opus 1,
2, 3 et 5.
Parmi de très nombreuses rééditions, se
distingue celle des oeuvres complètes par
J. et F. Chrysander (Londres, 1888-1891),
revues par Joseph Joachim.
Le style violonistique de Corelli, perpétué jusqu’à Viotti et Rode par l’intermédiaire de ses élèves Geminiani, Somis,
Gasparini, Locatelli, etc., fut essentiellement caractérisé par l’approfondissement
des ressources expressives de l’instrument, d’où une certaine réaction contre
les abus de la virtuosité pure (doubles
cordes par exemple). Quant à la tessiture,
Corelli ne dépasse jamais la troisième
position, c’est-à-dire le ré au-dessus de la
portée. Mais Corelli a également fait école
en tant que compositeur ; il peut être, en
effet, considéré comme l’inventeur du
concerto grosso, qui donna lieu à tant de
chefs-d’oeuvre de la musique baroque.
CORKINE (William), luthiste et compositeur anglais (déb. du XVIIe s.).
On sait qu’il jouissait aussi d’une bonne
réputation en tant que virtuose de la
lyra-viol, mais ce détail mis à part, on ne
connaît rien de sa vie. En 1610, il publia
un livre d’airs pour voix et luth suivi, en
1612, du Second Book of Ayres, Some to
sing and play to the Base Violl alone, Others
to be sung to the Lute and Base Violl, with
New Corantoes, Pavins, Almaines..., titre
qui révèle la pratique, fréquente à l’époque,
d’accompagner la voix par une viole seule,
l’instrumentiste pouvant ajouter quelques
accords en doubles cordes afin d’affirmer
l’harmonie. La disposition de l’édition
originale de ces pièces indique également
qu’elles étaient destinées surtout à des
musiciens amateurs, chanteurs et instrumentistes réunis autour d’une table. Les
deux livres d’airs ont été réédités par E. H.
Fellowes dans The English Lute-Songs (série
II, Stainer et Bell, Londres, 1926).
CORNELIUS (Peter), compositeur et
poète allemand (Mayence 1824 - id.
1874).
Violoniste dans un orchestre de théâtre,
acteur, il étudia la composition avec Siegfried Wilhelm Dehn à Berlin de 1844 à
1846. En 1852, il se rendit à Weimar où
il se lia d’amitié avec Liszt. Il écrivit dans
la Neue Zeitschrift für Musik, traduisit des
conférences données en français par Liszt
et s’adonna à la composition. Il vécut à
Vienne de 1859 à 1864. Devenu l’ami intime de Richard Wagner, il suivit ce dernier à Munich en 1865, sur l’invitation du
roi Louis II, et y enseigna l’harmonie à la
Königliche Musikschule (École royale de
musique), dirigée par Hans von Bülow.
Attiré à la fois par la littérature et par la
musique, il publia en 1861 un volume de
poèmes, Lyrische Poesien, et, sensible à
l’exemple de Wagner, il écrivit les livrets
de ses propres opéras ainsi que des textes
pour certains de ses lieder. Créé sous la
direction de Liszt au théâtre de Weimar en
décembre 1858 et accueilli par des sifflets,
ce qui amena Liszt à remettre sa démission
au grand-duc, le gracieux opéra-comique
le Barbier de Bagdad a gagné plus tard une
juste popularité en Allemagne et demeure
l’oeuvre la plus connue de Cornelius. L’influence de Wagner se révèle dans les opéras le Cid, représenté à Weimar en 1865,
et Gunlöd, resté inachevé. La fine personnalité de Cornelius apparaît mieux dans
ses lieder, qui, ainsi que ses duos et trios
vocaux, empruntent leur texte - quand
le compositeur n’en était pas lui-même
l’auteur - à Heine, Hölderlin, Eichendorff,
Chamisso, Uhland, Cervantes, Shakespeare, etc. Ce sont des oeuvres à la prosodie raffinée, à l’écriture pianistique vive,
frémissante, aux harmonies originales.
Cornelius a également écrit un requiem
(1863), et des choeurs sur des textes de
Goethe, Luther, Schiller, Horace, Thomas
Moore, ainsi que sur des textes liturgiques.
CORNEMENT.
Incident technique (défaut de transmission ou fuite de vent) qui fait sonner un
tuyau d’orgue sans qu’on ait enfoncé la
touche correspondante, ou lorsqu’on joue
une note voisine.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
259
Dans ce dernier cas, on parle plus précisément d’« emprunt ».
CORNEMUSE.
Instrument folklorique, à vent, de la famille des bois.
Le bagpipe écossais et le biniou breton
sont les membres les plus connus de ce
groupe, répandu depuis des siècles, sous
diverses formes, dans l’Europe entière.
La cornemuse est caractérisée par
une outre de peau, alimentée en air sous
pression au moyen d’une embouchure.
De cette outre partent plusieurs tuyaux
sonores, à anche double enfermée dans
une capsule. Seul un de ces tubes, percé
de trous, permet de jouer une mélodie ;
les autres sont des « bourdons », dont
chacun donne une seule note continue.
D’une sonorité aigre et pénétrante, mais
non dénuée de volume grâce aux accords
fournis par les bourdons, la cornemuse
est par excellence un instrument de plein
air, propre à accompagner des marches
militaires aussi bien que des danses paysannes.
Comme la musette, dont la vogue fut
immense aux XVIIe et XVIIIe siècles, quand
les grands seigneurs se déguisaient volontiers en bergers, la cabrette, qui a encore
ses virtuoses dans le Massif central (Auvergne et Bourbonnais), est une petite
cornemuse sans embouchure, gonflée par
un soufflet placé sous le bras gauche.
CORNET.
Instrument à vent de la famille des cuivres.
Sous sa forme primitive - celle d’une
trompe de chasse en réduction -, ce « petit
cor » fait toujours partie de l’arsenal cynégétique en Europe centrale. Mais il servait aussi aux postillons, d’où son nom
allemand de Posthorn. L’invention des pistons, aux environs de 1820, conduisit les
facteurs à abandonner l’enroulement circulaire au profit du schéma horizontal de
la trompette, en moins allongé. Le cornet
à pistons est ainsi devenu un instrument
très voisin de la trompette, avec le même
doigté et presque la même tessiture. Mais
l’embouchure plus profonde et le tube
plus évasé lui procurent un timbre plus
rond, une agilité plus grande, et, surtout,
une facilité d’émission qui lui ont valu, au
XIXe siècle et même au-delà, une immense
popularité auprès des musiciens amateurs.
(On sait que la transcription pour cornet
d’airs d’opéras célèbres fut l’une des besognes alimentaires auxquelles se livra Richard Wagner lors de son premier séjour
à Paris.) On lui reproche aujourd’hui sa
sonorité un peu canaille et, à l’orchestre, il
est généralement remplacé, parfois à tort,
par la trompette.
CORNET (Peter), organiste et compositeur flamand ( ? v. 1575 ? - Bruxelles
1633 ? ).
On sait peu de chose de sa vie, si ce n’est
qu’il fut organiste à Bruxelles, à la chapelle
des archiducs, entre 1593 et 1626. Les neuf
pièces pour orgue qui subsistent de son
oeuvre (deux courantes, une antienne sur
le Salve Regina, une toccata et cinq fantaisies) le placent néanmoins au premier rang
des organistes flamands de son temps avec
Sweelinck, dont il subit l’influence. Marquée également par la musique vénitienne,
son écriture est plus souple et plus chantante que celle de ses compatriotes.
CORNET À BOUQUIN.
C’était à l’origine un olifant amélioré, fait
d’une corne de bouc (d’où son nom), ou
de tout autre ruminant, et percé de trous,
comme tous les instruments de la famille
des bois, pour permettre l’émission de
plusieurs notes. Il fut d’ailleurs bientôt
construit en bois, parfois gainé de cuir,
mais son embouchure conique en bois dur,
ivoire ou métal continuait de l’apparenter
à la famille des cuivres. De forme droite,
légèrement courbe ou en « S » très allongé,
il a donné naissance au serpent, de tessiture beaucoup plus grave.
CORNYSHE (William), compositeur,
écrivain et acteur anglais ( ? v. 1468 Londres 1523).
Il obtint un poste à la cour d’Henri VII,
sans doute à partir de 1493, mais, par la
suite, il connut quelques déboires à cause
de ses écrits satiriques et fut emprisonné.
En 1509, il devint maître des enfants de la
chapelle royale. Jusqu’en 1516, il demeura
l’un des principaux acteurs des pièces de
la Cour et, jusqu’en 1520, il écrivit des disguisings pour cette même Cour (ainsi The
Garden of Esperance, 1517). Il jouit d’une
grande faveur auprès d’Henri VIII, qui mit
lui-même en musique un certain nombre
de ses vers.
L’oeuvre de William Cornyshe, qui,
outre les pièces religieuses que contient
entre autres The Eaton Choirbook, comporte également des chansons profanes
à 3 et parfois à 4 voix, atteste la vitalité
de ce genre de musique à l’époque. Ah
Robin, Gentle Robin, par exemple, est un
petit chef-d’oeuvre de simplicité écrit sous
forme d’un canon avec un contre-chant
plus lyrique dès qu’il est question de my
lady. Citons enfin son magnificat. Très
variée et pleine de talent et d’imagination,
l’activité artistique de Cornyshe demeure
caractéristique du développement et du
raffinement intellectuels à la cour du second Tudor. Pour une édition moderne
des oeuvres profanes, on peut consulter
Musica britannica (vol. 18, 1962, éd. J. Stevens). Pour les oeuvres contenues dans The
Eaton Choirbook, voir Musica britannica
(vol. 10-12, 1956-1961, éd. F. L. Hawison).
CORO SPEZZATO (ital. : « choeur brisé »).
Expression italienne, quelquefois employée au XVIe siècle pour désigner une
forme spéciale de double choeur, très pratiquée à Saint-Marc de Venise, où elle était
favorisée par la disposition des tribunes ;
elle consistait surtout dans l’alternance des
deux choeurs qui s’unissaient à la fin en un
seul grand choeur.
CORREA DE ARAUXO ou ARAUJO
(Francisco), organiste, compositeur et
théoricien espagnol ou portugais ( ? v.
1575 - Séville v. 1663).
Malgré son importance historique, sa vie
et son activité demeurent presque méconnues. On sait qu’il était prêtre et qu’il fut titulaire de l’orgue de l’église Saint-Sauveur
de Séville à partir de 1598 et jusqu’à une
date postérieure à 1633. En 1626, il publia
un ouvrage théorique et pratique intitulé
Libro de tientos y discursos de música práctica y téorica d’organo, intitulado Facultad
organica ; il y réunit 70 pièces d’orgue
classées par ordre de difficulté, pour la
plupart des tientos (sortes de préludes en
style fugué), et un exposé théorique sur
les diverses formes d’écriture pour l’orgue
illustrées par son livre.
CORREA DE AZEVEDO (Luis Heitor),
musicologue et folkloriste brésilien (Rio
de Janeiro 1905 - Paris 1992).
Après avoir exercé différentes fonctions
de journaliste et d’organisateur de la vie
musicale brésilienne, il fut le premier
musicologue à occuper, en 1939, la chaire
de folklore national de l’actuelle École de
musique de l’université fédérale de Rio de
Janeiro. Membre de la Commission nationale du livre didactique (1945-1948), il
fut appelé, à partir de 1947, à diriger les
services musicaux de l’Unesco à Paris. On
lui doit la fondation du Conseil international de la musique et la publication de
la série Archives de la musique enregistrée.
À la suite de la création de l’Institut des
hautes études de l’Amérique latine à l’université de Paris, entre 1954 et 1958, Correa
de Azevedo donna une série de cours sur
l’histoire de la musique. Il fut, par ailleurs,
invité à différentes reprises par plusieurs
universités des États-Unis. Enfin, il a publié plusieurs ouvrages au Brésil : Gammes,
rythmes et mélodies dans la musique des
Indiens brésiliens ; Musique et musiciens du
Brésil ; Cent Cinquante Ans de musique au
Brésil (1800-1950).
CORRETTE (Michel), organiste, compositeur et pédagogue français (Rouen
1709 - Paris 1795).
Fils de Gaspard Corrette, qui publia en
1703 une messe pour orgue, il reçut de
son père une formation d’organiste qui
lui permit d’occuper plusieurs tribunes à
Paris : en 1726, celle de Sainte-Marie-en-
la-Cité ; en 1737, celle du grand prieur de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
260
France ; en 1750, celle des jésuites de la rue
Saint-Antoine ; en 1759, celle du prince
de Condé ; et, en 1780, celle du duc d’Angoulême. Ces postes allaient le conduire à
écrire deux livres d’orgue (1737, 1750) et
de nombreuses pièces, qui tantôt s’inscrivent dans la tradition, avec des préludes
ornementés ou des versets fugués, tantôt
témoignent du goût de l’époque, avec les
concertos de symphonie ou les musettes.
Corrette se tourna également vers la
musique profane et composa, à partir de
1733, des vaudevilles pour les spectacles
des foires de Saint-Laurent et Saint-Germain. Il s’intéressa aussi à des instruments
divers, en leur consacrant des ouvrages
pédagogiques, publiés entre 1738 et 1784,
et en recherchant dans ses oeuvres de nouvelles combinaisons de timbres : il mêla
aux cordes, dans ses concertos comiques qui comptent parmi les premiers concertos écrits pour instruments à vent - des
flûtes, des hautbois, des musettes ou des
vielles. Il manifesta un même souci de variété dans ses sources d’inspiration : il ne
se contenta pas, comme beaucoup de ses
contemporains, de puiser dans des modèles italiens, mais il sut aussi faire appel
à des thèmes choisis dans des chansons
populaires ou dans des noëls.
CORTECCIA (Francesco), compositeur
italien (Florence 1502 - id. 1571).
Ordonné prêtre, il s’installe à Florence,
où il est nommé organiste de San Lorenzo
en 1531 et, plus tard, maître de chapelle
à la même église (1542). Entre-temps il
entre au service de Cosme Ier de Médicis,
en 1539, comme maître de chapelle et
compositeur de la Cour, poste qu’il réussit à garder jusquà sa mort. Francesco
Corteccia est un compositeur loin d’être
insignifiant. Doué d’un sens dramatique
toujours en éveil, il a contribué à l’éclosion
de la monodie accompagnée, écrivant des
intermèdes musicaux pour des pièces de
théâtre (Il Commodo de A. Landi, Il Furio,
La Cofanario de F. d’Ambra). Il a publié à
Venise deux livres de madrigaux à 4 voix
(1544-1547) et d’autres à 6 voix (1547).
Dans le domaine de la musique religieuse,
il a composé deux livres de respons à 4 voix
(Venise, 1570), des psaumes et deux livres
de motets à 5 et à 6 voix (Venise, 1571).
Plus intéressantes encore sans doute sont
ses deux passions (Passio secundum Joannem, 1527 ; Passio secundum Matthaeum,
1532), le récit étant déclamé sans musique
par le testo et commenté par des choeurs à
4 voix, harmonisé généralement avec simplicité mais d’une expressivité émouvante ;
l’écriture homorythmique est au service
de la parole. Ces deux oratorios comptent
parmi les tout premiers en Italie.
CORTÈGE.
Variété de marche instrumentale ayant un
caractère aristocratique (Cortège solennel
pour orchestre de Glazounov) ou visant
à parodier ce caractère (Cortège burlesque
pour piano à 4 mains de Chabrier).
CORTOT (Alfred), pianiste, chef d’orchestre et pédagogue français (Nyon,
Suisse, 1877 - Lausanne 1962).
Né d’un père français et d’une mère suisse,
il commença l’étude du piano avec ses
soeurs, et eut l’occasion d’entendre jouer
Clara Schumann. Il entra au Conservatoire
de Paris dans les classes d’Émile Decombes
(qui avait reçu les conseils de Chopin) et
de Louis Diémer pour le piano, de Raoul
Pugno et de Xavier Leroux pour l’écriture. Il obtint son premier prix de piano
en 1896. Fervent wagnérien, il fut chef de
chant à Bayreuth et, dans le cadre d’une
Société des festivals lyriques qu’il avait fondée, dirigea en 1902 à Paris, en première
audition, Tristan et Isolde et le Crépuscule
des dieux. L’échec financier de ces exécutions l’obligea à reprendre ses activités de
pianiste, mais non à renoncer à la direction
d’orchestre et à l’organisation de concerts :
il fonda en 1903 l’Association des concerts
Cortot et y donna les premières auditions
à Paris de la Missa solemnis de Beethoven, de Parsifal de Wagner, de la Légende
de sainte Élisabeth, du Requiem allemand
de Brahms, de mélodies de Moussorgski,
mais aussi d’oeuvres de D’Indy, Chausson,
Lekeu, Magnard, Roussel, Ladmirault,
etc. En 1905, il forma avec le violoniste
Jacques Thibaud et le violoncelliste Pablo
Casals un trio demeuré fameux ; il joua
aussi beaucoup en duo avec Casals et plus
encore avec Thibaud. De 1907 à 1917, il
fut professeur de piano au Conservatoire
de Paris. En 1918, il fonda, avec A. Mangeot, l’École normale de musique, en demeura longtemps le directeur et y donna
des cours d’interprétation réputés où il eut
notamment pour disciples Dinu Lipatti,
Clara Haskil, Magda Tagliaferro, Yvonne
Lefébure, Vlado Perlemuter et Samson
François. Il donna son dernier concert à
Prades en 1958, avec Pablo Casals.
Ce grand ambassadeur de l’art français a mérité plus qu’aucun autre d’être
appelé un « poète du piano ». Ses interprétations, servies par un toucher admirable, par une sonorité très particulière,
liquide, profonde, sans dureté même dans
la plus grande force, étaient le reflet d’un
véritable univers spirituel, d’une ample
vision d’humaniste, le fruit d’une profonde réflexion parcourue d’intuitions
qui donnaient à son phrasé un tour très
personnel. Son répertoire était vaste, mais
son jeu s’accordait particulièrement à la
musique de Chopin, Schumann, Liszt et
Debussy. Sa pédagogie s’orientait beaucoup plus vers une compréhension profonde des oeuvres que vers la technique
pure ou vers des recettes d’exécution. Elle
rattachait sans cesse une analyse précise
à un vaste contexte esthétique. On en
trouve l’image dans le Cours d’interprétation recueilli par Jeanne Thieffry (2 vol.,
Paris, 1934), mais aussi dans des ouvrages
écrits par Cortot lui-même d’une plume
brillante : la Musique française de piano (3
vol., Paris, 1930-1932), Aspects de Chopin
(Paris, 1949). Cortot a également laissé
des éditions de travail d’oeuvres de Chopin, Schumann, Franck, etc.
COSSET (François, appelé parfois COSSETTE ou COZETTE), compositeur français
(Saint-Quentin v. 1610 - id. ? v. 1673).
Il fit toute sa carrière dans des maîtrises,
soit comme enfant de choeur, soit comme
sous-maître ou maître. À la mort de Veillot
en 1643, il fut nommé chef de la maîtrise
de Notre-Dame de Paris. Il démissionna
de ce poste en 1646 à la suite de critiques
formulées par la reine à son égard au sujet
d’une mauvaise exécution d’un Te Deum.
Il revint à Reims, reprenant en 1650 son
poste de maître de chapelle avant d’être
nommé à Amiens pour diriger la maîtrise
de la cathédrale. En 1664, il était à SaintQuentin et se consacra à la composition.
L’oeuvre de François Cosset, uniquement
religieuse, est fondée sur une écriture en
contrepoint stricte, respectant le style
palestrinien, notamment, dans les huit
messes pour solos et choeurs à 4, 5 et 6 voix
conservées, où elle est sans accompagnement instrumental.
COSTE (Napoléon), guitariste et compositeur français ( ?, département du
Doubs, 1806 - Paris 1883).
Parallèlement à une carrière de virtuose,
il étudia à fond la composition musicale
à Paris, où il se fixa en 1830. Son oeuvre
compte plus de 70 pièces pour la guitare,
d’une écriture brillante et très marquée par
l’esthétique à la mode à la fin du XIXe siècle.
S’attachant également à améliorer les possibilités de son instrument il y ajouta une
septième corde (ré grave), qui ne fut cependant pas conservée après lui.
COSTELEY (Guillaume), compositeur
français (Pont-Audemer [ ?] v. 1531 Évreux 1606).
Organiste et valet de chambre du roi
Charles IX à partir de 1560, puis d’Henri
III, il fit partie du cercle humaniste de la
comtesse de Retz et se lia d’amitié avec J.
A. de Baïf et R. Belleau. Il appartint donc
au mouvement qui allait aboutir à la création de l’Académie de musique et de poésie
en 1570 et s’attacher plus spécialement à
faire revivre l’éthos de la musique et ses
effets. Retiré dès 1570 à Évreux, Costeley
y fonda en 1575 un puy, ou concours de
composition, mais ses liens avec la Cour
se maintinrent puisque, en 1599, il était
encore qualifié de « conseiller du roi ».
Curieusement, on ne possède de cet organiste qu’une fantaisie pour clavier (« Sus
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
261
orgue ou espinette »). Le recueil Musique,
qu’il publia chez Le Roy et Ballard en
1570 - contenant 103 chansons destinées
surtout à mettre en valeur la rare étendue des chanteurs du roi -, témoigne de
l’élégance et du charme de son style pour
ne citer que la plus célèbre d’entre elles,
Mignonne, allons voir si la rose (Ronsard).
Costeley affectionna l’écriture verticale
comme en témoigne l’alternance d’homophonie et de polyphonie dans Mignonne
ou Allez mes premiers amours, premier
pas vers la conquête du sentiment harmonique - admirablement démontré dans Mignonne avec l’entrée tardive de la basse sur
« Las ! Voyez comme en peu d’espace » - et,
qui, dans le cas, souligne le sens du texte et
la progression de la pensée. Il tenta aussi,
avec Seigneur Dieu ta pitié, une incursion
dans le domaine de la musique non diatonique (il préconisa les tiers de tons non
seulement pour les voix, mais aussi pour les
instruments) et annonça déjà l’air de cour
par une vingtaine de chansons strophiques
« en forme d’air », genre qui se répandit
dans la seconde moitié du XVIe siècle (P.
Bonnet, J. Planson), sous l’influence des
nouvelles formes poétiques.
COTILLON.
Danse ancienne caractérisée, comme le
branle, par le déplacement latéral des
pieds.
Le cotillon réunissait quatre ou huit
danseurs et comportait souvent des scènes
mimées ajoutées aux figures classiques.
Quand il fut passé de mode, vers la fin de
l’Ancien Régime, son nom fut donné à la
simple farandole qui, comme lui, servait
de conclusion aux bals de société.
COTTE (Roger), musicologue et organologue français (Clamart 1921).
Il fit ses études musicales au Conservatoire de Paris, entre 1940 et 1948, avec G.
Crunelle (flûte), Samuel-Rousseau (harmonie et contrepoint), P. Brunold (organologie), et passa en 1961 son doctorat de
musicologie à la Sorbonne, sous la direction de J. Chailley. Chef du Groupe d’instruments anciens de Paris depuis 1953,
il a été nommé, en 1957, professeur à la
Schola cantorum et a été directeur du laboratoire de musicologie de la Sorbonne.
Ses recherches et ses interprétations ont
concerné essentiellement Rousseau (enregistrement du Devin du village), la musique maçonnique (Mozart, Beethoven,
Himmel, Taskin), sur laquelle il a écrit plusieurs études, et les instruments, notamment la flûte à bec, pour laquelle il a enregistré une méthode par le disque (1973).
COULÉ.
Ornement des XVIIe et XVIIIe siècles, instrumental ou vocal, qui indique une succession rapide de notes.
Le plus utilisé est la tierce coulée, qui
est souvent signalée par une petite barre
oblique entre les deux notes concernées
d’un accord. Cet ornement, joué en général avant le temps et dans les morceaux de
caractère gracieux, fut très en usage dans
les pièces de clavecin de F. Couperin. Pour
indiquer le coulé, on peut aussi écrire les
notes à jouer, en petits caractères, mais
le signe habituel lui est néanmoins préférable.
COULISSE.
Partie mobile du tube, en forme d’« U »,
que l’on rencontre dans certains instruments à vent, en particulier le trombone, et
qui, s’actionnant d’avant en arrière, détermine un allongement ou un raccourcissement de la colonne d’air et, par là même,
une variation de la hauteur du son.
COUP D’ARCHET.
Il indique, dans le jeu des instruments à
cordes frottées, les différentes manières de
mouvoir l’archet sur la corde, à l’endroit
correct, dans la direction et à la vitesse
prescrites, et avec la pression nécessaire.
Le mouvement d’archet qui va du talon à la
pointe est appelé « tiré » (que l’on note par
le signe U) et celui qui va de la pointe au
talon « poussé » (V). Les principaux coups
d’archet sont le détaché, le legato, le martelé, le sautillé, le spiccato, le staccato, le
staccato à ricochet, le staccato volant, etc.
Lorsqu’une partition ne porte pas d’indications assez précises, les instrumentistes à
cordes d’un orchestre de chambre ou d’un
orchestre symphonique doivent se mettre
d’accord sur les coups d’archet, pour obtenir une interprétation homogène.
COUP DE GLOTTE.
En technique vocale, geste physiologique
qui provoque l’expulsion de l’air et la naissance du son par l’écartement des cordes
vocales et l’ouverture de la glotte. Il était,
en général, recommandé par les maîtres
italiens et français et il est parfaitement
analysé et décrit dans les traités de Garcia et de Faure au XIXe siècle. Ce geste doit
naturellement s’exécuter avec souplesse et
sans donner à l’auditeur l’impression que
la voyelle est précédée d’un « H ». C’est
seulement dans le cas de cette exagération
(ce que les maîtres anciens appelaient hoquet, ou coup de poitrine) qu’il a pu acquérir une nuance péjorative sous la plume de
certains théoriciens, qui commettent ainsi
une transgression de vocabulaire sans remettre en cause ce principe physiologique.
COUP DE LANGUE.
Procédé d’émission commun à tous les instruments à vent occidentaux, les « bois »
comme les « cuivres ».
La langue de l’exécutant, poussée vers
l’avant de manière à obturer hermétiquement l’ouverture des lèvres, est brusquement retirée vers l’arrière, selon une comparaison couramment utilisée, comme
pour recracher un bout de fil, libérant l’air
sous pression fourni par les poumons. Le
coup de langue est utilisé pour le jeu staccato.
COUPERIN (dynastie des).ESD
Elle a souvent été comparée à la dynastie
allemande des Bach. Le rapprochement
est d’autant plus séduisant que le plus
ancien musicien connu du nom de Couperin, Mathurin, fut contemporain de
Veit Bach († 1619), le meunier mélomane,
arrière-arrière-grand-père de Jean-Sébastien, tandis que Céleste Couperin, organiste et professeur de piano, s’éteignit en
1860, quinze ans après la mort de Wilhelm
Friedrich Ernst Bach. Les deux dynasties
ont la même durée, la même ascension et
culminent presque au même moment.
La musique remonte beaucoup plus
loin chez les Couperin qu’on ne le croyait
encore récemment. Mathurin Couperin (1569-1640), « laboureur » et « procureur » à Beauvoir, petit village de la
Brie, possédait le titre de « maître joueur
d’instruments », qui allait passer à son fils
Charles. L’inventaire après décès de celuici montre, chez un simple « tailleur d’habits » à Chaumes-en-Brie, de nombreux
instruments de musique : violons, violes,
flûtes, hautbois, qui laissent supposer une
pratique musicale de quelque importance.
Des mariages attestent tout un réseau
d’alliances avec des musiciens, et une vie
artistique étonnamment intense dans ce
milieu de paysans, artisans et hommes de
loi à l’échelle d’une bourgade de province.
Trois fils de Charles I Couperin, Louis,
François I et Charles II, découverts par le
claveciniste de la Cour Jacques Champion
de Chambonnières, opèrent la « muta-
tion » et adoptent l’état de musiciens professionnels.
Louis Couperin (Chaumes-en-Brie 1626 Paris 1661). Installé à Paris vers 1650 à la
suite de Chambonnières, il est nommé
violiste de la Chambre du roi et titulaire
de l’orgue de Saint-Gervais en 1653 (cet
instrument restera dans la famille jusqu’en
1830). Pressenti pour occuper la charge
de claveciniste de la Chambre, il se récuse
pour ne pas porter tort à son bienfaiteur
Chambonnières, et est nommé ordinaire
de la Chambre pour la viole, et comme
tel accompagne les ballets de cour. À sa
connaissance du style français, L. Couperin
joint très vite celle de la manière italienne,
qu’il a acquise, semble-t-il, au contact de
Froberger (à Paris en 1652). Auteur de 130
pièces de clavecin et de quelque 70 pièces
d’orgue découvertes en 1957 et enfin entièrement livrées au public, de Fantaisies
pour les violes, de 3 Fantaisies en trio, il a
écrit une musique d’une grande audace
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
262
harmonique et d’un lyrisme contenu. Les
pièces d’orgues découvertes ont révolutionné l’histoire de cet instrument en
France, et font de Louis Couperin le trait
d’union qui manquait entre Titelouze et
Nivers. Préludes non mesurés à la manière
des luthistes français côtoient des pièces
à la manière de Frescobaldi, des pièces de
danse pour le clavecin, des fugues et fantaisies pour l’orgue, qui témoignent, avant
son neveu François II Couperin, du souci
d’allier les « goûts » français et italien. Il
meurt en 1661, à trente-cinq ans.
François I Couperin (Chaumes-en-Brie
1630 - Paris 1701). Frère du précédent, bon
pédagogue, il ne semble pas avoir laissé de
compositions, et a été écarté de la succession à l’orgue de Saint-Gervais.
Charles II Couperin (Chaumes-en-Brie
1638 - Paris 1679). Frère des précédents, il
semble avoir rejoint son frère et avoir eu
très tôt une charge à la Cour (il est violiste
dans le Ballet de la raillerie en 1659). À la
mort de Louis, il lui succède à l’orgue de
Saint-Gervais (1661) et meurt en 1679 sans
laisser de compositions. Il est le premier
Couperin à s’être fait appeler « sieur de
Crouilly », du nom d’une terre familiale
près de Beauvoir, titre que reprend son fils
François II.
Marc-Roger Normand (1663-1734),
cousin des précédents, organiste à Turin.
La génération suivante est représentée, outre François II Couperin, dit LE
GRAND (1668-1733), par le fils de François
I.
Nicolas Couperin (1680-1748). Musicien du comte de Toulouse, il prend la succession de François II, son cousin, à l’orgue
de Saint-Gervais. Sa soeur aînée, Marguerite-Louise Couperin (1676-1728), a
été une chanteuse réputée, à laquelle son
cousin François II dédie une partie de ses
motets pour la chapelle de Versailles.
La troisième génération des Couperin
musiciens comprend :
Armand-Louis Couperin (1727-1789),
fils du précédent, organiste de Saint-Gervais et de plusieurs autres églises de Paris,
dont Notre-Dame pour un quartier. Il
laisse des pièces pour clavecin avec accompagnement de violon, des sonates en trio,
des motets, une cantate. Il a épousé la fille
du facteur de clavecins Blanchet.
Des quatre enfants de François II, la
fille aînée, Marie-Madeleine Couperin
(1690-1742), a été religieuse et organiste
de l’abbaye de Maubuisson, et la cadette,
Marguerite-Antoinette Couperin
(1705-1778), claveciniste de la Cour et
maître de clavecin des Enfants de France
(les filles de Louis XV en particulier).
On louait beaucoup son jeu « savant et
brillant ». Les deux fils, l’un mort en bas
âge et l’autre ayant rompu ses attaches
avec sa famille (François-Laurent, encore
vivant à Montauban en 1740), joints aux
deux filles célibataires, laissent s’éteindre
la filiation de François Couperin le Grand.
La cinquième génération est donc
constituée de la seule filiation d’ArmandLouis Couperin : Pierre-Louis Couperin
(v. 1755-1789), organiste, qui succède à
son père, et Gervais-François Couperin
(1759-1826), qui tient à son tour l’orgue
de Saint-Gervais. Il laisse une symphonie,
des pièces pour le clavecin et le piano, des
romances.
La dernière génération est représentée par Céleste Couperin (1793-1860),
fille du précédent, qui tient l’orgue de ses
ancêtres jusqu’en 1830 et meurt dans la
misère.
COUPERIN (François, dit François II, LE
GRAND), compositeur français (Paris 1668 id. 1733).
Unique fils de Charles Couperin, orphelin à l’âge de onze ans, il fut élevé par sa
mère, qui confia son éducation musicale
à Jacques Thomelin, organiste de SaintJacques-la-Boucherie. Les minutes du
conseil de fabrique de l’église Saint-Gervais nous apprennent que M. R. Delalande
assura l’intérim de la charge d’organiste,
que François Couperin occupa de fait dès
1685, et qu’il conserva jusqu’en 1723. En
1689, il épousa Marie-Anne Ansault, dont
il eut quatre enfants : Marie-Madeleine
(1690-1742), religieuse et organiste à l’abbaye de Maubuisson (soeur Marie-Cécile) ;
François-Laurent ( ? - vivant en 1747),
qui disparut et sembla avoir mené une vie
errante ; Marguerite-Antoinette (17051778), claveciniste de la Chambre du roi et
maître de clavecin des Enfants de France ;
et Nicolas-Louis (1707- ?), mort sans
doute en bas âge. François Couperin obtint
en 1790 le privilège pour un Livre d’orgue
consistant en deux messes, qui ne furent
pas imprimées, mais diffusées en manuscrit. Vers 1692-93, il composa ses premières sonates, dans la manière italienne :
la Steinquerque et la Française, qui furent
diffusées sous un pseudonyme italien, dans
les milieux italianisants de la capitale. En
1693, à la mort de son maître Thomelin, il
obtint par concours le poste d’organiste de
la chapelle royale pour le quartier de janvier, charge qu’il conserva jusqu’en 1730.
Il composa divers motets pour petits ensembles destinés à la chapelle royale, dont
certains furent imprimés « de l’ordre du
Roy » (1703 à 1705) et quelques-uns destinés à sa cousine Marguerite-Louise, chanteuse réputée et membre de la musique de
la Cour. « Professeur-maître de clavecin »
du Dauphin (duc de Bourgogne), il enseigna la musique à plusieurs enfants de la
famille royale, ainsi que, quelque temps,
à la jeune infante passagèrement fiancée
à Louis XV. Dès 1707, quelques pièces de
clavecin furent publiées par Ballard dans
des recueils collectifs, mais son premier
livre parut en 1713 seulement, succédant
à de nombreuses publications similaires,
notamment au premier livre de Rameau
(1706). En 1714-15, il publia les Leçons
de ténèbres pour le mercredy, annonçant
la parution de deux autres séries (pour le
jeudi et le vendredi), qui ne virent jamais
le jour. Vers la fin du règne de Louis XIV,
sa musique de chambre, délaissant l’italianisme des premières sonates, s’orienta
vers la forme de la suite française, dans
les Concerts royaux composés pour le roi,
puis dans les Goûts réunis. Après l’Art de
toucher le clavecin (1716), où il donna,
non sans désordre, mais avec finesse, ses
conseils de pédagogue, il publia trois nouveaux livres de clavecin (1717, 1722, 1730),
réédita ses sonates en les complétant d’une
suite, sous le nouveau titre des Nations : à
l’italianisme de la première partie fit place
un style synthétique où le « goût italien »
et le « goût français » se conjuguaient. Sa
dernière oeuvre dans ce domaine consistait
en deux Suites pour les violes.
François Couperin semblait de santé
délicate, voire maladive, et ne cessa de
s’en plaindre. Nous savons peu de choses
sur sa vie intime et sa personne, qui paraît être restée très secrète. Brillant jeune
musicien, qui publia à vingt-deux ans un
chef-d’oeuvre (les Messes d’orgue), il appartint à l’avant-garde italianisante (ses
sonates furent les premières composées en
France à la manière de Corelli). Occupant
à vingt-cinq ans d’importantes charges
à la Cour, chevalier de l’ordre de Latran
(1702), respecté et honoré, il fit cependant une carrière moins brillante qu’il ne
paraît : modestie ou maladie, il resta en
retrait. Il abandonna ses diverses charges
(1723, Saint-Gervais, 1730, organiste et
claveciniste du roi), et ses dernières années semblent avoir été douloureuses.
L’ensemble de son oeuvre porte une
double marque : d’une part, l’héritage
de la tradition française, par l’intermédiaire de ses maîtres organistes (Thomelin, sans doute Delalande), de son oncle
François, des clavecinistes issus, comme
son père et ses oncles, de l’enseignement
de Chambonnières, et aussi de l’opéra,
dont sa bibliothèque contenait maints
volumes ; d’autre part, la tradition italienne, qu’il connut très tôt dans les
cercles italianisants de la capitale (SaintAndré-des-Arcs ?). Ces deux apports,
d’abord assez distincts (tradition française
dans les messes, tradition italienne dans
les sonates et la plupart des motets), se
rejoignent dans une tentative consciente
de synthèse : certaines oeuvres (les Goûts
réunis, l’Apothéose de Lully) se présentent
comme des « manifestes » de l’alliance des
styles, tandis que l’oeuvre pour clavecin
les mêle ou les juxtapose tour à tour. À la
tradition française, Couperin emprunte
l’élégance mélodique, le goût de la danse,
l’ornementation, tandis que l’Italie lui insdownloadModeText.vue.download 269 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
263
pire une carrure, un goût de la symétrie,
l’emploi, discret mais caractéristique, du
chromatisme, et maintes formules instrumentales.
Les Messes d’orgue, écrites à l’âge de
vingt ans, manifestent des dons éclatants.
Elles se plient aisément aux contraintes
du règlement très strict de l’archevêché
de Paris (1662) et à celles de la tradition
française, issue tant du style contrepointé
de Titelouze que de celui, plus léger et
plus mélodique, de Lebègue ou de Nivers.
Couperin fait alterner les versets polyphoniques sur thème de plain-chant à la basse
ou en taille (kyrie, et in terra pax, sanctus,
agnus Dei) et des pièces libres : duos, trios,
basses de trompette ou de chromhorne,
dialogues. L’offertoire de la Messe des paroisses est un grand triptyque, qui allie un
mouvement lent d’ouverture, un ricercar
au contrepoint hardi et un mouvement de
gigue. La Messe des paroisses est d’un ton
plus solennel et d’une écriture plus ample,
la Messe des couvents, plus intime quoique
plus mondaine de ton.
La musique vocale sacrée constitue une
part non négligeable de l’oeuvre de Couperin, en grande partie manuscrite. Les
Motets de l’ordre du roy manifestent un
goût très vif des effets vocaux et instrumentaux venus d’Italie et un sens quasi
impressionniste du coloris instrumental.
Les deux recueils manuscrits de Versailles
et du comte de Toulouse comportent des
pièces diverses à 1, 2 et 3 voix, moins
mondaines, souvent d’une inspiration religieuse très douce, tendre, d’une émotion
voilée. L’oeuvre religieuse culmine avec les
trois Leçons de ténèbres à 1 et 2 voix, où
la tradition française issue de Lambert et
de Charpentier (alliant le récitatif à un art
vocal très orné issu de l’air de cour) se tempère en un remarquable équilibre.
La musique vocale profane, en l’absence
des cantates perdues (Ariane abandonnée),
se réduit à quelques vaudevilles, brunettes
et canons ; seule, la brunette Zéphire, modère en ces lieux, avec ses 5 variations, dans
le style de l’air de cour, a quelque ampleur.
La musique de chambre, pratiquée par
Couperin tout au long de sa vie, suit une
évolution très marquée. Les premières sonates en trio sont construites sur le modèle
italien, et font alterner les mouvements
lents et vifs de la sonata da chiesa. Un peu
courtes d’inspiration dans les débuts, elles
prennent plus d’ampleur avec la Sultane
(à 4 parties), avec l’Impériale et avec l’Apothéose de Corelli : écriture en imitation,
mouvements lents avec basse mélodique,
embryons d’écriture concertante (la Sultane), avec par instants de brefs mouvements chantants d’inspiration française.
Les Concerts royaux marquent une mutation : c’est la suite chorégraphique à la
française qui apparaît, tandis que les Goûts
réunis tentent une synthèse des deux
« manières », tantôt alternées (8e concert
« dans le goût théâtral », plus nettement
français, 9e concert Il Ritratto dell’amore,
reprenant la sonate italienne), tantôt fondues. Les 11e et 12e concerts, à deux violes,
annoncent le recueil des Pièces pour violes,
constitué de deux suites, l’une constituée
des danses habituelles, l’autre de mouvements de sonate italienne encadrant une
émouvante Pompe funèbre. L’Apothéose de
Corelli est une ample sonate à l’italienne,
dont les mouvements sont pourvus de
titres, tandis que l’Apothéose de Lully est
une véritable pièce à programme, décrivant avec humour l’arrivée du musicien
au Parnasse, et qui s’achève par la Paix du
Parnasse, sonate à 3, consacrant l’alliance
des goûts français et italien.
L’oeuvre de clavecin, répartie en 4
livres, groupe 240 pièces en 27 ordres :
forme d’une extrême liberté, initialement
inspirée de la suite, mais qui, très vite,
n’a d’autre unité que celle de la tonalité
et surtout d’une atmosphère particulière
à chacun. L’évolution est assez nette.
Le Premier Livre (1713), constitué sans
doute de pièces plus ou moins anciennes,
est plus disparate. Au Deuxième (1717),
l’étoffe se resserre : c’est une série plus
grave, parfois sévère. Le Troisième (1722)
est plus poétique, plus léger, glissant souvent vers l’humour, qui culmine au début
du Quatrième (1730) pour laisser place,
dans les 4 derniers ordres, à un ton douloureux, parfois amer, et qui a presque
complètement abandonné les anciennes
formes de danse. La plus grande partie de
ces pièces est pourvue de titres, parfois
délicats à interpréter. Certains sont des
dédicaces (à des amateurs : la Villers ; à
des musiciens : la Forqueray, la Garnier ;
à des élèves : la Conti, la Méneton, etc.) ;
d’autres paraissent être des portraits, sans
qu’il soit toujours possible de le déterminer avec certitude. Quelques pièces sont
des « tableaux de genre « : les Vendangeurs, les Petits Moulins à vent. D’autres
titres, au contraire, qualifient la musique
elle-même : la Séduisante, la Lugubre, la
Ténébreuse, ou en indiquent le ton : la Petite Pince-sans-rire, les Langueurs tendres,
le style (la Harpée, les Grâces naturelles)
ou l’écriture (les Tours de passe-passe).
Certaines pièces, mais très peu, sont des
pièces à programme (les Fastes de la grande
et ancienne ménestrandise). Sous le titre se
cache souvent une pièce de musique pure
(les Folies françaises sont une série de variations dans le style de la Folia), et telle
pièce n’est, malgré son « sujet » apparent,
qu’une petite toccata dans le style des
clavecinistes italiens (les Tic-toc-chocs, le
Réveil-Matin). La forme des pièces affecte
soit la structure binaire issue de la danse,
soit le rondeau, parfois des structures plus
complexes (rondeau double, ou mélange
des deux formes). L’écriture est extrêmement variée, tantôt simple et harmonique,
tantôt savamment contrepointée et utilisant librement l’imitation. L’ornementation brillante et notée avec précision
est typiquement française (trilles, pincés,
ports-de-voix, coulés, aspirations), tandis
que la complexité de l’harmonie et l’usage
discret du chromatisme, quelques basses
obstinées ou basses d’Alberti rappellent
l’écriture italienne - les deux manières
étant plus savamment mêlées que dans la
musique de chambre de Couperin. Plus
encore que dans le reste de son oeuvre, il
est, ici, novateur et distance ses modèles,
Chambonnières, L. Couperin, Marchand.
Et, mieux qu’ailleurs, dans cette synthèse
parfaitement aboutie, apparaît un musicien sensible, tendre, dont l’humour cache
souvent une secrète, mais profonde, mélancolie.
COUPLET.
Dans l’acception courante, d’origine d’ail-
leurs fort ancienne, c’est le terme correspondant, en musique, à celui de strophe
en poésie, c’est-à-dire, dans la chanson, l’élément de renouvellement laissant apparaître des textes différents sous
une même mélodie et alternant avec un
refrain dont musique et texte sont fixes.
Dans la musique instrumentale des XVIIe
et XVIIIe siècles et, spécialement, dans les
pièces pour clavecin, le mot prend un sens
plus particulier, mais dérivé du précédent :
il désigne une variation, un retour orné,
agrémenté, du thème principal, apparaissant entre deux rondeaux qui sont l’équivalent du refrain.
COURANTE (ital. corrente).
Danse dont l’origine
- italienne ou française - remonte au
XVIe siècle ; avec l’allemande, la sarabande
et la gigue, elle prend la deuxième place
dans la suite instrumentale classique.
Elle est d’abord à deux temps rapides, au
XVIe siècle en France, et c’est ainsi qu’elle
est décrite par Th. Arbeau (Orchésographie, 1588), avant d’adopter un tempo
plus modéré au siècle suivant, pour devenir une danse de cour extrêmement populaire sous Louis XIV, cette fois à trois
temps (3/2 ou 6/4) et d’une allure plus
aristocratique. La forme en est généralement binaire avec une reprise de chaque
section. En Italie, la corrente choisit un
rythme ternaire, un tempo rapide (3/8 ou
3/4) et une écriture plus simple et régulière que dans la courante française, plus
gracieuse et contrapuntique. On trouve
de nombreux exemples des courantes,
d’abord chez les luthistes, puis dans les
suites des maîtres français du clavecin
(Chambonnières, d’Anglebert, les deux
Couperin, Froberger). Chez J. S. Bach, on
constate l’emploi du type français ; G. F.
Haendel, en revanche, a eu recours aux
deux styles.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
264
COURAUD (Marcel), chef d’orchestre et
chef de choeur français (Limoges 1912 Paris 1986).
Il fit ses études à l’École normale de musique et prit des cours d’orgue avec André
Marchal. En 1944, il fonda l’ensemble vocal
Marcel-Couraud avec lequel il exécuta et
enregistra des chansons et des madrigaux
de la Renaissance (Lassus, Costeley, Janequin, Monteverdi) et des oeuvres contemporaines, notamment les Trois Petites
Liturgies de la présence divine de Messiaen.
En 1967, il fut nommé chef des choeurs de
l’O. R. T. F. et, l’année suivante, il y créait
l’ensemble des douze solistes des choeurs
de l’O. R. T. F. avec lesquels il se consacra principalement à l’étude du répertoire
contemporain. Leur répertoire comprenait, entre autres, les Cinq Rechants de
Messiaen, le Dodécaméron d’Ivo Malec, le
Récitatif, air et variations de Gilbert Amy,
Nuits de Xenakis et la Sonate à douze de
Betsy Jolas. Couraud a également enregistré des choeurs de Brahms avec l’Ensemble
vocal de Stuttgart et a publié à l’intention
des chefs de choeur des Cahiers de polyphonies vocales.
COURVILLE (Joachim Thibaut de), compositeur, chanteur et instrumentiste
français (Paris 1581 - ?).
Il tenait à la cour le poste de joueur de lyre.
En 1570, il fonda avec J.-A. de Baïf l’Académie de poésie et de musique, à laquelle
appartenaient également les compositeurs
Cl. Le Jeune et J. Mauduit. Le musicien et
le poète tentèrent de réussir une harmonie
parfaite entre les deux arts. Malheureusement, très peu d’oeuvres de Thibaut de
Courville subsistent : trois airs dans le livre
d’Airs mis en musique de son élève italien
F. Caietain et cinq pièces strophiques pour
voix et luth insérées dans les recueils de G.
Bataille (début du XVIe s.). Deux d’entre
elles, sur des poèmes de Desportes (Si je
languis d’un martire incogneu - qui comporte une ornementation vocale virtuose
et ressemble ainsi à un « double » - et Sontce dards ou regards), ont été éditées par A.
Verchaly (Airs de cour pour voix et luth,
Paris, 1961).
COUSSEMAKER (Charles, Edmond,
Henri de), musicologue français (Bailleul,
Nord, 1805 - Lille 1876).
Parallèlement à une carrière de magistrat,
après quelques essais de composition musicale, il se consacra à des recherches historiques et musicologiques. Il est considéré
comme l’un des pionniers de la musicologie médiévale et, aujourd’hui encore, les
spécialistes peuvent consulter ses travaux
avec profit, au moins sur le plan historique.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Hucbald, moine de Saint-Amand, et ses
traités de musique (Douai, 1841) ; Histoire
de l’harmonie au Moyen Âge (Paris, 1852) ;
Chants populaires des Flamands de France
(Gand, 1856) ; Drames liturgiques du
Moyen Âge (Rennes, 1860) ; l’Art harmonique aux XIIe et XIIIe siècles (Paris, 1865) ;
OEuvres complètes du trouvère Adam de La
Halle (Paris, 1872).
COVENT GARDEN.
Nom de trois théâtres situés depuis 1732
au même endroit dans Bow Street à
Londres, la dénomination provenant de ce
qu’auparavant l’emplacement était occupé
par le jardin d’un couvent. Dans le premier
théâtre, inauguré le 7 décembre 1732 avec
la pièce The Way of the World de William
Congreve, eut lieu en 1743 la première
londonienne du Messie de Haendel. Le 10
décembre 1791, Haydn y vit The Woodman
de William Shield et trouva le théâtre « très
sombre et très sale, presque aussi grand
que le théâtre de la cour (Burgtheater) à
Vienne », le public des galeries « très impertinent » et l’orchestre « somnolent ». Ce
premier bâtiment brûla en 1808. Inauguré
le 18 septembre 1809, le deuxième théâtre
vit en 1826 la création mondiale d’Oberon
de Weber et devint en 1847 le Théâtre-Italien. Il brûla en mars 1858, et le troisième
théâtre ouvrit ses portes le 15 mai suivant
avec les Huguenots de Meyerbeer. En 1892,
alors que depuis 1888 l’établissement avait
à sa tête sir Augustus Harris, Mahler y dirigea pour la première fois un cycle Wagner
(dont le Ring) en langue originale, donné
par sa troupe de Hambourg. Les années
1930 furent dominées par Beecham, et
virent aussi de mémorables représentations dirigées par Furtwaengler, Weingartner et Reiner. Après avoir servi de salle de
danse de 1940 à 1945, le théâtre rouvrit en
1946. La salle actuelle compte 2 250 places.
Furent notamment créés à Covent Garden,
outre Oberon de Weber, The Pilgrim’s Progress de Vaughan Williams (1951), Billy
Budd (1951) et Gloriana (1953) de Britten,
Troilus and Cressida de Walton (1954), les
quatre premiers des cinq opéras de Tippett (de 1955 à 1977), Taverner de Peter
Maxwell Davies (1972), We Come to the
River de Henze (1976), Sir Gawain de Harrison Birtwistle (1991).
COWELL (Henry Dixon), compositeur
américain (Menlo Park, Californie, 1897 Shady Hill, New York, 1965).
Violoniste, puis pianiste, il s’imposa dans
les années 20 comme l’un des principaux
représentants, avec Edgar Varèse, Charles
Ives et Carl Ruggles, des tendances avantgardistes de la musique de son pays. Dès sa
première apparition en public (1912), il fit
scandale avec des pièces comme The Tides
of Manaunaun, où sont juxtaposés un matériau thématique néoromantique et des
notes agglomérées (tone-clusters), obtenues en frappant le clavier de la paume de
la main ou de tout l’avant-bras. Il poussa
plus loin cette technique dans Advertisement (1914).
Mais son élargissement des possibilités du piano ne se limita pas aux clusters :
Aeolian Harp (1923), The Banshee (1925)
et Sinister Resonance (1925) en utilisent
les cordes selon une technique plus ou
moins violonistique, et annoncent par
là les pièces pour instrument préparé de
John Cage. Précurseur original et audacieux, il écrivit un morceau pour piano,
Fabric, qui témoigne de l’intérêt que, dès
1914, il porta aux problèmes de rythme :
convaincu que les factures polyrythmiques qu’il envisageait dépassaient les
capacités humaines, il conçut et construisit, en collaboration avec Léon Theremine, un instrument à clavier-percussion pouvant produire les combinaisons
rythmiques les plus complexes, le rythmicon, et l’utilisa en combinaison avec
l’orchestre, en particulier dans Rhytmicana (1931). Il fut également, avec ce qu’il
appela la « forme élastique », un pionnier
de l’aléatoire : ainsi dans Mosaic (1934),
troisième de ses cinq quatuors à cordes.
Ses origines californiennes furent une
des raisons de son goût pour les cultures
et les musiques de l’Asie, dont il utilisa
avec bonheur les rythmes, les échelles, les
tournures mélodiques. Il ne négligea pas
pour autant le passé musical américain, les
vieilles ballades et les anciens airs fugués
de la Nouvelle-Angleterre ; dans Tales of
our Countryside (1939), ou dans le cycle
Hymns and Fuguing Tunes (1944-1964), au
style coloré et direct, il chercha à étendre
à une forme plus moderne certains éléments de base de cette musique. Cowell
fut tantôt un musicien d’avant-garde, tantôt un musicien traditionnel, mais il sut
soigneusement séparer ces deux traits de
sa personnalité.
Ami de Berg et de Bartók, conférencier
et pédagogue, Cowell enseigna à la Stanford University, à la New School for Social
Research et aux universités de Californie et
Columbia : parmi ses élèves, George Gershwin et John Cage. On lui doit quelques
écrits, à la tête desquels New Musical Resources (1930, rééd. 1969). Défenseur de
la musique d’autrui, il fonda en 1927 New
Music Quarterly, société pour la publication d’oeuvres contemporaines - Ives,
Ruggles, Thomson, mais aussi Webern et
Schönberg -, dont le catalogue fut repris
dans les années 60 par Theodor Presser.
Sa production relativement abondante
comprend notamment vingt symphonies
(1918-1965), des pages pour orchestre
comme Vestiges (1924), Synchrony (1930)
ou Old American Country Set (1937),
des concertos (piano, harpe, percussion,
harmonica, koto japonais, etc.), de la
musique de chambre et vocale, et l’opéra
inachevé O’Higgins of Chile (1947).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
265
CRAFT (Robert), chef d’orchestre américain (New York 1923).
Élève de Pierre Monteux (direction d’orchestre) et de Stravinski (composition),
tenu en haute estime par Schönberg, il
se fit aux États-Unis le propagandiste le
plus efficace de l’école de Vienne et révéla
l’oeuvre de Webern à Stravinski, ce qui fut
à l’origine de la conversion tardive de l’auteur du Sacre au sérialisme. Comme chef, il
fut le premier à enregistrer l’intégrale de la
musique de Webern et a gravé également
la plus grande partie de celle de Schönberg.
Devenu le familier de Stravinski, il a publié
avec lui et/ou sur lui Conversations with
Igor Stravinsky (1959), Memories and Commentaries (1960), Expositions and Developments (1962), Dialogues and A Diary (1963
et 1968), Themes and Episodes (1967),
Retrospectives and Conclusions (1969) et
Stravinsky : the Chronicle of a Friendship,
1948-1971 (1972).
CRAMER, famille de musiciens allemands établis en Angleterre.
Wilhelm (Mannheim 1745 - Londres
1799). Élève de J. Stamitz et de Ch. Can-
nabich, il fit partie de l’orchestre de Mannheim et s’installa à Londres en 1773, y menant une double carrière de violoniste et
de chef d’orchestre. Dans les années 1780,
alors qu’il dirigeait le Professional Concert
(en activité de 1783 à 1793), il tenta sans
succès de faire venir J. Haydn dans la capitale britannique.
Franz, fils du précédent (Schwetzingen
1772 - Londres 1848). Violoniste, il devint en 1837 Master of the King’s Music
(« Maître de la musique du roi »).
Johann Baptist, frère du précédent
(Mannheim 1771 - Kensington, Londres,
1858). Pianiste et compositeur, élève de Samuel Schröter et de Muzio Clementi pour
le piano, et de Carl Friedrich Abel pour
la théorie, il entreprit dès 1788 une carrière de pianiste international, mais sans
cesser de considérer Londres comme son
port d’attache. Il fit, à Vienne, la connaissance de Beethoven, qui annota ses Études
de sa propre main, et, en 1824, fonda à
Londres une maison d’édition. On lui
doit 105 sonates, 7 concertos et des pièces
diverses pour piano, de la musique de
chambre et surtout un ensemble d’études
(Grosse praktische Pianoforteschule [1815],
« Grande École pratique du piano »), dont
beaucoup, en particulier celles sélectionnées par Hans de Bülow, sont toujours utilisées actuellement.
CRAMER (Carl Friedrich), écrivain et éditeur allemand (Quedlinburg 1752 - Paris
1807).
Professeur de philosophie à Kiel de 1775 à
1794, il dut quitter son poste à cause de ses
sympathies pour la Révolution française,
et s’établit à Paris. Son Magazin der Musik,
une des plus importantes revues musicales
de l’époque, parut à Hambourg de 1783 à
1787, puis à Copenhague en 1789.
CRAS (Jean), compositeur et marin français (Brest 1879 - id. 1932).
Il n’abandonna jamais sa carrière d’officier
de marine, atteignant le grade de contreamiral, major général du port de Brest,
mais après des études de composition
avec Henri Duparc (1901) et d’orgue avec
Alexandre Guilmant, il composa aussi souvent que possible : opéra Polyphème (19121918), suite symphonique Journal de bord
(1927), Concerto pour piano (1931), mu-
sique de chambre et pour piano, mélodies.
CRAWFORD-SEEGER (Ruth), femme
compositeur et folkloriste américaine
(East Liverpool, Ohio, 1901 - Washington
1953).
Elle a fait ses études au conservatoire de
Chicago, puis à New York avec Charles
Seeger, qu’elle épousa en 1931. Installée
avec son mari à Washington, en 1935, elle
y réalisa, à partir de 1937, plusieurs milliers
de transcriptions d’airs populaires américains, d’après des enregistrements de la
bibliothèque du Congrès, et composa des
accompagnements de piano pour environ
300 d’entre eux, visant ainsi à développer,
grâce au folklore, les méthodes d’enseignement musical pour enfants. Comme compositeur, elle a témoigné d’une certaine audace au sein des formes traditionnelles, en
particulier par les tournures quasi sérielles
de son quatuor à cordes (1931). Outre ses
8 volumes de chants folkloriques, elle a
laissé, notamment, une suite pour quintette à vent et piano (1927, 1re audition
Cambridge, Mass., 14 déc. 1975), une autre
pour piano et cordes (1929), 2 Ricercari
pour voix et piano (1932), une suite pour
quintette à vent (1952) et des mélodies.
CRÉCELLE.
Instrument à percussion de la famille des
« bois ».
À la différence du jouet du même nom,
dont le manche est solidaire d’une molette
fixe et qu’on fait tourner à la manière
d’une fronde, c’est la molette qui tourne,
actionnée par une manivelle. L’autre main
tient l’instrument et peut faire varier la
pression des lames de bois sur la molette.
CREDO.
Mot initial traditionnel de plusieurs textes
latins dits symboles (du grec sun-ballo,
« réunir »), destinés à condenser dans le
minimum de mots l’essentiel du dogme
catholique, en vue de sa mémorisation et
de sa récitation.
Le plus ancien Credo, dit Symbole des
Apôtres, a été l’objet de diverses additions
lors des conciles successifs (Nicée 325,
Constantinople 380), et, sous cette forme
simplifiée, introduit dans l’ordinaire de la
messe d’abord sur ordre de Charlemagne
dans ses États en 798, puis officiellement
au XIe siècle, d’abord récité, puis chanté.
Le célébrant chantait l’intonation, les fidèles reprenaient au mot Patrem, de sorte
que, dans de nombreuses messes polyphoniques, la musique n’est composée qu’à
partir de ce mot. Dans les livres de chant
grégorien, le Credo n’est habituellement
pas inclus dans les groupements de messes
musicales, mais y figure à part ; on lui
connaît une dizaine de mélodies, dont 4
seulement sont cataloguées dans les livres
usuels (encore la deuxième n’est-elle
qu’une variante de la première) ; la troisième n’est pas antérieure au XVe siècle :
elle fait sans doute corps avec le Kyrie et
le Gloria d’une messe d’origine anglaise
dite pour cette raison messe des Angles, ce
qu’une déformation populaire a travesti
en messe des anges. Le Credo 4 serait, selon
certains, la partie de ténor d’une composition polyphonique de l’Ars nova, à 2 ou
3 voix selon les versions. Dans les messes
en plain-chant composées au XVIIe siècle
par plusieurs maîtres de chapelle (les plus
connues sont celles d’Henri Dumont),
le Credo est traité au même titre que les
autres pièces. L’ancien usage gallican remplaçait credo par le pluriel credimus.
En ce qui concerne la polyphonie, avant
l’ère de composition des messes unitaires,
le Credo (Patrem) a été assez rarement
mis en musique avant le XIVe siècle, mais
fréquemment depuis cette période. Après
quoi, il figure normalement dans la grande
majorité des messes polyphoniques, de
même que, à partir du XVIIe siècle, dans
les messes avec orchestre (à l’exception
des messes de requiem) ; il y est parfois
découpé, en raison de sa longueur, en
plusieurs morceaux successifs, auquel
cas, traditionnellement, la musique présente un caractère recueilli à l’approche
des mots Et homo factus est, sur lesquels
le roi Saint Louis avait introduit l’usage
de s’agenouiller, dramatique pour le Crucifixus, triomphant pour Et resurrexit. La
conclusion Et vitam venturi saeculi, amen,
à partir du XVIIIe siècle, est fréquemment
un final fugué, analogue à la péroraison du
gloria (Cum sancto spiritu). Dans sa Messe
de Gran, Liszt donne un commentaire
théologique très personnel en introduisant, contrairement à l’usage, le caractère
dramatique de la Crucifixion dès l’annonce de l’Incarnation.
Pour adapter le Credo à son usage, la
Réforme l’a traduit en strophes de choral
(Luther en allemand, Calvin en français
après Clément Marot) en s’inspirant de
la mélodie du Credo 3. C’est sous cette
forme (Wir glauben all in einen Gott) que
le Credo prend place parmi les chorals
d’orgue de Bach et de ses congénères.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
266
CRÉMONE (luthiers de).
Ville renommée surtout pour son école de
lutherie.
C’est là que naquit et travailla le premier des Amati, Andrea (v. 1505-1579)
avec ses fils Antonio et Girolamo. Le plus
célèbre des Amati fut Nicola, fils de Girolamo, et le maître de Andrea Guarneri,
premier nom de cette famille qui atteignit
le meilleur d’elle-même avec Bartolomeo
Giuseppe, dit « Del Gesù ». Également
lié aux Guarneri et l’un des plus grands
luthiers italiens, Antonio Stradivari fut
aussi élève de Nicola Amati. Crémone
possède aujourd’hui une remarquable
bibliothèque musicale, léguée par le musicologue Gaetano Cesari.
CRÉQUILLON (Thomas), compositeur
franco-flamand († Béthune ? 1557).
Sa vie est mal connue. Membre de la chapelle bruxelloise de Charles Quint à partir
de 1540 environ, chanoine de Termonde,
puis de Béthune, il mourut peut-être victime de l’épidémie de peste qui ravagea la
ville en 1557. Particulièrement à l’aise dans
le genre du motet où s’épanouit son style
postjosquinien (il en laissa 116), il aima les
développements mesurés, un contrepoint
judicieusement aéré, les longues phrases
mélodiques, et se soucia du sens du texte.
L’écriture de ses chansons, au nombre de
192 (ce nombre, supérieur à celui de ses
motets, est un trait remarquable pour un
flamand), se ressentit de cette influence.
Créquillon écrivit aussi 16 messes, 5
psaumes et des lamentations.
CRESCENDO (ital. crescere, « augmenter »).
1. Indication de nuance qui commande
l’augmentation progressive de l’intensité
sonore, par exemple de piano (p) à fortis-
simo (ff), et qui peut aussi bien s’appliquer
à quelques notes qu’à un grand nombre de
mesures (la totalité de l’oeuvre en ce qui
concerne le Boléro de Ravel). Son symbole
graphique est un angle aigu couché sous la
portée, la pointe du côté gauche (S). Son
contraire est decrescendo. Avant que le mot
lui-même n’apparaisse dans la terminologie musicale (début XVIIIe s.), l’effet auquel
il correspond était employé, désigné dans
les partitions par des expressions telles que
piano, un poco forte, più forte.
2. Associé à l’opéra italien du début du
XIXe siècle, ce terme est devenu synonyme
d’un procédé d’orchestre consistant à répéter de nombreuses fois une phrase musicale assez courte (deux ou quatre mesures)
ou un fragment de cette même phrase, le
crescendo étant obtenu non par l’accroissement de sonorité de chaque exécutant,
mais par l’adjonction de nouveaux instruments à chaque répétition du thème. Ce
procédé, dont Giuseppe Mosca et Pietro
Generali revendiquèrent l’« invention »,
fut employé avec succès par Mayr et popularisé par Rossini (surnommé « Monsieur
Crescendo »), qui l’utilisa non seulement
dans ses ouvertures d’opéra (après l’exposition du second thème), mais également
dans l’accompagnement orchestral des
arias.
CRESPIN (Régine), soprano française
(Marseille 1927).
Elle fait ses études vocales au Conservatoire de Paris où elle obtient des prix
d’opéra et d’opéra-comique (1949) et de
chant (1950). Après ses débuts à Mulhouse, en 1950, dans le rôle d’Elsa de
Lohengrin (Wagner), elle débute à Paris,
l’année suivante, successivement dans
Tosca de Puccini à l’Opéra-Comique et
dans Lohengrin à l’Opéra, où elle chante de
nombreux rôles et participe à la création
française des Dialogues des carmélites de
Poulenc (1957). C’est surtout à partir de
1958 que se développe son importante carrière internationale, qui la conduit notamment à Bayreuth (Kundry dans Parsifal, de
1958 à 1961 ; Sieglinde dans la Walkyrie,
1961) et à Milan (Fedra de Pizzetti, 1959).
Dotée d’une voix puissante, mais au
timbre plein de charme, Régine Crespin
a pu s’imposer aussi bien dans des rôles
dramatiques du répertoire italien (Tosca,
Amelia d’Un bal masqué de Verdi) que
dans les rôles wagnériens et dans l’opéra
français (Didon des Troyens, Marguerite
de la Damnation de Faust de Berlioz). Sa
volonté d’approfondissement du détail
des textes et de la psychologie des personnages a fait d’elle aussi l’une des plus
subtiles interprètes de la Maréchale dans
le Chevalier à la rose de Richard Strauss.
Elle a été nommé en 1976 professeur au
Conservatoire de Paris.
CRESTON (Joseph Guttoveggio, dit
Paul), compositeur américain (New York
1906 - San Diego 1985).
S’il reçut une solide formation de pianiste
et d’organiste (il a été spécialiste de l’orgue
de cinéma au temps du muet, puis titulaire pendant trente-trois ans des orgues
de l’église Saint-Malachy à New York), il
est un autodidacte quant à la composition. Son oeuvre n’en comprend pas moins
cinq symphonies (composées entre 1940
et 1955), un poème symphonique (Threnody, 1938), un oratorio, deux messes et
de nombreuses pièces instrumentales
et vocales, qui se réfèrent volontiers aux
sources liturgiques. Paul Creston a également enseigné à Washington à partir de
1967 et a signé deux ouvrages de théorie
musicale : Principles of Rhythms (1964) et
Creative Harmony (1970).
CRINS.
Ils forment la mèche de l’archet, dans les
instruments à cordes frottées. Ils sont fixés
à leur extrémité supérieure dans la tête de
la baguette, au moyen d’un coin de bois, et,
à leur extrémité inférieure, dans la hausse.
Celle-ci, grâce à une vis logée dans le talon,
permet de régler la tension de la mèche.
Les crins proviennent généralement de
la queue d’étalons blancs. On les enduit
d’une résine, la colophane. Le frottement
des crins sur la corde produit la vibration.
CRISTOFORI (Bartolomeo), facteur de
clavecins italien (Padoue 1655 - Florence
1731).
Après avoir construit des clavecins et des
instruments à archet à Padoue, il vécut à
Florence, où il fut au service de Ferdinand
de Médicis, puis fut conservateur du musée
instrumental de Cosme III de Médicis. Il
imagina de substituer aux sautereaux du
clavecin, qui n’autorisent aucune nuance,
des marteaux qui frappaient les cordes
plus ou moins fort selon la façon dont
étaient attaquées les touches du clavier. Il
baptisa gravicembalo col piano e forte cet
instrument qui utilisait aussi le principe
de l’échappement simple (v. piano) et celui
de l’étouffoir.
Cristofori est donc, au même titre que
l’Allemand Silbermann, l’un des inventeurs du piano-forte, ancêtre du piano
moderne.
CRITIQUE MUSICALE.
Activité littéraire proposant au lecteur une
information et une appréciation personnelle relative à un fait musical (concert,
enregistrement, parution d’un livre).
Selon la nature de l’événement, la compétence ou les préoccupations particulières du critique, mais également selon
qu’il s’agit d’un quotidien ou d’une revue
spécialisée, la critique musicale entretient
des rapports plus ou moins étroits avec
le journalisme, la littérature, la musicologie ou l’esthétique. Chacune de ces quatre
composantes devrait, par ailleurs, trouver
sa place au sein d’un article de critique
musicale digne de ce nom. S’il est d’une
lecture rebutante, dépourvu de style, que
ses références historiques sont hasardeuses ou qu’il se borne à émettre des
opinions sans prendre de recul, il manque
presque toujours son but. Les contraintes
de la presse, qui obligent le plus souvent à
écrire rapidement un texte court, rendent
difficile l’exercice régulier et persistant
d’une critique musicale de qualité.
Quoiqu’on puisse trouver quelques précédents au XVIIe siècle dans des journaux
tels que le Mercure français, la Gazette de
France (qui donna à partir de 1645 des
comptes rendus d’opéras, italiens pour la
plupart), le Mercure galant (où l’on pouvait lire des « Dialogues sur la musique »),
la critique musicale ne prit un véritable
développement en France qu’au début
du XVIIIe siècle, peut-être à la faveur de
la rivalité entre la musique française et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
267
la musique italienne. La critique apparut
à cette époque également sous forme de
livres : Du Bos, dans ses Réflexions critiques sur la peinture et la poésie (1719),
réserva une large place à la musique, mais
ce fut Le Cerf de la Viéville de Frémeuse
(1674-1707) qui lança la critique livresque
en 1704, établissant sous forme de dialogues une comparaison entre la musique
italienne et la musique française. Le baron
Friedrich Melchior von Grimm, qui vécut
en France à partir de 1750, s’illustra principalement par des pamphlets : Lettre de
M. Grimm sur « Omphale » (1752), le Petit
Prophète de Boemischbroda, le Correcteur
des Bouffons et la Guerre de l’Opéra (1753),
dans lesquels, à l’exception de Lully et de
Rameau, il blâmait sévèrement les compositeurs français, ainsi que le public.
La Lettre sur la musique (1753) de JeanJacques Rousseau prit parti sans ménagements pour les Italiens, sa Lettre d’un
symphoniste reprenait le même sujet sur le
mode de l’ironie et lui valut la colère des
musiciens de l’Opéra. L’Examen des deux
principes avancés par M. Rameau était une
dissertation sur des points de théorie, les
Fragments d’observations sur l’Alceste de
Gluck et l’Extrait d’une réponse du petit
faiseur à son prête-nom (sur l’Orphée de
Gluck) furent d’excellents exemples de
critiques analytiques qui auraient pu être
signés par Berlioz.
Au XVIIIe siècle, outre le Mercure de
France (issu du Mercure galant), deux
journaux français réservaient une place
importante à la critique musicale : le Spectateur français et le Journal de musique par
une Société d’amateurs. Les articles, en
règle générale, n’étaient pas signés, tradition qui resta vivace pendant la première
moitié du XIXe siècle. Alors que la critique
musicale du XVIIIe siècle, à l’exception de
quelques polémiques, était restée assez
mesurée dans son expression et se bornait le plus souvent à un simple compte
rendu, celle du XIXe siècle allait devenir
plus littéraire avec des prétentions à la
dissertation esthétique. Confrontée à une
évolution plus rapide du langage musical, à l’élargissement du public, aux excès
délibérés du courant romantique et à la
redécouverte progressive de la musique
des siècles précédents, la critique musicale
se trouva assez rapidement en difficulté.
Selon qu’elle attaquait ou qu’elle prônait
les artistes novateurs, elle fut bourgeoise
et conservatrice ou, beaucoup plus rarement, progressiste. La mode s’en mêlant, il
était parfois difficile de discerner la part de
jugement personnel du critique.
Paradoxalement, certains critiques devaient leur célébrité à des jugements que la
postérité n’a pas ratifiés : François-Joseph
Fétis (1784-1871), fondateur de la Revue
musicale en 1827, ne ménagea pas Berlioz
dans sa Biographie universelle des musiciens (1833) ; Paul Scudo (1806-1864) fut
un adversaire déclaré de Berlioz, Verdi et
Wagner ; Édouard Hanslick (1825-1904)
combattit violemment l’esthétique wagnérienne. Il faut reconnaître cependant
que Fétis et Hanslick avaient, sur tant de
cuistres dont les noms sont aujourd’hui
oubliés, la supériorité de posséder une
véritable culture musicale sur laquelle se
fondait leur appréciation esthétique.
Tantôt pour des raisons alimentaires,
tantôt parce qu’ils éprouvaient le besoin
de s’exprimer sur leur art, un certain
nombre de compositeurs du XIXe puis du
XXe siècle ont pris la plume du critique : à
la suite de E. T. A. Hoffmann, Weber laissa
de nombreux écrits sur la musique (critiques, essais, textes analytiques, roman
autobiographique), Berlioz signa plus de
huit cents feuilletons, dont le style exemplaire, l’originalité et l’abondance des
idées témoignèrent de ses dons littéraires
évidents dans le Rénovateur, la Gazette
musicale, le Journal des débats. Schumann
fonda la Nouvelle Revue musicale (Neue
Zeitschrift für Musik), en 1834, après que
le directeur de l’Allgemeine Musikalische
Zeitung lui eut reproché ses éloges trop
vifs de Chopin.
Certains écrivains, Théophile Gautier,
Gérard de Nerval, Baudelaire, exercèrent
épisodiquement la fonction de critique
musical, mais tandis que des amateurs
comme Oscar Comettant, dans le Siècle,
Camille Bellaigue dans la Revue des Deux
Mondes, Arthur Pougin dans le Ménestrel, jetaient l’anathème sur Bizet, sur
Wagner, sur Franck et sur Debussy, il
fallait bien reconnaître la supériorité, en
matière de critique musicale, de compositeurs comme Ernest Reyer, successeur
de Berlioz de 1866 à 1898 au Journal des
débats, Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré
au Figaro (1903-1921), Claude Debussy
dans diverses revues, surtout de 1901 à
1903, puis de 1911 à 1914, Alfred Bruneau dans Gil-Blas, le Figaro et le Matin,
Paul Dukas, de 1892 à 1932, dans diverses
revues, Florent Schmitt en 1913-14 dans la
France et, de 1929 à 1939, dans le Courrier
musical et le Temps, Reynaldo Hahn pour
le Figaro de 1933 à 1945. Une exception
pouvait être faite en faveur de Willy (Gauthiers-Villars) qui, avec la collaboration
plus ou moins avouée d’Alfred Ernst et de
quelques autres, mettait dans la bouche
de l’ouvreuse du cirque d’Été une foule de
bons mots en faveur de Debussy, de Wagner et des franckistes, mots fondés sur
des remarques techniques dont l’exactitude presque pédante contrastait à merveille avec le ton volontiers gouailleur.
Depuis la Seconde Guerre mondiale,
le nombre des critiques musicaux-compositeurs a considérablement diminué :
l’information semble prendre le pas sur
la critique proprement dite, surtout dans
le domaine de la création contemporaine.
Soucieux de ne pas renouveler les erreurs
de leurs prédécesseurs, beaucoup de critiques veulent adopter une attitude « objective », jugeant plus utile de renseigner
le lecteur sur la nature d’une oeuvre ou
la démarche d’un compositeur que de la
louer ou de la blâmer. La critique musicale
deviendrait ainsi un facteur d’éducation
du grand public. Cette transformation
semble due tout autant à des causes extérieures : changement de la conjoncture
musicale, évolution du journalisme et
élargissement du public, qu’à une modification de la conception que se font les
critiques musicaux de la fonction qu’ils
exercent.
S’il se trouve naturellement parmi eux
quelques musiciens, la majorité se compose de mélomanes avertis, dont certains
n’ont même aucune pratique musicale ;
l’expérience prouve cependant que dans
le domaine de la critique l’intuition d’un
amateur sensible peut se révéler supérieure aux jugements d’un musicien médiocre. Il n’existe d’ailleurs aucun enseignement destiné à former des critiques
musicaux ni aucune réglementation de
la profession. Étant donné le très petit
nombre de tribunes régulières et convenablement rémunérées, faut-il préciser que
beaucoup exercent par ailleurs un second
métier et exercent la critique comme un
violon d’Ingres ?
Les domaines sur lesquels s’exerce la
critique musicale tendent à se diversifier. Si la critique de partitions nouvelles,
fréquente au XIXe siècle, a été remplacée
par celle des disques, des comptes rendus
portant sur des expériences pédagogiques
s’ajoutent à ceux des concerts, des représentations d’opéras et de livres.
Qu’il s’agisse d’oeuvres nouvelles ou de
la résurrection d’ouvrages oubliés, le critique sera toujours tenté de se faire prophète ou historien en expliquant si cette
musique lui semble viable et dans quel
contexte elle se situe. Au contraire, pour
les oeuvres du répertoire, on attend du critique qu’il saisisse ce qui fait l’originalité
de l’interprétation ou sa supériorité. Pour
la représentation d’opéras, le critique doit
être à même d’apprécier la valeur d’une
mise en scène et connaître les voix. La
critique de disques doit tenir compte de
certaines données techniques (prise de
son, gravure, effets spéciaux). Il va sans
dire que c’est seulement dans le domaine
de l’exécution qu’il existe une certaine
objectivité ; malheureusement, lorsqu’un
critique a relevé les fausses notes et autres
accidents, beaucoup plus nombreux qu’on
ne croit, il n’a fait qu’une toute petite partie de son travail : le reste est presque exclusivement du domaine de la subjectivité
et de l’intuition.
L’indépendance de la critique est un
sujet aussi délicat que le problème de sa
crédibilité : les lois de la concurrence font
une obligation d’accorder la même place
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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dans tous les journaux aux événements les
plus saillants, ce qui réduit celle qui peut
être consacrée aux autres. Ainsi la critique
est-elle, même à son corps défendant, l’alliée du vedettariat. Par ailleurs, ne seraitce que par la pratique des interviews, le
critique a des contacts personnels avec les
artistes, ce qui rend illusoire son impartialité. Il s’agit là, en réalité, d’un faux problème, car la fréquentation des musiciens
reste pour lui la meilleure source d’information et favorise parfois de salutaires
remises en question. Le critique n’ignore
pas non plus que ses articles peuvent
avoir une influence sur la reconduction
ou l’octroi des subventions accordées aux
manifestations dont il est invité à rendre
compte. Ainsi s’abstiendra-t-il d’être tranchant si une expérience intéressante ne
commence qu’à moitié bien, ou louera-t-il
excessivement un effort méritoire même
si le résultat se révèle décevant. Enfin, les
attachés de presse de plus en plus nombreux exercent une pression constante sur
les journalistes.
Toutes ces réalités quotidiennes sont
beaucoup plus dangereuses pour l’indépendance d’esprit du critique que les potsde-vin, qui ont disparu en tant que tels.
Après avoir tenté d’acheter le critique, on
lui a limé les dents, et, le prestige factice de
la profession étant soigneusement entretenu, il se trouve pieds et poings liés, à la
merci des événements : souvent la critique
musicale se transforme en publicité rédactionnelle gratuite, les articles favorables
ou ceux qu’on a pu tronquer habilement
sont alors utilisés à des fins publicitaires et c’est ainsi que se créent les modes et les
mythes.
Si le critique peut avoir une utilité, c’est
dans quelques domaines très précis : donner une information sur les événements
de la vie musicale, répandre dans le public
les découvertes de la musicologie, dénoncer certains abus, attirer l’attention sur ce
qui semble le meilleur.
CROCE (Benedetto), philosophe et théoricien de l’art italien (Pescasseroli, Abruzzes, 1866 - Naples 1952).
Secrétaire de la Società di Storia patria, il
collabora à la Rassegna musicale et fit également oeuvre de critique. Fondateur de la
revue la Critica (1903), il s’attacha particulièrement à définir la notion de baroque,
qu’il envisagea comme une décadence, et
il lia cette question à l’histoire générale
des idées et de l’art. Idéaliste, il faisait de la
création artistique le produit de l’intuition
et de l’expression ; son esthétique tendait à
dégager la musicologie de l’influence allemande. Certains historiens de la musique
en Italie ont adopté sa position, tels Alfredo Parente, Guido Pannain, Massieno
Mila, Luigi Ronga.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Estetica come scienza dell’espressione e linguistica generale (Palerme, 1902 ; 11e éd.,
Bari, 1965 ; trad. fr. 1904) ; Problemi di
estetica e contributi alla storia dell’estetica
italiana (Bari, 1910 ; 6e éd., Bari, 1966) ;
Breviario d’estetica (Bari, 1913 ; 14e éd.,
1962) ; Storia dell’età barocca in Italia
(Bari, 1929 ; 2e éd., Bari, 1946) ; La poesia :
introduzione alla critica e storia della poesia
e della letteratura (Bari, 1936 ; 8e éd., 1969).
CROCE (Giovanni), compositeur italien
(Chioggia v. 1557 - Venise 1609).
Zarlino, son maître, le fit entrer dans le
choeur de la basilique San Marco à Venise où, en 1603, il fut nommé maître de
chapelle, succédant à Baldassare Donato.
Il composa principalement des motets
(1594, 1603, 1607, 1615), messes à 5 et à
8 voix (1596), psaumes (1596), sacrae cantiones (1601), lamentations (1603, 1610),
magnificat (1605) et plusieurs livres de
madrigaux, dont trois à 5 voix (Venise,
1585, 1592, 1594). Le doge Grimani fut
pour lui un protecteur de marque. Sa
renommée s’étendit jusqu’en Angleterre,
car Giovanni Croce est l’une des figures les
plus marquantes de l’école vénitienne de
cette époque. (Un de ses madrigaux a été
choisi par Th. Morley pour son recueil The
Triumphs of Oriana [1601].) Ses comédies
madrigalesques sont truculentes et pittoresques (Mascarate piacevoli e ridicolose
per il carnevale Venise, 1590). Triaca musicale (1595), composée sur des paroles en
patois vénitien, est une oeuvre originale et
frappante.
CROCHE.
Note d’une durée égale à la moitié d’une
noire.
CROES (Henri-Jacques de), compositeur
belge (Anvers 1705 - Bruxelles 1786).
Violoniste à l’église Saint-Jacques d’Anvers jusqu’en 1729, maître de chapelle du
prince de Thurn et Taxis (1729-1744), il
revint à Bruxelles comme membre de la
chapelle royale, qu’il dirigea de 1749 à sa
mort. De son oeuvre immense, beaucoup
de pages ont disparu, notamment les 36
messes, 69 motets, 28 symphonies et 32
sonates qu’il offrit pour 300 florins au gouverneur général de Bruxelles en 1779, alors
qu’il se trouvait dans une situation précaire. Sa musique religieuse, ses concertos
et sa musique de chambre (sonates en trio
et divertissements) attestent une nature
généreuse, qui s’exprime alternativement
dans le style italien ou français.
CROFT (William), compositeur anglais
(Nether Ettington, Warwickshire, 1678 Bath 1727).
Il fut d’abord enfant de choeur à la chapelle
royale. Il eut pour maître J. Blow, organiste
à Sainte-Anne, et devint ainsi, lui-même,
organiste de cette cathédrale en 1700. Il fut
nommé Gentleman Extraordinary, puis
organiste de la chapelle royale en 1704. En
1708, il devint organiste à Westminster
Abbey et maître des enfants de la chapelle royale. Il reçut le titre de Doctor of
Music de l’université d’Oxford, en 1713,
après avoir présenté à cette occasion deux
odes ayant pour sujet la paix d’Utrecht. Il
a laissé de nombreuses chansons, des sonates pour clavecin, violon et flûte, ainsi
que des oeuvres de musique d’église (Musica sacra, 1724).
CROISEMENT.
1. Terme employé dans l’écriture musicale
lorsqu’une voix passe au-dessus de celle
qui lui est normalement supérieure. Cette
technique est fréquente dans la musique
vocale polyphonique, dans le madrigal
à cinq voix, par exemple, faisant appel à
deux sopranos ou à deux ténors de tessitures approximativement égales. Elle se
perpétue dans les oeuvres instrumentales
du XVIIe siècle (Monteverdi, Charpentier),
notamment dans une écriture pour deux
dessus (instruments mélodiques) et basse
continue. Dans les devoirs d’harmonie
académique, il est recommandé d’éviter le
croisement des parties en général.
2. Le croisement peut se trouver aussi dans
la musique de clavier où la main gauche
passe au-dessus de la main droite et vice
versa (par exemple dans le rondo de la
sonate en ut majeur op. 53 l’Aurore de
Beethoven). Cette pratique remonte aux
clavecinistes et Domenico Scarlatti en a
fait un usage particulièrement brillant.
CROIZA (Claire Conelly, dite), cantatrice
française (Paris 1882 - id. 1946).
Mezzo-soprano, elle a débuté à Nancy,
chanté à la Monnaie de Bruxelles de 1906
à 1913, puis à l’Opéra Comique à partir de
1914. Retirée de la scène en 1927, elle se
consacra à l’enseignement et fut nommée
professeur au Conservatoire en 1934. En
dehors de ses principaux rôles à l’opéra
(Elektra, Poppée, Charlotte, Orphée, Dalila, Pénélope, Carmen), elle fut au concert
une remarquable interprète des mélodies
de Claude Debussy, de Gabriel Fauré et de
Maurice Ravel.
CROMORNE.
1. Instrument ancien de la famille des bois,
à anche double enfermée dans une capsule.
Sa forme recourbée en « J » lui procure une
longueur utile supérieure à son encombrement et lui vaut son nom (de l’all. Krummhorn, « cor tordu »). Apparu à la fin du
XVe siècle et complètement abandonné
depuis deux siècles, le cromorne connaît
actuellement un regain de faveur dans la
musique dite « ancienne ». Il se distingue
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
269
des autres « bois » par un timbre très caractéristique, à la fois sombre et percutant ;
il existe en plusieurs registres, les instruments étant construits selon les tessitures
de la voix humaine.
2. Jeu d’orgue à anche, dont le tuyau est de
forme cylindrique et deux fois plus court
que la normale. Sa sonorité rappelle celle
de l’instrument du même nom. Placé au
clavier de positif, il a été l’un des timbres
solistes de prédilection des organistes classiques français.
CROS (Charles), poète et inventeur français (Fabrezan, Aude, 1842 - Paris 1888).
Ami de Verlaine et de Villiers de l’IsleAdam, familier de la bohème littéraire,
aux environs de 1870, il eut son heure de
gloire au club des Hydropathes et au cabaret du Chat-Noir, tout en s’adonnant à
d’ingénieuses recherches dans le domaine
de l’électricité, de la photographie et de
l’acoustique. Son nom est surtout lié à
l’invention du phonographe, qu’il appelait
« paléophone ». C’est en avril 1877 qu’il
adressa à l’Académie des sciences une
communication contenant « la description d’un procédé d’enregistrement et de
reproduction des phénomènes de l’ouïe »,
précédant de huit mois le dépôt du brevet
du phonographe d’Edison.
L’Académie Charles-Cros, fondée en
1948, décerne chaque année un certain
nombre de grands prix du disque.
CROSSE (Gordon), compositeur anglais
(Bury 1937).
Diplômé d’Oxford, puis élève de Goffredo
Petrassi à Rome, il est l’auteur de quelques
opéras dont un Purgatory, d’après Yeats, et
de diverses pièces pour orchestre, mais il
s’est surtout spécialisé dans la composition
d’oeuvres éducatives pour enfants et petits
ensembles instrumentaux, telles que Meet
my Folks ! et Ahmet the Woodseller.
CROTALES.
Instrument à percussion de la famille des
idiophones.
Provenant de la Grèce antique, il s’agit
en général de deux morceaux de bois
qui s’entrechoquent à l’aide d’une charnière. L’instrument est employé, notamment, pour rythmer la danse, comme les
castagnettes auxquelles les crotales ressemblent.
CRÜGER (Johann), compositeur, organiste et théoricien allemand (Grossbreesen 1598 - Berlin 1662).
Il fait ses études à Guben, Olomouc, en
Tchécoslovaquie, et à Ratisbonne. En
1615, il se rend à Berlin où il est précepteur
dans une famille jusqu’en 1620. Il étudie
ensuite la théologie à Wittenberg. De 1622
à sa mort, il est cantor de Saint-Nicolas à
Berlin. Il a composé un grand nombre de
chorals dont certains ont été repris par J.
S. Bach : Nun danket alle Gott, Jesu meine
Zuversicht, Jesu meine Freude, Schmücke, o
liebe Seele. Ils ont été publiés sous le titre
de Praxis pietatis melica (Berlin, 1647) et
réédités de nombreuses fois. Il a également
écrit des motets (Meditationum musicarum
paradisus primus, Berlin, 1622, et secundus,
Berlin, 1626). Comme théoricien, Johann
Crüger est l’auteur de plusieurs ouvrages
dont : Praecepta musicae practicae figuralis
(Berlin, 1625) et Musicae practicae praecepta (ibid., 1660).
CRUMB (George), compositeur américain (Charleston, Virginie occidentale,
1929).
Il a fait ses études à l’université de l’Illinois,
à l’université du Michigan avec Ross Lee
Finney (1954), au Berkshire Music Center,
puis à Berlin avec Boris Blacher (1955-56).
Professeur à l’université du Colorado de
1959 à 1964, puis à l’université de Pennsylvanie à partir de 1965, il a reçu le prix
Pulitzer 1968 pour Echoes of Time and the
River pour orchestre (1967). Sa musique,
souvent d’une concision et d’une austérité
issues tout droit de Webern, marquée aussi
par l’influence de Debussy et des traditions
orientales, doit sa forte originalité à ses
sonorités, ses aspects rituel et mystique,
et témoigne d’une intense sensibilité poétique.
Plusieurs des oeuvres de Crumb sont
basées sur des poèmes espagnols de Federico García Lorca, tels les quatre livres de
Madrigals pour soprano, percussion, flûte,
harpe et contrebasse (I et II 1965, III et IV
1969), deux des sept volets de Night Music
I pour soprano, piano, célesta et percussion (1963), Songs, Drones and Refrains of
Death pour baryton, guitare, contrebasse
et piano électriques et deux percussionnistes (1968), Night of the Four Moons
(1969), et Ancient Voices of Children pour
mezzo-soprano, soprano garçon, hautbois, mandoline, harpe, piano électrique
et percussion (1970).
Pour réaliser ses subtils effets de timbre,
reflets de son désir de « contempler les
choses éternelles », Crumb a élaboré de
nouvelles techniques d’exécution et fait
appel à de nombreux instruments des
musiques populaires et traditionnelles.
Son style de maturité s’est manifesté pour
la première fois dans les Cinq Pièces pour
piano (1962). On lui doit aussi Night
Music II pour violon et piano (1964),
Eleven Echoes of Autumn pour flûte alto,
clarinette, piano et violon (1965), Black
Angels pour quatuor à cordes électriques (1970, in tempore belli), reflet
de la guerre du Viêt-nam, Vox balaenae
pour flûte, violoncelle et piano amplifiés (1973), Makrokosmos I pour piano,
II pour piano amplifié, III pour piano
et percussion (1972-1974), et IV (Celestial Mechanics), Star Child pour soprano
et orchestre (1977), oeuvre dirigée par
quatre chefs donnant chacun un tempo
différent, Apparition pour mezzo-soprano
et piano (1979), Gnomic Variations pour
piano (1981), A Haunted Landscape pour
orchestre (1984), The Sleeper pour soprano
et piano (1984), Zeitgeist pour deux pianos
amplifiés (1987).
CRUSELL (Bernhardt Henrik), compositeur, clarinettiste et chef d’orchestre finlandais (Uusikaupunki 1775 - Stockholm
1838).
Il commence sa carrière à treize ans
comme musicien militaire à Viapori
(1788-1791), puis il est première clarinette
dans l’orchestre de la cour de Stockholm
(1793). Il fait ses études à Berlin avec F.
Tausch (1798). Il voyage à Saint-Pétersbourg (1er concerto pour clarinette opus
11, dédié au tsar Alexandre Ier), puis, en
1803, à Paris, où il travaille la clarinette
avec Lefèvre et la composition avec Gossec. De 1803 à 1812, il vit à Stockholm et,
de 1812 à 1819, il reprend sa carrière de
virtuose et de chef d’orchestre. Malade, il
se consacre de nouveau à la composition à
partir de 1820.
Crusell appartient à la lignée des grands
virtuoses cosmopolites qui apparaît avec
le XIXe siècle. Contemporain de Beethoven, aîné de Schubert, il met son talent
de compositeur à la disposition des interprètes et surtout le consacre aux instruments à vent qu’il apprécie et connaît.
Auteur d’une musique plaisante qui ne
tombe jamais dans les défauts du genre, il
est un esprit cultivé qui, à défaut de génie,
maîtrise au plus haut point le langage et
la forme. Il n’y a jamais chez lui de maladresse technique et il possède un sens de
la mélodie qui, souvent, le rapproche de
Schubert. Son unique opéra, Lilla Slafvinnan (la Petite Esclave, 1824), utilise des
thèmes populaires et ses trois concertos
pour clarinette - opus 11 (v. 1807), opus 1
(1810) et opus 5 (v. 1815) - font regretter
qu’il n’ait pas consacré plus de temps à la
composition.
CRWTH (chrotta, crouth, crowd).
Instrument à cordes frottées, l’un des premiers à avoir été utilisé par des musiciens
occidentaux.
Il semble être d’origine celtique et reste
en honneur jusqu’au XVIIIe siècle au pays
de Galles et en Bretagne. Il est découpé et
creusé dans une seule pièce de bois, sauf
la table d’harmonie. Deux parties sont
découpées dans le haut de ce trapèze allongé ; entre elles se trouve le manche qui
comporte en général six cordes. Mahillon
pense que les cordes étaient jouées simultanément et que l’on pouvait obtenir des
effets sonores semblables au bag-pipe. Le
crwth était tenu comme un violon, et, en
plus, l’instrumentiste passait à son cou
une lanière pour le soutenir.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
270
CSÁRDÁS (de csárda, « auberge » en hongrois).
Danse d’origine savante (v. 1840), peu à
peu adoptée par les milieux populaires qui,
sous l’influence des interprètes tziganes, en
réalisent de savantes chorégraphies.
Ses éléments rythmiques et mélodiques
proviennent des verbunkos. Les premières
csárdás sont dues à M. Rózsavölgyi, tandis
que Liszt en écrivit dans les années 1880 :
Csárdás macabre, Deux Csárdás (1884).
Sa vogue s’étendit à l’opérette viennoise
(Kalman, Lehar), propagée par les orchestres tziganes.
CTÉSIBIOS, physicien grec établi à
Alexandrie au IIIe siècle av. J.-C.
Il est l’auteur de nombreuses mécaniques,
et on le considère depuis l’Antiquité
comme l’inventeur de l’orgue primitif ou
hydraule, dont Vitruve donne une description détaillée.
CUCUEL (Georges), musicologue français (Dijon 1884 - Grenoble 1918).
Ses deux ouvrages essentiels, qui étaient
ses thèses de doctorat en Sorbonne, ont vu
le jour en 1913 : la Pouplinière et la Musique de chambre au XVIIIe siècle et Étude
sur un orchestre au XVIIIe siècle. À la même
époque se rattachent les Créateurs de
l’opéra-comique, publiés l’année suivante.
CUÉNOD (Hugues), ténor suisse (Corseaux-sur-Vevey 1902).
Son cas est probablement unique,
puisqu’il enseigna pendant plusieurs années (au conservatoire de Genève) avant
de se produire en public, en concert
(Paris, 1928), puis sur scène. Presque
quinquagénaire, il débuta à la Scala de
Milan en 1951. Trois ans plus tard, il paraissait pour la première fois au festival
de Glyndebourne et à l’opéra de Covent
Garden, se limitant toujours à un petit
nombre de rôles très typés, comme ceux
de Basilio des Noces de Figaro ou de l’Astrologue du Coq d’or. En 1981, il reparaissait sur la scène du Grand-Théâtre
de Genève, dans le rôle du Majordome
du Chevalier à la rose et, en 1982, chanta
dans Turandot à Londres.
CUI (César), compositeur et critique
russe (Vilna 1835-Petrograd 1918).
Français par son père, un officier napoléonien demeuré en Russie après
la retraite de 1812, il fit des études
d’ingénieur militaire et enseigna toute
sa vie à l’Académie du génie de SaintPétersbourg. C’était un spécialiste des
fortifications (Traité de la fortification
des camps, Abrégé de l’histoire de la fortification). Il serait probablement resté
un amateur (il composa très jeune à la
manière de Chopin et reçut des leçons de
Moniusko), s’il n’avait rencontré en 1856
Balakirev, puis Dargomyjski. Son talent
littéraire, son goût de polémiste lui firent
jouer un rôle historique de tout premier
plan dans la lutte pour le triomphe des
idées du groupe des Cinq. De 1864 à
1868, il écrivit, en effet, dans la Revue
et gazette musicale, des articles parfois
jugés excessifs et violents. Il y défendait
avec acharnement ses amis sans, toutefois, leur ménager ses critiques. Tout
en rendant justice aux maîtres du passé,
il estimait que la vraie musique avait
pris naissance avec Beethoven, mais il
critiqua vivement Wagner. Publiés en
français à Paris, en 1880, ces articles
constituent en quelque sorte la première
histoire russe de la musique russe. Ce
recueil fut adressé à la comtesse belge
de Mercy-Argenteau en 1883, après que
cette dernière découvrit la musique russe
grâce à son compatriote le musicien
Jadoul. Ainsi débuta une longue amitié
qui s’employa à faire connaître les Cinq.
Cui vint en personne recevoir l’accueil
triomphal du public pour la représentation du Prisonnier du Caucase par
l’opéra de Liège (Noël 1885).
Défenseur des idées du groupe des
Cinq, Cui était-il un compositeur représentatif de leurs tendances musicales ? Il
est très difficile de l’admettre. En effet,
compositeur fécond, il ne fut jamais
heureusement inspiré par les thèmes
populaires de son pays. Certes, son activité musicale s’était d’abord portée sur
le genre lyrique (10 opéras), mais il ne
s’inspira que rarement de sujets russes,
exception faite du Prisonnier du Caucase
(1857, actes I et III ; 1881-82, acte II ; 1re
représentation à Saint-Pétersbourg, 16
févr. 1883), du Festin pendant la peste
(1900, 1re représentation 1901) où il appliquait timidement les procédés chers
à Dargomyjski, de la Fille du Capitaine
(1909, 1re représentation Saint-Pétersbourg, 1911), autant d’oeuvres inspirées
de Pouchkine. Ses sujets étaient plus
souvent empruntés aux écrivains français, Hugo (Angelo, 1re représentation
Saint-Pétersbourg, 1876), Richepin (le
Flibustier, 1888-89 ; 1re représentation
Paris, Opéra-Comique, 1894). De même
pour ses mélodies choisissait-il plus volontiers Hugo ou Coppée.
Sur le plan musical, ses origines françaises se retrouvent aussi dans l’imitation du style d’Auber, mais les traces
de son premier amour, l’opéra italien,
sont sensibles dans le découpage général et les mélodies-cantilènes. Il aimait
les grandes toiles lyriques sans se rendre
compte qu’il manquait de souffle et de
puissance pour les mener à bonne fin
et que ses sujets, mélodramatiques, s’y
prêtaient mal. En revanche, Cui était un
miniaturiste-né. L’influence de Schumann est sensible dans ses oeuvres instrumentales, celle de Dargomyjski dans
ses romances, plutôt faites pour être
dites que chantées ; elles se moulent sur
le rythme du vers ou de la phrase ; il y a
chez lui une aptitude à saisir l’union du
texte et de la musique. Fidèle aux désirs
de Dargomyjski, Cui acheva son Convive
de pierre et, en 1916, révisa, puis termina
la Foire de Sorotchinski de Moussorgski.
Enfin, il collabora avec Balakirev, Moussorgski et Rimski-Korsakov à l’opéraballet Mlada..
CUIVRÉ.
Couleur de son qui évoque l’éclat métallique du cuivre et qui est naturellement
produite par certains instruments du
même nom, du moins dans certains cas.
Le son de la trompette non bouchée est
presque toujours cuivré sur toute l’étendue de l’instrument ; celui du trombone
l’est surtout dans le grave et à partir de la
nuance forte. Le cor, sauf fortissimo, est, à
volonté, cuivré ou non ; si le compositeur
désire un son cuivré, il l’indique au moyen
d’une croix (+). Le tuba et les autres saxhorns ne sont pratiquement jamais cuivrés.
CUIVRES.
Tous les instruments à vent de construction métallique, à l’exception des flûtes
et des instruments métalliques à anche,
qui sont rattachés aux « bois ». Le métal
employé n’est pas à proprement parler le
cuivre, mais un alliage de cuivre, généralement le laiton, souvent argenté, nickelé
ou verni extérieurement. Les « cuivres »,
de perce toujours conique, comportent
obligatoirement un pavillon et, à l’autre
extrémité, une embouchure amovible. Le
terme de « cuivres clairs » est parfois appliqué aux trombones, trompettes et cornets
à pistons, dont le son est particulièrement
brillant, tandis que celui des saxhorns est
relativement éteint. Le cor, capable du plus
vif éclat comme d’une très douce rondeur,
se situe entre les deux groupes.
CURSUS.
Formule rythmique en usage dans le débit
du latin classique et médiéval pour donner aux fins de phrases ou d’incises une
cadence harmonieuse.
Le cursus forme ainsi transition entre
la prose et la versification, qu’il a souvent influencée, et, bien qu’indépendant
de la musique, a joué sur la rythmique
de celle-ci un rôle non négligeable. En
latin classique, le cursus est métrique ; il
joue sur la longueur de syllabes. En latin
médiéval, il devient accentuel et joue sur
les alternances d’accentuées et d’atones ;
il y eut souvent d’ailleurs transfert de
l’une à l’autre, la longue se transformant
facilement en accentuée, et la brève, en
atone, compte tenu du développement
du « contre-accent » qui, dans le latin
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
271
médiéval, empêche qu’il y ait plus de deux
atones de suite. L’emploi du cursus est
presque constant dans l’office latin, qui lui
doit l’harmonie de ses rythmes verbaux,
et son rôle a été capital lors du passage
en musique du rythme libre au rythme
mesuré, accompli surtout au XIIe siècle,
à travers les versus et les séquences de
« nouveau style ».
CURTIS (Alan), chef d’orchestre, claveciniste et musicologue américain (Masone, Michigan, 1934).
En 1955, il est Bachelor of Music de la State
University, puis Master of Music de l’université d’Illinois (1956). Il mène alors une
carrière de claveciniste, de chef d’orchestre
et de musicologue. Il est professeur à l’université de Berkeley en Californie depuis
1970. Il a publié en 1963 la musique de clavier de Sweelinck et les pièces de clavecin
de Louis Couperin (Heugel, 1978). L’enregistrement, sous sa direction, de l’opéra de
Haendel, Admeto (1727), peut être considéré comme un modèle du genre.
CURZON (Clifford), pianiste anglais
(Londres 1907-id. 1982).
Il étudie à la Royal Academy of Music où il
entre en 1919, puis, de 1928 à 1930, à Berlin
avec A. Schnabel et enfin à Paris avec W.
Landowska et N. Boulanger. Il commence
à cette époque une carrière de concertiste
qui, d’Angleterre, le mène à travers l’Europe où il se produit lors des grands festivals, puis aux États-Unis où il effectue de
nombreuses tournées. Bien qu’il reste un
excellent interprète de Mozart, sa virtuosité exceptionnelle (dont il n’abuse cependant jamais) et son souci des détails (hérité
de Schnabel) l’ont plutôt orienté vers l’exécution des grandes oeuvres romantiques
(Beethoven, Schubert).
CURZON (Henri de), musicologue français (Le Havre 1861 - Paris 1942).
Archiviste, bibliothécaire à l’Opéra-Comique (1926), critique musical au Journal
des débats, fin lettré, Henri de Curzon, à
qui on doit des traductions des lettres de
Mozart (1928) et des Écrits sur la musique
et les musiciens de Schumann (1898), a
publié des monographies (Grétry, 1907 ;
Rossini, 1920 ; Fauré, 1923), des ouvrages
d’histoire musicale et des répertoires
bibliographiques (Franz Schubert, bibliographie critique, 1899 ; Guide de l’amateur
d’ouvrages sur la musique, 1901-1909).
CUZZONI (Francesca), cantatrice italienne (Parme 1700-Bologne 1770).
Elle débuta à Venise, puis obtint un grand
succès à Londres où elle parut en 1723,
créant Teofane dans Ottone de Haendel
auprès de partenaires prestigieux (la Durastanti, Il Senesimo et la basse Boschi),
auxquels elle fut désormais associée lors
des principales reprises et créations des
opéras de Haendel (Jules César, Tamerlano, Rodelinda, etc.). Une rivalité l’opposa
à Faustina Bordoni, rivalité parodiée dans
The Beggar’s Opera, et les compositeurs
Buononcini et Haendel les réunirent
dans leurs distributions, le premier dans
Astianatte (1727), le second dès Alessandro (1726). En 1728, la cantatrice quitta
l’Angleterre et parut à Venise et à Vienne,
puis revint à Londres en 1734 où elle se
heurta à l’idolâtrie exclusive que le public
portait désormais aux castrats Farinelli
et Carestini. Elle retourna en Allemagne,
chanta à la cour de Würtemberg, tenta un
malheureux concert à Londres en 1750,
parut en Hollande et finit misérablement.
Elle avait épousé le musicien Sandoni auquel son nom est parfois associé. Bien que
mauvaise actrice, plutôt laide, la Cuzzoni,
grâce à la beauté de sa voix, fut la première
cantatrice capable de ravir aux castrats leur
célébrité sans partage : son soprano d’une
pureté exceptionnelle s’élevait jusqu’au
do5 (le « contre-ut »), alors inusité. Elle
semble être à l’origine d’un chant dont
la flexibilité n’excluait pas le pathétisme,
excellant en outre dans le trille expressif,
qualités qu’atteste l’écriture spécifique
que lui réserva Haendel dans des pages
demeurées célèbres tels les airs Piangero et
V’adoro, pupille, du rôle de Cléopâtre, ou
Ombre, piante, dans Rodelinda.
CYCLE.
Ensemble de pièces de même nature, indépendantes les unes des autres, mais réunies
sous un titre global et reliées entre elles par
une idée commune ; le terme s’emploie
surtout pour des groupements de mélodies (Beethoven, À la bien-aimée lointaine ;
Fauré, la Bonne Chanson).
CYCLE DES QUINTES.
Enchaînement de sons par quintes montantes ou descendantes, ou plus exactement par alternance de quintes montantes
et de quartes descendantes dans l’ordre
ascendant, vice versa dans l’ordre descendant.
On est convenu, pour la commodité, de
présenter le cycle des quintes à partir du fa
en montant (fa-do-sol-ré-la-mi-si), à partir
du si en descendant (si-mi-la-ré-sol-do-fa,
rétrogradation du précédent) ; le premier
cycle donne l’ordre des dièses adopté
pour les armatures, le second, l’ordre
des bémols. On pourrait théoriquement
continuer le cycle au-delà des sept notes
ci-dessus, en abordant en montant les
dièses, puis les doubles dièses, en descendant les bémols, puis les doubles
bémols. Dans le système tempéré égal,
le cycle des quintes peut être traduit par
un cercle fermé, puisque, après douze
quintes, la jonction se fait par enharmonie entre la treizième note et la première
(1-fa, 2-do, etc., 13-mi dièse = fa ; en descendant : 1-si, 2-mi, etc., 13-do bémol =
si), mais cette propriété disparaît si l’on
considère les quintes avec leur valeur
juste de rapport d’harmoniques 2/3 (système pythagoricien) : mi dièse est alors
plus haut que fa, do bémol plus bas que
si. La différence, dite comma pythagoricien, a été calculée depuis longtemps
(531441/524288) et constitue la principale difficulté de l’accord des instruments à clavier ( ! PARTITION).
La valeur du cycle des quintes ne réside
pas cependant dans ces jeux numériques
ou graphiques sans grand intérêt musical, mais dans le rôle d’une importance
extrême qu’il tient en toute occasion dès
qu’apparaît le souci d’une construction
musicale quelconque. Ce rôle commence
avec la construction des gammes, dans
lesquelles il fournit la structure consonantielle de base de la quasi-totalité des
échelles existantes. Il se poursuit avec
l’élaboration des « systèmes » (musique
grecque) et des « modes » (Moyen Âge,
musiques orientales), puis dans notre
musique occidentale avec le développement de la « conjonction harmonique »
qui, à partir du XVIe siècle environ, en
règle le sémantisme ; il détermine dans
le système tonal les grands jalons de la
marche des basses fondamentales, de
la ponctuation cadencielle, des modulations, du plan tonal, etc. Seul s’en est
dégagé l’atonalisme de Schönberg, encore que, ne renonçant pas à l’échelle
de douze sons tempérés qui reste tributaire de ce même cycle, il introduise une
contradiction en refusant de prendre
en considération le « mode d’emploi »
qui lui est lié et sans lequel cette échelle
n’aurait pu exister.
CYCLIQUE (FORME).
Terme inventé par Vincent d’Indy pour
désigner un procédé de composition
dont il attribue la découverte à Beethoven et la mise en oeuvre à César Franck,
et qu’il a contribué lui-même à généraliser.
Le principe du « cyclisme » est d’apparenter entre eux, au moyen d’un ou
plusieurs éléments communs, plusieurs thèmes appartenant à des mouvements différents d’une même oeuvre,
thèmes qui n’en conservent pas moins
leur personnalité en restant propres au
mouvement auquel ils appartiennent.
Dans chaque groupe, le thème exposé en
premier est considéré comme un thème
générateur ou thème cyclique. Dans la
théorie de d’Indy, l’apparentement cyclique peut être poussé très loin : c’est
ainsi qu’il considère le thème initial de
la Sonate pour violon et piano de Franck
comme générateur de celui du final,
parce que tous deux commencent par
une montée de deux notes suivies d’une
descente de cinq notes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
272
Bien qu’appliqué avec rigueur dans
de nombreuses oeuvres scholistes, notamment celles de d’Indy lui-même, le
principe cyclique a été accueilli hors de
cette école avec une certaine réserve. Il
n’en répond pas moins à un phénomène
extrêmement sensible dans toute la musique de la fin du XIXe siècle : recherche
des apparentements de thèmes par dérivation les uns des autres.
CYLINDRE.
1. Dans les instruments à vent, tube
à l’intérieur duquel se meut le piston.
Autrefois, on appelait les instruments à
vent, instruments à cylindre.
2. Dans les orgues mécaniques, pièce
cylindrique en bois, sur la surface de
laquelle sont implantées des petites
pointes qui viennent soulever les
touches, lorsque le cylindre est en mouvement.
3. Dans les enregistrements, les cylindres
étaient destinés au phonographe d’Edison, c’est à cause de leur forme qu’on
leur a donné ce nom. Ils étaient faits
d’un composé à base de cire, gravés verticalement au lieu de l’être horizontalement, comme les disques modernes. On
les a toujours gravés individuellement,
malgré quelques perfectionnements qui
n’ont jamais permis leur fabrication
en série. Après avoir été détrôné par le
disque de Berliner, le cylindre continua,
néanmoins, d’être utilisé dans les dictaphones.
CYMBALA ou CIMBALLE.
Instrument ancien à percussion, de la famille des « métaux ».
C’était un triangle traversé de plusieurs
anneaux, dont le tintement s’ajoutait à
celui de la tige.
CYMBALE.
À l’orgue, jeu de mixture, composé en
principe de trois tuyaux par note, faisant
entendre les trois sons d’un accord parfait, haut dans l’aigu. La cymbale classique élimine souvent la tierce au profit de doublures de quintes et d’octaves
(jusqu’à quatre et cinq rangs). Au fur
et à mesure que s’élève la fondamentale, des reprises sont nécessaires, les
petits tuyaux atteignant la limite supérieure d’acuité auditive ; la cymbale se
maintient ainsi dans l’ambitus de trois
octaves. On l’utilise en composition dans
le plénum ou le petit plein-jeu, où elle
apporte lumière et légèreté.
CYMBALUM.
Instrument à cordes frappées, dont le
nom trahit des origines communes avec
le tympanon (angl. Dulcimer).
Resté très populaire en Europe centrale et orientale, surtout en Hongrie,
c’est, de nos jours, un instrument dont
les cordes sont montées sur une caisse
de forme trapézoïdale, sans couvercle ;
l’exécutant frappe directement les cordes
au moyen d’une paire de battes. L’étendue du cymbalum est de quatre octaves.
Le poids et la dureté variables des battes,
la possibilité d’attaquer la corde plus ou
moins sèchement et de laisser la batte
rebondir sur la corde, procurent au cymbalum des ressources expressives considérables.
CZERNY (Karl), pianiste, pédagogue et
compositeur autrichien (Vienne 1791-id.
1857).
Élève de son père et du violoniste Wenzel Krumpholz, puis de Beethoven
(1800-1803), il jouait du piano à trois
ans, composait à sept, et à dix, jouait de
mémoire le répertoire le plus valable et
le plus important. À quinze ans, il avait
lui-même des disciples, et, plus tard,
il donna des leçons à Liszt. Son catalogue de compositeur compte plus de
1 000 ouvrages : symphonies, concertos, musique de chambre, variations
(dont celles pour piano et orchestre
sur l’Hymne impérial de Haydn), 24
messes, 4 requiems, environ 300 graduels et offertoires, cela sans compter d’innombrables arrangements et
transcriptions - reflets d’une époque de
haute virtuosité pianistique. Tous ces
ouvrages sont tombés dans l’oubli, mais
sa production didactique, dont Die
Schule der Gelaüfigkeit (« l’École de la
virtuosité »), Die Schule des Virtuosen
(« l’École du virtuose ») ou Die Kunst
der Fingerfertigkeit (« l’Art de délier les
doigts »), reste aujourd’hui encore à la
base de tout enseignement pianistique.
CZIFFRA (Gyorgy), pianiste français
d’origine hongroise (Budapest 1921).
Fils d’un musicien professionnel, Gyorgy
Cziffra se produit en public dès l’âge de
cinq ans et entre au conservatoire FranzLiszt quatre ans plus tard, mais la guerre
interrompt une carrière qui s’annonçait brillante. Rendu à la vie civile après
quatre ans sous les drapeaux et un an
de captivité, il en est réduit à jouer dans
les cafés jusqu’en 1950. Politiquement
suspect, il perd encore trois ans entre les
prisons et les camps de concentration,
et n’en remporte pas moins le prix Liszt
en 1954. Lors des événements de 1956, il
réussit à fuir la Hongrie avec sa femme
et son fils (le futur chef d’orchestre), et
se révèle au monde occidental, le 2 décembre, par un concert au Châtelet. Du
jour au lendemain, c’est la gloire. Sa prodigieuse virtuosité, son extraordinaire
tempérament romantique font de lui un
incomparable interprète de Liszt et, plus
discuté, de Chopin. Désormais fixé dans
la région parisienne, l’artiste se fait également mécène. En 1966, il se charge de
la restauration des orgues de la ChaiseDieu et y fonde un festival annuel de
musique. En 1968, année de la naturalisation, naît à Versailles, avec le concours
de la municipalité, le concours international de piano qui porte son nom et
dont le premier lauréat est Jean-Philippe
Collard (1969). En 1973, il achète l’ancienne chapelle royale Saint-Frambert,
à Senlis, la restaure et la transforme en
auditorium.
Enfin, la fondation Cziffra vient en
aide aux jeunes artistes de toutes disciplines. Son fils György (Georges) Cziffra
junior, chef d’orchestre (1942-1981), se
produisit souvent avec lui.
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D.
Lettre par laquelle on désigne la note ré
dans les pays de langues allemande et anglaise. D y représente la tonique des tonalités ré majeur et ré mineur.
français
anglais
allemand
ré bémol
D flat
Des
ré double
bémol
D double
flat
Deses
ré dièse
D sharp
Dis
ré double
dièse
D double
sharp
Disis
DA CAPO (D. C.) [ital. : « à nouveau », « à
partir du début »].
Expression qui s’emploie pour indiquer
une reprise à partir du commencement.
Si cette reprise ne doit pas se poursuivre
jusqu’à la fin, l’arrêt est indiqué par le mot
fin, en italien fine, au-dessus d’une double
barre. Le da capo se signale par l’indication correspondante, abrégée ou non, ou
encore par un signe conventionnel de
renvoi, généralement répété au début du
morceau, et qui peut être soit placé audessus d’une double barre, soit formé de
deux points précédant cette double barre ;
en ce dernier cas, les mêmes deux points
(au milieu de la portée) doivent figurer en
rappel à l’emplacement où l’on renvoie,
surtout s’il y a une anacrouse précédant
l’emplacement exact du renvoi.
Le da capo était, au XVIIIe siècle, caractéristique des airs d’opéra, qui en portaient parfois le nom (aria da capo) en
exigeant la reprise de la première partie de
l’air, mais cette reprise pouvait être ornée
( ! DOUBLE), même si l’ornementation
n’était pas écrite explicitement.
D
DAHLHAUS (Carl), musicologue allemand (Hanovre 1928 - Berlin 1989).
Il a étudié à Göttingen et à Fribourg, soutenant une thèse sur les messes de Josquin
Des Prés. Il enseigne depuis 1967 l’histoire
de la musique à l’université technique de
Berlin, et dirige l’édition complète des
oeuvres de Wagner. Ses nombreuses publications concernent plus particulièrement
la musique des XIXe et XXe siècles, ainsi
que la place de la musique dans le monde
moderne (Grundlage der Musikgeschichte,
1977 ; Die Idee der absoluten Musik, 1978 ;
Musikalischer Realismus, 1984).
DALAYRAC ou D’ALAYRAC (NicolasMarie), compositeur français (Muret,
Haute-Garonne, 1753 - Paris 1809).
Son père, qui l’avait successivement destiné aux carrières juridique et militaire,
ne put l’empêcher de devenir musicien.
Sous-lieutenant à Versailles dans la garde
du comte d’Artois, il compléta sa formation musicale avec François Langlé et fit
jouer en 1781, sous un pseudonyme ita-
lien, deux petites pièces, le Petit Souper
et le Chevalier à la mode, qui furent tant
applaudies que leur véritable auteur fut
bientôt dévoilé. Le succès de l’Éclipse totale, l’année suivante, le conduisit à quitter
les armes pour se consacrer davantage à
l’art lyrique. Il composa plus de cinquante
opéras-comiques, qui s’inscrivent dans la
tradition de Monsigny et de Grétry. Nina
ou la Folle par amour (1786) est considéré
comme son meilleur ouvrage. On peut
également citer : le Corsaire (1783), Azemia (1786), Camille (1791), Adolphe et
Clara (1799), Maison à vendre (1800) et
Gulistan (1805). Ses emprunts à Rameau
ou à Méhul et surtout son instinct scénique lui assurèrent le meilleur accueil du
public et Boieldieu, Auber, Adam, Franck
et Berlioz admirèrent la beauté de ses mélodies et l’élégance de son style.
DALBAVIE (Marc-André), compositeur
et chef d’orchestre français (Neuilly-surSeine 1961).
Il commence très tôt des études de piano
et remporte à dix ans le Concours général
de France. Au Conservatoire de Paris, il
travaille la composition avec Michel Philippot et l’orchestration avec Betsy Jolas. Il
prend des cours avec John Cage à Londres
(1980) et avec Franco Donatoni à Sienne
(1984). Entre 1983 et 1985, il suit les cours
de Tristan Murail. Dalbavie, qui appartient depuis 1985 au département de la
recherche musicale de l’I.R.C.A.M., fait
partie d’une génération qui s’est vite familiarisée avec l’ordinateur et en a tiré toutes
les conséquences. Il parle souvent du rôle
stimulateur que jouent l’informatique et
l’outillage électronique, mais trouve aussi
que « l’univers technologique est déjà
insuffisant » pour l’imagination des compositeurs de sa génération. Dans les Paradis mécaniques pour onze instruments
(1982-83), Dalbavie travaille avec des
« accords/timbres », la trame de l’oeuvre
étant constituée par la transformation
progressive des objets dans le temps. Des
images sonores spécifiques au monde de
l’informatique musicale sont appropriées
par l’écriture purement instrumentale.
Dans Interludes pour violon solo (1987),
il poursuit une abstraction radicale du jeu
de l’instrument, débarrassé pour l’occasion de toute rhétorique ou expressivité.
On lui doit aussi les Miroirs transparents
pour orchestre (1985), Diadèmes pour
alto principal transformé, ensemble instrumental et ensemble électronique, Instances pour choeur, orchestre et dispositif
électronique (1991), Seuils pour soprano,
orchestre et dispositif électronique. Il a
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
274
reçu plusieurs prix de composition, dont
celui de la S.A.C.E.M. (1985).
DALBERTO (Michel), pianiste français
(Paris 1955).
Il étudie au Conservatoire de Paris avec
Vlado Perlemuter et Jean Hubeau et
obtient un 1er Prix de piano en 1972. Il
se perfectionne ensuite auprès de Nikita
Magaloff, et remporte en 1975 le Prix
Clara Haskil puis en 1978 le 1er Prix du
Concours international de Leeds. Sa carrière se partage d’emblée entre le piano
solo, la musique de chambre et, dans une
moindre mesure, le concerto. Il se produit
en compagnie d’Augustin Dumay, Henryk
Szering, Viktoria Mullova et la soprano
Barbara Hendricks, avec qui il a enregistré
un disque de mélodies de Fauré. En 1991,
il est nommé directeur artistique de l’Académie internationale et du Festival des
Arcs, consacré à la musique de chambre.
D’ALESSIO (Carlos), compositeur argentin naturalisé français (Buenos Aires
1935 - Paris 1992).
En même temps que l’architecture, il étudie la musique avec Guillermo Graetzer.
En 1962, il part pour New York, où il
apprend le tango et fait son chemin dans
le milieu underground : il organise des
happenings à la Brooklyn Academy et au
MOMA, notamment A Concert is a concert
is a concert. En 1972, il se fixe à Paris où
il collabore avec le metteur en scène Alfredo Arias et le Groupe TSE. En 1974, il
rencontre Marguerite Duras. Pour elle, il
écrit d’abord la musique du film la Femme
du Gange (1974), puis India Song (1975),
dont le slow, d’une nostalgie irrésistible,
a fait le tour du monde. Puis il collabore
à Des journées entières dans les arbres et
Vera Baxter (1977), le Navire Night (1979)
et les Enfants (1984). L’écoute d’une de ses
valses fait naître l’écriture d’Éden-Cinéma.
Il signe aussi les partitions d’Hécate de Da-
niel Schmidt (1982), Delicatessen de Caro
et Jeunet (1990), et travaille au théâtre,
notamment avec Claude Régy. Il joue
parfois sa musique en récital, à la Roqued’Anthéron en 1985, et à Paris en 1991.
DALL’ABACO (Evaristo Felice), compositeur italien (Vérone 1675 - Munich 1742).
Violoniste réputé, il vécut quelques années
à Modène - sans doute à partir de 1696 -,
puis s’établit à Munich, où il devint maître
de chapelle de l’Électeur Max Emmanuel
(1704). Il accompagna la Cour à Bruxelles
et dans divers déplacements, notamment,
à plusieurs reprises, à Paris. Il fut peutêtre l’élève de Torelli et certainement l’un
des premiers à fixer l’ordre des pièces de
la sonate préclassique. Son oeuvre, destinée à son instrument et publiée en grande
partie à Amsterdam, compte des exemples
des deux genres de la sonate : Sonate da
camera pour violon et basse continue op. 1
(v. 1705-1706) et op. 4 (1714), 12 Concerti
a 4 da chiesa op. 2 (v. 1712-1714), deux
recueils de 6 Concerti a più strumenti op. 5
(v. 1717). Vers 1712-1715, il publia à Paris
XII Sonate da chiesa e da camera a tre op. 3,
et vers 1730, Concerti a più strumenti op. 6.
DALLAM, famille de facteurs d’orgues
anglais, actifs au XVIIe siècle.
Le fondateur de la firme fut probablement
Thomas Dallam ; le plus célèbre de ses
successeurs, Robert Dallam, (1602-1665),
construisit les orgues du New College
d’Oxford, de la cathédrale Saint-Paul de
Londres et des cathédrales de Canterbury
et de Durham. Les deux frères de Robert,
Ralph et George Dallam, furent également
facteurs.
DALLAPICCOLA (Luigi), compositeur
italien (Pisino d’Istria 1904 - Florence
1975).
Il commença ses études musicales à Graz
où sa famille avait été exilée pour raisons
politiques pendant la Première Guerre
mondiale : son père était patriote italien,
et Pisino était sous la domination autrichienne. En 1923, il entra au conservatoire de Florence où il étudia le piano
avec E. Consolo et la composition avec V.
Frazzi. À partir de 1926, il se produisit en
duo avec le violoniste Sandro Materassi,
s’employant surtout à faire connaître les
oeuvres contemporaines. En 1934, il fut
nommé professeur de piano au conserva-
toire de Florence. Il travailla aussi comme
critique musical au journal florentin
Mondo. Il enseigna la composition aux
États-Unis : à Tanglewood (1951-1952),
au Queen’s College de New York (19561959) et à l’université de Berkeley (1961).
Il était membre de l’Académie bavaroise
des beaux-arts (1953) et de l’Akademie
der Künste de Berlin (1958). En 1954, il
édita en collaboration avec G. M. Gatti les
Scritti sulla musica de Busoni.
Les premières impressions musicales de
Dallapiccola ont été le Don Juan de Mozart et les opéras de Wagner, le Pelléas et
Mélisande de Debussy, le Pierrot lunaire de
Schönberg, les Noces de Stravinski, ainsi
que les oeuvres de Mahler, de Busoni et
de Berg. Comme compositeur, il se fait
connaître en 1932 avec sa Partita pour
orchestre et soprano, forme redevenue à
la mode à cette époque. Les oeuvres importantes de sa « première manière », qui
dure jusque vers la fin des années 30, sont
Deux Chants du Kalewala (1930), la Rapsodia d’après la Chanson de Roland (193233) et surtout les Six Choeurs de Michelangelo Buonarotti (1933-1936). Le style en
est un néomodalisme, qui se ressent de
l’influence des XVe et XVIe siècles (Dufay,
Palestrina). C’est une musique statique,
abstraite, concise. La première étape de
son évolution laisse apparaître un chromatisme de plus en plus serré, déjà sensible dans les Choeurs de Michel-Ange.
En 1937-1939, Dallapiccola compose
son premier opéra Volo di notte (Vol de
nuit) d’après Saint-Exupéry, dominé par
un pessimisme cherchant refuge dans
la solitude et dans l’idéal. Il y utilise à la
fois le chant et le sprechgesang. Presque
en même temps (1938-1941), il écrit ses
Canti di Prigionia, sur des textes de Marie
Stuart, Boèce et Savonarole.
À partir de ces années, marquées par
l’apogée du fascisme, les thèmes de la captivité et de la liberté vont le hanter toute
sa vie durant et trouvent leur meilleure
expression dans son opéra Il Prigionero
(1944-1948), d’après la Torture par l’espérance de Villiers de l’Isle-Adam, et la Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak
de Ch. De Coster. Entre-temps, il écrit le
ballet Marsias (1942-43 ; repr. Florence,
1948), dans lequel il fait un fréquent usage
d’harmonies de quartes superposées. C’est
à partir du milieu des années 1940 que le
dodécaphonisme commence à s’intégrer à
son écriture : Liriche Greche (1942-1945),
Chaconne, intermezzo et adagio pour violoncelle seul (1945), Rencesvals (1946).
Dans Il Prigionero, ce dodécaphonisme est
déjà un fait accompli, et plus encore dans
l’oratorio Job (1950). Dans la musique
vocale, les intonations mélodiques continuent à refléter l’influence wagnérienne.
À l’intérieur de son style dodécaphonique,
Dallapiccola utilise non seulement les intervalles dissonants propres à la musique
sérielle (secondes, septièmes, neuvièmes),
mais aussi des intervalles consonants, ce
qui le différencie des dodécaphonistes
viennois. Ayant adopté le dodécaphonisme librement et naturellement, Dallapiccola s’est aussi affranchi de toute prise
de position sectaire : « La tonalité existe et
existera sans doute encore longtemps »,
déclare-t-il en 1951. À partir de 1953, il
s’oriente vers des recherches rythmiques
et tend vers une rigueur et un dépouillement comparables à ceux de Webern
(Cinque Canti, 1956). Mais ses attaches
avec le néoclassicisme et les traditions de
la musique italienne réapparaissent parfois, notamment dans la Tartiniana (1951)
et la Tartiniana seconda pour violon, piano
et orchestre (1956). Parmi les oeuvres les
plus importantes de ses dix dernières années, il faut citer l’opéra Ulisse, d’après J.
Joyce (1968).
Compositeur conscient de l’évolution
musicale de son siècle, Dallapiccola sut
garder une dimension romantique en traduisant dans sa musique des expériences
vécues. Par la richesse et l’éclectisme de
ses références musicales et littéraires,
par l’affinement de son style technique,
il fut l’une des personnalités les plus
marquantes de la musique italienne du
XXe siècle.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
275
DALLERY, famille de facteurs d’orgues
français originaires du Pas-de-Calais, en
activité au XIIIe et pendant la première
moitié du XIXe siècle.
Ils construisirent et restaurèrent de nombreux instruments à Paris et dans le nord
de la France, et ils furent un temps associés
avec les Clicquot. Par exemple, les orgues
de Saint-Merri, de la Sainte-Chapelle et de
Saint-Nicolas-des-Champs à Paris sont les
produits de l’association de Pierre Dallery
avec François-Henri Clicquot.
DAMASE (Jean-Michel), compositeur,
pianiste et chef d’orchestre français
(Bordeaux 1928).
Il commence ses études de solfège au
cours Samuel-Rousseau et compose, à
neuf ans, une mélodie, le Rouge-Gorge,
sur un poème de Colette. Élève de Cortot
à douze ans, il entre l’année suivante au
Conservatoire de Paris, dans la classe d’A.
Ferté, et obtient son premier prix de piano
en 1943. Il étudie l’harmonie avec M.
Dupré et la composition avec H. Busser.
En 1947, il reçoit le premier grand prix de
Rome pour sa cantate Et la belle se réveilla,
puis le grand prix de la Ville de Paris en
1959. Il entame, dès l’âge de dix-sept ans,
une carrière de pianiste (Europe, ÉtatsUnis, Amérique latine), puis s’oriente vers
celle de chef d’orchestre, notamment au
bénéfice de la Compagnie chorégraphique
du marquis de Cuevas. De 1961 à 1964,
il enseigne le piano à l’École normale de
musique de Paris.
Compositeur fécond, aimant la mélodie gracieuse, l’orchestration raffinée,
Damase s’est révélé un musicien indépendant, tout en conservant l’attachement
à la tonalité et en s’affirmant comme un
héritier des traditions classiques de la musique française. S’il a écrit de nombreuses
oeuvres vocales (mélodies, choeurs) et de la
musique de chambre pour divers effectifs
(duos, trios, quintettes), il s’est aussi beaucoup intéressé à la musique de théâtre et
en particulier au ballet (Piège de lumière,
1952 ; le Prince du désert, 1955 ; Othello,
1957). Son oeuvre lyrique, renouant avec
les traditions de l’opéra-comique, s’est
aisément imposée. Sa Colombe, d’après
Anouilh, créée au festival de Bordeaux
en 1961, a révélé une poésie élégante, une
écriture délicate et une instrumentation
subtile. Son Héritière, dans un tout autre
esprit, a confirmé ces qualités au GrandThéâtre de Nancy en 1974.
DAMOREAU-CINTI (Laure CINTHIE-MONTALANT, épouse DAMOREAU , dite Laure),
soprano française (Paris 1801 - Chantilly
1863).
Elle obtint au Conservatoire un prix de
solfège dès 1808 et un prix de piano dès
1810. Elle parut dans les salons de la reine
Hortense comme pianiste prodige, puis
comme harpiste. Elle entreprit en 1811
l’étude du chant avec Plantade et remporta un premier prix en 1815. Le célèbre
pédagogue Manuel Garcia la prit sous sa
protection et la fit débuter en concert en
1815. Elle aborda la scène, l’année suivante, au Théâtre-Italien dans Una Cosa
rara de Martin y Soler. Devenue célèbre,
elle participa à de nombreuses créations
comme celles, à l’Opéra, du Comte Ory
de Rossini (1828), de la Muette de Portici d’Auber (1828), de Guillaume Tell
de Rossini (1829) et de Robert le Diable
de Meyerbeer (1831), et, à l’Opéra-Comique, du Domino noir d’Auber (1837).
Elle se retira de la scène en 1842, fit des
tournées de concerts jusqu’en Amérique,
puis se consacra à un poste de professeur au Conservatoire de Paris auquel
elle avait été nommée en 1834. Parmi les
nombreuses chanteuses célèbres de son
époque, Laure Damoreau-Cinti se distingua par la pureté de son style et la justesse
de son expression.
DAMROCH, famille de musiciens américains d’orgine allemande.
Leopold, violoniste, chef d’orchestre
et compositeur (Posen 1832 - New York
1885). Docteur en médecine après des
études à Berlin, il se consacra ensuite à la
musique et dirigea en Allemagne plusieurs
orchestres de théâtre, jusqu’à sa nomination comme membre de la chapelle de la
cour à Weimar. Il occupa ensuite diverses
fonctions à Breslau et fit des tournées,
comme violoniste, aux côtés de Hans de
Bülow et Carl Tausig. Fixé à New York
en 1871 pour y diriger la chorale Arion,
il fonda tour à tour l’Oratorio Society et
la New York Symphony Society, avec lesquelles il donna des concerts réputés. Il
manifesta le même esprit d’organisation
dans la création d’une entreprise d’opéra
allemand au Metropolitan de New York,
après la chute d’une troupe italienne. À
côté de sa prodigieuse activité au service
de la musique, son oeuvre de compositeur
pâlit un peu. On lui doit cependant des
partitions à la structure ferme, brahmsienne, mais dont l’écriture, dans le détail,
révèle l’influence de Liszt : pièces pour
violon, mélodies, oeuvres chorales (Ruth
und Noemi, idylle biblique, etc.) et ouvertures pour orchestre.
Franck Heino, compositeur et chef d’or-
chestre, fils du précédent (Breslau 1859 New York 1937). Élève de Moszkovski, il
se fixa aux États-Unis en même temps que
son père. Il fit une carrière de chef d’orchestre dans différentes villes américaines,
fut chef des choeurs au Metropolitan
Opera et inspecteur musical des écoles.
Walter, chef d’orchestre et compositeur, frère du précédent (Breslau 1862 New York 1950). Il fit ses études avec son
père et avec Hans de Bülow. Il fonda en
1894 la Damrosch Opera Company, qui
fit connaître l’oeuvre de Wagner à travers les États-Unis. Chef d’orchestre au
Metropolitan Opera et directeur de plusieurs sociétés de concert, défenseur des
grands compositeurs européens de son
époque, dont il créa les oeuvres aux ÉtatsUnis, il donna une impulsion très vive à
la vie musicale américaine. Il jeta d’autre
part les bases du conservatoire américain
de Fontainebleau. Compositeur, il écrivit des musiques de scène, de la musique
de chambre, des oeuvres chorales et des
mélodies. Il commanda à Sibelius Tapiola
(1926).
DANCLA (Jean-Baptiste), violoniste et
compositeur français (Bagnères-de-Bigorre, Hautes-Pyrénées, 1817 - Tunis
1907).
Il entra au Conservatoire de Paris dans
la classe de violon de Baillot et obtint un
premier prix en 1833. Il travailla ensuite
la composition avec Berton, l’harmonie
avec Halévy et le contrepoint avec Reicha.
Il obtint le second grand prix de Rome en
1838, mais se consacra à une carrière de
violoniste qu’il accomplit dans différents
orchestres avant d’être admis comme premier violon dans celui de l’Opéra puis, en
1841, comme violon-solo à la Société des
concerts du Conservatoire. Membre de la
chapelle impériale (1853), il fut nommé
professeur adjoint au Conservatoire en
1855, puis professeur en 1860. Il abandonna ces différents postes en 1892 pour
prendre sa retraite et voyager. Compositeur d’une rare fécondité, Dancla écrivit
de nombreuses pièces pour violon ainsi
que de la musique de chambre et des symphonies concertantes. Il signa, par ailleurs, différents ouvrages pédagogiques et
des mémoires. Il eut deux frères : Arnaud
(1819-1862) qui fut violoncelliste, professeur au Conservatoire et signataire d’une
méthode de violoncelle ; Léopold (1822-
1895), qui fut violoniste, en particulier à
l’Opéra et à l’Opéra-Comique.
DANCO (Suzanne), soprano belge
(Bruxelles 1911).
Elle a fait ses débuts à Gênes en 1941 dans
le rôle de Fiordiligi (Cosi fan tutte) de Mozart. Elle a beaucoup chanté en Italie où
elle créa Wozzeck de Berg (San Carlo de
Naples, 1943) et en Angleterre. Son répertoire de théâtre était extrêmement divers,
allant de Mozart à Puccini en passant par
Berlioz et Debussy. Suzanne Danco possédait une voix de soprano lyrique, longue,
agile et d’une homogénéité exemplaire.
Ses interprétations témoignaient d’un
grand raffinement musical.
DANDELOT (Georges), compositeur et
pédagogue français (Paris 1895 - SaintdownloadModeText.vue.download 282 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
276
Georges-de-Didonne, Charente-Maritime, 1975).
Au Conservatoire de Paris, il fut l’élève,
notamment, de Roussel et de Dukas pour
la composition. Après la Première Guerre
mondiale, il se consacra à l’enseignement,
d’abord à l’École normale de musique (à
partir de 1919), puis au Conservatoire,
où il fut nommé professeur d’harmonie
en 1943. Il ne négligea pas pour autant la
composition et écrivit des oeuvres lyriques,
de la musique de chambre, de la musique
instrumentale, des oratorios et de charmants ballets conçus pour les enfants.
Son écriture, influencée par celle de ses
maîtres, mais aussi par celle de Debussy,
témoigne de grandes qualités mélodiques.
Elle est souvent délicate, mais sait aussi
traduire un lyrisme ardent. L’oratorio Pax
(1937) est un des rares cris de protestation
contre la guerre qui aient été émis par les
compositeurs de sa génération. Dandelot
a écrit des ouvrages didactiques de solfège
et d’harmonie, qui demeurent très employés de nos jours ; il a d’autre part édité
les oeuvres de musique baroque.
DANIEL ou DANYEL (John), compositeur et luthiste anglais ( ? v. 1565 - ? v.
1630).
Son père était musicien, et son frère Samuel (1562-1619), poète. Les deux frères
occupèrent, l’un après l’autre, le poste de
« Inspector of the Children of the Queen’s
Revels ». L’université d’Oxford honora
John Daniel du titre de « Batchelor in
Musicke » (1604). En 1606, celui-ci publia
un recueil de 20 Songs for the Lute, Viol
and Voice, augmenté d’une pièce pour
luth seul (éd. moderne : The English School
of Lutenist Song Writers 1/12, Londres,
1959). En 1625, il devint membre de la
Royal Company of Musicians for the Lute
and Voices.
Après la mort de Samuel, John publia
une édition des oeuvres du poète dédiée au
prince Charles (1623).
DANIEL-LESUR, compositeur français
(Paris 1908).
Sa mère, musicienne accomplie, lui fait
prendre ses premières leçons d’orgue et
de composition avec Charles Tournemire.
En 1919, il entre au Conservatoire ; Olivier Messiaen est son condisciple dans les
classes d’harmonie et de fugue. En 1927,
il devient le suppléant de Charles Tournemire à l’orgue de Sainte-Clotilde. Sa
Suite française est créée par Pierre Monteux à l’O. S. P. en 1935. La même année,
il est nommé professeur de contrepoint à
la Schola cantorum, et, l’année suivante,
il fonde, avec Yves Baudrier, André Jolivet et Olivier Messiaen, le groupe « Jeune
France ». Entré dans les services artistiques de la Radiodiffusion nationale au
début de 1939, Daniel-Lesur est mobilisé
en septembre ; il revient à la vie civile au
mois d’août 1940 et rejoint la radio en
zone libre. En 1942, il revient à Paris. De
1945 à 1957, il compose de nombreuses
oeuvres de musique de chambre et de
musique vocale (parmi lesquelles la Suite
médiévale [1946] et le Cantique des cantiques [1953]). Déjà un thème s’impose à
lui, celui d’Andrea del Sarto, qu’il aborde
en 1947 par une musique de scène, suivie,
en 1949, d’un poème symphonique. La
pièce d’Alfred de Musset lui inspire enfin
un opéra, créé à l’opéra de Marseille en
1969.
Parallèlement à son activité de compositeur, Daniel-Lesur a assumé des tâches
importantes à la radio, à la télévision et
au ministère des Affaires culturelles, où
lui a été confiée, en 1971-72, la direction
de l’Opéra. De 1957 à 1961, il a été directeur de la Schola cantorum. Attaché aux
traditions de la musique française, mais
refusant le néoclassicisme, qu’il considère
comme une « commodité mécanique pire
encore que celles de la musique systématique », esprit logique et sensible, épris
de clarté, Daniel-Lesur a réussi d’une
manière assez exceptionnelle à allier dans
son oeuvre rigueur et sensualisme. Il fait
revivre des formes anciennes comme le
ricercare et la passacaille ; sa liberté de
musicien est fondée sur des choix, des
contraintes volontaires. Son Cantique des
colonnes, sur le poème de Valéry, sa Symphonie d’ombre et de lumière témoignent
autant de la hauteur de sa pensée que de la
perfection de son art. Et son chef-d’oeuvre,
Andrea del Sarto, recrée avec bonheur le
climat de la Renaissance italienne. En
1982 a été créé l’opéra Ondine, d’après
Giraudoux.
DANIÉLOU (Alain, dit SHIVA SHARAN) ethnomusicologue francais (Neuilly-surSeine 1907 - Lonay, près de Lausanne,
1994).
Après avoir travaillé le chant avec Charles
Panzéra et la composition avec Max d’Ollone, il s’est fixé en Inde et s’est consacré
à l’étude de la musique et de la religion
hindoues. Élève de l’université de Santiniketan au Bengale, puis directeur de
l’école de musique de cet établissement,
il s’est installé en 1935 à Bénarès, où il a
été nommé directeur de l’Institut de musicologie (1949), puis, en 1954, à Madras.
Membre de l’École française d’ExtrêmeOrient (1959) et du Conseil international de musique à l’Unesco (l960), il a été
nommé, en 1963, directeur de l’Institut de
musique comparée de Berlin. Sa connaissance exceptionnelle de la musique de
l’Inde et ses travaux de sémantique musicale lui ont conféré un renom mondial.
Principaux écrits : Introduction to the Studies of Musical Scales (1943) ; Catalogue de
musique classique de l’Inde (1952) ; Northern Indian Music (2 vol., 1949-1954) ;
Musique de l’Inde (1966) ; Sémantique musicale (1967) ; The Ragas of Northern Indian
Music (1968) ; Situation de la musique et
des musiciens dans les pays d’Orient (1971).
DANZI (Franz), compositeur allemand
(Mannheim 1763 - Karlsruhe 1826).
Fils d’un violoncelliste de l’orchestre de
Mannheim, élève de l’abbé Vogler, il resta
dans sa ville natale lorsque l’orchestre
partit pour Munich en 1778 et ne l’y rejoignit qu’en 1783. Il voyagea à partir de
1791 en Italie et en Allemagne, puis revint à Munich, mais la mort de sa femme
(1800) et des difficultés avec son collègue
Peter von Winter le poussèrent à quitter
cette ville. Il fut de 1807 à 1812 maître de
chapelle à Stuttgart, où il connut Weber,
puis à Karlsruhe jusqu’à sa mort. On lui
doit des cantates, des opéras comme Die
Mitternachtsstunde (Munich, 1788), Der
Kuss (Munich, 1799), Iphigenie in Aulis
(Munich, 1807) ou Rübezahl (Karlsruhe,
1813), des lieder, des quintettes à vent demeurés célèbres, des symphonies concertantes, de la musique de chambre (en particulier pour violoncelle), etc. Il a exercé
sur Weber une influence assez nette.
DAO (Nguyen Thien), compositeur vietnamien (Hanoi 1940).
Il a fait ses études au Conservatoire de
Paris, en particulier avec Olivier Messiaen,
a travaillé également avec le Groupe de
recherches musicales de l’O. R. T. F., s’est
fait connaître avec Tuyen Lua pour flûte,
piano, quatuor à cordes et une percussion,
dont la création au festival de Royan de
1969 suscita de violentes controverses, et
a obtenu en 1974, avec Mau Va Hoa pour
grand orchestre, le prix de composition
Olivier-Messiaen.
Héritier de deux civilisations, Dao a
poussé ses recherches dans la triple direction du rythme - rythme extra-humain ne
découlant pas du rythme cardiaque et dont
les tempos, extrêmement lents et extrêmement rapides, sont issus de la conception
cosmique du rythme oriental et de la formidable technicité du XXe siècle -, de la
fréquence suspensive ou du non-tempérament (la hauteur de chaque son étant
en constante mobilité dans les registres
très graves et très aigus) et du silenceméditation (comme articulation du discours musical, le silence permettant « de
me transporter dans un autre espace, ailleurs »). Sa musique oscille souvent entre
une immobilité aux limites du silence
et une extrême violence. Son catalogue,
d’une trentaine d’oeuvres, comprend notamment : The 19 pour 4 voix de femmes,
ensemble instrumental, 5 percussions et
ondes Martenot (créé au festival de Royan
de 1970) ; Bat Khuat pour 5 percussionnistes (1969, créé en 1970) ; Khoc To Nhu
pour 12 voix mixtes a cappella (1971) ;
Koskom pour grand orchestre (1971) ;
May pour 1 percussionniste (créé à Royan
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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en 1974) ; Ba MeViêt-nam pour contrebasse et ensemble instrumental, oeuvre
fixée dans tous ses détails (1974) ; Phu
Dong pour voix, percussion et quintettes
de cuivres, oeuvre ouverte inspirée d’une
ancienne légende vietnamienne (1973) ;
Gio Dong (1973) pour voix seule, sur des
textes de la littérature vietnamienne du
XIVe siècle à nos jours ; Framic pour flûte
basse seule (1974) ; Camatithu pour 6 percussionnistes (1974) ; Giai Phong pour
grand orchestre et dispositif électroacoustique (1974-1976) ; Ten Do Gu, concerto
pour percussion (1980) ; Hoang Hon, cycle
de mélodies pour soprano et orchestre
(1980) ; Blessure/Soleil, concerto pour clarinette et orchestre de chambre (1983) ;
Symphonie pour pouvoir, commande de
Radio France pour le bicentenaire de la
Révolution (1989) ; deux opéras, My Chan
Trong Thuy, créé à la Salle Favart à Paris en
décembre 1978 et relatant un ancien épisode des guerres entre Chine et Viêt-nam,
et Écouter-Mourir, créé à Avignon le 24
juillet 1980 et traitant, d’après une vieille
légende, de la place de la musique dans
les relations humaines ; Quatuor à cordes
no 1 (1991) ; les Perséides pour soprano et
sextuor à cordes (1992).
DA PONTE (Lorenzo), poète et librettiste italien (Ceneda, aujourd’hui Vittorio Veneto, 1749-New York 1838).
Né dans une famille de confession juive,
il s’appelait en réalité Emmanuele Conegliano, et prit le nom et le prénom de
l’évêque de Ceneda lorsque son père se
convertit avec ses trois fils (1763), dont
il était l’aîné. Ordonné prêtre en 1773, il
enseigna à Trévise puis à Venise, et, en
1779, fut banni pour quinze ans de cette
ville pour adultère. Après un bref séjour
à Dresde, il s’installa en 1781 à Vienne,
où Joseph II le nomma librettiste du nouveau théâtre italien. Il écrivit d’abord pour
Salieri, mais obtint ses premiers grands
succès en 1786 avec Le Nozze di Figaro
destiné à Mozart, et surtout Una cosa rara
destiné à Martin y Soler. En 1787, il écrivit
pour Salieri Axur, d’après Tarare de Beaumarchais, pour Martin y Soler L’Arbore di
Diana et pour Mozart Don Giovanni, et
en 1789-90 pour Mozart Cosi fan tutte. La
mort de son protecteur Joseph II (1790)
l’obligea à quitter Vienne. Il se rendit à
Prague (où il rencontra Casanova), puis
à Dresde, et à l’automne de 1792 arriva à
Londres, où, compte non tenu de séjours
en Hollande (1793) et en Italie (1798), il
devait rester treize ans. Nommé librettiste
du King’s Theatre en 1793, il perdit plus
tard cette place, et des difficultés financières croissantes le forcèrent à émigrer en
Amérique avec sa famille (1805). À New
York, il fut épicier puis libraire et professeur d’italien, et, en 1825, assista à la première de Don Giovanni dans cette ville :
ce fut pour lui une sorte d’apothéose. Il
y écrivit aussi ses mémoires (Memorie
di Lorenzo Da Ponte di Ceneda scritte da
esso, New York, 1823-1827, éd. rév. 182930), ouvrage intéressant, paru à plusieurs
reprises (dont deux en 1980) en français, mais qu’il faut se garder de prendre
au pied de la lettre. Ses livrets, dont le
nombre dépasse la trentaine, valent moins
par leur profondeur que par leur vivacité
et leur simplicité, et surtout par leur sens
remarquable des contrastes, de l’antithèse
et de l’opposition de caractères. À ce titre,
sa plus grande réussite semble bien être
Cosi fan tutte.
D’ARANYI (Jelly), violoniste anglaise
d’origine hongroise (Budapest 1893-Florence 1966).
Petite-nièce de Joseph Joachim et soeur
cadette de la violoniste Adila Fachiri, qui
sera sa partenaire, elle reçoit sa formation
à l’Académie royale de Budapest. Une
extrême virtuosité, alliée à un son âpre et
audacieux, la désigne comme l’interprète
idéale de la nouvelle musique hongroise.
De là viennent les dédicaces d’oeuvres
majeures qu’elle crée et qui jalonnent sa
carrière. Ainsi les deux sonates pour violon et piano de Bartók, qu’elle joue avec le
compositeur, à Londres, en 1922 et 1923,
et Tzigane de Ravel, qu’elle crée en 1924.
Établie en Angleterre dès 1925, elle
consacre une grande part de son activité
à la musique de chambre, jouant les trios
de Haydn et de Beethoven, ou des sonates
classiques avec la pianiste Myra Hess. Elle
inspire également des compositeurs anglais : en 1925, Ralph Vaughan-Williams
lui dédie son Concerto Academico, et, en
1930, elle crée avec sa soeur le Double
Concerto de Gustav Holst. En 1938, elle
crée en Angleterre le Concerto pour violon
de Schumann. Elle apparaît une dernière
fois avec Adila Fachiri en 1960, pour une
exécution du Concerto pour deux violons
de Bach.
DARASSE (Xavier), organiste et compositeur français (Toulouse 1934 - id. 1992).
Il a été élève du Conservatoire de Paris,
dans les classes d’harmonie, de contrepoint, de fugue, d’orgue et improvisation,
d’analyse musicale et de composition,
avant d’obtenir le premier grand prix de
Rome, en 1964. Grand prix d’exécution
et d’improvisation des Amis de l’orgue, il
commença une brillante carrière d’exécutant, marquée par l’originalité de ses interprétations du répertoire baroque et par sa
curiosité pour tout le répertoire contemporain et les nouvelles techniques de jeu c’est ainsi qu’il donna une transcription
personnelle des Variations pour piano op.
27 de Webern. Mais un grave accident devait le conduire à renoncer à ses activités
de concertiste, pour se consacrer à l’enseignement de l’orgue et de l’écriture et à la
composition. Il est notamment l’auteur
d’une grande pièce pour orgue, Organum
I (1970), dédiée à son maître Olivier Messiaen. Il a dirigé en 1991-92 le C.N.S.M.
de Paris.
DARGOMYJSKI (Alexandre), compositeur russe (Dargomyz 1813 - Saint-Pétersbourg 1869).
« Un petit homme en redingote bleu pâle,
avec un gilet rouge et affligé d’une invraisemblable voix de fausset », tel apparaissait à ses contemporains Dargomyjski, fils
de riches gentilshommes campagnards.
Très tôt, il prit des leçons de piano, violon
et alto et lorsque, en 1840, il fréquenta les
salons de Saint-Pétersbourg, il brilla par
sa virtuosité pianistique et par l’aimable
tournure de ses premières compositions
(pièces pour piano et mélodies). En 1833,
Joukovski et Koukolnik le présentèrent à
Glinka qui lui prodigua ses encouragements. Le succès de la Vie pour le tsar de
Glinka décida Dargomyjski à écrire un
opéra ; mais il ne s’orienta pas, comme
ce dernier, vers des sujets nationaux, leur
préférant des sujets romantiques français.
Un premier projet, Lucrèce Borgia (d’après
Hugo), n’ayant pas abouti, il entreprit,
malgré les conseils de ses amis, un opéra
Esméralda, dont il composa lui-même
le livret d’après Notre-Dame de Paris de
Hugo (1838-1841) ; l’oeuvre ne fut acceptée qu’en 1847 et montée l’année suivante
avec un médiocre succès. Entre-temps,
un voyage le mena de Vienne à Paris et
Bruxelles (1845) : il y rencontra Auber,
Halévy, Meyerbeer et se lia d’amitié avec
Fétis. À son retour, Dargomyjski, toujours à la recherche de sa voie, termina
un opéra-ballet, le Triomphe de Bacchus
(1848), qui ne fut monté que dix-neuf
ans plus tard, sans succès. Désemparé par
de tels délais et décidant d’être enfin luimême, il se retira en 1853 sur ses terres,
ne passant qu’une partie de l’hiver dans
la capitale, où il organisait soirées et réunions musicales privées. Moussorgski, en
1856, y fut admis et par la suite y amena
ses amis. Dans ce climat, Dargomyjski termina, en 1855, un projet caressé depuis
longtemps, la Roussalka, d’après Pouchkine, puis entreprit le Convive de pierre
(Don Juan), toujours d’après Pouchkine,
mais la mort ne lui permit pas de l’achever. Selon ses instructions, Cui réalisa les
dernières pages et Rimski-Korsakov orchestra l’oeuvre.
Dargomyjski eut sur la musique russe
une influence considérable en complétant l’action de Glinka. Tournant le dos
à l’esthétique d’Auber et d’Halévy visible
dans ses premiers essais de théâtre lyrique, il chercha à développer un aspect
que Glinka, à ses yeux, a négligé : les éléments dramatiques (cf. scène de la folie
du meunier, dans Roussalka). Si sa grande
manière naturaliste ne se révélait pas
d’une façon évidente dans la Roussalka
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
278
(l’orchestration est empâtée, le découpage traditionnel, et l’imitation de Glinka
complaisante), une innovation d’importance y apparaissait : le récitatif. « Je veux
que le son exprime directement le mot.
Je veux dire la vérité. » Tel était son but
et, essayant de cerner les rapports étroits
de la musique, du texte et de la parole,
il poussa à l’extrême dans le Convive de
pierre cette recherche de la déclamation
lyrique prise aux sources même de la vie.
Il fit, en effet, lire le texte de Pouchkine à
des comédiens, nota leur déclamation, la
compara aux inflexions de la voix parlée
naturelle. La ligne mélodique vocale qu’il
adopta fut ainsi une sorte de traduction
juxtalinéaire du poème de Pouchkine,
visant l’expression pure et juste, la vérité
psychologique et dramatique. Cette quête
remit en cause le découpage traditionnel :
le Convive ne compte pas un seul choeur,
seulement deux chansons ; tout le reste
est récitatif. Lors de sa création, en 1872,
l’oeuvre connut auprès d’un public amateur de mélodies flatteuses, d’effets pittoresques, un échec encore plus grand que
celui de la Roussalka. C’est pourtant là
qu’il faut chercher les origines de Boris
Godounov ou du Mariage de Moussorgski,
de Mozart et Salieri de Rimski-Korsakov
ou du Joueur de Prokofiev. La paternité
de l’école nationale est bien partagée entre
Glinka et Dargomyjski.
DARMSTADT (festival de).
Pendant plus de deux décennies, le festival
international de Darmstadt a représenté
une des plaques tournantes des nouvelles
tendances musicales de l’après-guerre.
Créé en 1946 par Steinecke et installé au
Jagdschlof Kranichstein, le festival permit tout d’abord de faire le point sur les
acquis de l’école de Vienne (Schönberg,
Berg et Webern), puis, grâce à la confrontation des figures marquantes de la jeune
génération, de rendre compte des divers
courants d’idées qui traversèrent le langage de la musique dès le début des années 50. Beaucoup plus qu’un festival,
Darmstadt fut considéré comme un lieu
de rencontres pour plusieurs générations,
sous l’impulsion de Wolfgang Steinecke ;
Edgar Varèse, Ernst Krenek furent invités en 1950, Olivier Messiaen y participa
en 1949 et 1952. Quant aux musiciens qui
entreprirent leurs recherches au moment
de la création de Darmstadt, ils s’y retrouvèrent presque tous, une année ou une
autre, pour y présenter leurs oeuvres et
leurs pensées esthétiques : P. Boulez, K.
Stockhausen, H.-W. Henze, G. Ligeti, H.
Pousseur, J. Cage, E. Brown, B. A. Zimmermann, Y. Xenakis, M. Kagel, B. Maderna, L. Berio, L. Nono, S. Bussotti, D.
Schnebel, F. Donatoni, etc.
Une des grandes forces de Darmstadt,
qui ne se manifestera pas dans d’autres
festivals, fut d’allier plusieurs fonctions
complémentaires : diffusion, production,
enseignement, information, sans qu’aucun de ces domaines n’apparût jamais
sacrifié par rapport aux autres. Si les
concerts pouvaient être envisagés comme
une part importante du festival (avec les
créations d’oeuvres telles que Kontrapunkte ou Kreuzspiel de K. Stockhausen,
Polyphonie X de P. Boulez), son activité
n’était pas exagérément axée sur l’aspect
« diffusion ». À ce propos, il faut souligner que les programmes intégrèrent à de
nombreuses reprises des oeuvres devenues
« de référence » (de Mahler, Ives, Scriabine, Ravel, Stravinski) et s’ouvrirent également aux musiques extra-européennes
(le musicien indien Ravi Shankar intervint
notamment en 1957).
L’enseignement délivré à Darmstadt
constitua très vite un pôle d’attraction
unique pour les musiciens de divers pays :
cours d’instruments, qui furent souvent
un catalyseur décisif pour la littérature
instrumentale, à travers la personnalité de
musiciens comme S. Gazzeloni (flûte), A.
Kontarsky (piano), D. Tudor (piano), F.
Pierre (harpe), K. Caskel (percussions),
G. Deplus (clarinette) ; cours de direction d’orchestre avec H. Scherchen, B.
Maderna ; cours de composition avec la
plupart des compositeurs précités ; cours
d’esthétique avec T.-W. Adorno, H. Stückenschmidt, H. Strobel ; cours d’acoustique avec H. Eimert, W. Meyer-Eppler.
Ces cours et conférences suscitèrent la
publication d’un ensemble de fascicules,
les Darmstädter Beiträger, qui rassemblent
des textes déterminants pour l’appréhension des musiques actuelles (Penser
la musique aujourd’hui de P. Boulez, de
nombreux articles analytiques de K. Stockhausen, G. Ligeti, M. Kagel, etc.).
À partir du milieu des années 60 se
développèrent des ateliers de composition
posant le problème de la création collective : ainsi naquit, en 1967, Ensemble,
selon certains principes déduits d’oeuvres
de K. Stockhausen comme Mikrophonie,
Plus-Minus ; ce processus de composition
de groupe associait douze compositeurs
dont T. Marco, J. Fritsch, J. Mac Guire,
M. Maiguashca. En 1968, à l’occasion d’un
atelier dirigé par K. Stockhausen, Musik
für eine Haus regroupa, pour un projet où
la spatialisation des sources sonores jouait
un rôle essentiel, C. Miereanu, M. Maiguashca, R. Gehlhaar, J. Peixinho, etc.
Au cours des années 70 se dessina
toutefois un essoufflement progressif ;
peut-être les options esthétiques des organisateurs du festival se firent-elles plus
restrictives, l’omniprésence de certains
grands « ténors » de la musique d’avantgarde freina-t-elle quelque peu les apports
de générations plus jeunes.
Si l’on put noter plus récemment la présence, au sein du festival de Darmstadt, de
compositeurs comme M. Monnet, B. Ferneyhough, G. Grisey, V. Globokar, susceptibles d’insuffler des idées nouvelles,
il n’en reste pas moins que ce festival
semble tributaire d’une image de marque
privilégiée, à un moment précis de l’évolution des musiques du XXe siècle, avec
ses compositeurs de prédilection et leurs
épigones. Nombreux étaient les musiciens
qui, vers 1980, attendaient que Darmstadt
change de cap ou que se développent de
nouveaux Darmstadt. Friedrich Hommel,
directeur de 1982 à 1994, a largement répondu à leurs espoirs. Il a eu comme successeur en 1995 Solf Schaefer, auparavant
directeur du département musique de la
radio autrichienne à Graz.
DARRÉ (Jeanne-Marie), pianiste française (Givet 1905).
Elle est l’élève de Marguerite Long au
Conservatoire de Paris, où elle obtient un
1er Prix à l’âge de quatorze ans. Elle fait ses
débuts l’année suivante à Paris, mais sa
carrière ne prend véritablement son essor
qu’en 1924. En 1958, elle est nommée
professeur de piano au Conservatoire de
Paris. Elle a assuré la création de plusieurs
oeuvres contemporaines, dont la Sonatine
de Noël Gallon (1931).
DART (Thurston), claveciniste et musicologue anglais (Kingston 1921 - Londres
1971).
En 1938, il étudie le clavecin au Royal College of Music de Londres, puis, en 1945,
se perfectionne en Belgique avec Charles
van den Borren. En 1946, il débute une
carrière de claveciniste, et de 1948 à 1955
tient le continuo dans l’orchestre Boyd
Neel. Il occupe aussi de nombreux postes
universitaires, notamment à Cambridge,
et dirige plusieurs sociétés musicologiques
qui assurent une grande influence à ses
conceptions sur la musique ancienne.
Dans les années 1950, il collabore à la
parution d’une centaine de disques de
l’Oiseau-Lyre. En 1964, il fonde une faculté d’enseignement musical au King’s
College de Londres. Il se spécialise surtout
dans les oeuvres de Bach et de John Bull. Il
a aussi supervisé de nombreuses éditions
de Byrd, de Couperin et de madrigalistes
anglais.
DAUTREMER (Marcel), compositeur
et pédagogue français (Paris 1906 - id.
1978).
Il étudia le violon, puis entra au Conservatoire de Paris, où il fut l’élève de
Samuel-Rousseau (harmonie), Noël
Gallon (contrepoint), Paul Dukas (composition) et Philippe Gaubert (direction
d’orchestre). Il devint ensuite professeur
de musique dans les écoles de la Ville de
Paris. En 1946, il fut nommé directeur du
conservatoire de Nancy et devint chef de
l’Orchestre symphonique de cette ville. De
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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1948 à 1958, il fut président de l’Association des directeurs de conservatoires nationaux et municipaux. Il a composé des
oeuvres pour piano, de la musique instrumentale, des choeurs et des oeuvres pour
orchestre. Son écriture, claire, franche,
révèle un goût pour la polytonalité qui lui
vient de son maître Paul Dukas. Dautremer a été aussi l’auteur de plusieurs ouvrages pédagogiques et, notamment, d’un
Cours complet d’éducation musicale (1952).
DAUVERGNE ou D’AUVERGNE (Antoine), violoniste et compositeur français (Moulins 1713 - Lyon 1797).
Violoniste comme son père, il entra, en
1741, en tant qu’instrumentiste dans la
musique de la Chambre du roi, puis en
1744 dans l’orchestre de l’Opéra. Dès
1739, lors de la publication de ses sonates
pour un et deux violons, il s’était fait
également connaître comme compositeur. En 1751 furent donnés ses concerts
de symphonies à quatre parties et, l’année
suivante, son premier opéra, les Amours
de Tempé, dont le succès allait déterminer
sa carrière dramatique. Jusqu’en 1771, il
écrivit une dizaine d’ouvrages lyriques,
qui firent de lui un artiste de renom. Des
postes honorifiques lui furent confiés : en
1755, celui de compositeur et maître de
musique de la Chambre ; en 1762, celui
de codirecteur du Concert spirituel - qui
lui donna l’occasion de faire exécuter des
motets de sa composition ; en 1764, celui
de surintendant de la musique ; et à trois
reprises, entre 1769 et 1790, celui de directeur de l’Opéra. Ses oeuvres théâtrales
ne furent cependant pas toujours bien accueillies, notamment celles composées sur
des livrets qui avaient déjà été mis en musique par ses prédécesseurs à l’Académie
royale de musique, comme Énée et Lavinie
(1758), Canente (1760) ou la Vénitienne
(1768). L’opéra-comique, genre dont il fut
l’un des créateurs, semblait lui convenir
davantage que l’opéra. Dans son intermède à l’italienne les Troqueurs (1753), il
sut allier les styles français et italien, mais,
contrairement à ce qui devait caractériser
l’opéra-comique français, les récitatifs y
étaient chantés et non parlés.
DAVAUX, D’AVAUX ou DAVAU (JeanBaptiste), compositeur français (La CôteSaint-André, Isère, 1742 - Paris 1822).
À l’âge de vingt-cinq ans environ, il se rendit à Paris, où ses premières compositions,
deux ariettes (1768) et son Concerto pour
violon (1769), connurent un vif succès. En
1784, il s’intéressa au « chronomètre » de
Bréguet, l’un des ancêtres du métronome ;
puis il s’essaya dans le théâtre lyrique en
écrivant deux opéras-comiques, Théodore
ou le Bonheur inattendu (1785) et Cécilia
ou les Trois Tuteurs (1786). Violoniste, il
réussit davantage dans la musique instrumentale et composa pour les cordes six
Duos d’airs connus (1788), six Trios concertants (vers 1792), trois recueils de six Quatuors (1773, 1779, 1780), trois Svmphonies
à grand orchestre (1784), et surtout treize
Symphonies concertantes (vers 1792-1794),
qui furent très applaudies au Concert spirituel et dont il fut l’un des premiers, en
France, à illustrer le genre.
DAVENSON (Henri) ou (Henri Irénée
MARROU), historien et musicologue français (Marseille 1904 - Châtenay-Malabry
1977).
Ancien élève de l’École normale supérieure et de l’École française de Rome, collaborateur de la revue Esprit (1934), professeur à la Sorbonne (1945), membre de
l’Institut (1967), il a publié, sous son vrai
nom, Henri Irénée Marrou, des ouvrages
sur l’Antiquité classique et sur l’origine du
christianisme, qui lui ont valu une renommée internationale. Trois de ces ouvrages
sont consacrés à saint Augustin. Un quatrième, publié en 1942 sous la signature
d’Henri Davenson, est un Traité de la
musique selon l’esprit de saint Augustin.
Suivirent, sous la même signature, le Livre
des chansons ou Introduction à la connaissance de la chanson populaire française
(1944), et les Troubadours (1961). L’oeuvre
d’Henri Irénée Marrou est plus vaste que
celle d’Henri Davenson mais ce savant
était aussi un artiste, et le musicologue
apparaît, chez lui, de la même qualité que
l’historien.
DAVID (Félicien), compositeur français
(Cadenet, Vaucluse, 1810 - Saint-Germain-en-Laye 1876).
Initié très jeune aux rudiments de la
musique par son père, mais devenu tôt
orphelin, il fut placé à l’âge de huit ans
dans la maîtrise de l’église Saint-Sauveur
à Aix-en-Provence. Une bourse lui permit
de poursuivre ses études chez les jésuites,
mais il s’échappa de cette école pour travailler dans l’étude d’un avoué et jouer
dans l’orchestre du théâtre d’Aix. À treize
ans, il composa un quatuor à cordes. En
1829, il accéda au poste de maître de chapelle de Saint-Sauveur. L’année suivante,
il se rendit à Paris. Reçu par Cherubini,
il montra à ce dernier une pièce vocale,
Beatus vir, écrite pour Saint-Sauveur, et
fut immédiatement admis au Conservatoire. Gagné à la doctrine des saint-simoniens, il écrivit pour eux des hymnes
et partit en 1833, avec quelques autres
apôtres, comme missionnaire de leur
cause à Constantinople, à Smyrne et en
haute Égypte. Reculant devant le choléra,
il regagna Paris en 1835, non sans rapporter des visions colorées qu’il résolut de
traduire dans ses compositions. Il publia
deux recueils pour piano, Mélodies orientales (1836) et les Brises d’Orient (1845),
qui eurent peu de succès. Une symphonie,
un nonetto pour instruments à vent furent
plus tard accueillis avec davantage de faveur ; enfin, en 1844, l’oratorio le Désert,
où David résumait toutes ses impressions
d’Orient, obtint un triomphe extraordinaire et la carrière du musicien prit vraiment son essor, du moins en France, car
quelques concerts qu’il donna en Allemagne n’obtinrent pas le succès escompté.
En 1851, avec la Perle du Brésil, David
s’imposa comme compositeur lyrique, et
le théâtre devint son domaine de prédilection. Toutes ses créations ne renouèrent
certes pas avec le succès du Désert, et un
oratorio, l’Eden (1848), salué avec admiration par une partie de la critique, n’emporta pas l’adhésion du public. Mais au
théâtre, David obtint plusieurs nouveaux
triomphes, notamment, en 1862, avec
Lalla Roukh d’après Thomas Moore. Il
succéda à Berlioz comme bibliothécaire
au Conservatoire, puis à un fauteuil de
l’Institut, en 1869.
DAVID (Johann Nepomuk), compositeur
autrichien (Eferding 1895 - Stuttgart
1977).
Compatriote de Bruckner, il fut formé
à Saint-Florian, puis devint instituteur
avant de se perfectionner dans l’écriture
musicale à l’Académie de Vienne. Il fut
plus tard nommé au conservatoire de
Leipzig, professeur (1934), puis directeur
(1939). Après avoir ensuite enseigné au
Mozarteum de Salzbourg, il devint professeur à la Musikhochschule de Stuttgart.
Héritier de la tradition autrichienne,
David reste fidèle à un contrepoint savant
et à l’art de la variation, tels qu’ils étaient
pratiqués à l’orgue, dont le style l’a beaucoup influencé, ou tels qu’ils les a étudiés
et analysés dans la musique de la Renaissance et dans les oeuvres de Bach. Son harmonie, tonale, et son style n’échappent pas
toujours à un certain académisme postromantique, mais son inspiration est forte et
généreuse. Il a écrit huit Symphonies, des
Variations pour orchestre, deux Concertos
pour violon et orchestre, une importante
musique chorale (Deutsche Messe, Missa
choralis, Requiem chorale, des Choeurs et
des Motets), un oratorio (Ezzolied, 1957),
de la musique de chambre et de nombreuses partitions pour l’orgue.
DAVIDE (Giacomo), ténor italien (Presezzo, près de Bergame, 1750 - Bergame
1830).
Meilleur ténor de la fin du XVIIIe siècle,
grâce à une voix à la fois large et virtuose, il débuta à Milan en 1773. En 1779,
on tenta en vain de l’engager au King’s
Theatre de Londres. Il ne s’y produisit
que durant la seule saison de 1791, ce qui
contribua fortement, dans la capitale britannique, à la fin du règne des castrats et
à l’essor de celui des ténors. Haydn écrivit
alors pour lui l’un des deux rôles-titres de
son Orfeo ed Euridice. Son fils Giovanni
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
280
(Naples 1790 - Saint-Pétersbourg 1864) fut
également un célèbre ténor (le premier de
son temps selon Stendhal). La fille de Giovanni, Giuseppina (1821-1907), chanta à
Rome et à Saint-Pétersbourg.
DAVIES (sir Henry Walford), organiste,
compositeur et musicologue britannique (Oswestry, Shropshire 1869 Wrington 1941).
Choriste de Saint George’s Chapel en
1882, élève de Parrat (1885-1890), il étudia la musique religieuse anglaise. Il fut
ensuite élève du Royal College of Music
et y devint professeur de contrepoint
en 1895. Organiste et chef de choeur du
Temple Church à Londres (1898-1923),
il y développa l’exécution de la musique
d’église. Les années 1902-1912 marquent
une période de composition féconde
(choeurs, oratorios). En 1919-1926, il
enseigna à l’université de Wales, puis au
Gresham College de Londres. Il fut anobli
en 1922. Il consacra beaucoup d’activités
à la formation de maîtres de musique et
aux problèmes de l’éducation musicale
populaire. En 1926 et en 1939, il effectua
des séries d’émissions à la BBC. En 1934,
il fut nommé Master of King’s Music. Il
a exercé une grande influence sur la vie
musicale de sa génération, principalement
sur la musique religieuse.
DAVIES (Hugh Seymour), compositeur
anglais (Exmouth, Devon, 1943).
Après avoir étudié à l’université d’Oxford
(1961-1964), il travaille avec K. Stockhausen de 1964 à 1966 et se consacre à des
recherches sur la musique électroacoustique, créant des groupes de musiciens,
organisant des concerts et fabriquant
ses propres instruments (tels différents
types de shozyg). Dans ses compositions,
il expérimente tout d’abord sur le matériel musical sous une forme traditionnelle
(par exemple, Quintet pour 5 exécutants, 5
microphones, sinesquare-wave generator,
4 channel switching unit, potentiomètres,
et 6 haut-parleurs, en 1967-68), puis sur
la forme en utilisant des instruments
classiques (par exemple, Kangaroo pour
orgue, 1968), pour finalement limiter l’objet sonore au matériel électroacoustique et
à des instruments fabriqués en fonction
des données de l’oeuvre. Il est, en outre,
l’auteur d’une Discography of Electronic
Music and Musique concrète (1964-1966)
et d’un Répertoire international des musiques électroacoustiques, réalisé en 1968
pour le Groupe de recherches musicales
de l’O.R.T.F., entre autres.
DAVIES (Peter Maxwell), compositeur
anglais (Manchester 1934).
Après des études au Royal Manchester
College of Music (1952-1956) et à l’université de Manchester (1952-1957), il
fut l’élève, à Rome, de Goffredo Petrassi
(1957), directeur de la musique à l’école
primaire de Cirencester (1959-1962), où
il se fit remarquer par ses méthodes pédagogiques destinées aux jeunes enfants,
puis élève de Roger Sessions à Princeton
(1962-1964). Il passa ensuite un an à l’université d’Adélaïde en Australie (1966). Sa
première oeuvre, une Sonate pour trompette et piano, date de 1955. Suivirent
notamment Cinq Pièces pour piano (1956)
et Prolation pour orchestre (1959). Il a
souvent eu recours, en les imprégnant ou
non d’esprit sériel, aux techniques médiévales, et a fréquemment « arrangé » des
oeuvres d’autres compositeurs. De ses
activités pédagogiques à Cirencester témoignent par exemple Five Klee Pictures
pour orchestre de jeunes (1959, rév. 1976)
et O Magnum Mysterium pour voix, instruments et orgue (1960). Le Quatuor à
cordes (1961), les Frammenti di Leopardi
pour soprano, contralto et instruments
(1962) et la Sinfonia pour orchestre de
chambre (1962) tirent leur inspiration de
Monteverdi. Maxwell Davies envisagea
alors un opéra sur la vie du compositeur
du XVIe siècle John Taverner, ce qui se traduisit tout d’abord par les deux Fantaisies
pour orchestre sur un in nomine de John
Taverner (1962 et 1964).
Dans les années suivantes, ses oeuvres
prirent un aspect parodique, au sens médiéval comme au sens moderne du terme,
et un aspect théâtral : de cette double veine
relèvent Revelation and Fall pour soprano
et 16 instruments sur des textes de Georg
Trakl (1965-66) - où l’on perçoit des échos
de Franz Lehar ; Antechrist pour ensemble
de chambre (1967), d’après un motet du
XIIIe siècle ; Missa super l’Homme armé
pour récitant/chanteur et ensemble de
chambre (1968) ; St. Thomas Wake, foxtrot
pour orchestre sur une pavane de John
Bull (1969) ; Eight Songs for a Mad King
pour chanteur et ensemble de chambre
(1969) ; ou encore Vesalii Icones pour danseur, violoncelle et ensemble de chambre
(1969). En 1967, Maxwell Davies fonda
avec Harrison Birtwistle l’ensemble des
Pierrot Players, dissous en 1970 et immédiatement reconstitué - avec lui-même
comme seul directeur - sous le nom de
Fires of London (1971). En cette même
année 1971, il écrivit la musique des deux
films de Ken Russell The Devils et The Boy
Friend. En 1970, il s’installa dans l’archipel des Orcades (en anglais Orkney),
au nord-est de l’Écosse, et, dès lors, sa
musique prit un tour plus ample, plus
lyrique. En 1972 fut créé à Covent Garden
son opéra Taverner, terminé en 1970. Il a
écrit depuis, entre autres, From Stone to
Thorn pour mezzo-soprano et ensemble
instrumental (1971), Hymn to St. Magnus
pour ensemble avec mezzo-soprano, Stone
Litany pour mezzo-soprano et orchestre
(1973), Symphonie no 1 pour orchestre
(1976), l’opéra de chambre The Martyrdom of St. Magnus (1977), l’opéra pour enfants The Two Fiddlers (1978), le masque
le Jongleur de Notre-Dame (1978), le ballet
Salome (1978), Black Pentecost pour voix
et orchestre (1979), Solstice of Light pour
ténor, choeur et orgue (1979), l’opéra de
chambre The Lighthouse (1979, créé à
Édimbourg, 1980), l’opéra pour enfants
Cinderella (1980), A Welcome to Orkney
pour ensemble de chambre (1980), les
chants de cabaret The Yellow Cake Review
(1980), Symphonie no 2 (1980, création à
Boston, févr. 1981), une Sonate pour piano
(1981), une Symphonie no 3 (1984), plusieurs concertos (dits Strathclyde Concertos) dont un Concerto pour violon (1986),
un pour hautbois (1987), un pour violoncelle (1988), un pour trompette (1988), un
pour cor et trompette (1989), un pour basson (1993), une Symphonie no 4 (Londres,
1989), une Symphonie no 5 (1994).
Peter Maxwell Davies a fondé en 1977 le
festival de Saint-Magnus dans les Orcades,
et dirige depuis 1980 la Dartington Summer School of Music.
DAVIS (sir Colin), chef d’orchestre an-
glais (Weybridge, Surrey, 1927).
Élève du Royal College of Music, il en sort
clarinettiste virtuose et ne se spécialise
qu’ensuite dans la direction d’orchestre.
Il débute en Suède, à la tête d’un orchestre
de chambre. Appelé en 1952 à conduire les
ballets au Royal Festival Hall, il passe cinq
ans plus tard à l’orchestre de la BBC écossaise, puis au Sadler’s Wells Opera qu’il
dirige jusqu’en 1964. Premier chef d’orchestre et conseiller artistique (1967), puis
directeur artistique (1971-1986) de l’opéra
royal de Covent Garden, il est le chef anglais le plus célèbre de sa génération. Son
nom doit être associé à celui de Berlioz :
fervent admirateur du compositeur français, il a poursuivi des recherches sur ce
dernier, en association avec le musicologue David Cairns, et a enregistré toutes
ses oeuvres principales. Aussi remarquable
chef symphonique que chef d’oratorio,
d’opéra et de ballet, Colin Davis brille
dans un vaste répertoire qui va de Mozart
et Haydn à Britten et Tippett, en passant
par les grands compositeurs romantiques.
Il a été principal chef invité de l’Orchestre
symphonique de Boston et directeur musical de l’Orchestre de la radio de Munich
(1983-1992). Il a pris en 1995 la direction
musicale de l’Orchestre symphonique de
Londres.
DAVY (Richard), compositeur anglais ( ?
v. 1467 - ? v. 1516).
Organiste et maître de chapelle au Magdalene College, à Oxford (1490-1492), il
fut ordonné prêtre en 1497. En 1501, il fut
nommé chapelain du grand-père d’Anne
Boleyn, sir William Boleyn, puis de son
fils (1506-1515). Il écrivit principalement
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de la musique religieuse. Compositeur le
mieux représenté dans le Eton Choirbook
(antiennes, motets), il signa une Passion
selon saint Matthieu qui, pour être incomplète, n’en demeure pas moins le premier
exemple de Passion dont le compositeur
soit connu. L’oeuvre, dont le titre exact
est Passion for Sunday, fut donnée pour
la première fois en la cathédrale de Westminster en 1921.
DAZA (Esteban), vihuéliste et compositeur espagnol (milieu du XVIe s.).
Il fut l’un des derniers représentants de
l’importante école espagnole de vihuela.
Il publia à Valladolid, en 1576, le dernier
recueil en trois parties connu pour vihuela
seule et intitulé : Libro de música de cifras
para vihuela intitulado « El Parnasso ». Le
premier livre réunit des fantaisies composées par Daza lui-même ; le second,
des transcriptions de motets français et
espagnols, et le troisième, des versions
instrumentales de chansons polyphoniques également d’origines française et
espagnole. Les diverses pièces ainsi réunies témoignent d’une grande qualité de
facture.
DEAN (Winton Basil), musicologue anglais (Birkenhead 1916).
Il a étudié au King’s College à Cambridge
(1934-1938), ainsi qu’avec Philip Radcliffe. Il s’est spécialisé dans Haendel et
Bizet, écrivant sur le premier Handel’s
Oratorios and Masques (Londres, 1959)
et Handel and the Opera Seria (Londres,
1970), et, sur le second, l’ouvrage de référence Bizet (Londres, 1948, 2e éd. rév. G.
Bizet. His Life and Work, Londres, 1965, 3e
éd. Londres, 1976).
DEBOST (Michel), flûtiste français (Paris
1934).
Il entre au Conservatoire de Paris en 1952
et obtient un 1er Prix de flûte en 1954. Il
est lauréat de plusieurs concours internationaux : Moscou (1957), Prague (1959),
Munich (1960), Genève (1961). En 1959,
il fonde avec le pianiste Christian Ivaldi
un duo qui connaît un grand succès. En
1960, il entre à la Société des concerts
du Conservatoire comme flûte solo et y
demeure de 1967 à 1989, après la transformation de cette formation en Orchestre
de Paris. De 1981 à 1989, il enseigne la
flûte au Conservatoire de Paris. À partir
de 1989, il mène une intense activité de
professeur invité, au Canada et aux ÉtatsUnis en particulier.
DEBUSSY (Claude Achille), compositeur
français (Saint-Germain-en-Laye 1862 Paris 1918).
Il est issu d’une famille modeste. Son
père, Manuel-Achille Debussy, et sa mère,
Victorine-Joséphine-Sophie Manoury,
tenaient un commerce de porcelaines,
38, rue au Pain à Saint-Germain-en-Laye.
Son parrain, Achille Arosa, banquier et
collectionneur d’art, habitait Cannes : là,
l’enfant, au cours de quelques séjours,
reçut ses premières leçons de piano d’un
nommé Cerrutti ; là, il vit pour la première
fois la peinture de son temps (Arosa collectionnait Corot, Jongkind et les impressionnistes). Là, enfin, il connut la mer et
ses couleurs changeantes.
Les parents de Debussy ne lui donnèrent point d’éducation générale sérieuse. Quant à ses dons musicaux, c’est
à Mme Mauté de Fleureville, élève de
Chopin, que revient le mérite de les avoir
véritablement découverts et cultivés. Son
enseignement du piano fut assez éclairé
pour que, à la fin de 1872, Debussy soit
admis au Conservatoire de Paris, dans
les classes de Marmontel et de Lavignac.
Il devait y passer douze années de sa vie,
conflictuelles et frondeuses, mais il y acquit une formation professionnelle extrêmement solide.
En 1879, Marmontel, quoique en mésentente avec le jeune Debussy, recommanda celui-ci à Mme Nadejda von Meck,
la mystérieuse et passionnée protectrice
russe de Tchaïkovski, qui cherchait un
« pianiste-déchiffreur » pouvant également enseigner la musique à ses enfants.
Les trois séjours en Russie auprès de Mme
von Meck, prolongés par des voyages en
Autriche et en Italie, allaient avoir pour
Debussy des conséquences importantes :
enrichissement culturel, rencontres de
musiciens, auditions de grandes oeuvres.
Entre-temps, Debussy devint l’élève de
Guiraud au Conservatoire. L’enseignement de Guiraud, qui appelait le musicien à réfléchir sur son art et sa technique,
convint admirablement à Debussy qui se
lia de véritable amitié avec son maître. En
1883, il fut admis à concourir pour le prix
de Rome, mais n’obtint qu’un deuxième
prix avec la cantate le Gladiateur (perdue).
C’est avec l’Enfant prodigue que, l’année
suivante, Debussy remporta le grand prix.
Lorsqu’on le lui annonça : « ... Que l’on me
croie ou non, je puis néanmoins affirmer
que toute ma joie tomba... Je vis nettement
les ennuis, les tracas qu’apporte fatalement le moindre titre officiel. Au surplus,
je sentis que je n’étais plus libre. » Tout
Debussy est dans ces phrases.
LA PÉRIODE DE BOHÈME.
Après un séjour écourté à Rome, à la villa
Médicis, dont l’atmosphère conventionnelle et guindée lui sembla irrespirable,
Debussy s’installa définitivement à Paris,
42, rue de Londres, en 1887. Sa liaison
amoureuse avec la belle Gabrielle Dupont,
dite Gaby, qui faisait vivre le ménage de
ses maigres revenus, et des rencontres
artistiques importantes marquèrent ces
années de vie bohème. Debussy fréquentait Mallarmé aux fameux « mardis » de
la rue de Rome ; en 1888, il fit un premier
voyage à Bayreuth ; il y retourna en 1889
et en revint « follement wagnérien « : c’est
avec d’autant plus de violence qu’il allait
plus tard renier son « idole ». En 1889
aussi, il découvrit la musique d’ExtrêmeOrient à l’Exposition universelle. Cette
même année, il lut la partition de Boris
Godounov que Saint-Saëns avait rapportée
de Russie. Mais ces découvertes musicales
semblaient répondre à des résonances
intérieures propres, plutôt qu’elles n’exercèrent sur lui des « influences ». Laissé
inachevé, l’opéra Rodrigue et Chimène sera
« terminé » par Edison Denisov et créé
pour la réouverture de l’Opéra de Lyon
en 1993.
LES VICISSITUDES DE LA VIE PUBLIQUE.
La première audition du Prélude à l’aprèsmidi d’un faune, le 22 décembre 1894,
triomphale (l’oeuvre fut bissée), marqua
la fin de la période « bohème », le début
d’une vie publique tourmentée, polémique, qui culmina avec la création de
Pelléas et Mélisande. Au cours des dix
années qui séparèrent la découverte de la
pièce de Maeterlinck de la première représentation tumultueuse de l’opéra, en
1902, naquirent des chefs-d’oeuvre : les
Trois Chansons de Bilitis sur les poèmes
de Pierre Louÿs (1897-98), les Nocturnes
(1897-1899), Pour le piano (1896-1901).
Années difficiles matériellement, affectivement aussi : Lily Texier, employée dans
une maison de couture et meilleure amie
de Gaby (qui tenta de se suicider), devint
la femme de Debussy le 19 octobre 1899.
Les Nocturnes triomphèrent le 9 décembre 1900, aux concerts Lamoureux.
Debussy commença à être recherché, admiré, fréquenta les cafés élégants, rencontra Léon Daudet, Reynaldo Hahn, Toulet,
Proust. Sa situation matérielle s’améliora
quelque peu grâce à sa collaboration à la
Revue blanche. Monsieur Croche antidilettante, recueil des articles de Debussy,
témoigne de son anticonformisme absolu,
de sa verve, de son humour impitoyable.
Cependant Pelléas était inscrit au répertoire de l’Opéra-Comique pour être
représenté en 1902. C’est alors qu’éclata
la célèbre brouille entre le compositeur
et Maeterlinck. Celui-ci réservait le rôle
de Mélisande à sa femme, la cantatrice
Georgette Leblanc. Mais Debussy, ayant
entendu la jeune écossaise Mary Garden,
lui confia aussitôt ce rôle : « C’était en effet
la même voix douce que j’avais entendue
au plus profond de mon âme... » Maeterlinck retira alors son autorisation, intenta
une action en justice, mais Debussy obtint
gain de cause. L’oeuvre fut enfin représentée le 30 avril 1902, dans une atmosphère
houleuse créée par une cabale orchestrée
par Maeterlinck et ses amis. À l’entracte,
« debussystes » et adversaires en vinrent
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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aux mains, la police intervint. Et c’est
grâce au calme froid de Messager, au pupitre de direction, que la représentation
put être menée à son terme. Les critiques
devaient témoigner, dans leur majorité,
d’une totale incompréhension. Toutefois,
la deuxième représentation fut triomphale, et Pelléas fut joué pendant trois
mois à bureaux fermés. Désormais, Debussy était un compositeur célèbre.
LES ANNÉES D’ÉCRITURE.
En 1903, Debussy fit la connaissance
d’Emma Bardac, née Moyse, femme belle,
brillante, musicienne. Il la rejoignit à
Pourville en 1904, abandonnant sa femme
qui tenta, comme naguère Gaby, de se suicider. Le scandale éclata, la presse et le public prirent le parti de l’épouse délaissée.
Rompant avec tout le monde, Debussy se
réfugia à Jersey, puis à Dieppe où il termina la Mer. Après un double divorce,
Debussy et Emma Moyse se marièrent
en 1905. Ils s’installèrent dans un élégant
hôtel particulier square du Bois-de-Boulogne où, le 30 octobre 1905, deux semaines après la création de la Mer, naquit
leur fille Claude-Emma, dite Chouchou.
Désormais, Debussy mena une vie confortable et retirée, toute vouée au travail, tandis que sa renommée se répandait dans le
monde entier et que Pelléas triomphait à
Bruxelles, Berlin, Rome, Milan, puis New
York.
Entre 1902 et 1908, Debussy écrivit une
part importante de son oeuvre de piano (la
plus vaste de la musique française après
celle de Fauré) : Estampes (1903), Masques
et l’Isle joyeuse (1904), les deux recueils
des Images (1905-1908), Children’s Corner
(1906-1908). Des pièces maîtresses de musique vocale furent rédigées en cette même
période : Trois Chansons de France (1904),
la deuxième série des Fêtes galantes (1904),
le Promenoir des deux amants (achevé en
1910). Enfin, les Images pour orchestre
dont l’orchestration de gigues fut achevée
par A. Caplet (1907-1912). Deux projets
scéniques d’après Edgar Poe ne furent pas
menés à terme : le Diable dans le beffroi et
la Chute de la maison Usher. Les parties
achevées et les esquisses de cette seconde
oeuvre, récemment complétées par Juan
Allende Blin, attestent une intention créatrice allant encore plus loin que Pelléas
dans la rénovation de l’opéra.
En 1910, Debussy fut invité par Diaghilev à collaborer avec D’Annunzio pour
une oeuvre sur le thème de saint Sébastien,
avec Ida Rubinstein dans le rôle principal. Le Martyre de saint Sébastien, achevé
en trois mois, fut représenté au Théâtre
du Châtelet en mars 1911 par les Ballets
russes, avec un succès incertain. Diaghilev commanda aussi à Debussy le ballet
Jeux, représenté le 15 mai 1913 dans la
chorégraphie de Nijinski, deux semaines
avant la création mouvementée du Sacre
du printemps. Ce n’est cependant ni cet
événement ni le sujet « scandaleux » (un
jeu discrètement érotique à trois) qui voua
cette oeuvre magistrale à l’indifférence et
à l’oubli qu’elle devait connaître jusqu’au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
La guerre de 1914 éveilla en Debussy
des sentiments nationalistes violents. On
peut y trouver une raison à l’hostilité qu’il
témoigna à Schönberg, qu’il qualifia de
« dangereux ». À cette époque, le compositeur commença à signer ses oeuvres
« Claude Debussy, musicien français »,
notamment les 3 Sonates, pour violoncelle et piano, flûte, alto et harpe, violon et
piano (1915-1917). De 1915 datent, enfin,
les derniers chefs-d’oeuvre, les Douze
Études pour piano et la suite En blanc et
noir composée pour deux pianos. En 1917,
Debussy, déjà gravement malade, parut
en public pour la dernière fois, pour jouer
avec Gaston Poulet sa Troisième Sonate.
MODERNITÉ ET AUDACES.
Nous commençons aujourd’hui seulement
à comprendre la modernité de l’oeuvre
de Debussy, à en mesurer la portée. Il a
repensé les rapports des éléments constitutifs du phénomène musical, instauré
entre eux des hiérarchies mouvantes, créé
des formes inédites pour chaque nouvelle
oeuvre. Son langage dénonce la vétusté des
méthodes d’approche analytique traditionnelles encore en cours. Irréductible à
ces méthodes, comme aux catégories normatives des genres ou schèmes formels
préfabriqués, ce langage est tout aussi
irréductible aux catégories de l’histoire
qui procèdent du principe de filiation. Debussy apparaît, en effet, sans antécédents
comme sans successeurs immédiats (« Les
debussystes me tuent »). Son prédécesseur
n’est pas Franck, mais Monteverdi ; ses
héritiers sont non ses pâles épigones, mais
Varèse, Messiaen, Boulez : il anticipe d’un
demi-siècle sur son temps.
Sa trajectoire est d’une remarquable
unité : d’emblée Debussy est lui-même,
pleinement, dans le Faune. Ses dernières
oeuvres, longtemps mal comprises en raison de leur audace, sont des oeuvres visionnaires, jusqu’au seuil de la mort : les
Études, En blanc et noir. Et sa trajectoire
est solitaire, ne connaît de contemporains
dignes de ce nom qu’en littérature (Mallarmé), en peinture (le Monet des Nymphéas).
On a beaucoup commenté les influences subies par Debussy, pour en exagérer l’importance. On ne sait si Debussy
avait entendu la musique de Moussorgski
lors de ses séjours en Russie, et il a peu
parlé des résonances que la partition de
Boris, lue à Paris, avait suscitées en lui.
Sans doute avait-il trouvé dans cet « art
de curieux sauvage », sur le plan harmonique, un principe d’indépendance,
les prémices d’une notion d’accord « en
soi », à fonction fugitive, instantanée, dont
il allait faire l’un des traits essentiels de
son langage. Sur le plan mélodique, en re-
vanche, si le langage vocal des deux musiciens procède du « récitatif mélodique »,
ils divergent quant à leurs conceptions de
celui-ci. Le récitatif de Moussorgski, qui
s’attache avec rigueur à la prosodie slave,
est beaucoup plus proche du chant que
n’est celui de Pelléas. Quoi qu’il en soit,
il s’agit, certainement, sinon d’influence,
du moins d’un rôle de « révélateur » que
le musicien russe aura joué sur les goûts
du jeune musicien en pleine croissance.
Avec Wagner, en revanche, le problème
est plus ambigu. L’intérêt - plus tardif de Debussy pour la musique wagnérienne
porte sur les plans harmonique, thématique, théâtral. Dans le premier domaine,
on constate un phénomène d’attirance et
de rejet simultanés, spécialement dans
les Cinq Poèmes de Baudelaire, où plane
l’ombre de Tristan. Dans le domaine thématique, la rencontre avec Wagner n’est
pas sans avoir laissé de traces, et l’agressivité même des propos debussystes sur
le principe des leitmotive en témoigne.
Toutefois, « il s’agit [dans Pelléas] plutôt
d’arabesques liées aux personnages euxmêmes, sans variations autres que décoratives, [... et qui] n’irriguent pas totalement l’oeuvre » (Boulez). Le mot clé est de
Debussy lui-même : « Il fallait désormais
chercher après Wagner et non d’après Wagner. » Voilà qui caractérise également la
situation divergente des deux musiciens
dans l’histoire : l’un s’y trouve profondément inscrit, dans une lignée qui, venant
de Beethoven et des romantiques, va vers
Schönberg, chercheur « d’après Wagner ».
L’autre est solitaire.
La rencontre de Debussy avec Satie apparaît comme beaucoup plus innocente,
anecdotique presque. Quoi qu’en ait
affirmé le musicien d’Arcueil, ses conséquences apparaissent aujourd’hui comme
infimes, au regard de la cosmogonie musicale debussyste. La rencontre avec les
musiques d’Extrême-Orient, en revanche,
a été plus marquante, dans la mesure où
ces musiques, entendues en 1889, ont
confirmé Debussy dans ses conceptions
du rythme et du timbre (richesse foisonnante de l’un, primauté structurelle de
l’autre), patentes déjà dans le Faune.
LE TEMPS MUSICAL CHEZ DEBUSSY.
Sur le plan harmonique, Debussy est
d’emblée un novateur. S’il n’a pas, comme
Schönberg, envisagé consciemment une
suspension de la tonalité, tout se passe
comme s’il laissait les fonctions tonales
perdre leur pouvoir d’elles-mêmes, au
bénéfice d’une fonction proprement sonore des agrégats. Les accords : « D’où
viennent-ils ? Où vont-ils ? Faut-il absolument le savoir ? Écoutez, cela suffit. » Si
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
283
une fonction tonale existe encore, jusque
dans les dernières oeuvres de Debussy,
c’est comme une survivance, comme référence à un lieu de plus en plus incertain,
« de sorte qu’en noyant le ton, on peut
toujours, sans tortuosités, aboutir où
l’on veut, sortir et entrer par telle porte
qu’on préfère », dit-il à Guiraud, étant
encore au Conservatoire. Les harmonies
« élargies » cessent, au-delà de certaines
limites, d’intensifier des qualités spécifiquement tonales, pour ne plus représenter
que des « blocs sonores ». La fonction de
ces blocs se déplace alors vers le domaine
du timbre, et c’est sous cette catégorie-là
qu’on les perçoit, qu’on peut en rendre
compte utilement. Comme les hauteurs,
les intensités des sons contenus dans un
bloc sont déterminantes de sa qualité globale. C’est la raison pour laquelle Debussy
indique avec tant de précision chaque
intensité et chaque nuance : il se soucie,
autant que de leur rôle expressif, de leur
fonction dans la constitution du timbre.
Quant au timbre, il s’agit là d’une des dimensions les plus importantes du langage
musical debussyste. Qu’elle soit fonction
de la distribution des intensités et des
rythmes au sein du phénomène sonore
ou résultante d’alliages instrumentaux
subtils et inédits, la couleur, infiniment
riche et surtout mouvante, n’est pas un
« revêtement », une qualité accessoire de
la structure musicale, mais une dimension
architectonique de plein droit, susceptible
de prendre en charge de façon privilégiée
le développement. L’inventaire et la structure des durées chez Debussy sont d’une
richesse incomparable au regard de toute
la musique européenne jusqu’alors. La
fonction métrique de la barre de mesure
tend ici à se dissoudre ; les durées, libérées
de la « carrure » métrique, se développent,
foisonnent librement. L’« étalon » rythmique n’est pas ici préfabriqué mais
inventé, librement et diversement, il se
confond avec la structure elle-même, pure
de toute contrainte de symétrie : conception qui se découvre très tôt chez Debussy
et culmine dans Jeux et les Études. Cette
souplesse rythmique à laquelle contribuent aussi les valeurs dites irrationnelles
(triolets, quintolets, etc.), ainsi que l’infinie mobilité du tempo sont des caractéristiques essentielles du temps musical
chez Debussy. Les recherches rythmiques
d’aujourd’hui s’en inspirent directement.
L’ÉLABORATION D’UN LANGAGE PROPRE.
On peut considérer le premier cycle des
Fêtes galantes (1881-82), sur des poèmes
de Verlaine, comme inaugurant l’oeuvre
personnelle de Debussy. De ces mélodies,
Mandoline est la plus connue. On y trouve
sur le plan harmonique les germes du langage debussyste (parallélismes d’accords,
étagement d’intervalles). La Damoiselle
élue d’après D. G. Rossetti (1887-88) est,
de la période romaine de Debussy, la
meilleure oeuvre. Y apparaissent certains
procédés de récitatif, ou plutôt de déclamation chantée, qui préfigurent Pelléas,
ainsi que la fine ciselure des lignes vocales,
les harmonies en fondu enchaîné, les couleurs orchestrales en tons pastel. Si dans
les Ariettes oubliées (1887-88), d’après
Verlaine, la marque personnelle de Debussy s’affirme de plus en plus, dans les
Cinq Poèmes de Baudelaire, la hantise de
Wagner est contradictoirement présente.
C’est dans cette lutte livrée à Wagner,
dont le Jet d’eau constitue le point culminant, que l’oeuvre puise sa tension. Avec le
Quatuor à cordes (1893), Debussy parvient
à se libérer de cette emprise ; ce seraient
plutôt des réminiscences franckistes que
l’on pourrait y trouver. Plus significatif et
plus personnel est, ici, le ton de Debussy,
volubile et changeant, qui revivifie le plan
formel du quatuor. Un thème principal
parcourt et unifie les quatre mouvements
classiques.
Le premier chef-d’oeuvre incontesté de
Debussy est le Prélude à l’après-midi d’un
faune (1892-1894). Comme Mallarmé,
son inspirateur, Debussy se révèle là poète
moderne de la musique, inventeur de sa
rythmique, de sa syntaxe, de sa rhétorique,
de sa forme propres. Les incessantes fluctuations de l’harmonie (considérée sous
l’aspect horizontal ou vertical), la richesse
rythmique, la souplesse et la liberté du
phrasé instaurent d’emblée une nouvelle
« façon de parler » en musique. L’écri-
ture instrumentale est d’un raffinement et
d’une légèreté incomparables. Quant à la
forme, si l’on peut y distinguer à l’analyse
un plan traditionnel (exposition-développement-reprise-coda) très libre, à l’audition, en revanche, on ne perçoit qu’une
continuité en constante transformation
où les retours apparaissent comme des
évocations, des souvenirs modifiés, non
comme des reprises. « L’idée engendre la
forme », écrit Paul Dukas au lendemain de
la création, résumant ainsi, en une phrase,
une des caractéristiques fondamentales de
l’oeuvre debussyste.
Les Chansons de Bilitis (1897-98), sur
des textes de Pierre Louýs, comprennent
3 mélodies : la Flûte de Pan, la Chevelure,
le Tombeau des naïades. Dans leur ligne
vocale se précise ce jeu infiniment habile
entre récitatif et chant pur, qui fait la respiration de Pelléas, oscillant entre la domination de la prosodie et le chant pur. Debussy va écrire également une musique de
scène autour de ces poèmes, qu’il transcrit
en 1913 pour piano à 4 mains sous le titre
Six Épigraphes antiques (Ernest Ansermet
va transcrire cette partition pour grand
orchestre). Les trois Nocturnes (18971899), inspirés par la peinture de Whistler, comprennent Nuages, Fêtes et Sirènes.
Au grand orchestre, cette dernière pièce
ajoute un choeur de femmes, chantant
uniquement sur la voyelle « a ». Forme,
harmonie, couleurs constituent une totalité admirablement homogène et profondément originale, et cela, dans la mesure
même où Nuages fait entendre, pour les
interpréter sur un mode purement debussyste, des souvenirs de Moussorgski. Les
titres se réfèrent-ils à un programme ?
Certainement pas ; il s’agit néanmoins,
ici, d’un rapprochement singulier entre
musique et peinture, sur lequel Debussy
lui-même nous éclaire dans un texte
important (écrit vraisemblablement
pour la présentation du concert) : « Le
titre Nocturnes veut prendre ici un sens
plus général et surtout plus décoratif. Il
ne s’agit donc pas de la forme habituelle
du nocturne mais de tout ce que ce mot
contient d’impressions et de lumières spéciales. Nuages : c’est l’aspect immuable du
ciel avec la marche lente et mélancolique
des nuages finissant dans une agonie de
gris, doucement teintée de blanc. Fêtes :
c’est le mouvement, le rythme dansant de
l’atmosphère, avec des éclats de lumières
brusques, [... ] de poussières lumineuses
participant à un rythme total... » Impressions, poussières lumineuses, rythme
total : autant de mots clés de la création
moderne, plastique et musicale, d’une
époque.
« PELLÉAS ET MÉLISANDE « : NI MODÈLES, NI
POSTÉRITÉ VÉRITABLE.
Pelléas et Mélisande, de même que toute
l’oeuvre de Debussy est solitaire dans l’histoire musicale, est une oeuvre isolée dans
l’histoire de l’opéra moderne. Elle procède
du récitatif mélodique. Plus proche du récitatif ancien (Renaissance, baroque) que
du chant, le récitatif debussyste s’appuie
sur la parole, souveraine conductrice.
« Au théâtre de musique on chante trop »,
explique Debussy à son maître Guiraud,
dès 1889. « Il faudrait chanter quand cela
en vaut la peine, et réserver les accents
pathétiques. Il doit y avoir des différences
dans l’énergie de l’expression. Il est nécessaire par endroits de peindre en camaïeu
et de se contenter d’une grisaille... Rien
ne doit ralentir la marche du drame : tout
développement musical que les mots n’appellent pas est une faute... » Toute l’esthétique de Pelléas est ici définie.
Debussy ne modifie pas le texte de
Maeterlinck. Les coupures qu’il y pratique
n’entraînent pas la révision d’un déroulement dramatique, somme toute, traditionnel. Il y a « mise en musique » dans le
plein sens du terme d’une pièce théâtrale
choisie dans ce but et bien choisie : elle
répond à l’esthétique et à la thématique de
Debussy jusque dans les symboles qu’elle
lui offre et qui lui sont chers, celui de l’eau,
omniprésente, celui de la chevelure, etc.
Le drame se déroule en 5 actes. L’argument en est relativement simple. Dans un
pays hors du temps et de l’espace, Golaud,
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petit-fils du roi Arkel, a trouvé Mélisande
perdue dans une forêt : « Je ne sais ni son
âge, ni qui elle est, ni d’où elle vient. » Il
l’épousera : mais son jeune frère Pelléas
aimera Mélisande et son amour sera partagé. Golaud, dans une scène de jalousie,
tuera Pelléas et torturera Mélisande pour
tenter de lui arracher la « vérité ». Mais
Mélisande mourra en emportant avec elle
le secret de son amour.
La caractérisation musicale s’exerce
dans Pelléas à deux niveaux : celui de la
scène ou tableau, celui du personnage.
Celui-ci est caractérisé par un type thématique à la fois proche et différent des
leitmotive wagnériens : ce thème est de
nature infiniment labile, « volatile » - prêt
à s’intégrer et à se « dissoudre » dans la
trame mouvante, fugace, ailée. Au niveau
de la scène ou tableau, en revanche, la
caractérisation musicale apparaît beaucoup plus marquée, solide et volontaire :
elle constitue un des facteurs essentiels de
la force dramatique de l’oeuvre. Chaque
scène possède son caractère propre, grâce
à une « qualité musicale intrinsèque », à
sa couleur orchestrale, à l’harmonie, au
tempo.
On s’est arrêté pendant longtemps au
symbolisme, quelque peu exsangue, du
« contenu » théâtral, et au principe du récitatif qui régit l’oeuvre sur le plan musical.
Aujourd’hui qu’elle est mieux comprise et
interprétée sur les deux plans, nous identifions dans la musique la source véritable
et exclusive de sa force théâtrale : « C’est
dans la mesure où la structure musicale aussi bien vocale qu’instrumentale - y
assume la pleine responsabilité scénique
qu’aujourd’hui nous trouvons en Pelléas
un chef-d’oeuvre irremplaçable » (Boulez).
D’AUTRES CHEFS-D’OEUVRE.
La Mer, commencé en 1903, terminé en
1905, est un des chefs-d’oeuvre de Debussy. Ce poème symphonique comprend
3 parties : De l’aube à midi sur la mer, Jeux
de vagues, Dialogue du vent et de la mer,
titres qui se réfèrent une fois de plus à la
vision, tout en échappant à une intention
descriptive : on peut dire que c’est le titre
qui illustre la musique, non le contraire.
Le premier morceau énonce une progression, une augmentation progressive de
l’éclairage musical à laquelle concourent
tous les éléments du langage - timbres,
rythmes, intensités, enchaînements harmoniques - dans des rapports changeants,
de plus en plus tendus. La deuxième pièce,
Jeux de vagues, abolit tout repère formel.
Le titre est précis : il désigne un champ
temporel ouvert, non orienté, pur de toute
tension.
Le timbre y apparaît comme dimension
primordiale : ce sont les couleurs orches-
trales sans cesse changeantes, mouvantes,
qui prennent en charge la structuration
et l’évolution du temps musical ; il s’agit
d’une des pièces les plus audacieuses du
compositeur. La troisième partie est dominée par un thème ; nous sommes loin,
cependant, d’un développement classique.
Car le thème n’est pas ici pris comme matériau, mais plutôt comme une référence
statique par rapport à laquelle s’ordonne
un univers d’oppositions constantes. La
Mer est peut-être l’oeuvre la plus visionnaire de Debussy. À certains égards, et
quoi qu’on en ait dit, elle va plus loin que
Jeux. C’est dans la Mer que Debussy porte
à son accomplissement cette poétique de
l’instant en fuite qui est la marque singulière de son génie.
Images, oeuvre pour orchestre (composée entre 1906 et 1912), est consacrée dans
l’esprit de Debussy à l’Écosse avec Gigues,
avec Rondes de printemps à la France et
avec les 3 pièces d’Iberia à l’Espagne. Sauf
dans Iberia, les éléments folkloriques y
sont à peu près insaisissables (la chanson
Nous n’irons plus au bois, dans les rondes,
passe sous divers déguisements). Comme
dans Jeux de vagues, la couleur orchestrale
est ici souveraine formatrice, notamment
dans la seconde pièce d’Iberia, les Parfums
de la nuit, chef-d’oeuvre dans le chefd’oeuvre. Le développement par imbrication des structures de couleurs conduit,
paradoxalement, à une impression de
quasi-immobilité du temps musical - c’est
là une des caractéristiques les plus secrètes
de la musique de Debussy - et c’est comme
à regret que le compositeur semble s’arracher à cette pénombre pour se laisser
entraîner par la fougue rythmique du troisième morceau, tout de contrastes.
Le second recueil des Fêtes galantes date
de 1904 et comprend, sur des poèmes de
Verlaine, les Ingénus, le Faune, Colloque
sentimental. Danse sacrée et danse profane
pour harpe et orchestre à cordes date aussi
de 1904. La Rhapsodie pour saxophone
et orchestre (1901-1911), commandée à
Debussy par une Américaine qui pratiquait cet instrument, est restée inachevée
(Debussy travaillait mal sur commande) nous la connaissons dans la version établie
et orchestrée par R. Ducasse à partir des
esquisses de Debusssy. Les Trois Chansons
de France sont de la même époque et ont
le même caractère « antiquisant » que les
danses. Plus tardif (1904-1910) est le cycle
pour voix le Promenoir des deux amants,
chef-d’oeuvre un peu précieux et rarement
joué, sur des textes de Tristan L’Hermite.
On peut le considérer comme un postlude
à Pelléas. Tout en déployant la lecture du
texte avec son sens prodigieux de la prosodie française, Debussy le transforme en
chant pur d’une rare beauté.
L’UNIVERS PIANISTIQUE.
L’oeuvre de piano de Debussy, dont la
majeure partie naît à partir de 1903, est
d’une conception profondément novatrice. Nous passons sur les oeuvres de
jeunesse d’où émergent cependant les 2
Arabesques (1888-1891), la Suite bergamasque (1890-1905) avec le célèbre Clair
de lune, Pour le piano (Prélude, Sarabande,
Toccata, 1896-1901). Dans Estampes
(1903) [Pagodes, Soirée dans Grenade, Jardins sous la pluie], le clavier devient docile
aux moindres inflexions de l’imagination.
Cependant, Debussy n’accède pas encore
complètement à cette écriture pianistique
qui, par-delà le propos pittoresque ou
évocateur, le fera entrer dans un univers
sonore nouveau qu’inaugure l’Isle joyeuse
(1904) : jeux sur les septième et onzième
harmoniques, irisations, halos lumineux
de matière pulvérisée. La première série
des Images pour piano (1905), qui comprend Reflets dans l’eau, Hommage à Rameau et Mouvements, procède plus étroitement de cette conception de l’écriture
avec des sons plutôt qu’avec des notes. Les
timbres sont ici la matière première, et les
développements thématiques, quelle que
soit leur importance, ne peuvent en être
dissociés. La « liquidité » des Reflets dans
l’eau est obtenue par l’atomisation rythmique extrêmement fine des harmonies
et des résonances dans le temps. Dans le
deuxième livre des Images (1908) - Cloches
à travers les feuilles, Et la lune descend sur
le temple qui fuit, Poissons d’or -, l’écriture proprement sonore est encore plus
virtuose et plus radicale. C’est le timbre
qui articule, par ses transformations, des
formes entières ; les harmonies complexes, les intensités, le rythme en sont les
agents, dans le premier morceau notamment, où ils sont constitués en couches
superposées, autant de « formants » individualisés et concomitants. Quant aux
étagements d’intensités différenciées dans
les agrégats verticaux, l’accord final du
deuxième morceau en fournit un exemple
caractéristique et laisse prévoir l’écriture
d’un Stockhausen. Le troisième morceau,
Poissons d’or, constitue une synthèse admirable de toutes ces innovations.
Children’s Corner (1906-1908) comporte 6 pièces. Avec ce cycle, Debussy
revient aux pièces de caractère. Détente
plutôt que recherche, évocations pittoresques plutôt qu’aventure aux limites de
l’abstraction picturale ; geste affectueux
enfin : l’oeuvre est dédiée à Chouchou.
Si l’écriture pianistique n’est pas aussi
poussée que dans les oeuvres précédentes,
elle n’est pas moins efficace, avec moins
de moyens. Entre le style des Images où
s’épure une recherche sonore audacieuse
et celui de Children’s Corner, les Préludes
(premier livre 1909-10, second livre 19101912) tiennent un juste milieu. L’évocation, la pièce de caractère se donnent
des moyens pianistiques extrêmement
riches. Les titres sont donnés à la fin des
morceaux et semblent dévoiler le propos
évocateur ; on peut dire une fois de plus
que c’est la musique qui crée le titre, non
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le contraire. La thématique de chaque prélude est très inégalement anecdotique :
c’est dans ce jeu entre peinture figurative
et non figurative que réside l’originalité
de la conception et la variété de la réalisation. Dans le premier livre, des préludes
comme Voiles, le Vent dans la plaine ou Ce
qu’a vu le vent d’ouest sont de véritables
essais sur la couleur, l’élément figuratif
y apparaissant comme générique, tandis
que la Sérénade interrompue, la Danse de
Puck ou Minstrels accentuent le caractère anecdotique, l’élément thématique y
étant appuyé. Le second livre tend davantage vers l’abstraction, avec notamment
Brouillards, la Terrasse des audiences au
clair de lune ou Ondine. Feux d’artifice est
d’une audace harmonique extraordinaire
et préfigure - de très loin mais très clairement - le style pianistique tardif de Boulez. Enfin, les Tierces alternées, pure spéculation sur l’intervalle de tierce, annonce le
style des Études.
LE RETOUR À LA MUSIQUE VOCALE.
La Rhapsodie pour clarinette et orchestre
(1909-10), écrite pour les concours du
Conservatoire de Paris, est une pièce
de circonstance d’une grande élégance
d’écriture et d’un charme un peu facile.
Le ballet Khamma (1912-13) est le résultat - inachevé - d’une commande de la
danseuse anglaise Maud Allen, oeuvre
traitée un peu à la légère aussi bien par la
commanditaire que par le commandité.
L’orchestration a été achevée par Ch.
Koechlin mais l’oeuvre n’a été jouée pour
la première fois qu’en 1947. Après ces
oeuvres relativement mineures, Debussy
revient à la musique vocale avec le Martyre de saint Sébastien (1911), à mi-chemin
entre l’oratorio et la musique de scène,
commandé par les Ballets russes, sur un
texte de D’Annunzio. L’oeuvre, qui dure
environ quatre heures dans sa version scénique intégrale et qui comporte environ
une heure de musique, a été composée
en trois mois. Comme l’écrit Debussy,
« le culte d’Adonis [y] rejoint celui de
Jésus « ; voilà pourquoi l’oeuvre fut mise
à l’index par l’archevêque de Paris. Dansé,
parlé, chanté, ce « mystère » souffre d’une
conception et d’une forme hybrides. Debussy, qui aspirait à le refondre, ne s’en
préoccupa plus. Dans cette oeuvre, le compositeur semble revenir en arrière, se parodier lui-même sur le mode antiquisant :
c’est le style de la Damoiselle élue avec la
spontanéité en moins. Un spectaculaire
malentendu avec soi-même peut advenir
à tout grand artiste, sans pour autant diminuer sa stature - en l’occurrence, celle
d’un géant. Les Trois Poèmes de Mallarmé
et bientôt Jeux récusent avec éclat la théorie, fondée sur l’incompréhension de sa
modernité, d’un Debussy en déclin. Soupir, Placet futile, Éventail, sur des poèmes
de Mallarmé, sont peut-être les plus belles
mélodies de Debussy et celles où il s’aventure au plus loin par rapport à la tonalité.
Rappelons que Ravel met en musique, la
même année, deux de ces mêmes poèmes,
pour soprano et un ensemble instrumental presque identique à celui qu’utilise
Schönberg dans Pierrot lunaire (1912).
C’est encore pour un ensemble analogue
que Stravinski écrit, également en 191213, ses Trois Poésies de la lyrique japonaise.
Il est impossible de ne pas rapprocher ces
quatre oeuvres, si différentes certes, mais
toutes écrites au moment où Schönberg
prend conscience de la suspension de la
tonalité. L’oeuvre de Debussy ne subit pas
une influence schönberguienne directe ;
elle rend néanmoins compte, avec autant
de force que les autres, et dans un langage
qui lui est propre, de la crise de la tonalité
en cette époque historique.
UN BALLET POUR ORCHESTRE.
Jeux (1912-13) est contemporain du Sacre
du printemps et sa première représentation précède celle de l’oeuvre de Stravinski
de deux semaines. Mais si le Sacre affirmait alors sa modernité sur le mode violent et scandaleux, Jeux, beaucoup moins
agressif, mais plus insidieux et tout aussi
moderne, ne put forcer le mur d’indifférence qui l’entoura dès sa création. Il est,
en tout cas, édifiant de constater que les
trois oeuvres majeures européennes nées à
la veille de la Première Guerre mondiale Pierrot lunaire, Jeux et le Sacre - ont resurgi
dans la seconde moitié du siècle, dans le
même ordre chronologique, pour inspirer
les recherches musicales de notre époque.
Pierrot d’abord, qui présida à l’atonalisme,
le Sacre ensuite, qui stimula les recherches
rythmiques demeurées en sommeil aux
temps du dodécaphonisme, Jeux enfin,
qui réémergea, admirable exemple, au
moment où la musique se penchait sur sa
rhétorique et ses formes : «Jeux marque
l’avènement d’une forme musicale qui, se
renouvelant instantanément, implique un
mode d’audition non moins instantané »
(Boulez). Les témoignages fervents des
compositeurs de cette génération doivent
cependant être complétés aujourd’hui,
un recul supplémentaire étant pris à
l’égard d’une oeuvre devenue familière.
Les caractéristiques modernes que l’on a
remarquées dans Jeux - la discontinuité
des séquences cloisonnées, l’asymétrie
totale de la forme, la dialectique complexe
des timbres, les éléments prémonitoires
d’une Klangfarbenmelodie (« mélodie de
timbres ») - se découvrent déjà dans une
oeuvre exemplaire comme Jeux de vagues,
deuxième partie de la Mer, structurant
un discours tout aussi mobile et peutêtre plus subversif encore, au regard de
la rhétorique musicale classique. Paradoxalement, ces éléments semblent là plus
difficiles à saisir ou à décrire, car Jeux de
vagues ne renvoie à aucune référence, à
aucune obligation formelle que celle de la
perpétuelle mouvance. Jeux, en revanche,
est un ballet, conçu et composé comme tel.
Outre son inventaire thématique, qui renvoie (bien que légèrement et de façon toujours nouvelle) aux phases de l’argument,
ses structures se réfèrent implicitement et
explicitement à celles de la danse. Les sé-
quences cloisonnées, si elles émerveillent
par la discontinuité, l’asymétrie formelle
qu’elles scandent, renvoient dans le même
temps - et ce, dans l’audition, non dans
l’analyse - aux numéros chorégraphiques
qu’elles se proposent d’engendrer et de
servir, laissant apparaître ici où là une
rythmique fonctionnelle de la danse, relativement simplifiée. Ces considérations
ne sauraient diminuer la signification et
l’importance de Jeux, mais aident à replacer l’oeuvre dans la trajectoire debussyste
et dans l’évolution de notre entendement.
LES ÉTUDES : UNE OEUVRE VISIONNAIRE.
Les deux livres d’Études pour le piano
(juin-sept. 1915) constituent un des sommets de la littérature pianistique. Ils sont
dédiés à Chopin - au souvenir de ses 24
Études. Ce genre pédagogique, réputé
austère, a fourni aux deux compositeurs
le point de départ d’oeuvres visionnaires.
Le premier livre de 6 études traite des
problèmes pianistiques définis par leurs
titres (Pour les cinq doigts, Pour les tierces,
Pour les quartes, Pour les sixtes, Pour les
octaves, Pour les huit doigts). Le second
livre, avec ses titres (Pour les degrés chromatiques, Pour les agréments, Pour les notes
répétées, Pour les sonorités opposées, Pour
les arpèges composés, Pour les accords), se
réfère plus explicitement aux problèmes
de sonorités et d’interprétation : rarement études ont été consacrées à ce type
de problèmes étrangers à la pure virtuosité. Dans les 12 Études, le propos technique est situé à un très haut niveau et
demande une maîtrise absolue du clavier.
Mais par-delà le fait pédagogique si original et exigeant s’imposent la modernité et
la beauté de chaque pièce. Au niveau du
microcosme comme du macrocosme, de
la cellule, de la structure et de la forme,
les Études inventent tout ; elles ignorent
toute référence et refusent de se constituer
en référence : que Debussy ne crée pas de
doctrine ou d’école, c’est dans les Études
que cela apparaît à l’évidence. Les formes
sont étrangères à tout schéma préétabli
(quelques rares dispositions tripartites
font exception à ce principe). L’écriture
pianistique, par-delà le contrat technique
de chaque étude, incarne les spéculations
musicales les plus abstraites. Les Cinq
Doigts, les Tierces, les Octaves constituent
des thèmes abstraits généralisés à la forme
entière, qui libèrent le musicien de toute
contrainte thématique au niveau de la
figure ; celle-ci peut, dès lors, se plier à
toutes les inflexions de l’imagination, à
tous les jeux de l’esprit - inversions, midownloadModeText.vue.download 292 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
286
roirs, variations asymétriques, etc. Pour
les cinq doigts montre l’attitude désinvolte
de Debussy à l’égard de la tonalité, tour à
tour affirmée et détruite. Pour les quartes
offre des exemples remarquables de structures cloisonnées. Pour les huit doigts est
une étude de couleurs - à la limite, on
peut l’entendre comme un seul son aux
variations de timbre innombrables. Pour
les agréments aborde l’exécution des blocs
sonores, verticaux ou horizontaux, et la
répartition interne des intensités. Enfin,
avec Pour les sonorités opposées, Debussy
se livre à une polyphonie de timbres, où
registres, intensités, attaques se trouvent
distribués de façon très nouvelle dans
l’espace musical. On peut y voir sinon un
embryon de sérialisation de paramètres,
du moins une première tentative de leur
distribution autonome et rationnelle dans
un tissu polyphonique. On peut penser
que Messiaen s’en est inspiré pour Modes
de valeurs et d’intensités.
LES DERNIÈRES GRANDES COMPOSITIONS.
En blanc et noir (été 1915) est contemporain des Études. La technique des séquences cloisonnées, caractéristique du
dernier Debussy, y prédomine. Dans le
premier mouvement, Avec emportement,
on remarque tout particulièrement l’alternance de structures d’attaques incisives
et de groupes de valeurs très rapides. Le
dernier morceau est traité dans le même
esprit, mais la trame générale y est plus
continue, plus fluctuante. Le deuxième
morceau, le plus remarquable des trois,
déploie une palette de couleurs en demiteintes dans une harmonie presque atonale. Les couleurs sombres prédominent,
sur lesquelles se détachent de courts traits
aux sonorités d’acier. « Ces morceaux
veulent tirer leur couleur, leur émotion du
simple piano, tels les gris de Vélasquez »,
écrit Debussy.
Une fois de plus, le compositeur définit une hiérarchie paramétrique moderne,
avec le timbre au sommet, et ce, sur un
instrument réputé monocolore, privé des
richesses sonores de l’orchestre. De lointaines fanfares rappellent que ce deuxième
morceau est dédié à J. Charlot, tué au
front le 3 mars 1915.
Les 3 Sonates (1915-1917) sont les
dernières grandes oeuvres de Debussy.
Le projet initial du compositeur, mû par
des sentiments patriotiques, était d’écrire
6 sonates pour divers instruments, à la
manière des concerts de Rameau, et qu’il
signerait « Claude Debussy, musicien
français ». Cette référence au XVIIIe siècle
n’est pas arbitraire : elle se traduit, dans
la composition elle-même, par un retour
aux formes traditionnelles, jusqu’alors
menacées, corrodées par Debussy. Des
3 Sonates composées, la première, pour
violoncelle et piano, en ré mineur, est la
moins souvent jouée, la plus libre et la
plus fantasque, surtout dans le deuxième
mouvement où se poursuit le discours
cloisonné, fragmenté, en apparitions et
disparitions brusques, du dernier Debussy. Le musicien voulait intituler cette
oeuvre Pierrot fâché avec la lune : faut-il
y voir une pointe ironique à l’adresse de
Schönberg, considéré comme « ennemi » à
plus d’un titre ? La deuxième Sonate, pour
flûte, alto et harpe, en fa majeur (1915),
utilise un ensemble inusité, « variation »
des formations classiques, et qui, surtout,
offre des ressources sonores très raffinées.
C’est, des trois, la plus accomplie dans la
forme, la plus subtile dans l’expression
des contraires, la plus élaborée quant aux
couleurs. La troisième Sonate, pour violon et piano, en sol mineur (1916-17), est
la plus populaire, la plus limpide aussi,
quoiqu’elle ait coûté le plus d’efforts au
compositeur déjà miné par la maladie.
Dans une lettre au violoniste Hartmann,
Debussy parle de l’idée « cellulaire » qu’il
vient de trouver pour le troisième mouvement. « Malheureusement les deux premières parties ne veulent rien savoir. »
Ces mots traduisent-ils une lutte, au sein
même de la forme, entre le classicisme de
la conception et une idée beaucoup plus
audacieuse qui vient y faire irruption ?
Quoi qu’il en soit, c’est dans un esprit
classique et dans une volonté d’unité (le
thème du premier mouvement revient
pour ouvrir le finale) que l’oeuvre sera
achevée en 1917. C’est la dernière oeuvre
du compositeur, écrite dans la plus grande
misère physique, mais avec la légèreté de
main et l’« invisibilité de la construction »
(Strobel) propres à cet architecte du rêve
et de la poésie visionnaire qu’est Debussy.
DECAUX (Abel Marie), organiste et compositeur français (Auffay, Seine-Maritime, 1869 - Paris 1943).
Il fit ses études à Rouen et commença à
apprendre la musique et l’orgue à la maîtrise de la cathédrale. Puis il vint à Paris
travailler l’orgue avec Charles-Marie
Widor et la composition avec Massenet.
Tout en occupant, à partir de 1903 et pour
un quart de siècle, le poste d’organiste
au Sacré-Coeur de Montmartre, il enseignait l’orgue à la Schola cantorum. De
1926 à 1937, il partit pour les États-Unis
et enseigna l’orgue à l’Eastman School of
Music, à Rochester. Il composa peu, sinon
quelques pièces pour orgue, mais s’attacha
d’une façon toute particulière à l’étude des
modes, manifestant une curieuse prescience de langage schönberguien en écrivant ses Clairs de lune pour piano (19001907). On l’avait d’ailleurs surnommé le
« Schönberg français ».
DÉCHANT (en lat. discantus).
Dans la polyphonie à 2 voix des débuts de
l’Ars antiqua (XIIe-XIIIe s.), conçue à l’origine comme addition a posteriori d’une
voix ornementale au-dessus d’un chant
principal monodique préexistant, celuici était dit cantus et la voix ornementale
discantus - en français « déchant « : d’où
les dérivés « déchanter » (discantare),
« déchanteur » (discantor), etc. Le déchant
étant en général placé au-dessus du chant,
le terme a peu à peu glissé vers le sens
de voix supérieure et même vers celui de
tessiture haute, qu’on retrouve dans la
nomenclature anglaise ou allemande des
violes, flûtes à bec et autres instruments
de musique (discant, diskant ; ! TREBLE).
DÉCHIFFRAGE.
Terme usuel employé aujourd’hui pour
la « lecture à vue » de la musique, c’està-dire pour l’interprétation immédiate,
d’après l’écriture, d’un morceau inconnu
auparavant.
L’expression s’explique par l’usage de
la basse chiffrée qui, du XVIIe siècle au
milieu du XVIIIe siècle, régissait l’écriture d’accompagnement dans la musique
d’ensemble, et en vertu duquel la première
tâche d’un « lecteur » était de « réaliser »,
c’est-à-dire de traduire en notes le chiffrage qui lui était soumis par le compositeur. Le terme a survécu à la désuétude de
la basse chiffrée.
DÉCIBEL (dB).
Unité de mesure de l’intensité des sources
sonores.
Un bel égale 10 décibels. Ce système
pratique a été adopté pour la musique aussi
bien qu’ailleurs, lorsqu’il s’agit de mesurer
le niveau des bruits. On peut constater,
par exemple, que deux trompettes jouées
ensemble ne sonnent pas deux fois plus
fort ; leur intensité peut être déterminée
grâce à un système de mesures dû à G. T.
Fechner, fondé sur le logarithme.
DÉCLAMATION.
Art de déclamer, c’est-à-dire de réciter à
haute voix avec le ton et les gestes convenables.
Au théâtre, les comédiens récitèrent
longtemps leurs rôles avec une certaine
emphase qui dénaturait souvent le sens
de leurs paroles. Talma fut le premier à
réagir contre ce genre trop solennel, mais
aujourd’hui bien des acteurs pèchent par
l’excès contraire : sous prétexte d’être
naturels, ils veulent ignorer la diction.
Au théâtre lyrique, la déclamation se doit
de rendre audible et compréhensible un
texte chanté, de ne pas rendre ridicule un
texte parlé sur la musique selon le principe
du parlando ou du « récitatif ». Le fait de
psalmodier, comme il est pratiqué dans le
chant liturgique, est déjà de la déclamation, mais elle conduit à la monotonie.
Elle ne prend son relief et sa vigueur que
lorsqu’elle épouse un phrasé mélodique
auquel souvent elle impose son rythme.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
287
La déclamation musicale grecque était
mesurée, celle du chant grégorien également. Dans l’opéra, en particulier l’opéra
français, les airs sont toujours un peu déclamés, les récitatifs légèrement chantés.
Mais dans l’opéra-comique, où la musique
n’intervient par définition que pour enrichir l’action d’une pièce, les déclamations
parlées et chantées interviennent alternativement. Toutes les deux d’ailleurs ont
le même but : permettre à l’auditeur de
comprendre le message de l’auteur et du
compositeur.
C’est au musicien, dans l’opéra comme
dans le lied, qu’incombe la tâche de concilier le texte et la mélodie. Négliger le premier l’oblige à donner toute la puissance
d’expression à la seconde, ce qui est le cas
par exemple de quelques oeuvres de Verdi
(la Force du destin, le Trouvère), où le musicien, ayant à interpréter des textes médiocres, préfère les effacer en ne s’intéressant qu’aux passions, aux ambiances, aux
évolutions de l’esprit. En revanche, l’association des déclamations parlées et musicales est parfaitement atteinte dans des
oeuvres de Wagner, de Schubert, de Hugo
Wolf et de Debussy. C’est que le texte et la
mélodie ont leurs rythmes et leurs accents
propres. Ils ont leurs accents grammaticaux, présentés sous forme de longues et
de brèves, et leurs accents oratoires révélés
par les modulations des sentiments dont
l’interprète est agité lorsqu’il traduit un
texte chanté. Ces deux déclamations, littéraire et musicale, se retrouvent dans un
phrasé clair comme expressif, dans un ton
juste qui ne trahit pas le message exprimé.
Le chant étant accompagné, il arrive que
les intonations chantées soient différentes
des intonations harmoniques. Dire juste
et chanter juste ne sont pas les mêmes
choses. L’interprète doit donc traduire la
pensée du musicien au-delà des mots qu’il
prononce. Sa déclamation doit s’appuyer
sur une diction compréhensible, s’accompagner de gestes appropriés, se moduler
sur les intonations de la mélodie. C’est là
tout un art, en effet, qui exige beaucoup de
travail, de sensibilité, d’intelligence. Trop
d’artistes négligent d’étudier la déclamation lyrique sans se douter qu’une déclamation fausse entraîne une interprétation
fausse et, de ce fait, trahit le message à eux
confié par un auteur et un compositeur. La
déclamation d’un interprète peut transformer totalement les valeurs d’un texte et
de sa mélodie.
DECOUST (Michel), compositeur français (Paris 1936).
Élève de Louis Fourestier, Georges Dandelot, Yvonne Desportes, Jean Rivier, Darius
Milhaud et Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris à partir de 1956, il a obtenu
le grand prix de Rome (1963), puis suivi
les cours de Karlheinz Stockhausen et de
Henri Pousseur à Cologne (1964-65) et
de Pierre Boulez (direction d’orchestre)
à Bâle (1965). Il a été animateur musical
régional dans les Pays de la Loire (19671970), responsable des activités musicales
dans les maisons de la culture de Rennes
et de Nevers (1970-1972), directeur-fondateur du conservatoire municipal de
Pantin (1972-1976) et responsable du département pédagogique de l’I. R. C. A. M.
(1976-1979). Il a été inspecteur principal
de l’enseignement musical, chargé de la
recherche au ministère de la Culture, et
a été, de 1991 à 1994, directeur général
de l’enseignement musical au district de
Montpellier.
Paraphrasant Pierre Boulez, Michel Decoust affirma en 1973 : « Cette expérience
(du sérialisme) compte parmi mes plus
grands échecs... En 1966, tout compositeur qui n’avait pas compris la nécessité de
sortir de l’impasse où nous avait engagés
le sérialisme était en deçà des problèmes
de la composition à cette époque. » Parmi
ses premières oeuvres, Ellips pour voix et
piano (1964), Horizon remarquable pour
voix et orchestre (1964) et Distorsion pour
flûtes (1966). De ses préoccupations pour
les problèmes de la perception et de la spatialisation de la musique témoigne Polymorphie pour orchestre, créé à Royan en
1967 avec les instrumentistes à vingt-deux
mètres de haut et les auditeurs « noyés
dans le son ». Suivirent Interaction pour
trio à cordes (1967), Instants stabiles pour
ensemble d’instruments (1967), États pour
choeur (1968), Sun pour 12 cordes et alto
solo (1970), M. U. R. pour choeur (1971),
Aentre pour 3 cuivres et bande (1971),
Actions pour 2 instrumentistes (1972), Et/
ou pour 44 pianos (1972), T’aï pour ensemble d’instruments et voix (1972), qui
« évoque à sa façon les traditions du Japon
telles qu’elles ont pu être traduites dans la
conscience européenne depuis Debussy,
Stravinski, Messiaen », Si et si seulement
pour orchestre (1972), 7. 854. 693. 286
pour bandes à 8 pistes (création à Royan
en 1972), 8. 393. 574. 281 pour formation
libre (1972), Et, ée ou é ée pour orchestre
et choeur (1973), Ion pour voix et bande
(1973), Inférence pour orchestre (1974),
Iambe pour 12 instruments (1976), Interphone pour bande à 2 pistes avec synthèse numérique par ordinateur (1977),
l’Application des lectrices aux champs pour
orchestre et voix (1977), Spectre pour orchestre d’harmonie (1978), Traduit du silence pour clavecin, violoncelle, clarinette,
clarinette basse et voix sur un texte de
Joë Bousquet (1980), Je, qui d’autre pour
ténor, baryton et ensemble instrumental
(créé en 1987) De la gravitation suspendue des mémoires pour orchestre (créé en
1987), Concerto pour violon (1990), Lignes
pour clarinette et quatuor à cordes (1992),
Cent phrases pour éventail pour 6 voix et 13
instruments d’après Paul Claudel (19951996).
DECRESCENDO.
Terme italien indiquant qu’il faut diminuer l’intensité d’une note ou d’une
phrase musicale.
Contraire de crescendo (« en augmentant »), decrescendo est synonyme de
diminuendo, les deux termes pouvant être
remplacés par le signe O.
DEGRADA (Francesco), musicologue et
compositeur italien (Milan 1940).
Il a fait ses études au conservatoire de
Milan, où il a obtenu un prix de piano en
1961 et un prix de composition en 1965. Il
a enseigné l’histoire de la musique aux
conservatoires de Bolzano, de Brescia et
de Milan, puis à l’Institut de musicologie
de l’université de Milan, dont il est devenu le directeur en 1976. Ses recherches
concernent la Renaissance, la période
baroque et la musique contemporaine.
Membre de plusieurs sociétés musicales,
il est aussi responsable des éditions critiques chez Ricordi à Milan. Il a publié
de nombreuses études et collaboré à des
émissions radiodiffusées ou télévisées.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Sylvano Bussotti e il suo Teatro (Milan,
1976) ; Antonio Vivaldi da Venezia all’Europa (Milan, 1978) ; Il Palazzo incantato.
Studi sulla tradizione del melodramma dal
Barocco al Romanticismo (2 vol., Florence,
1980) ; Antonio Vivaldi veneziano europeo
(Florence, 1980) ; Studi Pergolesiani (éd.,
1986 et 1988) ; Andrea Gabrieli e il suo
tempo (Florence, 1988).
DEGRÉ.
Terme employé en analyse musicale pour
désigner toute note de l’échelle tonale ou
modale considérée dans sa fonction, c’està-dire par rapport au son de référence (tonique dans la musique tonale), numéroté I
par définition.
Les Grecs analysaient leurs degrés par
rapport aux tétracordes, en leur donnant
des noms sans les numéroter ; le chant
grégorien les situait par rapport à un
noyau, variable selon le mode, déterminé
par le binôme finale-teneur ou corde de
récitation (dite plus tard « dominante »),
et non pas par hexacordes comme on le
croit parfois : l’hexacorde n’a jamais été
rien d’autre qu’une convention solfégique,
servant à la solmisation. La musique harmonique a été la première à considérer ses
degrés par rapport à l’octave et à dicter
leur équivalence d’une octave à une autre :
elle les numérote donc en montant de I à
VIII selon l’échelle diatonique, opère une
mutation VIII I et recommence ensuite.
Certains auteurs n’emploient pas le chiffrage VIII et passent directement de VII
à I. Les degrés chromatiques sont exclus
de la numérotation : on les considère soit
comme des notes de passage entre deux
degrés voisins, soit comme de simples dédownloadModeText.vue.download 294 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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placements des degrés diatoniques, le plus
souvent causés par l’attraction exercée
par des degrés forts sur les degrés faibles.
Outre leur numérotation, les degrés de la
musique tonale ont aussi reçu des noms
de fonction : I (ou VIII) tonique, III
médiante, IV sous-dominante, V dominante, VII sous-tonique, dite « sensible »
lorsqu’elle est à un demi-ton de VIII ; les
noms de fonction des degrés II (sus-tonique) et VI (sus-dominante) sont peu
employés.
DEGTIARIOV (Stépan), compositeur
russe (Borisovka, gouv. de Kursk, 1766 près de Kursk 1813).
Il était serf du comte Chérémétiev, qui
possédait sa troupe de musiciens personnelle. Devenu élève de Sarti, il alla
se perfectionner en Italie. Il fut ensuite
chef d’orchestre et répétiteur chez Chérémétiev, et fut affranchi après la mort du
comte. Bien qu’une partie de son oeuvre
soit perdue, il en subsiste de nombreux
concerts vocaux religieux et un grand oratorio patriotique, Minine et Pojarsky ou la
Libération de Moscou, qui fut représenté
à Moscou en mars 1811. Degtiariov est
représentatif de la génération intermédiaire entre les compositeurs du règne de
Catherine II et ceux de l’école russe du
XIXe siècle. On lui doit aussi la traduction
russe (1805) du traité Regole armoniche de
Vincenzo Manfredini, paru en 1775.
DELAGE (Maurice), compositeur français (Paris 1879 - id. 1961).
Venu tardivement à la musique, il trouva
auprès de Maurice Ravel, dont il fit la
connaissance vers 1902, appui et conseils ;
il allait d’ailleurs être, avec Léon-Paul
Fargue et Ricardo Vinès, un des familiers
du compositeur. Il écrivit, en 1908, un
poème symphonique, Conté par la mer.
Mais, sur l’avis de Vincent d’Indy, cette
oeuvre fut refusée par la Société nationale
de musique. Ravel soutint alors son ami,
et le conflit qui s’ensuivit au sein de la Société nationale entraîna, en 1910, la création de la Société musicale indépendante
(S. M. I.). Après un voyage aux Indes,
Maurice Delage composa ses Poèmes hindous pour soprano et dix instruments, que
Rose Féart créa en 1913. En 1923, Koussevitski dirigea aux Concerts de l’Opéra
son Ouverture pour le ballet de l’Avenir.
Walter Straram créa, en 1933, son triptyque orchestral, Contrerimes (Nuit de
Noël, Hommage à Manuel de Falla, Danse).
Une oeuvre pour chant et piano, In morte
di Samuraï (1950), et un poème symphonique, le Bateau ivre (d’après Arthur Rimbaud, 1954), attestent ensuite la continuité
d’un talent subtil, reconnu seulement
d’une élite. Maurice Delage a peu écrit.
Mais ce qu’il a consenti à publier est d’une
très grande qualité. Ses 4 Poèmes hindous
et ses 7 Haï-Kaï (1923) témoignent d’un
extrême raffinement de la pensée et d’un
sens délicat des équilibres sonores.
DELALANDE (Michel Richard), compositeur français (Paris 1657 - Versailles
1726).
Fils d’un tailleur parisien, il reçut son éducation musicale à Saint-Germain-l’Auxerrois. Organiste et claveciniste, il occupa
les tribunes des Grands-Jésuites, du Petit-Saint-Antoine et de Saint-Gervais, où
il succéda en 1672 à Charles Couperin,
avant de céder sa place au jeune François
Couperin. En 1681, il fut chargé de donner des leçons de clavecin aux princesses
légitimées, Mlles de Blois et de Nantes, et
devint, l’année suivante, organiste à SaintJean-en-Grève. En 1683, il obtint l’un des
quatre postes de sous-maître de la chapelle
royale. Dès lors, il connut, dans sa carrière
à la cour, une ascension plus éclatante que
celle qu’avait connue Lully lui-même. Il
reçut les trois autres postes de la chapelle,
après les départs successifs de Goupillet,
Minoret et Colasse, et recueillit toutes les
charges de la Chambre : en 1689, celle de
surintendant ; en 1690, celle de compositeur ; et en 1695, celle de maître de la musique. En dépit de ce cumul et de l’abandon de ses postes d’organiste à Paris, il se
consacra surtout à la musique religieuse.
Il fut sans doute incité à se perfectionner
dans ce genre par le roi, qui subissait,
pendant cette période, l’influence dévote
de Mme de Maintenon. La plupart des
motets du compositeur, qui constituent
son oeuvre maîtresse, furent écrits à cette
époque et témoignent de l’atmosphère
religieuse dans laquelle vivait la cour à la
fin du règne de Louis XIV. Après la mort
du monarque, Delalande collabora avec
Destouches au ballet les Éléments, dansé
aux Tuileries en 1721 par le jeune Louis
XV. L’année suivante, il perdit sa femme,
la chanteuse Anne Rebel, et demanda au
souverain l’autorisation de se retirer. Il se
démit de toutes ses charges et reçut du roi
l’ordre de Saint-Michel. Il devait se remarier en 1723 et mourir trois ans plus tard.
Une quarantaine de ses meilleurs motets
furent publiés, après son décès, par les
soins de Colin de Blamont et connurent
une certaine vogue jusqu’à la Révolution.
Bien que la majorité des oeuvres de
Delalande soit consacrée à la musique
religieuse, plusieurs divertissements écrits
pour la cour témoignent aussi de sa production dans le genre profane. Ces pièces,
qui n’ont pas l’envergure des tragédies
lyriques, s’inscrivent toutefois dans la tradition lullyste. Elles présentent des aspects
divers : cantate profane (les Fontaines de
Versailles, 1683), ballet (le Palais de Flore,
1689), pastorale (l’Amour fléchy par la
constance, 1697) ou intermèdes écrits pour
des comédies. Pour l’orchestre, Delalande
composa notamment les célèbres Symphonies pour les soupers du roy, ainsi que
quelques pages dans ses oeuvres sacrées
(symphonie du Te Deum). C’est dans le
domaine de la musique religieuse que De-
lalande s’illustra et devint l’un des meilleurs représentants de la musique française. À côté de trois leçons de ténèbres,
il laissa 71 grands motets, dont certains
présentent deux versions différentes du
même texte sacré. Parmi les plus connus :
De Profundis (1689), Beati omnes (1698),
Regina coeli (1698), Quare fremuerunt
gentes (1706). Ces oeuvres adoptent tantôt une écriture verticale, chère à Lully,
tantôt une polyphonie mouvante, comme
la pratiquait Charpentier. Elles sont
conçues pour un effectif vocal important,
et offrent une alternance de grands et de
petits choeurs. L’orchestre ne se contente
pas de soutenir les voix, mais a pour rôle
d’exposer une idée dans un prélude ou de
mettre en relief le timbre d’un instrument
dans les passages réservés aux solistes. Des
ensembles vocaux, tels les trios et les quatuors, apportent encore de la variété à ces
ouvrages, qui commentent le texte sacré
avec souplesse, en traitant un ou plusieurs
versets dans un même moule. Delalande
sut porter le motet à son apogée en lui
conférant une spiritualité que seuls Bach
et Haendel ont été capables d’atteindre, à
cette époque, dans des oeuvres religieuses
monumentales.
DELANNOY (Marcel), compositeur français (La Ferté-Allais 1898 - Nantes 1962).
Il se destina d’abord à l’architecture,
commença à composer en autodidacte et
fit parler de lui avec le Poirier de misère,
d’après une légende flamande (créé à
l’Opéra-Comique en 1927). Il travailla
ensuite avec Arthur Honegger et, dans
un style néoclassique influencé par la
chanson française et le jazz, laissa dans
tous les genres un catalogue considérable.
Son oeuvre la plus célèbre est le ballet la
Pantoufle de vair, d’après Cendrillon de
Charles Perrault, créé aux États-Unis en
1931, sous le titre Cendrillon ou la Pantoufle de vair, puis à l’Opéra-Comique en
1935 après avoir été remanié en 1934. Il
fut également un critique musical sévère,
mais pertinent.
DELERUE (Georges), compositeur français (Roubaix 1925 - Los Angeles 1992).
Élève du Conservatoire de Paris, il a été
directeur musical du festival d’Avignon
(1948-1950), puis chef d’orchestre du
Club d’essai de la radiodiffusion française (1951-1957). Il a écrit un Quatuor à
cordes en 1948 et un autre en 1971, l’opéra
de chambre Ariane en 1954, a fait représenter deux grands opéras, le Chevalier de
neige sur un livret de Boris Vian (Nancy,
1957) et Medis et Alyssio sur un livret de
Micheline Gautron (Strasbourg, 1975).
Il a donné également des pages symphoniques comme la Symphonie concertante
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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pour piano et orchestre (1957) ou les Variations libres pour un libre penseur musical
(sur le nom de Ludwig van Beethoven) pour
orchestre (1975). Mais c’est surtout par
ses très nombreuses musiques de scène,
radiophoniques et de film que, grâce à
un métier très sûr, il a acquis la célébrité.
Citons celles pour la Mort de Danton de
Büchner (Avignon, 1949) ou les Mouches
de J.-P. Sartre (Nîmes, 1950), pour les Rois
maudits de M. Druon (1974) et pour les
films Hiroshima mon amour (1958), la
Peau douce (1964), le Conformiste (1970),
les Deux Anglaises et le continent (1971),
Une belle fille comme moi (1972), le Chacal
(1974), Banlieue Sud-Est (1977), la Gifle
(1978), le Dernier Métro (1980). Il a aussi
signé plusieurs spectacles son et lumière.
DELIBES (Clément Philibert Léo), compositeur français (Saint-Germain-du-Val
1836 - Paris 1891).
Ayant montré de bonne heure des dispositions pour le chant, il fit partie de
plusieurs chorales avant d’entrer à l’âge
de douze ans au Conservatoire de Paris.
Après y avoir obtenu en deux ans un premier prix de solfège, il y étudia le piano,
l’orgue, l’harmonium et la composition
(classes de Le Couppey, Benoist, Bazin
et A. Adam). Il commença à travailler
comme accompagnateur au Théâtre-Lyrique et comme organiste à Saint-Pierre de
Chaillot, tout en donnant des leçons particulières. En 1855, il composa une opérette
sur un texte de J. Moinaux, Deux Sous de
charbon, représentée au théâtre des FoliesNouvelles. Il continua à pratiquer ce genre
assez régulièrement jusqu’en 1869 et composa une quinzaine d’opérettes, la plupart
représentées au théâtre des Bouffes-Parisiens, parmi lesquelles Six Demoiselles à
marier (1856), l’Omelette à la Follembuche
(1859), les Musiciens de l’orchestre (1861),
le Serpent à plumes (1864), Malbrough
s’en va-t-en guerre (1868), cette dernière
oeuvre écrite en collaboration avec Bizet,
Jonas et Legouix. En même temps, il commença à écrire des opéras-comiques pour
le Théâtre-Lyrique (Maître Griffard, 1857 ;
le Jardinier et son seigneur, 1863).
Son engagement à l’opéra, en 1863, en
qualité d’accompagnateur, puis de chef
de choeur, lui ouvrit des possibilités nouvelles. En 1866, il écrivit, en collaboration
avec le compositeur polonais Minkus,
son premier ballet, la Source, sur un sujet
oriental de Ch. Nuitter, avec une chorégraphie de A. Saint-Léon. Le succès de
la Source, reprise à l’étranger sous divers
titres (La Sorgente, en Italie ; Naïla, en
Allemagne), prouva que Delibes possédait
un sens naturel de l’esthétique chorégraphique. L’année suivante, il composa un
divertissement, le Pas des fleurs, pour la
reprise du Corsaire de son maître Adam.
En 1870, Coppélia d’après un conte de
Hoffmann, l’Homme au sable, lui assure
l’immortalité dans le domaine du ballet.
C’est, avec Sylvia (1876), l’une de ses rares
oeuvres qui continuent à tenir l’affiche de
nos jours.
Dans le répertoire lyrique, les compositions les plus valables de Delibes sont
Le roi l’a dit (Opéra-Comique, 1873), et
surtout Lakmé (ibid. 1883), qui doit sa
popularité au charme sentimental et exotique de son sujet hindou, autant qu’à son
coloris, son invention mélodique et la
souplesse de son écriture vocale. En 1882,
Delibes a écrit une série de danses pour la
reprise de la pièce de Victor Hugo Le roi
s’amuse (ce même texte avait servi de base
au livret de Rigoletto de Verdi). Son dernier opéra, Kassya, laissé inachevé, fut terminé et orchestré par Massenet. Delibes
était également l’auteur de nombreuses
oeuvres vocales profanes et religieuses,
aujourd’hui à peu près oubliées.
DELIUS (Frederick), compositeur anglais
(Bradford 1862 - Grez-sur-Loing, Seineet-Marne, 1934).
En partie d’origine allemande, il se révéla
bon violoniste dès son enfance, mais ses
parents cherchèrent à le détourner de la
musique. À l’âge de vingt ans, il s’installa
en Floride comme planteur d’oranges, et
consacra son temps libre à la musique,
étudiant tout d’abord seul, à l’aide d’ouvrages théoriques. De retour en Europe,
il fut, au conservatoire de Leipzig, l’élève
de Reinecke. S’il ne tira pas grand profit
de cet enseignement, il reçut en revanche
l’influence déterminante de Grieg, alors à
Leipzig. Cette influence est évidente dans
Sleigh Ride (1888). À partir de 1890, il
vécut surtout en France, d’abord à Paris,
puis à Grez-sur-Loing, où il devait finir ses
jours. En 1890, il avait épousé le peintre
Jelka Rosen. Les partitions se succédèrent
jusqu’en 1924, époque à laquelle une
maladie le paralysa et le rendit aveugle.
Toutes ses dernières oeuvres furent écrites
avec la collaboration de Eric Fenby, jeune
musicien du Yorkshire, qui, plus tard, devait enregistrer ses trois sonates pour violon et piano et écrire un livre à sa mémoire
(Delius as I knew him, 1936). Delius vécut
plus de quarante ans en France, mais sa
musique y demeure pratiquement inconnue. Elle est en revanche très appréciée
en Angleterre, grâce aux initiatives de sir
Thomas Beecham, défenseur infatigable
du compositeur. En 1929, Delius fut décoré par le roi George V à l’occasion d’un
festival de ses oeuvres organisé par Beecham au Queen’s Hall de Londres. Ce fut
son dernier voyage en Angleterre.
On peut remarquer chez Delius des
parentés avec Debussy dans la couleur
orchestrale, mais son plus grand modèle
resta Grieg. Il excelle dans les évocations
de nature, soit avec le grand orchestre
(Brigg Fair, 1907), soit avec des moyens
plus réduits, comme dans les deux chefsd’oeuvre que sont Summernight on the
River (1911) et On hearing the first Cuckoo in Spring (1912) : la première de ces
miniatures recrée l’atmosphère d’une
nuit d’été sur le Loing aux alentours de
Grez. Sa mélodie, envoûtante et souvent
confiée aux instruments à vent, repose
sur des harmonies richement chromatiques. Sa musique est inimitable ; elle
suit son propre chemin, qu’il s’agisse pour
elle d’évoquer son pays natal (Over the
Hills and Far Away, 1895) ou la capitale
française (Paris, the Song of a Great City,
1899), ou de jeter un regard en arrière sur
toute une vie créatrice (A Song of Summer, 1930). Pour choeurs et orchestre, il a
composé notamment Appalachia (1902),
Sea Drift d’après W. Whitman (1903), A
Mass of Life d’après Nietzsche (1904-05),
Songs of Sunset (1906-07), A Song of the
High Hills (1911-12, avec choeurs sans
paroles), Requiem (1914-1916), Eventyr
(1917, avec seulement quelques interjections vocales). On lui doit également
des mélodies, de la musique de chambre,
dont le quatuor à cordes de 1916-17, des
concertos, ainsi que six opéras : A Village
Romeo and Juliet d’après G. Keller (19001901, créé en 1907), le plus célèbre et le
plus réussi ; Irmelin (1890-1892, créé par
Beecham en 1953), The Magic Fountain
(1893), Koanga (1895-1897, créé en 1904),
Margot-la-Rouge (1902) et Fennimore and
Gerda (1909-10, créé en 1919). À signaler
aussi la musique de scène pour Hassan or
the Golden Journey to Samarkand de J. E.
Flecker (1920).
DELLA CASA (Lisa), soprano suisse
(Burgdorf, canton de Berne, 1919).
Après avoir étudié le chant à Zurich, elle
débuta en 1941 à Solothurn-Biel dans le
rôle principal de Madame Butterfly de
Puccini. En 1947, elle chanta au festival de Salzbourg le rôle de Zdenka dans
Arabella de Richard Strauss, ouvrage où
elle ne tarda pas à s’illustrer dans le rôle
d’Arabella elle-même. En 1947 également,
elle devint membre de la troupe de l’Opéra
de Vienne, à laquelle elle demeura attachée de longues années, tout en poursuivant une carrière internationale. Soprano
lyrique au timbre d’une rare beauté, Lisa
Della Casa joignait à une superbe technique, tant dans le cantabile que dans la
coloratura, de merveilleux dons d’actrice.
Elle demeure célèbre essentiellement
comme interprète de Mozart (Donna
Elvire dans Don Juan, la Comtesse dans
les Noces de Figaro) et de Richard Strauss
(la Maréchale dans le Chevalier à la rose
et Arabella).
DELLA CORTE (Andrea), musicologue
et critique italien (Naples 1883 - Turin
1968).
Autodidacte, il fut professeur d’histoire
de la musique au conservatoire Verdi de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
290
Turin à partir de 1926 et à l’université de
la même ville à partir de 1939. Critique
à La Stampa de 1919 à 1967, mais aussi
historien et esthéticien, il est considéré
comme un pionnier de la musicologie
italienne et écrivit de nombreux ouvrages
consacrés au théâtre lyrique italien des
XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Il s’intéressa
d’autre part aux problèmes de la critique
contemporaine, à ceux de l’interprétation
ou encore à la pédagogie de la composition. Il publia un grand nombre d’articles
dans la Rassegna musicale de G. M. Gatti et
dans la Rivista musicale italiana.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Antologia della storia della musica (2 vol.,
Turin, 1927-1929 ; 4e éd., 1945) ; Satire e
grotteschi di musica e di musicisti d’ogni
tempo (Turin, 1947) ; Disegno storico
dell’Arte musicale (Turin, 1950) ; L’Interpretazione musicale e gli interpreti (Turin,
1951) ; Drammi per musica dal Rinuccini
allo Zeno (2 vol., Turin, 1958). Ses monographies concernent Alfano, Bellini (en
collaboration avec Pannain), Galuppi,
Gluck, Goethe, Mozart (2 ouvrages, dont
un en collaboration avec Barblan), Paisiello, Pergolèse, Piccinni, Salieri, Serato,
Verdi. Il collabora en outre avec G. M.
Gatti pour le Dizionario di musica (Turin,
1925 ; 6e éd., 1959) et avec G. Pannain
pour la Storia della musica (2 vol., Turin,
1952 ; 4e éd. en 3 vol., 1964).
DELLER (Alfred), contre-ténor et chef
d’orchestre anglais (Margate, Kent,
1912 - Bologne, Italie, 1979).
Il appartint à un choeur d’église de sa ville
natale, travailla en autodidacte la voix
d’alto mâle (contre-ténor), fit partie des
choeurs de la cathédrale de Canterbury
(1940-1947), puis de ceux de Saint-Paul à
Londres, tout en commençant une carrière
de soliste (ses premiers disques datent de
1949). En 1950, il constitua un groupe
de chanteurs, généralement accompagné
d’instrumentistes, le Deller Consort, dont
il fut le chef et l’animateur, et dont le but
était de faire connaître l’art du madrigal
anglais et la musique de l’époque élisabéthaine. L’extension du répertoire du Deller Consort amena plus tard Alfred Deller
à une véritable activité de chef d’orchestre,
par exemple dans des oeuvres lyriques de
Purcell ou de Haendel. Parallèlement à sa
carrière de chanteur, Deller se consacra
à la pédagogie, en particulier en France
lors de stages à l’abbaye de Sénanque en
Provence.
Oubliée pendant un siècle et demi, parfois même méprisée, la voix de contre-ténor avait seulement survécu à l’état latent
dans l’exécution de la musique religieuse
en Angleterre, et n’était plus défendue et
illustrée que par des personnalités très
isolées comme le chanteur américain Russell Oberlin. Alfred Deller a été le chef de
file d’une nouvelle école d’interprètes qui
retrouvent et cultivent cette voix. Mais
parmi les contre-ténors apparus durant
ces dernières décennies, la voix d’Alfred
Deller possédait une couleur très particulière, une pureté cristalline que nul n’a, à
ce jour, égalée. L’art de Deller était caractérisé par un sens du style, une musicalité
et un goût parfaits. Il a donné des interprétations que l’on peut qualifier d’idéales
de la musique anglaise d’époque élisabéthaine, par exemple des ayres de John
Dowland. Grâce à sa technique, Deller a
pu aussi tenter, dans des oeuvres comme
Sosarme de Haendel, de ressusciter sinon
le timbre des castrats, assez différent de
celui des contre-ténors, du moins leur virtuosité et leur art de l’expression. La voix
de Deller était de celles qui peuvent inspirer des compositeurs : Britten écrivit pour
lui le rôle d’Obéron dans le Songe d’une
nuit d’été (1960).
L’un des enfants d’Alfred Deller, Mark,
s’est à son tour forgé une voix de contreténor et assume la responsabilité du Deller
Consort depuis la mort de son père.
DELLO JOIO (Norman), compositeur
américain (New York 1913).
Son père, italien de naissance, était organiste, et il le devint lui-même à quatorze
ans. Il fit ses études à l’Institute of Musical Art de New York (1936), à la Juilliard
School (1939-1941), puis, en 1941, avec
Hindemith, qui devait le marquer profondément. Prix Pulitzer en 1957 pour Meditations on the Ecclesiastes pour orchestre
à cordes, il a écrit, parmi de nombreuses
pages instrumentales et vocales, A Psalm
of David pour piano, cuivres, percussion
et cordes (1950), et le ballet Héloïse et
Abélard (1969). De son opéra consacré à
Jeanne d’Arc, The Triumph of Saint Joan,
une première version fut retirée après
sa création. Le compositeur en tira The
Triumph of Saint Joan Symphony (1951).
Une seconde version, The Trial at Rouen,
fut donnée à la télévision en 1955. Le
compositeur en tira, pour la scène, The
Triumph of Saint Joan (New York, 1959).
DELMAS (Jean François), basse française
(Lyon 1861 - Saint-Alban-de-Montbel,
Savoie, 1933).
Il étudia au Conservatoire de Paris et débuta en 1886 à l’Opéra de Paris dans le rôle
de Saint-Bris des Huguenots de Meyerbeer auquel il donna un éclat particulier.
Il devait rester dans ce théâtre comme
première basse jusqu’en 1911, créant de
nombreux ouvrages (dont Thaïs de Massenet). Il fut un des grands chanteurs wagnériens français : ses interprétations de
Wotan dans la Tétralogie, de Hans Sachs
dans les Maîtres chanteurs, de Gurnemanz
dans Parsifal, étaient renommées. Sa voix
de basse chantante était longue, ample et
dramatique, sa déclamation, superbe, et sa
présence scénique, convaincante.
DELMET (Paul), compositeur français
(Paris 1862 - id. 1904).
Il appartint jusqu’en 1897 au groupe d’artistes liés au cabaret du Chat-Noir, où il
interprétait chaque soir les romances et
chansons qu’il composait sur des textes
de poètes tels qu’Armand Silvestre et
Théodore Botrel. Élève de Massenet, ayant
hérité de son maître le goût et le don de la
mélodie délicate, il fut un des enchanteurs
de la Belle Époque, imposant au public
ses thèmes insinuants, enveloppants et
tendres. Certaines de ses chansons comme
Envoi de fleurs connurent une popularité
immense.
DEL MONACO (Mario), ténor italien
(Florence 1915 - Trévise 1982).
Autodidacte, il s’est instruit au moyen
d’enregistrements réalisés par les grands
chanteurs du passé. Il débuta en 1939 à
Pesaro, dans le rôle de Turridu (Cavalleria
rusticana). Après la guerre, il commença
une carrière internationale qui le conduisit dans le monde entier, triomphant
dans les rôles les plus dramatiques du
répertoire italien. Radames d’Aïda, Otello,
Canio de Paillasse étaient ses personnages
de prédilection. Son timbre à la fois corsé
et brillant possédait une admirable égalité
sur toute l’étendue du registre et un éclat
exceptionnel. À défaut de subtilité musicale, les interprétations de Mario Del Monaco avaient une intensité et une vitalité
auxquelles on ne pouvait rester insensible
et sa voix fut, sans aucun doute, une des
plus remarquables qu’on ait pu entendre
récemment.
DELNA (Marie LEDAN, dite), cantatrice
française (Meudon 1875 - Paris 1932).
Presque sans formation vocale, elle fit ses
débuts à l’Opéra-Comique en 1892 dans
le rôle de Didon des Troyens à Carthage
de Berlioz, dans lequel son instinct dramatique fit dire d’elle par Sarah Bernhardt : « Qui donc lui a appris à mourir, à
cette petite ? » Elle fit à l’Opéra-Comique
l’essentiel de sa carrière, remportant un
vif succès dans des créations comme
l’Attaque du moulin de Bruneau (1893)
et la Vivandière de Godard (1895). Elle
fut la première interprète, en France, de
Charlotte dans Werther de Massenet, et
de Mrs. Quickly dans Falstaff de Verdi.
Elle se produisit moins souvent à l’Opéra,
où elle brilla notamment dans les rôles de
Fidès du Prophète de Meyerbeer, et Dalila
de Samson et Dalila de Saint-Saëns. Elle
se produisit à Milan, à Londres et à New
York où elle chanta Orphée de Gluck sous
la direction de Toscanini. Sa voix fut l’une
des plus belles voix féminines graves de
son époque. Son style s’éloignait parfois
délibérément du chant pour se tourner
vers la déclamation.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
291
DELVINCOURT (Claude), compositeur
français (Paris 1888 - Orbetello, Toscane,
1954).
Il étudia le solfège dès l’âge de sept ans
avec Boellmann et l’harmonie avec Henri
Busser. En 1902, il devint élève de Falkenberg (piano) et entra au Conservatoire de
Paris en 1908 dans les classes de Caussade (contrepoint et fugue) et de Widor
(composition). Ses premières compositions datent de 1907-1908 : quintette
pour cordes, duo pour violon et piano. En
1910, il se présenta au concours du prix de
Rome, mais n’obtint un second prix que
l’année suivante et, finalement, le premier
grand prix en 1913 avec Hélène et Faust,
ayant ainsi composé successivement
quatre cantates officielles. Engagé volontaire en 1914, il fut gravement blessé en
1915, perdit un oeil et cessa pratiquement
de composer pendant plusieurs années.
Mais, dès 1923, plusieurs associations
de concerts parisiennes affichèrent ses
oeuvres, et il aborda le théâtre au Grand
Cercle d’Aix-les-Bains en 1937 avec un
ballet, le Bal vénitien, version orchestrée
d’une suite pour six instruments composée en 1930. Nommé directeur du conservatoire de Versailles en 1931, il y organisa
des concerts de chambre et fit représenter
par ses élèves au théâtre Montansier son
opéra bouffe la Femme à barbe (1938).
Au cours des années 30, il composa plusieurs musiques de film (la Croisière jaune,
l’Appel du silence, Soeurs d’armes). Il avait
cinquante-trois ans lorsqu’il fut appelé
à succéder à Henri Rabaud à la tête du
Conservatoire de Paris. Esprit ouvert à
tous les éléments du progrès, il y modernisa l’enseignement et aménagea les règles
concernant les admissions et les concours.
Afin de soustraire ses élèves au service du
travail obligatoire en Allemagne, il créa
pour eux et avec eux l’Orchestre des cadets du Conservatoire, qui allait devenir
une jeune phalange symphonique particulièrement appréciée. Après la guerre,
l’Opéra monta son mystère, Lucifer
(1948), achevé depuis 1940, sur un texte
de R. Dumesnil, et la Comédie-Française
lui commanda une nouvelle musique de
scène pour le Bourgeois gentilhomme. Musicien distingué, doublé d’un humaniste,
ayant conservé une prédilection pour les
mystères du Moyen Âge et pour la chanson française, Claude Delvincourt trouva
la mort dans un accident d’automobile, à
soixante-six ans.
DÉMANCHÉ.
Dans les instruments à cordes, ce terme
indique un changement rapide de la main
gauche pour passer d’une position à une
autre, plus ou moins éloignée ; ce changement peut être ascendant ou descendant.
DEMANTIUS (Christoph), compositeur
allemand (Reichenberg, Bohême, 1567 Freiberg, Saxe, 1643).
Après des études universitaires à Wittemberg et peut-être un bref séjour à Leipzig,
il est nommé cantor à Zittau (1597), puis
à Freiberg (1604). Son Isagoge artis musice lui assure dès 1602 une réputation de
pédagogue. Ses recueils de chansons profanes (1595, 1614 et 1615) le situent dans
la lignée de R. de Lassus et de L. Lechner.
Dans son important recueil d’introïts, de
proses et de messes, les Triades sioniae
(Freiberg, 1619), il aménage la technique
de la basse continue en imposant à l’organiste un cantus generalis. La Corona harmonica (Leipzig, 1610) ou la Passion selon
saint Jean (Freiberg, 1631) sont autant
de points culminants d’une oeuvre où
les formes et les moyens stylistiques traditionnels se chargent d’une expression
nouvelle qui préfigure les recherches de
l’herméneutique musicale à venir.
DEMARQUEZ (Suzanne), femme compositeur et musicologue française (Paris
1899 - id. 1965).
Après des études au Conservatoire de
Paris, elle a composé des oeuvres de musique de chambre, des quatuors vocaux
et des mélodies. Elle s’est fait surtout
connaître par ses excellents ouvrages sur
Purcell et sur Manuel de Falla. Parmi ses
principaux écrits, citons : Purcell (Paris,
1951) ; André Jolivet (Paris, 1958) ; Manuel de Falla (Paris, 1963) ; Hector Berlioz
(Paris, 1969).
DEMESSIEUX (Jeanne), femme organiste et compositeur française (Montpellier 1921 - Paris 1968).
Brillante élève du Conservatoire de Paris
et disciple de Marcel Dupré, elle a été organiste titulaire à l’église du Saint-Esprit
(1933), puis à la Madeleine (1962). Interprète demeurée célèbre pour son extraordinaire virtuosité, elle a également enseigné l’orgue au conservatoire de Nancy et
à celui de Liège. Elle a publié plusieurs
oeuvres pour son instrument, ainsi qu’un
Poème (1952) pour orgue et orchestre.
DEMI-CADENCE.
Formule tonale caractérisée par un arrêt
sur l’accord de dominante, généralement
par succession harmonique degré I-degré
V, et ayant habituellement une signification suspensive ou interrogative.
On dit aussi cadence (ou repos) à la
dominante ( ! CADENCE, 2).
DEMI-PAUSE.
Figure de silence dont la durée est égale à
la valeur d’une blanche.
La demi-pause se place sur la troisième
ligne de la portée.
DEMI-SOUPIR.
Figure de silence dont la durée est égale à
la valeur d’une croche.
DEMI-TON.
Les sept notes qui constituent les gammes,
majeures et mineures, du système tonal
sont réparties selon des intervalles inégaux. Approximativement, la distance
qui, dans la gamme de do majeur, sépare
le mi du fa et le si du do est la moitié de
celle qui sépare les autres notes. Cette distance est le demi-ton, alors que le do et le
ré, par exemple, sont séparés par un ton
entier (deux demi-tons). Avant le système
dit « à tempérament égal », les demi-tons
n’étaient pas tous égaux car ils ne représentaient pas exactement la moitié d’un
ton. On distinguait donc entre le demi-ton
diatonique, séparant deux notes différentes
d’une même gamme (par exemple, si-do
en do majeur) et le demi-ton chromatique,
séparant deux notes de même nom mais
de gammes différentes (par exemple, fa-fa
dièse). En revanche, lorsque le tempérament égal est employé, l’octave se trouve
divisée en douze demi-tons, tous égaux.
DEMUS (Jorg), pianiste autrichien (Saint
Poelten 1928).
Formé à l’Académie musicale de Vienne,
il est un interprète autorisé des classiques
et des romantiques allemands (Haydn,
Mozart, Beethoven, Schubert, Schumann,
Brahms), mais aussi de Debussy. Depuis
les années 60, il s’efforce, par ses conférences illustrées et ses enregistrements,
de populariser l’interprétation des compositeurs viennois sur des piano-forte
d’époque. Réputé également comme accompagnateur, il a pris la succession de
Gerald Moore auprès de Dietrich FischerDieskau.
DEMUTH (Norman), compositeur et
musicologue anglais (South Croyden,
Surrey, 1898 - Chichester, Sussex, 1968).
Choriste à la chapelle de Windsor, puis
élève du Royal College of Music à Londres,
soldat volontaire en 1915, grièvement
blessé en France, il a exercé de multiples
activités. Chef des choeurs, organiste,
nommé en 1930 professeur de composition à la Royal Academy of Music, il a écrit
quatre symphonies, plusieurs concertos,
des ballets, des oeuvres lyriques et un
Requiem à la mémoire de Claude Delvincourt (1955). En 1950, l’Institut de France
l’a élu « Officier d’Académie » en qualité
d’associé étranger. Norman Demuth a
consacré l’essentiel de ses travaux musicologiques (en langue anglaise) à la France :
M. Ravel (1947) ; A. Roussel (1947) ; C.
Franck (1949) ; P. Dukas (1949) ; Introduction to the Music of Gounod (1950) ; V.
d’Indy (1951) ; French Piano Music (1959).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
292
DENIS, dynastie de facteurs d’instruments et d’organistes, actifs à Paris aux
XVIe et XVIIe siècles.
Son plus ancien représentant connu est
Robert Ier (v. 1520-1589). À partir de
1544, il est mentionné à Paris comme facteur d’orgues et épinettier. Les membres
suivants de la famille, dont les liens de
parenté ne sont pas toujours établis avec
certitude, élargissent cette activité vers
la fabrication de toutes sortes d’instruments à cordes (luths, notamment), leur
commerce, ainsi que vers la pratique de
l’orgue. Le plus réputé est Denis II, petitfils de Robert Ier (Paris v. 1600 - id. 1672).
Élève de Florent Bienvenu, qui l’initie aux
théories de Titelouze, il a été organiste
à Saint-Barthélemy ; facteur d’épinettes
apprécié de Mersenne, il est aussi l’auteur
d’un Traité de l’accord de l’espinette avec la
comparaison de son clavier avec la musique
vocale. Les autres membres de la famille,
connue jusqu’en 1718, en poursuivent
la double vocation, surtout comme facteurs d’épinettes et de clavecins ; ils sont
apparentés au facteur d’orgues Thierry et
à l’organiste Marchand.
DENIS (Didier), compositeur français
(Paris 1947).
Il a été élève d’Olivier Messiaen, qui l’a
influencé dans sa conception du rythme et
du déroulement du temps. Pensionnaire
de la villa Médicis à Rome de 1971 à 1973,
il a reçu le prix de la Fondation de la vocation (1969) et celui de la S. A. C. E. M.
en 1973. Passionné par la voix, il a écrit
nombre d’oeuvres vocales en utilisant le
texte plus pour la musique des mots que
pour leur signification - tantôt chantés,
tantôt dits avant ou pendant l’exécution
instrumentale. Dans ses oeuvres, il sait allier un souci de la forme à une grande fraîcheur dans le coloris orchestral. L’éventail
de sa production est large, de la musique
de théâtre (Pour « le Marchand de Venise »
[1969] pour orchestre), aux pièces instru-
mentales (Lèvres, Rouge [1974] pour alto
et 30 instruments), en passant par les partitions pour voix, dont la plus réussie est
peut-être Cinq fois je t’aime (1968, créée
à Paris en 1970) pour coloratur, récitant
et orchestre.
DENISOV (Edison Vassilievitch), compositeur soviétique (Tomsk, Sibérie, 1929).
À l’instigation de son père, ingénieur, il
fait des études scientifiques supérieures
à l’université de Tomsk (1946-1951). Il
vient à Moscou suivre les cours de composition de V. Chebaline et N. Peiko (19511956). Il est actuellement chargé de cours
au conservatoire de Moscou.
Grand admirateur de Chostakovitch,
Denisov semble avoir détruit ses premiers
essais. Son opus no 1 est une Musique
pour 11 instruments à vent et timbales
(1961) qui fait se rejoindre la grammaire
schönberguienne du Quintette op. 26 et
un hommage à Bartók. L’opus no 2, des
Variations pour piano, montre dès lors
l’influence de Boulez, de Stockhausen et
de Nono. Denisov se fait admettre dans
le domaine réservé des grands créateurs
postweberniens lors de la première de sa
cantate, le Soleil des Incas, pour soprano,
10 instruments, 3 voix d’hommes sur des
poèmes chiliens de Gabriela Mistral. Tout
en jouant d’un pointillisme instrumental
emprunté au Marteau sans maître de Boulez, il reste dans la tradition russe pour ce
qui est du traitement de la voix. Pendant
dix ans (1964-1974), il a poursuivi ses recherches sonores sur diverses formations
instrumentales : Crescendo-diminuendo
pour clavier et 12 cordes (1965), Ode pour
clarinette, piano, percussions (1968), Musique romantique pour hautbois, harpe et
trio à cordes (1968), Silhouettes pour flûte,
2 pianos et percussions (1969), 3 Pièces
pour violoncelle (1970), Trio avec piano
(1971), Sonate pour violoncelle, Sonate
pour saxophone (1971), enfin ses Signes en
blanche pour piano seul (1974).
Tout comme Prigojine, Denisov revient aux intonations archaïsantes pour
la conduite de la voix humaine : Pleurs
pour soprano, piano et percussions sur
des textes populaires (1966), Automne
pour choeur à 13 voix solistes a cappella
sur des paroles de V. Khlebnikov (1968),
Chant d’automne pour soprano et grand
orchestre (1971). Depuis 1970, il s’adonne
également au style concertant, du fait de
fréquentes commandes de solistes occidentaux. À retenir le Concerto pour violoncelle (1972), pour piano (1974), pour
flûte (1975), pour percussions (1978). Peinture pour grand orchestre (1970) est son
oeuvre symphonique la plus réussie qui
soit parvenue en Occident. L’importance
des oeuvres de Denisov est encore difficile à apprécier, la vie musicale soviétique
les laissant à l’écart. On a pu entendre ses
ouvrages à Royan, au Domaine musical,
à l’Automne de Varsovie, au concert de
clôture de l’exposition Paris-Moscou en
1979, mais il est évident que l’oeuvre n’a
pas l’audience qu’il mérite. En 1986 a
été créé à Paris l’opéra l’Écume des jours,
d’après Boris Vian, et, en 1988, une Symphonie. Il a « terminé » l’opéra inachevé
de Debussy Rodrigue et Chimène (Lyon,
1993).
DÉPLORATION.
Terme employé surtout du XIVe au
XVIe siècle et désignant un poème en
musique composé à l’occasion de la mort
d’un personnage illustre pour célébrer ses
mérites et exprimer le regret de sa disparition.
La déploration succède au planctus latin
(Planctus Karoli sur la mort de Charlemagne) ou au planh méridional (planh
de Richard Coeur de Lion), mais ceux-ci
étaient ordinairement monodiques, alors
que la déploration est souvent polyphonique ; l’une des plus anciennes est la
double ballade composée par F. Andrieu
sur la mort de Guillaume de Machaut, le
Noble Rhétorique. Au XVIIe siècle, ce genre
d’hommage posthume devint surtout instrumental et prit le nom de « tombeau ».
DEPRAZ (Xavier), basse française (Paris
1926).
Élève du Conservatoire de Paris, il a débuté
en 1952 à l’Opéra-Comique dans le rôle de
Basile du Barbier de Séville de Rossini et à
l’Opéra dans celui de Palémon de Thaïs
de Massenet. Tout en s’illustrant dans le
répertoire, il a participé aux premières
représentations, à l’Opéra-Comique, du
Rake’s Progress de Stravinski (rôle de Nick
Shadow, 1953), et à l’Opéra, de Dialogues
des carmélites de Poulenc (rôle du marquis de La Force, 1957). Parmi ses autres
incarnations remarquables, il faut relever
celle du personnage de Peter Bell dans le
Fou de Landowski avec le Centre lyrique
populaire de France. Artiste cultivé, il a
donné des interprétations extrêmement
fouillées, aussi bien sur le plan musical
que sur le plan scénique. Il est depuis 1973
professeur d’art lyrique au Conservatoire
de Paris.
DE PROFUNDIS.
Premiers mots du Psaume 129 (130
dans l’usage réformé) dans lequel David
pécheur crie sa détresse « du fond de
l’abîme », implore la miséricorde divine et
proclame sa confiance dans la rédemption
finale d’Israël. Adopté par l’usage catholique comme l’une des pièces maîtresses
de la liturgie des défunts - où il figure
notamment dans le rituel des obsèques -,
ce psaume a été souvent utilisé comme
texte de motet aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Les De profundis de Lully et de Delalande
sont particulièrement célèbres. Adapté en
strophes allemandes par la liturgie luthérienne (Aus tiefer Noth), il figure à ce titre
dans le répertoire des chorals et a souvent
été traité comme tel par les organistes,
notamment par J.-S. Bach.
DERING (Richard), compositeur anglais
( ? v. 1580 - Londres 1630).
Il vécut en Angleterre et en Italie, et se
convertit au catholicisme. Nommé Bachelor of Music à Oxford en 1610, il fut, à une
époque de sa carrière, organiste des bénédictines anglaises à Bruxelles, puis probablement organiste de la reine Henriette
d’Angleterre, après l’accession au trône de
Charles Ier en 1625. Il composa des oeuvres
religieuses dans le style anglais et destinées au culte catholique (Cantiones sacrae
à 5 voix avec basse continue, 1617 ; des
Cantica sacra à 6 voix, 1618 ; à 2 et 3 voix
avec basse continue, 1662, 1674). Dans le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
293
domaine de la musique profane, il écrivit des canzonette italiennes (1620), des
madrigaux italiens dans le nouveau style
avec basse continue à 1, 2 et 3 voix, qui
rappellent ceux d’un Sigismondo D’India,
des madrigaux anglais, des fantaisies et
des danses pour violes. Dering est connu
surtout pour ses « Cris » (City Cries and
Country Cries), dont des Cries of London
dans la tradition de ceux de Th. Weelkes.
DERMOTA (Anton), ténor autrichien
(Kropa 1910 - Vienne 1989).
Il étudia l’orgue et la composition à Laibach, puis le chant à Vienne, et débuta
en 1936 à l’opéra de Vienne dans le rôle
d’Alfredo de La Traviata de Verdi. Après
avoir débuté à Salzbourg dans le petit rôle
de Zorn des Maîtres chanteurs de Wagner
sous la direction de Toscanini, il remporta
au festival de cette ville un grand succès en
1938, dans le rôle de Don Ottavio de Don
Juan. Il fit ensuite une carrière internationale, sans cesser d’être attaché à l’opéra
de Vienne. Sa voix exquise et veloutée
était assez solide pour qu’il pût aborder
plusieurs rôles de Verdi, ainsi que le personnage d’Hérode dans Salomé de Richard
Strauss. Mais ce musicien remarquable
demeure avant tout l’un des plus grands
ténors mozartiens que l’on ait connus.
DERVAUX (Pierre), compositeur et chef
d’orchestre français (Juvisy-sur-Orge,
Essonne, 1917 - Marseille 1992).
Dès l’âge de treize ans, il joua de la batterie dans des orchestres de genre. Il fut,
au Conservatoire national de Paris, l’élève
de Ferté, d’Yves Nat et de Marcel SamuelRousseau. Il débuta comme chef d’orchestre, accompagnant les attractions au
cinéma Paramount, et comme timbalier à
l’orchestre Pasdeloup, où Albert Wolff, lui
ayant donné des leçons de direction d’orchestre, le fit monter au pupitre de l’association. En 1947, il entrait à l’Opéra-Comique avec Manon, et, en 1956, à l’Opéra
avec Rigoletto. Dans ces deux théâtres, il
dirigea le répertoire ainsi que plusieurs
créations, dont la première représentation, à l’Opéra, du Dialogue des carmélites
de Poulenc (1957).
Pierre Dervaux a beaucoup travaillé à
l’étranger, en particulier au Canada où il
fut à la tête du conservatoire de Québec.
Il a présidé à la création et à l’organisation
de l’Orchestre des Pays de la Loire. Il est
également président-chef d’orchestre de
l’Association des concerts Colonne. Accaparé par ces différentes activités, il n’a eu
que peu de temps à consacrer à la composition, mais ses compositions révèlent
un musicien de bonne facture, élégant,
aux harmonisations habiles, dont l’oeuvre
comprend des partitions symphoniques
et concertantes, des pièces pour piano et
des mélodies.
DESCARTES (René), philosophe français
(La Haye, Touraine, 1596 - Stockholm
1650).
Un essai de jeunesse, le Compendium musicae, écrit en 1618 et publié après sa mort
en 1650, renferme l’essentiel de ses vues
sur l’art musical. Le philosophe établit une
distinction entre le « beau absolu », qui
est conforme aux lois mathématiques, et
le « beau subjectif », qui dépend du goût
individuel. L’esthétique ne peut traiter
que du beau absolu, et c’est là sa limite.
Descartes reconnaît, dès lors, l’existence
de l’irrationnel dans le domaine de l’art.
La pensée de Descartes a influencé la philosophie de la musique dans l’Allemagne
de la fin du XVIIIe siècle ; elle a ouvert la
voie qui mène à la Critique du jugement
d’Emmanuel Kant (1790). D’autre part,
dans sa correspondance avec son ami le
père Mersenne ou avec le physicien hollandais Christiaan Huygens, Descartes
évoque souvent la musique. Le Compendium musicae a été publié en fac-similé par
G. Birkner (Strasbourg, 1965).
DESCAVES (Lucette), pianiste française
(Paris 1906 - Paris 1993).
Elle est l’élève de Marguerite Long au
Conservatoire de Paris, puis celle d’Yves
Nat et obtient un 1er Prix de piano en
1923. Sa carrière s’oriente d’emblée vers
l’enseignement : assistante de Marguerite
Long, puis d’Yves Nat, elle est nommée
en 1941 professeur de piano au Conservatoire de Paris. Elle n’abandonne pas pour
autant l’activité de concertiste et joue sous
la direction de Münch, Cluytens, Dervaux,
Fourestier. Intéressée par la musique de
son temps, elle crée des oeuvres de Jolivet (Danses rituelles, 1942 ; Concerto pour
piano, 1951) et de Rivier (Concerto pour
piano, 1954).
DESCORT (lat. discordia : « désaccord »).
Terme s’appliquant à un genre difficile de
poésie lyrique en langue occitane, cher
aux troubadours des XIIe et XIIIe siècles.
Il marqua ensuite de son influence l’art
des trouvères. Le descort est formé de cinq
à dix strophes toutes différentes quant
à leur longueur, leur métrique et leur
mélodie. Parfois, des langues différentes
peuvent être employées, par exemple, chez
Raimbaut de Vaqueiras, afin d’accentuer
le désaccord. On trouve des traces de la
technique du descort dans d’autres pays
(Allemagne, Italie), et notamment dans
la musique de la péninsule Ibérique,
jusqu’au XVe siècle.
DESCRIPTIVE (musique).
Musique qui s’attache à imiter ou à évoquer des phénomènes naturels, des événements, voire des personnages ou des lieux.
La musique dite descriptive n’est pas
un genre codifié et réglementé, mais un
« mode d’être » de la musique auquel
presque tous les compositeurs ont plus ou
moins sacrifié. Par rapport au cadre plus
général de la « musique à programme »,
qui l’englobe (et qui peut véhiculer des
sentiments et des sensations, soutenir
un texte, évoquer des situations, raconter des histoires), la musique descriptive
s’applique plus particulièrement à refléter, voire à imiter directement des phénomènes naturels ou matériels : en ce sens,
elle est souvent « imitative ».
Les thèmes favoris de la musique descriptive sont généralement pris dans
l’univers naturel de l’homme : le cycle
des saisons (Vivaldi, Haydn, Milhaud,
Tchaïkovski) ; l’orage (Beethoven, Berlioz, Richard Strauss et les grands orages
d’opéra chez Wagner, Verdi) ; l’eau
(Beethoven, Schubert, Mendelssohn,
Ravel, Liszt, Smetana, Debussy, Wagner,
Poulenc) ; la chasse (Janequin, Vivaldi,
Berlioz, César Franck, le genre musical
de la « caccia » au XVe siècle) ; le chant
des oiseaux (Rameau, Couperin, Vivaldi,
Bach, Beethoven, Schumann, Wagner,
Respighi, Saint-Saëns, Messiaen) ; la
guerre (Janequin, Beethoven, Tchaïkovski, ainsi que les multiples « batailles »
des XVIe et XVIIe siècles) ; les cloches (Berlioz, Debussy, de Falla, Ravel, Mahler) ;
les moments de la journée, en particulier le matin, avec l’éveil des bruits (de
Falla, Grieg, Debussy, Schönberg, Ravel,
Ferrari) ; et la nuit (Boccherini, de Falla,
Debussy, Ravel, Mendelssohn, Schönberg, Mahler). Les machines de l’univers
moderne ont inspiré également nombre
de compositeurs, de Prokofiev à Honegger, Mossolov, Varèse, Antheil, Satie, aux
« bruitistes » italiens (Russolo, Marinetti)
et quelques compositions de musique
électroacoustique.
La « description » musicale est plus
complexe, dans son essence, que la
simple transposition de la manifestation
acoustique d’un phénomène. En d’autres
termes, Franz Liszt, évoquant les Jeux
d’eau de la villa d’Este, traduit aussi bien le
« murmure » audible des fontaines qu’une
impression visuelle et rythmique de déferlements finement subdivisés, d’épanchements lumineux, etc., qui s’associent
dans la perception à l’audition des « jeux
d’eau ». Ainsi a-t-on pu faire des descriptions musicales de phénomènes par
nature silencieux, tels que le coucher de
soleil (Nuages, de Debussy), ou même de
concepts. Beethoven avait soin de préciser
que sa Symphonie pastorale était plus une
traduction d’impressions ressenties que
de perceptions objectives : mais comment
faire la part des unes et des autres, dans
maints cas où une image sonore brute,
telle qu’un chant d’oiseau chez Messiaen,
se trouve investie de ce que le compositeur et l’auditeur y logent d’émotion, de
force symbolique ? En effet, le passage
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de l’imitation à la symbolisation plus ou
moins codée et conventionnelle est insensible : c’est le problème du figuralisme en
musique. On peut dire que toute musique
descriptive est potentiellement symbolique. Beaucoup de figures musicales
conventionnelles ont une origine lointainement descriptive, puis symbolique.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur le
fonctionnement de la musique descriptive
(comment l’auditeur reconnaît qu’il s’agit
de l’orage, de l’eau, du matin), quand on
constate la différence, le gouffre, entre la
réalité acoustique d’un phénomène (susceptible aujourd’hui d’être enregistré et
observé) et sa description par des moyens
musicaux. Il y a généralement peu de rapport acoustique entre une tempête réelle
et une tempête en musique, sinon que
cette dernière retrouve parfois une certaine structuration des événements dans
le temps.
Nous savons que la perception la plus
brute est déjà une « composition » complexe réalisée par le cerveau. À plus forte
raison, les peintures musicales les moins
transposées, apparemment, sont déjà
des stylisations, des recompositions,
empruntant parfois leur vocabulaire à la
plus banale convention (analogue à celle
qui exprime, dans la langue française,
l’aboiement du chien par « oua-oua »,
image acoustique très éloignée de l’aboiement réellement perçu). Comme l’a rappelé Pierre Schaeffer, il n’y a de son que
« dans la tête », d’où vient que la musique
descriptive, cherchant les repères de son
objectivité, ne pourra les trouver que dans
la conscience de l’auditeur, en aucun cas
dans une réalité supposée « objective » en
dehors de tout sujet percevant.
On peut penser que certaines musiques
électroacoustiques dites « anecdotiques »,
comme celles de Luc Ferrari, et parfois
chez Varèse, François-Bernard Mâche,
Pierre Henry, François Bayle, etc., bouleversent les données du genre, en utilisant
des « images » enregistrées de phénomènes
acoustiques naturels, donc apparemment
la réalité brute du phénomène, et non sa
stylisation en notes jouées par des instruments, comme chez Messiaen. Cependant,
même ces images apparemment « brutes »
ont été cadrées, découpées, assemblées ;
elles sont une coupe dans le temps et
dans l’espace, comme une photographie
l’est pour un phénomène visible. Il arrive
même qu’il soit plus difficile d’évoquer à
l’auditeur une réalité sonore par son enregistrement que par son image musicale
conventionnelle. On peut aussi se demander dans quelle mesure le titre, le commentaire ne jouent pas un grand rôle pour
l’identification des images musicales proposées par la musique descriptive. Combien d’auditeurs reconnaîtraient l’orage
des Quatre Saisons de Vivaldi, si on ne le
leur avait pas désigné comme tel ?
Ce bref survol des problèmes de la
musique descriptive ne doit pas laisser
oublier que la musique du monde entier et
de toutes les époques comporte beaucoup
d’éléments descriptifs et symboliques. On
peut donc dire que cette tendance au descriptif est une de ses pentes naturelles, et
non un dévoiement ou une perversion.
C’est au contraire la musique dite « pure »
qui est une conquête, le résultat artificiel
et concerté d’une sublimation - et non
l’état naturel de la musique dans sa virginité. Du reste, ce n’est que depuis peu
de temps (fin du XIXe s. ?) que la musique
occidentale ressent sa dualité entre la tendance descriptive et l’expression abstraite
comme un clivage douloureux, et que
toute intention figurative est repoussée
avec horreur par la plupart des auteurs
dits « sérieux » - sauf, justement, chez un
esprit indépendant comme Olivier Messiaen, lequel n’a pas plus de problèmes
qu’un Bach ou un Mozart pour suivre un
propos à la fois descriptif et abstrait.
Ajoutons que certains genres, certaines
périodes, certaines catégories de musiciens ont affectionné le genre descriptif,
dans l’histoire occidentale : les madrigalistes italiens, la chanson polyphonique
française (Janequin), les virginalistes
anglais, l’école française classique de clavecin (Couperin), le poème symphonique
et l’ouverture de concert, au XIXe siècle,
et, d’une manière générale, la plupart des
musiques faites autour de textes, dont
l’opéra, qui contient, même chez les auteurs les plus « théoriciens » (Schönberg,
Berg), un nombre considérable de moments descriptifs, intégrés dans une narration et un propos dramatico-musicaux.
DESMAREST (Henry), compositeur français (Paris 1661 - Lunéville 1741).
Page de la Musique du roi, il reçut son
éducation musicale auprès de Robert et de
Du Mont. Ayant été écarté d’un des postes
de la chapelle royale, il se tourna vers l’art
lyrique. En 1686, il donna deux opéras à
la cour, puis devint, à partir de 1693, l’un
des principaux compositeurs de l’Académie royale de musique. Jusqu’en 1698, il
fournit en moyenne un ouvrage par an au
théâtre parisien. Sa carrière dans l’opéra
fut interrompue par une aventure galante : en raison de l’enlèvement d’une de
ses élèves, dont il s’était épris, il dut quitter la France. En 1699, il entra à Bruxelles
au service de Maximilien Emmanuel de
Bavière, puis en 1701, à Madrid, à celui du
roi d’Espagne, Philippe V. Enfin, en 1707,
il fut surintendant à la cour de Lorraine.
Entre-temps, en 1704, sa tragédie lyrique,
Iphigénie, laissée inachevée lors de son
départ de Paris, fut représentée dans cette
ville, grâce à Campra qui termina l’oeuvre.
Pardonné par le régent en 1720, Desmarest allait avoir l’occasion de retourner en
France et d’assister, en 1722, à la création
de son dernier opéra, Renaud ou la Suite
d’Armide. N’étant pas parvenu, en 1726, à
succéder à Delalande à la chapelle royale,
il termina sa carrière en Lorraine. En dépit
de ses échecs pour entrer à la chapelle du
roi, il laissa une messe à deux choeurs,
deux Te Deum et plusieurs psaumes et
motets. Son oeuvre lyrique fut critiquée
de son vivant : on lui reprochait de plagier
Lully, ce qui est en effet sensible dans un
opéra comme Circé (1694). Certains de ses
ouvrages furent toutefois appréciés et ne
manquent pas d’originalité : Didon (1693),
Iphigénie (1704).
DESORMIÈRE (Roger), compositeur et
chef d’orchestre français (Vichy 1898 Paris 1963).
Élève de Charles Koechlin, il écrit ses premières compositions, dont des mélodies
sur des Quatrains de Francis Jammes. Il
reçoit le prix Blumenthal de composition en 1922. En 1923, il prend la direction des concerts de l’école d’Arcueil qui
réunit Maxime Jacob, Henri Sauguet et
Cliquet-Pleyel autour d’Erik Satie. Dès
l’année suivante, il se consacre à la direction d’orchestre, n’écrivant plus que
quelques partitions pour le cinéma. Il
est successivement chef d’orchestre aux
Ballets suédois (1924), aux Ballets russes
de Serge de Diaghilev (1925), à la Société
de musique d’autrefois (1930). En 1931,
il ressuscite, au théâtre Pigalle, de vieux
opéras-comiques : On ne s’avise jamais
de tout de Monsigny, Giannina e Bernadone de Cimarosa. Par la suite, il devient
directeur musical des Ballets russes de
Monte-Carlo (1932). En 1937, il entre à
l’Opéra-Comique en dirigeant la création
en France du Testament de tante Caroline d’Albert Roussel. Il assume ensuite,
dans ce théâtre, la responsabilité de nombreuses créations et reprises, notamment
dans le répertoire français. En 1945, il est
chargé de diriger les spectacles de ballets
au palais Garnier et, en 1948, il participe à
la fondation de l’Association française des
musiciens progressistes. En 1950, atteint
de paralysie, il doit cesser toute activité.
Mais ce chef, aux interprétations raffinées,
riches en coloris subtils, a été durant un
quart de siècle un ardent défenseur de la
musique française, en particulier contemporaine. C’est à lui, en effet, que l’on doit,
entre autres, les créations de la Chatte de
Henri Sauguet, la Mort du tyran de Darius
Milhaud, Passacaille de Daniel-Lesur, les
Animaux modèles de Francis Poulenc, le
Soleil des eaux de Pierre Boulez et la Première Symphonie de Henri Dutilleux.
DESPORTES (Berthe Melitta, dite
Yvonne), femme compositeur française
(Coburg, Saxe, 1907 - Paris 1993).
Élève de Marcel Dupré, de Maurice Emmanuel et de Paul Dukas au Conservatoire
de Paris (1925-1932), Premier Grand Prix
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de Rome en 1932, elle a partagé sa carrière
entre la composition et l’enseignement, dirigeant au Conservatoire une classe de solfège de 1943 à 1959, puis de composition
et de fugue de 1959 à 1978. Comme compositeur, elle est une traditionaliste non
conformiste. Ses oeuvres pour le théâtre,
comme Maître Cornelius (1939), d’après
Balzac, la Farce du carabinier (1943), la
Chanson de Mimi-Pinson ou le Forgeur de
merveilles (1965), d’après O’Brien, sont
fort spirituelles, et de son intérêt pour la
percussion témoignent Voyage au-delà
d’un miroir (1963), pour trois percussions,
Vision cosmique (1964), pour percussion
avec bronté - instrument à percussion métallique inventé par son fils -, et Au-delà de
la prière (1970), pour bronté et orchestre
à cordes. On lui doit aussi trois concertos
(À bâtons rompus pour 2 percussions ; le
Tambourineur pour percussion ; l’Exploit
de la coulisse pour trombone), trois symphonies (Saint Gindolph ; Monorythmie ;
l’Éternel féminin) et un Traité d’harmonie
en vingt leçons (1978).
DESSAU (Paul), compositeur allemand
(Hambourg 1894 - Berlin 1979).
Il a occupé après la Première Guerre mondiale des postes à Hambourg, Cologne,
Mayence, Berlin. En 1933, il émigra à
Paris, puis aux États-Unis, et, en 1948, se
fixa à Berlin-Est, où il poursuivit sa collaboration avec B. Brecht : musiques de
scène pour Mère Courage (1946) et pour
le Cercle de craie caucasien (1954) ; opéras Das Verhör des Lukullus (« le Procès de
Lucullus », 1949), devenu après controverses et remaniements Die Verurteilung
des Lukullus (« la Condamnation de Lucullus », 1951), et Maître Puntila (1966).
Attiré dans sa jeunesse par les techniques
dodécaphoniques, il s’en est assez vite
éloigné, choisissant délibérément une voie
plus ouverte et plus large : « Écrire une
musique réaliste, c’est ce qui compte pour
moi. » Il a sans doute donné le meilleur de
lui-même dans des témoignages comme
In memoriam Bertolt Brecht (1957), Requiem pour Lumumba (1963), ou encore
Lénine, musique pour orchestre no 3 avec
choeur final sur l’Épitaphe pour Lénine de
B. Brecht (1970). On lui doit encore des
musiques de scène pour les différents
Faust de Goethe (1949-1953), Variations
sur un thème de Bach pour orchestre
(1964), les opéras Lancelot (1967-1969) et
Einstein (1971-1973). Une oeuvre scénique
posthume d’après Büchner, Leonce und
Lena, a été créée à l’opéra de Berlin-Est
fin 1979.
DESSUS.
Terme général désignant soit les voix,
soit les tessitures les plus aiguës d’un ensemble.
Dans la terminologie des XVIIe et
XVIIIe siècles, on distinguait les hauts
dessus et les bas dessus, correspondant à
peu près au soprano et au mezzo-soprano.
On employait aussi ce terme pour désigner les instruments aigus d’une même
famille (par exemple, dessus de viole), ou
encore, dans l’orgue, des jeux « coupés »
(généralement à partir soit de l’ut3, soit du
fa3) n’affectant que la partie supérieure du
clavier. Dans le titre des pièces d’orgue, il
désigne un morceau comportant un récit
de solo à la partie supérieure.
DESTOUCHES (André-Cardinal), compositeur français (Paris 1672 - id. 1749).
Fils d’un marchand parisien, il fit ses
études chez les jésuites au collège Louisle-Grand, de 1681 à 1686. Puis il partit en
1687, avec le père Tachard, pour le Siam,
comme mathématicien et géographe. À
son retour (1688), il renonça aux ordres.
En 1692, il entra chez les Mousquetaires
noirs et participa à la guerre de la Ligue
d’Augsbourg. Là, il commença à écrire des
airs sérieux et à boire. Il quitta l’armée en
1694 pour se perfectionner en musique
avec Campra et collabora bientôt avec ce
dernier en composant trois airs pour l’Europe galante, opéra-ballet créé en 1697. La
même année, il fit interpréter sa pastorale,
Issé, en présence de Louis XIV. L’oeuvre
fut applaudie et Destouches devint l’un
des artistes les plus appréciés du roi. De
1699 à 1703, ses tragédies lyriques, Amadis de Grèce, Marthésie et Omphale, ainsi
que sa comédie-ballet, le Carnaval et la
Folie, eurent le privilège d’être données en
concert avant d’être représentées à l’Opéra
de Paris. Cette protection lui valut également d’être nommé en 1713 inspecteur de
ce théâtre. La mort de Louis XIV ne vint
pas interrompre sa carrière. En 1718, il
acheta à Delalande la charge de surintendant de la musique, avant de collaborer
avec ce musicien au ballet les Éléments,
qui fut dansé par le jeune Louis XV aux
Tuileries en 1721. Destouches n’allait plus
écrire qu’un seul ouvrage lyrique, les Stratagèmes de l’amour, créé en 1726, en dépit
du poste de directeur artistique de l’Opéra
qu’il reçut en 1728. Entre-temps, en 1727,
il avait été nommé maître de la musique
de la Chambre. Pour Marie Leszczy’nska,
il organisa les Concerts de la reine, avant
de se démettre de toutes ses charges.
À côté de quelques cantates et de plusieurs airs sérieux et à boire, le reste de
l’oeuvre conservé de Destouches est consacré à l’art lyrique. Parmi les meilleurs
opéras peuvent être cités la pastorale Issé
(1697), qui fut augmentée de deux actes
dans une nouvelle version (1708), ainsi
que les tragédies lyriques Omphale (1700)
et Callirhoé (1712). Sa comédie-ballet, le
Carnaval et la Folie (1703), témoigne de
l’influence italienne et pourrait être rapprochée des opéras-ballets de Campra.
DÉTACHÉ.
Mode d’exécution dans lequel les notes
doivent être séparées, c’est-à-dire jouées
sans legato (jeu lié).
S’appliquant plus particulièrement
aux instruments à archet, le détaché, qui
peut être plus ou moins prononcé, se fait
en jouant une seule note par « tiré » ou
« poussé », et en interrompant nettement
le son entre le « tiré » et le « poussé ».
DEUTSCH (Max), compositeur autrichien (Vienne 1892 - Paris 1982).
C’est en 1912, alors qu’il suivait les cours
de Guido Adler à l’université de Vienne,
que Max Deutsch devint l’élève de Schönberg en même temps que le précepteur
de son fils. Il l’accompagna à Amsterdam
comme assistant en 1920-21. Nommé
chef titulaire du Blüthner Orchestra à
Berlin, il composa la musique du film de
Pabst le Trésor, puis vint s’établir à Paris
en 1924. C’est là qu’il résida désormais
et dirigea notamment la première exécution en France du Kammerkonzert de
Berg et d’importants fragments des Gurre
Lieder de Schönberg. Naturalisé français
en 1948, après avoir fait la guerre dans la
Légion étrangère, il se consacra dès lors
à l’enseignement de la composition, puis
fonda, en 1960, les Grands Concerts de
la Sorbonne où les oeuvres de ses élèves
les plus marquants, données en création,
voisinaient avec celles des principaux
compositeurs du XXe siècle, sans exclusive.
En 1971, il devint professeur de composition à l’École normale de musique de
Paris. Plus de trois cents compositeurs de
tous les pays ont trouvé à travers lui une
approche de la musique dans laquelle le
dire occupe moins de place que le faire :
« Mettez-vous au piano et jouez » était
l’un de ses conseils les plus pressants. Loin
d’être concentré exclusivement, il s’en
fallait de beaucoup, sur l’étude de la méthode dodécaphonique, l’enseignement
de Max Deutsch reposait sur l’analyse des
oeuvres de Schönberg de la période 19081913, mais également sur toutes celles qui,
de Monteverdi à Mahler en passant par
Beethoven, Brahms et Wagner, ont fait la
somme des acquisitions précédentes, en
insistant davantage sur la permanence
d’un certain nombre de principes d’écriture fondamentaux que sur les bouleversements esthétiques ou techniques qui ont
jalonné l’histoire de la musique.
Quoiqu’il n’ait jamais cessé d’écrire de
la musique, Max Deutsch n’a pas cherché
à s’imposer comme compositeur. Parmi
ses oeuvres, presque toutes détruites avant
sa mort, il faut citer une Symphonie en cinq
mouvements, une Symphonie pour solos,
choeurs et orchestre d’après Péguy, des
mélodies, des Choeurs d’hommes d’après
Vinci, une messe, une musique de scène
pour la Fuite (1946) de Tristan Tzara, et
un opéra, le Joueur.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
296
DEUTSCH (Otto Erich), musicologue autrichien (Vienne 1883 - id. 1967).
Il commença sa carrière comme critique
d’art du journal Die Zeit (1908-1909), puis
devint assistant à l’Institut d’histoire de
l’art de l’université de Vienne (1910-11).
Il se dirigea ensuite vers la musicologie,
entreprenant des recherches sur les mu-
siciens viennois et particulièrement sur
Franz Schubert, de l’oeuvre duquel il établit, en 1951, un catalogue thématique qui
a été universellement adopté. De 1939 à
1951, il vécut exilé en Angleterre, et prit la
nationalité de ce pays en 1947.
DEUX PIEDS.
Nom donné aux jeux d’orgue faisant entendre la note jouée deux octaves au-dessus de la hauteur normale (8 pieds) attribuée à la touche. Pour la justification du
terme, voir le mot pied.
DEVCIK (Natko), compositeur yougoslave (Glina, Croatie, 1914).
Il a fait ses études à Zagreb, Vienne et Paris,
et fréquenté les cours d’été de Darmstadt.
En 1962, il a été nommé à la tête du département composition de l’Académie de
musique de Zagreb, et a travaillé en 196768 au Centre de musique électronique de
Columbia-Princeton. Auteur de l’opéra
la Sorcière de Labin (1957), de Microsuite
pour piano (1965), de Fibula pour 2 orchestres (1967), il s’intéresse aussi bien
à la musique populaire de l’Istrie qu’aux
techniques les plus avancées, et a publié
sur ces sujets de nombreux articles.
DÉVELOPPEMENT.
Utilisation, dans une construction musicale, d’un thème ou d’un fragment de
thème précédemment exposé, d’où l’on
extrait divers éléments, ou bien que l’on
présente avec ou sans modifications, de
manière variée ou en combinaisons diverses, et qui fournit ainsi une matière
musicale plus ou moins étendue restant constamment tributaire du thème.
Le principe du développement est l’une
des découvertes les plus importantes de
la construction musicale classique. Le
développement constitue souvent, par
exemple, la section la plus intéressante de
la forme sonate, prenant place après l’exposition. Inconnu jusqu’à la fin du Moyen
Âge, qui utilisait comme unique élément
de structure soit la reprise, soit l’étirement
du chant donné, il fait son apparition
progressive dans la polyphonie au cours
du XVe siècle, avec les entrées successives
de voix en imitation. Il reçoit une impulsion décisive à la fin du XVIe siècle avec
le ricercare, qui en systématise et étend
l’emploi tout au long d’une section, puis
d’une pièce entière. Le développement ne
cessera ensuite de se perfectionner pour
devenir l’un des éléments fondamentaux
de la construction musicale, jusqu’au
XXe siècle où diverses écoles battront en
brèche sa suprématie ou renonceront totalement à avoir recours à lui.
DEVIENNE (François), flûtiste et compositeur français (Joinville 1759 - Charenton 1803).
Il s’intéressa très jeune aux instruments à
vent et devint bientôt à la fois virtuose de
la flûte et excellent bassoniste. En outre,
il écrivit un grand nombre d’oeuvres,
notamment des concertos, pour ces deux
instruments. Bassoniste et flûtiste à la
garde des Suisses, flûtiste dans l’orchestre
du Théâtre de Monsieur en 1788, puis du
théâtre Feydeau en 1792, il fut, à la fondation du Conservatoire (1795), nommé
professeur de flûte et publia une Méthode
de flûte théorique et pratique. Dans le domaine de la musique vocale, il signa des
airs, des romances et écrivit des opérascomiques, dont les Visitandines (1792),
qui connut un vif succès. Travailleur infatigable, il fut, dès 1802, atteint d’aliénation mentale et dut être interné l’année
suivante.
DEVISE.
Phrase, souvent à double sens, ou présentant un aspect de devinette, que les contrapuntistes, du XIVe siècle à J.-S.
Bach, adjoignaient volontiers à des
canons énigmatiques ( ! ÉNIGME) ou à
des voix de polyphonie (le plus souvent
teneurs écrites elles-mêmes en rébus, et
qui suggéraient la solution à ceux qui parvenaient à les comprendre). L’une des plus
anciennes devises connues est le texte du
rondeau de G. de Machaut, Ma fin est mon
commencement. Les devises de l’Offrande
musicale de Bach sont restées célèbres ;
par exemple : Notulis crescentibus crescat
fortuna regis (« tandis qu’augmentent les
notes, que croisse la fortune du roi ») est à
la fois une dédicace courtisane et une indication technique suggérant une résolution
de canon par augmentation.
DEVRIÈS (Daniel, dit Ivan), compositeur
français (Saint-Lunaire, Ille-et-Vilaine,
1909).
Fils du ténor David Devriès, il est aussi,
par sa mère, arrière-petit-fils de Théophile
Gautier et de la cantatrice Ernesta Grisi.
Après ses études secondaires, il étudie
l’harmonie, avec M. Samuel-Rousseau, le
contrepoint et la fugue au Conservatoire
de Paris, avec Georges Caussade. De 1936
à 1974, il travaille à la radio en qualité de
metteur en ondes. Son oeuvre, ouverte à
diverses influences du XXe siècle (Debussy,
Bartók, rythmes de jazz), comprend de la
musique symphonique (Trois Mouvements
symphoniques, 1953), une comédie musicale le Clou aux maris (1961-1963), d’après
Labiche, de nombreuses musiques de
scène et des illustrations musicales pour
l’O. R. T. F. En 1961, il a obtenu le grand
prix musical de la Ville de Paris.
DHOMONT (Francis), compositeur français (Paris 1926).
Élève de Charles Koechlin et de Nadia
Boulanger, après quelques oeuvres instrumentales, il s’oriente vers la musique
électroacoustique et s’installe peu à peu un
studio personnel en Provence, où il compose notamment Cités du dedans (1972),
Syntagmes (1975), Métonymie (1976), À
cordes perdues (1977) pour contrebasse et
bande, oeuvres dont certaines ont été distinguées au concours du Groupe de musique expérimentale de Bourges. Il prend
toute sa stature au début des années 1980
avec des oeuvres puissantes et d’une éloquence sombre et poétique, comme Sous le
regard d’un Soleil noir (1981, sur des textes
de Ronald Laing) ou Chiaroscuro (1987),
et aussi comme professeur, au Québec, où
il s’installe pour une quinzaine d’années,
et où il est à l’origine de tout un courant
talentueux de musique « acousmatique »
(électroacoustique). Stéphane Roy, Robert Normandeau, Gilles Gobeil, etc.,
comptent parmi ses élèves. Il joue également un rôle non négligeable de défenseur de la musique électroacoustique, par
de nombreux articles et dossiers, comme
ceux qu’il dirige dans le cadre de la revue
Lien, fondée par la compositrice belge Annette Van de Gorne.
DIABELLI (Anton), compositeur et éditeur autrichien (Mattsee, près de Salzbourg, 1781 - Vienne 1858).
Il fit ses premières études musicales avec
son père, fut élève au collège bénédictin
de Michaelbeuren, chanta à la chapelle de
Salzbourg où il rencontra Michael Haydn,
avec qui il perfectionna sa formation
musicale. En 1803, après avoir fréquenté
quelque temps le collège cistercien de
Raitenhaslach, il alla s’établir à Vienne,
où il se fit rapidement apprécier comme
professeur de musique (piano et guitare).
En 1818, s’associant avec Peter Cappi, il
fonda une maison d’éditions musicales,
qui publia notamment les oeuvres de
Schubert, et racheta les fonds de plusieurs
autres éditions, dont celle de Johann
Traeg. En 1852, elle fut reprise par C. A.
Spina et plus tard, après la mort de Diabelli, par F. Schreiber en 1872. Ses activités
de pédagogue et d’éditeur n’empêchèrent
pas Diabelli d’être un compositeur fécond,
à l’inspiration spontanée et agréable,
quoique imitative et sans grande envergure. Ses nombreuses pièces, sonatines,
arrangements pour piano, violon ou guitare continuent à faire partie du répertoire
des musiciens débutants. Il écrivit aussi
beaucoup de musique religieuse (choeurs,
messes, offertoires), ainsi que des singspiele. Mais s’il acquit une certaine célédownloadModeText.vue.download 303 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
297
brité, c’est moins grâce à ses propres
oeuvres que grâce à Beethoven, qui écrivit
sur une de ses valses son plus important
cycle de variations (33 Variations sur une
valse de Diabelli op. 120, 1822-23), répondant ainsi à une proposition que Diabelli
avait lancée à de nombreux compositeurs
de son temps pour rentabiliser sa maison
d’édition.
DIABOLUS IN MUSICA.
Expression latine (« le diable dans la musique «), parfois employée pour désigner,
en rappelant l’aversion qu’il suscitait au
Moyen Âge, l’intervalle de triton (trois
tons entiers de suite, par ex. fa-si bécarre),
considéré par la grande majorité des théoriciens comme un écueil à éviter tant dans
la mélodie que dans la polyphonie.
Toutefois, la croyance généralisée selon
laquelle cette expression faisait partie
du vocabulaire médiéval ne repose sur
aucun document : bien qu’alors présentée
comme traditionnelle, elle n’est attestée
nulle part avant le XIXe siècle.
DIAGHILEV (Serge Pavlovitch de), fondateur des Ballets russes (Novgorod
1872 - Venise 1929).
Homme du monde et dilettante, qui
n’était ni musicien, ni peintre, ni danseur,
mais qui possédait au plus haut point le
goût et l’intelligence de tous les arts, il se
fit connaître en 1899 en publiant la revue
Mir Iskoutsva (« le Monde de l’art »).
Presque aussitôt, il organisa la première
exposition en Russie de peintres impressionnistes français, puis des concerts de
musique contemporaine. En 1905, il présenta à Saint-Pétersbourg une exposition
consacrée à Deux Siècles de peinture et de
sculpture russes, qu’il transporta à Paris
l’année suivante. Le succès de cette première manifestation parisienne l’encouragea à persévérer. Il revint en 1907 avec une
série de cinq concerts, en 1908 avec Fedor
Chaliapine dans Boris Godounov, en 1909
avec les Ballets russes qu’il venait de créer,
et dont la saison inaugurale au théâtre du
Châtelet connut un triomphe retentissant.
La compagnie, recrutée à Saint-Pétersbourg, réunissait quelques étoiles promises à une célébrité mondiale (Nijinski,
Fokine, Pavlova, Karsavina, Ida Rubinstein) et bénéficiait du concours de deux
peintres russes qui devaient faire école :
Léon Bakst et Alexandre Benois. Diaghilev en fit l’instrument de sa conception du
ballet, spectacle total où la musique et la
décoration sont aussi importantes que la
danse. Jusqu’à sa mort, qui entraîna celle
des Ballets russes mais non leur esprit, il
resta fidèle à cette formule. Il avait également pour principe de ne jamais se répéter, au risque de déconcerter et même
de choquer. Aussi favorisa-t-il des chorégraphies révolutionnaires (à commencer par celles de Nijinski) et fit-il appel à
des musiciens contemporains (Stravinski,
Debussy, Ravel, Prokofiev, Erik Satie, le
groupe des Six), ainsi qu’à des peintres
d’avant-garde (Picasso, Derain, Rouault,
Matisse, Braque, Gontcharova, Larionov),
sans parler de l’apport littéraire d’un Jean
Cocteau. Vingt années durant, les Ballets
russes (devenus de moins en moins russes)
furent un extraordinaire foyer de création
dans tous les domaines, y compris celui de
la mode. Plus qu’un impresario ordinaire,
Diaghilev était un mécène particulièrement doué, mais un mécène sans fortune
qui s’entendait admirablement à mobiliser
celle de ses brillantes relations.
DIALOGUE.
Morceau de musique comportant systématiquement une alternance soit entre
deux groupes instrumentaux, soit entre
un petit et un grand choeur, soit entre
deux solistes, ou entre soliste et choeur,
voire simplement entre plusieurs voix ou
groupes de voix d’un même choeur.
Le terme apparaît dans la seconde moitié du XVIe siècle, principalement à Venise,
et s’applique alors surtout à la musique
vocale, tandis qu’on l’utilisera surtout aux
XVIIe et XVIIIe siècles, pour la musique instrumentale, spécialement dans la musique
d’orgue (dialogue entre deux jeux ou
deux claviers). On trouve même alors des
dialogues sans alternance, le terme signifiant simplement que les deux mains ne
jouent pas sur le même clavier. Certains
auteurs enfin, tel M. A. Charpentier, ont
parfois employé le mot « dialogue » au
sens de petit « oratorio à personnages ».
Le terme est aujourd’hui parfois repris par
archaïsme, mais a cessé d’appartenir au
vocabulaire courant.
DIAPASON.
1. Nom donné à l’octave (littéralement :
« par tous »), dans la terminologie de la
musique grecque antique, conservée en
latin médiéval. L’explication de ce terme
est restée controversée ; elle constitue,
du reste, l’une des questions d’école
soulevées par Aristote dans son ouvrage
apocryphe, les Problèmes musicaux (19e
section).
2. Son de référence sur lequel s’accordent
« tous » les instruments susceptibles de
jouer simultanément. Le choix de ce son
(de même que sa fréquence ou « hauteur
absolue ») a d’abord été variable ; au
cours du XIXe siècle, l’usage s’est établi
de le fixer sur le la3 (dit la du diapason),
mais ce n’est qu’en 1859 et en France seulement que sa fréquence a pu d’abord être
normalisée (435 Hz - on disait « vibrations doubles » - à la seconde, à la température de 18 oC). Cette normalisation
a été étendue au plan international en
1885, puis, devant les multiples entorses
qu’elle ne cessait de subir - car le « diapason » n’a jamais cessé de monter -, elle a
été modifiée théoriquement en 1939 et en
1953 (440 Hz à 20 oC), sans que pour autant ait pu être enrayée une ascension qui
se poursuit encore de manière variable
d’un pays à l’autre (445 Hz en moyenne
en 1979). Ce qui pose de redoutables
problèmes tant aux chanteurs qu’aux
facteurs d’instruments, voire aux instrumentistes à carrière internationale. Ce
problème, qui apparaît insoluble, n’est
pas étranger aux divergences fondamentales qui opposent entre eux les partisans
d’une éducation musicale appuyée sur la
hauteur absolue et ceux qui entendent la
fonder sur la hauteur relative, les deux
données étant en réalité différentes et
complémentaires ; la seconde, tributaire
de la normalisation, n’a pu évidemment
être envisagée qu’à partir de celle-ci, ce
qui interdit de la prendre en considération en deçà des deux dates indiquées
(1859-1885 selon les pays).
3. Instrument destiné à faire entendre
le son de référence défini ci-dessus (en
principe le la3) en vue de l’accord des
instruments. Les plus anciens diapasons, selon la légende, auraient été des
cloches conservées au palais de l’empereur de Chine et nommées liu (« lois »),
sur lesquelles devaient s’accorder les instruments rituels. Ni l’Antiquité gréco-romaine, ni le Moyen Âge, ni la Renaissance
n’ont envisagé le diapason : la hauteur
absolue se prenait au jugé en fonction de
la seule tessiture - ce que continuent à
faire à peu près toutes les musiques non
écrites. Les premiers diapasons semblent
avoir été de petits tubes sonores, parfois
à « pompe » étalonnée, puis on leur préféra le « diapason à fourche », tige d’acier
recourbée en U inventée en 1711 par
l’Anglais John Shore. Les chefs de choeur
se servent également d’un « diapason à
bouche », comportant une anche battante
simple.
Le son choisi pour le diapason est généralement le la3, mais on trouve également des diapasons étalonnés en do ou
même en si bémol (dans le cas des instruments à vent).
4. Le terme diapason a d’autre part un
sens particulier en lutherie et en organologie. Dans la construction des instruments à vent, il désigne l’ensemble
des rapports adoptés entre la perce
(diamètre) et la longueur, ou hauteur,
des tubes. Le même sens s’applique aux
tuyaux d’orgue. Un large diapason (ou
taille) assure aux jeux ouverts, de fond,
une sonorité plus ronde ; un diapason
étroit donne une sonorité plus incisive
(montres, gambes).
Dans la construction des instruments à
cordes, le terme diapason désigne le rapport entre la longueur de la table et celle
du manche (entre sillet et éclisses).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
298
DIAPENTE.
Intervalle de quinte.
Le menuet du trio avec baryton en la
majeur no 94 de Haydn est intitulé Canone
in Diapente : canon à la quinte inférieure,
à proprement parler « in Subdiapente »,
par opposition à « in Epidiapente » (à la
quinte supérieure).
DIAPHONIE.
Mot d’origine grecque, désignant la « divergence » des voix ; en musique grecque
antique, on le trouve opposé soit à homophonie (« unisson ») pour désigner deux
sons de hauteurs différentes, soit à symphonie (« sons s’accordant ensemble »)
pour désigner péjorativement la dissonance.
À l’époque carolingienne, on l’applique
aux premiers essais de polyphonie, organum primitif ou déchant. Le mot est
tombé en désuétude à partir du XIIe siècle
environ.
DIASTOLE.
Terme utilisé au XVIIIe siècle pour indiquer les divisions d’un morceau en
phrases ou sections.
DIATONIQUE.
1. Dans l’Antiquité, et d’abord en musique
grecque, le genre diatonique désignait une
division régulière du tétracorde : mi-rédo-si, deux tons suivis d’un demi-ton.
2. Pour les théoriciens européens, les
intervalles diatoniques sont ceux qui appartiennent ou peuvent appartenir à une
même échelle modale ou à une même
gamme du système tonal. Ce sont donc
des intervalles dont les notes ne portent
pas le même nom, par exemple, do-ré, mifa, si-do sont diatoniques, mais fa-fa dièse,
si bémol-si sont chromatiques.
3. Une gamme est dite diatonique
lorsqu’elle est constituée d’une succession d’intervalles de tons et de demi-tons,
toutes les notes de cette gamme ayant un
nom différent comme, par exemple, celle
de do majeur : do-ré-mi-fa-sol-la-si-do (1
ton + 1 ton + 1/2 ton + 1 ton + 1 ton +
1 ton + 1/2 ton). En revanche, la gamme
chromatique est une succession de demitons (do-do dièse-ré-ré dièse, etc.).
L’invasion de plus en plus
la gamme diatonique par le
à la fin du XIXe siècle, a
bué à la désintégration du
insistante de
chromatisme,
largement contrisystème tonal.
DIDEROT (Denis), écrivain français
(Langres 1713 - Paris 1784).
Avec d’Alembert, Diderot fut fondateur et
rédacteur de l’Encyclopédie (1751-1772).
Grand amateur de musique, il se donna
la tâche de traiter des instruments et des
questions d’ordre esthétique concernant
cet art. D’autres ouvrages de Diderot réservent une place à la musique, comme ses
Mémoires sur différents sujets de mathématiques (Paris, 1748), en quatre parties, où il
traite des problèmes d’acoustique et d’un
projet pour la construction d’un orgue
mécanique. Dans le Neveu de Rameau
(inédit à sa mort), le philosophe attaque
le célèbre compositeur en affirmant : « Il
n’est pas décidé que ce soit un génie [...],
qu’il soit question de ses ouvrages dans
dix ans. » En 1771, Diderot fit paraître un
livre intitulé Leçons de clavecin et principes
d’harmonie par M. Bemetzrieden, sous
forme de dialogue, dans lequel l’auteur
donne des leçons à un élève, son fils.
Comme J.-J. Rousseau, Diderot se prononça en faveur de la musique italienne
lors de la Querelle des bouffons en 1752,
et contre les partisans de l’ancien opéra à
la manière de Rameau.
DIEMER (Louis), pianiste et compositeur
français (Paris 1843 - id. 1919).
Élève de Marmontel, auquel il devait succéder en 1888 comme professeur de piano
au Conservatoire de Paris, il dut sa renommée à la perfection classique de son jeu.
Fondateur de la Société des instruments
anciens, il manifesta beaucoup d’intérêt
pour la reconstitution de la musique des
maîtres du passé. Dans cette optique, il
publia une collection intitulée les Clavecinistes français en 4 volumes, ainsi que la
première édition moderne des Pièces de
clavecin de François Couperin. D’autre
part, il forma de nombreux disciples, dont
Cortot, Risler et Robert Casadesus. Il est
l’auteur de 3 concertos, de musique de
chambre, de mélodies et de pièces pour
piano.
DIEPENBROCK (Alphonse), compositeur néerlandais (Amsterdam 1862 - id.
1921).
Docteur de l’université d’Amsterdam,
mais autodidacte en musique, il étudia
seul les chorals de Bach, les quatuors de
Beethoven, les oeuvres de Palestrina et des
maîtres du XVIe siècle, en particulier de
Sweelinck. Professeur de latin et de grec
à Bois-le-Duc, il commença à composer
dans un style personnel où une mélodie
librement issue du grégorien rejoint la
solide facture de Bach (Missa in die festo,
1890). Peu après, la découverte du chromatisme wagnérien l’orienta vers une
nouvelle syntaxe grâce à laquelle il put
faire écho à ses goûts littéraires (Hölderlin,
Novalis, Nietzsche) dans de nombreuses
pages chorales qui ne sont pas sans grandeur. En 1910 enfin, et après qu’il eut découvert Franck et Fauré, Debussy contribua à l’éloigner de Wagner, et le contact
avec la poésie française (de Baudelaire à
Verlaine) fut à l’origine de mélodies marquées par l’influence impressionniste. Ses
dernières partitions sont des musiques de
scène, également influencées par Debussy,
et où il renouait avec son humanisme féru
d’Antiquité (les Oiseaux, Électre).
Il est le premier compositeur d’envergure dans son pays depuis Sweelinck, et
le premier Néerlandais qui ait pris une
part entière aux mouvements intellectuels
européens de son temps. Mahler était son
ami et Schönberg le tenait en haute estime.
Bien que n’ayant eu aucun disciple, il eut
une influence considérable sur le développement de la musique de son pays.
DIES (Albert Christoph), peintre et écrivain allemand (Hanovre 1755 - Vienne
1822).
Il se rendit à Rome en 1775, et voyagea
en Italie, où il rencontra Goethe et se
spécialisa dans la peinture de paysages.
Installé à Vienne en 1797 et en 1805, il se
vit commander par le prince Nicolas II
Esterházy une série de tableaux représentant le jardin à l’anglaise de son château
d’Eisenstadt. De 1805 à 1808, en trente
entretiens avec Haydn, il réunit le matériau de ses Biographische Nachrichten von
Joseph Haydn nach mündlichen Erzählungen desselben entworfen und herausgegeben
(« Récits biographiques de Joseph Haydn
réalisés et édités d’après des communications orales de ce dernier », Vienne, 1810 ;
rééd. Berlin, 1959), une des trois « biographies authentiques » de ce compositeur.
DIÈSE ou DIÈZE.
Signe d’altération placé devant une note
pour la hausser d’un demi-ton ; le mot
adjectivé peut s’adjoindre au nom de la
note altérée (par exemple, do dièse).
Le signe du dièse est celui qu’avait autrefois le bécarre dans une graphie cursive
(b minuscule carré, avec prolongement
des hampes). Jusqu’au XVIe siècle, en effet,
le dièse et le bécarre étaient confondus
sous le nom de bécarre et désignaient la
position haute de certaines notes mobiles,
formant un ton avec la note inférieure,
tandis que le bémol désignait leur position
basse, formant seulement un demi-ton.
L’abandon de la solmisation ayant fait disparaître les dénominations mobiles pour
ne conserver que les noms de l’hexacorde
dit « naturel », ultérieurement complétés
par la note si, le bécarre qui désignait correctement le mi ou le si naturels ne correspondait plus à sa fonction pour le fa ou
le do. C’est pourquoi on le dédoubla : le
bécarre du mi et du si conserva son nom
et sa forme graphique (prolongement partiel de deux hampes verticales seulement
du b minuscule carré), le bécarre du fa et
du do adopta le nom nouveau de dièse et
la forme cursive du même signe (prolongement des 4 traits tant horizontaux que
verticaux ; en outre, le graphisme fut longtemps plus incliné que celui du bécarre
nouveau style, prenant la forme d’une
double croix oblique ; ce graphisme est
aujourd’hui à nouveau redressé). Après
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
299
quoi, le nom et le signe du bécarre furent
affectés par analogie à toute note remise
dans sa position « naturelle » (le mot faisant référence à l’ancien hexacorde, et non
à une quelconque qualité plus ou moins
innée). Le nom et le signe du dièse furent
affectés de même à toute note haussée
d’un demi-ton par rapport à cette même
position naturelle.
Le nom dièse provient du chromatisme
humaniste du dernier quart du XVIe siècle.
En voulant reconstituer les trois « genres »
de la musique grecque antique, qui incluaient des quarts de ton pour l’enharmonique, on imagina de distinguer trois
sortes de bécarres : le normal conservant
sa graphie de double croix penchée ; le
grave (1/4 de ton plus bas) noté par une
croix simple ; l’aigu (1/4 de ton plus haut)
noté par une croix triple. Entre ces trois
signes naissait l’intervalle de quart de ton,
en grec diesis, d’où l’on tira le mot dièse.
La croix simple et la croix triple eurent
une existence éphémère, mais le nom emprunté au diesis resta accolé au signe.
En nomenclature alphabétique (allemande), le dièse se marque par l’adjonction à la lettre désignant la note (B excepté) du suffixe is : Ais, Cis, etc.
DIÈSE (double).
Signe d’altération placé devant une note
pour la hausser de deux demi-tons, ce qui
équivaut matériellement à un ton entier,
mais s’analyse comme l’addition de deux
demi-tons successifs, le double dièse servant le plus souvent à hausser d’un nouveau demi-ton une note déjà diésée, et non
pas à hausser d’un ton une note naturelle.
Le double dièse s’écrivait autrefois par
deux dièses accolés l’un à l’autre. On y
substitue aujourd’hui une simple croix
oblique, signe ayant eu autrefois des significations différentes, sorties de l’usage (ornement ou dièse inférieur chromatique).
On exigeait au XIXe siècle, pour annuler
le double dièse, soit un double bécarre,
soit un bécarre précédant la nouvelle altération, mais on a renoncé à cette inutile
complication.
DIES IRAE. LITTÉRALEMENT « JOUR DE
COLÈRE ».
L’une des 5 proses ou séquences conser-
vées par le concile de Trente et affectée à
la messe des morts ou requiem. Attribuée
à Thomas de Celano, moine franciscain de
la première moitié du XIIIe siècle, elle se divise en 2 parties séparées par une strophe
« orpheline » (c’est-à-dire sans répétition mélodique symétrique), reprenant
la mélodie de la 1re strophe (Rex tremendae majestatis). La première partie (str.
1 à 6) décrit avec une grande richesse de
coloris les terreurs du Jugement dernier,
lorsqu’une « trompette au son effrayant »
(Tuba mirum spargens sonum) ressuscitera
les morts pour les faire comparaître. La
seconde partie (str. 7 à 16) implore la clémence divine. Une « coda » en 2 strophes
orphelines (depuis Lacrimosa) n’appartenait pas à la version primitive.
Le Dies irae a été souvent mis en musique par les compositeurs, soit isolément,
soit dans le cadre des messes de requiem
(Palestrina, Victoria, Legrenzi, Lully, etc.).
Les romantiques l’ont considéré comme
le prototype du plain-chant et en ont
souvent utilisé le thème initial, avec ou
sans allusion funéraire (Berlioz, Symphonie fantastique ; Saint-Saëns, Symphonie
avec orgue, etc.). Au XIXe siècle, peut-être
même plus tôt, on lui adjoignit pour remplacer les versets pairs un faux-bourdon
qui a été utilisé à titre allusif par les compositeurs, au même titre que la mélodie
de plain-chant (Liszt, Danse macabre).
Le Tuba mirum, confié sans doute pour
la première fois au trombone par Mozart
(Requiem), a servi en quelque sorte de
pierre de touche aux orchestrateurs : Berlioz et Verdi notamment s’y sont illustrés ;
Fauré, en revanche, n’a pas inclus le Dies
irae dans son Requiem ( ! REQUIEM).
DIÉSIS.
Dans la musique grecque antique, le plus
petit intervalle de l’échelle envisagée.
Comme dans cet intervalle figurait obligatoirement au moins un degré mobile,
variable selon le genre et les nuances, la
mesure du diésis était elle aussi variable
(Aristoxène en signale trois sortes au
moins). En diatonique et en chromatique,
le diésis correspondait au limma (approximativement demi-ton), en enharmonique
à la moitié de ce limma (approximativement quart de ton). La mesure du diésis
constituait du reste l’un des problèmes
discutés entre écoles rivales, notamment
entre pythagoriciens raisonnant sur les
nombres et aristoxéniens se référant au
jugement de l’oreille.
Le mot dièse de la théorie classique dérive du diésis antique ( ! DIÈSE).
DIETER (Christian Ludwig), compositeur
et violoniste allemand (Ludwigsburg,
Wurtemberg, 1757 - Stuttgart, 1822).
Formé au prytanée militaire de Stuttgart, il fit de la prison pour désertion,
puis fut nommé en 1781 premier violon
de l’orchestre du grand-duc Karl Eugen,
poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite en
1817. Comme compositeur, il s’illustra surtout dans le genre du singspiel. Il
en laissa une dizaine dont Der Irrwisch
(1779), Des Teufels Lustschloss (1802),
sur un texte de Kotzebue, mis aussi en
musique par Schubert (1813-1814), et Belmonte und Konstanze (1784), sur un livret
de Bretzner analogue à celui de l’Enlèvement au sérail de Mozart (1781-1782).
Pour cette raison, Stuttgart n’entendit
l’Enlèvement au sérail qu’en 1795, une dizaine d’années après la plupart des autres
villes allemandes.
DIEUPART (Charles), compositeur et claveciniste français ( ? v. 1670 - Londres v.
1740).
Il fit ses études musicales en France et participa aux activités de quelques chapelles
et maîtrises. Puis il s’installa à Londres,
y devint un professeur célèbre et se fit
remarquer au théâtre du Drury Lane à
partir de 1704. Il prit part à la composition de plusieurs ballets ou opéras dont
les partitions ont été perdues. Virtuose
du clavecin, il composa de nombreuses
pièces pour cet instrument ainsi que des
oeuvres vocales. Mais nous ne connaissons
aujourd’hui que ses Six Suittes de clavessin... publiées à Amsterdam (rééd. 1935),
cinq airs à une voix et basse continue,
quelques-uns pourvus d’un accompagnement de flûte, et trois airs à une voix et
basse continue. Nombre de ses oeuvres
furent connues en Europe et intéressèrent
même J.-S. Bach. Si, devant la maîtrise de
l’écriture d’un Couperin, ses oeuvres de
clavecin pâlissent un peu, on y découvre
néanmoins maintes pages de qualité.
DIFERENCIAS (esp. : « variations »).
Dans la musique espagnole du XVIe siècle,
le terme diferencias s’applique à une série
de variations fondée le plus souvent sur un
thème de chant grégorien ou sur une mélodie d’origine populaire. Ces variations
pouvaient être de caractère harmonique
ou mélodique, et être composées pour le
luth, la vihuela ou l’orgue. Le genre a été
illustré par des maîtres tels que Cabezón,
Mudarra, Narváez et Valderrabáno.
DILESKY (Nikolaï), compositeur et théoricien ukrainien (Kiev 1630 - Moscou v.
1680).
Il passa sa jeunesse en Pologne, où il reçut
sa formation musicale. Arrivé à Moscou
à la fin des années 1670, il se trouva à la
tête d’une véritable école de compositeurs
et de maîtres du chant choral. Il contribua au développement et à la popularisation en Russie du chant partesny (ou
partessien), grands choeurs religieux écrits
souvent à huit ou douze voix. On lui doit
aussi le premier grand ouvrage de théorie
musicale paru en Russie, la Grammaire
musicale, qu’il écrivit d’abord en langue
polonaise à Vilna en 1675, puis traduisit
lui-même en russe à Moscou en 1679. Il
y exposait les principes de la solmisation, de la construction des accords et
de la conduite des voix, en indiquant la
différence entre les harmonies majeures
(« joyeuses ») et mineures (« plaintives »).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
300
DILLON (James), compositeur écossais
(Glasgow 1950).
Il commence son activité musicale en
jouant dans des formations de musique
traditionnelle écossaise et dans des
groupes de rock, mais étudie en même
temps la musique ancienne, l’acoustique
ainsi que la linguistique à Londres. Compositeur autodidacte, Dillon est une nature indépendante qui ignore les filiations
évidentes, même si son goût pour l’expression directe, pour l’impact purement sonore et un certain pragmatisme semblent
le situer dans la descendance d’un Varèse.
Il écrit une musique peu soucieuse des catégories esthétiques et des classifications
traditionnelles. Fasciné par les trajectoires
sonores complexes, par la notion de densité sonore, mais il gère d’une façon origi-
nale le rapport entre l’instrument individuel et la masse mouvante que constituent
les autres protagonistes de jeu (Ignis noster pour grand orchestre, 1991-92). Son
écriture orchestrale, telle qu’elle apparaît
dans Helle Nacht (1986-87) par exemple,
vise l’expression directe à travers la réunion d’images antagonistes, l’opposition
permanente des registres, le traitement
subjectif du temps musical : un temps
autonome qui se construit par couches
superposées se contestant mutuellement
dans un processus de réinterprétation permanente (l’Évolution du vol pour soprano
et petit ensemble, 1989-1993). La brillante
pièce pour piano Spleen (1980), ainsi que
la cantate Come live with me pour voix de
femme et instruments (1981), qui utilise
des extraits du Cantique des cantiques, ont
été parmi les premières oeuvres révélant le
talent de James Dillon.
Dans son catalogue, bien fourni, on relève également A Roaring Flame pour voix
de femme et contrebasse (1982), Überschreiten pour ensemble (1986), Vernal
Showers pour violon et ensemble (1992),
Blitzschlag pour flûte et orchestre (19901995), le cycle Nine Rivers pour voix, instruments et électronique (dont le dernier
volet, Oceanos, est programmé en 1996,
aux Promenades-Concerts).
DIMINUÉ.
Se dit d’un intervalle qui est plus petit
d’un demi-ton que ceux qui sont déclarés « justes » ou « mineurs ». Par exemple,
les notes do-sol forment une quinte juste,
mais les notes do-sol bémol une quinte diminuée. La tierce mineure (do-mi bémol),
baissée d’un demi-ton devient une tierce
diminuée (do-mi double bémol). Ou encore, les notes si-la se trouvent à un intervalle de septième mineure, si-la bémol à
un intervalle de septième diminuée. Par
extension, ce mot s’applique aux accords
dont le plus grand intervalle est diminué.
Par exemple, les notes si-ré-fa-la bémol
constituent l’accord de septième diminuée, c’est-à-dire un accord de neuvième
sans la note fondamentale (sol) [ ! HARMONIE]. Les notes si-ré-fa forment un accord de quinte diminuée.
DIMINUENDO.
Terme indiquant une nuance allant en
diminuant, synonyme de decrescendo.
Cette nuance est indiquée dans les partitions par le signe O ou l’abréviation dim.
DIMINUTION.
1. Dans la théorie des XVe et XVIe siècles,
le terme désigne le passage d’une mesure
à une autre telle que la même valeur écrite
y reçoit une durée N fois plus courte,
comme cela se passe encore actuellement
quand on passe de C (où une blanche vaut
2 temps) à C barré (où la même blanche
vaut seulement 1 temps).
La diminution changeait donc l’écriture, mais non obligatoirement la durée.
2. Dans le vocabulaire classique, au
contraire, le terme désigne une nouvelle
présentation d’un thème ou d’un fragment en durées plus courtes que dans sa
présentation de référence (par exemple,
sans changer de tempo, un thème en
blanches énoncé en noires). La diminution change donc avant tout la durée et,
accessoirement seulement, l’écriture.
3. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, on appelait
diminution une variation monnayant le
thème en valeurs plus courtes au moyen
de notes de passage ou d’ornementation.
4. Par extension du sens précédent, on a
parfois étendu le terme « diminution » à
toutes sortes d’ornementations, spécialement dans la musique vocale.
DIMOV (Bojidar), compositeur bulgare
(Lom 1935).
Après des études musicales à Sofia, il
se rend à Vienne, puis se fixe en 1968 à
Cologne, où il fonde l’ensemble « Trial
and Error », spécialisé dans le répertoire
contemporain. Ayant fréquenté dans son
enfance les milieux du théâtre, il en garde
un goût marqué pour le spectacle visuel
et la synthèse entre différentes formes
d’art : son Bonner Raumspiel (1970-71) est
un « jeu artistique compétitif » dont les
« joueurs », musiciens (chanteurs et/ou
instrumentistes) ou mimes (danseurs et/
ou acteurs), sont dirigés par un « meneur
de jeu » dans une sorte de liberté surveillée.
DINICU (Grigorias), violoniste et compositeur roumain (Bucarest 1889 - id. 1949).
De 1902 à 1906, il fit ses études au conservatoire de Bucarest. Il travailla le violon
avec le grand pédagogue Carl Flesch, ainsi
qu’avec Nitzulescu-Lupu et Filip. Violoniste à la Philharmonique de Bucarest et
à l’orchestre Pro Musica, il dirigea également une formation de musique populaire. Il fit des tournées en Angleterre, en
France, en Belgique et aux États-Unis.
Musicien aux talents multiples, il refusait
la distinction brutale entre musique savante et musique populaire. Dans ses récitals, il interprétait aussi bien les oeuvres
classiques et romantiques que le répertoire des lautari ( ! LAUTAR). Il recueillit
et transcrivit des mélodies populaires roumaines et composa quelques pièces pour
violon dont une, Hora staccato, figura
longtemps au répertoire des virtuoses,
notamment à celui de J. Heifetz, qui en fit
un brillant arrangement en 1932.
DIRGE.
Terme anglais signifiant « thrène »,
« hymne funèbre ».
Le quatrième volet de la Sérénade opus
31 de Benjamin Britten (1943), sur un
poème écossais anonyme du XVe siècle, est
intitulé Dirge (chant funèbre). Quatre des
sept volets de la Cantate d’Igor Stravinski
(1951-52) sont intitulés A Lyke-Wake
Dirge, et le quatrième volet (sur un texte
de Walt Whitman) du Dona Nobis Pacem
de Ralph Vaughan Williams (1936) porte
comme titre Dirge for two Veterans.
DIRUTA (Girolamo, de
son vrai nom MANCINI),
compositeur et théoricien italien
(Deruta, près de Pérouse, 1561 - ? apr.
1609). Il eut pour premier maître Batista
Capuani, moine franciscain comme lui. À
Venise, où il vécut une dizaine d’années, il
travailla avec Zarlino, Porta et l’organiste
Claudio Merulo, dont il fut l’un des plus
brillants sujets. Il tint, en effet, successivement les orgues de Chioggia (1597), puis
de Gubbio (1609). Son traité Il Transilvano constitue la première tentative pour
étudier la technique spécifique de l’orgue.
Dédié à Sigismondo Battoni, « principe
di Transilvania », l’ouvrage, resté longtemps célèbre, se divise en deux parties :
la première (Venise, 1593 ; rééd. 1597,
1609, 1612, 1625), sous forme de dialogue
entre Transilvano et Diruta, envisage les
problèmes techniques et d’interprétation,
avec de nombreuses illustrations musicales ; la seconde (Venise, 1609 ; rééd.
1622) aborde les diminutions, le contrepoint, les modes et leurs transpositions,
avec des exemples musicaux de Luzzaschi,
Florini, Banchieri et Diruta lui-même.
DISCORDANCE.
Contrairement au latin discordantia qui
est simplement synonyme de dissonantia
et s’oppose à concordantia en englobant
l’usage régulier de la dissonance, l’emploi
actuel de ce mot exclut cette dernière acception et comporte un aspect péjoratif
en désignant l’association abusive de sons
incompatibles entre eux.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
301
DISCOTHÈQUE.
Le terme de discothèque est utilisé dans
trois acceptions différentes.
LIEU DE STOCKAGE DE DISQUES,
la discothèque est généralement organisée en casiers et rayonnages. Le mode de
conservation des disques le plus rationnel
est l’empilement à l’horizontale, en très
petites quantités : tout risque de voile est
ainsi écarté, mais il faut éviter le danger
d’écrasement des disques. C’est pourquoi
on préfère le plus souvent le stockage vertical, qui doit s’effectuer en casiers assez
étroits dans lesquels les disques resteront
serrés, pour demeurer constamment à la
verticale. Pour ces différentes raisons, le
groupage de disques en coffrets (éventuellement calés par de la mousse à l’intérieur du coffret) est préférable aux simples
pochettes cartonnées. Température et
humidité de la discothèque doivent être
maintenues dans des valeurs normales et
régulières, les disques redoutant particulièrement les excès de chaleur et de siccité.
Le classement des disques ne pose guère
de difficultés pour les discothèques d’amateurs possédant quelques dizaines ou
quelques centaines d’enregistrements : par
ordre alphabétique de compositeurs, par
époques ou par genres musicaux. Dans les
grandes discothèques, il est nécessaire de
passer par un fichier qui renvoie au lieu
de classement.
ORGANISMES PUBLICS OU PRIVÉS,
les discothèques de consultation ou de
prêt acquièrent des enregistrements et en
assurent la conservation à l’usage du public professionnel ou amateur. Ce sont les
discothèques municipales de prêt, organisées à l’image des bibliothèques municipales et sur le modèle de la Discothèque
de France, créée en 1959 à Paris, les discothèques d’entreprises ou de documentation pédagogique, les phonothèques et
discothèques de consultation et de documentation de grandes instances : Centre
national d’art et de culture Georges-Pompidou (centre Beaubourg), conservatoires
et universités, musées d’ethnologie et
d’ethnomusicologie, centres culturels, etc.
Les deux plus grandes discothèques françaises sont constituées par le fonds de la
Phonothèque nationale, dépendant de la
Bibliothèque nationale, qui régit le dépôt
légal, et celui de la radio : discothèque
centrale de Radio-France (1 500 000
disques) et phonothèque de l’Institut national de l’audiovisuel (archives sonores
de la radio). Selon leurs statuts, ces discothèques assurent la consultation ou le
prêt au grand public ou à des bénéficiaires
particuliers.
On appelle aussi discothèques des
« boîtes de nuit » où l’on se réunit pour
danser et écouter de la musique enregistrée.
DISJOINT (mouvement).
Progression mélodique de deux notes qui
ne se succèdent pas immédiatement, c’està-dire qui sont distantes de plus d’un ton.
Par exemple, do-la ou do-sol sont
disjoints, alors que do-ré ou do-si sont
conjoints.
DISSONANCE.
Cette notion, aussi relative que celle de
consonance, s’applique à un intervalle ou
un accord non agréable à l’oreille, en fonction d’habitudes socioculturelles données.
Par exemple, la tierce, qui, de nos jours et
depuis longtemps, est une consonance, fut
une dissonance au début de la polyphonie
(vers le début du Xe siècle) et l’était encore
en France pendant le premier quart du
XVe siècle ( ! ACCORD).
DI STEFANO (Giuseppe), ténor italien
(Motta S.
Anastasia, Catania, 1921). Il fit ses débuts,
en 1946, dans le rôle de Des Grieux de
Manon de Massenet. Ses qualités de timbre,
le charme de ses incarnations lui valurent
immédiatement la faveur du public. Ce fut
le commencement d’une carrière internationale qui le conduisit au Metropolitan
Opera de New York en 1948 (le duc de
Mantoue de Rigoletto), au théâtre Colón
de Buenos Aires en 1951 (Edgardo de
Lucia di Lammermoor), à l’Opéra de Paris
en 1954 (Faust). Au début de sa carrière, il
se limitait à ces rôles lyriques et son chant
valait pour ses sonorités veloutées autant
que pour sa ligne. Mais, à partir de 1955, il
aborda des parties plus lourdes telles que
Don José de Carmen, Canio de Paillasse,
Turridu de Cavalleria rusticana, Calaf de
Turandot, sacrifiant au dramatisme les
plus belles qualités d’une voix qui ne tarda
pas à se détériorer.
DISTINCTION.
Terme peu usuel, emprunté
riens latins (distinctio,
discours ») pour désigner
ou une cadence intérieure
musicale.
aux grammai« ponctuation du
une subdivision
de la phrase
DISTIQUE.
Terme d’origine grecque (mot à mot
« deux membres de phrase »), emprunté
aux grammairiens pour désigner une
phrase musicale formée de deux parties
symétriques : par exemple les deux premières incises du thème de l’Ode à la joie
dans la 9e Symphonie de Beethoven forment un distique.
DISTLER (Hugo), compositeur allemand
(Nuremberg 1908 - Berlin 1942).
Après des études d’orgue, de piano et de
composition à Leipzig (1927-1931), il fut
six ans organiste à Lübeck, puis devint
professeur et chef de choeur à Stuttgart
(1937-1940) et ensuite à Berlin. Son esprit
luthérien et ses activités d’organiste orientèrent la plus grande partie de sa production vers le domaine religieux : citons les
52 motets du cycle Der Jahreskreis (1933),
la Choral-Passion op. 7 (1933), la cantate
Wo Gott zum Haus nit gibt sein Gunst
(1935), ou encore la Geistliche Chormusik
op. 12 (1934-1941). Au point de vue instrumental, il écrivit des pièces pour orgue
et des oeuvres diverses parmi lesquelles
un Concerto pour clavecin op. 14 (1936)
qui fut sélectionné par les nazis comme
spécimen d’art « dégénéré ». Son dégoût
du régime de Hitler et le sentiment que
pour lui il n’y avait plus rien à faire dans ce
contexte le poussèrent au suicide.
DITTERSDORF (Carl Ditters von), violoniste et compositeur autrichien (Vienne
1739 - château de Rothlhotta, Bohême,
1799).
À douze ans, il entra comme page et violoniste au service du prince von Sachsen-Hildburghausen, qui veilla sur son
éducation et le confia, pour ses études de
composition, à Giuseppe Bonno. Par l’intermédiaire du prince, Dittersdorf - qui
s’appelait toujours Ditters, ne devant être
anobli qu’en 1773 - obtint un poste dans
l’orchestre de la cour de Vienne. En 1763,
il effectua avec Gluck un voyage à Bologne, et, de 1765 à 1769, occupa comme
successeur de Michael Haydn les fonctions de maître de chapelle de l’évêque de
Grosswardein en Hongrie (aujourd’hui
Oradea en Roumanie) : il écrivit en ce
lieu des symphonies, des concertos pour
violon, et son premier opéra, Amore in
musica (1767). Il entra ensuite à Johannisberg, non seulement comme musicien
mais comme titulaire de plusieurs emplois
administratifs importants, au service du
comte Schaffgotsch, prince-évêque de
Breslau. Se trouvant à la tête d’un théâtre,
il composa là plusieurs opéras parmi lesquels Il Finto Pazzo per amore (v. 1775).
Il fit au cours de ces années plusieurs séjours à Vienne, et y fréquenta Haydn et
Mozart, participant comme violoniste aux
premières auditions privées des quatuors
de Mozart dédiés à Haydn. Écrits dans un
style agréable et vif, ses nombreux concertos, ses symphonies (dont vers 1783 un
cycle sur les Métamorphoses d’Ovide), ses
ouvrages de musique de chambre (dont
six quatuors à cordes datés de 1787-1788),
firent de lui un des auteurs les plus prisés de l’époque. On lui doit aussi des
oratorios, dont Esther (Vienne, 1773), et
beaucoup d’opéras italiens ou allemands
dont l’un, Doktor und Apotheker (Docteur
et Apothicaire, Vienne, 1786), devait survivre jusqu’à nos jours après avoir éclipsé
pour un temps le Figaro de Mozart, créé
quelques semaines auparavant. Certaines
de ses pages instrumentales furent attribuées à Haydn. Mais il mourut dans la midownloadModeText.vue.download 308 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
302
sère et à peu près oublié deux jours après
avoir achevé de dicter ses Mémoires.
DITTRICH (Paul Heinz), compositeur
allemand (Gernsdorf, R. D. A., 1930).
Il a fait ses études de 1951 à 1956 à l’École
supérieure de musique avec Fidelio Finke
(composition) et Gunter Ramin (direction
de choeur), puis de 1958 à 1960 à l’Académie des arts de Berlin-Est avec R. Walter Regeny (composition). Il a enseigné à
l’École supérieure de musique de Berlin
de 1963 à 1976, et y a repris, en 1979, un
poste de professeur de composition. Il est
le principal compositeur de la République
démocratique allemande à s’être imposé
(surtout depuis 1970) sur le plan international. Ses oeuvres sont au nombre d’une
trentaine. Citons les Fleurs de Baudelaire
pour 3 sopranos aigus et 10 instruments
(1969) ; Kammermusik I pour 4 bois, piano
et bande (1970), II pour hautbois, violoncelle, piano et sons électroniques (1975),
III pour quintette à vent et baryton (1974)
et IV pour soprano, 7 instruments et synthétiseur (1977) ; Memento vitae sur un
texte de Brecht (1971-1974) ; un Concerto
pour hautbois (1973-74), un pour violoncelle (1974) et un pour hautbois et flûte
(1978) ; Konzert I pour clavecin et 7 instruments (1976) et II pour alto, violoncelle et orchestre (1978) ; Illuminations
pour orchestre (1975-76) ; Cantus I pour
orchestre (1974-75) et II pour soprano,
violoncelle et orchestre (1977-78) ; Voix
intérieure pour deux violoncelles (1978) ;
Engführung pour soprano, live-électronique et orchestre, d’après des textes de
Paul Celan (1980-81) ; et La Métamorphose
d’après Kafka pour acteurs, ensemble instrumental et 5 vocalistes (1983).
DIVERTISSEMENT (en ital. divertimento).
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, en France, le
divertissement désigne un ensemble de
danses, de chants et de pièces instrumentales destiné à prendre place entre les actes
ou à la fin des actes, voire au milieu des
actes, d’une comédie-ballet (le Bourgeois
gentilhomme de Lully, 1670), d’un opéraballet (les Indes galantes de Rameau, 1735)
ou d’une tragédie lyrique (Cadmus et Hermione de Lully, 1673). Issu du ballet de
cour, plus ou moins rattaché à l’action, ce
type de divertissement restera typique de
l’opéra français et survivra sous des formes
et des appellations diverses non seulement
dans Iphigénie en Aulide de Gluck (1774),
mais jusque dans Faust de Gounod (1859),
Samson et Dalila de Saint-Saëns (1877) et
Pâdmâvati d’Albert Roussel (1918). On
appelait aussi divertissement, aux XVIIe et
XVIIIe siècles, les parties de chant ou de
danse (auxquelles venait s’ajouter le vaudeville final) intercalées dans une pièce.
Dans la musique instrumentale
(mais aussi parfois vocale) de la fin du
XVIIe siècle et de la plus grande partie
du XVIIIe, le terme « divertissement »,
qui évoque surtout pour nous certaines
oeuvres de Haydn, de Mozart et de leurs
contemporains, recouvre des réalités fort
diverses. Pour la musique de chambre,
en particulier germanique, du milieu du
XVIIIe siècle, les termes « divertissement »,
« sérénade », « nocturne », « cassation »
furent souvent employés de façon synonyme, et, inversement, les sources différentes d’une même oeuvre utilisent
souvent l’un ou l’autre. Des quatre, celui
de « divertissement » a la portée la plus
générale, au point de pouvoir éventuellement englober les trois autres, et surtout
la plus fonctionnelle, la plus liée en soi au
fait de distraire, de « divertir ». Pour H.
C. Koch, le divertimento est un ouvrage
à deux, trois, quatre ou plusieurs parties
instrumentales, avec un seul instrument
par partie et tournant le dos non seulement à la polyphonie mais aussi au « travail thématique » propre au style sonate.
Pour Mozart, fidèle en cela à la tradition
salzbourgeoise, c’est essentiellement (mais
non exclusivement) une oeuvre tendant
vers la musique de chambre, avec un
seul instrument par partie, en plusieurs
mouvements et pour cordes et/ou vents,
ceci par opposition à la sérénade, conçue
en principe pour orchestre et destinée à
des occasions plus solennelles. L’origine
de ce concept de divertissement semble
se trouver dans la musique de chambre
vocale italienne de la fin du XVIIe siècle :
en 1681, Carlo Grossi appela son opus 9 Il
Divertimento di Grandi, musiche da camera
o per servizio di tavola... con dialogo amoroso e uno in idioma ebraico. Vers 1730,
Francesco Dutante publia des Sonate per
cembalo divise in studi e divertimenti, distinguant ainsi des oeuvres « sérieuses » et
« légères ». Pour la musique de clavier, le
terme passa d’Italie en Autriche, où il fut
repris notamment par Georg Christoph
Wagenseil, et à sa suite par Joseph Haydn.
Celui-ci, se faisant ainsi le reflet d’une tradition assez spécifiquement autrichienne,
appela longtemps (jusqu’au début des
années 1770) « divertimento » des oeuvres
qui, pour nous, sont des sonates pour clavier, des quatuors à cordes ou des trios
pour baryton. Par exemple, tant que ses
oeuvres pour clavier en plusieurs mouvements n’étaient destinées qu’à « divertir »
ou à des cercles réduits, Haydn les qualifia
de divertimentos ; dès qu’elles devinrent
plus ambitieuses (sonate en ut mineur
no 33 Hob. XVI. 20, de 1771), ou surtout
destinées à l’édition (sonates nos 36-41
Hob. XVI. 21-26, de 1773), il les qualifia
de sonates. De même, il appela « divertimentos » ses quatuors jusqu’à l’opus 20
(1772) et ne leur donna leur dénomination moderne qu’à partir de l’opus 33
(1781). D’une façon générale, on peut dire
qu’avant 1780 le concept de divertimento
englobait (ou pouvait englober), en Autriche, toute musique instrumentale non
orchestrale, même de caractère sérieux,
et qu’après cette date seulement il s’appliqua plus spécifiquement à une musique de
caractère plutôt léger.
Le caractère de légèreté du divertissement se perpétua largement au XIXe siècle
(notamment dans le pot-pourri) et, surtout, au XXe, mais le terme lui-même survécut à peine au XVIIIe (Divertissement à
la hongroise D 818 de Schubert, Divertissement op. 6 de Roussel, Divertissement pour
cordes de Bartók).
Dans la fugue, on appelle divertissements des épisodes plus détendus et plus
libres que le reste, qu’on trouve en particulier juste avant la strette, mais dont la
présence n’a cependant rien d’obligatoire.
DIVISÉS (en ital. divisi).
Lorsque, dans une partition, une partie
instrumentale attribuée aux instruments à
cordes, celle des violoncelles par exemple,
contient des notes doubles, le terme divisé
(ou son abréviation div.) indique que les
musiciens du groupe concerné doivent
se partager la tâche au lieu de jouer le
passage en doubles-cordes. Cette habitude, assez courante notamment dans les
oeuvres pour orchestre à cordes, apparut
à l’époque romantique. On peut citer à
titre d’exemple la symphonie Pathétique
de Tchaïkovski, dans laquelle les basses
sont souvent divisées pour accentuer le
caractère sombre de l’oeuvre.
DIVISION.
1. Opération consistant à morceler une
valeur en plusieurs valeurs plus petites
(par exemple, la ronde se divise en 2
blanches ou 4 noires, etc.).
2. Dans l’Antiquité et au Moyen Âge, le
mot division s’appliquait surtout à la division du canon, c’est-à-dire à la manière
de graduer la règle mesurant les diverses
sections de cordes vibrantes sur le monocorde servant à étudier les intervalles.
3. En plain-chant, on appelle division les
barres de grandeurs différentes qui séparent les incises pour marquer les respirations et indiquer le phrasé, la grandeur des
barres étant proportionnelle à l’importance de la respiration. Ne pas confondre
ces barres de division avec les barres de
pause, qui, dans la notation mesurée, en
ont pris approximativement le tracé.
4. En Angleterre, aux XVIe et XVIIe siècles,
le mot division a à peu près le même sens
que diminution en France.
DIVISION-VIOL.
Nom donné, en Angleterre, à un type de
basse de viole, de taille intermédiaire entre
la consort-viol et la lyra-viol. Ses dimensions réduites permettaient à l’exécutant
un meilleur maniement de l’instrument
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
303
et donc une plus grande dextérité d’exécution. On a écrit pour cet instrument
nombre de divisions (ancêtre de la variation, consistant à « diviser » un thème en
valeurs longues en valeurs beaucoup plus
courtes et à les orner), ce qui lui a donné
son nom. Certaines pièces demandaient
même une grande virtuosité. Parmi les
grands amateurs de division-viol, il faut
citer Playford (Division-Violin, 1688) et
surtout Christopher Simpson (The Division Violist, 1659 ; Division Viol, 1667).
DIVITIS (Antonius ou Antoine), compositeur franco-flamand (début du XVIe s.).
On ne connaît rien de sa vie - peut-être
est-il né à Louvain vers 1475 ? - avant sa
nomination à la cathédrale Saint-Donatien de Bruges comme maître des enfants
(1501-1504), puis comme sous-chantre.
Devenu maître de chant à Malines en
1504, il entra comme chantre au service
de Philippe le Beau et le suivit en Espagne
(1505-06). En 1515, il était membre de la
chapelle du roi de France François Ier, en
compagnie de Jean Mouton et d’Antoine
Févin. Mais on ne saurait affirmer qu’il
fut le Richardus Antonius signalé en 1526
à Rome à la chapelle pontificale. Trois
messes et quelques fragments de messes
isolés, trois motets, deux magnificat, un
petit nombre de chansons et quelques
pièces en manuscrit, seuls témoins de son
oeuvre, montrent un compositeur en possession de toutes les ressources techniques
de son métier, mais dont la préoccupation
constante était la limpidité et le naturel
du discours. Ainsi s’explique le fait qu’il
fût attentif aux rapports du texte et de la
musique, qu’il écrivît de nombreux passages dans un style homorythmique et fît
une place importante aux effets de nature
harmonique.
DIXIÈME.
Intervalle formé entre les extrêmes de dix
degrés diatoniques successifs.
La dixième est en fait le redoublement
de la tierce à l’octave supérieure, par
exemple do-mi.
DLUGORAJ (Wojciech), luthiste polonais ( ? v. 1550 - ? apr. 1619).
Virtuose à la cour du roi Étienne Báthory,
il est l’auteur d’une tablature de luth
publiée en 1619 et des Chorea polonica
où apparaissent des rythmes de danses
polonaises et des schémas mélodiques
empruntés au folklore traditionnel. Des
fantaisies, des danses polonaises et villanelles de sa composition se trouvent
dans le Thesaurus harmonicus du Français
Jean-Baptiste Bésard, publié à Cologne en
1603. Quant à la forme, son oeuvre révèle
une influence italienne certaine, ainsi
qu’un sens de la tonalité déjà assez affirmé.
DLUGOSZEWSKI (Lucia), femme compositeur américaine (Detroit 1931).
Elle fait ses études à l’université de Detroit
et à la Mannes School of Music, puis, en
privé, avec Varèse (1951). Depuis 1960,
elle est professeur à l’université de New
York et à la New School for Musical Research. Elle travaille également pour la
Fondation de danse moderne. Curieuse
de timbres et de sonorités rares, elle a
inventé toute une série de percussions
(en verre, plastique, bois, papier, métal)
et des instruments utilisant des archets ou
des plectres faits d’une grande variété de
matériaux. En 1958, elle avait déjà formé
un orchestre de 100 percussions (verre,
bois, etc.). Ses idées ont été influencées par
les philosophies orientales et par l’oeuvre
de F.S.C. Northrop. À côté de réalisations
conformes à ses découvertes (Ubu Roi,
1952, musique de scène pour orchestre
de sons quotidiens), on trouve dans son
oeuvre un certain nombre de partitions
conçues en fonction des éléments traditionnels : orchestre (Arithmetic Points,
1955 ; Beauty Music I, II and III, 1965),
piano (3 sonates), voix (Parker Tyler Language, 1970 ; Desire, 1952), ou musique de
chambre (quatuor à cordes).
DO.
Syllabe de solfège substituée au XVIIe siècle
à la syllabe ut introduite par Guy d’Arezzo
et jugée peu euphonique, mais que l’on
conserva dans certaines expressions (clef
d’ut, ut majeur).
On en ignore l’origine. Certains en attribuent l’introduction à Giovanni Doni
(1594-1647), qui aurait pris la première
syllabe de son nom, mais cette assertion
n’a pas été prouvée. Dans les pays de langues allemande et anglaise, la note do est
représentée par la lettre C.
DOBIAS (Václav), compositeur tchèque
(Radčice 1909 - Prague 1978).
Instituteur autodidacte, il ne vint que
tard à la musique, et n’entra qu’en 1937
au conservatoire de Prague, où il reçut
l’enseignement de Joseph Bohuslav Foerster, de Vitezslav Novák et de Alois Haba,
avant de devenir un musicien officiel de
la République démocratique tchécoslovaque. Son oeuvre, quantitativement importante, a oublié peu à peu les leçons de
Haba, dont Dobias s’était inspiré jusqu’à
la guerre, et s’en tient globalement au
conformisme des commandes d’État. Il
fut à partir de 1969 le président de l’Union
des compositeurs tchécoslovaques.
DOBLINGER.
Maison d’éditions musicales à Vienne et,
depuis 1959, à Munich.
À l’origine, il s’agissait d’une bibliothèque musicale de prêt, fondée en 1816
par J. Mainzer. Après sa mort, elle fut
reprise - en 1857 - par Ludwig Doblinger
(1816-1876), puis par Bernhard Herzmansky, en 1876. Le fils de ce dernier en
resta propriétaire jusqu’en 1954, date où
la maison fut reprise par Christian Wolff.
Elle connut une période particulièrement faste lors de la vogue de l’opérette
viennoise dans les premières années du
XXe siècle.
Depuis 1950, elle consacre une partie
importante de son activité aux compositeurs contemporains, mais aussi à la musique classique, avec la série Diletto musicale, ainsi qu’aux ouvrages didactiques.
DOBRONIC (Antun), compositeur yougoslave (Jelsa, Croatie, 1878 - Zagreb
1955).
Il fit ses études au conservatoire de Prague
avec Novák et devint professeur au
conservatoire de Zagreb en 1921. Il composa de nombreuses oeuvres pour la scène,
dont des opéras (Mara, l’Homme de Dieu,
Goran, Rkac) et le ballet le Cheval géant ; 4
symphonies ; des poèmes symphoniques
(les Noces ; Au long de l’Adriatique ; Rhapsodie bosnienne, quintette avec piano). Sa
musique, imprégnée de folklore, est d’une
écriture qui oscille entre le néoromantisme et l’expressionnisme.
DOBROWOLSKI (Andrzej), compositeur
polonais (Lwów 1921).
Il commence des études d’orgue, de clarinette et de chant au conservatoire de
Varsovie ; après la guerre, il poursuit ses
études de composition avec Artur Malawski et de théorie musicale avec Stefania
Ðobaczewska à l’École nationale supérieure de musique de Cracovie. Secrétaire
général de la Société des compositeurs de
Pologne de 1957 à 1969, il enseigne ensuite
la composition et la théorie à l’École supérieure de musique de Varsovie, et participe aux activités du Studio expérimental
de la radio polonaise. Auteur de plusieurs
oeuvres instrumentales - Trio pour hautbois, clarinette, basson (1965) ; Symphonie
concertante pour hautbois, clarinette, basson et orchestre à cordes (1960) ; Musique
pour cordes et 4 groupes d’instruments à
vent (1964) ; Musique pour orchestre no
3 (1972-73), etc. -, Dobrowolski a également exploité les sources électroniques
(Passacaglia, 1960) et électroacoustiques
(Musique pour bande magnétique et hautbois solo, 1965 ; Musique pour bande
magnétique et piano, 1972). Son passage
progressif d’une écriture « classique »,
souvent inspirée du folklore, à l’utilisation
des techniques contemporaines fait de lui
une figure très représentative des compositeurs polonais de sa génération.
DODÉCAPHONIQUE (musique).
Nom donné aux musiques atonales utilisant les 12 degrés chromatiques, et, plus
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
304
particulièrement, à toute musique composée selon le système dodécaphonique
sériel mis au point par Arnold Schönberg
entre 1908 et 1923 ( ! SÉRIELLE [MUSIQUE]).
Ce système utilise en effet les 12 sons
chromatiques (dodécaphonique signifie :
de 12 sons), selon des lois que Schönberg
a peu à peu dégagées, et qui ont été modifiées, affinées, compliquées ou détournées
par ses élèves (Berg, Webern, Eisler), ses
successeurs, et lui-même. D’autres compositeurs, comme Joseph-Mathias Hauer
ou Falke, ont conçu des systèmes dodécaphoniques différents du sien, mais qui
n’ont pas été adoptés ou repris.
Dodécaphonique est un terme forgé à
partir du grec et à l’usage des Français par
René Leibowitz, propagateur en France
de la musique sérielle, pour désigner
de façon concise ce que les Allemands,
et Schönberg lui-même, nommaient la
musique de douze sons (Zwölftonmusik),
et qu’ils nomment plus rarement, après
Leibowitz, Dodekaphonische Musik. De
fait, une musique dodécaphonique peut
n’être pas sérielle (ce fut le cas des oeuvres
composées par Schönberg, Berg, Webern,
avant l’invention de la série), et une musique sérielle peut n’être pas dodécaphonique, c’est-à-dire, par exemple, utiliser
des séries de moins ou de plus de douze
sons (micro-intervalles) ou appliquer le
principe sériel à tout autre caractère du
son que la hauteur. Cependant, on utilise
en français les deux termes « dodécaphonique » et « sériel » de manière interchangeable, ce qui est la source de bien des
malentendus.
POURQUOI LE NOMBRE DOUZE ?
Parce qu’il y a 12 sons chromatiques dans
la gamme, de demi-ton en demi-ton - le
demi-ton étant l’intervalle le plus petit
admis dans le système tempéré occidental. C’est avec ces 12 sons que la musique
occidentale jouait de plus en plus librement, en respectant de moins en moins les
règles traditionnelles qui en limitent ou
en fixent l’usage. Il n’y a donc 12 sons que
depuis l’adoption d’un tempérament égal
selon le système défini par Werckmeister,
où l’octave est divisée en 12 demi-tons
égaux, et non, comme d’autres systèmes
le proposaient, en 53 neuvièmes de ton,
ou 43 septièmes de ton. L’oeuvre de Bach,
le Clavier bien tempéré, fêtait l’adoption du
tempérament, avec deux fois 12 préludes
et fugues (dans les 12 tons majeurs et les
12 tons mineurs).
Hérité de la tradition tonale, ce nombre
de 12 pouvait apparaître vite contraignant
et arbitraire. Boulez chercha rapidement
à s’en échapper. Il écrivait en 1953 : « La
série n’est pas un ultrathème lié à jamais
aux hauteurs (...). Elle n’est donc fixée sur
aucun chiffre particulier. » Et de moquer
la croyance fétichiste au « salut par le
nombre 12 » chez les dodécaphonistes
académiques. Le nombre 12 comporte
pourtant bien des propriétés intéressantes. D’abord, c’est un multiple de 2 et
de 3. Une série de 12 sons peut se décomposer en 6 groupes de 2, 4 groupes de 3, 3
groupes de 4, 2 groupes de 6, ce qui ouvre
des possibilités de symétrie, d’imitation,
de construction à l’intérieur même de la
série. Possibilités que Schönberg, Berg,
Webern surtout, n’ont pas manqué d’utiliser. Certaines séries de Webern, en particulier, sont elles-mêmes déjà de petites
compositions sérielles à partir de cellules
de 3 ou 4 sons, transposées, rétrogradées,
etc., à l’intérieur de la série, ce qui limite
ainsi le nombre de ses variantes possibles
(sur les 48 proposées dans le cadre sériel),
et aussi le nombre des figures d’intervalles,
rendant le discours peut-être plus perceptible et renforçant le sentiment d’unité.
On pourrait dire, à la limite, que certaines
pièces dodécaphoniques de Webern sont
construites à partir de microséries de 3 ou
4 sons.
La divisibilité par 12 est une des plus
prégnantes pour l’esprit humain, pour
employer un terme emprunté à la psychologie de la perception : elle se perçoit bien.
Elle se retrouve aussi bien dans la division
du temps (12 mois dans une année, ou 4
saisons de 3 mois, ou 2 périodes de 6 mois
entre les deux solstices ; 2 fois 12 heures
dans la journée, et 12 heures entre midi et
minuit) que dans la versification (à l’hexamètre latin - vers de 6 pieds, ou 2 fois 3
pieds - correspond l’alexandrin - vers de
12 pieds -, qui est le plus utilisé dans la littérature française, à partir du XVIe siècle, et
qui se divise, comme la série, en 2 hémistiches, ou en 3 sections de 4 pieds, etc.).
Il y a aussi les 12 signes du zodiaque, les
temples dodécastyles, à 12 colonnes, etc.
Ce n’est pas là « mystique des nombres »,
mais simple constat des propriétés et des
commodités propres au chiffre 12, qui
ont certainement été déterminantes pour
l’adoption du système tempéré à 12 demitons, et donc pour la musique dodécaphonique, qui les reprend tels quels.
DODÉCAPHONISME ET PANCHROMATISME.
Les 12 sons mis en situation d’égalité
de principe par les règles sérielles (cette
« égalité » a été brillamment mise en
doute par les analyses d’Edmond Costère)
constituent ce que l’on appelle le « total
chromatique », et la musique qui l’utilise
peut être dite « panchromatique ». Or ce
n’est un « total » que selon la convention
héritée du système tempéré, et liée au
principe tonal ; l’oreille occidentale ellemême perçoit bien plus de sons dans une
octave. Les musiciens sériels avaient donc
à assumer le paradoxe d’utiliser un matériau de 12 sons hérité d’un système dont,
par ailleurs, ils cherchaient par tous les
moyens à éviter les réminiscences (règles
de non-répétition, interdictions d’octave,
pour « brouiller » toute polarisation tonale). Il y avait de quoi se sentir en porte
à faux, et cela explique peut-être, d’une
part, l’évolution de Schönberg vers un
« dodécaphonisme tonal » réintégrant les
fonctions tonales, et, d’autre part, la fuite
en avant des ultras du sérialisme vers une
surenchère de complexité, à l’opposé de
Webern, dont ils se réclamaient et qui, lui,
simplifiait sa musique autant que possible.
D’autres enfin cherchaient des divisions
plus petites de l’octave, dans les micro-intervalles. Comme s’il s’agissait, par différents moyens, de saturer le champ de travail, les possibilités d’emploi des hauteurs
(saturer, c’est-à-dire rendre tel qu’un supplément de la chose ajoutée soit impossible ou inutile). Derrière cette idée d’un
épuisement des possibles, il y avait un fantasme de totalité que rend bien le terme
de « pantonal » appliqué par Schönberg
à la musique dodécaphonique. Or, une
fois atteint et dégagé des règles tonales
qui semblaient l’emprisonner (c’est Boulez qui parle de la tonalité comme d’une
« servitude »), le total chromatique des 12
sons se révélait n’être pas plus un « total »
qu’un univers de 6 sons ou de 24 sons.
PRÉMONITIONS DU DODÉCAPHONISME, DODÉCAPHONISME ET ATONALITÉ.
On s’est diverti à chercher des séries de
12 sons dans toute la musique classique
(dans le thème de l’Offrande musicale, par
exemple, thème qui n’était pas de Bach).
René Leibowitz en trouve une dans la
pièce pour piano Nuages gris de Liszt, effectivement très audacieuse (Évolution de
la musique, 1951). La contre-expérience
consisterait à chercher si on ne trouve
pas les 12 sons tout aussi bien dans des
oeuvres très banalement tonales - dans un
trait chromatique, par exemple, ou dans
3 accords de septième diminuée enchaînés chromatiquement. L’utilisation du
« total chromatique », en soi, ne rend pas
une musique prédodécaphonique - à ce
compte, c’est toute la musique, depuis
le XVIe siècle, qui l’est -, tout dépend des
fonctions assurées par ces 12 sons. Suivant
le principe de Schönberg, ils ne doivent
avoir de relations « qu’entre eux », d’égal
à égal, alors que les exemples relevés dans
le passé reposent sur une harmonie tonale
et des polarisations privilégiant certaines
notes, les autres étant notes de passage,
appogiatures, etc.
L’emploi du mot « atonal » - qui n’est
que privatif, et qui laisse entendre une dépendance par rapport à la tonalité, sous la
forme d’un refus - irritait Schönberg, qui
préférait parler de Zwölftonmusik (« mu-
sique de 12 sons »). En ce sens, la musique
dite atonale, dont il y a d’innombrables
exemples depuis la fin du XIXe siècle
jusqu’à nos jours, est généralement dodécaphonique, mais ce n’est pas obligatoire.
Elle peut n’utiliser que 2, 3 ou 7 hauteurs
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
305
différentes seulement. Par ailleurs, vers
la fin de sa vie, Schönberg a cherché un
« dodécaphonisme tonal » dont le principe même faisait horreur à certains de ses
héritiers (Boulez, Hodeir, etc.), et que ces
derniers regardaient comme une régression, un désaveu, une erreur. Comme le
montre Schönberg dans l’Ode à Napoléon,
ou Berg dans le Concerto à la mémoire d’un
ange, on peut retrouver les fonctions tonales dans une certaine utilisation sérielle
des 12 sons (en forgeant, par exemple,
une série dérivée de 4 accords parfaits et
d’une gamme par tons entiers, permettant
au choral de Bach de s’insinuer dans le
concerto de Berg). De telles hybridations
furent sévèrement condamnées par les
sériels français de l’après-guerre. Cependant, elles se répandirent : les Canti di
prigionia, de Dallapiccola, en 1938-1941,
mélangent librement les procédés dodécaphoniques et les relations tonales. Plus
près de nous, les Métaboles d’Henri Dutilleux (1965) utilisent incidemment une
série de 12 sons (dans le mouvement central Obsessionnel), mais restent très tonales
avec leur polarisation sur un mi obsédant,
tout en employant constamment le total
chromatique.
MORT DU DODÉCAPHONISME ?
Il devient de bon ton de déclarer le dodécaphonisme mort. En fait, c’est le système
sériel qui semble en voie d’abandon, ou
du moins tellement assoupli, mélangé,
etc., qu’il perd sa signification originelle.
Il ne faut pas oublier non plus qu’on
a décrété la tonalité morte il y a plus de
cinquante ans, au moment même où le
système tonal occidental colonisait par
la radio, le cinéma, de nouvelles régions
du monde, pour se retrouver aujourd’hui
triomphant plus que jamais, jusque dans
la musique dite d’avant-garde (hypertonalisme de l’école répétitive américaine).
On se gardera donc de prophéties faciles.
Le dodécaphonisme en tant que prohibition de la tonalité semble en déclin. Il
n’en triomphe pas moins sous d’autres
formes que le système sériel. De plus en
plus de musiques, comme celle d’Henri
Dutilleux, ou d’ex-sériels, pratiquent un
dodécaphonisme polarisé tonalement,
utilisant les 12 sons hiérarchisés par l’emploi de notes pivots, créant des relations
d’attraction et un centre tonal. Peut-être
le dodécaphonisme sériel est-il mort à la
fois d’avoir été pris trop à la lettre par les
uns (ceux que moquait Boulez, et qui fétichisaient le nombre 12) et par les autres
trop par l’esprit : en voulant transposer
le principe sériel sur d’autres caractères
du son, intensité, durée, couleur, etc., là
où ce principe semble moins efficace, prégnant, plus vulnérable et contestable. Les
« ultrasériels » lui ôtaient peut-être de sa
force, qui tient à un enracinement dans les
perceptions de hauteur développées par
tout le système tonal occidental. En effet,
on oublie presque toujours que « douze
sons », dans le mot « dodécaphonique »,
signifie en fait « douze hauteurs de son ».
Un do dièse n’est pas un son, mais un
degré de hauteur. En tant que son, ce do
dièse, joué au piano, se définit par de multiples propriétés, dont la hauteur est la
plus prégnante, certes, mais pas la seule.
L’aventure consistant à sortir du monde
des 12 degrés de hauteur familiers, pour
aborder la zone interdite des « bruits »,
a été tentée par des compositeurs de formation sérielle ; mais il ne semble pas que
cette formation les ait toujours suffisamment armés pour affronter les problèmes
nouveaux d’un monde sonore où 12 degrés ne constituent plus un total, mais bel
et bien une minuscule partie d’une foule
de propriétés difficiles à entendre, à noter
et à « maîtriser » toutes à la fois.
DODGE (Charles), compositeur américain (Ames, Iowa, 1942).
Il a fait des études musicales à l’université
d’Iowa avec Bezancon et Herwig, à l’Aspen Summer School avec Darius Milhaud,
à Tanglewood avec Gunther Schuller et
Arthur Berger, à l’université Columbia
avec Jack Beeson, Otto Luening et Vladimir Ussachewski. Il a suivi les travaux
de la faculté de Columbia-Princeton en
ce qui concerne la musique électronique
et l’utilisation des ordinateurs. Titulaire
de nombreux prix et récompenses, y
compris le prix de la fondation Koussevitski (1969), il a été nommé assistant à
l’université Columbia, élu président de
l’American Composers Alliance (1971),
et il collabore également à un centre de
recherches IBM pour l’usage de l’informatique en musique. Après avoir écrit
des oeuvres comme Rota pour orchestre
(1966) et diverses pièces instrumentales,
qui témoignent d’un emploi très personnel de la technique sérielle, Charles Dodge
semble s’être tourné exclusivement vers
la composition par ordinateur. Dans ce
domaine, on peut citer parmi ses oeuvres
Changes (1967-1970) et Humming (1971).
DOHNANYI (Ernö), pianiste, compositeur et chef d’orchestre hongrois
(Poszony, aujourd’hui Bratislava, en all.
Pressburg, 1877 - New York 1960). Enfant doué pour la musique, il prit des leçons avec l’organiste de la cathédrale de
Poszony, puis travailla à Budapest avec
Thoman (piano) et Koessler (composition). Il donna son premier concert à neuf
ans, reçut à dix-huit les compliments de
Brahms - qui s’entremit pour faire jouer
à Vienne son opus no 1, un Quintette avec
piano -, se rendit à Berlin auprès d’Eugen
d’Albert et se lança, avec l’aide de ce dernier, puis de Hans Richter, dans une carrière internationale de pianiste. Introduit
en 1905 par d’Albert au conservatoire de
Berlin pour y enseigner le piano, Dohnanyi y reçut le titre de professeur en 1908. Il
fut nommé en 1914 au conservatoire de
Budapest et élu dans cette ville - au lendemain de la guerre - président de la Société
philharmonique, où il soutint Kodály et
Bartók, et, en tant que chef d’orchestre,
dirigea leurs oeuvres, les faisant parfois
entendre pour la première fois dans la capitale hongroise. En 1934, il prit la direction du conservatoire Ferenc-Liszt.
En 1948, il quitta Budapest pour des
motifs politiques et s’installa tout d’abord
en Argentine, puis, en 1949, en Floride, à
l’université de Tallahassee où il forma de
nombreux compositeurs et pianistes.
La carrière de Dohnanyi, pianiste virtuose et compositeur, l’a fait fréquemment
comparer à Rachmaninov. Pur produit de
la tradition germanique, son oeuvre reste
fidèle à l’esthétique de Brahms, tout en
étant sensible, comme son modèle, à la
musique de Johann Strauss ou des Tziganes. Bien que n’ayant pas suivi Bartók
et Kodály dans leurs conquêtes d’une
musique spécifiquement nationale, il
les soutint, malgré l’opposition des officiels. L’ensemble de son oeuvre semble
aujourd’hui anachronique. Sa musique
de chambre, encore méconnue (3 quatuors à cordes, 2 quintettes, une sonate
pour violon, etc.), renferme le testament
musical le plus solide de son auteur. Les
références hongroises sont rares et artificielles : la suite pour piano Ruralia hungarica (1923-24), un Credo hongrois pour
ténor, choeur et orchestre, les variations
pour piano Sur un thème hongrois, des
Chansons populaires. Son oeuvre symphonique comporte notamment une Symphonie de jeunesse en fa op. 3 (1895-96),
influencée par Liszt et le jeune Richard
Strauss, un magnifique Konzertstück pour
violoncelle op. 12 (1903-1904), où l’on
retrouve la tendresse schumannienne et
les élans du Don Quichotte straussien, une
Suite d’orchestre en fa dièse mineur op.
19 (1908-1909), où Debussy vient colorer des variations brahmsiennes, enfin
les fameuses et spirituelles Variations sur
une chanson enfantine op. 25 (1914), où
le piano soliste égrène le Ah, vous dirai-je
Maman mozartien. Ici, Dohnanyi s’amuse
au collage, opposant Wagner à Mozart, et
cite tour à tour des références amicales de
Brahms (1er Concerto pour piano, finale de
la 4e Symphonie), des valses viennoises et la
Boîte à joujoux de Debussy. La pantomime
le Voile de Pierrette (1908-1909), les trois
opéras Tante Simone, la Tour du voïvode,
le Ténor ne sont toutefois pas exempts de
longueurs.
Son oeuvre de piano, qu’il enregistra en
1956, permet de saisir l’art d’un musicien
au métier brillant, solide, mais que les
problèmes de construction embarrassent.
Ayant trop cherché le secret de la forme
classique chez Brahms, sa propre écriture
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
306
est hésitante et ne devient naturelle que
dans les pièces d’allure rhapsodique où le
compositeur retrouve les réflexes du Hongrois improvisateur, la couleur, la rythmique et la respiration propres à une tradition austro-hongroise alliant Schubert,
Brahms et les Tziganes.
DOIGTÉ.
Choix des doigts à employer pour l’exécution d’un trait sur un instrument à
clavier, à cordes frottées ou pincées, à
trous, à clés ou à pistons. Ce choix, dont
l’importance est considérable pour la facilité, voire la possibilité du jeu, est souvent
suggéré à l’instrumentiste par des annotations chiffrées. On comprend que les
partitions destinées à des amateurs ou des
débutants soient beaucoup plus chargées
de semblables indications que celles qui
s’adressent à des professionnels, en pleine
possession de leur technique instrumentale. La densité des indications de doigté
dépend aussi de la nature de l’instrument : faible dans le cas des instruments
à vent qui ne laissent à l’exécutant qu’un
choix très limité, elle est nécessairement
plus forte et plus utile pour les instruments à cordes, qui offrent maintes façons
d’émettre la même note, et, bien entendu,
pour le piano.
DOÏNE ou DOÏNA.
D’origine vraisemblablement orientale,
la doïna proprement dite appartient au
folklore roumain et consiste en de courtes
formules plus ou moins fixées dans une
échelle diatonique limitée, sur lesquelles
l’interprète improvise et bâtit une mélodie. Très proche, par certains côtés, de la
psalmodie liturgique, elle s’en éloigne cependant en faisant intervenir au milieu du
style syllabique de brusques ornements,
vocalises et gloussements, et en alternant
sections chantées et sections parlées. À
cause de son caractère lent et mélancolique, on baptise maintenant doïna toute
pièce musicale ayant ces caractéristiques
(« chant long », plaintif), quelle qu’en soit
sa structure. Depuis longtemps l’un des
principaux attributs du folklore roumain,
elle a, dès le XIXe siècle, intéressé les compositeurs (on en relève des exemples, en
1850, dans les Airs nationaux roumains
de Henri Ehrlich, élève de Chopin). Mais
c’est Bartók qui, le premier, en a fait une
étude détaillée (Volksmusik der Rumänen
von Marameresch). La doïna a, depuis lors,
fait son entrée dans la musique classique
roumaine avec les cahiers de Doïne de
Stan Golestan et par l’influence qu’elle a
exercée sur les oeuvres de compositeurs
comme G. Enesco, par exemple.
DOLCE (ital. : « doux »).
Terme de nuance qui non seulement désigne un jeu piano, mais implique aussi un
caractère mélodieux, gracieux et reposant.
Gabriel Fauré a fait grand usage de cette
indication, notamment dans ses mélodies.
DOLCISSIMO.
Terme de nuance italien signifiant « très
doux ».
DOLENTE (ital. : « douloureux »).
Terme de nuance qui indique un caractère
plaintif, triste et affligé.
On trouve parfois le superlatif dolentissimo.
DOLES (Johann Friedrich), compositeur,
organiste et chef d’orchestre allemand
(Steinbach, Thuringe, 1715 - Leipzig
1797).
Élève de Bach à Leipzig de 1739 à 1742, il
devint cantor à Freiberg en Saxe (1744),
puis cantor à Saint-Thomas de Leipzig
en 1755, comme successeur de Gottlob
Harrer (1703-1755), lui-même successeur de Bach. Il prit son poste en 1756 et
le conserva jusqu’en 1789, date à laquelle
il démissionna. Peu avant (avril 1789), il
fit exécuter devant Mozart, de passage à
Leipzig, le motet de Bach Singet dem Herrn
ein Neues Lied. Comme compositeur, il
écrivit surtout de la musique religieuse.
DOLMETSCH, famille de musiciens et de
musicologues anglais d’origine francosuisse.
Arnold, fils d’un facteur de pianos (Le
Mans 1858 - Haslemere 1940). Il fit ses
études de violon à Bruxelles, avant d’être
nommé professeur, au Dulwich College.
Il s’intéressa tout particulièrement aux
instruments anciens : viole, clavecin, luth.
Après un apprentissage à Boston et à Paris
(Gaveau), il fonda, en 1914, à Haslemere,
sa propre maison de facture d’instruments
dans le but de faire renaître la musique
ancienne. Pour faciliter sa tâche, il donna
des auditions avec l’aide de sa famille,
dont les membres pouvaient constituer un
Consort of Viols traditionnel. Son livre intitulé The Interpretation of the Music of the
17th and 18th Centuries (Londres, 1915)
demeure un ouvrage de référence.
Mabel, danseuse et gambiste (Londres
1874 - id. 1963). Troisième épouse d’Arnold, elle publia des ouvrages sur la danse
en Angleterre, en France, en Espagne et
en Italie.
Leurs enfants, Nathalie (Chicago
1905), Rudolph (Cambridge, Massachusetts, 1906 - en mer 1942) et Carl (Fontenay-sous-Bois 1911), ont joué un rôle
important dans le regain de popularité des
musiques d’autrefois, que ce soit comme
auteurs de livres, comme éditeurs de partitions anciennes ou, encore, comme instrumentistes. Carl Dolmetsch est devenu
un virtuose de la flûte à bec. La firme familiale continue encore à construire toute
une gamme d’instruments anciens (flûtes
à bec, violes, luths, clavecins, etc.).
DOMAINE MUSICAL.
Concerts fondés en octobre 1954 par
Pierre Boulez.
Le Domaine musical constitue dans
l’histoire de ces trente dernières années un
événement culturel tout à fait exceptionnel ; de par les options esthétiques qui y
ont été défendues, il se situe d’emblée sur
un terrain expérimental, vouant ses efforts
à la connaissance et la diffusion de la jeune
musique, en marge de la musique officielle.
Sans doute a-t-il bénéficié d’un contexte
propice, l’impulsion d’après-guerre. Sa
création est d’ailleurs contemporaine de
tout un mouvement extrêmement actif
qui se traduit par l’apparition de grands
festivals, et, notamment, celui de Darmstadt ; dans toute l’Europe, en effet, se manifeste un courant dynamique en faveur
de la musique la plus récente : d’importantes responsabilités sont confiées à de
très jeunes compositeurs dont les oeuvres
font l’objet de fréquentes créations. Après
la cassure provoquée par le second conflit
mondial, un véritable renouveau de la
musique est désormais possible grâce à la
jeune génération de musiciens.
Ce qui caractérise plus spécifiquement
le Domaine musical, c’est d’être une structure permanente dans laquelle peut se
dérouler, de manière continue, une véritable action musicale définie en fonction
d’objectifs précis, de visées esthétiques à
vocation didactique.
Il n’est pas sans signification que le
projet ait pris naissance hors du milieu
musical. Due à l’initiative d’Arthur Honegger, la rencontre de Pierre Boulez et de
Jean-Louis Barrault en 1945 représente les
prémices de l’aventure ; engagé pour un
spectacle de la compagnie Renaud-Barrault, Pierre Boulez en devient rapidement
le directeur de la musique. Déjà l’idée de
fonder un lieu qui pourrait accueillir la
musique contemporaine est en germe ;
elle se concrétise en 1953 lorsque Simone
Volterra fait construire le petit théâtre
Marigny. L’année suivante, le Domaine
musical est officiellement créé, sous la présidence de Suzanne Tézenas, qui lui assure
une autonomie financière fondée sur un
mécénat.
D’emblée, Pierre Boulez déclare son
intention de faire connaître une musique
qui ne soit pas celle des milieux officiels,
qui se situe délibérément à l’écart des
chapelles ; il s’agit avant tout, pour lui, de
« créer des concerts pour qu’une communication se rétablisse entre les compositeurs de notre temps et le public intéressé
à la promotion de son époque ». Organiser des concerts consiste moins à monter
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
307
des spectacles qu’à rendre compte d’une
musique vivante, en évolution, et à faire
participer le public à son dynamisme.
Aussi, ce qui est apparu à certains comme
un manque d’objectivité, une sélection
arbitraire dans le choix des programmes,
résulte en réalité d’une prise de position qui d’ailleurs ne variera pas jusqu’au départ de Pierre Boulez - très nette à l’égard
de la diffusion musicale. Les objectifs du
Domaine musical sont définis en fonction
de critères précis : cerner la problématique
musicale contemporaine, la privilégier
sans toutefois exclure systématiquement
les musiques de référence. Car si, à cette
époque, Pierre Boulez, comme plusieurs
de ses contemporains, adopte une position de refus radical vis-à-vis des musiques du passé, de tout héritage musical,
y compris celui pourtant fort subversif de
Webern, le Domaine musical se doit, dans
la sélection de ses concerts, d’échapper à
tout parti pris stylistique ou esthétique qui
contredirait l’intention didactique. Toutefois, les oeuvres proposées au public sont
choisies en fonction d’une conception
linéaire de l’histoire de la musique afin de
pouvoir mettre en évidence ce qui, dans
les musiques du passé, a présenté « une résonance plus particulièrement actuelle »,
décelé des rapports, des filiations possibles. Trois types d’oeuvres, correspondant à trois époques, sont ainsi présentés :
des oeuvres anciennes de référence faisant
partie d’un moment de l’histoire qui ne
cesse pourtant de nous concerner, tel
notamment l’Art de la fugue ; des oeuvres
du XXe siècle inconnues en France pour
des raisons politiques, comme celles des
musiciens de l’école de Vienne, Schönberg, Berg et Webern ; enfin les musiques
de jeunes compositeurs (H. Pousseur,
K. Stockhausen, B. Maderna, L. Nono,
A. Boucourechliev, G. Amy, etc.), qui
peuvent désormais disposer d’un lieu privilégié pour leurs créations, assurés par
ailleurs d’excellentes interprétation et
direction.
En effet, la précision apportée à la préparation des programmes s’accompagne
d’exigences extrêmes sur le plan de la qualité d’exécution, le Domaine musical se
voulant « à l’abri des reproches d’incompréhension et d’amateurisme », et y réussissant en faisant appel à des chefs tels que
Stravinski, Scherchen ou Craft.
Cependant, malgré l’importance qu’a
pu revêtir le Domaine musical, le rôle
indéniable qu’il a assumé tout au long de
ces années, il est également certain que le
manque d’éclectisme qui lui a été reproché, à tort au début, contribue, au fur et
à mesure, à sa sclérose ; le dynamisme du
départ s’est probablement effrité alors que
disparaît l’intention qui l’a provoqué, le
souci de rendre compte d’un présent en
mutation, et que se substitue progressivement à ce qui a été une aventure expérimentale, une institution au conformisme
d’une avant-garde officialisée, d’où a
été désormais abolie toute initiative de
recherche, de renouveau. Lorsque Pierre
Boulez quitte le Domaine musical en 1967,
Gilbert Amy en reprend la direction ;
mais ses activités cessent définitivement
en 1973. En 1992 est paru le livre de Jesus
Aguila le Domaine musical - Pierre Boulez
et vingt ans de création contemporaine.
DOMINANTE.
Degré qui, dans un mode donné, assume
après la tonique le principal rôle structurel, en constituant soit un point d’appui
provisoire, soit un point de départ vers la
tonique conclusive.
1. La musique grecque, articulée sur le
tétracorde, ignore la notion de dominante, encore que la borne aiguë (la) de
son tétracorde principal mi-la, dite la
mèse, joue un rôle analogue en préparant souvent la chute conclusive sur le
mi final. La musique grégorienne n’en
dégage la notion que progressivement, et
attend le XVIIIe siècle pour lui donner le
nom de « dominante » par analogie avec
la musique classique : le nom médiéval est
teneur (lat. tenor) ou corde de récitation,
rappelant que c’est sur elle que, dans la
psalmodie, se récite le texte (sur les dominantes modales grégoriennes, ! MODE).
2. Les dominantes grégoriennes, qui ne
faisaient pas intervenir le concept harmonique, se situent en principe à la quarte
de la finale tonique pour les modes plagaux, à la quinte pour les modes authentes
(avec déplacement respectif à la tierce ou
à la sixte lorsqu’elles tombaient sur le si,
note mobile dont le « roman » a fait couler
beaucoup d’encre depuis le Moyen Âge).
3. En leur donnant une signification harmonique (d’où les cadences dites plagales
et parfaites), la musique tonale a réservé le
nom de dominante à la seule quinte, mais
la théorie n’en a été fixée qu’à partir de
Rameau, qui emploie encore le terme de
dominante tonique.
En musique classique, depuis ce temps,
le mot dominante désigne exclusivement le cinquième degré du ton, et seulement lorsqu’il est à la fois quinte juste
et employé en fonction harmonique : par
exemple, en do, la dominante est sol, mais
on considère sol comme dominante dans
un accord sol-si-ré, et non pas dans un
accord do-mi-sol.
DOMINGO (Placido), ténor espagnol
(Madrid 1941).
Installé à l’âge de huit ans au Mexique
avec ses parents, il a fait ses études musicales au conservatoire de Mexico et a
débuté en 1961, à l’opéra de Mexico, dans
le rôle d’Alfredo de La Traviata de Verdi.
C’est surtout à partir de 1968, à la suite de
triomphes remportés à l’opéra de Ham-
bourg et au Metropolitan de New York,
où il avait fait ses débuts en 1966, que sa
renommée internationale a pris de l’ampleur. Son vaste répertoire couvre l’opéra
italien, de Bellini à Puccini, certains rôles
français (Carmen, Samson et Dalila, Werther) et certains rôles wagnériens. Sa voix
est celle d’un ténor lyrique, souple mais
particulièrement solide, capable d’aborder
des emplois de ténor dramatique comme
Othello dans l’opéra de Verdi. Son phrasé
élégant et noble, son sens d’un pathétique
sobre, ses qualités d’acteur rendent particulièrement heureuses ses interprétations
de héros de Verdi et de Puccini. Musicien
complet, il est parfois monté au pupitre de
chef d’orchestre.
DONATO (Baldassare), compositeur italien ( ? v. 1530 - Venise 1603).
Organiste et chantre apprécié, toute sa
carrière fut liée à Saint-Marc de Venise.
Maître de la Cappella piccola de 1562 à sa
suppression par Zarlino en 1565 (Donato
en garda un vif ressentiment), puis maître
de chant au séminaire de Saint-Marc, il devint enfin maître de chapelle de la célèbre
basilique à la mort de Zarlino en 1590. Il
poursuivit néanmoins son enseignement
au séminaire. Auteur de plusieurs livres
de madrigaux et de motets religieux publiés chez Gardano à Venise, Donato dut
surtout sa réputation de compositeur à
ses villanelles aux rythmes dansants alla
napolitana qui respectent la structure traditionnelle à quatre voix.
DONATO DA FIRENZE (da Cascia), compositeur italien (XIVe s.).
On ne sait pratiquement rien de sa vie.
Les seules de ses compositions qui aient
été conservées sont quatorze madrigaux
à deux voix, un madrigal à trois voix et
une ballata et un virelai à deux voix. La
plupart des poèmes mis en musique sont
anonymes. Parmi les madrigaux, on en
connaît trois de Niccolò Soldanieri, un
d’Antonio degli Alberti et un d’un certain
Rigo Belondi. Sa relation avec les poètes
précités et la prédominance d’oeuvres à
deux voix permettent de situer sa période
d’activité musicale entre 1355 et 1375, au
sein de l’Ars nova florentine. Son style,
parfois assez proche de celui de Lorenzo
Masini et de Giovanni da Cascia, se distingue par un traitement élaboré de la
ligne mélodique, aux nombreux mélismes,
et par la déclamation du texte, échelon-
née entre les voix, qui rappelle un peu la
technique de la caccia. Ce phénomène est
encore plus sensible dans le madrigal à
trois voix, Faccia chi de, se’ l po, dont les
deux voix procèdent en canon.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
308
DONATONI (Franco), compositeur italien (Vérone 1927).
Il a commencé le violon à sept ans, et,
encouragé par son premier maître Piero
Bottagisio, s’est consacré entièrement à
la musique dès la fin de ses études secondaires. Il a obtenu à Bologne des diplômes
de chef de choeur (1950) et de composition (1951), a suivi jusqu’en 1953 les
cours d’Ildebrando Pizzetti à Rome, puis
a enseigné l’harmonie et le contrepoint
au conservatoire de Bologne. Il a occupé
un poste analogue au conservatoire Giuseppe-Verdi de Milan (1955-1967), puis a
été nommé professeur de composition au
conservatoire G.-Verdi de Turin (1968)
et à celui de Milan (1969). Il enseigne
depuis 1970 la composition aux cours
d’été de l’Académie de Sienne (Accademia
musicale Chigiana) et a succédé, en 1978,
à Goffredo Petrassi à la chaire de composition de l’Académie Sainte-Cécile de
Rome. Il a rencontré Bruno Maderna en
1953 et participé aux cours de Darmstadt
en 1954, 1958 et 1961.
Donatoni est passé brusquement, vers
1957-58, d’un langage postbartokien
avancé aux préoccupations alors les plus
urgentes et n’a pratiquement pas connu
de phase postsérielle stricte. Ses oeuvres
de maturité, jusqu’en 1977 exclusivement instrumentales, développent des
principes d’inspiration sérielle tout en
utilisant des procédés de hasard liés à un
symbolisme très personnel dans le jeu des
chiffres. Dans les plus anciennes, comme
For Grilly, improvisation pour 7 musiciens (1960), ou Sezioni pour orchestre
(1961), l’influence de Cage est assez nette,
et le hasard est vécu comme une sorte de
renonciation au jeu de l’écriture. Suit une
période qualifiée par le compositeur de
« retrouvailles avec le matériau » et inaugurée par Puppenspiel 2 pour flûte et orchestre (1965), « acte d’émancipation des
automatismes compositionnels, libération
incontrôlée du matériau ». Naissent alors
plusieurs ouvrages fondés sur la préexistence d’un matériau externe, voire historique : Souvenir (Kammersymphonie opus
18), créé au festival de Venise 1967 et dont
le matériau d’origine comprend 363 fragments de Gruppen de Stockhausen ; Etwas
ruhiger im Ausdruck pour flûte, clarinette,
violon, violoncelle et piano (1967), dont le
matériau de base est emprunté à la 8e mesure du 2e morceau de l’opus 23 de Schönberg ; le chef-d’oeuvre qu’est Solo pour
10 cordes (1969) ; Doubles II pour grand
orchestre (1970) ; Secondo Estratto pour
harpe, clavecin et piano (1970) ; Quarto
Estratto pour 8 instruments (1974).
Dans une troisième période, le hasard
est vécu comme expérience directe et
comme confrontation immédiate au
chaos, par exemple avec To Earle Two
pour 2 orchestres (1971-72), « composition funéraire, déprimante, dépressive,
sépulcrale, exercice sur la matière inerte,
abstention à l’égard de la forme » (Donatoni). On assiste enfin à un retour insolite
de certaines polarisations harmoniques ou
formelles : évocations du motif B. A. C. H.
dans Voci pour grand orchestre (1972-73),
alternances strophiques dans Lied pour
13 instruments (1972), où est élaboré un
matériau sonore issu d’une oeuvre de Sinopoli. Dans Espressivo composition pour
hautbois, cor anglais et grand orchestre
(1973-74), une seule hauteur sonore est
mise en évidence.
Parmi les ouvrages les plus récents
de Donatoni, il faut citer Lumen pour 6
instruments (1975), Portrait pour clavecin et orchestre (1976-77), Diario 1976
pour 4 trompettes et 4 trombones (1977),
Spiri pour 10 instruments (1977), De près
pour voix de femme, 2 octavins et 3 violons (1978), ... ed insieme bussarono pour
voix de femme et piano (1978), Arie pour
voix de femme et orchestre (1978-79),
The Heart’s Eye pour quatuor à cordes
(1979-80), le Ruisseau sur l’escalier pour
19 instruments et violoncelle solo (1980),
L’Ultima Sera pour voix de femme et 5
instruments (1980-81), Tema pour 12
instruments (1981), Feria pour 5 flûtes,
5 trompettes et orgue (1981), Lame pour
violoncelle (1982), Abyss pour voix grave
de femme, flûte basse et 10 instruments
(1983), Ombra pour clarinette contrebasse
(1983), l’opéra Atem (Milan 1985), Sestetto
pour sextuor à cordes (1985), Eco pour or-
chestre de chambre (1986), Arpèges pour
6 instruments (créé en 1987), Midi pour
flûte (1989).
DONAUESCHINGEN (festival de).
Important festival de musique contemporaine depuis plus d’un demi-siècle,
le festival de Donaueschingen a connu
deux périodes bien distinctes. À partir
de l’été 1921 se déroule, sous l’égide du
prince Egon de Fürstenberg, un festival
de musique de chambre consacré à la production d’avant-garde. De 1921 à 1926,
ce festival a lieu à Donaueschingen, petite
ville thermale du sud de l’Allemagne (Forêt-Noire). Au cours des différentes saisons sont jouées, entre autres, des pages de
Paul Hindemith, Richard Strauss, Ferruccio Busoni, Alois Haba, Philipp Jarnach,
Arnold Schönberg, Alban Berg, Anton
Webern, Béla Bartók, Ernst Krenek. Le directeur musical est Heinrich Burckhardt.
Le rayonnement déjà considérable de ce
premier festival sert d’impulsion déterminante pour la création d’une section
de musique contemporaine au festival de
Salzbourg et pour la formation de la Société internationale de musique contemporaine (S. I. M. C.). En 1927, le festival
se transporte à Baden-Baden. Quelques
années plus tard, le nazisme va faire disparaître en Allemagne, pour plusieurs
années, toute activité prospectrice dans le
domaine de la musique vivante.
Ce n’est qu’en 1950, sous l’impulsion
de la radio de Baden-Baden (Südwestfunk)
et du critique et musicologue allemand
Heinrich Strobel (1898-1970), que le
festival de Donaueschingen connaît une
seconde naissance et prend une ampleur
extraordinaire.
Traditionnellement organisée le deuxième ou le troisième week-end d’octobre,
cette manifestation a, dès lors, suscité la
découverte et entraîné l’éclosion de la
presque totalité des créations contemporaines les plus significatives. Heinrich Strobel en assume la responsabilité
artistique entre 1950 et 1970. C’est sans
conteste la plus grande période de gloire
de Donaueschingen. Otto Tomek lui succède jusqu’en 1975. À partir de cette date,
Josef Häusler assure la direction artistique
générale (le critique de jazz Joachim Ernst
Berendt s’occupe plus particulièrement de
la partie réservée au jazz). Le prince Joa-
chim de Fürstenberg est président d’honneur. L’organisation et la régie technique
sont assurées par la ville de Donaueschingen et par la radio de Baden-Baden (Südwestfunk). Entre 1950 et 1970, le festival
de Donaueschingen est reconnu dans le
monde entier comme le symbole même du
festival audacieux et novateur. Il joue un
rôle fondamental dans la découverte des
voies nouvelles de la musique. Homme à
l’indépendance intellectuelle et esthétique
rare, Heinrich Strobel a été le principal artisan de cette réussite. Nombre d’oeuvres
importantes ont vu leur création mondiale à Donaueschingen. Mais, outre ces
créations, le festival a permis depuis près
de quarante ans la création européenne
d’un nombre tout aussi remarquable de
partitions, des dernières pages d’Igor
Stravinski aux premiers ouvrages des plus
jeunes générations.
DONI (Antonio Francesco), musicographe italien (Florence 1513 - Montselice, près de Padoue, 1574).
Auteur de nombreux ouvrages, dont trois
sont consacrés à la musique (notamment
le Dialogo della musica, publié à Venise en
1544), il fournit des renseignements sur la
vie musicale dans cette ville. Doni illustre
son propos à l’aide d’une sélection de madrigaux de différents compositeurs. Dans
les autres livres (Prima Libraria, 1550,
Seconda Libraria, 1551), il donne une intéressante liste des accademie actives en Italie à son époque et essaie pour la première
fois d’établir une bibliographie musicale.
DONIZETTI (Gaetano), compositeur italien (Bergame 1797 - id. 1848).
Issu d’une famille pauvre, il fut reçu à
neuf ans à la Scuola caritatevole di musica
(« École charitable de musique »), fondée
par Mayr dans sa ville natale, il y apprit le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
309
clavecin et la composition et dut à l’intérêt que lui témoigna son maître, ainsi qu’à
son soutien financier, de pouvoir compléter ses études à Bologne sous la conduite
du père S. Mattei. Afin de venir en aide à
sa famille, il s’engagea dans l’armée, mais
ses premières réussites de compositeur
lui permirent bien vite de s’en libérer.
Son oeuvre Enrico di Borgogna l’avait fait
connaître en 1818, mais ce fut Zoraide di
Granata (1822) qui lui valut son premier
succès réel. Mieux accueilli à Naples et
dans l’Italie méridionale que dans sa Lombardie natale, Donizetti fit jouer - dans
les genres bouffe, semi-seria et seria - une
trentaine d’oeuvres, qui, tout en révélant
un talent affirmé, le laissaient néanmoins
dans l’ombre de Rossini, dont Bellini, son
cadet de quatre ans, semblait déjà lui ravir
l’héritage. La gloire véritable ne lui vint
qu’en 1830 avec Anna Bolena, oeuvre habilement démarquée du Pirate de Bellini,
mais qui, dans l’interprétation de la Pasta
et du ténor G. B. Rubini, lui valut la faveur
des Milanais. Cette faveur se confirma en
1832 avec l’accueil réservé à son Élixir
d’amour. Donizetti donna alors ses grands
chefs-d’oeuvre tragiques - drames romantiques ou historiques tels que Torquato
Tasso, Lucrezia Borgia, Maria Stuarda,
Lucia de Lammermoor, Roberto Devereux,
etc. La disparition prématurée de Bellini
lui laissa le champ libre, mais la direction
du conservatoire de Naples n’en échut pas
moins à Mercadante, à une période où il
connut de grands malheurs, perdant subitement sa femme après ses parents et ses
trois enfants. Recommandé par Rossini, il
vint à Paris en 1838 et y donna, en langue
française, la Fille du régiment, la Favorite et
les Martyrs en 1840, avant d’être nommé
compositeur impérial à Vienne où il présenta Linda di Chamounix et Maria di
Rohan. Il revint à Paris donner Dom Sébastien et Don Pasquale (1843), mais le travail
incessant auquel il s’était adonné, les chagrins et une vie dissolue eurent raison de
ses forces et le conduisirent à de graves
désordres mentaux, puis à la paralysie
nerveuse. Interné à Ivry en janvier 1846,
il regagna Bergame et s’y éteignit après
quelques mois de souffrances.
La gloire de Donizetti, comme le mépris qui s’ensuivit, ne reposa longtemps
que sur la connaissance restreinte de son
oeuvre. Vers 1930, mais surtout depuis
1955, la redécouverte d’un romantisme
européen fondé sur d’autres valeurs que
celles de la culture germanique a permis de
rendre à Donizetti sa véritable place dans
l’évolution de l’opéra. Sans doute l’abondance d’une production qui comprend
plus de soixante-dix oeuvres lyriques, de
la musique sacrée, instrumentale, etc., at-elle nui à l’homogénéité de son oeuvre,
dont les pages essentielles suffisent néan-
moins à mesurer la qualité d’un talent
confinant au génie véritable. Sa formation
extrêmement poussée, sa connaissance
de Haydn, Mozart et Gluck lui permirent
de se démarquer peu à peu et de laisser
libre cours à sa personnalité véritable. Des
livrets plus soignés, la bonne perception
de situations tragiques (où l’influence de
Bellini se fit longtemps sentir, Lucia de
Lammermoor devant tout aux Puritains,
qui la précédèrent de peu), et le conflit
romantique de l’amour impossible lui inspirèrent un langage plus fort et un traitement plus énergique de la voix chantée
qui jetait un pont entre l’inspiration aristocratique de Bellini et la veine sanguine
et populaire de Verdi. Nous trouvons en
effet chez Donizetti à la fois les effusions
pathétiques de Lucie, de Maria di Rohan,
d’Elisabetta dans Roberto Devereux, de
Pauline dans les Martyrs et d’autre part les
élans si profondément humains de cette
même Elisabetta, d’Anna Bolena, ceux
d’Edgardo dans Lucie et de Fernand dans
la Favorite. En même temps se profilent
tous les aspects du baryton naissant, tour
à tour noble et amoureux (Dom Sébastien,
la Favorite), ou d’une « méchanceté » dont
les éclats eussent été parfaitement impensables avant 1830 (Lucia de Lammermoor).
Enfin, dernier grand auteur comique de
l’histoire de l’opéra italien, Donizetti parvint à renouveler le genre avec Il Campanello ou Betly et à écrire, avec l’Élixir
d’amour, un chef-d’oeuvre du genre semiseria où un pathétique sincère voisine avec
les meilleures inventions d’un comique
purement musical.
DOPPIO (ital. : « double »).
Doppio più lento : deux fois plus lent.
Doppio movimento : deux fois plus vite
(mouvement double).
DORATI (Antal), chef d’orchestre américain d’origine hongroise (Budapest
1906 - Gerzensee, Suisse, 1988).
Élève, notamment, de Bartók et de Kodály, il monte dès l’âge de dix-huit ans au
pupitre de l’opéra de sa ville natale. Il collabore ensuite avec Fritz Busch à l’opéra
de Dresde (1828-29), puis est nommé à
Münster (1929-1932). En 1933, son engagement aux Ballets russes de Monte-Carlo
marque un tournant dans sa carrière ;
jusqu’en 1945, passant d’une compagnie
à l’autre, il se consacre presque uniquement au ballet, dont il enrichit d’ailleurs
le répertoire en composant, d’après Johann Strauss, la partition de Graduation
Ball. Depuis, plusieurs grands orchestres,
américains, entre autres, se sont successivement attaché Antal Dorati en qualité
de directeur artistique : celui de Dallas jusqu’en 1949, celui de Minneapolis
jusqu’en 1960, l’Orchestre symphonique
de Londres, puis l’Orchestre symphonique
de la BBC de 1962 à 1966, les orchestres
philharmoniques d’Israël et de Stockholm
(1966-1970), le National Symphony Orchestra de Washington (1970-1977), le
Royal Philharmonic Orchestra de Londres
(1975-1978), et, enfin, l’Orchestre symphonique de Detroit (1977-1981). Son
style se caractérise par un grand sens de la
couleur et du rythme. Son vaste répertoire
va de Haydn à Bartók, Stravinski et Gerhard en passant notamment par Dvořák.
Dorati a consacré à Haydn un monument
discographique sans précédent, avec ses
enregistrements de la plupart des opéras,
de tous les oratorios et de toutes les symphonies de ce compositeur.
DORET (Gustave), compositeur et chef
d’orchestre suisse (Aigle, canton de
Vaud, 1866 - Lausanne 1943).
Ayant fait ses premières études musicales auprès du violoniste Joachim, il fut
ensuite, à Paris, l’élève de Marsick pour
le violon, de Théodore Dubois et de
Massenet pour la composition. En 1893,
il devint chef d’orchestre aux concerts
d’Harcourt, où il dirigea, entre autres,
des programmes historiques consacrés
aux polyphonistes de la Renaissance, et
à la Société nationale. Dès ses premières
compositions (Voix de la patrie, cantate,
1891) se révéla sa passion pour l’art et le
folklore helvétiques. Il écrivit, par la suite,
de nombreuses musiques de scène pour
les pièces de René Morax, que l’on représentait au théâtre de verdure du Jorat, à
Mézières, où, dans une atmosphère populaire, s’épanouissait l’âme de la Suisse
romande. Préoccupé par le rôle social de
la musique, il s’intéressa à l’art choral. Ce
sont les caractères et les aspirations de la
terre romande qu’il évoque dans presque
toutes ses oeuvres : ses choeurs, sa Cantate
du centenaire, ses mélodies qui s’appuient
sur le folklore, ses pages symphoniques
très descriptives comme le triptyque
Gaudria et ses ouvrages lyriques comme
les Armaillis (1906) ou la Tisseuse d’orties
(1926). Gustave Doret a également laissé
divers écrits sur la musique, dont Temps et
Contretemps (Fribourg, 1942).
DORIA (Renée), soprano française (Perpignan 1921).
Après des études d’harmonie, elle fait ses
débuts à l’Opéra de Marseille en 1942. En
1944, elle débute à l’Opéra-Comique dans
Lakmé, puis en 1947 à l’Opéra de Paris, où
elle chante la Reine de la Nuit. Sa carrière
exemplaire fait d’elle une des chanteuses
françaises les plus populaires des années
1940 et 1950. Elle a triomphé dans plus
de soixante rôles, aussi bien dans les opéras de Mozart que dans les Contes d’Hoffmann, le Dialogue des carmélites de Poulenc et l’Heure espagnole de Ravel.
DORIEN.
Les Doriens constituaient une peuplade
du sud de la Grèce continentale (au
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
310
N.-O. d’Athènes), qui donna son nom à
une échelle, puis à un ton de la musique
grecque antique, ultérieurement au premier mode de la musique grégorienne et
enfin, selon les écoles, au mode de ré, de
do ou de mi dans la musique modale harmonique.
L’échelle dorienne primitive nous est
connue par un musicographe du IIe siècle,
Aristide Quintilien. Elle correspondait à
l’échelle enharmonique normale de l’octocorde, avec un degré supplémentaire au
grave, et c’était explicitement à elle que,
selon cet auteur, Platon faisait allusion
lorsque, dans la République, il recommandait l’harmonie dorienne comme noble et
grave, propre à exalter les vertus civiques.
On en déduit que la musique dorienne devait avoir un tel caractère et se tenait dans
une tessiture relativement grave. Quand
s’élabora la théorie des tons de hauteur,
le nom de dorien fut donné au ton le plus
grave : un ton au-dessus venait le phrygien, puis le lydien. Plus tard on ajouta le
mixolydien, puis le système s’accrut progressivement jusqu’à 7 ou 8 tons d’abord
(7 pour Ptolémée ; 8 pour Boèce), 15 tons
ensuite. Ces tons ayant principalement
pour objet l’accord de la lyre, on se fonda
sur la lyre octocorde, et on donna à chaque
accord de cette lyre le nom du ton auquel
renvoyait cet accord lorsque, de l’intervalle utilisé, on remontait au son d’origine de la gamme commune. Ce furent les
noms topiques des espèces d’octave.
Ils n’ont eu qu’une existence éphémère,
mais, par la confusion qu’ils ont introduite
entre les « tons » et les « harmonies », baptisés « modes » par les musicologues du
XIXe siècle, ils ont induit ceux-ci dans une
erreur qui n’est pas encore dissipée de nos
jours. Ce fut dans cette seule nomenclature que l’octave de mi prit le nom d’octave dorienne, ce qui incita à tort l’helléniste Westphal, et, à sa suite, Gevaert et M.
Emmanuel, à définir le dorien comme un
mode de mi et à lui donner dans la théorie
une prééminence factice.
Au IXe siècle de notre ère, un traité anonyme, dit Alia musica, en commentant
Boèce, qui donnait une liste de 8 noms
topiques des tons de la musique grecque,
crut que cette liste s’appliquait aux 8 tons
du plain-chant ; il en recopia la nomenclature sous celle des 8 tons d’église ;
c’est ainsi que le premier ton (ou mode)
ecclésiastique, qui est un mode authente
de ré, puis par extension toute musique
construite sur l’échelle modale de ré, se vit
attribuer arbitrairement le nom de mode
dorien, qu’il a conservé jusqu’à nos jours
en acception commune, bien que concurrencée par les autres interprétations.
Du XVIe au XVIIIe siècle, des théoriciens humanistes, conscients des inconséquences que contenait la théorie des
modes telle que l’avait transmise l’Alia
musica, mais insuffisamment documentés
sur la question, entreprirent de la corriger
à leur manière et introduisirent de nouvelles nomenclatures de leur cru qui ne
firent qu’alimenter la confusion. Ce fut
ainsi que pour Zarlino (1573) le dorien
devint le mode de do, et c’était dans cette
acception qu’il devait être entendu chez
plusieurs compositeurs de cette période.
DORNEL (Antoine), organiste et compositeur français ( ? v. 1685 - Paris 1765).
Il fut organiste à Sainte-Madeleine-enla-Cité et à l’abbatiale Sainte-Geneviève
à Paris. En 1725, il succéda à Drouart
de Bousset comme maître de musique à
l’Académie française, pour laquelle il écrivit des motets à grand choeur, aujourd’hui
perdus. Pratiquant, comme François Couperin, la « réunion des goûts » italien et
français, il écrivit un Livre de symphonies
(1709), qui contient six suites en trio de
six à huit pièces chacune. Ses Sonates à
violon seul et ses Suites pour la flûte et la
basse (1711) sont également marquées
par l’influence italienne. Pour le clavier,
il a laissé Quarante-Huit Pièces de clavecin
(1731) et des Pièces d’orgue, dans l’esprit
de Lebègue. Pour la voix, il a composé
quelques Airs sérieux et à boire. Dornel
a également écrit un ouvrage théorique,
le Tour du clavier sur tous les tons (Paris,
1745).
DØRUMSGAARD (Arne), compositeur,
chanteur et écrivain norvégien (Fredrikstadt 1921).
Après des études de piano, d’harmonie
et de contrepoint, il s’est établi en France
(1950) et y a étudié le chant avec Maria
Castellazi (1952-1960). Son oeuvre principale est l’édition des Canzoni scordate,
anthologie de chansons européennes de
1400 à 1900 (Paris 1963).
DORUS-GRAS (Julie), soprano belge
(Valenciennes 1805 - Paris 1896).
Elle étudia au Conservatoire de Paris,
mais débuta à Bruxelles en 1825. C’est là
que, en 1830, elle incarnait Elvire lors de
la fameuse représentation de la Muette de
Portici d’Auber qui déclencha la révolte
des Pays-Bas. Engagée à l’Opéra de Paris,
elle créa les rôles d’Alice dans Robert le
Diable de Meyerbeer (1831) et de la reine
Marguerite dans les Huguenots (1836).
Sa voix était celle d’un soprano aigu au
timbre flexible, dont la virtuosité était
remarquable.
DOUBLE.
1. Nom quelquefois donné, au Moyen
Âge, au rapport de fréquence 2/1, c’est-àdire à l’octave. Le mot est alors au féminin
(s.-e. « proportion »).
2. Dans la polyphonie médiévale, traduction du latin duplum, qui désigne la
deuxième voix placée au-dessus de la
teneur. Tombé en désuétude au cours du
XIIIe siècle, ce terme fut alors supplanté
par celui de motet (motettus), dont l’évolution a mené vers des acceptions différentes.
3. Dans la musique de luth et dans l’air de
cour et l’air sérieux du XVIIe siècle, puis
jusqu’au milieu du XVIIIe, parfois aussi
dans la musique de clavier (Gavotte et 6
Doubles de Rameau), ainsi que dans l’air
d’opéra de forme ABA dit aria da capo,
reprise ornée du couplet ou de la partie
initiale qui avait été exposée sans ornementation, ou très peu ornée. Les ornementations du double n’étaient souvent
pas écrites : on attendait de l’interprète
qu’il les ajoutât à sa façon et selon ses
propres possibilités, ce qui rend très difficiles les tentatives de restitution, et
condamne les reprises non ornées que
font aujourd’hui, en se fiant au texte
seul, de nombreux interprètes. Pourtant,
quelques échantillons de doubles notés
existent et peuvent être étudiés avec profit. Par exemple, un grand nombre d’airs
de Michel Lambert ont été agrémentés de
doubles ornés de sa main, sans doute afin
d’enseigner cette technique à ses élèves.
DOUBLÉ (double cadence, brisé, tour de
gosier).
Nom donné au gruppetto par les clavecinistes français du XVIIe siècle et employé
dans la musique vocale et instrumentale
des XVIIe et XVIIIe siècles surtout. Il se présente comme un S couché, posé au-dessus
de la note ornée, laquelle doit être exécutée entourée de ses secondes supérieure et
inférieure. Si l’un des sons est altéré, on
l’indique en plaçant l’altération en question au-dessus ou au-dessous du doublé.
On peut commencer le doublé ou gruppetto par la note inférieure :
Mais ce dernier type, quoique mentionné par Brossard (1703) et Walter
(1732), est peu employé par la suite.
DOUBLE BARRE.
Double trait vertical traversant toute la
portée et suivant la dernière mesure d’une
oeuvre ou d’une partie d’oeuvre. La double
barre accompagne aussi un changement
de mesure ou d’armature. Précédée , ou
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
311
suivie , de deux points, elle indique la reprise de la partie d’oeuvre située du côté
des points.
DOUBLE BÉMOL.
Signe d’altération abaissant de deux demitons une note, c’est-à-dire d’un demi-ton
supplémentaire une note déjà bémolisée
en vertu, ou non, de l’armature de la tonalité.
Ce signe bb, placé devant une note,
demeure valable pendant toute la mesure,
sauf indication contraire.
DOUBLE CHOEUR.
Division de la masse chorale en deux
groupes d’égale importance et de composition semblable, le plus souvent à quatre
voix mixtes (soprano, alto, ténor et basse).
Ce procédé d’écriture a pour effet, non
seulement de doubler le nombre des voix,
mais de leur apporter une dimension supplémentaire par une forme dialoguée de
« question » et de « réponse ».
DOUBLE CONCERTO.
Concerto pour deux instruments solistes
et orchestre (par exemple, le Concerto pour
deux violons de J.-S.
Bach ; le Concerto pour flûte et harpe de
Mozart ; le Concerto pour violon et violoncelle de Brahms).
DOUBLE CORDE.
Technique permettant de jouer simultanément deux notes différentes sur un
instrument à archet, en attaquant à la fois
deux cordes voisines. L’exécution correcte des passages en double corde pose
à la main gauche des difficultés d’autant
plus grandes que le trait est plus rapide,
et constitue sans doute l’élément le plus
spectaculaire de la virtuosité d’un violoniste.
DOUBLE CROCHE.
Note dont la durée est égale à la moitié de
celle d’une croche, le quart de celle d’une
noire.
Le silence de durée correspondante est
le quart de soupir.
DOUBLE DIÈSE.
Signe d’altération haussant de deux demitons une note, c’est-à-dire d’un demi-ton
supplémentaire une note déjà diésée en
vertu de l’armature de la tonalité.
Ce signe en forme d’X, placé devant une
note, demeure valable pendant toute la
mesure, sauf indication contraire.
DOUBLETTE.
Jeu d’orgue de la famille des principaux (
! PRINCIPAL), sonnant à la double octave
de la fondamentale (quinzième, ou harmonique 4).
Son tuyau le plus grave mesure 2 pieds
de haut. La doublette sert à composer le
cornet ; elle est également utilisée dans le
plénum, ou comme jeu de détail.
DOUBLURE.
En matière de théâtre lyrique ou de ballet, artiste qui a suivi les répétitions et
qu’on tient en réserve, sans qu’il figure à
l’affiche, pour remplacer le titulaire d’un
rôle en cas d’indisposition.
DOUÇAINE.
Instrument médiéval de la famille des
bois.
Son origine reste extrêmement mystérieuse. Guillaume de Machaut le cite
dans le Remède de fortune au XIVe siècle.
Il possédait sans doute la sonorité douce
qui lui a donné son nom. C’était un instrument à anche, mais on ne sait si celle-ci
était simple ou double. Son étendue était
probablement assez réduite (un peu plus
d’une octave), située dans une tessiture de
ténor.
DOUGLAS (Barry), pianiste anglais (Belfast 1960).
Au Royal College of Music de Londres,
il étudie avec John Barstow, et se perfectionne ensuite avec Maria Curcio. En
1983, il est lauréat du Concours international de Tel-Aviv et en 1986 du Concours
Tchaïkovski. Après ses débuts au Carne-
gie Hall de New York en 1988, il est invité
par le Cleveland Orchestra, le Los Angeles
Philharmonic, le Philadelphia Orchestra.
Il effectue plusieurs tournées au Japon et
en Nouvelle-Zélande et se produit dans
toute l’Europe.
DOWLAND, famille de musiciens anglais.
John, luthiste et compositeur (Londres ?
1563 - id. 1626). On ne sait rien de ses premières années ni de sa formation musicale. Après la mort de son père en 1577,
il entra au service de sir Henry Cobham,
qu’il accompagna à Paris lorsque celui-ci
y fut nommé ambassadeur d’Angleterre
(1580). Pendant son séjour dans la capitale française, Dowland se convertit au catholicisme. De retour en Angleterre, il se
maria. L’université d’Oxford lui décerna
le titre de Bachelor of Music (1588), de
même que l’université de Cambridge (av.
1597). Dowland essaya d’obtenir un poste
officiel à la cour, mais sa religion empêcha
cette nomination (« My religion was my
hindrance. »).
Déçu, il décida de partir, d’abord pour
l’Allemagne, sur l’invitation du duc de
Brunswick. De là, après avoir visité les
cours de Wolfenbüttel et de Hesse, il
voyagea en Italie, à Venise où il rencontra
Giovanni Croce qu’il admirait beaucoup,
puis à Padoue, Gênes, Ferrare et Florence.
Il sollicita les conseils de Luca Marenzio à
Rome et publia une des lettres du maître
dans la préface de son First Booke of Songes
or Ayres (1597) ; Marenzio se montra disposé à l’accueillir, mais on ignore si cette
rencontre eut lieu. En tout cas, Dowland
quitta rapidement Florence où des catholiques anglais en exil voulurent le mêler
à un complot contre la reine Élisabeth.
Désireux de revoir sa famille, il écrivit au
chancelier d’Angleterre, sir Robert Cecil,
qui avait signé son permis de voyage. Passant de nouveau par l’Allemagne, il reçut
une lettre de Henry Noel qui le pressait
de rentrer en Angleterre, puisqu’il pouvait enfin y espérer un poste à la cour. Le
destin en décida autrement, et, en 1598, il
fut nommé luthiste du roi Christian IV de
Danemark.
Outre une courte visite en Angleterre
(1604-1605), Dowland demeura à l’étranger jusqu’en 1606, date à laquelle il fut
renvoyé de Copenhague en raison de sa
mauvaise conduite. Entre-temps, il publia
ses deuxième et troisième livres d’Ayres
(1600-1603). Installé à Londres, il devint,
en 1612, l’un des King’s Musicians for
the Lutes et fit paraître la même année sa
dernière oeuvre, A Pilgrimes Solace, recueil
d’airs contenant une pièce sur un texte
italien (Lasso vita mia) et quelques airs de
dévotion admirables. Entre 1622 et 1623,
il entreprit un autre voyage à l’étranger.
Sa réputation de luthiste virtuose et de
chanteur, interprète de ses propres airs,
répandue dans toute l’Europe, finit par
gagner l’Angleterre. À partir de 1621 - il
figura ainsi sur le registre de l’état civil à
Sainte-Anne de Blackfriars -, il eut droit
au titre de Doctor.
Dowland est, sans nul doute, le plus
grand compositeur d’ayres au luth pendant la courte période - 1597-v. 1630 - où
le genre connut une immense faveur en
Angleterre. Si plusieurs courants stylistiques ont marqué son oeuvre, l’ayre est
surtout issu de l’air de cour français que
Dowland avait certainement entendu à
Paris (G. Tessier, P. Guédron), dont des
éditions circulaient aussi outre-Manche
et dont les textes originaux étaient souvent traduits. Comme son modèle, l’ayre
se rattache à la Renaissance et non à la
monodie naissante venue d’Italie. Il peut
être interprété par une voix soliste accompagnée au luth (et à la viole) ou par
un ensemble de violes, ou encore par un
quatuor vocal (Ayres for Four Voices), avec
ou sans accompagnement instrumental,
le choix restant libre. En revanche, dans
le domaine de l’harmonie, Dowland se
montre en avance sur ses collègues français, de même que dans la complexité de
son écriture pour le luth.
En bon humaniste, il se révèle particulièrement sensible à l’atmosphère de
chaque texte qu’il met en musique ; son
génie mélodique et rythmique lui permet
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de traduire chaque vers à la perfection. La
forme de ses ayres est généralement strophique (le chanteur doit introduire un
choix d’ornements discrets selon les sentiments exprimés et afin de varier les autres
strophes) ; parfois, il emploie une mélodie
continue, comme dans In darkness let me
dwell. « Semper Dowland semper dolens »,
il excelle dans les pièces mélancoliques (I
saw my lady weep ; Go crystal tears). Parfois, il compose un air sur un rythme de
danse, par exemple, la gaillarde Awake,
sweet love, thou art returned ; il peut aussi
reprendre, comme bien d’autres, les cris
de la ville (Fine Knacks for Ladies).
Dowland a laissé une quantité de belles
pièces pour luth seul (galliards, pavanes,
fantaisies, etc.), dédiées souvent à des personnalités connues (The Earl of Derby’s
Galliard ; Sir John Smith his Almaine ; Mrs.
Winter’s Jumpe, etc.). Enfin, de 1604 datent
les célèbres Lachrymae, série de 21 danses
à cinq parties avec luth. Mais, malgré la
qualité de cette oeuvre instrumentale, ce
sont surtout les Ayres qui constituent un
événement de première importance dans
l’histoire de la musique vocale.
Robert, luthiste anglais (Londres 1586 - id
? 1641). Fils du précédent, il prit la suite de
son père à la cour de Charles Ier. Il composa quelques pièces pour luth et publia,
en 1610, deux anthologies : A Musicall
Banquet (airs de plusieurs pays dont la
France) et Varietie of Lute-Lessons (pièces
pour luth et deux commentaires sur cet
instrument).
DOXOLOGIE.
Mot grec signifiant « parole de gloire »,
par lequel on désigne, dans les chants et
prières de l’Église chrétienne, des formules de louange simples ou développées,
soit indépendantes, soit accolées à d’autres
pièces, le plus souvent en conclusion.
Pour lutter contre les hérésies hostiles
au dogme trinitaire, notamment l’arianisme au IVe siècle, on multiplia très tôt
les doxologies adressées aux trois personnes divines, telles que le Gloria Patri à
la fin des psaumes, et l’usage de terminer
les chants versifiés par une strophe doxologique, elle aussi trinitaire, se répandit non
seulement pour les hymnes, mais aussi
pour de nombreuses autres pièces.
DOYEN (Jean), pianiste et compositeur
français (Paris 1907 - id. 1982).
Élève, au Conservatoire de Paris, de L.
Diémer et de M. Long, il obtint son premier prix de piano en 1922. Il étudia
ensuite le contrepoint et la fugue avec
Georges Caussade, et la composition, avec
Paul Vidal et Henri Busser. En 1937, il
reçut le prix Gabriel-Fauré. En 1941, il fut
nommé professeur de piano au Conservatoire de Paris, succédant à Marguerite
Long. Artiste racé, il est l’un des plus
grands interprètes de la musique française de la fin du XIXe siècle et du début
du XXe, et, par-dessus tout, de Fauré et
Ravel. Il est, d’autre part, l’auteur d’une
Suite pour quatuor à cordes, d’un Concerto
pour piano et orchestre, de Rondels pour 4
voix mixtes a cappella, d’un Requiem et de
Marine, pour quatuor à cordes et quatuor
vocal féminin.
DRAESEKE (Felix August Bernhard),
compositeur allemand (Coburg 1835 Dresde 1913).
Après des études au conservatoire de
Leipzig, il se lia aux milieux lisztiens, occupa des postes à Berlin et à Dresde, puis
enseigna le piano à Lausanne (1863-1874)
et à Genève (1875). Rentré en Allemagne
en 1876, il devint, en 1884, professeur de
composition au conservatoire de Dresde.
D’abord influencé par Liszt et Wagner,
il s’orienta ensuite comme compositeur
vers une sorte de néoclassicisme qui lui
fit écrire, en 1906, un violent article polémique contre Richard Strauss (Die Konfusion in der Musik). On lui doit notamment
quatre symphonies, dont Tragica (no 3,
1886) et Comica (no 4, 1912), de la musique de chambre et pour piano dont une
Sonata en ut dièse mineur (1862-1867),
des oeuvres vocales dont les trois oratorios Christi Weihe, Christus der Prophet et
Tod und Sieg des Herrn (1895-1899), et des
opéras parmi lesquels König Sigurd (18531857), Herrat (1877-1879), Gudrun (18791884) et Merlin (1900-1905).
DRAGHI, famille de musiciens italiens.
Antonio, compositeur (Rimini 1635 Vienne 1700). Auteur d’opéras prolifique,
il fut également chanteur et poète. Il
mena à Vienne l’essentiel de sa carrière
et y exerça une grande influence sur la vie
musicale. Kapellmeister de la cour en 1659,
il fut nommé, en 1673, intendant de la
musique de théâtre de l’empereur Léopold
Ier et Kapellmeister de l’impératrice Éléonore de Gonzague. En trente-huit ans, il
composa 67 opéras, 116 fêtes et sérénades,
37 oratorios, des hymnes, 2 messes et des
cantates. Il écrivit lui-même certains de
ses livrets d’opéras.
Carlo Domenico, organiste et fils du précédent (Vienne 1669 - id. 1711). D’abord
élève de Ferdinand Richter, il fut, après un
séjour d’apprentissage en Italie, nommé
organiste à la chapelle de la cour à Vienne.
Il laissa quelques airs de sa composition.
Giovanni Battista, claveciniste et organiste (v. 1640-1708). Il fut peut-être le frère
d’Antonio et s’établit en Angleterre, où il
devint organiste de la reine (1673) puis de
Jacques II (1687). On connaît de lui un recueil de Six Selected Suites of Lessons, destinées à être jouées au clavecin et publiées
peu avant sa mort par Walsh à Londres.
DRAGONETTI (Domenico), contrebassiste et compositeur italien (Venise
1763 - Londres 1846).
Il apprit en autodidacte le violon, puis la
contrebasse, joua de ce dernier instrument
dans divers orchestres de sa ville natale à
partir de l’âge de treize ans, et, en 1794,
partit pour Londres, qui devait rester sa
résidence principale. Il joua au King’s
Theatre aux mêmes concerts que Haydn.
En 1798 et en 1808, il se rendit à Vienne
jouant devant Beethoven la sonate pour
violoncelle et piano op. 5 no 2 de ce dernier. Il se produisit beaucoup en association avec le violoncelliste Robert Lindley.
La contrebasse de Dragonetti (qui jouait
aussi volontiers du violoncelle) fut comparée en son temps à un lion apprivoisé
ayant perdu sa férocité, mais conservé
toute sa force et toute sa grandeur. Il
écrivit pour son instrument des pièces
diverses en solo ou avec accompagnement de piano ou d’orchestre, au moins
huit concertos et plus d’une trentaine de
quintettes.
DRAME.
Il peut être héroïque, joyeux, larmoyant,
lyrique, musical, romantique, sacré ou
populaire, etc., toutes expressions qui
se substituent au mot opéra lorsqu’une
oeuvre chantée destinée à la représentation
théâtrale (ou liturgique) semble ne correspondre à aucune des données qu’implique
normalement le mot opéra. La dénomination de drame est, en principe, expressément indiquée par les auteurs, mais elle
n’est parfois que le fruit d’une tradition
postérieure.
Le drame liturgique, forme précise sans
rapport avec l’opéra et très antérieure à
lui, est ici laissé à part.
Avant que le terme générique « opéra »
n’ait été consacré par l’usage, des appellations telles que fable en musique, représentation sacrée, comédie pastorale,
action musicale, tragédie lyrique, drame
sacré, etc., s’appliquèrent à l’oeuvre
musicale dans son ensemble, alors que
dramma per musica désignait seulement,
au XVIIe siècle, le poème dramatique destiné à être mis en musique. Néanmoins,
à la fin du XVIIIe siècle, certains compositeurs italiens, notamment Salieri et
Sacchini, utilisèrent dramma per musica
comme équivalent d’opéra. De son côté,
le terme « drame sacré », sans frontières
bien nettes, fut appliqué à certains oratorios (sans doute en fonction de leur
éventuelle mise en scène théâtrale), mais
aussi - et encore au XIXe siècle - aux opéras
dont le sujet s’apparentait à l’Ancien et au
Nouveau Testament. Plus tard, « drame »
devint antinomique d’« opéra », lorsque
ce dernier mot apparut comme lié à une
tradition et à un genre où prédominait
l’élément musical au détriment du poème
auquel il dictait ses structures. C’est prédownloadModeText.vue.download 319 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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cisément une attitude opposée qu’avaient
adoptée les rationalistes du XVIIIe siècle,
qui, estimant que le mot opéra désignait,
étymologiquement, une « oeuvre » totale,
fixèrent des distinctions assez nettes entre
les structures de genres dits opera seria,
opera semi-seria, opera buffa, opéra-comique, tragédie lyrique, etc. ( ! OPÉRA.)
D’autre part, des poèmes de Métastase
mis en musique de façon très conventionnelle, autour des années 1750, par
Adolf Hasse et par Gluck parurent respectivement sous les titres de Drame et
de Drame musical ; c’est par cette dernière
expression que, en 1770, le musicologue
anglais Charles Burney désignait l’opéra,
cependant qu’en Italie, depuis Jommelli,
le terme melodramma avait commencé à
s’imposer - et cela pour plus d’un siècle comme équivalent d’opéra.
DRAMMA GIOCOSO, MELODRAMMA GIOCOSO.
L’épithète giocoso (« joyeux ») fut employée dès le dernier tiers du XVIIIe siècle
par Piccini, Haydn, Sarti, Paisiello, Salieri,
Mozart, etc., pour désigner certains opéras semi-seria où se mêlaient des éléments
gais et tristes. Le terme était, en réalité,
impropre, dans la mesure où il s’agissait
d’oeuvres bâties selon les structures de
l’opera buffa ou semi-seria, mais dont le
sujet présentait des éléments pathétiques
ou mêmes tragiques (Don Juan de Mozart).
Rossini utilisa également le terme dramma
buffo (le Turc en Italie), et les appellations
dramma giocoso ou melodramma giocoso
survécurent jusqu’au milieu du XIXe siècle
avec Verdi et les frères Ricci.
DRAME LARMOYANT, COMÉDIE LYRIQUE OU
HÉROÏQUE.
L’expression « drame larmoyant », qui
appartenait plus au théâtre parlé (Diderot,
Beaumarchais, mais aussi Sedaine) qu’au
théâtre lyrique, désignait un genre sentimental et pathétique à dénouement heureux, que l’on nomme également « pièce
à sauvetage » ou « opéra-rédemption » et
dont les poèmes furent mis en musique
par les compositeurs français d’opéras-comiques de la fin du XVIIIe siècle, bientôt
imités par les Italiens et par les Allemands
durant les premières années du XIXe siècle.
Bien qu’aucune oeuvre lyrique ne porte
expressément cette mention (mais plutôt
opéra, drame ou comédie « héroïque »),
on range dans cette catégorie le Déserteur
de Monsigny, sur un livret de Sedaine
(1769), et, plus tard, les divers ouvrages
lyriques écrits sur les livrets de Lodoïska
et du Porteur d’eau, ainsi que sur l’Amour
conjugal de Bouilly.
DRAME LYRIQUE, DRAME MUSICAL.
Les étrangers retiennent généralement le
terme « drame lyrique » comme un équivalent français de l’expression opera seria.
Prise à la lettre, on relève cette appellation notamment chez Gluck (Alceste),
Grétry (Guillaume Tell), Verdi (Ernani,
etc.), Halévy (le Val d’Andorre), Gounod
(Faust), Thomas (Mignon), Marchetti (Ruy
Blas). Elle se rencontre plus fréquemment
encore après 1880 et figure par exemple
sur les partitions d’Othello de Verdi,
Werther de Massenet, l’Attaque du moulin de Bruneau, Pelléas et Mélisande de
Debussy, Résurrection d’Alfano, Macbeth
de Bloch, Lodoletta de Mascagni, le Fou
de Landowski, etc. D’autre part, le terme
drame musical fut employé par Landi
(San Alessio, 1634), par Cavalli (Giasone,
1649), par Haendel et Gluck et, enfin, par
Wagner, mais seulement à propos de Tristan et Isolde, cependant que Moussorgski,
après avoir baptisé opéra Boris Godounov,
n’hésita pas à appeler sa Khovanchtchina
« drame musical populaire ».
LA SÉPARATION ENTRE OPÉRA ET DRAME.
En fait, plutôt que de rechercher un quelconque lien entre ces oeuvres aux dénominations souvent dues au hasard et que
rien, jusqu’en 1860, ne permettait de
différencier des autres opéras venant des
mêmes compositeurs, il semble opportun
d’examiner les causes de la séparation
intervenue soudain entre opéra et drame
(lyrique ou musical).
Bien que très réticent à souscrire au
terme de drame musical, Wagner, dans
son traité Opéra et Drame (1851), présenta
ces deux concepts comme antinomiques :
le premier définissant un genre constitué
de morceaux successifs où la musique, en
dictant le choix des structures, prévalait
sur le texte et, selon Wagner, empêchait
toute unité dramatique ; le second impliquant, au contraire, que le poème, expression de l’idée, impose ses lois à la musique,
devenue commentaire et prolongement
du texte, avec ses structures libres ou
« ouvertes » (ce que les adversaires d’un
tel concept considérèrent, quant à eux,
comme une absence de structures).
Il s’agissait donc là de divergences qui
concernaient non seulement la structure,
mais l’éthique même de l’oeuvre lyrique :
un siècle plus tôt, Gluck avait préconisé de
« réduire la musique à sa véritable fonction, celle de seconder la poésie », cependant que Mozart affirmait que « la poésie
devait être la fille obéissante de la musique ». On retient donc que la structure
n’est pas un élément suffisant pour déterminer l’esprit du drame musical, dans la
mesure où la juxtaposition des airs, duos
et ensembles - dans Don Juan ou Cosi fan
tutte de Mozart - aboutit à une plus grande
unité organique du drame que l’enchaînement artificiel des scènes de Tannhäuser
ou Lohengrin de Wagner. D’autre part, les
grands blocs continus que l’on rencontre
dans les opéras de Rossini et, surtout, de
Bellini, ne peuvent d’aucune manière être
considérés comme relevant du drame
musical, cependant que Tristan et Isolde
nous apparaît aujourd’hui comme devant
son unité davantage à la musique qu’au
poème. Wagner a parfaitement atteint son
idéal dans l’Or du Rhin (1854, 1re représentation Munich, 22 sept. 1869), oeuvre qui
ne présente aucune solution de continuité
et où il est virtuellement impossible d’isoler un monologue ou un duo construits en
tant que tels.
On peut donc considérer que cette
conception désigne le drame musical
comme une oeuvre lyrique où prévaut
l’élément symphonique et où il est difficile
d’isoler un monologue ou un ensemble
nettement architecturé au sein d’un discours musical « continu ». On ne saurait
toutefois réduire le drame musical à ces
seuls problèmes de technique : Puccini,
par exemple, paraîtrait alors plus proche
du genre que Debussy. Il faut aussi considérer son éthique, qui est non seulement
un refus délibéré de la logique vocale
du monde latin et une large préférence
accordée au chant déclamé, mais encore
une ambition avouée s’exprimant dans un
choix de thèmes littéraires, historiques,
philosophiques (cette ambition a d’ailleurs souvent laissé l’oeuvre en deçà des
buts proposés). Ainsi, au-delà du postromantisme germanique qui fut son terrain
d’élection, le drame musical rejoint-il le
drame lyrique français avec les oeuvres des
franckistes : Chausson, d’Indy, Magnard,
Ropartz, Rabaud, Debussy et Fauré. Audelà, certaines oeuvres comme Wozzeck,
d’Alban Berg, s’inscrivirent encore dans
la descendance du drame musical, mais
présentent pourtant, dans la forme, un
retour aux structures isolées. Ce retour
est l’un des traits de l’opéra du XXe siècle,
qui, une fois passée la vague romantique,
a très souvent cherché à retrouver l’esprit
de l’oeuvre d’art classique.
DRAME LITURGIQUE.
Nom donné, au XIXe siècle, à des éléments
non officialisés souvent introduits dans la
liturgie depuis le IXe siècle, visant à donner
une représentation figurative à des textes
chantés greffés sur la liturgie officielle (
! OPÉRA). Une extension plus récente
fait parfois employer le terme pour désigner, dans les religions non chrétiennes,
des manifestations du culte présentant un
caractère de figuration dramatique.
Considéré avec raison comme l’origine
du théâtre occidental, le drame liturgique
s’est formé de manière progressive autour
de 2 thèmes principaux : le cycle de Noël
et le cycle de Pâques. Le premier a pour
noyau une prophétie apocryphe de la naissance du Christ, attribuée à la sibylle et
insérée dans une leçon de matines. On a
d’abord personnalisé la sibylle en invitant
un chantre distinct à venir chanter sa prophétie en vêtements appropriés, puis on
lui a adjoint d’autres prophètes, enfin on
a composé des scènes entières chantées et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
314
jouées sur des thèmes prophétiques de la
venue du Christ (Sponsus à Limoges, Jeu
de Daniel à Beauvais). Avec ce dernier, ces
représentations accentuent leur mise en
scène, font appel à des étudiants ; avec le
Jeu d’Adam et Ève du manuscrit de Tours,
elles se détachent de l’office, quittent le
choeur pour le parvis, abordent entre les
chants liturgiques un dialogue parlé en
vers français : le théâtre proprement dit
est prêt à se séparer du drame liturgique
(XIIe s.).
Le cycle de Pâques, en revanche, n’a
jamais quitté l’office. Il a pour noyau
un trope d’introït comportant un dialogue entre l’ange et les saintes femmes
au tombeau du Christ (Quem queritis in
sepulchro ?, « Qui cherchez-vous dans le
sépulcre ? »). Ce dialogue, transporté à
matines, réparti entre des personnages
chantant et jouant, se vit progressivement
amplifié jusqu’à englober toute l’histoire
de la Résurrection, et devint un prototype
sur lequel se greffèrent d’autres actions, y
compris Noël (Quem queritis in presepe ?,
« Qui cherchez-vous dans la crèche ? »),
sans toutefois déborder le cadre et l’usage
local.
Les historiens littéraires divisaient autrefois le drame liturgique en liturgique
(latin), semi-liturgique (vernaculaire) et
profane. Ces critères, exclusivement littéraires ou scéniques, sont aujourd’hui à
peu près abandonnés, le drame liturgique
justifiant son existence dans le cadre de
l’office et ne méritant plus son nom en
dehors de lui. Sa conception, fondée sur
cette insertion (cf. Te Deum terminal de
matines chanté par les acteurs), est celle
des actes liturgiques à base de chants,
gestes et costumes symboliques et non de
mise en scène réaliste comme elle le deviendra par la suite.
DRAMMA PER MUSICA.
Comme son équivalent français « drame
musical », ce terme peut laisser planer
une certaine équivoque dans la mesure
où il désigna, à l’origine, un poème tragique exclusivement destiné à être mis en
musique, puis par extension, le drame mis
en musique lui-même. Au XVIIe siècle, le
dramma per musica désignait essentiellement ce que nous nommons aujourd’hui
livret, mais, à la fin du XVIIIe, quelques
compositeurs, notamment Salieri ou Sacchini, l’adoptèrent également pour qualifier certains de leurs opéras, en particulier lorsque le poème était dû à un auteur
célèbre tel que Métastase, devant lequel ils
manifestaient ainsi leur humilité de compositeur.
DREYFUS (Huguette), claveciniste française (Mulhouse 1929).
Elle fait ses études musicales à ClermontFerrand, puis à Paris à l’École normale
et au Conservatoire national. Elle se passionne ensuite pour le clavecin et devient
l’élève de Ruggiero Gerlin à l’Accademia
Chigiana de Sienne (1953-1957). Elle fait
ses débuts à Paris en 1960. Depuis cette
date, Huguette Dreyfus est une concertiste
de renommée internationale, dont les interprétations font autorité aussi bien dans
la musique française que dans les oeuvres
de J.-S. Bach. Elle collabore régulièrement
avec l’orchestre Paul-Kuentz, le violoniste
Eduard Melkus et le flûtiste Christian
Lardé. Elle enseigne à la Schola cantorum
le clavecin et, à l’université de Paris-Sorbonne, la réalisation de la basse continue.
DROGOZ (Philippe), compositeur français (Berck-sur-Mer 1937).
Il a étudié les mathématiques (1955-1958)
et la musique aux conservatoires de Toulouse (1955-1958) et de Paris (1958-1968).
Dans ce dernier établissement, ses maîtres
furent notamment André Jolivet et Jean
Rivier (composition) et Olivier Messiaen
(analyse). Second grand prix de Rome
(1967), il a enseigné dans les écoles de la
Ville de Paris (1962-1964) et au conser-
vatoire de Bobigny (1969-1975), et il est
depuis 1970 professeur et responsable
de l’Atelier de recherche musicale du
conservatoire de Montreuil. Membre du
G. E. R. M. de 1968 à 1973, il s’est signalé
dès la fin de ses études comme une personnalité totalement indépendante, suivant, sans souci des modes et des écoles,
un cheminement personnel, alternativement rigoureux et fantaisiste. Il a orienté
ses recherches à la fois sur la forme, les
combinaisons de timbres instrumentaux
et électroniques, la relation compositeurinterprète et sur la musique de film et le
théâtre musical, participant pour ce dernier point à la création du groupe 010.
On lui doit, parmi une production abondante, Antinomies I pour 12 cordes (1967),
Antinomies II pour orchestre (1969) et
Antinomies III pour instruments (1969), la
musique pour le film Un homme qui dort
(1973), la pièce radiophonique Au château
d’Argol (1970), et sur le plan du théâtre
musical Lady Piccolo et le Violon fantôme
(1976), Mais où est passée lady Piccolo
(1976-77) et Yo ou l’Opéra solitaire (1979).
DROTTNINGHOLM.
Château royal en Suède doté d’un théâtre
édifié en 1764-1766 et très utilisé sous le
règne de Gustave III.
Restauré en 1922, ce théâtre abrite
depuis 1948 des saisons estivales d’opéra
(Mozart, Haydn, Haendel, Gluck, Paisiello, Grétry). De tous ceux actuellement
en activité dans le monde, c’est le seul
dont la machinerie et les décors remontent au XVIIIe siècle.
DROUET (Jean-Pierre), percussionniste
et compositeur français (Bordeaux
1935).
Premier Prix de trompette du conservatoire de Bordeaux, il obtient un premier
prix de percussion au Conservatoire de
Paris en 1958. Il travaille la composition
avec René Leibowitz, Jean Barraqué, Michel Puig et André Hodeir, et, souhaitant
devenir musicien de jazz, joue avec Kenny
Clarke et Lester Young. Sa rencontre avec
Luciano Berio, en 1960, le décide à se
consacrer à la musique contemporaine. Il
participe aux concerts du Domaine musical, aux festivals de Darmstadt, Royan,
Metz, Donaueschingen, La Rochelle,
appartient à l’ensemble Musique vivante,
collabore à de nombreuses créations.
Il s’intéresse vivement aux percussions
extra-européennes : zarb, tablas. Curieux
des rapports entre musique et spectacle,
il compose des musiques de scène et plusieurs ballets. Se tournant vers la pédagogie, il écrit une série d’oeuvres de musique
de chambre pour percussions, à l’intention des exécutants de tous niveaux. Mais
il n’interrompt pas pour autant sa propre
carrière de percussionniste, où il brille en
particulier dans l’art de l’improvisation.
DROUET (Louis), flûtiste et compositeur
français (Amsterdam 1792 - Berne 1873).
Premier flûtiste de Louis Bonaparte, roi
de Hollande, en 1808, puis de Napoléon
en 1811, il fut ensuite membre de la chapelle de Louis XVIII. Il se rendit à Londres
en 1817, et fut nommé en 1840 maître de
chapelle à Cobourg. Ses tournées le menèrent jusqu’aux États-Unis. Surnommé
le « Paganini de la flûte », il composa essentiellement pour son instrument.
DRUCKMANN (Jacob), compositeur
américain (Philadelphie 1928).
Élève d’A. Copland à Tanglewood (194950), il a étudié ensuite à la Juilliard School
(av. 1954-1956) et à l’École normale de
musique de Paris (1954-55), puis, en 1965,
au Centre de musique électronique de
Columbia-Princeton, avant d’y travailler
lui-même à partir de 1967. Il a écrit, entre
autres, Dark upon the Harp pour mezzosoprano, quintette de cuivres et percussion
(1962), The Sound of Time pour soprano et
orchestre sur des textes de Norman Mailer
(1965), Animus I pour trombone et bande
(1966), II pour mezzo-soprano, deux percussionnistes et bande (1969), et III pour
clarinette et bande (1969), et publié, dans
la Juilliard Review, Stravinsky’s Orchestral
Style (1957).
DÜBEN, famille de musiciens allemands
puis suédois des XVIe et XVIIe siècles.
Parmi les nombreux compositeurs de
cette famille, il faut citer.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
315
Andreas I (Lützen 1558 - Leipzig 1625). Il
fut organiste à Wurtzen et à Saint-Thomas
de Leipzig.
Andreas II, fils du précédent (v. 1597 Stockholm 1662). Élève de Sweelinck, il fut
organiste de la cour de Suède (1621), puis
maître de la chapelle royale (1640).
Gustav I, fils d’Andreas II, organiste et
compositeur (Stockholm v. 1628 - id.
1690). Il entre à la chapelle royale en 1647,
puis en devient maître en 1663, année où
il succède à son père. Il est surtout connu
pour sa collection de manuscrits autographes et d’éditions imprimées (environ
1 500 oeuvres vocales et 300 oeuvres instrumentales tant allemandes que françaises et italiennes, et dont beaucoup sont
des unica), conservée à la bibliothèque
d’Uppsala (Dübensamlingen). La dynastie des Düben se poursuit avec Gustav II
(1660-1726) puis Anders (1673-1738) qui
se succèdent au poste de leur père Gustav I.
DUBOIS (François Clément Théodore),
compositeur francais (Rosnay, Marne,
1837 - Paris 1924).
Il fit ses études à Reims, puis au Conservatoire de Paris avec Marmontel, Benoist,
Bazin et Ambroise Thomas. En 1861, il
obtint le grand prix de Rome avec la cantate Atala. Il devint maître de chapelle à
Sainte-Clotilde et composa les Sept Paroles du Christ (1867). Puis il fut nommé
maître de chapelle à la Madeleine où il
succéda à Saint-Saëns comme organiste
en 1877. Au Conservatoire de Paris, il fut
professeur d’harmonie (1871), professeur
de composition (1891) et directeur de
1896 à 1905. Ses oeuvres, très nombreuses
(3 symphonies, des concertos, 2 quatuors
à cordes, de la musique religieuse, etc.),
sont pour la plupart aujourd’hui oubliées ;
en revanche, son Traité d’harmonie (Paris,
1921 et 1968) sert toujours de référence.
DUBOIS (Pierre-Max), compositeur français (Graulhet, Tarn, 1930 - Paris 1995).
D’abord inscrit au conservatoire de Tours,
il est, au Conservatoire de Paris, l’élève
de Darius Milhaud pour la composition.
Grand Prix de Rome en 1955, Grand Prix
musical de la Ville de Paris en 1964, il s’en
tient à la tradition mélodique et tonale
sans se laisser influencer par les courants
de la recherche. On lui doit, notamment,
de nombreuses pièces de musique instrumentale, des concertos, des chansons, un
opéra (les Suisses, 1972), un opéra bouffe
(Comment causer, 1970), une cantate et
trois ballets.
DUBROVAY (László), compositeur hongrois (Budapest 1943).
Il fait ses études au conservatoire BélaBartók, puis à l’académie F.-Liszt de
Budapest jusqu’en 1966. Nommé professeur au conservatoire de Drama, il part
comme assistant à l’Opéra de Hambourg
(1971-72), puis étudie la composition à
Cologne avec Karlheinz Stockhausen. À
ses premières partitions, instrumentales
et surtout chorales, succèdent des oeuvres
électroacoustiques, à partir de Klänge für
Orgel (1972).
DU CAURROY (François Eustache), compositeur français (Beauvais 1549 - Paris
1609).
Chantre à la chapelle royale (1569), lauréat du prix d’Évreux en 1575, il fit une
brillante carrière au service de la royauté
comme maître de chapelle adjoint (1578),
compositeur de la Chambre du roi (1595),
puis surintendant de la musique, charge
qu’Henri IV créa pour lui. Parallèlement, il
accumula les prébendes à Dijon, Orléans,
Provins, Passy, Saint-Cyr-en-Bourg. À lire
les jugements du XVIIe siècle, il était tenu
en haute estime et considéré comme un
exemple « pour la grande harmonie de sa
composition et de son riche contrepoint »
(Mersenne). De fait, ses motets révèlent
un usage savant du contrepoint traditionnel acquis, de son propre aveu, « par la lecture des bons auteurs et la pratique des anciens », bien qu’il y ait introduit le double
choeur. Influencé par Claude Le Jeune, il
accorde une place à la musique mesurée
à l’antique. Cette tendance, qui apparut
tardivement (1609), était peut-être due à
la publication du Printemps par Cécile Le
Jeune (soeur de Claude) en 1603. À vrai
dire, Du Caurroy ne réussissait que médiocrement à illustrer cette tentative dans
les quinze chansons mesurées qu’il inséra
dans son livre de Meslanges (1610). Son
goût du contrepoint strict éclata tout particulièrement dans les 42 Fantaisies pour
violes en forme de ricercar qui ne furent
publiées qu’en 1610. Lorsqu’il composa
à partir d’un cantus firmus, chaque fragment du thème reçut un développement
d’une grande ampleur. Le cantus firmus
lui-même était souvent emprunté, parfois
de sa propre inspiration. Il donna prétexte
à des divertissements fugués à moins que
ce cantus firmus ne fût devenu un élément
fondamental du grand choral contrapuntique que les organistes allemands comme
Pachelbel ou Buxtehude imposèrent. Du
Caurroy fut l’auteur d’une cinquantaine
de motets, dont un Te Deum à 6 voix
(1609) et de psaumes. Sa Messe pour les défunts à 5 voix (1606) servit par la suite de
messe de requiem lors d’obsèques royales
(Henri IV, Louis XIII).
DUCHABLE (François-René), pianiste
français (Paris 1952).
Au Conservatoire de Paris, il étudie avec
J. Benvenutti et M. Giraudeau-Basset. Il
remporte, en 1968, un 1er Prix au Concours
Reine Élisabeth de Belgique et en 1973 le
Prix de la Fondation Sacha Schneider.
Cette même année, il est remarqué par Arthur Rubinstein, qui l’encourage chaleureusement et l’aide à obtenir ses premiers
engagements internationaux. En 1980, il
donne plusieurs concerts avec l’Orchestre
philharmonique de Berlin dirigé par Herbert von Karajan ; il est alors très rapidement reconnu en Allemagne. Passionné
par les oeuvres de Chopin et de Liszt, il est
aussi un grand interprète de Beethoven.
Son enregistrement des Études de Chopin
a été couronné en 1981 par le Grand Prix
de l’Académie Charles-Cros. Son intégrale
de l’oeuvre concertante de Poulenc a reçu
en 1986 le Grand Prix de l’Académie du
disque français.
DU CHEMIN (Nicolas), éditeur français
(Sens v. 1520 - Paris 1576).
Libraire à Paris dès 1540, il publia entre
1549 et 1576 plus de cent livres de musique en collaboration avec les compositeurs Nicole Reynes (1548-1551),
Claude Goudimel (1551-1555), Loys
Bisson (1561-1567) et Henry Chandor
(1576). Son catalogue se composait d’au
moins 41 messes (1552-1568), 73 motets,
178 psaumes, 176 pièces instrumentales
et 693 chansons, production qui parut
entre celles d’Attaingnant et de Le RoyBallard. Il comprenait, à côté d’ouvrages
théoriques, des oeuvres d’artistes provinciaux, Cléreau, Colin ou Manchicourt, et
de musiciens étrangers, comme l’Espagnol
Francisco Guerrero.
DUCOL (Bruno), compositeur français
(Annonay 1949).
Il a fait ses études musicales à Lyon puis
au Conservatoire de Paris (où il a obtenu
le premier prix de composition en 1977)
avec Claude Balliff, Olivier Messiaen,
Pierre Schaeffer et Guy Reibel. Parti de
techniques post- ou parasérielles, il a ensuite orienté ses recherches surtout vers la
grande formation orchestrale et le théâtre
lyrique. On lui doit notamment Metalayi
I pour orchestre (1976-77) et Horizons
vertigineux pour piano (1978). On lui doit
encore Metachronie pour soprano et petit
orchestre (1972), Blaue Hochzeit pour
orgue et ensemble de cuivres (1974), une
Sonate pour flûte et piano, Écoute le vent
des rêves, action musicale et dramatique
(1976), Points flous pour 8 instrumentistes
(1978), Scène I pour guitare électrique et
bande magnétique (1977), Scène II pour
ensemble d’instruments électroniques et
bande (1979), Praxitèle, opéra de chambre
(1980-1986), Metalayi no 3, concerto pour
piano et orchestre (1990), l’opéra les Cerceaux de feu (1991). Il a été boursier de la
villa Médicis à Rome en 1981-1983.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
316
DUFAUT (DU FAULT ou DU FAULX),
luthiste et compositeur français (milieu
du XVIIe s.).
On ignore presque tout de sa vie. Et il serait totalement inconnu s’il n’avait laissé
douze pièces dans la Tablature de luth de
différents autheurs sur des accords nouveaux, publiées chez P. Ballard en 1631,
et d’autres pièces manuscrites éparpillées
dans les bibliothèques de Paris, Besançon, Berlin, Rostock, Vienne, souvent des
danses pourvues de sous-titres qui seront
bientôt chers aux clavecinistes français ;
on trouve également des « tombeaux »,
pièces dédicacées à la mémoire d’un ami,
d’un poète ou d’un autre musicien. Il
semble que Dufaut ait beaucoup voyagé ;
en tout cas, on le rencontre en Angleterre
en 1669. Vers 1630, il est, à Paris, l’élève
du luthiste Denis Gaultier que l’on reconnaît souvent dans son style. Comme la
plupart des grands musiciens français,
Dufaut possède le goût d’une harmonie
savante qui demeure néanmoins discrète
et raffinée.
DUFAY (Guillaume), compositeur français (Hainaut v. 1400 - Cambrai 1474).
Son lieu de naissance reste imprécis :
peut-être Chimay ou Cambrai. Il reçoit
sa formation musicale au diocèse de Cambrai comme puer altaris. Cambrai est à
l’époque un important centre de musique
religieuse, connu jusqu’au Vatican qui
en fait venir des musiciens. Les maîtres
de Dufay sont V. Bréion, N. Malin, R.
de Locqueville, compositeurs intermédiaires entre l’Ars nova de G. de Machaut
et l’école franco-flamande dont Dufay va
être le premier grand représentant.
Sa vie peut se partager en quatre périodes : apprentissage à Cambrai (jusqu’en
1419), période italienne (jusqu’en 1437),
période itinérante entre plusieurs cours
(jusqu’en 1450) et retour définitif à Cambrai. Ayant fait partie, à l’âge de dix-sept
ans, de la suite de l’évêque Pierre Dailly au
concile de Constance, Dufay y rencontre
Carlo Malatesta qui le prend en 1419 à sa
cour de Rimini. Il y reste jusqu’en 1428. De
cette époque datent ses premiers motets,
dont Apostolo glorioso. En 1427, il est
ordonné prêtre. Pendant cinq ans (14281433), il séjourne à Rome où il retrouve
un autre Cambraisien, Nicolas Grenon.
À la suite d’une insurrection, le pape est
obligé de se réfugier à Florence où Dufay
le suit. En 1433-1435, on le voit à Chambéry, à la cour de Savoie, qui est un centre
d’échanges entre la France et l’Italie. Il revient à Florence et, en 1436, compose pour
l’inauguration du Dôme le motet Nuper
rosarum flores. La même année, il reçoit
un canonicat pour Cambrai, mais avant de
s’y fixer, il va passer douze années partagé
entre plusieurs cours : celle de Ferrare,
celle de Savoie, celle de Bourgogne, où est
établi son illustre contemporain et ami
Gilles Binchois. Il acquiert au cours de
ces années une notoriété considérable et
jouit de l’estime et des faveurs de plusieurs
monarques (Charles VII, Louis XI). De retour à Cambrai, il s’occupe d’une maîtrise
d’enfants. Cette dernière période de sa vie
est musicalement la plus productive.
La musique de Dufay est la résultante
de plusieurs influences complémentaires :
l’art français de Machaut, dont il a certainement connu les oeuvres, la « contenance angloise » de Dunstable, importante par les innovations harmoniques
qu’elle a introduites (prédominance de
la tierce), enfin l’influence italienne due à
ses voyages. Compositeur très éclectique,
Dufay a joué un rôle également important
dans la musique profane et la musique religieuse. La première plaît par son naturel,
sa spontanéité mélodique, sa sensibilité.
La seconde vaut par l’élaboration de son
écriture, par sa solidité et par son sens de
la grandeur religieuse. Les chansons de
Dufay (virelais, ballades et surtout rondeaux) sont au nombre de 83, dont 8 sur
des textes italiens. Le virelai, qui est une
chanson à danser, est à deux voix, une
voix mélodique et une teneur. Les ballades
et les rondeaux sont pour la plupart à trois
voix, la voix supérieure étant chantée et
les deux autres souvent confiées à des instruments. Les ballades de Dufay (Resveillez-vous et faites chière lie, C’est bien raison, J’ay mis mon coeur et ma pensée) sont
numériquement moins importantes que
les rondeaux, car ce genre était en déclin
à cette époque, de même que le virelai. Le
rondeau, au contraire, atteint son apogée
au milieu du XVe siècle chez Dufay (La plus
mignonne de mon coeur, Donnez l’assaut à
la forteresse, Adieu m’amours), de même
que chez Binchois.
Dans ses 76 motets, ses fragments de
messes et ses messes entières, Dufay
montre le désir de s’émanciper des excès
d’artifices de l’Ars nova, en simplifiant
l’écriture mais aussi en privilégiant l’expression. Toutefois, dans les motets écrits
avant 1446, il conserve encore le principe de la teneur isorythmique. De plus
en plus, la voix dominante ne va plus être
le ténor mais le supérius, qui conduit la
mélodie, et on remarque très nettement
une tendance à l’écriture en imitation. Le
madrigalisme commence à faire son apparition. Dans certains cas, Dufay indique
des parties instrumentales obligées (par
exemple, les trombones dans le Gloria ad
modum tubae). La superposition de plusieurs textes, courante dans les motets de
l’Ars nova, se retrouve parfois : ainsi dans
le motet Ecclesiae militantis écrit pour l’intronisation du pape Eugène IV (1431), les
cinq voix possèdent des textes différents ;
ou la célèbre Lamentation de Constantinople (1454), dans laquelle un fragment
latin des Lamentations de Jérémie est
superposé à un texte français. Les neuf
messes intégrales de Dufay sont écrites
sur diverses teneurs, profanes, inventées
ou liturgiques. Les teneurs profanes sont
fournies par des thèmes de chansons
populaires comme Se la face aye pale ou
l’Homme armé : cette dernière doit, par la
suite, être reprise par de nombreux compositeurs, dont Ockeghem et Josquin, et,
même, au XVIIe siècle par Carissimi. En
1463 et 1464, Dufay écrit ses deux dernières messes, Ecce Ancilla Domini et Ave
Regina caelorum, sur des teneurs liturgiques empruntées à des antiennes à la
Vierge.
Avec Dufay commence l’une des
grandes époques de la musique française :
l’école franco-flamande, issue de la guerre
de Cent Ans et dont le rayonnement reste
constant jusqu’à la fin du XVIe siècle, dominant toute la musique occidentale.
DUFOUR (Denis), compositeur français
(Lyon 1953).
Très fécond, il s’illustre aussi bien dans le
domaine de la musique « acousmatique »
(électroacoustique) que dans celui de la
musique instrumentale, mais c’est dans la
première qu’il reste le plus réputé, grâce
à des oeuvres comme la « suite concrète »
Bocalises (1977, à partir de sons tirés de
bocaux de verre), ou la Messe à l’usage
des vieillards (1986-87), une de ses nombreuses pièces « parlées » intégrant des
textes de l’écrivain Tom Aconito. Son
style très volubile est caractérisé par une
grande invention sonore sur le plan du
détail, inscrite dans des formes souvent
larges et détendues, presque nonchalantes.
Membre de l’I.N.A.-G.R.M. (Groupe de
recherches musicales), il a également joué
un rôle significatif comme professeur de
composition au C.N.R. de Lyon et à Perpignan, et a lancé le festival de musique
acousmatique « Futura ».
DUFOURCQ (Norbert), musicologue
français (Saint-Jean-de-Braye 1904 Paris 1990).
Élève d’André Marchal et d’Amédée Gastoué, archiviste-paléographe (1928), docteur ès lettres (1935), professeur d’histoire
de la musique au Conservatoire de Paris
(1941-1975), organiste de l’église SaintMerri depuis 1923, Norbert Dufourcq
apparaît à la fois comme un spécialiste
et comme un généraliste. Par ses travaux
personnels et par ceux qu’il a suscités, le
spécialiste - qui dirige les revues l’Orgue
et Recherches sur la musique française classique, et a publié les oeuvres de Nivers,
Dornel, Titelouze, Clérambault, Daquin,
Raison et Lebègue - a largement contribué à remettre en valeur l’immense patri-
moine de la musique française des XVIIe et
XVIIIe siècles. Le généraliste a dirigé d’importants ouvrages collectifs (Larousse de
la musique, 1957). Il est, pour la collection
Que sais-je ?, directeur des ouvrages d’hisdownloadModeText.vue.download 323 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
317
toire et de technique musicales et a luimême écrit dans cette série plusieurs volumes : l’Orgue (1948), le Clavecin (1949).
Ses livres sur l’orgue et sur Bach (Esquisse
d’une histoire de l’orgue... et Documents
inédits..., 1935 ; J.-S. Bach, le maître de
l’orgue, 1948 ; le Livre de l’orgue français.
1589-1789, 1969-1982) et son Histoire de
la musique française (1949) témoignent de
son esprit de synthèse.
DUFOURT (Hugues), compositeur français (Lyon 1943).
Il a fait des études universitaires dans sa
ville natale, a étudié le piano au conservatoire de Genève, et, de 1965 à 1970, a
travaillé la composition avec Jacques
Guyonnet et a collaboré avec ce dernier au
Studio de musique contemporaine de Genève tout en participant, à Lyon, à l’organisation des concerts du groupe Musique
du temps. En 1968, il eut la charge des
concerts de musique contemporaine au
théâtre de la Cité de Villeurbanne. Agrégé
de philosophie en 1967, il a été maître-assistant à l’université Jean-Moulin de Lyon
(1971-1979). Il a été ensuite chargé de
recherche au C. N. R. S. (1979-1984).
Il a été un des responsables du groupe
de l’Itinéraire, et a participé en 1977 à
la fondation du Collectif de recherche
instrumentale et de synthèse sonore
(C. R. I. S. S.).
Attiré à la fois par les problèmes de la
grande forme dynamique et de la lutherie électronique, ce qui le fait s’intéresser en particulier, parmi les maîtres de
la première moitié du XXe siècle, à Igor
Stravinski et à Edgard Varèse mais aussi
à Jean Sibelius, Hugues Dufourt est de
ceux qui considèrent que la composition
musicale doit aller de pair avec la réflexion
théorique, et qui refusent l’incompatibilité entre le parti pris technologique et la
capacité de créer et de raisonner.
Entre autres tâches ambitieuses, il
assigne à la musique d’aujourd’hui celle
de maîtriser les nouvelles sonorités - pas
seulement l’électroacoustique, mais aussi,
voire surtout, les sonorités nées de l’essor
prodigieux de la pratique instrumentale par le biais de l’écriture, et de parvenir
ainsi à de nouveaux principes d’organisation formelle.
Son oeuvre la plus ancienne est Brisants
pour piano et 16 instrumentistes (1968).
Mura della città di Dite (1969) - au titre
emprunté à Dante (Dite, nom de Lucifer,
désigne par extension la cité maudite enfouie au centre de la Terre, monde clos où
s’abolit la raison du monde) - est une assez
brève partition pour 17 instrumentistes
(quintette à cordes, vents, percussions,
harpe et orgue électronique) en deux
parties de caractère opposé, la première
heurtée et la seconde immobile. Down to a
Sunless Sea pour 16 cordes (1970), au titre
extrait d’un poème de Coleridge, est un
ouvrage à la mémoire de Carpaccio, écrit
« en me remémorant les ors de Venise et
l’éclat de sa lagune » (H. Dufourt). Suivit
Dusk Light pour 4 chanteurs et 16 instrumentistes (1971). Au festival de Royan de
1977 furent créés Erewhon, vaste « symphonie » pour 150 instruments à percussion (1972-1976), et l’Orage (La Tempesta)
d’après Giorgione pour flûte contrebasse
et basse, cor anglais et hautbois, clarinette
contrebasse et basse, trombone, orgue
électrique, vibraphone et guitare électrique (1976-77). Centrée sur des timbres
insolites et graves et sur leur expansion
volumétrique, cette dernière oeuvre s’inspire des structures de dédoublement du
tableau de Giorgione. Antiphysis, pour
flûte principale et orchestre de chambre
(1978), fut créé au festival de La Rochelle
de 1978 dans le cadre du concours de
flûte pour la musique contemporaine.
Sombre Journée, pour 6 percussionnistes
(1976-1977), créé en 1979, faisait à l’origine partie d’Erewhon. Dans Saturne, pour
ensemble d’instruments électroniques,
6 percussionnistes et ensemble d’instruments à vent (1979), sorte de monument
à la gloire de l’Itinéraire, sont réunis les
trois familles instrumentales qui pour le
compositeur ont le plus contribué au renouvellement du matériau sonore.
Surgir, pour grand orchestre (19801984), hommage à Pierre Boulez pour son
60e anniversaire, résulte d’une commande
de l’Orchestre de Paris (création en 1985).
Suivirent la Nuit face au ciel, trois pièces
en sextuor pour 6 percussionnistes (1984),
élément d’une création collective née dans
le cadre du Centre Acanthes ; la Mort de
Procris pour 12 voix mixtes a cappella
(1986), inspirée de Piero di Cosimo ;
l’Heure des traces pour 20 instrumentistes
(1986), titre emprunté à une sculpture
d’Alberto Giacometti ; Hommage à Charles
Nègre pour sextuor (1986), musique du
film Quai Bourbon, inaugurant avec les
deux pièces précédentes, également de
1986, la période « après-Surgir » du compositeur, qui rejoint son monde dit « de
jeunesse « ; Plus-oultre pour percussion
soliste (1990), où il est à nouveau question de « franchissement des limites « ;
L’île sonnante pour percussion et guitare
électrique (1990), au titre inspiré de Rabelais ; Noche oscura en quatre parties pour
six voix d’hommes a cappella d’après un
poème de saint Jean de la Croix (1991) ;
le Philosophe selon Rembrandt pour orchestre (1987-1992), deuxième du cycle de
quatre pièces pour orchestre actuellement
en chantier (cycle des Hivers) ; Quatuor de
saxophones (1993) ; The Watery Star pour
octuor (1993), d’après The Winter’s Tale de
Shakespeare, oeuvre empreinte de « poétique minimaliste « ; An Schwager Kronos
pour piano (1994), pièce marquée par la
virtuosité ; Dédale, opéra en trois actes sur
un livret de Myriam Tanant (Lyon, 1995) ;
l’Espace aux ombres pour ensemble (1995).
Directeur de recherche au C. N. R. S. depuis 1985, Hugues Dufourt est devenu en
1982 directeur du Centre d’information et
de documentation « Recherche musicale »
(C.I.D.R.M.), unité mixte du C. N. R. S.
bénéficiant du soutien de l’École normale
supérieure, de la Direction de la musique
au ministère de la Culture et de la Direction de la recherche au ministère de l’Éducation nationale. Il dirige depuis 1989 la
formation doctorale « Musique et Musicologie du XXe siècle », accréditée par l’École
des hautes études en sciences sociales de
Paris et aidée par l’unité pédagogique de
l’I.R.C.A.M. Il a soutenu en 1991 sa thèse
de doctorat en philosophie et est l’auteur
de nombreux écrits dont Musique, Pouvoir, Écriture (1991).
DUGAZON (Louise), mezzo-soprano
française (Berlin 1755 - Paris 1821).
Elle fut la plus célèbre chanteuse d’opéracomique de son temps et créa une soixantaine de rôles. Sa voix était celle d’un
mezzo léger, au timbre clair, excellant
dans le lyrisme et la douceur plus que dans
la virtuosité. Ce genre d’emploi a conservé
son nom (« un rôle de dugazon »). Son
fils Louis Gustave (1780-1826) fut compositeur. Élève de Gossec, il écrivit quatre
opéras-comiques, trois ballets et de nombreuses romances.
DUHAMEL (Antoine), compositeur français (Paris 1925).
Il a fait ses études au Conservatoire de
Paris et surtout avec René Leibowitz, et
a participé aux cours d’analyse d’Olivier
Messiaen (1945-1950) : de ses préoccupations d’alors, qui le firent envisager
également la psychologie et la peinture,
témoignent ses Variations pour piano sur
l’opus 19 no 6 de Schönberg (1949). Suivirent notamment l’Ivrogne ou le Scieur de
long, opéra en 1 acte d’après Baudelaire
(1951-52) et l’oratorio profane la Maison
des morts (1953-1956). De 1957 à 1971,
il s’est largement orienté vers la musique
de film, avec, par exemple, Pierrot le Fou
(1965) et Week-End (1967) de Jean-Luc
Godard, Baisers volés (1968), la Sirène du
Mississippi (1969) et Domicile conjugal
(1970) de François Truffaut, et M. comme
Mathieu de Jean-François Adam (1971). À
partir de 1968, il s’est beaucoup intéressé à
l’opéra et au théâtre musical, et a donné en
ce domaine, entre autres, Lundi Monsieur
vous serez riche (Strasbourg, 1968), l’Opéra
des oiseaux (Lyon, 1971), Ubu à l’Opéra
(Avignon, 1974), Gambara, d’après Balzac (Lyon, 1978), Cirque impérial (Avignon, 1979), les opéras Quatre-vingt-treize
d’après Hugo (1989) et les Aventures de
Sindbad le marin (1991).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
318
DUKAS (Paul), compositeur français
(Paris 1865 - id. 1935).
Envers lui, l’histoire de la musique s’est
conduite de façon très capricieuse. Bien
qu’ayant vécu soixante-dix ans, il se limita à sept oeuvres principales et à cinq
partitions plus réduites, dont un Prélude
élégiaque sur le nom de Haydn, pour le
centenaire de la mort de ce maître (1909),
une Plainte au loin du faune, à la mémoire
de Debussy (1920), et un Sonnet de Ronsard (1924). De ses oeuvres principales,
une seule, l’Apprenti sorcier, a vraiment
atteint la célébrité, alors que son opéra
Ariane et Barbe-Bleue reste pratiquement
inconnu, et que sa Sonate et ses Variations pour piano sont au répertoire de très
peu de pianistes. Il aurait donc pu rester
toute sa vie un musicien méconnu, admiré
de quelques-uns mais ignoré des autres,
comme le furent et le sont toujours Maurice Emmanuel et André Caplet.
Or il fut, à partir de sa trente-deuxième année et jusqu’au-delà de sa mort,
un musicien fameux et populaire, grâce
à l’Apprenti sorcier, mais aussi à ses activités de critique (il publia des écrits sur
la musique jusqu’à la fin de sa vie) et de
professeur de composition au Conservatoire de Paris (où il succéda en 1928
à Charles-Marie Widor et eut parmi ses
élèves Olivier Messiaen). Auparavant, à
partir de 1924, il avait été inspecteur de
l’enseignement musical pour les conservatoires de province. À cette époque, et
depuis longtemps, il ne publiait plus rien.
Durant les deux dernières décennies de
son existence, il détruisit toute une série
d’ouvrages, entièrement ou presque
achevés : une deuxième symphonie, une
sonate pour piano et violon, un poème
symphonique (le Fils de la Parque), un
drame lyrique (le Nouveau Monde), deux
ballets (le Sang de Méduse et Variations
chorégraphiques). Il fut, en effet, de ceux,
bien rares, qui « ne se résignèrent qu’au
chef-d’oeuvre ». Condisciple de Debussy
au Conservatoire de Paris, il obtint le second prix de Rome (1888), mais jamais
le premier. Deux ouvertures de jeunesse
(pour le Roi Lear de Shakespeare et pour
Götz von Berlichingen de Goethe) ne nous
sont pas parvenues. Mais une troisième,
d’après Polyeucte de Corneille, fonda
d’emblée sa réputation (1892), bien qu’elle
se plaçât sous le signe du postromantisme
wagnérien et franckiste. Cinq ans plus
tard (1897), la symphonie en « ut » fut
assez froidement accueillie. En mai suivant, le scherzo l’Apprenti sorcier, un des
plus brillants et des plus réussis de tous
les poèmes symphoniques, remporta, en
revanche, un triomphe qui ne s’est jamais
démenti depuis. À ces trois partitions
d’orchestre succédèrent deux monuments
pour piano dédiés au grand interprète
beethovénien Édouard Risler, qui en as-
sura la création : la Sonate en « mi » bémol
mineur (1901) et Variations, interlude et
finale sur un thème de Rameau (1903). Ces
deux ouvrages montrent que Dukas, s’il
se trouvait alors dans le camp des debussystes, ne s’en situait pas moins parmi les
héritiers de Beethoven. La sonate, dont le
troisième mouvement contient une fugue,
est un net hommage à l’auteur de la Hammerklavier, et les variations à celui des
Diabelli (d’autant que, comme la valse utilisée par Beethoven, le thème de Rameau
choisi par Dukas, le Lardon des pièces
de clavecin en ré, semble à première vue
des plus insignifiants). Mais l’ombre de
Liszt règne également dans la sonate, et
les variations ne vont pas sans quelques
harmonies impressionnistes. Les quatre
années suivantes furent consacrées à
Ariane et Barbe-Bleue, opéra en 3 actes sur
un livret de Maurice Maeterlinck, créé à
l’Opéra-Comique le 10 mai 1907. On l’a
rapproché de Pelléas, et il est sûr que son
langage harmonique est largement fondé
sur la gamme par tons et sur d’autres
procédés « debussystes ». Mais il y a des
éléments tout autres dans Ariane, qui,
contrairement à Pelléas, est symphonique
autant que lyrique (non seulement par son
traitement de l’orchestre, mais aussi par
sa structure tonale rigoureuse), et dont
quinze ans avant Wozzeck le premier acte
adopte exactement la forme variations.
Quant au ballet la Péri, dernière partition importante de Dukas, il fut donné
pour la première fois (après avoir été promis à la destruction et sauvé au dernier
moment) non par Serge de Diaghilev,
comme prévu, mais par N. Trukhanova au
théâtre du Châtelet en avril 1912 : avant
le ballet proprement dit, une éblouissante
fanfare de cuivres, « chef-d’oeuvre qui précède le chef-d’oeuvre ».
Le silence de Dukas, comme ceux de
Rossini et de Sibelius - celui-ci, son exact
contemporain, donna sa dernière grande
oeuvre en 1926, soit trente ans avant sa
mort -, a fait l’objet de nombreux commentaires. Le compositeur ne fut jamais
le moins du monde névrosé, et ne souffrit
jamais, jusqu’à sa dernière brève maladie,
d’aucune perte de vitalité. Il avait sans
doute, entre autres, le don assez rare d’être
paresseux sans mauvaise conscience,
aimant la lecture, la vie en général et le
commerce de quelques amis, ne se sentant
jamais frustré et n’ayant aucune ambi-
tion vers les honneurs (il fut néanmoins
élu à l’Institut au fauteuil d’Alfred Bruneau en 1934). Il éprouvait un dédain ironique pour les exigences de son époque
en matière d’expérimentation moderniste,
ne permit jamais (contrairement à Ravel)
à Stravinski de l’influencer, et n’éprouva
de sympathie particulière ni pour la génération des Six, ni pour l’expressionnisme
viennois. Pour mal avisée qu’elle ait été,
rien en définitive ne suscite davantage le
respect que la décision de ce grand orchestrateur et architecte de préférer un
compositeur silencieux à un compositeur
demeuré tant bien que mal en activité,
mais dont la musique eût convergé vers
le silence.
DULCIANE.
Jeu de fond de l’orgue, à corps étroit, en
général de huit pieds, qui sonne comme
une gambe, mais avec plus de douceur.
Il a été surtout utilisé dans l’orgue symphonique français.
DULCIMER.
Instrument médiéval à cordes frappées à
l’aide d’une paire de baguettes en bois.
Il ne faut pas confondre le dulcimer
avec le psaltérion, qui lui ressemble, mais
dont les cordes sont pincées. Le terme
apparaît au cours du XIVe siècle, et fait
allusion sans aucun doute à une sonorité
douce. Le dulcimer se compose d’une
caisse de résonance, tenue sur les genoux,
à travers laquelle les cordes, généralement
montées en choeurs, sont tendues par une
série de chevilles de chaque côté. L’instrument comporte deux chevalets, également
de chaque côté, et la table d’harmonie est
décorée d’une ou deux roses. L’étendue de
l’instrument semble avoir varié considérablement, et Agricola, en 1528, parle d’un
dulcimer de plus de trois octaves. À partir du XVIe siècle, il a été progressivement
remplacé par les instruments à clavier.
DU MAGE (Pierre), organiste et compositeur français (Beauvais 1674 - Laon
1751).
Appartenant à la génération de l’apogée
de l’orgue classique français, Du Mage en
est l’un des grands représentants ; mais
une vie itinérante, surtout en province,
ne lui a pas assuré le rayonnement auquel
il pouvait prétendre. Fils d’un Pierre Du
Mage, musicien à la cathédrale de Beauvais, il reçut l’enseignement de Marchand,
probablement à Paris, et fut nommé organiste à la collégiale de Saint-Quentin dans
les premières années du XVIIIe siècle. Le
magnifique orgue que Robert Clicquot
venait d’y terminer en 1701 fut sans doute
un stimulant pour le Premier Livre d’orgue
contenant une suite du premier ton, qu’il
publia en 1708. En 1710, il devint organiste à la cathédrale de Laon, où il écrivit
un second Livre d’orgue, aujourd’hui disparu. En 1719, il quitta, semble-t-il, la musique pour entrer dans l’administration,
mais on le voit réapparaître à Notre-Dame
de Paris en 1733, pour l’inauguration du
nouvel orgue de Thierry. Toute son oeuvre
se résume donc aux huit pièces de la Suite
du premier ton, où se retrouve l’opposition
classique de pages polyphoniques de style
sévère, avec des récits gracieux et pittoresques.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
319
DUMAY (Augustin), violoniste français
(Paris 1949).
Il fait ses études au Conservatoire de Paris
avec Roland Charmy (violon) et Jean
Hubeau (musique de chambre) et obtient
un 1er Prix de violon en 1962. L’année suivante, à quatorze ans, il donne un premier
concert remarqué au Théâtre des ChampsÉlysées. De 1962 à 1967, il étudie avec Arthur Grumiaux en Belgique. Dès le début
de sa carrière, il consacre une grande part
de son activité à la musique de chambre,
se produisant avec Jean-Philippe Collard,
Frédéric Lodéon, Michel Béroff, Yo-Yo
Ma et Maria-João Pirès. Attaché à faire
connaître la musique française, il a contribué à réhabiliter les oeuvres de plusieurs
compositeurs, dont Albéric Magnard. Son
violon est un stradivarius de 1721 ayant
appartenu à Fritz Kreisler.
DUMESNIL (René), écrivain et critique
musical français (Rouen 1879 - Paris
1967).
Ayant fait des études de médecine et de
littérature, reconnu comme un des meilleurs spécialistes de l’oeuvre de Gustave
Flaubert, René Dumesnil fut, au Mercure de France et au Monde, un critique
musical impartial, scrupuleux et précis.
Il publia d’excellents ouvrages de vulgarisation et de synthèse sur des sujets très
divers. Il fut élu à l’Académie des beauxarts en 1965. Parmi ses ouvrages sur la
musique, on peut citer : le Don Juan de
Mozart (1927, 2e éd. 1955), Richard Wagner (1929, 2e éd. 1954), Histoire illustrée
de la musique (1934), la Musique française
entre les deux guerres (1946), Histoire illustrée du théâtre lyrique (1953), Histoire de
la musique (compléments de l’ouvrage de
J. Combarieu), l’Aube du XXe siècle (tome
4) et la Première Moitié du XXe siècle (tome
5, 1958, 1960).
DUMITRESCU (Iancu), compositeur,
chef d’orchestre et musicologue roumain (Sibiu 1944).
Il a fait des études au Conservatoire de
Bucarest (1962-1968) et a suivi les cours
de Sergiu Celibidache à l’université de
Trèves (1978-1981). Ce contact lui révéla
la portée musicale de la phénoménologie, dont il allait appliquer les conclusions à l’élaboration d’un concept aussi
bien interprétatif que créatif. Il a fondé
en 1966, avec quelques enthousiastes, le
premier studio de musique électronique
de Roumanie. Dix ans plus tard, il fonde
l’Ensemble Hyperion, véritable atelier
de création qui réunit bon nombre de
compositeurs roumains élaborant les
principes d’une nouvelle avant-garde. La
musique de Iancu Dumitrescu témoigne
d’une fantaisie structurelle et timbrique
sans faille dont le fondement est constitué
par le concept d’acousmatique, signifiant,
pour lui, l’enrichissement de l’impact sonore par l’occultation de la source du son
et le rejet de toute incidence anecdotique
(Perspectives au Movemur pour quatuor
à cordes, 1979 ; Cogito-Trompe-l’oeil pour
deux contrebasses, piano préparé, percussion et objets métalliques). La musique
orchestrale de Dumitrescu se caractérise
par la même recherche de l’expression
inouïe, de la plasticité et de la ductilité du
son, un son auquel le compositeur attribue souvent une signification symbolique
(Aulodie Mioritica pour contrebasse et
orchestre, 1981 ; Astrée lointaine pour orchestre d’harmonie, trois groupes de percussion, piano et saxophone basse soliste,
1992). Il a écrit en outre Grande Ourse
pour deux bassons, piano préparé, percus-
sion et bande (1981-82), Nimbus I-III pour
trois trombones, percussion et bande synthétisée (1985), Mythos pour ensemble de
chambre (1994), Kronos Holzwege Quartet
pour quatuor à cordes (1994), Mnemosyne
pour ensemble (1994).
DUMKA.
Pièce pensive, rêveuse au lyrisme typiquement slave.
Elle correspond à la méditation française, à la rêverie (Traümerei) allemande.
Habituellement écrite en forme de lied,
elle peut s’introduire dans la musique de
chambre, comme par exemple dans le Trio
op. 90 de Dvořák.
DU MONT (Henri, ou DETHIER), organiste
et compositeur wallon (Villers-l’Évêque,
près de Liège, 1610 - Paris 1684).
Il se fixe très tôt avec sa famille à Maestricht, où il est chantre, puis organiste
(1630) de la collégiale Notre-Dame. Il perfectionne vraisemblablement sa formation
au cours de séjours à Liège, où il travaille
sans doute avec Léonard de Hodemont.
Vers 1635, il adopte le nom de Du Mont traduction française de De Thier -, et
arrive à Paris en 1638. Il devient organiste de Saint-Paul en 1640 (il conserve
ce poste toute sa vie) et, peu avant 1653,
claveciniste et organiste du duc d’Anjou.
Il abandonne cette position en 1660 pour
celle de claveciniste de la reine et, à la suite
d’un concours organisé pour la succession
de Jean Veillot en 1663, est nommé, avec
Pierre Robert, maître de la chapelle royale
(qui compte quatre musiciens). En 1672,
Du Mont obtient avec Robert la charge de
compositeur de la chapelle du roi, libre
depuis la mort de Thomas Gobert, et, en
1673, est nommé maître de la musique de
la reine. Il laisse cette position en 1681 et
se retire de la cour en 1683.
À part quelques pièces de clavecin parues dans des anthologies de l’époque et
de menues chansons, il a composé uniquement, mais en très grande quantité,
de la musique sacrée. Il a fait paraître un
recueil de Cantica sacra suivi de Litanies,
puis un livre de Meslanges (à II, III, IV et
V parties), contenant des chansons, motets, magnificat, préludes et allemandes
pour orgue et pour violes et des Litanies
à la Vierge, auquel il ajoute un recueil de
Préludes. Il est enfin l’auteur d’un recueil
d’Airs à 4 parties sur la paraphrase des
psaumes d’Antoine Godeau, de plusieurs
livres de motets, de Cinq Messes en plainchant et d’un oratorio, Dialogus de anima.
Les cinq messes, ou Messes royales, sont
demeurées célèbres, car elles ont été chantées (surtout celle du premier ton) dans
les églises françaises jusqu’au XIXe siècle.
On les appelle « royales » à tort, car elles
ont été composées à l’usage des couvents
et paroisses et n’ont jamais été exécutées
à la cour.
Les compositions les plus intéressantes
de Du Mont sont ses motets : des petits
motets à 1, 2 ou 3 voix accompagnées de la
basse continue et parfois de quelques instruments, et des Motets à deux choeurs. Les
premiers étaient chantés à la cour après
l’élévation, aux vêpres et au salut du saint
sacrement. Les Motets à deux choeurs sont
écrits non pas pour deux choeurs égaux
mais pour un petit choeur de cinq solistes
et un grand choeur composé du reste des
chanteurs, accompagnés d’un orchestre
complet, qui devient de plus en plus indépendant des voix. On exécutait ces motets
avant l’élévation et à la fin de la messe (Domine salvam fac regem) et lors des offices
solennels.
Le rôle de Du Mont est considérable
dans l’histoire de la musique sacrée en
France. Il a tout d’abord importé certains
traits stylistiques de la musique italienne,
avec laquelle il s’était familiarisé à Liège.
Sans avoir été le premier compositeur à
avoir publié en France des pièces avec
basse continue, il en a systématisé l’usage.
Il a introduit de même le genre du petit
motet à 1, 2 ou 3 voix, qui devait devenir si populaire. Mais surtout, il a, sur la
base des essais de ses prédécesseurs, Nicolas Formé et Jean Veillot, édifié le grand
motet français et ouvert la voie à M. A.
Charpentier et Michel-Richard Delalande.
DUNI, famille de musiciens italiens.
Antonio (Matera, Pouilles, v. 1700 Schwerin, Allemagne du Nord, apr. 1768).
Il contribua à introduire la culture italienne en Espagne et, surtout, en Europe
du Nord et de l’Est, notamment à Schwerin, où il fit représenter en 1756 un intermède, L’Amor mascherato, et à Moscou,
où, l’année suivante, il enseigna le chant.
Il composa une oeuvre variée comprenant
des cantates (Londres, 1735), des motets
et des symphonies.
Egidio Romualdo (Matera 1709-Paris
1775). Élève de Durante à Naples, il se fit
connaître, comme son frère, hors de son
pays : à Londres en 1737, à Leyde en 1738
et surtout à Paris où il se fixa en 1757. Son
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
320
séjour à la cour de Parme, où régnait le
gendre de Louis XV, l’avait accoutumé à la
culture française et il sut très vite s’adapter
au goût de son nouveau pays. Respectueux
de la prosodie, il fut très apprécié des Parisiens, ce qui lui valut d’être nommé, en
1761, directeur de la Comédie-Italienne.
Après avoir écrit en Italie une douzaine
d’opéras traditionnels, il se consacra
désormais à l’opéra-comique, collaborant avec les librettistes les plus célèbres,
Anseaume, Vadé et Favart. Ses ouvrages
les plus connus sont le Peintre amoureux
de son modèle (1757), la Fille mal gardée
(1758), Nina et Lindor (1758), les Deux
Chasseurs et la Laitière (1763), l’École de la
jeunesse (1765), la Fée Urgèle (1765) et les
Moissonneurs (1768). Sa musique, mieux
écrite pour la voix que pour l’orchestre,
témoigne de l’influence de Philidor, notamment lorsqu’elle peint les sentiments
tendres et pathétiques.
DUNSTABLE (John), compositeur, astronome et mathématicien anglais ( ? entre
1380 et 1390 - Londres 1453).
On possède fort peu de renseignements
sur lui. Sans doute fut-il associé à la vie
musicale de l’abbaye de Saint-Alban, près
de Londres. Un de ses précieux livres
sur l’astronomie (manuscrit conservé à
Cambridge) révèle un détail important :
Dunstable fut le musicien du duc de Bedford, régent de France après la mort du
roi Henry V en 1422. Cela explique que la
plupart de ses oeuvres sont contenues dans
des manuscrits continentaux. Le mariage
du duc de Bedford avec la soeur de Philippe le Bon lia les Anglais aux Bourguignons et permit à Dunstable de rencontrer
Binchois et Dufay. L’influence de l’école
anglaise s’exerça ainsi sur les musiciens
français. La réputation de Dunstable fut
considérable en son temps, et le poète
Martin Le Franc écrivit, dans le Champion
des Dames, qu’« ilz... (Dufay et Binchois)...
ont prins de la contenance Angloise et
ensuy Dunstable Pour quoi merveilleuse
plaisance Rend leur chant joyeuse et notable ».
Une cinquantaine de compositions
de Dunstable ont été conservées, dans
lesquelles il est possible de discerner le
mélange des styles anglais et français car,
il faut le souligner, le musicien n’a pas dédaigné de son côté ce qu’un homme plus
jeune comme Guillaume Dufay pouvait
lui apporter. M. Bukofzer a énuméré les
différentes techniques qu’on peut remarquer dans l’oeuvre de Dunstable : déchant
anglais, style ballade, style gymel, motet
isorythmique, pièces ayant une voix supérieure très ornée, traitement libre dans
toutes les voix, double structure. Cette
oeuvre, avec son aspect chaleureux et
mélodique issu de la chanson bourguignonne, comprend des motets à 3 voix comme l’élégant Quam pulchra es d’une
séduisante naïveté - et à 4 voix - comme
le motet isorythmique Veni sancte Spiritus pour lequel deux textes sont employés.
Elle inclut également des fragments de
messes, ainsi qu’une version polyphonique du Magnificat. Trois chansons à 3
voix subsistent, dont Durez ne puis. Des
deux autres, d’authenticité douteuse, le
célèbre O rosa bella se trouve dans dix-sept
manuscrits et son texte incite à se demander si Dunstable n’aurait pas visité l’Italie.
Contemporain de Lionel Power, de
Johannes Benet et de Bedingham, John
Dunstable fut le plus grand compositeur anglais de sa génération. Le fameux
théoricien Tinctoris devait le qualifier de
primus inter pares estimant qu’il était un
important novateur et que l’oeuvre des
musiciens anglais de cette époque était
digne de l’expression ars nova.
DUO (ital. duetto ; angl. duet ; all. Duett).
Composition destinée à deux musiciens
(chanteurs ou instrumentistes), avec ou
sans accompagnement.
Le genre peut être en un seul ou en
plusieurs mouvements avec des proportions plus ou moins vastes. On peut y
inclure, par exemple, aussi bien les bicinia (chants à 2 voix), que les duos pour
violons de Mozart ou encore la sonate
traditionnelle pour instrument mélodique avec accompagnement de la basse
continue ou du piano. Dans la musique
de chambre vocale, on doit mentionner
les duetti da camera de maîtres tels que
Marco da Gagliano, Francesco Durante,
Agostino Steffani et surtout Haendel, tout
comme certains canti amorosi à deux voix
de Monteverdi.
DUOLET.
Lorsque la division du temps musical est
ternaire, c’est-à-dire que chaque temps
est divisé en trois parties égales, comme
dans la gigue à 6/8 ou à 6/4, la notation
peut avoir recours exceptionnellement à
une division en deux parties. Dans ce cas,
et dans les mesures citées, on aurait respectivement deux croches et deux noires
en duolet. Dans une valse à 3/4, on peut
également trouver une mesure de deux
noires en duolet, soit un rapport de deux
pour trois.
DUPÁK.
Danse populaire tchèque vive, à 2/4, dont
les mouvements caractéristiques sont le
trépignement et le piétinement.
Elle a trouvé sa forme idéalisée dans la
sixième des Danses tchèques pour piano
de Smetana.
DUPARC (Henri), compositeur français
(Paris 1848 - Mont-de-Marsan 1933).
Il fit ses études au collège des jésuites de
Vaugirard où César Franck enseignait la
musique. Ses premières oeuvres demeurèrent inédites (sonate pour violoncelle,
quelques mélodies), mais, dès 1870, il écrivit l’Invitation au voyage, chef-d’oeuvre qui
inaugurait l’ère parnassienne de la mélodie française. Une période de douze ans
s’ouvre alors pendant laquelle il participa
à la vie artistique militante. C’est chez lui
notamment que Saint-Saëns et Romain
Bussine fondèrent la Société nationale,
dont il fut longtemps secrétaire. Jusqu’en
1884, il poursuivit régulièrement, mais
très lentement, son oeuvre, faite de mélodies et d’incursions dans le domaine orchestral, parmi lesquelles Lénore (1875),
qui consacra son nom dans la vie musicale
officielle. Une maladie nerveuse l’obligea
alors à quitter Paris et le priva de son activité créatrice. Pendant les cinquante années qui lui restaient à vivre, il assista, en
pleine lucidité, à la paralysie de son talent.
Musicien cultivé, grand admirateur de
Wagner et du romantisme germanique,
Duparc n’a jamais réalisé l’oeuvre dont
il rêvait et dont les formes idéales auraient été la grande pièce symphonique
et le drame lyrique. Aux étoiles et Lénore
ne se dégagent qu’imparfaitement des
influences consenties et le projet d’une
Roussalka (d’après Pouchkine), auquel il
travailla pendant plus de dix ans, n’aboutit qu’à la destruction des esquisses. En
revanche, son mince recueil de mélodies
contient quelques-unes des plus précieuses
réussites de la musique française. Synthèse
de la romance et du lied, le poème lyrique
qui naît ainsi, et spécialement en marge de
textes de qualité (Baudelaire, Leconte de
Lisle, Th. Gautier, Jean Lahor), marque un
moment décisif de l’évolution du genre,
entre Gounod, Fauré (contemporain de
Duparc) et Debussy. Dès la Chanson triste
(1868) et surtout l’Invitation au voyage
(1870), la fidélité à la forme strophique va
de pair avec la franchise des modulations
et le raffinement qui s’exerce à prolonger
les images du verbe. Extase, plus ou moins
volontairement écrite « en style de Tristan », emploie en même temps des enchaînements typiquement franckistes. Pour la
première fois, cette oeuvre assigne à la couleur harmonique une équivalence sonore
avec l’image poétique, alors que Sérénade
florentine sollicite du mode hypophrygien
(mi plagal) une fluidité que le rythme syncopé ponctue avec une extrême douceur.
Phidylé (1882) et la Vie antérieure (1884),
sa dernière mélodie, attestent enfin l’expression définitive et originale du poème
chanté capable de traduire musicalement
la pensée et le sens du texte. Les accompagnements pour piano, souvent conçus
en des phrases très larges et toujours très
travaillés, présentent de grandes difficultés
d’exécution. La plupart d’entre eux ont été
orchestrés par le compositeur.
Si Duparc, par le climat douloureux
ou violent dans lequel il se complaît, se
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
321
rattache au second romantisme propre
aux disciples de César Franck, il dépasse
tous ceux-ci par la noblesse de sa pensée, la profondeur de son inspiration, sa
puissance évocatrice. Sans qu’on puisse
vraiment discerner une influence directe,
il est certain que sa conception de la mélodie a été, pour Gabriel Fauré, un exemple
précieux.
DUPÉRIER (Jean), compositeur et critique musical suisse (Genève 1886 - id.
1976).
Élève au conservatoire de Genève, il y fut
professeur d’harmonie jusqu’en 1929 et
se fixa ensuite à Paris. Il a laissé des réflexions sur la musique à travers plusieurs
ouvrages : Lettre à un sourd sur la musique
et les musiciens ; Lettre d’un musicien ambulant à son confrère sédentaire ; Mémoires
d’une flûte ; Musique ? Son oeuvre de compositeur d’une élégante facture néoclassique, comprend des pages symphoniques
(dont deux Symphonies, 1953 et 1954), un
Quatuor, deux ouvrages lyriques (Zadig,
1938 ; le Malade imaginaire, 1943), des
choeurs et des mélodies.
DUPHLY (Jacques), organiste, claveciniste et compositeur français (Rouen
1715 - Paris 1789).
Il fit ses études à Rouen où il fut l’élève
de François d’Agincourt à l’église SaintJean. Vers 1730, il fut nommé organiste de
la cathédrale d’Évreux. Il revint à Rouen
en 1734 pour tenir les orgues de l’église
Saint-Éloi puis, en 1740, de Notre-Damela-Ronde. Mais il s’intéressa ensuite au
clavecin et, abandonnant l’orgue et sa ville
natale, il se fixa à Paris et se fit connaître
de la société de la capitale, écrivant des
pièces de clavecin qui ont pour titre les
noms de quelques-uns de ses admirateurs.
Son oeuvre se situe vers la fin de la période pendant laquelle le clavecin régna en
maître suprême. Duphly a laissé 46 pièces
pour cet instrument (4 livres : 1744, 1748,
1756, 1768), qui témoignent d’une certaine sobriété dans l’ornementation, d’un
goût pour le style galant, ainsi que de recherches dans le domaine sonore, puisque
le clavier, grâce aux ravalements d’un Pascal Taskin, s’étendait maintenant jusqu’au
fa grave. Les pièces de clavecin sont disponibles dans une édition moderne de Françoise Petit (Paris, 1967).
DUPLUM.
Nom latin donné, au Moyen Âge, plus
spécialement dans les oeuvres de l’école de
Notre-Dame (Léonin, Pérotin), à la voix
située au-dessus du ténor ( ! TENEUR).
Dans les motets du XIIIe siècle, le duplum
prend le nom de motettus, une troisième
voix supérieure pour compléter la polyphonie s’appelant le triplum. Le nom de
duplum continua à être employé dans
d’autres compositions, par exemple dans
les rondeaux à trois voix d’Adam de la
Halle.
DU PRE (Jacqueline), violoncelliste anglaise (Oxford 1945 - Londres 1987).
Elle a étudié à la Guildhall School of Music
de Londres, puis à Paris avec Paul Tortelier et enfin avec Pablo Casals et Mstislav
Rostropovitch, se révélant très rapidement du niveau de ses maîtres. En 1967,
elle épouse Daniel Barenboïm, avec qui
elle forme un duo très remarquable, enregistrant avec lui, entre autres, une version
exceptionnelle des Sonates pour violoncelle
et piano de Brahms. Tous deux se produisent aussi en trio avec Pinchas Zuckermann. En 1972, atteinte d’une sclérose en
plaques, elle doit interrompre sa carrière.
Elle a légué l’un de ses violoncelles, un
stradivarius de 1712, à Yo-Yo Ma.
DUPRÉ (Marcel), organiste et compositeur français (Rouen 1886 - Meudon
1971).
Toute sa famille fut musicienne : ses
deux grand-pères organistes à Rouen
(à Saint-Maclou et à Saint-Patrice), son
père organiste à l’Immaculée-Conception
d’Elbeuf, puis à Saint-Ouen de Rouen, sa
mère pianiste et violoncelliste. Aussi ses
dons très précoces furent-ils encouragés et
développés : à huit ans, il se produisit déjà
en concert, et à douze ans il fut nommé
organiste titulaire à l’église Saint-Vivien
de Rouen. Il travailla ensuite avec Guilmant, puis avec Vierne, Widor et Diémer.
Au Conservatoire de Paris, il remporta les
prix de contrepoint, de fugue et d’orgue,
tout en suppléant déjà Widor à Saint-Sulpice (1906). En 1914, ce fut la consécration
officielle du premier grand prix de Rome.
Au lendemain de la Grande Guerre, Dupré
devint le premier virtuose international de
l’orgue. Dès 1920, il donna au Conservatoire, en dix récitals, la première audition
intégrale de l’oeuvre d’orgue de Bach, qu’il
exécuta de mémoire. Il fit des tournées
dans tous les pays, totalisant plus de deux
mille concerts de par le monde, dont huit
cents aux seuls États-Unis, tout en poursuivant ses activités françaises de professeur et de musicien : professeur d’orgue et
d’improvisation au Conservatoire de Paris
(1926), à l’École normale de musique de
Paris, titulaire de l’orgue de Saint-Sulpice
(1934), directeur général du conservatoire américain de Fontainebleau (1947),
directeur du Conservatoire national supérieur de musique de Paris (1954-1956),
directeur du Comité national de la musique. En 1956, il fut élu à l’Académie des
beaux-arts. Sa virtuosité confondante l’a
fait surnommer le « Liszt de l’orgue » par
son élève Olivier Messiaen ; il possédait
en effet une maîtrise absolue de ses gestes
et de sa pensée, maîtrise qu’il a transmise
à ses nombreux et brillants élèves ; toute
la jeune école d’orgue française, l’une des
meilleures au monde, lui est redevable à
un titre ou à un autre. Cette maîtrise en
faisait un prodigieux technicien de l’improvisation : il pouvait créer sur l’instant
des développements musicaux dans les
formes les plus complexes, fugue, canon,
sonate en trio, choral orné, symphonie,
etc. Son oeuvre de compositeur se ressent
de cette virtuosité intellectuelle, et tend à
laisser dans l’ombre l’expression de sa sensibilité personnelle au profit de préoccupations formelles qui sont allées croissant
dans son évolution. Dupré s’est surtout
adressé à son instrument : Trois Préludes
et fugues op. 7 (1912), son oeuvre la plus
convaincante avec la Symphonie-Passion
op. 23 (1924), ainsi que la Suite bretonne
op. 21 (1923), le Chemin de la croix op.
29 (1931-32), Trois Préludes et fugues op.
36 (1938), le Tombeau de Titelouze op. 38
(1942-43). Mais son oeuvre, qui compte
plus de cinquante numéros d’opus, comprend également des pages pour piano,
de la musique de chambre, de la musique
vocale (la France au calvaire, op. 49, oratorio, 1952-53), des oeuvres pour orchestre
(Symphonie en « sol » mineur op. 25, 192728 ; Cortège et litanie op. 19, 1921, pour
orgue et orchestre). Il a publié des transcriptions de Mozart, de Haendel et de
Bach, et des ouvrages didactiques importants : Traité d’improvisation (Paris, 1924),
Méthode d’orgue (Paris, 1927), Cours de
contrepoint (Paris, 1938), Cours de fugue
(Paris, 1938), Manuel d’accompagnement
du plain-chant grégorien (Paris, 1937), etc.
Il a aussi édité les oeuvres pour orgue de
Bach, de Mendelssohn, de Schumann, de
Franck, etc., doigtées et annotées (chez
Bornemann). Il laisse un recueil de souve-
nirs, Marcel Dupré raconte (1972).
DUPREZ (Gilbert), ténor français (Paris
1806 - id. 1896).
Son nom reste attaché à l’emploi du
« contre-ut de poitrine », c’est-à-dire
à une manière puissante, héroïque, de
chanter les notes extrêmes du registre de
ténor, alors que ses prédécesseurs, García,
Rubini, Nourrit, etc., avaient recours aux
nuances de la voix mixte à partir du sol
aigu. Duprez ne fut pas le premier ténor à
donner le « contre-ut de poitrine », mais il
fut le premier à l’employer systématiquement, par exemple dans Guillaume Tell de
Rossini. Il avait débuté à Paris en 1825,
sans succès, dans le rôle d’Almaviva du
Barbier de Séville. Il se rendit alors en Italie
et opta pour une nouvelle technique de
voix « sombrée ». L’expérience lui réussit
et Donizetti le choisit pour créer le rôle
d’Edgardo dans Lucie de Lammermoor
(1835). En 1837, il revint à Paris, et, imposant un style héroïque nouveau, triompha
dans les ouvrages qu’avait créés Adolphe
Nourrit, provoqua la démission de ce dernier et contribua à développer le goût du
public pour une vigueur vocale préférée
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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au raffinement des nuances. Il créa Benvenuto Cellini de Berlioz (1838) et la Favorite
de Donizetti (1840), mais sa voix ne tarda
pas à donner des signes de fatigue. Il se
consacra ensuite à l’enseignement. Il eut
parallèlement une activité de compositeur
(huit opéras, etc.) et écrivit des ouvrages
sur le chant (l’Art du chant, 1845).
DUPUIS (Sylvain), chef d’orchestre et
compositeur belge (Liège 1856 - Bruges
1931).
De 1865 à 1876, il fait ses études au Conservatoire de Liège. En 1881, il remporte le
Prix de Rome, puis séjourne à Bayreuth et
à Paris, où il se lie avec d’Indy. De retour
à Liège, il prend en 1886 la direction de la
société chorale La Legia, et fonde en 1888
les Nouveaux Concerts symphoniques.
De 1900 à 1911, il dirige le Théâtre de la
Monnaie à Bruxelles et, de 1911 à 1926,
le Conservatoire de Liège. Son activité
relie toujours la pédagogie avec le souci de
rendre la musique nouvelle accessible à un
public populaire, grâce aux sociétés chorales notamment. Comme chef lyrique, il
introduit à la Monnaie Wagner, Debussy
et les franckistes, et, au concert, il est un
des premiers à diriger Mahler. On lui doit
les opéras la Cour d’Ognon et Moïna, trois
grandes cantates, le poème symphonique
Macbeth, des pièces instrumentales et de
nombreux choeurs et mélodies.
DU PUY ou DUPUY (Édouard Jean-Baptiste Camille), compositeur, violoniste,
chanteur et chef d’orchestre (Corcelles,
Suisse, 1770 ou 1771 - Stockholm 1822).
Après ses études à Paris avec Dussek, il
devient successivement maître de chapelle
du prince Henri de Prusse, puis musicien
et chanteur à la cour de Suède, d’où il est
expulsé en 1809. Réfugié à Copenhague
où il participe à la défense de la ville avant
d’en être également expulsé, il retourne
en Suède en 1811 avec l’établissement de
la cour de Bernadotte. Plus que par ses
aventures, ses talents d’interprète et son
surnom de « Don Juan du Nord », il survit
grâce à un remarquable opéra, Ungdom og
galskab (« Jeunesse et folie », 1806), dont
l’ouverture est toujours inscrite au répertoire des orchestres danois et suédois.
DUPUY (Martine), mezzo-soprano française (Marseille 1952).
Elle étudie le chant au Conservatoire de
Marseille, et débute avec de petits rôles
à l’Opéra de la même ville. Elle travaille
ensuite avec Rodolfo Celletti, professeur
de Ruggero Raimondi. Elle se consacre
essentiellement au répertoire italien, mais
chante aussi, dès 1977, à Lyon, le rôle
de Charlotte de Werther. Elle triomphe
notamment dans les opéras de Rossini
(Semiramis, la Cenerentola, la Donna del
Lago). En 1988, elle débute au Metropolitan de New York dans Giuletta des Contes
d’Hoffmann. Menant sa carrière avec discernement, elle déclare préférer les rôles
mélancoliques ou belliqueux aux personnages limpides comme Rosine du Barbier
de Séville, qu’elle délaisse.
DUR.
Épithète appliquée, dans la langue allemande, au mode majeur (par exemple, C
dur signifie do majeur).
DURAND.
Maison d’édition musicale française, fondée en 1869 par M. Schoenwerk et Auguste
Durand (mort en 1909), organiste et compositeur. En 1891, elle devint une société
en nom collectif, « A. Durand et Fils »,
formée entre Auguste Durand et son
fils Jacques Durand. Ce dernier, qui fut
condisciple de Debussy et de Paul Dukas
au Conservatoire de Paris, continua
l’oeuvre de son père en éditant, outre les
oeuvres de ces deux compositeurs, celles
de la plupart des musiciens français de son
temps. Après la mort de Jacques Durand
en 1928, son cousin René Dommange
(mort en 1977) prit la direction de la maison et lui donna, en 1947, sa raison sociale
actuelle, « Durand et Cie ». La société est
maintenant dirigée par Mme René Dommange et son neveu Guy Kaufmann.
Le très important catalogue des éditions Durand est surtout remarquable par
sa grande homogénéité et par le fait qu’y
figure la quasi-totalité des grands compositeurs français de la fin du XIXe siècle et
de la première moitié du XXe : Saint-Saëns,
Fauré, Debussy, Dukas, Massenet, Lalo,
Ravel, d’Indy, Schmitt, Rabaud, Widor,
Ropartz, Roger-Ducasse, Roussel, Caplet,
Busser, Bachelet, Aubert, Milhaud, Ibert,
Delvincourt, Ferroud, Poulenc, Messiaen,
Duruflé, etc.
Outre cette étonnante contribution à la
musique contemporaine qui se poursuivit
jusqu’aux années 50, les éditions Durand,
qui avaient commencé (sous la direction
de Saint-Saëns) la publication des oeuvres
complètes de Rameau - entreprise malheureusement interrompue en 1918 -, se
sont consacrées à l’édition des grands classiques, souvent révisés par des musiciens
modernes de renom comme Saint-Saëns,
Fauré, Debussy, Dukas.
DURANTE (Francesco), compositeur
italien (Frattamaggiore, près de Naples,
1684 - Naples 1755).
Il travailla la musique avec son oncle Angelo au conservatoire de Naples, puis étudia le violon avec G. Francone. Peut-être
fut-il également l’élève d’un grand maître,
B. Pasquini. Il est curieux de constater
que, bien que napolitain, originaire d’une
ville où l’opéra fleurissait tout particulièrement, Durante, à l’exception de choeurs
composés pour la tragédie Flavio Valente,
n’a pas écrit pour le théâtre. En revanche,
ses duos de chambre (pour 2 voix et basse
continue) sont remarquables par leur originalité et leurs audaces harmoniques. En
fait, ces oeuvres furent destinées à l’enseignement, comme en témoigne, dans leur
titre, la mention : « ... Per imparare a cantare » (« Pour apprendre à chanter »).
Sa musique religieuse, importante,
comprend les oratorios La Cerva assetata (1719), Abigaile (1736), San Antonio
di Padova (1753), 13 messes dont deux
Requiem, des psaumes, des motets, des
antiennes et des litanies. Comme Alessandro Scarlatti, il a écrit des madrigaux à une
date où le genre tombait quelque peu en
désuétude. Pour les instruments, il a composé des sonates, des pièces pour clavecin
(Toccate), des concertos, ainsi que 8 quatuors concertants pour cordes. Son oeuvre
est immense et 62 volumes manuscrits
sont conservés à la Bibliothèque nationale
de Paris.
Dans sa musique, Francesco Durante
usa du contrepoint avec élégance, maîtrise
et aisance ; l’aspect mélodique reste essentiel ; il est parfois teinté de sentimentalité,
comme en témoigne par exemple le célèbre air de dévotion Vergin tutt’amor, que
Parisotti a publié dans ses Arie antiche. Si
Durante n’a pas été un compositeur particulièrement original, il fut généralement
considéré par ses contemporains comme
un excellent pédagogue. Il forma Traetta,
Sacchini, Piccinni, Egidio Duni, Paisiello,
Pergolèse, Jommelli. En prenant en considération ses élèves qui, paradoxalement,
devaient tous consacrer la majeure partie
de leur carrière au théâtre lyrique, on cite
souvent aujourd’hui Durante comme le
fondateur de l’école napolitaine.
DURASTANTI (Margherita), soprano italienne (active de 1700 à 1734 environ).
En 1700, elle apparaît dans un pastiche
à Venise, et entre en 1707 au service du
prince Ruspoli à Rome. Elle y rencontre
Caldara et surtout Haendel, qui lui confie
plusieurs cantates et le rôle de Magdalena
dans l’oratorio la Resurrezione. De 1709 à
1712, elle est la prima donna de neuf opéras de Lotti à Venise, puis de cinq opéras
d’Alessandro Scarlatti à Naples. Dès 1720,
Haendel l’engage à Londres pour l’inauguration de la Royal Academy, où elle
triomphe dans le rôle-titre de Radamisto.
Actrice assumant habilement les rôles
masculins, couverte, dit-on, de bijoux
mirobolants, « la Comtesse » devient une
partenaire privilégiée de Haendel : Gismonda dans Ottone, Vigile dans Flavio en
1723 et Sextus dans Giulio Cesare en 1724
sont les créations marquant ses premières
saisons londoniennes. Haendel, qui subit
la rivalité du Nobility Opera, la rappelle
en 1733. Ottone, Acis et Galatée et la création de Tauride dans Arianna sont les
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dernières apparitions de sa carrière, qui
semble s’arrêter après 1734.
DURAZZO (comte Giacomo), impresario
et diplomate italien (Gênes 1717 - Venise
1794).
Devenu en 1749 ambassadeur de Gênes
à Vienne, il obtint en 1754 la charge de
directeur des spectacles des deux théâtres
impériaux, publia anonymement une
Lettre sur le méchanisme de l’opéra italien
et, soutenu en cela par le chancelier Kaunitz, qui recherchait l’alliance de Louis
XV, favorisa les genres venus de France
de l’opéra-comique et de l’opéra-ballet.
Il joua un grand rôle dans la carrière de
Gluck, qu’il fit nommer en 1754 directeur
musical des théâtres impériaux (Burgtheater et Kärtnertortheater), qu’il encouragea
à composer des opéras-comiques en français et qu’il mit en rapport avec Angiolini
et Calzabigi. Congédié de son poste à la
tête du Burgtheater à la suite d’intrigues
menées par Georg Reutter (1764), il fut
jusqu’en 1784 ambassadeur de Vienne
à Venise, où, en 1771, il reçut Mozart et
son père. Dans les années 1780, il informa
régulièrement le prince Nicolas Esterhazy (leurs épouses respectives étaient
parentes) de la situation de l’opéra en Italie, contribuant ainsi à donner aux saisons
d’opéra dirigées par Haydn à Esterhaza
tout le lustre possible.
DURCHKOMPONIERT (all. : « composé
d’un bout à l’autre »).
Se dit, essentiellement pour le répertoire
classico-romantique relevant de la forme
sonate, d’un morceau tendant vers (ou
atteignant) le développement perpétuel,
avec répétitions textuelles et éléments de
réexposition réduits au minimum. Cette
notion est surtout associée à la musique
d’Arnold Schönberg, mais peut s’appliquer aussi à certaines pages bien antérieures, comme l’allegro initial de la symphonie en ré majeur no 96 (le Miracle) de
Haydn, composée en 1791.
DURÉE.
La durée d’une note (le mot se passe de
définition) a toujours été considérée par
la théorie classique, avec sa hauteur (dite
plus récemment fréquence) et son timbre,
comme l’une des composantes essentielles
du son musical. Berlioz a sans doute été le
premier à y joindre un quatrième élément,
son point d’origine, source de la « stéréophonie ». Dans l’écriture musicale usuelle,
la durée d’une note est indiquée, pour une
mesure et un tempo déterminés, par la
forme ou valeur du signe qui la représente
(noire, croche, etc.), et le rythme résulte
de la manière dont s’articulent entre elles
non seulement les durées, mais aussi et
surtout les points d’appui sur lesquelles
elles se greffent. On ne peut donc considérer l’agencement des durées comme un
élément suffisant pour une définition du
rythme, pas plus que la mesure, qui n’en
est qu’un découpage parfois arbitraire.
DUREY (Louis), compositeur français
(Paris 1888 - Saint-Tropez 1979).
Diplômé de l’École des hautes études
commerciales, il a travaillé le solfège,
l’harmonie, le contrepoint et la fugue avec
Léon Saint-Requier. En 1920, avec Auric,
Honegger, Milhaud, Poulenc et Germaine
Tailleferre, il faisait partie du groupe des
Six, rassemblé autour de Jean Cocteau,
mais il s’en écarta l’année suivante pour
retrouver son indépendance. Il resta fidèle
à Debussy, son premier modèle, par-delà
toutes les influences qu’il subit : Schönberg (l’Offrande lyrique) ; Stravinski (Deux
Pièces à quatre mains : Carillons et Neige) ;
Satie (Trois Poèmes de Pétrone) ; Ravel (le
Bestiaire). Il atteignit à une expression
plus romantique avec le Troisième Quatuor et la comédie lyrique d’après Mérimée l’Occasion. En 1936, il adhéra à la
Fédération musicale populaire (dont il
fut le secrétaire général à partir de 1953 et
qu’il présida à partir de 1956), et, en 1948,
il fut nommé vice-président de l’Association française des musiciens progressistes.
Il reçut la médaille d’argent de la Ville de
Paris en 1960 et le grand prix de la mu-
sique française en 1961. En 1937, Louis
Durey lâcha la plume pour la reprendre
sept ans plus tard, la mettant alors au
service de ses convictions politiques (en
1936, il avait adhéré au parti communiste
français). Cet intimiste se mua en tribun :
ses cantates, ses chants de masse et harmonisations de chansons de terroir pour
chorales d’amateurs allaient exercer un
impact durable et irréversible sur les nouvelles oeuvres de musique pure apparues
entre 1953 et 1974 (sa dernière partition
porte le numéro d’opus 116), de même
que ses reconstitutions de chansons polyphoniques de la Renaissance. En 1964, la
Bibliothèque nationale organisa une exposition de ses manuscrits et de ses souvenirs. La meilleure part de l’oeuvre de Louis
Durey apparaît nettement, à toute époque
de sa carrière, dans ses mélodies, quatuors
vocaux et choeurs avec petit ensemble instrumental (Éloges, le Printemps au fond de
la mer, Dix Choeurs de métiers).
DURKÓ (Zsolt), compositeur hongrois
(Szeged 1934).
Il fait ses études de composition auprès de
Ferenc Farkas à l’académie de Budapest,
puis auprès de Goffredo Petrassi à l’académie Sainte-Cécile de Rome, dont il obtient le diplôme en 1963. Immédiatement
remarqué par la critique internationale,
il est devenu, à côté de György Kurtág et
d’Attilá Bozay, un des représentants les
plus éminents de l’école musicale hongroise actuelle. Très attiré par la musique
du Moyen Âge, il fait reposer son écriture
sur les éléments « horizontaux » de la
musique, allant jusqu’à bâtir une oeuvre
comme Fioriture sur un équivalent du
cantus firmus médiéval, plus que sur les
éléments « verticaux ». Il s’inspire aussi de
la musique populaire hongroise, dans son
essence du moins, non dans ses couleurs :
la musique de Durkó, en effet, est très austère, quoique la notion de timbre semble
avoir pris quelque importance pour lui
dans les années 1970.
DURR (Alfred), musicologue allemand
(Berlin 1918).
Consacrant ses recherches principalement
à l’oeuvre de J.-S. Bach, dont il est devenu
l’un des plus éminents spécialistes, Alfred
Durr est, depuis 1962, directeur adjoint de
l’Institut Bach de Göttingen. En 1951, il
publie ses Studien über die frühen Kanta-
ten J.S. Bachs (« Études sur les premières
cantates de J.-S. Bach ») à Leipzig. Il signe
également un ouvrage sur la chronologie
de la musique vocale de Bach à Leipzig
(Zur Chronologie der Leipziger Vocalmusik J.-S. Bachs, Bach Jahrbuch, 1957). Avec
W. Neumann, il travaille sur une nouvelle
édition des oeuvres complètes de J.-S. Bach
(Neue Ausgabe sämtlicher Werke). Trente
volumes de cet ouvrage appelé la Neue
Bach Ausgabe (N. B. A.) ont paru entre
1954 et 1968.
DURUFLÉ (Maurice), organiste et compositeur français (Louviers 1902 - Louveciennes 1986).
Il a d’abord été l’élève de Haelling, à la
cathédrale de Rouen, avant d’être au
Conservatoire de Paris celui de Gigout
(orgue), de Gallon (harmonie), de Caussade (contrepoint et fugue) et de Dukas
(composition), et de travailler l’orgue
avec Vierne et Tournemire. Titulaire de
l’orgue de Saint-Étienne-du-Mont à Paris
depuis 1930, il a été le suppléant de Vierne
à Notre-Dame (1929-1931) et celui de
Dupré au Conservatoire. De 1943 à 1973,
il a été chargé d’une classe d’harmonie
au Conservatoire. À l’exemple de son
maître Dukas, Duruflé écrit peu et soigne
à l’extrême l’expression de sa pensée. Ses
oeuvres principales sont Prélude, adagio
et choral varié sur le Veni Creator pour
orgue (1930), Trois Danses pour orchestre
(1937), Prélude et fugue sur le nom d’Alain
pour orgue (1943), Requiem pour solos,
choeur, orchestre et orgue (1947), Messe
« cum jubilo » pour baryton solo, choeur et
orchestre ou orgue (1966).
DUSAPIN (Pascal), compositeur français
(Nancy 1955).
Après des études secondaires puis universitaires, il travaille la composition avec
Iannis Xenakis et Franco Donatoni. En
1977, il reçoit le prix de la Fondation de la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
324
vocation. En 1981, il devient boursier de la
villa Médicis à Rome (période 1981-1983).
Compositeur remarquablement original,
Pascal Dusapin est aujourd’hui considéré comme un des plus sérieux espoirs
au sein de la jeune musique française,
ainsi que dans l’avant-garde internationale. Son univers sonore se situe en partie
dans la descendance de Yannis Xenakis
mais s’en distingue déjà très nettement.
Son langage, qui utilise largement le total
chromatique et les micro-intervalles, fait
preuve d’une invention renouvelée, voire
d’une certaine brillance expressive, et
frappe par la rigueur de construction et
la radicalité parfois très violente des procédés d’écriture : hauteurs en perpétuel
glissement, jeu de timbres brutalement
antagonistes, austérité et complexité du
contrepoint rythmique, sens aigu de la
polyphonie et des grandes densités dynamiques. Dusapin s’est révélé soudain, et
avec beaucoup d’acuité, en 1977, par des
oeuvres instrumentales, telles que Souvenir du silence (1976) pour treize cordes
solistes, ou instrumentales-vocales, telles
que Igitur (1977) pour voix de femmes,
sept cuivres et six violoncelles (sur un
texte de Lucrèce), et Lumen (1977, rev.
1980) pour voix de femmes, trois cuivres
et quatre cordes. Depuis 1977, Pascal Dusapin a composé Timée (1978) pour grand
orchestre, l’Homme aux liens (1978) pour
deux sopranos et trois violons (texte de
Lucrèce), le Bal pour quinze instruments
(1979), la Rivière (1979-80) pour grand
orchestre, Musique fugitive (1980) pour
trio à cordes, Musique captive (1980) pour
neuf instruments à vent, Inside pour alto
seul (1980), où se confirme son attirance
pour une écriture serrée conciliant violents contrastes et remarquables qualités
expressives. Suivirent, en 1982, l’Aven
pour flûte et orchestre, Tre Scalini pour
orchestre, Fist pour 8 instruments, Invisa
pour violoncelle solo, Niobé pour voix et
vents, en 1983, un Quatuor à cordes, en
1984, Hop. En 1985 ont été créés Assai
pour grand orchestre, et, en 1989, à Avignon, l’opéra Roméo et Juliette. De la
même année est daté Times Zones pour
quatuor à cordes. Suivirent l’operatorio
La Melancholia (1990), les opéras Medeamatérial (1991) et To be sung d’après
Gertrude Stein (1992-1993), Time Zone,
quatuor à cordes no 2 (1989), Quatuor à
cordes no 3 (1993), Khôra pour orchestre à
cordes (1993).
DUŠEK (František Xaver), pianiste et
compositeur tchèque (Choteborky
1731 - Prague 1799).
Après un séjour de formation à Vienne,
où il fut l’élève, pour le clavier, de Georg
Christoph Wagenseil, il se fixa à Prague
comme professeur de piano. C’est surtout
son amitié avec Mozart qui a lié son nom
et celui de sa femme Josepha (Prague
1754-id. 1824), pianiste et chanteuse, à
l’histoire de la musique. C’est dans la
maison de campagne des Dušek, la villa
Bertramka, que Mozart termina Don
Giovanni en 1787 et la Clémence de Titus
en 1791. Pour Josepha, qu’il avait déjà
rencontrée à Salzbourg en 1777, Mozart
écrivit l’air de concert Bella mia fiamma
K. 528 (3 nov. 1787, juste après la première de Don Giovanni), et ce fut elle qui,
en 1796, créa à Prague le fameux Ah ! perfido de Beethoven.
DUSSEK OU DUSIK, famille de musiciens tchèques.
Jan Josef, organiste et compositeur (Mlazovice 1738 - Caslav 1818). Professeur de
musique à Chlumencz, puis cantor de
la ville de Caslav, il écrivit surtout pour
l’orgue et l’église.
Jan Ladislav, pianiste et compositeur
(Caslav 1760 - Saint-Germain-en-Laye
1812). Fils du précédent, il fit ses études
aux collèges de Jihlava et de Kutna
Hora, et obtint un diplôme de l’université Charles-IV de Prague. Il séjourna à
Malines en 1779, y fut organiste ainsi
qu’à Berg-op-Zoom, et, vers 1782, entreprit une tournée à travers l’Europe, travaillant à Hambourg avec Carl Philipp
Emanuel Bach, passant deux ans chez le
prince Radziwill en Lituanie. Remarqué
par Marie-Antoinette en 1786, il s’établit
à Paris après un voyage en Italie pour voir
son frère. En 1790, fuyant la Révolution, il
s’installa à Londres, où il participa comme
pianiste aux mêmes concerts que Haydn et
où, en 1792, il épousa la chanteuse Sophia
Corri (1775-1847). Il entra dans la maison d’édition de son beau-père Domenico
Corri (1746-1825), mais celle-ci ayant fait
faillite, Dussek dut quitter précipitamment l’Angleterre en 1800 pour échapper
à la prison pour dettes, laissant derrière
lui sa femme et sa fille. Il se rendit à Hambourg, fut ensuite le maître de chapelle et
l’ami du prince Louis Ferdinand de Prusse
(1803-1806), et termina sa vie au service
de Talleyrand.
Virtuose incomparable qui arrachait
des cris d’admiration à ses auditeurs,
célèbre aussi par le moelleux de son tou-
cher, il a laissé plus d’une centaine de
compositions (sonates, variations, pièces
d’occasion, musique de chambre, concertos) pour son instrument, ainsi que des
ouvrages divers dont six sonatines pour
harpe. Ses oeuvres les plus connues - la
Consolation, sonatines op. 20 (à l’origine
avec flûte) - ne sont pas nécessairement
les plus significatives. Mais de grandes sonates comme l’opus 35 no 3 (C. 151) en ut
mineur (1797), l’Adieu op. 44 (C. 178) en
mi bémol (1800), l’Élégie harmonique sur
la mort de Louis Ferdinand de Prusse op.
61 (C. 211) en fa dièse mineur (1807), le
Retour à Paris ou Plus ultra op. 70 (C. 221)
en la bémol (1807) ou l’Invocation op. 77
(C. 259) en fa mineur (1812), comptent
tant musicalement que par leur écriture
pianistique parmi les plus intéressantes de
l’époque, et certaines ne furent pas sans
influencer Beethoven. Ces pages ouvrent
en même temps la voie au romantisme
d’un Chopin ou d’un Schumann. Un
catalogue thématique de l’oeuvre de Jan
Ladislav Dussek a été dressé par Howard
Allen Craw.
František Josef Benedikt, organiste,
chef d’orchestre et compositeur (Caslav
1766 - Zaticina v. 1817). Frère du précédent, il fut chef d’orchestre à Venise
(1782), à Milan (1786), à Laibach (1790),
puis de nouveau à Venise (1806).
DUTILLEUX (Henri), compositeur français (Angers 1916).
Il commence ses études musicales au
conservatoire de Douai, avec Victor Gallois. Il entre en 1933 au Conservatoire de
Paris où il suit l’enseignement de Jean Gallon (harmonie), Noël Gallon (contrepoint
et fugue), Henri Büsser (composition),
Philippe Gaubert (direction d’orchestre)
et Maurice Emmanuel (histoire de la
musique). En 1935 et 1936, il obtient les
premiers prix d’harmonie, puis de contrepoint et fugue. En 1938, il reçoit le grand
prix de Rome, mais son séjour à la villa
Médicis est interrompu par la guerre. Sa
première oeuvre, jouée à Paris (1941), est
une Sarabande pour orchestre que dirige,
aux Concerts Pasdeloup, Claude Delvincourt. Charles Panzera
crée en 1943 ses quatre mélodies pour
chant et piano. En 1944, Dutilleux compose, sur un poème de Jean Cassou, la
Geôle, pour chant et orchestre. Nommé,
l’année suivante, directeur du Service des
illustrations musicales de la radiodiffusion française, il occupe ce poste jusqu’en
1963. De 1945 à 1953, il écrit des musiques
de scène, des musiques de film, des musiques radiophoniques et se trouve en
contact avec des musiciens de toutes tendances et de toutes disciplines. Son travail
à la radio, absorbant, mais enrichissant, le
conduit à des réflexions qui influencent
sa propre évolution. En 1948, Geneviève
Joy crée sa Sonate pour piano à la Société
nationale de musique. En 1951, à la tête de
l’Orchestre national, Roger Désormière
dirige en première audition à la radio la
Première Symphonie. En 1953, le Loup, ballet sur un argument de Jean Anouilh et
Georges Neveux, est créé, dans les décors
de Carzou, par la compagnie Roland-Petit.
Henri Dutilleux se rend en 1959 aux
États-Unis pour assister à la création de sa
Deuxième Symphonie à Boston, sous la direction de Charles Munch. À cette oeuvre,
qui était une commande de la Fondation
Koussevitski, succèdent les Métaboles,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
325
commandées par l’orchestre de Cleveland
et créées par Georges Szell en 1965, puis
un concerto pour violoncelle et orchestre
que Mstislav Rostropovitch a demandé à
Henri Dutilleux, intitulé Tout un monde
lointain (création au festival d’Aix-enProvence en 1970). Le grand prix national
de la musique lui est décerné en 1967 par
le ministère des Affaires culturelles pour
l’ensemble de son oeuvre, et, en 1970, il
est nommé professeur de composition au
Conservatoire de Paris. En 1977, son quatuor à cordes Ainsi la nuit est créé à Paris
par le quatuor Parrenin et, fait inhabituel
pour un quatuor, est bissé par un public où
les jeunes compositeurs sont nombreux.
De la même année date Timbres, Espace,
Mouvement pour orchestre. En octobre
1985 ont été créés à Paris par Isaac Stern
un Concerto pour violon, en 1989, à Zurich,
Mystère de l’instant pour 24 cordes, cymbalum et percussions (commande de Paul
Sacher), à Besançon en 1991 les Citations,
diptyque pour hautbois, clavecin, contrebasse et percussion. Mystère de l’instant a
été révisé pour grand orchestre à cordes
en 1995.
L’unanimité qui s’établit sur le nom
et l’oeuvre de Henri Dutilleux n’est pas
le fait d’un hasard. Parti d’une tradition
classique assouplie par les acquisitions
harmoniques et instrumentales de la musique impressionniste, il prend nettement
conscience, dès 1944, des problèmes de
langage qui se posent au musicien contemporain à qui est interdit tout retour en
arrière. C’est d’abord par une purification
de la pensée et de sentiment que Dutilleux accomplit la révolution nécessaire.
Il rejette les faux-semblants, ne cherche
pas à étonner, poursuit la quête d’une
vérité intérieure. Son langage, qui oscille
entre l’atonal et le modal, tend à effacer les
repères trop voyants, les structures trop
rigides, au bénéfice d’une souplesse rythmique et mélodique qui s’accompagne
d’une instrumentation de plus en plus
subtile. Tel est, de la Sonate pour piano
et de la Première Symphonie à la Deuxième
Symphonie et aux Métaboles, le sens d’une
évolution qui trouve son accomplissement
dans l’oeuvre pour violoncelle et orchestre
intitulée Tout un monde lointain et dans le
quatuor à cordes Ainsi la nuit. Le désir de
rigueur et la curiosité d’un « monde lointain », la logique et le rêve cohabitent chez
le musicien qui a écrit en 1961 ces lignes
significatives : « Il y a évidemment une
forme particulière à chaque oeuvre, selon
une évolution intérieure. Ce problème de
formes, de structures qui s’éloigneraient
des cadres préfabriqués me préoccupe de
plus en plus. »
L’oeuvre de Henri Dutilleux est, aujourd’hui, exemplaire parce que, dans un
temps de grande confusion, elle indique
la seule ligne qui mérite d’être suivie, celle
d’une vérité poétique. Dans la Première
Symphonie qui est comme « la naissance
et le déroulement d’un rêve », dans le ballet le Loup, où le fantastique et la passion
sont indissolubles, dans la Deuxième Symphonie ou le Double, où les recherches de
polyrythmie et de polytonalité se muent
en un jeu de miroirs, dans les Métaboles,
cette oeuvre qui n’est qu’un enchaînement
de métamorphoses, dans Tout un monde
lointain, où le violoncelle solo s’identifie
à l’idée d’évasion suggérée par l’univers
baudelairien, dans le quatuor Ainsi la
nuit, qui est une extraordinaire musique
nocturne où le statisme et la mobilité
concourent à maintenir un climat de
mystère, Henri Dutilleux allie la rigueur
de la composition aux vertiges de l’imagination. S’il médite longuement, s’il écrit
peu, s’il corrige scrupuleusement, toutes
ses oeuvres sont importantes par leur densité, par leur apport esthétique et spirituel.
Dutilleux est une des figures majeures de
la musique française du XXe siècle.
DUTOIT (Charles), chef d’orchestre
suisse (Lausanne 1936).
Il étudie le violon, le piano et la direction
d’orchestre au Conservatoire de Lausanne,
puis l’alto et la direction au Conservatoire
de Genève. Il se perfectionne à Sienne avec
Alceo Galliera et suit en 1959 des stages de
direction à Tanglewood. En 1959, il commence à diriger l’Orchestre de la Suisse
romande et l’Orchestre de chambre de
Lausanne. De 1964 à 1966, il est le chef de
l’Orchestre de la radio de Zurich. Parmi de
nombreux engagements à la tête de grands
orchestres symphoniques et lyriques, il
faut citer ses fonctions de directeur de
l’Orchestre symphonique de Montréal à
partir de 1977 (formation avec laquelle il
a réalisé de nombreux enregistrements),
et sa nomination comme directeur musical de l’Orchestre national de France en
1991. Il s’est particulièrement distingué
dans la musique française des XIXe et
XXe siècles, dans le répertoire de ballet et
plus généralement dans Stravinski.
DUVAL (Denise), soprano française
(Paris 1921).
Après des études suivies au Conservatoire
de Paris, elle chanta aux Folies-Bergère,
puis débuta à l’Opéra-Comique en 1947
dans le rôle de Cio-Cio-San de Madame
Butterfly de Puccini. La même année, elle
créa le rôle de Thérèse dans les Mamelles de
Tirésias de Poulenc. Son nom devait rester
par la suite lié à ce musicien, qui lui demanda de créer le rôle de Blanche dans le
Dialogue des carmélites et écrivit pour elle
la Voix humaine. Elle interpréta de nombreux autres ouvrages contemporains.
Dans le répertoire, Thaïs dans l’opéra de
Massenet, Concepción dans l’Heure espagnole de Ravel, et Mélisande dans Pelléas et
Mélisande furent ses rôles d’élection. Elle
se produisit à l’étranger (Milan, Buenos
Aires, etc.), mais dut se retirer tôt de la
scène pour raisons de santé et se consacra
à l’enseignement. Sa voix n’avait pas des
possibilités exceptionnelles, mais sa pré-
sence dramatique, son talent d’actrice, son
pouvoir d’émotion, en firent une artiste
d’un rare mérite.
DVOŘÁK (Antonín), compositeur
tchèque (Nelahozeves, Bohême, 1841 Prague 1904).
Fils d’un boucher-cafetier, il commença
à apprendre le métier de boucher et dut
à l’organiste du bourg de Zloniče sa première formation musicale. Son père se
résigna difficilement à l’envoyer à l’école
d’organistes de Prague en 1857. Il acquit
simultanément une solide formation
classique d’organiste et de pianiste et
l’expérience de la musique de danse et de
brasserie comme violon dans l’orchestre
de Komzak. En 1862, il obtint une place
d’altiste du rang dans l’orchestre de
l’Opéra national, récemment fondé par
Smetana, et découvrit les oeuvres de ce
dernier, en particulier la Fiancée vendue,
premier exemple convaincant d’un nationalisme musical tchèque. Profondément
persuadé désormais de son rôle de musicien national, il dut son premier succès de
compositeur à un hymne patriotique, les
Héritiers de la Montagne blanche. En 1873,
il quitta l’Opéra, devint titulaire de l’orgue
de l’église Saint-Adalbert de Prague et
épousa Anna Cermakova, qui devait lui
donner six enfants. Il reçut une bourse
pour se rendre et travailler à Vienne, où
il fit la connaissance de Brahms. Ce dernier l’aida beaucoup, le recommandant à
son éditeur Simrock, qui édita, de Dvořák,
notamment les Chants moraves, les Danses
slaves et plusieurs Symphonies, et au chef
d’orchestre Hans de Bülow, qui contribua de manière déterminante à propager
l’oeuvre du musicien et à lui faire acquérir
une renommée européenne.
En 1879, Dvořák entreprit son premier voyage en Angleterre, où il devait
venir neuf fois, y dirigeant maintes exécutions de ses oeuvres et y créant même
sa Septième Symphonie, commande de la
Société philharmonique de Londres, en
1885. Mais ces succès à l’étranger ne satisfaisaient pas ce chantre de l’âme tchèque,
qui cherchait toujours une oeuvre décisive
pour imposer à Prague même la tradition
dont il se sentait le dépositaire. Il écrivit
alors un grand oratorio national, Sainte
Ludmilla (dont l’héroïne est un important personnage historique, prosélyte du
christianisme, et grand-mère de Venceslas, premier duc chrétien de Bohême), et
un opéra, le Jacobin, qui met en scène des
types caractéristiques : l’instituteur aux
idées avancées, sa fille, belle et pure, le seigneur local, noble et généreux, et son fils,
malheureusement fourbe. C’était le début
d’une série d’oratorios et d’opéras natiodownloadModeText.vue.download 332 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
326
naux dont le plus populaire reste Rusalka
(1900).
Ne remportant pour l’heure que des
succès mitigés, Dvořák continua à voyager, et créa sa Huitième Symphonie en
1890 à Prague. Ayant reçu un étrange télégramme d’une Américaine, Mrs. Jeanette
Thurber, lui offrant la direction du conservatoire de New York, qu’elle avait fondé,
il accepta et partit y enseigner de 1892 à
1895. Ses oeuvres « américaines » restent
parmi les plus connues, telle la Neuvième
Symphonie, écrite entre le 1er janvier et le
23 mai 1893, et créée le 16 décembre de
la même année au Carnegie Hall de New
York, sous la direction du chef allemand
Anton Seidl. C’est juste avant cette première exécution que Dvořák ajouta à la
partition le titre « du Nouveau Monde ».
À partir de son retour à Prague en mai
1895, il veilla à imposer ses oeuvres et leur
inspiration tchèque aux capitales musicales d’alors, Vienne et Berlin, qui lui rendirent hommage en le nommant membre
de leurs académies. Devenu une véritable
gloire nationale, il mourut le 1er mai 1904
à Prague.
Son héritage musical et spirituel dépasse aujourd’hui le cadre étroit où la tradition l’a un temps enfermé. Dvořák est
certes l’auteur des seize Danses slaves pour
piano à quatre mains, dont les versions
orchestrales imposèrent son nom à travers
le monde. Mais il serait erroné de croire
que son art demeurait strictement dans
le sillage du classicisme d’un Brahms, de
la spontanéité intimiste d’un Schubert. Si
Dvořák n’a rien apporté de majeur à l’écriture musicale, son oeuvre énorme ne doit
pas être considérée pour autant comme
une extension provinciale et folklorisante
du romantisme triomphant. Dvořák a créé
la véritable tradition symphonique et de
chambre de la musique tchèque moderne.
Il ne puise pas seulement son authenti-
cité mélodique et rythmique dans le folklore populaire slave, mais il donne à cette
musique des titres de noblesse en l’introduisant dans le moule des grandes formes
classiques, symphonies, concertos, trios,
quatuors, sans en détruire l’essence. Il est
à remarquer que, dès ses débuts, il s’était
tourné vers la musique de chambre : son
opus 1 est un quintette à deux altos, suivi
peu après par son premier Quatuor. À
travers les neuf symphonies (dont quatre
symphonies de jeunesse publiées à titre
posthume et longtemps ignorées du
public), à travers les quatorze quatuors,
ensemble monumental demeuré jusqu’à
une date récente en partie inconnu, et
dont l’édition même est à peine achevée,
se révèle le cheminement du compositeur.
Les premières partitions sont foisonnantes de thèmes ; l’imagination du musicien y apparaît d’emblée dans sa richesse,
mais la maîtrise manque encore, ce que
traduit en particulier une tendance à la
prolixité à laquelle Dvořák mettra longtemps à échapper. Une tentation wagnérienne se décèle dans la Troisième Symphonie, dans la première version de l’opéra
le Roi et le Charbonnier (rendu plus personnel ensuite par des remaniements) et
surtout dans les Deuxième, Troisième et
Quatrième Quatuors. Le compositeur se
laisse entraîner par une séduisante liberté
rhapsodique, parsème son curieux Quatrième Quatuor d’intéressantes audaces
d’écriture et de forme, mais se laisse trop
systématiquement, et parfois maladroitement, attirer vers la « mélodie infinie » et
le chromatisme ; de plus, certaines oeuvres
atteignent un développement presque
monstrueux (le premier mouvement du
Troisième Quatuor dure quelque vingtcinq minutes ; l’ensemble de cette oeuvre,
soixante-dix).
Puis vient la maîtrise croissante de la
grande architecture, mais, avec le respect
évident pour Haydn, Schubert, Beethoven, apparaît une nouvelle tentation, celle
d’un certain cosmopolitisme, tentation
bientôt repoussée. Les symphonies, à partir de la Cinquième (1875), les quatuors,
à partir du Huitième (1876), s’imposent
comme des oeuvres majeures au sein de la
littérature vouée à ces deux grands genres,
par la sûreté de la plume, mais en même
temps par l’affirmation d’une personnalité qui a désormais trouvé sa voie, d’une
personnalité intensément nationale, qui
apparaît aussi dans des oeuvres comme le
Quatrième Trio avec piano ou Dumky.
Les oeuvres « américaines » ne relèvent
pas à proprement parler d’un style particulier, mais s’enrichissent d’éléments spécifiques et constituent une parenthèse sur
laquelle il convient de s’arrêter. La Symphonie du Nouveau Monde, par exemple,
a fait l’objet d’exégèses divergentes ou
même contradictoires. Mais qu’on décide
ou non d’y reconnaître, dans le troisième
thème du premier mouvement, la mélodie du spiritual Swing low, sweet chariot,
qu’on admette ou non les faits très controversés de savoir si Dvořák eut réellement
l’occasion d’entendre des chants indiens
originaux, ou si l’on peut trouver dans son
inspiration la trace d’éléments populaires
blancs, on ne peut nier que la Neuvième
Symphonie et plusieurs autres partitions
écrites sur le sol des États-Unis révèlent
un goût pour la gamme pentatonique,
des traits rythmiques (syncopes) et harmoniques qui permettent de parler d’une
« manière américaine ».
Enfin, avec les Treizième et Quatorzième Quatuors, op. 105 et 106, Dvořák
parachève la réalisation de son ambition,
la fusion d’un style national et d’un classicisme universel.
Conscient peut-être de ne plus pouvoir
se dépasser dans cette voie, ou désireux de
se mesurer, sûr de sa maîtrise, avec son
aîné Smetana sur les terrains de prédilection de ce dernier, Dvořák tourne le dos à
la forme sonate et consacre ses dernières
années exclusivement au poème symphonique et à l’opéra ; dans ses cinq poèmes
opus 107 à 111, l’Ondin, la Sorcière de midi,
le Rouet d’or, le Pigeon des bois et le Chant
héroïque (ce dernier créé sous la direction de Gustav Mahler), la souplesse de la
forme l’aide à oser un langage encore plus
personnel et souvent plus moderne - parfois presque impressionniste - que dans
ses symphonies. Ces dernières oeuvres
furent considérées comme un recul par le
public cultivé germanophone, qui attendait une dixième symphonie. Pourtant
c’est le poème symphonique et le quatuor qui forment les maillons, la structure
musicale qui permettront aux héritiers de
Dvořák - Josef Suk, Vitezslav Novak, Leoš
Janáček (celui-ci conduisit la première
exécution du Pigeon des bois), Bohuslav
Martinºu - d’atteindre, en transcendant
une tradition respectée, à une profonde
originalité.
Ainsi, par un lent mûrissement, Dvořák,
à ses débuts artisan instinctif et besogneux, devint l’égal tchèque de Brahms.
Le climat parfois nostalgique, finalement
optimiste de ses oeuvres en fait l’un des
rares chantres de l’espérance tenace, telle
la devise vivante de sa terre natale.
DYNAMIQUE.
Dans le domaine de l’interprétation musicale, le terme de dynamique désigne l’ensemble des nuances d’intensité utilisées
par l’exécutant, avec les crescendos, les
decrescendos et les accents. Il s’applique
à caractériser les différences de niveau
sonore entre deux sons ou deux passages
musicaux. Mais le terme est surtout employé dans le domaine de l’acoustique
et de l’électroacoustique, notamment
pour les systèmes d’enregistrement et de
reproduction des sons. On désigne alors
par dynamique l’écart qui sépare le plus
faible niveau sonore perceptible au-dessus du bruit de fond du système, et le son
le plus intense qui ne soit pas affecté de
distorsion. On parle également de rapport
signal/bruit. Cette expression plus imagée
désigne le rapport des intensités sonores
maximales aux intensités sonores minimales. Il s’exprime en décibels (dB), et se
calcule au moyen d’une équation logarithmique simple : D = 10 log 1/4SB, formule
où D désigne la dynamique, S l’intensité
sonore du signal le plus fort transmis sans
distorsion, et B l’intensité sonore du signal
le plus faible immédiatement perceptible
au-dessus du bruit de fond. La dynamique
naturelle d’un grand orchestre symphonique jouant dans une salle de concert atteint 80 à 90 dB ; elle peut même dépasser
ces valeurs dans le cas de formations très
importantes, usant de contrastes extrêmes
(100 à 110 dB pour le Requiem de Berlioz). Mais les appareils d’enregistrement
downloadModeText.vue.download 333 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
327
et de reproduction sonores, ainsi que les
supports de l’information acoustique
(disque, bande magnétique), sont, de
par leur nature physique, limités dans la
dynamique qu’ils peuvent fixer ou trans-
mettre ; de même, les conditions d’environnement acoustique lors de la reproduction des sons constituent, elles aussi,
l’un des principaux facteurs de limitation
de la dynamique. C’est ainsi qu’un disque
courant, reproduit sur une chaîne électroacoustique de qualité moyenne, dans
un appartement en milieu urbain, ne peut
guère délivrer une dynamique supérieure
à 30 dB, alors que le message d’origine
qu’il s’agit de reproduire pouvait présenter une dynamique de 90 dB. Cela signifie,
en d’autres termes, que l’écart d’intensité
entre les sons les plus faibles et les sons
les plus puissants ne pourra guère excéder
un rapport de 101 à 103 (soit de 1 à 1 000),
tandis que le message d’origine présentait
un rapport d’intensités de 101 à 109 (soit de
1 à 1 000 000 000).
Faute de pouvoir reculer ces limites,
inhérentes à tout système physique, on
est contraint de limiter la dynamique à
tel ou tel stade de l’enregistrement, de la
transmission ou de la reproduction des
sons, soit en intervenant manuellement
sur les potentiomètres de volume, soit en
usant de compresseurs expanseurs automatiques (mais le résultat musical risque
fort de se ressentir de cet automatisme),
soit en intercalant dans la chaîne des circuits spéciaux, de type Dolby. Ces interventions consistent à abaisser le niveau
des sons les plus intenses et à relever
celui des plus faibles, afin d’éviter qu’à la
reproduction les premiers ne soient affectés de distorsions en saturant le système,
et que les seconds ne se perdent dans le
souffle de la chaîne ou le bruit de surface
des disques. Cet aplatissement du relief
d’une exécution musicale doit être mené
et contrôlé avec la plus grande délicatesse,
afin de trahir le moins possible les conditions acoustiques naturelles et le jeu des
artistes enregistrés. Les techniques nouvelles d’enregistrement et de reproduction, par impulsions codées et par procédé
digital, tel qu’on le met en oeuvre dans les
disques vidéo, devraient apporter des progrès considérables dans la restitution de la
dynamique sonore.
downloadModeText.vue.download 334 sur 1085
E
E.
Lettre par laquelle fut désignée la note mi
dans la notation musicale du Moyen Âge.
Elle indique toujours le mi dans
de langue anglaise ou allemande,
syllabes de Gui d’Arezzo ne sont
tées. Voici, dans trois langues,
tion des différentes altérations
note :
les pays
où les
pas adopl’appellade cette
français
anglais
allemand
mi bémol
E flat
Es
mi double
bémol
E double
flat
Eses
mi dièse
E sharp
Eis
mi double
dièse
E double
sharp
Eisis
EAST (Michael), compositeur anglais (v.
1580 - Lichfield 1648).
En 1606, il obtint le grade de Bachelor
of Music de l’université de Cambridge.
Il fut nommé Master of the Choristers
à la cathédrale de Lichfield (1618), puis
organiste. Son oeuvre, assez abondante,
est d’une qualité non négligeable. Elle se
compose de musique vocale et instrumentale, et fut publiée en sept recueils successifs. D’abord parurent deux livres de
madrigaux à 3, 4 et 5 voix (1604 et 1606).
Le troisième (1610) contient une musique
apt both for Viols and Voyces (« convenant
aux violes et aux voix ») : il s’agit non
seulement de madrigaux, mais de pastorales, de fantaisies instrumentales et de
pièces de musique religieuse (anthems).
Les autres recueils datent de 1618, 1619,
1624. Enfin, en 1638, East publia The Seventh Set of Fancies (« Septième Livre de
fantaisies ») pour violes. Les madrigaux
ont été édités dans The English Madrigal
Composers (Oxford, 1921, rééd. 1948, rév.
T. Dart, 1961).
EAST (Thomas), imprimeur et éditeur
anglais ( ? v. 1540 - Londres 1608).
Peu de temps après la mort de Thomas
Tallis (1585), William Byrd, qui partageait
avec ce dernier le monopole de l’imprimerie musicale en Angleterre, céda ce privilège à un homme plus doué en affaires :
Thomas East. Celui-ci développa considérablement cette entreprise en achetant
de nouveaux caractères et en engageant
des ouvriers adroits. À partir de 1588, East
publia la plupart des oeuvres religieuses
et profanes de l’époque élisabéthaine
(Psalms, Sonets and Songs de W. Byrd). En
six ans, il imprima plus de recueils qu’il
n’en avait été fait durant les quatre-vingts
années précédentes. On connaît Thomas
East uniquement comme imprimeur ; il ne
paraît pas avoir été compositeur.
EBEN (Petr), compositeur tchèque
(Žamberk 1929).
Interné à Buchenwald à quatorze ans,
il reprend, à son retour, ses études de
piano auprès de František Rauch et de P.
Bořkovec pour la composition à l’académie Janáček de Brno (1948-1952). Il partage sa vie entre sa carrière de pianiste, sa
chaire d’assistant en musicologie à l’université Charles-IV de Prague et la composition. Son oeuvre témoigne d’une invention mélodique inconnue en Bohême et
en Moravie depuis Janáček. L’ensemble de
ses compositions vocales est d’une qualité
permanente, puisant ses nombreux sujets
dans le patrimoine mélodique de son
pays ou dans une savante recréation de
l’époque grégorienne et de la Renaissance.
Sa connaissance de la voix humaine, en
soliste ou dans le choeur, en fait un compositeur profondément original, tant par
son inspiration que par ce qu’il obtient sur
le plan sonore, sans pour autant chercher
les performances requises par les partitions d’un Messiaen, d’un Berio ou d’un
Xenakis. Ses réussites dans ce domaine
sont multiples : Six Chants d’amour sur des
textes médiévaux (1951), Chants sur des
poèmes de Rilke (1961), Chants d’amour et
de mort pour choeur mixte (1958), Pragensia pour choeur et instruments anciens
(1972). D’autres partitions, instrumentales, retiennent l’attention : Concerto pour
orgue « symphonia gregoriana » (1954),
Concerto pour piano (1961), Vox clamantis
pour orchestre (1970), le ballet Malédictions et bénédictions (1983).
EBERL (Anton), compositeur et pianiste
autrichien (Vienne 1765 - id. 1807).
Ami et peut-être élève de Mozart vers
1785-1786, il effectua des tournées comme
pianiste et fut de 1796 à 1800 maître de
chapelle à Saint-Pétersbourg. Il revint
ensuite dans sa ville natale. Il composa des
opéras, des symphonies et surtout de la
musique pour piano (sonates, concertos)
et de chambre.
EBERLIN (Daniel), compositeur allemand (Nuremberg ? 1647 - Kassel ? v.
1715).
Il embrassa tout d’abord la carrière militaire et combattit dans les troupes pontificales contre les Turcs. Il occupa des fonctions de musicien et de secrétaire privé à
Eisenach, à Hambourg et à Kassel, où il
fut nommé maître de chapelle, vraisemblablement en 1678. Après la découverte
d’un déficit dans le service d’administration des monnaies dont il avait la responsabilité à Eisenach, il s’enfuit de cette ville
en 1692 et à partir de 1705 fut capitaine de
la milice à Kassel. De son oeuvre ont été
conservés un recueil imprimé de sonates
en trio et, en manuscrit, trois cantates.
L’une de ses filles, Amalia Louise Juliana,
épousa Georg Philipp Telemann, qui loua
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
329
la maîtrise de son beau-père dans le jeu de
violon et l’art du contrepoint.
EBERLIN (Johann Ernst), compositeur
et organiste allemand (Jettingen 1702 Salzbourg 1762).
D’abord élève au collège des jésuites
d’Augsbourg, il s’installa à Salzbourg en
1721, s’y perfectionna auprès de l’organiste de la cathédrale Matthäus Gugl, et,
en 1729, devint organiste de la cathédrale
et de la cour. De 1749 à sa mort, il fut
maître de chapelle à la cathédrale et à la
cour, postes auxquels, en 1762, Leopold
Mozart espéra en vain lui succéder. Outre
ses pièces d’orgue, il laissa une production essentiellement religieuse - plus de
50 messes, 12 requiem, oratorios, offertoires, etc. - et, à ce titre, en particulier par
la solidité de son écriture contrapuntique
et par son goût pour les tournures populaires germaniques, exerça sur le jeune
Wolfgang Amadeus Mozart une influence
que celui-ci reconnut toujours volontiers.
EBLE DE VENTADORN (Eble II, dit LE CHANTEUR ), troubadour français ( ? v. 1090 abbaye du Mont-Cassin, Italie, 1149).
On n’a retrouvé aucune de ses oeuvres,
mais il est certain que son influence fut
très importante. Comme son suzerain
Guillaume de Poitiers, il cultiva musique
et poésie. Il fit de son château (Ventadour,
en Corrèze) un lieu de rencontre des troubadours et des jongleurs. Dans ce cénacle
se développa le talent de Bernard de Ventadour, qui fut peut-être son parent. Il
partit en croisade avec Louis VII et mourut sur le trajet du retour.
ÉCART.
Intervalle plus ou moins grand entre deux
notes.
Les traités d’harmonie traditionnelle
interdisent au compositeur d’écrire un
écart dépassant l’octave entre les parties supérieures ; un écart plus grand est
permis entre le ténor et la basse. Sur les
instruments à clavier, la main ne permet
guère de jouer un intervalle dont l’écart
soit supérieur à la dixième. Aussi les écarts
plus grands sont-ils généralement arpégés, technique qui est assez courante, par
exemple, dans le jazz.
ECCARD (Johannes), compositeur allemand (Mühlhausen 1553 - Berlin 1611).
Il étudia probablement le chant et la composition dans sa ville natale avec Joachim
à Burck. De 1567 à 1571, il fut choriste à la
chapelle de la cour de Weimar et travailla
avec J. Hermann. De 1571 à 1573, il fut
chantre à la chapelle de Munich où il étudia avec Roland de Lassus. De 1577 à 1578,
il fut au service des Fugger à Augsbourg
avant d’entrer à celui de Georg-Friedrich
de Prusse-Ansbach à Königsberg, où il fut
successivement vice-maître de chapelle
(1580), puis maître de chapelle (1604). À
partir de 1608, il occupa le poste de maître
de chapelle à la cour de Berlin. Ses compositions religieuses s’efforcent de rendre
audible la mélodie liturgique sans sacrifier les exigences du contrepoint (Geistliche Lieder auf dem Choral, Königsberg,
1597). De même, dans son oeuvre profane
(Neue deutsche Lieder, Mülhausen, 1578 ;
Neue Lieder, Königsberg, 1589), il tente
de concilier les formes plus légères de la
chanson avec l’écriture de la polyphonie
savante.
ECCLES (Eagles), famille de musiciens
anglais.
Solomon (? v. 1617 - Spitalsfield, Londres,
1682). Pendant de nombreuses années,
il mena une carrière extrêmement fructueuse, mais vers 1659-60 abandonna
sa profession pour devenir quaker, et
fanatique, brisant tous ses instruments
et brûlant ses livres de musique. Il se fit
finalement cordonnier. En 1667, il publia
néanmoins un curieux pamphlet contre la
musique pratiquée à l’église, A Music-Lector or The Art of Music, et, après un voyage
en Amérique, se remit à composer.
Solomon, sans doute le neveu du précédent (? v. 1640-1650 - Guilford 1710).
Henry, frère du précédent (? v. 16401650 - Londres 1711). Il fut violoniste chez
le roi Jacques II.
John, fils du précédent (Londres v. 1668 Hampton Wick 1735). À partir de 1690, il
devint compositeur attitré pour le théâtre,
mais sans jamais atteindre la notoriété
de son prédécesseur, Henry Purcell, et
fut nommé en 1700 Master of the King’s
Music (« Maître de la musique du roi »),
prenant sa retraite en 1715. Il publia trois
grands livres d’airs en 1698-1700, 1704 et
1710, et en 1702 A Set of Lessons for the
Harpsichord (« Recueil de leçons pour le
clavecin »).
Henry, sans doute parent du premier
Henry (? v. 1675-1685 - ? v. 1735-1745). Il
travailla à Paris.
Thomas, frère du précédent (? v. 1672 - ?
1745).
ÉCHANGE.
Terme employé dans le langage harmonique pour désigner une note mélodique
située entre deux sons identiques appartenant à deux accords (ou à un même
accord répété) et à distance d’un ton ou
d’un demi-ton.
L’échange est en fait une broderie
simple de la note harmonique qu’elle
orne. Lorsque, après l’échange, on entend
de nouveau le son identique, celui-ci peut
appartenir soit à la même harmonie que
précédemment, soit à une harmonie différente (ex. un sol dans un accord de sol ;
note d’échange la - retour au sol qui fait
maintenant partie d’un accord de do).
ÉCHANTILLONNEUR.
Dispositif (micro-ordinateur spécialisé ou
logiciel pouvant fonctionner sur un micro-ordinateur à vocation audiovisuelle)
qui réalise la numérisation du son, la gestion, éventuellement la modification, et la
reproduction des fichiers qui en résultent.
Il réalise la conversion de la variation
continue d’un signal sonore analogique
(fourni, par exemple, par un microphone)
en une suite discrète de nombres binaires
par des prélèvements, appelés « échantillons », effectués à intervalles réguliers. Le nombre d’échantillons prélevés
par unité de temps s’appelle fréquence
d’échantillonnage. La fidélité du résultat
dépend de la fréquence d’échantillonnage : plus ce taux est élevé, plus le son
numérisé est proche du signal analogique
originel (le théorème de Shannon montre
que la fréquence d’échantillonnage doit
être au moins égale au double de la fréquence sonore la plus haute, sinon un effet
nommé repliement - aliasing - donne naissance à des sons parasites ; comme la limite du domaine audible est de 20 kHz, la
fréquence d’échantillonnage le plus souvent utilisée, par exemple par les disques
compacts, est de 44,1 kHz). Le son numérique ainsi obtenu peut être stocké sur une
mémoire (disque dur, disquette, disque
optique, etc.) et, éventuellement, joué à
l’aide d’un clavier - dont la plupart des
échantillonneurs sont dotés-, à n’importe
quelle hauteur, quelle que soit la hauteur
initiale du signal analogique. Un échantillonneur se compose d’une ou plusieurs
entrées audio, d’un convertisseur analogique-numérique, d’une mémoire de stockage, des outils de gestion et de traitement
numérique des échantillons (transposition, modification de l’enveloppe), d’un
convertisseur numérique-analogique,
d’une ou plusieurs sorties audio.
ÉCHAPPÉE.
Terme qui s’applique à n’importe quelle
note étrangère à l’harmonie, à condition
que l’échappée succède par mouvement
conjoint à une note réelle et qu’elle mène
ensuite à l’accord suivant par mouvement
disjoint, qu’elle fasse partie de l’harmonie
de cet accord ou non.
Si elle en fait partie, l’échappée possède
le même effet que l’anticipation. Elle peut
être de longue ou de courte durée, être
brodée ou simple, être précédée ou suivie
d’une appoggiature. En général, l’échappée est supérieure à la note réelle.
ÉCHELLE.
Terme qui désigne l’ensemble des sons
employés dans un système mélodique
donné, mais sans que ces sons soient soudownloadModeText.vue.download 336 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
330
mis à une organisation déterminée ou à
une hauteur fixe.
L’échelle concerne notamment les musiques primitives, indiennes, orientales,
etc., mais le mot ne doit pas être employé
pour celui de mode, qui suppose, lui, une
organisation. Évoluant à partir du cycle
des quintes, les échelles furent d’abord
composées de deux sons seulement
(échelle ditonique, par exemple, fa-do).
Ensuite s’ajoutèrent les échelles tritonique,
tétratonique, pentatonique (de loin la
plus usitée, par exemple dans la musique
chinoise), hexatonique qui contient un
demi-ton (par exemple, mi-fa), le maximum étant un ensemble de sept sons (heptatonique).
ÉCHO.
Phénomène acoustique qui consiste en
une ou plusieurs répétitions distinctes
d’un son.
On dit qu’il y a écho « simple » si le
son n’est répété qu’une seule fois, et écho
« multiple » s’il est répété deux fois ou
davantage. Le phénomène d’écho est dû
à un décalage temporel entre la perception directe d’un son et la perception du
même son après que celui-ci ait subi une
ou plusieurs réflexions sur une surface
(mur dans une salle, flanc de montagne
dans la nature). Ce décalage provient de ce
que la vitesse du son dans l’air (340 m/s)
est peu élevée, contrairement à celle de la
lumière : une distance de 34 m entraîne
un retard de 1/10 seconde (ou 100 millisecondes) entre le moment de la perception
et le moment de l’émission d’un son. Si
ce décalage temporel est peu important,
il n’y a pas répétition, mais simple prolongement du son émis ; on parle alors de
réverbération plus ou moins longue. Pour
qu’il y ait écho, il faut que le son réfléchi
ne parvienne à l’auditeur qu’après un certain temps qui permette de le différencier
nettement du son émis. Ce temps est de
l’ordre de 100 millisecondes pour la musique, et seulement de 40 millisecondes
pour la parole. Au-delà, l’écho se manifeste, et en se superposant à la suite des
sons émis dans un morceau musical ou un
texte parlé, il en brouille l’intelligibilité.
Ce phénomène constitue donc un défaut
acoustique extrêmement nuisible dans les
salles - on y remédie en rendant certaines
parois absorbantes, ou en brisant le parallélisme de certains murs.
Dans la nature, l’écho n’est guère plus
qu’une curiosité, mais qui a toujours intéressé les musiciens. Dès le XVIe siècle, les
compositeurs se sont plu à imiter le phénomène de l’écho dans leurs oeuvres polyphoniques où cette recherche offrait une
difficulté contrapuntique supplémentaire :
Marenzio, Roland de Lassus, Claude le
Jeune, notamment, ont écrit des chansons
ou des madrigaux polyphoniques à double
choeur, en canon, dans lesquels le second
choeur, décalé et moins intense, produit
un effet d’écho. Avec l’opéra italien au
XVIIe siècle, l’écho, instrumental ou vocal,
devient un effet théâtral très prisé, dès
l’Orfeo de Monteverdi (début de l’acte V) ;
il est de rigueur chaque fois que le livret
évoque, par exemple, la nymphe Écho ou
Narcisse. Mais on le retrouve aussi dans
la musique religieuse de cette époque, en
particulier, celle destinée à Saint-Marc
de Venise (Audi coelum des Vêpres de la
Vierge de Monteverdi). Dans la musique
concertante et instrumentale, nombreux
sont les compositeurs qui pratiquent les
effets d’écho entre deux groupes orchestraux (Purcell, Haendel, Vivaldi). Mozart
réalise un triple écho dans son Notturno
pour quatre orchestres. Plus près de nous,
on voit encore un Hindemith écrire, en
1944, un écho pour flûte et piano. Dans la
musique pour instruments à clavier, l’opposition de deux ou plusieurs plans sonores, matérialisés par les claviers superposés de l’orgue ou du clavecin, a favorisé
les oppositions en écho, au XVIIIe siècle
principalement. C’est notamment le cas
des noëls à variations des organistes français de ce temps, qui ont usé et abusé de
ces effets. On en est venu à donner le nom
d’écho à l’un des claviers de l’orgue.
ECKARD (Johann Gottfried), compositeur et pianiste allemand (Augsbourg
1735 - Paris 1809).
Arrivé à Paris en 1758, il y devint le rival
de Schobert et fut un des premiers à y
écrire des sonates pour clavier. En 17631764, il y rencontra la famille Mozart. En
1767, à Salzbourg, Mozart tira d’un de ses
mouvements de sonate (opus 1 no 4) la
matière de l’andante de son concerto en
ré K. 40.
ÉCLISSES.
Terme d’organologie qui désigne, dans
les instruments à cordes (violons, altos,
violoncelles, contrebasses), les côtés de la
caisse reliant le fond à la table d’harmonie, et dont la courbe épouse le contour de
l’instrument.
Elles sont renforcées à l’intérieur par les
contre-éclisses.
ÉCORCHEVILLE (Jules), musicologue
français (Paris 1872 - Perthes-les-Hurlus,
Marne 1915).
Élève de César Franck de 1887 à 1890, il
s’initia aux disciplines musicologiques
à Leipzig, sous la direction de Riemann
(1904-1905). Il obtint son doctorat à
l’université de Paris en 1906 (thèses : 20
Suites d’orchestre du XVIIe siècle français ;
De Lully à Rameau. L’Esthétique musicale.)
et fonda, l’année suivante, la Revue S.I.M.
(Société internationale de musicologie).
Ami de Debussy et de Ravel, il défendit les
nouvelles tendances de la musique française en même temps qu’il dressait l’inventaire du fonds de musique ancienne
de la Bibliothèque nationale (Catalogue
du fonds de musique ancienne de la B.N., 8
vol., Paris, 1910-1914) et qu’il poursuivait
ses recherches sur les luthistes. Il mourut
au front en 1915, laissant inachevée son
oeuvre d’historien, qui était d’une grande
qualité et riche de promesses.
ÉCOSSAISE.
Contredanse d’origine écossaise, issue des
« country dances » ou « danses de campagne », et écrite sur un rythme ternaire.
Elle apparaît en France au début du
XVIIIe siècle, avec une mesure à 2/4 ou
2/8 et sur un tempo très animé. À la fin
du XVIIIe et au début du XIXe siècle, elle
sert de prétexte à des compositions de musique pure : Beethoven, Weber, Schubert,
Chopin ont écrit des Écossaises.
ÉCREVISSE. ! RÉCURRENCE.
ÉCURIE.
Aux XVIe-XVIIIe siècles, l’un des trois
corps musicaux attachés à la cour du
roi de France (les deux autres étant la
Chambre et la Chapelle). Créée sous
François Ier, l’Écurie était à l’origine composée en grande partie de musiciens italiens. Elle était placée sous la direction
du grand écuyer et se trouvait au bas de
l’échelle dans la hiérarchie des musiciens
de cour. Au milieu du XVIe siècle, sa composition instrumentale était la suivante :
trompettes, sacqueboutes (trombones),
cornets, hautbois, musettes du Poitou,
cromornes, violons, trompettes marines,
fifres, tambours et deux maîtres à danser. À la fin du XVIe siècle, les violons
étaient entrés à la Chambre, et l’Écurie
était devenue essentiellement une formation d’instruments à vent. Cependant, ses
musiciens, sachant jouer de plusieurs instruments, étaient parfois amenés à jouer
du violon, dont le rôle consistait surtout à
doubler les parties de hautbois.
L’Écurie fournissait les musiciens pour
les cérémonies et spectacles en plein air,
à l’occasion de l’accueil d’ambassadeurs
étrangers, des couronnements, des baptêmes, mariages et enterrements de
membres de la famille royale. Elle devait
également escorter le roi lors de tous ses
déplacements. Les charges étant transmises héréditairement, il s’était créé
à l’intérieur de l’Écurie de véritables
dynasties de musiciens, surtout à partir
de la seconde moitié du XVIIe siècle : les
Chédeville, les Hotteterre, les Marchand,
les Philidor. Ils jouèrent un rôle considérable dans le développement du répertoire
(suites de danses notamment) et dans
celui de la technique des instruments à
vent.
downloadModeText.vue.download 337 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
331
EDA-PIERRE (Christiane), soprano française (Fort-de-France 1932).
Née dans une famille musicienne, elle a
étudié avec Jean Planel, est entrée en 1954
au Conservatoire de Paris dans la classe
de Charles Panzera, et a travaillé ensuite
avec Jeanne Decrais. Elle a fait ses débuts
en 1958 à l’Opéra de Nice dans le rôle de
Leila des Pêcheurs de perles de Bizet, et,
l’année suivante, a chanté Papagena à Aixen-Provence. Elle est entrée à l’Opéra-Comique en 1960, a chanté ensuite à l’Opéra
dans les Indes galantes de Rameau, et participé en 1968 à la reprise de Zoroastre de
ce compositeur. D’abord soprano colorature lyrique, elle a abordé par la suite
des rôles plus dramatiques, et, à cet égard,
son interprétation d’Alcina de Haendel, à
Aix-en-Provence en 1978, a marqué un
tournant dans sa carrière. Elle a créé des
oeuvres contemporaines, parmi lesquelles
D’un espace déployé de Gilbert Amy et
Pour un monde noir et Erzsebet de Charles
Chaynes, et réalisé plusieurs enregistrements, dont une intéressante sélection
d’airs de Grétry et de Philidor.
EDELMANN (Jean-Frédéric), pianiste et
compositeur français (Strasbourg 1749 Paris 1794).
Il arriva à Paris vers 1775. Jusqu’en 1786,
il publia dans cette ville et ailleurs seize
recueils de musique instrumentale pour
clavecin accompagné ou non, mais plusieurs de ces ouvrages indiquent plutôt le
pianoforte, instrument dont, comme pédagogue, il fut un des propagateurs dans
la capitale française. Leur côté souvent
théâtral témoigne de l’influence de Gluck.
Edelmann écrivit également pour la scène
et mourut guillotiné.
ÉDIMBOURG (FESTIVAL D’).
Capitale de l’Écosse située près de l’estuaire du Forth.
Cette ville dont le nom est lié, depuis
1947, à celui du festival international
a depuis longtemps été un important
centre musical qui pouvait être comparé
aux autres centres britanniques. C’est au
début du XVIIIe siècle que la vie musicale y
commença sa véritable activité. Vers 1705,
Édimbourg comptait un certain nombre
de concerts privés. Vers 1721, un « Music
Club » existait, qui présentait des programmes de musiques italienne et écossaise. La première société musicale officielle fut fondée en 1728 : The Edinburgh
Musical Society, qui dura jusqu’en 1798. À
côté d’oeuvres de Corelli, Haendel, Haydn
et Mozart, on pouvait entendre celles de
musiciens écossais tels que Erskine, Earl
of Kellie, jouées par des Écossais. L’année
1815 vit s’ouvrir le festival d’Édimbourg
sous la direction de sir Walter Scott et
Henry Mackensie. Des festivals identiques
eurent lieu en 1819, 1824 et 1843. Peu à
peu, le théâtre royal s’éveilla. En 1858,
un nombre plus important de concerts
réguliers avaient eu lieu grâce à la création de l’Edinburgh Choral Union, société
qui poursuit ses activités de nos jours. De
1914 à 1940 fut professeur à l’université de
la ville une personnalité importante de la
vie musicale en Grande-Bretagne, sir Donald Tovey. De nos jours, la saison d’hiver
est très riche en manifestations musicales,
avec la saison d’opéras, des concerts symphoniques, des récitals et les Lunch Hour
Concerts donnés à la Scottish National
Gallery. Mais l’événement musical le plus
important de l’année est le festival international qui a lieu à la fin de l’été.
INTERNATIONAL FESTIVAL OF MUSIC AND
DRAMA.
Durant trois semaines, ce festival offre un
vaste choix de représentations d’opéras,
de ballets, de théâtre, des concerts symphoniques et choraux, des récitals, des
concerts de musique de chambre, des
récitals de poésie, des expositions, des
concerts de musique militaire. C’est en
1947 que débute cette manifestation, placée sous le patronage du roi George VI,
dans ce pays encore très éprouvé par la
guerre. Les fondateurs en sont la comtesse de Rosebery, Rudolf Bing, directeur
général de l’Opéra de Glyndebourne, H.
Harvey Wood, représentant de l’Écosse au
British Council, lord Cameron et sir John
Falconer. Édimbourg fut choisie en raison
de son site et des possibilités matérielles
qu’elle pouvait offrir : théâtres, salles de
concert, hôtels, etc.
R. Bing assure la direction du festival
de 1947 à 1949. D’emblée, il montre la
teneur artistique qu’il entend lui donner
en invitant l’Orchestre philharmonique
de Vienne, Bruno Walter, Elisabeth Schumann, Kathleen Ferrier, le quatuor Schnabel-Szigeti-Primrose-Fournier. Il monte
Le Nozze di Figaro de Mozart et Macbeth
de Verdi avec l’Opéra de Glyndebourne.
Les représentations théâtrales sont assurées par l’Old Vic, qui joue deux pièces
de Shakespeare (la Mégère apprivoisée et
Richard II), ainsi que par la compagnie
Louis-Jouvet du théâtre de l’Athénée,
invitée pour donner l’École des femmes
de Molière et Ondine de Giraudoux. Les
ballets sont aussi bien représentés avec
Margot Fonteyn, Beryl Grey et Frederick
Ashton, ainsi qu’avec le Sadlers Wells
Ballet, dansant la Belle au bois dormant de
Tchaïkovski.
En 1948, les représentations dramatiques sont plus nombreuses : la troupe de
Jean-Louis Barrault donna Hamlet dans
une traduction française d’A. Gide et les
Fausses Confidences de Marivaux. En 1950,
Ian Hunter succède à R. Bing. Cette année
est marquée par l’exécution du Requiem
de Verdi par l’orchestre et les choeurs de
la Scala, dirigés par Victor de Sabata. Puis
on note la présence, en 1951, du New York
Philharmonic Orchestra, dirigé par Bruno
Walter et D. Mitropoulos ; en 1952, de
l’Opéra de Glyndebourne et de l’Opéra
de Hambourg ; en 1954, de la ComédieFrançaise avec le Bourgeois gentilhomme
de Molière.
C’est l’assistant de I. Hunter, Robert
Ponsonby, qui lui succède à la direction
en 1956. En 1957, la troupe de la Scala
donne La Sonnambula de Bellini avec
Maria Callas. L’Opéra royal de Stockholm
apporte, en 1959, le Wozzeck de Berg et
Die Walküre de R. Wagner. En 1961, le
nouveau directeur, lord Herewood, fait
jouer les Gurrelieder de Schönberg et la 8e
Symphonie de Mahler, et décide de consacrer le festival, chaque année, à un ou deux
musiciens. L’année 1962 est consacrée à
Chostakovitch et à l’école russe ; l’année
1963, à des musiciens de l’Inde. En 1966,
sous la direction de Peter Diamand, une
troupe de l’Opéra écossais présente The
Rake’s Progress et l’Histoire du soldat de
Stravinski. En 1968, le War Requiem de
Britten est donné par le New Philharmonic Orchestra et les choeurs du festival
d’Édimbourg dirigés par l’auteur et C. M.
Giulini. Le bicentenaire de Beethoven,
en 1970, est célébré par la Missa solemnis sous la direction de C. M. Giulini. Le
vingt-cinquième anniversaire du festival
fut commémoré avec beaucoup d’éclat :
La Cenerentola de Rossini par le Mai musical florentin, dirigé par Cl. Abbado avec
T. Berganza, Die Walküre par la troupe
de l’Opéra écossais, le Ballet royal danois.
Des oeuvres de Penderecki et de Lutoslawski sont jouées, et le Philharmonic de
Berlin se produit sous la direction de son
chef H. von Karajan, dans Das Lied von
der Erde de G. Mahler. En 1973 a lieu la
première production de l’Opéra du festival d’Édimbourg avec Don Giovanni de
Mozart, dirigé par D. Barenboïm, suivi
deux ans plus tard par Le Nozze di Figaro.
En 1976, le festival invite le Théâtre national japonais de Bunraku. En 1979, P. Diamand est remplacé par John Drummond.
Le succès et la qualité artistique du festival ont fait d’Édimbourg un des buts de
vacances culturelles européens, à côté de
Salzbourg, d’Aix-en-Provence et de Bayreuth.
ÉDITION MUSICALE.
L’édition musicale, qu’il ne faut pas
confondre avec l’édition de disques,
consiste essentiellement dans le commerce des partitions de musique, classique
ou autre, ainsi que d’ouvrages d’enseignement tels que méthodes d’instruments,
solfèges, etc., que l’éditeur fait imprimer
et met ensuite en vente par l’intermédiaire
des marchands de musique. Si le concept
d’édition date au moins de l’Empire romain (Atticus, copiste de Cicéron, eut le
premier l’idée de faire le commerce de
textes manuscrits), il faut attendre la fin
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
332
du XVe siècle, à la suite de l’invention de
l’imprimerie typographique, pour voir appliquées à la musique les idées d’Atticus.
Le premier éditeur de musique connu,
Ottaviano Petrucci, sait profiter à la fois
de l’invention récente de Gutenberg, de
l’évolution de la notation musicale vers
une plus grande précision et des besoins
grandissants de la liturgie. Installé à Venise, il fait paraître des messes et des motets de Josquin Des Prés (1516), Agricola,
Obrecht, imprimés à l’aide de caractères
mobiles, analogues à ceux utilisés pour les
textes littéraires. Son idée fait rapidement
son chemin et, dès 1516, un autre éditeur,
Andrea Antiquis de Montona, publie à
Rome le premier livre de musique sacrée
où l’on retrouve Josquin, avec Pierre de La
Rue, Mouton, etc. Dès lors, les éditeurs de
musique se multiplient rapidement, surtout en France, avec Pierre Attaingnant
à Paris, Guaynard à Lyon, puis, plus tard,
Haultin à La Rochelle, Jacques Moderne
et Granjon à Lyon, Chaunay à Avignon,
etc. Enfin l’année 1552 voit la création de
la maison Le Roy-Ballard - de l’association
de deux cousins, Adrian Le Roy et Robert
Ballard. Alors va commencer l’extraordinaire dynastie des Ballard, qui, pendant
deux siècles, bénéficie d’un véritable monopole de l’édition de musique en France.
Munis d’un privilège régulièrement
renouvelé et s’assurant le contrôle des
moyens d’impression par l’acquisition
systématique des collections typographiques, les Ballard sont, dès le début du
XVIIe siècle, maîtres absolus du marché
de la musique et défendent farouchement
leur position dominante, n’hésitant pas à
attaquer en justice tous ceux qui essayent
d’imprimer de la musique sans leur autorisation. Leur histoire est jalonnée de
nombreux procès - certains retentissants
comme celui contre le fils de Lully - toujours favorables à leur cause. La première
conséquence de cette absence de concurrence se manifeste par une baisse progressive de la qualité des éditions, les Ballard
négligeant de moderniser leurs caractères
typographiques qui ne suivent pas l’évolution de la notation.
Dans la double intention de pallier
l’insuffisance technique et de combattre
le monopole, d’autres moyens d’impression sont recherchés : lithographie, gravure et même la copie manuscrite dont le
commerce redevient un moment rentable.
Ainsi s’impose, à partir de 1660, la gravure en taille-douce, qui met finalement
un terme à l’exclusivité des Ballard et fait
faire du même coup de considérables progrès à la qualité des partitions. Les Ballard
essayent d’obtenir également le privilège pour la taille-douce, mais sans succès. Le déclin de leur maison commence
alors que naissent de nouveaux éditeurs,
encouragés par la nouvelle liberté d’entreprendre comme par le rayonnement
exceptionnel de la vie musicale parisienne
à cette époque. L’édition musicale française - Chevardière, Huberty, Sieber, Imbault - atteint de ce fait, au XVIIIe siècle,
un niveau partout envié, d’autant plus
que la concurrence étrangère est encore
faible, malgré l’activité de maisons comme
Walsh, Forster ou Longman and Broderip à Londres, Le Cène à Amsterdam ou
Breitkopf à Leipzig.
Ce n’est qu’avec les périodes classique
et romantique que la grande édition
allemande et autrichienne prend son
immense essor, à la mesure des compositeurs de ces pays et de leur renommée
mondiale : Artaria à Vienne (Haydn, Mozart), Naegeli à Zurich (Bach, Haendel),
André à Offenbach (Mozart, Beethoven).
Certains poursuivent encore aujourd’hui
leur activité : Simrock à Bonn (Beethoven,
Haydn), Schott à Mayence, Breitkopf à
Leipzig et Wiesbaden, Boosey à Londres,
Lemoine et Leduc à Paris. Au XIXe siècle
paraissent les premières grandes éditions
monumentales chez Breitkopf, Schlesinger (Paris), Peters (Leipzig), tandis que le
répertoire lyrique, en pleine expansion,
fait la fortune et constitue l’essentiel de
grands fonds éditoriaux français actuels :
Heugel (créé en 1839), Choudens (1845),
Durand (1869). Le répertoire symphonique français est alors quelque peu délaissé, parce que peu rentable, et la maison Durand reste longtemps quasiment la
seule à éditer les symphonistes français :
Debussy, Dukas, Schmitt, Roussel, Ravel,
etc. Il faut attendre le milieu du XXe siècle
pour assister à un renversement de tendance, avec le déclin sensible de l’opéra et
de l’opérette, et l’arrivée de cette nouvelle
source de droits d’exécution que constitue la radiodiffusion. Malgré celle-ci, le
répertoire symphonique est loin d’avoir
remplacé, dans le chiffre d’affaires des
éditeurs, l’apport important qu’a longtemps constitué la musique lyrique, et les
ouvrages d’enseignement sont maintenant
majoritaires dans la plupart des catalogues.
L’édition des oeuvres contemporaines
destinées au concert devient dans bien des
cas un véritable mécénat, étant donné le
petit nombre d’exécutions auxquelles peut
prétendre une oeuvre nouvelle et la faible
affluence du public. Aujourd’hui, l’édition
musicale souffre moins de l’hiatus compositeur-public, phénomène fort ancien,
que de la difficulté éprouvée à combler les
risques inhérents à la production contemporaine pour le concert par d’autres
sources de financement rentables, telles
que le furent le théâtre lyrique ou la musique populaire (aujourd’hui, l’affaire des
producteurs phonographiques). Divers
problèmes techniques et commerciaux
se posent en outre aux éditeurs : l’inadéquation des méthodes de reproduction
(archaïques), de promotion, la médiocre
diffusion de la musique imprimée (entraînant de trop faibles tirages pour maintenir
les prix de revient à un niveau acceptable),
le système caduc des locations de matériels d’orchestre, etc. Autant de questions
que la profession devra résoudre, sans
doute au prix d’une profonde mutation
(des méthodes et des buts), pour éviter à
moyen terme le risque d’une quasi-disparition.
LES CONTRATS.
À la remise du manuscrit de son oeuvre à
l’éditeur, le compositeur signe avec celuici un « contrat de cession » par lequel il
cède son oeuvre à l’éditeur moyennant un
partage qui se fait, en France, de la manière suivante :
- les droits d’exécution sont fixés statutairement par la Société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique
(S. A. C. E. M.) à raison de 1/3 pour l’éditeur et 2/3 pour le compositeur (à partager par moitié avec l’auteur des paroles, si
l’oeuvre comporte un texte) ;
- les droits de reproduction mécanique,
relatifs aux enregistrements de l’oeuvre,
sont répartis contractuellement entre les
ayants droit : le plus souvent, 50 % à l’éditeur, 50 % au compositeur (à partager avec
l’auteur s’il y a lieu) ;
-la redevance en pourcentage sur la vente
ou la location des partitions, également
contractuelle, est fondée généralement sur
le prix de vente en gros de la partition. Le
compositeur touche le plus souvent 10 %
de ce prix sur chaque exemplaire vendu
ou 20 % sur le montant de la location des
parties d’orchestre. Des avances remboursables peuvent quelquefois être accordées
par l’éditeur sur ces royalties, de même
que des « primes de cession » non remboursables.
LA FABRICATION.
Une fois le contrat signé, les différentes
étapes de la fabrication commencent :
- la gravure : lorsque la composition typographique fut abandonnée, celle-ci fut
remplacée par la gravure en taille-douce.
À l’aide de poinçons représentant les figures de notes, le graveur copiait la partition sur des plaques de cuivre. Le cuivre
fut ensuite remplacé par un alliage à base
d’étain, moins onéreux. Une fois gravées,
ces plaques étaient directement utilisées
dans les presses des imprimeurs pour le
tirage des partitions. Plus tard, elles firent
l’objet d’un report sur des feuilles de
zinc passées en machine. Cette dernière
technique est encore utilisée, bien que
la gravure sur étain soit de plus en plus
rare. Celle-ci a été détrônée depuis la dernière guerre par la « simili-gravure », où
la plaque d’étain est remplacée par une
feuille de papier calque, encrée à l’aide de
poinçons, et reportée ensuite photographiquement sur le support en zinc. Cette
dernière technique a constitué un grand
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
333
progrès sur le plan du prix, du stockage
ou de la correction des fautes. On peut
également écrire à la plume et à l’encre de
Chine sur le calque, procédé de plus en
plus employé, étant donné le petit nombre
de simili-graveurs encore en activité. La
disparition progressive de ce métier va,
à court terme, poser un grave problème
aux éditeurs qui devront susciter de nouvelles techniques de remplacement, la
copie manuscrite ne pouvant constituer
qu’un pis-aller. Parmi celles-ci, on peut
déjà observer les essais de copie à l’aide
de procédés par report de figures de notes
autocollantes (du type « letraset »), et surtout l’expérimentation sur ordinateur, très
concluante, mais d’un coût très élevé. Nul
doute que cette dernière méthode, lorsque
l’informatique se sera suffisamment répandue, constituera la réponse à ce grave
problème ;
- la copie : le papier calque permettant la
copie à la plume, c’est ainsi que sont maintenant établies les parties séparées d’orchestre (appelées « matériel d’orchestre »)
pour les oeuvres symphoniques. Le « copiste » établit chaque partie sur calque,
d’après la partition. Cela rend facile la
reproduction des matériels à l’unité, par
un procédé reprographique analogue au
tirage des plans d’architecte, le tirage en
grand nombre n’étant que très rarement
nécessaire.
L’ASPECT COMMERCIAL.
Les éditeurs tirent leurs redevances de
plusieurs sources :
- la vente de partitions : les partitions
sont généralement mises à la disposition
du public par les marchands de musique
spécialisés qui achètent directement chez
les éditeurs (avec 30 à 40 % de remise) ou
bien chez un grossiste (il en existe deux à
Paris : Consortium musical et le Service
de distribution musicale). Le petit nombre
de détaillants et leurs problèmes de stockage rendent très difficile la distribution
d’oeuvres nouvelles, le marchand ne pouvant prendre le risque d’acheter une partition qui ne sera peut-être pas vendue.
Il attend donc la commande d’un client
avant de s’approvisionner. Quelques
essais de dépôts analogues à ceux des libraires ont été tentés sans grand succès,
l’inorganisation des éditeurs constituant
un obstacle aussi grand que l’esprit peu
aventureux des marchands ;
- la location des matériels d’orchestre : les
« matériels d’orchestre » des oeuvres symphoniques ne sont, mis à part quelques
classiques, presque jamais en vente,
mais en location. Pour chaque exécution
d’une oeuvre symphonique, l’organisme
programmant le concert loue le matériel
directement chez l’éditeur pour un prix
variant selon le minutage, le nombre
d’instruments, l’importance du concert,
etc. Ce système de location pose de nombreux problèmes aux éditeurs (remise en
état, manutention, expédition, stockage)
et aux utilisateurs (disponibilité, prix de
location parfois trop élevés pour les ensembles non professionnels, par exemple).
Nul doute que là aussi de nouvelles méthodes devront être employées, peut-être
grâce à l’informatique dont les possibilités semblent tout à fait adaptées (mise
en mémoire de la partition permettant la
sélection des parties et leur multiplication
à la demande, transposition automatique,
suppression des erreurs de transcription,
etc.) ;
- les droits d’exécution et droits de
reproduction mécanique : ceux-ci sont
perçus auprès des utilisateurs par la
S. A. C. E. M. pour les droits d’exécution,
par la S. D. R. M. (Société pour le droit de
reproduction mécanique) pour les droits
de reproduction, et distribués par ces deux
sociétés directement aux ayants droit :
auteur, compositeur, éditeur. En ce qui
concerne la musique dite « sérieuse », par
opposition à la musique légère, ces droits
donnent très rarement lieu à d’importants
revenus, tant pour les auteurs que pour
l’éditeur.
L’importance respective de ces différentes sources de revenus est très variable
d’un éditeur à l’autre, suivant le type
d’oeuvres en catalogue (méthodes, pièces
pédagogiques, oeuvres symphoniques,
ballets, chansons [et suivant le genre de
musique édité] avant-garde, classique, néoclassique, musique légère, etc.). À l’heure
actuelle, peu nombreuses sont les maisons d’édition musicale qui prennent le
risque d’éditer les oeuvres symphoniques.
Parmi les plus actives dans ce domaine,
qui ne sont pas toujours les plus importantes, citons Salabert, Jobert, Leduc,
Transatlantiques, Rideau rouge. D’autres
firmes se spécialisent plus ou moins dans
l’enseignement (Lemoine, Billaudot), tandis que plusieurs parmi les plus illustres
maisons françaises cessent pratiquement
toute activité éditoriale et réinvestissent
d’importants revenus dans des domaines
extramusicaux.
L’ÉDITION MUSICALE DANS LE MONDE.
-France : Durand, Heugel, Leduc,
Choudens, Salabert, Jobert, Bornemann,
Amphion, Transatlantiques, Eschig,
Billaudot, Rideau rouge, Costallat, Enoch,
Lemoine, Delrieu.
-Allemagne : Schott’s Söhne, Bärenreiter, Breitkopf und Härtel, Otto Junne,
Bote u. Bock, Sikorski, Lienau, Edition
Modern, Heule, Cranz, VEB Deutscher
Verlag, Gerig, Heinrichshofen, Hofmeister, Peters, Ries u. Erler, Trekel, Zimmermann.
-Autriche : Doblinger, Hochmuth,
Österreichischer Bundesverlag, Scheider,
Universal.
-Suisse : Eulenburg, Helbling, Hug, Foetisch, Henn.
-Angleterre : Belwin-Mills, Chester,
Faber, Novello, Oxford University Press,
Paxton, Robbins, Boosey and Hawkes,
Chappell, Leeds.
-Espagne : Alier, Boileau, Ediciones
Musicales Madrid, Música Moderna, Biblioteca Fartea, Unión Musical Española,
Emec, Alpuerto.
-Italie : Berben, De Santis, Forlivesi, Ricordi, Zanibon, Suvini Zerboni, Carisch.
-États-Unis : Ashley, Associated Music
Publishers, Barnegat, Mel Bay, Berklee
Press Publications, Franco Colombo, Columbia, Marks, Musik Sales Corporation,
Schirmer, Smith, Presser, Ditson.
-Pays-Bas : Broekmans et Von Poppel,
Harmonia Uitgave, Van Teeseling, Donemus.
-Danemark : Wilhelm Hansen.
-Belgique : Maurer, Schott frères.
-Canada : Berandol, Harris, Algord,
Kerby, Forbes.
ÉGALES (voix).
Non sans impropriété, on désigne sous ce
nom, en musique chorale, par opposition
à « voix mixtes », une tablature faite d’un
ensemble de voix de même nature (voix
d’hommes ou voix, indifféremment, de
femmes ou d’enfants), mais non obligatoirement de même tessiture.
EGEDACHER, (les) famille de facteurs
d’orgues bavarois, actifs au XVIIe et au
XVIIIe siècle.
Joseph Christoph (Straubing 1646 - Salz-
bourg 1706) construisit l’orgue de l’abbaye
de Waldsassen et entreprit la construction
de l’orgue de la cathédrale de Salzbourg.
Son fils, Johann Christoph (Munich
1664 - Salzbourg 1747), fut l’un des plus
grands facteurs d’orgues de son époque.
Travaillant principalement dans la région
de Salzbourg, il fut notamment l’auteur
des instruments de la cathédrale de Salzbourg.
Son frère Johann Ignaz (? 1675 - Passau
1744) s’établit à Passau, où il construisit
l’orgue de la cathédrale.
Un troisième frère, Johann Georg, fut le
collaborateur de Johann Ignaz à Passau.
L’un des deux fils de Johann Christoph,
Johann Rochus (? 1714 - Salzbourg
1785), fut facteur d’orgues de la cour de
Salzbourg.
Son frère Johann Joseph (mort à Salzbourg en 1787) collabora avec lui et lui
succéda à la cour en 1774.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
334
EGGE (Klaus), compositeur, critique musical et musicographe norvégien (Gransherad, Telemark, 1906 - Oslo 1979).
Il commence à composer dans les années
30 (sonate pour piano Draumkvede, 1934)
et atteint sa pleine maturité créatrice à
partir des années 40. Son attitude artistique et esthétique le situe aux côtés de H.
Saeverud, H. Lie, S. Jordan, K. Anderson
et E. Kjellsby, entre les tenants de la tradition musicale norvégienne et un modernisme réfléchi. Une écriture très ferme et
qui favorise le traitement contrapuntique
et polyphonique avec une prédilection
pour la forme variation et la métamorphose, telles sont les caractéristiques principales d’une oeuvre qui trouve en Norvège une profonde résonance. Si certaines
de ses compositions utilisent surtout
un matériau folklorique, telles Sveinung
Vreim op. 11 (1941) pour solistes, choeurs
et orchestre ou Noreg-songen op. 16
(1952) pour choeurs et orchestre, ce sont
les domaines symphonique (5 symphonies : Lagnadstonar op. 17 [1942], Giocosa
[1947], Louisville [1957], Sopra Bach-Egge
[1967] et Dolce quasi passacaglia [1969])
et concertant (concertos pour piano no 2
op. 21 [1944], pour violon op. 26 [1953]
et pour violoncelle op. 29 [1966]) qui établissent l’essentiel de la réputation de son
oeuvre. K. Egge a représenté la Norvège à
l’Unesco au Conseil international de musique et a été président de l’Association
des compositeurs norvégiens.
EGGEBRECHT (Hans Heinrich), musicologue allemand (Dresde 1919).
Successeur de W. Gürlitt à la chaire de
musicologie de Fribourg, il s’est spécialisé
dans la terminologie musicale (Studien zur
musikalischen Terminologie, 1955), et a dirigé à ce titre la partie « termes musicaux
(Sachteil) de la dernière édition du dictionnaire de Riemann. Il a écrit notamment
Heinrich Schütz Musicus Poeticus (1959),
Die Geschichte der Beethoven Rezeption
(1972), Die Musik Gustav Mahlers (1982)
et Bachs Kunst der Fuge - Erscheinung und
Deutung (1985).
EGIDIUS (Magister de Aurelianis), théologien et compositeur français (Orléans
v. 1340 - Avignon v. 1400).
Il fit ses études en Allemagne, en Italie
et à Paris. En 1379, il fut reçu docteur en
théologie et se fixa dans l’entourage du
pape Clément VII qu’il suivit en Avignon.
Ayant rempli des missions d’ambassade
en 1379, 1385 et 1393, Egidius, après la
mort de Clément VII en 1394, resta au
service de son successeur Benoît XIII.
C’est en Avignon qu’il semble s’être intéressé à la composition. Plus jeune que les
musiciens de l’Ars nova Philippe de Vitry
et Guillaume de Machaut, Egidius a signé
des oeuvres polyphoniques aux mélodies
élégantes, mais aux rythmes subtils caractéristiques des musiciens de la période
entre Machaut et Dufay (Ars subtilior). On
lui doit des ballades et un motet isorythmique à 4 voix. L’une des ballades est dédiée à Clément VII ; une autre, au duc de
Berry à l’occasion de la visite de ce dernier
au pape en 1389, avec sa fiancée Jeanne de
Boulogne.
EGK (Werner), compositeur allemand
(Auchsesheim, près d’Augsbourg, 1901 Inning-am-Ammersee, Bavière, 1983).
Il a fait ses études musicales à Francfort-
sur-le-Main, puis à Munich avec Carl
Orff. Nommé chef d’orchestre à la radio
bavaroise, il s’est établi à Munich en
1929. Il a été ensuite chef à la Staatsoper
de Berlin de 1937 à 1941, directeur de
l’école supérieure de musique de cette ville
de 1950 à 1953, et président de l’Union
des compositeurs allemands et de la Société allemande des auteurs et éditeurs de
musique à partir de 1950. Il s’est établi en
1953 à Lochham, près de Munich. Mêlé
jeune aux mouvements d’avant-garde de
la musique allemande, il a été influencé
par Stravinski et par l’école française
de l’entre-deux-guerres (Suite française
d’après Rameau, 1949). D’une façon générale, sa musique est d’un « modernisme »
mesuré, sans pouvoir être qualifiée de
« néoclassique ». Soucieux d’un langage
expressif et immédiatement assimilable,
il a su se conquérir un grand public sans
faire des concessions qui seraient allées
contre sa nature. Son tempérament et ses
dons l’ont poussé à consacrer l’essentiel
de son travail de créateur au théâtre. Ses
principales partitions sont des oeuvres
lyriques : Columbus (1932), Die Zaubergeige (le Violon enchanté, 1935), Peer Gynt
(1938), Circle (1945, rév. 1966), Irische
Legende (« Légende irlandaise », 1955,
rév. 1970), oeuvre pathétique admirable
à reflets autobiographiques, le Revizor
d’après Gogol (1957), où la musique
épouse parfaitement le comique du texte
et des situations, Die Verlobung in San Domingo d’après Kleist (1963). Il faut aussi
mentionner des grands ballets : Joan de
Zarissa, créé à Berlin en 1940 et que Lifar
a présenté à Paris en 1942, Abraxas, que
Janine Charrat a créé à Munich en 1948,
la Tentation de saint Antoine (1947, rév.
1952), Casanova in London (1969).
EGOROV (Youri), pianiste russe naturalisé néerlandais (Kazan 1954 - Amsterdam 1988).
Il étudie le piano au Conservatoire de
Kazan. En 1971, il est lauréat du concours
Long-Thibaud et entre au Conservatoire
de Moscou. Distingué lors des Concours
Tchaïkovski à Moscou et Reine Élisabeth à
Bruxelles, il commence en 1978 ses grandes
tournées internationales avec des débuts
retentissants à New York et à Chicago,
ainsi que de nombreux concerts en Hollande - en particulier avec l’orchestre du
Concertgebouw d’Amsterdam. En 1980, il
fait ses débuts en Angleterre (un concert
mémorable au Queen Elisabeth Hall) et en
Allemagne. En 1981, il donne son premier
récital en France, au Festival international
de piano de La Roque-d’Anthéron. Après
ce brillant début de carrière, il est emporté
par la maladie, à l’âge de trente-trois ans.
EICHENDORFF (Joseph von), écrivain et
poète allemand (Lubowitz, haute Silésie,
1788 - Neisse 1857).
Après les « classiques de Weimar (Goethe,
Hölderlin, Schiller) et l’école d’Iéna (les
frères Schlegel, Tieck, Novalis), la vie littéraire allemande éclate brutalement, au
moment où Napoléon met fin au Saint
Empire romain germanique (1806). Alors,
tandis que Goethe vieillit et que Jean
Paul, autre splendide isolé, poursuit une
création loin des modes, se développent
plusieurs foyers culturels préoccupés de
dégager une germanité spirituelle prenant
sa source aux plus anciennes fontaines. Le
groupe dit « de Heidelberg » est de ceuxlà, qui réunit les frères Grimm avec leurs
contes, Arnim et Brentano, collectionneurs des chants populaires qui donneront Des Knaben Wunderhorn, ainsi que,
de manière épisodique, quelques poètes
comme Eichendorff, avec lesquels meurt
doucement le romantisme.
Eichendorff, dont la production est tout
aussi abondante que variée, tourne le dos
aux fantômes tragiques ou grotesques de
ses prédécesseurs, pour se plonger dans
les souvenirs de son enfance. Par-delà les
crises de l’âme ou du corps, c’est bien vers
le foyer originel qu’il retourne, source de
sa vie et de ses impressions. Il pense ainsi
mettre un terme à l’agitation, inquiète
sans doute mais trop mondaine, qu’il
contemple autour de lui.
Mais, pour originale qu’elle soit, son
inspiration ne se renouvelle guère. On en
voit bien les limites et le talent dans ses
nouvelles (Die Zauberin im Herbste, das
Marmorbild, et même le Taugenichts et
Ahnung und Gegenwart), où les conflits
traditionnels du héros romantique se résolvent dans l’appel à de fortes certitudes
morales et religieuses. En outre, la prose,
chez lui, n’est qu’un prolongement du
lyrisme, sans véritable construction dramatique. Au contraire, il excelle à peindre,
avec une certaine indolence, les aspirations vagues de l’adolescence, un goût du
lointain, tempérés par une lassitude qui se
confond avec le retour au père (qui, pour
ce croyant serein, est aussi le Père).
En définitive, la musique a beaucoup
fait pour la postérité d’Eichendorff :
Brahms, au meilleur de son inspiration,
Wolf (vingt lieder), peut-être trop inquiet, et Schumann, dans le remarquable
Liederkreis op. 39, y ont trouvé les échos
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
335
d’une nature divinisée, consolatrice idéale
de ceux qui souffrent.
EIMERT (Herbert), compositeur et théoricien allemand (Bad Kreuznach 1897 Düsseldorf 1972).
Il fit ses études à l’École supérieure de
musique (avec H. Abendroth) et à l’université de Cologne, et travailla dans cette
ville, jusqu’en 1945, comme journaliste,
comme critique et à la radio. En 1951, il
fonda le Studio de musique électronique
de la radio de Cologne, qu’il devait diriger jusqu’en 1962, et y appela bientôt à
ses côtés le jeune Stockhausen (1953). En
1954, sept morceaux électroniques (dont
deux de Eimert et deux de Stockhausen)
réalisés dans ce studio étaient présentés
pour la première fois en public. À partir
de 1965, il fut professeur à l’École supérieure de musique de Cologne, dont il
dirigea aussi le Studio de musique électronique nouvellement fondé. Il édita la
revue Die Reihe (huit cahiers de 1955 à
1962). Il avait été l’un des premiers musiciens germaniques à écrire selon la technique dodécaphonique. Plus important
comme théoricien, comme pédagogue et
comme publiciste que comme compositeur, il a néanmoins laissé quelques « classiques » de l’électronique tels que Etüden
für Tongemische (1954) ou Epitaph für
Aykichi Kuboyama pour récitant et sons
électroniques (1960-1962).
EINEM (Gottfried von), compositeur autrichien (Berne 1918-1996).
Fils d’attaché militaire, il étudia notamment avec Boris Blacher à Berlin, et
remporta son premier succès avec le ballet Prinzessin Turandot op. 1 d’après C.
Gozzi (1942-43, créé à Dresde en 1944).
La renommée internationale lui vint avec
l’opéra la Mort de Danton op. 6, d’après G.
Büchner (1944-1946, créé à Salzbourg par
Fricsay en 1947). Suivirent entre autres,
comme partitions pour la scène, les ballets Pas de coeur op. 16 (Munich, 1952)
et Medusa op. 24 (Vienne, 1957), et les
opéras le Procès op. 14, d’après F. Kafka
(Salzbourg, 1953), Der Zerrissene op. 31,
d’après J. Nestroy (Hambourg, 1964), la
Visite de la vieille dame op. 35, d’après F.
Dürrenmatt (Vienne, 1971), Kabale und
Liebe op. 44, d’après F. Schiller (Vienne,
1976), et Die Hochzeit Jesu (« les Noces de
Jésus », Vienne, 1980). Ces oeuvres, sur
lesquelles repose principalement la réputation de leur auteur, doivent leur succès
à de solides qualités dramatiques et théâtrales ainsi qu’à leur fidélité au système
tonal. On doit aussi à G. von Einem des
partitions symphoniques et de chambre Philadelphia Symphonie op. 28 (1960),
Bruckner-Dialog op. 39 (1971), Wiener
Symphonie op. 49 (1976), Ludi Leopoldini
(1980), quatre quatuors à cordes (1975 à
1981), enfin diverses oeuvres vocales dont
An die Nachgeborenen, cantate op. 42,
d’après F. Hölderlin (1973-1975), Lieder
vom Anfang und Ende pour voix moyenne
et piano (1981), et Gute Ratschläge (1982).
Sa Symphonie no 4 a été créée à Vienne en
1988, et son Quatuor à cordes no 5 terminé
en 1991.
EINSTEIN (Alfred), musicologue américain d’origine allemande (Munich 1880 El Cerrito, Californie, 1952).
Il étudia dans sa ville natale la composition et la musicologie et, en 1903, obtint
à l’université de Leipzig son doctorat avec
une thèse sur la littérature allemande pour
la viole de gambe aux XVIe et XVIIe siècles.
Critique musical à la Münchner Post de
1918 à 1927, puis au Berliner Tageblatt, il
quitta l’Allemagne en 1933, s’installa près
de Florence et, en 1939, se fixa aux ÉtatsUnis, dont il devint citoyen en 1945. Il enseigna au Smith College de Northampton
jusqu’en 1950. Son oeuvre de musicologue,
très importante, est consacrée principalement à la musique italienne et allemande
des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles (Gluck,
Londres, 1936 ; Mozart, New York, 1945 ;
The Italian Madrigal, Princeton, 1949).
Mais, à la fin de sa vie, il a aussi publié, sur
Schubert (New York, 1951) et sur la Musique romantique (New York, 1947), deux
ouvrages importants. Le second témoigne
de l’esprit de synthèse et de l’originalité
des vues de ce musicologue qui joignait à
l’érudition de l’historien un sens critique
toujours en éveil. Il fut responsable des
9e, 10e et 11e éditions du dictionnaire de
Riemann, et de la 3e édition du catalogue
Köchel des oeuvres de Mozart (Leipzig,
1937 ; rév. Ann Arbor 1947).
EISLER (Hanns), compositeur allemand
(Leipzig 1898 - Berlin-Est 1962).
Très tôt attiré par la musique, il se forme
en autodidacte avant de suivre l’enseignement de Schönberg à Vienne (1919-1923),
puis à Berlin à partir de 1925. Introduit
dans les cercles d’avant-garde où il rencontre S. Wolpe et E. Krenek, il donne à
ses compositions un tour à la fois critique
et ironique (Zeitungsausschnitte, « Coupures de journaux », 1925-26 ; Tempo der
Zeit, « Tempo du siècle », 1929) et s’engage dans des activités politiques qui le
poussent à écrire de nombreux choeurs
et cantates, et à propos desquelles de violentes controverses l’opposent à Schönberg. Entre 1927 et 1933, il compose beaucoup pour le théâtre et le cinéma, et sa
rencontre avec l’acteur-interprète Ernst
Busch en 1928 l’entraîne définitivement
hors des limites de la salle de concert.
Ses ballades sont, après ses Massenlieder (« Lieder de masse ») comme Der rote
Wedding ou le Kominternlied, l’instrument
principal de sa propagande (Anrede an
den Kran « Karl », Ballade von der Krüppelgarde, Ballade von der Wohltätigkeit, etc.).
Elles sont conçues de façon assez libre,
selon le schéma alternatif couplet-refrain.
Leur mélodie est calquée sur le rythme
déclamatoire du texte ainsi que le prescrit
la technique des Agitproptruppen (troupes
d’agitation-propagande), et leur accompagnement est confié à un petit orchestre
inspiré des groupes de jazz des années 20.
Elles doivent beaucoup aux songs de Kurt
Weill, mais Eisler recherche moins les effets de distanciation que celui-ci, et pousse
la simplification harmonique jusqu’à un
quasi-retour à la tonalité classique, ce
qui donne à son langage un caractère en
même temps « naïf et constructif « : c’est
ainsi du moins que le qualifie Brecht, avec
lequel il entame alors une longue collaboration (Kuhle Wampe, 1932 ; Die Mutter,
1931 ; Die Massnahme : un Lehrstück pièce pédagogique - composé en 1930).
En 1933, Eisler quitte l’Allemagne et,
après avoir voyagé à travers l’Europe,
s’installe en 1938 aux États-Unis. Il poursuit durant cet intervalle une production
très diverse (Deutsche Symphonie op. 56
sur des textes de Brecht, 1937), ne négligeant pas le style dodécaphonique qui
fait lui aussi partie intégrante de sa personnalité musicale (14 Arten, den Regen
zu beschreiben, « 14 façons de décrire la
pluie », 1940), et illustre son expérience
cinématographique par le livre intitulé
Komposition für den Film, réalisé en collaboration avec Adorno en 1947. La même
année, il doit s’exiler à nouveau et s’établit
en 1950 à Berlin-Est où, comblé d’honneurs et de charges officielles, il compose
des musiques socialistes (hymne de la
R. D. A.) qui ont malheureusement beaucoup perdu de la virulence de celles des
années 1920.
EISMA (Will), compositeur néerlandais
(Soengailiat, Indonésie, 1929).
Il a travaillé au conservatoire de Rotterdam le violon avec Jewsey Wulf et la composition avec Van Baaren (1948-1953),
commencé une carrière de violoniste
comme membre de l’Orchestre de Rotterdam, puis s’est perfectionné en composition avec G. Petrassi à Rome (1959-1961)
et a étudié la musique électronique avec
G.-M. Koenig à Utrecht. D’abord adepte
du docécaphonisme, il a évolué vers un
style de plus en plus libre, et se tourne à
l’occasion vers l’électroacoustique. Il a
écrit notamment un quintette à cordes
(1961), un concerto pour 2 violons et
orchestre (1961), Archipel pour quatuor
à cordes (1964) Volumina pour orchestre
(1964), Fontemara pour quintette à vents
(1966), la Sonorité suspendue pour trio à
cordes (1970), le Gibet (1971), Strategic
Sonority pour un ou plusieurs ensembles
(1974), Collected Papers pour instrument
soliste, percussion et synthétiseur (1974),
Caprichos pour clarinette basse et bande
magnétique (1974), Helena is coming late
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
336
pour quatuor à cordes et synthétiseur
(1975), et le Cheval mort (1976) d’après
Aloysius Bertrand pour voix, instruments
et dispositif électroacoustique, Liwung
pour gamelan et bande magnétique
(1977), Gadget pour orchestre (1979),
Metselwerk pour percussion soliste et orchestre (1979).
EITNER (Robert), musicologue allemand
(Breslau 1832 - Templin, près de Uckermark, 1905).
D’abord professeur de musique, il se
consacra entièrement à la musicologie
à partir de 1863. Il s’est attaché à établir
les bases scientifiques de l’histoire de la
musique en publiant les sources de nombreuses oeuvres des XVIe et XVIIe siècles.
En 1868, il prit part à la fondation de la
Gesellschaft für Musikforschung (Société
de recherches musicologiques) au sein de
laquelle il joua un rôle important, assurant notamment la rédaction de sa revue.
En 1881, Eitner publia la première édition
moderne de l’Orfeo de Monteverdi. Ses
travaux de bibliographie et ses recherches
de documents d’archives ont eu une importance capitale ; ils constituent l’origine
lointaine et la base de grandes publications modernes, et tout particulièrement
du R. I. S. M. (Répertoire international
des sources musicales). Les publications
d’Eitner comprennent : Bibliographie
der Musik- Sammelwerke des 16.u. 17. Jh
(Berlin, 1877) et le monumental Biographisch-bibliographisches Quellenlexikon
der Musiker und Musikgelehrten... (10 vol.,
Leipzig, 1900-1904, rév. 1959-1960) qui va
jusqu’au milieu du XIXe siècle.
EL BACHA (Abdel Rahman), pianiste
libanais et français (Beyrouth 1958).
Il étudie le piano avec Zvart Sarkissian
puis au Conservatoire de Paris avec Pierre
Sancan. Lauréat du Concours LongThibaud en 1975 et du Concours Reine
Élisabeth de Belgique en 1978, il se produit rapidement dans le monde entier.
En 1983, son premier disque consacré à
Prokofiev obtient le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros. Maîtrisant un vaste
répertoire de concertos, il interprète avec
bonheur Beethoven, dont il a enregistré
l’intégrale des sonates pour piano. Mais il
est aussi très attaché aux oeuvres de Bach,
Mozart, Chopin, Schumann et Ravel.
ÉLECTROACOUSTIQUE (musique).
Locution utilisée en France pour désigner une technique musicale, et même un
genre apparus dans les années 50 : il s’agit
de la musique pour bande magnétique
réalisée en studio par le compositeur, et
utilisant indifféremment des sons d’origine « concrète » (enregistrés par micros)
et des sons « électroniques » (issus d’appareils tels que : générateurs électroniques,
synthétiseurs, ordinateurs, etc.) qui sont
manipulés, assemblés, organisés, pour
aboutir à des oeuvres destinées à être diffusées par haut-parleurs.
Une oeuvre de musique électroacoustique n’a donc d’existence matérielle que
sur le support de la bande magnétique,
comme le film sur sa pellicule. La partition
ne joue donc ici, en général, qu’un rôle secondaire pour la préparation de l’oeuvre,
sa réalisation en studio ou sa diffusion en
concert. Ce n’est pas le cas des musiques
électroacoustiques en direct, appelées
aussi « live electronic music ».
On considère généralement que la
musique électroacoustique date de 1956,
année où fut réalisé par Karlheinz Stockhausen le Chant des adolescents (Gesang
der Jünglinge), qui passe pour être la
première oeuvre à avoir utilisé en même
temps des « sons concrets » (ici la voix
d’un petit garçon) et des sons électroniques. Auparavant, la musique électroacoustique existait surtout sous la forme
de deux courants distincts et même plus
ou moins rivaux : la musique concrète
française fondée et défendue par Pierre
Schaeffer, et la musique électronique allemande n’utilisant que des sons issus de
« générateurs » (ancêtres encore rudimentaires des actuels synthétiseurs). La
même année 1956, une musique de ballet
de Pierre Henry, Haut-Voltage, associait
également sons électroniques et concrets.
Dans la fin des années 50, la distinction
des musiques concrètes et électroniques
cessa d’être aussi tranchée qu’elle l’était
et les compositeurs utilisèrent de plus
en plus fréquemment les deux types de
sources. Ce qui ne veut pas dire qu’on
n’a plus créé ensuite d’oeuvres purement
« concrètes » (comme les monuments
récents de Pierre Henry : Futuristie, Dieu)
ou purement « électroniques » - ce qui est
le cas de la production courante de nombreux studios, surtout depuis l’apparition
du synthétiseur. Mais on a cessé de faire
de l’emploi de l’un ou l’autre de ces deux
types de sources une pierre de touche,
un critère esthétique. Et si les traditions
propres de la musique concrète et de la
musique électronique (la première plutôt
empirique et sensible, la seconde plutôt
systématique et abstraite) continuent à
exister dans la musique électroacoustique
actuelle, c’est mêlées et distinctes à la fois.
On peut signaler, par ailleurs, que
l’expression musique électroacoustique
est typiquement française : le genre se
dénomme en anglais « electronic music »
ou « tape music », en allemand « elektronische Musik », en italien « musica elettronica ». Si l’on y trouve aussi des expressions comme « elektroakustische Musik »,
les autres langues sont loin de faire nos
subtiles distinctions, ce qui est normal,
puisque c’est en France surtout que la musique électroacoustique a fleuri comme un
genre à part, avec ses créateurs propres,
ses circuits de diffusion, voire son public
spécifique.
Même en France, cependant, sa situation est loin d’être simple : elle est à la
fois un genre et une technique, et cette
technique est susceptible d’être associée
de mille façons aux techniques traditionnelles (musique « mixte », pour instruments et bande magnétique) et d’évoluer
dans les directions les plus variées. Le mot
d’ordre de certains centres de recherches
récemment fondés, comme l’I. R. C. A. M.
de Paris, rejoignant en cela le goût croissant de la musique contemporaine pour
les hybridations, le mélange des moyens,
semble être d’arracher cette musique à son
isolement pour la pratiquer en association
avec les techniques instrumentales, audiovisuelles, etc. Le sens de l’histoire leur donnerait-il bientôt raison qu’il ne faudrait
pas pour autant déplorer ce statut marginal, qui nous a valu des chefs-d’oeuvre
comme ceux de Pierre Henry, François
Bayle, Bernard Parmegiani, Alain Savouret, Ilhan Mimaroglu, etc., où se trouvent
approfondis et exaltés les moyens propres
de la musique électroacoustique.
PANORAMA HISTORIQUE.
Entre la fin des années 50 et le début des
années 70, on assiste à une lente et sûre
progression de la musique électroacoustique sur le terrain qu’elle s’est définie,
cependant qu’on voit apparaître les premières tendances qui la mèneront à son
actuel éclatement. En 1958, le Groupe
de recherches musicales reçoit son nom
définitif et engage, sous la direction de
Schaeffer, les importantes recherches
dont le bilan a été consigné dans le Traité
des objets musicaux, paru en 1966. Pierre
Henry crée dans son studio « Apsome »,
fondé en 1958, ses premiers grands classiques : la Noire à soixante, Voyage, Variations pour une porte et un soupir, etc. Des
studios apparaissent dans le monde entier,
entre autres à Milan (1953), Tokyo (1953),
Varsovie (1957), Utrecht (1961), etc. La
fin des années 60 et le début des années
70 voient une floraison de grands monuments qui marquent le genre : Hymnen
(1967) de Stockhausen, Espaces inhabitables (1966), Jeïta (1970) et l’Expérience
acoustique (1970-1973) de Bayle, l’Apocalypse de Jean (1968), Fragments pour Artaud (1965-1968) et Mouvement-RythmeÉtude (1970) de Pierre Henry, Pour en
finir avec le pouvoir d’Orphée (1972) de
Parmegiani, etc. Cependant, dans les années 60, on a vu apparaître les premières
expériences de musique électroacoustique
en direct (groupes Sonic Art Union, Nuova
consonanza, Musica elettronica viva, etc.),
de synthèse de sons par ordinateur (Mathews, Pierce, Risset, etc., aux États-Unis)
et surtout le développement fulgurant
du synthétiseur, qui concentre, sous un
volume réduit et de façon maniable pour
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
337
tous, un ensemble de possibilités de création de sons électroniques autrefois aussi
coûteuses que malaisées à rassembler. On
sait comment le synthétiseur s’est popularisé dans des versions instrumentales
(appareils pour groupes pop, munis d’un
clavier comme le piano) pour devenir une
espèce d’orgue électronique perfectionné,
et comme il a envahi tous les genres et
tous les media (pop, jazz, variétés, cinéma,
publicité, etc.). On sait aussi que le matériel nécessaire pour créer la musique
électroacoustique s’est répandu, miniaturisé et démocratisé au point que ce que
contenait de moyens techniques un studio
professionnel du début des années 60 est
aujourd’hui à la portée des particuliers.
D’où la prolifération des studios privés,
s’ajoutant aux studios publics animés par
des groupes, qu’on connaissait jusqu’alors
et qui continuent de se multiplier.
C’est à une consécration, mais aussi
à un éclatement de la musique électroa-
coustique qu’on assiste à la fin des années
70. Tout ce qui faisait sa spécificité (matériel de création, domaine sonore à part)
lui a été emprunté par les musiques de
grande diffusion pour être « récupéré »
et vulgarisé. Dans un premier temps, la
musique électroacoustique avait inspiré
de nouvelles façons d’utiliser l’orchestre
et l’instrument pour créer des « objets
sonores » nouveaux, des blocs, des matières évoluantes (musiques « tachistes »
et plastiques de Xenakis, Ligeti, de l’école
polonaise). Dans un second temps, avec
le développement de la « live electronic
music » et de l’utilisation des instruments
électrifiés, les musiciens sont en mesure
de faire produire en direct, par des exécutants vivants, un grand nombre des
effets et des matériaux sonores dont la
création et la reproduction nécessitaient
autrefois le studio et la bande magnétique.
Mais croire que la musique électroacoustique n’a rien apporté de plus que de tels
« effets » et de tels matériaux, désormais
susceptibles d’être produits en direct, c’est
méconnaître ce très grand pouvoir d’expression et d’organisation que demeure
le montage, sans compter d’autres techniques de manipulation, de mélange, etc.,
qui exigent le travail en studio et le différé.
Cependant, si la musique électroacoustique classique sur bande continue d’être
pratiquée, le sentiment général s’affermit
qu’elle ne serait plus la « musique de l’avenir », qu’elle aurait fait son temps. Son
mode de diffusion - le concert de hautparleurs, parfois agrémenté d’une « spatialisation » active de l’oeuvre qui, tout en lui
apportant beaucoup de vie, est rarement
perçue comme une intervention vivante
par l’auditoire - apparaît à beaucoup ingrat et archaïque. La curiosité, les espoirs
tendent à se reporter vers des expériences
plus globales, mêlant le son, l’image, les
lumières, le geste. Et pourtant, tout est
loin d’avoir été dit en musique électroacoustique : l’immense et riche domaine
des sons concrets n’a-t-il pas été délaissé
par presque tous les compositeurs, à peine
avait-il été commencé à être défriché, au
profit des facilités du synthétiseur ? À la
fin des années 70, l’avenir de cette musique apparaît plutôt indécis. Certes, on
investit aujourd’hui beaucoup de temps
et d’argent sur les recherches de synthèses
sonores par ordinateur. Depuis qu’elles
ont commencé (années 60), elles ont apporté de nouvelles ressources sonores et
quelques oeuvres estimables - rien encore
de grand, de fort, de bouleversant. Les
révolutions viennent des hommes, et non
seulement des moyens, et l’entichement
actuel pour les technologies sophistiquées
pourrait bien être le signe négatif d’un
manque d’idées et de programmes plutôt
que celui, positif, d’un glorieux « bond en
avant ». Parallèlement à ces recherches
lourdes réservées aux studios importants,
la popularisation des micro-ordinateurs
va-t-elle, en ouvrant le domaine de la
synthèse sonore informatique aux particuliers, lui apporter un sang neuf ? On ne
saurait encore le prévoir.
PANORAMA GÉOGRAPHIQUE.
Si étonnant que cela puisse paraître à certains, la France se trouve être le pays privilégié de la musique électroacoustique,
non par la quantité de musique produite
(elle est dépassée par les U. S. A.), mais
par le degré de maturité, d’autonomie et
d’élaboration esthétique et technique que
ce genre y a connu - sans compter qu’on y
trouve, de Pierre Henry à François Bayle,
la plupart des grands créateurs qui l’ont
illustré. En particulier, c’est le seul pays
où la diffusion des musiques électroacoustiques en concert ait fait l’objet d’un soin
particulier et où elle ne soit pas une formule passive et neutre. Des « orchestres de
haut-parleurs », des systèmes de diffusion
originaux permettant une interprétation
vivante de ces musiques, en agissant sur
la répartition spatiale, les dosages d’intensité et de couleur, y sont couramment employés. Il y a aussi en France une tradition
propre de la musique électroacoustique,
issue du courant de la musique concrète :
elle reste attachée à une fabrication artisanale, empirique, par le compositeur
lui-même, de sa matière sonore, de sa
musique, plutôt que par l’assistance d’un
technicien ou d’un système automatique.
Pierre Henry, installé depuis 1958 dans
son studio Apsome monté « pierre par
pierre », domine toute la musique électroacoustique. Ce grand solitaire, qui fut
le premier à se consacrer entièrement à
cette musique, n’a pas seulement créé
une oeuvre géniale mais il a aussi vivifié,
par ses audaces, un terrain qui sans lui
serait demeuré stérile. Sa façon directe et
généreuse de prendre à bras-le-corps les
grands problèmes de la musique électroacoustique, d’assumer le genre sans réserve,
fut pour beaucoup d’autres un exemple et
une stimulation.
C’est en France aussi que se situent
quelques-uns des studios les plus actifs
dans le monde : au premier rang, ne serait-ce que par son ancienneté, le Groupe
de recherches musicales de l’I. N. A.,
fondé par Pierre Schaeffer et animé par
François Bayle, qui a accueilli ou gardé
plus ou moins longtemps dans son sein
quelques-uns des auteurs les plus importants, et qui a développé une intense activité de création, de diffusion, de pédagogie et de recherche. À la fin des années 60,
d’autres centres très actifs se sont affirmés : le Groupe de musique expérimentale de Bourges, créé en 1970 par Christian
Clozier et Françoise Barrière, tient une
place importante et a organisé un réseau
international d’échanges et de communications entre les studios du monde entier,
qui est une de ses originalités. Créé en
1968 par Marcel Frémiot, le Groupe expérimental de Marseille, animé par Georges
Boeuf, a démarré de façon prometteuse, et
a acquis ensuite une véritable autonomie.
On peut citer aussi le Studio du conservatoire de Pantin, le Groupe art-musiqueinfo de Vincennes, le département électroacoustique de l’I. R. C. A. M. à Paris,
animé par Luciano Berio jusqu’en 1980,
et plusieurs studios en voie de création ou
de développement à Strasbourg, Pau, Vierzon, Metz (C. E. R. M.), etc., ainsi que le
C. I. R. M. (Jean Étienne Marie), installé à
Paris puis à Pantin, et à Nice depuis 1975,
et le Studio de l’American Center de Paris
(S. M. E. C. A., Jorge Arriagada), sans
oublier ceux, de plus en plus nombreux,
qui travaillent avec leur matériel privé ou
comme invités temporaires des studios
publics : Almuro, Ferreyra, Ferrari, Radigue, Bokanovski, Dhomont, d’Auzon,
Chion, Tazartes, Cahen, Canton, Maticic,
etc. Paradoxalement, malgré cette floraison d’auteurs et de création, la musique
électroacoustique en France reste un peu
à l’écart de la musique contemporaine
officielle, rançon d’un isolement où, par
ailleurs, elle a puisé beaucoup de sa force.
Dans les autres pays d’Europe, le
« tissu » des studios et des auteurs est
moins serré, mais on n’en trouve pas
moins des centres très actifs, qu’il s’agisse
de la Belgique avec le studio de l’I. P. E. M.
de Gand (Goeyvaerts, Goethals) et celui de
Léo Kupper à Bruxelles ; de la Hollande,
avec le Studio de sonologie de l’université
d’Utrecht (Weiland, Ponse, Koenig), qui
est un des centres les plus anciens et les
plus fréquentés ; de l’Autriche, avec le Studio de la Hochschule de Salzbourg, dirigé
par Klaus Ager, et celui de la Hochschule
de Vienne (Dieter Kaufmann) ; de la Suisse
avec le Centre de recherches sonores de la
Radio-Suisse romande (Zumbach) et des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
338
auteurs comme Guyonnet, Boesch, Kessler ; de la Grande-Bretagne, avec le studio
de Norwich (Dennis Smalley) et celui de
l’université d’York ; de l’Irlande (Roger
Doyle) ; de la Suède, avec le studio de la
fondation Fylkingen et celui de Stockholm
(E. M. S., fondé par Knut Wiggen), etc.
L’Allemagne de l’Ouest est le lieu de naissance de la musique électroacoustique
des années 50 au studio de la W. D. R.
de Cologne, où continue de travailler le
grand Stockhausen et où sont venus par
ailleurs Höller, Huber, Kagel, etc. En Italie, on connaît surtout le fameux Studio de
phonologie musicale de la R. A. I., fondé à
Milan en 1953 par Luciano Berio et Bruno
Maderna qui y ont composé des oeuvres
marquantes. Luigi Nono y a produit également de nombreuses bandes, mais ce studio a cessé ses activités. D’autres centres
se sont révélés dans d’autres villes, à Florence (Pietro Grossi), Rome, Padoue, Pise,
Turin (Enoce Zaffiri).
L’Europe de l’Est comprend quelques
studios, généralement rattachés à des
radios nationales (comme les premiers
grands studios de l’Europe de l’Ouest :
Paris, Cologne, Milan, etc.). C’est en Pologne qu’on trouve un des plus anciens,
celui de Varsovie, fondé par Joseph
Patkowski et où ont travaillé Wladimir Kotonski et surtout Eugeniuz Rudnik. En Tchécoslovaquie, citons les studios de Bratislava (Peter Kolman) et de
Prague ; en Hongrie, le studio de Budapest (Zoltan Pongracz) ; en Yougoslavie,
celui de Belgrade (Vladan Radovanovic,
Paul Pignon) ; en Russie, la personnalité
d’Édouard Artemiev, etc.
Aux U. S. A., pour ainsi dire, chaque
université possède son studio, et c’est
surtout dans ce cadre que se développe la
production de musique électroacoustique.
Cette musique y est rarement considérée
comme un genre à part, autonome, et
les bandes magnétiques produites sont
généralement destinées à des oeuvres
« mixtes » (pour instruments et bandes)
ou « mixed media » (avec lumières, ballet, cinéma, etc.). Une grande exception
est Ilhan Mimaroglu, qui n’hésite pas à
bâtir des fresques purement électroacoustiques. Parmi les très nombreux studios,
on citera celui de Valencia, en Californie
(Barry Schrader), ceux du Mills College,
à Oakland, Californie (Subotnick, Oliveros), de San Diego, d’Urbana, dans l’Illinois (Hiller, Amacher, Gaburo), de Iowa
City, Iowa (Peter-Tod Lewis), d’Ann
Arbor, Michigan, le dynamique studio
du Dartmouth College de Hanover, New
Hampshire (Jon Appleton, autre figure
marquante) et, à New York, le vénérable
studio de l’université Columbia-Princeton
où Wladimir Ussachevsky et Otto Luening ont fondé en 1952 la « tape music »
(musique pour bande) américaine, et où
ont travaillé entre autres Milton Babbitt,
Jacob Druckman et surtout Ilhan Mimaroglu. Près de New York, citons encore
celui de Stony Brook (Bulent Arel) et celui
de John Cage et Daniel Tudor à Stony
Point.
Presque tous ces studios fonctionnent
dans le cadre d’universités, mais il ne
faudrait pas oublier les « laboratories »
installés dans divers organismes où ont
été menées des recherches de pointe : par
exemple, celui de la Bell Telephone, à
Murray Hill, New Jersey, où Max Mathews
et d’autres compositeurs ont développé les
premières recherches de synthèse sonore
par ordinateur.
Au Canada, on retrouve à peu près les
mêmes conditions de production et de
diffusion de la musique électroacoustique
qu’aux U. S. A. On retiendra, outre les
studios de l’université Carleton d’Ottawa,
de l’université de Toronto, de l’université
Simon Fraser à Burnaby (R. Murray Schafer), de l’université Mac Gill à Montréal
(Pedersen, Longtin, Joachim, CoulombesSaint-Marcoux), de l’université Laval de
Québec (Nil Parent), le nom du pionnier
en matière technique et de l’inventeur
qu’a été Hugh Le Caine.
En Amérique du Sud, la musique électroacoustique ne vit pas sans difficultés
matérielles et sociales, même si de nom-
breux compositeurs (qui doivent souvent
venir en Europe pour se former, et revenir
ensuite dans leur continent pour tenter
d’y implanter des studios) s’y adonnent :
pour l’Argentine, Alberto Ginastera,
Gabriel Brnic, Lionel Filippi, Luis-Maria Serra (ces deux derniers animant le
studio Arte 11 à Buenos Aires) ; pour le
Brésil, Jorge Antunes (studio de Brasília)
et Rodolfo Caesar ; pour le Chili, Vicente
Asuar ; pour le Venezuela, Raul Delgado.
D’autres sont venus s’installer en Europe,
tels Jorge Arriagada, Ivàn Pequeñó, Edgardo Canton, Beatriz Ferreyra, Horaccio
Vaggione, etc.
Au Japon, on connaît surtout le studio
de la N. H. K. (radiotélévision) à Tokyo,
où des compositeurs comme Toshiro
Mayuzumi, Makoto Moroi, Toru Takemitsu, etc., se sont inspirés de la tradition
nationale pour créer des oeuvres électroacoustiques. Et, pour l’Australie, on peut
citer les noms de Warren Burt et d’Andy
Mac Intyre.
Dans cette énumération très abrégée
ont été omis volontairement les noms de
ceux qui se consacrent en priorité à la
musique électroacoustique en direct, ou
« live electronic music ». Ils sont évoqués
dans l’article spécialement consacré à
cette rubrique.
ÉLECTRONIQUE (musique).
Nom donné, d’une manière très générale,
à toutes les musiques utilisant pour leur
composition, leur réalisation ou leur exécution, des appareils électroniques (instruments, synthétiseurs, magnétophones,
ordinateurs, etc.), et, dans un sens plus
particulier, à la musique spécifiquement
composée sur bande magnétique (on dit
alors en français, plus communément,
musique électroacoustique). Enfin, dans
un sens restreint et localisé, cette expression désigne la musique créée exclusivement avec des sons électroniques de
synthèse, à l’exclusion de toute source
dite « concrète ». Dans ce troisième sens,
la musique électronique s’opposa, vers
le début des années 50, à sa « soeur », la
musique concrète.
Le terme « électronique » étant resté
longtemps évocateur de modernité, on
appela « électroniques » aussi bien les
musiques réalisées selon une concep-
tion nouvelle, avec des appareils de studio (et rentrant donc dans ce que nous
appelons la musique électroacoustique et
la live electronic music), que les musiques
d’écriture plus traditionnelle, écrites pour
des « instruments électroniques » qui
prolongeaient dans leurs possibilités les
instruments traditionnels : parmi eux, le
Tellharmonium (1906) de Taddeus Cahill ;
l’aétérophone (1927) de Léon Thérémine ;
le sphérophone (1923) de Jorg Mager ; les
Ondes Martenot (1928) de Maurice Martenot, qui furent de ces instruments les
plus durables et les plus utilisés dans la
musique française ; le Trautonium (1930)
de Friedrich Trautwein, pour lequel écrivit Hindemith, et sa version modernisée,
le Mixtrautonium d’Oskar Sala, utilisé
dans les musiques de film et de radio, etc.
Dans cette famille d’« instruments électroniques » utilisant, pour créer le son, des
oscillations électriques, mais se présentant
souvent comme une extension ou comme
une imitation de l’orgue, on trouve aussi
l’ondioline de Georges Jenny, la clavioline de Constant Martin, le melochord de
Harald Bode, etc., et certains modèles
de synthétiseurs dits « présélectionnés »
(« presets »). On voit ainsi des manuels
techniques qui décrivent des orgues électroniques de conception traditionnelle
(destinés à jouer la musique occidentale
tempérée) s’intituler manuels de « musique électronique », ce qui introduit une
certaine confusion. Dans ce foisonnement
d’instruments nouveaux, on retrouve des
points communs : l’attachement au clavier, la possibilité de reproduire l’échelle
tempérée ou au contraire d’en sortir (par
des glissandos, des micro-intervalles) et
enfin une référence évidente ou cachée à
l’orgue, comme multi-instrument produisant des sons susceptibles d’être entretenus indéfiniment par un procédé mécanique ou électrique. L’orgue incarne le
rêve de l’instrument « global », celui qui
contient les autres, avec ses jeux, son étendue, sa puissance, et bien des conceptions
d’instruments électroniques nouveaux ont
repris ce rêve.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
339
Dans un sens plus particulier, on utilise parfois l’expression de musique électronique en français comme synonyme
de musique électroacoustique, dans le
même sens que electronic music en anglais,
elektronische Musik en allemand, musica
elettronica en italien, etc. ( ! MUSIQUE
ÉLECTROACOUSTIQUE.)
La musique électronique représente
enfin, à l’intérieur des musiques électroacoustiques, une tendance particulière. Par
opposition à la musique concrète, elle se
définit comme utilisant exclusivement
des sons dits « synthétiques », créés à partir d’oscillations électriques, enregistrés
et composés sur bande magnétique. Au
début, les moyens électroniques de synthèse sonore étaient rudimentaires : ce
furent des « générateurs » de sons (« sinusoïdaux », « carrés » ou « blancs ») ou
d’« impulsions », empruntés à des laboratoires de mesure qui, dans les années
50, servirent aux premières expériences
de musique électronique. Dans les années
60 apparut le synthétiseur, beaucoup plus
pratique et riche de possibilités, et, dans
les années 70, se développa la synthèse
par ordinateur. Ces moyens servirent
des esthétiques différentes. En 1951, peu
après la naissance de la musique concrète,
était fondé le Studio de musique électronique de la West-Deutsche-Rundfunk
(W. D. R.) à Cologne, en Allemagne, par
Herbert Eimert et Werner Meyer-Eppler. Son but était la réalisation d’oeuvres
pour bande magnétique créées à partir de
sons de synthèse, conçues et organisées
selon des règles très strictes d’inspiration
sérielle à partir de partitions préalables
extrêmement précises (contrairement à la
musique concrète, qui fut la plupart du
temps une musique « sans partition »).
Dans ce studio vinrent travailler notamment Karlheinz Stockhausen (Studie 1
et 2, 1953) et Gottfried-Michael Koenig (Klangfiguren, 1954). Parallèlement,
la « tape music » américaine (musique
pour bande, devenue plus tard « electronic music »), inaugurée principalement
par Luening et Ussachevsky (Tape Music
Center, créé en 1952 à New York), utilisait
les sons électroniques d’une manière plus
empirique et décontractée, le compositeur
Milton Babbitt représentant pourtant,
avec quelques autres, l’école « sérielle » de
la musique électronique aux États-Unis.
À la fin des années 50, plusieurs oeuvres
de Stockhausen, Pierre Henry, Ligeti abolirent les frontières entre les genres en
mélangeant les sons concrets et électroniques, ou bien en transformant des sons
d’origine vocale en textures abstraites
(Berio). Ce fut le début de ce que l’on appela d’abord la « musique expérimentale
« puis « la musique électroacoustique «,
terme qui s’imposa en France.
ÉLÉGIE.
Genre de poésie apparaissant dans la littérature grecque, écrite selon une métrique
particulière (distique « élégiaque ») et
habituellement accompagnée par l’aulos.
Les sujets traités furent d’abord divers
(vin, amour, armée, vie politique, morale) mais le genre fut bientôt consacré
surtout à des thèmes tristes. Plus près
de nous, le terme désigne une oeuvre de
caractère mélancolique, impliquant souvent une contemplation réfléchie et sans
dramatisation de la mort. Les plaintes et
les nombreux « tombeaux », poétiques et
musicaux, de l’époque baroque, époque
obsédée par la mort, peuvent être considérés comme des sortes d’élégies. Le terme
lui-même ne réapparaît cependant dans
la musique qu’avec le triomphe de l’Empfindsamkeit, au XVIIIe siècle. Reichardt et
Zumsteeg l’emploient, ainsi que plus tard
Beethoven. Par la suite, l’élégie pourra
devenir le titre de pièces purement instrumentales ayant le ton de la mélancolie
(Dussek, Liszt, Fauré, Florent Schmitt,
etc.).
ÉLÉONORE D’AQUITAINE, reine de
France, puis d’Angleterre ( ? v. 1122 abbaye de Fontevrault, Maine-et-Loire,
1204).
Fille de Guillaume X, le dernier duc
d’Aquitaine, elle était la petite-fille de
Guillaume IX, le premier troubadour
connu. En 1137, elle épousa le futur roi
de France Louis VII, mariage par lequel
l’Aquitaine fut annexée au royaume de
France. Très belle et intelligente, elle fut
la protectrice des poètes et des musiciens,
des troubadours aussi bien que des trouvères. Bernard de Ventadour la suivit
outre-Manche lorsque, son mariage avec
Louis VII ayant été annulé, elle épousa
Henri II Plantagenêt et devint reine d’Angleterre (1154). Son fils Richard Coeur de
Lion fut lui-même trouvère, et les autres
enfants de ses deux mariages jouèrent tous
un rôle dans le développement de la vie
artistique.
ÉLÉVATION.
1. Mouvement de la voix du grave vers
l’aigu.
2. Épisode de la messe au cours duquel le
prêtre soulève successivement l’hostie et
le calice aussitôt après les consécrations
correspondantes. L’élévation ne comporte rituellement aucune musique, mais
en allongeant la durée du sanctus qui la
précède de peu, tandis que le prêtre continuait l’ordo à voix basse, la polyphonie
amenait fréquemment le chant du sanctus
à déborder sur l’élévation, ce que les liturgistes voulurent éviter. C’est dans cette intention que le chant du sanctus fut coupé
en deux et celui du benedictus transporté
après l’élévation bien que sa place liturgique demeurât avant. Mais les musiciens
ne s’en tinrent pas pour satisfaits, et l’on
prit l’habitude de meubler l’élévation soit
par un motet, soit par un morceau d’orgue
de mouvement modéré et de caractère
recueilli (Frescobaldi, Toccate per l’Elevazione). À la fin du XIXe siècle, les liturgistes
réagirent à leur tour et exigèrent pendant
l’élévation un silence total, ce qu’à son
tour vint abolir la nouvelle messe dite
« de Paul VI » en faisant parler ou chanter le célébrant pendant tout le canon,
consécration incluse, enlevant ainsi radicalement aux musiciens toute possibilité
d’intervention d’ordre artistique.
ELGAR (sir Edward), compositeur anglais
(Broadheath 1857 - Worcester 1934).
Né d’un père marchand de musique et organiste à l’église catholique de Worcester,
il se forma en autodidacte, et, dès l’âge de
quinze ans, préféra travailler comme assistant dans la boutique de son père plutôt
que dans une étude d’avoué. Il donna en
1890 l’ouverture Froissart op. 19, acheva
en 1892 la Sérénade pour cordes op. 20, fit
entendre en 1896 et en 1898 respectivement les cantates King Olaf op. 30 et Caractacus op. 35, mais ne s’imposa vraiment
(d’ailleurs du jour au lendemain) qu’à plus
de quarante ans, avec les Variations sur
un thème original (ou Enigma Variations)
pour orchestre op. 36 : de cette oeuvre,
créée par Hans Richter en 1899, le thèmeénigme est suivi de quatorze variations
dédiées chacune à une personne de l’entourage du compositeur, « énigmatiquement » désignée par ses initiales.
En 1900 fut exécuté au festival de Birmingham, et les deux années suivantes
en Allemagne, l’oratorio The Dream of
Gerontius (« le Rêve de Gerontius ») op.
38, également un de ses ouvrages les plus
célèbres, sur un poème du cardinal Newman traitant du drame du chrétien face
à la mort. Ainsi se trouvaient définies
les deux directions principales dans lesquelles il devait s’engager.
Suivirent en effet, pour orchestre, les
ouvertures Cockaigne op. 40 (1900-1901)
et In the South op. 50 (1904), la Symphonie no 1 en la bémol op. 55, créée par Hans
Richter en 1908, la Symphonie no 2 en mi
bémol op. 63 (1911), et l’étude symphonique Falstaff op. 68 (1913), sans doute
sa partition la plus ambitieuse ; et, parmi
les oeuvres avec voix, les oratorios The
Apostles (« les Apôtres ») op. 49 (19021903) et The Kingdom (« le Royaume »)
op. 51 (1901-1906), qui fait usage du leitmotiv wagnérien, ainsi que les cantates
profanes The Music Makers (« les Faiseurs
de musique ») op. 69 (1912) et The Spirit of
England (« l’Esprit de l’Angleterre ») op.
80 (1917). Ce à quoi il convient d’ajouter des pièces d’occasion comme les cinq
fameuses marches op. 39 intitulées Pump
and Circumstance (1901-1930), la grande
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
340
réussite qu’est l’Introduction et Allegro
pour cordes op. 47 (1904-1905), le cycle
de mélodies Sea Pictures (« Tableaux
marins ») op. 37 (1897-1899), le Concerto
pour violon op. 61 (1909-10) et le Concerto
pour violoncelle op. 85 (1919), sa dernière
grande partition achevée, et, en musique
de chambre, les trois ouvrages tardifs que
sont la Sonate pour piano et violon op. 82
(1918), le Quatuor à cordes op. 83 (1918)
et le Quintette pour piano et cordes op. 84
(1918-19). Fait en 1924 maître de la Musique du roi, seule fonction officielle qu’il
ait acceptée à l’exception de la chaire de
musique à l’université de Birmingham de
1905 à 1908, il passa ses quinze dernières
années dans un silence à peu près total,
ayant été très affecté par la mort de sa
femme en avril 1920. Il faut dire aussi que
l’Angleterre d’après la Première Guerre
mondiale n’était plus celle qu’il avait
connue et aimée. Considéré dans son pays
comme un compositeur de premier plan,
trop souvent ignoré ailleurs, il mérite da-
vantage cet « excès d’honneur » que cette
« indignité ». Ce fut un grand maître de
l’orchestre, et on trouve indéniablement
chez lui des pages hautement inspirées. La
musique de Purcell et des compositeurs
anglais des XVIe et XVIIe siècles ne signifia à
peu près rien pour lui, ce qui ne devait pas
être le cas de ses cadets immédiats comme
Vaughan Williams, mais il contribua
grandement à redonner à l’Angleterre une
place de choix (et par là même confiance
en soi) en matière de création musicale.
L’indication nobilmente, qu’on retrouve
souvent dans ses partitions, le résume en
quelque sorte : par-delà le pessimisme de
ses dernières oeuvres, écrites sous le coup
de la guerre, il personnifia typiquement la
Grande-Bretagne du roi Édouard VII, à
la mémoire duquel il dédia d’ailleurs sa 2e
Symphonie. À sa mort, il laissa inachevés
une 3e Symphonie et l’opéra The Spanish
Lady, d’après The devil is an ass de Ben
Jonson.
ELMAN (Mischa), violoniste américain
d’origine russe (Talnoi, district de Kiev,
1891 - New York 1967).
Il étudia le violon à l’Académie impériale
de musique d’Odessa, puis avec Leopold
Auer au conservatoire de Saint-Pétersbourg, où César Cui lui enseigna d’autre
part la composition. Il fit de brillants
débuts à Berlin dès 1904, puis se produisit dans diverses villes d’Allemagne, à
Londres, puis en Amérique (1908). Il fut
dès lors considéré comme l’un des plus
grands violonistes de son époque. Sa sonorité était très particulière, fascinante, et
sa musicalité, très grande. Il a écrit pour
son instrument quelques pièces et des
arrangements.
ELMENDORFF (Karl), chef d’orchestre
allemand (Düsseldorf 1891 - Hofheim am
Taunus 1962).
Issu du conservatoire de Cologne, il s’est
surtout distingué dans Wagner, ce dont
témoigne sa présence au pupitre du
Festspielhaus de Bayreuth de 1927 à 1942.
ÉLOY (Jean-Claude), compositeur français (Mont-Saint-Aignan, Seine-Maritime, 1938).
Marqué dans sa jeunesse par la découverte
de Debussy, de Messiaen, du Marteau
sans maître de Boulez, il entra à douze ans
au Conservatoire de Paris et y obtint de
1957 à 1960 les premiers prix de piano, de
musique de chambre, d’ondes Martenot
et de contrepoint. Il suivit également de
1957 à 1960 les cours de Henri Pousseur et
de Hermann Scherchen à Darmstadt et de
1961 à 1963 ceux de Pierre Boulez à Bâle.
En 1961, Chants pour une ombre pour
soprano et 9 instruments lui valut un second prix de composition dans la classe de
Darius Milhaud. De cette première phase
créatrice marquée par le sérialisme et par
l’influence de Boulez - mais aussi par celle
de Varèse, rencontré aux États-Unis en
1964 - relèvent Étude III pour orchestre
(1962) et surtout Équivalences pour 18 instrumentistes (1963). C’est moins vrai déjà
de Poly-Chromies I et II pour orchestre à
vent, 6 percussions et harpe (1964). En
1966, Éloy écrivit la musique du film la
Religieuse de Jacques Rivette, dont il tira
l’année suivante Macles pour 6 groupes
d’instruments. En 1968 suivit celle de
l’Amour fou, de Rivette également. Ce
film dure quatre heures, et là se manifesta
nettement, pour la première fois, l’attrait
exercé sur le compositeur (qui dès 1960
avait visité l’Égypte) par l’Orient.
Deux années passées comme professeur
d’analyse à Berkeley (1966-1968) lui firent
prendre pleinement conscience de l’influence de certaines musiques de l’Orient
et de l’Asie sur sa propre évolution. Faisceaux-Diffractions pour 28 instrumentistes (1970), commande de la Library
of Congress, fut le reflet de cette rupture
avec le sérialisme : dans cette musique violente, où les instrumentistes sont divisés
en trois « orchestres », la notion de temps
joue un rôle essentiel. « Après les rigueurs
de Darmstadt, la musique indienne, où
prime la naissance du son, la vie intrinsèque du son dans sa beauté sensuelle,
avec mille détails à l’intérieur de ce son,
me fascinait » (Éloy).
Mais c’est surtout dans Kamakala pour
trois groupes d’orchestre, trois chefs et
cinq choeurs de douze voix mixtes (1971)
que se manifesta ce qui, de plus en plus,
avait constitué un pôle opposé à ses
conceptions de départ : l’Orient. Là fut
tentée la synthèse - jugée par lui indispensable et inévitable - de l’Orient et de
l’Occident. Éloy rejette à ce propos le mot
« intégration » (de l’Orient par l’Occident), et préfère celui d’« hybridation »,
opposant par exemple la musique néosé-
rielle et postsérielle « fondée sur l’utilisation du discontinu dans tous les plans »
au « sens très fort de la continuité des événements sonores » des Orientaux. Invité
par Stockhausen au Studio de musique
électronique de la radio de Cologne, Éloy
lui dédia l’oeuvre qu’il y réalisa en 197273 : Shanti (« paix » en sanscrit), musique
de méditation pour sons électroniques et
concrets, créée à Royan en 1974 et considérée comme un élargissement de cette
démarche. Cette oeuvre longue (deux
heures et demie) expérimenta de nouveaux rapports entre le timbre et le temps.
Au Studio électronique de la N. H. K. à
Tokyo fut réalisée une nouvelle oeuvre de
vastes dimensions, Gaku-No-Michi (« les
Voies de la musique »), film sans images
pour sons électroniques et concrets (197778) s’écartant de toute évocation d’événements ou d’émotions et tendant à faire
sentir la réalité de l’infini.
À propos de Fluctuante-Immuable pour
orchestre (1977), commande de l’Orchestre de Paris, le compositeur évoqua
« l’immobilité sous-jacente et permanente
d’un discours toujours varié et renouvelé
en dehors de toute connotation philosophique ou extramusicale ». En effet, Éloy
ne cherche nullement à intégrer une quelconque théorie « orientale » à un langage
européen, mais bien plutôt à enrichir la
tradition d’Occident par une perception
neuve des choses et du temps, précisant
avoir trouvé dans la musique orientale une
sorte d’improvisation transcendée qui, fait
remarquable, repose sur « une base toujours perceptible sur laquelle se développe
l’esprit de la variation ». Sa démarche de
compositeur, il n’est pas inutile de le préciser, ne fait appel ni à l’improvisation ni
au hasard, et sa musique est entièrement
« écrite ». Yo-In (« Réverbérations »),
musique pour un rituel imaginaire avec
bande magnétique, un percussionniste, un
modulateur et des jeux de lumière (1979),
fut créé au S. I. G. M. A. de Bordeaux en
1980. En 1980 fut réalisée sur l’U. P. I. C.
de Yannis Xenakis Étude IV, oeuvre soustitrée « Points-Lignes-Paysages ». Ont
suivi notamment À l’approche du feu méditant..., cérémonie bouddhique (1983),
Sappho Hikétis pour 2 voix de femme et
bande (1989), Rosa, Sonja... d’après Rosa
Luxemburg (1991).
Personnalité ouverte à des activités fort
diverses (il a été pendant un an directeur
de la musique au Festival d’automne de
Paris et a publié de nombreux articles)
ainsi qu’aux autres arts, Éloy a reçu de la
S. A. C. E. M. le grand prix de la musique
de chambre en 1971 et le prix de la promotion de la musique symphonique en
1980. Il a reçu en outre le Prix national de
la musique en 1981.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
341
ELSNER (Józef Ksawery), compositeur
et chef d’orchestre polonais (Grotków,
Silésie, 1769 - Varsovie 1854).
Chef d’orchestre au Théâtre national de
Varsovie, fondateur et directeur d’une
école supérieure de musique en 1810 et du
premier conservatoire polonais en 1821,
maître de Chopin et de presque tous les
compositeurs polonais de la première
moitié du XIXe siècle, J. Elsner se consacra
au développement de la culture nationale
et tenta, dans son oeuvre, d’échapper aux
influences étrangères, en particulier celle
de l’opéra italien, pour développer des
caractéristiques musicales spécifiquement
polonaises ; c’est ainsi qu’il publia en 1805
un recueil d’une trentaine de mélodies
(dont certaines de M. Kamienski et de J.
Stefani), chants de style galant et mélodies
pastorales où plusieurs tendances stylistiques annoncent le mouvement romantique. J. Elsner écrivit également plusieurs
opéras consacrés à des thèmes historiques
où s’introduisent des motifs de danses
polonaises (notamment de mazurka et de
polonaise) : Sept fois un (1804), Leszek le
blanc (1809), le Sultan Wampum (1800),
la Belle Urzella (1806). Il est l’auteur de
plusieurs oeuvres d’inspiration religieuse
de grande valeur dont la Messe latine où
apparaît une mélodie de chant traditionnel, l’oratorio la Passion du Christ (1832),
un Requiem (1826). Son oeuvre pour musique de chambre a été principalement
composée avant 1800 à Lvov ; elle comprend des sonates pour piano, violon, des
trios, quatuors, variations. Franc-maçon,
J. Elsner composa l’Hymne au grand orient
de Pologne. Il écrivit aussi plusieurs traités
théoriques et son influence en tant que pédagogue fut décisive pour la vie musicale
polonaise au XIXe siècle.
ELSSLER, famille de musiciens autrichiens.
1.Joseph, copiste (Kiesling, Silésie ? -Eisenstadt 1782). Entré en 1764 chez les
Esterhazy comme copiste, il servit aussi
de copiste privé à Haydn, dont le premier
catalogue des oeuvres (Entwurf Katalog)
est en partie de sa main.
2.Johann, copiste, fils du précédent
(Eisenstadt 1769-Vienne 1843). Copiste
privé de Haydn à partir de 1787, il devint
en outre son factotum à partir des années
1790, l’accompagna lors de son second
voyage en Angleterre (1794-1795) et vécut
dans son entourage immédiat jusqu’à sa
mort en 1809. Le second catalogue des
oeuvres de Haydn (Haydn Verzeichnis) est
à peu près entièrement de sa main.
3.Fanny, danseuse, fille du précédent
(Vienne 1810-id. 1884). Après des débuts à
Vienne, elle se produisit en Italie (1824), à
Berlin (1830), à Londres et à Paris (1834)
et fit de 1840 à 1842 une tournée triomphale en Amérique avant de se retirer en
1851. Elle fut comme danseuse la plus
grande représentante du ballet romantique.
EMBOUCHURE.
Désigne, dans tout instrument à vent de la
famille des cuivres, la partie qui se trouve
en contact avec les lèvres de l’exécutant.
C’est un petit entonnoir en métal plus ou
moins épais, aux rebords plus ou moins
larges, de forme extérieure hémisphéri
que, conique ou cylindrique, que l’on
enfonce à l’entrée du tuyau sonore. D’une
manière générale, les petites embouchures
facilitent l’émission des notes aiguës, et
les grosses celle des notes graves, d’où une
différence de format considérable entre,
par exemple, l’embouchure du tuba et
celle de la trompette. Mais chaque instrument requiert aussi une perce (appelée
« grain ») et un profil intérieur particuliers, sans parler des modifications de détail dont le choix dépend des préférences
de l’instrumentiste. On appelle également
« embouchure » la plaque métallique, percée d’un trou ovale, des flûtes traversières
modernes.
ÉMISSION.
Phénomène physique de la production
d’un mouvement vibratoire, véhicule de
sons.
Le mot est employé en particulier dans
la terminologie de la technique vocale. En
ce sens, le mode de production du son est
étudié dans l’article phonation.
EMMANUEL (Maurice), compositeur
et musicologue français (Bar-sur-Aube
1862 - Paris 1938).
Dès son enfance à Beaune, où ses parents
se sont fixés en 1867, Maurice Emmanuel
découvrit les richesses du folklore en écoutant les chants des vignerons. En 1880, il
entra au Conservatoire de Paris et suivit
les cours de la Sorbonne. Il obtint en 1886
sa licence ès lettres. Au Conservatoire, il
fut l’élève, en histoire de la musique, de
Bourgault-Ducoudray, qui encouragea ses
recherches sur la musique modale et, en
composition, de Léo Delibes, qui réprouva
ses audaces. En dehors du Conservatoire,
il reçut des leçons d’Ernest Guiraud, chez
qui il rencontra Claude Debussy. Ses premières oeuvres, Sonate pour violoncelle
et piano (1887), Ouverture pour un conte
gai (1890), témoignent de son indépendance vis-à-vis de l’enseignement officiel.
En 1895, Maurice Emmanuel soutint en
Sorbonne sa thèse de doctorat, un Essai
sur l’orchestique grecque. Il avait entrepris
cette étude, non pour faire preuve d’érudition, mais « pour y retrouver de la vie
et, musicalement, des richesses en sommeil ». Après avoir enseigné l’histoire de
l’art dans des lycées, Maurice Emmanuel
fut, en 1907, nommé professeur d’histoire
de la musique au Conservatoire de Paris.
Il occupa ce poste jusqu’en 1936.
Ses oeuvres, à l’exception des Six Sonatines, composées entre 1893 et 1925, et des
Trente Chansons bourguignonnes (1913),
furent rarement exécutées, mais la création de Salamine, en 1929, à l’Opéra de
Paris, fit une forte impression. Ce compositeur original, dont l’art viril et sobre
s’appuyait sur une connaissance approfondie de la musique antique et des
sources populaires, n’est pas encore apprécié à sa juste valeur ; mais l’influence
qu’il a exercée en remettant en honneur
les modes anciens et la rythmique grecque
est unanimement reconnue. On lui doit
aussi un traité fondamental, Histoire de la
langue musicale (1911).
EMPFINDSAMKEIT.
Terme allemand signifiant « sensibilité »,
et désignant un courant littéraire et musical du XVIIIe siècle en réaction contre
le rationalisme de l’Aufklärung (des Lumières) : ce n’est plus l’harmonie préétablie de la nature et des hommes qu’il faut
explorer, mais leurs remous profonds et
insondables.
Pour le musicien, la science importe
donc moins que la liberté de l’inspiration
et de la forme. D’où une floraison de fantaisies cherchant à exprimer les mouvements de l’âme, fantasieren ne signifiant
alors pas improviser selon les règles en faisant étalage de sa science, mais exprimer
ses humeurs et ses sentiments en improvisant. La personnalité la plus représentative de l’Empfindsamkeit en musique fut
Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788),
dont certaines oeuvres, en particulier pour
clavier, traduisent des états d’âme changeants jusqu’à la bizarrerie, et non sans
traits velléitaires : ce en quoi l’Empfindsamkeit se distingue nettement du Sturm
und Drang, plus tardif (v. 1770), « préromantique » lui aussi, mais dont les explosions même brusques n’excluent pas une
discipline d’ensemble. Pour autant que
l’on sache, le terme empfindsam apparut pour la première fois en 1755 sous la
plume de l’écrivain et publiciste Christoph
Friedrich Nicolai (1733-1811). Lessing
s’en empara dans sa traduction du Sentimental Journey (« Empfindsame Reise »)
de Laurence Sterne (1768), et il devint à
la mode.
EMPRUNT.
1. Les harmonistes nomment « emprunt »
ou « modulation passagère » l’emploi occasionnel, dans une tonalité déterminée,
d’altérations ou de formules cadencielles
appartenant à une autre tonalité, sans
pour autant entraîner de véritable modulation. Ils sont toutefois divisés sur l’étendue à donner à cette notion. Pour les tonalistes stricts, développant l’enseignement
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de Rameau, toute altération étrangère à
la tonalité, à moins qu’elle ne soit strictement de passage, détermine un emprunt
à la tonalité dont elle fait partie. Pour les
antiramistes, dont le principal porte-parole fut Momigny vers 1800, n’importe
quelle altération peut entrer dans n’importe quelle tonalité tant qu’elle ne fait
pas oublier la référence à la tonique, ce
qui restreint considérablement la notion
d’emprunt. Celle-ci se voit à nouveau
très circonscrite par la notion de naturalisation dégagée par J. Chailley dans ses
recherches de philologie musicale ; cette
notion simplifie considérablement l’analyse en réintégrant dans un cadre tonal
normal, conforme à la perception, des inflexions dont l’analyse antérieure eût exigé
des cascades d’emprunts sans cohérence
ni justification psychologique.
2. En facture d’orgue, on parle d’emprunt
lorsque, en raison d’une imperfection telle
qu’une fuite d’air, on entend sonner une
note qui n’a pas été jouée.
3.cÀ l’orgue également, l’emprunt est
une technique grâce à laquelle un clavier
autre que le clavier habituel joue un jeu
déterminé. Par exemple, un jeu de clavier
du grand orgue peut être entendu sur le
pédalier.
ENCHAÎNEMENT.
Manière de faire se succéder de façon
cohérente les sons, les accords ou les différentes parties du discours musical.
On réserve aussi parfois le nom d’enchaînement à des fragments plus ou
moins formulaires sans valeur signifiante
intrinsèque, dont le seul objet est d’établir une liaison entre deux éléments successifs. Sur les principes d’enchaînement
en ce qui concerne les sons et les accords,
voir l’article conjonction. On appelle enfin
« enchaînement » la succession sans interruption de deux morceaux ou mouvements distincts ; l’enchaînement est
alors indiqué dans la partition par le mot
« attaca ».
ENCINA (Juan del), compositeur et
poète espagnol (Salamanque 1468 León 1529).
Fils d’un cordonnier, il devint l’élève de
Nebrija à l’université de Salamanque, puis
entra au service du duc d’Albe et eut la
charge des diverses manifestations artistiques organisées par cette illustre famille.
C’est ainsi qu’il composa et dirigea en
1492 un poème pastoral (églogue) ayant
pour sujet la Nativité. Au cours de sa
carrière, il cultiva d’ailleurs particulièrement le genre de l’églogue, dans sa forme
espagnole des autos sacramentales, qui annonce l’oratorio (Auto del Repelón, etc.).
Encina lui-même précise que la plupart de
ses oeuvres poétiques et musicales furent
composées avant l’âge de vingt-cinq ans,
c’est-à-dire avant son départ pour Rome,
lié au fait qu’il n’avait pas obtenu le poste
de maître de chapelle qu’il convoitait à Salamanque. Il fit plusieurs séjours à Rome
entre 1500 et 1516. Au cours du dernier
(1514-1516), il publia sa Farsa de Placida
y Victoriano. Lors d’un voyage en Terre
sainte, il fut ordonné prêtre, et sa première
messe (1519) lui inspira une description
poétique (Tribagia, 1521). De 1523 à sa
mort, il occupa les charges de chanoine de
León et Málaga.
Encina fut surtout un compositeur de
villancicos ou chansons d’amour. Une
centaine environ, constituant la majeure
partie de son oeuvre, ont été conservées,
notamment dans deux chansonniers,
essentiellement le Cancionero del Palacio
(1496, rééd. par H. Anglés : Monumentos
de la música española, vol. V, 1947 ; X,
1951 ; XIV, 1953), mais aussi le Cancionero
de Upsala, paru à Venise en 1556 (rééd.
par J. Bal y Gay, El Colegio de México,
1944). Dans ces pièces bien équilibrées,
le plus souvent à 4 voix, l’expression du
lyrisme et de l’émotion se fait à travers
une technique de plus en plus maîtrisée,
donnant une impression de simplicité ; on
y remarque la qualité de l’invention mélodique, en particulier celle du superius, et
la correspondance exacte de la musique
avec les textes. Certaines pièces laissent
même prévoir de manière surprenante,
dans l’importance accordée au texte, la
réforme que devait connaître l’Italie à la
fin du XVIe siècle.
ENCINAR (José Ramón), compositeur
espagnol (Madrid 1954).
Il a travaillé la guitare et étudié au conservatoire de sa ville natale, puis à l’Accademia Chigiana de Sienne avec Franco
Donatoni en 1971 et (après une année à
Milan) en 1972. Depuis 1973, il dirige à
Madrid le groupe Koan, spécialisé dans
l’exécution des oeuvres contemporaines,
et, depuis 1976, enseigne comme assistant
la composition à l’Accademia Chigiana.
Il a écrit notamment un quintette pour
piano et cordes (1969) et un autre pour
harpe, clavecin, guitare, alto et violoncelle
(1971), Homenaje aJ. Cortazar pour voix
et 4 instruments (1971), Intolerancia pour
19 cordes (1972), Abhava pour guitare et
bande (1972). Tukuna pour 4 clarinettes
(1973), Cum plenus forem enthusiasmo
pour vihuela et 10 instruments (1973), El
aire de saber cerrar los ojos pour guitare à
10 cordes (1975), Ballade pour soprano et
harpe sur des textes de Charles d’Orléans
(1978), Concert Movement pour clarinette
et orchestre de chambre (1979), Canción
pour voix et instruments sur un texte de
Luis Cernuda (1981).
ENCLUME.
Instrument à percussion de la famille des
« métaux ».
Il consiste en une série de blocs d’acier
de différentes longueurs posés sur socle
qui fait caisse de résonance. Ces blocs sont
frappés avec un marteau. Un emploi de
cet instrument à des fins descriptives se
rencontre, par exemple, dans le choeur des
gitans du Trouvère, de Verdi, ou dans l’Or
du Rhin, de Wagner.
ENDRÈZE (Arthur Kraekmer, dit), baryton américain (Chicago, États-Unis,
1893 - id. 1975).
Venu en France en 1918, il entra au
conservatoire américain de Fontainebleau, où il fut l’élève de Charles Panzéra, puis travailla avec Jean de Reszké.
Il débuta à Nice en 1925 dans le rôle de
Don Juan, et fut engagé à l’Opéra de Paris
en 1929 (débuts dans Valentin de Faust).
Quoique invité à se produire à l’étranger, il fit ensuite l’essentiel de sa carrière
à l’Opéra-Comique et surtout à l’Opéra,
où il chanta une grande variété de rôles
du répertoire français, allemand et italien
et créa de nombreux ouvrages, dont Guercoeur de Magnard (1931), et Maximilien
(rôle de Herzfeld, 1932) de Milhaud. Il
fut aussi le créateur du rôle de Metternich dans l’Aiglon d’Ibert et Honegger à
l’Opéra de Monte-Carlo en 1937. Endrèze
fut un chanteur modèle par son phrasé et
sa diction, et un artiste complet, musicien
et acteur exceptionnel. Iago dans Otello de
Verdi et Hamlet dans l’opéra d’Ambroise
Thomas comptent parmi les rôles qu’il
marqua de son empreinte.
ENESCO (George), compositeur, violo-
niste, pianiste et chef d’orchestre roumain (Liveni-Vîrnav, près de Dorohoi,
1881 - Paris 1955).
Il fit de 1888 à 1894 des études au conservatoire de la Société des amis de la
musique de Vienne, notamment avec J.
Hellmesberger (musique de chambre) et
J. Hellmesberger Jr (violon) ; ce dernier
lui fit rencontrer Brahms. En 1894, Enesco
composa ses premières oeuvres : une
Introduction et une Ballade pour piano.
Il se rendit à Paris et y fut au Conservatoire, de 1895 à 1899, l’élève de Marsick
et White (violon), Ambroise Thomas et
Théodore Dubois (harmonie), Gédalge
(contrepoint), Massenet et Fauré (composition). Il trouva dans la capitale française
un milieu artistique et intellectuel qui
stimula ses facultés. La princesse Bibesco
l’introduisit dans les cercles musicaux, le
présenta à Saint-Saëns, ainsi qu’à Édouard
Colonne qui dirigea en 1898 la première
audition du Poème roumain. La même
année, Enesco créa aux côtés de Cortot sa
1re Sonate pour violon et piano. En 1900, il
se produisit pour la première fois comme
violoniste aux concerts Colonne : ce fut
le début d’une grande carrière de soliste,
comprenant notamment des tournées aux
États-Unis à partir de 1923, carrière qui
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
343
n’interrompit pas son activité de compositeur, dont une des dates essentielles
est 1931 ; cette année vit l’achèvement
de l’opéra OEdipe, oeuvre qui avait préoccupé Enesco pendant trente ans et devait
être créée à l’Opéra en 1936. En 1937, il
épousa la princesse Cantacuzène. Après
la Seconde Guerre mondiale, il participa à
Bucarest à une exécution de l’intégrale des
Quatuors de Beethoven et travailla à ses
dernières oeuvres : le 2e Quatuor à cordes
(1950-1953), la Symphonie de chambre
pour 12 instruments solistes (1954) et le
poème symphonique Vox maris (1950).
Enesco fut un musicien complet, aux
dons riches et multiples, et un éminent
professeur de violon, qui eut notamment
pour élève Yehudi Menuhin. Son auréole
d’interprète a trop souvent fait oublier la
profonde originalité de ses compositions.
Dans celles-ci, il s’inspira du folklore de
son pays, mais son évolution tendit vers
une utilisation de plus en plus sublimée
de celui-ci. Le folklore assume encore un
rôle pittoresque dans les deux Rhapsodies
roumaines (1901). Mais déjà vers la même
époque, il est mieux maîtrisé dans la 1re
Symphonie (1905), qui utilise le langage
polyphonique de la fin du XIXe siècle,
notamment celui de Brahms, avec une
parfaite domination mais sans académisme, dans la 2e Sonate pour violon et
piano (1899), l’Octuor (1900), le Dixtuor
(1906), qui font une synthèse originale
entre une inspiration nourrie des grandes
traditions classiques et romantiques et
un chant puisant aux sources populaires.
Mais c’est dans la 3e Sonate pour violon et
piano « dans le caractère populaire roumain » (1926) que le génie d’Enesco éclate
vraiment : ici le folklore est transcendé,
le chant du violon jaillit, entièrement inventé et comme improvisé librement, plus
brûlant encore que chez ces « lǎutari » qui
ont bercé l’enfance du compositeur.
Dans cette assimilation « organique »
du folklore, Enesco, tout en retrouvant le
chant profond de sa race, utilise une écriture audacieuse, avec des recherches de
timbres qui évoquent Schönberg et Webern et des quarts de ton que l’on retrouve
dans OEdipe. Dans cet opéra puissant et
généreux, un riche matériau musical traduit la grandeur du mythe grec et sa force
tragique. La noble figure d’OEdipe acquiert
ici une dimension universelle et une profonde signification humaine, symbolisant
le pathétique combat de l’homme contre
le Destin. C’est la clef de voûte de l’oeuvre
d’Enesco. Les dernières oeuvres comme
le 2e Quatuor à cordes et la Symphonie de
chambre utilisent une construction chère
au compositeur : une forme cyclique où
les idées musicales se perpétuent d’un
mouvement à l’autre, se métamorphosent
progressivement, et ne se développent
complètement qu’à la fin de l’oeuvre tout
entière, réalisant ainsi l’intégration des
mouvements dans une unité morphologique supérieure.
ENGEL (Carl), musicographe, éditeur et
compositeur américain d’origine allemande (Paris 1883 - New York 1944).
Il fit ses études aux universités de Strasbourg et de Munich, et étudia la composition avec Ludwig Thuille. Installé aux
États-Unis à partir de 1905, il y fut conseil-
ler musical de la Boston Music Company
(1909-1922) et responsable musical de la
Library of Congress à Washington (19221934). En 1929, il fut nommé directeur du
périodique musical Musical Quarterly et
président des éditions Shirmer. Il a laissé
de nombreux articles musicographiques,
deux ouvrages (Alla breve, from Bach to
Debussy, 1921 ; Discords Mingled, 1931),
ainsi que des compositions et des transcriptions vocales, de la musique pour violon et pour piano.
ENGELMANN (Hans Ulrich), compositeur allemand (Darmstadt 1921).
Après avoir commencé dans sa ville natale
des études musicales interrompues par la
guerre, il a travaillé la composition avec
Fortner à Heidelberg et suivi les cours
d’été de Krenek et Leibowitz à Darmstadt.
Parallèlement, à l’université de Francfort,
il a été l’élève d’Adorno en philosophie
et a poursuivi des études de musicologie
conclues par une thèse sur Mikrokosmos
de Bartók (Wurtzbourg, 1952). Il a été à
partir de 1969 chargé de cours de composition à la Musikhochschule de Francfort.
Conseiller artistique au Landestheater de
Darmstadt de 1954 à 1961, il a toujours
vécu très près des milieux du spectacle et,
dans son oeuvre abondante, les musiques
de scène, de radio (opéras radiophoniques
Doktor Fausts Höllenfahrt, « le Voyage de
Faust en enfer », 1949-50 ; Der Fall van
Damm, « le Cas van Damm », 1966-67 ;
etc.), de film tiennent une place importante. Il a aussi composé de la musique
d’orchestre (Stele für Büchner, canto sinfonico pour solistes, choeur et orchestre,
1986), des oeuvres pour piano, diverses
oeuvres instrumentales, des cantates, des
choeurs, des ballets. Adepte de la technique sérielle, il s’est progressivement
tourné vers la musique électronique. Il est,
d’autre part, l’auteur de nombreux articles
de recherche et de réflexion.
ENGERER (Brigitte), pianiste française
(Tunis 1952).
Elle entre à l’âge de onze ans au Conservatoire de Paris, dans la classe de Lucette
Descaves, et obtient quatre ans plus
tard un 1er Prix de piano. Lauréate du
Concours Long-Thibaud en 1969, elle part
l’année suivante étudier au Conservatoire
de Moscou, où elle reste jusqu’en 1975. En
1974, elle est lauréate du Concours
Tchaïkovski et en 1978 du Concours
Reine Élisabeth de Belgique. En 1980,
Herbert von Karajan l’invite à jouer avec
l’Orchestre philharmonique de Vienne.
Daniel Barenboïm l’invite à son tour à se
produire avec l’Orchestre de Paris, Zubin
Mehta avec le New York Philharmonic.
Elle réserve une place importante à la
musique de chambre. La puissance et la
finesse de son jeu lui permettent d’interpréter avec bonheur aussi bien les pièces
lourdes du répertoire (la Wandererfantasie
de Schubert, les Tableaux d’une exposition
de Moussorgski ou les dernières sonates
de Beethoven) que les pièces poétiques et
fantasques d’un Schumann.
ENGLERT (Giuseppe Giorgio), organiste
et compositeur suisse (Fiesole, Italie,
1927).
Élève du conservatoire de Zurich (W.
Burkhard, H. Funk) de 1945 à 1948, il
s’installa en 1949 à Paris et y poursuivit
ses études d’orgue avec André Marchal
(1949-1956), dont il devint l’assistant à
Saint-Eustache (1957-1962). Il fréquenta
aussi les cours de Darmstadt. Codirecteur
du Centre de musique de Paris (19641968), il fut appelé en 1970 à enseigner
à l’université Paris VIII (Vincennes) sur
le thème de l’expression musicale collective, et y fonda en 1975 le Groupe art et
informatique de Vincennes (G. A. I. V.),
avec, comme objectif, la production et la
présentation « live » de musique électronique avec des instruments hybrides. Il a
également travaillé au Groupe d’études
et de recherches musicales (G. E. R. M.)
de Pierre Mariétan. Comme oeuvres autonomes, on lui doit notamment les Avoines
folles pour quatuor à cordes (1962-63),
Fragment pour orchestre (1964), le Roman
de Kapitagolei pour orchestre (1966-67),
Cantus plumbeus non pulsando pro organo
pour orgue (1972), Quatuor « S » pour synthétiseur (1978-79), Trinsin-Funpol pour 5
instruments (1980). Viennent s’y ajouter
des oeuvres-contributions comme Vagans
animula pour orgue et bande magnétique
(1969), où l’instrumentiste doit répondre,
d’après des indications de l’auteur, à une
bande préalablement réalisée à partir des
sons de l’orgue, et des productions collectives comme Musique... Sic (université
Paris VIII, 1971) ou Sept Heures d’activités continues autour de mini-ordinateurs
(G. A. I. V., 1978).
ENGLISH OPERA GROUP .
« Groupe anglais d’opéra » fondé par le
compositeur Benjamin Britten, le librettiste Eric Crozier et le décorateur John
Piper au lendemain de la création, à Glyndebourne, du premier opéra de chambre
de Britten, The Rape of Lucretia, en juillet
1947. La jeune compagnie, qui se proposait d’ouvrir un débouché au nouveau
théâtre lyrique, a monté avec un soin
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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extrême plusieurs ouvrages de Britten (Albert Herring, The Beggar’s Opera, The Turn
of the Screw, etc.), d’Easdale et de Berkeley,
ainsi que des oeuvres de Purcell et autres
compositeurs anciens. On lui doit aussi
la fondation en 1949 du festival d’Aldeburgh et celle de l’Opéra Studio, devenu
par la suite Opera School, puis National
School of Opera. De nombreuses tournées ont fait applaudir hors de son pays
d’origine l’English Opera Group, qui a été
financièrement absorbé par l’Opéra royal
de Covent Garden en 1961.
ENGLUND (Einar), compositeur finlandais (Gotland, Suède, 1916).
Après ses études à l’Académie de musique
d’Helsinki où, de 1933 à 1941, il mène de
front la composition avec Selim Palmgren,
l’orchestration avec Leo Funtek et le piano,
puis à Tanglewood (États-Unis), où, en
1949, il travaille avec Aaron Copland,
Englund s’affirme aussi bien comme
compositeur, pianiste, critique musical
au Hufvudstadsbladet de Helsinki (1957)
que comme professeur de théorie musicale à l’Académie de musique d’Helsinki
(1958). En 1948, la création de sa 2e symphonie est le premier événement important de l’ère postsibelienne en Finlande.
Compositeur inventif et indépendant, il
utilise un langage tonal élargi de manière
non conventionnelle. Son orchestration
est vigoureuse et sa thématique est servie
par une grande clarté formelle. Il a écrit
7 symphonies en 1946, 1948 (Koltrast,
« l’Oiseau noir »), 1971, 1976, 1977-78
(Fennica), 1984 (Aphorismes) et 1988, des
concertos pour piano (1955, 1974), pour
violon (1981), pour flûte (1985) et pour
violoncelle (1954), plus de 20 musiques de
film (Valkoinen peura, « le Renne blanc »,
1954), de la musique instrumentale et vocale et 2 ballets (Sinuhe, 1965 ; Odysseus,
1959).
ENHARMONIE.
1. Dans la musique grecque, le « genre
enharmonique » désignait une division
irrégulière du tétracorde (v. chromatique,
diatonique). Cette division irrégulière
utilisait ce que nous appellerions, de nos
jours, des quarts de ton, par exemple mido-do un quart de ton plus bas -si.
2. Actuellement, et depuis l’apparition de
la polyphonie occidentale, l’enharmonie
désigne des enchaînements, soit mélodiques, soit harmoniques, entre des notes
dont la hauteur se trouve être presque la
même (tout à fait la même sur le clavier
des instruments accordés au tempérament
égal), mais dont la fonction musicale et
surtout harmonique peut être différente.
Par exemple, sur le piano, do dièse et ré
bémol sont représentés par la même note.
Mais do dièse peut évoquer la tonalité de
ré majeur, en même temps que ré bémol
peut évoquer celle de la bémol majeur.
Dans l’Enharmonique, célèbre pièce de
clavecin de Rameau, lors de la douzième
mesure après la barre de reprise, un accord de septième diminuée appartient par
enharmonie aux tonalités de ré mineur
et de fa mineur. À Londres, Haydn écrivit deux oeuvres (la cantate Berenice che
fai ? et la symphonie no 102) contenant
des modulations enharmoniques spectaculaires, et prit bien soin d’indiquer aux
exécutants (en anglais) qu’il s’agissait de
the same note (la même note).
ÉNIGME.
Phrase ou sentence (dite aussi devise)
jointe à un canon énigmatique pour en
faciliter la résolution.
On en trouve, par exemple, dans l’Offrande musicale de J.-S. Bach.
ENOCQ (Étienne), facteur d’orgues français ( ? - Paris 1682).
Il fut associé à son beau-frère Robert Clicquot. En sa qualité de facteur d’orgues
du roi, il construisit des instruments de
salon ou de chapelle pour les châteaux des
Tuileries, de Fontainebleau, de Saint-Germain-en-Laye et de Versailles.
ENREGISTREMENT.
Si le rêve de l’enregistrement des sons
remonte à l’Antiquité, il ne suscita que
des fantaisies poétiques (Platon, Rabelais, Cyrano de Bergerac) jusqu’à ce qu’un
Français, Léon Scott de Martinville, s’avisant du mouvement vibratoire des sons,
construisît son phonautographe (1857) :
un stylet, mis en vibration par une membrane recevant la pression acoustique, traçait l’ondulation correspondante sur une
plaque de verre enduite de noir de fumée
et se déplaçant régulièrement. Ce procédé,
qui anticipa exactement sur le microphone et le burin de gravure, fixait une
image des sons émis, mais était malheureusement impuissant à les reproduire.
Vingt ans plus tard, le 16 avril 1877,
le poète français Charles Cros donna la
description d’un appareil qu’il nommait
paléophone : le déplacement latéral d’un
burin, mis en vibration, gravait une empreinte dans la matière d’un disque en
rotation. Ce disque pouvait servir à en
fabriquer d’autres identiques, par galvano-plastie et pressage. Et en procédant
à l’inverse de l’enregistrement, on le lisait
et il engendrait des vibrations acoustiques
dans un cornet amplificateur. Le principe
de l’enregistrement et de la reproduction sonore sur disques était trouvé, mais
il demeura dix ans à l’état d’idée, sans
connaître de réalisation pratique.
La même année, l’Américain Thomas
Alva Edison fit construire une machine
de type analogue, dans laquelle les vibrations étaient enregistrées sur un cylindre
tournant (12 août 1877). Homme avant
tout pragmatique, Edison ne chercha pas à
concrétiser un rêve, mais plus simplement
à faciliter le travail de bureau par une machine permettant de dicter le courrier ; le
cylindre y était réutilisable à volonté après
lecture, puisqu’on pouvait effacer l’inscription gravée par rabotage.
Perfectionné par Bell et Tainter, le graphophone d’Edison fut la première machine parlante couramment exploitée, et
le resta jusqu’au lendemain de la Grande
Guerre. Il fut très utilisé comme appareil de bureau, mais son développement
comme système de lecture de musique
enregistrée se heurta à l’impossibilité de
réaliser une duplication industrielle des
cylindres : chacun devait être enregistré
individuellement.
Les travaux des Français Henri Lioret,
puis Charles et Émile Pathé, et des Allemands Joseph et Emile Berliner allaient
développer l’idée de Charles Cros. En
1898, les frères Berliner fondèrent à Hanovre la première compagnie spécialisée
dans la fabrication de disques pour gramophones tirés en séries industrielles :
ce fut la Deutsche Grammophon Gesellschaft. Le succès fut foudroyant. Dès les
premières années du siècle, la production
annuelle se chiffra par millions de disques,
pour un catalogue de plusieurs milliers de
titres.
Désormais, la grande aventure était
partie, les firmes éditrices de disques et
les fabriques de gramophones de toutes
sortes, sans cesse perfectionnés, se multiplièrent et se diversifièrent. Dès 1908, un
premier enregistrement intégral de Carmen fut réalisé (en allemand, avec Emmy
Destinn). En 1913, la première gravure
complète d’une symphonie de Beethoven, la Cinquième, était effectuée par l’Orchestre philharmonique de Berlin, sous
la direction d’Arthur Nikisch. En 1919, le
pianiste Wilhelm Kempff signa son premier contrat d’enregistrement, tandis que
Caruso (mort en 1921) confiait à la cire
l’équivalent d’une dizaine d’heures d’enregistrement en soliste.
Vers 1926, l’application de la lampe
triode permit l’invention de l’amplificateur. Le gramophone devint électrophone,
et d’« acoustique », l’enregistrement,
considérablement amélioré, devenait
« électrique ». Ce fut une ère nouvelle qui
s’ouvrait. Datèrent de cette époque de
nombreux enregistrements aujourd’hui
réédités dans des conditions sonores très
honorables (Chaliapine, Busch, Kreisler,
Mengelberg, Weingartner, Thill, Huberman, etc.). Il fallut attendre un quart
de siècle pour que se produisît la nouvelle
révolution, avec le microsillon et la hautefidélité.
Le microsillon marque un âge nouveau
dans la diffusion du disque auprès du
public le plus large, développement qui
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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intéresse désormais tout autant la sociologie que l’histoire de la musique : abandon de la pratique musicale au profit de
l’écoute passive, énorme consommation
musicale en tous lieux, accès à une vaste
culture sonore, fixation de très nombreux
événements acoustiques. Comme la photographie, le disque permet de constituer
un « musée imaginaire » de la musique,
de tous les âges et de tous les pays. En
outre, par la référence toujours possible
à d’autres interprétations, gravées avec la
rigueur idéale (sinon toujours musicale
et vivante) autorisée par la technique
du montage de la bande magnétique, la
virtuosité instrumentale et l’exigence du
public se sont considérablement accrues
sous l’effet du microsillon. Mais devant
les excès de tant de stérile perfection technique, on en revient aujourd’hui à l’émotion de la pratique musicale, de l’enregistrement sur le vif et de la spontanéité de
l’expression qui donnaient tout leur prix
aux enregistrements et aux interprétations
du passé : c’est la juste revanche de la musique sur la technique.
En un siècle d’histoire, le disque a
connu un développement considérable et
de multiples standards quant à son format, sa vitesse de rotation, ses procédés de
gravure et de fabrication. Le prodigieux
essor du disque et de la « haute-fidélité »,
après la Seconde Guerre mondiale, a entraîné une indispensable normalisation
internationale autour du disque microsillon ; mais une nouvelle époque de l’enregistrement et de la reproduction sonores
s’amorce au tournant des années 80, avec
le disque « numérique » ou « audiodigital » à lecture par rayon laser, dont aucune
normalisation n’a cependant encore vu le
jour en raison du formidable enjeu économique que représente l’adoption de tel ou
tel procédé industriel.
LE MICROSILLON.
Il a été officiellement lancé le 21 juin 1948
à New York par les laboratoires CBS, à la
suite des travaux du Belge René Snepvangers et de l’Américain Peter Goldmark.
Il s’est répandu aux États-Unis, puis en
Europe, au début des années 50. Sa réalisation matérielle a nécessité la mise au
point, entre autres, d’une matière vinylique spéciale, de texture beaucoup plus
fine et plus résistante que la gomme laque
employée jusqu’alors ; du même coup,
l’adoption de ce matériau, l’acétochlorure
de polyvinyle, a entraîné de très importantes améliorations électroacoustiques
du support discographique.
Le microsillon présente les caractéristiques principales suivantes :
- la légèreté : de l’ordre de 150 g pour
un disque de 30 cm de diamètre, contre
360 g pour un disque 78 tours de mêmes
dimensions ;
- la robustesse : le microsillon est incassable, mais sa surface est néanmoins beaucoup plus vulnérable que celle du disque
78 tours (empoussiérage, électrisation,
sensibilité aux rayures) et il risque davantage de se voiler ou de se déformer sous
l’action de la pression ou de la chaleur ;
- la durée : l’étroitesse du sillon et la
technique du pas variable, qui permet
de loger plus économiquement les spires
les unes contre les autres, font atteindre
une durée de l’ordre de la demi-heure
(au maximum) par face de disque 30 cm,
contre quelque 4 min 30 s avec le disque
78 tours. Une durée de 23 à 25 min par
face, en stéréophonie, représente la valeur
moyenne la plus favorable à la qualité.
On peut dépasser la demi-heure, mais au
détriment de l’effet stéréophonique et de
la dynamique musicale, et avec des distorsions élevées ;
- la fidélité : la structure moléculaire
de la pâte dans laquelle sont pressés les
microsillons a diminué fortement le bruit
de fond propre du disque, et donc permis
d’accroître la dynamique. Simultanément,
les nouvelles techniques de l’électronique
ont élargi le spectre des fréquences reproduites, vers l’aigu comme vers le grave. Les
perfectionnements de ces techniques ont
contribué, à partir de 1960, à graver et à
presser des disques stéréophoniques, dans
lesquels les deux flancs du sillon reçoivent
une information différente, correspondant à chacun des deux canaux de la stéréophonie.
Le sillon du disque 33 tours monophonique microsillon a une largeur nominale
de 70 micromètres (7/100 de mm) ; sa largeur moyenne est de l’ordre de 55 micromètres, et ne descend pas au-dessous de
50 micromètres. Les deux flancs gravés de
ce sillon forment entre eux un angle de
90o, et le rayon du fond du sillon est de
5 micromètres. En stéréophonie, la largeur moyenne du sillon est de 40 micromètres ; elle ne descend pas au-dessous
de 35 micromètres ; le rayon du fond du
sillon est de 6 micromètres. Ce sont les
flancs du sillon qui portent l’information
mécanique, sorte de relief variable qui sera
traduit en signaux sonores, et non pas le
fond du sillon que la pointe de lecture ne
doit surtout pas atteindre (ce qui risque de
se produire si elle est usée ou inadaptée).
Deux grands types standards ont été
retenus par les fabricants et ratifiés par
l’usage du public :
- le disque de 30 cm tournant à 33 tours/
minute. La durée des faces est compatible
avec les oeuvres de musique classique, ce
qui évite la plupart du temps les coupures
au milieu du déroulement musical ;
- le disque de 17 cm tournant à 45
tours/minute. Le diamètre étant plus petit,
on a adopté une vitesse plus élevée pour
maintenir une qualité sonore suffisante.
La durée d’enregistrement permet de
loger deux chansons par face, ce qui, avec
son prix modique et sa maniabilité, en fait
le support idéal de la musique de variété.
Son large trou central est destiné à l’usage
des systèmes de changeur automatique
des tourne-disques.
D’autres formes standards, beaucoup
plus rares et échappant au circuit commercial du grand public, existent pour
des applications spéciales, notamment les
disques à très faible vitesse de rotation.
Le passage de la monophonie à la stéréophonie, au début des années 60, a posé
des problèmes de compatibilité entre
les deux types de gravure. Il fallait que
les nouveaux disques stéréophoniques
puissent, sans danger matériel ni détérioration sonore, être lus par n’importe quel
équipement monophonique, avec une
qualité (monophonique) normale tout
en autorisant les meilleures conditions
d’écoute en stéréophonie à l’aide des équipements appropriés. La solution fut trouvée en 1964 avec la « gravure universelle »,
gravure stéréophonique dans laquelle on
limite volontairement les amplitudes de
modulation verticale qui excéderaient un
certain seuil. La diminution d’effet stéréophonique qui s’ensuit n’affecte que de
brefs passages et ne nuit théoriquement
pas beaucoup à la perception de l’espace
sonore.
Avec la pratique de l’écoute stéréophonique, on a cherché à apporter un effet
stéréo à des disques enregistrés antérieurement en monophonie. Un artifice
électronique provoquant une dispersion
de certaines fréquences sur deux canaux
a pu faire illusion un certain temps, et
l’on a ainsi regravé des enregistrements
monophoniques stéréophonisés artificiellement en « pseudo-stéréo » (procédé
Breitklang). Cette opération entraînant
une perte de cohérence de l’image sonore,
de nombreux éditeurs de disques ont, fort
heureusement, abandonné ce procédé
au profit de regravures monophoniques
authentiques.
LES NOUVELLES TECHNIQUES.
Mais la recherche d’une fidélité toujours
plus haute ne cessant de se poursuivre,
des techniques nouvelles sont apparues
au cours des années 70, qui préludent
incontestablement à une importante révolution - la plus importante, peut-être,
puisque devant supprimer le frottement
entre une pointe et le disque -, révolution
qui point à l’aube des années 80, celle du
disque « numérique » ou « audiodigital ».
La tétraphonie (ou quadriphonie). Elle
répond au désir d’améliorer davantage
la perception de l’espace sonore et sa reproduction. En procédant à une sorte de
double stéréophonie, on peut capter les
ondes provenant à l’oreille de l’auditeur
depuis les différentes directions d’une
salle de concert ; symétriquement, la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
346
reproduction de ces ondes dans le local
d’écoute restitue plus fidèlement les
conditions naturelles de l’audition. Ce
procédé implique une gravure spéciale
des disques au travers d’un codage, pour
pouvoir loger une information double
dans chaque flanc de sillon ; à la lecture,
un décodeur reconstitue les quatre informations, traitées alors par un équipement
correspondant (amplificateur quadruple,
quatre enceintes acoustiques judicieusement placées). Quoique les éditeurs de
disques aient réalisé dans cette perspective
leurs nouvelles prises de son et qu’ils aient
même publié certains enregistrements en
tétraphonie compatible avec la stéréophonie et la monophonie, le procédé ne s’est
pas encore répandu. Il faut en trouver la
cause principale dans l’accroissement important du coût des équipements domestiques et de leur encombrement, pour un
résultat sonore auquel tout le monde n’est
pas encore très sensible.
LA GRAVURE DIRECTE.
Revenant à la technique ancienne utilisée
au temps des disques 78 tours, c’est-à-dire
avant l’utilisation du magnétophone, ce
procédé consiste à faire abstraction du
magnétophone d’enregistrement et de
tous les artifices électroniques intermédiaires entre le microphone et le burin
graveur. Le gain en qualité est réel (diminution du souffle, augmentation de la dynamique), mais tout repentir est interdit
(absence de montage). En outre, le tirage
se trouve limité. Ce procédé est surtout
valable pour le jazz.
LE STANDARD 30 CM 45 TOURS/MINUTE.
En adoptant la vitesse supérieure pour les
disques 30 cm, on augmente la qualité de
restitution (à condition que la qualité de
la bande originale le justifie) : extension
des fréquences reproduites vers l’aigu, réduction du bruit de fond, affaiblissement
du taux de distorsion, meilleure restitution des transitoires. Cette qualité se paie
d’une légère diminution de la durée disponible sur chaque face (20 minutes au
maximum).
LE PROCÉDÉ DES IMPULSIONS CODÉES
(« PCM »).
Procédé très complexe dérivé de l’informatique, il consiste à traiter le signal électrique fourni par les microphones de prise
de son, sous forme de séries d’impulsions
enregistrées en « tout-ou-rien ». L’amélioration de qualité du signal provenant du
magnétophone (spécial) d’enregistrement
est spectaculaire (dynamique, spectre
de fréquences, séparation entre canaux,
absence de pleurage). Ce signal peut
être gravé sur disque par les techniques
conventionnelles ; les disques ainsi réalisé
sont sensiblement meilleurs que les autres,
mais la matière même du disque et la lec-
ture par frottement d’une pointe dans le
sillon en limitent les performances.
Le disque compact. Le procédé des
impulsions codées a pu être étendu à
l’ensemble des techniques de prise de son
et d’enregistrement sonore, ainsi qu’à la
gravure et à la lecture du disque, faisant
entrer celui-ci dans l’ère nouvelle ouverte
par l’application à la reproduction sonore
des techniques de numérisation utilisées
en informatique. Le signal acoustique
n’est plus reproduit par une inscription
continue le reproduisant analogiquement
à lui-même, mais, comme pour une image
en télévision, par le truchement d’une
analyse point par point qui en permet
ensuite la reconstitution. Une fois transformé en signal électrique, le son est analysé à intervalles de temps réguliers très
rapprochés, par « échantillons ». Sa valeur
instantanée, à chaque prise d’échantillon,
est mesurée et traduite en un nombre exprimé en numération binaire, c’est-à-dire
à l’aide de 0 et de 1, éléments ou « bits »,
en un « mot » de 14 bits, 16 bits ou davantage. Plus long est le mot, meilleure est la
« résolution », donc plus grande la finesse
dans le rendu sonore. Le standard adopté
a retenu une fréquence d’échantillonage
de 44,1 kHz (c’est-àdire 44 100 échantillons par seconde), et une résolution de
gravure de 16 bits.
La gravure de l’information sur un
support ne consiste plus en la déformation mécanique d’une matière sous l’effet
d’une modulation, mais en l’inscription
de signaux élémentaires s’opposant à
l’absence de signal, dont rend compte un
relief de « creux » et de « bosses » à la surface du disque. Ce profil binaire est inscrit
par gravure électrochimique sur un support argenté réfléchissant, en une spirale
se développant du centre vers l’extérieur
du disque, de 0,5 micron de largeur (un
demi-millième de millimètre). La surface
est protégée mécaniquement par une
couche transparente plastique dure, d’un
millimètre d’épaisseur. Cette technique
permet la fabrication industrielle des
disques par pressage.
La lecture s’opère à vitesse linéaire
constante, au moyen d’un rayon lumineux
(laser) dont la modulation, après réflexion
sur la surface du disque, est transformée
en signal électrique par un préamplificateur-décodeur approprié, signal ensuite
traité par la chaîne de reproduction so-
nore traditionnelle (amplificateur, enceintes acoustiques). Outre ceux des informations musicales, le disque porte un
certain nombre d’autres signaux, notamment de durée, d’identifications diverses,
d’asservissement de sa vitesse de rotation,
ainsi que de systèmes très complexes de
protection de données et de correction
des erreurs. Mis au point en Europe par
les laboratoires de la firme Philips, sous la
direction de Jaap Sinjou, et au Japon par
ceux de Sony, sous la direction de Toshi
Tada Doi, le nouveau petit disque « compact », ou CD (pour Compact Disc), a été
présenté officiellement en 1980. L’adoption d’une normalisation internationale
unique en a permis un succès très rapide,
dès qu’ont été miniaturisés les matériels
de lecture encore extrêmement volumineux à l’époque du fait de la complexité
des circuits convertisseurs, et perfectionnées les très délicates techniques de fabrication des disques. Les premiers produits,
disques et platines de lecture, sont apparus sur le marché en 1982. En moins de
dix ans, ils avaient totalement supplanté le
disque « noir », ou microsillon, de quelque
standard qu’il se réclame. Peut-être pas
définitivement, d’ailleurs, dans la mesure
où quelques perfectionnistes, reprochant
une certaine absence de « naturel » aux
sons ainsi reconstitués, restent fidèles à la
technique analogique du microsillon que
certains fabricants ont recommencé à produire en petites quantités.
Ce sont là les inconvénients (provisoires ?) dont se paient les avantages
évidents du nouveau disque. Plus grand
confort d’écoute, par une durée accrue
(75 à 80 minutes environ, en stéréophonie, soit deux fois plus de temps sur une
seule face que les deux faces d’un disque
microsillon), plus grand réalisme, grâce
à la disparition du bruit de fond et des
bruits de surface - le disque compact est
silencieux -, se traduisant par une dynamique considérable (96 dB). Avantages
matériels, également : petites dimensions
(diamètre de 12 cm), manipulation entièrement automatisée, disparition de l’usure
et de la détérioration causée par la lecture
à la surface des fragiles disques « noirs ».
Gain économique, enfin, puisque, à durée
égale, le prix de revient du disque compact
s’est rapidement révélé inférieur à celui du
microsillon.
Ce constat contredit les craintes légi-
timement manifestées lors du lancement
du disque compact. On pouvait en effet
supposer que l’extrême complexité de la
fabrication du nouveau disque entraînerait un coût de production prohibitif, mais
l’énormité du marché mondial a permis
un amortissement très rapide des investissements initiaux, et les enjeux économiques ont suscité de rapides progrès
industriels. Coût et complexité risquaient
de concentrer la fabrication des disques
dans les mains de quelques grandes compagnies multinationales, bloquant ainsi
la route aux petits producteurs indépendants ; or, l’apparition d’usines de soustraitance a permis au contraire un accès
plus aisé à la réalisation des disques. Enfin,
les scientifiques pouvaient également
redouter que le standard adopté figerait
la technique sans espoir d’amélioration
possible ; l’ingéniosité des chercheurs à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
347
permis, là encore, de surmonter ce réel
obstacle.
Contrairement à ces prévisions pessimistes, la mise sur le marché du disque
compact a provoqué une relance spectaculaire, pour plusieurs années, d’une
branche économique alors en perte de
vitesse ; elle a suscité l’apparition de
nombreuses petites maisons d’édition, et
surtout provoqué un accroissement considérable des catalogues d’enregistrements,
à la fois en oeuvres inédites et en artistes
inconnus.
L’application à la reproduction sonore
de la technique numérique déjà utilisée,
non seulement dans la reproduction des
images, mais plus généralement pour l’ensemble du traitement des informations,
ouvre à ce domaine des perspectives imprévisibles. Le petit disque compact n’est
lui-même qu’une étape éphémère dans
l’histoire de la transmission de la musique,
avant le disque enregistreur effaçable, le
développement du disque audiovisuel
d’informations (CD-ROM), des chaînes
multimédia interactives ou l’accès à de
multiples banques de données spécialisées
(Internet) sur les autoroutes de l’information.
ENSALADA.
Composition vocale de caractère joyeux,
répandue en Espagne au XVIe siècle.
Très proche du quodlibet, elle était
constituée de mélodies sacrées ou profanes, appartenant souvent au répertoire
populaire, superposées et possédant chacune son propre texte (qui pouvait être
en espagnol aussi bien qu’en latin ou que
dans un dialecte local), l’ensemble constituant une pièce polyphonique respectant
les règles de l’écriture traditionnelle. Les
ensaladas ont fréquemment été transcrites
et jouées par les organistes et vihuelistes
de l’époque.
ENSEMBLE.
1. Terme désignant un groupe de musiciens, chanteurs ou instrumentistes, qui
exécutent un morceau en équipe. Un ensemble vocal est un choeur, un ensemble
instrumental est un orchestre, mais le mot
« ensemble » apporte une précision en
introduisant la notion d’effectif réduit, de
réunion de solistes. De même, l’expression
« musique d’ensemble » évoque le cadre
intime de la musique de chambre.
2. Le terme s’applique également à des
parties d’oeuvres où chantent simultanément divers solistes, par exemple aux sextuors, septuors, etc., que l’on rencontre,
notamment pour les finals d’actes, dans
les oeuvres lyriques à partir de l’époque
de Mozart. L’ensemble est un des moyens
d’expression privilégiés dont dispose
le théâtre lyrique, car il permet, grâce à
l’aptitude de l’oreille humaine à discerner
plusieurs lignes mélodiques simultanées,
de faire connaître en un même moment
les sentiments agitant plusieurs personnages. La plupart des grands compositeurs
lyriques, notamment Mozart, Rossini et
Verdi, se sont imposés par leur maîtrise
dans la construction des ensembles.
ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN.
Ensemble de 31 solistes fondé en 1976,
et dont les activités ont débuté en même
temps que celles de l’Institut de recherche
et de coordination acoustique/musique
(I. R. C. A. M.), auquel il est associé.
Il a comme président Pierre Boulez ; son
directeur musical a été Michel Tabachnik
(jusqu’au 31 juillet 1977) ; Peter Eötvös lui
a succédé de 1979 à 1991. Depuis 1992, le
titulaire du poste est David Robertson. En
1977, les activités de l’E. I. C. et celles de
l’I. R. C. A. M. se sont déroulées parallèlement, mais l’E. I. C. ne se veut pas l’orchestre de l’I. R. C. A. M. Il a ses concerts
et sa saison propres. Mais la collaboration
entre les deux organismes est étroite. Sur
le plan des concerts, l’E. I. C. s’attache à la
fois aux « classiques contemporains » et à
la création d’oeuvres nouvelles. Sur le plan
pédagogique, il organise des stages, séminaires, ateliers et séances d’animation. Il se
préoccupe également des échanges entre
compositeurs et instrumentistes. Enfin, il
sert souvent de terrain d’application pratique aux recherches et aux expériences
menées à l’I. R. C. A. M. Tout cela à Paris
et hors de Paris. Depuis sa fondation,
l’E. I. C. a organisé une moyenne annuelle
de 130 à 150 manifestations, et donné
en création mondiale plus de 50 oeuvres
françaises et étrangères, parmi lesquelles
Je vous dis que je suis mort de G. Aperghis,
Ma manière de chat d’A. Bancquart, Chemins V et Sequenza VIII de L. Berio, Messagesquisse de P. Boulez, Antiphysis de H.
Dufourt, Modulations de G. Grisey, Va et
vient de H. Holliger, Espaces mouvants de
P. Mefano, Cuts and Dissolves de W. Rihm,
Mirages de J.-C. Risset, Michaels Reise um
die Erde de K. Stockhausen et Lo Shu I-III
de H. Zender.
ENTÉ.
Adjectif emprunté à l’horticulture (il signifie « greffé ») et appliqué dans le dernier tiers du XIIIe siècle à un procédé de
composition à la fois littéraire et musical
consistant à insérer dans un contexte
original, parlé ou chanté, un fragment
de chanson connue cité avec sa musique
propre (v. trope).
Les fragments cités pouvaient appartenir à des répertoires variés, mais la
source principale en était les refrains de
rondeaux à danser, ce qui leur fit donner
le nom générique de refrains, même s’ils
n’étaient cités qu’une seule fois. La mode
des refrains entés fut introduite dès 1214
dans le roman en vers (qui était lu à haute
voix) avec le roman de Guillaume de Dole
de Jean Renart, puis gagna la chanson de
trouvères, le motet (surtout profane) et le
théâtre parlé, où cet usage peut être considéré comme l’origine des « vaudevilles »
qui, au XVIIIe siècle, donnèrent naissance
à l’opéra-comique. Adam de la Halle
s’est particulièrement illustré tant dans le
motet enté que dans le théâtre à refrains,
qu’il a inauguré avec le jeu de la Feuillée
et surtout le jeu de Robin et Marion, mis
à la scène avec insertion de refrains entés
de deux scénarios usuels de chanson, la
« pastourelle » (chevalier courtisant une
bergère) et la « bergerie » (divertissement
pastoral).
ENTONNER.
Mot d’origine liturgique (intonare, « introduire le ton ») réservé d’abord au chantre
qui, en commençant seul un psaume ou
une antienne, indiquait dans quel ton liturgique le chant devait être poursuivi par
l’ensemble du choeur.
Le terme s’est généralisé pour signifier
le fait de commencer seul un chant ou
une chanson continués par l’ensemble
des chanteurs, ou même parfois de simplement les commencer quelle qu’en soit
la suite.
ENTRÉE.
1. Synonyme d’arrivée, l’entrée est le moment de fêter en musique la venue d’un
personnage, ou d’un groupe de personnages, en scène, dans une ville ou à l’église.
La notion d’« entrée » liée à la musique a
une origine très ancienne. Vers la fin du
Moyen Âge, il existait des sortes de ballets (entremets) où les participants, déguisés et masqués, entraient accompagnés
de musique. Depuis fort longtemps, des
pièces de circonstance ont été composées
ou improvisées pour célébrer l’entrée
dans une ville d’un roi ou d’une personnalité importante. Ainsi, H. Purcell, au
XVIIe siècle, en a écrit un certain nombre
(par exemple, Fly, bold rebellion pour célébrer le retour de Charles II à Londres).
Dans le ballet de cour français, les différentes scènes dansées s’appelaient des
entrées. Le même principe se perpétua,
d’abord dans les comédies-ballets où des
entrées de ballet formaient des intermèdes musicaux au sein de la comédie
(par exemple, « Entrée des Scaramouches,
Travelins et Arlequins » dans le Bourgeois
gentilhomme de Molière et Lully), puis
dans l’opéra-ballet où, selon J.-J. Rousseau, « chaque acte forme un sujet séparé ;
l’entrée de Vertumne dans les Élémens
(Destouches) ; l’entrée des Incas dans les
Indes galantes (Rameau) ».
2. Dans une partition, entrée désigne l’apparition d’un thème musical, l’intervention d’une nouvelle partie instrumentale
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
348
ou vocale. On parle ainsi de l’entrée des
voix dans une fugue.
3. Enfin, l’entrée est parfois une sorte de
prélude ou d’ouverture, servant d’introduction à une suite de pièces (v. intrada).
ENTREMONT (Philippe), pianiste et chef
d’orchestre français (Reims 1934).
Il étudie d’abord avec Marguerite Long
puis avec Jean Doyen au Conservatoire
de Paris, où il obtient deux premiers Prix
(musique de chambre en 1948, piano en
1949). Lauréat du Concours Long-Thibaud en 1953, il se fait connaître pendant
une quinzaine d’années comme pianiste,
jouant sous la direction de Stravinski,
Milhaud, Bernstein, Monteux, Boulez,
Ozawa, etc. En 1967, il commence à diriger et se voit nommé en 1976 directeur
musical et chef permanent de l’Orchestre
de chambre de Vienne. De 1980 à 1986,
il dirige l’Orchestre philharmonique de
La Nouvelle-Orléans, de 1986 à 1989
l’Orchestre symphonique de Denver, et de
1988 à 1990 l’Orchestre Colonne à Paris.
En 1994, il devient le principal chef invité
de l’Orchestre de chambre d’Israël. Il a
reçu plusieurs grands prix du disque, dont
le Prix de l’Académie du disque français
pour son intégrale de l’oeuvre pour piano
de Ravel.
ÉOLIEN. (en grec aiolos).
De Éole, dieu des Vents. Éolien est le
nom donné tardivement aux neuvième
et dixième modes ecclésiastiques, c’està-dire aux modes de la (éolien, mode authente ; hypoéolien, mode plagal. V. mode,
modes ecclésiastiques).
La harpe éolienne est un instrument
dont l’origine remonte à l’Antiquité, et qui
tirait son nom du fait que le vent faisait
vibrer ses cordes.
EÖTVÖS (Peter), compositeur et chef
d’orchestre hongrois (Székelyudvarhely
1944).
Il commence l’étude de la composition
avec Zoltán Kodály dès l’âge de quatorze
ans, à l’Académie de musique de Budapest. Pendant ses études, il est déjà directeur musical du Théâtre Vigzinhaz et
compose de la musique de scène, ainsi que
pour le cinéma et la télévision. Une bourse
allemande lui permet de poursuivre ses
études à Cologne (de 1966 à 1968), où il
travaille aussi la direction d’orchestre. Il y
rencontre Stockhausen et devient membre
de son ensemble, participant ainsi à bon
nombre de créations du compositeur,
notamment en Allemagne ou à l’Exposition universelle d’Osaka (1970). Il créera
par la suite, en tant que chef d’orchestre,
les opéras Donnerstag aus Licht (1981) et
Montag aus Licht (1988) de Stockhausen
à la Scala de Milan. Depuis 1974, il est
l’invité des plus grands orchestres européens. Eötvös a été directeur musical de
l’Ensemble InterContemporain (19791991) et principal chef invité de l’Orchestre symphonique de la BBC (19851988). Il compose une musique illustrant
son sens du théâtre (Chinese Opera, pour
orchestre de chambre, 1966 ; Il maestro,
pièce clownesque pour un pianiste et deux
pianos à queue, 1974 ; Triangel, actions
pour un percussionniste créatif et vingtsept musiciens, 1993). Il a composé aussi
le quatuor à cordes Korrespondenz, inspiré
par la correspondance entre Leopold et
Wolfgang Amadeus Mozart (1992), et Psychokosmos pour cymbalum et orchestre
(1993).
EPHRICIAN (Angelo), chef d’orchestre
et compositeur italien (Trévise 1913 - id.
1982).
Après avoir étudié le violon, obtenu une
licence en droit et exercé un an une fonction de magistrat, il participe activement à
la lutte antifasciste clandestine et devient
à la fin de la guerre directeur du premier
journal libre de Venise. Ayant goûté à la
critique musicale, il décide de se consacrer entièrement à la musique et travaille
la direction d’orchestre en autodidacte. En
1947, il fonde l’Istituto italiano Antonio
Vivaldi, qui, sous la direction artistique de
G. F. Malipiero et avec l’aide de l’éditeur
Ricordi, publie des oeuvres de Vivaldi.
Par cette initiative et par son activité
parallèle de chef d’orchestre, Ephrikian
joue un rôle déterminant dans la rapide
renaissance du compositeur vénitien. Il
consacre par la suite sa double action
d’éditeur et de chef d’orchestre à d’autres
compositeurs italiens de la fin du XVIe, du
XVIIe et du XVIIIe siècle italien, notamment
à Gesualdo, Stradella, Alessandro Scarlatti. Compositeur, il a écrit des oeuvres
traditionnelles mais n’a pas dédaigné les
techniques nouvelles, qu’il utilise par
exemple dans son Stabat Mater (1961)
pour solistes, choeur, orchestre et bande
magnétique.
ÉPINETTE.
Instrument à clavier et à cordes pincées.
L’épinette est une version simplifiée de
son frère aîné, le clavecin, et ne comporte
qu’un seul registre, généralement de 8
pieds, quelquefois sonnant à l’octave (4
pieds). Elle peut être construite selon des
plans différents (rectangulaire, ressemblant ainsi au virginal ; polygonal et, plus
tard, à côté courbe). Les cordes sont montées perpendiculairement aux touches du
clavier ou légèrement en oblique. L’épinette n’était pas seulement un instrument
domestique, comme le piano droit moderne auquel on la compare souvent. Elle
avait son rôle à jouer dans la musique de
son époque, en Italie notamment où, par
exemple, sa sonorité brillante était prisée
pour faire ressortir les parties supérieures
d’un madrigal, ou pour soutenir discrètement une voix soliste. La plus ancienne
épinette connue est conservée au musée
de Pérouse et date de 1493. La vogue de
l’instrument se poursuivit pendant les
XVIe et XVIIe siècles. Au XVIIIe, sa forme
emprunta au clavecin son côté courbe et
l’épinette orna les salons de ceux qui ne
pouvaient se payer le luxe d’un instrument plus grand. Parmi les facteurs d’épinettes, on peut citer les Baffo et Bertolotti
à Venise, les Richard, Denis et Taskin en
France, les Haward et Hitchcock en Angleterre et, aux Pays-Bas, les Ruckers.
ÉPINETTE DES VOSGES.
Instrument à cordes pincées, peut-être
originaire de la région dont il porte le
nom.
Les cordes, en deux groupes (mélo-
diques et bourdons), sont tendues sur une
caisse rectangulaire en bois. On les fait
sonner soit en les grattant du pouce, soit,
comme pour le psaltérion, en se servant
d’un bec de plume. L’épinette des Vosges
fut très employée dans la musique populaire aux XVIIIe et XIXe siècles. Elle ne doit
pas être confondue avec l’épinette.
ÉPISODE.
1. Ultérieurement généralisé dans des
acceptions usuelles, le terme désignait à
l’origine certaines subdivisions de la tragédie grecque antique, assimilables aux
« actes » de notre théâtre, à ceci près qu’ils
étaient séparés entre eux non par un « entracte », mais par les entrées du choeur,
d’où leur nom, qui signifie « entre les entrées ». Certains épisodes étaient parlés,
d’autres chantés en tout ou en partie, les
parties chantées correspondant aux moments les plus dramatiques.
2. Dans l’architecture musicale, on appelle parfois épisode des passages ayant
leur unité et leur indépendance, souvent
avec une idée de digression ou de dispersion par rapport au plan d’ensemble.
Par exemple dans le rondo, les retours du
thème principal sont entrecoupés d’épisodes, tous différents.
ÉPÎTRE.
Transcription liturgique du mot latin epistola, qui signifie simplement « lettre ».
L’épître constitue, dans la messe traditionnelle, la première des deux lectures
solennelles faites à haute voix ou chantées
sur un timbre psalmodique propre dans
la première partie de la messe, la seconde
étant l’évangile. Cette lecture, variable
selon la fête, était tirée soit de l’Ancien Testament, soit des lettres (épîtres) d’apôtres,
d’où son nom, et se faisait obligatoirement
du côté gauche de l’autel (à droite pour
l’assistance), dit « côté épître « ; la droite
honorifique (à gauche pour l’assistance)
était le « côté évangile ». La lecture de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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l’épître, comme celle de l’évangile, traditionnellement en latin, fut dans certains
pays, dont la France, transférée en langue
vulgaire peu avant le concile Vatican II ;
cette réforme semble avoir servi de ballon
d’essai pour la campagne d’élimination
de la liturgie latine menée après le concile
en invoquant son autorité, mais, en fait, à
l’encontre de ses prescriptions. La messe
de Paul VI a rétabli l’usage antérieur de
deux épîtres distinctes, l’une consacrée à
l’Ancien Testament, l’autre au Nouveau.
ÉRARD, famille française de facteurs de
pianos, de harpes et d’orgues.
Sébastien (Strasbourg 1752 - Paris
1831). Fils de menuisier, il entra en 1768
comme ouvrier dans l’atelier d’un facteur
de clavecins et se distingua immédiatement par son esprit inventif, son incessante recherche de perfectionnements.
Il construisit un « clavecin mécanique »,
instrument complexe mais qui connut un
grand succès. Protégé par la duchesse de
Villeroy et installé dans l’hôtel de celle-ci,
il construisit en 1777 le premier pianoforte français. Rejoint à cette époque par
son frère Jean-Baptiste (Strasbourg
1745-Paris 1826), il fonda un établissement qui connut un développement
rapide. Il apporta au piano, notamment,
les perfectionnements suivants : faux marteau à double pilote (1790), échappement
simple (1794), remplacement de la pointe
du sommier des chevilles par une agrafe
(1809), barrage métallique, échappement
double (1822). Il inventa différentes variantes de piano : piano à deux claviers,
piano-secrétaire, piano-clavecin, « piano
organisé » (ce dernier était la combinaison d’un piano avec un petit positif à deux
claviers). Son apport à la facture de la
harpe fut également très important : en
remplaçant le mécanisme à crochets ou à
béquilles par un mécanisme à fourchettes
et en créant le mécanisme à double mouvement, il amena l’instrument à son stade
actuel. Il s’intéressa à l’orgue et construisit
l’instrument du palais des Tuileries (18271829).
Pierre (Paris 1794 - id. 1865). Fils de
Jean-Baptiste, il poursuivit brillamment
l’oeuvre de son oncle Sébastien et fit paraître deux essais historiques sur l’évolution de la harpe et du piano. La maison
Érard poursuivit son existence et finit par
s’associer en 1959 à la maison Gaveau au
sein de la société Gaveau-Érard.
ERB (Donald), compositeur américain
(Youngstown, Ohio, 1927).
Après des études à Kent State, Cleveland,
Indiana et Paris (Nadia Boulanger), Donald Erb enseigna lui-même à Cleveland
et Indiana. Malgré la formation traditionnelle à laquelle se rattachent certaines
pages symphoniques (Christmas Music,
1967 ; The Seventh Trumpet, 1969 ; Cummings Cycle, 1963) ou instrumentales
(quatuor à cordes, Correlations, 1958 ;
Summer Music pour piano, Antipodes pour
quatuor à cordes et percussion, 1965), il a
recours occasionnellement à des moyens
d’expression propres à sa génération (Reconnaissance, 1967, pour moog synthétiseur, violon, contrebasse et piano).
ERB (Karl), ténor allemand (Ravensburg,
Souabe, 1877 - id. 1958).
Il était employé municipal dans sa ville
natale lorsque sa voix fut découverte et il
débuta, sans avoir fait d’études de chant,
en 1907 au Hoftheater de Stuttgart dans
Der Evangelimann de Kienzl. À Lübeck,
puis de nouveau à Stuttgart, il se familiarisa avec le répertoire, chantant les rôles
les plus variés, de Lohengrin à l’opérette,
avant d’être engagé en 1913 à Munich où
il devint le ténor favori de Bruno Walter et
où il fut le créateur, en 1917, de Palestrina
de Pfitzner. À partir de 1930, il abandonna
la scène et se consacra au concert. Il devint
l’interprète le plus célèbre à son époque
de l’évangéliste dans les Passions de Bach,
ainsi qu’un éminent chanteur de lieder. Il
conserva intacte jusqu’à soixante-dix ans
sa voix d’un timbre très particulier, menée
avec une habileté, une musicalité, un sens
de l’articulation et du phrasé exceptionnels.
ERB (Marie-Joseph), organiste et compositeur français (Strasbourg 1858 - Andlau, Bas-Rhin, 1944).
Élève, à Paris, de l’école Niedermeyer,
puis de Widor, il se perfectionna dans le
jeu du piano auprès de Liszt, à Weimar. Il
fut organiste à Sélestat, puis à Saint-Jean
de Strasbourg, et professeur de piano,
d’orgue et de composition au conservatoire de Strasbourg, de 1910 à 1937. Son
oeuvre de compositeur est très vaste et
touche à tous les genres, dans le style postromantique.
EREDE (Alberto), chef d’orchestre italien
(Gênes 1909).
Il a étudié le piano, le violoncelle et la
composition à Gênes, Milan et Bâle, et
la direction d’orchestre auprès de Félix
Weingartner. Il s’est fait connaître avant
la Seconde Guerre mondiale en montant
au pupitre des festivals de Glyndebourne
et de Salzbourg. Après la guerre, il a occupé des postes de directeur musical notamment à l’Orchestre symphonique de la
Radio de Turin (1945-1946), à l’opéra de
Düsseldorf (1958-1962) et à l’Orchestre
symphonique de Göteborg, tout en menant une carrière internationale. Chef
sobre, il est particulièrement renommé
pour ses interprétations d’opéra.
ERICKSON (Robert), compositeur américain (Marquette, Michigan, 1917).
Élève d’Ernst Krenek, Robert Erickson a
très rapidement évolué de l’atonalité à la
technique sérielle (concerto pour piano,
1er quatuor, variations pour orchestre),
puis à des moyens d’expression se référant
à des recherches de timbres (2e quatuor,
General Speech pour trombone, faisant
intervenir des sons vocaux et parlés en
cours d’exécution), des rythmes nouveaux
(Ramus pour piano) et l’électroacoustique
(Ricercare à 5 pour trombone et bande,
Cardenitas 68 pour voix, 6 instruments
nouveaux et bande, Down at Piraens pour
choeurs et bande, Pacific Sirens pour bande
et de 10 à 14 instruments, etc.). Il est professeur à San Diego et San Francisco.
ERICSON (Eric), chef de choeur et organiste suédois (Boras 1918).
Il étudie à l’École supérieure de musique
de Stockholm puis à la Schola cantorum
de Bâle. En 1945, il fonde le Choeur de
chambre de Stockholm, qui deviendra
en 1988 le Choeur Ericson. En 1949, il
est nommé organiste et chef de choeur
à l’église Saint-Jacob de Stockholm. En
1951, il fonde le choeur de la radio suédoise, qu’il dirige jusqu’en 1984. Il dirige
aussi, de 1951 à 1985, le choeur d’hommes
d’Uppsala Orphei Drängar. En 1968, il est
nommé professeur de direction chorale
au Conservatoire royal de Stockholm. En
1974, il dirige l’enregistrement de la bande
originale du film de Bergman la Flûte enchantée. Il est à la fois un très grand maître
du répertoire choral ancien et un musicien ouvert à la création de son temps : il
a assuré avec le choeur qui porte son nom
la création de plusieurs oeuvres contemporaines.
ERKEL (Ferenc), pianiste, chef d’orchestre et compositeur hongrois (Gyula
1810 - Budapest 1893).
Issu d’une famille d’origine néerlandaise,
il fit ses premières études à Pozsony, commença sa carrière à Kolozsvár (Cluj) et
s’installa à Pest en 1834. À l’ouverture du
théâtre national en 1838, il en fut nommé
premier chef d’orchestre, puis en devint le
directeur musical et le demeura jusqu’en
1884. En 1853, il créa les concerts de la
Société philharmonique de Budapest, qu’il
dirigea jusqu’en 1869. De 1875 à 1886, il
enseigna le piano à l’Académie royale
de musique et en fut directeur. En 1884,
malgré son âge, il fut nommé directeur à
vie de l’opéra national de Budapest, qui
venait d’ouvrir. L’oeuvre d’Erkel dans
le domaine lyrique servit, par les sujets
qu’elle aborda, à cristalliser une certaine
forme de la résistance du peuple hongrois
à la domination autrichienne. Après une
oeuvre de jeunesse, Mária Báthori (1840),
il fit représenter en 1844 László Hunyadi,
qui met en scène un héros sincère et
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droit, victime d’un roi félon d’origine
allemande. Le librettiste de cette oeuvre,
Béni Egressy, lui fournit encore le texte
de Bánk bán, terminé en 1852 et créé à
Pest en 1861. Pourtant, sur le plan musical, Erkel, pas plus dans ses opéras que
dans ses partitions symphoniques, n’apparaît comme un rénovateur puisant aux
authentiques sources hongroises. Parti
des modèles de Rossini, Bellini, Auber et
Meyerbeer, il se laissa peu à peu gagner
à l’influence allemande, celle de Wagner
en particulier, évidente dans ses dernières
oeuvres, le Roi Étienne (1885) et Ouverture
solennelle (1887).
La production d’Erkel comprend dix
opéras, six opéras-comiques (dont Sarolta,
1862), l’hymne national hongrois, des musiques de scène, des ouvertures, des pièces
pour piano et des oeuvres de musique de
chambre.
ERLANGER (Camille), compositeur fran-
çais (Paris 1863 - id. 1919).
Élève d’Émile Durand et de Léo Delibes
au Conservatoire de Paris, il obtint le
grand prix de Rome en 1888. Parmi ses
envois de la villa Médicis, une légende
dramatique d’après Flaubert Saint Julien
l’Hospitalier, dont fut tiré plus tard le
poème symphonique la Chasse fantastique
(1893), remporta un grand succès. Par la
suite, les partitions lyriques d’Erlanger,
jouées à l’Opéra et à l’Opéra-Comique,
notamment le Juif polonais (1900), le Fils
de l’étoile (1904) et Aphrodite (1906),
connurent également le succès par leur Iyrisme vigoureux, leur pathétique sincère,
leur orchestration colorée et pittoresque.
Elles n’ont pu cependant se maintenir à
l’affiche. Erlanger est également l’auteur
de nombreuses mélodies et d’un Requiem.
ERLANGER (baron Rodolphe d’), musicologue français (Boulogne-sur-Seine
1872 - Sidi-bou-Saïd, Tunisie, 1932).
Il s’installa en Tunisie en 1910 afin d’étudier la musique arabe. Il traduisit en français les écrits des grands théoriciens arabes
de la période allant du Xe au XVIe siècle, et
recueillit de nombreuses mélodies populaires d’Afrique du Nord, notamment de
Tunisie, qu’elles soient d’origine hispanoarabe, arabo-berbère, juive ou nègre. Son
oeuvre capitale est la Musique arabe (6 vol.,
Paris, 1930-1959) ; à partir du vol. 3, l’ouvrage fut publié par H. G. Farmer.
ERLEBACH (Philipp Heinrich), compositeur allemand (Esens, Frise, 1657 - Rudolstadt, Thuringe, 1714).
Arrivé en 1678 à la cour du comte von
Schwarsburg-Rudolstadt, il y devint
maître de chapelle en 1681. Il laissa plusieurs centaines de cantates sacrées, et fut
en son temps un des principaux compositeurs d’Allemagne centrale à illustrer le
genre, apparaissant à ce titre comme un
important prédécesseur de Bach.
ERLIH (Devy), violoniste, chef d’orchestre et pédagogue français (Paris
1928).
Il commence l’étude du violon (d’oreille)
avec son père et entre au Conservatoire
de Paris dans la classe de J. Boucherit en
1941. Il obtient son premier prix de violon
en 1945 et, dix ans plus tard, remporte le
premier prix du concours Long-Thibaud.
Nommé professeur au Conservatoire de
Marseille en 1968, il fonde en 1973 les Solistes de Marseille, qu’il dirige. De 1982 à
1995, il est professeur au Conservatoire de
Paris. Il compose Violostries avec B. Parmegiani (1965), le ballet la Robe de plumes
(1965) ainsi que différentes cadences de
concertos.
De son vaste répertoire ressort son
goût pour la musique du XXe siècle, qui
l’amène à créer des oeuvres allant de Milhaud à Constant, en passant par Chaynes,
Tomasi, Loucheur ou Jolivet, dont il interprète également le Concerto pour violon
et dont il a épousé la fille Christine. « Il
rend contemporaine la musique classique
et classique la musique contemporaine »
(M. Fleuret, 1958).
ERLO (Louis), metteur en scène et directeur de théâtre français (Lyon 1929).
De son véritable nom Camerlo, il se forma
avec son oncle Paul Camerlo, directeur de
1949 à 1969 de l’Opéra de Lyon, où luimême signa en 1952 sa première mise en
scène (Lohengrin). Sa première mise en
scène à l’Opéra de Paris fut consacrée à
Iphigénie en Tauride de Gluck (1965), ce
qui lança sa carrière internationale. Il a dirigé l’Opéra de Lyon de 1969 à 1995, date
à laquelle lui a succédé Jean-Pierre Brossmann, et le festival d’Aix-en-Provence à
partir de 1982. Nommé en 1995, son successeur à ce dernier poste, Stéphane Lissner, doit prendre ses fonctions en 1998.
ESCHENBACH (Christoph), pianiste et
chef d’orchestre allemand (Breslau, Silésie, 1940).
Orphelin, il reçoit ses premières leçons
de piano de sa mère adoptive, Wallydore
Eschenbach, et remporte à dix ans le premier prix au concours Steinway de Hambourg. Il poursuit l’étude de l’instrument
avec Hans Otto Schmidt à Cologne, puis
Eliza Hansen à Hambourg. À l’université
de musique de cette dernière ville, il travaille la direction d’orchestre, le violon
et la composition. Il est, en 1962, lauréat
d’un prix décerné par l’union des stations de radio allemandes, et obtient en
1965 un premier prix au concours Clara
Haskil de Lucerne. Parallèlement à une
carrière internationale de pianiste, il entame, en 1973, une carrière de chef d’or-
chestre. Comme pianiste, il consacre une
grande part de son activité à la musique
de chambre, où il se révèle un interprète
d’exception, à la musique à quatre mains
et à deux pianos, ainsi qu’à l’accompagnement de chanteurs de lieder. En soliste, il a
un très vaste répertoire, classique (surtout
Mozart), romantique (Beethoven, Chopin, Schubert, Schumann, Brahms) et moderne (Henze, etc.). Ses interprétations,
au climat expressif très changeant, pleines
d’intuitions fulgurantes, sont souvent très
personnelles.
ESCHENBACH (Wolfram von), poète
allemand (Eschenbach, près d’Ansbach,
Bavière, v. 1170 - ? v. 1220).
C’est à la cour du landgrave Hermann de
Thuringe qu’il écrivit l’essentiel de son
Parzival et c’est là, sans doute, qu’il rencontra Walther et Morungen. Dans Willehalm, il adapta la légende française de
Guillaume d’Orange. Il a laissé 7 chansons
et relancé la mode de la chanson d’aube
(Tagelied), dont il a accentué le caractère
dramatique.
La notoriété de Wolfram von Eschenbach comme poète et comme musicien
fut si durable qu’il apparaît encore dans le
manuscrit de Colmar comme chef de file
des Meistersinger.
ESCHIG (Max), éditeur français (Opava,
Tchécoslovaquie, 1872 - Paris 1927).
C’est en 1907 qu’il fonda sa maison de
la rue de Rome, qui était à l’origine une
filiale de Schott. Interné pendant la Première Guerre mondiale en tant que ressortissant autrichien, il reprit ses activités
en 1919, rachetant divers catalogues français, représentant d’importants éditeurs
étrangers (Breitkopf, Simrock, Schott,
etc.) et se consacrant aussi à une production originale. La maison Eschig a publié
quantité d’oeuvres françaises contemporaines (Ravel, Satie, Milhaud, Poulenc,
Honegger, Françaix, etc.), ainsi que des
partitions de Stravinski, Hindemith, M. de
Falla, Villa-Lobos et Lehar. À la mort de
Max Eschig, elle est devenue une société
anonyme.
ESCRIBANO (Juan), compositeur espagnol (Salamanque ? v. 1480 - Rome
1557).
Venu à Rome en 1502, il y fut chantre à
la chapelle pontificale de 1507 à 1539 et
doyen du collège des chantres à partir
de 1535. On le retrouve plus tard à Salamanque, mais il revint à Rome à la fin
de sa vie. Son oeuvre fait de lui l’un des
grands maîtres de la polyphonie de l’école
castillane, tant dans le contrepoint de ses
oeuvres sacrées (un Magnificat, des motets,
des lamentations) que dans le style syllabique de ses canzoni, dont deux nous sont
connues par un recueil publié à Rome en
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1510. L’Italie l’influença sans faire perdre
à son art une certaine sévérité qui est
propre à l’Espagne.
ESLAVA
rion),
pagnol
1807 -
Y ELIZADO (Don Miguel Hilacompositeur et musicologue es(Burlada, province de Navarre,
Madrid 1878).
Cet ecclésiastique, issu d’une famille
modeste d’origine catalane, fut maître de
chapelle de la cathédrale de Séville (18321847), maître de la chapelle royale (1847),
professeur de composition au conservatoire de Madrid (1854), puis directeur de
cet établissement (1866). Son oeuvre de
compositeur comprend notamment 140
oeuvres sacrées et trois opéras « nationaux » dans lesquels des éléments d’histoire et de folklore espagnols sont présentés dans un langage en fait très influencé
par le style italien. Il écrivit également
plusieurs ouvrages didactiques et fonda
en 1855 la Gaceta musical de Madrid, revue
qui devait être appelée à jouer un rôle
important. Son nom reste enfin attaché à
la publication de la Lira sacrohispana (10
vol., Madrid, 1869), importante anthologie (et la première en date) regroupant des
oeuvres de musique religieuse espagnole
du XVIe au XIXe siècle.
ESQUIVEL DE BARAHONA (Juan), compositeur espagnol (Ciudad Rodrigo v.
1565 - ?, apr. 1613).
Il fut maître de chapelle à la cathédrale
de Salamanque, puis à celle de Ciudad
Rodrigo (1611-1613). On perd ensuite
sa trace. Une publication, présumée posthume, date de 1642, mais il est possible
que le compositeur ne soit mort qu’après
cette date. Il s’agit de son Discours sur l’art
de la danse, publié à Séville, qui traite des
pavanes, gaillardes, etc. Dans ses oeuvres
religieuses, il introduisit le style concertant, assez exceptionnel pour l’époque,
avec une vigueur dont le meilleur exemple
demeure sa Missa de batalla à 6 voix
(1608). Mais, parmi les huit messes qu’il
a laissées, F. Pedrell admirait également sa
Missa pro defunctis (1613). Juan Esquivel
a également composé des psaumes, des
hymnes, des magnificat et des motets :
Motecta festorum et dominicarum cum
communi sanctorum, IV, V, VI et VIII voces
concinnanda (1608).
ESSWOOD (Paul), contre-ténor anglais
(Westbridgford, comté de Nottingham,
1942).
À la mue, sa voix de soprano garçon se
transforme en une voix naturelle d’alto
masculin. Il fait ses études musicales au
Royal College of Music de Londres, appartient jusqu’en 1971 au choeur de l’abbaye
de Westminster et entreprend une carrière
de soliste qui devient vite éclatante grâce
à la beauté de son timbre, d’une extrême
douceur, toujours éloigné du cri, à son art
du chant et au raffinement musical de ses
interprétations. Esswood chante les rôles
d’opéra (Othon dans le Couronnement de
Poppée de Monteverdi, etc.) et les parties
d’oratorio de la musique baroque anglaise
et italienne correspondant à sa tessiture,
mais il a aussi créé à Chicago en 1978 le
rôle de la Mort, écrit à son intention par
Penderecki dans son opéra Paradis perdu.
ESSYAD (Ahmed), compositeur marocain (Sale, Maroc, 1938).
Résidant en France depuis 1962, il a travaillé cette année-là avec Max Deutsch,
mais avait fait auparavant de solides
études dans son pays natal, tant en ce qui
concerne la musique (conservatoire de
Rabat) que la civilisation arabo-islamique.
Héritier de deux cultures, il s’est préoccupé de réaliser la synthèse de la musique
arabo-berbère, dont le support est oral, et
de la musique européenne, de tradition
écrite. Parmi ses oeuvres, Yasmina pour
violon, violoncelle et baryton (1965),
Nadîm pour piano et percussion (1970),
une Symphonie pour grand orchestre
(1971), la suite électroacoustique Sultanes
(1972-73), la cantate pour contralto, trois
groupes de cordes, percussion et récitant
Identité (1974-75), la pièce musicale sur
un texte berbère le Collier des ruses, donnée à Avignon en 1977, l’ouvrage lyrique
l’Eau, créé à Radio-France en 1985, les
Opéras-lumières les Voix du silence et de
la pierre (Avignon, 1994) et l’Exercice de
l’amour (Radio-France, 1995).
ESTAMPIE. (en occitan estampida).
Essentiellement associée à la danse, l’estampie est, selon l’une des définitions
conservées, datant de la fin du XIVe siècle,
une mélodie à danser mais comportant
des paroles, et, selon une autre, une danse
instrumentale sans texte poétique. Populaire au Moyen Âge, elle semble trouver
son origine à la fin du XIIe siècle. Le terme
proviendrait du germanique stampjan
(« frapper ») et c’est justement par un
accompagnement de battements de pieds
et de mains qu’on aidait les jongleurs instrumentistes et joueurs de vièles à donner
à cette danse son rythme enlevé caractéristique. Le sujet le plus souvent évoqué
était l’amour, et l’estampie faisait partie
du répertoire des troubadours. La première pièce connue du genre, peut-être
une adaptation, a été composée vers 1190 ;
il s’agit du célèbre Kalenda maya de Raimbaud de Vaqueiras, troubadour provençal.
ESTERHÁZY. Famille noble hongroise,
elle est passée dans l’histoire de la
musique essentiellement pour avoir eu
Haydn à son service, d’abord comme
vice-maître de chapelle (1761-1766),
puis comme maître de chapelle (17661809).
Originaire de l’est de la Hongrie, elle dut
sa fortune au soutien que, dans les luttes
politiques du XVIIe siècle, elle apporta aux
Habsbourg. D’eux, elle obtint pour son
chef la dignité de baron en 1613, de comte
en 1626 et de prince en 1687. Cette dernière dignité devint héréditaire en 1712,
et fut attribuée à tous les membres de la
branche aînée en 1783.
Le fondateur de la fortune des Esterházy fut Nicolas (1583-1645) qui, en
compensation de domaines perdus à l’est,
reçut en 1622 la souveraineté sur Eisenstadt (en hongrois Kismarton), et en 1626
sur Forchtenstein, localités alors à l’ouest
de la Hongrie, et actuellement à l’est de
l’Autriche. Il eut comme successeurs ses
deux fils Ladislas (1626-1652) et Paul
(1635-1713). Ce dernier, nommé palatin
de Hongrie en 1681, jeta en 1674 les bases
de la chapelle que devait illustrer Haydn,
et fut non seulement mécène éclairé,
mais aussi compositeur : en 1711 parut
à Vienne son Harmonia caelestis, recueil
de 55 cantates sacrées (dont 40 en solo,
6 en duo et 9 chorales) couvrant toute
l’année ecclésiastique. Il fit d’autre part
d’Eisenstadt un centre culturel important.
Ses deux fils Michel (1671-1721) et Josef
(1687-1721) lui succédèrent. À la mort de
Josef, son fils Paul II Anton (1711-1762),
qui devait engager Haydn en 1761, était
mineur. La régence fut exercée jusqu’en
1734 par sa mère Maria Octavia (16861762), veuve de Josef : ce fut elle qui, en
1728, engagea comme maître de chapelle
Gregorius Werner (1693-1766), le prédécesseur de Haydn.
Quatre princes Esterházy eurent Haydn
à leur service : après Paul II Anton, son
frère Nicolas Ier, dit Nicolas le Magnifique
(1714-1790), puis Anton (1738-1794), fils
du précédent, et enfin Nicolas II (17651833), fils d’Anton. Le principal des quatre
fut Nicolas Ier, qui, dans les années 1760,
se fit construire dans la plaine hongroise
un château qu’il baptisa Esterháza, qu’il
rendit digne de Versailles, et dont il fit
sa résidence principale à la place de celui
d’Eisenstadt (cela tout en conservant son
palais à Vienne). Haydn le servit pendant
vingt-huit ans, et c’est sous son règne que
la splendeur des Esterházy atteignit son
apogée. Anton n’aimait pas la musique : il
retourna à Eisenstadt, congédia la troupe
d’instrumentistes et de chanteurs entretenue par son père et pensionna Haydn,
qui put alors accomplir ses deux voyages à
Londres. Quant à Nicolas II, il reconstitua
une troupe et rappela Haydn à son service,
tout en commandant des ouvrages aux
autres compositeurs de l’époque (Messe en
ut de Beethoven en 1807). Dernier prince
Esterházy à entretenir une chapelle importante, il comptait parmi ses fonctionnaires
le père de Franz Liszt, également violondownloadModeText.vue.download 358 sur 1085
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celliste dans son orchestre. Il eut comme
successeurs Paul III (1785-1866), Nicolas III (1817-1894), Paul IV (1843-1898),
Nicolas IV (1869-1920), et enfin Paul V
(Dr Paul Esterházy), douzième et dernier
prince de la lignée directe, né en 1901 et
mort sans descendance en 1989, après
n’avoir disposé, depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale, que de ses biens situés
en Autriche (dont les châteaux d’Eisenstadt et de Forchtenstein), et plus de ceux
situés en Hongrie (dont le château d’Eszterháza). C’est lui qui, en 1932, fit élever à
Haydn dans la Bergkirche d’Eisenstadt un
mausolée où le compositeur est inhumé
depuis 1954. Parmi les membres de la
branche cadette, le comte Franz (17171785), pour les funérailles duquel Mozart
écrivit sa Musique maçonnique funèbre
(ou Ode funèbre) K. 477, et le comte Karl
(1775-1834), qui engagea Schubert pour
donner des leçons à ses filles.
ESTEVE (Pablo), compositeur espagnol
(Catalogne, peut-être Barcelone ?, v.
1730 - Madrid 1794).
Venu à Madrid vers 1760 comme maître de
chapelle d’une maison ducale, il ne tarda
pas à devenir le compositeur en vogue des
théâtres madrilènes. Il écrivit plusieurs
centaines de tonadillas, des zarzuelas, une
foule de petites oeuvres scéniques diverses,
et des adaptations d’opéras italiens, par
exemple de La Buona Figliola de Piccinni.
Son oeuvre, vite oubliée, fut redécouverte
par Pedrell et Joaquín Nin.
ESTRELLA (Miguel Angel), pianiste argentin (San Miguel de Tucuman 1936).
Il commence ses études musicales en
1955 au Conservatoire de Buenos Aires
avec le pianiste Oreste Castronuovo et
les poursuit auprès de Celia de Bronstein et des compositeurs Erwin Leuchter
et Jacobo Fischer. De 1965 à 1970, grâce
à des bourses et prix obtenus dans des
concours internationaux, il réside en Europe, principalement à Paris et Londres. Il
y a travaille avec M. Long, V. Perlemuter,
T. Osborne, M. Curcio, M. Tagliafero, Y.
Loriod. De 1968 à 1971, il est l’élève de
Nadia Boulanger. La première partie de
sa carrière se déroule en majeure partie
en Amérique latine. En 1977, il est emprisonné et torturé en Uruguay pour avoir
accueilli un opposant au régime en place.
Grâce à l’action d’un comité de soutien
présidé par Nadia Boulanger, Yehudi Menuhin et Henri Dutilleux, il est libéré en
1980 et vit depuis en France. Il a publié en
1983 Musique de l’espérance.
ETCHEVERRY (Henry Bertrand), bary-
ton-basse français (Bordeaux 1900 Paris 1960).
Il fit une brillante carrière à l’Opéra de
Paris où, à partir de 1932, il incarna entre
autres Méphistophélès dans Faust et la
Damnation, Sparafucile dans Rigoletto, le
Roi dans Aïda et Hamlet, Boris Godounov, Don Juan, Saint-Bris dans les Huguenots, Fasolt dans l’Or du Rhin, Hunding,
puis Wotan dans la Walkyrie. Il chanta
aussi à l’Opéra-Comique (débuts en 1937
dans Pelléas et Mélisande), et fut pendant
quinze ans, dans cette dernière oeuvre, un
Golaud sans rival.
ETCHEVERRY (Jésus), chef d’orchestre
français (Bordeaux 1911 - Paris 1988).
Professeur de violon au conservatoire de
Casablanca et violon solo à l’Opéra de
cette ville, Jésus Etcheverry était déjà attiré par la direction d’orchestre quand, en
1943, une défection lui fournit l’occasion
de monter au pupitre. Ses débuts au pied
levé furent si convaincants que Léon Ledoux, directeur du théâtre, le maintint à ce
poste. De retour en France après la guerre,
il fut engagé par Marcel Lamy au Grand
Théâtre de Nancy, auquel il est resté fidèle
malgré d’innombrables prestations dans le
reste de la France et à l’étranger. En 1957,
notamment, il a été appelé à l’Opéra-Comique et y est resté dix ans, dirigeant aussi
un certain nombre de représentations à
l’Opéra. Mais c’est à Nancy qu’il a décidé
de prendre sa retraite, en mars 1981, après
y avoir dirigé l’un de ses ouvrages de prédilection, Werther, qu’il a d’ailleurs enregistré. Essentiellement chef de théâtre, il
a particulièrement bien servi le répertoire
français.
ÉTENDUE.
Malgré quelque flottement dans la terminologie, le sens de ce terme, proche de
celui d’ambitus, diffère de celui de registre
et tessiture en ce qu’il désigne la totalité
des sons conjoints accessibles à une voix
ou à un instrument déterminé, quel qu’en
soit le mode d’émission, alors que les deux
termes sus-indiqués concernent plus particulièrement les sons favorables à une
bonne émission. L’extrême aigu ou l’extrême grave d’une voix, utilisables exclusivement de manière occasionnelle, appartiennent ainsi en principe à son étendue,
mais non à sa tessiture.
ETHNOMUSICOLOGIE.
Ce concept recouvre une discipline d’origine récente. Le mot a été utilisé pour la
première fois vers 1945 par le Hollandais
Jaap Kunst, spécialiste de la musique indonésienne. Définie comme « l’étude des
musiques non européennes et du folklore
de l’Europe », ou bien comme « la musicologie des civilisations dont l’étude constitue le domaine traditionnel de l’ethnologie » (Gilbert Rouget), l’ethnomusicologie
a eu quelque difficulté à déterminer ses
buts, ses limites et ses méthodes. Partant
du principe que son objet est l’étude, sous
tous ses aspects, du phénomène musical
dans les civilisations de tradition orale,
elle inclut dans son domaine les musiques
dites « primitives » de l’Afrique et de
l’Océanie, les musiques savantes de l’Asie
et le folklore occidental dont elle étudie,
selon les mêmes méthodes, les systèmes
musicaux, les gammes, les intervalles, les
instruments de musique ainsi que le rôle
de la musique dans la société. Cela soulève inévitablement quelques questions,
en particulier en ce qui concerne la transcription employée comme base d’analyse.
Le fait qu’il existe, dans les différentes
civilisations, des conceptions diverses
de ce que l’on appelle génériquement la
musique a toujours été reconnu. Les Grecs
parlaient des modes lydien ou phrygien
visiblement empruntés à d’autres cultures
que l’athénienne. Les traités sanscrits sur
la musique employaient l’expression déshi
sangita (« musique des différents pays »)
qui rappelle les « musiques nationales »
de l’Union soviétique. Des orchestres du
Népal et du Champa (Indochine) étaient
invités à certaines époques à la cour de
Pékin.
C’est à la fin du XVIIIe et surtout au
début du XIXe siècle que le monde occidental a commencé à s’intéresser à la
philosophie, à la littérature et aux arts
plastiques des autres civilisations. Mais
alors que la sculpture et la peinture de la
Grèce, de l’Inde, de la Chine, et plus tard
de l’Afrique, n’étaient en rien considérées
comme primitives ou inférieures à l’art
contemporain de l’Europe, il n’en était
pas de même pour la musique. La littérature musicale occidentale, grâce à un
système de notation remarquable, avait
connu un développement si important,
les musiciens y voyaient un « progrès » si
évident que toutes les autres conceptions
de l’art musical se trouvaient reléguées,
à leurs yeux, à un état de prémusique,
d’art sous-développé, de balbutiements de
peuples qui n’avaient pas encore découvert l’harmonie. Le problème du musicien
devant une musique qui lui est étrangère
est qu’il la juge du point de vue de celle
qui lui est familière, considérée comme
la norme. Dans les Soirées d’orchestre, où
il rendait compte de l’Exposition universelle de Londres (1851), Berlioz écrivait :
« Les Chinois et les Indiens auraient une
musique semblable à la nôtre s’ils en
avaient une, mais ils sont à cet égard plongés dans les ténèbres les plus profondes de
la barbarie et dans une ignorance enfantine où se décèlent à peine quelques vagues et impuissants instincts ; de plus les
Orientaux appellent musique ce que nous
nommons charivari... Le peuple chinois
chante comme les chiens aboient, comme
les chats vomissent quand ils ont avalé une
arête. »
Les anciennes traditions musicales de
l’Europe furent elles aussi considérées
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
353
comme du folklore, un art primitif, plus
ou moins spontané, alors qu’il s’agissait
souvent d’anciens systèmes musicaux
obéissant à des règles très élaborées. A.
Varagnac, dans sa Définition du folklore
(1938), n’hésite pas à écrire : « Le folklore ce sont les croyances collectives
sans doctrine, les pratiques collectives
sans théorie », conception typiquement
romantique analogue à celle de la vie qui
naît spontanément du fumier. Ce point
de vue fut, plus ou moins implicitement,
étendu à l’étude de la musique des autres
continents.
L’ÉCRITURE MUSICALE.
Des formes de notation musicale étaient
connues en Inde et en Chine bien
des siècles avant l’Europe, mais elles servaient seulement à indiquer des thèmes
et des modes et non comme base d’exécution. Le gagaku japonais utilisait toutefois un système assez complet. Dans la
psalmodie religieuse de l’Europe médiévale, comme dans le chant védique, des
neumes, signes indicatifs placés au-dessus
des paroles des chants, étaient employés.
Une notation syllabique analogue au solfège, qui existait déjà en Inde au Ve siècle
avant notre ère, est toujours en usage.
Il existe par ailleurs en Inde une notation mnémotechnique très élaborée des
rythmes qui n’a d’équivalent dans aucune
autre civilisation.
La notation peut avoir trois buts différents. Elle peut être un aide-mémoire
permettant de rappeler les grandes lignes
des modes ou des thèmes que l’exécutant
développe et sur lesquels il improvise ; elle
peut être un moyen d’analyse, d’étude,
de comparaison intéressant uniquement
les théoriciens ; elle peut être aussi une
description détaillée de ce que le musicien doit exécuter, comme c’est le cas de
la musique occidentale qui semble un
cas unique. Toutefois, une transcription
n’est jamais complète. Certains éléments
d’attaque des sons, de style, de mouvement, d’ornement restent de tradition
orale. C’est pourquoi, même en Occident,
l’interprétation d’une oeuvre écrite peut
varier considérablement.
L’expérience montre que les tentatives
d’écriture détruisent les subtilités d’intonation, le sentiment poétique, la faculté
d’improvisation et la virtuosité rythmique
qui sont l’essentiel de la musique indienne,
iranienne ou arabe. Même en Europe,
certaines formes de musique telles que
le jazz, le flamenco, la musique tzigane
perdent tout caractère si on cherche à les
jouer d’après une partition écrite. Chez
les peuples qui n’utilisent pas l’écriture,
la transmission des oeuvres musicales se
fait, comme pour la littérature, par tradition orale, qui n’est pas nécessairement
moins efficace ou moins précise que la
tradition écrite. La musique indonésienne
n’est pas moins complexe que la musique
européenne et obéit à des règles aussi
formelles. Il existe pour toute musique
un « corpus référentiel » et des méthodes
pour le transmettre. Dans la musique de
l’Inde, en dehors des définitions théoriques très complètes, l’instrumentiste
utilise souvent de petits poèmes chantés
qui l’aident à se remémorer les caractéristiques d’un mode particulier avant de
commencer à jouer. L’écriture n’est donc
pas un critère absolu et peut, dans certains
cas, apparaître comme un facteur négatif.
Les premières approches des musiques
de tradition orale de l’Europe et des
autres continents se firent sur la base de
transcriptions souvent très approximatives. Dans son Dictionnaire de la musique
(1768), J.-J. Rousseau présente des notations d’un « air chinois », d’une « chanson
des sauvages du Canada », d’une « chanson persane ». La transcription utilisée
comme méthode dans l’ethnomusicologie et les études modernes de folklore ne
peut indiquer qu’un squelette approximatif des mélodies transcrites et ne permet
pas d’en apprécier l’esthétique ou l’action
psychologique. Elle ne peut en aucun cas
être employée comme base d’exécution,
car elle ne permet pas d’en reproduire le
style, la vitalité, les variations, qui sont
des éléments essentiels de la musique de
tradition orale, laquelle se trouve dépouillée de sa signification, de sa raison d’être.
Herzog, dans sa Musical Topology in Folksongs (1937), disait déjà que la transcription « falsifiait » la musique populaire. Les
limites que l’écriture pose à la musique
constituent un problème que le musicien
occidental doit lui aussi aujourd’hui affronter. « La musique contemporaine, en
refusant de plus en plus l’espace du texte,
brise le cadre qui la situait comme un
genre achevé jusqu’alors... Dans le même
temps que la musique occidentale - et en
partie sous l’influence des musiques extraeuropéennes - se dégage du privilège de
l’écrit, l’ethnomusicologie le reprend à
son compte... pour tenter d’y insérer les
musiques de tradition orale » (François
Caillat).
L’ÉTUDE DES THÉORIES MUSICALES.
Avant l’apparition de l’ethnomusicologie, considérée comme une discipline à
part, un certain nombre de musicologues
avaient entrepris des travaux qui s’appuyaient sur les théories musicales et non
pas seulement sur les hasards de l’écoute.
Les premières tentatives ont été le Mémoire sur la musique des Chinois (1779)
du père Amiot, suivi du Mémoire sur la
musique de l’ancienne Égypte (1816) de
Villoteau, commandé par Bonaparte. Le
Résumé philosophique de l’histoire de la musique de Fétis parut en 1852. En 1886, Carl
Stumpf publia un article sur les Chants des
Indiens Bellakula. De 1812 à 1824, Albert
Lavignac et Lionel de la Laurencie réunirent dans l’Encyclopédie de la musique
et dictionnaire du Conservatoire une série
d’études sur la musique de la Chine, de
l’Inde, de la Turquie, etc., qui restent des
documents de premier ordre. Jaap Kunst
publia son important ouvrage sur la musique indonésienne De Toonkunst van Bali
en 1925, suivi de Music in Java (1949).
Alain Daniélou publia en 1943, à Londres,
son Introduction to Musical Scales, suivi,
en 1949, de Northern Indian Music. Entretemps, le baron Rudolf d’Erlanger avait
publié sous le titre de la Musique arabe, de
1930 à 1959, six volumes de traductions
commentées des traités arabes du Moyen
Âge sur la musique (al Farabi, Safi ud din,
Avicenne, etc.) et des études sur les genres
et les systèmes musicaux. Dans l’Encyclopédie Fasquelle de la musique (1958),
dirigée par François Michel, plusieurs
articles concernant l’Asie sont fondés
sur une étude musicale et pas seulement
ethnomusicologique. L’Institut d’études
comparatives de la musique de Berlin a
publié, depuis 1966, en français, anglais
et allemand, une série d’ouvrages basés
sur les théories musicales des différentes
cultures.
LES UTILISATEURS.
Certains musiciens occidentaux se sont
intéressés à noter des mélodies populaires
ou orientales surtout afin de les utiliser
dans leurs compositions et de donner
ainsi à celles-ci un caractère national.
Nul n’ignore la Marche turque de Mozart,
empruntée d’ailleurs à une version hongroise, et beaucoup plus mozartienne que
turque. Balakirev fut le premier à recueillir
les mélodies populaires des moujiks.
D’autres compositeurs russes, de Borodine à Stravinski, s’inspirèrent de mélodies populaires. Bartók nota une quantité
considérable de chants hongrois et roumains qu’il utilisa dans son oeuvre. Les
Espagnols (Falla, Granados) mais aussi
Bizet et Ravel s’inspirèrent du cante jondo
et du flamenco. Debussy a été fortement
impressionné par la musique indonésienne. Ces transpositions dans un autre
idiome, si elles peuvent servir à donner
une sorte de couleur locale, ne sont que
des aperçus pittoresques qui ne donnent
aucune idée des possibilités expressives
des langages musicaux dont elles prétendent s’inspirer. J.-S. Bach avait été l’un
des premiers à utiliser des airs populaires,
mais une bourrée de Bach ne permet pas
de reconstituer le style des danses dont
il a emprunté les thèmes. Les emprunts
par les musiciens occidentaux de phrases
provenant d’autres langages musicaux les
dénaturent et ne laissent rien subsister
de leur signification profonde, de ce que,
dans leur propre idiome, ils permettent
d’exprimer. Il en est de même pour les
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
354
essais d’harmonisation de la musique modale indienne ou arabe.
L’ENREGISTREMENT.
Ce fut la découverte de l’enregistrement
qui permit à des musicologues d’étudier en laboratoire des fragments fixés
de formes musicales de tradition orale.
L’enregistrement sur cylindre, à l’aide du
phonographe Edison, permit de recueillir
de brefs mais nombreux documents qui
pouvaient être ensuite analysés et commentés sans contact direct avec les musiciens des peuples concernés. En Europe de
l’Est, Béla Vikar avait recueilli, en 1889, les
chants épiques de la Carélie finlandaise. Il
fut le premier à utiliser le phonographe et
créa la première phonothèque de Budapest. Après lui, Béla Bartók, assisté par
Zoltán Kodály, enregistra des milliers de
mélodies hongroises, slovaques, turques,
arabes, serbo-croates, ukrainiennes et
bulgares. C’est également en 1889 que J.
W. Fewkes réalisa aux États-Unis les premiers enregistrements des Indiens Zunis
et Passamoquoddy. En 1900, le docteur
Azoulay procéda à des enregistrements
lors de l’Exposition universelle à Paris.
En 1902, le Phonogrammarchiv de Berlin
débuta grâce à la visite en Allemagne de
l’orchestre de la cour du Siam. Ce centre,
auquel collaborèrent Carl Stumpf, Erich
von Hornbostel, Robert Lachmann et Curt
Sachs, joua un rôle capital. Il fut à l’orgine
des méthodes créées pour l’analyse des
formes musicales des diverses cultures par
la suite employées partout ailleurs. À la
même époque, le Finlandais Ilmari Krohn
établit un système de classification des
mélodies populaires. C’est principalement
des travaux du Phonogrammarchiv que
naquit ce que l’on devait plus tard appeler
ethnomusicologie, qui développa peu à peu
des théories souvent contestables sur les
origines de la musique et sur le rôle de la
musique dans la société ainsi que sur les
instruments de musique. Des transcrip-
tions à fins d’analyse fondées sur des enregistrements forment un des principaux aspects de la méthode ethnomusicologique.
Mais lorsqu’il s’agit de formes improvisées
qui diffèrent à chaque exécution et dont
on ne connaît pas les thèmes de base, ce
genre de travail risque de rester hors de la
réalité. Le Phonogrammarchiv fut fermé
à l’époque du nazisme. Plusieurs de ses
experts, tels que Curt Sachs et George Herzog, poursuivirent leur travail aux ÉtatsUnis. En 1929, Constantin Braïloiu avait
créé à Bucarest les archives roumaines
de folklore. Réfugié plus tard à Genève, il
joua un rôle important dans la formation
de l’ethnomusicologie française. Le département d’ethnomusicologie, créé en 1944
au musée des Arts et Traditions populaires, est, depuis sa fondation, dirigé par
Claudie Marcel-Dubois. Gilbert Rouget,
au musée de l’Homme, s’intéresse principalement à la musique africaine.
Des collectionneurs, tels que Henry
Balfour en Angleterre, avaient commencé
à réunir d’importantes collections d’instruments de musique dits « primitifs ».
Le musée de Terwuren en Belgique possède une vaste collection d’instruments
principalement africains. Ces instruments furent analysés et décrits sans tenir
compte des techniques des luthiers qui les
construisaient, ni de l’habileté des musiciens qui les utilisaient. Curt Sachs publia
une History of Musical Instruments (1940),
André Schaeffner, son Origine des instruments de musique, en 1936. Tran Van Khe,
à Paris, prépare une importante étude
comparative des instruments de musique
chinois, vietnamiens, coréens, mongols et
japonais. Les méthodes de classification
proposées diffèrent peu de celles des anciens traités hindous. Il aura fallu attendre
1980 pour qu’un luthier italien, Paolo
Ansaloni, s’intéresse aux secrets de la
technique indienne, aux proportions des
instruments, aux bois et aux vernis utilisés
qui ne sont pas moins étonnants que ceux
de Stradivarius.
ART MUSICAL OU MUSIQUE ETHNIQUE.
Les valeurs d’art ne font pas normalement partie des préoccupations des ethnologues. La Revue du musée de l’Homme
(Paris) de 1967 mentionne, à propos du
fonds discographique du musée, une
« rubrique destinée à annoncer régulièrement les disques de musique «primi-
tive et exotique« ». Dans le département
d’ethnomusicologie, des enregistrements
de clarines de vaches savoyardes, des
sonogrammes de bergers des Pyrénées,
voisinent avec des ragas exécutés par Ravi
Shankar, considérés comme un matériel
intéressant essentiellement les « hommes
de science ». Parlant de la musique de
l’Inde, le célèbre ethnomusicologue allemand Marius Schneider n’hésitait pas à
dire : « Ces musiques nous intéressent
en tant qu’objets d’études scientifiques.
Mais la musique c’est Bach et Mozart. » Ce
genre de point de vue semble aujourd’hui
dépassé. Il existe une tendance, particulièrement aux États-Unis, à remettre à sa
place le concept d’ethnologie et à ramener les diverses disciplines groupées artificiellement dans l’ethnomusicologie aux
catégories plus générales de musicologie,
d’organologie, de sociologie de la musique
qui s’appliquent également à la musique
occidentale. Le musicologue américain
Charles Seeger considère que la musique
dans son ensemble concerne la musicologie et que des termes tels que musicologie historique ou ethnomusicologie sont
malheureux. De même, François Caillat
remarque : « En prenant les musiques de
tradition orale pour objet d’étude, l’ethnomusicologie semble recéler un paradoxe...
Si la méthode d’enquête et de collecte se
dessine effectivement très vite, il n’en est
pas de même des buts... L’ethnomusicologue, en voulant chercher les différentes
modalités du fait musical, ne se donne-t-il
pas une méthode sans objet réel ? »
Considérer la musique écrite comme
un domaine à part est probablement une
erreur. Le langage parlé ou musical évolue
par tradition orale et non sur la base de
l’écrit. Il ne faut pas confondre langage et
littérature. Il apparaîtrait plus normal de
considérer la musique occidentale comme
un cas particulier dans le cadre d’une musicologie générale, fondée sur la tradition
orale et l’aspect audible de la musique, que
comme l’objet d’une musicologie considérant essentiellement l’aspect écrit, c’est-àdire la méthode de fabrication et de transmission. La musique comme phénomène
social n’est pas vraiment différente en Occident de ce qu’elle est dans d’autres civilisations. On ne peut parler d’organologie
sans tenir compte de l’origine asiatique de
beaucoup d’instruments tels que le luth
(de l’arabe el ud), le violon, la guitare. Une
meilleure connaissance des valeurs d’art
musical des autres civilisations conduira
probablement à une reconsidération de
ce que l’on a appelé, un peu hâtivement,
ethnomusicologie.
La grande musique de l’Inde, de la
Chine, du Japon, de l’Indonésie est le fruit
d’une philosophie, d’une esthétique, d’une
théorie complexe résultant d’une longue
évolution. Elle est apte à exprimer les
émotions les plus subtiles et les plus profondes. En tant que « langage de l’âme »,
elle reprend peu à peu la place qui lui était
due parmi les autres arts. Quelles que
soient les structures qu’il emploie, on ne
peut séparer un langage de sa signification
puisque c’est sa raison d’être. Il en est de
même du langage musical qui n’a d’autre
sens que ce qu’il permet d’exprimer à
ceux qui l’emploient. Dans une thèse
publiée en 1977, le musicien indonésien
Sutarno explique : « Quelles que soient les
conclusions apportées par les chercheurs
étrangers dans leurs essais d’histoire de la
musique javanaise, je ne peux entrer dans
leurs considérations puisque le musicien
javanais c’est moi, que je ressens ainsi la
musique, que je la pratique dans cet état
d’âme et que l’histoire de la civilisation
javanaise m’appartient. »
LE RETOUR AUX VALEURS D’ART.
L’apparition de la bande magnétique,
puis celle du magnétophone portatif, qui
permettaient des enregistrements faits
sur place dans les régions les plus reculées, suivis du disque microsillon qui en
permettait une large diffusion, donnèrent
une dimension nouvelle à la musique de
tradition orale. On recréait, par l’enregistrement, un objet musical supérieur en
fait à la partition puisqu’il inclut, dans le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
355
moindre détail, tous les éléments d’expression, de style, de mouvement, que la
partition ne peut au mieux que suggérer.
C’est donc seulement depuis le milieu
du XXe siècle que l’art musical des différentes civilisations de tradition orale a pu
prendre sa place auprès du grand public,
d’abord par des séries de disques de haute
valeur artistique, en particulier les collections de disques de l’Unesco. La première
anthologie de la musique classique de
l’Inde fut publiée par Ducretet-Thomson
en 1955. C’est en grande partie grâce au
disque qu’une place de plus en plus importante a pu être accordée aux musiciens
traditionnels et aux spectacles musicaux
de l’Asie et de l’Afrique dans les programmes de concerts auparavant réservés
à la musique occidentale. L’appropriation
par l’ethnomusicologie de la musique de
l’Asie et de l’Afrique, considérée comme
primitive parce que non écrite, devait
aller de pair avec son appréciation par
un public musicien de plus en plus vaste
qui en admirait les chefs-d’oeuvre. D’assez
nombreux jeunes musiciens occidentaux
étudient aujourd’hui la musique indienne
et en deviennent des interprètes valables.
Mantle Hood à l’université de Californie à
Los Angeles (UCLA) a constitué un gamelan javanais et établi un important centre
d’enseignement pratique de la musique
indienne et indonésienne. À Paris, un musicien vietnamien, Tran Van Khe, dirige,
dans le cadre de l’Institut de musicologie,
un centre d’études de musique orientale.
Un centre d’enseignement a été créé à
Venise sous la direction de Ivan Vandor.
À l’Institut d’études comparatives de la
musique créé à Berlin en 1963 et à Venise
en 1970 pour la diffusion, dans la culture
générale, de l’art musical des diverses civilisations de l’Asie et de l’Afrique, le terme
ethnomusicologie a été banni comme
représentant un eurocentrisme fleurant
le colonialisme, et inacceptable pour les
musiciens des cultures extra-européennes
qui restent stupéfaits et outragés lorsque
l’on prétend étudier, sans les consulter,
leur art musical comme s’il s’agissait d’un
art enfantin, plus ou moins spontané, analogue au bruissement des insectes ou au
chant des oiseaux.
L’ethnomusicologie, qui a rendu des
services indéniables, apparaît aujourd’hui,
grâce au contact des cultures, une conception dans beaucoup de cas dépassée et
dont les méthodes sont à reconsidérer.
Menacée dans ses privilèges, elle devra
peu à peu s’adapter à son rôle devenu secondaire, les valeurs d’art triomphant de
la curiosité ethnologique.
ETKIN (Mariano), compositeur argentin
(Buenos Aires 1943).
Ses études à Buenos Aires, puis en Europe,
l’ont mis en contact avec des personnali-
tés aussi diverses que Boulez (1965-66, à
Bâle), Ginastera, Maurice Le Roux, Earle
Brown, Xenakis, Sessions. Il a également
étudié la musique électronique à l’université d’Utrecht avec Gottfried Koenig
et a travaillé à la Juilliard School de New
York avec Berio (1969-70). Il a remporté
de nombreux prix de composition internationaux, notamment celui de la radio
hollandaise avec Elipses pour orchestre à
cordes (1969). Pianiste et chef d’orchestre
spécialisé dans la musique contemporaine,
il est devenu une des personnalités les plus
actives de la musique argentine. L’éclectisme de son style de composition reflète
les nombreuses influences qu’il a subies.
Il a abordé le domaine de la musique
aléatoire avec un Quintette à vent (1961).
On peut citer parmi ses oeuvres Distancias pour piano (1968) et des pièces pour
différentes formations instrumentales :
3 Parabolas pour orchestre de chambre
(1963), Entropias pour 7 cuivres (1965),
Estáticamóvil I et II (1966), etc.
ÉTOUFFOIR.
Petite pièce du mécanisme d’un piano
consistant en un morceau de bois garni de
feutre (au clavecin, un bout de feutre sans
support), qui s’applique à chaque corde
pour l’empêcher de vibrer.
L’enfoncement de la touche libère la
corde de l’étouffoir tout en déclenchant
l’action du marteau (piano) ou du sautereau (clavecin). Si on lâche ensuite la
touche, l’étouffoir retombe sur la corde,
coupant net le son. Au piano, la pédale de
droite permet de retarder ce mouvement
de l’étouffoir et l’interruption du son.
ÉTUDE.
Mot désignant, dans la tradition occidentale, un genre musical (plutôt qu’une
forme) représenté par des pièces à vocation didactique, généralement destinées
à un instrument soliste (le plus souvent
au piano, mais aussi au violon, à la guitare, à la flûte, etc.), pièces plutôt courtes
et groupées en recueils (souvent par 6, 12
ou 24) et dont chacune explore un problème spécifique de technique musicale :
le plus souvent de technique d’exécution
instrumentale, parfois aussi de technique
d’écriture.
Il arrive même que certaines études
pour piano (de Czerny, par exemple)
soient de purs exercices digitaux, sans
ambition musicale. Le genre de l’étude au
sens moderne s’est développé surtout au
XIXe siècle, mais déjà dans la musique ancienne et baroque furent publiés nombre
de recueils didactiques destinés à faire
assimiler la technique d’un instrument
soliste comme le clavecin ou l’orgue : les
Lessons de Purcell ou Haendel, les Sonates
de Domenico Scarlatti, publiées en Italie
comme « Esercizi » (« exercices ») et en
Angleterre comme « Lessons », les pièces
pédagogiques de Telemann (le Parfait
Maître de musique) sont, en quelque sorte,
des études. Les très nombreuses pièces
pédagogiques de Jean-Sébastien Bach
(dont le Clavier bien tempéré) ne sont pas
centrées sur des problèmes précis de technique ou de doigté, mais veulent faire assimiler le langage musical en même temps
que le mécanisme instrumental. Si la virtuosité existe déjà à part entière (dans certains préludes du Clavier bien tempéré, par
exemple), elle ne constitue pas encore un
terrain spécialisé, illustré par des oeuvres
spécifiques.
C’est au XIXe siècle que le développement de la technique pianistique (et
aussi violonistique), avec l’apparition des
grands virtuoses comme Paganini, Liszt,
Hummel, suscite la floraison de multiples
recueils d’études explorant des difficultés spécifiques de l’instrument : gammes,
arpèges, trilles, tierces, octaves, accords
parallèles, etc., pour le piano, doubles
cordes et traits rapides pour le violon.
L’étude devient, comme dit Roger Wild,
« l’analyse en action d’une formule technique », une espèce de décomposition, par
la répétition, d’une difficulté particulière.
Symétriquement, à la virtuosité croissante de certaines études correspond souvent une simplification compensatrice du
langage et de la structure musicale : une
étude pour piano est souvent (mais pas
toujours) de forme élémentaire, binaire
parfois, construite sur une base mélodique
et harmonique évidente, même si elle est
très ornementée, afin de mettre en valeur
la prouesse technique. Cela n’empêche
pas la musicalité. Dans les belles Études de
Chopin, par exemple, si on cherche l’armature harmonique et mélodique derrière
la virtuosité et les détails d’écriture « audacieux », on la trouve souvent robuste
et simple, comme dans les improvisations
échevelées du jazz classique, où intervient
le même principe de compensation : souplesse et virtuosité de l’élocution, de la parole musicale, sur la base d’une « langue »
simplifiée.
Paradoxalement, le genre de l’étude
conduit à deux extrêmes : des pièces de
difficulté élémentaire pour débutants ou
amateurs (chez Czerny, Bertini, Steibelt,
Clementi, parfois) et des morceaux de
bravoure, de très haute virtuosité, accessibles, comme disait Schumann, à une
demi-douzaine d’artistes dans le monde.
Le XIXe siècle romantique est donc le siècle
des grands cahiers d’études pour clavier,
de Jean-Baptiste Cramer (Étude en 42
exercices, 1804-1810), de Muzio Clementi
(Gradus ad Parnassum, 1817-1826, méthode en 100 études progressives et doigtées, parodiée par Debussy dans Children’s
Corner), de Johann-Nepomuk Hummel
(24 Études op. 125 pour le piano), d’Ignaz
Moscheles (qui agrémentait certains de
ses morceaux didactiques en les traitant
en « pièces de genre »), de Karl Czerny,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
356
d’Istvan Heller, élève du précédent (plus
de 100 études), de Daniel Steibelt, Theodor Kirchner, Franz Kalkbrenner, etc.
Mais c’est surtout avec Franz Liszt, Frédéric Chopin, Charles-Valentin Alkan,
Sigismond Thalberg que l’étude dépasse sa
destination pédagogique, à usage domestique et privé, pour devenir un « cheval de
bataille » dans les concerts. Curieusement,
c’est l’exemple, non d’un pianiste, mais
d’un violoniste, le phénoménal et magique
Paganini, qui encouragea les compositeurs-pianistes à se surpasser dans cette
voie. Ses 24 Caprices pour violon solo
fascinèrent ceux-ci, et leur inspirèrent
de multiples transcriptions, adaptations,
variations pour le piano, qui sont autant
d’études : les 6 Études d’après Paganini de
Liszt (1838), dont la Chasse et la célèbre
Campanella ; les 2 séries d’Études de Schumann, op. 3 et op. 10, les 2 cahiers de Variations de Brahms sur le thème du Caprice
en « la » mineur (1862-63), sans compter
les adaptations de Rachmaninov, Dallapiccola, etc. L’exemple de Brahms illustre
la proximité entre le genre de l’étude et
celui de la variation, laquelle consiste aussi
à greffer sur un thème simple, à la progression harmonique et à la carrure évidentes,
une ornementation de traits instrumentaux, d’accords, de distorsions multiples,
dans un souci de renouvellement et de
brio qui conduit à traiter chaque variation
comme un « ostinato » utilisant une formule technique privilégiée.
En 1827, Liszt publia (à seize ans) une
Étude en 12 exercices (il en prévoyait 12
autres, pour parcourir tous les tons majeurs et mineurs), exercices qu’il retravailla plus tard (1837, 1839, 1854), les
enluminant, les compliquant de nouvelles
difficultés, pour en faire les fameuses 12
Études d’exécution transcendante (1851),
dont la plupart sont agrémentées de soustitres descriptifs : Paysage, Mazeppa, Feux
follets, Harmonies du soir, Chasse-Neige,
etc. On doit aussi à Liszt 2 Études de
concert (Dans les bois, Ronde des lutins) et
l’{‘}Etude de perfectionnement « ab irato »
(en colère) écrite spécialement pour un
recueil d’études rassemblé par Moscheles
et Fétis, la Méthode des méthodes. C’est
pour ce même recueil que Chopin écrivit
en 1840 3 Études qui ne figurent pas dans
ses 2 fameux cahiers op. 10 et op. 25, de 12
Études chacun.
Si l’on retrouve ce chiffre de 12 (ou 6,
ou 24) dans maint recueil d’études, c’est
sans aucun doute par référence à Bach (et
à son Clavier bien tempéré) considéré par
les romantiques comme le père de l’étude,
et pas toujours pour épuiser les 12 tons.
Ainsi les 24 Études de Chopin n’utilisent
que 7 tons majeurs et 8 tons mineurs. Le
premier cahier, op. 10, dédié à Liszt, fut
écrit entre l’âge de dix-huit et vingt-quatre
ans, et les morceaux ne comportent pas
de sous-titres (ceux de Tristesse et d’Étude
révolutionnaire, pour la dernière, sont
dus à l’imagination d’amis, d’éditeurs, ou
d’adaptateurs). Malgré des combinaisons
harmoniques complexes, des modulations
hardies, des chromatismes osés, il est clair
que ces études explorent d’abord des problèmes techniques. C’est la suggestion des
doigts qui commande l’idée musicale, le
jeu qui guide l’écrit, et non l’inverse. On
a donc des études centrées sur l’extension
de la main en vastes arpèges (1re), l’attaque
et le chevauchement des doigts faibles (2e),
l’utilisation exclusive des touches noires
(5e), le passage du pouce (8e), les accords
en sixtes brisées (10e), les accords arpégés
aux deux mains (11e), etc. À deux ou trois
exceptions près, dont le fameux Tristesse
en mi majeur, lent et mélodique, la plupart des morceaux sont de tempo rapide,
d’essence
dynamique et du type « mouvement
perpétuel » en ostinato, une seule difficulté
étant ressassée dans chaque étude. Par un
biais apparemment sophistiqué, l’étude
romantique de piano retrouve la virtuosité bondissante et répétitive de certaines
musiques orales (indienne ou africaine),
où le musicien tourne de la même façon
autour d’une cellule musicale dynamique,
comme pour l’épuiser. La deuxième série
des 12 Études, op. 25, explore de même
des arpèges (1re), des tierces chromatiques (6e), des sixtes enchaînées (8e), des
octaves parallèles aux deux mains (10e).
La 9e étude, dite « Papillon », peut être
dite « étude de toucher ». Par un dosage
étonnant de simplicité chantante, jusque
dans le « prestissimo » le plus étourdissant, et de brillant pianistique, les Études
de Chopin échappent à la froideur d’une
performance hautaine et sont devenues
peut-être les plus populaires d’un répertoire pourtant fourni.
Quant à Robert Schumann, outre ses
transcriptions d’après Paganini, il devait
nommer Études symphoniques pour piano
son opus 13, composé en 1834-1837, qui
est en fait une série de 12 variations sur
un thème du capitaine von Fricken, et qui
cherche, comme chez Chopin, à dégager la
musicalité derrière la prouesse technique.
Les Études postromantiques de Busoni,
Hans Pfitzner, Alexandre Scriabine, perpétueront le genre.
Dans l’école française de piano, Debussy est l’un des rares à avoir continué
la tradition, publiant en 1915 deux cahiers
de 6 Études qui, intentionnellement, tout
en offrant des difficultés techniques précises à surmonter, ne comportent aucun
doigté fixé par l’auteur, celui-ci alléguant
les différences entre les mains de chaque
soliste. Le premier cahier est très « digital » (pour les 5 doigts, pour les tierces,
les quartes, les sixtes, les octaves et les 8
doigts, c’est-à-dire sans le pouce). Debussy explique comment le parti pris de
faire une étude de « sixtes », par exemple,
l’amène à construire son harmonie sur cet
intervalle. Plus nouvelles dans le genre,
les études du deuxième cahier portent
souvent sur des recherches de sonorité
et de timbre : en particulier l’Étude pour
les sonorités opposées, qui veut créer des
contrepoints de nuances, de dynamiques
et de tempo. Les autres (pour les degrés
chromatiques, pour les agréments, pour les
notes répétées, pour les arpèges composés,
pour les accords) imbriquent étroitement
une recherche de technique instrumentale
et une recherche d’écriture. À mesure que
les problèmes de langage préoccupent de
plus en plus les compositeurs, on les voit
tenir une place grandissante dans le genre
de l’étude : en particulier dans le cycle
Mikrokosmos, en 6 recueils, de Béla Bartók, qui est en fait une méthode allant du
très facile vers le moyennement difficile,
initiant aussi bien à une écriture nouvelle
(rythmes impairs, chromatismes) qu’aux
techniques nouvelles qu’elle entraîne
(mais qui restent cependant, chez lui, dans
la continuité du piano romantique).
Quand, beaucoup plus récemment,
Olivier Messiaen compose ses 4 Études
de rythme (1949), dont le célèbre Modes
de valeurs et d’intensité, c’est la recherche
de langage construite sur le papier qui
prédomine, même si on y retrouve les
techniques spéciales d’attaque du piano
introduites par l’auteur. De même, les
Études karnatiques de Jacques Charpentier
explorent en même temps une écriture
modale et des types d’attaque inédits.
La recherche de virtuosité digitale ayant
été « saturée », et paraissant plafonner,
les compositeurs modernes cherchent
du nouveau du côté des sonorités, des
attaques, des timbres, plutôt que du côté
de la rapidité des traits : c’est le cas de
l’important cycle des Études pour agresseurs d’Alain Louvier, pour piano, clavecin, orgue, où les « agresseurs » en question sont les parties de la main ou du bras
qui « attaquent » l’instrument ; ou bien
de la Sequenza IV, pour piano, de Luciano
Berio. Ce dernier a d’ailleurs consacré à
différents instruments solistes la série de
pièces de virtuosité Sequenze, où les recherches de sonorité (et, secondairement,
de vélocité) sont au premier plan. Dans les
musiques concrète, électronique, électroacoustique, qui mettent en jeu des techniques nouvelles en même temps que de
nouvelles façons de « parler en musique »,
on ne s’étonnera pas que foisonnent les
Études destinées soit, pour le compositeur,
à assimiler les techniques du studio, soit
à explorer systématiquement des traitements de sons, des caractères sonores, des
sources, des modes d’assemblage de sons,
etc. (Études pathétique, aux objets, etc., de
Pierre Schaeffer, Studie 1 et 2, de Stockhausen, Mouvement-Rythme-Étude, de
Pierre Henry, et d’innombrables oeuvres
de Reibel, Parmegiani, Koenig, Eimert,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
357
Luening, Savouret, Ferrari, etc.). On y retrouve d’ailleurs les constantes de l’étude
traditionnelle : linéarité et simplicité de
la forme, limitation dans le choix des éléments sonores et musicaux qu’on explore
systématiquement, tendance à la démonstration de virtuosité, etc.
Si nous avons parlé surtout des études
pour piano, il ne faudrait pas oublier les
études pour violon de Kreutzer, Bériot,
sans compter celles déjà citées de Paganini ; les études pour violoncelle de Grützmacher, Franchomme ; pour guitare, de
Sor, Villa-Lobos, Jolivet. Chaque instrument possède son répertoire spécifique
d’études, souvent sous la forme de Méthodes progressives comprenant soit des
pièces originales composées par l’auteur
de la méthode, soit des compilations de
pièces empruntées au répertoire.
EULENBURG (Ernst), éditeur allemand
(Berlin 1847 - Leipzig 1926).
C’est en 1874 qu’il fonda sa maison, qui se
borna tout d’abord à publier des oeuvres
chorales et des livres d’enseignement, puis
se spécialisa dans les partitions de poche
tant classiques que modernes. Son fils
Kurt, qui lui succéda en 1911, transféra
le siège de la société à Londres en 1939, et
ouvrit après la guerre des filiales à Zurich
et Stuttgart.
EUPHONIUM.
Terme employé en Angleterre pour désigner le tuba ténor en si bémol de la famille
des saxhorns.
Au XIXe siècle, l’euphonium était un
autre nom de l’ophicléide. Enfin, le terme
peut désigner un jeu à anches libres, caractéristique de l’orgue romantique.
EUTERPE (groupe).
Nom que les compositeurs E. Horneman, G. Matthison, E. Grieg et R. Nordraak donnèrent à leur groupe, en 1865 à
Copenhague. Bien qu’éphémère, celui-ci
eut une grande importance dans l’évolution musicale norvégienne et dans la lutte
contre l’esthétique mendelssohnienne
représentée au Danemark par N. Gade.
EVANGELISTI (Franco), compositeur italien (Rome 1926 - id. 1980).
Après des études d’ingénieur à Rome, il
décida en 1948 de se consacrer à la musique, étudia la composition avec D. Paris
et le piano avec E. Arndt, et, de 1952 à
1960, suivit régulièrement les cours d’été
de Darmstadt. De cette période datent ses
premières oeuvres, d’inspiration sérielle.
Sa rencontre avec H. Meyer-Eppler en
1952 éveilla son intérêt pour la musique
électronique. À l’invitation de H. Eimert,
il travailla (1956) au Studio électronique
de la radio de Cologne, où il rencontra
G. M. Koenig, K. Stockhausen, H. Helms,
H. K. Metzger et plus tard M. Kagel et
G. Ligeti. Il fut également appelé par H.
Scherchen au Studio d’électroacoustique
expérimentale de l’Unesco à Gravesano.
En 1958, avec Stockhausen et Nono, il
participa à l’inauguration du Studio expérimental de la radio polonaise et du Festival d’automne de Varsovie. Il travailla
ensuite activement à la diffusion de la
musique contemporaine, organisant la
Semaine internationale de musique nouvelle de Palerme en 1959, fondant en 1960
l’association Nuova Consonanza dans le
but de promouvoir la musique contemporaine, de stimuler un plus grand public,
et aussi d’affirmer le statut de la création
collective par opposition à l’oeuvre-objet.
En 1967, il compta parmi les fondateurs
du Studio électronique de Rome. Ses activités pédagogiques furent nombreuses, et
il rédigea, outre plusieurs articles, le livre
(inédit) Dal silenzio a un nuovo mondo
sonore. Appunti degli anni 57-77 (« Du silence à un nouveau monde sonore. Notes
des années 57-77 »).
Après 1962, craignant de se répéter,
Evangelisti s’est pratiquement arrêté de
composer, du moins sur le plan individuel. On lui doit : 4 ! (4 « fattoriale »),
petites pièces pour piano et violon (195455) ; Ordini, structures variées pour 17
instruments (1955) ; Proporzioni, struc-
tures pour flûte solo (1958) ; Aleatorio
pour quatuor à cordes (1959) ; Random
or not Random, notes des années 19571962 pour orchestre (1962) ; Incontri di
fasce sonore, composition électronique
(1956-57) ; Spazio a 5 pour 4 groupes de
percussion, voix et moyens électroniques
(1959-1961) ; Die Schachtel, action mimoscénique pour mimes, projections et
orchestre de chambre sur un sujet de Fr.
Nonnis (1962-63).
EVANS (Geraint) baryton anglais (Pontypridd, pays de Galles, 1922 - Aberystwyth, pays de Galles, 1992).
Il a étudié le chant à Cardiff, Hambourg,
Genève et Londres, et débuté en 1948 au
Covent Garden de Londres dans le rôle
du Veilleur de nuit des Maîtres chanteurs
de Wagner. Il a connu son premier grand
succès en 1949, sur la même scène, dans le
rôle de Figaro des Noces de Figaro de Mozart. Tout en menant une carrière internationale, il a consacré beaucoup de son
activité à Covent Garden, y participant à
des créations comme celles de Billy Budd
de Britten (rôle de Flint, 1951) ou Troilus et Cressida de Walton (rôle d’Antenor,
1954), et à Glyndebourne (1949-1961).
Excellent musicien, acteur remarquable,
il a notamment marqué de sa personnalité
des rôles de Figaro et de Leporello chez
Mozart et de Falstaff chez Verdi.
EXAUDET (André Joseph), violoniste et
compositeur français (Rouen 1710 - Paris
1762).
Il travailla le luth et la viole avant de se
consacrer à un instrument plus au goût
du jour : le violon. Il s’engagea dans l’orchestre de l’Opéra de Paris en 1749. En
1758, il entra dans la Musique de la
chambre du roi et, l’année suivante, succéda à Gabriel Caperan comme directeur
des 24 Violons. À partir de 1751, il se
produisit au Concert spirituel. Disciple de
Jean-Marie Leclair, il composa de nombreuses sonates pour son instrument (2
Livres pour violon et basse, Paris, 1744
et 1760 ; 6 Sonates en trio, Paris, 1751).
André Joseph Exaudet est l’auteur d’un
célèbre Menuet (tiré d’une des 6 Sonates en
trio op. 2, 1751) dont la popularité a duré
jusqu’au XIXe siècle.
EXÉCUTION.
Action de chanter ou de jouer une oeuvre
musicale.
Le terme d’exécutant est couramment
employé, concurremment à celui d’interprète. L’exécutant s’interpose entre le
compositeur et l’auditeur, et son rôle est
donc capital pour la bonne compréhension d’une oeuvre. La qualité de l’exécution dépend de deux éléments distincts :
la technique proprement dite, c’est-à-dire
la traduction matériellement correcte du
texte musical, et l’interprétation, qui fait
entrer en jeu la fonction créatrice de l’exécutant et son rapport avec l’oeuvre (sur
ce rapport et son évolution historique, v.
interprétation). Parfois aussi, l’exécution
fait intervenir l’improvisation.
Il peut arriver que le compositeur soit
son propre exécutant, notamment dans la
musique électroacoustique où il manipule
lui-même les divers appareils qu’il utilise.
Le développement de la technique
d’enregistrement permet la reproduction
d’exécutions, pour ainsi dire, techniquement parfaites, mais l’utilisation systématique du procédé de montage de bandes,
permettant le collage de fragments de différentes exécutions, tend à ôter une partie
du souffle, de la spontanéité de l’interprétation. Aussi a-t-on assisté ces dernières
années à une recrudescence de l’intérêt
pour les enregistrements pris d’une seule
traite sur le vif, au théâtre ou au concert.
EXERCICE.
Pièce musicale destinée à entraîner l’exécutant à vaincre une difficulté technique
bien précise par la répétition d’un même
motif, sans préoccupation esthétique.
Les recueils d’exercices se sont développés en même temps que la pratique de
la musique instrumentale. Il existe aussi
des exercices pour la voix. Citons à titre
d’exemple, pour le piano, les recueils de
Hanon, Czerny, Stamaty, Burgmüller ;
pour le violon, ceux de Dancla, Rode,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
358
Mazas, Rodolphe Kreutzer, Sevcik ; pour
la voix, ceux de Concone, Panofka, Vaccai. L’étude peut être considérée comme
une sorte d’exercice plus élaboré, dans la
mesure où le compositeur ajoute au propos technique un propos expressif.
EXPANDEUR.
Générateur de sons sans clavier. Appelé
aussi « boîte à sons », l’expandeur utilise
les mêmes principes qu’un synthétiseur
mais il est destiné à être piloté par un
séquenceur ou un ordinateur doté d’un
programme approprié. Les sons numériques sont générés par la modulation
de fréquence ou par l’échantillonnage
(les techniques le plus souvent utilisées aujourd’hui) selon les commandes
transmises par le programme à travers la
norme MIDI (Musical Instrument Digital
Interface : protocole qui régit la communication standardisée de l’information
musicale entre ordinateurs, instruments
numériques, consoles, etc.). La plupart
des expandeurs sont poly-timbriques : on
peut assigner à chacune des voix superposées un timbre différent.
EXPÉRIMENTALE (musique).
Expression employée dans les années 50
et 60 pour désigner les musiques concrète,
électronique et électroacoustique, et plus
généralement toutes les musiques dites
d’« avant-garde » qui cherchaient à innover dans l’emploi des instruments traditionnels ou des sources sonores, comme
dans la fabrication de sources sonores
nouvelles et dans la conception de processus de composition inédits, etc.
Ainsi, on appelait « expérimentales »
tout aussi bien les démarches pourtant
très divergentes d’un Pierre Schaeffer,
d’un Pierre Henry, d’un John Cage, d’un
Karlheinz Stockhausen, d’un Mauricio
Kagel, etc., en se contentant de cette étiquette dont le sens n’a jamais été précisément codifié. Plus spécifiquement, on
parlait en France, dans les années 50, de
« musique expérimentale » pour désigner
une conception élargie de la musique
concrète, c’est-à-dire une nouvelle façon
d’entendre et de faire la musique, non pas
à partir de systèmes élaborés sur partition
ou dans l’abstrait, mais à partir du concret
de l’écoute, « à l’oreille ». Des compositeurs comme Ivo Malec, François Bayle,
François-Bernard Mâche, Luc Ferrari, au
Groupe de recherches musicales, composaient alors aussi bien pour la bande
magnétique que pour les instruments
traditionnels, dans un esprit de curiosité
pour tout l’univers sonore, sans exclusives
fondées sur des systèmes a priori.
C’est Pierre Schaeffer qui avait tenté de
lancer cette appellation, pour la substituer
à celle de musique concrète, qui était la
source de bien des malentendus. C’est
dans ce sens, synonyme à peu près de
« musique électroacoustique », qu’Abraham Moles publia son ouvrage sur les Musiques expérimentales, Henri Pousseur son
essai sur le même sujet (Fragments théoriques 1), et que l’on publia des disques de
« musique expérimentale » (v. électroacoustique [musique]). Assez curieusement,
si aujourd’hui on n’emploie plus guère
l’expression de musique expérimentale
dans cette acception, elle a survécu dans
l’appellation officielle des deux principaux
groupes de musique électroacoustique qui
se sont créés en France dans les années
70 : le Groupe de musique expérimentale de Bourges, et le Groupe de musique
expérimentale de Marseille. Mais certains
parlent encore de musique expérimentale
pour regrouper tant bien que mal diverses
tendances récentes, de la musique dite
« aléatoire » (Boucourechliev, Lutoslawski) à l’« algorithmique » (Barbaud)
en passant par les musiques « minimales »
(La Monte Young, Niblock, Radigue),
« conceptuelles » (Schnebel, Brecht),
« répétitives » (Glass, Reich, Riley), le
« théâtre musical » (Kagel, Aperghis).
Dans ce sens, répertorier les différentes
musiques expérimentales reviendrait à
faire un inventaire de toutes les recherches
actuelles. On se gardera donc de chercher
un sens trop précis à cette appellation,
qui traduit la difficulté actuelle (masquée
par de savantes dissertations sur le fond)
pour embrasser dans des dénominations
claires et caractéristiques la diversité des
courants musicaux contemporains.
EXPERT (Henry), musicologue français
(Bordeaux 1863 - Tourettes-sur-Loup,
Alpes-Maritimes, 1952).
Ancien élève de l’école Niedermeyer,
Henry Expert se consacra à l’étude des
musiciens français du XVIe siècle (Janequin, Certon, Le Jeune, L’Estocart, Goudimel, etc.) dont il publia un grand nombre
d’oeuvres. Professeur à l’École des hautes
études (1902), fondateur de la Société
d’études musicales et de concerts histo-
riques (1903), bibliothécaire à la bibliothèque Sainte-Geneviève (1905-1909) et
au Conservatoire national (1909-1933), il
joua un rôle prépondérant dans la remise
en valeur de la musique française de la
Renaissance, grâce à ses publications : les
Maîtres musiciens de la Renaissance française (23 vol., 1894-1908), les Théoriciens
de la musique au temps de la Renaissance
(1900), Messe « la Bataille » de Cl. Janequin
(1905), la Fleur des musiciens de Pierre de
Ronsard (1923), les Monuments de la musique française au temps de la Renaissance
(10 vol., 1926-1929), Florilège du concert
vocal de la Renaissance (8 cahiers, 192829), etc.
EXPOSITION.
Une des parties de la fugue et de la forme
sonate. Dans la fugue, l’exposition constitue la première partie et comporte quatre
entrées (sujet-réponse-sujet-réponse).
Dans la forme sonate classique, l’exposition est la section du début, pendant laquelle, en principe, les principaux thèmes
sont énoncés. En général, le matériau musical présenté au cours de l’exposition est
amplifié dans la section qui suit, appelée
développement.
EXPRESSION.
Dans la mesure où l’art des sons a pour
objet d’exprimer jusqu’à l’inexprimable,
il tombe sous le sens que l’expression
est l’essence même de la musique. Mais
de tous les éléments qui concourent au
but recherché, c’est justement le seul qui
échappe au contrôle du compositeur luimême. S’il peut noter avec exactitude la
hauteur et la durée des sons, indiquer sans
ambiguïté les temps et les nuances, il en
est réduit quant à l’expression proprement
dite à un vocabulaire approximatif, consacré par l’usage ou purement personnel.
Dans la première catégorie figurent les
locutions italiennes classiques, les maestoso, affettuoso et autres con grazia, la plus
banale de toutes étant ce con espressione
qui fait figure de pléonasme ou de rappel
à l’ordre. On comprend qu’un Claude
Debussy, au début du siècle, ait éprouvé
le besoin de préciser sa pensée en recourant à des annotations littéraires du genre
« profondément calme (dans une brume
doucement sonore) » [la Cathédrale
engloutie]. Cet exemple, parmi d’autres,
prouve que l’écriture musicale est impuis-
sante à traduire l’expression dans toute sa
subtilité. C’est à l’interprète qu’il appartient de combler les lacunes du texte en
l’enrichissant de sa sensibilité subjective.
Certains jeux dits expressifs de l’orgue
romantique sont enfermés dans une
« boîte d’expression » à ouverture variable,
commandée par une pédale, qui permet
de passer progressivement du piano au
forte. Un système analogue est couramment appliqué aux harmoniums. Quant
aux instruments électroniques à clavier,
il suffit d’un potentiomètre pour obtenir
l’effet recherché.
EXPRESSIONNISME.
Mouvement artistique essentiellement
pictural à l’origine, qui gagna rapidement
tous les arts, et se développa en Allemagne
à partir de 1905 environ autour de deux
groupes, Die Brücke, fondé en 1905 par
E. L.
Kirchner, et Der Blaue Reiter, fondé en
1911 par Kandinsky. Guidés par une réaction commune contre le naturalisme et
l’impressionnisme, les artistes cherchent
à exprimer les forces vitales de leur être, et
renoncent pour cela aux critères conventionnels du beau pour arracher à leur
« moi » les formes anguleuses de visions
intérieures. Ils aspirent à un homme noudownloadModeText.vue.download 365 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
359
veau, et leurs conceptions idéologiques du
monde (Weltanschauung) expliquent les
glissements politiques ultérieurs du mouvement.
Il ne faut pas rechercher en musique
de programme expressionniste. En effet,
malgré le désir de Kandinsky d’une oeuvre
synthétique unissant tous les arts (tentative du Son jaune en 1909), seul Schönberg
participa effectivement en 1911 aux activités du Blaue Reiter, et ceci plutôt par la
contribution de ses toiles et de ses articles
que par sa musique elle-même. Cependant, on peut isoler les traits relevant directement de l’expressionnisme que l’on
distingue, de façon plus ou moins dense,
dans la production musicale des années
10 et 20.
On assiste tout d’abord à une exacerbation maladive de tous les paramètres
du langage musical, prise de possession
de l’univers des sons qui va faire éclater
les cadres accoutumés de l’oeuvre : les intervalles sont distendus (redoublements)
et les plus « expressifs » d’entre eux privilégiés (2e, 4e, 7e, qu’ils soient diminués
ou augmentés), les registres sont dispersés jusque dans les extrêmes de l’échelle
sonore, le tissu compositionnel revêt la
luxuriance d’enchevêtrements organiques
aux lignes brisées par des écarts et des
contrastes brutaux. Cette exacerbation
crée une tension constante qui engendre
l’atmosphère érotique criante d’opéras
tels que les Stigmatisés de Schrecker ou
Salomé de Strauss.
L’oeuvre expressionniste d’autre part
est mouvement, geste en perpétuel devenir qui libère l’essence psychologique de
l’homme, et s’épanouit particulièrement
bien sur scène, dans le drame, en collaboration avec dramaturges et metteurs en
scène (Kokoschka/Hindemith : Meurtre,
espoir des femmes, 1921, par exemple,
mais par-dessus tout, les deux drames
de Schönberg intitulés Erwartung [« Attente »], 1909, qui met en scène un unique
personnage, et la Main heureuse, 1913, qui
fait intervenir le Sprechgesang, sorte de
« parlé-chanté » sans hauteurs fixes, à la
fois cri déchirant et lame d’acier - procédé
très expressionniste).
Pour intensifier l’élan vital de leur
musique, les compositeurs cherchent à
réduire à ses seuls éléments essentiels le
langage, et vont bientôt rejeter tout ce qui
conduit à des redites, comme le thème et
son développement classiques (athématisme et « développement continu » dans
Erwartung), favorisant à la place la technique de la variation, déduisant d’une
même cellule initiale tous les niveaux de la
composition (« Nuit », 8e pièce du Pierrot
lunaire de Schönberg). Condensée, cette
nouvelle « oeuvre en soi » s’organise selon
sa logique interne, en une « forme absolue » (succession de petites formes achevées dans Wozzeck de Berg), microcosme
qui renvoie l’image de l’ordre universel
que l’on retrouve dans les recherches de
correspondances entre sons et couleurs de
Hauer ou de Scriabine (Prométhée), dans
le « panchromatisme », inspiré indirectement de Schwedenborg, d’un Schönberg,
dans le transcendantalisme de Ives (The
Unanswered Question, 1906). Toutes les
voix sont d’importance égale, indépendantes (d’où une écriture plutôt contrapuntique : « la Tache de lune », 18e pièce
du Pierrot lunaire de Schönberg), les sons
ont tous le même poids (émancipation
de la dissonance et atonalité, cristallisées
historiquement par l’évolution de Schönberg), chaque élément a un rôle structurel
(d’où l’écriture pour ensemble de solistes).
L’absence de contrainte formelle extérieure oblige au début les compositeurs
à sauver l’unité de l’oeuvre par l’intervention d’un texte (4e mouvement du 2e
quatuor de Schönberg), par une structure
intervallique ou rythmique (Sacre du printemps de Stravinski, ostinatos dans l’op. 16
de Schönberg, 1re pièce), par une écriture
aphoristique (6 pièces op. 6 de Webern,
1909), ou par cette « mélodie de timbres »
(Klangfarbenmelodie : 3e pièce de l’op. 16
de Schönberg), qui est en même temps
une manifestation de la suggestivité recherchée dans le maniement de la matière
à l’état pur (cf. idées de Kandinsky).
Mais cet univers atonal s’organise
bientôt en un système dodécaphonique
(théories de Hauer, 1920 ; pièces op. 25
de Schönberg, 1921-1923) et se coule dans
les moules formels de la musique baroque
(Suite op. 29 de Schönberg, 1926). C’est
de cet aspect plus « constructiviste » que
découle l’évolution logique qui amena de
nombreux compositeurs à élaguer leur
musique pour en faire mieux ressortir la
structure interne et la beauté abstraite, à la
régénérer par une réduction puisée dans
le retour aux forces originelles (folklore
chez Bartók par exemple ; rythme, jazz et
force magique de la danse chez Stravinski
ou Krenek). Cependant, on tend à l’heure
actuelle à mettre de côté cet aspect plus
tardif et rationnel de l’expressionnisme,
parallèle d’ailleurs à l’évolution du Blaue
Reiter, dans l’acception très générale du
terme. La qualification d’« expressionniste » renvoie en effet maintenant à une
musique somme toute très romantique
et entachée de symbolisme, et à l’éternel
dilemme opposant musique intellectuelle
et musique expressive.
EXTENSION.
Fait d’écarter un doigt pour atteindre une
note en dehors de la position où l’on se
trouve. Dans les instruments à cordes,
l’extension, supérieure ou inférieure, se
pratique souvent pour éviter de changer
de corde ou de position.
EYBLER (Joseph Leopold), compositeur
autrichien (Schwechat, près de Vienne,
1765 - Vienne 1846).
Il étudia à la maîtrise de la cathédrale
Saint-Étienne de Vienne, puis fut élève
d’Albrechtsberger (1776-1779). Protégé
par Mozart et Haydn, il fut directeur de la
musique à l’église des Carmélites (17921794) puis au cloître des Écossais (17941824), professeur de musique à la cour
(1801), vice-maître de chapelle impérial
en 1804 et maître de chapelle impérial
comme successeur de Salieri de 1824 à
1833, date à laquelle une attaque l’obligea
à se retirer. À la mort de Mozart, ce fut
lui qui entreprit de terminer son Requiem,
mais il abandonna cette tâche et la transmit à Süssmayer. Il écrivit beaucoup de
musique religieuse, dont un Requiem en ut
mineur (1803) et l’oratorio Die vier letzten
Dinge (1810), au livret à l’origine destiné à
Haydn, et des pages instrumentales dont
de remarquables quintettes à cordes. Il fut
anobli en 1835.
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F
F.
1. Lettre par laquelle était désignée la note
fa dans la notation musicale du Moyen
Âge. Elle indique toujours le fa dans les
pays de langue anglaise, allemande et
slave, où les syllabes de Guy d’Arezzo ne
sont pas adoptées.
français
anglais
allemand
fa bémol
F flat
Fes
fa double
bémol
F double
flat
Feses
fa dièse
F sharp
Fis
fa double
dièse
F double
sharp
Fisis
2.F. est d’autre part l’abréviation de forte.
FA.
Nom donné à la quatrième note de
l’échelle naturelle de do majeur dans le
système de Guy d’Arezzo. Dans les pays
de langue anglaise, allemande et slave, la
même note est désignée par la lettre F.
La clé de fa indique sur la portée, suivant sa position, soit la note située sur la
quatrième ligne (fa 4e), soit celle située
sur la troisième ligne (fa 3e). Mais cette
dernière est aujourd’hui tombée en désuétude.
FACTEUR.
Ce terme s’emploie à propos de tous les
artisans qui construisent des instruments
de musique, à l’exception des spécialistes
des instruments à cordes, et plus particulièrement à cordes frottées, qui sont appelés luthiers. On peut être facteur d’orgues,
de clavecins ou de harpes (ces trois écoles
étaient particulièrement importantes en
France avant la Révolution) ou encore de
pianos ou d’instruments à vent. L’activité
du facteur d’instruments est appelée la
facture. Selon la façon dont a été élaboré
un instrument, on peut parler de sa plus
ou moins bonne ou mauvaise facture.
Autrefois, les instruments sortis des ateliers, notamment des facteurs de clavecins
et de harpes, étaient souvent, par la beauté
de leur décoration, de véritables oeuvres
d’art.
FAIGNIENT (Noé), compositeur flamand
(Cambrai v. 1540 ? - Anvers ? v. 1598).
Il étudia la musique à la maîtrise de la cathédrale d’Anvers où il se fixa après avoir
été reçu citoyen bourgeois de cette ville
en 1561. En 1580, il fut nommé maître de
chapelle du duc Eric II de Brunswick. Il se
montra ouvert à tous les styles et a laissé
des chansons françaises, des chansons
sur des textes flamands, des madrigaux
italiens et des lieder allemands. Dans ces
oeuvres, il a cherché à traduire fidèlement
par sa musique le détail des mots du texte.
Sa position est celle d’une sorte de trait
d’union entre la musique d’essence polyphonique, avec sa pensée essentiellement
« horizontale », et le nouvel art méridional faisant appel à une écriture de plus
en plus harmonique, voire « verticale ».
En 1568, Faignient publia à Anvers deux
livres de Chansons, madrigales et motetz.
Noé Faignient sympathisa également avec
la Réforme et composa des psaumes huguenots.
FALCON (Cornélie), soprano française
(Paris 1814 - id. 1897).
Elle fut l’élève de Louis Nourrit (le père
du célèbre ténor Adolphe Nourrit) au
Conservatoire de Paris et débuta à l’Opéra
en 1832 dans le rôle d’Alice de Robert le
Diable de Meyerbeer. Elle devait créer
par la suite Valentine dans les Huguenots
de Meyerbeer, Rachel dans la Juive de
Halévy, et s’illustrer dans Don Giovanni
de Mozart (Donna Anna) et la Vestale de
Spontini (Giulia). Sa carrière, écourtée par
la pratique de rôles lourds et par la fatigue
que son style déclamatoire fit subir à son
gosier, ne dura que six ans. En 1838, la
voix lui manqua en scène et elle dut se retirer définitivement. Elle unissait une présence artistique considérable à un timbre
sombre et corsé qui était une nouveauté à
l’époque. Falcon devait laisser son nom à
cet emploi particulier de soprano dramatique que Meyerbeer en France, Wagner
en Allemagne, Verdi en Italie, devaient
utiliser et développer.
FALCONIERI (Andrea), compositeur et
luthiste italien (Naples 1586 - id. 1656).
Il vécut à Parme, où il occupa le poste
de luthiste à la cour, puis à Florence et à
Rome (1604). Il s’installa ensuite à Modène (1620-1621) avant d’entreprendre
des voyages, peut-être jusqu’en Espagne et
en France. Professeur au Collegio S. Brigida à Gênes, de 1632 à 1637, il retrouva
sa ville natale avec un poste de maître de
chapelle à la cour (1639). Son oeuvre comprend des Villanelle... con l’Alfabeto per la
Chitarra spagnola à 1-3 voix (Rome, 1616),
deux recueils de Musiche (airs à 1-3 voix et
basse continue) publiés en 1619 à Florence
et à Venise, un livre de pièces religieuses à
5 et 6 voix. Enfin en 1650, à Naples, parut
un Libro di Canzone, Sinfonie, Fantasie,
Capricci, Brandi, Correnti, Volte per Violini e Viole, overo altro Strumento a 1, 2 e
3 con il b.c., dont le titre est significatif du
goût musical de l’époque. Les arie de Falconieri sont généralement de forme strophique : la mélodie demeure sensible aux
mots imagés de la première strophe ; la
basse soutient une harmonie discrètement
recherchée et digne d’un musicien de cour
raffiné.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
361
FALLA (Manuel de), compositeur espagnol (Cadix 1876 - Alta Gracia, Argentine, 1946).
Andalou par son père, mais Catalan par
sa mère, Falla doit à l’audition d’une symphonie de Beethoven sa vocation de compositeur. Élève, à Madrid, de José Trago
(piano) et de Pedrell (composition), il
compose quelques zarzuelas avant de
prendre part à un concours organisé par
l’Académie des beaux-arts et pour lequel
il écrit la Vie brève (1904-1905). En 1907,
il se rend à Paris où il résidera jusqu’en
1914. Il connaît Dukas, Debussy, Ravel,
Albéniz et Vinés qui joue ses Quatre Pièces
espagnoles à la Société nationale et lui suggère Nuits dans les jardins d’Espagne. De
retour en Espagne, il se fixe à Madrid où il
écrit l’Amour sorcier, inspiré par les récits
fantastiques d’une gitane, puis le Tricorne,
destiné aux Ballets russes. La mort de ses
parents (1919) le conduit à quitter Madrid
pour Grenade où il habitera, avec sa soeur,
jusqu’en 1939. C’est l’époque du Retable
de maître Pierre, commande de la princesse de Polignac, et du concerto pour clavecin écrit pour Wanda Landowska, mais
aussi d’une étude passionnée du cante
jondo, en compagnie de García Lorca. En
1927, il entreprend l’Atlantide, vaste ouvrage auquel il travaillera jusqu’à sa mort
et qu’il laissera inachevé. Les 4 Homenajes
à Arbos, Dukas, Debussy et Pedrell sont sa
dernière oeuvre avant le départ pour l’Argentine. Invité à diriger plusieurs concerts
pour le 25e anniversaire de l’Institut culturel de Buenos Aires, il y devait succomber à une crise cardiaque consécutive à de
longs mois de maladie et sans réaliser son
ultime désir de finir ses jours dans un couvent des environs de Cordoue.
À la crise de vérisme qui lui a inspiré
la Vie brève, c’est en héritier d’Albéniz
que Falla écrit ses premières partitions,
aboutissement de la renaissance musicale
espagnole amorcée par Iberia et à laquelle
l’école française a donné la meilleure
impulsion. Venu lui-même lui demander
son épanouissement, il a eu la révélation
de l’univers harmonique fascinant de Debussy et de sa maîtrise à faire table rase
des conventions tonales et rythmiques
qui emprisonnent alors la musique. Par
ailleurs, Louis Lucas, dont l’Acoustique
nouvelle (1854) est prophétique, apporte
des fondements rationnels à l’émancipation de la fantaisie. Enfin, sa manière toute
personnelle d’assimiler les caractères essentiels de la musique espagnole conduit
Falla à un style original, plus classique que
celui de ses prédécesseurs. Sans perdre le
contact avec les mélodies et les rythmes
folkloriques, il en a surtout interrogé l’esprit au point de faire de l’Amour sorcier
l’expression définitive du chant gitanoandalou.
Dès le Tricorne, cependant, l’évolution
d’un langage qui se réclame de Scarlatti
correspond à un passage du temporel
au spirituel qui délaisse bientôt le « pittoresque » de l’Espagne pour une vision
plus âpre et plus intérieure de son patrimoine culturel. À l’option heureuse des
vingt premières années de sa vie, le laborieux effort des vingt dernières oppose le
spectacle d’une tension physique et spirituelle qui n’est pas éloignée d’une sorte
de stoïcisme, mais dont les opérations ne
sont plus des miracles. Incantation, carmen et sortilèges restent liés aux étapes
de l’ascension purificatrice et c’est, pour
terminer, le chant d’un hidalgo sorti des
tableaux du Greco. Le Retable et surtout
le concerto de clavecin attestent l’effort
vers la plénitude du dépouillement, dans
une assimilation parallèle des musiques
anciennes et de la technique de Stravinski.
À défaut de la messe qu’il désirait écrire,
c’est cependant dans l’Atlantide, immense
épopée exaltant l’alliance de l’âme ibérique et du christianisme, que Falla réalise sa conception dernière de la musique,
simplifiée à l’extrême, soit dans le plus pur
diatonisme, soit dans le plus archaïque
modal. Partition que terminera Ernesto
Halffter et qui donne de la démarche de
Falla une conclusion qu’on aurait tort de
considérer comme un échec ou un renoncement. Le tracé linéaire des mélodies et
la transparence harmonique ne font qu’y
refléter, avec la douce intensité requise
par le sujet, la lumière d’une intériorité
ouverte à l’infini.
FALSETTISTE.
Celui qui chante en voix de fausset. Mais
tous les chanteurs masculins ou féminins
utilisant partiellement ce registre, l’usage
a défini par ce terme le chanteur se servant
exclusivement de sa voix de fausset sur
toute son étendue vocale, et non pas seulement pour le registre ainsi appelé. C’est le
cas des jeunes garçons avant la mue, mais
tout chanteur peut le réaliser par une éducation vocale particulière qui exclut toute
résonance de poitrine, et qui, par le maintien du larynx en position élevée, parvient
à reculer vers le grave la limite naturelle
du registre de fausset (dans la définition
où les mots fausset et tête sont employés
comme synonymes). La voix du falsettiste,
dont la tessiture est assez voisine de celle
du contralto féminin, est toutefois moins
puissante et moins apte aux diverses colorations. On distingue les falsettistes sopranistes et contraltistes, mais on range sous
la même appellation les falsettistes « artificiels » et les falsettistes « naturels », ces
derniers étant les castrats ou les enfants.
Depuis l’interdit de saint Paul excluant
les femmes du choeur de l’église, les parties aiguës de la polyphonie sacrée furent
d’abord chantées par les jeunes enfants,
mais, ceux-ci ayant rarement les connaissances musicales suffisantes avant l’âge de
la mue, il fallut faire appel aux falsettistes,
qui furent, à l’époque de la Renaissance,
particulièrement réputés en Angleterre,
ainsi qu’en Espagne où il semble qu’ils
aient acquis une technique venue de
l’Orient, mais où les castrats se mêlèrent
insensiblement aux falsettistes artificiels.
Dans le chant soliste, les falsettistes furent
aisément supplantés par les castrats ou par
les hautes-contre, et se réfugièrent dans le
domaine de la musique de chambre avant
que leur emploi ne tombât en désuétude.
Avec la disparition des castrats, les
falsettistes réapparurent à l’église et au
théâtre, puis on assista à la résurrection
de ce type vocal dans la seconde moitié du
XXe siècle, notamment avec le disque où
la technique de l’enregistrement supplée
aisément au faible volume de ces voix. Le
pionnier de cette renaissance fut Alfred
Deller (1912-1979), bientôt suivi par Russel Oberlin, puis, de nos jours, par James
Bowman, Paul Esswood, René Jacobs, etc.
Les falsettistes sont parfois appelés improprement contre-ténors ou, par erreur,
hautes-contre.
Certains compositeurs tels que Benjamin Britten ont écrit pour cet emploi
vocal qui se rencontre également dans de
nombreuses expressions du folklore en
Afrique noire, au Japon et dans d’autres
pays. Sur disque, les falsettistes ont tenté
d’interpréter les rôles écrits jadis pour
les castrats, bien que leurs voix n’aient ni
l’étendue, ni l’éclat, ni l’éventail de coloris
de ces derniers.
FALSETTO (ital : « fausset »).
Registre le plus aigu de la voix masculine,
situé au-delà des dernières résonances
aiguës du registre dit « de poitrine ».
Ce terme provient du latin falsus, ou
bien fauces (« gorge »). Ce mode d’émission est obtenu par l’obturation partielle
de la glotte (les cordes vocales ne vibrant
que sur un tiers environ de leur longueur),
et en maintenant le larynx en position
haute ; il conduit au relâchement du pharynx et demeure pauvre en couleurs et en
résonances. Généralement utilisé par les
chanteurs durant leurs répétitions afin
d’éviter toute fatigue superflue, il peut être
requis pour certains effets comiques, pour
imiter la voix féminine, et il est d’usage
dans certaines traditions populaires, notamment pour l’effet de jodel, dit vulgairement tyrolienne. On peut exceptionnellement se servir du falsetto pour l’exécution
de certaines notes suraiguës d’un air ou
d’un rôle. L’émission en falsetto sur toute
l’étendue vocale est le fait du falsettiste et
non du haute-contre.
FALSETTONE (ital : « gros falsetto »).
Mode d’émission vocale qui tient en partie du falsetto, également appelé « falsetto
renforcé » (cf. A.
Cotogni) ou « mixte appuyé « ; il diffère en effet du falsetto pur, car il requiert
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
362
le mélange des résonances de tête et des
résonances thoraciques. À l’époque du bel
canto, et pendant une grande partie du
XIXe siècle, il servait à l’émission des notes
aiguës des rôles de ténor, notamment dans
les oeuvres de Rossini, Bellini, Donizetti et
dans l’opéra français de demi-caractère.
Les notes émises en falsettone peuvent se
prêter aux colorations les plus diverses,
et par conséquent donner l’illusion d’une
certaine vaillance. À l’ère romantique, certains ténors l’employaient jusqu’au fa 4.
FANCY (vieil angl. : « fantaisie », de l’ital.
fantasia).
Forme instrumentale très employée aux
XVIe et XVIIe siècles.
La fancy atteignit son apogée à l’époque
élisabéthaine. Elle était généralement
écrite dans un style libre, imitatif et fugué,
et souvent composée à partir d’un cantus
firmus. Le genre in nomine est une sorte de
fancy. Les instruments employés étaient
l’orgue, le virginal, le luth et surtout les
violes en « consort ». Parmi les compositeurs de fancies, citons O. Gibbons, Th.
Morley, P. Philips, W. Byrd, G. Farnaby et,
plus tard, H. Purcell.
FANDANGO.
Danse populaire espagnole et plus particulièrement andalouse, souvent adaptée à
la scène, exécutée sur un rythme ternaire
par un couple qui s’accompagne lui-même
du jeu des castagnettes.
Bien qu’il ait pour thème la passion
amoureuse, et l’exprime par le mime autant que par la danse, le fandango impose
à l’homme et à la femme de ne jamais
se toucher. Peut-être importé d’Amérique latine, il était déjà très répandu au
XVIIe siècle. Quelques compositeurs l’ont
introduit dans leurs oeuvres, par exemple
Rimski-Korsakov à la fin de son Capriccio
espagnol, mais aussi, bien sûr, les princi-
paux compositeurs espagnols (Albéniz, de
Falla, Granados, Soler) ou ayant vécu en
Espagne (Boccherini).
FANFARE.
À l’origine, composition musicale pour
trompettes de cavalerie ou trompes de
chasse. Par extension, tout morceau de
musique exécuté par un ensemble de
cuivres. Le terme désigne aussi l’ensemble
de cuivres lui-même. À partir de Monteverdi (l’Orfeo), de nombreux opéras (Castor et Pollux de Rameau, Fidelio de Beethoven, Aïda de Verdi, etc.) ont fait appel à
une fanfare indépendante de l’orchestre
symphonique et qui intervient sur scène
ou en coulisses. À l’époque romantique,
un exemple de fanfare particulièrement
grandiose (quatre ensembles de cuivres)
annonce le Tuba mirum dans le Requiem
de Berlioz. Dans la Péri de Paul Dukas, des
Fanfares précèdent le ballet proprement
dit.
FANO (Michel), compositeur et musicographe français (Paris 1929).
Il fait ses études musicales au Conservatoire de Paris, se fait tout particulièrement
remarquer dans les matières théoriques
et obtient des premiers prix de musique
de chambre (classe de Pierre Pasquier),
harmonie (Jean Gallon), fugue (Noël
Gallon), composition (Tony Aubin) et
analyse (Olivier Messiaen). Très vite, sa
Sonate pour 2 pianos (1952) et son Étude
pour 15 instruments attirent l’attention
sur lui au festival de Darmstadt. Parallèlement, il écrit de nombreux articles sur
la musique moderne et contemporaine et
collabore avec Pierre-Jean Jouve pour une
étude sur Wozzeck d’Alban Berg (Paris,
1953). Il devient alors ingénieur du son,
puis monteur de cinéma, produit et réalise
plusieurs films pour le cinéma et la télévision. La composition de partitions pour
des films constitue dès lors l’essentiel de
son activité musicale. On peut citer notamment ses musiques pour des films de
Robbe-Grillet (l’Immortelle, 1962 ; TransEurop-Express, 1966 ; l’Homme qui ment,
1968), Aurel (la Bataille de France, 1963),
Tazieff (Volcans interdits, 1965). Pour la
partition de la Griffe et la Dent, il obtient le
grand prix technique du festival de Cannes
en 1976. D’autre part, Michel Fano a été
chargé de cours de 1967 à 1972 à l’Institut national du spectacle à Bruxelles, de
1971 à 1974 à la faculté de Vincennes et
en 1973 à l’I. D. H. E. C. Il est responsable
du département Recherche à l’Office de
création cinématographique.
FANTAISIE.
Toute composition de structure assez libre
et proche de l’improvisation, ce qui d’ailleurs n’exclut pas pour autant la rigueur
ni les rapports avec des formes strictes en
usage, ou dont la forme n’a qu’une importance secondaire, peut recevoir le titre
de fantaisie. Le genre est comparable au
ricercare, à la toccata, au prélude. Selon S.
de Brossard (Dict. de 1703) : « C’est à peu
près comme capricio. » Enfin, la fantaisie
est presque toujours une pièce instrumentale.
L’âge d’or de la fantaisie se situe au
XVIe siècle. En Italie, elle s’identifie alors
avec le ricercar, de style contrapuntique.
Partout en Europe occidentale on écrit des
pièces appelées fantaisies, fancies, fantasie,
pour les instruments à clavier (virginal,
orgue, clavecin), pour le luth et la vihuela,
et surtout, en Angleterre, pour ensemble
de violes (pièces d’écriture imitative et
fuguée, aux thèmes parfois populaires, et
agrémentées d’épisodes variés alternant
avec ceux en contrepoint). En France,
Claude le Jeune et Eustache du Caurroy ont également laissé des fantaisies
pour violes. Au XVIIe siècle, on retrouve
la fantaisie en Italie (Frescobaldi), puis
en France avec Louis Couperin et enfin
Marin Marais.
Au XVIIIe siècle, J.-S. Bach, avec son
goût de l’improvisation et sans le moindre
esprit de système, a donné ce titre à certaines pièces traitées comme des préludes
ou des toccatas, et souvent suivies d’une
fugue : fantaisie en ut mineur pour orgue
BWV 562, fantaisie et fugue en sol mineur
pour orgue BWV 542, fantaisie chromatique et fugue pour clavier en ré mineur
BWV 903. Wilhelm Friedemann et Carl
Philipp Emanuel Bach, en représentants
typiques de l’Empfindsamkeit, ont écrit
un grand nombre de fantaisies pour clavier. Mozart, malgré son respect de la
forme qui lui fit rarement tenter l’aventure, a composé quelques fantaisies dont
celle en ut mineur pour piano (K. 475).
Haydn appela fantaisies les mouvements
lents de ses quatuors op. 54 no 2 et op. 76
no 6. Beethoven appela quasi una fantasia
ses deux sonates op. 27, et écrivit en outre
une fantaisie pour piano (op. 77) et une
autre pour piano, orchestre et choeurs (op.
80). Toutes ces pages de Mozart, Haydn
et Beethoven sont d’une profonde cohérence, mais échappent à certains critères
habituels du style « sonate «. Le terme fantaisie en effet implique parfois l’anormal,
jamais l’anarchie.
L’époque romantique s’éprit de la fantaisie pour éviter les contraintes des formes
« strictes « du classicisme. Mais elle utilisa
le terme de façon de plus en plus arbitraire, y compris pour désigner une sonate
comportant quelques « irrégularités «.
Tous les grands musiciens de l’époque ont
illustré la fantaisie, le plus souvent dans
des oeuvres pour piano : Schubert (Wanderer-Fantaisie, sonate D. 894), Chopin,
Mendelsohnn, Brahms, et même Wagner
avec une pièce pour piano en fa dièse mineur. Très significative est la fantaisie op.
17 de Schumann, qui dans cet hommage
à Beethoven se garda bien d’avoir recours
au cadre extérieur ni même aux principes
de la sonate, mais en prit plutôt le contrepied, aboutissant ainsi à un immense chefd’oeuvre. Inversement, et c’est tout aussi
significatif, Liszt ne songea pas à appeler
fantaisie sa sonate en si mineur, malgré sa
structure en apparence si peu orthodoxe,
ni plus tard Schönberg sa symphonie de
chambre op. 9 (Sibelius l’envisagea, mais
y renonça finalement, pour sa 7e symphonie). Liszt appela en revanche fantaisies
les sortes de pots-pourris qu’il composa
à partir des airs d’opéras de Verdi, Donizetti ou Mozart.
Les compositeurs du XXe siècle n’ont
pas délaissé le genre. Après Debussy et
Fauré (fantaisies pour piano et orchestre),
D. Milhaud et A. Jolivet ont écrit des
fantaisies pour formations instrumentales diverses. Il y a même des exemples
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
363
où la voix humaine a été employée, mais
ils demeurent exceptionnels. Vaughan
Williams a composé sur une chanson
populaire une oeuvre bien connue (Fantasia on Greensleeves), et aussi une célèbre
Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis
retrouvant l’esprit des oeuvres anglaises
du XVIe siècle, et Schönberg une fantaisie pour violon et piano (op. 47). Depuis
un siècle, c’est dans la musique d’orgue
(Liszt, Franck, Reger) que le genre est le
plus resté fidèle à l’ancienne tradition.
FARANDOLE.
Probablement originaire de la Grèce
antique, encore pratiquée dans le midi
de la France où elle fait figure de danse
nationale des Provençaux, la farandole est
une danse collective et mixte ; hommes et
femmes alternant, les danseurs font cercle
en se tenant par la main et se déplacent par
pas de côté sautés, jusqu’à ce qu’un couple
conducteur se détache et, passant sous les
bras levés d’un autre couple, entraîne la
bande sur un itinéraire improvisé. Le mot
farandole désigne aussi la musique à 6/8
qui accompagne cette danse, en principe
jouée par des flûtes (fifres, galoubets) ainsi
que l’accompagnement rythmique des
tambourins.
FARINA (Carlo), violoniste et compositeur italien (Mantoue v. 1600 - peut-être
Massa, Toscane, v. 1640).
Remarquable instrumentiste, il se fit engager comme maître de chapelle à la cour
de Dresde, où Heinrich Schütz était installé depuis 1614. Ce séjour dura de 1625
à 1632. Puis Farina fit des voyages à Dantzig et à Parme avant de retrouver sa ville
natale.
Carlo Farina est une figure importante
dans l’histoire de la sonate pour violon,
instrument qu’il contribua largement
à propager en Allemagne. Il développa
à l’intérieur de cette forme la technique
de son instrument, étant le premier à
employer les harmoniques, le staccato, le
pizzicato. Sur le plan strictement musical
ses oeuvres sont d’une grande expressivité,
comme son admirable Sonata tertia detta
la Moretta (à trois), datant de 1620 ; l’écriture pour les deux violons atteint une virtuosité considérable pour l’époque dans
une série de variations qui exploitent, notamment, une technique très prisée dans
la musique vocale, celle de l’écho. Farina
a publié cinq livres de Pavane, Gagliarde,
Brandi, Mascherate, Arie francesi, Volte,
Balletti, Sonate e Canzoni (à 2, 3 et 4 voix)
parus à Dresde de 1626 à 1628.
FARINELLI (Carlo Broschi, dit), castrat
soprano italien (Andria, prov. de Bari,
1705 - Bologne 1782).
Élève de Porpora, puis de Bernacchi qui
l’avait vaincu dans une joute vocale, il débuta triomphalement à la scène en 1722, à
Rome, dans Eumene de Porpora. Il obtint
les plus grands succès à Vienne, puis à
Londres où il fut la vedette de la compagnie de Porpora, rivale de celle de Haendel. En 1737, il chanta à Madrid devant le
roi Philippe V qui le retint à sa cour vingtdeux ans durant. On dit que Farinelli
chantait chaque soir les quatre mêmes airs
au roi, pour soigner la neurasthénie de ce
dernier. En 1750, il persuada Ferdinand
VI, successeur de Philippe V, de fonder
un opéra italien à Madrid. On peut dire
que Farinelli est ainsi à l’origine de l’école
de bel canto espagnole qui s’est perpétuée
jusqu’à nos jours. Il joua aussi un rôle
politique qui le força à quitter l’Espagne
à l’avènement de Charles III (1759). Il se
retira près de Bologne, où il s’adonna à la
musique instrumentale. Farinelli fut sans
aucun doute un des plus illustres chanteurs de tous les temps. C’était un virtuose
extraordinaire, mais aussi un musicien
accompli, au goût parfait.
FARKAS (Ferenc), compositeur hongrois
(Nagykanizsa 1905).
Élève de Léo Weiner et d’Albert Siklós à
l’académie F.-Liszt de Budapest (19231928), puis de Respighi à l’académie
Sainte-Cécile de Rome (1929-1931), il
compose de la musique pour les films
du metteur en scène Paul Fejös à Copenhague. En 1935, il revient en Hongrie,
professant à Budapest, à Kolozsvár, puis
Székesfehérvár. Depuis 1948, il est professeur de composition à l’académie F.Liszt de Budapest. Son oeuvre abondante,
au style clair, de forme classique, connaît
un succès immédiat. Artiste émérite
de la République populaire hongroise,
titulaire du prix Kossuth (1950), du prix
Erkel (1960), il a assuré la continuité de
la tradition classique issue de Haydn
comme de Kodály. Farkas Ferenc a écrit
de nombreuses pièces symphoniques et
concertantes, de la musique de chambre,
des pièces pour piano, des mélodies, des
oeuvres pour choeur et orchestre (cantates,
messe, etc.), et pour choeur a cappella,
ainsi que quelques oeuvres pour le théâtre
(opéras, ballets, musiques de scène).
FARNABY (Giles), compositeur anglais
( ? v. 1565 - Londres 1640).
Il exerça le métier de menuisier. Peut-être
fut-il également facteur d’instruments.
Il vivait à Londres lorsqu’il se maria
en 1587. Il fut reçu Bachelor of Music à
l’université d’Oxford en 1592. En 1598,
il publia un recueil de Canzonets to Foure
Voyces, agréables madrigaux à 4 voix pouvant honorablement se ranger aux côtés
de ceux de John Bennet (1599) et de John
Farmer (1599). D’une écriture très personnelle, avec des recherches harmoniques et
rythmiques, ces madrigaux attestent l’originalité du compositeur. Quelques pièces
spirituelles ont d’autre part été conservées
dans des recueils collectifs, ainsi que des
psaumes et des motets en manuscrit. Le
Fitzwilliam Virginal Book contient plus de
cinquante pièces destinées au virginal et
c’est surtout sur elles que repose la réputation de Giles Farnaby. Le brio de ces
compositions - toujours élégantes et d’une
expression très contrôlée - témoigne
d’une grande maîtrise de l’écriture pour
le clavier. La brève pièce Tell me Daphne
est un modèle de perfection avec sa modulation au relatif majeur et la symétrie
de ses proportions. Parmi les virginalistes
du tournant du siècle, Farnaby ne le cède
sans doute qu’à William Byrd. Il faut aussi
signaler que le Fitzwilliam Virginal Book
renferme quelques pièces de Richard Farnaby, fils de Giles.
FARRANT (Richard), organiste et compositeur anglais ( ? v. 1530 - Windsor
1580).
Il fut « Gentleman » de la chapelle royale,
sous Édouard VI. En 1564, la reine Élisabeth le nomma maître de choeur et
organiste de la chapelle Saint-Georges de
Windsor, où il resta jusqu’à sa mort, tout
en gardant son titre à la chapelle royale.
On connaît de lui un Morning and Evening Service in « A » minor, deux antiennes
(Hide not thy Face, Call to Remembrance),
quelques pièces pour le virginal, des
pièces pour voix avec accompagnement
de violes, et des fragments d’oeuvres. Mais
le « service » intitulé Farrant in « D » minor
a pour auteur John Farrant, qui fut organiste à la cathédrale d’Ely (1567-1572) et
à la cathédrale de Salisbury (1587-1592).
Daniel Farrant, fils de Richard, fut violoniste de Jacques Ier (1606-1625). Les manuscrits de quelques pièces d’orgue de sa
composition se trouvent à la cathédrale
de Durham.
FARRAR (Geraldine), soprano américaine (Melrose, Massachusetts, 1882 Ridgefield, Connecticut, 1967).
Elle étudia à Boston, à Paris, puis à Berlin
où elle débuta en 1901 à la Hofoper, dans
Marguerite du Faust de Gounod, qui devait demeurer un de ses rôles de prédilection. Elle se perfectionna ensuite avec Lilli
Lehmann avant de retourner aux ÉtatsUnis. Elle chanta pour la première fois au
Metropolitan Opera de New York en 1906
(rôle de Juliette dans Roméo et Juliette de
Gounod) et appartint à ce théâtre jusqu’à
son retrait de la scène en 1922 (ayant affirmé depuis longtemps qu’elle se retirerait à quarante ans, elle tint parole). Elle
créa Suor Angelica de Puccini en 1918. Ses
interprétations de Manon (Massenet) et
de Butterfly (Puccini) furent célèbres. Son
physique ravissant et ses dons d’actrice,
qui firent d’elle une artiste complète et une
des premières grandes interprètes lyriques
modernes, lui permirent également de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
364
triompher au cinéma à l’époque du muet
(elle y incarna même Carmen). Elle avait
une voix de soprano lyrique claire, pure,
mais en même temps chaleureuse et expressive.
FARRENC (Aristide), flûtiste et musicographe français (Marseille 1794 - Paris
1865).
Installé à Paris en 1815, il y devint second
flûtiste au Théâtre-Italien et y ouvrit un
magasin de musique et une presse d’imprimerie, publiant notamment des éditions françaises de Beethoven. Sa femme
Louise, née Dumont (Paris 1804 - id.
1875), pianiste, élève de Hummel, de
Moscheles et de Reicha, composa trois
symphonies (1843, 1846 et 1849) et de
nombreuses pages pour son instrument. À
la mort de son mari, elle poursuivit seule
l’édition du monumental et excellent Trésor des pianistes, où parurent pour la première fois, entre autres oeuvres d’autres
compositeurs, plusieurs sonates de Carl
Philip Emanuel Bach.
FARSA.
Mot italien désignant un opéra comique
ou un opéra bouffe en un acte.
À l’origine, la farsa pouvait se confondre
également avec l’intermezzo bouffe en
deux parties, mais à la fin du XVIIIe siècle
il désignait explicitement l’oeuvre en un
seul acte. La farsa pouvait être plus longue
ou même de genre plus sentimental que
l’opéra bouffe, ainsi La Cambiale di matrimonio de Rossini.
FARWELL (Arthur), compositeur et pédagogue américain (Saint Paul, Minnesota, 1872 - New York 1952).
Il fit des études musicales à Boston, à Berlin avec Humperdinck et Pfitzner et à Paris
avec Guilmant. De retour aux États-Unis,
il s’intéressa à la musique des Indiens
et fonda en 1901 une maison d’édition,
la WaWan Press, destinée à soutenir la
musique américaine et l’étude des sources
traditionnelles (musiques indienne, négro-américaine et chants de pionniers).
Parmi les nombreuses activités qu’il eut
ensuite, on peut citer celles de fondateur
de l’American Music Society (1905), de
rédacteur à l’hebdomadaire Musical America, de conseiller auprès de la municipalité de New York pour l’organisation des
concerts (1910-1913), de directeur de
l’École de musique de New York (19151918), d’inspecteur de la musique dans les
écoles publiques, et de professeur à l’université de Californie. Sa conviction lui permit de créer un mouvement en faveur de
la musique de son temps, qu’elle s’inspirât
ou non des sources populaires. Il écrivit
lui-même, dans un style postromantique,
des oeuvres pour orchestre (The Domain
of the Hurakan, 1902, etc.), pour choeurs,
pour choeurs et orchestre (Mountain
Song, 1931), des partitions pour la scène
(Caliban, 1916 ; The Gods of the Mountain, 1916, création Minneapolis, 1929),
de la musique instrumentale, notamment
pour piano, et des mélodies. Il a publié des
collections de chants traditionnels américains d’origines diverses (Folk-songs from
the West and South, entre 1901 et 1926).
FASCH, famille de compositeurs allemands.
Johann Friedrich (Büttelstedt, près de
Weimar, 1688 - Zerbst 1758). Il étudia à
l’école Saint-Thomas de Leipzig avec Johann Kuhnau, puis à l’université de Leipzig (1708-1711), où il fonda un Collegius
Musicum. Il voyagea pendant quelques
années, se perfectionna en composition
avec Graupner et Grünewald à Darmstadt,
vécut notamment à Bayreuth, à Gera où
il occupa des fonctions de secrétaire, à
Greiz où il fut organiste, et à Lukaveč en
Bohême où il entra au service du comte
Morzin. En 1722, il fut nommé maître
de chapelle à la cour de Zerbst. Parmi ses
nombreuses compositions instrumentales
(concertos, sinfonie, sonates, trios, quatuors), on peut souligner l’intérêt tout
particulier de ses suites d’orchestre d’une
conception hardie, dont J.-S. Bach, qui en
faisait grand cas, recopia quelquesunes.
J. F. Fasch composa aussi en abondance
de la musique sacrée : 11 messes, 2 Credo,
une centaine de cantates, une Passio Jesu
Christi (1723), 4 psaumes. Il écrivit encore
quelques opéras.
Christian Friedrich Carl (Zerbst 1736 Berlin 1800), fils du précédent. Il étudia la
musique avec son père, puis, à partir de
1750, avec Hertel à Strelitz, et se perfectionna à Klosterberg et Magdebourg. En
1756, il fut nommé second claveciniste
de la cour de Frédéric II à Berlin, puis
en 1774 chef d’orchestre de l’opéra royal,
et se consacra ensuite principalement à
l’enseignement. En 1791, il fonda la Singakademie (Académie de chant) de Berlin,
où il attira l’attention, par des exécutions,
sur l’oeuvre de Bach alors totalement oubliée. L’activité de la Singakademie donna
le signal du chant choral en Allemagne
et cette initiative de C. F. C. Fasch peut
être considérée comme une étape décisive
de la vie musicale. Vers la fin de sa vie, le
compositeur détruisit un grand nombre
de ses oeuvres manuscrites. Parmi celles
qui nous sont parvenues, on remarque de
nombreuses partitions instrumentales,
dont des variations et des sonates pour
clavier, et de la musique vocale sacrée : 6
cantates, 4 psaumes, 4 odes, des motets,
un Requiem, une Messe à 16 voix, l’oratorio Giuseppe riconosciuto, etc. À la tête
de la Singakademie lui succéda son élève
Zelter.
FAUQUET (Joël-Marie), musicologue
français (Nogent-le-Rotrou 1942).
Il a étudié les arts plastiques avant de se
consacrer à la musique. Auteur d’une
thèse sur Alexis de Castillon (1976) et
d’une thèse de doctorat sur les Sociétés
de musique de chambre à Paris de la Restauration à 1870 (1981, publiée en 1986),
il est entré au C.N.R.S. en 1983. Il y est
directeur de recherche depuis 1993 et y
anime depuis 1984 un séminaire d’histoire
sociale de la musique, dont il a publié les
travaux avec Hugues Dufourt (la Musique
et le Pouvoir, 1987 ; la Musique : du théorique au politique, 1991). On lui doit notamment un Catalogue raisonné de l’oeuvre
de Charles Tournemire (1979), Correspondance d’Édouard Lalo (1989) et l’édition de
Voyage d’un musicien en Italie (1809-1812)
de A. Blondeau (1993).
FAURE (Jean-Baptiste), baryton et compositeur français (Moulins 1830 - Paris
1914).
Il étudia le chant au Conservatoire de
Paris et fit ses débuts à l’Opéra-Comique
dans le rôle de Pygmalion de Galatée de
Victor Massé en 1852. Il fut engagé en
1861 à l’Opéra, dont il devint l’une des
vedettes et où il créa de nombreux rôles,
notamment ceux de Posa dans Don Carlos de Verdi, Nelusko dans l’Africaine
de Meyerbeer, et Hamlet dans l’opéra
d’Ambroise Thomas. Ses interprétations
de Don Juan (Mozart) et Guillaume Tell
(Rossini) furent fameuses. Il obtint aussi
de grands succès à Bruxelles, Londres,
Vienne et Berlin, et se retira de la scène
en 1880 pour se consacrer au concert. Son
art exceptionnel, quintessence des caractères du chant français, était fondé sur
le raffinement de la diction et l’élégance
du phrasé. De 1857 à 1860, il fut professeur au Conservatoire de Paris. Il écrivit
plusieurs livres concernant la pédagogie
du chant, notamment la Voix et le Chant
(1866) et Aux jeunes chanteurs (1898). Il
composa des mélodies dont deux, Crucifix et les Rameaux, ont connu une durable
célébrité.
FAURÉ (Gabriel), compositeur français
(Pamiers, Ariège, 1845 - Paris 1924).
Fils de T. Fauré, instituteur et directeur de
l’école normale de Montgauzy-Foix, il ressentit ses premières émotions musicales
à l’harmonium de la chapelle du collège
paternel. Envoyé dès l’âge de neuf ans à
Paris pour suivre les cours de l’école de
musique classique et religieuse de Niedermeyer, il ne connut guère de vie familiale
ni d’encouragements. Ses études musicales et générales médiocres le laissèrent
longtemps insatisfait, jusqu’au jour où il
rencontra Saint-Saëns, jeune et brillant
professeur de piano, qui lui révéla Schumann, Liszt et Wagner. Il écrivit alors
sa première oeuvre, le Papillon et la Fleur
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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(1861), mélodie d’après V. Hugo, bientôt
suivie d’autres mélodies ou romances, des
3 Romances pour piano (1863) et du Cantique de Jean Racine (1865). À vingt ans,
Fauré sortit de l’école Niedermeyer nanti
d’un 2e prix d’harmonie, d’un 1er prix de
composition et d’un prix d’excellence de
piano, pour rejoindre un poste d’organiste
à l’église Saint-Sauveur de Rennes (1866).
Si Rennes s’enorgueillit encore d’avoir accueilli Fauré, celui-ci vécut en pensum ses
quelques années de vie provinciale.
Mais la guerre fut déclarée et Fauré s’engagea en juillet 1870. Cette époque troublée est marquée par l’amitié de Messager,
rencontré en Suisse pendant la Commune. À son retour à Paris, Saint-Saëns
aida Fauré à se faire une place parmi les
organistes parisiens, d’abord comme titulaire à Saint-Honoré-d’Eylau, organiste
du choeur de Saint-Sulpice, suppléant à la
Madeleine, puis maître de chapelle de cette
même église en remplacement de Théodore Dubois (1877). L’école Niedermeyer
lui proposa aussi un poste de professeur
et il commença à affronter le monde musical. Fauré était alors un jeune homme
brun, au physique romantique ; ses qualités de pianiste et d’accompagnateur en
faisaient un invité très recherché, et il fréquenta assidûment le salon Viardot, pensant même épouser Marianne, l’une des
filles de Pauline Viardot. La rupture de ce
projet (1877) allait être une grande déception pour le compositeur. Parallèlement, il
participa à la fondation de la Société nationale, destinée à promouvoir la musique
française, et en assura le secrétariat dès
1874. Ce fut aussi une période de voyages
intéressants : il accompagna Saint-Saëns
à Munich et Cologne où l’on donnait la
Tétralogie. Wagner exerça sur lui une attirance très mélangée : on retrouve dans sa
musique quelques traces de wagnérisme
dans l’orchestration (Prométhée) ou dans
l’allure épique de certaines mélodies
(Larmes, Au cimetière). Ces années, riches
d’expériences diverses, préparèrent une
période de création intense : les 2 Quatuors avec piano (1876-1886), 6 Nocturnes
(1875-1894), 6 Barcarolles (1880-1896), le
Requiem (1887-1890), la Ballade (18771879) et de nombreuses mélodies : 1er et
2e Recueils, la Bonne Chanson (1892-1894).
Les événements familiaux orientèrent également sa pensée créatrice : enthousiasme
lors de son mariage avec Marie Fremiet
(1883), fille du sculpteur E. Fremiet, et
douleur à la perte de ses parents (1886 et
1888), dont nous trouvons l’expression
dans le Requiem.
En 1892, Fauré fut nommé inspecteur
des conservatoires et une nouvelle vie,
plus libre, lui fut offerte. Sa notoriété enfin
établie lui permit aussi d’accéder au poste
de titulaire du grand orgue de la Madeleine, puis à celui de professeur de composition au Conservatoire où il succéda
à Massenet (1896). Les élèves qu’il forma
furent nombreux et justement célèbres Ch. Koechlin, Fl. Schmitt, L. Aubert, N.
Boulanger, M. Ravel, etc. -, mais il n’eut
jamais aucun imitateur tant son style, fait
d’un emploi original d’éléments traditionnels, était insaisissable. Le couronnement
de cette carrière professorale allait être
son accession à la direction du Conservatoire (succession de Th. Dubois), établissement dont il n’avait pas été élève
et ne possédait aucune récompense. On
peut lire dans les journaux du temps que
sa brillante conduite aux armées joua un
rôle dans cette nomination. Dès que Fauré
prit son poste, il devint un vrai « tyran »,
ce qui signifie qu’il s’employa à rétablir
la discipline et à apporter du sérieux dans
un enseignement qui avait beaucoup
vieilli. Cette attitude intransigeante lui fut
d’ailleurs amèrement reprochée. À partir de 1903, le compositeur dut assumer
une surdité presque totale, handicap qui,
pourtant, n’entrava en rien sa carrière.
Succès et honneurs l’accompagnèrent en
ces années : accueil favorable de sa tragédie lyrique Prométhée aux arènes de
Béziers (1900), élection à l’Académie des
beaux-arts (1909) et création de son opéra
Pénélope (1913) à Monte-Carlo. Mais son
isolement physique et moral fut bientôt
tel qu’il se consacra uniquement à des
oeuvres intimistes : musique de chambre,
mélodies et pièces pour le piano. En 1920,
Fauré abandonna la vie publique comblé
d’honneurs (décorations, hommage national à la Sorbonne en 1922), et s’éteignit
en 1924, après avoir brûlé ses oeuvres inachevées.
Fauré est avant tout un homme du
XIXe siècle, nourri de romantisme et militant pour une musique constamment
expressive et introspective. À l’encontre
de Debussy et de Ravel, auxquels son nom
est parfois associé, il ne participa aucunement aux luttes musicales qui animèrent
le XXe siècle. Le dernier grand choc qu’il
éprouva fut celui de la création de Pelléas et Mélisande (1902), dont les répercussions sur l’art vocal fauréen furent
grandes, puis il entra dans le domaine du
silence (surdité), commençant une troisième manière, très idéalisée, que l’on
qualifie parfois justement d’ascétique.
On peut en effet diviser sa production
en trois manières : la première, jusqu’en
1880, est encore très romantique, liée à la
mode et à la vie des salons, alors que la
deuxième (1881-1902) est la plus représentative de la personnalité du compositeur. Il y développe une harmonie chatoyante (la Bonne Chanson), des couleurs
orchestrales éclatantes (Prométhée), au
service d’un art sensuel et chaleureux. La
troisième période, liée à la surdité, abolit
la précédente, et on ne peut s’empêcher
de songer à ce qu’aurait été une évolution
en droite ligne, sans la coupure causée par
son infirmité. Fauré n’est pas par nature
un musicien intimiste et l’ascète des dernières années. Il faut donc se garder de
lui dénier, en se fondant sur la troisième
manière, toute vigueur et tout romantisme. Il n’est pas exclusivement l’homme
du charme et des musiques exquises, mais
aussi un Méditerranéen et un passionné,
comme en témoignent les Quatuors avec
piano.
FAUSSE RELATION.
Les harmonistes désignent sous ce vocable
le fait de faire entendre, soit simultanément, soit consécutivement, deux sons réputés incompatibles entre eux. Les fausses
relations cataloguées concernent principalement le triton (intervalle de 3 tons
consécutifs, par exemple fa-si bécarre)
et l’octave augmentée ou diminuée ; ces
intervalles sont par contre recherchés
comme préférentiels par les musiciens
sériels ou simplement atonalistes, comme
ils l’étaient autrefois dans la musique polyphonique.
FAUSSET.
Technique de chant utilisant le registre de
tête (ou de fausset) d’une voix d’homme
(ténor ou baryton). On emploie aussi
fréquemment pour la désigner le terme
italien correspondant, falsetto. Le fausset peut être développé afin d’ajouter
des notes aiguës au registre de poitrine
normalement employé, à la « voce piena
e naturale » selon l’expression des vieux
maîtres italiens. Mais le fausset peut être
également développé au point de devenir
le registre principal de la voix. Le chanteur cultivant cette technique est alors
appelé falsettiste. Les sons produits par
la technique du fausset sont pauvres en
harmoniques ; ils possèdent une couleur
particulière, d’une pureté et d’une douceur indéniables, dépourvue de vibrato,
et avec peu de timbre. Le fausset, qui utilise un minimum de souffle, permet une
grande virtuosité, mais reste assez limité
sur le plan de l’expression et exige beaucoup de goût de la part de celui qui y a
recours. Autrefois, la technique du fausset fut surtout utilisée à l’église, soit en
soliste, soit pour chanter les parties supérieures (soprano ou alto) dans la musique
polyphonique, contribuant à préserver la
clarté du contrepoint. Le fausset apparaît
fréquemment dans la musique populaire
occidentale, par exemple dans le jodel, et
aussi dans les civilisations musicales extra-européennes.
FAUX-BOURDON.
Expression d’origine controversée désignant, au départ, un procédé d’harmonisation très employé aux XVe et XVIe siècles
dans la musique d’église, puis ayant
changé de sens au XVIIe siècle.
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L’explication courante du mot tient
au fait que les accords de sixte dont était
formé le faux-bourdon primitif, renversement du bourdon ou résonance en accords parfaits, étaient produits par le fait
de chanter la fondamentale in falso, c’està-dire en fausset, à l’octave ; cette explication a été contestée, sans qu’aucune autre
se dégage avec certitude.
Probablement dérivé du gymel anglais,
qui harmonisait le chant donné en lui
ajoutant des tierces parallèles supérieures,
avec début et fin en « consonance parfaite » de quinte, le faux-bourdon procède
de la même manière en ajoutant dans
une troisième voix supérieure l’octave à
la quinte et la sixte à la tierce, et en meublant les transitions en notes de passage.
On obtient ainsi un schéma d’harmonisation très simple, qui pouvait probablement être improvisé par les chantres, et
dont les compositeurs se sont inspirés en
lui donnant de multiples prolongements
ornementaux. D’abord placé à la partie inférieure, le chant donné est ensuite passé
à la partie supérieure. Le faux-bourdon
intervient très fréquemment dans la musique religieuse du XVe siècle, et laisse des
traces tout au long du XVIe. On en trouve
encore à la fin du siècle chez Victoria, par
exemple dans le célèbre Ovos omnes. Il disparaît au XVIIe siècle, et le terme, conservé,
change alors de signification, désignant
par dérivation toute harmonisation à plusieurs voix des formules clausulaires ou
responsoriales de l’office (par exemple,
Amen, ou Et cum spiritu tuo). L’Amen de
Dresde, d’où Mendelssohn a tiré l’un des
thèmes de sa symphonie Reformation et
Wagner l’un des principaux motifs de
Parsifal, est un faux-bourdon. De même
la psalmodie polyphonique des versets
pairs du Dies irae, utilisée par Liszt dans
sa Danse macabre à la suite de la mélodie
du plain-chant.
FAVART (Charles-Simon), poète, auteur
dramatique, librettiste et acteur français
(Paris 1710 - Belleville 1792).
Jeune pâtissier, il écrivit des poèmes qui
lui valurent d’emblée quelque notoriété, et
débuta à la foire Saint-Germain avec des
comédies et des parodies mêlées de vaudevilles comme les Deux Jumelles (1734)
et la Chercheuse d’esprit ( 1741). Il devint
directeur de l’opéra-comique de la foire
Saint-Germain (1743), épousa en 1745
celle qui devait devenir la vedette de la
troupe, puis prit la direction du théâtre
ambulant de l’armée du maréchal de Saxe,
mais la passion, non payée de retour, du
maréchal pour sa femme le contraignit à
disparaître quelque temps du monde théâtral. Redevenu directeur de la scène à la
foire Saint-Laurent, il écrivit de nouvelles
comédies dont Bastien et Bastienne (1753),
plus tard mise en musique par Mozart, les
Trois Sultanes, mise en musique par Gilbert en 1761 et pour laquelle Haydn, en
1777, devait écrire une musique de scène
à l’origine de sa symphonie no 63 (la Roxolane), Ninette à la cour (1755), qui connut
un triomphe, et Annette et Lubin (1762).
Il obtint à plusieurs reprises le concours
des compositeurs Monsigny (Annette et
Lubin), Philidor, Grétry (la Rosière de Salenci) et surtout Duni (les Moissonneurs,
1768).
Nommé par la faveur de la marquise
de Pompadour directeur de l’Opéra-Comique en 1757 (d’où l’attribution ultérieure de son nom à la salle abritant ce
genre de spectacle), il entra en rapports
avec le comte Durazzo, intendant du
théâtre impérial de Vienne, et avec Gluck,
qui le chargea de traduire en français son
Orfeo. Dans une salle nouvelle, inaugurée
en 1783 sous le nom de Théâtre-Italien, il
acheva de forger le premier vrai répertoire
de l’opéra-comique français, et donna à ce
genre nouveau une âme et un style.
FAVART (Marie DURONCERAY ou DU RONCERAY, épouse), comédienne et chanteuse française (Avignon 1727 - Belleville 1772).
Élevée à Lunéville, elle vint à Paris en 1745
et débuta alors à l’opéra-comique de la
foire Saint-Germain comme danseuse. En
1745, elle épousa Charles Favart. Intelligente, spirituelle, jolie, jouant délicieusement la comédie et chantant à ravir d’une
voix de soprano très léger, elle s’imposa
dans les pièces à vaudevilles jouées par la
troupe. Elle suivit ensuite la destinée de
son mari, et fut la vedette des théâtres
dont il était responsable. Elle usa de son
rayonnement et de sa célébrité pour lutter
contre l’invasion des oeuvres étrangères
et des artistes italiens, et, si elle joua dans
la Servante maîtresse de Pergolèse, ce fut
dans une traduction française.
Elle collabora avec des auteurs et des
compositeurs, et forma bon nombre
des interprètes qui s’illustrèrent à cette
époque dans les créations de Monsigny,
Grétry et Philidor.
FAVOLA IN MUSICA (ital. : « fable en musique »).
Expression désignant à la naissance du
genre certains opéras de caractère légen-
daire ou mythologique.
Ce fut le cas en 1607 de l’Orfeo (ou La
Favola d’Orfeo) de Monteverdi.
FAVOLA PER MUSICA (ital. : « fable pour
la musique »).
Vers l’an 1600, « histoire » de caractère
légendaire ou mythologique rédigée sous
forme dramatique pour être mise en musique.
FAVRE (Georges), compositeur et musicologue français (Saintes 1905).
Il a étudié la composition au Conservatoire de Paris dans les classes d’André
Gédalge et de Paul Dukas, et l’histoire de
la musique à la Sorbonne, où il a été l’élève
de Paul-Marie Masson. Il a soutenu en
1944 une thèse de doctorat sur Boieldieu,
été inspecteur général de l’enseignement
de la musique au ministère de l’Éducation nationale, et a publié des ouvrages
pédagogiques. Georges Favre a écrit, outre
des partitions à caractère pédagogique,
des pièces pour piano et des oeuvres de
musique de chambre, mais l’activité du
musicologue, orientée principalement
sur Boieldieu, dont il a réédité les Sonates
pour piano, et sur Dukas, a éclipsé celle
du compositeur. Principaux écrits : Boieldieu. Sa vie, son oeuvre (2 vol., Paris, 194445) ; Paul Dukas. Sa vie, son oeuvre (Paris,
1948) ; la Musique française de piano avant
1830 (Paris, 1953).
FAYRFAX (Robert), compositeur anglais
(Deeping Gate, Lincolnshire, 1464 Saint-Albans, Hertfordshire, 1521).
On le trouve en 1496 porteur du titre de
« gentleman » de la chapelle royale. Il
devint ensuite, vers 1502, organiste à l’abbaye de Saint-Alban. En 1504, il fut reçu
docteur de l’université de Cambridge et,
en 1511, à Oxford, il fut honoré du premier doctorat de musique connu. Il fut
ensuite à la tête des chantres de la chapelle
qui accompagnèrent le roi Henri VIII au
Camp du Drap d’or en 1520.
L’oeuvre de Fayrfax comprend une douzaine de motets dont Ave Dei Patris Filia
(conservé dans plusieurs manuscrits),
deux Magnificat, six messes à 5 voix dont
O bone Jesu et surtout la Missa Albanus
(sans Kyrie) dont chaque section exploite
la technique du motif de tête chère à
Dufay ; quelques chansons profanes, dont
sept sont contenues dans le Manuscrit
Fayrfax, complètent cette liste, dominée
par la messe cyclique (six ont survécu).
Le style contrapuntique de Fayrfax a tendance à négliger l’écriture en imitation au
profit d’un contrepoint plus sévère (note
contre note), caractéristique des maîtres
du début de la Renaissance. Il fut considéré par ses contemporains comme le plus
grand musicien anglais de sa génération.
FEDER (Georg), musicologue allemand
(Bochum 1927).
Il a fait de 1949 à 1955 des études de musicologie, de philosophie et d’histoire aux
universités de Tübingen, de Göttingen
et de Kiel (avec Friedrich Blume). Entré
en 1957 au Joseph Haydn Institut de
Cologne, organisme fondé en 1955 dans
le but de réaliser l’édition complète des
oeuvres de Haydn, il en prit la direction
en 1960, succédant ainsi à Jens Peter Larsen, et l’a conservée jusqu’en 1990. Il a eu
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
367
comme successeur Horst Walter. Auteur
de nombreux articles, parmi lesquels Probleme einer Neuordnung der Klaviersonaten Haydns, 1963 (« Problèmes d’une nouvelle classification des sonates pour piano
de Haydn »), Die Überlieferung und Verbreitung der handschriftlichen Quellen zu
Haydns Werken, 1965 (« la Transmission
et la Dissémination des sources manuscrites des oeuvres de Haydn »), Die beiden
Pole im Instrumentalschaffen des jungen
Haydn, 1970 (« les Deux Pôles dans la production instrumentale du jeune Haydn »),
Haydns frühe Klaviertrios, 1970 (« les
Trios avec piano de jeunesse de Haydn »)
et Joseph Haydn als Mensch und Musiker,
1972 (« Joseph Haydn comme homme et
comme musicien »), il a édité à partir de
1965, dans le cadre du Joseph Haydn Institut, les Haydn-Studien.
FEDERHOFER (Helmut), musicologue
autrichien (Graz 1911).
Directeur de l’Institut de musicologie de
l’université de Mayence à partir de 1962,
éditeur de la revue Acta Musicologica, il
a travaillé notamment sur Johann Joseph
Fux et sur Mozart.
FEDOROV (Vladimir), musicologue français (Tchernigov, Russie, 1901 - Paris
1979).
Élève à Paris de l’École des hautes études,
de l’École des chartes et de l’Institut d’art
et d’archéologie, il a acquis sa formation
musicale lors de séjours aux conservatoires de Dresde, de Leipzig et de Paris.
Il s’est fait connaître par ses recherches
sur la musique russe, tout en poursuivant
une carrière de bibliothécaire à la Sorbonne (1933-1939), puis au département
de la musique de la Bibliothèque nationale. De 1946 à 1966, il a été conservateur
de la bibliothèque du Conservatoire. Il
a fondé, en 1951, l’Association internationale des bibliothèques musicales
(A.I.B.M.) et a présidé, de 1964 à 1966,
le Conseil international de la musique à
l’Unesco. Secrétaire général, puis, en 1974,
président du Répertoire international des
sources musicales (R.I.S.M.), il a dirigé la
revue Fontes artis musicae. Ses nombreux
travaux, tout en étant le reflet de vues souvent originales, se sont signalés par leur
rigueur. Principaux écrits : Moussorgski,
biographie critique (Paris, 1935) ; Interférences (dans Musique russe, Paris, 1953) ;
S. Prokofiev (Encyclopédie de la Pléiade,
Histoire de la musique, II, Paris, 1963) ; J.Ph. Rameau (catalogue de l’exposition à la
Bibliothèque nationale, 1964) ; Debussy vu
par quelques Russes (dans Debussy et l’évolution de la musique au XXe siècle, Paris,
1965).
FEINTE (MUSIQUE).
1.Traduction littérale du latin musica ficta
(« musique imaginée »), ainsi nommée du
fait que les altérations écrites n’y correspondent pas obligatoirement à celles qui
devaient être exécutées, et qui devaient
être « imaginées » en fonction d’un code
compliqué. La musica ficta découle du
fait que la solmisation, forme ancienne
du solfège, avait été conçue au XIe siècle
pour résoudre les problèmes d’altération
posés par la mobilité du si ( ! BÉCARRE)
dans une musique qui ne connaissait pas
d’autre altération que le si bémol. Lorsque
intervinrent d’autres altérations (du fa
dièse, XIIIe s., à la totalité, fin XVIe s.), on ne
sut pas adapter le système aux nouvelles
nécessités, et l’on s’appliqua à tout ramener aux données initiales devenues inadaptées, moyennant des règles de plus en
plus complexes que les musicologues modernes ne sont pas encore parvenus à traduire avec clarté. Il semble du reste acquis
que, même pour les contemporains, ces
règles étaient loin d’être toujours nettes et
laissaient souvent place à des divergences
d’interprétation. C’est pourquoi, jusqu’à
l’abolition de la musique feinte (dont
il subsiste des vestiges jusqu’à la fin du
XVIIe siècle), la lecture des altérations dans
l’écriture sur portées comporte toujours
une part variable d’incertitude, qu’ignore
par contre la notation par tablature. Nous
pratiquons encore nous-mêmes inconsciemment le principe de la musique
feinte lorsque, contre toute logique, nous
solfions une note altérée en énonçant le
seul nom de la note naturelle et en sousentendant (« imaginant ») l’altération non
énoncée.
2.Nom jadis donné aux touches noires
(autrefois blanches) du clavier d’orgue ou
de clavecin.
FELD (Jindřich), compositeur tchèque
(Prague 1925).
Fils du célèbre professeur de violon
Jindřich Feld (1883-1953), il étudie la
composition d’abord avec E. Hlobil (19451948) au conservatoire de Prague, puis
avec J. Rídký à l’académie de Musique
et d’Art dramatique (1948-1952). Violoniste, puis altiste, il enseigne la composition au conservatoire de Prague depuis
1972. Il s’est fait connaître par son Divertimento pour cordes, hommage à Bartók
dont l’influence s’est fait sentir jusqu’au
Concerto pour orchestre (1951). À cette
époque, son écriture unit l’élégance du
Stravinski néoclassique au lyrisme naturel
de l’école française (Concerto pour flûte,
1954 ; Concerto pour violoncelle, 1958).
Sa seconde période de création semble
dominée par la pénétration spirituelle
de l’héritage de Martinºu ; ainsi ses Trois
Fresques (1963), comparables par leur
intensité, leur tension modale aux Trois
Paraboles de Martinºu. Cette tendance
atteint son expression la plus absolue dans
son 4e Quatuor (1965) où se joignent le
souvenir de Martinºu et Bartók et celui
de la Suite lyrique de Berg. En 1967, Feld
étend à l’orchestre les conquêtes de ce 4e
Quatuor en l’orchestrant, réalisant ainsi sa
1re Symphonie. Depuis lors, à la demande
de nombreux solistes tchèques, Feld écrit
toute une série de pièces concertantes ou
solistes dont l’écriture use avec aisance
d’un dodécaphonisme élargi, fondé sur
une connaissance des ressources expressives de chacun des instruments solistes :
Sonate pour piano (1971-72), Concerto
pour piano (1973), Concerto pour violon
(1976-77). Il a également composé des
oeuvres pour orchestre, pour diverses
formations de chambre, quelques oeuvres
vocales, des musiques de film et des musiques de pièces radiophoniques, ainsi
que de nombreuses oeuvres didactiques,
proches par l’esprit des partitions équivalentes de Bartók. Feld est désormais l’un
des rares exemples, parmi les compositeurs de son pays, à avoir su assumer la
tradition occidentale du patrimoine tout
en faisant oeuvre de novateur.
FELDMAN (Morton), compositeur américain (New York 1926 - Buffalo, N. Y.,
1987).
Élève de Riegger (contrepoint) et Stefan
Wolpe (composition), il étudie aussi la
peinture. Sa rencontre avec Cage (1951)
conforte ses idées déjà révolutionnaires.
Avec David Tudor, Earle Brown et Christian Wolff, au début des années 50, il
cherche les moyens de détruire la continuité musicale traditionnelle, de libérer
les sons et s’intéresse aux arts plastiques,
en particulier à l’école de New York. Ces
jeunes musiciens comprennent que les
peintres de cette école jettent les bases
d’un art proprement américain, ce qui
est aussi leur but. Peut-être la fréquentation du milieu pictural new-yorkais
explique-t-elle le désir de Feldman de
vivre la composition comme une totale
aventure sonore abstraite, et, par voie de
conséquence, dans une première période
de son évolution, l’emploi de partitions
graphiques. Morton Feldman envisage
cette aventure, liée pour lui à la libération
des sons et à leur projection dans l’horizontalité temporelle, dans le cadre de l’indétermination et du canevas graphique.
Aussi, dans Projection I pour violoncelle
(1950-51) et Marginal Intersection pour
orchestre (1951), exemples types, la hauteur dans chaque registre, les dynamiques,
l’expression restent à préciser, la durée
étant à peu près indiquée par la longueur
des rectangles. Plus que de permettre
l’improvisation pour elle-même, Morton
Feldman souhaite ainsi créer de nouveaux
types de relations sonores. À noter que
dans Marginal Intersection, l’utilisation
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
368
de deux oscillateurs électriques émettant
des fréquences très graves ou très aiguës à
peine audibles, qui relancent les sons instrumentaux, provoque des échanges temporels sur le plan vertical et horizontal.
Un usage constant de dynamiques très
faibles et l’absence d’un rythme précis
contribuent parfois à donner faussement
l’impression d’une musique statique. Il
faudrait plutôt parler, bien avant les clusters de Ligeti, d’une sorte de nuage sonore
en suspension et en mouvement perpétuel
(The Swallows of Salagan, « les Hirondelles
de Salagan », pour choeur mixte et 23 instruments, 1960). Ainsi, dans Marginal
Intersection, les instruments de l’orchestre
rentrent ou sortent selon leur libre arbitre
à l’intérieur de leur intervention. Même
lorsque Feldman abandonne la partition
graphique (sauf pour Atlantis pour 17 instruments [1958] et Out of « Last Pieces »,
« Tiré des Dernières Pièces », pour orchestre [1958]) et cherche, dans les années
1955-1958, une notation plus précise et
une plus grande clarté de propos, il expérimente toujours l’indétermination d’un
paramètre : dans Piece for 4 pianos, c’est la
durée libre d’une séquence identique pour
chacun des instruments ; dans Durations
(5 pièces instrumentales, 1960-1962), le
déphasage obtenu constitue une sorte de
réverbération de la séquence de base.
De plus, il y a chez Morton Feldman la
recherche d’une musique d’une extrême
simplicité qui, dans ses emplois répétitifs,
préfigure peut-être la nouvelle musique
américaine des années 70 : on remarque,
dans Christian Wolff at Cambridge (1963)
pour choeur a cappella, la reprise inlassable
de 16 accords pp ; dans Madame Press died
last week at the age of ninety (« Mme Press
est morte la semaine dernière à quatrevingt-dix ans », 1971), pour ensemble
instrumental, la répétition d’une tierce
mineure. Les oeuvres plus tardives comme
False Relationship and the Extended Ending
(« Fausse Relation et fin différée », pour
violon, violoncelle, trombone, 3 pianos et
carillon, 1968), On Time and Instrumental
Factor (« Temps et facteur instrumental »,
pour orchestre, 1969) ou encore The Viola
in my life (« l’Alto dans ma vie », 4 pièces
pour alto et divers instruments, 1970)
rejettent tout aspect indéterminé. Citons
encore Quatuor à cordes no 2 (1983) et Violin and String Quartet (1985).
L’aventure de Feldman est bien celle du
son, parfois celle du silence, jamais celle de
la forme qui naît de l’instant. Sa musique
se situe entre des catégories (Between Categories, pour 2 pianos, 2 carillons, 2 violons et 2 violoncelles, 1969), « entre temps
et espace, entre peinture et musique, entre
la construction de la musique et sa surface ». N’ouvre-t-il pas par là la voie à une
méditation, à une perception du temps
proches des conceptions orientales ? En
tout cas, à l’écoute du temps et de l’événement, Feldman exige de l’auditeur une
disponibilité totale.
FELLEGARA (Vittorio), compositeur italien (Milan 1927).
Après des études d’ingénieur à l’École
polytechnique (1945-1948) et des études
de mathématique et de physique à l’université de Milan, il étudie la composition à
partir de 1951 avec L. Chailly au conservatoire Giuseppe-Verdi. En 1958, il obtient
le 2e prix international de composition de
la S. I. M. C. À partir de 1960, il enseigne
la composition à l’Institut musical Gaetano-Donizetti de Bergame. Une de ses
premières oeuvres importantes, Octuor
pour vents (1953), a été créée au festival
de Donaueschingen en 1955. Suivirent
notamment Ricercare fantasia pour piano
(1951), Preludio, fuga e postludio pour
piano (1952-53), Omaggio a Bach, thème
et variations pour piano (1975) et Studi
in forma di variazioni pour orchestre de
chambre sur un fragment de Bach (1978).
Des oeuvres comme Lettere di condannati
a morte della resistenza italiana pour récitant, choeur et orchestre (1954), Requiem
di Madrid pour choeur mixte et orchestre
sur un texte de F. García Lorca (1958) et
Dies irae pour choeur mixte et instruments
sur un texte de F. García Lorca (1959)
ont une résonance nettement politique,
tout comme celles sur des textes de N.
Balestrini (Mutazioni, ballet en 6 tableaux,
1962), P. Eluard (Épitaphe pour 2 sopranos et 5 exécutants, 1964), G. Leopardi
(Cantate pour 2 voix de femmes et orchestre, 1966), P. Verlaine (Notturno pour
soprano, contralto, choeur d’hommes
et orchestre, 1971), N. Sachs (Zwei Lieder pour choeur de femmes et orchestre,
1974). Parmi ses autres oeuvres, retenons :
4 Invenzioni pour piano (1949), Fuga pour
cordes (1950), Concerto pour orchestre
(1952), Concerto breve pour orchestre de
chambre (1956), Epigrafe pour récitant et
5 instruments (1955), Sinfonia pour orchestre (1957), Serenata pour orchestre de
chambre ou 9 instruments (1960), Frammenti I pour orchestre de chambre (1960),
Variations (Frammenti II) pour orchestre
de chambre (1961), Chanson pour soprano
et orchestre de chambre sur des textes de
P. Eluard (1974), Herbstmusik (hommage
à Mahler) pour quatuor à cordes (1986) ;
Stille Nacht pour orgue et 9 instruments à
vent (1990).
FELLOWES (Edmond Horace), musicologue et éditeur anglais (Londres 1870 Windsor 1951).
Maître de choeur, d’abord à la cathédrale
de Bristol, puis à la chapelle Saint George
de Windsor, bibliothécaire du Saint
Michael’s College de Tenbury de 1918 à
1948, il fut un des meilleurs spécialistes
de la musique élisabéthaine et jacobéenne,
dont il a publié de nombreuses transcriptions.
Principaux écrits : The English Madrigal (Londres, 1925, rééd. 1947) ; W. Byrd
(Oxford, 1923, rééd. 1928) ; O. Gibbons
(Oxford, 1925, rééd. 1951) ; English Cathedral Music from Edward VI to Edward VII
(Londres, 1941, rééd. 1945) ; publications : The English Madrigal School (36 vol.,
Londres, 1913-1936), The English School
ol Lutenist Song-Writers (32 vol., Londres,
1920-1932), The Collected Works of W.
Byrd (20 vol., Londres, 1937-1950).
FELSZTYN (Sébastien de), théoricien et
compositeur polonais (Felsztyn, Galicie,
v. 1490 - ?, apr. 1544).
Il fit ses études musicales à Cracovie. La
Capella regia rorantistarum (dont le nom
est attaché à la messe « rorate » chantée
quotidiennement à la chapelle de l’Assomption de la Vierge) y stimulait alors
l’exécution de la musique polyphonique
et joua un rôle important pour le développement de l’art de Sébastien de Felsztyn. Il fut l’auteur de divers ouvrages
publiés à Cracovie, notamment l’Opusculum utriusque musicae (1515), le recueil
de chants grégoriens Opusculum musicae
(1518), Modus regulariter accentuandi
(1518), Pro institutione cantu simplice seu
gregoriano (1519), Aliquot Hymni (1522) et
Directiones musicae ad cathedralis (1543).
FENICE (la).
Depuis deux siècles, principal théâtre
d’opéra de Venise. Sa construction fut décidée après l’incendie du San Benedetto,
et son nom (le « Phénix » renaissant de ses
cendres), choisi en conséquence. L’inauguration eut lieu le 16 mai 1792 avec I
Giuocchi d’Agrigento de Paisiello. Il fut détruit par le feu en 1836, puis reconstruit et
plusieurs fois réaménagé avant le second
incendie de janvier 1996 : il sera reconstruit au même endroit (façade et entrée
sur une place, autre entrée sur un canal)
et à l’identique (magnifique décoration et
bleu comme couleur dominante, loges et
galerie, parterre de 850 places). Rossini y
connut son premier triomphe (Tancredi,
1813), mais La Traviata et Simon Boccanegra de Verdi, lors de leurs créations
respectives (1853 et 1857), y furent des
échecs. Au XIXe siècle, l’établissement fut
peu à peu supplanté par La Scala de Milan,
en partie à cause de la domination et de la
censure autrichiennes, qui durèrent à Venise jusqu’en 1866 et dont témoigne la séquence initiale du film Senso de Visconti.
Eut lieu à La Fenice, en 1897, la création
de la Bohème de Leoncavallo. Une nette
renaissance est intervenue à partir des
années 1930, et, depuis, La Fenice a vu
notamment les créations mondiales de
The Rake’s Progress de Stravinski (1951),
de The Turn of the Screw de Britten, d’IndownloadModeText.vue.download 375 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
369
tolleranza de Nono et de Lorenzaccio de
Bussotti (1979), ainsi que la première scénique de l’Ange de feu de Prokofiev (1955).
FERENCSIK (Janos), chef d’orchestre
hongrois (Budapest 1907 - id. 1984).
Élève d’A. Fleischer (direction d’orchestre) et de L. Lajtha (composition) au
conservatoire de Budapest, il est devenu
assistant (1927) puis chef d’orchestre
(1930) à l’opéra de Budapest. Il a pratiquement fait toute sa carrière dans cette
ville, à l’exception de courtes périodes
comme assistant à Bayreuth (1930-31) et à
l’opéra de Vienne (1948-1950, puis 1964).
En 1953, il a été nommé directeur musical
de l’opéra de Budapest et chef principal de
l’orchestre d’État hongrois. Il a obtenu le
prix Kossuth en 1951 et en 1961. Grand
interprète de Bartók et de la musique hongroise en général, il s’est également illustré
dans le répertoire classique.
FERGUSON (Howard), compositeur et
musicologue anglais (Belfast 1908).
Il fait à Londres ses études de piano avec
Harold Samuel et travaille la composition
au Royal College of Music avec Reginald
Owen Morris. Ensuite, il devient professeur de composition à la Royal Academy
of Music, de 1948 à 1963. Grand amateur
de Brahms, il s’inscrit dans un courant
de jeunes compositeurs néoromantiques.
Excellent pianiste, il est particulièrement
attiré par la musique de chambre. Il fait
ses débuts au moment de la Seconde
Guerre mondiale et organise les concerts
de Midi à la National Gallery. Son catalogue de compositeur est assez réduit
(musique de chambre, quelques oeuvres
pour orchestre, mélodies). Mais il faut
citer, parallèlement, ses excellentes éditions pédagogiques consacrées à la musique de clavier en 4 volumes : Style and
Interpretation, anthologie de la musique
de clavier du XVIe au XIXe siècle (1963-64),
ainsi que ses Anthologies complémentaires de musique de clavecin des écoles
française, italienne (2 vol. chacune, 1966,
1968), allemande (2 vol., 1970), anglaise
(2 vol., 1971).
FERMATA.
Ancien nom du point d’orgue dans son
acception de signe d’arrêt.
FERNANDEZ (Oscar Lorenzo), compositeur brésilien (Rio de Janeiro 1897 - id.
1948).
Il fit ses études à l’École nationale de musique de Rio avec Enrique Oswald pour
le piano et Francisco Braga pour la composition. Il devint professeur d’harmonie dans cet établissement (1925-1936),
avant d’être nommé en 1936 directeur du
conservatoire brésilien. Chef d’orchestre,
fondateur de la revue Ilustração musical,
conférencier, il joua un rôle éminent dans
la vie musicale de son pays. Son oeuvre de
compositeur, intimement liée au folklore,
comprend des partitions symphoniques et
concertantes (Suite sinfônica sur 3 thèmes
populaires, 1925 ; poèmes symphoniques
Imbapara, 1929 ; Reisado de pastoreio,
1930 ; Symphonie no 1, 1re audition 1949 ;
Variations symphoniques pour piano et orchestre, 1948, etc.), des pièces pour piano,
de la musique de chambre, des mélodies et
un opéra, Malasarte, créé en 1941 à Rio de
Janeiro, sous la direction du compositeur.
FERNANDEZ CABALLERO (Manuel),
compositeur espagnol (Murcie 1835 Madrid 1906).
Élève d’Eslava au conservatoire de Madrid,
il y obtint un premier prix de composition
en 1856. Violoniste et chef d’orchestre, il
fit ensuite des tournées internationales à
la tête de troupes de zarzuelas. Devenu
aveugle en 1894, il dicta ses dernières
partitions à son fils. Plus de deux cents
zarzuelas constituent l’essentiel de son
oeuvre. Les plus connues sont El Primer
Día feliz, Gigantes y cabezudos, La Viejecita, El Cabo primero, El Salto del pasiego,
Los Sobrinos del capitán Grant, Château
Margaux. Fernandez Caballero a également écrit de la musique vocale sacrée.
FERNEYHOUGH (Brian), compositeur
anglais (Coventry 1943).
Né dans un milieu modeste, il reçoit une
première formation musicale dans un
contexte populaire et folklorisant - il joue
dans les orchestres de fanfares ou brass
bands - avant de s’orienter très vite vers
la composition. Il obtient les diplômes
d’exécutant et d’enseignant à l’École de
musique de Birmingham (1961-1963),
poursuit des études de composition et de
direction d’orchestre à la Royal Academy
of Music de Londres (1966-67). Après
avoir étudié auprès du compositeur Lennox Berkeley, Brian Ferneyhough quitte
la Grande-Bretagne (1968), effectue un
bref stage à Amsterdam auprès de Ton de
Leeuw, puis s’installe à Bâle pour y travailler avec Klaus Huber (1969-1971), dont
il devient l’assistant comme professeur
de composition à la Musikhochschule
de Freiburg (Allemagne fédérale) - poste
qu’il occupe toujours. Ferneyhough est
titulaire de divers prix et bourses, dont
le prix du concours Gaudeamus (PaysBas, 1969), celui de la fondation Heinrich Strobel (Allemagne fédérale, 1973),
le premier prix au concours de composition de la S. I. M. C. (Rome, 1974). Il est
invité à séjourner un an à Berlin-Ouest
sous les auspices du Service allemand
d’échanges académiques (DAAD, 197677). Ses toutes premières compositions
datent de 1963. Jusqu’en 1974, date de sa
révélation soudaine au festival de Royan,
la complexité de pensée et l’extrême difficulté de ses oeuvres empêchent leur large
diffusion. Cette situation s’inverse totalement à partir de 1974 ; Ferneyhough voit
son importance peu à peu reconnue grâce
à de nombreuses exécutions à Royan,
Donaueschingen, Venise, Londres, Paris
(I. R. C. A. M.), etc.
La démarche compositionnelle de Brian
Ferneyhough part d’une assimilation remarquablement complète et profonde de
l’expérience de la musique sérielle généralisée telle qu’ont pu la vivre un Pierre
Boulez, un Karlheinz Stockhausen ou un
Luigi Nono durant les années 1950-1960.
Ferneyhough adapte les impératifs de la
pensée sérielle à son propre tempérament,
véhément, expressionniste, et les exploite
dans le sens d’une totale radicalisation.
Prometheus pour sextuor à vent (1967),
Epicycle pour vingt cordes solistes (1968),
Missa brevis pour douze voix solistes a
cappella (1969), Sieben Sterne pour orgue
(1970-71) et surtout les Sonatas pour quatuor à cordes (1967) - immense monument polyphonique de plus de quarante
minutes de durée - sont les principaux
jalons d’une première période de création
qui s’interrompt en 1972 par trois années
de silence. Durant cette même période,
le compositeur exacerbe, avec des pièces
telles que Cassandra’s Dream Song pour
flûte seule (1970) ou Firecycle bêta pour
grand orchestre et cinq chefs (1969-1971),
les difficultés d’exécution et les pousse
délibérément aux limites du possible. La
complexité purement technique devient
un élément de tension psychologique
qui s’intègre de manière constitutive et
particulièrement active dans le processus
structurel de l’oeuvre.
Transit pour six voix solistes et orchestre de chambre (1972-1975) inaugure une deuxième phase créatrice, où
Ferneyhough développe en l’amplifiant
et la dépassant la pensée postsérielle et la
virtuosité « paroxystique ». La série des
trois pièces intitulées Time and Motion
Study (I, pour clarinette basse seule, 19711977 ; II, pour violoncelle solo et dispositif
électroacoustique, 1973-1976 ; III, pour
seize voix solistes et dispositif électroacoustique, 1974) et Unity Capsule pour
flûte seule (1975-76) explorent toujours
plus avant la personnalité d’instruments
solistes en intégrant d’une manière subtile des qualités de production du son
habituellement rejetées par la technique
instrumentale à un discours éminemment dialectique ; instrument en perpétuelle expansion vers ses propres limites
naturelles et interprète réagissent l’un
vis-à-vis de l’autre à travers un processus
méthodologique très spécifique. Dans La
terre est un homme pour grand orchestre
(1976-1979) et dans le Deuxième Quatuor pour deux violons, alto et violoncelle
(1979-80), Brian Ferneyhough prolonge
les structures d’articulation discursives et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
370
polysémiques des Sonatas pour quatuor
à cordes, tandis que Funérailles I pour
deux violons, deux altos, deux violoncelles, contrebasse et harpe (1969-1977)
et Funérailles II pour deux violons, deux
altos, deux violoncelles, contrebasse et
harpe (1978-1980) illustrent un processus
de recomposition à partir d’un matériau
de base « souterrain ». Se définissant luimême comme un « mystique sceptique »
en quête de la « nature positive du doute »,
Brian Ferneyhough crée une musique foncièrement originale, aux virtualités polyphoniques évidentes, aux soubassements
harmoniques très riches, qui démontre
souvent un puissant souci architectonique et un sens aigu de la grande forme
(cf. Sonatas, Transit, Time and Motion
Study II). Son écriture - strictement organisée - confronte les interconnexions
spécifiques et pragmatiques du matériau
à la « névrose créatrice » de l’interprète.
Cette musique est très exigeante, car elle
est toujours d’une extraordinaire densité
d’informations. Elle reflète une extrême
rigueur et une réelle grandeur. Parmi ses
autres oeuvres, retenons : Sonatine pour
trois clarinettes et basson (1963) ; Four
Miniatures pour flûte et piano (1965) ;
Coloratura pour hautbois et piano (1966) ;
Epigrams pour piano (1966) ; Sonate pour
deux pianos (1966) ; Trois Pièces pour
piano (1966-67) ; Lemma-Icon-Epigram
pour piano (1980-81) ; Carceri d’invenzione, en sept volets (création intégrale à
Donaueschingen en 1986) ; un Quatuor à
cordes no3 (1987) ; un Quatuor à cordes no 4
avec voix (1990) ; Terrain pour violon solo
et ensemble (1992).
FÉRON (Alain), compositeur français
(Dakar 1954).
Élève d’Ahmed Essyad (1981), il inscrit
son travail et sa réflexion dans la descendance de Schönberg, écrivant une musique
dodécaphonique mais non sérielle, atonale mais usant de colorations modales. Il
a assumé de 1984 à 1986 la responsabilité
de la série « Perspectives du XXe siècle »
à Radio France et a été en 1991 boursier
« hors les murs » de la Villa Médicis. Il a
composé une vingtaine d’oeuvres, parmi
lesquelles Charades pour ensemble instrumental (1982), l’opéra de chambre la
Barrique d’Amontillado d’après Edgar Poe
(1984), Liturgie des morts pour sextuor
vocal et ensemble instrumental « In memoriam Claude Vivier » (1987), Trois Motets pour choeur a cappella (1990), l’opéra
l’Ève future d’après Villiers de L’Isle Adam
(1993), l’opéra pour marionnettes le Trésor de la nuit pour soprano, ténor, baryton, clarinette, violon, violoncelle et piano
(1995).
FERRABOSCO, famille de musiciens
d’origine italienne.
La plupart de ses membres vécurent en
Angleterre et jouèrent un rôle important
dans l’évolution de la musique dans ce
pays au XVIIe siècle.
Domenico Maria, compositeur italien
(Bologne 1513 - id. 1574). D’abord musicien dans sa ville natale, puis au Vatican,
il fut chantre à la chapelle papale de 1550
à 1555. Il a laissé des madrigaux (pub.
Venise, 1542) et des motets.
Alfonso I, compositeur italien, fils aîné
de Domenico (Bologne 1543 - id. 1588). De
nombreux détails de sa vie assez aventureuse et de ses voyages nous sont connus
par l’abondante correspondance qu’il
a laissée. Malgré une position bien établie en Angleterre, où il résida de 1562 à
1578 et où il fut musicien à la cour de la
reine Élisabeth, il passa les dix dernières
années de sa vie en Italie, laissant ses
fils à Greenwich. Il a écrit de nombreux
madrigaux, des motets, un miserere, des
lamentations et quelques pièces pour luth.
Son art fut très apprécié de ses contempo-
rains qui l’ont souvent comparé à William
Byrd. Plusieurs de ses madrigaux, avec des
textes traduits en anglais, figurent dans le
célèbre recueil intitulé Musica transalpina
(2 vol., 1588, 1597).
Alfonso II, appelé LE JEUNE, compositeur anglais, fils illégitime du précédent
(Greenwich v. 1575 - id. 1628). Il dut son
éducation musicale à Gomer Van Awsterwycke, musicien émigré à la cour d’Élisabeth. Après la mort de son maître (1592),
Ferrabosco entra au service de la reine.
En 1604, il devint l’un des musiciens du
nouveau roi Jacques Ier et eut la charge
d’enseigner la musique au prince Henri.
À cette époque, il commença à collaborer
avec Ben Jonson et Inigo Jones à la composition des masques somptueux représentés
à la cour des Stuarts. Entre 1605 et 1622, il
écrivit la musique de huit masques, dont
le premier fut The Masque of Blackness et
le dernier The Masque of Augurs, à l’élaboration duquel participa également Nicholas Lanier. En 1609, il publia un livre
de pièces exclusivement instrumentales :
Lessons for 1. 2. and 3 Viols (Londres). À la
mort du prince Henri en 1612, Ferrabosco
conserva son poste à la cour et dut désormais donner des leçons au prince Charles.
À partir de cette date, sa renommée de
compositeur sembla avoir été éclipsée par
celle de John Coprario. Cependant, après
la mort de Coprario (1626), Alfonso II fut
nommé compositeur ordinaire auprès du
roi Charles Ier. Il mourut deux années plus
tard. De son mariage avec Ellen, fille de N.
Lanier, Ferrabosco eut sept enfants, dont
trois fils qui devinrent musiciens : Alfonso
(mort avant 1660), Henry (mort en 1658)
et John (mort en 1682).
Alfonso Ferrabosco II a laissé des
oeuvres vocales et instrumentales. Les premières comprennent des ayres, 13 motets,
un recueil de Lamentations, un motet à 4
voix, un autre à 3 voix, quelques antiennes
ainsi que 23 madrigalettes à 4 voix. Les
secondes se composent de fantaisies (23
à 4 violes), de danses (almains, pavans),
de In nomine (3 à 5 et 2 à 6) pour violes, et
de quelques pièces pour la lyra-viol ; avec
Coprario, il fut le premier à écrire pour cet
instrument.
FERRARI (Luc), compositeur français
(Paris 1929).
Après un apprentissage musical multiple
et varié (École normale de musique, ren-
contre de Varèse, lecture de Leibowitz,
etc.), il commence à composer dans un
style bartokien ou sérialisant mais déjà
marqué par le dynamisme bouillonnant
et la vitalité qui parcourent toute sa production. Parmi ses premières oeuvres
instrumentales, citons Antisonate (1953)
pour piano, et la série des Visages I à IV
pour diverses formations de chambre. En
1958, il entre au Groupe de recherches
musicales de la R. T. F., dirigé par Pierre
Schaeffer. Pendant quelques années, Ferrari en est le jeune touche-à-tout doué et
brillant, avec des oeuvres électroacoustiques comme Visage V (1961) ou Tautologos I (1961) et II (1961). Dans ces deux
dernières pièces s’annonce déjà le principe de répétition qui prendra dans son
oeuvre une importance croissante. Avec
Hétérozygote (1964), qui est demeuré un
classique de la musique électroacoustique,
il ose réintroduire dans la « musique
concrète » l’usage longtemps prohibé
(sauf chez Pierre Henry) des sons naturalistes, anecdotiques. Il fera de même dans
Music Promenade (1969) et les 2 Presque
rien (1970, 1977).
En 1963, Ferrari quitte le G. R. M. et
diversifie ses activités : cours de composition à l’étranger, notamment en Allemagne, pays qui l’accueille plusieurs années ; animation, émissions de télévision.
Il se remet à l’instrumental : Flashes (1963)
pour 14 instruments, Symphonie inachevée (1963-1966) pour orchestre, Und so
Weiter (1966) pour piano et bande, etc.
Dans la série des Sociétés I à VI, différentes
situations de jeu explorent les relations
entre chef, instrumentistes, instruments
et même public (par ex. dans Société V,
Participation or not Participation, pour
différents groupes de public).
Ferrari remet en question de plus en
plus nettement la musique, en tant que
phénomène de communication, et en
tant que catégorie esthétique vouée au
« beau ». Il se veut de plus en plus fabricant
de témoignages. Ses musiques sont faites
avec des moyens pauvres et recherchent
une nouvelle simplicité subversive. Ce
sont parfois des bandes magnétiques
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
371
jouant le rôle de supports, d’incitations
pour des improvisations instrumentales
laissées à la liberté des exécutants (Éphémères, 1975 ; Et tournent les sons dans la
garrigue, 1977). D’autres travaux sont
constitués de montages audiovisuels qui
mettent en accusation la société moderne
ou enquêtent sur des expériences de révolution : Allo, ici la terre (1972), Labyrinthe
de violence (1975) ou la série des Algéries.
D’autres enquêtes plus intimes sont réservées à la bande magnétique seule, avec des
éléments musicaux simples et répétitifs :
Journal d’un journaliste amateur (1972),
Danses organiques (1973).
Dans ses oeuvres récentes s’affirme un
Ferrari épanoui, dynamique, qui joue
avec bonheur et efficacité des « armes »
musicales les plus simples : rythmes obsédants, procédés de développement par
répétition. Deux de ses oeuvres les plus
populaires dans cette voie sont Musique
socialiste ou Programme commun (1972)
pour clavecin et bande, et Cellule 75 (1975)
pour piano, percussion et bande. Citons
encore Histoire du plaisir et de la désolation
pour orchestre (1982), En un tournement
d’amour pour orchestre (1986), l’opéra Labyrinthe Hôtel (Strasbourg, 1990), Cahier
du soir (1991-1992), Pénétration harmonique (1995).
FERRAS (Christian), violoniste français
(Le Touquet, Pas-de-Calais, 1933 - Paris
1982).
Il a fait ses études au conservatoire de Nice,
puis à celui de Paris avec Calvet, et s’est
perfectionné avec Enesco. Après avoir
débuté à treize ans à Paris en concert, il a
obtenu le premier prix au concours international de Scheveningen en 1948, ainsi
que le prix Long-Thibaud. Il a alors entamé une grande carrière internationale.
Le jeu de Ferras est d’une grande perfection et sa sonorité d’une pureté exceptionnelle. L’éclat de ses exécutions de grand
concertiste n’exclut pas une approche très
intérieure des oeuvres. Dans la musique
de chambre, il sait, dans le respect de la
tradition française, faire apparaître le sentiment sans l’étaler. Comme interprète de
musique de chambre, il a associé son nom
à celui de Pierre Barbizet.
FERRERO (Lorenzo), compositeur italien
(Turin 1951).
D’abord autodidacte, il a ensuite étudié la
composition avec Massimo Bruni (écriture) et Enore Zaffiri (musique électronique) tout en s’intéressant particulièrement à John Cage, auquel il a consacré sa
thèse. Il a travaillé également au Groupe
de musique électronique de Bourges
(1972-73), et participé à partir de 1974 aux
activités du groupe Musik-Dia-LichtFilmGalerie de Josef Anton Riedl à Munich. Il
dirige depuis 1980, avec Sylvano Bussotti,
le festival Puccini de Torre del Lago en
Toscane. Il ne s’est jamais senti attiré par
les systèmes sériels, privés, selon lui, de
fondement psycho-acoustique, mais s’attache au contraire aux harmoniques et
aux spectres sonores, par exemple dans
Siglied pour orchestre de chambre (1975),
ou dans Romanza senza parole pour 10
exécutants (1976).
Son utilisation de la virtuosité vocale
repose exclusivement sur les principes du
bel canto italien du XVIIIe siècle, non sur
la virtuosité expressionniste ou vériste.
Ses principes d’instrumentation, issus de
l’électroacoustique, cherchent à effacer la
distinction entre les familles instrumentales traditionnelles au profit de groupes
de timbres similaires émis pour différents
instruments en fonction de leurs registres
spécifiques.
Il est notamment l’auteur de plusieurs
oeuvres destinées à la scène : Rimbaud, sur
un texte de L. F. Caude (1974-1978), Invito
a nozze, ballet en un acte (1978), et Marilyn, scènes des années 50 en deux actes,
livret de L. Ferrero et F. Bossi (1979),
Night (Munich, 1985), Salvatore Giuliano
(Rome, 1986), Charlotte Corday (Rome,
1989), le Bleu Blanc Rouge et le Noir (Paris,
1989). On lui doit encore, entre autres, Ellipse II pour clavicorde ou clavecin (1975),
Ellipse III pour quatre (ou plus) voix ou
instruments (1975), Le néant où l’on ne
peut arriver pour solistes, 2 choeurs, choeur
d’enfants, cuivres et percussions, sur un
texte de B. Pascal (1976), Arioso pour
orchestre et instruments électroniques
(1977), Ellipse IV (Waldmusik) pour 20
instruments à vent et instruments populaires (1977), Ellipse V-VIII pour violon,
flûte, violoncelle, piano (1977-78), Ellipse
en septuor pour 7 instruments (1980), Balletto per orchestra pour grand orchestre
(1980), Ombres pour 17 instruments et
électronique (1984), Concerto pour piano
(1991), Requiem pour les victimes de la
Mafia (Palerme, 1993).
FERREYRA (Béatriz), femme compositeur argentine (Córdoba 1937).
En France depuis 1961, elle a fait partie
de 1964 à 1970 du Groupe de recherches
musicales de Paris, où elle a collaboré
avec Guy Reibel et Henri Chiarucci aux
recherches sur le « solfège expérimental »
conduites par Pierre Schaeffer, et commencé une production - qu’elle poursuit
dans d’autres studios (celui de Bourges,
notamment) - d’oeuvres électroacoustiques d’un style intime et personnel,
souvent dans des tonalités glauques et
contemplatives (Demeures aquatiques,
1967 ; Étude aux sons flegmatiques, 1971 ;
Siesta blanca, 1972), et dans lesquelles le
thème de la voix humaine, enregistrée
ou imitée électroniquement, sarcastique,
insinuante ou démente, tient une grande
place (Médisances, 1968 ; l’Orviétan, 1974 ;
Canto del Loco, 1975 ; Ecos, 1978). Elle a
également créé des musiques destinées à
des expériences musicothérapiques et entrepris un cycle d’oeuvres « mixtes » (pour
instrument et bande) avec Tierra quebrada
(1976-77), pour violon et bande, et la Symphonie concertante pour le chat et son astrologue (1978), pour piano et bande.
FERRIER (Kathleen), contralto anglaise
(Higher Walton, Lancashire, 1912 Londres 1953).
Elle avait désiré devenir pianiste, mais dut
plusieurs années exercer le métier de téléphoniste, tout en donnant des leçons de
piano et en se produisant comme accompagnatrice dans de modestes concerts. Sa
voix fut découverte en 1937 et plusieurs
personnalités telles que le chef d’orchestre
Malcolm Sargent l’engagèrent à étudier
le chant, ce qu’elle fit notamment avec
Roy Henderson à Londres. Elle débuta
en 1942 à Newcastle en chantant la partie
d’alto dans la Passion selon saint Matthieu
de Bach et se fit connaître à Londres lors
d’une exécution du Messie de Haendel à
l’abbaye de Westminster en 1943. Sa renommée d’interprète d’oratorio grandit
vite. Elle fit ses débuts sur une scène au
festival de Glyndebourne en 1946 dans le
rôle de Lucrèce lors de la création du Viol
de Lucrèce de Britten. Ce personnage et
celui d’Orphée dans l’oeuvre de Gluck, qui
fut à son répertoire à partir de 1947, furent
les deux seuls qu’elle joua au théâtre. C’est
plutôt comme chanteuse d’oratorio (Bach,
Haendel), de mélodies et de lieder (Schumann, Brahms, Mahler) qu’elle entreprit
une carrière internationale que la maladie
devait interrompre prématurément. Kathleen Ferrier avait une voix au timbre parfaitement homogène et d’une beauté rare.
Elle en accroissait le pouvoir expressif par
des interprétations d’une émotion sobre
mais profonde fondées sur le raffinement
d’inflexions liées, avec une rare intuition,
aussi bien au sens des textes qu’à la ligne
musicale.
FERROUD (Pierre Octave), compositeur
et critique musical français (Chasselay,
Rhône, 1900 Debreczen, Hongrie, 1936).
Il se destinait à une carrière scientifique
quand la rencontre d’Édouard Commette,
organiste de la primatiale Saint-Jean à
Lyon, l’amena à abandonner la chimie au
profit de la musique. Il fut ensuite l’élève
de Guy Ropartz à Strasbourg puis, de nouveau à Lyon, celui de Florent Schmitt qui
enseignait alors l’harmonie au conservatoire. P. O. Ferroud, que sa fin prématurée a empêché de donner toute sa mesure,
est l’auteur de plusieurs sonates, d’un trio
d’anches, d’un quatuor à cordes, d’une
symphonie, de mélodies sur des poèmes
de Valéry, P. J. Toulet et Supervielle, de
deux ballets et d’un opéra bouffe, reflétant
des influences très diverses, mais caractérisés par le refus de tout lyrisme. Il fut
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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aussi le fondateur en 1932 de la société « le
Triton », et critique musical de Paris-Soir,
Musique et Théâtre et Chantecler.
FESCH (Willem de), violoniste et compositeur néerlandais (Alkmaar 1687 Londres 1757).
On le trouve professeur de violon à Amsterdam à partir de 1710, puis maître de
chapelle à la cathédrale d’Anvers de 1725
à 1731. Il se fixa à Londres en 1732, y
joua et enseigna son instrument et dirigea les concerts de Marylebone Gardens.
Il connut une certaine notoriété après la
création de ses oratorios Judith (1733),
Love and Friendship et Joseph (1744), malheureusement perdus.
C’est surtout cependant comme com-
positeur de musique instrumentale qu’il
attire l’attention par des oeuvres très influencées par le style italien, écrites aussi
bien aux Pays-Bas qu’en Angleterre : duos
de violons, duos de flûtes, sonates à 2
violoncelles, sonates en trio, concertos et
concerts divers.
FESTA (Costanzo), compositeur italien
(Villafranca Sabauda, près de Turin, v.
1490 - Rome 1545).
Chantre à Ischia auprès de la duchesse de
Francavilla, puis à la chapelle papale au
Vatican, il termina ses jours à Rome et fut
l’un des fondateurs de l’école romaine.
Son importance comme compositeur de
madrigaux fut reconnue par ses contemporains et, parallèlement à Verdelot et
Willaert, il joua un rôle décisif dans le
développement de cette forme spécifiquement italienne. Son style, d’une originalité
certaine, se distingue par une grâce toute
méditerranéenne. Costanzo Festa a laissé
d’autre part des messes, un livre de magnificat, une centaine d’hymnes et environ
cinquante motets.
FESTA TEATRALE (ital. : « fête théâtrale »).
Au XVIIIe siècle, opéra écrit pour une occasion solennelle (mariage royal ou princier)
et à sujet de préférence mythologique ou
allégorique. Portèrent cette dénomination
Acide de Haydn (1763, pour les noces du
fils aîné du prince Nicolas Esterházy), ou
encore Ascanio in Alba de Mozart (1771,
pour les noces de l’archiduc Ferdinand
d’Autriche et de Maria Beatrice d’Este).
FESTSCHRIFT. ! MÉLANGES.
FÉTIS (François-Joseph), musicologue
et compositeur belge (Mons 1784 Bruxelles 1871).
Il étudia le clavecin, le violon et, au
Conservatoire de Paris, le piano avec
Boieldieu et l’harmonie avec Rey. À partir de 1813, il fut organiste à Douai et, en
1821, devint professeur de composition
au Conservatoire de Paris. Il fonda en
1827 la Revue musicale qui devait fusionner en 1835 avec la Gazette musicale. En
1827 aussi, il fut nommé bibliothécaire au
Conservatoire de Paris et en 1833, directeur du conservatoire de Bruxelles. Il fut
aussi maître de chapelle du roi des Belges.
Bien qu’il ait composé des oeuvres orchestrales et instrumentales, un requiem et des
opéras-comiques, la postérité n’a retenu
que l’importance de son rôle de critique
et de chercheur dont témoignent ses nombreux et souvent importants ouvrages,
mémoires ou articles de musicologie, de
théorie et de pédagogie musicales. Il faut
voir en lui, plus que le critique sans doute
partial et à l’esprit étroit qui fut l’objet des
sarcasmes de Berlioz, l’un des fondateurs
de la musicologie moderne. Sa monumentale Biographie universelle des musiciens
et bibliographie générale de la musique (8
vol., Paris, 1835-1844) est imprégnée de
l’idée, qu’il fut un des premiers à défendre,
que les chefs-d’oeuvre du passé sont, du
point de vue de l’art et pas seulement de
l’archéologie, aussi intéressants que ceux
du présent. Les idées qu’il a exposées dans
son Traité complet de la théorie et de la pratique de l’harmonie (Paris, 1844) ont une
portée révolutionnaire, laissant prévoir,
au terme de l’évolution de l’harmonie
dans la musique européenne, un ordre
« omnitonique » admettant toutes les possibilités d’équivoque tonale. Dans son Histoire générale de la musique (5 vol., Paris,
1869-1876), restée inachevée, il reconnut
l’intérêt des musiques extra-occidentales
et apparaît, en cela aussi, comme un précurseur.
FEUERMANN (Emanuel), violoncelliste
autrichien (Kolomyja, Galicie, 1902 New York 1942).
En 1909, il vint avec sa famille à Vienne où
il étudia le violoncelle avec Anton Walter.
Il se produisit en public dès l’âge de onze
ans, puis se perfectionna à Leipzig. À seize
ans, il s’installa à Cologne comme professeur au conservatoire, violoncelle solo de
l’orchestre du Gürzenich et membre du
Quatuor Bram Eldering. De 1929 à 1933,
il fut professeur à la Hochschule de Berlin,
puis vécut à Zurich, s’exila aux États-Unis
et fut nommé professeur au Curtis Institute de Philadelphie en 1941. Considéré
malgré sa disparition prématurée comme
l’un des grands violoncellistes du siècle,
Feuermann, remarquable interprète de
musique de chambre, a en particulier joué
en trio, d’une part, avec Arthur Schnabel
et Bronislav Huberman, d’autre part, avec
Arthur Rubinstein et Jascha Heifetz.
FÉVIN (Antoine de), compositeur français (Arras v. 1470 ou 1475 - Blois 1511
ou 1512).
Glaréan qualifie d’heureux disciple (felix
aemulator) de Josquin ce fils d’un échevin
d’Arras, dont on sait seulement qu’il fut
chantre à la chapelle du roi Louis XII. Si
l’on se fie au jugement de ses contemporains (Crétin, Mouton, Louis XII) et aux
publications qui l’honorèrent (Petrucci
publia en 1514 six motets, en 1515 trois
messes à 4 v.), il jouissait d’une réputation
et d’une estime solides. Contrairement à
Divitis, Févin ne prête aucune attention
au texte et à sa déclamation. La marque la
plus significative de son style est l’emploi
des voix groupées par deux en duo, emploi qui, si l’on y ajoute l’usage de la technique de l’imitation et un évident souci de
clarté, accrédite le jugement de Glaréan.
On connaît de Févin 11 messes (dont
Mente tota, Ave Maria, Sancta Trinitas),
un requiem, des fragments de messes, une
vingtaine de motets, des magnificat, des
lamentations et une quinzaine de chansons françaises.
FÉVRIER, famille de musiciens français.
Henry, compositeur (Paris 1875 - id.
1957). Élève, au Conservatoire, de Massenet, Fauré, Leroux et Pugno, il fut surtout marqué par les leçons de Messager,
son premier maître. Après avoir pratiqué
la musique de chambre et la mélodie, il
révéla ses dons pour le théâtre avec le Roi
aveugle (1906). En 1909, l’Opéra-Comique
monta Monna Vanna (sur un poème de
Maeterlinck), son chef-d’oeuvre. Suivirent
notamment Carmosine (Gaîté-Lyrique,
1912), Gismonda (Chicago, 1919), la
Damnation de Blanchefleur (Monte-Carlo,
1920), l’Île désenchantée (Opéra, 1925)
et la Femme nue, d’après Henry Bataille
(Monte-Carlo, 1929).
Jacques, fils du précédent, pianiste et
pédagogue (Paris 1900 - Remiremont
1979). Élève d’Édouard Risler et de Marguerite Long, professeur au Conservatoire
de Paris à partir de 1959, il a formé plusieurs générations de pianistes et mené
une brillante carrière internationale,
particulièrement consacrée à la musique
française. Il fut choisi par Maurice Ravel
pour créer en France le Concerto pour la
main gauche.
FIALA (Joseph), compositeur tchèque
(Lochovice, Bohême, 1748 - Donaueschingen 1816).
Il fit des études de violoncelle et de hautbois à Prague, joua dans l’orchestre de
la comtesse Netolitzky, à la chapelle du
prince Öttingen-Wallerstein à Öttingen
en 1774, puis à la chapelle du prince-archevêque de Salzbourg, de 1778 à 1785,
et rencontra Mozart à Vienne. Après un
séjour à Saint-Pétersbourg au service de
Catherine II et du prince Orlov, il s’installa en Allemagne en 1792 et fut nommé
violoncelle virtuose à la cour du prince de
Fürstenberg à Donaueschingen. Fiala est
l’auteur de duos concertants pour violon
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
373
et violoncelle, pour flûte ou hautbois et
basson, de plusieurs quatuors à cordes,
divertimentos, symphonies et concertos.
Mozart a parlé avec faveur de certaines de
ses oeuvres.
FIBICH (Zdenek), compositeur tchèque
(Vseborice 1850 - Prague 1900).
Fils d’un maître forestier, il étudia la
musique à Prague, notamment avec Smetana, et au conservatoire de Leipzig, où
il travailla en particulier le piano avec
Moscheles. De retour à Prague en 1871,
il fut second chef et maître de choeur au
Théâtre national, abandonna cette fonction en 1878 pour protester contre les
tendances de la direction, fermée à Smetana et à Wagner, et, à l’instar de tous
les partisans de Smetana, il eut rarement
une position officielle stable. Son oeuvre
très vaste laisse percevoir l’évolution de
son style : des pièces de chambre, des
ballades et chansons, et l’opéra Bukovin (1870), mystérieux appel de la forêt,
dénotent l’influence de Schumann. Celle
de Liszt apparaît dans l’oeuvre pour orchestre, notamment dans huit poèmes
symphoniques. L’opéra Blanik (18741877), écrit pour le futur Théâtre national tchèque, s’engage dans la voie ouverte
par Smetana. C’est ensuite d’une attirance
vers Wagner que témoigne l’opéra la Fiancée de Messine d’après Schiller (1894). Fibich semble s’épanouir dans cette manière
d’écrire et s’affirme plus encore dans la trilogie mélodramatique Hippodamie (1890),
au langage original. Le compositeur teinte
peu à peu ses élans dramatiques de senti-
mentalité, abandonne les grandes formes
au profit de cycles pour piano (Nalady,
dojmy a upominky, véritable journal intime, 1892-1899) ou pour petite formation
(Scènes à la Watteau pour flûte, piano et
cordes, 1897). Sa dernière oeuvre importante est l’opéra Sarka (1897).
FICTA (musica).
Pratique consistant, dans la musique du
Moyen Âge et de la Renaissance, à omettre
dans la notation des altérations censées
être observées dans l’exécution.
FIEDLER (Arthur), chef d’orchestre américain (Boston 1894 - id. 1979).
Son père, d’origine autrichienne, violoniste à l’orchestre de Boston, lui donne ses
premières leçons. À l’âge de quinze ans,
il part avec sa famille pour Berlin, où il
étudie avec W. Hess. Il entreprend alors
l’étude de la direction d’orchestre. En
1915, il est violoniste dans l’orchestre de
Boston. Il fonde en 1924 le Boston Sinfonietta, qu’il dirige. En 1929, il se produit
lors des Concerts de l’Esplanade (concerts
en plein air) qui connaissent un succès
triomphal dès la première saison. Il prend
la place de Casella à la tête du Boston
« Pop’s Orchestra », dans un répertoire
de musique populaire auquel se mêlent les
grandes pages symphoniques du répertoire - concerts pour le grand public qui
ont fait sa gloire.
FIELD (John), pianiste et compositeur
irlandais (Dublin 1782 - Moscou 1837).
Issu d’une famille de musiciens, il fut
contraint par son père et son grand-père
à une étude intensive du piano et débuta
en public en 1792. En 1794, il fut conduit
à Londres où il devint l’élève de Clementi.
Celui-ci l’emmena en 1802 à Paris, où
son interprétation des fugues de Bach et
d’oeuvres de Haendel suscita l’admiration et où il publia son premier recueil de
sonates, puis en Allemagne et en Russie.
Field se fixa à Saint-Pétersbourg en 1804
comme professeur et y acquit une grande
renommée. Il s’installa en 1823 à Moscou,
qu’il quitta en 1831 pour Paris, la Belgique, la Suisse et l’Italie. Tombé gravement malade à Naples, il y vécut des mois
difficiles jusqu’à ce qu’une famille russe
le ramenât à Moscou. Sur le chemin du
retour, Vienne réserva un accueil triom-
phal à ses Nocturnes : en 1814, Field avait
été le premier à donner ce titre à des pages
pour piano.
Field occupe une place importante
dans l’évolution de la technique du jeu
de piano, et une position non négligeable comme compositeur (il écrivit de
nombreuses oeuvres pour piano seul, des
concertos pour piano et des quintettes
avec piano). Dans ses pièces brèves en
particulier, qui précèdent souvent chronologiquement celles des grands romantiques (Schubert, Mendelssohn, Chopin,
Schumann) qu’elles semblent annoncer,
l’invention mélodique semble couler sans
effort et les intentions expressives reflètent
tous les courants du premier romantisme.
Une page comme le Nocturne no 12 en
« sol » majeur, par exemple, a toute la
fougue spontanée d’un lied amoureux de
Schumann.
FIFRE.
Petite flûte traversière de bois, à six trous,
en si bémol ou en ré. Cet instrument de
plein air, au son clair et perçant, a été
réglementaire dans l’armée française, de
François Ier à Napoléon III, et l’est encore
dans les musiques militaires de plusieurs
nations d’Europe.
FIGURALISME.
Mot d’introduction récente, par lequel on
désigne la traduction musicale des images
du texte par des moyens analogiques ; par
exemple les idées de montée ou de descente par les mouvements mélodiques
correspondants, les animaux par la description de leur démarche ou de leur cri,
la majesté par des arpèges d’accords parfaits, etc.
On employait autrefois le mot « madrigalisme », mais si le madrigal emploie
effectivement très fréquemment le figuralisme, il n’est ni le seul ni le premier.
Le figuralisme était connu de la musique
grecque antique (par exemple, le « nome
pythique » décrivait le combat d’Apollon
et du serpent) comme il l’est de diverses
musiques populaires (l’Alouette roumaine) ; il n’est absent ni du chant grégorien (communion de la Pentecôte) ni de la
polyphonie médiévale (motet Descendi in
hortum meum, XIIIe s.), mais il y tient un
rôle malgré tout assez secondaire. En re-
vanche, il devient, à partir de Josquin Des
Prés, l’un des éléments essentiels de l’inspiration et de la composition musicales. Il
connaît son apogée avec J.-S. Bach (tous
les mots d’une cantate ou d’une passion de
ce maître sont traduits avec une incroyable
minutie, et aussi le texte sous-entendu de
ses chorals d’orgue). S’il a perdu quelque
peu, depuis le XIXe siècle, de sa précision
quasi automatique, il n’a jamais disparu
de la musique tant que celle-ci a entendu
conserver la valeur signifiante que seules
lui dénient les écoles les plus récentes.
FIGURE.
Terme assez général employé dans diverses circonstances où la signification
musicale est liée à sa représentation matérielle.
En notation, la figure est, au sens
propre, la forme de la note écrite, d’où
l’application du mot à la valeur rythmique
que cette forme représente (noire, croche,
etc.), et, à partir du XVIIIe siècle, l’opposition entre plain-chant (écrit en notes
carrées) et musique « figurée » (écrite
en notes rythmiques). En stylistique, on
appelle figure un dessin musical d’aspect
déterminé, surtout quand il évoque une
analogie visuelle (v. figuralisme) ; on nommait autrefois figure ce que nous appelons
aujourd’hui « cellule », élément premier
de la construction musicale. On donne
parfois aussi ce nom aux différents signes
d’ornementation (trilles, gruppetti, etc.),
bien que le terme soit vieilli en ce sens.
FIGURÉ (chant).
Expression dont la signification doit être
reliée à l’un des sens du mot figure, celui
de « signe d’ornementation ».
On parlait de « chant figuré » (ital. canto
figurato) pour désigner une ligne vocale
ornée au moyen de procédés généralement assez stéréotypés.
FIGURÉ (choral).
Forme particulière à certains chorals
d’orgue des XVIIe-XVIIIe siècles dans laquelle chaque motif est présenté d’abord
sous forme d’une entrée en imitations
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
374
(souvent strette ou entrée de fugue), ensuite en valeurs longues énonçant le texte
original exact.
Du nom de son principal introducteur,
on l’appelle parfois « choral à la Pachelbel ».
FIGURÉE (musique).
On désignait ainsi dans la musique religieuse du XVIIe au XIXe siècle les pièces
musicales écrites par les compositeurs,
par opposition au plain-chant liturgique.
Il arrivait même (Berlioz en est coutumier) que l’on opposât tout simplement la
« musique » au « plain-chant ». L’expression a succédé à la musica mensurata que
le Moyen Âge opposait au planus cantus
ou cantus ecclesiasticus.
FILÉ (son) [en ital. filar un suono, filar la
voce].
Ce terme, synonyme de celui de messa
di voce employé par les maîtres de chant
anciens, s’applique à la voix humaine mais
aussi aux instruments à archet. Sur une
longue note tenue, le son est d’abord émis,
pianissimo, augmenté graduellement ensuite jusqu’au forte, puis diminué à nouveau.
FILETS.
Dans les instruments à cordes, étroites
bandes incrustées sur les bords de la table
et du fond pour les renforcer et éviter l’apparition de fissures.
FILM D’OPÉRA.
On peut dire sans exagération que l’opéra
a été le cinéma du XIXe siècle, prodiguant
à son public émotions, exotisme, passions,
féérie, spectacle, et même ces deux ingrédients traditionnels du spectacle populaire que sont la violence (duels, meurtres)
et l’érotisme (danses lascives, filles-fleurs
de Wagner). Rien d’étonnant donc si, à ses
débuts, le cinéma muet - qui était la plupart du temps, rappelons-le, projeté avec
une musique jouée en direct - lui a rendu
la pareille : soit en adaptant de nombreuses fois des opéras populaires comme
Carmen ou la Bohème (les acteurs jouant
l’action en pantomime, et l’orchestre exé-
cutant un pot-pourri instrumental des
airs les plus fameux), soit même en proposant des films d’esprit opératique, qui
pouvaient - comme le fabuleux Cabiria,
de Pastrone (1914), film « antique » inspiré de Salambô et gratifié d’une partition
originale d’Aldebrando Pizzetti - inclure
dans leur musique des airs destinés à être
chantés par un interprète « vivant » se synchronisant avec l’acteur sur l’écran.
Beaucoup des premiers courts-métrages « parlants », vers la fin des années
1920 aux États-Unis, sont d’ailleurs des
airs d’opéra enregistrés par les voix les
plus fameuses de l’époque, comme Martinelli. Par la suite, l’opéra filmé - qui
posait dans les années 30 de nombreux
problèmes techniques, notamment pour
la restitution des voix féminines et de
l’orchestre, sans compter les problèmes de
mise en scène - deviendra un genre sinon
prolifique, du moins assez pratiqué, notamment en Union soviétique et en Italie,
où l’on adopte sans complexe la technique
consistant à demander à l’acteur de jouer
en « play-back » sur la voix d’un chanteur
connu : un des plus célèbres exemples en
est l’Aïda de Clemente Fracassi, où Sophia
Loren prête sa plastique à Renata Tebaldi.
C’est dans les années 1970 que, à la
faveur des procédés « Dolby stéréo »
(qui permettent de généraliser à beaucoup de salles le son haute-fidélité stéréophonique), le film-opéra devient un
genre vedette, notamment sous l’impulsion de producteurs comme Robert Stigwood (producteur d’opéras rock, comme
Tommy), Tarak Ben Amar et Daniel Toscan du Plantier. Ce dernier notamment
est à l’origine d’une série de réalisations,
assez inégales, dont le point commun est
d’associer le nom d’un réalisateur prestigieux à celui d’un opéra connu, alors
que jusque-là l’opéra filmé était souvent
considéré comme un genre esthétiquement inférieur. L’idée lui est sans doute
venue de la très grande réussite esthétique,
critique et publique représentée par la
Flûte enchantée, de Bergman (1975). S’ensuivent des oeuvres comme le Don Giovanni de Joseph Losey (1976), la Bohème
de Luigi Comencini (1987), Carmen de
Francesco Rosi (1984), Boris Godounov de
Zulawski (1989) et le magnifique Parsifal
de Hans-Jürgen Syberberg (1982), qui, en
situant l’action dans un décor étonnant
constitué de l’agrandissement en studio
du masque mortuaire de Wagner, et en
jouant très franchement du play-back et
de l’hétérogénéité du corps et de la voix
(Parsifal, chanté par Rainer Goldberg,
est joué à l’écran d’abord par un jeune
homme, et ensuite par une jeune fille),
résout magistralement certaines des difficultés du genre. Il est vrai qu’avec une
option radicalement inverse (choix d’un
décor réel de plein air, et option pour le
son direct, car nous entendons la voix des
chanteurs réellement captés au moment
de la prise de vue), Jean-Marie Straub et
Danièle Huillet ont pu ainsi, avec leur
Moïse et Aaaron (1974), réaliser une belle
oeuvre, qui a entre autres mérites celui de
donner au message politique et religieux
de Schönberg toute sa dimension. Enfin, le
kitsch même de la mise en scène conventionnelle d’opéra, quand il est bien défendu, avec des interprètes qui ont le sens
de la caméra, peut donner, comme avec
la fougueuse Taviata de Franco Zeffirelli
(1983), avec Teresa Stratas en Violetta, de
belles réussites. Bien sûr, il y a beaucoup
de déchets et d’oeuvres ratées, mais pas
plus que dans les autres genres cinématographiques. La conclusion est qu’il n’y a
aucune solution satisfaisante in abstracto
aux nombreux problèmes posés par le
film-opéra, et notamment par l’apparente
discordance entre une forme d’expression
en principe vouée au naturalisme, le cinéma, et une autre où règnent les conventions du chant et de l’effusion lyrique et
sentimentale. Certains réalisateurs ont
même suscité avec bonheur des opéras spécifiquement conçus et écrits pour
l’écran, comme Jacques Demy avec les
Parapluies de Cherbourg (1964, musique
de Michel Legrand), Une chambre en ville
(1982, musique de Michel Colombier), ou
le Portugais Manoel de Oliveira avec les
Cannibales (1988, musique de Joao Paes).
Il n’est pas inutile, enfin, de citer les très
nombreux réalisateurs de cinéma pour
lesquels l’opéra est une référence absolue, qu’ils cherchent à transposer dans les
conventions propres du cinéma réaliste
dialogué : de Friedrich Wilhelm Murnau à
Francis Ford Coppola et de Max Ophuls à
Akira Kurosawa, ils sont légion depuis les
débuts du septième art.
FILTZ (Johann Anton), compositeur
allemand (baptisé à Eichstätt, Bavière,
1733 - Mannheim 1760).
On ne sait rien de sa jeunesse ni des
contacts avec la Bohême que son oeuvre
semble prouver. On le retrouve en 1754
violoncelliste dans l’orchestre de Stamič à
Mannheim, ville où il fit toute sa carrière
jusqu’à sa mort prématurée. Sa célébrité
fut grande de son vivant et d’importants
éditeurs publièrent ses oeuvres aussitôt
après sa disparition. H. Riemann a établi un catalogue thématique de ses compositions où l’on trouve 41 Symphonies,
24 Sonates en trio, un recueil de Sonates
pour violon (ou violoncelle), 6 Quatuors
à cordes, 3 Concertos pour flûte. Filtz est
un mélodiste spontané, qui recourt fréquemment à des danses tchèques dans les
mouvements rapides de ses symphonies.
Sa Symphonie bohême ou sa Symphonie
périodique no 4 prouvent une volonté d’expression proche de celle de Jean-Chrétien Bach et Mozart. Mort trop tôt pour
avoir pu s’épanouir, il demeure l’un des
représentants les plus intéressants de la
musique instrumentale préclassique.
FINAL ou FINALE.
On emploie indifféremment les deux
formes de ce nom masculin, dont la
seconde n’est pas un féminin mais un
emprunt à l’italien. L’expression est surtout usitée dans le théâtre lyrique, où elle
désigne la dernière scène non seulement
de l’ouvrage, mais aussi de certains autres
actes lorsque celle-ci revêt une certaine
ampleur et présente un caractère brillant.
Au XVIIIe siècle, le final d’opéra-comique
se différenciait souvent des autres mordownloadModeText.vue.download 381 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
375
ceaux par sa musique ininterrompue,
comportant une suite de scènes juxtaposées qui contrastait avec la brièveté
des morceaux isolés précédents ; le final
d’opéra était souvent un morceau de bravoure faisant appel à toute la maîtrise
du compositeur, avec ensembles vocaux
(quintette, sextuor, etc.) et larges développements musicaux. À partir du classicisme
viennois, on appelle aussi finale le dernier
mouvement d’une sonate, d’une symphonie, d’un quatuor. Ces mouvements ayant
souvent un aspect brillant ou véloce, on
retrouve parfois le terme pour désigner
des morceaux isolés de même caractère
(C. Franck, Finale pour orgue).
FINALE.
Nom féminin, à ne pas confondre avec
final. Note terminale d’une mélodie, souvent confondue avec la tonique du mode,
ce qui est non moins souvent controversé.
En chant grégorien, la tonique porte de
préférence le nom de finale, mais les deux
notions peuvent diverger : dans la psalmodie, par exemple, la finale formulaire réelle
n’est pas toujours, loin de là, la tonique
modale.
FINCK (Heinrich), compositeur allemand
(Bamberg, 1444 ou 1445 - Vienne 1527).
Après avoir passé, semble-t-il, la plus
grande partie de son existence à la cour
de Cracovie où il a été enfant de choeur
(1460-1470), puis maître de chapelle
(1498-1505), c’est à un âge avancé (1510)
qu’il est appelé à Stuttgart, à la cour du
duc Ulrich de Wurtemberg. De 1514 à
1519 il est probablement au service de
Maximilien. Vers 1520, il est compositeur
au chapitre de Salzbourg. Peu de temps
avant sa mort, il reçoit de Ferdinand Ier
la direction de la chapelle impériale.
Cette longue existence et son parcours
expliquent les contrastes d’une oeuvre
dont les premiers témoignages, comme les
hymnes du manuscrit de Berlin (40021),
traduisent une écriture sévère aux lignes
brisées. Les 29 chansons publiées en 1536
par J. Formschneider, les 22 hymnes des
Sacrorum hymnorum (Wittemberg, 1542)
ou la Missa in summis (à 6 v.) portent en
revanche la marque du style franco-flamand de l’époque josquinienne.
FINE (Vivian), femme compositeur américaine (Chicago 1913).
Elle a fait des études dans sa ville natale au
Collège de musique et au Conservatoire
américain, où elle a été l’élève de Ruth
Crawford-Seeger, puis à l’école JaquesDalcroze de New York ; elle a aussi été
l’élève de Djane Lavoie-Herz - elle-même
disciple de Scriabine (piano), de Roger
Sessions (composition) et de George Szell
(orchestration). Vivian Fine a fait une
carrière de pianiste spécialisée dans la
musique contemporaine et a eu une très
importante activité de pédagogue dans
différentes villes des États-Unis, notamment à l’université et à la Juilliard School
de New York. Son oeuvre, qui révèle l’influence de ses maîtres, de Cowell et de
Copland, comprend essentiellement des
pièces pour diverses petites formations
instrumentales auxquelles se joint parfois
la voix humaine.
FINISSY (Michael), compositeur anglais
(Londres 1946).
Après des études musicales au Royal College of Music de Londres, il fait un long
séjour en Italie. Excellent pianiste, il mène
une double carrière de concertiste et de
compositeur. Loin de s’enfermer dans sa
spécialité, il se montre attiré par les arts
visuels et compose de la musique de ballet
ou de film. Il s’est intéressé aussi à l’opéra
de chambre. Influencé par le cinéma, en
particulier par celui d’Eisenstein, il a essayé de transposer dans des formes proprement musicales le montage parallèle et
d’autres techniques cinématographiques.
De son catalogue, bien rempli, il faut citer
avant tout Light Matter pour ténor, mimes
et danseurs, hautbois d’amour, guitare
et percussion, oeuvre donnée en 1975
au Festival de Royan. Il a écrit en outre
sept concertos pour piano (1975-1981),
Offshore pour orchestre (1976), Whitman
pour voix et instruments (1981-1983), un
quatuor à cordes (1984), ainsi que l’opéra
The Undivine Comedy (1988).
FINKE (Fidelio), compositeur allemand
(Josefstal, Bohême, 1891-Dresde 1968).
Il a occupé jusqu’en 1939 divers postes
à Prague, et enseigné à Dresde de 1946 à
1951, puis à Leipzig de 1951 à 1958. On
lui doit notamment l’opéra Die Jakobsfahrt (1932-1935), diverses oeuvres pour
orchestre et cinq quatuors à cordes (de
1914 à 1964).
FINNILÄ (Birgit), alto suédoise (Falkenberg 1931).
Née dans une famille de musiciens, elle
complète sa formation à la Music Academy de Londres. En 1953, elle débute
à Göteborg. Elle privilégie les récitals de
lieder, de Brahms et Sibelius en particulier, qu’elle chante dans le monde entier
depuis 1966. Elle aborde relativement
peu l’opéra, malgré ses triomphes dans
l’Orphée de Gluck et le Viol de Lucrèce de
Benjamin Britten.
Les pages pour alto de la musique baroque lui conviennent parfaitement : dès
1968, elle triomphe à New York en chantant Bach et Theodora de Haendel. Pré-
sente à Salzbourg depuis 1973, et à l’Opéra
de Paris dès 1976, elle incarne Erda dans la
Tétralogie de Wagner.
FINSCHER (Ludwig), musicologue allemand (Kassel 1930).
Auteur d’une thèse sur Loyset Compère,
il a été assistant à Kiel puis à Sarrebrück
(1967), et enseigne depuis 1968 la musicologie à l’université de Francfort. Ses
recherches concernent plus particulièrement Josquin Des Prés et son époque,
ainsi que le classicisme viennois (Studien
zur Geschichte des Streichquartetts. Von
den Vorformen zur Grundlegung durch
Joseph Haydn, 1974).
FINZI (Graciane), femme compositeur
française (Casablanca 1945).
Élève d’Elsa Barraine et de Tony Aubin,
elle s’est particulièrement consacrée au
théâtre musical, avec notamment Avis de
recherche (1981), 3 Opéras drôles (1984)
et Pauvre assassin, d’après Pavel Kohout
(1987), dont la création à Strasbourg en
1992 lui a valu le prix de la Société des
auteurs et compositeurs dramatiques.
FIOCCO, famille de compositeurs belges
originaire d’Italie.
Pierre-Antoine (Venise v. 1650 - Bruxelles
1714). Il se fixa à Bruxelles vers 1681
comme deuxième maître de chapelle de la
cour. En 1694, il fonda l’Opéra du Quaiau-Foin où il fit représenter des opéras de
Lully auxquels il ajouta des prologues de
sa composition. Il devint premier maître
de chapelle en 1703 et fut aussi maître de
chant à Notre-Dame-du-Sablon. Il écrivit surtout des oeuvres chorales sacrées :
messes, motets, etc.
Jean-Joseph, fils du précédent (Bruxelles
1686 - id. 1746). Il succéda à son père, dont
il était l’élève, dans ses fonctions à la cour
et à Notre-Dame-du-Sablon. On connaît
de lui des oratorios, des répons et autres
oeuvres chorales sacrées.
Joseph-Hector, fils de Pierre-Antoine
(Bruxelles 1703 - id. 1741). Élève de son
père, il fut violoniste, puis vice-maître
de chapelle à la Chapelle royale et devint maître de chapelle de la cathédrale
d’Anvers (1731-1737), puis de Sainte-Gudule à Bruxelles. Dans sa musique sacrée
(motets, messes, leçons de ténèbres), les
influences italienne et versaillaise, judicieusement équilibrées, participent à l’expression d’une sensibilité riche et audacieuse. J. H. Fiocco écrivit aussi des pièces
de clavecin dans l’esprit français.
FIORAVANTI (Valentino), compositeur
italien (Rome 1764 - Capoue 1837).
Il mena de pair des études littéraires, picturales et musicales, débuta au théâtre à
dix-sept ans et vint se perfectionner avec
Fenaroli à Naples, où Gli Inganni fortunati
(1788) consolida sa renommée. Le Cantatrici villane (1799), inénarrable satire
d’une représentation de patronage, mâtinée de dialecte napolitain, fit rapidement
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
376
le tour de l’Europe (Goethe l’accueillit à
Weimar sous le titre Le Virtuose ridicule)
et n’a jamais quitté l’affiche. Après avoir
dirigé le São Carlos de Lisbonne (18031807) et s’être fait applaudir à Paris, il
rentra à Naples, mais eut la sagesse de s’effacer devant Rossini ; il accepta en 1816
un poste de maître de chapelle à SaintPierre de Rome, se consacra à la musique
sacrée, et termina sa carrière lyrique avec
Ogni eccesso è vizioso (1824). Malgré ses
incursions dans le domaine seria, Fioravanti demeure le maître de l’opera buffa
napolitain, dans lequel il introduisit non
seulement le dialecte, mais également le
procédé du parlé sur accompagnement
musical, et, enfin, à la suite de Paisiello,
l’alternance du parlé et du chanté (Raoul
de Créqui, 1811, fait ainsi alterner vers et
prose) imitée de l’opéra larmoyant français dont il s’inspira souvent. Par son sens
aigu de la caractérisation, sa concision et
la verve de ses ensembles, Fioravanti, qui
suscita un véritable fanatisme de la part
du petit peuple, occupa dans l’évolution
du genre bouffe la place qu’occupa Mayr
pour l’opera seria.
Son fils Vincenzo (Rome 1799-Naples
1877) fut également un compositeur de
talent. Son frère Giuseppe, ainsi que deux
fils de ce dernier furent des chanteurs
renommés.
FIORITURE.
Ornementation, écrite ou non, ajoutée à
un texte musical.
Le mot, emprunté à l’italien, dérive du
latin où le Moyen Âge dénommait déjà
flores les artifices vocaux ajoutés au chant
(Jérôme de Moravie, XIIIe s.) ; il est souvent affecté d’un sens péjoratif.
FIRKUSNY (Rudolf), pianiste américain
d’origine tchécoslovaque (Napajedla
1912 - Staatsburg, New York, 1994).
Élève de Janacek et de Josef Suk, il se perfectionna avec Artur Schnabel à Berlin
avant de se fixer en 1940 aux États-Unis,
où sa carrière prit tout son essor, notamment à la Juilliard School.
Interprète hors pair de Smetana,
Dvořák (dont il s’appropria le Concerto
pour piano), Janacek, Martinu, il excellait
également dans Beethoven (dont il enregistra de façon mémorable le Concerto no
3), Schumann, Debussy. Il a rejoué dans
son pays natal en 1990, après un demisiècle d’exil.
FISCHER (Adam), chef d’orchestre hongrois et autrichien (Budapest 1949).
Il étudie au Conservatoire de Budapest,
puis avec Hans Swarowski à Vienne
et Franco Ferrara à Sienne en 1970 et
1971. De 1971 à 1974, il occupe divers
postes d’assistant et de chef en Autriche,
avant de diriger l’orchestre d’Helsinki de
1974 à 1977, puis celui de Karlsruhe entre
1977 et 1979. De 1981 à 1984, il est directeur général de la musique à Fribourgen-Brisgau avant de se voir confier, en
1985, une nouvelle formation : l’Orchestre
Haydn austro-hongrois, qui rassemble
des membres de plusieurs phalanges viennoises et hongroises. Créant un Festival
Haydn dans le château des Esterházy à Eisenstadt, il poursuit une carrière internationale de chef lyrique. En 1986, il dirige à
la Scala la Flûte enchantée, et en 1989 fait
ses débuts à Covent Garden tout en étant
directeur musical de l’Orchestre de Cassel
de 1987 à 1992.
FISCHER (Annie), pianiste hongroise
(Budapest 1914 - id. 1995).
Elle étudie le piano à Budapest avec Arnold Székely et Ernö Dohnanyi et se produit en public dès l’enfance. En 1933, elle
remporte le premier prix du Concours
Liszt à Budapest. Elle part pour la Suède
en 1941 et ne rentre en Hongrie qu’en
1946, pour entamer une carrière internationale. Pendant les années 1947-1950,
elle se produit notamment en compagnie
d’Otto Klemperer. En 1965, elle est nommée professeur à l’Académie de musique
de Budapest. Interprète majeure des
oeuvres de Mozart, Liszt et Schumann, remarquée par Walter Legge dans les années
1960, elle enregistre chez EMI des disques
qui sont des moments d’exception.
FISCHER (Edwin), pianiste et chef d’orchestre suisse (Bâle 1886 - Zurich 1960).
Son père était hautboïste d’orchestre et
altiste dans un quatuor. E. Fischer étudia
de 1896 à 1904 au conservatoire de Bâle,
notamment avec Hans Huber, puis se perfectionna en piano auprès du disciple de
Liszt Martin Krause et d’Eugen d’Albert
au conservatoire Stern de Berlin, où il fut
lui-même professeur de 1905 à 1914. Il
enseigna aussi, parallèlement à sa carrière
de concertiste, à l’Institut de Potsdam à
partir de 1914 et au Conservatoire national de Berlin de 1931 à 1935. Également
intéressé par la direction d’orchestre, il fut
à la tête du Musikverein de Lübeck à partir
de 1926 et du Bachverein de Munich de
1928 à 1932 ; il eut son propre orchestre
de chambre avec lequel il ressuscita l’ancienne pratique de diriger l’exécution des
concertos, notamment ceux de Bach et de
Mozart, depuis le clavier. Il retourna en
Suisse en 1942 et donna des cours de perfectionnement à Lausanne de 1945 à 1958.
Comme pianiste, E. Fischer est resté
célèbre par ses interprétations de Bach - il
fut le premier pianiste à enregistrer l’intégrale du Clavier bien tempéré -, Mozart,
Beethoven et Brahms, interprétations
caractérisées par le respect du texte et
son approfondissement, par la grandeur
dans la méditation et la simplicité dans
l’éloquence. Il écrivit des études sur Bach
(1945), Beethoven (1956), et des Considérations sur la musique (Wiesbaden, 1949 ;
trad. fr. Paris, 1951).
FISCHER (Jan František), compositeur
tchèque (Louny 1921).
Élève de J. Řídký à l’Académie de musique
et d’art dramatique de Prague (19451948), il milite à l’Union des compositeurs
tchécoslovaques, où il est successivement
responsable de la musique de chambre
(1949-1953), puis président de la section « composition ». Il se fait connaître
comme compositeur de musique de film
(Grand’mère automobile, 1958 ; Belle Cavalcade, la Demoiselle laide, etc.), de dessins animés (le Diable et Catherine ; Gallina
Vogelbirdae, 1963 ; Marmite, bous, prix
de la biennale de Venise, 1963), de scène
(les Fiancés, 1956 ; Roméo, Juliette et les
Ténèbres, 1962, etc.), dans la tradition de
V. Trojan. Il écrit, de même, des chansons
satiriques, politiques et patriotiques. Il
compose, par ailleurs, essentiellement de
la musique instrumentale et de chambre,
dans la tradition impressionniste tchèque
de J. Suk, bien qu’une oeuvre comme Sedm
dopisºu (« Sept Lettres », 1971) dénote une
attirance tardive vers un postsérialisme
virtuose.
FISCHER (Johann Caspar Ferdinand),
compositeur allemand ( ? v. 1670 - Rastatt 1746).
On ignore tout de sa jeunesse. En 1692,
année de la naissance de son fils, il était
au service du margrave de Bade à Schlackenwerth, et resta attaché à cette famille
(à partir de 1716 à Rastatt) jusqu’à sa
mort. Il fut un des principaux et un des
premiers compositeurs à introduire en
Allemagne le style instrumental issu de la
suite de ballet française, mise au point par
Lully. Son opus 1, le Journal du printemps
(Augsbourg, 1695), comprend 8 suites
d’orchestre pour ensemble de cordes à 5
parties avec trompettes. Son opus 2, les
Pièces de clavessin (Schlackenwerth, 1696,
rééd. sous le titre de Musicalisches Blumen-Büschlein, Augsbourg, 1699), 8 suites
pour clavier dont 6 ajoutent aux quatre
volets (allemande-courante-sarabandegigue) fixés par Froberger des « galanteries » (menuets, gavottes, rigaudons) à la
française. Toujours pour clavier, le Musicalischer Parnassus (Augsbourg, 1738) est
fait de 9 suites débutant parfois par une
ouverture à la française, Ariadne musica
(Schlackenwerth, 1702, puis Augsbourg,
1715), de 20 préludes et fugues dans autant de tonalités différentes, et le BlumenStrauss (Augsbourg 1732), de 8 suites relevant des divers modes ecclésiastiques, et
comprenant chacune 1 prélude, 6 fugues
et 1 finale. Auteur également de quelques
partitions pour la scène (perdues), il fut
unanimement reconnu comme un des
plus grands clavecinistes de son temps, et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
377
son Ariadne musica fut certainement une
des sources d’inspiration de J.-S. Bach
pour le Clavier bien tempéré.
FISCHER (Johann Christian), compositeur et hautboïste allemand (Fribourg
1733-Londres 1800).
Après avoir été au service de la cour de
Dresde et de celle de Potsdam, il arriva
en 1768 à Londres, où il participa aux
concerts Bach-Abel et épousa en 1780 la
fille du peintre Gainsborough (qui fit son
portrait). De 1786 à 1790, il fit des tournées
en Europe, et Mozart l’entendit à Vienne
en 1787 (en 1774, il avait composé sur un
menuet de Fischer ses variations pour clavier K. 179). Fischer écrivit notamment
dix concertos pour son instrument.
FISCHER-DIESKAU (Dietrich), baryton
allemand (Berlin 1925).
Élève du ténor Georg A. Walter, célèbre
interprète de la musique de Bach et du
répertoire de lieder, il débuta en 1947 à
Fribourg-en-Brisgau dans le Requiem
allemand de Brahms et parut pour la première fois sur scène en 1948 à la Städtische
Oper de Berlin dans le rôle de Posa de
Don Carlos de Verdi. Il a mené depuis une
triomphale carrière internationale dans le
domaine de l’opéra comme dans ceux du
concert et du récital. Sa technique remarquable lui a permis d’aborder un répertoire d’opéra étonnamment vaste pour un
baryton lyrique, répertoire qui s’étend à
peu près à toutes les époques et toutes les
écoles, du bel canto de Haendel à l’expressionnisme de Berg et à l’écriture contemporaine en passant par Mozart (Don Juan,
le Comte dans les Noces de Figaro, etc.),
Verdi (Falstaff, etc.), Richard Strauss
(Mandryka dans Arabella, etc.) et Wagner
(Wolfram dans Tannhäuser, Amfortas
dans Parsifal, Sachs dans les Maîtres chanteurs, etc.). En récital, son génie s’impose
de manière incontestable non seulement
dans le lied romantique allemand (Schubert, Schumann, Brahms, etc.), mais dans
tout le répertoire de la mélodie : école de
Vienne, école française, etc. Son art, qui
relève autant de l’expression verbale que
de l’expression musicale, est fait de la
restitution très fine de chaque détail des
textes, consécutive à une réflexion sur
leur sens profond. Esprit curieux, FischerDieskau a participé à la création mondiale
de nombreuses oeuvres comme l’opéra de
Frank Martin la Tempête (1956) ou le War
Requiem (1962) de Britten, et il a tiré de
l’oubli d’innombrables partitions : pages
négligées de grands compositeurs (son
monumental enregistrement de l’intégrale
des lieder pour voix d’homme de Schubert témoigne de ce souci d’exhaustivité),
oeuvres de musiciens de second plan. Il a
abordé aussi la direction d’orchestre. Penseur et écrivain, il est notamment l’auteur
d’un ouvrage sur les Lieder de Schubert
(Wiesbaden, 1971 ; trad. fr. Paris, 1979)
d’une exceptionnelle hauteur de vue. Il a
définitivement quitté la scène en 1993.
FIŠER (Lubos), compositeur tchèque
(Prague 1935).
Élève d’E. Hlobil au conservatoire de
Prague, il assimile les enseignements
essentiels de la musique sérielle et postsérielle, l’héritage spirituel de Bartók et
Martinºu, les études sur les mètres variables de Blacher, les recherches sur la
voix de Berio ou Xenakis, tout en demeurant fasciné par Debussy et les premières
oeuvres de Boulez. Mais sa création n’est
pas le reflet scolaire de ses acquis successifs. Dans les Quinze Feuillets d’après
l’Apocalypse de Dürer pour orchestre
(1964-65), il réalise une chaîne de brèves
cellules d’une pureté graphique digne de
son modèle. Dans les Caprichos pour deux
choeurs (1966), inspirés par Goya, il use
d’un mode ancien en six tons. Dans le
Requiem pour soprano, basse, choeur et
orchestre (1968), il atteint un expressionnisme dramatique intense. Ses recherches
sur la voix se révèlent notamment dans
les Lamentations sur la destruction de la
ville d’Ur (1971), pour soprano, baryton,
trois récitants et choeur d’enfants intervenant par scansion et déclamation. Dans
Double pour orchestre (1970), dans Crux
pour violon solo, timbales et cloches
(1970), il recherche un jeu, un dialogue
entre le compositeur et son interprète.
Tout comme Feld et Kopelent, Fišer se
refuse à utiliser les grammaires musicales
contemporaines, qui n’ouvriraient pas de
nouveaux horizons à la sensibilité et qui
ne donneraient pas matière à de nouveaux
échanges par le jeu de libres structures
d’accueil pour l’interprète.
FISTOULARI (Anatole), chef d’orchestre
anglais d’origine russe, (Kiev, Russie,
1907 - Londres 1995).
Il étudia la musique avec son père, luimême chef d’orchestre, et fit une carrière
d’enfant prodige, débutant à l’âge de sept
ans à l’Opéra de Kiev en dirigeant la 6e
Symphonie de Tchaïkovski. En 1929, il
quitta la Russie. De 1933 à 1936, il dirigea
à Paris l’Orchestre des saisons du Grand
Opéra russe de Chaliapine. Il appartint
ensuite (1937-1939) aux Ballets russes de
Monte-Carlo, puis s’établit à Londres, où
il fut notamment quelques années, à partir de 1943, principal chef de l’Orchestre
philharmonique. Ce fut un interprète
célèbre de la musique symphonique russe
et de l’ensemble du répertoire de ballets.
FLAGEOLET.
Petite flûte en forme de sifflet : un petit
tube aplati dirige le souffle de l’exécutant
sur une ouverture en biseau qui fait vibrer
une courte colonne d’air.
D’une sonorité perçante et même
criarde, capable de se faire entendre dans
le pire brouhaha, le flageolet a régné dans
les bals publics pendant plus d’un siècle.
Certains modèles ont bénéficié du « système Böhm ».
FLAGSTAD (Kirsten), soprano norvégienne (Hamar 1895 - Oslo 1962).
Fille d’un chef d’orchestre et d’une pianiste, elle fit ses débuts à l’Opéra d’Oslo
en 1913 dans le rôle de Nuri de Tiefland
de D’Albert. Pendant vingt ans, elle fit une
carrière modeste à Oslo, puis en Suède à
Göteborg, dans un répertoire très vaste.
Engagée en 1933 à Bayreuth pour les rôles
secondaires d’Ortlinde de la Walkyrie et
de la troisième Norne du Crépuscule des
dieux, elle y revint l’année suivante chanter Sieglinde de la Walkyrie et Gutrune du
Crépuscule. Ses débuts au Metropolitan de
New York, en 1935, dans le rôle de Sieglinde firent sensation et la consacrèrent
définitivement, la conduisant à une carrière internationale. Elle fit ses adieux officiels à la scène en 1953, mais se produisit
encore en concert en 1955. Elle dirigea
l’Opéra d’Oslo de 1958 à 1960. Sa voix
était la réunion unique d’une puissance
exceptionnelle, d’un timbre splendide,
chaleureux et plutôt sombre, parfaite-
ment égal sur toute son étendue, d’une
technique vocale irréprochable et d’une
musicalité raffinée. Cette voix était en
elle-même expressive, mais son caractère
monumental et, au sens propre, extraordinaire, conduisit Flagstad à faire des
héroïnes qu’elle incarnait des personnages
hiératiques et surhumains.
FLAMENCO.
Mot espagnol à l’étymologie discutée
(pourrait être le nom commun signifiant
flamant, ou bien vient de flamme).
Nom donné aux chants et danses
populaires d’Andalousie. Le caractère
du flamenco est le résultat de l’accumulation d’apports successifs ; aux sources
locales probablement préhistoriques se
sont ajoutées l’influence de l’émigration
sumérienne, celle du plain-chant grégorien, des mélopées arabes, de la musique
juive, et enfin, à partir du XVe siècle, celle
des inflexions des gitans. Cette dernière a
été déterminante dans la constitution du
flamenco tel qu’il est connu depuis plusieurs siècles, avec son caractère vif et relativement spectaculaire, alors que la survivance des apports plus anciens nourrit
une forme distincte, également propre à
l’Andalousie, le cante jondo, plus poignant
et secret.
FLATTERZUNGE.
Ce mot allemand formé du substantif
Zunge (« langue ») et du verbe flattern
(« voltiger ») désigne, dans le jeu des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
378
instruments à vent, un coup* de langue
répété à une cadence très rapide, une
sorte de roulement lingual qui produit
un effet de trémolo. Cette technique,
qui s’applique notamment à la flûte ainsi
qu’à quelques autres instruments dont la
trompette, semble avoir été employée dès
le début du XIXe siècle, mais elle est particulièrement à l’honneur dans la musique
contemporaine.
FLAUTATO.
Dans les instruments à cordes frottées,
technique qui consiste à promener légèrement l’archet sur la touche pour obtenir
une sonorité flûtée.
FLECHA (Juan Mateo, dit FLECHA L’ANCIEN), compositeur espagnol (Prades,
Pyrénées-Orientales, 1481 - monastère
de Poblet, près de Tarragone, 1553).
Ce carme fut chantre, puis maître de chapelle à la cathédrale de Lérida (1523) et
maître de musique des infantes de Castille, filles de Charles Quint. Son oeuvre
comprend des pages religieuses, publiées
en partie par Miguel de Fuenllana dans
son Orphenica Lira (Séville, 1554), et des
ensaladas à 4 ou 5 voix qui, écrites sur des
textes latins, catalans, castillans, italiens
ou français, rejoignent la chanson française par l’importance réservée à la mélodie, par le propos généralement descriptif
et la variété de l’expression.
FLECHA (Fray Mateo, dit FLECHA LE
JEUNE), poète et compositeur espagnol
(Prades, Pyrénées-Orientales, 1530 monastère de Portella, prov. de Solsona,
1604).
Neveu de Juan Mateo Flecha et, comme
lui, carme, il entra en 1543 au service
des infantes de Castille. On le retrouve
en Italie en 1564. Il accompagna Maria,
épouse de l’empereur Maximilien II, à la
cour d’Autriche, où il occupa les postes
de chapelain et de chantre de la chapelle
impériale (1568). En 1579, il devint abbé
à Tihany en Hongrie, puis retourna en
Espagne en 1599 pour finir ses jours avec
le titre d’abbé au monastère de Portella.
Un recueil de madrigaux à 4 et 5 voix de
sa composition, dédié à Maximilien II,
parut à Venise en 1568. À l’exception d’un
seul texte en langue espagnole, l’ensemble
est en italien et constitue un bon exemple
du genre. Flecha composa également une
pièce instrumentale a 5 (Harmonia), ainsi
que des ensaladas parues à Prague en 1581
dans un recueil comportant aussi des
oeuvres de son oncle.
FLENTROP, facteurs d’orgues néerlandais du XXe siècle. Ils ont restauré
plusieurs instruments historiques (Alkmaar, 1940-1949 ; Zwolle, 1953-1955)
et construit des orgues en Europe et en
Amérique du Nord.
Les Flentrop pratiquent une facture de
tradition baroque, à traction mécanique.
FLESCH (Carl), violoniste et pédagogue
hongrois (Wieselburg, Moson, 1873 Lucerne 1944).
Il étudia au conservatoire de Vienne avec
Grün et à celui de Paris avec Sauzay et
Marsick. Il donna son premier concert à
Vienne en 1895, et sa carrière de virtuose
prit une ampleur internationale à partir
des premières années du siècle. Parallèlement, il eut une activité constante d’enseignement, notamment aux conservatoires
de Bucarest et d’Amsterdam, à Berlin, où
il dirigea en particulier un cours de perfectionnement à la Hochschule für Musik
(1921-1923), et au Curtis Institute de Philadelphie (1924-1928). Ce fut l’un des plus
grands pédagogues modernes du violon.
Il compta parmi ses élèves Max Rostal,
Szymon Goldberg, Ida Haendel, Ginette
Neveu, Alma Moodie, Ricardo Odnoposoff, Henryk Szeryng et Bronislaw Gimpel.
Il a, d’autre part, laissé plusieurs ouvrages
théoriques.
FLEURET (Maurice), critique musical
français (La Talaudière, Loire, 1932 Paris 1990).
Après des études au Conservatoire de
Paris de 1952 à 1956, il devient conférencier aux J. M. F., compose des musiques
de film et de scène, et écrit dans plusieurs périodiques avant de devenir chef
de rubrique au Nouvel Observateur en
1964. Spécialiste des musiques nouvelles,
il a dirigé de nombreux festivals de musique contemporaine (Saint-Étienne en
1968, les Semaines musicales internationales de Paris de 1968 à 1974, le festival
Xenakis de Bonn en 1974) et les activités
musicales du musée d’Art moderne de la
Ville de Paris (de 1967 à 1977 et à nouveau depuis 1980) ; de 1977 à 1981, il est
directeur artistique du festival de Lille et il
a été directeur de la Musique au ministère
de la Culture de 1981 à 1986 et lancé alors
la fête de la Musique. Il a été en 1986 l’un
des deux fondateurs de la bibliothèque
Gustav-Mahler. Il a étudié aussi les traditions musicales lointaines (Afrique, Asie
et Amérique latine).
FLEURTIS ou FLEURETIS.
Nom donné aux XVIIe et XVIIIe siècles aux
procédés d’harmonisation à plusieurs voix
non écrites, parfois appliqués au plain-
chant par les chantres.
FLOQUET (Étienne-Joseph), compositeur français (Aix-en-Provence 1748 Paris 1785).
Élève de la maîtrise de la cathédrale SaintSauveur à Aix, il remporta des succès dès
l’âge de dix ans avec ses premiers motets.
Il vint étudier à Paris en 1769, et son premier ouvrage lyrique, l’Union de l’Amour
et des Arts, fut représenté à l’Opéra en
1773. Une Chaconne qui en était tirée fit
fureur sur tous les clavecins de la capitale.
En revanche, Azolan (1774) fut comparé
défavorablement aux oeuvres de Gluck,
qui triomphaient alors, et subit un échec.
Il partit alors travailler à Naples avec Sala
et à Bologne avec le padre Martini. De
retour à Paris, il obtint le succès avec un
ouvrage de demi-caractère, la pastorale
le Seigneur bienfaisant (1780). Il voulut se
mesurer de nouveau à Gluck et composa
une partition sur le livret d’Alceste de Quinault, pour l’opposer à l’oeuvre de Gluck,
représentée à Paris en 1776. Mais l’Académie royale refusa son ouvrage. Il s’éteignit
découragé, victime d’une maladie de langueur. Cette fin prématurée priva la scène
française d’un musicien doué, ayant le
sens de l’action théâtrale.
FLOTHUIS (Marius), compositeur et
musicologue néerlandais (Amsterdam
1914).
Il a étudié la musicologie, la philologie et le
piano, mais est, en partie, autodidacte en
composition. Il a été directeur artistique
adjoint (1937-1942 et 1953-1955), puis
directeur artistique (1955-1974) de l’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam,
et enseigne depuis 1974 la musicologie à
l’université d’Utrecht. Parmi ses oeuvres,
surtout instrumentales et influencées par
Debussy, Bartók et Pijper, un Concerto
pour flûte et petit orchestre (1944), Symphonische Muziek (1957), Per sonare ed ascoltare pour flûte et orchestre (1971), Canzone pour quintette à vents (1978), Cantus
amoris pour orchestre à cordes (1979).
C’est un spécialiste reconnu de Mozart.
FLOTOW (Friedrich von), compositeur
allemand (Teutendorf, Mecklembourg,
1812 - Darmstadt 1883).
Il fit ses études musicales à Paris, notamment avec Reicha, et connut à partir de
1836, avec des opéras écrits sur des livrets
français, ses premiers succès sur de petites
scènes de notre capitale, où il devait vivre
jusqu’en 1848, puis de 1863 à 1870. Le
Naufrage de la Méduse (1839) le consacra définitivement. Alessandro Stradella
(1844) le fit connaître en Allemagne. Martha (1847) s’imposa dans toute l’Europe
comme son plus grand succès et le seul
qui se fût maintenu jusqu’à une date récente. Pourtant, à Paris, l’Ombre (1870)
fut en son temps considérée comme un
chef-d’oeuvre. Flotow, qui fut intendant
au théâtre de la cour de Schwerin de 1856
à 1863, écrivit des musiques de scène, des
ballets, des mélodies, un peu de musique
instrumentale, mais l’essentiel de son
oeuvre est constitué par une quarantaine
de partitions lyriques. Sa musique, issue
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
379
de sa formation au sein de l’école française
sous l’influence de l’opéra italien, est très
habilement écrite. Elle vaut plus par la
qualité de son inspiration mélodique que
par sa force dramatique.
FLÜGEL (all. : « aile »).
Ce nom désigne en langue allemande soit
un grand clavecin, soit un piano à queue,
instruments dont la forme évoque celle
d’une aile. Le terme se retrouve dans des
noms composés comme Hammerflügel.
FLÛTE.
Instrument à vent de la catégorie des
« bois » et, vraisemblablement, le plus ancien de tous les instruments à l’exception
des percussions.
La flûte est, en effet, sous sa forme primitive, un simple sifflet que la nature fournit presque tout fait : tronçon de bambou
ou de roseau, os creux, etc. L’air insufflé
dans ce corps sonore, en se brisant sur le
bord d’une de ses deux ouvertures, suffit à
le faire entrer en vibration. Bien entendu,
ce sifflet n’émet qu’une note. Mais si l’on
en juxtapose plusieurs, de longueurs différentes, le nombre des notes émises est
multiplié d’autant ; c’est le principe de la
flûte de Pan. Une autre solution consiste
à percer dans le corps de l’instrument
des trous que l’exécutant bouche avec
ses doigts, de manière à produire la note
grave fondamentale quand tous les trous
sont bouchés. Ce type de flûte est de loin
le plus répandu, sous les formes les plus
variées, et cela dans presque toutes les civilisations. En Europe occidentale, la flûte
droite et la flûte traversière coexistent
depuis le haut Moyen Âge.
La vogue actuelle de la musique et des
instruments anciens a réhabilité la première, appelée aussi flûte à bec ou flûte
douce (flauto dolce en italien, Blockflöte
en allemand, recorder en anglais). Comme
l’un de ses noms l’indique, elle comporte
un bec, du même bois que le tube de perce
conique, qui dirige le souffle de l’exécutant sur la tranche d’un biseau. Il en existe
une famille entière, de la basse au sopranino, mais l’instrument concertiste par
excellence est l’alto (2 octaves du fa3 au
fa5), avec un abondant répertoire illustré
notamment par Bach, Telemann, Haendel
et Vivaldi.
La flûte traversière, dont l’embouchure est un simple trou latéral, a l’avantage d’être plus sonore et d’une plus
grande étendue ; c’est pourquoi, dès le
XVIIIe siècle, elle a supplanté la flûte à
bec, jugée trop discrète, quand les violons
eurent eux-mêmes détrôné les violes. Et
c’est aussi pourquoi elle seule a bénéficié
de tous les perfectionnements ultérieurs.
Le plus grave défaut des « bois » en général, et de la flûte en particulier, résidait
dans le fait que les doigts de l’exécutant
ne pouvaient boucher qu’un petit nombre
de trous, d’où la nécessité, pour obtenir
les demi-tons et certaines notes aiguës, de
recourir aux doigtés « en fourche », aux
trous partiellement bouchés, aux demitrous et autres artifices qui ne favorisent
ni la justesse ni une exécution rapide. On
imagina de percer de nouveaux trous, fermés au repos par des plateaux à ressort et
ouverts à volonté par pression sur une clé.
Ainsi naquirent les flûtes à 1 clé (disposition qui a été conservée dans le fifre réglementaire), 4 clés et davantage. La flûte
traversière que connut Bach ne descendait
qu’au ré3 et ne comportait que la clé de
ré dièse. La « patte d’ut » qui la prolonge
d’un ton vers le grave ne fut inventée
qu’un quart de siècle après sa mort. Mais
il appartenait au virtuose bavarois Theobald Böhm (1794-1881) de créer la flûte
moderne. Le système qui porte son nom,
et qui devait être également appliqué à la
clarinette et au hautbois, n’a pas subi de
modification essentielle depuis 1832. En
revanche, le bois a été progressivement
abandonné au profit du métal, plus sonore
et plus stable (maillechort argenté, argent
et même or).
La « grande flûte » classique, longue
d’environ 67 cm et démontable en 3
parties, est percée de 13 trous que commandent 9 clés et 6 plateaux ouverts ou
fermés. Son étendue dépasse 3 octaves
(de l’ut3 à l’ut6 et même au-delà pour les
meilleurs instrumentistes) et son timbre
pur, très caractéristique, lui permet de se
faire entendre dans les formations orchestrales les plus importantes. Signalons aussi
la stridente petite flûte ou « piccolo » qui
sonne à l’octave supérieure, mais seulement à partir du ré, et la grande flûte
alto, en sol, improprement appelée « flûte
basse « ; car il existe aussi une vraie flûte
basse, en ut grave, d’un usage tout à fait
exceptionnel.
FLÛTE.
À l’orgue, famille de jeux de fond de section plus forte que les principaux, ce qui
leur confère une sonorité plus douce et
plus chaleureuse. Construits en métal ou
en bois, les tuyaux du jeu de flûte peuvent
être cylindriques, mais aussi coniques, ou
bouchés et percés d’une cheminée. Au
XIXe siècle, on a fait donner à certains jeux
de flûte, soumis à une pression plus élevée,
l’octave supérieure (flûte « harmonique »
et flûte « octaviante »), et l’harmonique
3 ( ! QUINTATON). La famille des jeux de
flûte s’étend du grave à l’aigu de l’instrument, et se trouve représentée dans toutes
les compositions d’orgues.
FOCCROULLE (Bernard), organiste
belge (Liège 1953).
Il étudie avec Herbert Schoonbroodt au
Conservatoire de Liège, puis avec Xavier Darasse, Bernard Legacé et Gustav
Leonhardt. Son intérêt pour la musique
contemporaine le porte d’emblée à interpréter ce répertoire, parallèlement à
son travail sur les oeuvres baroques : de
1974 à 1976, il se produit au Festival de
Royan. Il joue la musique d’orgue du
XVe au XXe siècle, avec une prédilection
pour l’oeuvre de Bach, dont il a enregistré
l’intégrale sur des orgues historiques. Il
appartient à plusieurs ensembles de musique ancienne, dont le Ricercar Consort,
et consacre aussi une part importante de
son activité à l’enseignement - professeur
d’analyse musicale au Conservatoire de
Liège, il est régulièrement invité à donner des masterclasses dans les académies
d’été. En 1992, il est nommé directeur du
Théâtre de la Monnaie à Bruxelles.
FOERSTER (Josef Bohuslav), compositeur, pédagogue et critique musical
tchèque (Prague 1859 - Vestec, près de
Stará Boleslav, 1951).
Fils de Josef Foerster, organiste, compositeur et théoricien slovène (Osenice
1833 - Prague 1907), et neveu d’Antonin
Foerster, organiste, théoricien et chef de
choeur (Osenice 1837 - Novomesto 1926), il
reçut de son père une éducation musicale
poussée, se révéla aussi habile peintre que
musicien et écrivain, et fut témoin de la
création de nombreuses oeuvres de Smetana et Dvořák en même temps que de la
querelle opposant les partisans du nationalisme tchèque le plus étroit à ceux qui
voulaient s’ouvrir sur l’étranger, quitte à
devoir parler allemand. Foerster vécut à
Hambourg, où il fut professeur au conservatoire et critique, occupa les mêmes fonctions à Vienne à partir de 1903, fréquenta
Mahler et Richard Strauss. Nommé professeur au conservatoire de Prague en 1919, il
en fut directeur de 1922 à 1931. Son oeuvre
considérable comprend essentiellement
de la musique symphonique et concertante, un peu de musique de chambre et
de nombreuses compositions vocales, essentiellement des choeurs. Elle émane d’un
tempérament riche, à la fois lyrique, méditatif, frôlant le mysticisme, humaniste, et
capable de puissance héroïque. On lui doit
le rajeunissement de la musique chorale
tchèque. Dans le domaine de la recherche
mélodique, harmonique et rythmique, il a
permis la transition entre le romantisme
patriotique et la pureté modale de l’école
tchèque moderne.
FOLÍA (esp. : « folie »).
1. Forme musicale très utilisée dans
la musique instrumentale des XVIIe et
XVIIIe siècles. Le nom original folía désigne une danse portugaise du XVIe siècle,
qui s’est par la suite répandue en Espagne
(d’où sa dénomination française courante de folies d’Espagne) ; elle entra dans
ce dernier pays au répertoire des vihue-
listes, puis conquit l’Europe à partir du
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
380
XVIIe siècle. Cette danse portugaise était
vive et animée, et, étymologiquement, le
mot folía provenait sans doute de termes
tels que foliar (« se réjouir », « se divertir »). En Espagne, elle prit parfois les
noms de foliada, folijones, folion, et elle apparut sous une forme instrumentale, plus
rarement vocale. Comme danse théâtrale,
elle fut utilisée, notamment, par Lope
de Vega. Elle eut tendance à ralentir, et,
lorsqu’elle se répandit à travers l’Europe
au XVIIe siècle, la folía instrumentale (pour
violon, viole de gambe, clavecin) fut fréquemment employée, avec une mélodie
ayant fini par se figer et à laquelle devait
en définitive s’attacher plus particulièrement le nom de folía ou de folies d’Espagne,
comme base de variations instrumentales
sur un thème de seize mesures à 3/4 ou à
3/2 ; l’exemple le plus célèbre est celui de
la douzième sonate de l’opus 5 de Corelli,
pour violon et continuo (1700), qui est
une série de 23 variations sur une simple
basse contrainte de folía (celle-ci s’était
ainsi rapprochée de la chaconne et de la
passacaille). Avant Corelli, elle avait été
popularisée par d’Anglebert (cycle de 22
variations pour clavecin, 1689). Toujours
en France, elle fut adoptée par Lully et
Marin Marais.
De nombreux compositeurs devaient
réutiliser le thème de la folía dans les circonstances les plus diverses : Vivaldi, Pasquini, Pergolèse, D. Scarlatti, Bach (Cantate des paysans), Keiser (Der lächerliche
Prinz Jodelier), Carl Philipp Emanuel Bach
(variations pour clavier), Grétry (l’Amant
jaloux), Cherubini (ouverture de l’Hôtellerie portugaise), Liszt (Rhapsodie espagnole),
Nielsen (Maskarade), Rachmaninov (Variations sur un thème de Corelli, ce titre
étant donc musicologiquement inexact).
2. Chanson populaire lyrique, synonyme
de copla.
3. Danse populaire originaire des îles
Canaries.
FOLQUET DE MARSEILLE, troubadour
provençal, d’origine italienne ( ? v.
1155 - ? 1231).
D’abord marchand à Marseille comme
son père, il se consacra ensuite à l’art des
troubadours et devint le protégé du comte
Raimon de Toulouse et du roi Alphonse II
d’Aragon. Plus tard, il entra dans les ordres
et se fit nommer prieur à l’abbaye du Thoronet, près de Toulon. En 1205, il fut élu
évêque de Toulouse. Très convaincu par
la nécessité de parer ses vers de musique,
Folquet a même écrit qu’une strophe sans
musique est comme un moulin sans eau.
De ses trente chansons conservées, treize
sont pourvues de musique. La mélodie en
est ensoleillée, facile. Son art fut très apprécié de Dante, qui va jusqu’à l’accueillir
dans son Paradis.
FOMINE (Evstignei), compositeur russe
(Saint-Pétersbourg 1761 - id. 1800).
Formé à l’Académie des beaux-arts de sa
ville natale, il alla ensuite se perfectionner à Bologne auprès du padre Martini
et de Mattei (1782-1786). En Russie, il
ne semble pas avoir occupé de poste officiel avant 1797, date à laquelle il devint
répétiteur, accompagnateur et arrangeur
au Théâtre impérial de Saint-Pétersbourg. Nourri d’influences étrangères, il
se consacra pour l’essentiel au domaine
lyrique. Son premier opéra, Boyeslav, le
héros de Novgorod, sur un livret de Catherine II, fut composé et créé en 1786. Les
Américains, composé en 1788, ne fut représenté qu’en 1800. Citons encore deux
ouvrages posthumes, Clorinde et Milon
(1800) et la Pomme d’or (1803). D’autres
lui ont été attribués à tort. Son oeuvre la
plus personnelle est sans doute le mélodrame Orphée et Eurydice (1792), où l’on
décèle l’influence de Gluck.
FOND (jeux de).
Ensemble de jeux de l’orgue, par opposition aux jeux d’anche et aux jeux de mutation et de mixture.
Les tuyaux à bouche qui les composent
peuvent être de sections différentes, ce
qui détermine quatre familles de sonorité
parmi les fonds : les principaux (de taille
moyenne), les gambes (de taille faible),
les flûtes (de taille forte). Ces tuyaux sont
ouverts ; s’ils sont fermés, la sonorité plus
douce est celle des bourdons. Leur hauteur couvre toute l’étendue de l’instrument dont ils constituent la base sonore,
d’où leur nom.
FONDAMENTALE.
Note qui, dans l’harmonie tonale traditionnelle, engendre les autres notes d’un
accord par le jeu des harmoniques dits
naturels.
Dans tous les systèmes musicaux, la
justesse de ces harmoniques n’est qu’approximative, surtout dans le système
tempéré ( ! TEMPÉRAMENT). Les notes engendrées par la fondamentale sont, théoriquement, la tierce, la quinte, la septième,
la neuvième, les harmoniques plus élevés
étant rarement utilisées dans l’harmonie ( ! HARMONIE). On dit qu’un accord
est dans sa position fondamentale quand
la note fondamentale est à la basse. On
parle de basse fondamentale pour désigner
la suite des notes fondamentales dans les
enchaînements d’accords, ou plus précisément la suite des notes de basse, telles
qu’elles deviendraient si tous les accords
étaient ramenés à leur position fondamentale.
FONTAINE (Pierre), compositeur français (Rouen v. 1380 - ? v. 1450).
Formé dans la maîtrise de la cathédrale de
Rouen, il est mentionné pour la première
fois en 1404 dans les registres de la chapelle de Philippe le Hardi, dont il devint
chapelain en 1415. Comme beaucoup de
musiciens franco-flamands, il fit le voyage
en Italie. De 1420 à 1427, il fut membre
de la chapelle pontificale de Martin V.
Ordonné prêtre en 1433 à la suite de son
retour à la cour de Bourgogne (1428), il
occupa alors les fonctions de second chapelain de 1431 à 1447. Il eut pour successeur Gilles Binchois. On n’a conservé de
Fontaine que sept chansons à 3 voix et
une à 4 voix (Mon doulx amy). Ces oeuvres
sont sans prétention, mais aimablement
tournées. J’ayme bien celui qui s’en va (3
voix) offre une mélodie particulièrement
attachante. À son plaisir, volontiers serviraye est une chanson écrite pour trois voix
d’hommes.
FORBES (Elliot), musicologue et pédagogue américain (Cambridge, Massachusetts, 1917).
On lui doit l’édition révisée et mise à jour
de l’ouvrage fondamental de A. W. Thayer
sur Beethoven (Thayer’s Life of Beethoven,
Londres et Princeton 1964).
FORD (Thomas), luthiste et compositeur
anglais ( ? v. 1580 - Londres 1648).
En 1611, on le trouve au service du prince
Henry, dont la mort (1612) fut une perte
considérable pour la musique en Angleterre. De 1626 à la guerre civile, il fut l’un
des musiciens du roi Charles Ier. Il fut enterré à Westminster. Ford fut avant tout
un compositeur d’ayres et compte, après J.
Dowland, parmi les meilleurs illustrateurs
de cette forme. Ses chansons au luth parurent dans le premier recueil de la publication Musicke of Sundrie Kindes (1607).
Elles étaient destinées soit à une voix soliste, soit à un consort de quatre chanteurs
et, dans ce dernier cas, probablement sans
accompagnement. Le deuxième recueil
contient des duos pour deux lyra-viols
(Pavans, Galiards, Almaines, Toies, Ligges,
Thumpes, etc.). D’autres pièces, des danses
et de la musique religieuse, sont conservées en manuscrit. Dix airs de Thomas
Ford ont été publiés dans The English LuteSongs par E. H. Fellowes (Série I, Londres,
1921 ; rééd. Th. Dart, 1966).
FORKEL (Johann Nikolaus), historien
et théoricien allemand de la musique
(Meeder, Saxe-Cobourg, 1749 - Göttingen 1818).
Il entreprit ses études musicales avec
le cantor de Meeder, J. H. Schultesius,
puis au Johanneum de Lüneburg. Préfet
du choeur de la cathédrale de Schwerin
en 1767, il s’inscrivit en 1769 à l’université de Göttingen ; organiste titulaire à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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l’église de cette université en 1770, il y
donna aussi des cours sur la musique à
partir de 1772 et en devint le directeur
musical en 1779. Jusqu’en 1815, il y dirigea les concerts hebdomadaires. N’ayant
pas obtenu la succession de C.P.E. Bach
à Hambourg, il resta à Göttingen jusqu’à
sa mort. Forkel a laissé quelques oeuvres
instrumentales, des cantates et un oratorio, mais il a été essentiellement historien
et musicologue. Ses écrits sont marqués
par l’historicisme et l’universalisme caractéristiques de l’esprit de l’université de
Göttingen et plus généralement du siècle
des Lumières. Jugeant la musique de son
temps décadente, il a tenté d’expliquer
l’évolution de cet art et de définir les lois
générales qui lui sont spécifiques tout en
considérant que la musique participe à
l’idée de progrès universel, lequel est associé à l’existence de la raison. Vérifiant
méthodiquement les sources qu’il devait
utiliser, Forkel a entrepris une étude systématique de la musique et affirme que
son histoire n’est autre que celle de son
progrès immanent. Il a été l’un des premiers à lier à cette discipline l’esthétique
et la philosophie et il fut aussi l’auteur,
grâce notamment à des renseignements
fournis par Wilhelm Friedemann et surtout Carl Philip Emanuel, de la première
monographie sur J.-S. Bach : Über J. S.
Bachs Leben, Kunst und Kunstwerk (Leipzig, 1802 ; nombreuses rééd., trad. française, Paris, 1876 et 1981). S’il n’est plus
reconnu aujourd’hui comme le fondateur
du la musicologie moderne, on accorde
cependant à Forkel un rôle éminent dans
l’histoire de celle-ci en raison du caractère
scientifique de sa démarche et parce que
son travail bibliographique reste fondamental. Incontestablement, il influença
ses élèves de Göttingen (Humboldt, Tieck,
Schlegel, Wackenroder), tandis qu’il montra une incompréhension presque totale
de ses contemporains (Goethe, Schiller,
Kant, Hegel).
FORLANE.
À l’origine, danse populaire italienne de
la province du Frioul. Elle se répandit
ensuite dans toute l’Italie et notamment à
Venise. Dès le XVIIe siècle, elle figure parmi
les danses pratiquées à la cour de France.
La forlane, qui est de rythme binaire (6/8
ou 6/4), se rencontre dans de nombreuses
suites instrumentales du XVIIIe siècle, par
exemple dans le Quatrième Concert royal
de F. Couperin. La forlane est proche de
la gigue.
FORME.
Ce mot est employé dans deux sens : un
sens général s’appliquant à toute musique ; un sens particulier, celui du schéma
de construction selon lequel est construite
une oeuvre donnée. Dans le sens général,
sa signification est semblable à celle qu’il
possède dans tous les autres arts : c’est
ce qui fait que l’oeuvre est perçue comme
étant quelque chose de plus (et de mieux)
que le résultat du hasard, et qu’elle est
plus (et mieux) que la somme de ses parties (cf. Schönberg : « La forme est tout ce
qui assure la logique et la cohérence du
discours musical. »). Certains compositeurs ont parfois nourri l’illusion d’une
musique « sans forme » (Varèse, Cage).
La discussion d’une telle idée demanderait de longs débats philosophiques. On
peut aussi prétendre qu’il existe toujours
une forme et qu’elle est seulement plus ou
moins banale ou complexe. Dans le sens
particulier, la forme désigne un schéma
de construction plus ou moins élaboré,
caractérisant soit une oeuvre donnée,
soit tout un type d’oeuvres. Par exemple,
la forme fugue, la forme sonate, la forme
rondo, la forme passacaille, etc. Il faut
alors faire la différence entre la forme dite
d’école, qui correspond à un schéma très
strict, et dont l’application est un excellent
exercice pour l’étudiant en composition,
mais dont le résultat est presque toujours
une oeuvre seulement académique ; et la
forme dite libre dans laquelle, l’esprit du
schéma étant conservé, le compositeur
introduit les variantes les plus originales.
Par exemple, la plupart des Sonates de
Beethoven sont des modèles d’une libre
interprétation de la forme sonate traitée
avec une géniale imagination.
FORMÉ (Nicolas), compositeur français
(Paris 1567 - id. 1638).
Enfant de choeur à la Sainte-Chapelle, il y
étudia la musique et en fut l’un des clercs
à partir de 1587. Trois années plus tard, il
entra comme chantre ordinaire à la chapelle du roi, avant de devenir sous-maître
de chapelle à la mort de Du Caurroy
(1609). Louis XIII l’admirait beaucoup et
le fit nommer en 1624 abbé commendataire de l’abbaye Notre-Dame de Reclus
(diocèse de Troyes). Enfin, en 1626, il devint chanoine de la Sainte-Chapelle.
Nicolas Formé se voulait l’inventeur
du motet à deux choeurs, genre qui allait
être, plus tard, au coeur du répertoire de
la chapelle royale à Versailles. Il obtint
de l’éditeur Ballard que celui-ci n’imprimerait jamais d’autre musique de ce style
que la sienne jusqu’à sa mort. Louis XIII
aimait tant chanter la musique de Formé
qu’après la disparition de celui-ci il
conserva son oeuvre enfermée dans une
armoire personnelle, puisque « lui seul en
avoit la clef ». De cette oeuvre, il ne reste
que de la musique religieuse : une messe
pour deux choeurs (à 4 et 5 voix), dédiée
à Henri IV et à son fils Louis XIII, suivie
d’un motet à deux choeurs Ecce tu pulchra
es (Ballard, 1638). Le Cantique de la Vierge
Marie selon les Tons ou Modes usités en
Léglise (à 4 voix) existe en manuscrit.
FORMULE.
Terme employé pour désigner soit un
timbre de récitation, soit, parfois péjorativement, une tournure stéréotypée : une
« formule de cadence », une basse obstinée, etc.
FORNEROD (Aloys), compositeur suisse
(Montet-Cudrefin 1890 - Fribourg 1965).
Il fit ses études à Lausanne, à Paris à la
Schola cantorum et à Strasbourg avec
Pfitzner. Il fut violoniste à Lausanne,
puis enseigna les matières théoriques à
Lausanne, Saint-Maurice et Fribourg,
où il devint directeur du conservatoire
en 1954. L’influence de la musique française, et principalement de Gabriel Fauré,
ainsi que celle du grégorien sont présentes
dans toute son oeuvre, qui comprend des
pages symphoniques et concertantes, de
la musique instrumentale, notamment des
sonates, des pièces chorales profanes et
religieuses, un opéra-comique, Geneviève
(1954), et des mélodies. Quoique d’esprit
néoclassique, son écriture claire et élégante présente des tournures originales. Il
eut aussi une activité de critique.
FORQUERAY, famille de musiciens français du XVIIIe siècle, d’origine écossaise
et installée en France depuis 1548.
Antoine, violiste et compositeur (Paris
1672 - Mantes 1745). Fils d’un violiste de
la cour de Louis XIV, il joua à cinq ans
de la viole devant le roi, dont il devint un
des pages avant d’être nommé musicien
ordinaire de la Chambre. Comme M. A.
Charpentier, il enseigna son art au régent
Philippe d’Orléans. En 1736, il se retira à
Mantes où il demeura jusqu’à sa mort. La
réputation d’Antoine Forqueray fut très
grande. Violiste virtuose, il a laissé pour
son instrument quelque 300 pièces avec
basse continue. Certaines de ces pièces
furent transcrites pour le clavecin par son
fils Jean-Baptiste comme, par exemple, la
Rameau, en hommage au maître de Dijon.
C’est, selon toute probabilité, pour retourner le compliment que celui-ci baptisa la
Forqueray la belle fugue des Pièces de cla-
vecin en concert de la cinquième suite, qui
contient une partie de basse particulièrement travaillée.
Jean-Baptiste Antoine, violiste (Paris
1699 - id. 1782). Fils d’Antoine, il fut aussi
un célèbre maître de la basse de viole et
succéda à son père comme musicien ordinaire de la Chambre. À partir de 1761, il
fut au service du prince de Conti, jusqu’en
1776. On possède de lui trois pièces de
viole, ainsi que les excellentes transcriptions citées plus haut.
Michel, organiste (Chaumes-en-Brie
1681 - Montfort-l’Amaury 1757). Cousin de
Jean-Baptiste, il fut maître de chapelle à
Paris, à l’église Saint-Martin-des-Champs,
à partir de 1703. Il occupa le poste d’orgadownloadModeText.vue.download 388 sur 1085
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niste à Saint-Séverin de 1704 à sa mort.
On ne possède aucune oeuvre de sa composition.
Nicolas Gilles, organiste (Chaumes-enBrie 1703 - id. 1761). Neveu de Michel
Forqueray et né comme lui dans le village
d’où vint la dynastie des Couperin, il fut
nommé à plusieurs postes d’organiste à la
chapelle du roi Louis XV (1724), à SaintLaurent (1726), aux Innocents (1731), à
Saint-Merri (1740). En 1757, il succéda à
son oncle à Saint-Séverin. On ne conserve
de lui que quelques airs parus dans des
recueils collectifs chez Ballard.
FORRESTER (Maureen), contralto canadienne (Montréal 1930).
Formée à Toronto, elle débuta en concert
à Montréal en 1953. Son interprétation de
la Deuxième Symphonie de Mahler sous la
direction de Bruno Walter, à New York
en 1956, établit sa renommée. Elle a fait
l’essentiel de sa carrière au concert, se
partageant entre le récital de mélodies et
l’oratorio. Parmi ses rares apparitions au
théâtre, on peut citer son incarnation du
rôle de Cornelia dans Jules César de Haendel.
FORSTER (Georg), médecin, compositeur et éditeur allemand (Amberg, Bavière, v. 1510 - Nuremberg 1568).
À partir de 1521 environ, il fit partie de la
chapelle de la cour de Heidelberg. Il étudia ensuite la médecine à Ingolstadt, puis
à Wittenberg, et obtint en 1544 le grade
de docteur de l’université de Tübingen.
Il publia à Nuremberg plusieurs recueils
rassemblant les oeuvres de divers compositeurs : les Teutsche Liedlein (5 vol., 1539
à 1556) comprennent 321 lieder à 4 et 5
voix, dont 38 sont de Forster lui-même ;
Selectissimarum mutetarum partim 5, partim 4 v. tomus primus (1540) réunit 27
motets ; Tomus tertius psalmorum selectorum (1542) se compose de 40 psaumes,
et Josquin Des Prés figure au nombre des
auteurs. Le propre style de composition de
Forster était nettement conservateur.
FORSTER (William), facteur de violons et
éditeur anglais (Brampton, Cumberland,
1739 - Londres 1808).
Installé à Londres en 1759, il excellait dans
la fabrication des violoncelles et livra au
prince de Galles, futur George IV, trois
contrebasses. Dans les années 1780, il fut
avec Artaria à Vienne le principal éditeur
de Haydn. Lui succédèrent dans ses affaires son fils William II (Londres ? 1764 id. ? 1824), puis les deux fils de ce dernier,
William III (1788-1824) et Simon Andrew (1801-1870), qui dans son History
of the Violin (Londres 1864) publia pour
la première fois la plupart des documents
sur les relations entre Haydn et son grandpère.
FORTE (ital. : « fort »).
1. Généralement indiqué dans les partitions par l’abréviation f, ce terme est une
nuance d’intensité dont le sens va de soi ;
son superlatif fortissimo est très usité.
2. Au piano, on appelle souvent la pédale
de droite « pédale forte ».
FORTE-PIANO.
Généralement indiqué dans les partitions
par l’abréviation fp, ce terme désigne une
attaque forte suivie immédiatement d’une
nuance atténuée ou piano.
FORTISSIMO.
Généralement indiqué dans les partitions par l’abréviation ff, ce terme est une
nuance d’intensité, et signifie « très fort ».
On peut rencontrer fff, qui correspond à
une force plus grande encore.
FORTNER (Wolfgang), compositeur allemand (Leipzig 1907 - Heidelberg 1987).
Après des études de musique, de philosophie, de psychologie et de germanistique
dans sa ville natale, il a enseigné à Heidelberg (1931), Detmold (1954), Fribourgen-Brisgau (1957), et participé aux cours
d’été de Darmstadt. Excellent pédagogue,
il a compté parmi ses élèves H. W. Henze,
et fait beaucoup pour la musique contemporaine, notamment en organisant à partir de 1947 des concerts Musica viva. Il a
flirté, après la guerre, avec le dodécaphonisme, en particulier dans sa Symphonie
de 1947. Parmi ses oeuvres instrumentales, Mouvements pour piano et orchestre
(1954), et Triplum pour trois pianos et orchestre (1966). Dans le domaine vocal, qui
l’attire particulièrement, il a écrit Chant
de naissance, sur un texte de Saint-John
Perse (1958), Immagini pour soprano
et 13 cordes (1966), et surtout des opéras comme Noces de sang d’après Lorca
(1957), Dans son jardin Dom Perlimpin
aime Belisa d’après Lorca (1962), Elisabeth
Tudor (1972) et That Time, d’après Samuel
Beckett (1977).
FOSS (Lukas), compositeur, chef d’orchestre et pianiste américain (Berlin
1922).
De son vrai nom Lukas Fuchs, il émigra
avec sa famille en 1933 à Paris, où il étudia
jusqu’en 1937 au Conservatoire avec Lazare-Levy (piano) et Noël Gallon (contrepoint), puis aux États-Unis. Il travailla
alors au Curtis Institute de Philadelphie,
puis avec Hindemith à Yale. Il devint pianiste (1944), puis assistant de Koussevitski
(1946-1953) à l’orchestre de Boston. Après
un séjour à Rome, il fut nommé professeur
de composition à l’université de Californie
à Los Angeles (1953-1963), puis directeur
et chef d’orchestre de la Philharmonie de
Buffalo. Dans un premier temps, il cultiva
comme compositeur un style traditionnel avec une grande aisance et un certain
bonheur dans le lyrisme, assimilant très
bien Hindemith, Copland et Stravinski,
spécialement dans ses oeuvres pour la voix
(The Prairie, 1942 ; Song of Songs, « Cantique des Cantiques », 1946 ; Griffelkin,
1955). Mais, en 1957, il fonda à l’université de Californie un ensemble de chambre
consacré à l’improvisation et aux pro-
blèmes de la collaboration entre compositeur et interprètes, et ce travail transforma
radicalement sa pensée. Il se rapprocha
d’abord du sérialisme (Time Cycle pour
soprano et orchestre ou clarinette, 1960),
puis s’intéressa à la forme ouverte - Élytrés pour flûte, violon, piano, harpe et percussion (1964) et Fragments d’Archiloque
pour contre-ténor, récitant, choeur, mandoline, guitare et percussion (1965) - et à
l’aléatoire. Il propose des combinaisons
précalculées d’événements toujours notés
entre lesquels, dans le cas d’Élytrés et d’Archiloque, le chef choisit (comme il choisit
son point de départ et d’arrêt) une version
possible. Dans le Concerto pour violoncelle
(1966), c’est le soliste qui sélectionne l’un
des trois accompagnements suggérés, les
deux autres se combinant alors pour former le mouvement suivant. Une grande
partie des oeuvres de cette période ont
recours à l’électroacoustique ou à des caractéristiques électroacoustiques que Foss
tente d’approcher par le biais instrumental : distorsion (Baroque Variations, pour
orchestre, 1967), retour (Echoi IV), superposition de bande (Concerto pour violoncelle où le soliste lutte avec une partie de
violoncelle préenregistrée). Sans doute
Foss cherche-t-il, au-delà, des moyens
d’expression artistique interchangeables
(gestes, mots, notes) : Paradigm 68, pour
percussionniste-chef, petit ensemble
instrumental et bande, est presque une
oeuvre de théâtre musical avec son humour qui fait penser à Kagel. Pendant de
nombreuses années, Foss a travaillé dans
le sens d’une musique anonyme, c’està-dire sans compositeur, d’une musique
non improvisée car commandée par des
règles précises, non composée car non
notée comme dans Non Improvisation
pour piano, percussion, violoncelle et
clarinette (1967) où, selon ses termes, la
« composition (est) devenue exécution ».
Cela n’exclut nullement un recours à la
notation traditionnelle dans d’autres circonstances, comme dans le Quatuor à
cordes no 3 (1974) où la seule liberté laissée aux interprètes est de répéter certains
modèles musicaux (mais peut-on répéter
de manière identique ?). Dans tous les
cas, Foss réclame de nouvelles relations
non seulement entre le compositeur, sa
musique et les interprètes, mais entre les
interprètes eux-mêmes (Géod, 1969) et
avec le public. Il a écrit récemment, pour
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le cinquantenaire de Tanglewood, Celebration pour orchestre (1990).
FOSTER (Stephen Collins), compositeur
américain (Lawrenceville, Pennsylvanie,
1826 - New York 1864).
Musicien amateur, il fut autodidacte
comme Ives. Planteur, il vécut à l’orée
du Sud au milieu des Noirs, mais aussi
sillonna les grandes villes du Nord. Il écrivit environ 200 chansons (dont beaucoup
de negro minstrels) parmi lesquelles on
peut citer les titres de My Old Kentucky
Home, Old Black Joe, Old Folks at Home,
Massa’s in the Cold Ground, Swanie Ribber.
Ces oeuvres lui valurent une popularité à
peine imaginable. Elles ne sont pourtant
pas aussi faciles et conventionnelles qu’on
le croit en Europe. Mais leur sentimentalité, où transparaît une tendre alliance
avec la nature, ou bien leur fantaisie burlesque riche de vitalité primitive, sont
étroitement liées aux plus profondes racines de la mentalité américaine, à la nostalgie de l’histoire du pays, de ce qui est
passé et qui est perdu.
FOUCQUET OU FOUQUET, famille de
clavecinistes, d’organistes et de compositeurs français, actifs à Paris au XVIIe et
au XVIIIe siècles.
Gilles († Paris 1646) fut organiste à SaintLaurent et à Saint-Honoré.
Antoine († Paris 1708) fut organiste
à Saint-Josse (1658), à Saint-Eustache
(1681) et à la chapelle de la reine MarieThérèse (1669). Son fils, Pierre († Paris
1735), succéda à son père à l’orgue de
Saint-Eustache et à Marchand à Saint-Honoré (1707-1708). Il composa des Sonates
pour violon et des Airs sérieux et à boire.
Son frère, Antoine († Paris av. 1740), fut
organiste à l’abbaye de Saint-Victor et à
l’église Saint-Laurent. Le fils de Pierre,
Pierre-Claude (Paris 1694-id. 1772), est
le plus illustre représentant de la famille.
Il fut organiste à l’abbaye de Saint-Victor
(1758), à Saint-Honoré, à Saint-Eustache
et à Notre-Dame (1761), ainsi qu’à la chapelle royale. Il publia trois livres de Pièces
de clavecin, de 1749 à 1751. Ses deux fils,
François Pierre Charles (Paris 1726id. 1765) et Louis Marc (Paris v. 1710-id.
apr. 1790), lui succédèrent aux claviers de
l’orgue de Saint-Honoré. L’un de leurs parents, Marie Louis, fut organiste à SaintEustache.
FOUET.
Instrument à percussion de la famille des
« bois ».
Destiné à imiter le claquement du fouet,
il est formé de deux chevrons de bois dur
réunis par une charnière.
FOURCHOTTE (Alain), compositeur
français (Nice 1943).
Disciple de Mario Vittoria, il remporte un
premier prix de conservatoire ainsi que le
grand prix de la ville de Nice. Par la suite,
il se rend aux cours d’été de Darmstadt.
Depuis, il se range parmi les indépendants, se dégage du mouvement postsériel,
et cherche « l’utilisation maximale d’un
matériau librement choisi au départ... ».
Il a collaboré au Centre international de
recherche musicale (1978-1983) et au festival MANCA de Nice, et enseigne depuis
1988 à l’université de cette ville. Il a écrit
notamment Glyphes (La Rochelle, 1978),
l’opéra de chambre Médée (1981), Sillages,
concerto pour piano et orchestre (1987),
Quietum pour flûte, clarinette et quatuor
avec piano (1992).
FOURESTIER (Louis), chef d’orchestre et
compositeur français (Montpellier 1892 Paris 1976).
Il commença ses études dans sa ville
natale, où il travailla le violoncelle, et les
acheva au Conservatoire de Paris dans les
classes de Leroux (harmonie) et V. d’Indy
(direction d’orchestre). Il obtint le prix de
Rome en 1925 et composa par la suite des
oeuvres symphoniques et un Quatuor à
cordes révélant un tempérament original
sachant se soumettre à une sévère discipline d’écriture. Parallèlement, ayant débuté comme violoncelliste à l’Opéra-Comique à son retour de Rome, il monta au
pupitre de ce théâtre en 1927 pour diriger
Cavalleria rusticana de Mascagni. Ce fut le
début d’une remarquable carrière de chef
d’orchestre où sa maîtrise et la clarté de
son style s’exercèrent dans le répertoire
lyrique le plus vaste, ainsi que dans la musique symphonique et les ballets. Il débuta
en 1938 à l’Opéra, qu’il ne quitta qu’en
1965. Il enseigna la direction d’orchestre
au Conservatoire de Paris de 1945 à 1963.
FOURNET (Jean), chef d’orchestre français (Rouen 1913).
Il a étudié la flûte, la direction d’orchestre
et la composition au Conservatoire de
Paris, a commencé sa carrière comme chef
d’orchestre lyrique à Rouen (1938), puis
à Marseille (1940). Après avoir rempli à
partir de 1941 des fonctions à la Radio de
Paris, il a été, à partir de 1944, chef d’orchestre à l’Opéra-Comique et professeur
de direction à l’École normale de musique,
poste qu’il a assumé juqu’en 1962. Il a été,
aux Pays-Bas, directeur des orchestres de
Radio Hilversum (1961) et de la Philharmonie de Rotterdam (1968). Il a regagné
la France pour prendre, à sa création
(1973), la direction de l’Orchestre de
l’Île-de-France. Son talent est particulièrement apprécié dans la musique française
romantique et impressionniste. Il devait
conserver ce poste jusqu’en 1982.
FOURNIER (Pierre), violoncelliste français (Paris 1906 - Genève 1986).
Il a fait ses études au Conservatoire de
Paris où il a ensuite été professeur de 1941
à 1949. Sa brillante carrière internationale
l’a vu apparaître aussi bien en récital dans
les Suites pour violoncelle seul de Bach que
dans le répertoire des grands concertos
romantiques et postromantiques et dans
la musique de chambre, qu’il a pratiquée
notamment avec le violoniste Josef Szigeti, le pianiste Artur Schnabel et l’altiste
William Primrose. Il a consacré une part
importante de son activité à la musique
du XXe siècle (Bloch, Martinºu, etc.). C’est
un des plus grands violoncellistes de notre
temps par la beauté de la sonorité et la
profondeur de la musicalité.
FOURNITURE.
Jeu de mixture de l’orgue, composé, dans
un nombre et un agencement variant avec
les factures, de plusieurs tuyaux par note,
sonnant en octaves et en quintes par rapport au son fondamental ; la fourniture
peut ainsi compter quatre à dix rangées
(ou « rangs ») de tuyaux, soit autant de
tuyaux par note.
Associée à la cymbale, plus aiguë, elle
constitue le plein-jeu.
FOX-TROT.
Danse originaire d’Amérique du Nord, où
elle apparut vers 1910.
Mouvement de marche modéré, à 4/4,
mais fortement syncopé. Plusieurs compositeurs d’opérette l’ont utilisé entre
1920 et 1940, ainsi que Ravel dans l’Enfant
et les sortilèges (épisode de la théière).
FRAMERY (Nicolas-Étienne), compositeur, écrivain et théoricien français
(Rouen 1745 - Paris 1810).
Auteur notamment de l’opéra-comique la
Sorcière par hasard (1768), dont la représentation lui valut d’être nommé surintendant de la musique du comte d’Artois
(futur Charles X), de nombreux livrets
et articles et d’un Mémoire sur le Conservatoire de musique (1795), il fit paraître
une Notice sur Joseph Haydn... contenant
quelques particularités de sa vie privée, relatives à sa personne ou à ses ouvrages (Paris
1810). Il avait tiré pour cette brochure la
plupart de ses informations de la bouche
d’un des principaux élèves de Haydn,
Ignaz Pleyel, établi à Paris depuis 1795 :
elle contient beaucoup d’affabulations et
d’anecdotes déformées, ce que ne manqua pas de relever Georg August Griesinger, auteur lui-même d’une biographie de
Haydn (Leipzig 1809-10).
FRANÇAIX (Jean), pianiste et compositeur français (Le Mans 1912).
Son père, Alfred Françaix, était directeur
du conservatoire du Mans et sa mère diridownloadModeText.vue.download 390 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
384
geait une chorale. Il est donc élevé dans
la musique et, très précoce, signe sa première oeuvre pour piano (Pour Jacqueline)
à l’âge de neuf ans. 1921 est l’année de la
mort de Saint-Saëns. Très ému, l’enfant
rassure son père en affirmant qu’il remplacera le maître disparu ! Il commence à
travailler la composition avec Nadia Boulanger en 1922. Puis il entre au Conservatoire de Paris (1926) dans la classe de
piano d’Isidore Philipp. Il obtient son
premier prix en 1930 et s’engage dans la
carrière d’accompagnateur à travers la
France. Mais l’essentiel de son activité
est la composition, où il révèle une sûreté
d’écriture qu’il met au service d’un style
très personnel. En 1932, âgé de vingt ans,
il présente une Symphonie qui provoque
une tempête de protestations (Françaix la
retirera de son catalogue). Puis, avec une
facilité déconcertante, avec beaucoup de
grâce, d’élégance, souvent de l’humour et
toujours une grande maîtrise technique,
il écrit des pages de musique instrumentale, symphonique, concertante (dont un
Concerto pour piano de 1936, peut-être son
oeuvre la mieux connue), des mélodies, de
nombreux ballets toujours fort bien accueillis et dont certains sont représentés
à l’Opéra de Paris. Il aborde le théâtre lyrique avec une oeuvre comique pour ténor,
basse et petit orchestre, le Diable boiteux,
créée chez la princesse de Polignac en
1938. Dans ce domaine, son oeuvre maîtresse reste la Princesse de Clèves (Rouen,
1965). Dans sa musique de chambre, les
mouvements sont souvent très courts, pétillants de vitalité, d’une écriture brillante
qui prise les tempos rapides (Trio à cordes,
1933). Il a signé plusieurs musiques de
film, collaborant notamment avec Sacha
Guitry (Si Versailles m’était conté, 1953).
FRANCESCATTI (René, dit Zino), violoniste français (Marseille 1902 - La Ciotat
1991).
Issu d’une famille de musiciens, il commença l’étude du violon à cinq ans, se
produisit en public très jeune, mais fit
ses vrais débuts en concert à Marseille en
1918. Il se fit entendre pour la première
fois à Paris en 1924, après avoir compté
parmi ses maîtres Jacques Thibaud, ce qui
le rattache à l’école franco-belge. À partir
des années 30, il jouit d’une renommée
mondiale. Son jeu étincelant le fit apprécier tout particulièrement dans le répertoire romantique.
FRANCESCO DA MILANO (Francesco
CANOVA, dit), luthiste et compositeur italien (Monza, Lombardie, 1497 - ? probablement 1543).
On le trouve en 1510 à Mantoue, où il
travaille le luth avec Angelo Testagrossa,
protégé d’lsabella d’Este, fille d’Hercule
Ier de Ferrare. En 1530, Francesco est au
service du cardinal Hippolyte de Médicis ;
en 1535, il est à Rome et accompagne en
1538 le pape Paul III au concile de Nice.
Là, le roi François Ier l’entend jouer du
luth et l’applaudit avec beaucoup d’enthousiasme.
Francesco da Milano est l’auteur du
premier ricercar pour le luth qui ait été
conservé. En dehors de ses transcriptions
de chansons et de motets d’autres compositeurs (Clément Janequin, Claudin de
Sermisy), furent publiés à Venise, entre
1536 et 1547, sous le titre Intabolatura de
liuto de diversi, con la bataglia, et altre cose
bellissime, des pièces originales pour luth,
des ricercari, et des fantaisies qui révèlent
un art remarquable de conduire les voix
ainsi qu’une grande variété thématique.
Il composa également des pièces libres
réclamant de l’exécutant une extrême virtuosité. On ne trouve aucune danse dans
les pièces publiées. Son style est un heureux mélange de l’art savant du contrepoint hérité des Franco-Flamands et d’un
goût typiquement italien pour le stvle
de l’improvisation (modo di diminuire).
Ses oeuvres, toujours d’une grande clarté
d’écriture, comptent parmi les plus belles
de toute la littérature du luth.
FRANCHETTI (Alberto), compositeur italien (Turin 1860 - Viareggio 1942).
Issu d’une famille noble et aisée, il étudia, malgré l’interdit paternel, à Turin,
Venise et Dresde, s’imprégnant d’une
culture germanique qui transparaît clairement dans sa Symphonie en « mi » mineur
(1886) et dans son opéra Asraël (1888),
dont son père se décida alors à financer
une somptueuse production qui fit le tour
du monde. Verdi le signala aux Génois,
qui lui attribuèrent la commande officielle
de l’opéra Cristoforo Colombo (1892),
où l’épopée s’effaçait souvent derrière la
peinture des sentiments de Colomb. Une
même attitude vériste se retrouve dans
Germania (1902), cependant que Franchetti laissait libre cours à son tempérament de symphoniste dans ses poèmes
orchestraux Loreley et Nella Silva nera.
D’Annunzio révisa à son intention sa Figlia di Jorio (1906), oeuvre dans laquelle
le musicien voulait revenir « à la pure
mélodie italienne ». Des ouvrages mineurs
suivirent, et, après avoir assumé quelque
temps la direction du conservatoire de
Florence, Franchetti quitta la vie musicale
en 1928. Plus proche de Boito, Catalani
ou Smareglia que des véritables auteurs
véristes, Franchetti a sans doute manqué
d’une inspiration musicale à la hauteur
de ses ambitions philosophiques et de sa
science d’écriture.
FRANCHOMME (Auguste), violoncelliste et compositeur français (Lille 1808 Paris 1884).
Après avoir remporté en 1826 un premier
prix de violoncelle au Conservatoire de
Paris dès sa première année d’études dans
cet établissement, il fit partie de divers
orchestres parisiens et fut professeur au
Conservatoire de 1846 à sa mort. Ami de
Chopin, il donna à ce dernier des conseils
sur l’écriture pour le violoncelle, et Chopin lui dédia sa Sonate pour violoncelle
et piano. Franchomme écrivit un certain
nombre de pièces pour violoncelle seul ou
pour violoncelle et orchestre, ainsi que des
transcriptions.
FRANCISCUS (Magister), musicien français de la seconde moitié du XIVe siècle,
encore mal identifié actuellement.
On lui attribue essentiellement deux ballades à 3 voix figurant dans le manuscrit
de Chantilly : Phiton, Phiton beste tres
venimeuse et De Narcisus, qui semble avoir
été une pièce très connue. Le style de ces
oeuvres est proche de celui de Guillaume
de Machaut.
FRANCISQUE (Antoine), luthiste et
compositeur français (Saint-Quentin v.
1570 - Paris 1605).
Quoique sa notoriété n’ait pas été grande
de son vivant, il tient une place importante sur le plan historique par l’existence
de son livre de tablatures le Trésor d’Orphée, publié à Paris chez Ballard en 1600
et accompagné d’un texte de commentaires théoriques. Les 71 pièces, surtout
des danses, qui composent cet ouvrage
constituent, avec les oeuvres du contemporain de Francisque, J.-B. Bésard, une
étape essentielle de la littérature française
pour le luth.
FRANCK (César-Auguste), compositeur
français (Liège, Belgique, 1822 - Paris
1890).
Fils d’un modeste employé de banque
désirant faire de lui un pianiste virtuose à
l’égal de Liszt, César Franck a d’abord étudié à l’École royale de musique de Liège
avant de venir, au début de 1835, à Paris,
où, après avoir suivi les cours de Reicha
et Zimmermann, il entre dans la classe de
piano de ce dernier au Conservatoire en
même temps que dans celle de Leborne
pour la fugue et le contrepoint. Dès 1838,
il obtient un « grand prix d’honneur » de
piano, jamais décerné jusque-là. Il obtiendra encore un prix de fugue (1840) et
d’orgue (1841, classe de Benoist). Pressé
par son père de donner des concerts, il
quitte cependant le Conservatoire en 1842
et se produit en de nombreuses villes de
Belgique et d’Allemagne, puis à nouveau
à Paris. Pour ces concerts, il compose de
nombreuses pages de virtuosité imposées
par son père, telles que Ballade, Fantaisie, Duos à quatre mains (sur le « God
save the King » ou des airs tirés d’opéras
en vogue) ; il écrit également des oeuvres
pour piano et violon (Andante quietoso)
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
385
qu’il interprète avec son frère Joseph, élève
de Habeneck et de Le Couppey. Au-delà
de cette production virtuose, le « vrai »
Franck doit être cherché dans quelques
oeuvres personnelles, écrites à l’insu de
son père : les trois Trios de 1839-1842 notamment, dédiés au roi des Belges, et où
déjà s’affirme - en particulier dans le premier en fa dièse - le principe cyclique cher
au musicien ; ou encore l’églogue biblique
Ruth (1844-45) créée Salle Érard en 1846
devant un parterre de personnalités (Liszt,
Meyerbeer, Spontini, Moscheles, Pixis).
Ce sera le dernier succès de jeunesse de
Franck. À partir de cette époque, en effet,
les tensions s’exacerbent dans ses relations avec son père, ce dernier refusant de
donner son consentement au mariage
de César avec une de ses élèves, Félicité
Desmousseaux, mariage qui sera célébré
en 1848. Toutefois, coupé désormais de
son père, qui était jusque-là son imprésario, Franck va être obligé de mener une
vie besogneuse, employant, pour vivre,
tout son temps soit à courir le cachet
(douze concerts comme accompagnateur, essentiellement à Orléans, jusqu’en
1863, payés 80 francs en 1845, 100 francs
en 1856, 120 en 1859), soit à donner des
leçons de piano à 1,50 ou 2 francs la demiheure (chez lui, 69, rue Blanche, ou dans
divers collèges parisiens), soit enfin à tenir
l’orgue : d’abord à Notre-Dame-de-Lorette (1845), puis à Saint-Jean-Saint-Fran-
çois-du-Marais (1853). Ce dernier poste
aura au moins l’avantage de lui faire toucher un instrument révolutionnaire, un
orgue symphonique, oeuvre de CavailléColl - un des premiers du célèbre facteur -,
dont Franck va devenir bientôt à la fois
l’ami et le faire-valoir. Cette époque est
à peu près vide de créations proprement
dites : quelques mélodies, un opéra-comique écrit, cette fois, sous la pression
de sa femme, fille d’acteurs, le Valet de
ferme, demeuré inédit et qui lui coûtera
deux ans d’efforts vains (1851-1853). Mais
c’est pour le musicien un temps de repliement sur soi, de réflexion, de mûrissement
intérieur dont l’épanouissement viendra
peu après, lorsque Franck sera nommé en
1858 organiste de Sainte-Clotilde à Paris.
À partir de là, son génie va peu à peu se
former, éclore, s’élever. Pour honorer ses
fonctions et son public de fidèles, Franck
va d’abord composer quelques oeuvres
religieuses : Messe solennelle, Andantino
pour orgue, 3 Motets de 1858, 3 Antiennes
pour grand orgue de 1859, Messe à 3 voix
de 1860 qui débouchent sur les magnifiques 6 Pièces pour le grand orgue de
1860-1862. Ces dernières, par leur facture
révolutionnaire (forme très structurée, le
plus souvent en triptyque), leur écriture
savante, leur langage pénétré de ferveur
(Prière, Pastorale), même si l’influence
du siècle reste parfois encore perceptible
(dans la Grande Pièce symphonique ou
dans Final), sonnent le réveil de l’orgue
religieux en France et annoncent les symphonies pour orgue des successeurs de
Franck (Vierne, Widor, notamment). À
partir de cette date, le musicien est devenu lui-même et n’écrira que des chefsd’oeuvre arrachés au temps et plus encore
à ses fonctions qui le harcèlent.
Sous le choc de la défaite de Sedan, en
effet, quelques admirateurs et élèves de
Franck ont fondé la S. N. M. (Société nationale de musique), dont la devise, « Ars
gallica », est tout un programme : faire
jouer la musique française ; susciter des
oeuvres de compositeurs français. Nommé
en 1872 professeur d’orgue au Conservatoire, Franck va dès lors attirer près de lui
nombre de jeunes compositeurs (d’Indy,
Duparc, Chausson, etc.) qui, formant la
célèbre « bande à Franck », feront sortir
leur professeur de l’anonymat et l’obligeront ainsi à se manifester par des oeuvres
nouvelles. À partir de 1872, Franck va
donc poursuivre parallèlement une triple
carrière : de professeur (au Conservatoire), d’organiste (à Sainte-Clotilde), de
compositeur. Chaque année, ou presque,
verra désormais l’éclosion d’une oeuvre
majeure, composée le plus souvent pendant les vacances d’été : ainsi, en 1878-79,
le Quintette qui marque pour la musique
de chambre en France une renaissance
préparée par Lalo et Saint-Saëns et pour
Franck lui-même le début d’une période
créatrice intense, chaque fois renouvelée
dans son approche et approfondie dans
son essence. Ainsi naîtront des oeuvres
majeures telles que les poèmes symphoniques le Chasseur maudit (1882), les
Djinns (1884) et Psyché (1887-88), Prélude, choral et fugue pour piano (1884),
les Variations symphoniques pour piano et
orchestre (1885), l’admirable Sonate pour
piano et violon (1886), Prélude, aria et final
(1886-87), la Symphonie en « ré » mineur
(1886-1888), le Quatuor à cordes (1889),
enfin les Trois Chorals (1890) qui seront sa
dernière oeuvre et son testament de compositeur pour orgue.
L’influence de Franck, artiste d’une
absolue sincérité et d’une très grande
probité, s’est développée sur trois plans :
il s’est d’abord imposé comme rénovateur
de la musique de chambre. À une époque
où la France tourne ses regards essentiellement vers la scène, il montre qu’il peut y
avoir plus de musique dans un Quintette
ou dans un Quatuor que dans un opéra
tout entier. De là son langage hérité de
Beethoven et Schumann, parfois marqué
par Wagner dans ses oeuvres symphoniques. De là également la forme, extrêmement charpentée, avec une prédilection pour le cadre ternaire. De là surtout
ce procédé de la forme cyclique, déjà totalement contenu dans le Trio en « fa » dièse
de 1842 (écrit à vingt ans) et qui, par la résurgence des thèmes de l’un à l’autre mouvement et leur superposition dans le volet
final, donne à ses compositions une solide
architecture et une très grande unité. De
là enfin l’écriture extrêmement mouvante
et chromatique où dominent de riches
modulations qui sont autant d’éclairages
nouveaux apportés au discours.
L’influence de Franck a été prépondérante également dans le domaine de
l’orgue. Tandis que maints titulaires de
tribunes se contentaient d’« orages » ou de
« fantaisies sur des airs d’opéra », il remet
l’orgue sur le chemin de l’église et de la
prière. À cet égard, ses trois recueils sont
exemplaires : avec les Six Pièces de 1862,
il a renouvelé l’esthétique de l’instrument
(écriture, forme) et se montre précurseur
de la symphonie pour orgue ; avec les Trois
Pièces de 1878, écrites pour l’inauguration
de l’orgue Cavaillé-Coll de l’ancien Trocadéro, il démontre les possibilités symphoniques pures qui font de son instrument un rival de l’orchestre (d’où les titres
« profanes » de ce recueil : Fantaisie en
la mineur, Cantabile en si, Pièce héroïque
où le compositeur joue avec maîtrise du
contraste de deux thèmes). Avec les ultimes Trois Chorals de 1890, enfin, Franck
propose une fusion du choral de style allemand et du lyrisme grégorien, mais aussi
du chromatisme hérité de Wagner et du
contrepoint traditionnel. Il offre ainsi une
immense synthèse de tout ce qui avait été
écrit avant lui.
Son influence, enfin, se marque par le
mouvement spirituel qu’il a su créer autour de lui, ses élèves étant devenus ses
amis ; la « bande à Franck » groupera bon
nombre des meilleurs musiciens français
de l’époque. Même lorsqu’il suscita chez
ses successeurs des réactions contraires
à sa propre esthétique, la « manière » de
Franck se perçoit encore chez eux : ainsi
dans leurs Quatuors, Debussy et Ravel
se souviendront-ils de la forme cyclique.
En fait, et au-delà de la pure beauté des
oeuvres qu’il laisse, où ce grand sentimental se raidit afin d’épurer son message,
Franck n’aura cessé, toute sa vie, directement ou indirectement, d’être un exemple.
Sans doute a-t-il payé à son siècle cent
fautes de goût en raison de sa culture assez
rudimentaire et de cette naïveté parfois
déconcertante qui le fit surnommer, mais
abusivement, « Pater Seraphicus « : abusivement, car ce chaste est un violent sensuel que maintes partitions révèlent.
Mais derrière les plus grands chefsd’oeuvre - le Quintette, Prélude, choral et fugue, Psyché, les Trois Chorals -,
un homme s’affirme, passionné, vrai,
et tourné vers les plus hauts sommets.
Toute son oeuvre est la narration de cette
conquête volontaire durement, mais pleinement, assumée.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
386
FRANCK (Melchior), compositeur allemand (Zittau, Saxe, v. 1580 - Cobourg
1639).
Il commença à étudier la musique dans
sa ville natale et vécut successivement à
Augsbourg, où il fut chantre, à Nuremberg, et à Cobourg où il fut maître de
chapelle de 1603 à sa mort. Son oeuvre,
qui comprend principalement des lieder
polyphoniques et des danses conçues pour
toutes sortes d’instruments, se situe dans
la lignée de la musique polyphonique du
XVIe siècle, mais révèle également l’influence de la musique italienne et celle
des mélodies populaires. Parmi ses publications, on peut citer ses Newe Pavanen,
Galliarden und Intraden (Cobourg, 1603),
4 volumes de Sacrae Melodiae (1601, 1604,
1605, 1607), 4 volumes de Laudes Dei
vespertinae (Cobourg, 1622), le Paradisus
musicus (1636) ; 2 volumes de Deutsche
weltliche Gesäng und Täntze (Cobourg,
1604, 1605), ainsi que les Viertzig neue
deutsche Täntze, avec instruments (1623).
FRANCOEUR, famille de musiciens français.
Joseph (Paris v. 1662 - id. v. 1741). Il appartint aux Vingt-Quatre Violons du roy.
Louis (Paris v. 1692 - id. 1745), fils du précédent. Élève de son père, il fut à la tête des
Vingt-Quatre Violons du roy à partir de
1717. Il a laissé deux livres de Sonates pour
violon seul et basse.
François. Violoniste, compositeur et chef
d’orchestre (Paris 1698 - id. 1787). Fils de
Joseph. Élève de son père, il entra à quinze
ans dans l’orchestre de l’Opéra. Après
avoir publié un 1er Livre de sonates à violon
seul et basse continue (1720), il séjourna à
Vienne et Prague et s’y produisit en soliste. Rentré en France en 1725, il donna
avec François Rebel des duos de violons au
Concert spirituel et signa avec lui son premier opéra, Pyrame et Thisbé, représenté
avec grand succès à l’Académie royale de
musique en 1726. Il fut nommé en 1727
compositeur de la Musique de la chambre
du roi et publia un 2e Livre de sonates après
1730. Nommé chef d’orchestre à l’Opéra
en 1733, il dirigea la première oeuvre
lyrique de Rameau, Hippolyte et Aricie.
Il fut, avec son inséparable ami Rebel,
promu en 1743 inspecteur de l’Académie
royale, puis directeur de 1749 à 1753 et
de 1757 à 1766. Ils accueillirent à l’Opéra
Zoroastre de Rameau, mais aussi la troupe
italienne qui fut à l’origine de la Querelle
des bouffons. Durant la seconde période
de leur direction, ils créèrent en particulier plusieurs oeuvres de Dauvergne. Des
intrigues consécutives à l’incendie de la
salle du Palais-Royal en 1763 les incitèrent
à démissionner. Entre-temps, toujours
avec Rebel, Francoeur avait composé une
dizaine d’ouvrages lyriques et de ballets.
Louis-Joseph. Compositeur et chef d’orchestre (Paris 1738 - id. 1804). Neveu et
élève de François Francoeur, il fut nommé
en 1762 surintendant de la Musique du
roi et fut de 1767 à 1780 chef d’orchestre à
l’Opéra, où il dirigea de nombreuses premières dont celles d’Iphigénie en Aulide,
Orphée et Eurydice, Alceste et Armide de
Gluck. Choisi en 1791 comme régisseur
général de l’Opéra, et en 1792 comme
directeur, avec Cellerier, pour une durée
de trente ans, il devint suspect l’année suivante et fut arrêté. Libéré après le 9-Thermidor, il abandonna toute activité. Il est
l’auteur de plusieurs ouvrages lyriques
(dont seul Lindor et Ismène, en 1 acte,
1766, fut représenté), d’oeuvres pour violon et d’un traité d’instrumentation, Diapason général de tous les instruments à vent.
FRANCO-FLAMANDE (musique).
Le terme de musique franco-flamande est
couramment utilisé par les musicologues
pour désigner le vaste foyer où se développa la polyphonie vocale, profane et
religieuse, après la période de l’Ars nova
et avant l’ultime floraison de la Renaissance, c’est-à-dire à la fin du XIVe et durant
presque tout le XVe siècle.
Géographiquement, ce foyer se confond
avec le duché de Bourgogne, fondé en 1363
lorsque Jean le Bon en donna la possession
à son fils Philippe le Hardi, et agrandi en
1430 par l’annexion des provinces septentrionales. Le duché perdit son existence
politique en 1482, avec le rattachement
de la Bourgogne à la couronne de France,
tandis que les Flandres passaient à l’empire. Mais il avait constitué, un siècle durant, une zone d’influences et de rayonnement artistique intense entre le royaume
de France et les possessions germaniques.
Pour bien saisir ce que signifie cette expression de musique « franco-flamande »,
il faut la rapprocher d’une réalité histo-
rique, celle de la guerre de Cent Ans. Pendant cette période, en effet, la vie créatrice
avait reflué des régions occidentales, où
se déroulaient les combats, vers le duché
de Bourgogne, où les arts étaient largement favorisés en de nombreuses villes,
de Dijon à Anvers, en passant par Cambrai ou Arras, Saint-Quentin ou Bruges.
Chapelles ducales et service des églises
accueillaient les musiciens, que les princes
emmenaient d’ailleurs dans leur suite lors
de leurs nombreux déplacements, suscitant ainsi de fructueux échanges artistiques. Poètes-musiciens vivant à l’ombre
des églises, parfois prêtres eux-mêmes, ces
compositeurs circulent souvent beaucoup,
menant une véritable carrière internationale, comme Brumel. Certains s’en vont
même jusqu’en Italie du Nord, dans des
centres tels que Milan ou Ferrare (Obrecht
y est mort).
Lorsqu’ils écrivent des chansons polyphoniques profanes, c’est en langue
française - la langue que parlent la plupart d’entre eux -, ce qui les rattache à
la tradition de l’Ars nova. Mais ils n’en
sont pas moins et avant tout hommes
des provinces du Nord ; leur attrait pour
l’emploi d’une polyphonie complexe dans
la musique religieuse va faire progresser
considérablement l’écriture contrapuntique savante, qui va ensuite se répandre
par toute l’Europe du XVIe siècle. À la
fin du XVe siècle, en effet, lorsque finit la
guerre de Cent Ans, le style religieux de la
musique franco-flamande prend ses distances d’avec celui du gothique français
pour s’européaniser, en même temps qu’il
perdra de sa sévérité et du caractère de jeu
savant, raffiné mais abstrait, qu’il avait fini
par revêtir.
À la musique franco-flamande se rattachent les principaux musiciens suivants : Gilles Binchois (Mons v. 1400-Soignies 1460), Guillaume Dufay ( ? v.
1400-Cambrai 1474), Anthoine Busnois
(Busne ?-Bruges 1492 ?), Johannes Ockeghem (Flandres v. 1425-Tours v. 1495),
Josquin Des Prés (Picardie v. 1440-Condésur-Escaut 1521 ?), Jacob Obrecht (Bergop-Zoom 1450-Ferrare 1505), Loyset Compère( ? v. 1450-Saint-Quentin 1518).
Si la notion de « musique franco-flamande » demande à être précisée et utilisée avec discernement, celle d’»école
franco-flamande », parfois employée, ne
recouvre quant à elle aucune réalité historique ni artistique, du fait de la multiplicité des centres musicaux et de la diversité
des compositeurs qui s’y rencontrent.
FRANÇOIS (Samson), pianiste français (Francfort-sur-le-Main, Allemagne,
1924 - Paris 1970).
Il commença ses études de piano en Italie
et donna son premier concert à l’âge de
six ans aux côtés d’un orchestre dirigé par
Mascagni. Il étudia ensuite aux conservatoires de Belgrade et de Nice, à l’École
normale de musique de Paris avec Yvonne
Lefébure (1936-1938) et au Conservatoire de Paris dans la classe de Marguerite Long. En 1941, il donna son premier
concert public à Paris, interprétant le Premier Concerto de Liszt. En 1943, il remporta le premier prix du premier concours
Long-Thibaud et commença tout de suite
après la guerre sa carrière internationale.
Interprète véritablement inspiré, au toucher d’une variété infinie, aussi capable de
grâce que de puissance, de délicatesse que
de brusquerie, il s’est illustré notamment
dans les oeuvres de Chopin, Schumann,
Liszt, Debussy et Ravel. Il composa un
Concerto pour piano et orchestre (1951) et
des pièces pour piano.
FRANCON DE COLOGNE, théoricien et
compositeur allemand du XIIIe siècle.
Il écrivit, peut-être vers 1280, l’Ars cantus mensurabilis, où il expose les principes
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
387
du nouveau système de notation mesurée, dite aujourd’hui franconienne, grâce
auquel l’exécution simultanée et rigoureuse de plusieurs parties, aux rythmes
différents, devenait possible. Une nouvelle
méthode précise de notation se révélait
en effet nécessaire, du fait que les anciens
modes rythmiques s’appliquaient avec de
moins en moins de rigueur. L’influence
de Francon fut très grande jusqu’au
XVIe siècle, son traité souvent copié et
commenté. Francon, qui était praeceptor
de la Maison de l’ordre de Saint-Jean à
Cologne, avait travaillé à Paris, ce qui fit
croire à l’existence d’un Francon de Paris.
Il fut un compositeur estimé, mais on ne
connaît de lui qu’un motet à 3 voix (Homo
miserabilis).
FRANZ (Robert), compositeur allemand
(Halle 1815 - id. 1892).
De son vrai nom Robert Knauth, issu
d’une famille de riches commerçants, il
ne put faire qu’à l’âge de vingt ans des
études musicales sérieuses, qu’il mena à
Dessau de 1835 à 1837. De retour à Halle,
il végéta jusqu’en 1841 : nommé organiste
de la Ulrichskirche, et en 1842 chef de la
Singakademie, il publia en 1843 son premier recueil de douze lieder pour chant
et piano, qui attira aussitôt l’attention de
Schumann, puis de Mendelssohn, de Liszt
et de Wagner. Il écrivit quelque 350 lieder
jusqu’en 1858, date à laquelle sa surdité
l’obligea à renoncer à la composition ainsi
qu’à la charge de directeur de la musique à
l’université qu’il occupait depuis 1851. Les
vingt dernières années de sa vie auraient
été difficiles sans l’aide généreuse de ses
amis et admirateurs, au premier rang
desquels Liszt joua un rôle déterminant.
Franz publia encore des transcriptions
d’oeuvres de son compatriote Haendel
et de J.-S. Bach. À part quelques oeuvres
religieuses pour choeur, sa production originale consiste uniquement en ses lieder,
tous écrits pour mezzo-soprano. À l’image
de la modestie et de la pudeur de Franz, ils
n’ont guère d’ampleur, de développement.
Mais l’invention mélodique, même tenue
volontairement dans un étroit carcan, est
variée, pleine de charme. L’écriture, claire
et élégante, est exactement adaptée aux
textes, choisis avec soin (Goethe, Heine,
Eichendorff, Lenau, Osterwald, etc.). Certaines de ces pièces, malgré leur dimension réduite, atteignent à la grandeur : Die
Lotosblume (la plus achevée aux yeux du
compositeur), Mutter, o sing mich zur Ruh,
Bitte, Wonne der Wehmuth.
FRÉDÉRIC II LE GRAND, roi de Prusse,
compositeur et flûtiste amateur (Berlin
1712 - Sans-Souci, Potsdam, 1786).
Il étudia la musique avec G. Hayne, organiste de la cathédrale de Berlin, et travailla ensuite la flûte avec J. J. Quantz et la
composition avec C. H. Graun. En 1732,
il forma un orchestre privé dans son château de Rheinsberg. Devenu roi en 1740,
il rassembla autour de lui de nombreux
artistes et musiciens dont J. G. Graun,
Chr. Nichelmann, Quantz, Fr. Benda et
Carl Philipp Emanuel Bach. Il constitua
un orchestre et fit construire un Opéra,
inauguré en 1742 avec Cesare e cleopatra
de C. H. Graun. En 1747, lors de la visite
de J.-S. Bach à Potsdam, il proposa au
musicien un thème d’improvisation que
celui-ci reprit ensuite dans son Offrande
musicale, dédiée à Frédéric II. Le roi composa lui-même de la musique d’orchestre,
dont quatre Symphonies, quatre Concertos
pour flûte et cordes, 121 Sonates pour flûte
et clavecin, trois cantates profanes, ainsi
que des airs d’opéras insérés dans les ouvrages de Graun, Nichelmann, Hasse, etc.
Il écrivit également des livrets d’opéras et
des pièces de théâtre.
FREIRE (Nelson), pianiste brésilien (Boa
Esperanza 1944).
Il commence l’étude du piano à l’âge
de trois ans et travaille avec N. Obino
et L. Branco. En 1957, il est lauréat du
Concours international de Rio de Janeiro
et part pour Vienne étudier avec Bruno
Seidlhofer. En 1964, il remporte le 1er
Grand Prix du Concours Vianna da Motta
et, à Londres, les médailles d’or Dinu
Lipatti et Harriett Cohen. Il s’est produit
dans le monde entier, sous la direction
de chefs tels que Jochum, Maazel, Dutoit,
Boulez, Previn, etc., et joue régulièrement
en duo avec Martha Argerich.
FREITAS (Frederico de), compositeur
et chef d’orchestre portugais (Lisbonne
1902 - id. 1980).
Élève du conservatoire de Lisbonne dans
les classes de piano, violon, harmonie et
composition, il n’a pas encore achevé ses
études quand, en 1924, un concert de ses
oeuvres est organisé en son honneur. À
partir de 1926, il voyage beaucoup et se
familiarise avec les techniques de composition les plus modernes, tout en se préparant à une carrière de chef d’orchestre.
Mais son ouverture aux influences novatrices étrangères s’accompagne d’une
volonté bien arrêtée de promouvoir une
véritable école portugaise. C’est dans cet
esprit qu’en 1940 il fonde la Société chorale de Lisbonne et participe à la création
d’une compagnie nationale de ballet. Chef
titulaire de l’orchestre symphonique de
Porto en 1949, directeur de l’orchestre de
la radio nationale en 1956, il a enrichi leur
répertoire de nombreuses premières auditions. En tant que compositeur, on lui doit
notamment un opéra (Luzdor), six ballets,
la symphonie Jerónimos, un concerto pour
flûte et orchestre, une messe et diverses
pièces instrumentales et chorales, souvent
d’inspiration folklorique.
FREITAS BRANCO (les de), famille de
musiciens portugais.
Luís, compositeur et pédagogue (Lisbonne 1890 - id. 1955). Sa naissance
dans un milieu aristocratique et fortuné
a certainement favorisé la formation de
ce musicien exceptionnellement cultivé.
Après avoir bénéficié dans sa ville natale
deG l’enseignement des Portugais Tomas
Borba et Augusto Machado, du Belge
Désiré Pâque et de l’Italien Luigi Mancinelli, il se rend à Berlin, où il est l’élève
de Humperdinck. À vingt ans, il achève
Paraísos Artificiais, le premier de ses cinq
poèmes symphoniques. L’année suivante
le trouve à Paris, où il fait la connaissance de Claude Debussy et travaille avec
Gabriel Grovlez. Jeune marié, il s’installe
à Madère jusqu’en 1914, mais des revers
de fortune provoqués par la révolution de
1910 l’obligent à monnayer ses nombreux
talents. De retour à Lisbonne, il y occupera jusqu’en 1947 des postes importants
dans l’enseignement musical officiel, où
son influence sera considérable. En 1929,
il fonde la revue Arte Musical, que remplacera vingt ans plus tard la Gazeta Musical
(1950). Conservateur en politique, Luís de
Freitas Branco l’était beaucoup moins en
musique ; influencé par l’impressionnisme
debussyste, puis tenté par l’atonalisme, il
revint toutefois à une conception néoclassique. Il laisse cinq poèmes symphoniques,
quatre symphonies, une « symphonie dramatique » pour solos, choeurs, orgue et
orchestre (Manfredo), un concerto et deux
sonates pour violon, un quatuor à cordes,
diverses pièces pour piano, des mélodies
et des compositions chorales.
Pedro, chef d’orchestre, frère du précédent (Lisbonne 1896 - id. 1963). Après
avoir mené de front des études d’ingénieur et des études musicales, travaillant
en particulier le violon et le chant, il débute comme chef d’orchestre aux théâtres
S. Carlos de Lisbonne et S. João de Porto.
Après un séjour à Londres en 1925, qui
lui vaut de profiter des conseils de Bruno
Walter, il fonde en 1927 la première compagnie d’opéra entièrement portugaise et,
en 1928, les Concerts symphoniques de
Lisbonne, qui révéleront au public portugais de nombreuses oeuvres contempo-
raines.
FREMAUX (Louis), chef d’orchestre
français (Aire-sur-la-Lys, Pas-de-Calais,
1921).
Il a fait ses études (interrompues par la
guerre) au Conservatoire de Paris, et a dirigé de 1956 à 1965 l’orchestre de l’opéra
de Monte-Carlo, puis, de 1968 à 1971,
l’orchestre philharmonique Rhône-Alpes.
Il a aussi été de 1969 à 1978 directeur
musical et premier chef de l’orchestre et
du choeur de Birmingham en Angleterre,
où il s’est fait apprécier notamment par
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ses interprétations de Berlioz. Il a été de
1979 à 1982 à la tête de l’orchestre symphonique de Sydney, en Australie.
FRÉMIOT (Marcel), compositeur français
(Paris 1920).
Élève, entre autres, d’Olivier Messiaen et
de René Leibowitz, il fut directeur artistique de diverses firmes de disques, avant
de devenir professeur d’histoire de la
musique au conservatoire de Marseille,
où il fonda en 1968 une classe de musique
électroacoustique qui fut à l’origine du
Groupe de musique expérimentale de
Marseille, qu’il devait diriger jusqu’en
1974. On lui doit plusieurs oeuvres pour
bande magnétique : Cadastre (1970),
Sonate avec Likenbé (1971), Ricercare 2
(1973) ; pour voix et bande Tant et tant
d’arbres (1977), le Coin des choses (1978) ;
des réalisations pour le ballet, avec la danseuse-chorégraphe Dora Feïlane (Danse,
image et cri, 1977) et des oeuvres pour
choeur (la Môme Néant, texte de J. Tardieu, 1977).
FRÉMY (Gérard), pianiste et compositeur français (Bois-Colombes 1935).
Élève du Conservatoire de Paris dans la
classe d’Yves Nat, il remporte un premier prix en 1951, puis obtient en 1956
une bourse du gouvernement soviétique
pour travailler trois années durant au
conservatoire de Moscou dans la classe
de Heinrich Neuhaus, dont il devient
finalement l’assistant. Rentré en France
après avoir donné une quarantaine de
concerts en U.R.S.S., il poursuit son activité de concertiste tout en s’adonnant à
la composition (Fantaisie pour violon et
piano, 1956 ; Autobiophonie, 1973 ; Petite
Musique d’amitié, 1974 ; etc.).
FRENI (Mirella), soprano italienne (Modène 1936).
Issue d’une famille très humble, elle a débuté au Teatro comunale de Modène en
1955 dans le rôle de Micaela de Carmen.
Ses interprétations de Zerline de Don Juan
au festival de Glyndebourne en 1960 et au
Covent Garden de Londres en 1961, celle
de Suzanne des Noces de Figaro à Londres
en 1962, lui ont ouvert les portes de la
carrière internationale. En 1963, elle a
débuté à la Scala de Milan sous les traits
de Mimi de la Bohème de Puccini. Durant
ces premières années, elle interprétait
plutôt des rôles légers ou lyriques-légers,
comme ceux mentionnés plus haut, ou
encore Marguerite de Faust de Gounod,
Marie de la Fille du régiment et Adina de
l’Élixir d’amour de Donizetti. Tout en
continuant à chanter certains d’entre eux,
elle a abordé dans le répertoire verdien
des rôles de plus en plus lourds, partant
de Violetta de la Traviata pour aboutir à
Aida. La voix de Mirella Freni est claire et
puissante avec un beau timbre fruité ; son
émission est parfaitement maîtrisée et ses
incarnations sont pleines de charme.
FRESCOBALDI (Girolamo), organiste,
claveciniste, chanteur et compositeur
italien (Ferrare 1583 - Rome 1643).
Il apprit la musique auprès de son père
et surtout de l’organiste Luzzaschi.
Voyageant de bonne heure, et se faisant
connaître et apprécier comme exécutant
et comme chanteur, il se rendit à Rome
en 1604, ville qu’il n’allait plus quitter
qu’occasionnellement, y occupant les
charges d’organiste à l’académie SainteCécile, puis à Santa Maria in Trastevere, et
enfin, en 1608, à la basilique Saint-Pierre,
poste qu’il tint jusqu’à sa mort. Il voyagea
encore, allant à Bruxelles (1607), à Mantoue (1615), et passant quelque temps à
Florence (1628-1634), après quoi il resta
sédentaire à Rome. Sa renommée était
alors considérable : il passait pour le meilleur organiste de l’Europe, et pour l’un des
plus grands compositeurs de son temps.
On venait le consulter de toutes parts, et
il était donné en exemple par des écrivains
comme le père Mersenne (Harmonie universelle, 1636). Témoin de cette renommée,
son oeuvre a été largement éditée, rééditée
et diffusée de son vivant : une douzaine de
volumes parurent ainsi, contenant Toccate, Canzone, Capriccii, Fantasie, Partite
(c’est-à-dire des variations), Arie, Ricercari, Balletti. Le recueil le plus célèbre est
celui des Fiori musicali op. XII, publié à
Venise en 1635. Musique vocale ou musique instrumentale, pour l’orgue ou pour
le clavecin, elle n’est pas fondamentalement novatrice dans la forme ou dans la
technique, mais, en ce premier âge du
baroque, elle assouplit considérablement
les formes plus rigides de la Renaissance.
Dans la musique instrumentale, qui fut
son domaine d’élection, Frescobaldi introduisit le chromatisme, les dissonances,
les effets de contrastes, la variation, et usa,
en de nombreuses pièces, du style fugué.
L’aspect purement instrumental et dégagé
de la polyphonie vocale de ces pages eut
un écho plus grand en Allemagne qu’en
Italie, auprès de Froberger, élève de Frescobaldi, ou de maîtres comme Tunder,
Buxtehude ou Muffat. J.-S. Bach lui-même
recopia de sa main les Fiori musicali qui
exercèrent sur son art une influence décisive.
FRETTE.
Dans la facture du luth, de la guitare et
des instruments qui sont leurs dérivés, le
terme désigne les séparations placées sur
le manche, de demi-ton en demi-ton, délimitant les « cases » où l’interprète place les
doigts pour raccourcir les cordes. Sur le
luth, les frettes sont constituées de simples
morceaux de boyau (ou de Nylon) liés autour du manche, tandis que sur la guitare
on utilise depuis le XIXe siècle de minces
tiges de métal incrustées dans le bois du
manche.
FREUND (Marya), soprano polonaise naturalisée française (Wroclaw 1876 - Paris
1966).
Elle étudie d’abord le violon avec Pablo de
Sarasate, puis le chant avec Henri Criticos. Dès ses débuts à Vienne en 1898, elle
se consacre au répertoire de son temps.
Elle chante les lieder de Mahler et, en
1913, crée les Gurrelieder de Schönberg à
Vienne. En 1922, elle donne les premières
auditions française, belge et anglaise du
Pierrot lunaire. Debussy, Fauré et Ravel
trouvent en elle une interprète ardente,
tout comme Stravinski, Szymanovski et
Poulenc. Elle compta parmi ses élèves
Germaine Lubin, Jennie Tourel et Marie
Powers.
FREYLINGSHAUSEN (Johann Anastasius), théologien allemand (Gandersheim, Basse-Saxe, 1670 - Halle
1739).
Il fut directeur de l’Hospice des orphelins
et du Pädagogium de Halle. Sa contribution à l’histoire de la musique consiste
en deux recueils de lieder spirituels :
Geistreiches Gesangbuch... (Halle, 1704)
et Neues Geistreiches Gesangbuch.. (ibid.,
1714). Ces deux ouvrages constituent une
somme unique en son genre, tant par les
textes (ils comprennent respectivement
683 et 815 lieder) que par les nombreuses
mélodies rassemblés ; ces dernières sont
proposées avec une basse chiffrée. Le
caractère émouvant, voire sentimental de
ces oeuvres, les rattache au piétisme.
FRICK (Gottlob), basse allemande (Ölbronn, Wurtemberg, 1906 - Mühlacker
1994).
Il entra dans les choeurs de l’opéra de
Stuttgart en 1927 et s’éleva peu à peu au
rang de soliste, débutant à Cobourg en
1934. Il fut engagé en 1938 à l’opéra de
Dresde auquel il appartint jusqu’en 1950.
Après la guerre, il s’imposa comme une
des plus grandes basses d’Allemagne et
fit une carrière internationale. Son répertoire allait des rôles wagnériens (Hunding
de la Walkyrie, Hagen du Crépuscule des
Dieux, le roi Henri de Lohengrin, etc.) à
celui de Sarastro dans la Flûte enchantée
ou au personnage comique d’Osmin dans
l’Enlèvement au sérail, en passant par les
opéras-comiques de Nicolai ou Lortzing.
Il pouvait plier son beau timbre, d’une
couleur très particulière, aussi bien à l’expression de la rudesse la plus sauvage qu’à
celle d’une grande bonté.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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FRICKER (Peter Racine), compositeur
anglais (Londres 1920 - Santa Barbara,
Californie, 1990).
Descendant de l’écrivain Jean Racine, il a
fait ses études au Royal College of Music
de Londres, puis auprès de Matyas Seiber,
et, en 1953, succéda à Michael Tippett
comme directeur de la musique du Morley
College. Après des débuts prometteurs,
son nom apparut moins souvent dans les
programmes de concerts de son pays, ce
qui explique en partie qu’en 1964 il alla
enseigner à l’université de Santa Barbara
en Californie, où il réside toujours. Dans
un style chromatique très personnel et
d’une belle densité contrapuntique, il a
écrit notamment cinq symphonies (194950, 1951, 1960, 1964-1966 et 1975-76),
deux concertos pour violon (1951-52 et
1954), un pour alto (1953), un pour piano
(1954), Concertante no 2, pour 3 pianos,
cordes et timbales (1951), Concertante no
4, pour flûte, hautbois, violon et cordes
(1968), des oeuvres vocales comme l’opéra
la Mort de Vivien (1956), l’oratorio The Vision of Judgment (1957-58), un Magnificat
(1968) et Six Mélodies de Francis Jammes
(1980), de la musique de chambre (dont
trois quatuors à cordes de 1947-48, 1953
et 1974-1976 et un célèbre quintette à
vents de 1947), de piano et d’orgue.
FRICSAY (Ferenc), chef d’orchestre hongrois (Budapest 1914 - Bâle 1963).
Après de brillantes études dans sa ville natale avec Kodály et Bartók, il fut nommé
dès l’âge de vingt ans au pupitre de l’orchestre philharmonique et du théâtre de
Szeged, fonctions qu’il cumula de 1939 à
1945 avec la direction de l’orchestre philharmonique et de l’orchestre de l’opéra de
Budapest. Mais sa réputation internationale date de 1947, quand il remplaça Otto
Klemperer au festival de Salzbourg pour
la création de Dantons Tod (« la Mort de
Danton ») de Gottfried von Einem. Appelé l’année suivante à diriger l’orchestre
de la RIAS et celui de l’opéra de BerlinOuest, chef d’orchestre de l’opéra de Munich de 1956 à 1959, il inaugura en 1961
le nouvel opéra de Berlin. On lui doit un
essai, Ueber Mozart und Bartók, publié à
Francfort en 1962.
FRIED (Oskar), chef d’orchestre et compositeur allemand naturalisé russe (Berlin 1871 - Moscou 1941).
À quinze ans, il est membre d’une troupe
de musiciens ambulants. En 1889, il est
corniste d’un orchestre de musique légère
à Francfort et rencontre Humperdinck.
Influencé par le wagnérisme, il travaille
la composition. De 1894 à 1897, il suit un
apprentissage assez bohème, fréquentant
peintres et écrivains à Düsseldorf, Munich et Paris. En 1898, il se fixe à Berlin,
où il joue un rôle grandissant : de 1904
à 1910, il dirige la société chorale Stern,
et, dès 1905, l’orchestre des « Nouveaux
Concerts ». De 1907 à 1910, il est aussi
chef de l’importante « Société des amis
de la musique » de Berlin, et, à partir de
1908, du Blüthnerorchester. Lié avec Mahler, il dirige toutes ses symphonies. Entre
1920 et 1930, il enregistre de nombreux
78 tours, dont la Deuxième Symphonie de
Mahler et l’Oiseau de feu de Stravinski.
Face au nazisme, il choisit d’émigrer en
U.R.S.S., où il est nommé en 1934 chef de
l’Orchestre de Tbilissi. Il acquiert le passeport russe en 1940, dirige l’Orchestre
radio-symphonique de Moscou, et enfin
l’Orchestre d’État de l’U.R.S.S. On lui doit
de nombreuses compositions, parmi lesquelles une Nuit transfigurée pour deux
chanteurs et orchestre, qui connut le succès en 1901.
FRIEDLÄNDER (Max), musicologue
allemand (Brieg, actuellement Brzeg en
Pologne, 1852 - Berlin 1934).
Également baryton, il a consacré l’essentiel de ses travaux au lied et à la chanson
populaire allemande, et publié un ouvrage
sur les lieder de Brahms.
FRIMMEL (Theodor von), musicologue
autrichien (Amstetten 1853 - Vienne
1928).
Spécialiste de Beethoven, il édita sa correspondance (1910-11) et pendant deux
ans le Beethoven Jahrbuch (1908-09). Il ne
réunit jamais ses innombrables notes et
articles en un ouvrage de synthèse, mais
publia en 1926 le Beethoven Handbuch,
importante étude documentaire et bibliographique (rééd. 1968).
FRITZSCHE (Gottfried), facteur d’orgues
allemand (Meissen, Saxe, 1578 - Ottensen, près de Hambourg, 1638).
Son activité d’organier se déploya dans
l’Allemagne du Nord-Ouest, où il ne subsiste malheureusement plus aucun témoin
authentique de ses réalisations. Fréquentant les compositeurs, les théoriciens et les
organiers, il contribua à l’avènement de la
grande facture allemande baroque.
FROBENIUS (les). Famille de facteurs
d’orgues danois établis depuis 1909, auteurs de quelque 600 instruments, surtout au Danemark, mais aussi en Scandinavie et en Grande-Bretagne.
La réalisation classique des orgues Frobenius, leur harmonisation dans le style
baroque de l’Europe du Nord les font
rechercher pour interpréter la musique de
Bach et de ses prédécesseurs et contemporains.
FROBERGER (Johann Jakob), organiste,
claveciniste et compositeur allemand
(Stuttgart 1616 - château d’Héricourt,
près de Montbéliard, 1667).
Issu d’une famille de musiciens, il fut
d’abord organiste à Rome, de 1637 à 1641,
et reçut les conseils de Girolamo Frescobaldi. Sa vie fut itinérante : il parcourut l’Europe entière, au service de divers
princes ou faisant jouer ses oeuvres au
concert. En 1652, il séjourna à Paris. S’imprégnant des styles et des manières qu’il
rencontra, il en fit une synthèse séduisante
qui préfigure la « réunion des goûts »
chère aux musiciens français, à François
Couperin notamment, au XVIIIe siècle. Il
influença des compositeurs comme Bach
et Haendel. À sa double formation, allemande et italienne, il ajouta des éléments
empruntés aux musiques française et anglaise. Son influence se manifesta d’abord
au travers de copies manuscrites, car, à
l’exception de sa Fantaisie sur l’hexachorde
et d’une fugue parues dans des recueils
collectifs, toutes ses oeuvres (essentiellement écrites pour l’orgue ou pour le clavecin) ne furent publiées qu’après sa mort,
en 1693 (Diverse ingeniosissime, rarissime e
non maj più viste curiose Partite) et en 1696
(Diverse curiose e rarissime Partite). Elles
consistent en toccatas, caprices, ricercari,
fantaisies, canzone, suites et fragments de
suites.
FRÖHLICH (Friedrich-Theodore), compositeur suisse (Brugg 1803 - Aarau
1836).
Il fit ses études de droit puis de musique
à Berlin (avec Zelter et Klein). Professeur
à l’école cantonale d’Aarau, il donna une
vive impulsion à l’activité musicale de la
région par son activité pédagogique et de
chef d’orchestre et de choeurs. Comme
compositeur, il fut le premier musicien
romantique suisse. Il a laissé une symphonie, quatre quatuors, un quintette, des lieder (sur des poèmes de Novalis et de Ruckert), de nombreux choeurs (Wem Gott
will rechte Gunst erweisen, Passions Kant,
etc.), des messes et quantité d’oeuvres
d’inspiration religieuse.
FROIDEBISE (Pierre), organiste et compositeur belge (Ohey 1914 - Liège 1962).
Après avoir étudié aux conservatoires
de Namur et de Bruxelles, il alla se perfectionner à Paris auprès de l’organiste
Charles Tournemire, puis se fixa à Liège
où il s’illustra comme professeur d’harmonie au conservatoire, organiste de
l’église Saint-Jacques et maître de chapelle
du grand séminaire. Son oeuvre de compositeur, peu abondante, reflète une vaste
culture tant intellectuelle que musicale,
allant jusqu’au dodécaphonisme et aux
arts de l’Extrême-Orient.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
390
FROMENT (Louis de), chef d’orchestre
français (Toulouse 1921 - Cannes 1994).
Élève de Louis Fourestier et d’André
Cluytens, il fonda en 1949 l’Orchestre du
Club d’essai de la Radiodiffusion française
puis son propre orchestre de chambre.
Il fut directeur musical des casinos de
Cannes et de Deauville (jusqu’en 1956) et
du casino de Vichy (1953-1969), ainsi que
chef permanent des orchestres de Radio
Nice (1958-1959) et surtout de l’Orchestre
symphonique de Radio-Télé Luxembourg
(1958-1980), dont il est resté ensuite principal chef invité. Son enregistrement avec
Irma Kolassi du Poème de l’amour et de la
mer d’Ernest Chausson est demeuré inégalé.
FROTTEMENT.
Dissonance inhabituelle chargée d’une
certaine saveur.
Le terme exclut en général toute intention péjorative.
FROTTOLA (ital. ; de frocta : « mélange
de pensées et de faits rassemblés au
hasard »).
Terme qui désigne une composition polyphonique vocale, populaire en Italie au
XVe siècle, de forme strophique simple et
caractérisée par un refrain.
Le plus souvent, les strophes sont de
six vers octosyllabes (4 + 2). La musique
comporte deux sections, chacune de
deux phrases. L’écriture, à 4 voix, est
généralement homorythmique, la mélodie facile d’un ambitus réduit, les voix
les plus importantes étant le superius et
la basse, cette dernière remplissant déjà
une fonction harmonique. Un rythme
initial fréquemment employé est le suivant : (par exemple,
Ostinato vo’ seguire de B. Tromboncino).
La poésie, écrite pour être mise en musique, est souvent banale et surtout frivole. Quant à l’interprétation, la formule
à adopter est libre. Fr. Bossinensis, par
exemple, a laissé des transcriptions de
frottole pour voix seule et luth.
Le centre d’activité des compositeurs
de frottole se trouve à Mantoue à la cour
d’Isabella d’Este, entre 1470 et 1530 environ. Deux compositeurs particulièrement actifs dans ce domaine sont Bartolomeo Tromboncino et Marco Cara. Une
importante collection de frottole a paru
chez O. Petrucci à Venise entre 1504 et
1514. Proches de la frottola sont le strambotto et l’oda.
FRÜHBECK DE BURGOS (Rafael
Frühbeck, dit DE BURGOS), chef d’orchestre espagnol d’origine allemande
(Burgos 1933).
Il fait ses études de violon dès l’âge de sept
ans, puis entre aux conservatoires de Bilbao et de Madrid. Il obtient le prix RichardStrauss à Munich, débute comme chef
d’orchestre dans les théâtres de zarzuelas,
mais reprend ses études, pendant deux
ans, à la Hochschule de Munich. De retour
en Espagne, il dirige l’orchestre municipal
de Bilbao (1958) où il introduit pour la
première fois des oeuvres d’avant-garde. Il
se fixe à Madrid, en 1962, comme chef de
l’Orchestre national d’Espagne avec lequel
il voyage. Sa carrière internationale date
de cette époque, où il est appelé à conduire
également les orchestres de Berlin, Paris,
Boston, Vienne, Munich, Lisbonne, Genève, Buenos Aires et Londres. En 1975,
il est nommé directeur artistique et chef
permanent de l’orchestre de Montréal.
FRUMERIE (Gunnar de), compositeur et
pianiste suédois (Nacka 1908 - Mörby
1987).
Ses études se déroulent à Stockholm,
Vienne et Paris (avec A. Cortot et Sabanejev) où il est fortement impressionné
par la musique de Debussy. Une grande
partie de son oeuvre est écrite pour le
piano (Chaconne, 1932 ; Quatuor avec
piano, 1941 ; Variations et Fugue, 1932 ; 4
concertos ; Ballade symphonique, 1943-44 ;
concerto pour 2 pianos, 1953 ; trio avec
piano no 2, 1952 ; 2e quatuor avec piano,
1963). Le style de Frumerie est d’un grand
classicisme tempéré par des élans romantiques.
FRYE (Walter), compositeur anglais du
XVe siècle, actif vers 1450-1475.
On ne connaît rien de ses origines. En
1457, il appartenait à la corporation des
musiciens de Londres, mais la plupart de
ses oeuvres se trouvent dans des manuscrits d’origine bourguignonne, ce qui
laisse supposer que Walter Frye mena
au moins une partie de sa carrière sur
le continent. Sans doute plus jeune que
Dunstable († 1453), Frye a continué à
influencer les musiciens continentaux en
leur apportant les « consonances » du style
anglais. Il a laissé 3 messes, qui emploient
la technique du cantus firmus (Summe
Trinitati et Nobilis et pulchra [à 3 voix] et
Flos regalis [à 4 voix]), 6 motets (5 étant
à 3 voix) dont Sospitati dedit et l’Ave Regina, repris plus tard par Obrecht dans un
motet et une messe du même nom, ainsi
que quatre chansons.
FUCHS (Aloys), musicologue et collectionneur autrichien (Razova, Moravie,
1799 - Vienne 1853).
Fonctionnaire, également chanteur, il se
constitua à partir de 1820 une précieuse
collection d’autographes, de copies et
d’éditions rares (Bach, Gluck, Haydn,
Mozart, Beethoven et d’autres) dont la
plupart devaient aller après sa mort à la
Bibliothèque royale de Berlin et à celle de
l’abbaye de Göttweig en Autriche. Cette
collection possède toujours une valeur
musicologique certaine, et il en va de
même des divers catalogues thématiques
dressés par Fuchs, en particulier de celui
consacré à Haydn (manuscrit 1839, publié
en fac-similé en 1968).
FUCHS (Robert), compositeur et pédagogue autrichien (Frauenthal, Styrie,
1847 - Vienne 1927).
Élève du conservatoire de Vienne (1865),
il y enseigna l’harmonie (1875-1912)
puis la théorie et le contrepoint, et fut
organiste à la chapelle impériale de 1894
à 1905. Comme compositeur, il écrivit notamment deux messes, des pièces d’orgue,
les opéras Die Königsbraut (1889) et Die
Teufelsglocke (1893), ainsi que des oeuvres
pour piano, de musique de chambre et de
musique symphonique fort appréciées de
Brahms, mais il obtint surtout le succès
par ses sérénades, qui lui valurent d’être
appelé « Serenaden-Fuchs ». Pédagogue
de renom, il contribua à former d’innombrables élèves parmi lesquels Gustav Mahler, Hugo Wolf, Frauz Schreker et Jean
Sibelius.
FUENNLLANA (Miguel de), vihueliste et
organiste espagnol aveugle (Navalcarnero v. 1500 - Valladolid v. 1579).
Il publia en 1554 à Séville un recueil de
tablatures, comprenant 182 pièces pour
vihuela, intitulé Orphenica Lyra. Divisé en
6 livres, ce recueil comprend à la fois des
oeuvres de sa composition et des transcriptions d’auteurs espagnols et étrangers
de l’époque.
FUGATO (ital. : « fugué »).
Terme utilisé par extension pour dire « en
style fugué », ou « (un peu) comme une
fugue ».
Traditionnellement, il indique qu’un
passage d’un morceau (et non le morceau
tout entier) est traité dans le style de la
fugue, mais sans posséder toute la rigueur de celle-ci, par exemple sur le plan de
la conduite des voix, ou encore sur celui
de la définition et du traitement du sujet.
Là aussi, la terminologie succéda à la
pratique. Certains mouvements de structure binaire de la musique préclassique
commencent dans le style fugué puis deviennent homophone, et/ou ne font participer au style fugué que leurs voix supérieures, non leurs basses : ils peuvent être
(en particulier chez Franz Xaver Richter)
ou non (en particulier chez les composi-
teurs italiens ou viennois) intitulés fugato.
En outre furent parfois appelées fugato,
à cette époque, de véritables fugues (Michael Haydn). Avec le classicisme viennois, le procédé devint plus rare, et prit en
général une autre fonction, celle de rendre
plus dense et plus dramatique un développement de forme sonate ou un couplet
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
391
central de rondo (finale du quatuor op.
55 no 1 de Haydn, finale de l’Héroïque de
Beethoven). À partir de la même période,
et avec la même fonction, on trouve des
fugatos au sein de séries de variations
pour le reste homophones (premier mouvement du quatuor op. 76 no 6 de Haydn,
finale de l’Héroïque de Beethoven).
Comme mouvements ou oeuvres avec fugato datant de ces années, on peut encore
citer, de Dittersdorf, le finale du quatuor
en la majeur ; de Mozart, les finales du
quatuor K. 387, du concerto pour piano
K. 459, de la Plaisanterie musicale K. 522 et
de la symphonie Jupiter, ainsi que l’ouverture de la Flûte enchantée ; de Haydn, les
finales de plusieurs trios pour baryton,
du quatuor op. 64 no 5 (l’Alouette) et des
symphonies nos 95 et 101 (l’Horloge) ; de
Beethoven, les deuxièmes mouvements de
la 7e symphonie et du quatuor op. 95, ainsi
que les Variations Diabelli. Aux époques
romantique et moderne, cet usage du fugato devait se poursuivre, jusqu’à parfois
servir à « remettre en marche » un discours, en d’autres termes remédier à un
fléchissement de l’inspiration.
FUGÈRE (Lucien), baryton français (Paris
1848 - id. 1935).
Il fit ses débuts au café-concert. Engagé
à l’Opéra-Comique en 1877, il y resta
trente-cinq ans, chantant plus de cent
rôles du répertoire français et étranger.
Il chanta, parmi les premiers, le père de
Louise et Boniface dans le Jongleur de
Notre-Dame. Dans le répertoire étranger, il faut mentionner Papageno, Figaro,
Leporello et Falstaff. Il chanta jusqu’à
l’âge de quatre-vingts ans et célébra cet
anniversaire dans une représentation de
la Basoche de Messager (rôle du duc de
Longueville). L’art de Fugère était caractéristique du chant français à son meilleur :
phrasé exemplaire, articulation parfaite,
goût musical. Il était, en outre, un remarquable comédien.
FUGUE.
Genre de composition dont les deux caractères essentiels sont : 1o un style contrapuntique rigoureux, c’est-à-dire résultant
exclusivement de la combinaison de lignes
mélodiques, toutes d’égale importance,
sans qu’aucune note puisse entrer dans un
accord sans être d’abord justifiée mélodiquement ; 2o la prédominance d’un thème
principal nommé sujet, présenté et développé successivement par chacune des
voix selon des conventions définies.
Nous disons bien « principal » et non
pas « unique », comme on le fait souvent,
car non seulement une fugue peut avoir
plusieurs sujets (fugues multiples), ou exceptionnellement des sections hors thème
(codas), mais encore elle présente et développe le plus souvent, outre le sujet, des
thèmes secondaires appelés contre-sujets ;
ceux-ci doivent répondre à des caractéristiques définies, qui seront exposées ciaprès.
LE TERME « FUGUE ».
Issu du latin fuga (« fuite »), il apparaît au
XIVe siècle, souvent comme équivalent de
chace ou chasse (en ital. caccia) pour désigner soit un canon, soit simplement un
style caractérisé par le fait que les parties
se répondent en présentant successivement le même dessin, évoquant par analogie la fuite du gibier devant le chasseur
(d’où le nom). Longtemps le terme est
resté vague et a désigné plutôt un style
(dit « imitatif ») qu’une forme définie.
Celle-ci s’élabore peu à peu au cours du
XVIIe siècle par transformation de l’ancien
ricercar, mais sans que le terme « fugue »
le recouvre obligatoirement : c’est très
progressivement que les deux notions en
viennent à se rejoindre. Encore continuat-on longtemps à dénommer « fugues »
des genres qui, au sens strict du mot,
ne seraient plus aujourd’hui reconnus
comme tels ; par exemple le canon, que
Bach appelle encore « fugue canonique »,
et auquel il réserve une section dans son
Art de la fugue, de même qu’à des variétés
de fugues aujourd’hui disparues, telles que
« fugues-miroirs », « contre-fugues », etc.
L’exceptionnel développement donné
par J.-S. Bach à la fugue a conduit les
théoriciens à codifier après lui le genre à
partir de son exemple, en dressant sous
le nom de fugue d’école un « portrait-robot » d’un plan de fugue qui n’a jamais
existé tel quel dans son oeuvre, mais qui
réunit à peu près les principaux procédés
qu’il emploie le plus fréquemment. C’est
cette « fugue d’école » qui sera enseignée à
partir du XIXe siècle dans tous les conservatoires, et à qui la fugue en tant que genre
empruntera les principaux éléments de sa
définition usuelle.
LA FUGUE AVANT J.-S. BACH.
Le principe de la fugue, dont on peut déjà
déceler les prémisses dans certains motets
polyphoniques du XIIIe siècle, se développe
au XIVe et se généralise dans la chanson
polyphonique des XVe et XVIe siècles, sous
forme d’exposition successive d’un motif
à chacune des voix, d’abord sur n’importe
quel degré, puis selon une alternance plus
stricte dans laquelle la dominante répond
à la tonique et vice versa. Ce « balancier »
peut dans certains cas entraîner une modification de la « réponse » par rapport au
« sujet » (que l’on appelle respectivement
dux et comes, c’est-à-dire « conducteur »
et « compagnon »). Cette modification
est dite mutation ; pratiquée ou non selon
les cas, elle deviendra obligatoire dans
la « fugue d’école ». L’entrée de chaque
voix se règle au mieux des possibilités du
contrepoint, que l’exposition précédente
soit terminée ou non ; le deuxième cas, de
beaucoup le plus fréquent, prendra plus
tard le nom d’entrée en strette, et sera rejeté par l’exposition de la fugue d’école.
Au XVIe siècle se répand, tant dans le
motet religieux que dans la chanson profane, une forme dite « à sections », particulièrement employée quand la pièce
polyphonique développe un modèle
monodique. Dans ce cas, chaque phrase
du modèle se voit successivement développée, sur les paroles correspondantes,
formant une « section » dans laquelle la
mélodie du modèle circule souvent d’une
voix à l’autre, la section initiale (et parfois d’autres aussi) étant presque toujours
soumise à la forme d’exposition présentée
ci-dessus. Vers 1525, sous l’impulsion des
Franco-Flamands de Venise (Willaert) se
crée une forme instrumentale dite ricercare (« recherche ») qui n’est autre que
la transposition sans paroles du motet à
sections, mais dans laquelle les différents
thèmes de section sont inventés sans référence à un texte. D’Italie, le ricercare se
répand en Espagne (ricercar, tiento), en
France (fantaisie), en Angleterre (fantasy,
fancy), et trouvera sa plus grande expansion chez les organistes du nord de l’Allemagne et des pays voisins (Sweelinck,
Buxtehude) qui en feront progressivement
la fugue proprement dite. Ce dernier passage consistera surtout dans l’unification
des sections (sujet unique au lieu de plusieurs thèmes accolés) et dans la suppression de l’entrée en strette au bénéfice de
l’« entrée de fugue » laissant toujours
terminer le sujet avant d’en présenter la
réponse. Les entrées en strette ne disparaîtront pas pour autant, mais seront reportées à titre de nouveaux développements
dans le cours de la fugue, et de préférence
vers la fin, où elles formeront l’une des
sections obligatoires de la fugue d’école.
BACH ET LA FUGUE CLASSIQUE.
Bien que tous les éléments de la fugue
classique puissent déjà se retrouver, épars
ou réunis, chez divers prédécesseurs de
J.-S. Bach (Frescobaldi, Buxtehude, etc.),
ce dernier maître a porté la fugue à un tel
degré de développement que c’est toujours
à lui qu’on se réfère pour définir le genre
à son apogée, sans du reste le limiter aux
pièces qui en portent le titre, car le style
fugué lui est si naturel qu’il l’emploie en
toutes occasions. La diversité de ses fugues
est telle qu’on ne peut ici en esquisser la
description. On se bornera à transcrire en
le simplifiant le schéma type de ce « portrait-robot » que constitue, on l’a dit, la
fugue d’école, appuyée sur l’exemple de
Bach sans jamais correspondre exactement à aucun de ses modèles.
1.Exposition, ou présentations successives du thème par chacune des voix (en
nombre variable, mais très souvent 4). Le
thème s’appelle sujet lors de sa première
présentation, réponse dans sa deuxième où
tonique et dominante se « répondent » rédownloadModeText.vue.download 398 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
392
ciproquement. La réponse comporte normalement mutation (cf. ci-dessus) ; si par
exception elle ne fait pas mutation, elle
est dite réelle. On l’appelle tonale lorsque,
avec ou sans mutation, elle se maintient
sans moduler dans le ton initial du sujet.
La continuation du sujet sous la réponse
prend le nom de contre-sujet et constituera
tout au long de la fugue un thème secondaire pouvant donner lieu aux mêmes
développements que le sujet proprement
dit ; exceptionnellement le contre-sujet
peut même par anticipation accompagner
déjà le sujet dans sa première présentation
(fréquent chez Beethoven). L’exposition
de fugue est en outre soumise à des règles
minutieuses qu’on ne peut présenter ici, et
qui font l’objet de véritables traités.
2.Développement, consistant en une
série de sections appelées divertissements,
obligatoirement constituées à partir soit
du sujet, soit du contre-sujet, et qui sont
périodiquement ponctuées d’entrées du
sujet en divers tons, dont les deux principaux sont le relatif et la sous-dominante
(on y ajoute parfois le 2e degré, considéré
comme dominante de la dominante).
La dernière section du développement
est souvent une strette (combinaison du
sujet avec lui-même en différentes présentations), et il peut même y en avoir plusieurs.
3.Réexposition ou dernière présentation du sujet dans le ton principal, parfois
précédée d’une longue tenue ou pédale
qui la met en valeur. La réexposition, qui
peut être textuelle ou abrégée, conduit soit
directement à la conclusion, soit à une
« coda » plus ou moins développée.
4.Coda facultative, qui peut être soit un
nouveau développement, de préférence
dans un caractère différent, soit même un
hors-d’oeuvre, abandonnant pour la première fois le thème, et parfois le style de
la fugue, pour terminer de façon brillante
ou expressive.
FORMES PARALLÈLES DE LA FUGUE.
Outre les fugues « normales » ci-dessus
décrites, la fugue a engendré un grand
nombre de formes dérivées. Une fuguette
(en ital. fughetta) est une fugue régulière
de petites dimensions. Un fugato est une
ébauche de fugue insérée sans être menée
à terme dans un morceau non fugué ; il
est souvent réduit soit à une exposition
(Beethoven, allegretto de la 7e symphonie), soit à une exposition suivie d’une
strette. Une fugue multiple (double, triple,
etc.) est une fugue à plusieurs sujets : le
premier sujet donne d’abord lieu à une exposition et à un premier développement ;
puis il s’interrompt et le deuxième sujet
est présenté de la même manière ; après
quoi les deux sujets se combinent. S’il y a 3
sujets ou plus, on fait de même pour chacun des suivants, chaque sujet nouveau
devant se combiner avec tous les précédents. La fugue canonique (fuga canonica),
encore appelée telle par Bach et incluse
par lui dans son Art de la fugue, n’est plus
aujourd’hui considérée comme une fugue,
mais comme un canon.
D’autres formes de fugue, recherchant
des combinaisons sophistiquées, ont été
pratiquées, surtout au XVIIIe siècle, à titre
de démonstrations de virtuosité d’écriture.
Citons la contre-fugue ou fugue a rovescio,
dans laquelle la réponse est le renversement du sujet (Bach lui consacre une section dans son Art de la fugue) ; la fugue-miroir (même remarque), écrite de telle sorte
qu’on puisse la lire soit telle quelle, soit en
renversement intégral (en posant le papier
verticalement sur un « miroir » horizontal, on doit lire une nouvelle fugue, tout
aussi correcte que la première, en changeant seulement les clefs, et, s’il y a lieu, les
altérations et l’ordre des voix) ; la fugueécrevisse (cancrizans), dont le sujet peut se
lire tantôt normalement, tantôt en commençant par la fin ; la fugue par augmentation, ou par diminution, ou par les deux
à la fois, dans laquelle interviennent des
présentations du sujet en augmentation
ou en diminution par rapport à la présentation régulière initiale ; la fugue-strette,
dans laquelle la réponse entre avant la fin
du sujet (plusieurs contre-fugues de l’Art
de la fugue sont aussi des fugues-strettes),
etc. Toutes les combinaisons possibles
restent ouvertes à l’imagination.
LA FUGUE APRÈS BACH.
Considérée par l’époque de la musique
« galante » comme un genre « passéiste »,
et, bien qu’enseignée aux futurs compositeurs à titre d’exercice de plume, la fugue
a cessé à peu près alors d’être employée
ailleurs que dans la musique d’église, où,
sous l’influence de Haendel plutôt que de
Bach, elle s’est installée comme forme traditionnelle de certains morceaux brillants
(Cum sancto spiritu, Amen, etc.) : Berlioz
la raillera à ce titre dans sa Damnation de
Faust. Mozart en découvre l’intérêt vers
1782, quand Van Swieten lui apporte la
révélation de J.-S. Bach ; il l’adopte alors
et l’intègre à son style, qui s’en trouve
singulièrement renouvelé. Haydn l’avait
déjà précédé, en particulier dans trois des
finales de ses quatuors op. 20 (1772), et
Beethoven romantise la fugue en accroissant le dramatisme et la complexité (fugue
de la sonate Hammerklavier, Grande
Fugue op. 133). Cependant, la fugue reste
exceptionnelle chez les romantiques et
postromantiques, encore que beaucoup
la cultivent de manière quasi marginale
(Schumann, Liszt, Franck, Brahms). Peu
prisée de l’esthétique debussyste, elle
réapparaît vers le milieu du XXe siècle
(Stravinski, Honegger) et se transforme
pour s’adapter à l’affaiblissement des
structures tonales, abandonnant ses règles
strictes pour ne conserver que la rigueur
formelle de son style aisément reconnaissable (Bartók, Schönberg).
FUKUSHIMA (Kazuo), compositeur japonais (Tokyo 1930).
Rejoignant en 1953 un studio de musique
expérimentale formé par Toru Takemitsu
et Yuasa dans le cadre de la Sony Corporation, le Jikken Kobo, il y compose des
oeuvres pour bande magnétique. Il se fait
connaître avec des oeuvres comme Ekagura (1958), pour flûte alto et piano, pièce
caractéristique de sa manière de transposer sur la flûte moderne (instrument qu’il
affectionne) les inflexions, les sonorités
et les modes de jeu du shakuhachi, flûte
traditionnelle japonaise (on sait le rôle
prédominant que tient la flûte dans cette
musique, par rapport aux instruments à
archet). En 1961, Fukushima est invité à
Darmstadt pour des conférences sur la
musique japonaise. Après des séjours en
Occident, il se fixe à Tokyo comme professeur de musique au Ueno Gakuen College.
On peut encore citer dans son oeuvre : Hikyo (1962), pour flûte, cordes et percussions ; Mei (1962), et Kadha no4 (1963),
pour flûte solo ; Sui-rin (1967), pour 2 pianos et 2 percussions ; Tsuki-shiro (1965),
pour piano, harpe, percussions et 52
cordes ; Shun-san (1969), pour flûte solo ;
et Sui-en (1972), pour piano.
FURIANT.
Danse populaire tchèque au mètre changeant de 2/4 en 3/4, portée au rang de
forme musicale par Smetana dans la première Danse tchèque pour piano, de même
que par Dvořák en l’orchestrant.
Elle est proche du galop viennois, mais
infiniment plus complexe par les figures
de danse collective qu’elle propose.
FÜRSTENAU, famille de musiciens allemands.
1.Caspar, flûtiste et compositeur (Münster 1772 - Oldenburg 1819).
2.Anton Bernhard, flûtiste et compositeur, fils du précédent (Munster 1792 Dresde 1852). Il fit en 1815 la connaissance de Weber à Prague, et l’accompagna
à Londres en 1826. Membre de l’orchestre
de Dresde à partir de 1820, il laissa deux
Méthodes et de nombreuses pièces pour
son instrument.
3.Moritz, flûtiste, compositeur et écrivain, fils du précèdent (Dresde 1824 - id.
1889). Il succéda à son père comme premier flûtiste de l’orchestre de Dresde en
1852, et laissa d’importants ouvrages sur
l’histoire de la vie musicale dans cette ville.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
393
FURTWÄNGLER (Wilhelm), chef d’orchestre et compositeur allemand (Berlin
1886 - Baden-Baden 1954).
Il étudia la composition avec J. Rheinberger et M. von Schillings à Munich, le
piano avec Conrad Ansorge à Berlin, et,
après avoir été chef d’orchestre à l’opéra
de Strasbourg (1910), directeur de la
musique à Lübeck (1911-1915) et chef
d’orchestre à l’opéra de Mannheim (19151920), il succéda en 1922 à Arthur Nikisch
à la tête de l’orchestre du Gewandhaus de
Leipzig tout en prenant la direction de la
Philharmonie de Berlin, avec laquelle il
devait rester associé jusqu’à sa mort : d’où
sa gloire et sa position unique, qui firent
de lui le chef allemand le plus prestigieux
de sa génération, et un des trois ou quatre
plus grands de son temps. Directeur musical du festival de Bayreuth en 1931, il accepta diverses fonctions officielles à l’arrivée de Hitler au pouvoir, mais, très vite, il
se heurta aux autorités, et, le 4 décembre
1934, se démit de tous ses postes officiels.
Quatre mois plus tard, en avril 1935, il faisait sa réapparition dans un programme
Beethoven (qu’en mai 1947 il devait redonner tel quel pour son premier concert
à Berlin après la guerre), assura la direction musicale de Bayreuth en 1936-37, et
jusqu’à la chute du régime, sans pouvoir
se résoudre à émigrer, s’efforça de concilier une attitude qu’il voulait apolitique,
les services qu’il estimait pouvoir rendre à
la population grâce à la musique, ses actes
de courage, ce qu’on voulut le voir faire et
ce qu’inévitablement il lui fallut supporter. Après la guerre, il reprit ses tournées
à travers le monde, et dirigea notamment
aux festivals de Lucerne et de Salzbourg.
Peu de chefs surent comme lui allier à l’intensité expressive le geste souverainement
unificateur. Grand maître de la transition,
il excella dans Beethoven, dans Wagner,
dans Brahms, dans Bruckner, dans des
oeuvres comme la 4e symphonie de Schumann, d’une façon générale dans tout le
répertoire allemand de Haydn et Mozart
à Hindemith et à Richard Strauss, et aussi
bien dans le domaine symphonique que
dans l’opéra. Il a laissé de nombreux
disques, et on en édite toujours de nouveaux en provenance des archives les plus
diverses : depuis sa mort, sa réputation
n’a subi aucune éclipse. Il fut également
compositeur (un concerto pour piano, 2
sonates pour piano et violon, un quintette
avec piano, 3 symphonies, un Te Deum
et 2 choeurs pour Faust) et auteur de plusieurs livres et écrits très révélateurs de sa
personnalité : l’édition française la plus
complète et la plus récente porte le titre
global de Musique et Verbe (1979).
FUSA.
Valeur de note apparue au XVe siècle par
subdivision de la semi-minime.
Celle-ci ayant l’aspect d’une noire en
écriture losangée, on forma la fusa en adjoignant à sa hampe un crochet angulaire qui
lui fit prendre parfois le nom de crochuta.
Elle est devenue notre « croche ». Dans
certains cas, la fusa peut être évidée. Elle
prend alors l’aspect d’une blanche munie
d’un crochet. La fusa blanche (de même
que ses subdivisions) est encore employée
de temps à autre jusqu’au XVIIIe siècle
lorsque la semi-minime qu’elle divise est
blanche elle-même (l’équivalent serait
pour nous la noire dans une mesure à 3/2
ou à C barré). On trouve parfois la traduction française « fuse ».
FUX (Johann Joseph), compositeur,
théoricien et pédagogue autrichien (Hirtenfeld, Styrie, 1660 - Vienne 1741).
Il fit ses études à Graz, d’abord au collège
des jésuites (1680), puis au Ferdinandeum (1681), mais il n’est pas sûr qu’il
soit allé les poursuivre en Italie. Remarqué
par l’empereur Léopold Ier, il se rendit à
Vienne, où, en 1696 au plus tard, il devint
organiste à l’église des Écossais (Schottenkirche). Il fut ensuite vice-maître (1705) et
maître (1712) de chapelle à Saint-Étienne,
vice-maître (1713) et maître (1715) de
chapelle à la cour. Il devait occuper ce dernier poste, auquel il succéda à une lignée
d’Italiens, jusqu’à sa mort, en gros durant
tout le règne de l’empereur Charles VI,
et, durant ces vingt-six années, donner à
la chapelle impériale un très grand éclat.
Représentant le plus éminent du baroque
autrichien en musique, il laissa plus de
500 oeuvres qui font de lui à la fois un tenant de la tradition polyphonique héritée
de Palestrina et un des fondateurs de la
musique autrichienne du XVIIIe siècle. Sa
musique de clavier découle de Froberger
et annonce Gottlieb Muffat. Dans sa musique instrumentale, il retint notamment
la leçon de Corelli : son principal recueil
en ce domaine fut le Concentus musicoinstrumentalis, imprimé à Nuremberg en
1701 (il s’agit du seul recueil de lui publié
de son vivant dont des exemplaires aient
survécu). On lui doit aussi une dizaine
d’oratorios, une vingtaine d’opéras dont
Costanza e Fortezza, exécuté à Prague en
1723 pour le couronnement de Charles VI
comme roi de Bohême, et de très nombreuses oeuvres religieuses a cappella
(comme la fameuse Missa Canonica que
Michael Haydn devait copier de sa main en
1757) ou dans le style concertant. Sa célébrité auprès de la postérité lui vint surtout
de son Gradus ad Parnassum, sans doute
le plus remarquable traité de contrepoint
jamais écrit : paru en 1725 en latin sous
forme d’un dialogue entre maître (Palestrina) et élève (Fux) suivi d’une discussion du style de composition libre, il fut
traduit en allemand en 1742, en italien en
1761, en français en 1773 et en anglais en
1791. Joseph Haydn y apprit presque seul,
en autodidacte, les lois du métier, avant
de le mettre lui-même entre les mains de
divers élèves, dont Beethoven. Des géné-
rations de compositeurs, surtout autrichiens, se formèrent directement ou indirectement grâce au Gradus, à commencer
par les principaux élèves de Fux, parmi
lesquels Gottlieb Muffat, Georg Christoph
Wagenseil et Jan Dismas Zelenka. Particulièrement intéressants sont les exemplaires du Gradus possédés en leur temps,
et annotés par eux à des fins personnelles
ou didactiques, par Gregor Joseph Werner, le Padre Martini, Léopold Mozart et
Joseph Haydn, cités ici dans l’ordre chronologique de leurs naissances : ces exemplaires annotés reflètent en effet les vues
différentes qu’on pouvait avoir du Gradus
au fur et à mesure qu’on s’avançait dans
le XVIIIe siècle. Devaient en outre se fonder sur le Gradus d’autres traités comme
ceux d’Albrechtsberger et de Cherubini.
Cet ouvrage devait valoir à Fux, à partir du siècle romantique et dans certains
milieux, une réputation de sécheresse et
de pédantisme parfaitement injustifiée.
Au contraire, tant par le Gradus que par
ses oeuvres musicales, il fut de ceux qui
jetèrent pour le futur classicisme viennois,
en particulier pour sa façon légère et dense
à la fois de traiter le contrepoint, les bases
les plus solides.
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G
G.
1. Lettre par laquelle fut désignée la note
sol dans la notation musicale du Moyen
Âge. Elle indique toujours le sol dans les
pays de langue anglaise ou de langue allemande, où les syllabes de Guy d’Arezzo ne
sont pas adoptées. Voici, dans trois langues, l’appellation des différentes altérations de cette note :
français
anglais
allemand
sol bémol
G flat
Ges
sol double
bémol
G double
flat
Geses
sol dièse
G sharp
Gis
sol double
dièse
G double
sharp
Gisis
2. Ce fut aussi le signe de la clef de sol qui
s’est peu à peu transformé en sa représentation actuelle.
GABLER (Joseph), facteur d’orgues allemand (Ochsenhausen 1700 - Bregenz
1771).
Il est surtout connu pour avoir réalisé en
Souabe deux instruments très importants
qui se sont conservés jusqu’à aujourd’hui,
dans les abbayes bénédictines d’Ochsenhausen (1729) et de Weingarten (17371750). Dom Bédos de Celles donne une
ample description de ce dernier instrument dans son Art du facteur d’orgues.
GABRIELI (Andrea), compositeur italien
(Venise v. 1510 - id. 1586).
Ses débuts sont assez obscurs, mais il
fut très probablement l’élève à Venise
d’Adrien Willaert. Il fut chantre à la basilique San Marco, puis organiste à Vérone,
et, vers 1557, organiste à l’église San Jeremia à Venise. Dès cette époque, il briguait
le poste d’organiste à San Marco, mais
s’en trouva une première fois évincé par
Claudio Merulo. Ce fut en 1585 seulement,
après le départ de Merulo pour Parme,
qu’il put partager ces fonctions avec son
neveu Giovanni. En 1562, il rencontra
Roland de Lassus à la cour de Bavière, et
poursuivit ses voyages jusqu’en Bohême
et en Autriche. Puis il quitta l’entourage
d’Albert de Bavière et revint à Venise en
compagnie de Lassus. Il commença dès
lors à écrire un certain nombre de musiques de circonstance, se chargeant par
exemple des fêtes pour célébrer la victoire
de don Juan d’Autriche à Lépante (1571).
Au Teatro Olimpico à Vicence eut lieu
en 1585 la représentation de l’OEdipe de
Sophocle dont les choeurs furent l’oeuvre
d’Andrea Gabrieli.
Surtout compositeur de musique religieuse, Gabrieli a néanmoins écrit environ 250 madrigaux, d’abord à 3 voix,
mais aussi faisant appel à des effectifs plus
importants. Le recueil de 1587 contient
des madrigaux allant de 6 à 16 voix. Profitant des excellents instrumentistes dont
Venise pouvait s’enorgueillir, ainsi que
des lieux dont les possibilités acoustiques
pouvaient être exploitées, surtout à San
Marco, il se lança dans la composition
d’oeuvres concertantes, dans la conquête
de l’espace sonore, employant souvent
deux choeurs (ou plus), dialoguant entre
eux et placés à une certaine distance l’un
de l’autre dans les deux tribunes opposées
de l’édifice. Avec son neveu, il devait porter cette technique des cori spezzati à son
apogée. Dans les oeuvres vocales, il faut
remarquer un plus grand souci de clarté
du texte chanté par rapport aux musiciens
de l’école franco-flamande. Les oeuvres
instrumentales, où le style fugué domine
(Ricercari, Canzoni alla francese), sont
écrites pour toutes sortes d’instruments.
Le second genre est illustré notamment
par une Battaglia, basée sur la célèbre
composition de Cl. Janequin (Bataille de
Marignan).
GABRIELI (Giovanni), compositeur italien (Venise 1557 - id. 1612).
Neveu d’Andrea Gabrieli, il fut son élève
avant de faire, de 1575 à 1579, un voyage
à Munich où il rencontra Roland de Lassus. Il revint à Venise en 1580 et y resta
jusqu’à sa mort. En 1585, il partagea avec
son oncle la charge de premier organiste à
San Marco et, depuis cette date jusqu’en
1607, il eut également des fonctions à la
Scuola San Rocco. Ses oeuvres à double
choeur sont un reflet de l’architecture de
San Marco. Parmi ses nombreux élèves
célèbres, il faut citer surtout Heinrich
Schütz qui séjourna à Venise de 1609
à 1613. Giovanni Gabrieli avait une immense admiration pour son oncle. Il en
fut toute sa vie le défenseur et fit habituellement publier les oeuvres de ce dernier
avant les siennes. À de nombreux titres,
on peut considérer Giovanni comme un
précurseur. En ce qui concerne les formes
musicales, son architecture est particulièrement solide, et contraste avec le goût
italien de l’époque pour les musiques
très ornées. Sur le plan de l’écriture, il a
introduit à travers un contrepoint savant
et rigoureux un style parfois concertant
où les timbres prennent toute leur valeur.
Les parties qu’il a écrites, pour les cornets
à bouquin ou pour les violons (dont le
répertoire était encore à ses débuts), sont
des exemples remarquables de son talent
dans ce domaine, ainsi qu’une indication
de l’excellence des instrumentistes vénitiens dont il disposait. On doit le considérer à juste titre comme l’un des précurseurs de l’orchestration, cela bien qu’il ait
laissé le choix des instruments aux interdownloadModeText.vue.download 401 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
395
prètes en indiquant généralement con ogni
sorte di stromenti sur la page de titre de
ses publications. En adoptant souvent le
genre de la canzone alla francese, ces compositions restent d’abord assez proches
du modèle, avec leur rythme dactylique
initial (longue-brève-brève), mais peu à
peu s’en écartent pour devenir de plus en
plus concertantes. Le titre n’est plus qu’un
point de départ et cette évolution est nette
dans les Canzoni e Sonate de 1615 par rapport aux Sacrae symphoniae de 1597. Dans
le domaine de la musique vocale religieuse, Gabrieli a laissé des motets (faisant
souvent appel à un nombre considérable
de voix), des magnificat, des litanies, des
mouvements de messe. Pour orgue, il a
composé des Intonationi publiés avec ceux
de son oncle en 1593.
GABRIELLI (Caterina), soprano italienne
(Rome 1730 - id. 1796).
Fille du cuisinier du prince Gabrielli et
connue sous le sobriquet de La Goghetta,
elle travailla avec Porpora, dont elle fut
une des rares élèves féminines, et fit ses
débuts à Venise en 1755 dans Antigona de
Galuppi. Elle créa plusieurs opéras italiens
de Gluck, à Vienne, entre 1755 et 1760, et
chanta avec succès dans toute l’Europe,
où sa beauté lui valut des aventures sentimentales avec de nombreuses têtes
couronnées. Sa soeur, Francesca, fut une
chanteuse de second plan qui lui donna
souvent la réplique dans les rôles de confi-
dente.
GABRIELLI (Domenico), violoncelliste et
compositeur italien (Bologne v. 1659 - id.
1690).
Célèbre virtuose du violoncelle, il fut
surnommé il Minghino del violoncello.
Il exerça son métier de violoncelliste à
Bologne et à Modène. Il écrivit onze opéras qui furent joués à Vérone, Padoue et
Venise. La plus célèbre de ces oeuvres fut
Cleobulo (Bologne, 1683). Il a également
laissé trois oratorios, des cantates à voix
seule et de la musique instrumentale pour
violon et violoncelle. L’ensemble de son
oeuvre, sans pouvoir prétendre à figurer au tout premier plan, est pourvu de
maintes qualités d’esprit et d’invention.
GABURO (Kenneth), compositeur et
pédagogue américain (Somerville, New
Jersey, 1926).
Il a fait ses études à l’Eastman School
of Music, à l’académie Sainte-Cécile de
Rome (avec Petrassi) et à l’université de
l’Illinois, et a partagé sa carrière entre
l’enseignement et la composition, fondant
en 1964 le New Music Choral Ensemble.
Son intérêt pour l’électronique et pour
l’exploration des propriétés acoustiques,
physiologiques et structurelles du langage
se reflète notamment dans Lingua I-IV
(1965-1970), oeuvre de théâtre musical
d’une durée de six heures.
GABUS (Monique), femme compositeur
française (Cambrai 1924).
Élève de Jean Gallon, Tony Aubin et Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris,
elle y a obtenu des prix d’harmonie et
de composition. Éprise de simplicité et
d’intériorité, elle a écrit des oeuvres symphoniques et chorales, de la musique de
chambre, des mélodies, des vocalises, ainsi
que divers recueils de pièces pour piano
destinées à la jeunesse. Citons en particulier la Nuit obscure, cantate pour soprano,
choeur et orchestre sur un texte de saint
Jean de la Croix, créée en janvier 1961 par
Albert Wolff au concert marquant ses cinquante ans de direction d’orchestre.
GACE BRULE (Gaces Brulez), trouvère
français (aux environs de Meaux v.
1159 - ? v. 1213).
D’origine champenoise et de petite
noblesse, il fut l’un des plus importants
trouvères de son époque. Il eut pour
maître Conon de Béthune et fit partie
de l’entourage de Marie de France et de
Louis de Blois. Il a laissé une abondante
production, environ 70 pièces dont la plupart sont notées. Ses chansons sont d’une
grande aisance mélodique. On peut citer
parmi les titres, Contre tems que voy frimer, les Oisillons de mon pais et de bone
Amour, Blaus m’est estez. Pour un aperçu
de son art, on peut consulter une édition
moderne en fac-similé du Chansonnier
Cangé par J. Beck (le Chansonnier des troubadours et des trouvères, no 1, Paris, 1927).
GADE (Niels Wilhelm), compositeur danois (Copenhague 1817 - id. 1890).
Il fut le premier compositeur important
du Danemark après D. Buxtehude. Fils
d’un modeste luthier, il étudia le violon
avec F. T. Wexhall, un élève de L. Spohr,
et la composition avec C. Weyse et A.
P. Berggreen ; le succès de sa première
oeuvre, l’ouverture d’Ossian (1840), attira
sur lui l’attention de F. Mendelssohn et
de L. Spohr, ce qui lui permit d’obtenir
une bourse pour étudier à Leipzig. Il se
lia avec R. Schumann et F. Mendelssohn,
devint professeur au conservatoire de
cette ville, puis seconda Mendelssohn au
Gewandhaus (il y créa le concerto de violon de son ami pendant la saison 1845-46)
avant de lui succéder, à sa mort. En 1848,
Gade retourna à Copenhague, où il prit la
tête, en 1850, du Musikforeningen et fonda
avec J. P. E. Hartmann et H. S. Paulli, en
1866, le Conservatoire royal. Jusqu’à sa
mort, il occupa une place de plus en plus
grande dans la vie musicale de son pays
qu’il marqua de son conservatisme et de
l’esthétique de Leipzig. Ces caractères
s’expriment dans son oeuvre par un délicat romantisme, légèrement teinté d’un
discret lyrisme danois. Son style, élégant
et aisé, et son expression pleine de mesure
marquent ses meilleures oeuvres, tels la 4e
de ses huit symphonies (1850), le ballet Et
Folkesagn (1853), l’opéra-ballet Elverskud
(1853), et sous-tendent ses cinq ouvertures, cantates et lieder, tandis que sa musique de chambre, ses pièces pour piano
l’apparentent aux meilleurs représentants
de la musique de salon.
GAFORI (Gaffurio, Franchino), théoricien et compositeur italien (Lodi 1451 -
Milan 1522).
Il vécut successivement à Mantoue, Vérone, Gênes et Naples. Il fut l’élève de
Godendach et fut ordonné prêtre vers
1473. De 1478 à 1480, il vécut à Naples et
fit la connaissance de Johannes Tinctoris ;
il y publia son Theoricum opus, musicae
disciplinae (1480). Chassé de Naples par la
peste, il devint maître de chapelle à la cathédrale de Milan (1484). Il y resta jusqu’à
la fin de ses jours, publiant ses autres traités : Practica musicae (1496), Angelicum
ac divinum opus musicae (1508), De Harmonia musicorum instrumentorum opus
(1518). Un autre ouvrage parut à Turin en
1520 : Apologia adversum ... adversus Joannem Spatarium. Gafori se révèle comme
le précurseur de Zarlino dans sa façon
de concevoir la musique du point de vue
harmonique. En tant que compositeur, il
a laissé des oeuvres de musique d’église
(13 messes, stabat mater, litanies, motets,
antiennes, hymnes, 11 magnificat) ainsi
qu’un petit nombre de pièces profanes.
GAGLIANO, famille de musiciens italiens.
Giovanni Battista Zanobi, dit Da Gagliano (Florence 1594 - id. 1651).Il remplaçait son frère aîné Marco à San Lorenzo
de Florence lorsqu’il s’absentait, ou était
écarté de l’office par sa santé fragile, et lui
succéda à sa mort en 1643 comme maître
de chapelle à la cathédrale et à la cour.
Contrairement à son frère, il n’était pas
prêtre. Il n’est guère cité dans les histoires
de la musique que pour avoir participé
(avec Caccini) à la composition d’une
Rappresentazione di Martirio di Santa
Agata donnée à San Giorgio de Florence le
10 février 1622, avant d’être reprise le 22
juin suivant chez le cardinal de Médicis.
La musique de cet oratorio est perdue.
Marco Zanobi, dit Da Gagliano, frère
aîné du précédent (Florence 1582 - id.
1643). Il est ordonné prêtre et devient
l’élève de Luca Bati, maître de chapelle
de San Lorenzo de Florence (1595-1608)
avant de prendre sa place à sa mort. En
1611, il est musicien attitré du grand-duc
de Toscane et, tandis qu’il s’élève régulièrement dans la hiérarchie ecclésiastique,
il fonde en 1607 l’Accademia degl’Elevati,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
396
qui, comme celle du comte Bardi, réunit
chanteurs, compositeurs et amateurs. À
partir de 1607, il est protégé du cardinal Ferdinand de Gonzague avec lequel
il entretient une intéressante correspondance parvenue en partie jusqu’à nous. En
décembre de cette même année, il se rend
à Mantoue pour y faire représenter La
Dafne, son premier opéra, jugé par Jacopo
Peri la meilleure mise en musique jamais
tentée du poème de Rinuccini. Cette
oeuvre courte contient en particulier des
danses fort attrayantes, et sa préface rédigée pour la publication reste un document
fondamental sur l’opéra à ses débuts. Gagliano y combat notamment le goût des
prouesses vocales et exige une parfaite
diction de ses chanteurs. Il y manifeste la
plus grande admiration pour les opéras
de Peri ainsi que pour l’Arianna (1608)
de Monteverdi. Il précise quels sont les
usages instrumentaux en matière d’accompagnement et recommande l’emploi
d’une sinfonia préliminaire... pour obtenir le silence du public. Il semble que La
Dafne de Gagliano ait été donnée ensuite
à Florence au cours du carnaval de 1610.
Après avoir composé à Mantoue une
série d’oeuvres pour la semaine sainte,
Gagliano revient à Florence en avril
1608. Puis, de nouveau à Mantoue, il travaille sur L’Idropica, (Guarini) aux côtés
de Monteverdi, S. Rossi, Gastoldi. À Florence, il compose, pour les cérémonies du
mariage de Ferdinand Gonzague avec une
Médicis (1616), une sorte d’allégorie mythologique célébrant l’union du sang des
deux maisons (La Liberazione di Tirteco
e d’Arnea autori del sangue toscano). En
1624 et 1626, suivent deux oratorios sacrés (mais représentés sur scène), dont la
musique n’a pas été conservée (La Regina
Sant’Orsola et Istoria di Judit). On possède
une partie du livret et de la musique d’un
dernier opéra, La Flora, représenté à l’occasion du mariage du duc de Parme (Farnèse) et de Marguerite de Médicis (1628)
au palais Pitti.
En dehors des Responsoria publiées à
Venise en 1630, on ne sait plus rien de
l’activité ultérieure de Gagliano. On pense
que, après 1624, sa santé, qui avait toujours été fragile, l’empêcha de poursuivre
ses activités. Il est enterré à San Lorenzo
de Florence le 26 février 1643. Très sévère
pour lui-même, il n’avait publié que peu
d’oeuvres. Dans le domaine du madrigal,
il laisse 6 livres à 5 voix. Les Musiche a
1 - 3 voci contiennent quelques morceaux
admirables d’une grande expressivité. La
monodie à voix seule, Valli profonde, doit
être considérée comme une des plus réussies de tout le répertoire de l’époque.
GAGNEBIN (Henri), compositeur suisse
(Liège 1886 - Genève 1977).
Après des études à Lausanne, Berlin et
Paris (Schola cantorum avec Vincent
d’Indy et Blanche Selva), il a été organiste
à la Rédemption à Paris (1910-1916), puis
à Saint-Jean de Lausanne (1916-1925).
Directeur du conservatoire de Genève
de 1925 à 1957, il y a enseigné jusqu’en
1961. Il fonda en 1938 le concours international de Genève, qu’il présida jusqu’en
1959. On lui doit notamment quatre symphonies (1911, 1921, 1955, 1970), des
pièces symphoniques, de la musique de
chambre. Spécialiste de la musique religieuse protestante, il a écrit dans cet esprit
l’oratorio Saint François d’Assise (1933),
le Requiem des vanités du monde (1938),
deux Suites d’orchestre sur des psaumes
huguenots (1950 et 1966), les Mystères de
la foi d’après Francis Jammes (1958), des
pièces d’orgue. Il a aussi écrit des livres,
dont Musique, mon beau souci (Neuchâtel,
1969) et participé à l’édition complète des
oeuvres de Claude Goudimel.
GAGNEPAIN (Bernard), musicologue
français (Sully-sur-Loire 1927).
Après avoir suivi des études littéraires et
musicales, il participa au Séminaire européen de musique ancienne de Bruges dont
il devint directeur en 1967. Spécialiste
de la musique française ancienne, auteur
d’une thèse sur Jean Servin comportant
la mise en partition de l’oeuvre entière de
ce compositeur, il est assistant au Conservatoire national supérieur de musique
pour l’histoire de la musique préclassique
et, en même temps, chargé de cours à la
Sorbonne pour la musique de la Renaissance et la paléographie musicale. Il a collaboré à des ouvrages collectifs, tels que
la Musique sous la direction de Norbert
Dufourcq (Paris, 1965) et l’Encyclopédie
des musiques sacrées (Paris, 1969), ainsi
qu’à des dictionnaires et à des encyclopédies musicales françaises ou étrangères,
et publié notamment la Musique française
du Moyen Âge et de la Renaissance (1961)
et Histoire de la musique au Moyen Âge2. XIII-XIVe siècle (1996).
GAGNEUX (Renaud), compositeur français (Paris 1947).
Élève d’Alfred Cortot pour le piano et
pour la composition de Henri Dutilleux,
Tony Aubin et Karlheinz Stockhausen,
grand prix de la musique de chambre de
la S. A. C. E. M. en 1978, il est carillonneur au beffroi de la mairie annexe du
1er arrondissement de Paris. Il a écrit un
certain nombre d’indicatifs pour FranceMusique, ainsi que la musique originale
de la série de quarante courts métrages
Encyclopédie du cinéma français. Parmi
ses oeuvres : Endeka pour orchestre
(1971) ; Rolling Music pour orchestre
(1972) ; D’après, musique électroacoustique (1972) ; Dédale et Icare, qui relève du
théâtre musical (1975) ; Messe pour instruments, choeurs et soprano (1976, création
cette même année au festival d’Avignon),
seconde version sous le titre de Messe de
requiem pour grand orchestre, solistes,
choeurs et maîtrise d’enfants ; Malkruth
I, II, III, IV, musique électroacoustique et
instrumentale (1978) ; Dix Personnages
en quête d’auteur, montage-collage pour
dix musiciens (1980) ; Te Deum (1987) ;
l’opéra Orphée (Strasbourg, 1989) ; Trois
Mouvements pour orchestre (1992), un
Concerto pour violoncelle (1990-1993).
GAGNON (Ernest), organiste et folkloriste canadien (Québec 1834 - id. 1915).
Il fait ses études au Dominion College de
Montréal, à Paris avec Durand et Herz,
puis est organiste à la basilique de Québec
(1864-1876). Il est l’un des meilleurs folkloristes canadiens français. Ses Chansons
populaires du Canada (1865) ont eu un
immense rayonnement. Il a harmonisé un
grand nombre de mélodies populaires et
de noëls du Québec.
GAILLARDE.
Danse rapide probablement d’origine
italienne, pratiquée surtout aux XVIe et
XVIIe siècles.
De rythme ternaire, dansée sur cinq
pas, elle a été introduite en France par
Pierre Attaignant et Claude Gervaise.
Au XVIIe siècle, une confusion s’est établie avec la gallarda espagnole, variation
continue sur un groupe de huit à dix
mesures (Cabanilles en composa plusieurs). Le genre de la gaillarde a connu
une floraison remarquable en Angleterre :
maintes pièces pour clavier du Fitzwilliam
Virginal Book sont des gaillardes, et on en
trouve aussi dans les airs au luth de John
Dowland. Dans les suites instrumentales
de l’époque, la gaillarde succède et s’oppose souvent à la pavane tout en étant fondée sur le même matériau.
GAJARD (dom Joseph), musicologue
français (Sonzay, Indre-et-Loire, 1885 Solesmes, 1972).
Profès de l’abbaye de Solesmes en 1911,
il succéda en 1914 à dom Mocquereau
comme maître de choeur, et participa
activement à la résurrection du chant
grégorien. On lui doit tout ou partie de
l’édition du deuxième volume du Nombre
musical grégorien (1914), des Matines de
la semaine sainte et de Noël, d’un nouvel
Antiphonaire monastique, d’un Office de
Noël, d’un Office des défunts, etc. Directeur
de la Paléographie musicale en 1930, de la
Revue grégorienne en 1946 et des Études
grégoriennes en 1954, dom Gajard a également assumé la responsabilité de tous les
enregistrements de disques grégoriens à
partir de 1930.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
397
GAL (Hans), compositeur et musicologue autrichien (Brunn an Gebirge
1890 - Édimbourg 1987).
Élève de Mandyczewski et de Guido
Adler, il composa dans la première partie de sa carrière plusieurs opéras (Der
Zauberspiegel, 1930), et dirigea jusqu’en
1933 le conservatoire de Mayence. En
1938, il s’installa en Écosse, et de 1945 à
1957 enseigna à l’université d’Édimbourg.
Il a notamment écrit un Brahms (1961) et
Franz Schubert oder die Melodie (1970).
GALANT (style).
Terme s’appliquant à une esthétique
musicale caractérisant une partie de la
production des années 1730-1780, mais
valable également pour certaines oeuvres
antérieures ou postérieures.
Le mot « galant » - de l’ancien verbe
« galer » - signifiait une manière extravertie de s’exprimer, « être vif, joyeux, se
réjouir », et le style galant correspondait
moins à un mode d’écriture qu’à un état
d’esprit. Ses aspects extérieurs furent la
renonciation à la polyphonie, l’accent mis
sur la séduction mélodique, la variation
ornementale, la décoration, et aussi la
virtuosité conçue comme un but en soi.
D’où, comme définition possible, la « rencontre entre le souci du prestige technique
et l’obligation de rester plaisant » (J. Massin). Le style galant s’oppose donc, sans
toutefois en être nécessairement totalement absent, à Bach et à Rameau en tant
que derniers grands représentants de l’ère
baroque, à l’Empfindsamkeit d’un Carl
Philipp Emanuel Bach, à Gluck, au travail de pionnier de Joseph Haydn dans
les années 1760, ou encore au Sturm und
Drang des compositeurs autrichiens des
alentours de 1770. Parmi ses représentants, un certain Telemann, beaucoup de
musiciens de cour, et surtout Jean-Chrétien Bach, son plus parfait porte-parole
sans doute. Historiquement et esthétiquement, il fallut dépasser le style galant sans
pour autant en ignorer les acquisitions.
Ce fut essentiellement l’oeuvre de Mozart
et de Joseph Haydn, qui sacrifièrent au
style galant, mais dont le style de maturité
(à partir de 1780) est inconcevable sans
ce phrasé articulé, cette polarisation tonique-dominante, ce souci des contrastes
et ce dramatisme tonal qui sont autant de
sublimations des recettes du style galant,
et qui rendent, en fin de compte, sa genèse
inséparable de celle de ces genres dramatiques entre tous que sont le concerto pour
piano et l’opera buffa italien. En d’autres
termes, le style galant, bien que, par de
nombreux traits, d’essence aristocratique
et expression de l’art de vivre de l’aristocratie, résulta, entre autres, de l’apparition
d’un public nouveau, le public bourgeois,
qui, à l’Opéra ou au concert, souhaitait
avant tout être diverti ; or, comme l’a fait
remarquer Adorno, ce désir de divertissement eut comme effet dialectique positif,
par opposition à la relative unité de facture du baroque, une diversification de
la matière première « composée », aboutissant finalement à cette relation dynamique entre unité et diversité sur laquelle
devait se fonder le classicisme viennois.
Ce fut notamment pour avoir su mettre le
style galant et son côté théâtral au service
de leur dynamique formelle que Haydn
et Mozart, contrairement à ce qu’avaient
dû faire leurs prédécesseurs immédiats et
eux-mêmes en leurs débuts, n’eurent plus
à choisir entre surprise dramatique et cohérence à grande échelle, entre expression
et élégance, mais purent réaliser, de ces
objectifs jadis contradictoires, la synthèse
magistrale que l’on sait.
GALEFFI (Carlo) baryton italien (Venise
1884 - Rome 1961).
Il fit ses débuts à Rome, en 1904, dans
Lucia di Lammermoor (rôle d’Enrico). Sa
voix superbe le fit triompher sur toutes les
grandes scènes du monde en dépit d’un
style de jeu très mélodramatique. Il créa
de nombreux ouvrages (Nerone de Boito,
L’Amore dei tre re de Montemezzi, Isabeau de Mascagni) et fut Amfortas lors de
la première de Parsifal en Italie. Comme
Lauri-Volpi et Caniglia, Galeffi appartenait à cette catégorie de chanteurs italiens
de la période entre les deux guerres chez
qui la splendeur du timbre et l’ampleur
vocale l’emportaient sur le goût musical et
la qualité du style.
GALILEI (Vincenzo), théoricien et compositeur italien ( ? apr. 1520 - Santa
Maria a Monte, près de Florence, 1591).
Venu à Florence comme luthiste vers
1540, il bénéficie très vite de la protection
du comte Bardi, qui l’envoie vers 1563 à
Venise étudier la théorie musicale avec
Zarlino. il s’établit ensuite à Pise, où il
enseigne le luth pendant quelques années
et se fixe à Florence en 1572. Très actif
au sein de la Camerata florentine, il est
une des grandes figures de la recherche
théorique musicale de cette époque, au
service de laquelle il met peu à peu exclusivement ses dons d’interprète et de
compositeur. Après un premier traité, le
Fronimo (1568-69), sur les transcriptions
de chansons pour luth, il commence vers
1570 un manuel didactique (sans doute
destiné à ses élèves), où il traite des idées
exposées par Zarlino dans ses Istitutioni
harmoniche, mais y trouve bientôt des
contradictions avec certains principes de
la musique grecque qu’il connaissait déjà.
Il entre alors en contact en 1572 avec G.
Mei, spécialiste romain de la musique
grecque ancienne, et, pendant une dizaine
d’années, s’établit une correspondance
fructueuse entre les deux hommes (Galilei effectue même deux voyages à Rome
pour s’entretenir avec Mei). Le résultat de
cet échange est la publication à Florence,
en 1581, du Dialogo della musica antica et
della moderna. il s’agit en fait d’une tentative de réforme de la musique de l’époque
selon les principes des Anciens. Galilei y
réfute tout d’abord les théories de Zarlino concernant l’accord et les modes, et
dénonce les modes ecclésiastiques comme
faux. Il établit ensuite que seule la musique monodique est apte à exprimer le
sens profond d’une poésie et permet la
déclamation du texte, et condamne certains effets des madrigalistes (peintures de
mots). Pour illustrer ses théories, il met
en musique dans le nouveau style monodique (avec accompagnement de luth) et
exécute en 1582 devant les membres de la
Camerata deux Lamentations de Jérémie
et la lamentation d’Ugolino dans l’Enfer
de Dante. Zarlino ne réplique qu’en 1588
avec les Sopplimenti musicali, et il est à
nouveau attaqué par Galilei en 1589 dans
le Discorso intorno all’opere di messer Gioseffo Zarlino, qui réfute ses déclarations
sur les fondements mathématiques des
lois musicales. L’auteur critique d’autre
part les règles trop rigides de Zarlino et
Artusi concernant les dissonances et en
accepte certains types pour des raisons
expressives, tels que les utilisait C. de
Rore, par exemple. Les derniers essais
théoriques de Galilei, non publiés, renferment des informations intéressantes sur
certaines expériences acoustiques et sur
l’étude de la génération du son.
Ces compositions reflètent les préoccupations théoriques de leur auteur. Outre
les exemples donnés dans les traités et
les Lamentations mentionnées ci-dessus,
elles incluent deux livres de transcriptions
pour luth (Intavolature de liuto..., 1563 ;
Libro d’intavolatura di liuto..., 1584), qui
s’attachent à reproduire l’aspect mélodique de la chanson dans un style assez
homophone et à très forte tendance tonale. Avec ses deux livres de madrigaux
(1584, 1587), en particulier le second, il
est dans la lignée de C. de Rore et préfère
la forme d’expression apportée par des
mouvements chromatiques, des dissonances et suspensions harmoniques aux
traditionnelles peintures de mot qu’il avait
tant critiquées.
L’importance de Galilei est donc capitale dans l’histoire de la théorie musicale
et dans l’évolution des formes (début du
règne de la monodie accompagnée). Il est
enfin le père du célèbre physicien Galileo
Galilei.
GALIMIR (Félix), violoniste autrichien
naturalisé américain (Vienne 1910).
De 1922 à 1928, il fait ses études au
Conservatoire de Vienne avec Adolf Bak.
En 1929, il fonde un quatuor qui porte
son nom, et qui réalise en 1936 le premier
enregistrement de la Suite lyrique de Berg.
En 1938, il émigre aux États-Unis, où il
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
398
commence une brillante carrière de chambriste et de professeur. Il est également
membre du NBC Symphony Orchestra et,
dès 1954, enseigne à Marlboro. En 1962,
il est nommé à la Juilliard School de New
York, et en 1976 au Mannes College. Son
quatuor, refondé en 1938, poursuit son
activité jusqu’en 1985.
GALLICAN (chant).
L’une des grandes familles de chant liturgique qui, en France, comme le chant
ambrosien à Milan, le mozarabe en Espagne et le vieux-romain dans le centre
de l’Italie, tenta longtemps de maintenir
ses particularismes face à l’unification
grégorienne imposée par la papauté et
soutenue par les empereurs carolingiens.
Ces particularismes, au reste non systématiquement unifiés, n’atteignaient pas le
fond de la liturgie, mais portaient sur de
nombreux détails d’ordonnance, de texte
(par exemple, on disait credimus, « nous
croyons », au lieu de credo, « je crois »),
sur le répertoire, les tournures mélodiques
(on y trouvait souvent des psalmodies à 2
cordes de récitation comme dans le tonus
peregrinus), et même sur la prononciation
du latin (on a prononcé le plus souvent
en « U » jusque vers 1920). Le chant gallican a été progressivement éliminé à partir
du IXe siècle, et il en reste peu de témoins
systématiques, mais de nombreuses pièces
gallicanes se sont glissées dans les livres
de chant français, parfois même étrangers
(le Te Deum, par exemple, a une origine
gallicane), et y ont subsisté plus ou moins
longtemps. Au XVIIe siècle, le particularisme gallican semble avoir abandonné cet
aspect du répertoire pour se réfugier vers
d’autres manifestations, par exemple dans
le « plain-chant parisien » resté en usage
jusqu’à la réforme de Solesmes au début
du XXe siècle.
GALLI-CURCI (Amelita), soprano italienne (Milan 1882 - La Jolla, Californie,
1963).
Elle aborda le chant en autodidacte, et
débuta à Trani dans le rôle de Gilda de
Rigoletto en 1906. Après une dizaine d’années dans les principaux théâtres d’Italie,
elle fut engagée au Metropolitan Opera de
New York, où elle triompha pendant dix
ans dans les rôles de soprano leggero. En
dépit de sa légèreté, la voix de Galli-Curci,
dans la grande tradition du bel canto, passait de façon incroyable.
GALLIERA (Alceo), chef d’orchestre italien (Milan 1910 - Brescia 1996).
C’est son père, lui-même fils de compositeur et professeur au conservatoire de
Milan, qui dirigea ses études. Dès l’âge de
vingt-deux ans, Alceo Galliera enseignait
à son tour l’orgue et la composition en
ce même conservatoire. Il fit ses débuts
de chef d’orchestre en 1941 à la tête de
l’académie Santa Cecilia de Rome, mais
la guerre interrompit son activité et il
dut s’exiler pendant deux ans en Suisse.
En 1945, le festival de Lucerne lui fournit
l’occasion d’un nouveau départ, cette fois
pour une grande carrière internationale. Il
a été notamment directeur de l’Orchestre
municipal de Strasbourg pour plusieurs
saisons à partir de 1964. Son oeuvre de
compositeur comprend un ballet pour la
Scala - Le Vergine savie e le Vergine folli
(1942) -, des pièces pour orchestre, de la
musique de chambre et des mélodies.
GALLI MARIÉ (Célestine), mezzo française (Paris 1840 - Vence 1905).
Elle débuta à Strasbourg en 1859 et fut
engagée en Belgique et en Italie, puis à
l’Opéra-Comique de Paris où elle chanta
régulièrement entre 1862 et 1885 et créa
Mignon d’Ambroise Thomas et Carmen de
Bizet (son nom est resté attaché à ce dernier rôle). Sa voix était sombre et corsée,
quoique relativement légère, et elle passait
pour une excellente actrice.
GALLOIS (Patrick), flûtiste français (Linselles 1956).
Après avoir été l’élève de R. Hériché et M.
Larrieu, il entre au Conservatoire de Paris
pour y travailler avec J.-P. Rampal et A.
Marion. En 1975, il obtient un 1er Prix de
flûte. La même année, il est engagé comme
flûte solo à l’Orchestre philharmonique de
Lille. De 1977 à 1985, il occupe le même
poste à l’Orchestre national de France.
À partir des années 1985-1990, il se fait
connaître davantage comme soliste, se
produisant en concerto ou en formation
de chambre.
GALLOIS-MONTBRUN (Raymond), violoniste et compositeur français (Saigon
1918 - Paris 1994).
Entré au Conservatoire de Paris en 1929,
il y obtint quatre premiers prix (violon en
1934, harmonie en 1936, fugue et contrepoint en 1937, composition en 1939). Premier grand prix de Rome en 1944 avec la
cantate Louise de la Miséricorde, il mena
dans les années qui suivirent une double
carrière de virtuose et de compositeur,
signant surtout des oeuvres pour le violon
et pour le piano : 12 Études, caprices de
concert pour violon seul (1948), Concerto
pour violon et orchestre (1949), Mélodies
et proverbes, 12 pièces pour piano (1951),
Variations de concert pour violon et piano
(1957), Sonate pour piano (1958). On lui
doit aussi de la musique symphonique
comme la Symphonie japonaise (Tokyo,
1951), le poème symphonique le Port de
Delft (1960) ou le Concerto pour piano
(1963), et de théâtre comme le Rossignol
et l’Empereur (1959) et Stella ou le Piège
de sable (1963). Sur le plan pédagogique,
il a été directeur de l’École nationale de
musique de Versailles (1957-1962) avant
de devenir directeur du Conservatoire de
Paris (1962-1983), où il a notamment, en
1966, créé des cours de 3e cycle.
GALLON (les), famille de compositeurs
et pédagogues français.
Ils honorèrent l’enseignement du Conservatoire de Paris et signèrent des oeuvres
fort personnelles dans un style néoclassique avancé. Ils comptèrent parmi leurs
élèves, entre autres, Tony Aubin, Marcel
Delannoy, Maurice Duruflé, Henri Dutilleux, Raymond Gallois-Montbrun, Olivier
Messiaen.
Jean (Paris 1878 - id. 1959). Il fut, au
Conservatoire, l’élève de Lavignac, Diémer, Vidal et Lenepveu. Il dirigea les
choeurs de la Société du Conservatoire de
1906 à 1914. Après la Première Guerre
mondiale, il fut nommé professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris (19191949). Il a composé des mélodies, une
Messe à 4 voix, Six Antiennes pour orchestre à cordes et orgue, un ballet Hansli
le Bossu en collaboration avec son frère,
de même que divers écrits pédagogiques.
Noël (Paris 1891 - id. 1966). Il fut initié à la musique par sa mère, professeur
de piano, et par son frère Jean, de treize
ans son aîné. Au Conservatoire de Paris,
il fut l’élève de Rougnon, Rissler, Lavignac
et surtout Henri Rabaud, dont il devait
être le tout premier disciple. Grand Prix
de Rome en 1910, il fut nommé après la
guerre (1920) professeur de solfège au
Conservatoire de Paris. Six ans plus tard,
il succéda à André Gédalge comme professeur de fugue et de contrepoint. En
outre, à partir de 1935, il fut directeur du
concours Léopold-Bellan. Noël Gallon a
composé un drame musical Paysans et soldats (1911), le ballet Hansli le Bossu (1914,
avec son frère), de la musique de chambre
dont une Sonate pour flûte et basson
(1952), un Quintette pour harpe et cordes
(1953), des oeuvres pour orchestre et des
mélodies. En collaboration avec son frère,
il a publié des ouvrages pédagogiques
(Cent Dictées musicales à trois parties,
Paris, 1942 ; Cinquante Leçons de solfège
rythmique, 2 recueils, Paris, 1964) et, en
collaboration avec M. Bitsch, un Traité de
contrepoint (1964).
GALLUS (Jakob, Jacobus Handl, Gallus,
vocatus CARNIOLANUS), musicien slovène
(Ribnica 1550 - Prague 1591).
Moine cistercien des couvents autrichiens
de Melk et Zwettl, il appartient à la cour de
Vienne dès 1574, puis devient regens chori
de la chapelle de l’évêque d’Olomoutz
(1580-1585). En 1581, il passe à l’ordre
des Jésuites. Il séjourne à Breslau avant de
terminer sa vie à Prague, comme cantor de
l’église Saint-Jean-in-Vado dans la vieille
ville. Il ne fut rien de moins que l’équivadownloadModeText.vue.download 405 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
399
lent de Palestrina en Slovénie et Bohême.
Dans ses oeuvres profanes en particulier
(Harmoniae morales [1589, 1590], Moralia [1596]), il donne la primauté à la ligne
mélodique, jouant d’effets chromatiques
et de recherche de timbres qui seront les
secrets de la nouvelle musique italienne.
Les modulations sont fréquentes, adaptées
au sens des textes et à leur prosodie. L’emploi de certains intervalles, tel le triton,
étonne les musicologues.
GALOP.
Danse rapide à deux temps, originaire
d’Europe centrale, dont le rythme particulier évoque approximativement le galop
d’un cheval.
GALUPPI (Baldassare, dit IL BURANELLO du
nom de l’île du littoral vénitien, Burano,
où il naquit), compositeur italien (Venise
1706 - id. 1785).
Fils d’un violoniste, il composa en 1722
l’opéra La Fede nell’incostanza, qui n’eut
pas de succès, puis devint l’élève préféré de Lotti. Il remporta son premier
triomphe de compositeur avec Gl’odi
delusi dal sangue (1728), écrit en collaboration avec Pescetti. Compositeur attitré
d’opéras italiens au théâtre de Haymarket
à Londres de 1741 à 1743, il devint vicemaître de chapelle (1748), puis maître de
chapelle (1762) à Saint-Marc de Venise, et
fut ensuite maître de chapelle de la cour de
Catherine II à Saint-Pétersbourg (17651768). De ses opere serie, seuls Alessandro
nell’Indie (Mantoue, 1738) et L’Olimpiade
(Milan, 1747) eurent quelque succès. Ce
fut essentiellement un maître de l’opéra
bouffe, ce dont témoignent en particulier les oeuvres nées de sa collaboration
avec Carlo Goldoni : L’Arcadia (1749), Il
Mondo della luna (1750), Il Mondo alla
roversa (1750), Le Virtuose ridicole, d’après
les Précieuses ridicules de Molière (1752),
Il Filosofo di campagna (1754), La Diavolessa (1755). Il Filosofo di campagna, en
son temps un des opéras bouffes les plus
prisés, est parfois ressuscité de nos jours.
Galuppi semble avoir été l’un des premiers compositeurs à saisir l’importance
théâtrale et musicale des finales d’acte. Il
écrivit en tout 91 opéras. On lui doit également 27 oratorios, d’autres ouvrages pour
l’église et de la musique instrumentale
dont sept Concerti a quattro pour cordes
et surtout 51 Sonates pour clavecin qui
font de lui l’un des principaux pionniers
du genre.
GALWAY (James), flûtiste irlandais (Belfast 1939).
Il étudie au Royal College of Music de
Londres et à la Guildhall School of Music,
puis au Conservatoire de Paris (1960-61)
avec G. Crunelle et J.-P. Rampal, enfin
avec Marcel Moyse. Il est d’abord musicien
de théâtre au Royal Shakespeare Theater
de Stratford, puis au Sadler’s Wells et au
Covent Garden, dont il devient le premier
flûtiste. En 1966, il entre à l’Orchestre
symphonique de Londres ; en 1967, il est
nommé première flûte du Royal Philharmonic Orchestra et, de 1969 à 1975, il est
première flûte solo à l’Orchestre philharmonique de Berlin. Puis il entame une
véritable carrière de soliste, interrompue
par un accident. Il se consacre depuis en
majeure partie à l’enseignement.
GAMBE.
1. Famille de jeux de fond de l’orgue. La
gambe est appelée aussi viole de gambe.
Les jeux « gambés », aux tuyaux de métal,
se caractérisent par une taille étroite qui
leur donne une sonorité plus mordante
que celle des principaux. Surtout employés dans l’orgue symphonique de style
romantique, ils sonnent à l’échelle normale (8 pieds), au grave et plus rarement
à l’aigu (16 et 4 pieds). Ils sont également
baptisés violoncelle et salicional.
2. Abréviation courante de la basse de
viole ( ! VIOLE DE GAMBE).
GAMELAN.
Ce mot javanais désigne une formation
orchestrale propre à Java et à Bali, caractérisée par la prédominance d’instruments à
percussion très élaborés : jeux de cloches,
jeux de gongs, métallophones, xylophones, etc. Révélé au monde occidental
lors de l’Exposition universelle de Paris en
1889, le gamelan et ses sonorités étranges
ont exercé une influence certaine sur la
musique européenne par l’intermédiaire,
notamment, de Claude Debussy.
GAMMA.
Lettre grecque correspondant au « G ».
Lorsqu’on forma l’alphabet musical
latin ( ! CLEF), on adapta les lettres à
l’échelle du système grec qui commençait au la : A désigne donc le la, et on
marque le changement d’octave par le
changement de graphie des lettres : capitales, puis minuscules, puis minuscules
doublées. Mais, dans certains modes
plagaux ecclésiastiques, le chant pouvait
descendre jusqu’au sol sous le A initial.
On avait donc besoin d’un G inférieur,
et il n’existait pas de « sous-capitales ».
On donna à ce G la forme et le nom du
G grec, et, comme c’est lui qui ouvrait la
nomenclature, celle-ci prit son nom et
devint la « gamme ». Parmi les syllabes de
solmisation, le gamma ne pouvait recevoir
que la syllabe ut, d’où son nom complet
de gamma ut, devenu parfois gamut par
contraction.
GAMME.
1. Nomenclature des sons appartenant
soit à une échelle, soit à une tonalité ou
à un mode déterminés, rangés par degrés
conjoints. La gamme s’énonce le plus souvent de tonique à tonique sur l’étendue
d’une octave (1 à 8) : « Une gamme de do
majeur. »
2. Exercice usuel chez les instrumentistes,
consistant à jouer à la suite, en combinaisons variées, tous les sons d’une gamme
donnée : « Gamme en tierces, faire ses
gammes. » -3.Le mot gamme est parfois
employé abusivement pour échelle ou
mode : « Tel passage est en gamme par
tons entiers. »
GANASSI (Silvestro dal Fontego), compositeur et théoricien italien (Venise
1492 - ? milieu du XVIe s.).
Instrumentiste lui-même - célèbre comme
joueur de flûte et de viole de gambe -, il
appartint à la Signoria de Venise (SaintMarc). Il fut l’auteur de la première méthode pour la flûte connue (La Fontegara,
1535) ainsi que de l’un des premiers traités pour la viole publié en deux volumes
(Regola rubertina, 1542). Ces ouvrages
contiennent de précieux renseignements
concernant la technique de ces instruments à l’époque. Le second explique
également l’art de la diminution, de la
transposition, et de l’accompagnement
d’une pièce vocale. Notés en tablature de
viole, les volumes de la Regola rubertina
renferment des ricercari pour un seul instrument, employant parfois une écriture
à 2 voix grâce à la technique du jeu en
doubles-cordes.
GANNE (Louis), compositeur et chef
d’orchestre français (Bruxières-lesMines, Allier, 1862 - Paris 1923).
Au Conservatoire de Paris, il étudia la
composition et l’harmonie avec Théodore
Dubois et l’orgue avec César Franck, obtenant un premier prix d’harmonie en 1881
et un premier prix d’orgue en 1882. La
même année, il devint chef d’orchestre
aux Folies-Bergère et, en 1892, au Nouveau-Théâtre de la rue Blanche, avant de
prendre la direction du casino de Royan
(1900) et celle de l’Opéra de Monte-Carlo
(1905). Il fonda les concerts symphoniques Louis-Ganne, qui connurent longtemps une fidèle audience. Mais depuis
1895, il dirigeait chaque année les bals de
l’Opéra, ce qui l’amena à se fixer à Paris
en 1910, ayant, d’autre part, été nommé
chef d’orchestre au théâtre Apollo. Il y fit
représenter ses opérettes Cocorico (1913)
et la Belle de Paris (1921). Compositeur
plein de verve, il a écrit des marches militaires, dont la célèbre Marche de Lorraine,
des ballets, des opéras-comiques, parmi
lesquels les Saltimbanques (1899) et Hans
le joueur de flûte (1906).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
400
GÄNSBACHER, famille de musiciens
autrichiens.
1. Johann Baptist, organiste et compositeur (Sterzing, Tyrol du Sud, 1778 Vienne 1844). Élève de l’abbé Vogler et
d’Albrechtsberger, il composa en 1806
une messe pour Nicolas II Esterházy et, en
1823, succéda à Joseph Preindl au poste de
maître de chapelle de la cathédrale SaintÉtienne de Vienne.
2. Josef, chanteur et musicologue, fils du
précédent (Vienne 1829 - id. 1911). Ami
de Brahms, qui lui dédia sa sonate pour
violoncelle opus 38, il fut à Vienne le plus
célèbre professeur de chant de son époque
et participa comme codirecteur à l’édition
complète des oeuvres de Schubert.
GARANT (Serge), compositeur canadien
(Québec 1929 - Sherbrooke, Québec,
1986).
Largement autodidacte, il s’est intéressé
immédiatement à l’avant-garde de la première moitié du XXe siècle (Schönberg,
Webern), sans commencer par les classiques, et a étudié avec Claude Champagne
à Montréal, puis avec Olivier Messiaen à
Paris (1951). Il découvrit dans cette ville la
musique de Boulez. Adepte du sérialisme,
il a fait appel dans ses oeuvres à la logique
mathématique tout en s’attachant de près
aux questions de sonorité. L’année de sa
fondation (1966), il devint directeur musical de la Société de musique contemporaine du Québec. On lui doit notamment :
Ouranos (1963) et Ennéade (1964) pour
orchestre ; Phase I pour mezzo-soprano
et trois instruments (1967) ; Phase II pour
mezzo-soprano et deux orchestres (1968) ;
Offrande I pour petit orchestre (1969) ;
Offrande II pour grand orchestre (1970) ;
Circuits I (1971), II (1972) et III (1973)
et Chant d’amours pour soprano, mezzo,
baryton et ensemble instrumental (1975).
GARCIA (Manuel, dit parfois GARCIA L’ANCIEN), ténor espagnol (Séville 1775 - Paris
1832).
Orphelin, il est d’abord choriste à la cathédrale de Séville. En 1802, il écrit une
oeuvre d’un genre nouveau en Espagne,
l’opérette El Seductor arrepentido. De 1808
à 1811, il fait un premier séjour à Paris
avant de partir pour l’Italie. En 1815, il
crée à Naples le rôle de Norfolk dans Élisabeth, reine d’Angleterre de Rossini. Le
compositeur, enchanté par son art, écrit
pour lui le rôle d’Almaviva dans le Barbier
de Séville, qu’il crée à Rome en 1816. De
1816 à 1825, il se partage entre Londres et
Paris, où il réside au Théâtre-Italien. Il y
monte aussi ses propres opéras. De 1825 à
1829, il prend la tête de la première troupe
italienne à avoir fait une tournée à New
York, et jusqu’au Mexique. Il retourne
ensuite à Paris et se consacre à l’enseignement. Il a fondé une dynastie de chanteurs
dont trois de ses enfants sont d’illustres
représentants : Maria Malibran, Pauline
Viardot et Manuel Garcia II ont marqué
tout le XIXe siècle. Parmi ses autres élèves,
on relève aussi Adolphe Nourrit.
GARCIA ABRIL (Anton), compositeur
espagnol (Teruel 1933).
Il a fait ses études aux conservatoires de
Valence et de Madrid, puis à Sienne (Accademia Chigiana) et à l’académie SainteCécile de Rome, et a été l’élève de Van
Kempen et de Petrassi. Garcia Abril est,
depuis 1957, professeur au conservatoire
de Madrid. Son oeuvre, peu nombreuse,
est d’une grande densité d’expression
dans un langage néoclassique. Elle comprend des pages orchestrales (concerto
pour cordes, Don Juan, ballet, concerto
pour piano), de la musique de chambre
(3 pièces pour double quintette et percussion) et de la musique vocale (Homenaje a
Miguel Hernandez, Cantico del creature).
GARCÍA LORCA (Federico), poète et
dramaturge espagnol (Fuente Vaqueros
1898 - Véznar 1936).
Il fut profondément influencé par le folklore musical de son pays, notamment
par le « cante jondo », forme pure du flamenco, ainsi que par le flamenco gitan.
Il était également un bon pianiste amateur, ayant étudié cet instrument dans son
enfance, et réalisa des arrangements de
chansons populaires. Parmi les compositeurs qu’il rencontra, on peut citer Joaquin Turina et, surtout, Manuel de Falla
sur lequel il écrivit, et avec lequel il étudia
le cante jondo, fondant même avec lui, en
1922, un concours pour cette expression
musicale. Lui-même composa de petites
musiques de scène destinées aux représentations données par son théâtre itinérant
La Baraca, qu’il dirigea dans les années 30.
Les oeuvres poétiques et dramatiques
de García Lorca ont inspiré, surtout après
sa mort, de nombreuses compositions :
parmi celles-ci, mentionnons les opéras
de Vittorio Rieti, 1949, et de Wolfgang
Fortner, 1962 (ainsi que l’opéra radiophonique de Bruno Maderna, 1962), sur
la pièce l’Amour de Don Perlimplin avec
Bélise en son jardin ; les trois opéras de
Juan José Castro, 1956, Wolfgang Fortner,
1957, et Sandor Szokolay, 1962-1964, sur
les Noces de sang, 1933 (Bodas de sangre,
1933) ; l’opéra de Juan José Castro sur la
Savetière prodigieuse, 1943, et, enfin, une
grande cantate de Maurice Ohana pour
récitant, baryton, clavecin, choeurs et ensemble instrumental, composée en 1950
sur le Llanto por Ignacio Sanchez Mejias
(déploration funèbre pour la mort de Sanchez Mejias), oeuvre écrite en 1934 par
García Lorca pour célébrer la mémoire
d’un torero tombé dans l’arène. En commémoration de sa mort sous les balles
franquistes ont été composées un certain
nombre d’oeuvres musicales, entre autres
de Francis Poulenc (Sonate pour clarinette
et violon, 1942-43) et l’Epitaffio per Federico Garcia Lorca, 1952-53, de Luigi Nono.
Le compositeur américain Georg Crumb a
souvent utilisé des textes de García Lorca,
notamment dans ses Ancient Voices of
Childrens, 1970 ; enfin, ses poèmes ont
fait l’objet de multiples versions chantées,
adaptées en chansons populaires.
GARCISANZ (Isabel), soprano espagnole (Madrid, 1934).
Elle fait ses études au Conservatoire de Madrid avec Angeles Ottein. Titulaire d’une
bourse d’État, elle complète sa formation
pendant trois ans à l’Akademie für Musik
de Vienne. Dès 1960, elle commence une
carrière internationale, s’imposant dans
tous les grands rôles mozartiens, au Festival de Glyndebourne notamment. Elle
chante aussi Rossini, Donizetti et l’Enfant
et les sortilèges de Ravel. Elle entretient un
lien privilégié avec la musique contemporaine : en 1974, elle crée Medis et Alissio de
Georges Delerue. De Maurice Ohana elle
chante les Cantigas et crée Sybille (1970)
et la Messe (1977). En 1992, elle participe
à la création du Château des Carpathes de
Philippe Hersant. Elle chante également
un répertoire de mélodies espagnoles avec
piano ou guitare.
GARDANO (GARDANE, Antonio), imprimeur italien, d’origine française (France
v. 1509 - Venise 1569).
Il se fixe vers 1537 à Venise, où il obtient un
privilège d’imprimeur, et, à partir de 1556,
italianise son nom français, Gardane en
Gardano. Il introduit en Italie la méthode
d’impression de Pierre Haultin, qui utilisait des caractères comprenant à la fois la
note et la ligne, ce qui permettait d’imprimer la musique en une seule opération au
lieu de deux comme le faisait Petrucci. Il
obtient, malgré la rivalité incessante de la
firme Scotto, un succès grandissant. Ayant
publié des oeuvres littéraires à ses débuts,
il se limite rapidement à la seule édition
musicale. En 1538, soit un an après son
arrivée à Venise, il publie trois recueils
importants, Motetti del frutto, Canzoni
francese a 4 et un premier livre de madrigaux d’Arcadelt, qu’il admirait beaucoup.
Par la suite, il produit un second livre du
même auteur ainsi que de nombreux re-
cueils de compositeurs divers (Willaert,
Rore, Lassus). Il publie relativement peu
de recueils de chansons, accordant une
place plus importante à la musique sacrée
et surtout aux madrigaux, qui constituent l’essentiel de sa production. Il est
lui-même l’auteur de nombreuses pièces,
dont une soixantaine de chansons, deux
messes et quelques motets. Leur succès
fut si grand qu’elles furent rééditées par
différentes firmes européennes (y compris Scotto, son rival vénitien) jusqu’en
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
401
1635. À sa mort, la maison est reprise par
ses fils Alessandro et Angelo, puis après
leur séparation en 1575, par Angelo seul
qui, jusqu’à sa mort en 1611, lui conserve
sa place privilégiée dans le monde de l’édition musicale italien. De fait, durant toute
la seconde moitié du XVIe siècle, la maison
Gardano a pratiquement l’exclusivité de
l’impression des madrigaux italiens. De
son côté, Alessandro, qui se fixe à Rome de
1583 à 1591, reprend le métier de l’édition
et imprime surtout de la musique sacrée
(Giovannelli, Marenzio, Palestrina, Victoria). À la mort d’Angelo, la firme dont ses
descendants tentent vainement de protéger l’existence se laisse peu à peu miner
par la concurrence des autres maisons
italiennes, en particulier Vincenti, pour
disparaître définitivement vers 1685.
GARDEN (Mary), soprano écossaise
(Aberdeen 1874 - Londres 1967).
Elle étudia à Chicago, puis à Paris, où elle
travailla avec Mathilde Marchesi et Lucien
Fugère. Elle conquit une réputation immédiate en remplaçant au pied levé Louise
Rioton, la créatrice de Louise, au milieu
d’une représentation, sans avoir jamais
appris le rôle autrement qu’en assistant
aux répétitions de l’ouvrage. En 1902, elle
fut la créatrice de Mélisande dans l’oeuvre
de Debussy. Elle resta à l’Opéra-Comique
jusqu’en 1907, effectuant d’autres créations moins prestigieuses. En 1907, elle
chanta Thaïs de Massenet à New York
et, en 1910, Salomé de Richard Strauss à
Paris. Elle passa ensuite vingt ans à l’opéra
de Chicago dont elle contribua à établir la
réputation.
Sa dernière représentation fut Carmen
en plein air à Cincinnati, en 1931. Si elle
chantait les emplois les plus divers, Mary
Garden n’avait pas une voix exceptionnelle, mais était une musicienne accomplie et une grande actrice, douée d’une
forte personnalité.
GARDINER (John Eliot), musicologue,
chef de choeurs et chef d’orchestre anglais (Fontmell Magna, Dorset, 1943).
Élève de Thurston Dart et de Nadia Boulanger, fondateur de Monteverdi Choir
(1964), il s’est spécialisé dans la musique
du XVIIe siècle et de la première moitié
du XVIIIe, s’attachant en particulier à Rameau, dont il fut le premier à diriger les
Boréades (Londres, 1975). De 1982 à 1989,
il a été directeur artistique de l’Orchestre
de l’Opéra de Lyon, et est depuis 1991 premier chef de l’Orchestre symphonique de
la Radio de Hambourg.
GASPARINI (Francesco), compositeur
italien (Camajore, Lucques, 1668 - Rome
1727).
Élève de Corelli et de Pasquini, il fut
d’abord maître de choeur à l’Ospedale de
la Pietà de Venise, puis, en 1725, maître
de chapelle à Saint-Jean-de-Latran. Sa
santé ne lui permit pas d’occuper pleinement ses fonctions, mais il put malgré tout
consacrer du temps à l’enseignement et
l’on compte B. Marcello et Quantz parmi
ses élèves. Il fut aussi l’acteur d’une dispute célèbre avec Alessandro Scarlatti,
dispute qui se déroula par un échange
de cantates. Sa correspondance donne de
nombreux renseignements sur lui-même
et sur ses élèves, notamment Marcello.
Son oeuvre se compose d’opéras (environ
une soixantaine) et de musique d’église,
formes, toutes deux, aussi brillantes sous
sa plume. Sa réputation dépassa les frontières de l’Italie et atteignit en particulier
l’Angleterre, ses opéras étant parmi les
premiers à être représentés dans ce pays.
Il faut aussi citer un traité d’accompagnement, très respecté en Italie : L’Armonico
pratico al Cimbalo (Venise, 1708).
GASSMANN (Florian), compositeur autrichien (Brüx, Bohême, 1729 - Vienne
1774).
Désirant devenir musicien contre la volonté de son père, il se rendit en Italie, où
il étudia peut-être avec le Padre Martini
et donna ses premiers opéras, Merope
(Venise, 1757) et Issipile (Venise, 1758).
Arrivé à Vienne en 1763, il y succéda à
Gluck comme compositeur de ballets de
la cour. Lors d’un nouveau voyage en Italie, il rencontra à Venise en 1766 le jeune
Salieri, dont il fit son élève et qu’il amena à
Vienne. En 1771, il fonda la TonkünstlerSozietät, première institution de concerts
publics à Vienne, et l’inaugura en mars
de l’année suivante avec son oratorio La
Betulia liberata. En 1772 également, il succéda à Georg Reutter le Jeune au poste de
maître de chapelle impérial. De ses opéras,
il faut citer surtout, dans le genre bouffe,
L’Amore artigiano (1767) et La Contessina
(1770). En 1770, lors d’un troisième séjour
en Italie, il présenta à Rome Ezio. On lui
doit également des oeuvres religieuses,
dont plusieurs messes et un requiem, de
remarquables symphonies, et de la musique de chambre (quatuors à cordes).
Un catalogue thématique de ses oeuvres
instrumentales a été dressé en 1976 par
George R. Hill. Ses deux filles Maria
Anna (1771-1858) et Thérèse (17741837) furent des chanteuses de talent.
GASTOLDI (Giovanni Giacomo), compositeur italien (Caravaggio v. 1555 - ?
1622).
D’abord probablement l’élève de Jachet
de Wert, il est ordonné prêtre et entre
au service des Gonzague à Mantoue où
il est nommé maître de chapelle à Santa
Barbara. C’est à la cour de cette famille
illustre qu’il rencontre Pallavicino, A.
Striggio et Monteverdi. Ensuite, on le
trouve à Milan en 1609, maître de chapelle
à la cathédrale. Compositeur de musique
instrumentale (Il Primo Libro della musica
a 2 voci, 1598), de madrigaux (quatre
livres de Madrigali a 5 voci chez Gardano
à Venise, 1588-1602) et de nombreuses
oeuvres de musique religieuse (messes,
magnificat, motets, psaumes et vêpres),
dans lesquelles il montre toute sa science
du contrepoint, Gastoldi doit sa célébrité à
un recueil de Balletti a cinque voci (1591),
qui a connu non moins de trente rééditions dont une à Paris. En dehors de leur
popularité, les Balletti « per cantare, sonare
et ballare » (écrits pour les spectacles de
danse à la cour de Mantoue), avec leur
vitalité rythmique, leurs fa-la-la caractéristiques, forme strophique et écriture
surtout verticale, ont influencé, certes,
Monteverdi (Scherzi musicali), mais également Th. Morley en Angleterre (Ballets a
5, 1595). Interprétées instrumentalement
ou vocalement, ces oeuvres ont atteint
pleinement leur objectif premier : O compagni, allegrezza, allegrezza (Introduttione
a i Balletti).
GASTOUÉ (Amédée), musicologue français (Paris 1873 - Clamart 1943).
Il étudie le piano avec Deslandres, l’orgue
avec Guilmant, l’harmonie avec Lavignac
et la composition avec Magnard. Durant
toute sa vie, il cumule les fonctions d’enseignant, de chercheur et de compositeur.
Collaborateur de la Schola cantorum dès
sa fondation, il y enseigne la musicologie
de 1900 à 1903, puis le chant grégorien à la
mort de Vincent d’Indy. Il est également
professeur au petit collège Stanislas dès
1906 et donne aussi par la suite des cours à
l’Institut catholique et à l’École des hautes
études. En relation, dès sa jeunesse, avec
les pères des abbayes de Solesmes et de
Saint-Wandrille, il se bat pour le renouveau du chant grégorien (Cours théorique
et pratique de chant grégorien, 1904 ; Traité
d’harmonisation du chant grégorien sur un
plan nouveau, 1910 ; l’Art grégorien, 1911).
Mais ses connaissances s’étendent à toute
la musique sacrée en général. Il est considéré comme l’un des plus grands spécialistes de musique byzantine et participe à
toutes les conférences sur ce sujet. Il collabore à l’édition du Graduel Vatican (1908)
et écrit une Histoire du chant liturgique à
Paris (1904) et l’Église et la musique (1936).
Grâce à sa publication de Pièces de polyphonie religieuse du IXe au XVe siècle et des
Primitifs de la musique française, il sort de
l’oubli les conduits des XIIe et XIIIe siècles,
G. de Machaut et sa messe. Il a, en outre,
participé au dépouillement des fonds
musicaux de la Bibliothèque nationale et
des bibliothèques du Conservatoire, de
l’Opéra et de l’Arsenal. Ses travaux de
chercheur l’amènent à prendre une part
plus ou moins importante à la rédaction
de nombreuses revues (Musica sacra, Rassegna gregoriana).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
402
Il est également l’un des fondateurs
de la Société française de musicologie,
qu’il préside de 1934 à 1936. Quant à ses
compositions, elles comprennent essentiellement de la musique sacrée (messes,
motets, oratorios).
GATTI (Theobaldo di), compositeur
français, d’origine italienne (Florence v.
1650 - Paris 1727).
Virtuose de la viole de gambe et de la basse
de violon, il se rendit à Paris vers 1675 et
se fit engager dans l’orchestre de l’Académie royale de musique. Admirateur de
Lully, il demeura au sein de l’orchestre de
l’Opéra et à Paris le reste de sa vie. Il fut
l’auteur d’Airs italiens publiés chez Ballard
(1696) et de deux opéras : une pastorale,
Coronis (1691), et une tragédie lyrique fort
bien reçue, Scylla, publiée chez Foucault
en 1701. Avec Paolo Lorenzani, Theobaldo di Gatti fut l’un des seuls musiciens
« italiens » actifs à la cour de Louis XIV
sous la domination de Lully.
GAUBERT (Philippe), flûtiste, compositeur et chef d’orchestre français (Cahors
1879 - Paris 1941).
Élève de Taffanel au Conservatoire de
Paris, il obtint le premier prix de flûte à
l’âge de quinze ans. Il travailla la composition avec Fauré et fut second grand prix de
Rome en 1905. Depuis 1904, il secondait
André Messager au pupitre de la Société
des concerts du Conservatoire où il était
également flûte solo. Il devait devenir un
flûtiste virtuose sans égal et un chef d’une
grande autorité et d’une grande sensibilité, tant au concert qu’au théâtre. En
1908, il fut nommé professeur de flûte au
Conservatoire, et, en 1919, professeur de
composition. La même année, il devenait
chef permanent de la Société des concerts
du Conservatoire, tandis que Jacques
Rouché lui confiait la direction musicale
de l’Opéra. Il assura de nombreuses créations parisiennes, notamment le Chevalier
à la rose, Turandot, Elektra. Comme compositeur, il a laissé de nombreuses pièces,
sonates et transcriptions pour flûte, un
concerto pour violon, de la musique symphonique (Symphonie en « fa », 1936) et
des ballets (Philotis, 1914 ; Alexandre le
Grand, 1937 ; le Chevalier et la Damoiselle,
1941), dont les deux derniers sur des livrets de Serge Lifar.
GAUCELM FAIDIT, troubadour français
(Uzerche v. 1180 - ? v. 1215).
Il fut un poète estimé qui voyagea beaucoup au cours de sa carrière et qui connut
tous les grands troubadours de l’époque.
D’origine bourgeoise, il entra à la cour
de Boniface de Montferrat. Puis il partit
en croisade avec ce dernier et revint en
1204. On a conservé avec certitude 65 de
ses chansons, dont 14 sont notées. La plus
célèbre d’entre elles est une déploration,
appelée « planh » sur la mort, en 1199, de
Richard Coeur de Lion, lui-même trouvère : Mortz es lo reys e son passat mil an.
GAULTIER ou GAUTIER,
nom de luthistes.
Ennemond, dit GAULTIER LE VIEUX, ou
GAULTIER DE LYON (Villette, Dauphiné,
1575 - Nèves 1651). Il fut musicien à la
Musique royale et valet de chambre de
Marie de Médicis, il connut une immense
notoriété de son vivant, tant comme virtuose et compositeur que comme pédagogue. En effet, avec son cousin Denis
Gaultier, il fut à l’origine d’une brillante
école de luthistes, qui compte à peu près
tous les virtuoses de la génération suivante (Mouton, Du Faut). Comme compositeur, il a laissé de nombreuses pièces
dispersées dans des collections diverses et
publiées après sa mort. Plusieurs d’entre
elles connurent un succès durable, tels le
Tombeau de Mezangeau ou le Testament
du Vieux Gaultier.
Denis, dit GAULTIER LE JEUNE ou GAULTIER DE PARIS, cousin du précédent (Paris
v. 1603 - id. 1672). Il fut l’élève de Charles
Racquet, organiste à Notre-Dame de
Paris. Il enseigna le luth à Ninon de Lenclos et nous a laissé de nombreuses pièces
pour le luth, publiées notamment dans
les recueils : Rhétorique des dieux (1652)
et Pièces de luth sur trois différents modes
nouveaux (v. 1670), qui témoignent d’une
recherche de tonalités nouvelles et d’ornementations de plus en plus riches, impliquant une extension de la technique qui
a fait date dans l’histoire de l’instrument.
Ces pièces consistent surtout en danses
(allemande, courante, sarabande, parfois
une gigue) groupées en suites. Gaultier
leur donne des titres évocateurs et cette
tradition va se perpétuer chez les clavecinistes français, d’abord avec Champion de
Chambonnières.
Pierre, dit GAULTIER D’ORLÉANS ou DE
ROME (XVIIe s.). Moins célèbre que les
deux premiers, auxquels il n’était sans
doute pas apparenté, il naquit à Orléans
et publia, en 1638 à Rome, un livre de
luth intitulé les oeuvres de Pierre Gaultier
l’Orléanois.
Jacques, dit GAULTIER D’ANGLETERRE
(XVIIe s.). Il n’était probablement pas apparenté aux précédents. Il dut s’expatrier
vers 1617 après avoir tué un gentilhomme
et se réfugia à Londres ; Buckingham le
fit entrer à la Musique royale où il resta
jusqu’en 1647. Bien que jouissant d’une
certaine réputation parmi le public londonien de l’époque, on ne sait où ni quand il
mourut (sans doute avant 1660).
GAUSSIN (Allain), compositeur français
(Saint-Sever, Calvados, 1943).
Il a fait ses études au Conservatoire de
Paris (prix de composition avec Olivier
Messiaen en 1976), et été admis à l’Académie de France à Rome (villa Médicis)
[1977-78]. Parmi ses oeuvres : Source 4
pour choeur de femmes (1974), Vent solaire (1re vers. 1975) pour choeur, cuivres,
percussion et bande magnétique (1976),
Ogive I pour cordes et clavecin (1977),
Éclipse pour ensemble instrumental et
deux pianos (1979), Ionisation-Rituel
pour soprano, flûte, récitant et orchestre
(1980), Arcane pour piano seul, créé à
Metz en 1984, Années-lumières pour orchestre (1992).
GAUTHIER-VILLARS (Henry, dit Willy),
romancier et critique musical français
(Villiers-sur-Orge 1859 - Paris 1931).
Il fut le premier mari de Colette, avec
laquelle il signa la série des romans de
Claudine. Mais il était aussi critique musical et écrivit dans un grand nombre de
revues : Art et critique, Revue encyclopédique, Monde artiste, et surtout l’Écho de
Paris où il tenait la rubrique intitulée les
Lettres de l’ouvreuse, qui lui valut la notoriété. Il ne possédait pas une grande érudition musicale, et encore moins de notions
techniques, mais une certaine sensibilité
accordée au goût du jour et une intuition
qui s’est parfois révélée juste. Il a été l’un
des rares à reconnaître le génie de Debussy
dans le Prélude à l’après-midi d’un faune.
Ses articles étaient écrits dans un style distrayant, comique, plein de calembours, et
prévus pour atteindre un vaste public. Les
titres de ses feuilletons parlent pour euxmêmes : la Mouche des croches, Entre deux
airs, Accords perdus, la Colle aux quintes,
Garçon, l’audition. Il a également écrit
avec Pierre de Bréville une notice explicative sur Fervaal de Vincent d’Indy, a
traduit en français les livrets de Bastien et
Bastienne de Mozart et de l’Amour tzigane
de Lehár, et a rédigé les livrets de Claudine
(musique de Berger), de la Petite Sirène
(de Polignac) et du Troisième Larron (C.
Terrasse). Il a publié une biographie de
Bizet (1912).
GAUTIER (Judith), femme de lettres
française (Paris 1845 - Saint-Énogat
1917).
Fille de Théophile Gautier et de Ernesta
Grisi, elle fut l’épouse de Catulle Mendès
dont elle divorça en 1874. Admiratrice de
Wagner, elle se rendit à plusieurs reprises
à Bayreuth, se lia avec l’auteur de la Tétralogie, et devint une ardente propagandiste de son art et de ses idées. Elle écrivit,
en 1882, un ouvrage sur Wagner, et, en
1898, traduisit Parsifal. Elle a publié ses
Mémoires (le Collier des jours, 1902-1909).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
403
GAUTIER (Théophile), écrivain français
(Tarbes 1811 - Paris 1872).
Poète, romancier et critique, il a, de 1836
à 1855, collaboré à la Presse, au Moniteur
universel et au Journal officiel. Ardent
défenseur du mouvement romantique,
il fut l’ami d’Hector Berlioz et l’un des
premiers, en France, à soutenir Richard
Wagner. Lié à la famille de Carlotta Grisi,
il a écrit pour la célèbre danseuse le livret
de Giselle (1841). Un de ses poèmes a inspiré à Jean-Louis Vaudoyer l’argument du
ballet le Spectre de la rose (1911). Plusieurs
musiciens ont mis en musique des poésies
de Théophile Gautier : Hector Berlioz (les
Nuits d’été) ; Charles Gounod (Chanson du
pêcheur, Primavera) ; Georges Bizet (Absence) ; Camille Saint-Saëns (Lamento) ;
Henri Duparc (Au pays où se fait la guerre,
Lamento) ; Gabriel Fauré (Chanson du pêcheur, les Matelots, Seule, Tristesse).
OEUVRES CRITIQUES :
les Beautés de l’opéra (en collaboration
avec Jules Janin, 1845) ; Histoire de l’art
dramatique en France depuis vingt-cinq
ans (1858-59) ; Histoire du romantisme
(1872) ; Portraits contemporains (1875) ;
Souvenirs de théâtre (1883).
GAUTIER DE COINCI, trouvère français
(Coinci v. 1177 - Soissons 1236).
Né dans la région de Soissons, il entre au
monastère de Saint-Médard en 1193. En
1214, il est prieur de l’abbaye de Vicq-surAisne. Il est de la lignée des grands trouvères de cette région, tels que Conon de
Béthune ou Colin Muset. Sa réputation
est fondée surtout sur un important recueil intitulé les Miracles de Notre-Dame.
il s’agit en général d’adaptations de modèles latins qui font appel à des formes
métriques ainsi qu’à des mélodies déjà
existantes. Cela ne diminue en rien leur
intérêt réel. Gautier l’adaptateur a puisé
dans certaines séquences liturgiques, mais
également dans les chansons profanes
destinées à honorer la Vierge.
GAUTIER DE DARGIES, trouvère français ( ? v. 1165 - ? apr. 1236).
Il est membre d’une famille noble originaire de la région de Grandvillers, près
de Beauvais. La seule information biographique sûre le concernant est sa participation à la troisième croisade (1189) dans
la suite de Philippe Auguste ; mais son
nom apparaît sur divers documents (1195,
1201, 1206, 1236). Il nous reste une vingtaine de ses chansons, dont 19 avec notation musicale (parmi lesquelles se trouvent
trois descorts). Elles se distinguent par
une individualité de forme aussi bien poétique que mélodique, l’auteur appréciant
en particulier les structures asymétriques
et se permettant même parfois de libérer
la phrase mélodique de la forme poétique
(Maintes fois). Son style musical est très
varié, avec une conscience assez forte d’un
centre tonal et des mélodies ayant parfois
un ambitus impressionnant (Se j’ai esté).
Le rythme est d’une grande richesse, très
orné, avec une tendance à l’irrégularité.
Ces particularités de style et le nombre
relativement important de ses chansons
conservées donnent à Gautier de Dargies
une place privilégiée parmi les musiciens
de son temps.
GAVEAU, famille de facteurs de pianos
français.
Joseph-Emmanuel (Paris 1824 - id. 1903).
Il fonde la maison Gaveau en 1847. L’année suivante, il invente la mécanique à
lames qui remplace celle à baïonnettes
dans le piano droit. Il ajoute un ressort à
boudin au piano à queue d’Érard. Il eut
également l’idée d’un piano démontable.
Gabriel-Joseph-Emmanuel (Paris
1866 - id. 1935). Il fonda sa propre fabrique
(1911-1939).
Étienne, fils de Joseph-Emmanuel ( ?
1872 - Paris 1943). Il succède à son père.
Il a fondé la salle Gaveau, en 1908, rue
La Boétie. Ses fils Marcel et André lui ont
succédé. Depuis 1960 la fabrique de pianos est devenue la maison Gaveau-Érard.
GAVEAUX (Pierre), chanteur et compositeur français (Béziers 1761 - Charenton
1825).
D’abord destiné à la carrière ecclésiastique, il étudia la musique avec Franz
Beck à Bordeaux, devint, en 1780, maître
de chapelle au théâtre de cette ville, puis
commença une carrière de ténor qui devait le mener au Théâtre de Monsieur à
Paris en 1789 et à l’Opéra-Comique en
1801. En 1812 se manifestèrent chez lui
les signes d’une aliénation mentale qui
devint totale et définitive en 1819. Comme
compositeur, il écrivit des musiques révolutionnaires, et, dans un style aimable
et charmant, des ballets parmi lesquels
l’Amour à Cythère (1805), des romances, et
surtout des opéras-comiques dont le plus
connu reste Léonore ou l’Amour conjugal
(Paris, 1798), sur un livret de Bouilly que
devaient réutiliser, plus ou moins modifié,
Paer, Simon Mayr et surtout Beethoven.
GAVINIES (Pierre), violoniste et compositeur français (Bordeaux 1728 - Paris
1800).
Fils d’un luthier installé à Paris en 1734,
autodidacte, il se produisit au Concert
spirituel, en 1741, puis surtout de 1748 à
1765, et fut, de 1773 à 1777, avec Gossec
et Leduc l’un des directeurs de cette institution. De 1796 à sa mort, il enseigna le
violon au Conservatoire de Paris. Son jeu
lui valut d’être appelé par Viotti le « Tartini français ». Très grand interprète, il
a notamment composé pour son instrument Six Sonates op. 1 (1760), Six Sonates
op. 3 (1764), Six Concertos op. 4 (1764),
Six Sonates en trio op. 5 (v. 1774) et les 24
Matinées (1800), études dans toutes les tonalités qui, aujourd’hui encore, comptent
parmi les pièces de virtuosité les plus prisées des violonistes.
On lui doit encore l’opéra-comique le
Prétendu op. 2 (1760), des concertos et
des ouvrages de musique de chambre restés manuscrits, des symphonies perdues
et trois sonates posthumes (Berlin, s. d.)
pour violon avec accompagnement de violoncelle dont l’une, en fa mineur, dite Son
tombeau.
GAVOTTE.
Danse française particulièrement gracieuse, généralement à deux temps et de
forme binaire avec reprises.
La gavotte est plutôt gaie, avec ou sans
anacrouse, et construite par multiples
de 4 mesures. Parfois aussi, elle peut
prendre un caractère tendre. Apparue au
XVIe siècle, la gavotte, qui serait issue du
branle, doit son nom à la ville de Gap en
Dauphiné, dont les habitants s’appellent
les Gavots. Très en vogue sous Louis XIV
et Louis XV, elle fait souvent partie de
la suite instrumentale, d’abord chez les
luthistes, puis chez les clavecinistes (L.
Marchand, les Couperin, Rameau). Elle
peut être suivie d’une musette : c’est le
sous-titre de la Gavotte II de J.-S. Bach (3e
Suite anglaise). On la trouve également
dans le ballet de cour, puis dans la tragédie
lyrique où il arrive que le thème de la gavotte soit d’abord l’objet de la danse avant
de recevoir des paroles chantées. Une
autre tendance est celle de la gavotte en
rondeau dont Lully offre un bel exemple
dans son Atys de 1676. Au XIXe siècle, cette
danse retourne au domaine de la danse
campagnarde mais, comme de nos jours,
elle sera quelquefois ressuscitée par les
compositeurs.
GAVOTY (Bernard), critique et musicologue français (Paris 1908 - id. 1981).
Ingénieur agronome, licencié ès lettres, il
fit des études musicales très poussées qui
devaient le conduire au poste d’organiste
titulaire de Saint-Louis-des-Invalides. En
1945, il succéda à Reynaldo Hahn comme
critique musical du Figaro, sous le pseudonyme de Clarendon. En 1948, il publia
Les Français sont-ils musiciens ?, que devaient suivre bien d’autres volumes, dont
plusieurs biographies (Chopin, R. Hahn,
etc.) qui font autorité. Brillant écrivain et
conférencier, Bernard Gavoty a été élu à
l’Académie des beaux-arts en 1975.
GAVRILOV (Andreï), pianiste russe
(Moscou 1955).
Il étudie d’abord avec sa mère, puis avec
T. Kessner et L. Naoumov, et enfin, après
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
404
ses années d’apprentissage au Conservatoire de Moscou, avec S. Richter. En
1974, il remporte le 1er Prix du Concours
Tchaïkovski. Il joue partout les grands
compositeurs russes romantiques et modernes. À la fin des années 80, il fait ses
débuts aux États-Unis et commence à se
produire dans le monde entier. En 1989, il
reçoit le prix international de l’Académie
Chigiana de Sienne.
GAY (John), écrivain anglais (Barnstaple,
Devonshire, 1685 - Londres 1732).
Ami de Pope et de Swift, il écrivit des poésies, huit pièces de théâtre, le livret d’Acis
et Galathée de Haendel (1718), et surtout
trois ballad operas dont le célèbre Beggar’s
Opera (« Opéra du gueux », 1728). Le succès de cet ouvrage le poussa à lui donner
une suite, Polly (1729, création en 1779).
Après sa mort parut encore Achilles in Petticoats (1733).
GAZZANIGA (Giuseppe), compositeur
italien (Vérone 1743 - Crema 1818).
Élève de Porpora et de Piccinni, il écrivit dans les années 1770 plusieurs opéras
pour diverses villes d’Italie. En 1786, son
Il Finto cieco, sur un livret de Da Ponte,
fut représenté à Vienne. Il obtint un grand
succès en février 1787 à Venise avec Don
Giovanni Tenorio o sia Il Convitato di pietra, sur un livret de Bertati qui fut une
des sources d’inspiration de Da Ponte
pour son Don Giovanni mis en musique
la même année par Mozart. Il n’est pas
exclu que ce dernier ait connu la partition
de Gazzaniga. Il existe en effet entre les
deux Don Giovanni, sur le plan musical,
quelques analogies de surface. En outre,
le premier Don Giovanni de Gazzaniga,
le ténor Antonio Baglioni, fut ensuite le
premier Don Ottavio de Mozart (qu’il
ait parlé à celui-ci de l’ouvrage qu’il avait
chanté à Venise est tout à fait plausible).
GAZZELONI (Severino), flûtiste italien
(Roccasecca 1919 - Cassino 1992).
Élève de Tessarini au conservatoire
Sainte-Cécile de Rome, il s’est imposé
dans les années 50, tout en étant flûte solo
de l’Orchestre de la R.A.I., comme l’un des
principaux interprètes d’oeuvres contemporaines. De nombreux compositeurs,
dont Bruno Maderna, ont écrit pour lui
des partitions mettant en valeur les ressources de son instrument, ainsi que sa
prodigieuse technique. Il a enseigné notamment aux cours d’été de Darmstadt.
GEBAUER, famille de musiciens français
d’origine saxonne.
Michel Joseph hautboïste et compositeur (La Fère, Aisne, 1763 - Russie 1812).
Fils d’un militaire, il devint instrumentiste dans la musique des gardes suisses
(1777), altiste à la chapelle royale (1783),
puis instrumentiste à la garde nationale
(1791) et dans divers théâtres. Il enseigna
au Conservatoire (1795-1800), dirigea la
musique de la garde impériale, et disparut
lors de la retraite de Russie. Outre divers
duos, il a laissé environ 200 marches militaires.
François René frère du précédent, bassonniste et compositeur (Versailles 1773 Paris 1845). Élève de son frère et de François Devienne, il fit partie de l’orchestre
de l’Opéra, de 1799-1800 à 1826, ainsi
que de la chapelle impériale puis royale,
et enseigna le basson au Conservatoire de
1795 à 1802, puis de 1824 à 1838. On lui
doit notamment des marches militaires
et, pour basson, treize concertos et une
méthode (v. 1820).
Pierre, Paul frère des précédents, cornistes et compositeur (Versailles 1775 Paris ?). Corniste au Théâtre du Vaudeville, il mourut jeune en laissant vingt
duos pour deux corps.
Étienne François frère des précédents,
flûtiste et compositeur (Versailles 1777 Paris 1823). Il laissa des transcriptions
d’airs d’opéra en duo et une centaine de
pièces pour flûte seule.
Michel Joseph fils du précédent, altiste
et compositeur, a écrit des duos et une
méthode d’alto (1820).
GEBRAUCHSMUSIK (all. : « musique utilitaire »).
Terme inventé dans les années 1920
par Paul Hindemith, apôtre d’une Neue
Sachlichkeit (nouvelle objectivité), pour
désigner des oeuvres à usage en principe
strictement pratique (Construisons une
ville, jeu musical pour enfants).
La démarche fut reprise par des compositeurs comme Milhaud, Weill, Copland.
GÉDALGE (André), compositeur, théoricien et pédagogue français (Paris 1856 Chessy, Seine-et-Marne, 1926).
Son père s’opposant à sa vocation musicale, il fut libraire jusqu’en 1884, date à
laquelle il entra au Conservatoire de Paris
dans la classe d’Ernest Guiraud. En 1885,
il obtint le second grand prix de Rome
avec sa cantate la Vision de Saül. À partir
de 1893, il fut répétiteur au Conservatoire
dans les classes de Guiraud et de Massenet. Le Petit Savoyard, pantomime en 4
actes (1891), a été suivi en 1899 de la première audition de son Concerto pour piano
et de la 3e Symphonie (1910). En 1905, il
devint professeur de contrepoint et de
fugue au Conservatoire de Paris.
Possédant une vaste culture, travailleur
acharné, Gédalge fut un pédagogue de
premier plan. Ses cours furent fréquentés
par Ravel, Rabaud, Enesco, Koechlin, Roger-Ducasse, Milhaud, Honegger, Fl. Schmitt et Ibert. Prenant pour modèles Bach
et Mozart, les grandes lignes de son enseignement ont été le retour à la musique
pure, le goût du contrepoint et l’importance mélodique. Comme compositeur, il
refusa toute concession aux modes, écrivant de la musique instrumentale, quatre
symphonies, des concertos, des chansons
et des mélodies, huit ouvrages pour le
théâtre, dont le ballet Phoebé (Paris, 1900).
Son Traité de la fugue (Paris, 1901) a été un
ouvrage très estimé.
GEDDA (Nicolaï), ténor russo-suédois
(Stockholm 1925).
Né de parents russes établis en Suède, il
débuta à l’Opéra de Stockholm en 1952
dans le Postillon de Longjumeau d’Adam.
Son succès détermina une carrière internationale. Il fut engagé à l’Opéra de
Paris en 1954, chanta au Covent Garden
de Londres en 1955 et au Metropolitan
Opera de New York en 1957. Il interprète
avec une égale aisance les répertoires italien, allemand, français et russe, grâce à
sa connaissance des langues et à sa maîtrise des styles. Son timbre plus velouté
que percutant, sa technique fondée sur
une utilisation de sa voix mixte, évoquent
davantage les grands ténors de la première
moitié du XIXe siècle que la manière héroïque de ceux de l’époque actuelle. Gedda
a su prouver l’efficacité de cette technique
dans les ouvrages les plus différents, depuis Gluck et Mozart jusqu’à Debussy, en
passant par Weber, Bellini, Berlioz, Gounod, Bizet et Moussorgski. Ses nombreux
disques sont des modèles d’interprétations difficiles à surpasser.
GEIRINGER (Karl), musicologue américain d’origine autrichienne (Vienne
1899 - Santa Barbara, Californie, 1989).
Élève de Guido Adler, il a été conservateur des archives, de la bibliothèque et du
musée de la Société des amis et de la musique à Vienne (1930-1938), professeur au
Royal College of Music de Londres (193940), professeur de musicologie à l’université de Boston (1941-1961), et, depuis
1962, directeur des études musicales à
Santa Barbara (université de Californie). il
s’est spécialement intéressé à Bach, Haydn
et Brahms, et a écrit sur ces trois compositeurs plusieurs ouvrages et de nombreux
articles : Joseph Haydn (Potsdam, 1932) ;
Johannes Brahms (Vienne, 1935) ; Haydn,
a Creative Life in Music (New York, 1946,
plusieurs éd. rév. jusqu’en 1982, dont en
all. J. Haydn. Der schöpferische Werdegang
eines Meisters der Klassik, Mayence, 1959) ;
The Bach Family (New York, 1954, trad. fr.
Bach et sa famille, Paris, 1955) ; J. S. Bach,
the Culmination of an Era (New York,
1966, trad. fr., Paris, 1970). Pour son
soixante-dixième anniversaire, il a reçu
le mélange Studies in 18th Century Music
(Londres, 1970).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
405
GELBER (Bruno Leonardo), pianiste ar-
gentin (Buenos Aires 1941).
Ses parents, tous deux musiciens, lui font
étudier le piano à l’âge de trois ans. Trois
ans plus tard il commence à travailler
avec Vincenzo Scaramuzza. À huit ans, il
donne son premier récital à la radio, malgré une année d’immobilité forcée due à
une attaque de polio. En 1956, déjà célèbre
en Argentine, il joue sous la direction de
Lorin Maazel. En 1960, il vient travailler à
Paris et rencontre Marguerite Long, dont
il devient l’élève. Un an plus tard, il remporte le 3e prix du Concours Long-Thibaud. Son répertoire fait une large part
aux oeuvres de Schumann, Beethoven,
Chopin, Schubert, Liszt et Brahms. il s’est
vu décerner le Prix des discophiles et, à
deux reprises, le Grand Prix de l’Académie
Charles-Cros.
GEMINIANI (Francesco), violoniste et
compositeur italien (Lucques 1687 - Dublin, Irlande, 1762).
Après des études à Lucques avec son père,
il travaille à Milan avec C. A. Lonati, puis
à Rome avec Corelli et à Naples avec A.
Scarlatti. Après avoir occupé un poste de
violoniste à Lucques de 1707 à 1710, il
part pour l’Angleterre. De 1733 à 1740,
il est à Dublin où il enseigne et donne des
concerts privés. Au théâtre Drury-Lane de
Londres, il dirige les concerts du Carême
de 1740 à 1749. Dans la capitale anglaise,
il rencontre Haendel et se fait applaudir
comme violoniste. C’est en 1751 qu’il
publie à Londres un traité important, The
Art of Playing on the Violin (rééd. en facsimilé, 1952). Geminiani fait encore divers
séjours à Paris et à Londres, puis se rend à
nouveau en Irlande en 1759.
Compositeur de second plan, il a néanmoins ajouté l’alto au trio traditionnel de
solistes (deux violons et basse) dans le
concerto grosso, genre qu’il a illustré abondamment, ainsi que la sonate. Geminiani,
tout en reprenant les principes formulés
par Corelli, a fait progresser la technique
du violon, notamment en ce qui concerne
le démancher et les doubles-cordes.
GENCER (Leyla), soprano turque (Istanbul 1927).
Elle fait ses débuts à Ankara en 1950 dans
le rôle de Santuzza (Cavalleria rusticana),
puis elle se rend à Milan où elle se perfectionne avec Gianina Arangi-Lombardi qui
lui donne la grande tradition de l’opéra
romantique. Elle chante au San Carlo de
Naples, puis à la Scala de Milan à partir
de 1956. Elle y crée l’année suivante le
Dialogue des carmélites de Francis Poulenc
(rôle de la seconde prieure). Mais bientôt
elle se spécialise dans les opéras de Donizetti, à la renaissance desquels elle a beaucoup contribué. Certains opéras de jeunesse de Verdi (La Battaglia di Legnano,
I due Foscari) lui doivent également des
reprises marquantes, ainsi que des opéras oubliés de Rossini (Elisabetta, regina
d’lnghilterra). Dans le répertoire contemporain, elle a aussi défendu l’Ange de feu
de Prokofiev.
GENDRON (Maurice), violoncelliste et
chef d’orchestre français (Nice 1920 Grez-sur-Loing 1990).
Sa vocation fut partiellement déterminée
par l’exemple des vedettes de la musique
qui se produisaient alors fréquemment
entre Cannes et Monte-Carlo. Premier
prix du Conservatoire de Paris à l’âge de
quatorze ans, il n’a pas attendu d’y être
nommé professeur en 1970 pour former
de nombreux élèves, dont beaucoup occupent aujourd’hui les premiers pupitres
dans des formations mondialement
réputées, telles que l’Orchestre philharmonique de Berlin. Son premier coup
d’éclat fut la création à Londres en 1945,
sous la direction de Benjamin Britten, du
Concerto op. 58 de Prokofiev. Partenaire
habituel de Yehudi et Hephzibah Menuhin, il enseigne aussi à l’école Menuhin
en Angleterre et parcourt le monde non
seulement en qualité de virtuose, mais de
chef d’orchestre, ayant travaillé cette discipline avec Roger Désormière, Hermann
Scherchen et Willem Mengelberg. Parmi
ses nombreux enregistrements figurent
ceux des concertos de Haydn et de Boccherini sous la baguette de Pablo Casals,
qui lui ont valu d’être considéré comme le
dauphin du maître catalan.
GENERALI (Pietro), compositeur italien
(Masserano, Vercelli, 1773 - Novarre
1832).
Avec Mayr et Fioravanti, on peut tenir
Generali pour l’un des meilleurs précurseurs de Rossini, dont il annonça parfois
certaines touches expressives. Ses débuts à
Rome - où il avait étudié - avec Gli Amanti
ridicoli (1800) lui valurent aussitôt une
renommée qui persista longtemps au-delà
des frontières, et ses Baccanali di Roma
(1816) furent joués jusqu’à La Havane.
Une santé précaire qui, plus d’une fois,
l’empêcha de parachever ses partitions
comme il eût fallu, et l’éclatant succès de
Rossini assombrirent son humeur et le
menèrent à Barcelone, puis à Lisbonne,
avant qu’il n’acceptât le poste de maître
de chapelle à Novarre. Excellant dans le
genre comique, habile orchestrateur, il se
distingua tout autant dans l’opera seria et
fut un pédagogue renommé ; il eut notamment pour élève Luigi Ricci. Parmi ses
nombreux succès, on retiendra encore
L’ldolo cinese (1807), La Moglie giudice del
Marito (1809) et surtout Adelina (1810),
ainsi que Attila (1812), la Vestale (1816),
etc. Sur son monument funéraire, on fit
inscrire qu’il avait inventé le procédé du
crescendo.
GENERO CHICO (esp. ; « petit genre »).
Terme désignant un type de zarzuela en
un acte extrêmement populaire en Espagne, et à Madrid en particulier, à la fin
du XIXe et au début du XXe siècle.
il s’agit, en fait, d’une sorte de résurgence de la sainete du XVIIIe siècle, qui
dépeignait les coutumes et les du peuple.
De la même façon, le genero chico est une
espèce de théâtre miniature, satirique la
plupart du temps, et dont les thèmes littéraires sont pris dans le quotidien et la
vie du peuple, et les thèmes musicaux,
dans la tradition folklorique espagnole et,
principalement, madrilène. Les meilleurs
auteurs de pièces de théâtre de l’époque
n’ont pas hésité à écrire des livrets de
genero chico tels, par exemple, Carlos
Fernandez Shaw (qui écrivit également
La Vida breve, mis en musique par M.
de Falla) ou Ricardo de la Vega, auteur,
entre autres, de la Verbena de la Paloma,
qui, sur une musique de T. Breton, eut
un succès retentissant. Parmi les principaux compositeurs de genero chico, citons d’abord Francisco Aranjo Barbieri,
initiateur du renouveau national dans la
musique espagnole, T. Breton, Geronimo
Gimenez, dont El Baile de Luis Alonso
assura la célébrité, José Serrano, auteur
prolifique, et surtout R. Chapi et Federico
Chueca, véritable Strauss madrilène. La
popularité fulgurante du genre se traduisit
par la construction, à Madrid seul, de 11
théâtres réservés à ce type de divertissement. Elle était due, à la fois, au caractère
populaire de la pièce et à l’attention dont
l’ont entourée d’éminents auteurs, mais
aussi à sa courte durée, liée à la tradition
de l’époque du théâtre par « section »
(les établissements vendaient, pour une
somme modique, des billets valables pour
la durée d’un acte seulement).
GENOUILLÈRES.
À l’aide d’une bande de cuir attachée
autour du genou de l’exécutant, celuici pouvait ainsi actionner un système
de genouillères situées sous le clavier de
l’instrument qui lui permettait de changer rapidement de registre sans qu’il ait
besoin d’ôter les mains du clavier. Le célèbre facteur de clavecins français, Pascal
Taskin, au XVIIIe siècle, est généralement
considéré comme l’inventeur de ce système ingénieux. Employées également
sur les premiers pianos, les genouillères
furent peu à peu remplacées par des boutons manuels (comme à l’orgue), puis par
des pédales.
GENRE.
Terme vague, aujourd’hui employé sans
attribution déterminée : on parle du
« genre lyrique » aussi bien que du « genre
variétés » ou du « genre descriptif »,
du « genre symphonie » ou du « genre
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
406
concerto », voire du « genre gai » ou du
« genre ennuyeux ».
Dans la musique grecque antique, par
contre, le mot genre (genos) avait un sens
précis, et désignait le mode de répartition des intervalles entre les bornes fixes
(quarte) du tétracorde. On distinguait 3
genres théoriques : le diatonique, le chromatique et l’enharmonique ; mais par
l’emploi des nuances, ce nombre pouvait
être considérablement accru ; ainsi, Aristoxène dénombre 2 subdivisions du diatonique et 3 du chromatique, ce qui, avec
l’enharmonique, donne 6 formes en tout ;
encore précise-t-il que cette liste n’est absolument pas limitative.
GEOFFRAY (César), chef de chorale, pédagogue et compositeur français (Lyon
1901 - Soucieu-en-Jarrest, Rhône, 1972).
Il fut, à Lyon, élève de Florent Schmitt.
Frappé par l’indigence de l’enseignement
de la musique dans les écoles françaises,
il entreprit de remédier de son mieux à
cette carence en amenant la jeunesse à la
musique vivante par la pratique du chant
en commun. En 1938, il fut nommé professeur d’harmonie au conservatoire de
Lyon et le resta jusqu’en 1944. Après la
guerre, il se consacra à l’organisation de
chorales au sein de différentes formations
du scoutisme français et fonda en 1947 le
mouvement choral international À coeur
joie, dont il resta le président jusqu’à sa
mort. De 1945 à 1966, il fut instructeur
du chant choral à l’Éducation nationale.
Outre quelques pièces pour piano et pour
orgue et deux poèmes symphoniques (les
Offrandes, 1925 ; Au bon soleil, 1926), son
oeuvre est essentiellement vocale, profane ou religieuse. Il a composé près de
500 choeurs à l’intention des ensembles
À coeur joie.
GÉRARD (Yves), musicologue français
(Châlons-sur-Marne 1932).
Il a fait des études de philosophie à l’université de Nancy, des études de musique
au conservatoire de Nancy (piano et
solfège, premier prix en 1953), puis au
Conservatoire de Paris dans les classes
de N. Dufourcq (histoire de la musique,
premier prix en 1956) et de Roland-Manuel (esthétique, premier prix en 1958).
Il a effectué des travaux sur Boccherini
(Thematic, Bibliographical and Critical
Catalogue of the Works of Luigi Boccherini,
Londres, 1969), sur Saint-Saëns et sur la
correspondance de Berlioz (participation
à l’édition de sa Correspondance générale).
En 1975, il a succédé à N. Dufourcq à la
tête des classes d’histoire de la musique et
de musicologie du Conservatoire de Paris,
et, depuis la même année, il est professeur
invité de l’université Laval de Québec. Il
a travaillé à Vancouver (1984-1986) et à
l’université du Maryland (depuis 1987) et
a publié en 1991 Saint-Saëns : Regards sur
mes contemporains.
GERBER (Ernst Ludwig), musicologue allemand (Sondershausen 1746 - id. 1819).
Il succéda à son père, Heinrich Nikolaus
(1702-1775), qui avait été l’élève de J.-S.
Bach, dans les fonctions d’organiste et de
secrétaire de la cour de Sondershausen.
Érudit et collectionneur (son importante
bibliothèque fut acquise par la Société des
amis de la musique à Vienne), il a publié
des dictionnaires qui contiennent de précieuses indications iconographiques et un
essai de bibliographie des ouvrages imprimés de Haydn (1792).
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Historisch-biographisches Lexicon der
Tonkünstler (2 vol., Leipzig, 1790-1792) ;
Neues historisch-biographisches Lexicon der
Tonkünstler (4 vol., Leipzig, 1812-1814,
traduit en français par F.J.M. Fayolle sous
le titre de Dictionnaire historique des musiciens, Paris, 1810-11, 1817).
GERBERT (Martin, baron de Hornau),
musicologue allemand (Hornau, près de
Horb-sur-Neckar, 1720 - Saint-Blasien
1793).
Prêtre (1744), professeur de théologie et
prince-abbé du monastère de Saint-Blasien (1764), il recueillit des manuscrits
anciens en Allemagne, en France et en Italie, et, après lui avoir rendu visite (1761),
correspondit avec le padre Martini jusqu’à
la mort de ce dernier. Ses écrits comptent
parmi les sources les plus précieuses pour
l’étude de l’histoire de la musique, en particulier du Moyen Âge.
GERHARD (Roberto), compositeur espagnol d’origine suisse (Valls, Catalogne,
1896 - Cambridge 1970).
Élève de Pedrell et de Granados en Espagne, puis de Schönberg à Vienne et à
Berlin (1923-1928), il se fixa à Barcelone
avant d’émigrer en Angleterre en 1939. Les
oeuvres principales de sa première période
sont deux ballets, Don Quixote (1940-41)
et Pandora (1943-44), l’opéra The Duenna
d’après Sheridan (1945-1947), non représenté et non publié, et surtout le Concerto
pour violon (1950). Il développa ensuite
une conception originale, fondée en particulier sur les rythmes, de l’esprit sériel,
avec notamment le Quatuor à cordes no 1
(1950-51) et la Symphonie no 1 (1952-53).
Suivirent notamment la Symphonie no 2
(1957-1959), qu’il devait réviser partiellement à la fin de sa vie sous le titre de Métamorphoses, la Symphonie no 3 dite Collage,
avec bande magnétique (1960), et la cantate The Plague (« la Peste »), d’après Albert
Camus (1963-64). Cette période sérielle,
qui fait de lui un des plus éminents parmi
les disciples de Schönberg, culmina avec le
Concerto pour orchestre (1965) et la Symphonie no 4 (1967). Citons encore un Quatuor à cordes no 2 (1960-1962) et, comme
oeuvres écrites pour petit ensemble, Libra
pour 6 instrumentistes (1968) et Leo pour
10 instrumentistes (1969). Il laissa inachevée une Symphonie no 5.
GERINGAS (David), violoncelliste lithuanien (Vilnius 1946).
Enfant prodige, il n’entre pourtant qu’à
l’âge de dix-sept ans au Conservatoire de
Moscou, où il étudie avec M. Rostropovitch. En 1969, il remporte le 1er prix du
Concours de Bakou et en 1970 celui du
Concours Tchaïkovski. Après plusieurs
tournées en Occident, il s’installe en 1976
en R.F.A., est engagé comme violoncelle
solo dans l’orchestre symphonique du
NDR et enseigne au Conservatoire de
Hambourg. Il a fondé le trio Geringas,
avec l’altiste Vladimir Mendelssohn et le
violoncelliste Emile Klein. Dans cette formation, il joue du baryton. Il a enregistré
des trios avec baryton de Haydn et l’intégrale des concertos pour violoncelle de
Boccherini (trois disques couronnés par
l’Académie Charles-Cros).
GERLE (Hans), luthiste et facteur de
luths allemand ( ? fin XVe s. ou début XVIe Nuremberg 1570).
On sait peu de chose de ce bourgeois, issu
d’une famille de facteurs d’instruments
installée à Nuremberg. Son intérêt ne réside pas dans ses compositions originales
pour le luth (quelques Préludes), mais dans
les indications précieuses qu’il fournit sur
les montages, les modes de jeu et ornementations des luths (et aussi des violes
de gambe et des violes sans frette), comme
en témoignent ses ouvrages Musica Teusch
(1532) et Tablatur auf die Laudten (1533).
Ses transcriptions de pièces vocales indiquent son désir d’élargir le répertoire
du luth (lieder allemands, chansons françaises). Il a développé la technique du luth
(doubles cordes à l’unisson, notes répétées
et jeu brisé). Ses oeuvres ont donné lieu
à un travail important : la transcription
automatique de ses tablatures pour luth
par le groupe E.R.A.T.T.O. du C.N.R.S.
publiée par la S.F.M. (Paris, 1974).
GERLIN (Ruggero), claveciniste italien
(Venise 1899 - Paris 1983).
Diplômé comme pianiste du conservatoire
de Milan, Ruggero Gerlin s’est fixé définitivement à Paris après avoir découvert le
clavecin grâce à Wanda Landowska, dont
il fut pendant vingt ans le disciple et le partenaire. Enseignant à son tour au conservatoire San Pietro a Majella de Naples et à
l’académie Chigiana de Sienne, il a formé
de très nombreux élèves tout en menant
une longue carrière de concertiste international, seul ou avec orchestre, faisant
apprécier une éblouissante virtuosité qui
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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n’exclut nullement le sens poétique. On
lui doit, outre ses enregistrements sanctionnés en 1949 et 1965 par le grand prix
du Disque, une édition intégrale, publiée
en 1943, des toccatas d’Alessandro Scarlatti et des sonates de Benedetto Marcello
et Gianbattista Grazioli.
GEROLD (Théodore), musicologue français (Strasbourg 1866 - Allenwiller, BasRhin, 1956).
Après avoir étudié la théologie à l’université de Strasbourg et le chant à Francfort-sur le-Main et à Paris, il soutint, en
1910, une thèse de doctorat sur le chant
français au XVIIe siècle. Il a enseigné l’histoire de la musique aux universités de Bâle
et Strasbourg, et s’est fait connaître par
ses ouvrages sur le chant en France au
XVIIe siècle et la musique du Moyen Âge.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Clément Marot, les Psaumes avec leurs mélodies (Strasbourg, 1919) ; l’Art du chant en
France au XVIIe siècle (Strasbourg, 1921) ;
les Pères de l’Église et la Musique (Paris,
1931) ; la Musique au Moyen Âge (Paris,
1932) ; Histoire de la musique des origines à
la fin du XIVe siècle (Paris, 1936).
GERSHWIN (George), compositeur américain d’origine russe (New York 1898 Hollywood 1937).
Pianiste éblouissant, il dut sa première
gloire à un exceptionnel don de mélodiste
qui l’amena (notamment en collaboration
avec son frère Ira Gershwin) à composer
quelque 500 « songs » qui tiennent de la
mélodie européenne, de l’air d’opérette,
de la rengaine anglo-saxonne et du jazz
tout en manifestant une personnalité
entre toutes reconnaissable malgré un
confondant pouvoir de renouvellement.
La qualité « classique » de cette production est attestée par le fait que les chansons des frères Gershwin sont toujours
au répertoire des chanteurs actuels et que
leurs thèmes ont été très largement adoptés par le jazz (I got rhythm, Lady be good,
Do it again, Fascinating Rhythm, The man
I love, Embraceable you, Someone to watch
over me, etc.).
Conscient de cette noblesse conférée à la
chanson, Gershwin, tout en continuant de
produire des shows pour Broadway (manières d’opérettes liées à l’actualité et où
ces songs peuvent être repris de succès antérieurs s’ils sont en situation), évolua vers
une forme de musique plus ambitieuse,
rejoignant la tradition « classique « :
Rhapsody in blue (1924), Concerto en « fa »
(1925), Un Américain à Paris (poème
symphonique, 1928), Seconde Rhapsodie
(1931), Ouverture cubaine (1932), Variations sur « I got rhythm » (1934). Cet effort
de synthèse devait trouver son expression
définitive dans son chef-d’oeuvre, l’un des
plus grands opéras du répertoire : Porgy
and Bess (1935). Lors de l’avènement du
cinéma parlant, Gershwin fut évidemment
sollicité par Hollywood, mais ne participa
de son vivant qu’à trois réalisations : Delicious (1931), Shall we dance (1936-37) et
Damsel in distress (1937), avant d’inspirer,
à son tour, un très grand nombre de films
reprenant ses shows de Broadway, incluant
une ou plusieurs de ses chansons, voire de
ses partitions symphoniques (Un Américain à Paris, 1951), et contant sa vie (The
man I love, 1946), ou restituant son opéra
(Porgy and Bess, réalisation Otto Preminger, 1959). Gershwin est demeuré si actuel
et reste si profondément symbolique de
l’Amérique de l’entre-deux-guerres qu’un
Woody Allen fait encore appel à sa musique pour évoquer un certain rêve américain (Manhattan, 1978).
GERTLER (André), violoniste hongrois
naturalisé belge (Budapest 1907).
De 1914 à 1925, il est à l’Académie de
Budapest élève d’Hubay en violon et de
Kodaly en composition. Ami de Bartók, il
devient son partenaire dans de nombreux
récitals pour piano et violon, dès 1925
et jusqu’en 1938. En 1928, cependant, il
s’installe en Belgique, et fonde en 1931
le Quatuor Gertler, en activité pendant
vingt ans. Grand interprète de la musique
de son temps, il joue le Concerto de Berg
cent cinquante fois en public et, en 1945,
donne la première audition européenne de
la Sonate pour violon seul de Bartók. Avec
son quatuor, il joue également les oeuvres
d’Honegger. Professeur au Conservatoire
de Bruxelles dès 1940, il enseigne entre
1945 et 1959 à la Hochschule für Musik de
Cologne, puis à Hanovre de 1964 à 1978.
GERVAIS (Charles-Hubert), compositeur
français (Paris 1671 - id. 1744).
Il semble qu’il ait accompli toute sa carrière à Paris et à Versailles. En 1697, il
fait représenter, à l’Académie royale de
musique, une tragédie lyrique, Méduse,
sur un livret de l’abbé Boyer. En 1700, il
devient le surintendant et maître de musique du duc d’Orléans. Sa carrière bénéficie alors de la protection de ce prince,
grand amateur de musique et compositeur
lui-même. Gervais publie un recueil de six
Cantates françoises (Ballard, 1712) et, en
1716 (peut-être en collaboration avec le
régent), écrit une nouvelle tragédie, Hypermnestre, qui va être reprise jusqu’en
1765. Il compose ensuite un ballet intitulé Amours de Protée (1720). En 1723,
Delalande décide de céder trois des quatre
quartiers de la Chapelle royale et nomme
Ch.-H. Gervais (sans doute appuyé par le
régent) au dernier (oct.-déc.). De cette activité nouvelle naissent un grand nombre
de motets versaillais, pour la plupart à 6
voix avec 4 instruments concertants, et
conservés en manuscrit. Ami de Campra
et de Desmarets, Ch.-H. Gervais possède
un style élégant, mélodieux et original,
influencé, certes, par le maître aixois, mais
capable d’émouvoir et non dépourvu de
saveur harmonique. Son talent est très caractéristique de la détente dans les qui se
produit en France après la mort de Louis
XIV.
GERVAISE (Claude), instrumentiste et
compositeur français (XVIe s.).
On ne sait rien de sa vie, sinon qu’il vécut
à Paris vers 1550, et qu’il fut probablement joueur de viole, puisqu’il a laissé
deux livres de pièces pour cet instrument,
malheureusement perdus. De 1550 à 1557,
Pierre Attaingnant puis sa veuve éditèrent
sous son nom six livres de Danceries
(branles, pavanes, gaillardes). Beaucoup
de ces pièces ne sont que des adaptations
pour les instruments de chansons polyphoniques de l’école parisienne (Janequin,
Certon). En 1556, Claude Gervaise signa
un autre livre contenant « XXVI chansons
musicalles a troys parties... » (Attaingnant).
65 danses ont été rééditées par les soins de
Henry Expert (Expert Maître XXIII, 1908).
GESUALDO (Don Carlo, prince de Venosa), compositeur italien (Naples v.
1560 - Avellino 1613 ?).
Issu d’une des familles les plus nobles et
les plus anciennes du royaume des DeuxSiciles, il comptait parmi ses oncles le
cardinal Carlo Borromeo dont la protection lui fut d’un grand secours tout au
long d’une vie d’excès. Son père, compositeur amateur, fonda une académie
musicale pour qu’il pût développer ses
dons précoces. Il jouait du luth, chantait
et composait. G. de Macque, Bartolomeo
Roy et Pomponio Nenna firent partie de
cette académie qui allait bientôt rivaliser
avec celle, plus célèbre, du comte Bardi
à Florence. Nenna fut sans doute d’ailleurs le principal maître de Gesualdo et
lui enseigna l’art du madrigal. En 1578,
Torquato Tasso fut admis à l’académie.
Les deux premiers livres de madrigaux
de Gesualdo mettent très souvent en
musique des textes de ce grand poète. En
1586, Gesualdo épousa sa cousine Donna
Maria d’Avalos, femme très belle, dont
c’était le troisième mariage. Cette union
ne fut guère heureuse : Gesualdo délaissa
très vite sa femme qui reporta son affection sur le duc d’Andria. En 1590, découvrant son déshonneur, il fit poignarder les
deux amants en sa présence. Redoutant la
vengeance des familles, il se réfugia dans
son château de Gesualdo et s’y prépara à
l’éventualité d’un siège. Doutant de tout,
même de la légitimité de son fils, il le fit
étouffer. Grâce à son oncle, il put signer
un contrat de fiançailles avec Eleonora
d’Este, fille d’Alfonso d’Este, duc de Ferrare (1593). Ce second mariage fut encore
plus houleux. La famille d’Este s’acharna
à faire divorcer Eleonora, qui s’y opposait et réussit à ramener son époux dans le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
408
sein de l’Église. Gesualdo composa alors
de la musique religieuse, dont un livre de
répons pour l’office de ténèbres. Dans ces
oeuvres, on note pour thème premier celui
de la mort avec, en contre-chant, la parole
du décalogue : « Tu ne tueras point. »
L’oeuvre de Gesualdo comprend deux
parties distinctes : la musique profane et
la musique religieuse, chacune correspondant à une époque déterminée. En 1958
fut découvert le manuscrit d’un recueil
de dix Gagliarde a 4 per suonare le viole et
d’une Sinfonia a quattro antiche qui, avec
une pièce de clavecin que possède le British Museum, constitue sa contribution à
la musique instrumentale.
Cette oeuvre est le reflet, avec l’audace
d’expression d’un musicien attaché à la
Renaissance mais qui annonce à plusieurs
égards l’époque baroque, des excès d’une
vie étonnante. À la lecture de ses six livres
de madrigaux à 5 voix (un autre est à 6
voix), on découvre le cheminement d’un
compositeur « révolutionnaire », en ce
sens qu’il tente l’expérience d’un langage
totalement nouveau et libre de toutes
contraintes. Quant à l’expression, elle atteint souvent une intensité angoissée, voisine de la violence, soit dans la sensualité
de ses madrigaux exploitant au maximum
chaque occasion offerte par le texte (par
exemple, Moro lasso al mio duolo), soit
dans la contrition, le recueillement qui
sont l’essence de la musique religieuse. Si
on a pu qualifier Gesualdo de « génie hors
pair », c’est qu’il a su allier une écriture
d’une grande richesse contrapuntique à
des recherches d’harmonie, où le chromatisme et les retards (parfois non résolus) conduisent à des dissonances fort en
avance pour l’époque.
GEVAERT (François-Auguste, baron),
compositeur et musicologue belge
(Hyusse 1828 - Bruxelles 1908).
Fils de boulanger, élevé dans un millieu
paysan, il montra des dispositions musicales précoces. En 1841, son père l’envoya
à Gand étudier auprès du compositeur Jan
Mengal, qui dirigeait alors le conservatoire. Prix de Rome en 1847, Gevaert fit
représenter son premier ouvrage lyrique,
Hugues de Zomerghem, sans grand succès,
et partit pour l’Italie en 1849. Il visita aussi
l’Espagne où il composa une Fantaisie sur
des motifs espagnols, et l’Allemagne, avant
de s’installer à Paris en 1853. Il y vécut
jusqu’en 1870, composant une dizaine
d’opéras, dont Quentin Durward (1858)
fut le mieux réussi, une cantate, Jacob
Van Artevelde, des choeurs, un Te Deum,
un Quatuor à vents et des récitatifs pour
le Fidelio de Beethoven, lors de sa représentation à Paris en 1860. Mais il s’occupait déjà de pédagogie et publia en 1863
un Traité général d’instrumentation. En
1867-1870, il fut directeur de la musique
à l’Opéra de Paris, faisant représenter
notamment Hamlet d’Ambroise Thomas,
le ballet Coppélia de Delibes, et favorisant
l’entrée au répertoire du Faust de Gounod
en 1869. L’Opéra ayant fermé ses portes
lors du siège de Paris, Gevaert retourna en
Belgique. En 1872, il fut nommé directeur
du conservatoire de Bruxelles, succédant à
Fétis. Abandonnant alors presque totalement la composition, il se consacra à l’enseignement et à la musicologie. L’année
de sa mort, il écrivit cependant l’hymne
national du Congo, Vers l’avenir, sur
commande du roi Léopold II. Mais il fut
surtout l’auteur du Nouveau Traité d’instrumentation (1885), du Cours méthodique
d’orchestration (1890), et du Traité d’harmonie théorique et pratique (1905-1907).
Polyglotte, s’étant intéressé aux langues
orientales et à la musique antique, il publia
également trois ouvrages musicologiques
d’une haute érudition : Histoire et Théorie
de la musique de l’Antiquité (Gand, 18751881), la Mélopée antique dans le chant
de l’Église latine (Gand, 1895-1896), et les
Problèmes musicaux d’Aristote en collaboration avec Vollgraff (Gand, 1903). Ces
ouvrages s’ajoutent à l’excellente Méthode
de plain-chant qu’il avait publiée à Paris
en 1856. Il était membre de l’Académie de
Belgique, et reçut en 1907 le titre de baron.
GEWANDHAUS. (allemand pour « maison aux tissus »).
Fondés à Leipzig en 1781 par Johann
Adam Hiller, les concerts du Gewandhaus furent inaugurés le 25 novembre de
cette année-là dans une salle située dans
la partie supérieure du bâtiment. De 1835
à 1847, ils eurent comme chef permanent
Mendelssohn. Parmi ses successeurs, on
peut citer Carl Reinecke (1860-1895),
Arthur Nikisch (1895-1922), Wilhelm
Furtwaengler (1922-1928), Hermann
Abendroth (1934-1945), Vaclav Neumann (1964-1968), Kurt Masur (depuis
1970). Ils virent notamment la création,
au XIXe siècle, du Concerto pour piano no 5
de Beethoven (1811), de la Symphonie no
9 de Schubert (1839), des Symphonies no
1 (1841), no 2 (1846) et no 4 (1841) et du
Concerto pour piano (1846) de Schumann,
de nombreuses oeuvres de Mendelssohn
dont la Symphonie écossaise (1842) et le
Concerto pour violon (1845), du Concerto
pour violon de Brahms (1879), de la Symphonie no 7 de Bruckner (1884).
GHEDALIA (pseudonyme de GHEDALIA
TAZARTES), compositeur français (Paris
1947).
Depuis 1974, il pratique l’« impro-muz « ;
ainsi a-t-il baptisé sa technique de réalisation de bandes magnétiques, par superposition en re-recording de couches successives d’improvisation (surtout vocales,
mais aussi instrumentales), qui prennent
forme au fur et à mesure qu’elles s’accumulent. Il crée, en pur autodidacte et avec
généralement sa propre voix pour unique
source, de fantastiques délires musicaux,
d’une inspiration forte et parfois bouleversante ; citons, entre autres, la Torture
mieux qu’à la radio (1975), Temps réel
(1976), Un sourire inécrasable (1977), la
Couvée du schizophrène (1977), Pauvre
Opéra vécu... (1978). Il présente lui-même
ses musiques en concert avec une partie
vocale supplémentaire faite en direct, des
actions scéniques, des environnements de
diapositives et d’images, etc. Faite avec
peu de moyens, mais avec ce qu’il faut de
talent, de souffle et de sens musical pour
en tirer le meilleur parti, la musique de
Ghedalia est une des révélations des années 70 dans le domaine de l’électroacoustique.
GHEDINI (Giorgio Federico), compositeur et pédagogue italien (Cuneo, Piémont, 1892 - Nervi, près de Gênes, 1965).
Il a fait ses études à Turin et à Bologne,
et enseigné au Liceo musicale de Turin
(v. 1920), puis au conservatoire de Parme
(1938) et à celui de Milan (1941), qu’il
a dirigé de 1951 à 1962. il s’est forgé un
style polyphonique personnel largement
influencé par la musique des anciens
maîtres italiens, cela dès sa Partita (1926)
et son Concerto grosso (1927). Outre de
nombreuses oeuvres orchestrales et de
chambre, on lui doit les opéras Gringoire
(1915, non représenté), Maria d’Alessandria (1937), Re Hassan (1939, rév. 1961),
La Pulce d’oro (1940), Le Baccanti (1948),
Billy Budd (1949) et La Via della croce
(1961), l’oratorio La Messa del Venerdì
santo (1929), et l’opéra radiophonique
Lord Inferno (Prix Italia, 1952, version
scénique L’Ipocrita felice, 1956).
GHERARDELLO DA FIRENZE, compositeur italien ( ? v. 1320-1325 - ? 1362 ou
1363).
Son oeuvre est importante même si la
quantité en est assez réduite. Appartenant à la deuxième génération de musiciens de l’école florentine du Trecento,
comme Niccolo da Perugia, Gherardello
fut l’un des meilleurs et des plus représentatifs. Compositeur de madrigaux (à
ne pas confondre avec le madrigal du
XVIe siècle), d’une caccia à 3 voix et de
ballate, il composa également deux mouvements de messe (un Gloria et un Agnus
Dei). Musicien savant, il possède un style
d’écriture très typique des préoccupations théoriques florentines de l’époque.
Par exemple, la caccia intitulée Tosto che
l’alba et contenue dans le beau manuscrit
Squarcialupi à Florence prend la forme
d’un canon à deux voix mélismatiques (à
l’unisson) au-dessus d’une teneur en valeurs longues. Le texte évoque les cris des
chasseurs et le son des trompes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
409
GHIAUROV (Nicolaï), basse bulgare (Velingrad 1929).
Il débuta à Sofia en 1955 dans le Barbier de
Séville (rôle de Basile), après des études de
chant à Moscou. Sa carrière internationale
commença en 1958, à la Scala de Milan
où il chanta d’abord le Grand Inquisiteur
dans Don Carlos de Verdi, avant d’aborder
le rôle de Philippe II, dans lequel il allait
triompher partout, notamment à Londres,
Vienne, Paris, New York. Son autre rôle
majeur est celui de Boris Godounov qu’il
incarna, en particulier, au festival de Salzbourg. Sa voix de basse chantante ample
et superbement timbrée est une des plus
spectaculaires qui se puisse entendre.
GHISI (Federico), compositeur et musicologue italien (Shanghai 1901 - Luzerna
San Giovanni 1975).
Élève de Fausto Torrefranca, il a enseigné
à Florence, Pérouse (1945-1974) et Pise
(1963-1970), et s’est surtout consacré à
la musique italienne, et plus particulièrement florentine, du XIVe siècle au début
du XVIIe.
GIARDINI (Felice de), violoniste et compositeur italien (Turin 1716 - Moscou
1796).
Élève de Somis à Turin, il se produisit
en Allemagne et à Paris, puis s’établit en
1750 à Londres, où il mena une longue et
brillante carrière. Retourné en Italie en
1784, il revint à Londres en 1790 comme
entrepreneur d’opéra (son mauvais caractère l’y fit se quereller avec Haydn en 1792).
Il partit pour la Russie vers 1793. Ce grand
interprète laissa, comme compositeur, des
concertos et des sonates pour son instrument, de la musique de chambre diverse
dont des quatuors à cordes ainsi que des
pages vocales, parmi lesquelles l’oratorio
Ruth (1763).
GIARNOVICHI (Giovanni Mane Jarnowick, dit), violoniste et compositeur
italien, sans doute d’origine croate (Palerme ? v. 1735-1745 - Saint-Pétersbourg
1804).
Personnalité excentrique, auteur de
concertos pour violon, il séjourna à
Paris de 1770 à 1779, à Vienne en 1786, à
Londres de 1791 à 1796. Tant dans la capitale française que plus tard dans la capitale
britannique, il fut supplanté par Viotti.
GIBBONS (Orlando), compositeur anglais (Oxford 1583 - Canterbury 1625).
Il est le fils de William et Mary Gibbons.
Son père est l’un des city waits (« musiciens municipaux ») de la ville de Cambridge depuis 1567. Ses frères, Edward,
Ellis et Ferrando, sont également des
musiciens de métier. En 1596, il entre
dans les choeurs de la chapelle de King’s
College. En 1605, il est nommé au poste
prestigieux d’organiste de la chapelle
royale, qu’il conserve toute sa vie. L’année suivante, il est élu Bachelor of Music
de l’université de Cambridge et épouse
Elisabeth Patten, fille d’un officier de la
chapelle royale. L’héritage de son beaupère va plus tard s’ajouter aux revenus
qu’il reçoit pour son poste d’organiste
et aussi comme membre des Musicians
for the virginalls de la Chambre du roi
à partir de 1619. En 1622, il est nommé
Doctor of Music à l’université d’Oxford.
Il succède ensuite à John Parsons comme
organiste de l’abbaye de Westminster (1623). Il ne lui reste alors plus que
deux années à vivre, mais il a l’occasion
d’organiser les solennités musicales des
funérailles de Jacques Ier en avril 1625
et d’en préparer d’autres pour l’arrivée
de la nouvelle reine d’Angleterre, Henriette-Marie de France. Mais il est soudainement frappé d’apoplexie le 5 juin. Il
est enterré dans la cathédrale de Canterbury au moment précis où toute la cour
est assemblée pour célébrer le mariage
de Charles Ier.
L’oeuvre d’Orlando Gibbons, par
sa qualité, peut se comparer à celle de
William Byrd. Comme ce dernier, il se
distingue surtout par sa musique religieuse et par ses pièces pour le clavier,
quelques-unes paraissant dans le recueil
Parthenia (v. 1613). Il a composé environ quarante anthems, mais, contrairement à la plupart de ses contemporains,
il n’écrit pas sur des paroles latines, se
consacrant uniquement au rite anglican.
À l’exception de deux anthems (publiés
dans Teares or Lamentacions of a Sorrowful Soule par W. Leighton, 1614),
aucune de ces oeuvres religieuses n’est
publiée de son vivant. Certaines sont des
verse anthems, écrites dans le style polyphonique pour choeurs, mais avec des
interventions solistes et pourvues d’un
accompagnement pour l’orgue ou pour
les violes ; d’autres sont destinées à des
choeurs seulement comme, par exemple,
l’impressionnant édifice polyphonique
à 8 voix : O clap your hands. Son recueil
Madrigals and Motets of 5. Parts : apt
for Viols and Voyces (1612) contient le
célèbre madrigal d’une simplicité émouvante The Silver Swan, exploitant le
thème du cygne dans la musique, populaire depuis le Moyen Âge. La dernière
pièce, Trust not too much, renferme une
étonnante série de pédales harmoniques
(sweet violets).
La participation de Gibbons aux Cries
of London, aux côtés de Weelkes et Dering, illustre encore un autre aspect de
son talent et appelle la comparaison avec
les Cris de Paris de Cl. Janequin. Dans le
domaine de la musique instrumentale,
en dehors d’un grand nombre de pièces
pour le clavier (Fantasies, Pavans, Galliards), qui témoignent des capacités
techniques de l’un des plus grands virtuoses de l’époque, il a signé des oeuvres
pour le consort (notamment les violes),
dont vingt-huit Fantasies de 2 à 6 parties
(surtout à 3) et cinq In nomine. Neuf de
ces fantaisies sont publiées en 1620.
GIDE (André), écrivain français (Paris
1869 - id. 1951).
Romancier et essayiste, il a tenu, de
1889 à 1949, un journal intime où il est
souvent question de musique. Pianiste
amateur, mais excellent musicien, André
Gide a écrit des Notes sur Chopin (1931,
rév. 1938), dans lesquelles il oppose au
Chopin des jeunes filles et des virtuoses
le poète secret et profond chez qui il
découvre des affinités avec Baudelaire.
Pour Igor Stravinski, André Gide a écrit
en 1933 un mélodrame en trois parties,
Perséphone. Darius Milhaud a mis en
musique des extraits de la Porte étroite
(Alissa, 1913 ; rév. 1931) et le Retour de
l’enfant prodigue (1917). Jean Rivier a
composé en 1931 des tableaux symphoniques inspirés par le Voyage d’Urien.
GIELEN (Michael), compositeur et chef
d’orchestre autrichien d’origine allemande (Dresde 1927).
Il fit ses études à Buenos Aires, où son père
s’était installé en 1939, et débuta comme
assistant au théâtre Colón avant d’occuper
des postes à Vienne, Stockholm, Cologne.
Il a été de 1977 à 1987 directeur musical de
l’Opéra de Francfort et est depuis 1986 directeur musical de l’Orchestre de la radio
de Baden-Baden. Influencé comme compositeur par Schönberg, dont il a introduit
l’oeuvre en Argentine, Gielen a, au cours
de sa brillante carrière de chef d’orchestre,
beaucoup fait pour la musique contemporaine, dirigeant notamment à Cologne le
15 février 1965 la première scénique des
Soldats de Bernd Aloïs Zimmermann.
GIESEKING (Walter), pianiste allemand
(Lyon 1895 - Londres 1956).
Né en France de parents allemands, il ne
fit aucune scolarité et ne commença à travailler professionnellement le piano qu’à
l’âge de seize ans. Après le retour de sa
famille en Allemagne, il entra au conservatoire de Hanovre et étudia pendant cinq
ans avec Karl Leimer. Il se produisit pour
la première fois en public en 1915. Après
la Première Guerre mondiale, au cours
de laquelle il fut mobilisé et joua dans
un orchestre militaire, il entreprit une
activité de concertiste (Berlin, Londres,
Italie, Suisse, États-Unis). Son jeu élégant
et raffiné, sa sonorité transparente firent
de lui un interprète réputé de la musique
française (Debussy et Ravel notamment).
Mais il avait également à son répertoire
Mozart, Beethoven, Schubert, Schumann,
Liszt et Brahms. Il possédait une mémoire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
410
musicale prodigieuse et une technique
naturelle ne nécessitant qu’un minimum
de travail. En 1947, il prit la direction de
la classe de piano au conservatoire de Sarrebruck. Il a publié Modernes Klavierspiel
(1930), en collaboration avec son maître
Leimer, a écrit des articles sur l’interprétation pianistique et a laissé ses Mémoires
So wurde ich Pianist (1963). Il a également
composé des pièces pour piano, des mélodies, de la musique de chambre.
GIGAULT (Nicolas), organiste et compositeur français (Paris v. 1627 - id. 1707).
Il fut organiste à Saint-Honoré (1646),
puis à Saint-Nicolas-des-Champs (1652),
poste qu’il conserva jusqu’à sa mort en le
cumulant avec ceux d’organiste à SaintMartin-des-Champs, puis de l’hôpital
du Saint-Esprit. Possédant chez lui un
orgue et des instruments précieux, ce fut
un bourgeois aisé et respectable, expert
en facture d’orgues et professeur - il fut
probablement, avec Roberday, l’un des
maîtres de Lully. Il a laissé deux recueils
de compositions. Un Livre de musique
dédié à la très Sainte Vierge... (1683)
contient des pièces convenant aussi bien
à l’orgue qu’au clavecin et à divers instruments ; il présente les premiers noëls
à variations de l’école française. Quant au
Livre de musique pour l’orgue (1685), c’est,
avec 184 pièces, le plus important de toute
l’école d’orgue de notre pays. Il comprend
trois messes, de nombreux morceaux
groupés en six séries suivant les tons de
l’Église, un Te Deum en 21 versets, suivi
enfin de quatre pièces du huitième ton. Si
la valeur de toutes ces pièces est inégale,
Gigault n’en présenta pas moins plusieurs
traits originaux et intéressants. C’est ainsi
qu’il fut le premier à écrire pour son ins-
trument en polyphonie à cinq voix ; il
aimait aussi la manière de Frescobaldi ou
celle de Titelouze, qu’il emprunta parfois
dans son contrepoint, et il pratiquait une
harmonie personnelle, émaillée de dissonances inattendues. Toutes ces pièces sont
destinées à l’usage strictement liturgique,
comme en témoignent l’emprunt de nombreux thèmes grégoriens et la concision
de ces commentaires musicaux appelés à
s’insérer dans le déroulement des offices
religieux.
GIGLI (Beniamino), ténor italien (Recanati 1890 - Rome 1957).
En 1914, il obtint le prix au concours
international de Parme. Il débuta la
même année à Rovigo dans Enzo de La
Gioconda de Ponchielli. Quatre ans plus
tard, il incarnait le Faust du Mefistofele de
Boito, sous la direction de Toscanini à la
Scala de Milan. À partir de 1920, il chanta
régulièrement au Metropolitan Opera de
New York où on le considérait comme le
successeur de Caruso. Sa voix, caractéristique de l’école italienne, fut l’une des
plus belles du siècle. Malheureusement,
il ne possédait aucun don d’acteur, et il
commit des erreurs de style en appliquant
les procédés expressifs de l’école vériste
au bel canto, ce qui contribua à la dégénérescence de l’interprétation de l’opéra
romantique italien. En revanche, il excella
dans Puccini, Mascagni, Leoncavallo,
même s’il n’eut pas l’intelligence musicale
de Caruso.
GIGOUT (Eugène), organiste et compositeur français (Nancy 1844 - Paris 1925).
Il fit ses études à la cathédrale de Nancy,
puis à Paris, à l’école Niedermeyer, où il
devint l’un des élèves préférés de SaintSaëns et l’ami de Fauré. En 1863, il fut
nommé organiste titulaire de Saint-Augustin, à Paris, où il demeura jusqu’à sa
mort. À l’école Niedermeyer, il enseigna
l’écriture, le piano et l’orgue, puis il succéda à Guilmant à la classe d’orgue du
Conservatoire (1911), classe où son élève
et disciple Marcel Dupré allait plus tard
lui succéder à son tour. Son oeuvre de
compositeur est immense et tout entière
vouée à l’orgue, qu’il soit de concert ou de
culte (Cent Pièces brèves dans la tonalité du
plain-chant, 1889 ; Album grégorien, 1895 ;
Cent Pièces nouvelles, 1922 ; quelques motets avec orgue, des pièces isolées ; 2 Rhapsodies ; 2 Suites et des Poèmes mystiques).
Plus de six cents pièces sont destinées au
service religieux. Son écriture châtiée respecte les règles du contrepoint classique,
mais, en revanche, sa mélodie se renouvelle au contact du plain-chant grégorien.
GIGUE.
Danse d’origine anglaise ou irlandaise [Jig
ou Gigg(e)].
On retrouve l’étymologie dans le mot
allemand pour l’instrument populaire à
faire danser par excellence (Geige = violon). En vogue en Angleterre à l’époque
élisabéthaine, la gigue se répandit très vite
en France et en Italie (giga). Chez les virginalistes anglais, la gigue pouvait adopter
une mesure binaire ou ternaire (Bull, Farnaby et les maîtres du Fitzwilliam Virginal
Book) et ce fut le cas également chez les
luthistes français (D. Gaultier). Cependant, en France, le rythme allait devenir
généralement pointé et être noté soit à
6/8, soit à 6/4. Le thème est souvent repris
en imitation par les différentes voix et, au
début de la seconde section de la forme
binaire, est présenté sous sa forme renversée. En Italie, le tempo est nettement
plus rapide, mais ni l’imitation ni le renversement ne sont pratiqués. À l’époque
baroque, la gigue est très fréquemment la
pièce finale de la suite instrumentale, par
exemple chez Haendel et J.-S. Bach, dans
leurs suites ou partitas pour le clavecin,
où, en général, le style français est préféré.
Après la mort de Rameau, la mode pour la
gigue semble avoir été dépassée et Rousseau écrivit en 1768 : « L’on n’en fait plus
guère en France. » Néanmoins quelques
exemples réapparurent dans les oeuvres
des compositeurs du XXe siècle.
GILBERT (Anthony), compositeur anglais (Londres 1934).
Élève de M. Seiber et de W. Goehr, influencé par O. Messiaen, il a écrit notamment l’opéra en 1 acte The Scene-Machine, version modernisée de la légende
de Faust (1971), et une symphonie jouée à
Cheltenham en 1973.
GILBERT (Kenneth), claveciniste, organiste et musicologue canadien (Montréal 1931).
Il a étudié au conservatoire de Montréal et
a été l’élève de R. Gerlin (clavecin) et de G.
Litaize (orgue). Professeur à Montréal, à
Ottawa et à Anvers, il a notamment réalisé
des enregistrements des oeuvres complètes
pour clavecin de Couperin et de Rameau,
et édité celles de Couperin et de Domenico Scarlatti.
GILLES (Jean), compositeur français (Tarascon 1668 - Avignon 1705).
Il fait ses études musicales à la maîtrise
d’Aix-en-Provence sous la direction de
Guillaume Poitevin auquel il succède,
en 1693, comme maître de chapelle à la
cathédrale Saint-Sauveur. On le trouve à
Agde (1695), puis, en 1697, à Montpellier où il dirige la musique des états généraux du Languedoc. il s’installe ensuite à
Toulouse, ayant la charge de la maîtrise
de Saint-Étienne. À sa mort, il laisse une
oeuvre de qualité qui a conquis, depuis
longtemps, tout le midi de la France. Il
semble qu’il n’ait écrit que de la musique
religieuse. Le style mélodieux de Jean
Gilles est ensoleillé et italianisant. C’est
ce qu’on peut remarquer particulièrement
dans les motets à voix seule. D’autre part,
il sait aussi bien que Delalande, le grand
maître du motet à grand choeur, illustrer
le genre pratiqué à la chapelle royale de
Versailles (Motets à grand choeur et symphonie). Une oeuvre importante de Gilles,
restée longtemps célèbre, est le Requiem,
écrit probablement à Toulouse et publié
seulement en 1764.
GILLIS (Don), compositeur américain
(Cameron, Missouri, 1912 - Columbia
1978).
Après des études à l’université du Texas, il
a débuté comme trompettiste avant d’être
directeur des programmes musicaux de
la radio de New York, puis professeur
dans différentes universités. Sa musique,
d’approche aisée, aimable et divertissante,
ne comporte aucune recherche particulière de langage et de style. Elle ne se propose que de plaire et d’amuser. Parmi un
catalogue immense, comprenant notamdownloadModeText.vue.download 417 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
411
ment 12 symphonies (dont la Symphonie
no 5 1/2, 1948, dite Symphonie pour rire,
créée par Toscanini), 4 poèmes sympho-
niques et 9 pièces orchestrales avec récitant, 8 opéras et de nombreuses pièces de
musique de chambre, citons l’essai dramatique Let us pray (1973), pour récitant,
choeurs, orchestre, bande et images en
mouvement.
GILSON (Paul), compositeur et pédagogue belge (Bruxelles 1865 - id. 1942).
Élève de l’Athénée de Bruxelles, Paul Gilson termina ses études avec Gevaert avant
d’obtenir le grand prix de Rome (1889). Sa
brillante carrière de pédagogue, à Anvers
puis à Bruxelles, a peut-être fait davantage pour sa réputation que son oeuvre
pourtant solide, vivante et prestigieusement orchestrée, comprenant environ 400
numéros : la Mer et Variations symphoniques (orch.), des opéras (Princesse rayon
de soleil et Gens de mer), la cantate dramatique Francesca de Rimini, des pièces pour
piano (Suite nocturne), la Captive (drame
chorégraphique), etc.
GIMENEZ ou JIMENEZ, VOIRE XIMENEZ, JERONIMO, compositeur espagnol
(Séville 1854 - Madrid 1923).
Il vint à Paris pour étudier au Conservatoire avec Alard, Savard et A. Thomas. Il
fut directeur de théâtre à Madrid, fondateur de l’Union des musiciens espagnols
et animateur de la Société des concerts de
Madrid fondée par Chueca. Il composa
des symphonies, des mélodies et surtout
des zarzuelas d’une verve et d’un souffle
irrésistibles. Il a grandement contribué au
développement du genero chico (musique
théâtrale légère). L’intermezzo des Noces
de Luis Alonzo (1897) est devenu un véritable symbole de la musique populaire
espagnole, au même titre que la Danse du
feu de Manuel de Falla. Parmi ses autres
oeuvres célèbres, il faut citer le Bal de Luis
Alonzo (1896), La Tempranica, « Précocité » (1900), La Torre del Oro (1900), Enseignement libre (1901). Falla reconnaissait
en lui l’un des créateurs de l’école nationale espagnole.
GINASTERA (Alberto), compositeur
et pédagogue argentin (Buenos Aires
1916 - Genève 1983).
Les références au folklore argentin ont
longtemps été sa principale préoccupation, d’abord dans une écriture inspirée
du franckisme (les ballets Estancias et
Panambi), puis dans un style de tonalité
élargie (Sonate pour piano, Variations
concertantes). il s’en est ensuite évadé, au
moins en ce qui concerne l’écriture, allant
désormais de la technique sérielle (à partir
du deuxième quatuor, 1958) au total chromatique et à l’écriture « spatiale » où des
clusters se superposent aux structures de
base, pour évoquer un monde fantastique
et hallucinant où la réalité est recréée par
l’imagination (la Cantata para América
mágica, 1960 ; les opéras Don Rodrigo
[1964], Bomarzo [1967], et Beatrix Cenci
[1971] ; les concertos pour piano et violoncelle, etc.). Professeur au conservatoire
de Buenos Aires, il est, depuis des années,
le principal animateur de la vie musicale
en Argentine et a formé une génération
de compositeurs largement informée
des techniques compositionnelles d’aujourd’hui. Parmi ses dernières oeuvres,
un troisième quatuor à cordes (1973), la
cantate dramatique Milena (1973), l’opéra
Barabbas (1976-77) d’après Ghelderode,
une sonate pour violoncelle et piano
(1979), Jubilum pour orchestre (pour le
quatrième centenaire de Buenos Aires,
1980), un deuxième concerto pour violoncelle (Vienne, 1981), une Symphonie no 2
(Saint-Louis, 1983).
GINDRON (François), compositeur
suisse ( ?, v. 1491 - Lausanne 1564).
Prêtre à la cathédrale de Lausanne et
ayant occupé, par ailleurs, des fonctions
administratives, il fut l’un des meilleurs
compositeurs de son temps pour le motet
et la monodie huguenote. Ses 20 mélodies pour les Proverbes de Salomon et
l’Ecclésiaste traduits par Accace d’Albiac
du Plessis furent publiées par Janequin
(Paris, 1558). Il a lui-même publié 7 motets remarquables à Genève (1555) et écrit
la musique des Psaumes sur des textes de
Marot et Théodore de Bèze, en utilisant les
modes anciens et dans des harmonisations
à 4 ou 5 voix.
GINEZ PEREZ (Juan), compositeur espagnol, (Orihuela 1548 - ? v. 1612).
Maître de chapelle à Orihuela, puis à
Valence, Ginez Perez est le fondateur de
l’école valencienne de musique religieuse
dans la pratique traditionnelle des polyphonies à 2, 3 et 4 voix. On connaît de lui
des motets, un magnificat, les Psaumes
113, 114, 119, 120, 129 et 137, des versets
pour l’avent, des vêpres à 4 voix et autres
pièces vocales à 3, 4, 5 et 6 voix, conser-
vés pour la plupart en manuscrit, et que
Pedrell a redécouverts. Il est l’un des plus
grands musiciens de son temps par la
puissance de l’inspiration, l’intensité du
sentiment religieux et la qualité du style.
GIOCOSO. (ital. : « joyeux »).
Terme pouvant indiquer soit l’allure
d’un morceau (allegro giocoso), soit son
caractère général qui peut s’étendre à un
ouvrage entier (Mozart, Don Giovanni,
dramma giocoso).
GIORDANI (Giuseppe), compositeur italien (Naples 1743 - Fermo 1798).
Élève du conservatoire de Naples, il composa de nombreux opéras dont Eppomina
(Florence, 1779). Après sa nomination en
1791 au poste de maître de chapelle de la
cathédrale de Fermo, il se consacra surtout à la musique religieuse. Il fut souvent
confondu avec Tommaso Giordani, avec
lequel il semble n’avoir eu aucun lien de
parenté.
GIORDANI (Tommaso), compositeur italien (Naples v. 1733 - Dublin 1806).
Son père, impresario, chanteur et librettiste, s’installa avec ses enfants en
Grande-Bretagne en 1753. À Londres,
Tommaso donna en 1756 l’opéra La
Commediante fatta cantatrice. On le
retrouve en 1764 à Dublin, où fut représenté en 1767 Phyllis at Court. De 1768 à
1783, il séjourna de nouveau à Londres,
paraissant notamment au King’s Theatre. En 1783, il ouvrit avec le chanteur
Leoni un théâtre d’opéra à Chapel Street
à Dublin, mais cette entreprise échoua,
et après son mariage en 1784, il se consacra surtout à l’enseignement. Il écrivit
en 1789 un Te Deum pour la guérison
du roi George III, et son dernier opéra,
The Cottage Festival, fut représenté
en 1796. On lui doit une cinquantaine
d’opéras et beaucoup de musique instrumentale (sonates, concertos).
GIORDANO (Umberto), compositeur italien (Foggia 1867 - Milan 1948).
Il fut, avec Mascagni et Leoncavallo, l’auteur le plus significatif du mouvement vériste ( ! VÉRISME). Après de solides études
accomplies à Naples, il se fit remarquer
avec Marina (1888) et Mala vita (1892),
devenue en 1897 Il Voto, puis avec Regina
Diaz (1894), mais ne connut véritablement la gloire qu’en 1896 avec André Chénier, créé à la Scala de Milan, et où, tout
en démarquant parfois la récente Manon
Lescaut de Puccini, il faisait preuve d’un
sens inné du théâtre, offrant en outre au
ténor un rôle de grand relief. C’est au
contraire pour la grande actrice et chanteuse Gemma Bellincioni qu’il écrivit en
1898 Fedora, d’après Sardou, oeuvre qui
révéla Caruso.
C’est probablement parce qu’il tenta
d’échapper à l’image de marque que lui
avaient imprimée les succès d’André
Chénier et de Fedora que Giordano ne
retrouva plus tout à fait la même faveur
avec Siberia (1903), Marcella (1907), Mese
Mariano (1910), Madame Sans-Gêne,
d’après Sardou (New York, 1915), Giove a
Pompei (en collaboration avec Franchetti,
1921), ni avec La Cena delle beffe (1924) et
Il Re (1929), opéras où se révèle un soin
tout à fait nouveau apporté à la partie
orchestrale.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
412
GIOVANNELLI (RUGGERO, ou RUGGIERO GIOVANELLI), compositeur
italien (Velletri, près de Rome, v. 1560 Rome 1625).
Il est d’abord maître de chapelle à l’église
San Luigi dei Francesi à Rome (15831591), puis à la Chiesa dell’Anima du
Collegium germanicum. Il est peut-être
élève de Palestrina, dont il prend la succession à Saint-Pierre en 1594, et il entre
à la chapelle Sixtine en 1599, où il reste
jusqu’en 1624. Ses motets, madrigaux et
villanelles ont, seuls, été publiés, mais il
est également l’auteur d’un grand nombre
de pièces religieuses (messes, psaumes,
motets).
GIOVANNI DA CASCIA (Johannes de
Florentia), compositeur italien (XIVe s.).
Il appartient, comme Jacopo da Bologna,
à la première génération de musiciens
du Trecento. Né près de Florence, il est
d’abord organiste à Santa Maria del Fiore
avant de s’installer à Vérone à la cour de
Mastino della Scala. Les renseignements
sur sa vie sont très rares, mais il est pos-
sible qu’il ait vécu quelque temps à Milan.
Son oeuvre a fait l’objet d’une édition
moderne, due à N. Pirotta, in The Music
of 14th Century in Italy : (American Institute of Musicology, 1954). Elle comporte
16 madrigaux (à ne pas confondre avec
le genre du XVIe s.) à 2 voix et 3 caccie.
Dans les madrigaux, les deux voix (cantus et ténor) sont pourvues de texte, et les
mélismes se trouvent surtout au début et à
la fin de chaque vers.
GIRAUDEAU (Jean), ténor français (Toulon 1916 - id. 1995).
Il étudie le violoncelle et le chant au
Conservatoire de Toulon où ses parents
sont professeurs. En 1942, il fait ses débuts
à l’Opéra de Montpellier avant de devenir,
jusqu’en 1947, pensionnaire des Théâtres
lyriques. À ce titre, il chante sur la plupart
des scènes provinciales avant de faire ses
débuts en 1947 à l’Opéra-Comique puis à
l’Opéra de Paris, où il se produira jusqu’en
1968. Possédant plus de cent rôles du répertoire, il crée aussi de nombreux opéras contemporains, de Milhaud, Jolivet,
Rabaud, Rosenthal et Tomasi. Il participe
aux premières françaises de l’Ange de feu et
du Joueur de Prokofiev, de Souvenirs de la
maison des morts de Janáček, et incarne un
Chouïski magistral dans Boris Godounov,
dès 1949. Nommé professeur au Conservatoire de Paris en 1955, il enseigne également à l’École normale puis, en 1968,
devient maître des études vocales de la
Réunion des théâtres lyriques de France et
directeur de l’Opéra-Comique.
GIRDLESTONE (Cuthbert Morton), musicologue anglais (Bovey-Tracey, Devonshire, 1895 - Saint-Cloud 1975).
Il fit ses études à l’université de Cambridge
et à la Sorbonne. Il enseigna la littérature
française de 1926 à 1960 au King’s College
à Newcastle-on-Tyne et à l’université de
Durham. Ses recherches sur la musique
sont consacrées au XVIIIe siècle. Il a collaboré à plusieurs publications collectives et
revues spécialisées, dont Recherches sur
la musique française classique et la Revue
de musicologie, et il a traduit le Traité des
agréments de Tartini (1961).
PUBLICATIONS :
Jean-Philippe Rameau, his Life and Work
(Londres, 1957 ; rév. en 1969 ; trad. française, Paris, 1962) ; Mozart et ses Concertos
pour piano (Paris, 1939 ; rééd., 1953).
GIROUST (François), compositeur français (Paris 1738 - Versailles 1799).
Formé à Notre-Dame de Paris, maître
de chapelle de la cathédrale d’Orléans
(1756), lauréat du Concert spirituel pour
son motet Super flumina Babylonis (1768),
maître de chapelle des Saints-Innocents
(1769), il écrivit pour le sacre de Louis
XVI, à la chapelle duquel il passa en 1775,
la messe Gaudete in Domino semper. Après
avoir été surintendant de la musique du
roi (1782-1792), il écrivit durant la Révolution plusieurs pièces patriotiques (Chant
pour la fondation de la République).
GITLIS (Ivry), violoniste israélien (Haïfa
1922).
Premier Prix du Conservatoire de Paris
à douze ans, il poursuit ses études avec
Enesco, Thibaud et Carl Flesch, mais doit
se réfugier à Londres pendant la guerre.
Le public lui fait un triomphe au concours
Thibaud-Long de 1951, qui décide de sa
carrière internationale. Une fougue irrésistible caractérise le style de ce virtuose,
fondateur en 1972 du festival de Vence,
où ses dons d’animateur permettent aux
musiciens de s’exprimer dans la plus complète liberté.
GIULIANI (Mauro), guitariste et compositeur italien (Bisceglie, près de Bari,
1781-Naples 1829).
Il quitta l’Italie en 1807 pour Vienne,
dont il fit rapidement la conquête comme
concertiste, professeur et compositeur, et
où il séjourna jusqu’en 1819. il s’installa
ensuite à Naples après une tournée à travers l’Europe. On lui doit pour son instrument, traité soit en soliste, soit combiné
avec d’autres musiciens (deux guitares,
musique de chambre, concertos), plus de
deux cents oeuvres écrites sous le signe
d’une brillante virtuosité.
GIULINI (Carlo Maria), chef d’orchestre
italien (Barletta 1914).
Élève à Rome de Remy Principe (alto),
d’Alessandro Bustini (composition) et de
Bernardo Molinari (direction d’orchestre),
il fit ses débuts de chef dans cette ville en
1944, et devint en 1946 directeur musical
de la radio italienne, donnant notamment
plusieurs opéras peu connus d’Alessandro
Scarlatti. En 1950, il devint chef à la radio
de Milan, et fit ses débuts au théâtre lyrique avec La Traviata de Verdi. En 1951,
une exécution en studio d’Il Mondo della
luna de Haydn attira sur lui l’attention
d’Arturo Toscanini et de Vittorio de Sabata, à qui il succéda en 1953 comme chef
principal à la Scala de Milan. Il occupa
ce poste jusqu’en 1956. Il dirigea à cette
époque au Mai musical florentin ainsi
qu’aux festivals de Hollande et d’Aix-enProvence (Iphigénie en Tauride de Gluck,
Il Mondo della luna de Haydn). Dans le
domaine symphonique, il n’élargit son
répertoire qu’avec prudence, n’abordant,
par exemple, les symphonies de Beethoven
que dans les années 60. Il est devenu également un grand interprète de Bruckner,
Brahms et Mahler. Au théâtre, il travailla
notamment avec Maria Callas et avec de
très grands metteurs en scène. Après des
représentations de La Traviata à Londres
en 1967, il décida de ne se consacrer pour
un temps qu’à la musique symphonique :
il ne devait revenir à la scène lyrique qu’en
avril 1982, avec huit représentations de
Falstaff à Los Angeles. Devenu principal
chef invité de l’Orchestre symphonique
de Chicago en 1969, il a été chef principal
de l’Orchestre symphonique de Vienne de
1973 à 1976, et, de 1978 à 1984, comme
successeur de Zubin Mehta, chef principal
de la Philharmonie de Los Angeles. Artiste
raffiné, il possède une sensualité typiquement italienne mais toujours parfaitement
dominée. Au disque, il a signé notamment
trois versions de référence d’ouvrages lyriques : Don Giovanni de Mozart en 1960,
Don Carlos de Verdi en 1971 et Rigoletto
de Verdi en 1979.
GIURANNA (Bruno), altiste et chef d’orchestre italien (Milan 1933).
Sa mère, Barbara, pianiste professionnelle,
encourage ses débuts. Il étudie le violon
et l’alto à l’Académie Sainte-Cécile de
Rome, et décide d’apprendre également
la viole d’amour. Cette particularité le fait
remarquer rapidement, et il se consacre à
la musique de chambre baroque et classique. En 1951, il est parmi les membres
fondateurs d’I Musici, et crée le Trio à
cordes italien. De 1961 à 1972, il enseigne
dans les plus prestigieuses institutions italiennes, à Milan, Rome et Sienne. De 1969
à 1972, il est professeur à la Hochschule de
Detmold, et, depuis 1983, à celle de Berlin. Entre 1978 et 1980, il est l’altiste du
Quatuor Vegh, et se tourne vers la direc-
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
413
tion d’orchestre où il est un mozartien reconnu. Depuis 1983, il dirige l’Orchestre
de chambre de Padoue.
GIUSTINI (Luigi ou Ludovico), claveciniste et compositeur italien (Pistoia
1685 - id 1743).
De nos jours, on se souvient de lui pour
avoir publié des Sonate da cimbalo di piano
e forte detto volgarmente di martelletti op. 1
(Florence, 1732), c’est-à-dire des sonates
destinées à être interprétées sur le nouvel
instrument de Bartolomeo Cristofori paru
en 1698.
GIUSTO (ital. : « juste »).
Terme qui indique le mouvement juste
(tempo giusto) d’un morceau, c’est-à-dire
strictement en mesure et dans le mouvement exact, généralement un mouvement
modéré.
GLAREAN (Glareanus, Heinrich Loris,
dit), humaniste et théoricien suisse (Mollis, canton de Glaris, 1488 - Fribourg
1563).
Il fait des études littéraires et musicales
à Berne, Rottweil (Allemagne), puis, à
partir de 1506, à Cologne où il devient,
pour la musique, l’élève de Cochlaeus. Il
enseigne d’abord le grec et le latin à Bâle
(1514-1517) avant de séjourner, sur la
recommandation d’Érasme, à la cour de
François Ier (1517-1522). Fréquentant les
milieux humanistes parisiens et le compositeur Jean Mouton, il tente même
d’ouvrir une école mais, déçu par la vanité
des discussions sorbonnardes, il regagne
Bâle en 1522 et se fixe, de 1527 à sa mort,
à Fribourg où il enseigne la poésie et la
théologie.
Éditeur de Tacite, Horace, Boèce, il est
l’auteur de deux ouvrages théoriques sur
la musique : Isagoge in musicen (« Introduction à la musique »), parue en 1516,
et le Dodecachordon, rédigé entre 1519
et 1539 et édité en 1547. Si le premier
ouvrage traite brièvement des intervalles, des hexacordes et des modes, le
second est d’une importance capitale
pour la connaissance de la musique de son
époque. S’inscrivant dans la tradition de
Boèce et de Gafori, il s’arrête largement
sur le problème de la modalité et porte à
12 les 8 modes traditionnels du Moyen
Âge. Il traite de l’évolution de la polyphonie et livre de précieux renseignements et
jugements sur Ockeghem, Obrecht, Josquin, Brumel, Isaac, Mouton, ainsi que
sur les débuts de la musique mesurée à
l’antique.
GLASS (Philipp), compositeur américain
(Chicago 1937).
Il fait ses études à l’université de Chicago
et à la Juilliard School. De 1964 à 1966, il
séjourne en France, rencontre Ravi Shankar avec lequel il travaille pour une musique de film, et s’initie au tabla avec Alla
Rakha. Il fait plusieurs séjours en Inde en
1966, 1970 et 1973. En 1968, il fonde à New
York un groupe d’instruments amplifiés
(claviers électroniques, vents, cordes, et
plus tard voix) et crée One plus one (« 1
+ 1 »), sa première oeuvre « additive ». La
création d’Einstein on the Beach de Bob
Wilson au festival d’Avignon (1976), puis
sa reprise à Paris dans le cadre du Festival
d’automne lui apportent la consécration.
Désirant remplir totalement un espace de
sons, Glass utilise un processus basé sur la
progression additive (progression arithmétique, 1 + 1, 1 + 2, 1 + 2 + 3, etc.) d’une
figure répétitive donnée, qu’il inaugure
donc avec One plus one, joué par un soliste
tapant des doigts sur la table. La répétition de la figure rythmique et l’adjonction
de figures mélodiques créent des séries de
mouvements inattendus qui exercent une
sorte de fascination sur le public. Glass
considère que c’est la structure qui permet au son d’exister. En 1970, il est amené
à s’intéresser à l’effet physiologique de la
musique et à créer par la suite des effets
psycho-acoustiques. Dans Music in 12
Parts (1971-1974), dont l’exécution peut
durer plusieurs heures, il introduit des
élongations de sons sur plusieurs mesures
et des successions d’accords, procédés qui
seront développés dans Another Look at
Harmony (1974), et dans Einstein on the
Beach. Philipp Glass représente la réactualisation de la tonalité dans un nouvel
environnement.
GLAZOUNOV (Alexandre), compositeur
russe (Saint-Pétersbourg 1865 - Neuilly-
sur-Seine 1936).
Descendant d’une des plus anciennes
familles d’éditeurs russes, Glazounov
s’avère un enfant précocement doué pour
la musique. Sans avoir jamais fréquenté
aucun conservatoire, il apprend en deux
ans l’harmonie et les techniques de la
composition sous la direction de RimskiKorsakov. Il a seize ans lorsque Balakirev
dirige à Saint-Pétersbourg sa première
symphonie, qui lui vaut par ailleurs les
encouragements de Liszt. La même année
(1882) voit la création de son premier quatuor à cordes. Glazounov est accueilli chaleureusement dans le cénacle de Belaiev,
riche mécène et mélomane qui va devenir
rapidement son plus fervent admirateur.
En 1884, Belaiev crée les Concerts symphoniques russes pour faire jouer en priorité les oeuvres de Glazounov, puis il fonde
en 1885 les éditions Belaiev à Leipzig pour
les publier. En 1887-88, Glazounov aide
Rimski-Korsakov à achever le Prince Igor
de Borodine, dont il orchestre aussi la
troisième symphonie. En 1889, il participe, avec Rimski-Korsakov, aux concerts
de musique russe de l’Exposition universelle à Paris, où il revient en 1907 lors des
concerts organisés par Diaghilev. En 1896,
il dirige ses oeuvres en Angleterre, ayant
reçu entre-temps la commande d’une
Marche triomphale pour l’Exposition universelle de Chicago. Institué à la mort de
Belaiev (1903) administrateur de toutes
ses fondations, il en devient président
en 1908. À partir de 1899, il enseigne au
conservatoire de Saint-Pétersbourg, dont
il devient directeur après les événements
de 1905. Il restera à ce poste jusqu’en
1928, faisant preuve d’une admirable
générosité envers les étudiants matériellement défavorisés. Émigré en 1928, Glazounov s’installe à Paris et effectue des
tournées en Europe et aux États-Unis. Il
fait la connaissance de Marcel Dupré et lui
dédie sa dernière oeuvre, la Fantaisie pour
orgue. Il meurt en 1936, le jour même où
un concert de ses oeuvres doit être donné
par l’orchestre Lamoureux. En 1972, ses
cendres seront exhumées du cimetière de
Neuilly et transportées à Leningrad.
La puissance créatrice de Glazounov ne
se ralentit qu’à la fin de sa vie et s’exerce
dans presque tous les genres. Au début de
sa carrière, sous l’influence nationaliste du
groupe des Cinq, il écrit des oeuvres d’inspiration russe : les poèmes symphoniques
Stenka Razine (1885), la Mer (1889), le
Kremlin (1890), le Printemps (1891). En
1889, les Français le trouvent plus russe
que Tchaïkovski. Il contribue, d’autre
part, à élargir le répertoire de la musique
de ballet : en 1897, Raymonda est créé à
l’Opéra impérial de Saint-Pétersbourg
dans une chorégraphie de Marius Petipa.
L’année suivante, il écrit Ruses d’amour et
les Saisons (création en 1900). En 1907, il
orchestre pour Diaghilev la suite Chopiniana, qui devient en 1909 les Sylphides,
et, en 1910, fait un arrangement orchestral
du Carnaval de Schumann.
Glazounov est l’un des rares Russes à
n’avoir pas écrit d’opéras. C’est surtout
dans le domaine de la musique pure qu’il
s’exprime avec une aisance remarquable :
8 symphonies, 7 quatuors, 5 concertos
(pour violon, pour piano, pour violoncelle, pour saxophone). Il reçoit dix-sept
fois le prix Glinka destiné à couronner les
oeuvres symphoniques. Les problèmes de
développement de thèmes, les rythmes,
l’écriture polyphonique le passionnent,
et la richesse de son orchestration surpasse parfois celle de Rimski-Korsakov.
Mais Glazounov est un compositeur foncièrement académique, réfractaire à toute
forme d’évolution du langage musical. Cependant, chacune de ses nouvelles oeuvres
est accueillie comme un événement, car
sa maîtrise est ressentie comme un aboutissement de la musique russe et surtout
comme une fusion des styles des écoles
de Saint-Pétersbourg (nationalisme) et
de Moscou (occidentalisme). Par les influences (Chostakovitch, Tcherepnine,
Miaskovski) ou les réactions (Prokofiev,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
414
Stravinski) qu’il provoquera, il joue un
rôle important à une époque où la musique russe cherche son second souffle.
GLEE.
Pièce vocale, écrite pour au moins trois
voix solo a cappella, et dont le genre s’est
particulièrement développé en Angleterre
entre 1750 environ et 1830 (bien que le
terme apparaisse déjà dans certains recueils du XVIIe siècle).
Les glees ont eu une grande vogue et une
certaine fonction sociale, étant interprétés
dans les clubs d’hommes londoniens (ce
qui provoqua la création de glee-clubs),
et sont, pour cette raison, principalement écrits pour voix d’hommes. Ils sont
caractérisés par de courtes phrases assez
simples, sujettes à de nombreuses variations de rythme et de tempo. L’écriture
harmonique est de style vertical et on
n’y trouve pas d’effets contrapuntiques.
Parmi les plus célèbres compositeurs de
glees, citons tout d’abord Samuel Webbe
l’aîné, dont la carrière (1740-1816) coïncide avec la période d’apogée de la forme,
mais aussi Collcott, Horsley, Stevens et
Webbe junior.
GLIÈRE (Reinhold), compositeur soviétique (Kiev 1875 - Moscou 1956).
Fils d’un facteur d’instruments d’origine
belge, il travaille très tôt le violon et, dès
l’âge de quatorze ans, manifeste ses dispositions en écrivant un quatuor à cordes.
Après avoir entrepris ses études musicales
à Kiev, il entre au conservatoire de Moscou (1894-1900), où il reçoit l’enseignement de Sokolovski et Hrimaly (violon),
Taneiev (contrepoint), Arenski (harmonie) et Ippolitov-Ivanov (composition).
Glière fréquente aussi, vers 1900, le groupe
Belaiev. À Berlin, en 1905-1907, il se familiarise avec la direction d’orchestre grâce
aux conseils d’Oskar Fried. Déjà il se fait
connaître comme compositeur et apparaît
dans ses premières oeuvres comme l’un
des plus sûrs représentants de la tradition
musicale russe (cf. ses 3 Symphonies monumentales), malgré l’influence de Liszt
et de l’école française contemporaine sur
le langage de son poème symphonique, les
Sirènes (1908). Dès ce moment aussi, il entame une carrière de pédagogue (initiant
Prokofiev à l’écriture à partir de 1902) ; il
est nommé professeur au conservatoire de
Kiev en 1913, puis directeur en 1914 ; en
1920, il devient professeur au conservatoire de Moscou et le reste jusqu’en 1941,
accueillant dans ses cours Miaskovski,
Davidenko, Ivanov-Radkevitch, Knipper,
Litinski, Novikov, Rakov, etc. Son enseignement oriente assurément une partie de
ses compositions.
Parallèlement, il se livre à un réel travail
d’ethnomusicologie et participe à l’affirmation musicale des minorités nationales
soviétiques : en 1923, il écrit, en effet, le
premier opéra azerbaïdjanais, Chah-Senem, d’après une légende du XVIe siècle,
oeuvre de syncrétisme musical entre le
folklore azerbaïdjanais et la tradition
russe (première en russe, Bakou, 1926 ;
première en azerbaïdjanais, Bakou, 1934).
Il a également consacré beaucoup d’efforts
à l’opéra ouzbek en composant, en collaboration avec T. Sadykov, une musique de
scène sur des thèmes populaires ouzbeks
pour Gul-Sara (Tachkent, 1936), transformée plus tard (1949) en opéra, et un autre
ouvrage lyrique, Leïli et Medjnoun (Tachkent, 1940). Tout en continuant à écrire
des oeuvres de musique de chambre pure,
il crée le premier ballet soviétique sur le
thème révolutionnaire de l’union de tous
les prolétaires du monde : le Pavot rouge
(1927). C’est l’histoire d’un navire soviétique arrivé dans un port chinois dans les
années 20, des relations toutes simples
qui se nouent entre les marins soviétiques
et la population, des amours de la jeune
Tao-Hoa et du capitaine russe, dont elle
sauve la vie. Glière y introduit des danses
à la mode tels le charleston ou le boston
et y adapte la fameuse danse des marins
de la chanson révolutionnaire Yablochko
(« la Petite Pomme »). Il est revenu à la
fin de sa vie au ballet en écrivant pour le
cent cinquantième anniversaire de la naissance de Pouchkine (1949) une musique
très simple, très dansante, celle du Cavalier de bronze. Puis, en 1951-52, il compose Tarass Boulba (d’après Gogol) et, en
1953, reprend son ballet, les Comédiens, en
cherchant à le rapprocher de sa source littéraire (Fuente Ovejuna, le drame de Lope
de Vega) : ainsi naît la Fille de Castille, son
dernier ballet.
GLINKA (Mikhaïl Ivanovitch), compositeur russe (Novospasskoïé, province de
Smolensk, 1804 - Berlin 1857).
Ses premières impressions musicales
furent celles de la musique religieuse
et d’un orchestre de serfs que possédait
sa famille. À partir de 1817, faisant ses
études classiques à l’Institut pédagogique
de Saint-Pétersbourg, il prit quelques leçons de piano avec Field puis avec Carl
Meyer, et de violon avec Boehm. Sa première oeuvre importante, Variations sur
un thème de Mozart pour harpe (1822),
fut écrite alors qu’il n’avait pas encore
de réelle formation de compositeur. La
même année, un voyage au Caucase lui
fit découvrir la musique orientale. Pendant plusieurs années, il fit de la musique
en autodidacte, produisant des mélodies
russes et italiennes et une sonate en 2
mouvements pour alto et piano (1826). En
1830, il partit pour un voyage de trois ans
en Italie afin d’y étudier l’art du chant. Il y
découvrit les opéras de Bellini, Donizetti,
Rossini. En revenant d’Italie, il s’arrêta à
Berlin, où, pendant cinq mois, il allait étudier le contrepoint et mettre en ordre ses
connaissances musicales avec S. Dehn, qui
resta son seul véritable maître.
Rentré en Russie, en 1834, il se mit à
travailler à un opéra russe, Ivan Soussanine, sur un sujet historique proposé par
le poète Joukovski et mis en livret par
le baron Rosen. Le même sujet avait été
traité en 1815 par l’Italien Cavos : au
début du XVIIe siècle un paysan sauva le
futur tsar Michel Romanov d’un attentat,
grâce à un subterfuge par lequel il sacrifia sa propre vie. Pour plaire à Nicolas Ier,
Ivan Soussanine fut intitulé la Vie pour le
tsar et représenté à Saint-Pétersbourg le
27 novembre 1836. Il connut un immense
succès auprès du public, mais provoqua
la mauvaise humeur de certains critiques
qui y virent « de la musique de cochers ».
De 1837 à 1839, Glinka fut chef de choeur
à la chapelle impériale. En 1840, il composa la musique de scène pour une tragédie de Koukolnik, le Prince Kholmsky.
Au cours de ces années, il travailla à son
second opéra Rouslan et Ludmilla d’après
un conte en vers de Pouchkine, qui fut
représenté six ans jour pour jour après le
précédent, le 27 novembre 1842. Il semblait devoir bien se maintenir au répertoire, mais l’année suivante, une troupe
italienne arrivée à Saint-Pétersbourg détourna l’attention des mélomanes russes.
Déçu, Glinka quitta la Russie (1844) et
entreprit un long voyage en France et en
Espagne. Il passa la saison 1844-45 à Paris,
se lia avec Berlioz et put, grâce à lui, faire
exécuter plusieurs de ses oeuvres lors de
trois concerts en mars et avril 1845. Il
était le premier Russe joué en France. Il
resta ensuite deux ans en Espagne (18451847), y étudiant le folklore espagnol. De
ce séjour devaient naître deux fantaisies
pour orchestre, la Jota aragonaise (1845) et
Souvenir de Castille devenue après remaniement Une nuit d’été à Madrid (184849). Les années 1847-1852 se passèrent
entre Novospasskoïé, Varsovie et SaintPétersbourg. 1848 vit la composition de
la Kamarinskaïa, fantaisie pour orchestre
sur deux thèmes populaires russes. En
1852-1854, Glinka vécut de nouveau à
Paris, mais mena une vie retirée, en raison
de sa santé défaillante. Il travailla à une
symphonie ukrainienne, Tarass Boulba
d’après Gogol, qu’il ne put achever et
détruisit. De retour à Saint-Pétersbourg,
il entreprit de rédiger ses Mémoires (185455). En avril 1856, il partit pour Berlin afin
d’y travailler avec son vieux maître Dehn
à l’étude des anciens modes religieux et de
chercher sur cette base un nouveau style
d’harmonisation des chants de l’Église
russe. Mais il mourut prématurément le
15 février 1857.
Il serait inexact d’affirmer que Glinka
ait été le premier à citer des chants russes
dans ses oeuvres ou à s’inspirer de sujets
nationaux, ce qu’avaient déjà fait, à titre
de divertissement, Pachkévitch, Fomine
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
415
et d’autres compositeurs de la fin du
XVIIIe siècle. Mais Glinka a été le premier
à imprégner véritablement son langage
des tournures mélodiques populaires et
à donner à l’opéra russe une dimension
dramatique, le transformant en « une solennité religieuse et patriotique » (Henry
Mérimée). Certes, dans ses deux opéras,
l’influence italienne reste sensible dans
la division par numéros, la tendance à la
virtuosité vocale et le peu de souci de la
prosodie. Mais les choeurs et les airs d’Ivan
Soussanine donnent toute leur dimension
épique au peuple et au héros qui le représente, et nombre de scènes annoncent
les opéras de Moussorgski. De son côté,
Rouslan et Ludmilla, avec ses tableaux de
l’Antiquité russe et sa féerie orientalisante, se retrouve dans les opéras-contes
de Rimski-Korsakov. Dans Rouslan,
Glinka met pour la première fois en scène
un barde russe chantant une cantilène
allégorique, de même qu’il est le premier à
utiliser des mélodies et des rythmes orientaux (choeur persan, lezghinka, marche
de Tchernomor). L’orientalisme, qui s’est
déjà fait sentir dans le Prince Kholmsky,
se retrouve dans les fantaisies espagnoles.
À la base de l’école symphonique russe,
la Kamarinskaïa établit le principe de la
paraphrase et de la variation instrumentale des thèmes, opposé au développement
de la symphonie germanique.
L’orchestration de Glinka révèle un
sens des coloris sonores et des nuances
qui lui valut l’éloge de Berlioz lui-même.
Ses hardiesses harmoniques sont souvent remarquables (gamme par tons
dans Rouslan). Les nombreuses mélodies
de Glinka, notamment le cycle Adieu à
Saint-Pétersbourg (1840), laissent ressentir les influences de l’aria italienne, de la
romance française, mais aussi de la chanson russe et de la ballade romantique. Ses
pièces et cycles de variations pour piano
relèvent de la musique de salon et présentent beaucoup moins d’intérêt.
GLISSANDO.
Passage d’une note à l’autre « en glissant »
de façon continue sur les notes intermédiaires.
Ce procédé d’exécution, auquel se
prêtent tout particulièrement la voix humaine, les instruments à archet et le trombone à coulisse, est d’un emploi délicat.
L’effet obtenu verse facilement dans la
vulgarité, au point que le glissando descendant est parfois flétri du nom fantaisiste de degueulando.
GLOBOKAR (Vinko), compositeur et
instrumentiste yougoslave (Anderny,
Meurthe-et-Moselle, 1934).
Après plusieurs années passées en France,
il se rend en Yougoslavie avec ses parents
(1947) et poursuit ses études scolaires
et musicales à Ljubljana. Dès 1955, il
rentre en France. Inscrit au Conservatoire national supérieur de musique de
Paris, en classe de trombone, il remporte
le premier prix en 1959. Il complète sa
formation d’instrumentiste en suivant
des cours de composition et de direction
d’orchestre avec René Leibowitz. Depuis
1968, il assume une carrière d’enseignant
(professeur de trombone à la Staatliche
Hochschule für Musik de Cologne et de
composition aux Kölner Kurse für Neue
Musik), d’instrumentiste et de compositeur. En 1969, Globokar fonde le New
Phonic Art Ensemble avec Carlos RoqueAlsina, Jean-Claude Drouet et Michel
Portal. Cet ensemble, constitué de solistes
virtuoses, a pour vocation la promotion
de nouvelles formes musicales et de techniques de jeu telle l’improvisation. Vinko
Globokar fait partie de cette nouvelle
génération de musiciens pour qui la pratique musicale correspond à une activité
globale, le travail de composition étant
indissociable de celui d’interprète. Sa formation de virtuose lui permet d’aborder
la composition d’une manière spécifique,
d’introduire dans son projet compositionnel une attention particulière à l’instrument, mais aussi à l’instrumentiste, aux
rapports intimes qui naissent entre eux.
Mais, si Vinko Globokar n’a pas écrit de
théâtre musical à la manière de Mauricio
Kagel, de Dieter Schnebel ou de Michel
Puig, il a pourtant été de ceux qui ont
permis, par leur démarche, d’envisager
les implications visuelles et gestuelles de
l’instrument dans sa relation à l’espace.
La virtuosité instrumentale, toujours présente dans ses oeuvres, n’est pas simplement une habileté mécanique : il s’agit
bien pour lui de laisser transparaître sous
le jeu instrumental sa propre sensibilité
tactile ainsi que de multiplier les voies
d’approche du corps instrumental. Aussi
son répertoire est-il particulièrement riche
et varié. Plusieurs de ses oeuvres posent
les rapports entre interprètes comme des
entrecroisements de données, non seulement musicales mais psychosociales ;
c’est, par exemple, le cas de Traumdeutung (1967), psychodrame pour 4 choeurs
sur le texte d’Edoardo Sanguinetti, ou de
Drama (1971), qui concrétise une sorte de
psychodrame entre un pianiste et un percussionniste. La situation engendrée par
les rapports qui peuvent s’instaurer entre
le soliste et l’ensemble des instrumentistes
est particulièrement exploitée dans Ausstrahlungen (1972), pour soliste et 20 musiciens ; pour Globokar, en effet, rien de cet
ensemble de composantes que constitue le
jeu musical ne doit être écarté. L’orchestre
étant, au fond, une microsociété régie
par des règles et des codes, les fonctions
professionnelles qui s’établissent nécessairement entre ses citoyens doivent entrer
dans le jeu au même titre que les éléments
purement musicaux (par exemple, dans
Concerto grosso [1969-70] pour 5 solistes
instrumentaux, choeurs et orchestre). On
lui doit encore Monolith pour flûte (1976),
Un jour comme un autre, oeuvre de théâtre
musical créée à Avignon en 1979, Miserere
pour 5 récitants, 3 groupes instrumentaux
et orchestre (1982), Réalités/Augenblicke
pour film, diapositives, bande et 5 chanteurs (1984), Sternbild der Grenze, pièce
de théâtre musical d’après Peter Handke
(créé à Metz en 1985), les Émigrés (Bonn
1987, version intégrale Radio France
1990).
Pour Vinko Globokar comme pour
toute une tendance actuelle de la jeune
musique, l’instrument est considéré
comme un potentiel acoustique à explorer par-delà les conventions et hiérarchies
de valeurs. Les difficultés qui surgissent
dans les partitions ne peuvent plus être
considérées comme insurmontables. Au
contraire, la virtuosité doit se donner
comme un élément intégrant de la composition elle-même.
Aussi Globokar a-t-il été investi
jusqu’en 1980, au sein de l’I. R. C. A. M., de
la responsabilité du département chargé
de l’exploration des nouvelles ressources
instrumentales et vocales en collaboration
avec des acousticiens et des physiologues.
À ces problèmes se sont ajoutés ceux de
l’étude de la notation et de la codification
des nouvelles partitions, de la lutherie et
de ses prolongements électroacoustiques,
et de la tradition orale.
GLOCKENSPIEL.
Terme allemand généralement préféré au
français « jeu de timbres ».
il s’agit d’un instrument à percussion
qui consiste en une série de lames sonores
de longueur variable, mises en vibration
soit à l’aide de marteaux tenus à la main,
soit par un clavier. C’est aujourd’hui une
version perfectionnée du « carillon » de
Papageno dans la Flûte enchantée de
Mozart. Au lieu d’être disposées verticalement, les lames sont montées à plat sur
deux rangs, les notes de la gamme d’ut
majeur occupant le premier et les notes
altérées le second, par groupes de deux et
trois, comme au piano. L’étendue de l’instrument est de deux octaves et demie. Des
instruments de sonorité similaire sont le
xylophone et le célesta que Tchaïkovski a
rendu célèbre (Casse-Noisette).
GLORIA.
Premier mot de plusieurs pièces de la liturgie latine.
1. Gloria Patri..., doxologie terminale de la
récitation des psaumes.
2. Gloria in excelsis deo, cantique de
louange, chanté à la messe après le Kyrie
eleison. Les premiers mots sont empruntés à l’Évangile de saint Luc (cantique des
anges aux bergers, lors de la Nativité), la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
416
suite a été ajoutée progressivement. Le gloria ne se chante pas aux jours de deuil ou
de pénitence. Dans ses versions les plus
anciennes, il a conservé un aspect litanique (par exemple, XVe Messe). Mis assez
tôt en polyphonie, il s’y présente habituellement sous le titre Et in terra, les premiers
mots étant réservés au célébrant. Il fait
partie normalement des messes en musique, dont il constitue le second morceau.
Lorsque les messes avec orchestre prirent
une certaine ampleur, le gloria, comme le
credo, fut fréquemment découpé en morceaux distincts, dont il devint usuel de
traiter le dernier, Cum sancto spiritu, en
final brillant, souvent fugué.
Depuis le XVIe siècle, le gloria est rarement traité par les musiciens comme morceau isolé. Il existe cependant quelques
exceptions notables (Vivaldi, Poulenc).
GLOSE (glosa).
Dans la terminologie espagnole, principalement au XVIe siècle, on appelait glosa
toute espèce d’amplification d’un modèle
donné, soit par variation ornementale
(differencia), soit par développement thématique (tiento, ricercar), apparentant la
glose au tiento ou au ricercare.
GLUCK (Christoph Willibald), compositeur autrichien (Erasbach 1714 - Vienne
1787).
Le père de Gluck était garde forestier, ce
qui était alors une condition assez élevée :
Kuno, le père d’Agathe dans le Freischütz
de Weber, occupait la même fonction et
avait droit aux égards de la communauté
paysanne. C’est sans doute grâce au patron de son père, un prince Lobkowitz,
que Gluck séjourna successivement à
Prague, à Vienne et à Milan. Mis à part des
sonates en trio, quatre ballets et quelques
oeuvres de musique vocale, Gluck se
consacra essentiellement à la composition
d’opéras. Ses vingt et un premiers opéras,
tous en langue italienne, furent représen-
tés dans les plus grands théâtres d’Europe,
de Naples à Londres et Copenhague. En
1754, il se fixa à Vienne, où, protégé par le
comte Durazzo, directeur des théâtres de
la cour, il composa des opérascomiques en
français, parmi lesquels le Diable à Quatre
(1759), le Cadi dupé (1761) et les Pèlerins
de La Mecque ou la Rencontre imprévue
(1764). Le tournant de sa carrière fut sa
rencontre avec l’écrivain italien Calzabigi, dont la collaboration amena Gluck à
dépasser les cadres de l’opéra italien traditionnel : avec Orfeo (Vienne, 1762) commençait ce que Gluck lui-même appela sa
« réforme de l’opéra ».
La clef la plus précieuse de cette « réforme » nous est sans doute fournie par
la nomenclature des genres d’opéra au
XVIIIe siècle, dont Gluck réutilisa les différents éléments dans une synthèse profondément originale. Il est significatif, par
exemple, que l’Orfeo se situe dans une tradition qui remonte aux débuts de l’histoire
de l’opéra, celle de l’azione teatrale (encore
appelée festa teatrale). il s’agissait là d’une
forme réservée à des occasions spécifiques
(divertissements princiers), mais qui présentait pour Gluck des avantages considérables : les sujets mis en scène étaient
de nature mythologique et exigeaient la
mise en oeuvre d’un éventail de moyens
expressifs plus large que dans le dramma
per musica, à savoir une orchestration
variée, de nombreux morceaux choraux et
de grands récitatifs accompagnés. Mais à
ces composantes de base Gluck ajoute des
procédés venus d’un horizon opposé, celui
de l’opéra français. Ainsi, le premier tableau garde l’aura poétique de la pastorale
italienne, tout en suivant des principes de
construction analogues à ceux d’une scène
de Rameau. De même, la structure de l’air
à da capo est écartée, à une exception près
(Che fiero momento), au profit de formes
plus rares mais plus souples, dérivées
de l’opéra-comique, tels l’air strophique
(Chiamo il mio ben così), le rondeau (Che
farò), ou le vaudeville final.
Ces recherches formelles prouvent bien
que la réforme gluckiste ne s’est pas manifestée par une réduction de la part relative
de la musique en regard du texte. À l’éparpillement d’arias stéréotypées a fait place
une construction en longues scènes fortement structurées, permettant d’intensifier la tension dramatique sur une bien
plus grande échelle. Mais il est tout aussi
indéniable que cette volonté délibérée de
rompre avec les conventions de l’opera
seria passe par une nouvelle conception
du livret. On verra Wagner suivre un cheminement semblable lorsqu’il arrivera,
avec le Vaisseau fantôme, à sa propre définition du « drame musical ». Tournant le
dos aux intrigues de palais qui formaient
la trame des opéras métastasiens, Calzabigi reprend le mythe d’Orphée dans toute
sa nudité primitive, sans la moindre péripétie secondaire qui vienne en entraver le
déroulement. Il tranchait ainsi le noeud
gordien de la complexité dramatique et
permettait du même coup au musicien de
concentrer ses moyens expressifs autour
d’un but unique : exprimer dans toute
sa force la douleur d’Orphée et sa détermination d’arracher Eurydice à la mort.
Cette austérité draconienne sur le plan de
l’intrigue laissera, certes, la place à une
plus grande diversité de personnages dans
les opéras que Gluck écrivit par la suite,
mais constitue bien le point de départ de
sa réforme.
L’apport d’Alceste (1767) aux expériences commencées dans Orfeo dépasse
de loin l’idée que peut en donner sa préface, célèbre manifeste rédigé par Calzabigi. Le hiératisme néoclassique de son
architecture, qui repose en grande partie
sur des « piliers » choraux, s’accompagne
d’une recherche plus poussée encore de la
complexité psychologique : dans la ligne
de Che farò, l’air d’Alceste Io non chiedo,
où se succèdent cinq tempos différents,
suit toutes les émotions du texte avec une
diversité de moyens qui le situe encore
plus loin du monolithisme inhérent au
cadre du da capo. Sans précédent également dans l’opera seria est le souci de la
continuité dramatique, qui se traduit tantôt par des transitions d’un mouvement à
l’autre, tantôt par l’intervention de plusieurs personnages différents (pouvant
exprimer des sentiments parfois contradictoires) au sein d’un même morceau.
D’autres opéras composés à Vienne à la
même époque, Telemaco (1765) et Paride
ed Elena (1770), témoignent également
d’une grande inventivité, sans atteindre
au grandiose d’Alceste.
Les années qui suivirent Paride ed Elena
furent consacrées à la composition d’Iphigénie en Aulide, en vue d’une représentation à Paris (1774). Il est probable que
Gluck ait voulu y trouver une consécration
internationale, sans se douter que l’esprit
partisan du milieu littéraire français et les
traditions pesantes de l’Académie royale
de musique lui compliqueraient beaucoup
la tâche. Mais il faut surtout voir dans ce
changement de terrain le désir d’explorer
plus avant les possibilités musicales et dramatiques inhérentes à la tragédie lyrique.
C’était certes là un genre en sommeil depuis le Zoroastre de Rameau (1749), mais
Gluck devait lui insuffler une vie nouvelle,
qui donna lieu à un net regain d’activité
dans les années qui précédèrent la Révolution. Iphigénie en Aulide est, à certains
égards, l’opéra le plus novateur que Gluck
ait écrit. La richesse dialectique des tirades raciniennes trouve pour la première
fois son équivalent musical dans quatre
gigantesques monologues, confiés à Agamemnon et à Clytemnestre : les variations
de tempo, la finesse de la déclamation,
l’intensité de l’accompagnement orchestral en font les sommets de l’oeuvre. Le
choeur, dont le rôle dans Alceste était resté
dans une large mesure d’ordre décoratif
et structurel, prend ici toute sa dimension scénique : l’écriture antiphonique
est maintenant utilisée à des fins réalistes
pour rendre l’affrontement des partisans
de Calchas et des défenseurs d’Iphigénie.
À l’extrême opposé, les récitatifs les moins
dramatiques, ou certains airs en demiteinte, n’échappent pas à une relative
banalité. Le génie propre de Gluck le portait davantage aux grandes constructions
musicales, centrées sur les points forts
de l’action. Armide (1777), composée sur
un ancien livret de Quinault, souffre d’un
texte disparate et encombré de divertissements chorégraphiques, et trahit l’impasse
où risquait de mener une conformité trop
grande aux schémas de la tragédie lyrique.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
417
Le dernier « drame-opéra » de Gluck,
Iphigénie en Tauride (1779), témoigne
chez le compositeur et son librettiste d’une
conscience aiguë de ces problèmes. Si les
airs courts n’en ont pas disparu, leur style
plus nettement mélodique leur confère
davantage d’individualité et de force. Mais
la grande originalité de cette oeuvre réside
surtout dans la longueur de certains de ses
airs, qui réintroduisent des épanchements
lyriques tels qu’on n’en trouvait encore
que dans l’opéra italien. La volonté de synthèse est analogue à celle d’Orfeo et d’Alceste, mais en sens inverse cette fois-ci. Le
point culminant de l’acte II, et de l’opéra
tout entier, avec Ô malheureuse Iphigénie,
intervient au milieu d’une succession de
solos, de récitatifs et de choeurs typique
de l’opéra français. La grande lamentation
d’Iphigénie prend ainsi tout son relief,
portée par la dynamique propre à la tragédie lyrique, mais s’en détachant nettement
par ses dimensions et par l’ampleur italienne de son envolée mélodique.
Le premier morceau d’Iphigénie en
Tauride constitue lui aussi un ultime pas
en avant, dans un domaine dont l’importance apparaissait déjà clairement dans
la préface d’Alceste : « J’ai imaginé que
l’ouverture devait prévenir les spectateurs
sur le caractère de l’action qu’on allait
mettre sous leurs yeux, et leur en indiquer le sujet. » L’ouverture d’Iphigénie en
Aulide, dont Wagner a donné une pénétrante analyse, présentait déjà l’originalité
de se poursuivre sans interruption dans le
premier monologue d’Agamemnon, dont
elle partage également le thème principal.
La scène de tempête sur laquelle débute
Iphigénie en Tauride produit un effet plus
frappant encore, tant par sa signification psychologique que par la hardiesse
de ses procédés musicaux. La tourmente
qui amène Oreste et Pylade sur « les bords
cruels et sinistres » de la Scythie symbolise l’état d’âme de l’héroïne, en qui un
songe est venu encore aviver l’angoisse de
l’exil. L’entrée d’Iphigénie, au plus fort du
déchaînement de l’orchestre, se fait dans
le ton du relatif mineur, et non dans la
tonalité principale, qui ne sera plus jamais
explicitement rétablie ; après un repos sur
la dominante, un récitatif très modulant
vient prendre le relais, et les solos, les
récitatifs et les choeurs s’enchaînent ainsi
dans tout le premier acte sans la moindre
césure.
L’extension de la continuité musicale
sur plusieurs morceaux est sans doute
l’apport majeur de Gluck à l’évolution
de l’opéra. Il reste difficile d’évaluer la
postérité de son oeuvre, dans la mesure
où les transformations que subit le genre
au tournant du XIXe siècle ne peuvent
s’expliquer que par des déterminations
très complexes ; mais il suffit de lire les
écrits de Berlioz et de Wagner pour se
convaincre de l’importance que revêtait
à leurs yeux ce novateur passionné, dont
la musique portait en elle tous les traits
contradictoires d’un style en pleine mutation. Si l’oeuvre de Gluck nous apparaît
aujourd’hui sous un jour différent - on
en retient surtout la grandeur néoclassique - c’est souvent qu’elle ne trouve pas
d’interprètes suffisamment engagés pour
en exprimer toute la force. Mais Gluck
souffre plus encore de la date de ses plus
grandes oeuvres, qui fait presque de lui un
contemporain de Mozart, alors qu’il était
de quarante-deux ans son aîné et que le
relatif immobilisme de son écriture harmonique le rattache nettement à l’époque
précédente. Les deux années qui séparent
Iphigénie en Tauride (1779) d’Idomeneo
(1781) rendent mal compte de la rupture radicale intervenue entre les deux
oeuvres, au-delà de leurs ressemblances
apparentes : chez Gluck, une architecture
monumentale, où l’intensité expressive
reste toujours subordonnée à l’action ;
chez Mozart, un foisonnement de formes
nouvelles, sous-tendues par le dynamisme
du langage musical classique.
GLYNDEBOURNE.
Manoir élisabéthain du Sussex, près de
Lewes (Grande-Bretagne), où se déroule
chaque été un festival d’art lyrique, depuis 1934 (à l’exception des années de la
guerre).
Le fondateur John Christie, époux de la
soprano Audrey Mildmay, fit construire
un théâtre jouxtant la demeure dont il
avait hérité. Les premières représentations, en mai 1934, furent réalisées pendant quinze jours avec une scène étroite,
mais bien équipée (elle allait être agrandie
en 1938), et une salle de 300 spectateurs.
En 1937, celle-ci fut portée à 600 spectateurs, et, en 1953, le théâtre atteignit 750
places. Le festival, à l’origine consacré à
Mozart, s’ouvrit avec les Noces de Figaro
et Così fan tutte. En 1936, Glyndebourne
présentait ses productions de Così, les
Noces, la Flûte enchantée, Don Juan et l’Enlèvement au sérail. 1938 vit l’accession de
Verdi avec Macbeth et de Donizetti avec
Don Pasquale. En 1946, avec l’English
Opera Group, c’était la première mondiale
du Viol de Lucrèce de Britten. 1947 vit celle
d’Albert Herring, également de Britten,
ainsi que l’Orfeo de Gluck avec Kathleen
Ferrier. Citons encore les productions du
Rake’s Progress de Stravinski, de l’Ormindo
ou de la Calisto de Cavalli. Les opéras, tou-
jours chantés dans leur langue d’origine,
sont l’objet d’un grand soin dans le choix
des interprètes, souvent jeunes, mais
d’une grande vraisemblance dramatique.
Fritz Busch et Carl Ebert, chef et metteur
en scène, eurent pour successeurs Vittorio
Gui, John Pritchard et Bernard Haitink
pour le premier, et Günther Rennert pour
le second. Glyndebourne, au coeur de ses
jardins et de ses prés, cultive une tradition
où les joies de la musique se doublent de
celles de la campagne : un festival dans le
vrai sens du terme. Une nouvelle salle a
été inaugurée en 1994.
GNESSINE (Mikhaïl Fabianovitch), compositeur soviétique (Rostov-sur-le-Don
1883 - Moscou 1957).
En 1901, il entra au conservatoire de
Saint-Pétersbourg dans les classes de
Rimski-Korsakov, de Liadov et de Glazounov. il s’est intéressé très tôt au langage
harmonique de Mahler et aux différentes
musiques orientales. Attiré, d’autre part,
par les recherches du metteur en scène
Meyerhold tendant à recréer le théâtre
à l’antique, il travailla avec lui en 19121914, faisant un cours de déclamation
musicale et écrivant des choeurs pour
Antigone et OEdipe roi de Sophocle. Il enseigna la composition, à partir de 1923,
à l’École de musique fondée par sa soeur
Elena à Moscou en 1895, puis de 1925 à
1935 au conservatoire de Moscou, de 1935
à 1944 à celui de Leningrad, et de 1944 à
1951 au nouvel institut Gnessine. Fils d’un
rabbin, il a écrit des oeuvres sur des sujets
bibliques et a introduit dans la musique
russe la musique traditionnelle juive (Variations sur un thème populaire israélite,
1917 ; Pages du Cantique des cantiques,
1919 ; Chansons israélites sur des textes en
yiddisch, 1923-1926 ; Orchestre israélite au
bal du gouverneur, 1926). En 1921-1923,
il a séjourné en Palestine où il a composé
son opéra la Jeunesse d’Abraham. À partir
de 1926, les thèmes officiels soviétiques
sont venus s’ajouter dans son oeuvre aux
thèmes orientaux et israélites. Il a chanté
avec force les révolutions et la puissance
de l’U. R. S. S. dans le Monument symphonique 1905-1917 (1925-26), et l’Armée
rouge (1943). Puisant dans les folklores
des peuples de l’U. R. S. S., il a écrit Chants
populaires de l’Azerbaïdjan pour quatuor,
Adyghée pour sextuor, Cinq Chants des
peuples de l’U.R.S.S. pour piano à quatre
mains. Parmi ses nombreux élèves, il faut
citer A. Khatchaturian et T. Khrennikov.
GOBBI (Tito), baryton italien (Bassano
del Grappa 1915 - Rome 1984).
Il fit des études de droit avant de se consacrer au chant, et débuta à Rome, en 1937,
dans le rôle de Germont (La Traviata).
Le succès de sa carrière est dû à ses dons
d’acteur et à son intelligence musicale,
plus encore qu’à ses capacités vocales.
Son timbre sombre et corsé est sans doute
plus remarquable par les effets qu’il sait
en tirer que par sa beauté intrinsèque. Son
répertoire, très vaste, comprend une centaine d’opéras. Tragédien impressionnant,
Gobbi s’est surtout illustré dans les grands
rôles de Verdi : Rigoletto, Macbeth, Boccanegra, Iago, mais aussi dans le Wozzeck
de Berg. Il a chanté dans le monde entier, a
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
418
enregistré de nombreux disques, et tourné
dans vingt-six films.
GODARD (Benjamin), violoniste et compositeur français (Paris 1849 - Cannes
1895).
Il travailla le violon avec Richard Hammer, puis entra au Conservatoire de Paris
dans les classes de Vieuxtemps (violon)
et de Reber (composition). Il concourut
vainement pour le prix de Rome. Il joua,
comme violoniste ou altiste, dans différents ensembles de musique de chambre.
Compositeur, il écrivit de nombreuses
pages pour violon, pour piano (24 Études),
des mélodies, des oeuvres symphoniques
(Symphonie gothique, 1883 ; Symphonie
orientale, 1884 ; Symphonie légendaire,
1886), et huit opéras qui ne s’imposèrent
guère sauf le dernier, la Vivandière (1895),
à l’orchestration terminée par Paul Vidal.
Musicien distingué, toujours satisfait de
lui-même, mais ne s’attardant guère à
parachever ses compositions, il fut cependant assez populaire de son temps. En
1887, il fut nommé professeur de la classe
d’ensemble instrumental au Conservatoire. On lui doit une orchestration des
Scènes d’enfant de Schumann. Phtisique,
il se retira en 1892 sur la Côte d’Azur où
il mourut. De nos jours, on ne se souvient
que de son opéra Jocelyn (1888).
GODOWSKI (Leopold), compositeur et
pianiste américain, d’origine polonaise
(Wilno 1870 - New York 1938).
Il fait ses études à l’École de musique
de Berlin avec Bargiel et Rudorff. Après
une première tournée en tant que pianiste (1884), il étudie la composition à
Paris avec Saint-Saëns en 1886, et effectue de nombreuses tournées en France, en
Grande-Bretagne et aux États-Unis. Godowski enseigne le piano au conservatoire
de Chicago de 1890 à 1900, puis à l’Akademie der Tonkunst de Vienne en 1909,
et s’installe définitivement aux États-Unis
en 1914. Il a composé essentiellement des
oeuvres de musique de chambre et des
études de concert dans un style néoclassique (Renaissance, Triakontameron, Walzermasken), ainsi que des transcriptions
d’oeuvres de Chopin et de Strauss (Symphonic Metamorphoses on Johann Strauss’s
Waltzes). Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages didactiques, dont The Progressive Series of Piano Lessons.
GOEBEL (Reinhard), violoniste allemand
(Siegen 1952).
Il étudie à Cologne avec Saschko Gawriloff
et à Amsterdam avec Marie Leonhardt. En
1973, il fonde l’ensemble Musica Antiqua
de Cologne. À la tête de cet ensemble, il
explore le répertoire d’orchestre français, italien et allemand des XVIIe et
XVIIIe siècles. Depuis le début des années
1980, l’ensemble a acquis une grande notoriété en Europe, se produisant dans de
nombreux pays.
GOEHR (les), famille de compositeurs.
Walter, compositeur et chef d’orchestre
allemand (Berlin 1903 - Sheffield 1960). À
partir de 1933, il vécut en Grande-Bretagne. Élève de Schönberg, il composa en
1930 un opéra radiophonique, Malpopita.
Il partagea ses activités entre la BBC et le
disque.
Alexander, compositeur anglais (Berlin
1932). Fils du précédent, il fut l’élève de
Richard Hall, puis fit un séjour à Paris où
il étudia auprès de Messiaen et d’Y. Loriod. Il regagna l’Angleterre en 1956. De
1960 à 1968, il travailla à la BBC, puis, en
1968, fit un voyage à Tokyo. En 1967, il
constitua, pour le festival de Brighton, le
Music Theatre Ensemble. L’université de
Yale (États-Unis) lui confia une charge
de professeur assistant. Depuis 1976, il
enseigne à Cambridge. Ses oeuvres font
volontiers appel aux techniques sérielles.
Il a composé de la musique instrumentale dont un Quatuor à cordes (1967), une
Sonate pour piano (1951-52), des oeuvres
pour orchestre dont la Little Symphony
(1963) et des concertos (violon, 1961-62 ;
piano, 1971-72), de la musique vocale
(Four Songs from the Japanese, 1959) et,
pour le théâtre, un ballet (la Belle Dame
sans Mercy) créé à Édimbourg en 1958, et
l’opéra Arden must die (Hambourg, 1967).
Citons encore l’oratorio Babylon the Great
is fallen (Londres, 1979).
GOETHE (Johann Wolfgang), écrivain et
poète allemand (Francfort-sur-le-Main
1749 - Weimar 1832).
Il n’avait pas vingt-cinq ans qu’il était
déjà considéré comme le génie absolu de
la poésie allemande, héritier de Lessing,
Wieland et Klopstock. Après une enfance
et des études heureuses, ces dernières
marquées par ses premiers essais poétiques, il vient à Strasbourg et y célèbre,
devant des amis éblouis, les démons puissants qui font de lui un héros du Sturm
und Drang. Il découvre aussi, au contact
de Herder, l’originalité et la supériorité du
génie allemand.
Sa production, en particulier Götz, Werther (1774) et quelques satires mordantes,
lui vaut d’être appelé auprès du grand-duc
de Weimar (1775). Là, en même temps
qu’il devient conseiller politique, il s’intéresse aux sciences de la nature et donne
désormais à ses poèmes l’ordre et l’équilibre qu’il découvre ou souhaite dans le
monde. Cet apollinisme altruiste se traduit dans Iphigénie (1779), Torquato Tasso
(1789) et les Élégies romaines (1790). Puis
il se lie intimement avec Schiller, écrit les
Années d’apprentissage de Wilhelm Meister
(1796) et reprend Faust, dont il a déjà écrit
plusieurs scènes. En même temps, il fait
de la cour de Weimar un important centre
culturel classique, qui rayonne partout
en Europe. À partir de 1805, il s’enferme
dans la sérénité d’une vieillesse solitaire,
indifférente aux jeunes générations. C’est
là qu’il devient mythe. Comment Goethe,
déifié de son vivant, a-t-il pu passer, aux
yeux des Allemands et du monde, pour ce
génie résumant à lui seul un grand siècle
classique qui n’a pourtant jamais eu, en
Allemagne, la même réalité, le même impact qu’en France ? Comment les musiciens romantiques purent-ils trouver en
lui une des sources les plus riches de leur
inspiration ? Car le XVIIIe siècle marque
en Allemagne l’arrêt brutal, au nom du
bon sens et de la raison, d’une fusion progressive des arts tirant sa force de l’intuition, du rêve et du retour aux origines de
la culture et de l’expression germaniques.
Au sein de l’Aufklärung, réplique de
l’Encyclopédie française, Goethe, reniant
jusqu’au Sturm und Drang de sa jeunesse, apparaît bien comme l’exemplaire
contempteur de tout ce qui ne sert pas
directement la connaissance. Peu touché par la musique (Mozart, Beethoven,
Schubert, Weber, Berlioz, en firent les
frais, directement ou non), il s’intéresse,
par contre, à elle comme instrument de
pédagogie. Son acceptation de Mendelssohn, qui insistait pour lui sur le caractère logique de son art, ses bons rapports
avec Zelter, professeur pédant plus que
créateur inspiré, en portent témoignage.
Même dans son rapport à l’hellénisme, qui
va envahir bientôt l’Allemagne, il n’ouvre
la voie ni à un Wagner ni à un Nietzsche :
il ne s’agit pas, pour lui, de bâtir aux bords
du Rhin une nouvelle Grèce, mais plutôt
d’humaniser la Germanie barbare au soleil
des Anciens. Alors ? Goethe reste, avant
tout, l’auteur de Werther et de Faust. Cette
réduction de son oeuvre montre bien comment ses admirateurs ont pu habilement
jouer de l’évolution de l’homme pour n’en
retenir que certains aspects. Goethe, en
effet, est triple. Sa première période, dite
de Strasbourg et de Francfort, le montre
en proie au Sturm und Drang, à la teutomanie, à la morbidité, à la fascination
pour les génies titanesques. Cette période
inspire tout autant Beethoven que les désemparés à venir. Puis Goethe part pour
Weimar (1775) ; c’est là qu’il se convertit à la Raison, donnant pourtant le jour,
par exception, à Egmont (dont s’empare
aussitôt Beethoven) et au premier Faust,
traité sur un mode médiéval, en qui toute
l’Allemagne reconnaîtra son être éternel.
Il entame aussi, comme une manière d’autobiographie, Wilhelm Meister, dont les
premiers apprentissages, marqués au coin
de la révolte, et la figure de Mignon, toute
de rêve, connaîtront plus de succès que
les dissertations du pédagogue despotique
éclairé qui constituent pourtant, aux yeux
de l’auteur, l’essentiel. Quant à la troidownloadModeText.vue.download 425 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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sième période (le Divan, Faust II, achèvement de Wilhelm Meister, Fiction et Vérité,
et les très beaux Wahlverwandtschaften, les
Affinités électives), elle n’a pratiquement
inspiré personne, du moins quant au fond,
à l’exception de Gustav Mahler (8e Symphonie).
Ainsi la « descendance musicale » de
Goethe est-elle paradoxalement fort importante. Outre Beethoven, déjà cité, elle
prend sa source à Schubert (58 lieder, insistant plus sur la fragilité de l’homme que
sur ses limites raisonnables) ; elle passe
par Schumann (lieder, dont plusieurs
tirés de Wilhelm Meister, Scènes de Faust),
qui éprouve pourtant toujours quelque
timidité devant l’oracle de Weimar, et
lui préfère Heine ; par Liszt, trop essentiellement virtuose ; Loewe, simplement
joli ; Mendelssohn, peu inspiré, Mahler
(8e Symphonie), mystique ; elle trouve sans
doute la perfection avec Wolff (51 lieder).
Elle entraîne aussi, avec plus ou moins de
bonheur, Berlioz (la Damnation de Faust),
Gounod (Faust), mais, certes, ni Barbier
ni Carré, ses librettistes, Massenet (Werther) et Ambroise Thomas (Mignon). On
pourrait tout aussi bien ajouter Boito
(Mefistofele), Busoni, très respectueux de
la clarté tout italienne des poèmes, auteur
lui-même d’un Doktor Faust, et d’autres
encore. Mais, au fond, que reste-t-il de la
démarche de Goethe, de sa volonté éducatrice ?
GOEYVAERTS (Karel), compositeur
belge (Anvers 1923 - id. 1993).
Il a fait ses études dans sa ville natale
(1942-1947), puis à Paris avec Milhaud,
Messiaen et Leibowitz (1947-1950), et
s’est affirmé comme le principal représentant flamand de l’avant-garde sérielle des
alentours de 1950. Opus 3 aux sons frappés
et frottés (1952) est un compromis original
entre musique traditionnelle et musique
concrète, la Sonate pour 2 pianos (1951)
anticipe le « sérialisme intégral » des Structures I de Boulez, et Composition no 6 aux
180 objets sonores (1954) témoigne de sa
découverte de l’univers électroacoustique.
Son influence a été grande sur Stockhausen en ses débuts. Plus tard, il est revenu
à des moyens d’expression plus traditionnels et a abordé les grandes formes avec
Diaphonie pour grand orchestre (1957),
la Passion selon saint Jean (1959), la Messe
à la mémoire de Jean XXIII (1968), pour
choeur et 10 instruments à vent Cinq
Litanies (1979-1982), l’opéra Aquarius. Il
a enseigné, de 1953 à 1959, au Studio de
musique électronique de Cologne, et est
professeur à l’Académie musicale d’Anvers, ainsi que producteur au studio de
l’Institut de Psychoacoustique et de Musique Electronique de Gand.
GOLABEK (Jakub), compositeur polonais (Silésie 1739 - Cracovie 1789).
Il travailla à Cracovie au plus tard à partir
de 1766, d’abord au collège de musique
des jésuites, puis (v. 1774) à la cathédrale,
ainsi qu’à l’école de musique de Waclav
Sierakowski. On lui doit des oeuvres religieuses et quelques symphonies bien
écrites et faisant un usage intéressant des
instruments à vent.
GOLDBERG (Johann Gottlieb), compositeur et claveciniste allemand (Dantzig
1727 - Dresde 1756).
Emmené à Dresde vers l’âge de dix ans par
le comte de Keyserlingk, ambassadeur de
Russie en Saxe, il y bénéficia peut-être de
l’enseignement de Wilhelm Friedemann
Bach. Il n’est pas prouvé non plus qu’il ait
été élève de Jean-Sébastien Bach à Leipzig.
Les relations entre ce dernier et Keyserlingk, protecteur de Goldberg, ne font,
en revanche, pas le moindre doute, mais
on ne saura probablement jamais le dernier mot sur la genèse de l’oeuvre connue
actuellement sous le nom de Variations
Goldberg. Très apprécié en son temps
comme virtuose du clavecin, Goldberg
devint en 1751 musicien de chambre du
comte Brühl. Sa renommée de compositeur fut moins grande. On lui doit, notamment, deux cantates et un motet, des
sonates en trio, des préludes et fugues, et,
pour le clavecin, vingt-quatre polonaises
dans toutes les tonalités ainsi que deux
concertos (mi bémol majeur et ré mineur)
dans l’esprit de ceux de Carl Philipp Emanuel Bach.
GOLDBERG (Szymon), violoniste et chef
d’orchestre américain d’origine polonaise (Wloclawek 1909 - Toyama, Japon,
1993).
Il fit ses études avec Michaelowicz à
Varsovie et Carl Flesch à Berlin, forma
avec Paul Hindemith (alto) et Emanuel
Feuermann (violoncelle) un célèbre trio
à cordes, et fut notamment premier violon de la Philharmonie de Berlin, dirigée
par Wilhelm Furtwängler (1929-1934).
Goldberg se consacra ensuite à des tournées internationales, jouant souvent en
duo avec la pianiste Lili Kraus. Il fonda en
1955 l’Orchestre de chambre néerlandais.
GOLDMARK (Karoly), compositeur hongrois (Keszthely 1830 - Vienne 1915).
Fils du chantre de la communauté israélite de Keszthely, il eut une jeunesse difficile, changea fréquemment de résidence,
apprit à lire seul, commença le violon à
onze ans à Sopron, poursuivit ses études
à Vienne, et fut ensuite violoniste du rang
dans les orchestres des opéras de Sopron,
Györ, Buda et Vienne. Installé à Vienne
en 1859, il y apprit le piano en autodidacte, se lia avec la famille Bettelheim,
qui devait le soutenir jusqu’à sa mort, et
fit sensation en 1860 avec son Quatuor à
cordes op. 8. La célébrité lui vint avec son
ouverture Sakuntala op. 13 (1865) et surtout avec son premier opéra, la Reine de
Saba (1875). Bien que vivant à Vienne,
Karoly (Karl) Goldmark resta en contact
étroit avec sa patrie, venant, par exemple,
diriger la première de son poème symphonique Zrinyi (« Thèmes hongrois »)
à Budapest, pour le cinquantenaire de la
société philharmonique de cette ville en
1903. Mais les côtés « hongrois » de ses
oeuvres relèvent essentiellement de la couleur locale. Professeur, il eut notamment
comme élève Jean Sibelius. Critique, il se
montra toujours un ardent défenseur de
Wagner. Parmi ses ouvrages demeurés au
répertoire : un concerto pour violon en la
mineur, op. 28 (1877), et surtout le poème
symphonique op. 26 Die la[«]ndliche Hochzeit (« Noces villageoises », 1876).
GOLDONI (Carlo), auteur dramatique
italien (Venise 1707 - Paris 1793).
Initialement juriste, et bien qu’ayant passé
ses trente dernières années à Paris ou
à Versailles, cet écrivain laisse son nom
essentiellement attaché à la comédie vénitienne, genre dans lequel il eut pour rival
tardif, mais tenace, Carlo Gozzi (17201806), qui inspira aussi de nombreux
musiciens. La verve inépuisable de Gol-
doni, son langage très quotidien, son goût
des situations apparemment comiques
voilant mal un tragique insoupçonné,
se retrouvent dans ses pièces de théâtre,
mais également dans les poèmes qu’il écrivit à l’intention de compositeurs de son
temps - et notamment à celle de Galuppi qui mirent directement ses textes en
musique sans passer par l’intermédiaire
habituel du livret d’opéra, cette pratique
devançant de plus d’un siècle le « litteratüroper » des auteurs de la fin du XIXe et
du XXe siècle.
Fasciné dès son enfance par le théâtre
de marionnettes, lassé par la tragédie,
puis happé par les imprésarios de la commedia dell’arte, Goldoni dépassa vite ce
dernier genre pour créer des personnages
véritablement humains, taillés dans le vif,
s’exprimant souvent en langage populaire,
mais ayant une tout autre consistance.
Sa collaboration avec les musiciens commença indirectement avec Gluck (Tigrane,
1743), se poursuivit avec Ciampi (1748),
mais trouva son plein épanouissement
grâce à Baldassare Galuppi pour lequel il
écrivit L’Arcadia in Brenta (1749), Il Mondo
della luna (1750), Il Filosofo di campagna,
le chef-d’oeuvre du musicien (1754), puis
Le Nozze, etc. Cependant qu’il écrivait encore pour Giuseppe Scarlatti, Bertoni, Fischietti, Scolari, Traetta (Buovo d’Antona,
1758), Gassmann, Lampugnani, Boroni,
Sarti, etc., sa collaboration avec Piccinni
fut également déterminante, puisque La
Buona Figliuola, d’après Pamela (1761),
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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confirmait la naissance du nouveau genre
comico-sentimental de l’opera semi-seria. Ses poèmes furent, en outre, utilisés
par Haydn (Lo Speziale, 1768, Le Pescatrici, 1769, Il Mondo della luna, 1777),
cependant qu’ils étaient aussi réadaptés
par divers poètes, dont Bertati, Coltellini
(La Finta semplice, Mozart, 1768), ou Da
Ponte pour Sarti, Martin Y Soler, Salieri,
Paisiello, Cimarosa, etc. Avec environ
cent soixante-dix opéras italiens inspirés
de son oeuvre, Goldoni surclasse de très
loin tous les autres poètes du genre léger,
fournissant, de plus, des textes d’une qualité très supérieure à celle des habituels
livrets d’opéra. Quelque peu négligé au
XIXe siècle, sinon par Raimondi, Pedrotti
et Usiglio (Le Donne curiose, Madrid,
1879), il revint à l’honneur au XXe siècle
par le truchement de nouveaux librettistes
qui fournirent des poèmes notamment à
Wolf Ferrari (Le Donne curiose, I Quattro
Rusteghi, Gli Amanti sposi, La Vedova scaltra, Il Campiello), à Malipiero (La Bottega
del caffè, Sior Todero Brontolon, Le Baruffe
chiozzotte, 1926) ainsi qu’à Maurice Thiriet (La Locandiera, Paris, 1960).
GOLDSCHMIDT (Berthold), compositeur allemand naturalisé anglais (Hambourg 1903).
En 1922, il étudie la composition avec
Franz Schreker. Dès 1925, il reçoit le Prix
Mendelssohn avec son Orchester-Passacaglia op. 4 créée par Erich Kleiber, dont il
est l’assistant pour la première de Wozzeck. Il tient le célesta à la Philharmonie
de Berlin, et Schönberg le recommande
aux éditions Universal après l’audition de
son premier quatuor. Son Ouverture pour
la Comédie des erreurs remporte un vif
succès, et en 1930, à la suite d’un chagrin
d’amour, il écrit sa tragi-comédie musicale Der gewaltige Hahnrei (le Cocu magnifique), d’après Crommelynck. L’oeuvre est
créée en 1932 à Mannheim, mais sa reprise
au Städtliche Oper de Berlin est interdite
par les nazis. Réduit à donner des concerts
privés dans les milieux juifs de Berlin, il
émigre à Londres en 1935, laissant derrière lui plusieurs manuscrits et les promesses d’une brillante carrière. En 1936, il
compose un deuxième quatuor puis Ciaccona sinfonica, et collabore en 1938 avec
le Ballet Kurt Jooss, composé d’artistes
émigrés. Mais les occasions de travailler
sont rares. De 1944 à 1947, il est au Service
allemand de la BBC, et Carl Ebert l’invite à
diriger Macbeth de Verdi au premier Festival d’Édimbourg. Il remporte en 1951 un
concours de l’Arts Council avec son opéra
Beatrice Cenci, d’après Shelley. Pourtant,
en 1958, après avoir achevé ses Mediterranean Songs, il décide d’arrêter de composer, déclarant que ce n’est pas l’exil qui le
réduit au silence, mais le règne sans partage de la musique atonale : jamais joué,
torturé par l’idée que son univers musical
n’intéresse plus personne mais refusant
de prendre une voie qu’il ne ressent pas,
il se tait jusqu’en 1983. Il aide cependant
Deryck Cooke à reconstituer la Dixième
Symphonie de Mahler, dont il dirige la première audition « complète » en 1964. À
partir de 1983 et du quatuor avec clarinette qu’il écrit pour l’Amadeus Quartet
s’opère une volte-face complète du destin :
en 1987, à la faveur des Berliner Festwochen consacrées aux musiques interdites
sous le régime nazi, on redécouvre toute
son oeuvre : reprises de Beatrice Censi en
1988, du Cocu magnifique en 1992, Festival Goldsmith à Berlin en 1994. Naissent
un trio avec piano (1985), deux quatuors
(nos 3 et 4, 1989-1992), le choeur Belsatzar
(1985). Son oeuvre de jeunesse se situe au
confluent des avant-gardes berlinoises : vivacité rythmique extrême allant jusqu’au
sarcasme, échos du music-hall, mais aussi
orchestration raffinée et formes savantes.
Il déclare avoir trouvé l’inspiration dans
ses rapports humains, surtout avec des
femmes : « Mes oeuvres ont toujours vu le
jour dans l’échange avec l’élément féminin, dans toutes ses facettes. C’est l’aura
dans laquelle je vis et compose. »
GOLEA (Antoine), critique musical,
musicologue, journaliste et conférencier français d’origine roumaine (Vienne
1906 - Paris 1980).
Il a fait ses études musicales complètes
à Bucarest et obtenu un premier prix de
violon au conservatoire de cette ville,
après avoir suivi l’enseignement de Cecilia Nitzulescu-Lupu (1920-1928) et de
George Enesco. il s’inscrivit en Sorbonne
en 1928, y obtint un diplôme de littérature
allemande en 1931 et fut ensuite naturalisé français. À partir de 1944, il collabora
à divers journaux (Carrefour, Témoignage
chrétien, Musica, Disques, Harmonie) et
participa, de 1946 à sa mort, à l’émission
Tribune des critiques de disques. Célèbre
pour l’indépendance de ses jugements,
il a écrit de nombreux livres, parmi lesquels Pelléas et Mélisande, analyse poétique
et musicale (Paris, 1952), Esthétique de
la musique contemporaine (Paris, 1954),
l’Avènenement de la musique classique, de
Bach à Mozart (Paris, 1955), Rencontres
avec Pierre Boulez (Paris, 1958), Georges
Auric (Paris, 1959), la Musique dans la société européenne, du Moyen Âge à nos jours
(Paris, 1960), Rencontres avec Olivier Messiaen (1960), l’Aventure de la musique du
XXe siècle (Paris, 1961), Vingt Ans de musique contemporaine, 1940-1960, tome I :
De Messiaen à Boulez, tome II : De Boulez
à l’inconnu (Paris, 1962), Richard Strauss
(Paris, 1965), Entretiens avec Wieland
Wagner (Paris, 1967), Histoire du ballet
(Lausanne, 1967), Claude Debussy (Paris,
1968), Marcel Landowski (Paris, 1969),
Je suis un violoniste raté (Paris, 1973), la
Musique de la nuit des temps aux aurores
nouvelles (Paris, 1978). Il a participé également à plusieurs ouvrages collectifs.
GOLESTAN (Stan), compositeur et critique roumain (Vaslui 1875 - Paris 1956).
Élève de Dukas ainsi que de d’Indy et de
Roussel à la Schola (1895-1903), il fut pendant vingt ans critique au Figaro, et enseigna la composition à l’École normale de
musique. Dans un style fondé largement
sur le folklore roumain, réel ou recréé,
il a écrit notamment une Rhapsodie roumaine (1920), un Concerto roumain pour
violon et orchestre (1933), Concertul carpatic pour piano et orchestre (1940), de
la musique de chambre et le recueil vocal
Doines et chansons (1922), dans la préface
duquel il a exposé l’essentiel de ses idées.
GOLSCHMANN (Vladimir), chef d’orchestre français d’origine russe (Paris
1893 - New York 1972).
Il fonda en 1919, encouragé par Erik
Satie, les Concerts Golschmann, et assura
les premières auditions de beaucoup
d’oeuvres du groupe des Six (Saudades
do Brasil, de Darius Milhaud) et de compositeurs étrangers (Ballet mécanique, de
George Antheil), ainsi que la première
française d’Octandre d’Edgard Varèse. À
partir de 1931, sa carrière se poursuivit
aux États-Unis.
GOMBERT (Nicolas), compositeur
franco-flamand ( ? v. 1500 - ? v. 1556).
Il fut chantre (1526) et surtout maître des
enfants de choeur (1529) de la chapelle de
Charles Quint, qu’il accompagna au cours
de ses voyages (Espagne, Autriche, Italie,
Allemagne). Nommé en 1534 chanoine de
Tournai, Gombert semble y avoir passé
la fin de sa vie. Même si la chanson tient
une place non négligeable dans son oeuvre
(oeuvres complètes publiées à partir de
1951 par l’American Institute of Musicology, sous la dir. de J. Schmidt-Görg, il est
évident qu’il ne s’est pas laissé séduire par
le style parisien, même lorsqu’il reprend
les thèmes de Janequin (Chant des oiseaux
ou la Chasse). Bien que contemporain de
Sermisy ou de Janequin, il préfère utiliser
dans ses pages profanes les principes de
l’imitation parfois très poussée en usage
dans les oeuvres religieuses (cf. En l’ombre
d’un buissonnet et Qui ne l’aimerait, basés
qui sur un triple canon, qui sur un quadruple). Élève, à en croire Heinrich Finck
(Pratica Musica, 1556), de Josquin à qui il
devrait son solide métier (il composa un
motet Musae Jovis, « muses de Jupiter »,
à 6 voix sur sa mort), Gombert fait partie du cercle des musiciens liés à Charles
Quint, qui, par suite des circonstances
politiques, privilégient les pages d’inspiration religieuse (6 messes, 8 magnificat, 160 motets), bien éloignées du style
et de la pensée de Josquin. Mais, à cette
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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manière significative d’un milieu et d’une
époque (cf. Salvator mundi à 6 voix et Regina coeli laetare à 12 voix), il oppose le
plus souvent la recherche d’une forme et
d’une interprétation juste du texte, renonçant aux répétitions injustifiées pour une
simple déclamation (Surge, Petre à 5 voix
ou Venite ad me omnes). Par là même, il a
joué un rôle dans l’établissement du style
nouveau.
GOMES (Carlos Antonio), compositeur
brésilien (Campinas 1836 - Belém 1896).
Après quelques succès dans son pays, il
connut la gloire à Milan avec son opéra Il
Guarany (1870), que suivirent notamment
Salvator Rosa (1874), Maria Tudor (1879),
et, après son retour au Brésil, Lo Schiavo
(1889), connu parfois sous son titre portugais O Escravo. Si l’élément national est
intervenu dans l’inspiration littéraire ou
musicale de ce compositeur, son rôle sur
le plan européen a été déterminant dans
l’évolution de l’opéra italien à la recherche
d’une nouvelle expression entre la grande
maturité de Verdi et l’éclosion du vérisme.
Contemporain de Ponchielli, de Boito et
de Catalani, animé d’une veine mélodique
simple et immédiatement accessible, il fit
preuve d’un approfondissement sérieux
dans sa recherche d’une écriture plus
raffinée, et Lo Schiavo annonce quelques
aspects instrumentaux de l’oeuvre de Puccini.
GOMOLKA (Mikolaj), compositeur polonais (Sandomierz v. 1535 - ? apr. 1591).
Membre de la chapelle royale de Cracovie, puis membre de la cour de justice
(1566) et avocat à Sandomierz, ensuite
musicien du prince Zamoyski (v. 1590)
et enfin musicien de couvent, il est l’auteur du monument musical le plus précieux du XVIe siècle polonais : un recueil
intitulé Mélodies pour le psautier polonais,
imprimé à Cracovie en 1580 et fait de
150 psaumes dans la traduction du plus
grand poète polonais de la Renaissance,
Jan Kochanowski. Écrits le plus souvent
à 4 voix et note contre note, ces psaumes
contiennent de nombreuses références à la
musique populaire. De leur modernisme
témoigne un chromatisme très poussé,
subtil et dissonant. Les autres compositions de Gomolka sont considérées
comme perdues.
GONG.
Instrument à percussion de la famille des
« métaux ».
Il consiste en une sorte d’assiette métallique suspendue par le bord. Un jeu complet de gongs en réunit 25, de différents
diamètres et produisant autant de notes
définies. Il en existe une grande variété,
plats ou bosselés, et de différents profils,
dont les ressources sont encore diversifiées par l’emploi de nombreux modèles
de mailloches, baguettes, battes et balais.
On peut aussi, comme pour le tam-tam
qui n’est en somme qu’un gong contrebasse, obtenir des effets spéciaux par raclage de la tranche.
GONZALEZ (Victor), facteur d’orgues
français, d’origine espagnole (Hacinas
1877 - Châtillon-sousBagneux 1956).
La manufacture qu’il a fondée en 19211925 à Châtillon-sous-Bagneux s’est illustrée dans un retour à des éléments du style
classique, ce qui a contrasté sainement
sur les excès de l’orgue postromantique.
La maison Gonzalez en est venue ainsi à
défendre un orgue « néoclassique », qui
prétendait faire la synthèse des ressources
des grandes écoles françaises antérieures.
Dans cet esprit, elle a contruit et restauré de nombreux instruments français ;
les plus caractéristiques de ce style sont
ceux de la cathédrale de Reims, de SaintMerri à Paris, de la chapelle du château
de Versailles ; ceux du palais de Chaillot
ou de Saint-Eustache ayant fait l’objet
de transformations ultérieures. Dirigée
aujourd’hui par Georges Danion, petitfils de Victor Gonzalez, la firme, qui est
la plus importante de France, a à son actif
les orgues de la Maison de la radio à Paris
(auditorium 104, 1967), ceux des cathédrales d’Auch et de Soissons, de l’oratoire
du Louvre à Paris.
GOODALL (Reginald), chef d’orchestre
anglais (Lincoln 1901 - Canterbury 1990).
Comme beaucoup de musiciens anglais,
il reçoit une excellente formation de
choriste d’église dans sa ville natale, où
il apprend également l’orgue. Il étudie
ensuite le piano, le violon et la direction
d’orchestre au Royal College of Music
de Londres. De 1936 à 1939, il travaille
avec Malcolm Sargent à la Royal Choral
Society, puis devient l’assistant d’Albert
Coates à Covent Garden. Il assiste également Furtwängler à la Philharmonie de
Berlin. En 1944, il est engagé au Sadler’s
Wells Opera, et devient un important chef
lyrique. En 1945, il crée Peter Grimes et, en
1946, dirige la première tournée anglaise
du Viol de Lucrèce de Britten. L’année suivante, il entre à Covent Garden. À partir
de 1961, Georg Solti le confine au rôle de
répétiteur, mais il est redécouvert en 1971
dans une production fameuse de Parsifal.
Wagnerien célèbre, il dirige le Ring au Sadler’s Wells Opera, puis l’enregistre avec
la troupe de l’English National Opera.
GOODMAN (Benjamin, dit Benny), clarinettiste et chef d’orchestre de jazz américain (Chicago 1909 - New York 1986).
Il débuta dès l’âge de douze ans ; un peu
plus tard, il fut engagé par Ben Pollack,
qu’il quitta en 1929 pour se rendre à New
York où, pendant quelques années, il fit
carrière comme musicien de studio. En
1934, il forma un orchestre avec lequel,
l’année suivante, à Los Angeles, puis dans
tout le pays, il lança le style « swing », donnant ainsi au jazz la première place dans
les goûts musicaux du public américain.
Surnommé « King of Swing » - titre que
plus d’un musicien noir eût pu lui contester si l’environnement social l’avait permis -, Benny Goodman connut jusqu’à
la guerre un succès sans précédent. Il en
profita pour imposer au public blanc, souvent réticent, des musiciens de couleur,
dont il estimait le talent : non seulement
l’arrangeur Fletcher Henderson, auquel
l’orchestre devait la meilleure part de
son répertoire, mais encore des solistes
tels que Teddy Wilson, Lionel Hampton,
Charlie Christian, appelés à former avec
lui des trios, quartettes et sextettes, dont
le disque a laissé maints témoignages.
L’ossature de l’orchestre resta blanche,
avec des musiciens tels que Bunny Berigan, Harry James, Gene Krupa, qui, devenus célèbres chez Goodman, fondèrent à
leur tour des orchestres « swing ». Après
la guerre, Goodman poursuivit sa carrière avec moins de bonheur, à la tête soit
d’un orchestre, soit d’un petit ensemble.
Remarquable instrumentiste, il a également participé à des concerts de musique
classique. À sa demande, Béla Bartók
écrivit pour lui ses Contrastes (1939). En
1955, Hollywood lui a consacré un assez
médiocre film : The Benny Goodman Story.
Type accompli du musicien professionnel, Benny Goodman a atteint un degré
de maîtrise et de précision tel, qu’aucun
musicien de pupitre, aucun soliste n’a pu,
après lui, s’abandonner au laisser-aller
des premiers temps du jazz. Chez lui, le
goût de la perfection, le souci du travail
bien fait marquent aussi bien le chef d’orchestre que le soliste : mais, si celui-ci dépasse par sa facture impeccable le niveau
technique d’un Dodds, d’un Bechet, voire
d’un Noone ou d’un Bigard, on ne trouve
guère trace dans ses improvisations, sensibles, certes, mais assez académiques, de
l’émotion musicale, du lyrisme qui animaient le jeu de ses grands prédécesseurs.
De même, l’infleunce considérable de
Goodman a été négative : après lui, la clarinette cesse d’être un instrument majeur
dans l’histoire du jazz.
GOODMAN (Roy), chef d’orchestre anglais (Guildford 1951).
De 1959 à 1964, il est formé au sein de la
maîtrise du King’s College de Cambridge,
où il est remarqué comme soliste dans le
Miserere d’Allegri. De 1968 à 1970, il étudie le violon au Royal College of Music
de Londres, et, surtout, devient organiste.
Passionné par la musique baroque, il
fonde dès 1975 le Brandenburg Consort,
et entreprend des recherches sur l’interdownloadModeText.vue.download 428 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
422
prétation de Bach. Il se spécialise également dans les symphonies de Haydn et
de Carl Philip Emanuel Bach jouées sur
instruments d’époque.
Depuis 1986, il dirige le Hanover Band
et l’Orchestre baroque de la Communauté européenne. Il est aussi directeur
des études de musique ancienne à la Royal
Academy of Music de Londres.
GOOSENS, famille de musiciens anglais
d’origine belge.
Eugène, chef d’orchestre et chef de
choeurs (Bruges 1845 - Liverpool 1906). Il
s’est installé à Londres en 1873, et à Liverpool en 1893.
Eugène, chef d’orchestre (Bordeaux
1867 - Londres 1958). Fils du précédent,
il a fait ses études au conservatoire de
Bruxelles et à Londres (Royal Academy of
Music). Sa carrière de chef d’orchestre fut
surtout associée à la direction de la Carl
Rosa Opera Company.
Eugène, compositeur et chef d’orchestre
(Londres 1893 - Hillingdon 1962). Fils du
précédent, il commença ses études au
conservatoire de Bruges et les poursuivit
au Royal College of Music, de 1907 à 1912,
où il fut élève de Rivarde (violon) et de
Stanford (composition). Violoniste, puis
chef assistant du Queen’s Hall Orchestra,
il dirigea en 1922 l’Orchestre de Covent
Garden. De 1923 à 1931, il fut le chef du
Rochester Philharmonic aux États-Unis,
puis, de 1931 à 1946, du Cincinnati Symphony Orchestra. Il se rendit ensuite en
Australie, où il fut à la tête du Sydney
Symphony Orchestra (1947-1956). De
1947 à 1956, il fut directeur du New South
Wales Conservatory. Il a laissé une oeuvre
abondante et variée (musique de chambre,
musique instrumentale, oeuvres pour orchestre), en particulier un oratorio, Apocalypse (1951-1953), et deux opéras, Judith
(Londres, 1929) et Don Juan de Mañara
(Londres, 1937).
Leon, hautboïste (Londres 1897 - Tunbridge Wells 1988). Frère du précédent,
il devint chef de pupitre dans le Queen’s
Hall Orchestra avant de s’affirmer comme
l’un des meilleurs solistes en Angleterre au
cours de la première moitié de ce siècle.
Ses deux soeurs, Sidonie et Marie, sont des
harpistes professionnelles.
GORCZYCKI (Grzegorz Gerwazy), compositeur polonais (Bytom v. 1667 - Cracovie 1734).
Il étudie simultanément la musique et
la théologie à l’université de Prague. En
1692, il retourne à Cracovie et entre dans
les ordres. Il est nommé vicaire de la
cathédrale de Wavel (1696). En 1698, il
reçoit le titre de magister capellae ecclesiae
de la cathédrale de Cracovie et dirige ainsi
la musique lors du couronnement du roi
Auguste II. Il a composé principalement
de la musique religieuse (messes, proses,
motets, hymnes), dont il subsiste une
trentaine d’oeuvres. La plupart sont écrites
a cappella, dans un style d’écriture affilié à
l’école romaine. Quelques oeuvres (Completorium, Concerti da chiesa) sont conçues
avec un accompagnement instrumental,
dans un style baroque qui n’est pas sans
rappeler l’art de Haendel. Son hymne
Gaude mater Poloniae reste son oeuvre la
plus populaire en Pologne et Gorczycki
est considéré aujourd’hui comme un des
musiciens les plus réputés de la musique
baroque polonaise.
GORECKI (Henrik Mikolaj), compositeur
polonais (Czernica, Haute-Silésie, 1933).
Élève, pour la composition, de Boleslav
Szabelski à Katowice, il témoigna dans
ses premières oeuvres, comme Chants
sur la joie et le rythme pour deux pianos
et orchestre (1956-1959) ou la Sonate
pour deux violons (1957), de l’influence
qu’avait exercée sur lui l’école de Vienne.
Il évolua ensuite progressivement vers une
épuration et une simplification du langage, s’attachant surtout à l’exploitation
des timbres : ainsi dans Scontri pour grand
orchestre (1960). Comme Penderecki, il se
détacha du pointillisme, ceci en faveur de
schémas clairs obtenus en particulier par
des agrégats de blocs sonores aux effets
contrastés, comme par exemple dans sa 2e
Symphonie pour soprano, baryton, choeur
mixte et grand orchestre pour le cinquième centenaire de Copernic (1972), ou
dans la 3e, dite Symphonie de complaintes,
pour soprano et orchestre, composée en
1976 et créée à Royan en 1977. Il a écrit
depuis un Beatus Vir pour baryton, choeur
et orchestre (1979), et un Concerto pour
clavecin et cordes (1980).
GORLI (Sandro), compositeur italien
(Côme 1948).
Après des études musicales dans sa ville
natale, il obtint en 1968 un diplôme de
piano au conservatoire Giuseppe-Verdi de
Milan, et étudia, à partir de 1968, la com-
position avec Bruno Bertinelli à Milan. La
rencontre de Franco Donatoni aux cours
d’été de Sienne en 1970 et le travail de
composition effectué sous sa direction à
Milan et à Sienne furent pour lui d’une
importance capitale. Particulièrement
intéressé par la direction d’orchestre, il a
suivi les cours de Caracciolo et de Gusella
ainsi que ceux de Swarowsky à Ossiach
et à Vienne. Parallèlement à ses études
musicales, Gorli a poursuivi des études
d’architecture à l’École polytechnique de
Milan. Depuis 1974, il enseigne la composition au conservatoire de Milan. Ses
oeuvres, exclusivement instrumentales,
élaborent un style personnel directement
issu des recherches postsérielles. Citons
Derivazioni pour quatuor à cordes (1970),
Viveka pour trois groupes d’instruments
(1971-72), Me-Ti pour orchestre (1973),
Konzert « Gollum » pour treize instruments (1973-74), Serenata pour neuf
instruments à cordes et clavecin ad libitum (1974), Chimera la luce pour grand
orchestre à cordes, neuf vents, piano solo,
choeur mixte et sextuor vocal (1975-76),
Floraison blême pour piano et orchestre
(1977), On a Delphic Reed pour hautbois et
17 instruments (1978), The Silent Stream
pour violoncelle et orchestre (1980), Il
bambino perduto pour orchestre (1982),
Requiem (1989).
GORR (Rita), mezzo-soprano belge (Zelzaete 1926).
Elle fait ses débuts à Anvers en 1949, dans
le rôle de Fricka de la Walkyrie, puis est
engagée à l’Opéra de Paris en 1952 à la
suite du premier prix qu’elle remporte
au Concours international de Lausanne.
Elle y débute dans Maddalena des Maîtres
chanteurs. En 1953, elle s’affirme dans le
rôle de Dalila auquel feront suite tous les
grands emplois des répertoires allemand
et italien : Brangaene de Tristan et Isolde,
Vénus de Tannhäuser, Amneris d’Aïda,
Eboli de Don Carlos. Dans le même temps,
elle chante à Londres, à New York, à
Naples et à Rome avec succès. Elle incarne
Fricka à Bayreuth en 1958. Rita Gorr est
considérée par certains comme la dernière
véritable grande voix de mezzo-soprano.
Son timbre chaud et homogène peut assumer un volume considérable.
GOSPEL SONG.
Chant religieux dérivé de l’Évangile (en
angl. gospel), interprété dans la tradition
négro-américaine.
Le gospel song se distingue du negro
spiritual par une référence exclusive au
Nouveau Testament et un aspect spectaculaire emprunté au monde des variétés.
Il n’est pas resté confiné à l’Église ; par
le disque, puis par le concert, il s’est fait
connaître à un public beaucoup plus vaste
que celui des congrégations noires où il
est né. Représenté par des artistes tels que
Mahalia Jackson, Sister Rosetta Tharpe ou
The Stars of Faith, le gospel song a des affinités avec les formes populaires du jazz et
le rhythm’n’n blues.
GOSSEC (François Joseph Gossé, dit),
compositeur français (Vergnies, Hainaut,
1734 - Passy 1829).
Fils de fermier, il commença à étudier la
musique à la maîtrise de l’église de Walcourt, puis se perfectionna à celle de la
cathédrale d’Anvers. En 1751, il se rendit à Paris où Rameau, auquel il avait
été recommandé, le fit entrer comme
chef d’orchestre chez le fermier général
La Pouplinière. Son premier grand succès fut sa Messe des morts (1760), dont
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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l’orchestration du Tuba mirum est étonnante pour l’époque et annonce Lesueur
et même Berlioz. À la mort de La Pouplinière (1762), Gossec devint pour huit
ans maître de chapelle chez le prince de
Condé, pour qui il signa son premier
opéra, le Périgourdin, représenté à Chantilly. En 1766, il fut également engagé par
le prince de Conti, tandis que la ComédieItalienne donnait régulièrement ses opéras-comiques : le Faux Lord (1765), le Tonnelier (1765), Toinon et Toinette (1767). Ce
fut également un des créateurs de la symphonie en France. Il en composa vingtquatre de 1756 à 1762 environ. En 1769,
pour concurrencer le Concert spirituel,
où étaient surtout données des oeuvres
vocales, il fonda le Concert des amateurs,
à la tête duquel il devait rester jusqu’en
1773. Il composa pour cet ensemble de
nouvelles symphonies, dont celle intitulée la Chasse, et, en 1773, dans le cadre de
cette institution, il fut le premier à diri-
ger en France une symphonie de Haydn.
La même année, il prit avec Gaviniès et
Simon Leduc la direction du Concert spirituel, mais, en 1777, des intrigues de cour
l’obligèrent à céder le poste à un chanteur
de l’Opéra, Legros. En 1780, il fut nommé
sous-directeur de l’Académie royale de
musique, et, de 1782 à 1785, membre du
Comité directorial de l’Opéra. En 1784,
le baron de Breteuil lui confia la direction
de l’École royale de chant et de déclamation, qu’il venait de fonder, et qui devait
devenir, en 1795, le Conservatoire national. De cet établissement, Gossec fut un
des fondateurs, et il en devint inspecteur
avec Méhul, Cherubini et Lesueur. Républicain convaincu, il dirigea la musique
de la garde nationale et composa pour
diverses cérémonies officielles de la Révolution de nombreuses oeuvres de circonstance (Marche lugubre), des hymnes (À
l’Être suprême, À la Liberté, À la Nature),
des cantates, des pièces patriotiques (le
Triomphe de la République). Napoléon ne
lui en tint pas rigueur, et le nomma, en
1799, membre de la Commission d’examen de l’Opéra. Il le chargea aussi d’écrire
de nouvelles cantates à la gloire de l’Empire. Gossec fut un des premiers promus
dans l’ordre de la Légion d’honneur. Ses
oeuvres lyriques, chorégraphiques, religieuses ou patriotiques connurent souvent le succès lors de leur apparition, mais
aucune ne devait s’imposer par la suite.
Toutefois l’esprit révolutionnaire et religieux de Gossec a certainement exercé une
influence sur Beethoven. Son nom reste
attaché à la fondation du Conservatoire,
pour les élèves duquel il écrivit quelques
leçons de solfège, des Principes de la musique en 2 volumes (1799 et 1802) et une
Méthode de chant (1803). Il acheva encore,
en 1809, une grande symphonie en fa « à
dix-sept parties » - page étonnante où, à la
forme mise au point par Haydn et Beethoven, se mêlent de nets échos des musiques
de la Révolution -, puis cessa toute activité
à partir de 1815 et se retira à Passy.
GOTTSCHALK (Louis Moreau), pianiste
et compositeur américain d’origine française (La Nouvelle-Orléans 1829 - Tijuca,
Brésil, 1869).
Fixé en France pendant dix ans (18421852), il y fut l’élève de Stamaty et commença sa carrière de pianiste vers 1845. De
retour aux États-Unis, il continua ses
concerts en interprétant ses propres com-
positions, morceaux de genre, brillants et
d’un sentimentalisme bien romantique,
les premiers qui se soient inspirés de
la musique indigène (rythmes noirs et
créoles, mélodies folkloriques). Son succès
fut très grand, même en France, au début
de sa carrière. Il fut le maître de Teresa
Carreño. Parmi ses nombreux titres : la
Savane (ballade créole), le Mancenillier
(id.), Bamboula (danse nègre), le Bananier
(chanson nègre).
GOUBAÏDOULINA (Sofia), femme compositeur russe (Christopol 1931).
Née d’un père tatare et d’une mère russe,
elle suit les cours de piano et de composition du Conservatoire de Kazan, puis de
celui de Moscou (avec notamment Nikolaï
Peïko et Vissarion Chebaline). De 1963 à
1992, elle vit à Moscou comme compositeur indépendant. Depuis, elle est installée en Allemagne. Les débuts de Goubaïdoulina sont marqués par l’influence
de Chostakovitch, dont elle se libère assez
vite pour édifier un style d’écriture facilement identifiable. La mystique et la pensée
symbolique (In Croce pour violoncelle et
orgue, 1979) sont les constituants principaux de l’univers de Goubaïdoulina. On
peut y ajouter son affinité avec la poésie,
celle de l’Égypte antique comme celle
d’Anna Akhmatova (la Nuit à Memphis,
1969), de T. S. Eliot (Hommage pour soprano et octuor, 1987), d’Omar Khayyam
ou de Marina Tsvetaieva (Percussio di
Pekarski pour percussion, mezzo-soprano
et orchestre, 1976). Pour elle « tous les
hommes ont besoin de l’Eucharistie », et
elle essaie de « composer afin de permettre
à cet élément de naître dans la musique « ;
on note dans presque toutes ses oeuvres
une quête intense de la transcendance
(Perceptio pour soprano, baryton et
cordes, 1981-1983) et d’un lyrisme aigu,
traduite par une riche technique de la narration musicale (discours haché, parsemé
de silences, supposant le plus souvent une
continuité intérieure) et par une maîtrise accomplie de la couleur. On lui doit
notamment Concordanza pour orchestre,
Vivente-non vivente pour synthétiseur et
bande (les deux oeuvres sont de 1970),
Instant de l’âme pour mezzo-soprano et
orchestre, sur les vers de Marina Tsvetaieva (1974, rev. 1987), Introïtus-concerto
pour piano et orchestre (1978), Réjouissezvous pour violon et violoncelle (1981), les
Sept Paroles pour violoncelle, accordéon
et cordes (1982), Offertorium-Hommage à
J. S. Bach pour violon et orchestre (1984),
Silenzio pour accordéon, violon et violoncelle (1991), Jezt immer Schnee pour
ensemble et choeur de chambre (1993),
Concerto pour flûte, cordes et percussion
(1994), quatre quatuors à cordes. Elle a
obtenu le premier prix au Concours international de composition de Rome (1975)
et le prix de composition de la Fondation
Prince Pierre de Monaco pour l’ensemble
de son oeuvre (1987).
GOUDIMEL (Claude), compositeur français (Besançon v. 1520 - Lyon 1572).
On ne sait rien sur sa jeunesse ni sur sa
formation. En 1549, il est étudiant à Paris
où l’éditeur de ses premières chansons,
N. Du Chemin, l’engage bientôt comme
correcteur (1551), puis le prend comme
associé (1552-1555). Goudimel exerce sur
les choix de cette maison d’éditions une
influence considérable qui reflète ses rapports personnels avec le cercle humaniste
de Jean de Brinon, dans lequel il fréquente
Ronsard. Plus tard, il se met en relation
avec le poète humaniste allemand Paul
Schedius, dit Melissus. Goudimel semble
d’ailleurs avoir été la cheville ouvrière
du supplément musical des Amours de
Ronsard (1552), auquel participent également Janequin, Certon et Muret ; il y
met en musique l’Ode à Michel de l’Hospital, l’Hymne sur la mort de Marguerite
de Valois et le sonnet Quand j’aperçois
ton beau chef jaunissant. À partir de 1557,
il vit à Metz, protégé par le maréchal de
Vielleville, et se consacre presque exclusivement à la mise en musique du Psautier
huguenot. Ayant quitté Metz pour Lyon, il
y meurt le 28 août 1572, victime des massacres de la Saint-Barthélemy.
Avant de devenir ce musicien protestant intransigeant qu’on connaît, Goudimel a publié des chansons profanes (une
soixantaine) ou spirituelles (19, sur des
textes de Muret, perdues) et un recueil
d’Odes d’Horace (disparu). Certaines gaucheries que l’on peut constater dans son
écriture semblent naître du souci excessif d’expressivité à toutes les voix, et ce,
à une époque où l’influence italienne ne
s’est pas encore fait sentir. Goudimel est
plus à son aise dans le genre élégiaque.
Ses autres oeuvres sont d’inspiration religieuse (3 magnificat, 10 motets à 4 ou 5
voix, 5 messes). Toutefois, quatre de ces
messes ont pour cantus firmus des thèmes
de chansons (De mes ennuys, Le bien que
j’ai par foy d’amour conquis, Tant plus je
mets) et prolongent sur le plan stylistique
Josquin Des Prés et sa messe Pange lingua. Mais l’essentiel de son oeuvre et de
son renom est constitué par les quatre
versions polyphoniques des Psaumes, mis
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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en vers par Marot (pour 49 d’entre eux)
et par Théodore de Bèze (pour 101). En
1549, Goudimel voit chez Du Chemin les
Psaumes de Janequin, et c’est peut-être
ce qui l’incite à écrire deux ans plus tard
ses Huit Livres de psaumes en forme de
motets (1551-1566), qui sont des compositions de grande envergure (à 4, 5 ou 6
parties). Goudimel y fait oeuvre originale
en n’utilisant pas les mélodies traditionnelles, contrairement à ses Quatre-vingttrois Psaumes de David à 4 parties (1562),
qui sont des harmonisations des mélodies
de Genève de 1551. Les 150 psaumes de
1564, un ouvrage significatif de l’hymnologie pratique, sont traités à 3 parties, note
contre note. Le traitement syllabique, une
trame polyphonique très serrée et une tendance au verticalisme avec une prédilection pour les harmonies d’accords parfaits
et d’accords de sixtes, confèrent à l’ensemble de cette première version un style
dépouillé, grave et religieux. L’écriture de
Goudimel s’assouplit cependant dans la
seconde version complète des Psaumes,
écrite à 4 voix en 1568 et qui fait appel au
contrepoint fleuri.
GOULD (Glenn), pianiste canadien (Toronto 1932 - id. 1982).
De 1943 à 1952, il étudie le piano au
Conservatoire de Toronto avec Alberto
Guerrero, tout en apprenant l’orgue. Dès
1947, il fait ses débuts publics, et signe en
1955 un contrat avec la firme discographique CBS. Son premier enregistrement
des Variations Goldberg de Bach lui vaut
une célébrité immédiate. En 1957, il inaugure une brillante carrière internationale
par une tournée en U.R.S.S. et en Europe.
Mais, dès 1964, il annonce son retrait complet des scènes publiques : désormais, il ne
travaillera plus que dans les studios d’enregistrement. Cet isolement n’a pourtant
rien d’un effacement, bien au contraire.
Passionné par les nouvelles technologies,
il investit tous les médias existants - des
journaux à la vidéo - pour proposer au
public une relation fondée sur la communication. Multipliant les émissions,
les textes et les créations audiovisuelles,
il édifie une oeuvre personnelle dépassant
largement le cadre d’une simple discographie. Selon lui, le prétendu « moment
unique » du concert est un rituel périmé
et tyrannique pour l’interprète. Celui-ci
doit assumer le jeu des manipulations permises par le studio, base d’un travail ludique et créateur favorisant la perception
individuelle. Cette philosophie accompagne une conception très singulière du
jeu pianistique et du répertoire. Pour lui,
le piano n’était qu’un moyen de traduire
le plus complètement possible la structure
d’un morceau, notamment sa dimension
contrapuntique, dans laquelle lui-même
voyait l’essence de la pensée musicale. Son
toucher rejoignait donc le jeu de clavecin
ou d’orgue, et il trouva dans l’oeuvre de
Bach un champ d’exploration infini. Si
Orlando Gibbons était son compositeur
préféré et Bach son maître, s’il rejeta les
musiques jugées par lui trop hédonistes,
comme celles de Chopin, Debussy et Messiaen, on ne peut le réduire à son anti-romantisme patent : il aborda Brahms, et,
à partir de Wagner, dont il réalise des
transcriptions, explora Strauss, Sibelius et
Scriabine. Il affectionna Schönberg, dont
il enregistra aussi les lieder et la musique
de chambre, Krenek et Hindemith. Son
ambivalence envers Mozart, auquel il
préférait Haydn, et certaines oeuvres de
Beethoven se traduit par des tempi provocateurs et par une tentative de mettre en
relief des aspects contrapuntiques supposés. N’obéissant jamais à un désir d’excentricité, ses choix n’en étaient pas moins le
reflet d’une cohérence personnelle hautement défendue. On lui doit quelques
oeuvres, dont un Quatuor à cordes, mais
surtout des compositions radiophoniques
et un riche corpus d’émissions où il joue
quelquefois des personnages inventés. Il
laissa comme testament sa seconde version des Variations Goldberg, filmée en
1981 par Bruno Monsaingeon. De nombreux livres d’écrits et d’entretiens sont
parus en France, et la fascination durable
qu’il exerce le place au centre de l’esthétique des années 1980.
GOULD (Morton), compositeur, pianiste
et chef d’orchestre américain (New York
1913 - Orlando, Floride, 1996).
À quatre ans, il joue du piano, à six il commence à composer. À dix-sept ans, il est
engagé par une chaîne de radio comme
« arrangeur » et chef d’orchestre, tout en
poursuivant une carrière de pianiste à travers les États-Unis. Il est consacré en tant
que compositeur en 1942 lorsque Toscanini crée sa Lincoln Legend à la NBC. En
1944, Erich Leinsdorf lui commande un
Concerto pour orchestre pour l’Orchestre
de Cleveland. La même année, le New
York Philharmonic crée sa Symphony on
Marching Tunes, écrite pour célébrer le
centenaire de la Y.M.C.A. (Young Men
Christian Association). À partir de 1945,
Morton Gould écrit pour le cinéma, puis
pour la télévision. Le style qu’il développe
est une sorte d’intermédiaire entre la musique de divertissement à l’américaine et la
création symphonique la plus élaborée. En
tant que compositeur « classique », Morton Gould s’est largement inspiré des éléments de la vie américaine (blues, negrospirituals, marches de majorettes, folklore
du Far West). C’est sur ces bases que sont
écrits ses Spirituals pour orchestre (1941)
et sa Cowboy Rhapsody (1942). L’influence
de Charles Ives, dont il s’est fait l’interprète en tant que chef d’orchestre, est
également évidente, bien que ses audaces
soient édulcorées. En 1948, Gould a remporté un grand succès avec son ballet Fall
River Legend. Il a remporté en 1995 le prix
Pulitzer avec Stringmusic, commande de
Rostropovitch et de l’Orchestre symphonique de Washington.
GOUNOD (Charles), compositeur français (Paris 1818 - Saint-Cloud 1893).
Orphelin à cinq ans, il est élevé par sa
mère, femme de caractère, intelligente et
musicienne qui lui fait donner de solides
humanités (entrée au lycée Saint-Louis
en 1829 ; baccalauréat de philosophie en
1836), tout en développant ses dons artistiques (enfant, il écoute la Malibran dans
Don Giovanni, Otello de Rossini ; la 6e et
la 9e Symphonie de Beethoven). Entré au
Conservatoire, il est successivement élève
de Reicha, de Paer, puis de Halévy (fugue,
contrepoint), de Lesueur (composition).
Second prix de Rome en 1837, premier
en 1839, il vit à Rome jusqu’en 1841. Au
cours de cette époque d’intense maturation, il lit beaucoup (Goethe, Lamartine),
fréquente l’Opéra (Donizetti, Bellini) et la
Sixtine (Palestrina). Étudiant Lully, Gluck,
Mozart et Rossini, il rencontre souvent
également Ingres, qui l’invite à cultiver ses
dons pour le dessin, et Lacordaire - il en
naît une première crise de mysticisme qui lui dicte plusieurs oeuvres religieuses
(Te Deum, deux Messes brèves, Hymne,
Requiem). Après son départ de la villa Médicis, il passe par Vienne, où il dirige deux
de ses oeuvres à la Karlkirche et par Leipzig où Mendelssohn lui révèle Bach, avant
de retrouver Paris (printemps 1843), où
il devient organiste et maître de chapelle
aux Missions étrangères. Sa crise mystique
s’accuse (il porte soutane et signe « Abbé
Gounod »), mais sa famille l’en détourne,
ainsi que ses amis - dont Pauline Viardot
rencontrée à Rome et pour qui il compose
son premier opéra, Sapho (16 avril 1851).
En 1852, il épouse Anna Zimmermann,
fille du grand pianiste, et devient directeur du chant dans les écoles communales,
puis inspecteur des Orphéons (d’où, en
1853, la Messe dite aux orphéonistes). De
cette époque datent ses premières grandes
oeuvres : l’Ange et Tobie (Lyon, 1854) ; la
Nonne sanglante (Opéra de Paris, 1854) ;
deux Symphonies (1855-56), la première
dirigée par Pasdeloup. Mais une troisième
crise mentale (1857) l’oblige au repos
(internement dans la clinique du docteur
Blanche). En 1859, Faust est créé (2e version, 1869). Entre ces deux dates, Gounod
donne notamment Philémon et Baucis
(1860), la Reine de Saba (1862), Mireille
(1864), dont les succès le conduisent à
l’Académie des beaux-arts (1866). En
1867, dernier grand succès avec Roméo
et Juliette. Retiré en Angleterre chez la
baronne Luisa Brown durant la guerre
de 1870, Gounod ramène sa famille à
Paris après les hostilités, puis retourne
à Londres « vivre la plus grande erreur
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de (sa) vie ». En fait, il s’immisce dans le
ménage Weldon, où Georgina l’ensorcelle
jalousement par son charme sensuel et sa
belle voix de soprano (elle crée à ce titre
l’élégie biblique Gallia). Prisonnier de
lui-même et de ses hôtes, Gounod revient
à Paris sur les instances de son fils et du
docteur Blanche. Mrs. Weldon refuse
alors de rendre le manuscrit de Polyeucte ce qui va dégénérer en procès. Condamné
à une amende de 10 000 livres, Gounod ne
pourra pas, ainsi, assister à Birmingham
en présence de la reine Victoria à la création de sa trilogie sacrée Mors et vita (26
août 1885). Cet ultime triomphe efface
les succès d’estime de Cinq-Mars (1877),
Polyeucte (1878) et l’échec total du Tribut
de Zamora (1881).
Atteint d’hémiplégie, mais vite remis
(1891), Charles Gounod est frappé, le 15
octobre 1893, d’une attaque d’apoplexie
en rangeant la partition de son dernier
Requiem écrit à la mémoire de son petitfils (orchestré par H. Busser). Mort doucement trois jours plus tard, il a droit à
des funérailles nationales (le 27 octobre)
à la Madeleine.
D’un abord facile, de conversation enjouée, doué d’un esprit rapide, plus enclin
à l’admiration qu’à la raillerie, ami sûr et
dévoué, tel fut l’homme, à la fois sensuel
et mystique. Le musicien apparaît plus
complexe. On peut lui reprocher facilités
et platitudes, une certaine pauvreté de la
langue harmonique et du rythme (notamment dans ses oeuvres religieuses) ; des
efforts trop visibles pour créer de classiques symétries. En fait, son écriture a
peu évolué ; mais son style demeure néanmoins personnel, qui recherche la pureté
de l’écriture, la beauté de la ligne, la sobriété du discours. Qualités importantes
et peu partagées à son époque, où l’art
français est écartelé entre l’italianisme
(Rossini et ses successeurs) et les recettes
sans gloire de l’opéra historique (Meyerbeer). Finalement, l’importance de Gounod se mesure autant à son oeuvre (Faust,
Mireille, Roméo et Juliette renouvellent le
genre) qu’à son action. Dans la mélodie de
salon, son souci de la prosodie renforce un
tendre et pénétrant lyrisme bien étranger
à la romance contemporaine : Biondina
évoque Schumann, Venise annonce Fauré.
Si sa musique d’église s’accommode d’un
mysticisme à la fois mondain et théâtral,
à l’opéra, en revanche, il a su donner le
meilleur de lui-même et apporter une poésie certaine face aux débordements du bel
canto ou du romantisme germanique : à
cet égard, Georges Bizet, Édouard Lalo,
Massenet, Saint-Saëns lui seront redevables. Ainsi, Charles Gounod aura-t-il
contribué à réorienter la musique française vers son propre génie : sa dilection
pour la mesure et pour la clarté.
GOURDE ou CABACCA.
Instrument à percussion de la famille des
« bois ».
Sorte de calebasse desséchée que l’on
fait tourner à l’intérieur d’un collier tenu
de l’autre main.
GOUVY (Louis Théodore), compositeur
français (Goffontaine, près de Sarrebruck, 1819 - Leipzig 1898).
il s’installa en 1836 à Paris pour y étudier
le droit, mais son aisance matérielle lui
permit de se tourner vers la musique. Il
voyagea ensuite en Allemagne et en Italie,
puis revint à Paris, où, tout autant qu’en
Allemagne, il fit exécuter ses oeuvres fortement influencées par Mendelssohn avec un succès certain. Il fut, en 1871, un
des fondateurs de la Société nationale de
musique, et, vers 1880, se retira à Leipzig.
Tenant de la musique « pure », il a composé dans un style assez impersonnel 6
symphonies, de la musique de chambre,
des cantates comme Iphigénie en Tauride,
OEdipe à Colone, la scène de concert le Dernier Hymne d’Ossian.
GRADUEL.
1. Abréviation de l’expression « réponsgraduel » (responsum gradale), désignant
un répons ou fragment de psaume chanté
après l’épître, primitivement sur les degrés
(gradus) de l’« ambon » (tribune surélevée
servant aux lectures), et précédant l’alléluia (ou le trait). Jadis plus développé, le
graduel est aujourd’hui habituellement
réduit à deux versets de psaume, théoriquement alternés entre choeur et soliste,
dont l’un constitue le « répons » du choeur
et le second le « verset » de soliste (souvent
chanté par un « petit choeur « ; comme
pour l’alléluia, le grand choeur rejoint aux
derniers mots). Le graduel est une pièce
largement ornée, dont l’ambitus, surtout
dans le verset, dépasse souvent les limites
théoriques du mode. Il existe pour chacun
des 8 modes une mélodie type de verset
dont on retrouve le schéma, différemment orné, à travers de nombreux graduels du même mode, bien que tous ne
s’y astreignent pas. Considéré comme le
« morceau musical » de la messe par excellence, le graduel en a été l’une des parties
les plus développées par les déchanteurs
primitifs : la majorité des grands organa
de l’Ars antiqua sont des graduels.
2. Par extension, on a donné le nom de
graduel au livre de chant contenant l’ensemble du propre de la messe, par opposition au Kyriale qui n’en contient que le
commun, au missel (dit parfois antiphonarium missae), qui contient les deux, et à
l’« antiphonaire », qui ne contient que les
offices des heures. La distinction toutefois
n’est pas toujours observée, et notamment
l’on emploie souvent le mot « graduel »
pour désigner l’une ou l’autre de ces diverses catégories de livres.
GRAENER (Paul), compositeur, chef
d’orchestre et pédagogue allemand
(Berlin 1872 - Salzbourg 1944).
Directeur du Mozarteum de Salzbourg
(1910-1913), successeur de Max Reger
comme professeur de composition au
conservatoire de Leipzig (1920-1924),
directeur du conservatoire Stern à Berlin
(1930), il devint en 1933 vice-président
de la chambre de musique du Reich, dont
il dirigea de 1935 à 1941 le département
« compositeurs ». Dans un style postromantique, il a écrit de nombreuses oeuvres
instrumentales et orchestrales, parmi lesquelles une Symphonie en ré mineur, les
Variations pour orchestre sur un chant
populaire russe, la suite d’orchestre Die
Flöte von Sanssouci et 6 quatuors à cordes,
ainsi que des opéras, dont les plus célèbres
furent Don Juans letztes Abenteuer (1914)
et Friedemann Bach (1931).
GRAINGER (Percy Aldridge), compositeur et pianiste américain, d’origine
australienne (Melbourne 1882 - White
Plains, New York, 1961).
Après des études à Melbourne, il poursuit
son éducation à Francfort en Allemagne
avec Kwast, puis à Berlin avec Busoni. Il
fait ses débuts comme pianiste à Londres
en 1901. Il réunit un très grand nombre de
chants populaires anglais qu’il publie, plus
tard, aux États-Unis. Ami de Grieg, dont
il est le brillant interprète, il fait plusieurs
tournées en Scandinavie et y recueille également des thèmes folkloriques. Fixé aux
États-Unis en 1914, il y enseigne le piano
au collège musical de Chicago (19191928), puis à l’université de New York.
En Australie, il fonde le musée musical de
Melbourne.
Expérimentaliste parti d’un style folklorisant pour devenir l’un des pionniers
de la musique électronique, il a suivi une
démarche évolutive assez personnelle,
participant d’une recherche de l’insolite
et d’un goût de l’étrange (To a Nordic
Princess). Ses oeuvres les plus appréciées
s’inspirent du climat populaire, mais, de
très bonne heure, il a cultivé la polytonalité, les micro-intervalles et les rythmes
complexes. il s’est passionné pour les
techniques nouvelles et, à la fin de sa vie,
s’est intéressé activement aux possibilités
de l’électroacoustique. Il a composé de
la musique pour orchestre (Train Music
Sketch ; In a Nutshell ; The Warriors pour
orchestre et 3 pianos ; Handel in the
Strand), de la musique de chambre (deux
Hill Songs pour 24 instruments solistes ;
Quintette à vent ; Quatuor à cordes ; My
Robin is in the Greenwood Gone pour 8 instruments) et des oeuvres vocales, dont le
cycle de choeurs d’après Kipling (le Livre
de la jungle).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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GRANADOS Y CAMPIÑA (Don Enrique),
pianiste et compositeur espagnol (Lérida, Catalogne, 1867 - péri en mer 1916).
Il fit ses études à Barcelone avec Pujol
(piano) et Pedrell (composition), puis
à Paris. Un premier récital à Barcelone
(1890) l’encouragea à entreprendre une
carrière de pianiste qu’il poursuivit brillamment soit en soliste, soit avec des violonistes (Crickboum, Ysaye, Thibaud),
des pianistes (Risler, Saint-Saëns) ou des
ensembles de chambre (quatuor Crickboum). Après la présentation, à Madrid,
de son opéra Maria del Carmen (1898), il
mena de front la composition, la virtuosité pianistique et la pédagogie au conservatoire de Barcelone, dont il avait été le
fondateur. Ses pièces pour piano, parmi
lesquelles les 12 Danzas españolas (18921900), les Escenas romanticas (1904 ?), et
surtout les Goyescas (d’après des peintures de Goya exposées au Prado, création en mars 1911) lui assurèrent la célébrité. Plus tard, il adapta la musique des
Goyescas pour en tirer un opéra du même
nom, dont la création, d’abord prévue à
Paris, mais empêchée par la guerre, eut
lieu à New York en janvier 1916. C’est
au retour de cet ultime voyage aux ÉtatsUnis que Granados périt avec sa femme
dans le naufrage du Sussex, torpillé dans
la Manche par un sous-marin allemand.
Imprégné de culture romantique, en particulier de Schumann, Chopin et Grieg,
il fut un coloriste aussi délicat qu’Albéniz, mais l’Espagne qu’il évoque est plutôt
celle, galante et ironique, du XVIIIe siècle
que l’Espagne « mauresque » d’Iberia. Sans
aucune prétention à la reconstitution folklorique, il apporta à ses premières pièces
pour piano un raffinement poétique et une
puissance d’émotion qui devaient s’épanouir encore plus par la suite. Dans les Tonadillas (1914) pour voix et piano et dans
les Goyescas, il ne garda que l’esprit de la
thématique et des rythmes populaires, et
parvint à une expression aux résonances
universelles.
GRANDE ÉCURIE ET LA CHAMBRE DU
ROY (la). ! MALGOIRE (JEAN-CLAUDE).
GRAND
jeu ou Grand choeur.
Synthèse réunissant les fonds, cornets,
fournitures et anches (de 4 et 8 pieds) de
l’orgue. À ne pas confondre avec le « plein
jeu » qui met en oeuvre d’autres jeux de
l’instrument.
GRAND ORGUE.
Utilisé en facture d’orgues, ce terme
recouvre plusieurs notions. C’est, d’une
part, l’instrument lui-même, par opposition à un instrument plus petit, comme
l’orgue de choeur. D’autre part, dans le cas
d’un orgue à deux plans sonores séparés
en deux buffets distincts, c’est le plan principal par rapport à celui du positif. Enfin,
on désigne par grand orgue le clavier principal de l’orgue, où se trouvent rassemblés
les jeux de base de la registration.
GRANDI (Alessandro), compositeur italien (Ferrare ? v. 1575-1580 - Bergame
1630).
Il fut probablement l’élève de Giovanni
Gabrieli. Nommé maître de chapelle à
Ferrare (1597), il demeura dans cette ville
jusqu’en 1617. À cette date, il fut engagé
dans les choeurs de Saint-Marc de Venise
avant de devenir vice maestro di cappella
et de seconder le grand Monteverdi (1620).
De 1627 à la fin de sa vie, il fut maître de
chapelle à Bergame de l’église Santa Maria
Maggiore. Ayant déjà composé une quan-
tité de musique d’église avant de quitter
Ferrare, Alessandro Grandi vit son talent
s’affirmer surtout à Venise. Ses dons mélodiques furent désormais alliés à une maîtrise technique de plus en plus assurée. Il
composa exclusivement dans le nouveau
style avec basse continue (motetti a voce
sola), délaissant complètement la prima
pratica des Anciens. Il se souciait également du sens des paroles qu’il mettait en
musique. Son style et celui de ses collègues,
dont les motets ressemblent à des arie profanes de l’époque, ont probablement exercé
une certaine influence sur Monteverdi
lui-même. Dans la musique profane de
Grandi, les airs appelés cantate empruntent
souvent la forme de la variation strophique,
d’autres, appelés arie, sont plus simples,
plus gais avec de fréquentes némioles et
une coupe strophique dansante.
oeuvres. - Musique religieuse. Des motets avec basse continue de 2 à 5 voix, publiés en 1610 (I), 1613 (II, III), 1614 (IV),
1619 (V) et 53 41 263 1630 (VI) ; 3 livres
de motets avec instruments, à 1 et 2 voix,
parus en 1621, 1625 et 1629, Motetti a voce
sola (1628) ; des psaumes dont le recueil
Messa e Salmi concertati à 3 voix (1630). Musique profane. 4 livres de cantates et
d’airs (1 à 3 voix), publiés entre 1620 et
1629, dont le livre II est perdu.
GRASSINI (Giuseppina), cantatrice italienne (Varèse 1773 - Milan 1850).
Douée d’une voix de contralto exceptionnellement longue et agile, qui lui permettait le chant orné jusque dans le registre du
soprano lyrique, elle débuta triomphalement à la Scala en 1794 dans l’Artaserse de
Zingarelli. Trois ans plus tard, elle créait
avec non moins de succès, à la Fenice de
Venise, Gli Orazzi e Curiazzi de Cimarosa.
Sa carrière se poursuivait au San Carlo de
Naples, quand Bonaparte, probablement
sensible à sa rare beauté plus encore qu’à
sa voix, la fit venir à Paris au lendemain
de Marengo. Couverte d’or par la faveur
consulaire, puis impériale, elle fut la vedette des concerts de la cour jusqu’à la
chute de Napoléon, puis regagna Milan et
ne tarda pas à quitter la scène.
GRAUN, famille de musiciens allemands.
August Friedrich, compositeur (Wahrenbrück, Saxe, 1698 ou 1699 - Merseburg 1765). Cantor à Merseburg à partir
de 1729, candidat malheureux à la succession de J.-S. Bach à Leipzig en 1750, il
se spécialisa dans la musique vocale religieuse.
Johann Gottlieb, violoniste et compositeur, frère du précédent (Wahrenbrück
1702 ou 1703 - Berlin 1771). Élève pour le
violon de Pisendel à Dresde et de Tartini
à Padoue, il entra en 1732 au service du
prince héritier Frédéric de Prusse, et en
devint le Konzertmeister. Il a surtout écrit
des oeuvres instrumentales (symphonies,
concertos, sonates) dans le style italianisant de l’époque.
Carl Heinrich, chanteur et compositeur,
frère des précédents (Wahrenbrück 1703
ou 1704 - Berlin 1759). Il étudia et chanta
à la Kreuzschule de Dresde. Engagé en
1725 comme ténor à la cour ducale de
Brunswick, il s’y révéla compositeur
d’opéras italiens, et en devint vice-maître
de chapelle en 1727. Appelé par le prince
héritier Frédéric de Prusse à Rheinsberg
en 1735, il y composa des cantates sur
des textes de son nouveau maître. À son
avènement en 1740, Frédéric II le nomma
maître de chapelle, le chargea de réorganiser l’opéra de Berlin, et, dans ce but,
l’envoya recruter des chanteurs en Italie
(1740-41). Son Rodelinda (1741) fut le
premier opéra italien représenté à Berlin,
et, le 7 décembre 1742, le nouvel opéra de
cette ville fut inauguré avec son Cesare e
Cleopatra. Jusqu’à sa mort, il fournit son
répertoire à cet établissement, avec comme
seul rival sérieux J. A. Hasse, et régna à
peu près sans partage sur la vie musicale
berlinoise. Il avait des dons mélodiques
certains et une grande connaissance des
possibilités de la voix humaine. Outre ses
nombreux opéras italiens, parmi lesquels
Artaserse (1743), Il Rè pastore (1747), Ifigenia in Aulide (1748), Montezuma (1755), il
écrivit de la musique instrumentale et des
ouvrages religieux. De cette dernière catégorie relèvent un Te Deum (1757) et surtout son oeuvre, à la longue, la plus célèbre
et la plus durable : la cantate pour la Passion Der Tod Jesu (« la Mort de Jésus »),
sur un texte de C. W. Ramler (1755, édit.
par Breitkopf, Leipzig, 1760).
GRAUPNER (Johann Christoph), compositeur allemand (Hartmannsdorf, Saxe,
1683 - Darmstadt 1760).
Il fait ses études avec J. Kuhnau à la Thomasschule ainsi qu’à l’université de Leip-
zig. Il se fixe ensuite à Hambourg où il est
nommé, en 1707, claveciniste à l’opéra. En
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
427
1709, il obtient le poste de vice-maître de
chapelle, et, en 1712, celui de maître de
chapelle à la cour de Hesse-Darmstadt.
Nous n’avons conservé qu’une partie des
opéras écrits pour Darmstadt et Hambourg de l’homme qui fut l’ami de Telemann et de Grünewald et qui jouissait de
l’admiration de J.-S. Bach. Son style a subi
l’influence de Reinhard Keiser. Entre 1719
et 1745, Graupner a composé, en outre,
plus de 1 300 oeuvres religieuses destinées
à la chapelle de la cour de Darmstadt.
GRAVE.
1. Dans l’échelonnement de hauteur des
sons, ou dans la comparaison de hauteur
entre plusieurs sons, mot désignant les
sons les plus « bas », c’est-à-dire ceux dont
la fréquence est la plus faible. Le terme est
une translittération maladroite du latin
gravis, qui traduisait exactement le grec
barys (« lourd ») opposé à oxys (« aigu »),
qui a été conservé.
2. Dans l’échelonnement des tempos,
le grave correspond à peu près au largo,
mais en y adjoignant souvent l’idée d’un
caractère soit recueilli, soit solennel, non
exempt d’une certaine lourdeur. On le
trouve souvent à l’époque classique, dans
le premier mouvement des ouvertures
françaises, ou plus tard dans l’introduction lente des premiers mouvements de
sonate ou de symphonie.
3. Par dérivation du sens précédent, les
morceaux présentant le caractère ci-dessus
sont parfois, eux-mêmes, désignés sous ce
terme, qui, entre autres, s’applique de préférence aux introductions solennelles dites
encore « entrées » (en ital. intrada).
GRAZIANI (Bonifacio), compositeur italien (Marino ? v. 1605 - Rome 1664).
Il fut maître de chapelle à l’église des Jésuites de Rome et au séminaire. Il semble
avoir composé uniquement de la musique
religieuse. Ses oratorios, messes et motets illustrent les traits caractéristiques
de l’école romaine représentée aussi par
Carissimi à la même époque. Les oeuvres
de B. Graziani sont d’une belle envergure, tant par la solidité de leur structure
que par la beauté de la ligne mélodique.
De son vivant, elles ont connu un grand
succès et ont bénéficié de plusieurs publications : 8 livres de motets de 2 à 6 voix
(1650-1676) ; 6 livres de motets à voix
seule (1652-1672) ; 3 livres de psaumes
pour les vêpres (1652-1670) ; des répons
pour la semaine sainte à 4 voix (1663) ;
litanies, antiennes, concerts sacrés et plusieurs oratorios.
GRAZIANI (Tomaso), compositeur italien (Bagnacavallo v. 1553 - id. 1634).
Ce moine franciscain, élève de Costanzo Porta, fut maître de chapelle à San
Francesco de Milan (1587), à Ravenne
(1589-1595), à la cathédrale de Concordia de Modène (1598) et à Porto Gruaro
(1601). Ensuite, il retourna à Bagnacavallo et entra au couvent des franciscains
(1613). Il a composé surtout de la musique
d’église d’une écriture souvent élaborée
(Missa cum introitu, ac tribus motectis, 12
vocibus canenda, tribus choris distincta,
Venise, 1587). On lui doit aussi un livre
de Madrigaux à 5 voix (Gardano, Venise,
1588).
GREENE (Maurice), organiste et compositeur anglais (Londres 1696 - id. 1755).
Choriste de la cathédrale Saint Paul, il se
consacra, à partir de 1710, à l’orgue et à
la composition. En 1718, il fut organiste
à Saint Paul et, en 1727, succéda à Croft
comme organiste et compositeur de la
chapelle royale. Il fut très lié à Haendel
et ce fut l’amitié de ce dernier pour son
rival Bononcini qui l’en sépara. En 1750,
à la suite d’un héritage, Greene décida de
consacrer sa fortune à rassembler et éditer
les meilleures oeuvres d’église anglaises. Il
ne put mener complètement son projet à
terme, et ce fut son ami Boyce qui publia
Cathedral Music. Greene fut également
un des fondateurs de la Royal Society
of Musicians. Son oeuvre comporte des
oratorios, des cantates, des catches, des
anthems. Citons, parmi les plus notoires,
Fourty Select Anthems (Londres, 1743),
Spenser’s Amoretti (1739) et A collection of
Lessons for the harpsichord (1750).
GRÉGOIRE (saint)
, nom par lequel on désigne aussi le pape
Grégoire Ier, dit Grégoire le Grand (Rome
v. 540 - id. 604). Pape de 590 à 604 après
avoir été à Constantinople légat de son
prédécesseur Pélage II, et à Rome secrétaire du Saint-Siège et abbé du monastère
fondé par lui dans sa propre maison du
mont Coelius. Il était donc, lorsqu’il accéda au pontificat, familiarisé avec tous les
aspects de la musique liturgique, y compris ses variantes orientales. On ne trouve
pourtant trace de questions musicales
dans aucun de ses actes pontificaux, qui
sont presque tous conservés. La tradition
n’en a pas moins fait de lui le créateur du
« chant grégorien ». Les érudits n’ont cessé
de discuter sur ce qu’a pu être, en réalité, le
rôle en l’occurrence de saint Grégoire : on
ne peut trancher le débat, mais il apparaît
très vraisemblable que, si son influence a
pu être déterminante dans la fixation du
répertoire, il n’a jamais joué un rôle ni de
technicien ni a fortiori de compositeur. Ce
que l’on peut dire, c’est que l’unification
des usages ecclésiastiques était l’une des
préoccupations essentielles de son règne,
et que l’unification du chant liturgique
devait assez normalement y prendre place.
Elle devait être incluse notamment dans la
réforme disciplinaire générale qu’il chargea son délégué Augustin d’introduire en
Grande-Bretagne, et c’est le chant « unifié » sur la base des usages romains qui,
sous le couvert de son autorité, fut désigné
plus tard comme « chant grégorien ». La
tradition qui plaça le nom de saint Grégoire à l’origine du chant « grégorien »
n’apparut que trois cents ans après sa
mort chez le chroniqueur Jean Diacre
(v. 873), puis au début du XIe siècle chez
un sermonnaire aquitain sujet à caution,
étant connu ailleurs comme mythomane,
Adémar de Chabannes : l’expression
« chant grégorien » appliquée à l’ensemble
du répertoire est plus récente encore. Jean
Diacre attribuait cependant à saint Grégoire la mise en ordre du graduel (centonibus compilavit) et la création à Rome
d’une école de chant religieux, la Schola
cantorum, prototype de toutes les maîtrises ultérieures ; Adémar plaça dans la
bouche de Charlemagne la phrase restée
célèbre : Revertimini vos ad fontem sancti
Gregorii, quia manifeste corrupistis cantum
(« retournez à la source de saint Grégoire,
car il est évident que vous avez corrompu
le chant »). Il mentionnait aussi un Livre
de chant selon saint Grégoire qui aurait
servi de base aux missions musicales des
envoyés de l’Empereur, notamment à
Metz et à Soissons. Il est probable cependant que le nom de saint Grégoire a été
utilisé en l’affaire davantage comme caution de prestige que comme témoignage
historique de paternité.
GRÉGORIEN (chant).
Expression aujourd’hui courante pour
désigner l’ensemble du répertoire monodique de l’Église latine médiévale.
On a vu à l’article Grégoire (saint) que
cette appellation, qui ne date guère que du
début du XXe siècle (Motu proprio de Pie X,
1903 ; on disait auparavant « plain-chant »
ou « chant ecclésiastique »), est historiquement sujette à caution. Les « grégorianistes » ou spécialistes du « chant grégorien » se gardent bien, du reste, d’employer
ce terme dans cette acception généralisée,
et le restreignent à l’ordonnance de rite
romain pouvant effectivement être datée
avec vraisemblance de l’époque de ce
pape, soit du VIIe siècle environ. Ils en
excluent donc, d’une part, l’ensemble des
répertoires de rite non romain (ambrosien
à Milan, gallican en France, mozarabe en
Espagne, etc.), d’autre part, celui des rites
romains antérieurs ou parallèles, dont le
principal est le chant dit « vieux-romain »,
qui se serait maintenu jusqu’au XIIIe siècle
environ et aurait été ensuite éliminé sous
l’influence des franciscains ; toutefois
aucun des manuscrits considérés comme
« vieux-romains » n’est antérieur au milieu du XIe siècle, ce qui étend considérablement la part de l’hypothèse. Il faut également distraire du domaine « grégorien »
les différents remaniements du répertoire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
428
effectués au cours des siècles, par exemple
le chant cistercien, abondant en amputations mélodiques, et le répertoire tardif
des tropes, séquences ou offices mesurés
qui, bien que partiellement officialisés,
introduisent un style quelque peu différent. La composition des mélodies dites
grégoriennes se ralentit notablement à
partir du XIe siècle et cesse à peu près à la
fin du XVe (le Kyrie et le Gloria de la Messe
des Angles ou Anglais, dite par corruption
Messe des Anges, sont parmi les pièces les
plus tardives). Des essais de composition
en plain-chant, influencés par les déformations de style survenues entre-temps,
se rencontrent encore au XVIIe siècle, surtout en France (Henri Dumont, Lully le
fils), puis s’éteignent pour renaître aux
premiers jours de la résurrection solesmienne (Dom Pothier, Lambillotte). Elles
demeurent marginales : lorsque apparaissent de nouveaux offices (Sacré-Coeur,
Sainte-Jeanne-d’Arc, etc.), les liturgistes
adaptent le plus souvent d’anciennes
pièces sans en créer de nouvelles. C’est
encore ce qu’ils font actuellement pour
ménager tant bien que mal une possibilité de service du chant grégorien dans
les nouveaux rituels postconciliaires, trop
souvent conçus hâtivement sans que l’on
ait prêté une attention suffisante à leurs
incidences musicales.
GRELOTS.
Instrument à percussion de la famille des
« métaux ».
il s’agit de boules métalliques, en cuivre
le plus souvent, contenant chacune une
bille à l’intérieur et réunies entre elles par
une lanière de cuir. Employées dans les
musiques primitives, on les trouve aujourd’hui, par exemple, incorporées dans
le harnais des chevaux lors des cérémonies
officielles.
GRENON (Nicolas), compositeur français
( ? v. 1380 - ? 1456).
Dès 1385, il appartient à la cour de Philippe
le Hardi à Dijon. Il succède à son frère
comme chanoine du chapitre de SaintSépulcre à Paris (1399), où il séjourne
jusqu’en 1401. Nommé maître des enfants
à la cathédrale de Laon (1403-1408), puis
maître de grammaire à Cambrai (1408)
et maître de musique à la cathédrale de
cette ville (1421-1424), il occupe tout naturellement le poste de maître des jeunes
choristes du duc de Berry et entre au
service de Jean sans Peur lorsque celuici remplace son oncle. Accompagnant un
groupe de quatre chanteurs formés à la
française, il devient chantre à la chapelle
pontificale (1425-1427) avant de regagner
Cambrai où il termine son existence après
un séjour à Bruges. Ses oeuvres profanes
(cinq chansons à 3 voix, trois chansons
à 4 voix), comme sa musique religieuse
(quatre motets et un fragment de messe
Et in terra), montrent son attachement à
l’Ars nova : la complexité d’écriture d’Ave
virtus virtutum ou des chansons Se ne
vous say ou Je say defait en témoignent,
ainsi que le principe de l’isorythmie, une
constante de ses motets. Les traits dominants du XVe siècle franco-bourguignon
se dessinent toutefois : recherche d’une
simplification générale mélodique et rythmique, adoption d’un chant syllabique, le
tout dans un souci de clarté et d’expression. Mais vivant à un tournant stylistique, Nicolas Grenon ne saurait écrire
d’une manière uniforme.
GRETCHANINOV (Alexandre Tikhonovitch), compositeur russe (Moscou
1864 - New York 1956).
Fils d’un modeste commerçant, il apprit la
musique contre la volonté de ses parents et
n’entra qu’à dix-sept ans au conservatoire
de Moscou. Douze ans plus tard, il acheva
ses études à Saint-Pétersbourg dans la
classe de Rimski-Korsakov et végéta longtemps encore, vivant surtout de leçons
de piano et de chant choral. Sa situation
ne s’était guère améliorée quand, sexagénaire, il quitta l’Union soviétique pour la
France, puis les États-Unis où il connut
enfin le succès. Auteur de sept messes, de
plusieurs cantates et motets, de trois opéras, de nombreuses mélodies et pièces de
musique de chambre, Gretchaninov n’a
jamais prétendu à l’originalité. Mais un
don mélodique incontestable, une inspiration généreuse et sincère sauvent de la
banalité sa musique vocale et, en particulier, religieuse.
GRÉTRY (André-Ernest-Modeste), compositeur français d’origine belge (Liège
1741 - Ermitage de Montmorency 1813).
Issu d’une famille de musiciens liégeois,
il doit l’originalité de son développement
musical aux études qu’il va poursuivre à
Rome entre 1760 et 1766 ; il reconnaîtra
ensuite cette dette dans ses Mémoires :
« L’école italienne est la meilleure qui
existe, tant pour la composition que pour
le chant. » Il a été l’élève de G. B. Casali et
du père Martini, et acquiert une maîtrise
suffisante pour devenir membre de l’académie des Filarmonici de Bologne. Après
être passé par Genève, il s’installe en 1768
à Paris, qui va rester son centre d’activité presque exclusif. Ses deux premières
oeuvres parisiennes, le Huron (1768) et Lucile (1769), frappent le public dans sa fibre
sentimentale, et Grétry devient vite le mu-
sicien le plus à la mode de la France prérévolutionnaire. Grimm le décrit ainsi : « M.
Grétry est de Liège ; il est jeune, il a l’air
pâle, blême, souffrant, tourmenté, tous
les symptômes d’un homme de génie. »
Grétry continue à composer un ou deux
opéras-comiques par an jusqu’à la Révolution, sans que son prestige soit atteint
par des échecs passagers. Ceux de ses opéras qui ont le mieux gagné les faveurs du
public reviennent fréquemment à l’affiche,
et son oeuvre connaît une large diffusion à
l’étranger dès les années 1770. Grétry ne
tarde pas à recevoir les honneurs les plus
divers, même sous la Révolution, où il a
été élu membre de l’Institut et inspecteur
des études au Conservatoire (1795). En
1798, il achète l’Ermitage de Jean-Jacques
Rousseau, dans la vallée de Montmorency,
et y vit retiré jusqu’à sa mort.
Le langage musical de Grétry est à la fois
moins complexe que celui de Rameau et
que celui de Haydn et Mozart. Mais Grétry fait son entrée sur la scène parisienne
lorsque le genre de l’opéra-comique a été
déjà largement illustré par Duni, Monsigny et Philidor, et son mérite essentiel est
sans doute d’en avoir considérablement
approfondi les possibilités expressives. Il
a été aidé en cela par ses trois principaux
librettistes, Marmontel, Sedaine et d’Hèle,
qui ont contribué, par le choix de sujets
sentimentaux et par un langage parfois
« larmoyant », à diversifier les ressorts
émotifs de l’opéra-comique. Les innovations de Grétry se manifestent avant
tout par le décloisonnement des formes
musicales : la continuité dramatique est
assurée par une proportion d’ensembles
vocaux plus élevée que chez Philidor ou
Monsigny, et se traduit même, dans certains opéras, par l’abolition du dialogue
parlé (Colinette, l’Embarras des richesses,
la Caravane du Caire). Des finales juxtaposant des ensembles de complexité grandissante révèlent l’influence de l’opéra
bouffe italien, comme dans la Rosière de
Salency ; mais Grétry dépasse ses modèles
par l’emploi du choeur (Colinette, III. 8) et
par la richesse de morceaux orchestraux
utilisés à des fins évocatrices (Zémire et
Azor). Enfin, la romance de Blondel, qui
revient neuf fois au cours de Richard
Coeur de Lion, constitue l’un des premiers
exemples du « motif de réminiscence »,
qui jouera un rôle important dans la musique du XIXe siècle. Grétry avoue dans ses
Mémoires avoir recherché le « moyen de
contenter tout le monde ». Il a sans doute
atteint son but, combinant une veine
mélodique facile avec un goût de l’expérimentation qui en fait un précurseur de
l’opéra romantique.
GRIEG (Edvard Hagerup), compositeur
norvégien (Bergen 1843 - id. 1907).
Il commence à six ans l’étude du piano
avec sa mère et est remarqué par le violoniste Ole Bull qui l’envoie se perfectionner au conservatoire de Leipzig en
1858. Il y restera quatre ans, travaillant
notamment avec Moscheles, E. F. Richter
et C. Reinecke, puis il retourne en Norvège doutant d’avoir beaucoup appris. En
1863, il part pour Copenhague où règne
N. Gade, mais plus importante y est la
rencontre avec son compatriote R. NordownloadModeText.vue.download 435 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
429
draak (1842-1866) et avec le compositeur
danois C. Horneman qui aboutit à la création de l’éphémère groupe Euterpe, en
réaction contre l’influence allemande de
Schumann et de Mendelssohn. Rentré en
Norvège en 1866, il s’installe à Christiania (Oslo) et épouse sa cousine, la cantatrice Nina Hagerup. Sa lutte pour un art
national, soutenue par son compatriote H.
Kjerulf (1815-1868), est reconnue et révélée à l’étranger par Liszt en 1870. Dès lors,
Grieg mène parallèlement la composition,
une carrière difficile d’organisateur de la
vie musicale en Norvège et ses tournées
de concerts. Chef d’orchestre apprécié, il
n’est pas un pianiste virtuose, mais un interprète sensible. Avec l’aide de J. Svendsen il arrive peu à peu à imposer son idéal
d’une musique nationale, et désormais
sa vie est une succession de triomphes
et de pénibles dépressions physiques. il
s’éteint le 4 décembre 1907, épuisé par les
ultimes tournées de concerts. La célébrité
de Grieg repose sur un certain nombre de
malentendus. Ses oeuvres les plus jouées
aujourd’hui, Peer Gynt et le Concerto en
« la », pour être populaires, n’en sont pas
moins des partitions où les principales
qualités du compositeur n’apparaissent
pas avec le plus d’évidence ; la lourdeur de
son orchestration et son manque de maîtrise de la forme sont des handicaps dont
il était d’ailleurs conscient. C’est dans la
petite forme que Grieg a toujours été le
plus à l’aise, notamment dans ses mélodies
et ses pièces pour piano. Une trop rapide
assimilation à la musique de salon de la
fin du XIXe siècle ne doit pas dissimuler les
qualités de ces oeuvres. Audacieux harmoniste, cet initiateur à un art « impressionniste » a influencé des compositeurs tels
que Debussy, Ravel et Delius. Son inspiration populaire est également beaucoup
plus authentique dans ses pièces vocales
et pianistiques que dans les oeuvres plus
ambitieuses dont Debussy dénonçait le
caractère « ficelle et truqué ». Son langage
utilise de fréquentes oscillations entre les
modes majeur et mineur, tout comme
dans les mélodies populaires norvégiennes où la tierce est instable ; sa phrase
musicale est large et très lyrique, mais c’est
la perfection de l’écriture pianistique qui
attire plus encore l’attention et lui permet
d’exprimer l’exceptionnelle sensibilité que
l’on retrouve tout au long de son oeuvre.
GRIESINGER (Georg August), écrivain
et diplomate allemand (Stuttgart 1769 Vienne 1845).
Venant de Leipzig, il arriva à Vienne au
printemps de 1799 comme précepteur du
fils aîné du chef de la légation de Saxe,
avant de devenir lui-même secrétaire de
légation en 1804, conseiller de légation en
1808, conseiller secret en 1828, et, enfin,
chef de mission en 1831. Avant son départ
de Leipzig, il s’était vu demander par la
maison d’édition Breitkopf de prendre
contact avec Haydn et de servir d’intermédiaire dans les transactions que cette maison comptait mener avec le compositeur.
Griesinger vit très souvent Haydn jusqu’à
la mort de ce dernier, et ses nombreuses
lettres à Breitkopf Härtel constituent une
précieuse source de renseignements non
seulement sur l’auteur de la Création, mais
sur la vie musicale à Vienne en général.
Griesinger amassa peu à peu les éléments
d’une biographie que, après la mort de
Haydn, il fit paraître dans sept numéros
successifs (du 12 juill. au 23 août 1809)
de l’Allgemeine Musikalische Zeitung, puis
(après révision) en volume l’année suivante. Des trois biographies authentiques
du compositeur, les autres étant celles de
Carpani et de Dies, celle-ci - Biographische
Notizen über Joseph Haydn, « Notices biographiques sur Joseph Haydn », Leipzig,
1810, rééd. Vienne, 1954, rééd. fac-similé
Leipzig, 1979) - est à la fois la plus concise
et la plus sûre.
GRIFFES (Charles Tomlinson), compositeur américain (Elmira, New York, 1884 New York 1920).
Il fit ses études dans sa ville natale, puis en
Allemagne avec Humperdinck. La découverte des maîtres français (Debussy, Ravel)
et russes (Scriabine) l’orienta ensuite vers
un art de suggestion de plus en plus subtil et raffiné, indifférent à l’expression
typiquement américaine. De retour aux
États-Unis en 1907, il y exerça diverses
activités d’enseignement. Il a surtout écrit
des mélodies (Five Poems of Ancient China
and Japan, 1917) et des pièces pour piano,
dont deux sonates (1904 et 1917-18), The
Pleasure Dome of Kubla Khan (1912, transcription orchestrale 1917) et Four Roman
Sketches (1915, 1919 - dont The White
Peacock transcrit pour orchestre, 1919). Il
termina sa carrière sur deux oeuvres capitales de la musique américaine, la seconde
sonate pour piano et le Poème pour flûte et
orchestre (1918).
GRIGNY (Nicolas de), organiste et compositeur français (Reims 1672 - id. 1703).
Il est, avec François Couperin, le plus grand
maître de toute l’école de l’orgue classique
français ; mais sa destinée tragiquement
brève a certainement privé la musique du
XVIIIe siècle de l’un de ses artistes majeurs.
Né dans une famille d’organistes rémois,
il est monté de bonne heure à Paris pour
y parfaire sa formation musicale. Il y a été
le disciple de Lebègue, et y a très probablement connu son contemporain François Couperin, dont le Livre d’orgue était
publié en 1690. De 1693 à 1695, il est organiste de l’église abbatiale de Saint-Denis.
Il regagne ensuite Reims, où, à partir de
1697, il est titulaire de l’orgue de la cathédrale. Deux ans plus tard, il fait paraître
son Livre d’orgue, mais il meurt peu après,
à peine âgé de trente et un ans. Le Livre
d’orgue se compose de deux parties à peu
près égales en volume : une Messe d’orgue
en vingt-deux morceaux d’un côté, et cinq
Hymnes de l’autre. Cette oeuvre réalise
une synthèse unique entre les tendances
les plus nouvelles de l’orgue de concert et
les exigences liturgiques traditionnelles de
l’Église catholique. D’une sensibilité exacerbée, Grigny pratique un chromatisme
séduisant dans un langage encore tout imprégné des vieux modes médiévaux. Harmoniste subtil, polyphoniste accompli (il
écrit souvent à cinq voix), il est avant tout
un merveilleux mélodiste, développant de
souples volutes ou laissant s’échapper de
sublimes envolées lyriques, gonflées d’une
ornementation somptueuse. Ses hymnes
sont à la musique sacrée française ce que
les préludes de chorals de Bach sont à la
musique religieuse allemande. Le rapprochement n’est d’ailleurs pas fortuit : JeanSébastien recopia intégralement le Livre
de Grigny lors de son séjour à Lüneburg,
en 1703. Une seconde édition, posthume,
parut en 1711, et il faut attendre 1904 pour
en voir publier la première réédition moderne. Ce chef-d’oeuvre, à la charnière de
deux siècles, situe l’aboutissement d’une
évolution commencée avec Titelouze et
Frescobaldi, et marquée par l’influence
des prédécesseurs immédiats de Grigny,
Lebègue et François Couperin. Couperin
n’écrivant plus pour l’orgue, et Grigny
disparu, la musique d’orgue française
tombera alors en de plus faibles mains, et
ne va cesser de se dégrader, lors même que
l’école allemande connaîtra son apogée.
GRILLO (Fernando), compositeur et
contrebassiste italien (Foggia 1945).
Il a obtenu son diplôme de contrebassiste à Pérouse en 1970, et fréquenté les
cours de Darmstadt en 1974. Il a créé pour
son instrument de nouvelles techniques,
proposant notamment une synthèse originale entre l’élément gestuel et le son,
et de nombreux compositeurs ont écrit
à son intention. Pour contrebasse seule,
il a composé lui-même, entre autres, To
Ark (1972), Paperoles (1973-1975), Gstüss
(1975-76) et Ta kai ta (1976).
GRIMM (Friedrich Melchior, baron von),
écrivain allemand (Ratisbonne 1723 Gotha 1807).
Il vécut à Paris à partir de 1749, où il se lia
avec les milieux littéraires et mondains.
Il connut Diderot, d’Alembert, Rousseau,
Helvetius, Marmontel et collabora à l’Encyclopédie, pour laquelle il écrivit l’article
sur la poésie lyrique, ainsi qu’au Mercure
de France (1750-1751).
Critique et chroniqueur réputé, il joua
un rôle important dans le mouvement des
idées en s’engageant dans les polémiques
et les querelles de son époque. Ses jugements sur la vie musicale et ses théories
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
430
visant à encourager la recherche d’un
style nouveau en musique apparaissent
dans sa Correspondance littéraire, philosophique et critique, qu’il rédigea entre 1753
et 1773, et dont la publication, entreprise
après sa mort, en 1812-1814, fut achevée
en 1882. La position qu’il adopta tout
d’abord à l’égard de la musique française
dans la Lettre sur Omphale (1752) reflète
celle de beaucoup de ses contemporains.
Impressionné par l’impulsion nouvelle
que semblait pouvoir apporter la musique
italienne, il loua celle-ci même lorsqu’il
se proposait principalement de défendre
la musique de Rameau contre celle de
Destouches. Cette brochure figurait néanmoins en bonne place parmi les derniers
avatars de la querelle du ramisme.
Dans la « Querelle des bouffons » qui
se déclara quelque six mois plus tard, il
adopta sans équivoque le parti de la musique italienne, comme ses confrères philosophes et encyclopédistes, en publiant
en 1753 le Petit Prophète de Boehmischbroda Cette polémique, dont la violence
fit, selon Grimm, passer au second plan
les problèmes politiques du moment,
opposa à l’Opéra le « coin du Roi » - qui
rassemblait les défenseurs de la musique
française - au « coin de la Reine », réunissant les partisans de la musique italienne,
et pouvait être mise en relation avec une
contestation plus large de l’idéologie professée par l’Ancien Régime. Le Petit Prophète de Boehmischbroda (qui semblait
bien être une allusion à Stamitz) se plaçait
ainsi parmi les écrits progressistes de cette
période et fut, en tout cas, l’un des plus
célèbres de ceux que provoqua cette querelle. À partir de ce moment, la défense
de la musique française, ou même seulement celle de Rameau, fut dépassée pour
Grimm qui adopta définitivement le parti
de la musique italienne.
Personnalité prestigieuse, Grimm
fut sollicité avec insistance par Leopold
Mozart qui lui demanda d’appuyer les
débuts parisiens de Wolfgang Amadeus.
Il présenta, en effet, celui-ci à la cour de
Louis XVI mais, un peu plus tard, il ne
fut pas étranger à son départ de Paris en
1778. Anobli par l’empereur Joseph II en
1777, il quitta Paris en 1793 et se retira à
Gotha où il finit ses jours.
GRIPPE (Ragnar), compositeur suédois
(Stockholm 1951).
Après un stage au Groupe de recherches
musicales de Paris et quelques années
d’apprentissage et de création dans le
studio A.L.M. de Luc Ferrari, il se fait
connaître en Europe par ses musiques
électroacoustiques pour le ballet, où son
sens du son qui « porte » et du dynamisme
musical fait merveille. Mais il y gaspille
peut-être aussi son talent en « marathons » (titre d’une de ses oeuvres), dont le
principe de répétition cyclique est devenu
passe-partout. Certaines oeuvres, comme
Were are they (1977) composée au studio
d’Utrecht, ajoutent à cet abattage de bon
faiseur les qualités d’un musicien sensible.
GRISEY (Gérard), compositeur français
(Belfort 1946).
Il a fait ses études en Allemagne au conservatoire de Trossingen (composition avec
Helmut Degen), puis au Conservatoire de
Paris, où il a obtenu un premier prix d’harmonie (1967), et a été élève d’Olivier Messiaen (1968-1972). G. Grisey a aussi étudié
avec Henri Dutilleux (1968), Jean-Étienne
Marie (l’électroacoustique), et, à Darmstadt, avec Stockhausen, Ligeti et Xenakis
(1972). Il a été lauréat de la Fondation
de la vocation (1970), premier prix de la
Biennale internationale de Paris (1971),
prix Hervé-Dugardin de la S. A. C. E. M.
(1973), boursier de la villa Médicis à
Rome (1972-1974) et invité à Berlin par
le DAAD (1980). Il a enseigné à Berkeley de 1982 à 1986, et est devenu en 1986
professeur de composition au Conservatoire de Paris. Travaillant sur des données
acoustiques et sur une matière première
non tempérée, il s’intéresse particulièrement aux « processus de transformation
d’un son en un autre son, d’un ensemble
de sons en un autre ensemble », et à la
spatialisation de la musique. Il a écrit notamment Échanges pour piano préparé et
contrebasse (1968 ; création à Paris, 1969),
Mégalithes pour quinze cuivres (1969),
Charme pour clarinette seule (1969), Perichoresis pour trois groupes instrumentaux
(1969-70), Vagues, Chemins, le Souffle
pour grand orchestre et clarinette solo, où
l’orchestre entoure le public (1970-1972 ;
création à Paris, 1975), D’eau et de pierre
pour deux groupes instrumentaux (1972),
Dérives pour deux groupes d’orchestre
(1973-74), Périodes pour sept musiciens
(1974), Partiels pour seize ou dix-huit
musiciens (1975 ; création à Paris, 1976),
Prologue pour alto seul avec ou sans dispositif de résonateurs électroniques (création à Paris, 1978), Manifestations pour
orchestre de débutants (1976 ; création à
Paris, 1978), Modulations pour 33 musiciens (1977), Sortie vers la lumière du jour
pour orgue électrique et 14 musiciens
(1978), Jour, contre-jour pour orgue électrique, 13 musiciens et bande magnétique
(1978-79), Tempus ex machina I pour six
percussionnistes (1979), et Transitoires
pour grand orchestre (1980-81). À noter
que Prologue, Périodes, Partiels, Modulations et Transitoires constituent un cycle
de pièces intitulé les Espaces acoustiques
et peuvent s’enchaîner sans interruption,
chaque pièce élargissant le champ acoustique de la précédente (cycle créé à Venise
en 1981). En 1987 a été créé Talea pour 5
musiciens. Ont suivi le Temps et l’écume
pour 4 percussionnistes, 2 synthétiseurs et
orchestre de chambre (1988-1989), le Noir
de l’étoile pour 6 percussions, bande et
signaux astronomiques retransmis (19891990), l’Icône paradoxale sur des textes de
Piero della Francesca pour deux voix de
femme et orchestre (1991).
GRISI (Giulia), soprano italienne (Milan
1811 - Berlin 1869).
Soeur cadette de Giuditta (Milan 1805 Robecco 1840), qui fit une plus brève carrière de mezzo-soprano, Giulia Grisi passa
pour une des cantatrices les plus accomplies de l’époque romantique, avec une
perfection vocale que les partisans du pur
bel canto opposaient à l’intense expressivité de la Pasta et de la Malibran. Elle créa
le rôle de Juliette aux côtés de sa soeur qui
incarnait Roméo dans I Capuletti e i Montecchi de Bellini. Elle fut aussi la première
Adalgise, avec la Pasta dans Norma. Par
la suite, elle devait reprendre le rôle de
Norma qu’elle chanta partout avec succès, bien que la personnalité tragique de
la Pasta lui ait fait défaut. Elle se produisit
régulièrement au Théâtre-Italien de Paris
entre 1832 et 1849, et fit une carrière internationale aux côtés de son mari, le ténor
Mario, formant avec lui un couple célèbre
par la beauté physique autant que par le
talent lyrique. La voix de Giulia Grisi était
d’une qualité exceptionnelle, et sa technique, exemplaire. Elle fit une carrière très
longue, paraissant encore à Londres dans
Lucrèce Borgia de Donizetti en 1866.
GROFE (Ferdé ou Ferdinand Rudolph
Von Grofe), compositeur américain (New
York 1892 - Santa Monica, Californie,
1972).
Après des études avec sa mère (violoncelliste) et au conservatoire de Leipzig,
il fut violoniste dans l’orchestre de Los
Angeles, puis pianiste dans celui de Paul
Whiteman, pour qui il orchestra en 1924
la Rhapsody in Blue de Gershwin. Sa Symphony in Steel donna le ton de sa production ultérieure, brillamment orchestrée
et d’une vitalité tout américaine, mais ne
dépassant pas les limites de la musique
de genre. Son oeuvre la plus célèbre est la
suite Grand Canyon (1931).
GROSSE CAISSE.
Instrument à percussion de la famille des
membranophones.
Ce tambour de grandes dimensions,
mais néanmoins portatif pour les musiques militaires, garde généralement
à l’orchestre la disposition horizontale
de son axe et verticale de ses peaux. Son
complément naturel est la mailloche à
tête sphérique. Quand la grosse caisse est
à position fixe, la mailloche peut être actionnée par une pédale, notamment dans
le jazz traditionnel. L’instrument sert particulièrement à marquer les temps forts et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
431
parfois à créer des effets spéciaux comme
le bruit du canon.
GROUND, ou GROUND BASS.
Ce terme correspond, dans la terminologie anglaise, à la basse obstinée. Il peut
désigner soit une suite de notes ou d’harmonies obstinées, soit la composition
tout entière construite sur ce schéma. Le
ground peut être harmonique ou mélodique. Dans le premier cas, le plus ancien
(XIIIe et début du XIVe s.), il diffère peu de
la basse obstinée continentale. Le cas du
ground mélodique est plus particulier. Il
apparaît surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles
et peut parfois désigner une oeuvre de type
passacaille ou chaconne. Son emploi, non
réservé à la musique de clavier, s’étend
aux pièces vocales et orchestrales. L’une
de ses caractéristiques est le déplacement
fréquent de la formule mélodique obstinée de la basse aux voix supérieures. On
trouve de très nombreux exemples de ce
type de grounds dans la musique de John
Blow et de Henry Purcell, qui les emploie
même dans ses opéras. Ces deux compositeurs ont d’ailleurs enrichi les ressources
d’une forme a priori limitée par son caractère obstiné, en décalant, par exemple,
les séquences mélodiques des voix supérieures par rapport à la basse, parvenant
même parfois, par cet artifice, à dissimuler
la basse obstinée.
GROUPE DE MUSIQUE EXPÉRIMENTALE
DE BOURGES.
Fondé en 1970 par les compositeurs
Christian Clozier et Françoise Barrière au
sein de la maison de la culture de Bourges,
dont il s’est détaché en 1974 pour devenir un groupe autonome, financé par
les Affaires culturelles et les collectivités
locales, le Groupe de musique expérimentale de Bourges (G.M.E.B.) est rapidement
devenu, par l’action de ses animateurs,
un des studios de musique électroacoustique les plus actifs du monde entier, accueillant des compositeurs de tous pays,
créant un festival et un concours annuels
pour la musique électroacoustique, développant une pédagogie originale auprès
des enfants des écoles. Dans ce dernier
domaine, son apport est lié à une « invention » de Christian Clozier, le « Gmebogosse », système basé sur l’emploi de
lecteurs-enregistreurs de cassettes, que
son succès promet à une large utilisation.
Clozier a également conçu, avec d’autres
membres du G.M.E.B., des systèmes originaux de diffusion en concert électroacoustique (Gmebaphone, Antonymes, etc.)
et, plus récemment, un « système hybride
de synthèse programmable » par ordinateur. Par ailleurs, le G.M.E.B. mène une
politique intense de contacts et d’échanges
divers (concerts, réseaux de diffusion,
rencontres) avec des studios de musique
électroacoustique du monde entier. Il
édite une publication, Faire. Parmi ceux
travaillant ou ayant travaillé au G.M.E.B.,
on peut citer principalement, outre ses
deux fondateurs-animateurs, les compositeurs et chercheurs Alain Savouret, Pierre
Boeswillwald, Roger Cochini, Gérard
Fouquet, Pierre Rochefort et le technicien
Jean-Claude Leduc.
GROUPE DE MUSIQUE EXPÉRIMENTALE
DE MARSEILLE
Fondé en 1969 par Marcel Frémiot, à partir de la classe de musique expérimentale
assurée par celui-ci au conservatoire de
Marseille, le G.M.E.M. est devenu, sous
la direction de Georges Boeuf, un groupe
autonome et actif pour la production et
la diffusion des musiques électroacoustiques et des recherches qui s’y rattachent.
Sa première période, marquée par la
personnalité de son fondateur Marcel
Frémiot, met l’accent sur le travail de
groupe, s’exprimant dans des réalisations
collectives, et sur la disciple de composition. En 1974, la direction du G.M.E.M.
est reprise par Georges Boeuf, et le groupe
traverse certaines difficultés pour obtenir
les moyens de travailler comme studio
autonome. À présent dirigé par Raphaël
de Vivo, il dispose d’un local et d’un studio, où il peut poursuivre les recherches
déjà engagées : notamment sur la « lecture sonore de l’événement », sociologie
active par les moyens audiovisuels animée
par Lucien Bertolina, sur l’informatique
musicale, secteur pris en charge plus spécialement par Michel Redolfi (instrument
de synthèse « hybride » Synclavier, inspiré des réalisations de John H. Appleton) et, enfin, sur la diffusion en concert
par « homo-parleur ». La production
musicale, l’animation et l’organisation
de concerts figurent également parmi les
activités du G.M.E.M., où ont travaillé notamment Georges Boeuf, Michel Redolfi,
Claude Colon, Jacques Diennet, Lucien
Bertolina et Frank Royon-Lemée.
GROUPE DE RECHERCHES MUSICALES
(G. R. M. de l’I. N. A.).
Installé à Paris, et actuellement intégré
dans l’Institut national de l’audiovisuel
(I. N. A.), ce groupe fondé par Pierre
Schaeffer et animé par François Bayle est
l’un des plus importants et, si l’on remonte
à ses origines, le plus ancien et le principal
centre de musique électroacoustique et de
recherche musicale en activité aujourd’hui
dans le monde. Son origine coïncide en
effet avec les débuts mêmes de la « musique concrète « : depuis la cellule du « Studio d’essai » de la Radiodiffusion française
où Pierre Schaeffer inventa cette musique
en 1948 jusqu’au « Groupe de musique
concrète » créé et officialisé en 1951, pour
aboutir, en 1958, au Groupe de recherches
musicales fondé au sein de la Radiotélévision française par le même Schaeffer. En
1960, le G. R. M. devient l’une des cellules
du Service de la recherche créé autour
de lui sous la direction de Schaeffer, aux
côtés d’autres secteurs consacrés à la recherche sur l’image, à la production télévisuelle, etc. Il comprend alors, outre son
fondateur-inspirateur, les compositeurs
Luc Ferrari, François-Bernard Mâche et
Ivo Malec. Jusqu’en 1966, l’activité du
G. R. M. est principalement centrée autour des recherches dirigées par Schaeffer
sur le « Solfège expérimental « : un monumental Traité des objets musicaux, paru en
1966, en dresse le bilan. La composition
n’est pas abandonnée pour cela, et, en
1963, une expérience originale de création
collective, le Concert collectif, réunit les
membres fondateurs du groupe et de nouveaux venus, entre autres, Edgardo Canton, Bernard Parmegiani, François Bayle.
Ce dernier reçoit en 1966 la responsabilité
du groupe ; il la garde en 1975 quand le
G. R. M. devient l’un des départements de
l’Institut national de l’audiovisuel (président, Pierre Emmanuel), créé à l’issue
du démantèlement officiel de l’O. R. T. F.
C’est donc comme G. R. M. de l’I. N. A.
que le groupe commence une nouvelle
période. Depuis 1975, il a surtout fait porter son effort sur le développement de ses
moyens technologiques (en particulier,
informatiques) et des publications écrites
et sonores de ses travaux.
Les activités du G. R. M. sont nombreuses : production musicale, manifestations, recherche, pédagogie. La production du groupe comprend plusieurs
centaines d’oeuvres électroacoustiques
réalisées dans ses studios depuis les origines, par ses membres ou par des compositeurs invités. On ne peut parler d’une
« esthétique G. R. M. » que de manière très
large : à partir de l’héritage schaefferien
et de la tradition des années 50, c’est une
attitude « concrète » de création musicale,
se fiant à l’oreille plutôt qu’à des schémas
formels a priori. À partir de là, les tendances divergent et les styles contrastent.
La recherche musicale a connu deux périodes très actives : une première de 1958 à
1966, autour des thèmes du Traité des objets musicaux, sous la direction de Schaeffer ; une seconde, dans le milieu des an-
nées 70, fractionnée en ateliers distincts :
analyse musicale, informatique, pédagogie, et dont les travaux ont fait l’objet de
publications (Cahiers recherche/musique).
L’activité de pédagogie est représentée
avant tout par un enseignement officialisé
en 1968 dans le cadre du Conservatoire
de Paris (C. N. S. M.) avec Pierre Schaeffer et Guy Reibel comme professeurs. il
s’agit d’un cours de musique électroacoustique étalé sur deux ans, auquel on
peut accéder par un examen de passage.
Par ailleurs le G. R. M. organise des stages,
animations, etc., de courte durée. Il produit lui-même une partie de ses manifesdownloadModeText.vue.download 438 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
432
tations en concert. Il a pris récemment
d’importantes initiatives de diffusion et de
publication (une revue, déjà citée, et une
collection de disques) et produit une quarantaine d’heures annuelle d’émissions de
radio sur les chaînes culturelles nationales.
Les membres du G. R. M. ne sont pas titulaires, mais contractuels. Leur équipe se
renouvelle fréquemment, avec pourtant,
de fait, quelques « piliers « : outre l’animateur très actif du groupe, François Bayle,
citons parmi ceux-ci Ivo Malec, Bernard
Parmegiani, Guy Reibel. Actuellement,
l’équipe du G. R. M. comprend également,
du côté des plus jeunes : les compositeurs
Jacques Lejeune, Jean Schwarz, Denis Dufour ; les chercheurs - parfois également
compositeurs - François Delalande, Benedict Mailliard, Pierre-Alain Jaffrenou,
Jean-François Allouis, Philippe Mion,
JeanChristophe Thomas, Denis Valette, et,
dans diverses tâches de fonctionnement et
de production, Suzanne Bordenave, Jack
Vidal, Christian Zanessi (également compositeur), Évelyne Gayou, Jacques Darnis,
etc. De nombreux compositeurs ont été
membres du G. R. M. pendant un certain
temps et ont contribué plus ou moins à ses
activités : outre Mâche, Ferrari et Canton
déjà cités, mentionnons encore Philippe
Carson, Alain Savouret, Michel Chion,
Robert Cahen, Bernard Durr. Enfin, de
très nombreux musiciens ont fréquenté
ses studios, pour y réaliser des oeuvres et
s’initier à la musique électroacoustique.
GROUPE DES CINQ.
C’est Milij Balakirev (1837-1910), disciple
de Glinka (1804-1857), qui fut l’initiateur
et l’âme de cette « petite bande, mais combien puissante ! » célébrée par le critique
Vladimir Stassov. César Cui (1835-1918)
et Modeste Moussorgski (1839-1881)
furent les premiers, en 1857, à partager
son idéal d’une musique spécifiquement
russe fondée sur le folklore national et
échappant à la tutelle des écoles italienne
ou allemande. Dans la Russie de cette
époque, et surtout à Saint-Pétersbourg
que son fondateur avait délibérément
tournée vers l’Occident, un tel propos ne
manquait pas d’ambition. En 1861, les
trois novateurs furent rejoints par Nicolas
Rimski-Korsakov, qui avait dix-sept ans,
et l’année suivante par Alexandre Borodine, leur aîné à tous, qui en avait près de
trente. Le « groupe des Cinq » était constitué.
Le groupe des Cinq dura tant bien
que mal jusque vers 1872, après quoi la
réussite de Rimski-Korsakov, l’échec persistant de Cui, l’indolence de Borodine,
l’épuisement de Moussorgski et le découragement de Balakirev eurent raison de
l’unité d’action du petit cénacle.
GROUPE DES SIX.
C’est le critique Henri Collet qui, dans
deux articles de Comoedia (16 et 23 janvier 1920), désigna, par analogie avec
les « Cinq » russes, les « Six » français,
groupement amical de jeunes compositeurs comprenant G. Auric, L. Durey, A.
Honegger, D. Milhaud, F. Poulenc et G.
Tailleferre. Grâce à Auric, qui le connaissait, Satie devint vite leur parrain. Désignés sous le titre de « Nouveaux Jeunes »
pour leurs premiers concerts donnés sous
l’impulsion de Blaise Cendrars, d’abord
dans l’atelier du peintre Lejeune, puis au
théâtre du Vieux-Colombier dirigé par
Jeanne Bathori (1918), ils suscitèrent vite
la curiosité et retinrent l’attention. C’est
alors que Collet les baptisa du nom que
l’histoire a retenu. Devenu leur ami, Cocteau se fit leur théoricien, leur porte-drapeau, leur « manager » comme l’a dit Poulenc. Dans Paris-Midi (1919), puis dans
le Coq (1920), il donna des articles qu’il
réunit dans le Coq et l’Arlequin, véritable
manifeste de cette jeune école.
L’époque peut éclairer les positions esthétiques du groupe. Dans sa dédicace à G.
Auric du Coq et l’Arlequin, Cocteau loue
ses amis de « s’évader d’Allemagne ». Son
coq français « habite sa ferme ». Il exhorte
les jeunes musiciens à se dépouiller des
vieux oripeaux d’importation étrangère
et à « chanter dans leur arbre généalogique ». Il n’est que d’écouter la musique
simple, naïve, qui résonne dans nos bals
populaires, nos cafés-concerts, qui est
celle aussi de nos chansons. L’éclectique
« Arlequin », avec son « costume de toutes
les couleurs » tout englué d’influences
étrangères, est le contraire du « coq ». Au
nom de cette « morale » sont rejetés, non
seulement les disciples de Wagner, mais
Debussy, accusé d’être « tombé... de l’embûche allemande... dans le piège russe ».
Le musicien exemplaire, c’est Satie.
Après tant de drames noirs dont le
XIXe siècle s’était repu, les nuages se dissipaient et s’éclaircissait le ciel musical : le
temps des « concerts champêtres » et des
musiques allègres était venu.
Si les Mariés de la tour Eiffel (1921)
furent leur unique oeuvre commune,
du moins tous les « Six » collaborèrentils avec Cocteau. Chacun pourtant allait
suivre sa voie. Comme l’écrivait le poète :
« Auric, Milhaud, Poulenc, Taillefer,
Honegger
J’ai mis votre bouquet dans l’eau d’un
même vase.
Chacun, étoilant d’autres feux sa fusée,
Qui laisse choir ailleurs son musical arceau
Me sera quelque jour la gloire refusée
D’être le gardien nocturne du faisceau. »
(Plain-chant).
En 1921 se dispersait le « groupe des
Six », mais l’impulsion donnée devait porter ses fruits plus tard, et le groupe rester,
par-delà les variations de la mode, le symbole de toute une époque.
GROVE (sir George), musicologue anglais (Londres 1820 - Sydenham 1900).
Ingénieur, archéologue, secrétaire de la
Société des arts (1850), puis de la Société
des concerts du Crystal Palace (1852), directeur du Royal College of Music lors de
sa fondation (1883), il retrouva, lors d’un
voyage à Vienne avec Arthur Sullivan
(1867), le manuscrit perdu de Rosamunde
de Schubert. Il fut le premier à introduire
dans les programmes de concerts des commentaires analytiques, et les textes rédigés
par lui à cette intention lui donnèrent
l’idée de son Dictionnaire de la musique et
des musiciens, dont la première édition, en
4 volumes et un supplément, parut entre
1879 et 1889 (il rédigea pour cette édition
les articles sur Beethoven, Mendelssohn et
Schubert). La deuxième édition parut en
1900 (5 vol.), la troisième en 1927 (5 vol.),
la quatrième en 1940 (5 vol. et 1 suppl.), la
cinquième en 1954 (9 vol., éd. Eric Blom).
La sixième édition (The New Grove Dictionary of Music and Musicians, Londres,
1980, éd. Stanley Sadie), en 20 volumes,
comprend par rapport à la précédente 97
p. 100 de textes nouveaux. Une septième
édition est prévue pour 1999. On doit également à sir George Grove Beethoven et ses
neuf symphonies (Londres, 1896).
GRUENBERG (Louis), compositeur américain d’origine polonaise (Brest-Litovsk
1884 - Beverly Hills, Californie, 1964).
Arrivé aux États-Unis à l’âge de un an,
il fit ses études au conservatoire de New
York (1895-1902) et à Berlin avec Busoni
(1903), puis se fixa à Vienne. Au début
de sa carrière de compositeur, il tenta de
concilier l’esprit du jazz avec les formes
classiques, et, avec The Emperor Jones
(1931) d’après O’Neill (1931), il écrivit le
premier opéra américain original. On lui
doit encore plusieurs autres ouvrages scéniques, dont Volpone (1945) et Anthony
and Cleopatra (1940-1960), quatre symphonies, de la musique de chambre et vocale intégrant parfois un ensemble de jazz.
GRUMIAUX (Arthur), violoniste belge
(Villers-Perwin, près de Charleroi, 1921 Bruxelles 1986).
Élève du conservatoire de Charleroi,
puis du conservatoire royal de Bruxelles
(1932), il succéda comme professeur de
violon dans cet établissement à son maître
Alfred Dubois en 1949. Titulaire de nombreux prix et distinctions, il a mené une
brillante carrière internationale, et a fait
notamment équipe avec Clara Haskil
(piano) et, en trio à cordes, avec Georges
Janzer (alto) et Eva Czako (violoncelle).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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GRUMMER (Élisabeth), soprano allemande (Diedenhofen, Alsace-Lorraine,
1911 - Berlin 1986).
Elle commence sa carrière à Aix-la-Chapelle comme actrice, avant d’y faire ses
débuts de cantatrice en 1941 dans Parsifal
(première Fille-Fleur). Après divers engagements en Allemagne, elle se lie à l’Opéra
de Berlin en 1946. Elle y triomphera dans
les principaux rôles lyriques du répertoire
allemand : Agathe dans Der Freischütz de
Weber, la Maréchale dans le Chevalier à la
rose de Richard Strauss, Donna Anna dans
Don Juan et la Comtesse dans les Noces de
Figaro de Mozart, ainsi qu’Élisabeth dans
Tannhäuser et Elsa dans Lohengrin de
Wagner. À partir de 1955, elle partage son
temps entre Berlin, Hambourg et Vienne.
Elle chante également aux festivals de
Salzbourg (Donna Anna) et de Bayreuth
(Eva).
La qualité de son timbre et l’émotion qu’elle savait exprimer à travers la
musique contribuaient à des interprétations d’un rare mérite. Elle a été appelée
par Bernard Lefort en 1978 pour diriger
l’école d’art lyrique de l’Opéra de Paris,
créée par lui-même.
GRUNENWALD (Jean-Jacques), organiste et compositeur français (Cran-Gevrier, près d’Annecy, 1911 - Paris 1982).
Il a reçu une formation très complète,
puisqu’il est à la fois architecte, issu de
l’École des beaux-arts, et ancien élève du
Conservatoire de Paris, où il a obtenu
un premier prix d’orgue et d’improvisation dans la classe de Marcel Dupré,
et les premier et second grand prix de
Rome de composition musicale (1939).
Grunenwald a été titulaire de l’orgue de
Saint-Pierre de Montrouge (1955) avant
de succéder à son maître Dupré à l’orgue
de Saint-Sulpice (1971), et professeur
d’orgue et d’improvisation au conservatoire de Genève. Tout en restant attaché
au langage de la tradition, il s’est dégagé
de l’académisme très répandu chez les organistes-compositeurs du XXe siècle, pour
s’ouvrir à la polymodalité et à la polytonalité, dans un style véhément qui lui est
personnel.
Son oeuvre fait une large part à l’orgue
(Cinq Pièces pour l’office divin, 1954 ; Sonate, 1964) et à la musique religieuse, mais
il a abordé tous les genres, en particulier
le théâtre (Sardanapale, opéra d’après
Byron, 1945-1951) et l’orchestre (Bethsabée, poème symphonique, 1943 ; deux
concertos pour piano et orchestre).
GRUPPETTO.
Terme italien désignant, littéralement, un
petit groupe de notes qui constituent un
ornement mélodique autour de la note
réelle.
Autrefois, dans la musique vocale en
France, on appelait le gruppetto le tour de
gosier. Cet ornement peut être commencé
soit par la note supérieure, ce qui est le
plus usuel :
soit par la note inférieure :
Dans l’exécution du gruppetto, une
certaine liberté rythmique le caractérise,
déterminée par le tempo et la nature du
morceau. Mozart le marquait généralement par le signe habituel (`), les romantiques, Wagner notamment (par exemple,
prélude de Parsifal) auraient tendance à
l’écrire en petites notes, précisant ainsi
davantage le rythme.
GUADAGNI (Gaetano), castrat contralto
italien (Lodi ou Vicenze, v. 1725 - Padoue
1792).
Il fit ses débuts à Parme en 1747. Haendel
l’appela à Londres pour chanter Samson et
le Messie. Sa voix très étendue lui permit
également d’aborder des rôles de soprano,
mais il bâtit l’essentiel de sa réputation
sur le triomphe de la version italienne
originale de l’Orfeo de Gluck qu’il créa
à Vienne en 1762. En 1769, il retourna à
Londres, cette fois pour chanter des rôles
d’opéra. Il étonnait son public par son
ampleur vocale exceptionnelle, mais on
louait aussi sa présence dramatique ainsi
que son talent d’acteur. Il termina sa carrière en Italie vers 1780.
GUALDA (Sylvio), percussionniste français (Alger 1939).
Premier Prix du Conservatoire national
supérieur de musique, il exerce d’abord
ses talents dans de grandes formations
classiques (concerts Lamoureux, pre-
mier timbalier à l’Opéra en 1968), puis
découvre les immenses possibilités que
la musique contemporaine offre aux instruments à percussion. Il collabore au
Domaine musical, à Musique vivante, Ars
nova (depuis 1969) et Puissance quatre,
dont il est membre fondateur avec J.-P.
Drouet et Katia et Marielle Labèque. Xenakis lui a dédié Psappha, et il a créé les
Quatorze Stations de Marius Constant.
GUAMI, famille de musiciens italiens.
Gioseffo, organiste et compositeur
(Lucques v. 1540 - id. 1611). Il fut organiste
à la cour de
Munich, maître de chapelle à la cour
de Gênes, second organiste à Saint-Marc
de Venise et organiste à San Martino de
Lucques. Il a laissé de très intéressants
motets, des oeuvres d’orgue de qualité et
d’originales canzoni pour instruments.
L’ensemble de son oeuvre n’est nullement
négligeable et se détache avec plus d’autorité que celle de son frère. Citons ses
Lamentations Hieremiae à 6 (1588), ainsi
qu’un livre de canzonettes à la française
(1601).
Francesco, compositeur (Lucques v.
1544 - id. 1602). Instrumentiste également, il occupa des fonctions de maître de
chapelle dans différentes villes et cours :
Bavière, Baden-Baden, Venise, Udine,
Lucques. Il a composé trois livres de madrigaux à 4, 5 et 6 voix, publiés à Venise
(Gardano, 1588, 1593, 1598), des ricercari
à 2 voix (1598) et de la musique d’église.
GUARACHA.
Danse cubaine d’origine probablement
espagnole, qui fut très populaire au
XIXe siècle et l’est encore dans les pays de
l’Amérique latine.
Elle est normalement construite en
deux sections qui font alterner des mesures binaires et ternaires (6/8 - 3/4).
GUARNERI, famille de luthiers italiens.
Andrea, le père de la dynastie (Crémone v.
1626 - id. 1698). Ses violons sont construits
sur le modèle de son maître Nicolo Amati.
Pietro Giovanni dit Pietro aa Mantova, fils du précédent (Crémone 1655 -
Mantoue 1720). Il a construit d’excellents
violons aux voûtes assez élevées, aux ouïes
larges et au beau vernis.
Giuseppe, frère du précédent (Crémone
1666 - id. v. 1740). Celui-ci a laissé de remarquables violons de petit modèle, au
bois bien choisi et au vernis souple. Il a
également construit des altos, des violoncelles et des contrebasses.
Pietro, dit Pietro da Venezia, fils de
Giuseppe (Crémone 1695 - Venise 1762). Il
a incorporé dans ses instruments quelques
éléments caractéristiques de l’école vénitienne.
Giuseppe Antonio, dit Giuseppe del
Gesù, fils de Giuseppe (Crémone 1698 id. 1744). Il est le plus grand de la dynastie. Son oeuvre peut être divisée en trois
périodes : jusqu’en 1730, il change souvent
de modèle et son travail est parfois un peu
fruste ; vers 1730, il construit des violons
bien finis, au bois judicieusement choisi et
à la sonorité magnifique ; enfin, aux alentours de 1740, des violons d’une coupe
plus hardie quittent son atelier, violons
aux tables d’harmonie plus épaisses et à la
sonorité puissante.
Comme les Stradivari et les Amati, les
violons de Giuseppe Antonio sont aujourd’hui recherchés dans le monde entier
et possèdent une valeur inestimable.
GUDMUNDSEN-HOLMGREEN (Pelle),
compositeur danois (Copenhague 1932).
Il étudie au Conservatoire royal de musique de 1953 à 1958. De 1967 à 1974, il
est professeur de composition au conserdownloadModeText.vue.download 440 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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vatoire du Jütland. Son oeuvre s’inscrit
tout d’abord en réaction contre l’influence
du style de Bartók (Quatuor à cordes no
1, 1958), puis s’affirme peu à peu avec
sa Première Symphonie (1962-1965) et
ses oeuvres orchestrales de 1964, Collegium Musicum Koncert et Mester Jacob,
en s’orientant vers le langage sériel à la
mode dans les années 60 ; ce langage va
lui-même céder la place après 1965 à la
« nouvelle simplicité » qui s’oppose à la
complexité du modernisme international. Ses oeuvres les plus représentatives de
cette époque sont Repriser pour orchestre
de chambre (1965), la suite pour orchestre
Tricolore (1966-1969), Stykke for Stykke
pour orchestre de chambre (1968) et Tableaux d’une exposition pour piano (1968).
Il obtient en 1980 le prix nordique de
composition pour sa symphonie Antifonia. Son oeuvre exprime, non sans humour, une caricature du monde moderne
et le pessimisme du créateur devant son
absurdité.
GUEDEN (Hilde), soprano autrichienne
(Vienne 1914 - Klosterneuburg 1988).
Ses parents, musiciens, la poussent très tôt
à étudier le chant et elle débute dès l’âge
de seize ans dans des opérettes de Robert
Stolz. En 1939, elle part avec sa famille
pour Zurich, où elle chante Chérubin
dans les Noces de Figaro. Elle est engagée
à l’opéra de Munich en 1942 et chante
Sophie dans le Chevalier à la rose. De 1942
à 1945, elle se produit en Italie (Rome et
Florence) sous la direction de Tullio Serafin. Elle obtient un des plus grands succès
de sa carrière au festival de Salzbourg en
1946 dans le rôle de Zerline de Don Juan,
et elle retournera dès lors régulièrement à
ce festival. Membre de l’opéra de Vienne
depuis 1947, elle travaille également avec
la Scala de Milan, et, à partir de 1951, avec
le Metropolitan Opera de New York. Elle
s’est produite sur les plus grandes scènes
du monde et au cours des plus grands festivals. Son répertoire très varié comprenait aussi bien les grands opéras de Mozart (Don Juan, les Noces de Figaro) que les
classiques italiens (la Bohème, Rigoletto).
Fidèle à ses débuts, elle a chanté également
des opérettes (la Chauve-Souris, la Veuve
joyeuse). Enfin, grâce à une voix à toute
épreuve et à une technique accomplie,
elle put aborder les rôles les plus difficiles,
tels que celui de Zerbinetta dans Ariane à
Naxos de R. Strauss. Elle reste considérée
comme l’un des plus grands sopranos de
ce siècle.
GUÉDRON (Pierre), compositeur français (région de Châteaudun v. 1570 - probablement Paris v. 1620).
Il étudia la musique à la chapelle du cardinal de Guise, Louis II de Lorraine, où
il était enfant de choeur et où, selon un
contemporain, « il chantoit la haute-contre
fort bien ». En 1590, il entra dans la chapelle royale de Henri IV. Il devait succéder à Claude Le Jeune en 1601 comme
compositeur de la Chambre du roi et
devenir, deux ans plus tard, maître des
enfants de la musique. Vers 1613, Louis
XIII le nomma intendant des musiques
de la Chambre du roi et de la reine mère
(Marie de Médicis). Guédron était un très
bon maître de chant qui, influencé sans
doute par la visite de Giulio Caccini à la
cour de France en 1604-1605, tenta de
suivre les Italiens sur la voie de la monodie
accompagnée, mais il resta fidèle au luth
et n’utilisa pas encore la basse continue
sauf exceptionnellement dans quelques
airs où l’on trouve les premières traces de
cette technique nouvelle. Au cours de sa
carrière, il publia 6 livres d’airs de cour à
4 ou 5 voix, composés sur les strophes des
poètes de son temps, tels F. de Malherbe
et Boisrobert. Sa réputation dépasse les
frontières et ses airs paraissent dans des
recueils collectifs à l’étranger, en Angleterre par exemple, dans A Musicall Banquet de Robert Dowland.
À partir de 1602, Guédron s’intéressa
aux ballets de cour. Ce fut l’année de la
création du Ballet sur la naissance de Monseigneur le duc de Vendosme. Sa contribution à ce genre de spectacle fut remarquable, surtout dans le développement du
« ballet mélodramatique » pourvu d’une
action suivie. Il en composait essentiellement les parties vocales, y introduisant
des récits chantés inspirés des Italiens,
mais parfaitement adaptés à la langue
française, traduisant avec une justesse
jusqu’alors sans précédent le sens dramatique du texte. Incontestablement doué
pour le théâtre, Guédron collabora à un
ballet qui fut dansé au Louvre le 29 janvier
1617. il s’agit du Ballet de la délivrance de
Renaud pour lequel G. Bataille, A. Boesset et J. Mauduit composèrent également
de la musique. Compositeur à la fois passionné et prudent, Guédron sut éviter
les moyens parfois exagérés des Italiens,
observant une déclamation naturelle sur
des rythmes bien marqués. Cependant, ses
récits employèrent la forme strophique de
l’air de cour et la musique fut donc composée sur le texte de la première. La tâche
du chanteur était de modifier ensuite la
mélodie au moyen de la diminution afin
de mieux exprimer les sentiments contenus dans les autres strophes.
L’art de Pierre Guédron conduit, en fait,
vers la tragédie lyrique que devait créer
Lully en 1673. Cette évolution fut malheureusement interrompue par son gendre
et successeur, dont le tempérament plus
lyrique fut attiré par le ballet « à entrées »
fort apprécié sous le règne de Louis XIII.
Ainsi, Antoine Boesset, d’ailleurs compositeur de grand talent, contribua à retarder
d’un demi-siècle la naissance de l’opéra
en France.
GUÉNIN (Marie Alexandre), violoniste et
compositeur français (Maubeuge 1744 Étampes 1835).
Élève de Capron et de Gaviniès pour le
violon et de Gossec pour la composition, il
fit en 1773 ses débuts au Concert spirituel,
dont il devint, en 1777, directeur adjoint.
Il fut nommé, la même année, directeur de
la musique du prince de Condé, et occupa
les fonctions de violon principal à l’Opéra
de 1783 à 1801, et de professeur à l’École
royale de chant et de déclamation (devenue Conservatoire national en 1795) de
1784 à 1802. À partir de 1808, il fut attaché au service de Charles IV d’Espagne,
qu’il suivit en exil à Marseille, et, de 1814
à 1816, il joua encore du violon dans la
musique de Louis XVIII. On lui doit notamment des trios et des symphonies.
GUÉRANGER (Dom Prosper), bénédictin
français (Sablé 1805 - Solesmes 1875).
Il fut ordonné prêtre et promu chanoine
du diocèse du Mans en 1827. En 1833, il
réunit autour de lui une communauté de
moines dans l’ancien prieuré de Solesmes,
où il fonde la communauté des bénédictins de la Congrégation de France confirmée par le pape en 1837. Parallèlement
à la restauration de l’ordre monastique,
commence sous son abbatiat une réforme
du chant liturgique, avec les premières
rééditions des livres, selon le rite romain, à
partir de 1869. Il constitue à Solesmes une
importante bibliothèque qui fait encore
actuellement le renom de l’abbaye. Il a publié de nombreux articles (dans l’Univers
et dans le Monde, notamment) et des ouvrages, dont les Origines de l’Église romaine
(1836), les Institutions liturgiques (184041) et surtout l’Année liturgique (18411866), dont 50 000 séries ont été vendues
au XIXe siècle. Ses ouvrages concernent
la liturgie, l’archéologie chrétienne, l’histoire de l’Église, la doctrine catholique et
les dogmes de l’Immaculée Conception et
de l’infaillibilité pontificale.
GUERRERO (Francisco), compositeur
espagnol (Séville 1528 - id. 1599).
Élève de son frère Pedro, également compositeur, puis de F. de Castilleja et de
Morales, il entre dans la maîtrise de la
cathédrale de Séville et travaille en même
temps le luth, la harpe et les instruments
à vent. Il est maître de chapelle à la cathédrale de Jaén (1546), puis cantor à Séville
(1548), où il devient directeur de la manécanterie avec le droit de succéder à la chapelle. En 1554, après la mort de Morales,
il est nommé maître de chapelle à Málaga.
En 1570, avec ses chantres, il accueille la
princesse Anne, fiancée de Philippe II, à
Santander. Il succède à Castilleja comme
maître de chapelle à Séville (1574). Il fait
deux voyages en Italie, notamment celui
de 1581 à 1584 pendant lequel il contribue
à la rédaction du second livre des Laude
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
435
spirituali de Soto de Lanza à Rome, puis
publie à Venise ses Motetta liber II et ses
Canciones y villanescas espirituales (1589).
De l’Italie, il continue son voyage jusqu’en
Terre sainte (1588-89). Il en rapporte un
compte rendu publié en 1590 qui connaît
un succès tel qu’il sera réédité jusqu’à la
fin du XVIIIe siècle.
Francisco Guerrero, protégé de Charles
Quint, mais surtout de Philippe II et du
pape Jules III, cité par Rabelais, est l’un
des compositeurs les plus célèbres de son
temps. Avec Morales, il est, sans doute,
le plus grand maître de la polyphonie
sacrée de l’école andalouse. Ses oeuvres
ont été éditées en Espagne, en Italie et en
Flandre. Remarquable pour la pureté de
son contrepoint, sa musique religieuse
utilise le fonds traditionnel de la liturgie
espagnole et, dans ses messes, des textes
mozarabes. À leur beauté mélodique se
joignent une ferveur et un sens dramatique très andalous. Réciproquement, une
grande fraîcheur d’inspiration marque
ses compositions profanes, conçues dans
l’esprit du madrigal italien.
GUERRERO (Francisco), compositeur
espagnol (Linares 1951).
Il a fait ses études à Palma de Mallorca,
Grenade et Madrid, se consacrant surtout
à l’orgue et à la composition, et obtenant,
en cette dernière matière, le prix Manuelde-Falla en 1970 avec Facturas pour 3
flûtes, vibraphone, célesta, deux pianos
et trio à cordes. Il a également travaillé
l’électroacoustique, représenté l’Espagne
à la Tribune internationale des compositeurs de l’U. N. E. S. C. O. en 1973 avec
Noa pour 2 trompettes et 2 trombones
(1972), puis au prix Italia en 1974 avec
Jondo pour 3 trompettes, 3 trombones, 4
percussions et 10 voix d’hommes (1973).
Parmi ses autres oeuvres, Ecce Opus pour
orchestre (1973), Xenias pacatas I pour 6
violons, 6 altos et 6 violoncelles (1973) et
II pour 2 guitares (1974), Anemos A (1975)
et C (1976) pour ensemble instrumental et
B (1978) pour 12 voix mixtes, Acte préalable pour 4 percussions (1978), Concierto
de camera pour flûte, clarinette basse et
quatuor à cordes (1978), Erotica pour
contralto et guitare (1979), Antar-Atman
pour orchestre (1980).
GUERRERO (Jacinto), compositeur espagnol (Ajofrin, près de Tolède, 1895 Madrid 1951).
Il fait ses études à Madrid (Corrado del
Campo) et est l’un des zarzuelistes les
plus populaires de sa génération. Il a
écrit plus d’une centaine de zarzuelas,
dont certaines ont connu une audience
énorme (La Alsaciana, 1921 ; El Huésped
del Sevillano, 1926 ; El Sobre verde, ParisMadrid, El Ama y...).
GUEZEC (Jean-Pierre), compositeur
français (Dijon 1934 - Paris 1971).
Après des études au Conservatoire de
Paris avec Darius Milhaud, Jean Rivier,
Olivier Messiaen, il s’est engagé franchement dans la voie de l’avant-garde postwebernienne et postboulezienne, trouvant vite un langage personnel souvent
influencé par les techniques de la peinture
moderne : « Mes oeuvres sont avant tout
des oeuvres de contrastes et de couleurs,
de contrastes de matériaux sonores... Je
m’oppose radicalement à une certaine esthétique du flou... (J’ai) essayé de transposer dans le domaine des sons certains aspects de la technique... de structuration de
l’espace de Mondrian. » Il a écrit presque
uniquement pour ensembles instrumentaux, et on lui doit, entre autres, Suite pour
Mondrian pour orchestre (1962), Architectures colorées pour 15 solistes (1964), Ensemble multicolore 65 pour 18 instruments
(1965), Formes pour orchestre (1966),
Textures enchaînées pour 12 vents, harpe
et 3 percussions (1967), Assemblables pour
18 instruments (1967), un Trio à cordes
(1968), Successif simultané pour 12 cordes
(1968), Reliefs polychromés pour 12 voix
solistes (1968), et Forme-couleurs pour 2
harpes et ensemble de chambre (1969). Il
a reçu, en 1968, le grand prix de la promotion symphonique de la S. A. C. E. M.
et été titulaire, de 1969 à sa mort, d’une
classe d’analyse au Conservatoire de Paris.
GUGLIELMI, famille de musiciens italiens.
Pietro, dit Pier Alessandro, compositeur (Massa Carrara 1728 - Rome 1804). Il
fut l’un des représentants les plus marquants de l’opéra italien dans cette période comprise entre Scarlatti et Pergolèse, d’une part, Cimarosa et Paisiello de
l’autre. Moins attiré par l’étranger - à part
un bref séjour à Londres et en Allemagne
de 1767 à 1772 - que ses rivaux Anfossi,
Sacchini, Piccinni, Jommelli ou Traetta, il
fut, sans doute pour cette raison, parfois
mieux apprécié par ses compatriotes qui
goûtaient sa spontanéité mélodique, fruit
d’une facilité peut-être excessive à laquelle
il se fiait souvent en raison d’une vie assez
dissolue. Auteur d’une centaine d’opéras
sérieux ou comiques, de musique instrumentale et de plus de vingt oeuvres sacrées,
il se distingua pour son « brio napolitain »
et l’élégance avec laquelle il savait allier le
sentimental au comique, influençant en
cela notablement Piccinni, Paisiello ou
Rossini. De 1793 à sa mort, il fut maître de
chapelle à Saint-Pierre de Rome.
Pietro Carlo, fils du précédent (Naples ou
Rome v. 1765 - Naples 1817). Auteur d’une
cinquantaine d’opéras, comiques pour la
plupart, il appartint au groupe des « précurseurs » de Rossini, et connut de grands
succès en Espagne, au Portugal, à Londres
et à Paris, où il donna I Due Gemelli en
1807. Il eut la sagesse de s’effacer devant
Rossini, mais donna encore en 1817 Paul
et Virginie, qui comportait des scènes parlées, et fut joué dans toute l’Europe. On lui
doit encore notamment Due nozze e un sol
marito, La Scelta dello sposo, etc.
GUI (Vittorio), chef d’orchestre italien
(Rome 1885 - Florence 1975).
Il fit ses débuts en 1907 dans La Gioconda
de Ponchielli, dirigea pour la première
fois à la Scala en 1923 sur l’invitation de
Toscanini, et fonda en 1928 à Florence
l’orchestre Stabile, autour duquel se créa
en 1933 le Mai musical florentin (il fut le
directeur artistique de cette manifestation
jusqu’en 1936). Il joua un rôle de premier
plan, à partir de 1949, aux festivals de
Glyndebourne et d’Édimbourg, attachant
en particulier son nom à la renaissance de
Rossini. Comme compositeur, il fut spécialement influencé par la musique française du début du XXe siècle.
GUIDO D’AREZZO (ou GUY D’AREZZO),
moine bénédictin et théoricien italien ( ?
peu avant 1000 - ? v. 1050).
Il fit ses études en devenant moine à l’abbaye de Pomposa (Ferrare). Il provoqua
une véritable révolution dans la tradition
musicale (jusqu’alors basée sur le principe
de l’imitation du maître) en inventant une
nouvelle méthode de notation par laquelle
il précise les intervalles à chanter, se servant de six syllabes extraites d’un hymne à
saint Jean-Baptiste :
ut queant laxis resonare fibris
mira gestorum famuli tuorum
solve pollutis labii reactum,
ces syllabes formant ainsi l’hexacorde.
Les remous qu’il suscite l’obligent à quitter Pomposa. Il se rend probablement en
France, à l’abbaye de Saint-Maur-des-Fossés où il serait entré en contact avec des
théoriciens aussi avancés que lui. Ensuite,
il retourne en Italie et s’installe à Arezzo
(l’origine de son nom, Guido d’Arezzo),
où il rencontre l’évêque de cette ville, Théobald, qui le nomme professeur à l’école
de la cathédrale pour le chant et la théorie musicale. Sa réputation s’étend jusqu’à
Rome, où il fut reçu par le pape Jean XIX.
L’essentiel de ses idées et de son enseignement est contenu dans les ouvrages
suivants : Prologus in antiphonarium-Micrologus de musica ; Regulae rhythmicae ;
Epistola ad Michaelem. L’importance de
ces ouvrages ne saurait être sous-estimée,
car leur influence s’étendit sur tout le
Moyen Âge. Néanmoins, il est difficile de
déterminer exactement ce qui est purement des inventions de son esprit et ce
qu’il a déduit ou développé à partir des
travaux des autres, par exemple, la portée
que Guido aurait plutôt perfectionnée, ou
encore la célèbre « main guidonienne ».
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
436
GUIDON.
Signe de notation employé en plain-chant,
consistant à esquisser, à la fin d’une ligne
de portée, la première note de la ligne suivante, de manière à « guider » le lecteur
pour lui rendre l’enchaînement plus facile.
GUIGNON (Jean-Pierre ou GIOVANNI PIETRO GHIGNONE), violoniste et compositeur
français, d’origine italienne (Turin 1702 Versailles 1774).
Élève de Giovanni Battista Somis, il débuta au Concert spirituel en 1725. Naturalisé en 1741, il devint la même année « Roy
et maître des ménétriers et joueurs d’instruments », charge tombée en désuétude
depuis 1685 et qui lui conférait un droit
d’inspection dans toutes les corporations
de musique et de danse du royaume. Il
devait l’occuper jusqu’en 1750, non sans
avoir été professeur de Madame Adélaïde (1746) et du dauphin. Diffuseur de
la musique italienne en France, brillant
représentant de l’école française de violon, il publia divers recueils de sonates.
Des concertos sont restés manuscrits. Une
Grande Simphonie à cors de chasse aurait
été exécutée au Concert spirituel en 1748.
GUILELS (Emil), pianiste soviétique
(Odessa 1916 - Moscou 1985).
Il fit ses études avec Reingbald au conservatoire d’Odessa, puis avec H. Neuhaus
au conservatoire de Moscou, où il fut
lui-même nommé professeur en 1951. En
1936, il remporta le second prix au
concours de Vienne, et en 1938 le premier
prix au concours Ysaye de Bruxelles. En
1954, il reçut le titre d’artiste du peuple de
l’U. R. S. S. Il se produit en Europe depuis
1945 et aux États-Unis depuis 1955. Son
répertoire, très éclectique, va de Bach et
Scarlatti jusqu’aux auteurs du XXe siècle,
avec, cependant, certaines préférences :
Mozart, Beethoven, Brahms, Prokofiev.
Guilels fut le premier interprète de la Huitième Sonate de Prokofiev en 1944.
GUILLAUME D’AMIENS, trouvère fran-
çais (fin XIIIe s., né à Amiens).
Il est surtout connu pour avoir écrit un
poème contre l’Amour intitulé Vers
d’Amour. Il est également l’auteur de trois
chansons et d’une dizaine de rondeaux
pourvus de musique, conçus dans le style
de ceux d’Adam de la Halle.
GUILLAUME D’AQUITAINE (ou
Guillaume IX, comte de Poitiers), troubadour ( ? 1071 - ? 1127).
Il semble avoir été le premier troubadour.
Il a décrit et chanté les batailles contre les
Sarrasins, les prisons qu’il a connues et
les grands voyages à Antioche et à Jérusalem. On n’a retrouvé qu’une dizaine de
pièces qui lui sont attribuées, ainsi qu’un
fragment de mélodie dans le Jeu de sainte
Agnès. Son langage était cru et violent,
tout comme sa vie pendant laquelle il fut
excommunié plusieurs fois.
GUILLEMAIN (Louis Gabriel), violoniste
et compositeur français (Paris 1705 Chaville 1770).
Élève des frères Somis à Turin, il rentra en
France en 1729, devint « musicien ordinaire de la chapelle et de la Chambre du
roi » en 1737, et entra au service de la reine
en 1759. Il fut, comme violoniste, un des
solistes les plus applaudis de la capitale,
mais sa situation matérielle de plus en plus
précaire le poussa au suicide sur la route
de Paris à Versailles. Ses Six Symphonies
dans le goût italien en trio op. 6 (1740) et
ses Six Concertinos à quatre op. 7 (1740)
font de lui un précurseur dans la diffusion,
en France, du style instrumental italien,
et, avec ses Six Sonates en quatuors ou
conversations galantes et amusantes entre
une flûte traversière, un violon, une basse
de viole et la basse continue op. 12 (1743),
le terme « quatuor » - avec comme implications un seul instrument soliste par
voix et la renonciation au clavecin pour la
basse - apparut pour la première fois chez
un compositeur français. Une influence
sur cet opus 12 des Nouveaux Quatuors en
six suites de Telemann (Paris, 1738) n’est
pas à exclure, du moins sur le plan de la
facture instrumentale. Guillemain fut en
son temps, avec Jean-Marie Leclair, le plus
grand représentant de l’école française de
violon.
GUILLOU (Jean), organiste et composi-
teur français (Angers 1930).
Organiste titulaire à Saint-Serge d’Angers
dès son adolescence, il vint parfaire ses
études musicales au Conservatoire de
Paris, dans les classes d’orgue et improvisation, d’harmonie, de contrepoint, de
fugue et de composition. Il y eut notamment pour maîtres Marcel Dupré, Maurice Duruflé et Olivier Messiaen. Il est
alors nommé professeur d’orgue et de
composition à l’Instituto de alta cultura de
Lisbonne (1955), tout en poursuivant une
carrière internationale de concertiste. Il se
fixe ensuite à Berlin (1960), pour se consacrer à la composition, avant de revenir en
1963 s’établir à Paris où il est cotitulaire,
avec André Fleury, de l’orgue de SaintEustache. Virtuose prodigieux, interprète
original, il est passé maître dans l’art de
l’improvisation, par la rapidité avec laquelle il conçoit les constructions ou les
développements, et la technique qu’il apporte à les exécuter instantanément. Cette
maîtrise et sa curiosité pour les musiques
de son temps se reflètent dans ses compositions pour orgue : Sinfonietta (1962),
Fantaisie (1963), Toccata (1970). Il a également écrit de la musique instrumentale
et de chambre, et des oeuvres pour grande
formation : le Jugement dernier, oratorio
(1965), Judith symphonie, pour mezzosoprano et grand orchestre (1971). Ses
connaissances en facture d’orgues l’ont
amené à dresser les plans de la reconstruction de l’orgue de Saint-Eustache, et à rédiger un livre sur l’esthétique de la facture
d’orgue, l’Orgue, souvenir et avenir (1978).
GUILMANT (Alexandre), organiste et
compositeur français (Boulogne-sur-Mer
1837 - Meudon 1911).
D’une famille de facteurs d’orgues, il fut
l’élève, d’abord, de son père, puis de Lemmens, à Bruxelles. il s’établit dans sa ville
natale, comme organiste et professeur. En
1871, il est nommé titulaire à l’église de
la Trinité, à Paris. De cette époque date
le début de sa renommée internationale
et de sa carrière de concertiste virtuose.
Il se produit en Europe et en Amérique,
et dans des cycles d’auditions au Trocadéro qui connaissent un succès retentissant. En 1894, il fonde la Schola cantorum, en compagnie de Charles Bordes et
de Vincent d’Indy, et il succède à Widor
à la classe d’orgue du Conservatoire en
1896. Érudit, il a été le premier à publier,
avec André Pirro, une vaste anthologie
des organistes classiques français, sous le
titre d’Archives des maîtres de l’orgue (10
vol., 1898-1914), puis des maîtres étrangers, École classique de l’orgue (25 vol.,
1898-1903). Malgré toutes ces activités,
Guilmant consacra beaucoup de temps à
la composition, essentiellement pour son
instrument, laissant une oeuvre immense.
Ses huit sonates (1874-1909), comme
les Symphonies de Widor, introduisent à
l’orgue un langage et un schéma formel
nouveaux, empruntés à la musique instrumentale allemande. Auprès des sonates, 18
collections de Pièces dans différents styles
(1860-1875) et divers morceaux forment
le répertoire du concertiste, tandis que
l’organiste liturgique écrit pour le culte
des recueils de noëls, Soixante Interludes
dans la tonalité grégorienne, l’Organiste
pratique (12 cahiers, 1871-1880), l’Organiste liturgique (10 cahiers, apr. 1884). En
outre, Guilmant a composé de la musique
de chambre, de la musique vocale religieuse, une symphonie cantate, Ariane, et
une scène lyrique, Bethsabée.
GUIMBARDE.
Instrument de musique populaire répandu
dans le monde entier sous les formes les
plus variées.
Il consiste essentiellement en une lame
métallique ou autre que l’on serre entre les
dents et que l’on fait sonner de la main, la
cavité buccale faisant office de caisse de
résonance. La hauteur du son produit peut
être modifiée sur une courte étendue.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
437
GUIRAUD, famille de compositeurs français.
Jean-Baptiste (Bordeaux 1803 - La Nouvelle-Orléans v. 1864). Premier prix de
Rome en 1827, il émigra dans les années
1830 à La Nouvelle-Orléans, où il mena
avec succès une carrière d’enseignant.
Ernest, fils du précédent (La Nouvelle-Orléans 1837 - Paris 1892). Élève de son père
à La Nouvelle-Orléans (où son opéra le
Roi David fut représenté dès 1852), puis
du Conservatoire de Paris, il obtint le pre-
mier prix de Rome en 1859. L’un de ses
envois, Sylvie, fut représenté à l’OpéraComique en 1864. Nommé professeur
d’harmonie (1876), puis de composition
(1880) au Conservatoire de Paris, il y eut
comme élèves Paul Dukas, Gabriel Pierné,
Erik Satie et Claude Debussy, et se montra
pédagogue compréhensif et maître perspicace. Il succéda à Léo Delibes à l’Institut
en 1891, et rédigea un important Traité
pratique d’instrumentation, édité juste
avant sa mort et révisé par Henri Busser
en 1935. Parmi ses oeuvres pour la scène,
retenons l’opéra-comique Madame Turlupin (Paris, 1872), et le drame lyrique Frédégonde, terminé par Saint-Saëns (Paris,
1895). C’est lui qui acheva l’orchestration
des Contes d’Hoffmann d’Offenbach, et
qui écrivit, pour permettre à ces ouvrages
d’être représentés à l’étranger, les récitatifs de Carmen de Bizet et de Lakmé de Léo
Delibes.
GUIRAUD RIQUIER, troubadour (Narbonne v. 1230 - ? v. 1292).
D’origine modeste, il se trouve d’abord
dans l’entourage d’Amauri IV de Narbonne avant de vivre une dizaine d’années
à la cour d’Alphonse le Sage de Castille.
Il compte parmi les tout derniers troubadours. En 1280, il revient en Languedoc,
s’intéressant particulièrement à la poésie
religieuse. Il a écrit une oeuvre considérable, à commencer par le « planh » sur
la mort d’Amauri de Narbonne. Environ
quatre-vingt-dix pièces nous sont parvenues, dont quarante-huit notées (chansons, pastourelles - genre où il excelle -,
prières, sirventès, albas, etc.). C’est avec
lui que la poésie provençale s’éteint.
GUIRAUT DE BORNEILH (ou GIRAUT),
troubadour (Excideuil, Dordogne, v.
1138 - ? v. 1215).
Il est d’origine modeste, mais ses contemporains l’ont appelé le « maître des
troubadours ». Il part pour la troisième
croisade avec Philippe Auguste, Frédéric
Barberousse et Richard Coeur de Lion et
séjourne en Autriche. Sur un total de cent
vingt-cinq pièces, quatre-vingts sont certainement de lui (chansons, pastourelles,
romances, aubes). Quatre seulement sont
notées, dont la plus célèbre est la chanson d’aube (ou « alba ») Reis glorios. Dante
appréciait beaucoup la souplesse de son
lyrisme.
GUITARE.
Instrument à cordes pincées et à manche
dont les origines sont imprécises et fort
anciennes.
Selon certaines hypothèses, le véritable
ancêtre de la guitare serait le luth chaldéo-assyrien qui, passant par l’Arabie et la
Perse, se serait finalement fixé en Espagne,
à la faveur de l’occupation maure. Selon
d’autres, la guitare dériverait de la cithare
romaine, d’origine assyrienne et grecque,
et aurait fait son apparition en Espagne
avant l’invasion arabe. Étymologiquement, le mot vient de kithara (égyptien)
ou ketharah (assyrien) et se retrouve dans
de nombreuses langues méditerranéennes
(arabe : kuitra ; chaldéen : chetharah ;
grec : cithara ou citharis ; romain : cithara,
etc.) et désigne pendant longtemps divers
instruments à cordes pincées, depuis les
formes achaïques de harpes ou de lyres
aux divers types de luths. Les miniatures
du Moyen Âge désignent sous les appellations de rotte, cithern, zither, cithrinchen,
guiterne, suivant les pays, divers types
d’instruments, s’apparentant déjà au luth
par leur caisse bombée et ovale, tandis que
les formes de la guitare telle que nous la
connaissons commencent à s’ébaucher.
Le plus ancien document qui témoigne
de l’existence de la guitare proprement
dite est un manuscrit du XIIIe siècle, les
Cantigas de santa Maria, attribué au roi de
Castille Alphonse X le Sage, et dont une
miniature représente deux types d’instruments, appelés depuis « guitare mauresque » et « guitare latine », la première à
caisse ovale, la seconde à caisse plate, aux
bords incurvés et munie de quatre cordes
en boyau. Les deux instruments coexistent
jusqu’au XVIe siècle qui voit disparaître la
« guitare mauresque » au profit du luth,
tandis que la guitare, débarrassée de son
qualificatif « latine », continue son évolution. Elle est souvent appelée « vihuela »
dans l’Espagne de ce temps (du latin
fidicula, qui donnera fidula, puis vitula),
terme qui désignait en fait toute une famille d’instruments à plectre (vihuela de
peñola), à archet (vihuela de arco) ou à
main (vihuela de mano). Celle-ci est ordinairement munie de six cordes doubles
(choeurs) accordées ainsi : sol, do, fa, la, ré,
sol. La guitare était, en fait, une petite vihuela pourvue seulement de quatre rangs
de cordes : do, fa, la, ré, ou sol, do, mi, la,
ou encore fa, do, mi, la. La vihuela eut
évidemment la préférence des premiers
grands polyphonistes espagnols (L. De
Narvaez, L. Milan, Mudarra, Fuenllana,
Valderrabaño, Pisador, etc.) qui, en lui
donnant un répertoire d’une exceptionnelle qualité, en firent un instrument
polyphonique complet. C’est l’adjonction
d’une cinquième corde (simple) qui permettra à la guitare d’égaliser la vihuela ;
l’accord le plus courant devient alors : la,
ré, sol, si, mi. Le XVIIe siècle voit paraître le
premier ouvrage important sur la guitare :
Nuova inventione d’involatura per sonare
li balleti sopra la chitarra espagnola de
l’Italien G. Montesardo (Bologne, 1606).
Il est bientôt suivi par les Espagnols Luis
de Briceño (1626), Ruiz de Ribayaz, Francisco Guerau, et, surtout, Gaspar Sanz
(1640-1710) avec son Instrucción de música sobre la guitarra española (Saragosse,
1674), puis en France Francisque Corbett
(v. 1615-1681), d’origine italienne, musicien de la Chambre du roi, La Salle, premier maître de guitare de Louis XIV (qui
semble avoir assidûment pratiqué l’instrument), De Visée (v. 1660-v. 1720) qui lui
succédera, enfin François Campion (16861748), théorbiste et guitariste de l’Académie royale de musique, dernier représentant de l’époque baroque et dont la mort
marquera le déclin de l’instrument. Il faut
attendre la fin du XVIIIe siècle et l’abandon
des cordes doubles pour que celui-ci redevienne à la mode. Une sixième corde lui
est alors ajoutée et l’accord devient celui
que nous connaissons aujourd’hui : mi, la,
ré, sol, si, mi. Au XIXe siècle, la guitare moderne est définitivement constituée : caisse
en palissandre, mécanisme des chevilles,
frettes en métal, etc. De nombreux virtuoses lui donnent un répertoire, tels Carulli (1770-1841), Carcassi (1792-1853),
Giuliani (1781-1829), Napoléon Coste
(1806-1883), Paganini, qui s’y délassait
du violon, et surtout l’école espagnole, représentée principalement par D. Aguado
(1784-1849), Fernando Sor (1778-1839) et
son élève Julian Arcas (1833-1882). Dans
le même temps, l’art flamenco connaît un
essor considérable avec des guitaristes tels
que Patiño, Murciano, Habichuela, Paco
el Barbero, dont le souvenir se perpétue
aujourd’hui par l’intermédiaire du légendaire Montoya et de ses disciples, Perico
del Lunar, Niño Ricardo, etc. Les tocaores
utilisent une guitare en cyprès et sapin,
dont les cordes sont montées plus près du
manche. Le véritable précurseur de la technique classique actuelle est Francisco Tar-
rega (1854-1909), qui fera les premières
transcriptions de Bach, Haendel, Albéniz,
et perfectionnera son jeu en conséquence.
Son enseignement se perpétue encore de
nos jours par l’intermédiaire de ses élèves,
M. Llobet (1875-1938) et surtout Emilio
Pujol, infatigable musicologue, pédagogue
et compositeur. Grâce à ce dernier et à
Andrès Segovia (1893-1987), des compositeurs non guitaristes écriront pour
l’instrument : de Falla, Turina, Roussel,
Villa-Lobos, M. Ponce, parmi les plus
célèbres. Leurs disciples, John Williams,
O. Ghiglia, Julian Bream, A. Ponce, Alirio
Diaz, etc., sont, avec A. Lagoya et Narciso Yepes, les principaux représentants
de la guitare actuelle et parviennent à un
downloadModeText.vue.download 444 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
438
degré de virtuosité sans précédent qui
incite les compositeurs les plus avancés
à leur confier une part importante de leur
oeuvre, soit parmi d’autres instrumentistes (Henze, Boulez, Kagel, Bussotti),
soit en soliste (Ohana, Ballif, Britten, Jolivet, Halffner, Migot, etc.). D’autre part,
N. Yepes tente depuis plusieurs années
d’augmenter les possibilités de la guitare
en jouant sur un instrument à dix cordes
(sol bémol, la bémol, si bémol, do, mi, la,
ré, sol, si, mi). Parallèlement à cette évolution, les guitaristes de jazz, venus du blues,
jouent à l’aide d’un plectre, sur des cordes
de métal, et le premier grand virtuose du
genre fut le gitan Django Reinhardt (19101954), dont le style, à mi-chemin de l’art
flamenco et du jazz, devait démontrer
d’étonnantes qualités mélodiques et rythmiques. Celles-ci se trouvèrent renforcées
par l’amplification électrique, dont un des
premiers adeptes fut le génial improvisateur américain Charlie Christian (v. 19161942). Vinrent ensuite de grands artistes
comme Wes Montgomery, Barney Kessel,
Charlie Byrd, et la vogue du rock n’roll,
de la « pop music », dont Jimmy Hendrix
devait révolutionner le jeu en utilisant, le
premier, toutes les ressources dynamiques
de l’amplification, puis du folk singing
américain qui réintroduit le système des
doubles cordes avec la guitare « folk ». Si la
guitare classique semble, en gardant ses limites, être parvenue à une relative perfection de facture (grâce à de grands luthiers
comme Torres [1817-1892] et Manuel Ra-
mirez [1869-1920]), la guitare électrique
fait chaque jour l’objet d’améliorations
avec l’emploi de l’électronique, chambre
d’échos, pédales « wa-wa », réverbération,
synthétiseur, etc., qui devraient lui assurer
d’importants développements.
GUITERNE ou GUINTERNE.
On désignait sous ce nom, au Moyen Âge
et jusqu’à l’époque de la Renaissance, la
plupart des instruments à cordes pincées
du type de la guitare. Cependant, la guiterne proprement dite était un instrument plus petit, pouvant prendre soit la
forme à fond plat de la guitare, soit celle,
piriforme, du luth. Selon le théoricien J.
Tinctoris au XVe siècle, la guiterne serait
d’origine catalane.
GULBENKIAN (fondation), organisation
portugaise de bienfaisance, créée en
1956, et dont le siège est à Lisbonne.
Elle porte le nom d’un puissant homme
d’affaires arménien, Calouste Sarkis Gulbenkian (Istanbul 1869-Lisbonne 1955),
qui, grand amateur d’art, a, à sa mort,
dédié son immense fortune, entre autres,
au soutien des arts. Les réalisations de la
fondation, dans le domaine musical, sont
impressionnantes. Elle a, tout d’abord,
créé les infrastructures nécessaires à une
meilleure connaissance de la musique : un
orchestre de chambre (1962), un choeur,
un groupe de ballet (1965) et un auditorium (1969). En finançant le dépouillement des fonds musicaux des principales
bibliothèques du pays, elle a permis la
mise au jour de chefs-d’oeuvre de la musique ancienne portugaise, et leur popularisation par l’édition et par le disque.
Elle encourage également la musique
contemporaine en passant de nombreuses
commandes aux grands compositeurs de
notre époque, et en y familiarisant le public. C’est dans ce but que fut inaugurée,
en 1957, une série de 14 festivals. Enfin,
en consacrant une partie de ses fonds à la
création et à la gestion de conservatoires
et à la formation de musiciens professionnels, elle assure l’avenir de la musique au
Portugal.
GULDA (Friedrich), pianiste et compositeur autrichien (Vienne 1930).
Élève de Bruno Seidlhofer (piano) et de
Josef Marx (composition), premier Prix
au concours international de Genève en
1946, il a fait une brillante carrière non
seulement comme interprète du répertoire classique (en particulier Beethoven),
mais comme pianiste de jazz, fondant au
début des années 60 l’orchestre Eurojazz.
Comme compositeur, il a écrit notamment
7 Galgenlieder (1954, rév. 1965), Musique
pour piano et bande nos 1 et 2 (1963, 1964)
et The Excursion pour orchestre de jazz
(1965), et a tenté, dans les Neue Wiener
Walzer et les Neue Wiener Lieder, d’unir la
valse viennoise et le blues.
GÜRLITT (Manfred), compositeur et
chef d’orchestre allemand (Berlin 1890 Tokyo 1972).
Élève de Humperdinck pour la composition, il occupa divers postes à Berlin, Bayreuth, Essen et Augsbourg, dirigea l’Opéra
de Brême (1914), et devint, en 1924, directeur de la musique et chef invité à l’Opéra
d’État de Berlin, ainsi que professeur à
l’École supérieure de musique de cette
ville. En 1939, il s’installa au Japon. On
lui doit plusieurs opéras dont Die Heilige d’après Gerhard Hauptmann (1920),
Wozzeck d’après Büchner (1926), Soldaten d’après Lenz (1930), Nana d’après
Zola (1933, création en 1958) et Nordische
Ballade d’après S. Lagerlöf (1944), de la
musique de chambre, la Goya-Symphonie
(1938), et Trois Discours politiques de la
Révolution française pour baryton, choeur
d’hommes et orchestre (1944).
GÜRLITT (Willibald), musicologue allemand (Dresde 1889 - Fribourg-en-Brisgau 1963).
Après avoir suivi l’enseignement de Philipp Wolfrum à l’université de Heidelberg
et celui de Hugo Riemann au conservatoire de Leipzig, il devint l’assistant de ce
dernier. En 1914, il soutint sa thèse : Michel Praetorius, sein Leben und seine Werke
(1915, rééd. 1968) ; ayant acquis le titre de
docteur, il fit une carrière d’enseignant,
notamment à l’université de Fribourg,
où il créa l’Institut de musicologie. Suspendu de ses fonctions par le régime nazi
en 1937, il retrouva son poste en 1945. Ses
recherches sur la musique d’orgue de
Praetorius lui firent entreprendre la reconstitution de l’orgue de ce dernier à Fribourg en se référant au Syntagma musicum
de l’Organographia (t. II, 1619) qu’il édita
en fac-similé en 1929. Achevé en 1921, ce
travail fut effectué avec la collaboration du
facteur Oscar Walcker ; détruit en 1944
l’« orgue de Praetorius » a été reconstruit
en 1955. Gürlitt a publié de nombreuses
études dans des revues périodiques et
des ouvrages collectifs. Il dirigea la revue
Archiv für Musik Wissenschaft, à partir de
1952, et participa à la réédition du dictionnaire de Riemann (les deux premiers
volumes, 1959-1961). Il a édité des oeuvres
de G. Binchois, D. Buxtehude, M. Praetorius, D. Pohle, J. Walter ; il a également
écrit J.-S. Bach, der Meister und sein Werk
(Berlin, 1936 ; 4e éd., Kassel, 1959).
GURNEY (Ivor), compositeur et poète
anglais (Gloucester 1890 - Dartford
1937).
Choriste à la cathédrale de Gloucester, il
commence ses études musicales dans cette
ville (théorie, orgue), puis occupe divers
postes d’organiste. Ayant obtenu une
bourse pour le Royal College of Music,
il se rend à Londres et travaille avec C.
V. Stanford et Vaughan Williams. Grièvement blessé au cours de la Première
Guerre mondiale, il ne retrouvera plus
jamais une bonne santé. Il sombre dans la
dépression, perd la raison, et meurt, près
de Londres, à l’âge de 47 ans.
À partir de 1917, Gurney commence
à publier ses recueils de poésie et des
oeuvres musicales. Il se fait surtout
connaître comme compositeur de mélodies. Son oeuvre la plus célèbre est sans
doute le cycle The Western Playland pour
baryton, quatuor à cordes et piano (1919).
Il a également composé des Préludes
pour piano (1919-20), ainsi que quelques
oeuvres instrumentales ou pour orchestre.
L’évolution de la musique contemporaine
ne le touche guère, mais ses mélodies,
contemporaines de celles d’un Peter Warlock, se caractérisent par l’originalité du
langage harmonique et le degré de perfection qu’il apporte à l’union de la poésie et
de la musique.
GUSCHLBAUER (Theodor), chef d’orchestre autrichien (Vienne 1939).
Il suit des cours de piano et de violoncelle
avant de faire son apprentissage de chef
d’orchestre auprès de Hans Swaroowsky.
Il étudie ensuite avec Karajan. Ses predownloadModeText.vue.download 445 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
439
miers engagements le placent à la Wiener
Volksoper et au Landestheater de Salzbourg. En 1969, il devient directeur de
la musique à l’Opéra de Lyon, et en 1975
directeur général de la musique à Linz. En
1983, il prend la direction musicale et artistique de l’Orchestre philharmonique de
Strasbourg. Il a été également chef invité
des Opéras de Vienne et de Hambourg.
En 1988, la Fondation Goethe de Bâle lui a
décerné le prix Mozart.
GUT (Serge), musicologue et compositeur français d’origine suisse (Bâle 1927).
Élève de Simone Plé-Caussade et de Messiaen, il a obtenu un doctorat d’université
sur la musique médiévale en 1967 et un
doctorat d’État sur Liszt en 1972 ; de 1983
à 1990, il a dirigé l’UER de musicologie
à Paris-IV. Président depuis 1976 de la
commission scientifique du Centre européen Liszt d’Eisenstadt, il a publié notamment la Musique de chambre en France de
1870 à 1918 (1978, avec Danièle Pistone),
le Groupe Jeune France (1977), Franz Liszt
(1989) et Correspondance Liszt-d’Agoult
(1993).
GUTMAN (Natalia), violoncelliste russe
(Moscou 1942).
Issue d’une famille de musiciens, elle
étudie le violoncelle à l’école de musique
Gnessiny de Moscou dans la classe de R.
Saposhnikov. Après avoir obtenu la médaille d’argent au Concours Tchaïkovski
en 1962, elle entre au Conservatoire de
Moscou et travaille avec Mstislav Rostropovitch. Elle remporte plusieurs premiers
prix dans des concours internationaux
(Concours du festival étudiant de Vienne,
Concours de musique de chambre de
Munich, Concours Dvorak de Prague).
Dès lors, elle effectue de nombreuses tournées à travers l’Europe, les États-Unis et le
Japon. Dans le répertoire de musique de
chambre, elle se produit avec Elisso Virsaladzé, Youri Bashmet et, depuis 1982,
Sviatoslav Richter. Elle porte un grand intérêt à la musique contemporaine et joue
en concert des oeuvres de Goubaïdoulina,
Vieru, Denisov et Schnittke, qui a écrit
pour elle un concerto.
GUYONNET (Jacques), compositeur,
chef d’orchestre et pédagogue suisse
(Genève 1933).
Il a étudié la composition et la direction
d’orchestre au conservatoire de Genève,
travaillé avec Pierre Boulez (1959-1964) et
suivi les cours de Darmstadt (1958-1960).
Il a fondé à Genève un studio de musique
électronique ainsi que l’association de
concerts Studio de musique contemporaine
(1959), et il a donné dans le monde entier
de très nombreux concerts. Il enseigne,
depuis 1967, la composition au conservatoire de Genève. Il a créé un séminaire de
composition au sein du Studio de musique
contemporaine (1974) et s’est vu confier
une chaire de composition à l’École supérieure de musique de Zurich (1975).
Il a compté parmi ses élèves Hugues
Dufourt. Il a été président de la Société
internationale de musique contemporaine
(S. I. M. C.) de 1976 à 1978, puis de 1979
à 1981.
Parti des courants postweberniens, il
s’est ensuite particulièrement intéressé
aux problèmes de forme. On lui doit
notamment : Polyphonies I, II et III pour
diverses combinaisons instrumentales
(1959-1962) ; Monades I pour ensemble
instrumental (1958), II (1960) et III (1961)
pour orchestre ; En trois éclats ! ! pour
piano et orchestre de chambre (1964) ; The
Approach to the Hidden Man I pour ensemble instrumental et II pour mezzo-soprano, orchestre de chambre et sons électroniques ad libitum, d’après H. Michaux
(1967) ; Chronicles, pièce de chaos pour
piano (1969-1970) ; le Chant remémoré
pour quatuor vocal et orchestre (1972) ; les
Enfants du désert pour orchestre à cordes
(1974) ; Lucifer Photophore I, bande vidéo
couleurs (1974) ; Lucifer Photophore II, 5
pièces pour orchestre de chambre, commande de Paul Sacher (1975) ; Zornagore
pour orchestre et récitant, textes de Michel
Butor (1976) ; Immémoriales pour piano
et sons électroniques (1976) ; les Profondeurs de la Terre pour orchestre (1977) ;
les Dernières Demeures pour orchestre
(1979) ; Schönberg et son double, imaginaire musical pour un acteur et l’opus 9 de
Schönberg (1980-81) ; Electric Sorcerers,
esquisses pour un rock opéra (1980-81).
GYMEL.
Genre ancien de polyphonie propre à la
Grande-Bretagne (XIe-XIIe s.), analogue à
l’organum parallèle pratiqué sur le continent, mais qui en diffère par l’usage fré-
quent et parfois exclusif de la tierce, alors
que l’organum était fondé sur l’octave, la
quinte et la quarte.
Si les rares gymels conservés utilisent
effectivement les suites de tierces au
milieu des phrases, la plupart prennent
quand même leurs intonations et leurs
repos cadenciels sur la consonance de
quinte à vide de la même manière que l’organum continental. En s’adjoignant une
troisième voix, le gymel a donné naissance
au faux-bourdon.
GYROWETZ (Adalbert ou VOJCECH JIROVEC), compositeur tchèque (Budweis
[Budejovice], 1763 - Vienne, 1850).
Il arriva vers 1785 à Vienne, où il fit la
connaissance de Mozart et de Haydn, puis
séjourna en Italie, à Paris (il y fut le témoin des événements d’octobre 1789 et y
eut la surprise de voir une de ses symphonies imprimées sous le nom de Haydn) et
à Londres (il y participa en 1791-92 aux
mêmes concerts que Haydn). Il fut, de
1804 à 1831, compositeur et maître de chapelle du théâtre de la cour de Vienne, ville
où, ayant survécu à son époque, il mourut dans la misère après avoir donné son
dernier concert en 1844 et publié en 1848
une intéressante autobiographie (rééd.
Leipzig, 1915). Ses premières oeuvres
sont surtout instrumentales (symphonies, quatuors), les dernières en grande
majorité pour la scène : ballets, choeurs,
opéras : Agnès Sorel (1806), Der Augenarzt (« l’Oculiste », 1811), Robert oder die
Prüfung (« Robert ou la Mise à l’épreuve »,
1815). L’Abschiedslied (« Chant d’adieu »),
qu’on crut longtemps avoir été composé
par Haydn lors de son premier départ
pour Londres en 1790, est en réalité de lui.
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H.
Dans les pays de langue allemande, cette
lettre désigne la note si naturel, le B étant
réservé au si bémol. Si dièse se dit, dans ces
pays, His, et si double dièse, Hisis.
français
anglais
allemand
si
B
H
si dièse
B sharp
His
si double
dièse
B double
sharp
Hisis
si bémol
B flat
B
si double
bémol
B double
flat
Heses
HAAS (Joseph), compositeur et pédagogue allemand (Maihingen, Bavière,
1879 - Munich 1960).
Élève de Max Reger à Munich (1904),
puis à Leipzig (1907), il devint lui-même,
à partir de 1911, un des pédagogues les
plus recherchés de son temps. Il fut un des
fondateurs du festival de Donaueschingen
en 1921, et allia dans sa musique une profondeur de sentiments et une sensibilité
postromantiques à un sens de l’humour
certain. Outre de nombreuses oeuvres instrumentales et vocales, il a écrit les opéras
Tobias Wunderlich (Kassel, 1937) et Die
Hochzeit des Jobs (Dresde, 1944).
HAAS (Karl), musicologue et instrumentiste allemand (Karlsruhe 1900 - Londres
1970).
Il se constitua en Allemagne une très
importante collection d’instruments
anciens (lui-même jouait surtout de la
viole d’amour) et de microfilms d’oeuvres
anciennes que, en 1939, obligé de quitter
l’Allemagne, il put emporter en Angle-
terre. Là, il fonda en 1941, avec notamment le corniste Dennis Brain, le London Baroque Ensemble, qui donna des
H
concerts publics de 1943 à 1966, et avec
lequel il réalisa de précieux enregistrements, en particulier d’oeuvres de Haydn
et de Boccherini. À sa mort, il préparait un
ouvrage sur les musiques militaires.
HAAS (Monique), pianiste française
(Paris 1909 - id. 1987).
Elle est l’élève de Lazare-Lévy au Conservatoire de Paris et étudie ensuite avec
Georges Enesco, Robert Casadesus et Rudolf Serkin. Sa carrière de concertiste, en
soliste ou en duo avec Enesco et Fournier,
la mène dans le monde entier. Interrompue par la guerre, son activité reprend en
1945, associant enseignement et récitals
et donnant une large part à la création
contemporaine. Épouse du compositeur
Marcel Mihalovici, elle a créé sa Toccata
pour piano et ses Ricercari ainsi que des
oeuvres de Poulenc et de Schmitt. Son
enregistrement de l’oeuvre intégral pour
piano de Maurice Ravel a obtenu le Grand
Prix de l’Académie Charles-Cros, celui de
l’intégrale de Debussy le Grand Prix de
l’Académie du disque français.
HAAS (Robert), musicologue autrichien
(Prague 1886 - Vienne 1960).
Assistant de Guido Adler à Vienne (1908),
puis chef d’orchestre d’opéra dans diverses villes (1910), il revint à Vienne en
1914, et y fut, de 1920 à 1945, responsable
de la collection de musique de la Bibliothèque nationale. Spécialiste du singspiel
viennois ainsi que de l’opéra et de l’oratorio baroques, il s’est également intéressé à
Bruckner, dont, le premier, il a édité certaines oeuvres dans leur version originale.
HABA (Alois), compositeur et pédagogue tchèque (Vizovice, Moravie,
1893 - Prague 1973).
D’abord instituteur, il étudia avec V.
Novak (1914-15), puis avec F. Schreker à
Vienne et avec F. Busoni à Berlin (19201922), qui attira son attention sur l’école
de Vienne. Se penchant sur les origines
du fait musical, il étudia également les
musiques extraeuropéennes, et, ayant mis
en évidence la structure chromatique de
la chanson primitive, il s’intéressa aux
quarts de ton et aux micro-intervalles. Il
écrivit les Bases harmoniques du système
par quarts de ton (Prague, 1922 ; trad. all.,
1925), ainsi qu’une théorie de composition ultrachromatique utilisant quarts,
cinquièmes, sixièmes et douzièmes de ton
(Neue Harmonielehre... Leipzig, 1927 ; manuscrit complém., 1942), et fit construire
en quarts de ton trois types de pianos
(1924-1931), un type d’harmonium
(1928), de clarinette (1924), de trompette
(1931) et de guitare (1943), ainsi qu’un
harmonium en sixièmes de ton. Par ses
préoccupations anthroposophiques,
Haba a ouvert la voie aux musiciens d’aujourd’hui, qui essaient de percer les secrets
des musiques non écrites et d’en retrouver
l’athématisme naturel et la souplesse rythmique, basée sur une microharmonie. Il a
enseigné de 1923 à 1953 au conservatoire
de Prague, s’est trouvé de 1945 à 1948
à la tête du théâtre du 5-Mai (plus tard,
théâtre Smetana) à Prague, et a dirigé de
1945 à 1961 le département « composition
avec quarts et sixièmes de tons » à l’Académie de musique de Prague. Il a écrit un
opéra, Marka (« la Mère », 1927-1929),
mais sa production est surtout instrumentale, avec notamment seize quatuors
à cordes - les cinq premiers de 1919-1923,
les autres de 1950-1967 -, dont beaucoup
en micro-intervalles.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
441
HABANERA.
Danse à deux temps, dont le premier est
très accentué et le rythme conforme à la
notation suivante : croche pointée, double
croche, deux croches.
Son origine, discutée, est probablement
afro-cubaine (ou havanaise, d’où son
nom). La habanera apparaît en Europe au
cours de la seconde moitié du XIXe siècle,
d’abord en Espagne (Albéniz, M. de Falla),
puis, surtout, en France où elle a inspiré,
par exemple, Saint-Saëns, Bizet (Carmen),
Chabrier, Debussy (Estampes : « Soirée
dans Grenade »), Ravel (Rhapsodie espagnole) et Raoul Laparra, qui en a fait le
sujet d’un opéra (la Habanera, opéra-comique, 1908).
HAEBLER (Ingrid), pianiste autrichienne
(Vienne 1929).
Elle fait ses études à l’Académie de musique de Vienne, au Mozarteum de Salzbourg, puis au conservatoire de Genève
et à l’école Marguerite-Long à Paris. Elle
remporte le premier prix au concours
de Munich et au concours Schubert de
Genève en 1954. Elle effectue ensuite des
tournées en Europe et dans le monde entier. Spécialiste des oeuvres pour piano de
Mozart, elle possède une technique particulièrement transparente. Depuis 1969,
elle enseigne au Mozarteum de Salzbourg.
HAEFLIGER (Ernst), ténor suisse (Davos
1919).
Il se destinait à une carrière d’instituteur,
mais les écoles normales suisses accordant une grande place à la musique, il y
apprit le violon, puis le chant. Sa réussite
dans ces deux disciplines fut telle qu’il
poursuivit ses études au conservatoire de
Zurich. Débutant au concert en 1943, il
fut bientôt sollicité par les plus grandes
scènes lyriques, notamment pour le répertoire mozartien qu’il avait travaillé tant
à l’allemande qu’à l’italienne. Remarquable Évangéliste de la Passion selon
saint Jean, E. Haefliger a également brillé
dans les autres compositions religieuses
de J.-S. Bach, dans les principaux opéras
de Mozart, dans Fidelio de Beethoven, et
le lied romantique. Aujourd’hui retiré de
la scène, il se consacre à l’enseignement.
HAENDEL (Georg Friedrich), compositeur allemand, naturalisé anglais en
1726 (Halle 1685 - Londres 1759).
Fils de Georg Händel (1622-1697), chirurgien-barbier, et de Dorothéa Taust (16511730), épousée en secondes noces en 1683,
Georg Friedrich Haendel montra très tôt,
pour la musique, des dons exceptionnels
que seules sa mère et sa tante devinèrent.
Ayant décidé de faire de lui un juriste,
son père, homme tenace et sévère, refusa
que le duc de Saxe, vers 1694, puis le roi
Frédéric Ier de Prusse, rencontré à Berlin
en 1696, prissent soin de son éducation
musicale. Il accepta toutefois de confier
l’enfant à Zachow, remarquable musicien
de Halle, qui lui enseigna fugue, contrepoint, composition, ainsi que la pratique
de plusieurs instruments (clavecin, orgue,
violon, hautbois, peut-être violoncelle).
Zachow lui fit surtout découvrir les
maîtres contemporains, allemands et italiens (Froberger, Kerll, Ebner, Alberti,
Strungk, Krieger).
AU CONTACT DES MILIEUX MUSICAUX DE
L’ÉPOQUE.
Fidèle à la promesse faite à son père et
pour complaire à sa mère (deux traits de
caractère majeurs du musicien), Haendel
poursuivit ses études au lycée, devint organiste de la cathédrale de Halle en mars
1702 ; mais, avide de plus larges horizons,
il résilia dès 1703 son contrat et se rendit à Hambourg. Mattheson l’introduisit
alors dans les milieux musicaux et cultivés de la ville, notamment chez le consul
d’Angleterre, à Sainte-Marie-Magdeleine,
où il tint l’orgue, et surtout à l’orchestre
de l’Opéra, où, après avoir joué comme
violoniste et claveciniste, il produisit une
Passion selon saint Jean (carême 1704),
puis son premier opéra, Almira, créé avec
succès le 8 janvier 1705, et bientôt suivi
de Nero (25 février 1705). Devant l’échec
de cette pièce et mécontent de la situation musicale à Hambourg (notamment
faillite frauduleuse de Krieger, directeur
de l’Opéra), il se rendit, sur l’invitation de
Gian-Gastone de Medici, à Florence (octobre 1706), puis à Rome (début janvier
1707), où il se lia avec l’élite intellectuelle :
à l’Accademia d’Arcadia que fréquentaient
mécènes (cardinaux Pamfili, Ottoboni) et
musiciens (Corelli, A. et D. Scarlatti, Pasquini, Marcello). De cette époque datent
de nombreuses compositions religieuses
(l’extraordinaire Dixit Dominus, 1707)
ou profanes (une centaine d’admirables
cantates italiennes), où Haendel déploie
tout son talent de mélodiste et qui sont
autant d’essais pour maîtriser mieux une
forme qui le requiert. L’opéra Rodrigo
fut précisément créé à Florence en 1708,
avant que le compositeur ne se rendît à
Naples, où il écrivit la cantate Aci, Galatea e Polifemo et surtout un nouvel opéra,
Agrippina, créé à Venise (26 décembre
1709). Triomphe difficile à renouveler, qui
rendit Haendel prudent et lui fit accepter
de devenir Kapellmeister de l’Électeur de
Hanovre (juin 1710-automne 1712), mais
qui le vit faire aussi un voyage à Londres
(décembre 1710-juillet 1711), où Rinaldo
obtint un large triomphe. Déçu de ne
pouvoir monter son oeuvre à Hanovre, et
ayant continué d’entretenir des relations
en Angleterre (avec le poète Hughes, par
exemple), Haendel retourna à Londres, en
novembre 1712.
L’ANGLETERRE, UNE NOUVELLE PATRIE.
D’abord logé chez le comte Burlington, où
il fréquenta Pope, Gay, Swift, Arbuthnot
ou Pepusch, Haendel écrivit là quelques
oeuvres profanes (Il Pastor fido, Teseo,
etc.), qui le feront devenir compositeur
officiel de la couronne. Après l’Ode pour
l’anniversaire de la reine Anne (février
1713), il allait écrire, en effet, l’Utrecht Te
Deum and Jubilate (mars 1713), qui devint
partition officielle, puis un autre Te Deum
en ré, lorsque l’Électeur de Hanovre devint
roi d’Angleterre en juin 1714, et enfin un
nouvel opéra, Amadigi, d’après Houdar
de la Motte. Suivant son souverain à Hanovre, Haendel retourna en Allemagne au
cours de l’été 1716 et y composa une Passion sur un texte de Brockes (que devaient
également utiliser Keiser, Telemann,
Mattheson et J.-S. Bach), donnée à Hambourg lors des carêmes de 1717 et 1719. Il
n’entendit pas son oeuvre : depuis fin décembre 1716, il était de nouveau à Londres
où l’accueillit, cette fois, le duc de Chandos (été 1717). Après avoir écrit pour le
roi la célèbre Water Music (créée en juillet
1717), il composa pour la chapelle du duc
les admirables Chandos Anthems, psaumes
sur paroles anglaises qui allaient être aux
oratorios futurs ce qu’avaient été les cantates italiennes par rapport à ses opéras,
à savoir des « galops d’essai ». Mais, pour
l’heure, Haendel ne chercha pas à créer
des oratorios, même après le succès d’Haman and Mordecai (Esther I, 1720).
LA CRÉATION D’UNE ACADÉMIE : JOIES ET
VICISSITUDES.
Tourné vers la scène, attiré uniquement
par l’opéra, il se jeta à fond dans une
entreprise éprouvante : la création d’une
académie, sorte de société par actions, placée sous patronage du roi (d’où le nom de
Royal Academy) et chargée de monter des
opéras. Dès lors, la vie de Haendel devint
l’histoire de ses succès, de ses revers, de ses
luttes pour imposer, moderniser, harmoniser l’opéra, en faire, parfois contre l’avis
même du public, une oeuvre totale où la
musique exprime, dans un langage d’une
exceptionnelle force évocatrice, le drame
vécu par des personnages d’exception,
placés dans des situations d’exception.
La première académie (1720-1727) se déroula comme une tragi-comédie en cinq
actes. Acte premier (1720-1722) : après
une entrée triomphale (Radamisto, avril
1720), Haendel se vit opposer Bononcini
par ses protecteurs mêmes (Burlington
et le conseil d’administration de la Royal
Academy). Acte II (1722) : le parti de Bononcini l’emporta avec la Griselda de ce
dernier. Acte III (1723) : Haendel donna
un coup d’arrêt avec Ottone et la publication de ses Sonates pour flûte et violon
op. 1 et 2, renouvelant ainsi le succès de
ses huit Pièces de clavecin (Recueil I, 1720).
Acte IV (1724-25) : reprise du terrain
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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perdu avec un brelan de chefs-d’oeuvre
(Giulio Cesare et Tamerlano, 1724 ; Rodelinda, 1725), défaite de Bononcini. Acte
V (1726-1728) : consécration de Haendel avec Scipione, Alessandro, Admeto,
mais débâcle de la Royal Academy, due
à la cabale, aux difficultés financières, aux
nombreuses jalousies et, en particulier,
aux querelles entre les sopranos vedettes,
la Bordoni et la Cuzzoni, qui, en juin 1727
et en présence du prince de Galles, en
vinrent aux mains sur scène. Scandale que
ne pouvaient effacer les créations - et succès - de Riccardo Io (novembre 1727) ou de
Siroe (février 1728).
Affranchie de l’ancien conseil d’administration où dominaient officiels et gens
de cour, sous la seule conduite de Haendel
et de son associé Heidegger, la Nouvelle
Académie (1729-1733) connut les mêmes
vicissitudes que la précédente, malgré le
recrutement de nouveaux chanteurs, ce
qui amena Haendel à se rendre en Italie
(mars-mai 1728) et en Allemagne (juinjuillet), où il vit pour la dernière fois sa
mère devenue aveugle, mais où il ne put se
rendre à l’invitation de J.-S. Bach à Leipzig.
De décembre 1729 à février 1732, il assura
la création de Lotario, Partenope (un chefd’oeuvre), Poro (1731), Ezio et Sosarme
(janvier et février 1732). Malgré l’appui et
la subvention du roi (1 000 livres), malgré
les reprises de pièces à succès (Giulio Cesare, notamment), Haendel lutta pour assurer la survie de son entreprise. En 1732,
le succès d’Esther, l’invitation de Haron
Hill à écrire sur des textes anglais eussent
pu l’amener à délaisser l’opéra. C’eût été, à
ses yeux, abdiquer. Le succès d’Orlando en
janvier 1733 l’ancra d’ailleurs dans cette
idée. Pourtant, le public accourut et fit fête
à Deborah, oratorio sur texte vernaculaire,
ainsi qu’à Athalie créé à Oxford. Par goût,
orgueil ou volonté de vaincre, Haendel
continua donc à écrire des opéras, ne fûtce que pour faire face au Nobility Opera,
entreprise concurrente suscitée par le
prince de Galles et soutenue par la gentry
qui patronnait Hasse et Porpora. Combat incessant, semé d’embûches (rupture
du contrat de Heidegger, ce qui obligea
Haendel à transporter sa troupe chez John
Rich à Covent Garden), semé d’échecs ou
de victoires (Arianna, janvier 1734) ; Il
Parnasso in festa, mars 1734 ; Ariodante,
janvier 1735 ; Alcina, avril 1735).
DES OPÉRAS AUX ORATORIOS.
Épuisé par ces luttes incessantes, par son
travail de « compositeur-chef d’orchestreimpresario », il se rendit aux eaux de
Turnbridge Wells (été 1735), prépara la
saison suivante (Alexander’s Feast, Wedding Anthem), écrivit au cours de l’été
1736 Giustino, Arminio, Berenice et Didone
abbandonata. Il ne put, toutefois, en assurer la création, le 13 avril 1737, ayant
eu quelques heures plus tôt une attaque
(infarctus ? congestion cérébrale ?), qui
le laissa à demi paralysé. Mais le 11 juin,
quatre jours avant le sien, le Nobility
Opera fermait. Si Haendel entraînait dans
sa chute l’entreprise concurrente, il demeurait également sans force. Finalement,
il consentit à se rendre aux eaux d’Aixla-Chapelle (septembre 1737). Remède
miracle qui le rétablit incontinent. Le 28
octobre, le London Daily Post annonçait
son retour. Immédiatement, Haendel
composa deux nouveaux opéras : Faramondo (dont la création fut retardée par
le décès de la reine Caroline, ce qui nous
vaut l’admirable Funeral Anthem), puis
Serse en avril 1738, tandis que paraissait
chez Walsh ses opus 4 (Six Concertos pour
orgue) et 5 (Sept Sonates en trio à 2 violons
ou 2 flûtes), qui rencontraient un éclatant
succès. Haendel eût-il été, dès lors, boudé
pour ses seuls opéras ? S’avouant invaincu,
il donna alors Imeneo (novembre 1740),
suivi de Deidamia (janvier 1741). Devant
la froide réaction du public, hostile à la
forme, au livret italien, au style
même de l’opéra, il abandonna alors
définitivement la scène (10 février 1740),
et, dans la fièvre, composa immédiatement deux oratorios : le Messie en août-
septembre, Samson en octobre. Puis, à
l’invitation de William Cavendish, il se
rendit à Dublin, où allait triompher précisément son Messie (13 avril 1742). Revenu à Londres fin août, il se tourna alors
résolument vers l’oratorio, souvent joué
avec un succès qu’avivaient les Concertos
pour orgue donnés aux entractes et où il
improvisait d’éblouissantes cadences.
Ainsi, virent le jour Samson (février 1743),
Semele (février 1744), Joseph et ses frères
(mars 1744), Hercules (janvier 1745), Belshazzar (mars 1745), qui connurent des
fortunes diverses en dépit de leur extrême
qualité. À partir de là, Haendel abandonna
le système des souscriptions - favorisant
trop la gentry sans pour autant l’assurer
du succès - et joua désormais « à bureaux
ouverts ».
LES DERNIERS CHEFS-D’OEUVRE.
Peu à peu, un retournement allait se faire
en sa faveur, le public anglais ayant admiré son courage dans l’adversité (une
nouvelle attaque l’avait frappé en 1743)
et sa fidélité lors de la révolte jacobite.
Haendel fit alors de plus en plus figure de
héros national, même si son oeuvre resta
discutée - ce qui l’obligeait à reprendre ses
pièces les plus « rentables » et ses derniers
oratorios (Judas Maccabeus, avril 1747 ;
Alexander Balus, mars 1748 ; Joshua [id.] ;
Solomon, mars 1749 ; Susanna, février
1749) connurent une faveur croissante
que porta à son comble la Fireworks Music
commandée par le roi pour célébrer la
paix d’Aix-la-Chapelle. Malheureusement
ni Theodora (mars 1750) ni Jephta (février
1752) ne rencontrèrent l’estime méritée.
En fait, le public n’avait point compris ni
partagé sa propre ascension spirituelle.
Dès lors, ses dernières années, en dépit de
nombreuses reprises et auditions de ses
oeuvres, tant en Angleterre et en Irlande
que sur le continent, furent fortement
attristées, d’autant que ce grand « musicien visuel » perdit la vue en 1753, malgré l’intervention de deux célèbres praticiens - dont Taylor, qui avait déjà opéré
J.-S. Bach.
Le premier moment d’abattement
passé, Haendel se remit pourtant au travail, suivant toujours de près la production musicale contemporaine, dictant son
courrier, modifiant certaines oeuvres antérieures. Mais sa santé déclinait. Le 6 avril
1759, il parut en public pour la dernière
fois, lors d’une exécution de son Messie
que dirigeait J. C. Smith. Il désirait mourir le vendredi saint - comme le Christ.
Son voeu de chrétien allait être (presque)
exaucé : il s’éteignit en effet le samedi saint
14 avril 1759. Le 20 avril, trois mille personnes lui rendirent un dernier hommage
à l’abbaye de Westminster, où désormais
il repose.
UN PUISSANT ORGANISATEUR.
Grand, fort, plein de feu, impétueux,
péremptoire, parfois brutal, sinon violent dans l’expression, mais d’une extrême bonté et d’une constante générosité, Haendel se montrait indomptable,
prenant comme Beethoven « le destin à
la gueule », et travailleur acharné. On le
trouvait sans relâche à son clavecin, dont
il usa les touches, et à son écritoire : un
jour - Noël 1737 - sépare Faramondo de
Serse ; trois jours séparent Saül d’Israël.
Travaillant vite, mais raturant beaucoup,
il composa Theodora en cinq semaines, le
Messie en vingt-quatre jours, Tamerlano
en vingt. Il laissa une oeuvre immense,
capitale, tant sur le plan de la diversité (il a
abordé tous les genres) que de la spiritualité. Dès lors, il est éminemment regrettable que, par la faute d’artistes ou de critiques médiocres et de chefs d’orchestre
trop peu curieux, cette oeuvre demeure en
grande partie cachée au public.
Usant de la langue de son époque comme Bach -, Haendel se montra moins
révolutionnaire qu’évolutionnaire. Mais, à
avoir fréquenté sous différents cieux l’élite
intellectuelle et sociale de son temps, il
apparut comme un puissant organisateur,
comme un merveilleux instrument de
synthèse de l’art européen. L’Allemagne
lui inculqua la solidité des plans, la carrure
des rythmes, une certaine piété intérieure,
jamais démentie. L’Italie développa ses
dons de mélodiste, sa verdeur, son ingéniosité, son goût aristocratique, son sensualisme pour les couleurs et les sonorités.
De la France, il écouta les leçons de clarté,
d’élégance, d’équilibre. L’Angleterre,
enfin, lui enseigna la poésie des virginadownloadModeText.vue.download 449 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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listes, la spontanéité de Purcell, ses ambi-
guïtés modales et ses audaces rythmiques.
Fruit de cultures diverses, il ne cessa cependant de rester lui-même, demandant à
son métier irréprochable, à sa fécondité, à
son imagination d’exprimer sa pensée. Or
celle-ci est, à la fois, inventive et d’extrême
noblesse. Inventive, car Haendel, le tout
premier, introduisit des contrebassons à
l’opéra (Tamerlano), libéra les basses de
leur statisme (op. 5), pressentit la forme
cyclique, la forme de quatuor (op. 5 également), de la symphonie (op. 6). Premier
compositeur à vivre de sa plume, il vécut
dangereusement et se battit contre tout et
tous pour imposer sa vision d’un opéra
infléchi vers une dramaturgie psychologique - ici, on perçoit l’admirateur de
Corneille et de Racine -, dont la musique
exprime alors les moindres inflexions. En
cela, il préfigure Haydn et plus encore
Mozart ; il eut même la prescience du
leitmotiv. Enfin, il donna à l’oratorio une
dimension et une signification jusque-là
insoupçonnées. Pensée novatrice, donc,
mais également d’une extrême noblesse.
Son théâtre, ses oratorios mettent en scène
les grands héros de l’Histoire (Giulio Cesare, Tamerlano), de la littérature (Alcina,
Orlando), des livres saints - Saül, Solomon, Belshazzar. Attiré par ces immenses
figures que sa fertilité d’invention, son aisance narrative surent élever à la hauteur
du type et du mythe, il n’apparaît, en fait,
jamais aussi génial que lorsqu’il lui fallait
se mesurer avec ces êtres d’exception qu’il
scrutait dans leur vérité profonde quand,
victimes de forces supérieures, ils se retrouvaient face à eux-mêmes, à leur destin. Leur grandeur fut la sienne.
UNE CONFONDANTE ASCENSION SPIRITUELLE.
On assiste d’ailleurs, chez Haendel, à
une ascension spirituelle qui, dans les
derniers oratorios, mène aux profondes
méditations sur l’orgueil (Sal), sur la
jalousie (Heraklès), sur l’amour plus fort
que la mort (Alexander Balus), sur la fin
des civilisations (Belshazzar), sur la tolérance, politique et religieuse (Belshazzar,
Theodora), enfin sur la religion (le Messie)
et sur la place de l’homme dans l’univers
(Jephta). Dans cet ultime ouvrage, testament de sa pensée musicale et spirituelle,
Haendel inscrivit son propre credo dans
les premiers (What ever is, is right) et derniers mots (Hallelujah ! Amen). Il laisse
ainsi, image de sa propre existence, une
leçon d’indépendance, de liberté de l’esprit, d’acceptation de la volonté divine et
de soumission à la grande loi de l’univers.
Mais aussi une leçon de courage, de défi
que l’homme se lance à lui-même, opposant à une attitude démissionnaire la force
de sa ferveur et de son espérance, de son
courage, de sa lucidité, de son optimisme.
Ainsi Haendel apparaît-il comme le dernier des grands humanistes de la Renaissance, mais aussi comme un éminent
représentant du siècle des lumières. On
comprend mieux, dès lors, les jugements
de Haydn déclarant : « Haendel est notre
grand maître à tous « ; de Beethoven
confiant au soir de son existence : « C’est
le plus grand compositeur qui ait jamais
existé ; je voudrais m’agenouiller sur sa
tombe « ; de Liszt, enfin, proclamant sans
ambages : « Haendel est grand comme le
monde. »
HABENECK (François Antoine), chef
d’orchestre, violoniste et compositeur
français (Mézières 1781 - Paris 1849).
Fils d’un musicien de Mannheim au
service de l’armée française, il étudia le
violon avec Baillot au Conservatoire de
Paris (premier prix en 1804). Violoniste
des orchestres de l’Opéra-Comique et
de l’Opéra, il dirigea, de 1806 à 1815, les
Concerts français patronnés par le Conservatoire, puis dès sa fondation en 1828 la
Société des concerts du Conservatoire,
qu’il inaugura le 9 mars avec l’Héroïque de
Beethoven. Il donna ensuite, en quatre ans
(1828-1831), la première audition intégrale parisienne des neuf symphonies de
ce compositeur, avant de contribuer largement, par des exécutions fréquentes, à les
imposer dans l’esprit du public. Il donna
aussi, en 1844, la première audition intégrale à Paris depuis 1800 de la Création de
Haydn. Directeur, puis chef d’orchestre
de l’Opéra (1821-1846), il fut également
inspecteur et professeur de violon (18251848) au Conservatoire. On lui doit, pour
son instrument, une méthode et quelques
compositions, dont deux concertos.
HAERPFER ERMAN.
Manufacture d’orgues établie en Lorraine
depuis 1863, et dirigée par Walter Haerpfer (mort en 1975) et Pierre Erman (parti
à la retraite en 1978).
Actuellement dirigée par Theo Haerpfer, elle a construit près de 600 instruments, principalement dans l’est de la
France. L’esthétique de ses réalisations,
qui a beaucoup évolué en un siècle, la
conduit aujourd’hui à opter pour le style
classique, comme en témoignent les orgues de la basilique de Saint-Quentin ou
de Saint-Germain-des-Prés à Paris, ou la
restauration de l’orgue des cathédrales de
Sarlat ou de Nancy.
HAESSLER (Johann Wilhelm), compositeur, organiste et pianiste allemand
(Erfurt 1747 - Moscou 1822).
Il se mesura avec Mozart à Dresde le 15
avril 1789, à l’orgue puis au piano, séjourna de 1790 à 1792 à Londres, où il rencontra Haydn, et arriva en 1792 à SaintPétersbourg. À partir de 1794, il enseigna
à Moscou. Il écrivit surtout pour piano.
HAFFNER (Johann Ulrich), éditeur allemand ( ? 1711 - Nuremberg 1767).
Il fonda sa maison d’édition à Nuremberg vers 1742, et se spécialisa dans la
production de chambre et de clavier des
compositeurs italiens (parmi lesquels
Domenico Scarlatti) et des compositeurs
d’Allemagne du Centre et du Sud, ce qui
contribua à la diffusion de cette musique à
Vienne. Il publia aussi des oeuvres de Carl
Philipp Emanuel Bach (les six sonates wurtembergeoises, en 1744).
HAHN (Reynaldo), compositeur français
(Caracas, Venezuela, 1875 - Paris 1947).
D’origine allemande et israélite par son
père, basque et catholique par sa mère, il
est né Vénézuélien et l’est resté jusqu’à
sa naturalisation en 1912. Mais il n’a
que trois ans quand don Carlos Hahn, à
la suite d’une révolution, liquide toutes
ses affaires à Caracas et s’installe à Paris
avec femme et enfants (il en a eu douze en
tout). Rois en exil plutôt qu’immigrants,
les Hahn se trouvent aussitôt lancés dans
la plus haute société parisienne. À six ans,
l’enfant prodige qu’est le petit Reynaldo
fait ses débuts dans le célèbre salon de la
princesse Mathilde, cousine du défunt
empereur Napoléon III. Il chante des airs
d’Offenbach en s’accompagnant au piano.
Plus tard, et cela jusqu’aux approches
de la vieillesse, il interprète de même
ses propres mélodies d’une jolie voix
de soprano, puis de baryton Martin. Au
Conservatoire, où il entre à dix ans dans
la classe de solfège de Lucie Grandjany, il
aura également pour maîtres Decombes
(piano), Lavignac et Dubois (harmonie)
et surtout Massenet (composition), dont
l’amitié et la protection ne lui feront jamais défaut. C’est Massenet qui présente
son jeune disciple à Alphonse Daudet, lui
procurant ainsi, à quinze ans, sa première
commande de musique de scène (l’Obstacle). Son influence est également pour
beaucoup dans la création à l’Opéra-Comique d’un premier ouvrage lyrique - l’Île
du rêve (1898) - d’après Pierre Loti. Reynaldo Hahn, à vingt-trois ans, n’en est
déjà plus à se contenter de succès de salon,
encore que ce dandy, polyglotte et brillant
causeur, donne beaucoup de son temps à
la vie mondaine et aux voyages. Il est très
lié avec la ballerine Cléo de Mérode, Sarah
Bernhardt, Marcel Proust, et fréquente la
plupart des célébrités de la Belle Époque.
Naturalisé français après la mort de sa
mère, il fait son service militaire à trentehuit ans, et, la guerre venue, demande à
partir pour le front où il passe plus de trois
ans, pour en revenir avec la Légion d’honneur et la croix de guerre. Après la défaite
de la France en 1940, sous l’occupation, il
n’en est pas moins jugé indésirable à Paris
en vertu des lois raciales, bien qu’il ait été
baptisé à Caracas et ait fait sa première
communion à Saint-Augustin. Réfugié en
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zone Sud, puis à Monte-Carlo, il regagne
Paris en février 1945. Élu à l’Académie
des beaux-arts, puis nommé directeur de
l’Opéra, il succombe à une tumeur du cerveau le 28 janvier 1947.
Reynaldo Hahn est avant tout un mélodiste, qui tient la voix humaine pour le
plus parfait des instruments. Au plus haut
point respectueux des textes qu’il habille
discrètement de musique, pour les mettre
en valeur sans en rien cacher, il place son
idéal artistique dans l’union intime de la
poésie et de l’art des sons. Aussi donnet-il le meilleur de lui-même dans quelque
125 mélodies (Chansons grises, Études
latines, les Feuilles mortes, Chansons vénitiennes, etc.), dans des comédies musicales
comme Mozart (1925) et Brummel (1931),
des opérettes comme Ciboulette (1923),
la plus populaire de ses oeuvres, et Malvina (1935), des opéras comme Nausicaa
(1919) et le Marchand de Venise (1935).
Mais on lui doit aussi de nombreuses mu-
siques de scène (le Bal de Béatrice d’Este,
1909 ; le Dieu bleu, 1912), des concertos,
des pièces instrumentales et de la musique
de chambre. Très cultivé, raffiné jusqu’au
purisme, admirateur déclaré de Gounod,
de Saint-Saëns et de Massenet, il n’en
appréciait pas moins Wagner. Fervent
mozartien, il a consacré au maître de Salzbourg l’essentiel de son activité de chef
d’orchestre. Et plusieurs journaux importants, dont la Presse, Foemina, le Journal,
l’Excelsior et le Figaro, ont bénéficié de son
talent de critique.
HAITINK (Bernard), chef d’orchestre
néerlandais (Amsterdam 1929).
Après des études de violon et de direction
d’orchestre au conservatoire de sa ville natale, il débute en 1955 à l’Orchestre philharmonique de la radio néerlandaise, dont
il devient chef principal deux ans plus
tard. Codirecteur avec Eugen Jochum du
Concertgebouw en 1961, deux ans après
la mort d’Eduard van Beinum, directeur
unique de cette illustre formation à partir de 1964, directeur musical du London
Philharmonic Orchestra de 1967 à 1979,
Bernard Haitink participe, dès 1972, au
festival de Glyndebourne, dont il a assumé
la responsabilité après le départ de John
Pritchard en 1977. En 1986, il a quitté la
direction de l’orchestre du Concertgebouw, où lui a succédé en 1988 Riccardo
Chailly, et est devenu en 1987 directeur
musical de Covent Garden à Londres.
HALBREICH (Harry), musicologue belge
(Berlin 1931).
Il a fait ses études à Genève avec Joseph
Lauber et au conservatoire (1949-1952),
puis à l’École normale de musique de Paris
avec Arthur Honegger et Tony Aubin
(1952-1955), et, enfin, au Conservatoire
de Paris avec Norbert Dufourcq et Olivier Messiaen (1955-1958). Il est l’auteur
de nombreux articles, en particulier dans
la revue Harmonie (depuis son premier
numéro en 1964), et a écrit, jusqu’à présent, cinq ouvrages principaux : Bohuslav
Martinºu (Zurich, 1968), Edgard Varèse
(Paris, 1970, étude de l’oeuvre en complément des entretiens du compositeur
avec Georges Charbonnier), Olivier Messiaen (Paris, 1980), Claude Debussy (Paris,
1980, analyse de l’oeuvre en complément
de la traduction française de la biographie d’Edward Lockspeiser) et Arthur
Honegger (1992). Harry Halbreich a également dressé un catalogue de l’oeuvre de
Bohuslav Martinºu. Professeur d’analyse
au conservatoire royal de Mons de 1971
à 1996, il a été directeur artistique du festival de Royan de 1973 à 1977, et a joué,
à ce titre, sur le plan français et international, un rôle important dans la découverte d’une nouvelle génération de compositeurs (nés pour la plupart à partir de
1943).
HALÉVY (Elias Levy, dit JACQUES FROMENTAL), compositeur français (Paris 1799 Nice 1862).
Élève de Berton et de Cherubini, grand
prix de Rome, il compléta sa formation dans cette dernière ville, ainsi qu’à
Vienne, tout en ayant débuté dès 1820
comme auteur d’opéras-comiques, de ballets, puis d’opéras. La Juive, qui fut créée
à l’Opéra de Paris en 1835 par Cornélie
Falcon, Levasseur et A. Nourrit - qui écrivit le texte de l’air fameux Rachel, quand
du Seigneur -, consacra une célébrité que
devait lui ravir l’année suivante Meyerbeer avec les Huguenots. Il ne devait jamais
retrouver un succès comparable à celui de
la Juive, opéra remarquablement équilibré, orchestré, d’une harmonie soignée,
et finement écrit pour le chant ; ses meilleures réussites furent, néanmoins, par la
suite, l’Éclair (opéra-comique, 1835), puis
Guido et Ginevra (1838), la Reine de Chypre
(1841), Charles VI (1843), les Mousquetaires de la reine (1846) et le Val d’Andorre
(1848). On doit également à Halévy, outre
des hymnes religieux hébreux ou latins,
de nombreux essais historiques ou musicologiques sur le Miserere d’Allegri, sur
Lully, Gluck, Mozart, Berton, Cherubini,
etc. Remarquable pédagogue, il enseigna
l’harmonie dès 1827 au Conservatoire de
Paris, puis le contrepoint et la composition, formant, entre autres, Gounod, Lecocq, Massé et Bizet ; ce dernier épousa
sa fille Geneviève (1850-1926), mariée en
secondes noces à Émile Strauss.
Son neveu Ludovic (Paris 1834-id.
1908) fut secrétaire particulier du duc de
Morny, devint un librettiste célèbre, et,
en collaboration avec H. Crémieux et surtout avec H. Meilhac, écrivit à l’intention
de Delibes, Lecocq, Gastinel, Bizet (Carmen) et d’Offenbach, dont il fut le principal pourvoyeur. Johann Strauss écrivit la
Chauve-Souris d’après sa pièce le Réveillon,
et Honegger lui devait encore en 1926
l’inspiration des Petites Cardinal.
HALFFTER, famille de musiciens espagnols.
Rodolfo, compositeur (Madrid 1900 Mexico 1987). Largement autodidacte, il
reçut cependant des conseils de De Falla,
et fut membre du groupe des Huit, constitué à Madrid en 1930. Après un séjour à
Paris, il émigra en 1939 au Mexique, dont
il devint citoyen, et où il joua un rôle
actif comme compositeur, professeur et
éditeur. Il usa de techniques sérielles à
partir de 1953, mais son oeuvre n’en reste
pas moins dans la tradition de De Falla.
Citons les ballets Don Lindo de Almería
(1935) et La Madrugada del panadero
(1940), un Concerto pour violon (1940),
Tripartita (1959) et Differencias (1970)
pour orchestre, Homenaje a Antonio Machado pour piano (1944).
Ernesto, compositeur et chef d’orchestre,
frère du précédent (Madrid 1905 - id. 1989).
Il devint l’élève de De Falla, dont les dernières oeuvres influencèrent sa production
de jeunesse, en particulier sa Sinfonietta
(1925). Il fut influencé également par Stravinski, Ravel et le groupe des Six (Rapsodía portuguesa pour piano et orchestre,
1940). À la demande des héritiers de De
Falla, il travailla de 1954 à 1960 à l’achèvement d’Atlantida (« l’Atlantide »), cantate
scénique que ce dernier n’avait pu, et de
loin, terminer, et dont la création eut lieu,
après de nouvelles révisions, en 1976. Ce
travail fut, en quelque sorte, le point de
départ d’oeuvres telles que le Canticum in
memoriam P. P. Johannem XXIII (1964) ou
Gozos de nuestra Señora (1970).
Cristobal, compositeur et chef d’orchestre, neveu des deux précédents
(Madrid 1930). Il a étudié avec Conrado
del Campo au conservatoire de Madrid
(1947-1951), puis en privé avec Alexandre
Tansman. Il a ensuite travaillé à la radio
espagnole et suivi des cours de direction
d’orchestre. Scherzo pour orchestre lui
valut, en 1951, un prix de composition ;
son Concerto pour piano, en 1953, le prix
national de la musique. En 1959, la Sonate
pour violon solo, oeuvre clé pour son évolution, marqua ses débuts de compositeur
sériel. Il obtint en 1962 la chaire de composition et de formes musicales au conservatoire de Madrid, établissement qu’il
devait diriger de 1964 à 1966. À partir du
milieu des années 60, grâce notamment à
des oeuvres comme Lineas y puntos pour
20 instruments à vent et dispositif électroacoustique (1966-67) ou Anillos pour
orchestre (1967-68), il fut reconnu comme
un des principaux représentants de
l’avant-garde internationale, et, en 1968, il
écrivit pour l’O. N. U. la cantate Yes, speak
out, yes sur un texte de Norman Corwin.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
445
Lui-même se définit comme ayant un sens
mystique très fort : Noche pasiva del sentido pour soprano, 2 percussionnistes et 4
magnétophones (1969-70) tire son inspiration de saint Jean de la Croix.
Ancré dans la tradition polyphonique
espagnole, préoccupé par les problèmes
fondamentaux de l’existence, en particulier par celui de la mort, il n’a pas craint
de les évoquer dans Planto por las víctimas
de la violencia pour ensemble de chambre
et dispositif électroacoustique (1970-71),
dans Requiem por la Libertad imaginada
pour grand orchestre (1971), dans Gaudium et spes pour choeur et bande magnétique (1973-74), dans Elegías a la Muerte
de tres poetas españoles (1974-75), dans
son Officium defunctorum pour choeur et
orchestre (1977, créé aux Invalides à Paris,
1979).
On lui doit encore trois quatuors à
cordes, datés respectivement de 1955,
1970 (Cuarteto II, Memoria 1970) et 1977,
Pinturas negras pour orchestre et orgue
concertant (1972), Noche activa del espíritu
pour 2 pianos et dispositif électroacoustique (1972-73), un concerto pour violoncelle (1974) et un pour violon (1980),
Mizar I pour 2 flûtes et orchestre (1977)
et II pour 2 flûtes et dispositif électroacoustique (1980), Tiento pour orchestre
(1980), Fantasia pour cordes (1981), Ricercare para organo pour orgue (1981), Fantasia über einen Klang von Händel (1982),
Fantasia ricercata pour orgue et orchestre
(Vienne, 1983), Versus pour orchestre
(1983), Parafrasis pour orchestre (1984),
un 2e concerto pour violoncelle (1985), un
double concerto pour violon et alto (créé
en 1986), Corales Liturgicos pour choeur et
orchestre (1990).
HALLÉ (sir Charles, KARL HALLE), pianiste et
chef d’orchestre anglais d’origine allemande (Hagen, Westphalie, 1819 - Manchester 1895).
Après des études musicales avec son père,
avec Rinck à Darmstadt et Cherubini à
Paris, où il devient l’ami de Chopin, de
Berlioz et de Liszt, il s’établit ensuite en
Angleterre. En 1857, il crée à Manchester un orchestre qui devient célèbre et qui
porte toujours son nom. En 1861, il donne
l’intégrale des sonates pour piano de
Beethoven. Puis il accompagne sa femme,
la violoniste Wilma Norman Neruda, lors
de tournées en Australie (1890-91). À partir de 1893, il dirige le Royal Manchester
College of Music. Il a composé quelques
oeuvres pour piano et édité des recueils
pédagogiques.
HALLING.
Danse populaire norvégienne, réservée
aux hommes.
Elle est généralement notée à 2/4 avec
un mouvement rapide, voire viril ; elle est
accompagnée traditionnellement par la
hardingfele, sorte de viole d’amour pourvue de cordes sympathiques. K. Maliser, chanteur de la première moitié du
XIXe siècle, en a composé de célèbres. Des
compositeurs comme E. Grieg, voulant
s’inspirer du folklore national, l’ont également employée dans leurs oeuvres (par
exemple, Pièces lyriques pour piano).
HALVORSEN (Johan), compositeur norvégien (Drammen 1864 - Oslo 1935).
De nombreuses caractéristiques communes lient sa carrière et son esthétique
à celles de son aîné Johan Svendsen. Halvorsen a été une des plus importantes personnalités du monde musical norvégien
du début du XXe siècle. Sa carrière internationale de chef d’orchestre a fait de lui
un musicien éclectique ouvert à toutes
les tendances musicales contemporaines ;
comme compositeur, il est nationaliste,
et son esthétique est le prolongement de
l’oeuvre de E. Grieg (comme lui, il se passionne pour les instruments populaires et,
notamment, pour le violon de Hardanger)
et de J. Svendsen. En 1901, il note les airs
(slåtter) que lui joue le célèbre violoniste
populaire Knut Dale, et que Grieg utilise
dans son opus 72 pour piano. Si Halvorsen
nous lègue de nombreuses oeuvres instrumentales, notamment pour le violon, c’est
peut-être dans le domaine orchestral qu’il
est le plus personnel. Son orchestration
est très remarquable par sa simplicité et
son refus de l’effet brillant. Parmi ses partitions les plus intéressantes, il faut noter
les suites Fossegrimen op. 21 (1905), Mascarade (1922), Comme il vous plaira (1912)
et Kongen op. 19, 3 Symphonies, 3 Rhapsodies norvégiennes, 1 Suite ancienne op. 31
(1911) et sa très célèbre Marche des Boyars
(1895).
HAMAL (Jean-Noël), compositeur belge
(Liège 1709 - id. 1778).
Formé à Liège, puis à Rome, il subit profondément l’influence italienne dans le
domaine instrumental (15 symphonies
et 11 ouvertures) et dans la musique religieuse (56 messes, 179 motets, 3 Te Deum,
32 cantates et 5 oratorios). Mais il sut en
profiter pour créer l’opéra-comique wallon en s’éloignant des sujets conventionnels et mettre en scène des types locaux
s’exprimant en langage dialectal. Ses 5
opéras bouffes (le Liégeois engagé, 1757 ;
le Voyage à Chaudfontaine, 1757, etc.) ont
beaucoup de grâce et de vivacité, non sans
une certaine truculence.
HAMBRAEUS (Bengt), compositeur suédois (Stockholm 1928).
Après des études de musicologie et
d’orgue, il rallie l’avant-garde musicale
de Darmstadt et, dans les années 50, travaille dans les studios de musique électronique de Cologne, Milan et Munich.
Depuis 1972, il est professeur à l’université McGill à Montréal, au Canada. Défenseur énergique des modes d’expression
contemporains, il mêle fréquemment dans
ses propres compositions les moyens instrumentaux traditionnels et les moyens
électroniques. Son style est un éclectique
hommage au passé musical moyenâgeux et
à des personnalités contemporaines telles
E. Varèse, J. Cage ou O. Messiaen. Parmi
ses oeuvres les plus représentatives, il faut
citer Constellations I pour sons d’orgue
(1958) et Interférences pour orgue (1962),
les oeuvres orchestrales et électroniques :
Transfiguration (1963), où transparaît
un hommage à la jeune école polonaise
et à Y. Xenakis, Rota I (1956-1962) pour
3 orchestres, et II (1963) avec bande magnétique, Tetragon (1965), peut-être son
oeuvre la plus riche et fascinante, Fresque
sonore (1967) pour orchestre en multiple
réenregistrement, Rencontres (1968-1971),
oeuvre collage réunissant Reger, Wagner,
Scriabine et ses propres oeuvres, Invocation (1971), Pianissimo (1972), Continuo
(1975), Ricordanza (1976). Notons également Transit II (1963) pour quatuor instrumental, exploration des timbres et des
effets d’écho, des opéras expérimentaux,
de la musique de ballet et des oeuvres chorales et vocales, Symphonia sacra (1986).
HAMEL (Peter Michael), compositeur
allemand (Munich 1947).
Il fut à Munich l’élève de Günter Bialas
(1968) et se forma aussi dans cette ville au
contact du Studio für Neue Musik de Fritz
Büchtger. À partir de 1969, il travailla avec
Josef Anton Riedl tout en découvrant John
Cage, Mauricio Kagel, Dieter Schnebel et
Luc Ferrari et en se préoccupant de musique concrète et de livre électronique. En
1970, Hamel suivit à Berlin des cours de
Carl Dalhaus. Il participa à Munich à la
fondation du groupe Between, orienté à la
fois vers le travail sur bande et vers l’improvisation, et s’intéressa de plus en plus
au free jazz et aux traditions ethniques
(Indes, Tibet), ce qui lui fit entreprendre
cinq voyages en Asie, et qui se traduisit notamment dans Maitreya (1974)
et Diaphainon (1974) pour orchestre,
oeuvres poursuivant une certaine « ethnologisation « de la tradition occidentale. Il
ne se réclama d’aucune tendance spéciale,
ni de la « musique minimale « ni de la «
nouvelle simplicité «, et, avec des ouvrages
come Dharana pour solo, ou bande, ou
orchestre (1972), Samma Samadhi pour
orchestre (1972-73), Integrale Musik avec
choeur (1975-76), le concerto pour hautbois Ananda (1973) ou Albatros pour orchestre (1977), il poursuivit une synthèse
personnelle du déterminé et de l’improvisé. On lui doit aussi Mandala pour piano
préparé (1972), Continuous Creation pour
piano (1975-76), Klangspirale pour 13
instruments ou 3 groupes d’orchestre,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
446
partition entièrement déterminée (1977),
des oeuvres électroniques comme Aura
ou Nada ou improvisées avec le groupe
Between, l’opéra Ein Menschentraum
(Cassel, 1981), et le livre Durch Musik zum
Selbst (1977).
HAMILTON (Iain), compositeur écossais
(Glasgow 1922).
Il abandonna en 1947 le métier d’ingénieur
pour se consacrer à la musique, étudiant le
piano et la composition à la Royal Academy of Music et à l’université de Londres.
Il enseigna à Morley College (1952-1959)
et à l’université de Londres, et, en 1961,
alla occuper un poste aux États-Unis à la
Duke University de Durham (Caroline
du Nord). Il y fut nommé professeur en
1966. Parti d’un style néo-romantique, il a
adopté des techniques sérielles pour revenir ensuite vers une tonalité élargie tout
en s’inspirant volontiers de phénomènes
extramusicaux. Il a écrit notamment
trois symphonies (1948, 1958, 1982), des
concertos, des oeuvres de chambre, dont
deux quatuors à cordes (1948, 1965), et
les opéras Agamemnon (1967-1969), The
Royal Hunt of the Sun (1967-1969), The
Catiline Conspiracy (1972-73, créé à Glasgow, 1974), Tamburlaine (1976), Anna
Karenina (créé en 1981), Raleigh’s Dream
(1984), Lancelot (1985).
HAMMERLING (Carlo), compositeur
et organiste suisse (Vevey 1903 - Cully
1976).
Élève de Paul Dukas, Carlo Hammerling
s’est avant tout consacré à la musique
chorale, tant comme fondateur du choeur
universitaire de Lausanne et de différentes
unions chorales helvétiques que comme
compositeur (cantates, oratorios, pièces
diverses). Il a cependant écrit, dans le
même esprit néoclassique, plusieurs pages
symphoniques, un concerto pour violon,
deux quatuors et des partitions dramatiques telles que la Fille de Jephté, Il ne faut
jurer de rien, Michel et Nérine, Polyphème,
la Cité nouvelle. Il est devenu en 1957 directeur du conservatoire de Lausanne.
HAMMERSCHMIDT (Andreas), compositeur allemand (Brüx, Bohême, 1611 ou
1612 - Zittau 1675).
Organiste également, il fut après Schütz,
dont il était l’ami, le premier compositeur de musique religieuse luthérienne
en Allemagne au milieu du XVIIe siècle,
et contribua grandement à introduire en
pays germaniques les nouveautés (style
concertant, style dramatique), alors originaires d’Italie. On lui doit plus de 400
oeuvres vocales sacrées, publiées de son
vivant en quatorze collections et comprenant des motets, des concerts, des airs.
Ses motets constituent la partie de sa
production la plus ancrée dans la tradition, mais on trouve dans certains de nets
madrigalismes. Ses concerts (Konzerte)
relèvent au contraire du style moderne
du temps, tandis que ses airs annoncent la
future cantate. Remarquables sont notamment les cinq parties de ses Musicalische
Andachten : Concerts spirituels avec basse
continue (1639), Madrigaux spirituels avec
basse continue (1641), Symphonies spirituelles avec basse continue (1642), Motets
et concerts spirituels avec basse continue
(1646), Chormusik (1652-53).
HAMPSON (Thomas), baryton américain
(Elkhart 1955).
Il étudie le chant avec Marietta Coyle,
ancienne élève de Lotte Lehman et de
Panzera. Elle lui enseigne un répertoire
de lieder qui marquera son art. Après une
formation à l’Université de Californie et
dans diverses master-classes, avec Elisabeth Schwarzkopf notamment, il s’installe
en Europe en 1981. Engagé à l’Oper am
Rhein de Düsseldorf, il s’y forge durant
trois saisons un vaste répertoire lyrique.
En 1984, Harnoncourt l’engage pour le
cycle Mozart de l’Opéra de Zurich, où il
chante Guglielmo, le Comte et, surtout,
en 1987, le rôle-titre de Don Giovanni.
Sa carrière internationale est fulgurante :
il débute en 1985 à Aix-en-Provence,
en 1986 au Metropolitan de New York,
dont il accompagne la tournée au Japon
en 1988, année de sa Bohème à Salzbourg.
Il voue une reconnaissance particulière à
certains chefs comme Leonard Bernstein,
James Levine et Seiji Ozawa. Élu par la critique internationale « Chanteur de l’année
1994 », il s’impose en effet comme l’un des
plus grands barytons du monde, tant par
son aisance technique que par ses qualités dramatiques. S’il chante Monteverdi
et Puccini aussi bien que Britten et Henze,
il a conquis le public en 1995 et 1996 avec
son interprétation des lieder de Mahler.
HANDSCHIN (Jacques), musicologue
suisse (Moscou 1886 - Bâle 1955).
Il étudia l’histoire et les mathématiques
à Bâle avant d’entreprendre des études
musicales avec M. Reger, K. Straube et Ch.
Widor. Organiste toute sa vie, il enseigna
notamment au conservatoire de Saint-Pétersbourg (1909-1920), mais c’est à l’université de Bâle qu’il acheva ses études musicologiques et soutint en 1921 sa thèse,
sous la direction de K. Nef : Choralbearbeitungen und Kompositionen mit rhytmischen Text in der mehrstimmigen Musik des
XIII Jahrhunderts (Bâle, 1925). Il succéda,
en 1935, à son maître à la chaire de musicologie de l’université de Bâle.
Les ouvrages et les nombreuses publications de Handschin dans des revues spécialisées font place à l’exposé de principes
esthétiques ; connaisseur réputé de la
musique médiévale, il a également consacré ses recherches à la musique d’orgue
et à l’acoustique. Outre des ouvrages sur
Moussorgski (1924), Saint-Saëns (1930),
Stravinski (1933), il a publié : Der Toncharakter, eine Einführung in der Tonpsychologie (Zurich, 1948) ; Musikgeschichte im
Überblick (Lucerne, 1948).
HANFF (Johann Nikolaus), organiste et
compositeur allemand (Wechmar, Thuringe, 1665 - Schleswig 1711 ou 1712).
Il exerça d’abord à Hambourg, où il enseignait la composition et le clavecin (il eut
Mattheson parmi ses élèves), puis à Eutin,
comme organiste de la cour, et, enfin, à
Schleswig, où il mourut peu de temps
après avoir été nommé organiste de la
cathédrale. La plupart de ses oeuvres sont
perdues. Il ne subsiste que deux cantates,
deux petits concerts spirituels et six pièces
pour orgue, qui sont des chorals ornés en
style imitatif, annonçant directement les
chorals de l’Orgelbüchlein de Bach.
HANSEN.
Maison d’édition danoise, fondée à Copenhague en 1853 par Jens Wilhelm Hansen.
Celui-ci s’associa en 1874 avec ses fils
Jonas Wilhelm (1850-1919) et Alfred Wilhelm (1854-1923), absorba en 1879 les
maisons Lose et Horneman, et fonda en
1887 à Leipzig une filiale qui devait subsister jusqu’en 1945. La maison fut ensuite
dirigée par les fils d’Alfred Wilhelm, Asger
Wilhelm (1889) et Svend Wilhelm (18901960), puis par les filles de ce dernier,
Hanne (1927) et Lone (1930). Une filiale
existe à Francfort depuis 1951, et, en 1957,
la firme a pris une participation majoritaire chez Chester (Londres). Le Wilhelm
Hansen Musik-Forlag a publié beaucoup
de musique scandinave, dont les trois dernières symphonies et la musique de scène
pour la Tempête de Sibelius, mais aussi
des oeuvres de Stravinski et de Schönberg
(Quintette à vents op. 26).
HANSLICK (Eduard), esthéticien et critique musical autrichien (Prague 1825 Baden, près de Vienne, 1904).
Son premier ouvrage, définissant une
esthétique musicale nouvelle, le rendit célèbre et le fit longtemps considérer comme
un fondateur de l’esthétique moderne. Il
étudia la musique avec Tomàček à Prague,
mais aussi le droit à Prague et à Vienne.
Docteur en droit en 1849, il fut un critique
musical redouté dès 1846, à la Wiener
Musikzeitung. Il a écrit pour d’autres journaux tandis qu’il enseigna l’esthétique et
l’histoire de la musique à l’université de
Vienne de 1856 à 1895.
La théorie qu’il exposait dans Vom
Musikalisch-Schönen (Leipzig, 1854 ; 16e
éd. 1966 - trad. fr. sous le titre Du beau
dans la musique, par Ch. Bannelier, Paris,
1877 ; 2e éd. 1893) suscita de nombreuses
polémiques. Elle s’opposait en effet au
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
447
sentimentalisme romantique pour lequel
l’oeuvre musicale était avant tout la représentation des sentiments. Selon Hanslick,
au contraire, le « beau musical » résidait
dans l’oeuvre même, d’une façon immanente et spécifique. Contre la musique à
programme, il déclarait que la musique
ne pouvait exprimer autre chose qu’ellemême ; on ne pouvait donc l’expliquer
qu’en analysant le seul phénomène musical. La singularité de la musique par rapport aux autres arts et aux autres disciplines imposait qu’on l’étudiât au moyen
d’une esthétique spécifique et autonome :
la musique définissait et limitait ellemême la science qui l’analysait.
Le formalisme de Hanslick, qui se retrouvait dans une certaine mesure chez
Schopenhauer, l’amena à mettre en avant
la notion de thème, celui-ci étant envisagé
comme la « substance » de l’oeuvre et l’élément générateur de la forme ; il condamnait ainsi la stérilité des oeuvres de son
époque et notamment celle de la « mélodie infinie » de Wagner, dont il affirmait
qu’elle était « l’absence de forme érigée en
principe ». À partir de là, Hanslick, brocardé par Wagner sous les traits de Beckmesser dans les Maîtres chanteurs, se fit le
défenseur de Brahms et de Verdi.
HANSON (Howard), compositeur et pédagogue américain d’origine suédoise
(Wahoo, Nebraska, 1896 - Rochester,
New York, 1981).
Il commença ses études musicales à
Wahoo, puis se rendit à New York, où
Percy Goetschius, professeur à l’Institute
of Musical Art, le forma à la composition.
Il fut ensuite élève de Arne Oloberg à la
Northwestern University, obtint le prix
de Rome américain en 1921 et passa trois
ans à l’Académie américaine de Rome.
En 1924, à l’âge de vingt-huit ans, il fut
nommé directeur de l’Eastman School of
Music de Rochester (New York), poste
qu’il conserva jusqu’en 1964. Il inaugura
en 1925, à Rochester, des festivals musicaux qui lui donnèrent l’occasion de diriger un grand nombre d’oeuvres nouvelles
de tous styles. Pour cette raison et parce
qu’il a été professeur de deux générations successives de compositeurs américains, Hanson a exercé une influence très
importante sur la musique américaine.
L’origine scandinave de Hanson est sensible dans son oeuvre, et il a souvent été
comparé à Sibelius. Comme ce dernier, il
s’est inspiré du folklore, sans pour autant
le citer explicitement. Bien que se tenant
au courant des techniques de composition
contemporaines, il resta attaché à la tonalité. Il fut avant tout symphoniste, auteur
de 7 symphonies, de poèmes symphoniques (Lux aeterna, Pan and the Priest),
de concertos pour orgue et pour piano,
mais aussi de nombreuses oeuvres vocales
(choeurs, mélodies) et de l’opéra Merry
Mount, représenté au Metropolitan Opera
en 1933. On lui doit aussi des ouvrages
écrits : Music in Contemporary American
Civilisation (1951) ; Harmonic Materials of
Modern Music : Resources of the tempered
Scale (1960).
HANSSENS, famille de compositeurs
belges.
Charles Louis, dit l’Ancien (Gand 1777 Bruxelles 1852). Il fit ses études à Gand et
à Paris, occupa divers postes de chef d’orchestre à Gand, Amsterdam, Rotterdam et
Utrecht, puis à Bruxelles. Les événements
de 1830-1831 lui firent perdre ses postes
de chef d’orchestre du théâtre de la Monnaie et de directeur du conservatoire de
cette ville, mais il retrouva le premier en
1835-1838, puis en 1840. Comme compositeur, on lui doit des opéras et de la
musique religieuse.
Charles Louis, dit le Jeune (Gand 1802 Bruxelles 1871), fils du précédent. Autodidacte, il occupa des postes en Belgique,
en Hollande et en France, et fut de 1848
à 1869 chef d’orchestre du théâtre de la
Monnaie à Bruxelles, qu’il dirigea de 1851
à 1854. Il a écrit de la musique symphonique (dont 9 symphonies), des opéras,
des oeuvres religieuses.
HANUŠ (Jan), compositeur tchèque
(Prague 1915).
Il apprend le piano dans sa jeunesse et entre
au conservatoire de Prague dans la classe
de O. Jeremiáš (1932-1940). Il suit également les cours de direction d’orchestre de
P. Dědeček. Il est, ensuite, rédacteur aux
Éditions nationales, fait connaître l’oeuvre
de piano de Fibich, Foerster et Ostrčil, et
éditer l’oeuvre de Dvořák et Fibich (19551959). Sur le plan de la composition, il est
l’héritier de la tradition de Smetana dans
ses oeuvres pour la scène, de Dvořák dans
ses symphonies et sa musique de chambre.
Son réel tempérament dramatique, porté
par un langage postromantique, fréquemment polytonal, s’impose avec la même
force aussi bien dans ses 5 Symphonies
(1942-1965) que dans ses six oeuvres pour
la scène - des Flammes op. 14 (1942-1944)
à l’Histoire d’une nuit, résurgence dramatique des Mille et Une Nuits (1968).
HARANT (Krystof, baron de POLZICE et BEZDRUZICE), compositeur tchèque (Château
de Klenov 1564 - Prague 1621).
Après des études à la cour de l’archiduc
Ferdinand à Innsbruck, il se battit contre
les Turcs (1597) et fit un pèlerinage en
Terre sainte. Conseiller de Rodolphe II
(1600), il prit parti pour la Réforme, dont
il commandait les armées à la bataille de la
Montagne Blanche (1620), et fut exécuté
avec vingt autres rebelles sur la place de
la vieille ville de Prague. Humaniste de la
Renaissance, à la fois voyageur, homme
de lettres, ingénieur, chef d’armée, chanteur et chef de choeur, Krystof Harant fut,
comme compositeur, influencé par l’école
vénitienne et par le style madrigalesque
de Luca Marenzio (Missa super dolorosi
martyr, motet Maria Kron, motet Qui
confidunt). Une grande partie de sa production s’est perdue.
HARDINGFELE.
Dit aussi hardangerfele ou hardangerfiol,
c’est-à-dire violon de Hardanger (ville de
la côte ouest de la Norvège), c’est le plus
connu des instruments populaires de Norvège. Assez proche du violon traditionnel,
il est accordé une tierce mineure plus bas
et dispose de 4 ou 5 cordes supplémentaires de résonance. Il trouve son origine
au XVIIe siècle, naissant probablement du
violon européen, de la viole d’amour et
d’instruments à cordes norvégiens plus
anciens. De cette époque, le premier témoignage de hardingfele qui nous reste
est le Jaastadfelan, signé par Ole Jonsen
Jaastad en 1651.
Le répertoire et la technique particulière du hardingfele ont inspiré de nombreux compositeurs norvégiens et, si E.
Grieg lui a donné ses lettres de noblesse,
certains compositeurs, tel J. Halvorsen
dans Fossegrimen, n’ont pas craint de le
joindre à l’orchestre traditionnel.
HARMONÉON.
Nom donné à l’accordéon de concert
conçu par Pierre Monichon en 1948. L’instrument comporte deux claviers identiques. Il peut aborder toutes les difficultés d’écriture, et se marie bien, soit avec
d’autres instruments solistes, soit avec un
orchestre symphonique. L’harmonéon est
enseigné au Conservatoire de Paris depuis
1959 (Alain Abbott). M. Landowski, J. M.
Damase, H. Sauguet, T. Aubin, J. Casterède, ont écrit pour cet instrument.
HARMONICA.
Nom donné dans le passé à un grand
nombre d’instruments très différents
les uns des autres, y compris un Glasharmonika formé d’un jeu de verres
à pied convenablement accordés, dont
l’exécutant tirait des sons très flûtés,
de caractère immatériel, en effleurant
leurs bords de ses doigts mouillés. Il y
eut même un harmonica de Franklin, où
les verres, aplatis en forme d’assiettes,
étaient montés sur un axe horizontal mis
en mouvement par une pédale. Dans les
premières années du XIXe siècle, apparurent un Physharmonika, dû au célèbre
facteur viennois Aanton Haeckel (1818),
puis un Aeol-Harmonika (1818), qui
partageaient avec bien d’autres instruments voisins (orchestrion, melodion,
uranion, aéoline, éoline, symphonium,
etc.) deux caractéristiques essentielles :
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
448
c’étaient des instruments à anches libres
et à clavier. Le facteur allemand Christian Messner présentait en 1823 une
mundeoline, c’est-à-dire une éoline à
bouche, dans laquelle l’exécutant soufflait directement, se passant de soufflets
et de clavier. Enfin, un autre facteur allemand, Christian Buschmann, inventait,
en 1828, le Mundharmonika (« harmonica à bouche »), que Matthias Hohner
devait perfectionner dans ses ateliers de
Trossingen. C’est l’instrument qui est
aujourd’hui désigné en France sous le
seul nom d’harmonica. Comme les premiers accordéons, qui furent créés à la
même époque, il est diatonique et donne
des notes différentes selon qu’on souffle
ou qu’on aspire. Mais, dans les modèles
chromatiques, une glissière métallique
munie d’un poussoir et d’un ressort
de rappel peut fermer instantanément
tous les trous correspondant aux anches
diatoniques et en ouvrir d’autres qui
fournissent les demi-tons. Il existe évidemment des harmonicas de différents
formats, dont l’étendue peut atteindre
plusieurs octaves.
HARMONICA DE VERRE.
Instrument ancien fondé sur l’expérience
de physique amusante qui consiste à
produire un son en promenant un doigt
mouillé sur les bords d’un verre à boire.
L’harmonica de verre était formé d’une
série de verres de cristal convenablement
calibrés pour reconstituer la gamme chromatique et qu’on pouvait accorder de
façon précise en les remplissant plus ou
moins d’eau. Gluck lui-même, séduit par
la sonorité immatérielle de ce Glasharmonika, en a joué en public. Dans la seconde
moitié du XVIIIe siècle, le physicien américain Benjamin Franklin (1706-1790), qui
devait également inventer le paratonnerre
et jouer un rôle politique de premier plan,
imagina de remplacer les verres par des
coupes sans pied, enfilées sur un axe horizontal qu’un mécanisme à pédale mettait
en mouvement. Les corps sonores se présentaient ainsi comme autant de touches
d’un clavier, et il suffisait de les effleurer
pour les faire vibrer. C’est pour l’harmonica de Franklin, dont l’étendue atteignait
trois octaves et une sixte, que Mozart a
composé en 1791 un quintette pour harmonica, flûte, alto, hautbois et violoncelle
(K. 617). Dans l’orchestre moderne, le
célesta remplace l’harmonica de verre de
façon beaucoup plus commode, mais sans
égaler tout à fait sa pureté de son.
HARMONIE.
Terme employé en musique tantôt dans
son sens général, tantôt dans un sens
technique qui a varié au cours des siècles.
1. Au sens général, dérivé du grec harmottein (« assembler »), l’harmonie est,
selon l’Arithmétique de Nicomaque,
la qualité à la fois esthétique, morale
et même physique résultant dans un
ensemble d’un juste équilibre dans le
choix, la proportion et la disposition de
ses composants, et cette définition s’applique à la musique aussi bien qu’aux
autres arts et aux sciences, où elle donne
lieu à divers dérivés (harmonieux, harmonique, etc.).
2. Dans la musique grecque antique, le
mot harmonia (« harmonie ») applique
de manière précise la définition cidessus à la hauteur des sons musicaux
et à la manière de les organiser. L’harmonie est donc, en ce qui concerne la
hauteur, la science du rapport entre les
sons, incluant l’étude des intervalles, de
leurs groupements en éléments premiers
(tétracordes, etc.), puis de l’agencement
structuré de ceux-ci entre eux (gammes,
systèmes, etc.). L’harmonie formait le
premier stade des études musicales et se
complétait par la rythmique, l’organique
(science des instruments), la métrique,
la poétique et l’hypocritique (c’est-à-dire
la science de l’acteur et du déclamateur).
On appelait harmoniciens (harmonikoï)
les spécialistes des mesures d’intervalles
au monocorde, généralement pythagoriciens.
3. En intitulant, en 1722, Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels
l’ouvrage majeur d’où découle la théorie moderne, Rameau entend encore le
terme « harmonie » au sens no 2 et multiplie les calculs de monocorde. Mais,
plus que ses prédécesseurs, il étudie les
intervalles en fonction des accords et de
leurs enchaînements, dont il montre plus
tard (Génération harmonique, 1735) la
conformité avec la « résonance des corps
sonores ». D’où sa formule novatrice :
« La mélodie provient de l’harmonie et
non pas l’inverse », à partir de laquelle le
mot « harmonie » prendra désormais le
sens qui est resté le sien.
4. Depuis le XVIIIe siècle, le mot « harmonie » désigne particulièrement la
science des accords entendus verticalement, c’est-à-dire dans leur sonorité globale, ainsi que de leurs enchaînements,
par opposition au contrepoint, qui envisage les rencontres de sons de manière
« horizontale », à savoir par rapport aux
lignes mélodiques superposées (punctum contra punctum), auxquelles appartient isolément chaque note de l’accord
envisagé. Harmonie et contrepoint sont
considérés comme les deux éléments
complémentaires des études d’écriture
musicale, et chacun d’eux donne lieu à
une pédagogie plus ou moins figée, dotée
de traités spéciaux et ouvrant sur des
classes spécialisées dans les conservatoires. La distinction toutefois demeure
quelque peu arbitraire, l’harmonie ne
pouvant se concevoir sans intervention
du contrepoint, ne serait-ce que pour
l’étude des enchaînements d’accords.
L’usage a donc établi une sorte de compromis, les traités d’harmonie faisant, en
fait, une part importante à la marche des
parties, et ceux de contrepoint se spécialisant dans un entraînement supplémentaire à diverses catégories cataloguées
(renversable, mélanges, fleuri, etc.) artificielles, mais jugées formatrices.
Sous son aspect traditionnel, qui
remonte dans ses grandes lignes à la
seconde moitié du XVIIIe siècle, l’étude
de l’harmonie se limite quelque peu
arbitrairement, en France du moins, à
un exercice consistant à compléter, « à
la muette », un ensemble à 4 voix (beaucoup de traités conservent encore les
clefs d’ut archaïques), dont l’une des
parties, chant ou basse (cette dernière
chiffrée ou non), est donnée à l’avance.
On la divise arbitrairement en harmonie dite consonante (accords de 3 sons)
et dissonante (autres accords), et elle
exige en moyenne de deux à quatre ans
d’études. Une clause de style, introduite
depuis peu, fait accoler à son nom l’épithète restrictive d’« harmonie tonale »,
mais il n’existe aucun traité d’harmonie
« atonale » répondant à d’autres critères
que ceux de conventions arbitraires établies par leurs auteurs. La rénovation
des études d’harmonie demeure actuellement l’une des tâches urgentes de la
pédagogie musicale.
5. Par dérivation généralisatrice, on
donne quelquefois le nom d’« harmonie » à la conception d’ensemble qui,
à une époque ou dans un style donnés,
conditionne la manière de s’exprimer en
musique, spécialement dans le choix des
accords et la manière de les enchaîner
(harmonie classique, romantique, moderne).
6. On emploie en orchestration le terme
d’« harmonie » pour désigner l’ensemble
des instruments à vent, divisés en petite
harmonie (bois, incluant les flûtes bien
qu’elles soient désormais en métal) et
grande ou grosse harmonie (cuivres). On
appelle orchestre d’harmonie, ou harmonie tout court, un orchestre formé des
vents (et éventuellement percussions),
à l’exclusion des cordes, dont cependant
on conserve quelquefois les contrebasses
et, exceptionnellement, les violoncelles.
HARMONIQUES.
Sons concomitants qui accompagnent
l’émission d’un son, dit son fondamental.
Ils forment une série d’harmoniques
supérieurs naturels dont les fréquences
sont des multiples entiers - 2n, 3n, etc. - de
la fréquence n du son fondamental.
Le 2e harmonique, ou son 2, sonne à
l’octave supérieure du son fondamental ;
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
449
le nombre de vibrations dans un temps
donné en est deux fois plus grand. Le 3e
harmonique, ou son 3, sonne à la douzième juste du son fondamental ; le
nombre de variations en est trois fois plus
grand ; etc. Les partiels d’une corde ne correspondent exactement aux harmoniques
du son fondamental que si la corde est très
tendue et d’une rigidité très faible, comme
dans le cas des cordes en boyau. D’après
la théorie de Helmholtz, le timbre des instruments et des voix résulte de la présence
des harmoniques et de la diversité de leur
intensité. Les harmoniques concomitants
ont été découverts par le père Marin Mersenne. Série des harmoniques naturels du
son ut1 (les notes entre parenthèses sont
très approximatives).
La fréquence d’un son étant inversement proportionnelle à sa longueur
d’onde, on peut former une autre série inverse de la précédente - basée sur les
longueurs d’onde : c’est la série des harmoniques inférieurs. Le son 2 est produit
par une corde ou par un tuyau deux fois
plus long que le son 1 ; le son 3 est produit par une corde ou par un tuyau trois
fois plus long, etc. Série des harmoniques
inférieurs :
Dans les instruments à cordes, comme
le violon, on peut produire des sons harmoniques en effleurant la corde en certains points. On distingue les sons harmoniques naturels et les sons harmoniques
artificiels. Pour les premiers, c’est la corde
à vide qui donne le son fondamental ; le
doigt effleure alors la corde à la moitié, au
tiers, au quart, etc., de sa longueur, afin de
produire les harmoniques 2, 3, 4, etc. Pour
les seconds, le son fondamental est produit par l’index, qui appuie sur la corde
tandis qu’un autre doigt effleure la corde,
à intervalle de quarte pour obtenir le son
4 (double octave du son fondamental) ou
à intervalle de quinte pour obtenir le son
5. On peut écrire le son effleuré en note
losangée :
ou écrire directement l’harmonique à sa
hauteur réelle, avec un o :
HARMONIUM.
Orgue à anches métalliques libres, sans
tuyaux et pourvu d’un clavier.
Héritier de la régale médiévale, un peu
plus récent que l’harmonica et l’accordéon, mais précédé de nombreux instruments similaires, il obéit exactement aux
mêmes principes, avec cette différence
qu’il n’est pas portatif. Sa soufflerie, actionnée par une paire de pédales, fonctionne à l’intérieur d’un meuble semblable
au piano droit. Le premier vrai harmonium fut construit à Paris en 1840 par
Alexandre François Debain. Les modèles
les plus perfectionnés couvraient cinq
octaves et disposaient de plus de douze
registres de 16, 8 ou 4 pieds. Ordinairement, le clavier était divisé en deux parties
indépendantes, permettant une registration différente sur chacune d’elles. Parfois
les harmoniums possédaient deux claviers, un pédalier et, pour la galerie, des
tuyaux factices en « montre ». L’harmonium a rendu d’immenses services, pendant tout un siècle, pour accompagner les
offices religieux dans les paroisses pauvres
dépourvues d’orgues. Ce fut aussi, en province surtout, un instrument de salon.
Quelques compositeurs ont essayé de le
mettre en valeur (Camille Saint-Saëns) et
une quantité d’oeuvres ont été transcrites
pour l’harmonium.
HARNONCOURT (Nicolaus), chef d’orchestre et violoncelliste autrichien (Berlin 1929).
Il travaille le violoncelle avec P. Grümmer
et, à partir de 1948, étudie à la Musikakademie de Vienne. De 1952 à 1969, il
est membre de l’Orchestre symphonique
de Vienne. Il entreprend des recherches
sur l’interprétation de la musique de la
Renaissance et de l’époque baroque, ainsi
que sur le jeu des instruments anciens. Il
publie des articles dans Musica antiqua,
Österreichische Musikzeitschrift et Musica.
Ses travaux ont porté notamment sur les
oeuvres de Monteverdi et de J.-S. Bach.
Il fonde en 1953 le Concentus musicus
de Vienne, dont les membres jouent sur
des instruments historiques ou, à défaut,
sur des copies fidèles. Dans un souci
d’authenticité destiné à restaurer toutes
les couleurs naturelles aux oeuvres qu’il
interprète, N. Harnoncourt a signé de
nombreux disques de référence (Messe en
si, les Passions de Bach ; les trois opéras
conservés de Monteverdi ; Castor et Pollux
de Rameau ; de nombreux opéras de Mo-
zart ; la Création et les Saisons de Haydn,
symphonies de Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann,
Bruckner). Avec le claveciniste Gustav
Leonhardt, il a réalisé le premier enregistrement intégral des cantates de Bach.
HARPE.
Instrument à cordes pincées, répandu
dans le monde entier, sous diverses
formes, depuis plusieurs millénaires.
Ses origines se confondent avec celles
de la lyre, dont elle ne se distingue tout
d’abord que par ses cordes plus nombreuses et sa forme asymétrique, résultant
d’une grande différence de longueur entre
les cordes graves et les cordes aiguës. La
harpe - du moins en Occident - affecte
alors la forme d’un triangle dressé sur sa
pointe. Les cordes sont tendues entre un
« corps » oblique (la caisse de résonance)
et une « console » approximativement horizontale qui supporte les chevilles d’accord, tandis qu’une « colonne » verticale
forme le troisième côté. La multiplication
des cordes entraînant des dimensions de
plus en plus importantes, l’instrument
cesse bientôt d’être portatif. On le pose
sur une table, puis sur le sol. Mais, comme
chaque corde ne produit qu’une note, ses
possibilités se limitent, jusqu’à la fin du
XVIe siècle, à la gamme diatonique ou à des
« modes » déterminés. C’est encore le cas
de deux instruments folkloriques fort appréciés de nos jours : la « harpe celtique » et
la « harpe indienne », toutes deux de petite
taille. Peu après, la harpe devient chromatique grâce à deux rangs de cordes, mais
c’est à partir de 1660 que des perfectionnements successifs, d’ordre mécanique,
aboutissent vers 1720 au « simple mouvement » (Georg Hochbrucker, 1670-1763),
actionné par des pédales, qui permet de
raccourcir chaque corde pour la porter
au demi-ton supérieur. Avec le célèbre
facteur Sébastien Érard (1752-1831), qui
met au point, vers 1810, la première harpe
à double mouvement, la harpe moderne
est née : chaque corde donne désormais
trois notes sous l’effet de sept pédales,
dont chacune élève ou abaisse d’un demiton tous les do, tous les ré, tous les mi, etc.
La harpe classique actuellement utilisée à
l’orchestre possède l’étendue considérable
de 6 octaves 1/2. Mais c’est toujours un
instrument délicat et coûteux, qui ne comporte pas moins de 1 415 pièces.
HARPE ÉOLIENNE.
Instrument de physique plutôt qu’instrument de musique, la harpe éolienne
consistait en une sorte de cithare érigée en
plein air et convenablement orientée dans
le sens du vent, lequel faisait vibrer ses six
cordes de boyau tendues sur une caisse.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
450
Les harmoniques ainsi produits contribuaient au décor des jardins d’agrément,
au même titre que les illuminations.
HARRELL (Lynn), violoncelliste américain (New York 1944).
Il étudie avec Leonard Rose à la Juilliard
School de New York, puis avec Casals et
Piatigorski au Curtis Institute de Philadelphie. De 1965 à 1971, il est le plus jeune
soliste de l’Orchestre de Cleveland. En
1975, il fait ses débuts à Londres et commence une carrière de concertiste avec les
plus grands orchestres européens, sous la
direction de Claudio Abbado et Daniel
Barenboïm notamment. Depuis 1984, il
donne de nombreux récitals avec Vladimir Ashkenazy, qui est son partenaire
en trio avec Ithzak Perlman. Professeur
à la Juilliard School entre 1977 et 1985, il
reprend en 1986 la chaire de Piatigorski
à l’Université de Caroline du Sud. Travaillant beaucoup en Angleterre, il est depuis 1993 professeur à la Royal Academy
of Music de Londres.
HARRER (Johann Gottlob), compositeur
allemand (Görlitz 1703 - Carlsbad 1755).
Il étudia le droit à l’université de Leipzig,
puis voyagea en Italie aux frais du comte
Heinrich von Brühl, au service duquel
il passa ensuite vingt années à Dresde
(1731-1750). En 1750, peut-être grâce à
l’influence de Brühl, qui jouait un rôle
prépondérant dans les affaires de Saxe, il
succéda à Bach comme cantor de SaintThomas de Leipzig.
HARRIS (Roy), compositeur américain
(Lincoln County, Oklahoma, 1898 - Santa
Monica, Californie, 1979).
Il étudie la philosophie grecque et la théologie hindoue avant la musique, à laquelle
il vient assez tard. Il est l’élève d’Arthur
Farwell et d’Altschuler à l’université de
Los Angeles. Ses premiers essais précèdent
son départ pour Paris, où il travaille avec
Nadia Boulanger (1926-1928). À trente
ans, un grave accident lui brise la colonne
vertébrale et le contraint à une longue
convalescence, pendant laquelle il poursuit ses études et, dit-il, apprend à écrire
sans piano. C’est l’époque du 1er Quatuor,
où l’attention qu’il apporte à la structure
de la musique lui suggère déjà un langage
très personnel. Trois ans plus tard, la 1re
Symphonie, conduite par Koussevitski, est
un triomphe en dépit de son programme
ambitieux (« exprimer l’esprit d’aventure
et l’exubérance physique, le pathétique
qui semble à la base de toute existence
humaine et la volonté de puissance et
d’action »). Sa force expressive, sa volonté
de style et son goût des formes classiques
se retrouvent à toutes les étapes d’une carrière conçue dans l’esprit néoromantique
et qui évoluera vers le monumental, avec
des références de plus en plus fréquentes
aux thèmes populaires. La 3e Symphonie,
saluée comme un événement lors de sa
création à Boston (1939), attestait déjà
une puissance de tempérament assez exceptionnelle dans l’école américaine, et les
suivantes (5e Symphonie dédiée au peuple
soviétique alors en guerre, 6e et 10e inspirées par la personnalité d’Abraham Lincoln) en confirment l’audace et l’énergie.
Harris devait en écrire 14 (la dernière en
1975).
HARSANYI (Tibor), pianiste et compositeur français d’origine hongroise (Magyarkanisza 1898 - Paris 1954).
Élève de Bartók et de Kodály, il émigra à
Paris en 1924, où il fit partie du groupe de
musiciens originaires d’Europe centrale,
connu sous le nom d’École de Paris (les
autres membres étant Marcel Mihalovici,
Bohuslav Martinºu, Alexandre Tcherepnine, Alexandre Tansman). Dans un style
poursuivant la synthèse d’éléments folkloriques hongrois et de tendances néoclassiques, Tibor Harsanyi a laissé des ballets,
comme le Dernier Songe (1920), Pantins
(1938) et Chota Roustaveli (1945), les opéras les Invités (1937) et Illusion (1948), des
oeuvres symphoniques et de chambre,
ainsi que de nombreuses musiques de
scène et de film.
HARTEMANN (Jean-Claude), chef
d’orchestre français (Vezet 1929 - Paris
1993).
Élève de Jean Fournet à l’École normale
de musique, il est en 1956 lauréat du
Concours international de Besançon. De
1957 à 1960, il est premier chef du Grand
Théâtre lyrique de Dijon, où il rencontre
Jésus Etcheverry, avec lequel il parfait sa
formation. De 1960 à 1963, il est directeur musical du Théâtre de Metz, puis chef
permanent de la Réunion des théâtres
lyriques nationaux. Régulièrement invité
à l’Opéra-Comique, il en est le directeur
musical de 1968 à 1972. Il fonde plusieurs
formations, notamment l’Ensemble instrumental de France en 1966 et les Solistes
de France en 1971. Mozartien de talent, il
enregistre plusieurs opérettes françaises,
la Messe Sainte-Cécile de Gounod, et crée
des oeuvres de Frank Martin. Il enseigne
de 1972 à 1977 à la Schola cantorum de
Paris, puis au Centre culturel d’Évry.
Dans un contexte de crise de la direction
d’orchestre en France, il est l’un des très
rares chefs à avoir transmis son métier,
dont le répertoire lyrique était pour lui la
base essentielle.
HARTMANN, famille de musiciens danois.
Johann Ernst, compositeur et violoniste
(Gross-Glogau, Allemagne, 1726 - Copenhague 1793). Très influencé par l’esthétique néoclassique de Winckelmann et de
Gluck, il est l’initiateur du style nordique,
qui atteint son apogée dans l’oeuvre de son
petit-fils J. P. E. Hartmann. Les principaux ouvrages de J. E. Hartmann restent
ses musiques de scène pour les pièces de J.
Ewals : Balders tod, « la Mort de Balder »,
1779, et Fiskerne, « les Pêcheurs », 1780.
Johann Peter Emilius, compositeur,
petit-fils du précédent (Copenhague
1805 - id. 1900). Il est, avec N. Gade, le
plus important compositeur romantique
danois. Inspiré par la vision nordique des
drames de A. Oehlenschläger, il est avant
tout un lyrique, qui puise son inspiration
dans les vieilles légendes : musique pour
le mélodrame Guldhornene, « les Cornes
d’or », 1832 ; musique de tragédie, Olaf
den Hellige, « Saint Olaf », 1838 ; ouvertures, Hakon jarl, « le Chef Hakon », 1844,
et Axel og Valborg, 1856 ; musiques de
ballet, Valkyrien, 1861, et Thrymskviden,
« la Légende de Thrym », 1868 ; cantate,
Volvens Spaadom, « la Prophétie de la sibylle », 1872 ; tragédie, Yrsa, 1883. Mais,
malgré quelques oeuvres instrumentales et
symphoniques fort bien venues, ses chefsd’oeuvre restent le ballet Et folkesagn,
« Une légende populaire », 1854, écrit en
collaboration avec N. Gade, et surtout
l’opéra Liden Kirsten, « la Petite Christine », 1846, sur un livret de H. C. Andersen, une des oeuvres les plus populaires du
répertoire lyrique danois.
HARTMANN (Karl Amadeus), compositeur allemand (Munich 1905 - id. 1963).
Il étudia avec Joseph Haas à Munich
(1924-1927) et prit aussi des leçons auprès
de Hermann Scherchen, qui l’influença
profondément, et d’Anton Webern (194142), qui cependant marqua moins sa
musique qu’Alban Berg. Diverses oeuvres,
pour la plupart retirées par la suite, furent
entendues avant la Seconde Guerre mondiale : le Concertino à Strasbourg en 1933,
la symphonie Miserae à Prague en 1935,
le premier quatuor à cordes à Genève en
1935, la cantate Friede - Anno 48 à Vienne
en 1937, la symphonie l’oeuvre à Liège en
1939. Certaines devaient être réutilisées
ultérieurement, comme le Concertino
dans la symphonie no 5 ou l’oeuvre dans la
symphonie no 6 ; d’autres sont perdues. La
raison de ces auditions hors d’Allemagne
est que, durant le régime nazi, Hartmann se retira complètement de la vie
musicale dans son pays. Mais, dès 1945,
il fonda à Munich, dans le but de faire
connaître les oeuvres contemporaines,
l’importante association Musica viva. Il
obtint successivement le prix de la ville
de Munich (1949) et celui de l’Académie
bavaroise des beaux-arts (1950), dont il
devint membre en 1952, et, en 1953, il fut
nommé président de la section allemande
de la Société internationale de musique
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
451
contemporaine. Sa seule oeuvre scénique,
à tendances pacifistes, est Simplicius Simplicissimus d’après Grimmelshausen,
composée en 1934-35 à l’instigation de
Scherchen sous le titre de Des Simplicius
Simplicissimus Jugend, créée sous sa forme
première en concert à Munich en 1948,
puis à la scène à Cologne en 1949, révisée
en 1955 et créée sous sa forme et son titre
définitifs à Mannheim en 1956. On lui doit
également, entre autres, un 2e quatuor à
cordes (1945-46), un Concerto funèbre
pour violon et cordes (1939, rév. 1959),
un concerto pour piano, vents et percussion (1953) et un autre pour alto, piano,
vents et percussion (1955), l’ouverture
symphonique China kämpft (La Chine se
bat, 1942).
Mais ce sont ses huit symphonies qui
constituent le noyau de sa production.
Elles font de lui, en ce domaine, l’un des
maîtres du milieu du XXe siècle et, sans
épigonisme aucun, le principal héritier
en pays germaniques de la tradition brucknérienne et mahlérienne (cela malgré de
fortes influences de Reger). La Première
(1936, créée en 1948) se tient à part :
d’abord appelée Symphonische Fragmente,
elle est en 5 mouvements, 2 mouvements
vocaux sur des textes de Walt Whitman
entourant 3 mouvements instrumentaux.
La Deuxième (1946, créée en 1950) est
en 1 seul mouvement, 1 adagio en forme
d’arche montant vers un sommet, puis
retombant vers ses sources. La Troisième
(1948-49, créée en 1950), ancrée dans « le
paysage intellectuel de l’école viennoise »
(Hartmann), fait un premier usage de la
fugue. La Quatrième (1947, créée en 1948)
est pour cordes. La Cinquième (1950, créée
en 1951) porte comme titre Symphonie
concertante. La Sixième (1951-1953, créée
en 1953) est en 2 mouvements, dont le
second constitué de 3 fugues. La Septième
(1957-58, créée en 1959), la plus grande
sans doute, la plus représentative en tout
cas des divers aspects du style du compositeur, fait se succéder un premier mouvement mêlant les principes de la fugue, du
concerto et du tutti orchestral, un vaste
adagio et un finale centré sur le rythme.
La Huitième (1960-1962, créée en 1963)
est à nouveau en 2 mouvements seulement. À noter que, parmi les symphonies
en 3 mouvements, la Cinquième avait,
avant la Septième, adopté la structure viflent-vif, la structure inverse lent-vif-lent
étant au contraire celle des Troisième et
Quatrième. À sa mort, l’admirable figure
qu’était Hartmann laissa presque achevée
une ultime page grandiose, Gesangsszene
pour baryton et orchestre d’après Sodome
et Gomorrhe de Jean Giraudoux (création,
Francfort, 1964).
HARVEY (Jonathan), compositeur anglais (Sutton Coldfield 1939).
Choriste au Saint Michael’s College de
Tenbury (1948-1952), il poursuit sa formation musicale au Saint John’s College
de Cambridge et prend des cours privés
avec Erwin Stein et Hans Keller, qui le familiarisent avec la technique dodécaphonique. Il obtient son doctorat à l’université
de Glasgow (1964), fréquente les cours de
Darmstadt (1966), où il est fasciné par la
personnalité de Karlheinz Stockhausen (il
publiera en 1975 The Music of Stockhausen, Londres), travaille avec Milton Babitt
à l’université de Princeton (1970). Auditeur passionné, admirateur de la musique
religieuse du XVIe siècle, du bouddhisme
et du spiritualisme de Rudolf Steiner,
Harvey écrit une musique où se mêlent
l’intuition et la méditation, la sensualité,
l’empirisme et le mysticisme. Il utilise les
techniques les plus avancées (From Silence
pour soprano, violon, alto, percussion,
trois claviers électroniques, ordinateur
et bande, 1988). Dans l’opéra Inquest of
Love, l’électronique élargit le diapason orchestral et crée des images sonores rudes,
inquiétantes, alors que dans The Valey
of Aosta pour ensemble instrumental et
deux synthétiseurs pilotés par ordinateur
(1988), Harvey cultive son goût pour les
sonorités évanescentes en s’inspirant
plus ou moins des contours vagues du
tableau homonyme de Turner. Dans son
Quatuor à cordes no 1 (1977), il se sert
d’une « note seule (qui) s’élargit en une
mélodie et une harmonie » pour « passer
de l’élément naturaliste à l’élément spiritualiste ». Un Deuxième Quatuor à cordes
(1988) contient des unissons (réels ou
faux) adoptant un ton presque prophétique, assez inattendu dans ce répertoire.
On lui doit aussi Mortuos plango, vivos
voco (1980), où il retrouve l’esprit de la
polyphonie vocale religieuse, reconstitué
à travers les composants spectraux d’une
cloche de la cathédrale de Winchester et
de la voix de son propre fils ; Bhakti pour
orchestre de chambre et bande (1982) ;
Lotuses pour flûte et trio à cordes (1992).
Dans cette dernière oeuvre, Harvey s’inspire de la vision bouddhique du lotus,
symbole de « la multiplicité du monde des
formes à travers lequel brille la lumière de
la vérité ».
HASKIL (Clara), pianiste roumaine (Bucarest 1895 - Bruxelles 1960).
Enfant prodige, elle est menée par un
oncle à Vienne (où elle travaille avec le
professeur R. Robert et donne son premier
concert public à sept ans) puis à Paris, où
Fauré la confie à J. Morpain. Elle obtient
le premier prix au Conservatoire en 1910
dans la classe de Cortot. Elle fait un brillant
début de carrière, arrêté par une scoliose
soignée à Berck de 1914 à 1918. Jusqu’en
1940, elle vit surtout à Paris : reconnue
comme l’un des premiers pianistes de
son temps, mais ignorée du public, elle
ne subsiste que grâce à l’aide constante de
mécènes, dont la princesse de Polignac,
chez qui elle se lie avec D. Lipatti. En 1942,
après une grave opération au cerveau miraculeusement réussie à Marseille, où elle
est réfugiée, elle échappe de justesse aux
Allemands et fuit en Suisse. De ce pays, où
elle se fixe et dont elle acquiert la nationalité en 1949, démarre enfin une triomphale
carrière internationale, accidentellement
interrompue en 1960. Partenaire des plus
grands chefs et solistes (Enesco, Ysaye,
Casals, Klemperer, etc.), elle a formé avec
le violoniste belge A. Grumiaux un duo
célèbre. La géniale simplicité de son jeu,
au toucher inimitable, s’appuie sur une
technique exceptionnelle ; mais la pureté
même de son style, très en avance sur son
temps, est peut-être l’une des raisons de
son inexplicable méconnaissance par le
public pendant trente ans. Sa discographie, malheureusement limitée par cette
renommée tardive, en a fait l’interprète
privilégiée de compositeurs comme Mozart et Schumann.
HASQUENOPH (Pierre), compositeur
français (Pantin 1922 - Paris 1982).
Il étudia la médecine, puis la musique à
l’école César-Franck, et de 1950 à 1955 au
Conservatoire de Paris avec D. Milhaud
et J. Rivier. Sa carrière à la radio l’a mené
du poste de musicien-metteur en ondes
(1956) à ceux de directeur du Service
symphonique (1958), du Service lyrique
(1960) et enfin du Service de la musique
de chambre (1973). Comme compositeur,
il écrit dans un style « ni tonal, ni sériel »,
se voulant indépendant de toute école. On
lui doit notamment 4 symphonies, l’opéra
bouffe Lucrèce de Padoue (1963, créé en
1967), l’opéra en 2 actes Comme il vous
plaira, féerie lyrique d’après Shakespeare
(1975, créé à l’Opéra du Rhin à Strasbourg
en 1982), les ballets Le papillon qui tapait
du pied (1951), le Blouson (1966) et Et tu
auras nom Tristan (1967-1969, d’après
Joseph Bédier) ainsi que de nombreuses
oeuvres symphoniques et de chambre. Il
a reçu le grand prix musical de la Ville de
Paris en 1959.
HASSE (Johann Adolf), compositeur allemand (Bergedorf, près de Hambourg,
1699 - Venise 1783).
Fils d’organiste, il débuta comme ténor
à Hambourg et à Brunswick, où son premier opéra (Antioco) fut représenté en
1721, puis travailla à Naples avec Porpora
et Alessandro Scarlatti. Nommé en 1727
maître de chapelle à l’hospice des Incurables à Venise, Hasse épousa en 1730 dans
cette ville la célèbre chanteuse Faustina
Bordoni : tous deux devaient dorénavant
mener leurs carrières de front. Le couple
arriva en 1731 à Dresde, où Cleofide fut
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
452
joué en présence notamment de J.-S. Bach,
et Hasse fut nommé maître de chapelle
royal de la cour de Pologne et de Saxe. Il
revint à Dresde en 1734, ce qui marqua le
début de trente années d’activités inlassables dans cette capitale, entrecoupées,
il est vrai, par des voyages à Londres, à
Munich (1746), à Paris (1750), à Varsovie, à Berlin. Au cours du siège de Dresde
(1760), la bibliothèque de Hasse et le matériel qui devait servir à une édition complète de ses oeuvres furent détruits. Tombé
en disgrâce à la mort de Frédéric Auguste
II (1763), le compositeur partit pour
Vienne (1764), puis Venise (1773). Son
dernier opéra, Ruggiero, fut représenté en
1771 à Milan en concurrence avec Ascanio
in Alba du jeune Mozart (les deux oeuvres
avaient été écrites pour le mariage de
l’archiduc d’Autriche Ferdinand avec une
princesse d’Este) : « Cet enfant nous fera
tous oublier », aurait-il dit alors. Le nom
de Hasse symbolise, à lui seul, la conquête
des pays germaniques par l’opéra et le
style italiens au milieu du XVIIIe siècle. Il
connut une carrière des plus heureuses,
mais ses succès n’eurent d’égal que l’obscurité dans laquelle il tomba après sa
mort, et qui - à tort sans doute - dure
encore aujourd’hui. Représentant typique
(avec son librettiste principal Métastase)
de l’opera seria tel qu’il se répandit alors
à travers toute l’Europe, mais en particulier en Allemagne, Hasse n’écrivit pas
moins de 56 opéras et de 13 intermezzos
bouffes, de 11 oratorios, de 10 messes et
de 7 fragments de messes, ainsi qu’un très
grand nombre de partitions religieuses et
instrumentales diverses. Sa musique vaut
notamment par le dramatisme de son style
déclamatoire, parfaitement adapté au sens
et à la sonorité de chaque mot, et par la
façon dont il sut, dans ses airs, caractériser musicalement une situation, un sentiment. Parmi ses opéras, on note Didone
abbandonata (1742), Arminio (1745), Demofoonte (1748), Adriano in Siria (1752),
Il Re pastore (1755), tous créés à Dresde,
ou encore Partenope (Vienne, 1767). Dans
Piramo e Tisbe (Vienne, 1768), il tenta de
reprendre à son compte les réformes de
Gluck. La musique de Hasse ne survécut
pas à la vogue de l’opera seria, mais cela
n’empêcha pas des compositeurs aussi différents les uns des autres que Jean-Sébastien Bach, Johann Adam Hiller, Johann
Friedrich Reichardt, Joseph Haydn (qui
soumit à son approbation son Stabat
Mater de 1767 et se déclara ravi des éloges
reçus) et même, plus tard, Hector Berlioz
de faire de lui les plus grands éloges.
HASSLER (Hans Leo), compositeur
allemand (Nuremberg 1564 - Francfort
1612).
Il fut le premier grand musicien de son
pays à aller se former en Italie. Après avoir
grandi dans la tradition de Lassus, il fut,
en 1584 à Venise, élève d’Andrea Gabrieli
et se lia d’amitié avec son neveu Giovanni,
futur maître de Heinrich Schütz. Organiste d’Octavian II Fugger à Augsbourg
en 1586, anobli par son protecteur l’empereur Rodolphe II en 1595, H. L. Hassler
dirigea la musique à Augsbourg, puis à
Nuremberg (1601), résida ensuite à Ulm
(1604-1608), entra au service de la cour
de Dresde (1608) et mourut alors qu’il
assistait dans la suite de l’Électeur de Saxe
au couronnement de l’empereur Mathias.
Il fut, avant Praetorius, le promoteur en
Allemagne de l’écriture polychorale vénitienne, laissant à ce dernier le soin d’introduire en pays germaniques l’autre grande
innovation transalpine, les « concerts
vocaux » avec voix solistes, choeurs et
instruments obligés. Ses madrigaux et
canzonettes évoquent Andrea Gabrieli,
ses ouvrages à deux choeurs Giovanni Gabrieli. Outre une nombreuse production
religieuse, dont une centaine de motets,
huit messes (parmi lesquelles la grandiose Missa octavi toni à huit voix), deux
recueils de chorals et des pièces d’orgue,
on lui doit notamment le Lustgarten Neuer
Teutscher Gesäng (« Jardin d’agrément des
nouveaux chants allemands », 1601), vaste
recueil regroupant lieder polyphoniques,
monodies accompagnées et pages instrumentales, et où Bach puisa la mélodie du
célèbre choral O Haupt voll Blut de la Passion selon saint Matthieu.
HAUBENSTOCK-RAMATI (Roman),
compositeur autrichien d’origine polonaise (Cracovie 1919 - Vienne 1994).
Il fit ses études à Cracovie (1934-1938) et
à Lvov (1939-1941), fut directeur musical de la radio de Cracovie (1947-1950),
puis émigra en Israël (1950), où il fonda
la Bibliothèque nationale de musique et
où il enseigna la composition à Tel-Aviv.
De retour en Europe en 1957, il se familiarisa à Paris avec la musique concrète, puis
devint conseiller pour la musique contemporaine aux éditions Universal à Vienne il le resta jusqu’en 1968. Depuis lors, il se
consacre essentiellement à la composition, mais a poursuivi diverses activités
d’enseignement à Stockholm, Buenos
Aires, Tel-Aviv et surtout en Autriche : il
a été nommé professeur de composition à
l’École supérieure de musique de Vienne
en 1973 et directeur de l’Institut de musique électroacoustique de cette même
ville en 1976, et il a reçu le prix musical
de la ville de Vienne en 1977. D’abord
influencé par Stravinski et Szymanowski,
Haubenstock-Ramati s’est familiarisé avec
Webern dès 1938 et a rendu hommage aux
principes sériels dans certaines de ses premières oeuvres, comme Blessings pour voix
et neuf instruments (1954) ou Recitativo
e aria pour clavecin et orchestre (1955).
il s’est ensuite tourné vers les formes variables, ou « formes à dynamiques fermées
«, par exemple dans la série des Mobiles,
parmi lesquels Petite Musique de nuit pour
orchestre (1960) et Mobile for Shakespeare
pour voix et six exécutants (1969), dans la
série des Multiples inaugurée en 1969 pour
les Multiples I à VI - chacun fait appel à
une formation différente et peut exister en
de nombreuses versions -, ainsi que dans
des pages orchestrales comme Vermutungen - über ein dunkles Haus (1963, tiré
d’Amerika), Tableau I (1967), II (1969) et
III (1971), ou encore Symphonien (1977,
Baden-Baden, 1978). On lui doit encore,
notamment, Hôtel Occidental pour choeur
parlé, d’après Kafka (3 vers., 1967), deux
quatuors à cordes (1973 et 1977), le ballet
Ulysse (créé à Vienne, 1978), Nocturnes I
et II pour orchestre (Graz, 1981 et 1982),
Nocturne III pour orchestre (Vienne
1986). il s’est toujours intéressé de près
au graphisme musical et a organisé la première exposition consacrée à ce sujet à
Donaueschingen en 1959.
HAUDEBOURG (Brigitte), pianiste française (Paris 1942).
Elle étudie le piano avec Jean Doyen,
avant d’entreprendre l’étude du clavecin.
À dix-sept ans, elle entre au Conservatoire de Paris dans la classe de Marcelle
de Lacour, obtient un premier prix de
clavecin en 1963 et passe avec succès le
concours de claveciniste soliste concertiste de l’O.R.T.F. En 1968, elle remporte
la médaille d’or au Concours international Viotti. Elle interprète avec bonheur
les compositeurs français des XVIIe et
XVIIIe siècles et a fait beaucoup pour la
redécouverte d’oeuvres de Daquin, Dandrieu, Devienne, Schobert ou encore du
Chevalier de Saint-Georges. Elle a également assuré la création de plusieurs
oeuvres contemporaines.
HAUER (Joseph Matthias), compositeur
autrichien (Wiener-Neustadt 1883 Vienne 1959).
Après des études générales dans sa ville
natale, il occupe un poste d’instituteur à
Krumbach et se met à l’étude de la musique en autodidacte, pendant ses loisirs.
Au bout de quelques années, il devient
professeur de musique dans les collèges
et écoles secondaires et, après la Première
Guerre mondiale, s’installe à Vienne
comme professeur de musique. Dès 1908,
il a commencé à élaborer un système de
musique atonale utilisant des séries de
douze sons et il peut être ainsi considéré
comme un précurseur de Schönberg.
Hauer commence à composer à partir
de 1918, selon les mêmes principes théoriques. Mais, contrairement à la méthode
de Schönberg, qui fixera définitivement
l’ordre de succession des douze sons dans
chaque série, la démarche de Hauer laisse
une plus grande liberté au compositeur
dans l’utilisation du total chromatique. La
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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logique du système, de même que l’arrièreplan esthético-philosophique inspiré de la
Farbenlehre de Goethe, incitera pendant
longtemps Hauer à écarter toute idée de
polyphonie. S’intéressant plus volontiers
aux musiques orientales - chinoise, en
particulier - qu’à l’héritage classique européen, dont il regrette l’évolution harmonique, la plupart de ses oeuvres reflètent
cet état d’esprit par leur caractère presque
toujours homophone, privilégiant, par ailleurs, la voix humaine et les instruments
réglés sur le « tempérament égal », tels
que le piano ou l’harmonium, au détriment des instruments à cordes et à vent.
Ce n’est que dans les dernières années de
sa vie que Hauer introduit plus de souplesse dans ses conceptions, notamment
dans la cantate Der Menschen Weg (« le
Chemin des hommes » 1934 ; rév. 1952). Il
met également au point un système d’écriture de la musique de douze sons (Zwölftonschrift). Tout en rendant hommage au
chercheur, Schönberg lui-même, dans la
préface à son traité d’harmonie, insiste
sur l’aspect trop rigoureusement systématique de la démarche de Hauer, qui donne
souvent à ses oeuvres un caractère expérimental. Sa production, d’ailleurs considérable et couvrant presque toutes les
formes, est restée en grande partie inédite.
Il a composé deux opéras, dont Salammbô
op. 60 (création par O. Klemperer, Berlin, 1930), d’après Gustave Flaubert, des
oeuvres pour piano seul, pour orchestre,
de la musique de chambre, des oeuvres
pour voix et orchestre, pour choeurs, et
des mélodies sur des poèmes de Hölderlin.
HAUG (Hans), compositeur et chef
d’orchestre suisse (Bâle 1900 - Lausanne
1967).
Il fait ses études à Bâle avec Egon Petri
et Ernst Lévy, puis à Munich avec Courvoisier et Busoni. Il débute comme chef
d’orchestre à Granges et à Soleure, avant
de diriger à Bâle et à Interlaken. De 1935
à 1938, il est chef d’orchestre à la Radio
suisse romande, puis il se fixe à Lausanne
comme professeur de composition au
conservatoire. En dépit de sa formation
germanique, son oeuvre participe d’une
esthétique influencée par l’esprit français
et d’un style essentiellement souple et
vivant, maintenu dans les éléments traditionnels.
HAUPTMANN (Moritz), compositeur et
théoricien allemand (Dresde 1792 - Leipzig 1868).
Élève de Spohr pour le violon, il fut
ensuite membre de la chapelle royale
de Dresde (1812), précepteur du prince
Repnine en Russie et, de 1822 à 1842,
violoniste dans la chapelle de la cour de
Cassel dirigée par Spohr. Recommandé
par ce dernier et par Mendelssohn, Moritz
Hauptmann devint en 1842 cantor de la
Thomasschule de Leipzig et en 1843 professeur d’harmonie et de composition au
conservatoire de cette ville. Rédacteur, la
même année, à l’Allgemeine Musikalische
Zeitung, il participa en 1850 à la fondation de la Bach-Gesellschaft, qu’il devait
présider jusqu’à sa mort. On lui doit de
la musique instrumentale et des opéras,
dont Mathilde (1826), mais son oeuvre est
essentiellement religieuse. Comme théoricien, son ouvrage le plus important est Die
Natur der Harmonik und Metrik (Leipzig,
1853). Il a écrit aussi un commentaire de
l’Art de la fugue de Bach (Erläuterungen zu
J. S. Bachs Kunst der Fuge, Leipzig, 1841 ;
2e éd., 1861).
HAUSSE.
En lutherie, pièce de bois située au talon
de l’archet, servant à maintenir et à tendre
les crins.
HAUTBOIS.
Instrument à vent de la famille des bois.
Caractérisé par sa perce conique et son
anche double (2 étroites lamelles de roseau
accolées, serrées entre les lèvres de l’exécutant et mises en vibration par son souffle),
il était en usage dès l’Antiquité chez de
nombreux peuples d’Orient et d’Occident.
(L’aulos des Grecs était probablement
un hautbois et non une flûte, comme on
l’a trop souvent écrit.) Très apprécié au
Moyen Âge, il existait au XVIe siècle en 6
tonalités, du « dessus de hautbois » à la
contrebasse, sans parler de nombreuses
variantes (musette, bombarde, hautbois
du Poitou, etc.). À partir du XVIIIe siècle, il
connut une évolution parallèle à celle de la
flûte, dont il partageait les avantages et les
inconvénients : les 8 trous que pouvaient
boucher les doigts de l’exécutant limitant
à la fois l’étendue de l’instrument (2 octaves environ), son agilité et sa justesse,
on en perça d’autres, commandés par des
clés - 6 vers 1770, plus du double par la
suite. Le hautbois moderne, en ut, est à
peu près celui que Frédéric Triébert mit
au point vers 1860, en s’inspirant, notamment, du système Boehm. Mais le mécanisme complexe de Triébert fut encore
amélioré par d’autres inventeurs parisiens
et le « modèle conservatoire », qui date de
1881, possède entre autres avantages celui
de descendre au si bémol. Quant aux bois
employés à sa construction, l’ébène l’a depuis longtemps emporté sur la grenadille.
Le « hautbois d’amour » sonne à la
tierce mineure inférieure. Sa sonorité,
plus ronde, plus douce et moins pénétrante, mais aussi expressive que celle du
hautbois en ut, est irremplaçable pour la
musique baroque (cf. J.-S. Bach, notamment).
HAUTE-CONTRE.
Abréviation pour l’emploi vocal ténor
haute-contre, ou pour le chanteur qui possède cette voix.
Par définition, haute-contre est un
doublet de contralto (contre-alto), c’està-dire voix proche de la (voix) haute. Le
terme est demeuré en usage dans la distribution des parties du choeur, les voix de
ténor se répartissant en hautes-contre et
en tailles. À titre d’exemple, dans certains
de ses choeurs d’opéra, Gluck fit chanter
la voix de haute-contre en unisson soit
avec les tailles, soit avec les contraltos.
L’usage a aujourd’hui retenu ce terme
pour désigner un type de ténor, dont la
voix s’étend dans le suraigu, grâce à l’emploi habile des résonances de fausset et de
tête dans les registres aigus que ne peut
atteindre la voix dite de poitrine ; mais,
comme tous les ténors utilisent ce genre
d’émission, le haute-contre se distingue
par sa spécialisation dans un répertoire
sollicitant particulièrement les notes élevées de la voix masculine. Au XIXe siècle,
les Italiens nommaient le haute-contre
ténor contraltino, terme que l’on trouve
encore dans les traités français du milieu
du XIXe siècle, appliqué au type de voix
correspondant à des rôles tels que ceux
d’Arnold dans Guillaume Tell de Rossini,
Robert dans Robert le Diable de Meyerbeer, etc., rôles écrits pour le français
Adolphe Nourrit (1802-1839). On ne naît
pas haute-contre, comme on naît basse,
soprano ou contralto, car tout ténor peut
devenir haute-contre en renonçant à la
richesse des notes centrales et graves de
sa tessiture au profit d’une meilleure utilisation du registre aigu (jusqu’au ré ou mi
bémol4). Le haute-contre utilise, en effet,
ses résonances de poitrine qu’il lie aux
résonances de tête en gravissant la gamme
vers l’aigu, au contraire du falsettiste, qui
n’utilise que ces dernières sur toute son
étendue vocale. La musique française des
XVIIe et XVIIIe siècles a souvent fait appel
au haute-contre - notamment dans la musique religieuse -, le différenciant du ténor
taille, ténor grave limité dans l’aigu à ses
résonances de poitrine, à peu près l’équivalent du baryton Martin actuel. Cet emploi vocal fut illustré autrefois par Jacques
Cochereau (v. 1680-1734), puis par D. F.
Tribou (1695-1761), cependant que Pierre
Jelyotte (1713-1797), célèbre interprète de
Rameau, cumulait les emplois de taille et
de haute-contre. Au XIXe siècle, on appelait encore ténor contraltino Gilbert Duprez (1806-1896), qui passe pour avoir, le
premier, émis le « contre-ut de poitrine ».
Par sa phonation, le ténor slave est très
voisin du type français de haute-contre,
et Rimski-Korsakov, en 1907, écrivit pour
cette voix le rôle de l’Astrologue dans le
Coq d’or. Plus près de nous, parmi les spécialistes de la musique ancienne chantant
en haute-contre, on peut citer Hugues
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Cuénod, André Mallabrera, Éric Tappy,
qui ont remis cette voix à l’honneur.
HAUTEUR.
Terme usuel pour désigner la fréquence
des sons, un son étant dit plus ou moins
haut selon que sa fréquence est plus ou
moins élevée.
L’assimilation de la fréquence à la hauteur est relativement récente : les Grecs
parlent d’acuité (oxys) et de lourdeur
(barys), ce que le Moyen Âge traduit par
aigu (acutus) et grave (gravis), et non par
haut ni par bas. L’assimilation de l’aigu
au haut et du grave au bas - c’est-à-dire
l’assimilation de l’espace sonore à un plan
vertical - pourrait provenir, selon l’hypothèse de J. Chailley, de la séméiologie musicale des neumes primitifs du fait que, sur
l’écritoire incliné ou le pupitre de choeur,
l’accent aigu, ou virja, issu de l’accent aigu
grammatical, se dirige vers le haut du papier, l’accent grave (punctum) vers le bas
(ce qu’a conservé l’écriture sur portée). Il y
a, en tout cas, coïncidence chronologique
entre l’apparition de cette terminologie
et celle de la diastématie des neumes qui
pourrait l’avoir provoquée.
HAWKINS (sir John), homme de loi et
historien de la musique anglais (Londres
1719 - id. 1789).
Procureur (cette fonction le fit anoblir
en 1772), il n’avait pas reçu la formation
d’un musicien, mais se consacra de bonne
heure à l’étude de la musique, qu’il estimait, avec raison, négligée. Il fut membre
de l’Academy of Ancient Music et de la
Madrigal Society. Il eut également une
activité littéraire importante. Après de
longues recherches, il publia en 1776 l’une
des deux premières histoires de la musique
parues en Angleterre (l’autre est celle de
Burney, qui commença à paraître la même
année) : A General History of the Science
and Practice of Music (5 vol., Londres,
1776 ; rééd. en 2 vol., 1853, puis 1875 ;
New York, 1963, 1969). L’importance de
cette entreprise tient non seulement à sa
dimension monumentale, mais aussi à
sa nouveauté : rassemblant un nombre
considérable de textes et de compositions
anciennes, inconnues jusqu’alors, elle est,
en effet, l’une des premières études historiques consacrées spécifiquement à la
musique. S’il trahit le jugement sévère
porté par son auteur sur la musique de son
temps, cet ouvrage garde néanmoins une
grande valeur, tant parce qu’il reproduit
des documents disparus que parce qu’il
témoigne, dans une large mesure, du goût
musical de l’Angleterre au XVIIIe siècle.
oeuvres. Memories of the Late Sig. Agostino Steffani (Londres, 1758), The General
History of A. Corelli (Londres, 1777).
HAYDN (Franz Joseph), compositeur
autrichien (Rohrau-sur-la-Leitha, BasseAutriche, 1732 - Vienne, faubourg de
Gumpendorf, 1809).
Fils du charron Mathias Haydn et de Anna
Maria Koller - qui était avant son mariage
cuisinière chez le comte Harrach, seigneur
de Rohrau -, deuxième de douze enfants,
dont six devaient survivre, Franz Joseph
Haydn naquit aux confins de l’Autriche et
de la Hongrie - ce qui devait largement influencer sa musique -, et passa dans cette
région et à Vienne, exception faite de ses
deux voyages à Londres, la totalité de sa
vie. Aucun de ses ancêtres n’était musicien
de profession.
LA JEUNESSE À VIENNE.
À six ans, il alla habiter chez un certain
Mathias Franck, époux de la demi-soeur
de son père, qui lui apprit les rudiments
de son futur métier, et, de 1740 à 1749
environ, fut petit chanteur à la maîtrise
de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne,
alors dirigée par Georg Reutter le Jeune
et d’où il fut chassé après que sa voix eut
mué. Des années qui suivirent, on sait fort
peu de chose. Livré à lui-même sur le pavé
de Vienne, Haydn subsista en donnant des
leçons, en jouant du violon ou de l’orgue.
Par l’intermédiaire du poète Métastase,
il devint, vers 1753, élève-factotum du
compositeur Porpora et étendit le cercle
de ses relations. Il travailla aussi pour la
cour en 1754-1756. Pour l’essentiel, il se
forma en autodidacte, grâce notamment
au Gradus ad Parnassum de Fux et en s’appuyant sur ses prédécesseurs (Wagenseil).
Haydn composa vers 1757 chez le baron
Karl Joseph von Fürnberg, qui l’avait invité dans sa résidence de Weinzierl, ses
premiers quatuors à cordes. En 1758 ou
1759, il entra au service du comte Morzin,
qui passait l’été dans son château de Lukavec, près de Pilsen en Bohême. Il composa
pour lui, notamment, ses premières symphonies et une série de divertissements
pour instruments à vent. Mais des revers
de fortune obligèrent bientôt Morzin à
licencier son orchestre.
LES ESTERHÁZY.
Le 1er mai 1761, peu après son mariage
(26 novembre 1760, Vienne), Haydn signa
avec le prince Paul II Anton Esterházy,
le plus riche seigneur de Hongrie, un
contrat (souvent cité comme typique des
conditions imposées au musicien d’Ancien Régime) le nommant vice-maître de
chapelle responsable de toute la musique
du prince, à l’exception du domaine religieux, réservé en principe au maître de
chapelle Gregor Joseph Werner (à la mort
de Werner en mars 1766, Haydn lui succéda comme maître de chapelle). La résidence principale du prince hors de Vienne
était Eisenstadt (en hongrois, Kismarton,
à l’ouest de la Hongrie, aujourd’hui capi-
tale de la province orientale autrichienne
du Burgenland). Le prince Paul II Anton
ayant disparu le 18 mars 1762, son frère
Nicolas, qui devait bientôt mériter le nom
de Nicolas le Magnifique, lui succéda.
Haydn devait servir ce prince pendant
vingt-huit ans, jusqu’à la mort de celui-ci
en 1790. Le château d’Eisenstadt ne suffit
bientôt plus à Nicolas. Avant son avènement, il avait habité un pavillon de chasse
à Süttor (aujourd’hui Fertöd), dans la
plaine hongroise, à l’extrémité sud du lac
de Neusiedl. L’endroit était marécageux,
mais cela n’empêcha pas le prince d’y
faire édifier un magnifique château que les
contemporains n’hésitèrent pas à comparer à Versailles. Dès 1766, ce château était
officiellement appelé Eszterháza. Haydn
et ses musiciens s’y installèrent définitivement en 1769. Pourtant, Eszterháza ne fut
considéré comme vraiment terminé qu’en
1784, avec l’inauguration de la cascade
face au bâtiment central. Le château comprenait alors 126 pièces, et sa construction
avait coûté 13 millions de florins (en 1761,
le salaire annuel de Haydn, augmenté par
la suite il est vrai, avait été fixé à 400 florins par an). Pendant plus de vingt ans,
concerts, représentations d’opéras, représentations théâtrales (Haydn put voir des
pièces de Shakespeare), fêtes et illuminations s’y succédèrent sans relâche, l’été
surtout, car en principe le prince et sa
cour passaient l’hiver à Vienne. La saison
de 1778, pour ne prendre qu’un exemple,
dura cependant du 23 janvier au 22 décembre, avec un total de 242 manifestations. Parmi les grandes festivités organisées à Eszterháza, il faut citer celles de
juillet 1772 en l’honneur du cardinal de
Rohan, ambassadeur de France à Vienne
et futur héros de l’affaire du Collier, celles
de septembre 1773 en l’honneur de l’impératrice Marie-Thérèse et celles d’août
1775 en l’honneur de l’archiduc Ferdinand, troisième fils de l’impératrice.
HAYDN, MAÎTRE DE CHAPELLE.
Haydn, chez les Esterházy, se trouvait à la
tête d’une troupe de chanteurs et d’instrumentistes de très grand talent certes, mais
parfois turbulents. Il noua avec beaucoup
d’entre eux, en particulier avec le violoniste Luigi Tomasini, des relations d’amitié assez étroites et fut plus d’une fois
témoin à leur mariage ou parrain de leurs
enfants. Mais la vie n’était pas seulement
idyllique. Pétitions, requêtes, querelles et
cas litigieux étaient monnaie courante, et
Haydn servait en général d’intermédiaire
entre l’intéressé et le prince. Fin 1765, le
flûtiste Franz Nigst fut renvoyé : son fusil
de chasse avait explosé alors qu’il visait
des oiseaux sur le toit d’une maison princière, et cette maison avait brûlé complètement. Il y eut aussi la rixe qui, en
novembre 1771, opposa dans une taverne
d’Eisenstadt le violoncelliste Franz Xaver
Marteau au flûtiste Zacharias Pohl, et au
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cours de laquelle ce dernier perdit un oeil ;
ou encore la violente querelle qui, en 1769,
opposa les deux violoncellistes Ignaz Küffel et Joseph Weigl. Dans cette perspective, le célèbre épisode de la symphonie
des Adieux (novembre 1772) n’apparaît
que comme un cas parmi d’autres.
Haydn se plaignit souvent de devoir
rester isolé à Eszterháza et de ne pouvoir
se rendre comme il le voulait à Vienne.
Il reconnut cependant que cette situation
avait ses avantages : « À la tête d’un orchestre, je pouvais faire des expériences,
j’étais libre de changer, d’améliorer,
d’ajouter ou de supprimer, de me livrer
à toutes les audaces. Coupé du monde,
je n’avais personne pour m’importuner,
et fus forcé de devenir original. » Il reste
qu’au fil des ans cette situation lui pesa
toujours plus et qu’il chercha toujours
davantage des contacts avec l’extérieur,
tant sur le plan professionnel que personnel. Jusque vers 1780, nous sommes assez
mal renseignés. En 1766, Haydn acheta
à Eisenstadt une maison qui brûla deux
fois (1768 et 1776). En 1768, il envoya au
monastère de Zwettl, en Basse-Autriche,
sa cantate Applausus accompagnée d’une
lettre de recommandations en dix points,
précieuse aussi bien par les renseignements qu’elle contient sur les conditions
d’exécution de la musique au XVIIIe siècle
que sur la conception qu’avait Haydn de
son rôle de chef d’orchestre. Le 22 mars
1770, il dirigea à Vienne son opéra Lo
Speziale, « l’Apothicaire », créé deux ans
auparavant à Eszterháza. Les 2 et 4 avril
1775, son oratorio Il Ritorno di Tobia était
créé dans la capitale.
En 1779 arriva à Eszterháza la chan-
teuse Luigia Polzelli, ce qui consola tant
soit peu Haydn d’un mariage malheureux.
Le prince Esterházy développait alors
pour l’opéra italien une passion qui remplaça vite celle qu’il avait eue pour le baryton, instrument de la famille des violes,
dont il avait longtemps joué lui-même.
Haydn dut donc déployer dans le domaine
de l’opéra une activité fébrile, dirigeant
non seulement ses propres ouvrages,
mais ceux de ses contemporains (Anfossi,
Gazzaniga, Traetta, Sarti, Piccinni, Grétry, Paisiello, Cimarosa). Il ne se borna
pas à les choisir, à les faire répéter et à les
diriger, mais il les révisa plus ou moins
profondément sur le plan musical, allant
même, selon une coutume de l’époque,
jusqu’à remplacer tel ou tel air par un
autre de sa composition. De 1780 à 1790,
il s’occupa ainsi de 96 opéras différents,
dont 17 pour la seule année 1786, ce qui,
compte tenu des reprises, correspondait
à un total de 1 026 représentations, dont
125 pour 1786 ! On s’étonne que, dans ces
conditions, il ait encore trouvé le temps
de composer.
REGARDS VERS L’EXTÉRIEUR.
Durant ses dernières années à Eszterháza,
Haydn n’écrivit presque plus directement
pour son prince. La quasi-totalité de sa
production fut alors destinée au monde
extérieur : Vienne, mais, surtout, Paris et
Londres. D’abord à son insu, Haydn avait
acquis une renommée considérable sur le
plan européen, et de nombreux éditeurs
s’étaient enrichis à ses dépens, tout en
n’hésitant pas à faire paraître sous son
nom, réputé valeur commerciale sûre, des
oeuvres écrites en réalité par des compositeurs de moindre envergure. Dans les
années 1780, Haydn entra enfin en contact
direct avec des éditeurs comme Artaria
(Vienne), Boyer ou Sieber (Paris), Forster ou Longman et Broderip (Londres),
et, comme eux, appliqua sans scrupules
le principe du « chacun pour soi », vendant par exemple la même oeuvre à deux
éditeurs différents, chacun s’imaginant
en avoir l’exclusivité. Haydn, à cette
même époque, non seulement envoya ses
ouvrages à l’extérieur, mais en reçut des
commandes : ainsi celle faite par un chanoine de Cadix d’une musique orchestrale
sur le thème des Sept Paroles du Christ
(écrite pendant l’hiver 1786-87), ou encore celle faite par le concert de la Loge
olympique à Paris des six Symphonies
dites parisiennes (nos 82 à 87, composées
en 1785-86). Juste retour des choses : sa
gloire et sa célébrité, en valant à Haydn ces
commandes et en le forçant à écrire, sans
contact direct il est vrai, pour un public
moins restreint que celui dont il avait l’habitude, le sauvèrent sans doute de l’étouffement et d’une crise créatrice grave.
L’isolement d’Eszterháza lui devenait
d’autant plus insupportable qu’à Vienne
résidaient des personnes qui lui étaient
chères. L’une d’elle était Mozart, qu’il
rencontra au plus tard fin 1784 - peut-être
dès décembre 1781 - et avec qui il noua
des liens d’amitié et d’estime réciproques,
dont on trouve peu d’équivalents dans
l’histoire de la musique. Une autre était
Marianne von Genzinger, femme d’un
médecin de la capitale. Les lettres écrites
d’Eszterháza par Haydn à Marianne von
Genzinger en 1789-90 comptent parmi les
documents les plus personnels émanant
de lui : « Une fois de plus, je suis forcé de
rester ici. Votre Grâce imagine facilement
tout ce qui me manque. Il est triste de toujours devoir être esclave, mais sans doute
la Providence l’a-t-elle voulu ainsi. Je suis
un pauvre diable ! Toujours harassé de
travail, peu de loisirs, et quant aux amis ?
Cela n’existe plus - une amie ? Oui ! Peutêtre en existe-t-il une. Mais elle est loin »
(27 juin 1790).
LES SÉJOURS À LONDRES.
La mort de Nicolas le Magnifique (28 septembre 1790), dont Haydn, tout compte
fait, n’avait pas eu trop à se plaindre, débloqua enfin la situation. Son fils et successeur Anton, n’aimant pas la musique,
conserva à Haydn son titre et sa pension,
mais sans rien lui demander de précis.
Devenu libre, Haydn put accepter les propositions du compositeur et violoniste
londonien Johann Peter Salomon, à savoir
300 livres pour un opéra, 300 pour six
nouvelles symphonies, 200 pour sa participation à vingt concerts, 200 de garantie pour un concert à son bénéfice. Cela à
condition de faire le voyage de Londres.
Le rôle déterminant fut sans doute joué
dans cette affaire non par Salomon luimême, mais par l’impresario et directeur
de théâtre londonien Giovanni Battista
(« Sir John ») Gallini. Le 15 décembre
1790, accompagné de Salomon, Haydn
âgé de 58 ans quitta son pays pour la première fois. Il resta à Londres de janvier
1791 à fin juin (ou début juillet) 1792 et
y écrivit, entre autres, ses six premières
Symphonies londoniennes (nos 93 à 98). En
décembre 1791, au moment où une organisation rivale de celle de Salomon, le Professional Concert, tentait de lui opposer
son ancien élève Ignaz Pleyel, il y reçut la
nouvelle de la mort de Mozart, à laquelle
tout d’abord il ne voulut pas croire. Ce séjour fut un triomphe artistique et personnel d’autant plus remarquable que la vie
à Londres différait fort de celle qu’il avait
connue à Eszterháza, et même à Vienne.
Après trente ans de demi-solitude, Haydn
alla de réception en réception ; au lieu
d’un public restreint et connu d’avance,
ou presque, il enthousiasma des salles
anonymes et bruyantes. En juillet 1791,
il se vit décerner par l’université d’Oxford
le titre de docteur honoris causa. Il fut
reçu par la famille royale. La presse rendit
compte en détail de ses concerts. Tous ces
événements, ainsi que diverses anecdotes,
Haydn les consigna de façon pittoresque
dans plusieurs lettres à Marianne von
Genzinger et aussi sur des carnets heureusement presque intégralement conservés. Très intéressante est, par exemple, sa
description des courses d’Ascot. Il nota en
particulier de nombreux chiffres (quantité
de charbon consommée à Londres en un
an, âge de l’empereur de Chine, circonférence de l’île de Wight), et, d’une façon
générale, on le découvre dans ses carnets
à la fois frappé, amusé et importuné par
le bruit infernal qui régnait à Londres,
ainsi que par le goût des Anglais pour la
boisson : « Milord Chatham, ministre de
la Guerre et frère du ministre Pitt, a été
si ivre pendant trois jours qu’il ne pouvait signer son nom, avec comme résultat que la flotte n’a pu quitter Londres. »
Ou encore : « Lord Claremont a donné
un grand souper, et comme on buvait à la
santé du roi, il a fait jouer le God Save the
King dehors, sous une tempête de neige.
C’est ainsi, de façon insensée, qu’on boit
en Angleterre. »
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Sur le chemin du retour, on lui présenta, à l’étape de Bad Godesberg, le jeune
Beethoven, qui le suivit à Vienne et auquel
il donna en 1793 des leçons bien plus fructueuses que ne le veut la légende. Certes,
il négligea quelque peu ses exercices de
contrepoint, mais il le mit au contact du
génie créateur : il existe, de la main de
Beethoven, une copie d’une partie du finale de la symphonie no 99, celle que, en
1793, Haydn composait en vue d’un nouveau voyage à Londres. Ce second séjour,
au cours duquel Haydn fit entendre notamment ses six dernières Symphonies londoniennes (nos 99 à 104), qui sont aussi les
dernières qu’il devait composer, eut lieu
de janvier 1794 à août 1795. Il lui valut les
mêmes triomphes et les mêmes avantages
financiers que le premier.
LES DERNIÈRES ANNÉES À VIENNE.
À son retour définitif en Autriche, Haydn
était considéré dans toute l’Europe comme
le plus grand compositeur vivant. Il trouva
un quatrième prince Esterházy, Nicolas II,
qui, pour des raisons en partie de prestige,
avait décidé de reconstituer la chapelle
de son grand-père Nicolas le Magnifique,
mais en abandonnant Eszterháza pour
Eisenstadt. Haydn reprit la direction de
cette chapelle, mais avec des obligations
beaucoup plus légères que par le passé,
séjournant à Eisenstadt deux ou trois mois
pendant l’été - cela jusqu’en 1803, sa dernière année active - et le reste du temps
à Vienne. Le prince ne lui demandant
qu’une messe par an, pour la fête de son
épouse, la princesse Marie Hermenegild
(il y eut six grandes messes, datées de 1796
à 1802), Haydn put, pour le reste, composer ce qu’il voulait : ses derniers quatuors
à cordes, la version vocale des Sept Paroles
du Christ (1796), l’hymne autrichien Gott
erhalte Franz den Kaiser (1797) et surtout
deux magnifiques oratorios, la Création
(1798), et les Saisons (1801). Jusqu’en
1803, année à la fin de laquelle ses ennuis
de santé l’obligèrent à cesser toute activité, Haydn fut une figure importante de
la société viennoise. Il dirigea très souvent ses oeuvres en public ou en privé,
Beethoven participant fréquemment
aux mêmes concerts que lui. C’est pour
cette ultime période que les témoignages
le concernant sont les plus nombreux.
Son biographe Griesinger nous apprend
que « de stature, Haydn était petit, mais
robuste et solide d’apparence ; son front
était large et bien bombé, sa peau brune,
ses yeux vifs et fiers, ses traits accusés et
nettement définis ; sa physionomie et son
comportement reflétaient la prudence et
une calme gravité ». Quant au diplomate
suédois Fredrick Samuel Silverstolpe, en
poste à Vienne de 1796 à 1803, il découvrit « chez Haydn pour ainsi dire deux
physionomies. L’une, quand il parlait de
choses élevées, était pénétrante et sérieuse,
le mot sublime suffisait alors à mettre en
branle ses sentiments de façon fort visible.
L’instant d’après, cet état d’esprit était vite
chassé par son humeur quotidienne, et il
retombait dans le jovial avec une satisfaction qui se peignait littéralement sur ses
traits et débouchait dans la facétie. Cette
physionomie était la plus courante, l’autre
devait être stimulée. »
À partir de 1804, Haydn ne quitta pour
ainsi dire plus la maison qu’il avait acquise
en 1793 à Gumpendorf, un faubourg de
Vienne. Devenu incapable de composer,
malgré les idées qui se pressaient, mais
qu’il n’arrivait plus à mettre en ordre, il
ne fut plus, physiquement, que l’ombre
de lui-même. Un troisième grand oratorio sur le Jugement dernier resta à l’état
de projet. Mais sa maison se transforma
en lieu de pèlerinage. Haydn y vit notamment ses biographes Dies et Griesinger,
Constance Mozart et son fils cadet, Carl
Maria von Weber, les compositeurs Reichard et Tomasek, et, en mai 1808, toute
la chapelle Esterházy, venue sous la direction de Johann Nepomuk Hummel lui
rendre visite à l’occasion d’un concert à
Vienne. Il parut pour la dernière fois en
public le 27 mars 1808, lors d’une audition de la Création, au cours de laquelle
plusieurs musiciens, dont Beethoven, lui
rendirent hommage, et mourut dans sa
maison de Gumpendorf le 31 mai 1809,
quelques jours après la seconde occupation de Vienne par Napoléon (événement
qui semble avoir hâté sa fin). En 1820, ses
restes furent transférés à Eisenstadt, où,
depuis 1954, ils reposent dans un mausolée érigé en 1932 par le prince Paul V
Esterházy (1901-1989).
HAYDN EN SON TEMPS.
Haydn forme avec ses cadets Mozart et
Beethoven (mais il survécut dix-huit ans à
Mozart) ce qu’on appelle la « trinité classique viennoise ». Il n’a rien de ce vieillard
timide dont l’image nous fut léguée par
le XIXe siècle. Contrairement à Mozart,
il se soucia peu des conventions. De son
vivant, on lui reprocha violemment d’avilir son art par son humour et par ses traits
plébéiens. Il fut le type du créateur original. De 1760 à la fin du siècle, l’histoire
de la musique devint de plus en plus la
sienne, et il finit par l’orienter pour cent
cinquante ans. Il ne créa pas le quatuor à
cordes, encore moins la symphonie, mais
il leur donna leurs lettres de noblesse, les
porta au plus haut niveau. Le premier, il se
servit génialement de la « forme sonate »
et en exploita, avec des ressources inépuisables, toutes les virtualités dialectiques,
tant sur le plan du travail thématique que
des relations tonales. De ce point de vue,
Beethoven fut non seulement son plus
grand, mais son unique élève. Comme
Mozart, mais à partir de prémisses autres,
Haydn fit du discours musical l’expression d’une action (et non plus d’un simple
sentiment) dramatique. À sa pensée rapide, concentrée, procédant par ellipses,
synthèse extraordinaire de contraction et
d’expansion, d’essence épique, il dut ses
triomphes dans la symphonie, le quatuor
et l’oratorio, alors que Mozart de son
côté portait vers des sommets insoupçonnés l’opéra et le concerto pour piano. La
longue carrière de Haydn alla de la fin de
l’ère baroque aux débuts du romantisme.
Même vers 1800, alors qu’elle tendait déjà
la main à Schubert, la musique de Haydn
conserva des traces concrètes de ses origines. Les cuivres perçants, la férocité
rythmique, les bonds en avant et les irrégularités formelles de Haydn sont autant
de traits rappelant que, en sa jeunesse,
la musique la plus jouée à Vienne, dans
les églises, en tout cas, était celle de Fux
et de Caldara. Le problème de Haydn fut
d’intégrer ces traits, sans les faire disparaître, dans un équilibre et une cohérence
à grande échelle. Pour Mozart, plus jeune
d’une génération, ce fut en quelque sorte
le phénomène inverse.
EXPÉRIENCES ET RECHERCHES.
Jusque vers 1760, Haydn resta ancré
dans une tradition autrichienne et viennoise issue pour l’essentiel de Fux et de
Caldara, et se distingua parfois à peine de
prédécesseurs comme Georg Christoph
Wagenseil ou de contemporains comme
Florian Gassmann ou Leopold Hoffmann.
Parmi ses premières oeuvres, deux messes
brèves, des sonates pour clavecin, des
divertissements, les dix ouvrages connus
actuellement comme quatuors à cordes nos
0, op. 1 et op. 2 (l’opus 3 n’est pas de lui,
mais sans doute d’un certain Hoffstetter),
et une quinzaine de symphonies, courtes
et pour la plupart en trois mouvements
sans menuet (la 37e de l’édition complète
existait en 1758).
Durant ses premières années chez les
Esterházy (1761-1765), Haydn expérimenta avec fruit, surtout dans le domaine
de la symphonie, et, non sans hésitations,
fixa pour elle le cadre extérieur en quatre
mouvements qui allait prédominer : premier mouvement rapide (avec ou sans
introduction lente), deuxième mouvement lent, troisième mouvement dansant
(menuet), quatrième mouvement rapide.
Dès 1761, il réalisa un coup de maître
avec les symphonies no 6 (le Matin), no 7
(le Midi) et no 8 (le Soir), brillantes synthèses de baroque et de classicisme, et
alla avec les suivantes dans des directions
fort diverses : finales fugués des 13e et 40e
(1763), mélodie de choral de la 22e (le
Philosophe, 1764), parfum balkanique des
28e et 29e (1765), instruments solistes des
13e, 24e (1764), 36e et surtout 31e (Appel
de cor, 1765). Pour faire briller ses musiciens, Haydn écrivit aussi à cette époque
la plupart de ses concertos (certains sont
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
457
perdus). Il y eut aussi, outre les inévitables
partitions de circonstance, l’opera seria
Acide (1762, créé en 1763) et le premier Te
Deum (v. 1763-64).
APPROFONDISSEMENTS.
En 1766 environ, avec le Sturm und Drang,
la production de Haydn s’approfondit
et se diversifia. En huit ans, jusque vers
1773-74, il écrivit quelque vingt-cinq symphonies, dont beaucoup comptent parmi
ses plus grandes : 49e en fa mineur (la Passion, 1768), 44e en mi mineur (Funèbre, v.
1771), 45e en fa dièse mineur (les Adieux,
1772), 46e en si (1772), 47e en sol (1772),
48e en ut (Marie-Thérèse, v. 1769), 51e en
si bémol (v. 1773), 54e en sol (1774), 56e
en ut (1774), 64e en la (v. 1773). Il se préoccupa moins de la nature externe que de
la structure interne de leurs mouvements
et cultiva volontiers un ton fort subjectif : jamais il n’écrivit autant d’oeuvres en
mineur. De la même période datent trois
grandes séries de six quatuors à cordes
chacune (op. 9, v. 1769 ; op. 17, 1771 ;
et op. 20, 1772), de belles sonates pour
piano, telles la 30e en ré (1767), la 31e en
la bémol (v. 1768) et la 33e en ut mineur
(1771), le Stabat Mater (1767), le Salve Regina en sol mineur (1771), quatre messes,
de celle dite improprement Missa Sanctae
Caeciliae (1766) à la Missa Sancti Nicolai
(1772) en passant par la Missa sunt bona
mixta malis (1768, sans doute inachevée)
et la Missa in honorem Beatissimae Virginis Mariae (v. 1769), quatre opéras dont
Lo Speziall (1768) et L’Infedeltà delusa
(1773) et la plupart des compositions
pour baryton. Beaucoup de ces ouvrages
témoignent d’un goût marqué pour les sonorités feutrées, la méditation et la mélancolie (extraordinaires mouvements lents),
les effets étranges et imprévus ; d’autres
sont au contraire d’un éclat exceptionnel.
Pour consolider ces nouvelles conquêtes
expressives et formelles, Haydn eut souvent recours à des procédés contrapuntiques, dont, contrairement à ce qu’on
crut longtemps, la tradition ne s’était en
rien perdue en Autriche depuis la fin du
baroque (trois des six quatuors à cordes
de l’opus 20 se terminent par une fugue,
le menuet de la symphonie no 44 est un
canon).
LE MONDE DE L’OPÉRA.
En 1775 s’ouvrit une période de sept à
huit ans, au cours de laquelle Haydn, sans
abandonner la symphonie, se préoccupa
beaucoup d’opéra. De L’Incontro improvviso (1775) à Armida (1783), il en écrivit
alors sept, ses derniers pour Eszterháza.
Ce genre est un des rares où Haydn ne se
réalisa pas complètement. Mais tous ses
opéras pour Eszterháza sont antérieurs au
Figaro de Mozart (1786), le premier chefd’oeuvre absolu du classicisme viennois
issu de l’opéra bouffe italien. Et rien, dans
la production des autres compositeurs
de l’époque, n’annonce autant les grands
opéras de Mozart que ceux de Haydn
ayant nom La Vera Costanza (1778, rév.
1785), La Fedeltà premiata (1780) ou
Orlando Paladino (1782), en particulier à
cause de leurs vastes finales d’acte. C’est
moins vrai d’Il mondo della luna (1777)
et de l’Isola disabitata (1779). Haydn, qui
en 1787 devait refuser la commande d’un
opéra pour Prague en s’étonnant qu’on
n’ait pas fait appel à Mozart plutôt qu’à lui,
n’avait pas tort en écrivant en mai 1781 à
son éditeur Artaria, à propos de La Fedeltà
premiata : « Je vous assure qu’aucune musique semblable n’a été entendue à Paris,
ni même à Vienne sans doute. Mon malheur est de vivre à la campagne. » En cette
même année 1781 furent écrits « d’une
façon tout à fait nouvelle et spéciale » les
six quatuors à cordes op. 33, les premiers
depuis l’opus 20. À signaler encore des
symphonies comme la 70e (1778-1779), au
finale en forme de triple fugue, ou encore
la 77e (1782) et la monumentale Messe de
Mariazell (1782), une des rares partitions
religieuses de l’époque avec l’oratorio Il
Ritorno di Tobia (1775) et la Missa brevis
sancti Joannis de Deo (v. 1775).
LES GRANDES OEUVRES INSTRUMENTALES.
À partir de 1785 et jusqu’en 1790, la
musique instrumentale domina de nouveau chez Haydn, avec notamment les
onze symphonies nos 82 à 92 destinées à
Paris, les dix-neuf quatuors à cordes op.
42 (1785), op. 50 (1787), op. 54-55 (1788)
et op. 64 (1790), la version originale pour
orchestre des Sept Paroles du Christ (1787),
les deux sonates pour piano no 58 (1789)
et no 59 (1789-90), cette dernière dédiée
à Marianne von Genzinger, et treize trios
pour piano, violon et violoncelle. Durant
ces six années, qui marquèrent un premier
apogée du style classique viennois, Haydn
et Mozart se connurent personnellement
et profitèrent l’un de l’autre, mais leurs
différences s’accentuèrent. Haydn intégra
de plus en plus à son langage des thèmes
et des tournures d’aspect populaire, mais,
paradoxalement, ce langage en devint plus
maniable et savant. Il imprégna ses idées
d’une énergie latente, chargée de conflits,
dont la résolution ne fut autre, chaque
fois, que l’oeuvre elle-même, ainsi projetée
de l’intérieur avec comme moteur principal son propre matériau. Par là, Haydn
révolutionna la musique. Les quatuors de
l’époque, des symphonies comme la 86e
en ré (1786), la 88e en sol (1787), la 92e en
sol, dite Oxford (1789), ou encore la 85e en
si bémol (la Reine) sont, à cet égard, des
modèles insurpassables.
Sous le signe des deux voyages à Londres
(1791 à 1795), Haydn intégra soudain
à la sérénité grave des dernières années
d’Eszterháza des excentricités et une veine
expérimentale dignes de sa jeunesse. Sa
production une fois de plus se diversifia.
Outre les douze Symphonies londoniennes
nos 93 à 104, ses dernières, furent alors
composés les trois sonates pour piano nos
60 à 62, ses dernières également (17941795), les six quatuors à cordes op. 71 et
74 (1793), quatorze admirables et prophé-
tiques trios pour piano, violon et violoncelle, et beaucoup de musique vocale, dont
l’opéra Orfeo ed Euridice (1791, non représenté), le grand air de concert Berenice che
fai ? (1795) et une série de canzonettes sur
textes anglais frayant la voie aux lieder de
Schubert. Faste, virtuosité et profondeur
caractérisent l’ensemble. Toutes les londoniennes sont des chefs-d’oeuvre, mais les
plus connues, comme la 94e (la Surprise),
ou la 100e (Militaire), sont encore surpassées par la 98e, la 99e et surtout par les
trois dernières, créées en 1795 : la 102e en
si bémol, la 103e en mi bémol (Roulement
de timbales) et la 104e en ré (Londres), qui
montrent à quel point confondent structure interne et simples dimensions extérieures ceux qui répètent que, de Beethoven, la symphonie la plus haydnienne est
la première (1800). La descendance des
londoniennes, c’est dans l’Héroïque (1804)
qu’il faut la chercher.
LES GRANDES OEUVRES CHORALES.
Sans compter quelques partitions isolées, comme le concerto pour trompette
(1796), un ultime trio avec piano (1796) et
une série de treize trios et quatuors vocaux
(1796-1799), Haydn couronna sa carrière
par neuf quatuors à cordes - op. 76 (1797),
op. 77 (1799) et op. 103 (1803, inachevé) -,
six messes (1796-1802), la version vocale
des Sept Paroles du Christ (1796) et ses
deux grands oratorios la Création (1798)
et les Saisons (1801). Les neuf quatuors
innovent encore par rapport aux dernières
symphonies : finales en mineur dans des
oeuvres en majeur (op. 76 nos 1 et 3), remplacement du menuet par de véritables
scherzos (op. 76 no 1, op. 77 nos 1 et 2),
hardiesses tonales, harmoniques, polyphoniques et rythmiques inouïes de l’opus
76 no 6 ou de l’opus 77 no 2, pages dont on
a pu dire qu’elles défiaient les critères habituels d’analyse en traitant un matériau
du XVIIIe siècle à la façon du XXe. Les six
messes et les deux oratorios constituent
le pendant haydnien des grands opéras de
Mozart. Le symphoniste s’y manifeste par
l’importance de l’orchestre et l’absence
de stéréotypes formels. Ce ne sont pas de
lâches successions d’épisodes, mais de solides architectures, dont la vitalité ne nuit
en rien à la portée spirituelle. Si les Saisons,
suite de quatre cantates hautes en couleur,
évoquent surtout le premier romantisme,
celui de Weber ou du Vaisseau fantôme de
Wagner, c’est bien Tristan qu’annonce le
prélude de la Création : performance d’au-
tant plus vertigineuse qu’elle émane d’un
maître confondu en ses débuts avec d’obscurs compositeurs autrichiens du milieu
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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du XVIIIe siècle, et que, par-delà son côté
visionnaire, cette représentation du chaos
originel s’inscrit avec cohérence dans la
pensée musicale de Haydn.
L’auteur de la Création enseigna une
nouvelle façon de penser en musique,
et c’est dans la mesure où Beethoven fut
son plus grand disciple et son plus grand
continuateur que, sur le plan personnel, ils
se heurtèrent parfois violemment. Peu de
compositeurs illustrent autant que Haydn
la remarque de Schönberg : « Le matériau
est l’antichambre de l’esprit. » Pour l’approcher et le pénétrer, il n’y a que la seule
musique ; on ne peut s’appuyer sur des
sujets ou des personnages d’opéra comme
avec Mozart, Wagner ou Verdi, ni sur
une exégèse ou une symbolique bibliques
comme avec Schütz ou Bach, cela sans
parler des biographies romancées, dont
ont souffert Beethoven et les romantiques.
Non que sa vie n’ait eu aucune influence
sur son oeuvre. Mais bien plus significative
que les légendes en cours apparaît, pour
cerner la personnalité complexe, souvent
retranchée sur elle-même, de Haydn, la
description de la première audition de la
Création (30 avril 1798), et notamment
du célèbre passage Et la lumière fut, que
donna, une quarantaine d’années après y
avoir assisté, le diplomate suédois Silverstolpe : « Je crois voir encore son visage au
moment où ce trait sortit de l’orchestre.
Haydn avait la mine de quelqu’un prêt à
se mordre les lèvres, soit pour réprimer sa
confusion, soit pour dissimuler un secret.
Et à l’instant précis où pour la première
fois cette lumière éclata, tout se passa
comme si ses rayons avaient été lancés des
yeux brillants de l’artiste. »
HAYDN (Johann Michael), compositeur
autrichien (Rohrau-sur-la-Leitha, BasseAutriche, 1737 - Salzbourg 1806).
Frère cadet de Joseph Haydn, il fut comme
lui (sans doute de 1745 à 1754) petit chanteur à la cathédrale Saint-Étienne de
Vienne. En 1757 au plus tard, il fut nommé
maître de chapelle de l’évêque de Grosswardein en Hongrie (actuellement Oradea Mare en Roumanie). Le 3 septembre
de cette année-là, il copia de sa main à
Vienne la célèbre Missa canonica de Fux,
témoignant ainsi de son goût pour le style
sévère. Il resta à Grosswardein jusqu’en
1762, y composant de nombreux ouvrages
profanes (concertos, symphonies) et religieux, puis entra (au plus tard déb. 1763)
au service du prince-archevêque de Salzbourg, ville qu’il ne devait plus quitter.
Nommé dès le 14 août 1763 premier violon dans l’orchestre de la cour, il épousa
le 17 avril 1768 la cantatrice Maria Magdalena Lipp, créatrice l’année suivante du
rôle de Rosina dans La Finta semplice de
Mozart. Michael Haydn succéda en 1777 à
Adlgasser aux orgues de l’église de la Trinité, en 1781 à Wolfgang Amadeus Mozart au poste d’organiste de la cour et de
la cathédrale, et en 1787 à Leopold Mozart
à diverses fonctions d’enseignement. Il se
rendit deux fois à Vienne, en septembreoctobre 1798, puis en septembre-octobre
1801 : il y rencontra les deux fois son frère
Joseph, et, en 1801, reçut de l’impératrice
plusieurs commandes. Le prince Esterházy lui offrit chez lui le poste de vicemaître de chapelle pour seconder Joseph
vieillissant, mais Michael refusa définitivement au début de 1803, préférant ne pas
quitter Salzbourg, où il mourut en laissant
inachevé son troisième requiem. Grand
musicien, Michael Haydn ne le céda en
son temps, parmi ceux qui évoluèrent
dans l’orbite de Vienne, qu’à son frère et
à Mozart. Par son style, il apparut d’ailleurs plus proche du second que du premier. Il fut et reste surtout célèbre comme
compositeur de musique religieuse, mais
ses oeuvres instrumentales profanes, elles
aussi, sont souvent de toute beauté et ne
manquèrent pas d’influencer Mozart.
Plusieurs furent faussement attribuées à
Joseph, et sa symphonie en sol majeur de
1783 passa longtemps pour la 37e (K. 444)
de Mozart, qui n’en écrivit que l’introduction lente. On lui doit notamment : quarante-trois symphonies, dont la dernière
(en la majeur) du 26 juillet 1789, des sérénades et divertissements ; des musiques de
scène, comme celle pour Zaïre de Voltaire
(1777) ; l’opéra Andromeda e Perseo, sur
un livret probablement dû à Giambattista
Varesco (1787) ; l’oratorio Der bussende
Sünden, deuxième partie d’une trilogie en
collaboration avec Adlgasser et Krinner ;
le singspiel Rebekka als Braut (1766) ; la
pantomine Der Traum (1767 ; le singspiel
Die Hochzeit auf der Alm (1768) ; deux
admirables quintettes à cordres en ut et en
sol majeur (1773) ; des choeurs d’hommes
reconnus comme les premiers du genre ;
une trentaine de messes, dont la Missa
in honorem sanctissimae trinitatis (1754),
la première de toutes, la Missa hispanica
(1786) et la Missa sancti Leopoldi (1805),
sa dernière oeuvre achevée ; et de très
nombreux ouvrages religieux allemands
ou latins, écrits soit en style concertant,
soit en style a cappella. Son requiem en ut
mineur (1771), écrit pour les funérailles
du prince-archevêque Sigismund von
Schrattenbach, devait laisser dans celui
de Mozart des traces très nettes. Cet ouvrage a acquis récemment une célébrité
justifiée, comme la belle symphonie en ré
mineur de 1784. Un catalogue thématique
des oeuvres de Michael Haydn, destiné à
remplacer ceux de Perger (oeuvres instrumentales) et de Klafsky (oeuvres sacrées),
a été réalisé par Charles H. Sherman et T.
Donley Thomas (1993).
Un troisième frère Haydn, Johann
Evangelist (Rohrau-sur-la-Leitha 1743-Eisenstadt 1805), passa sa vie comme ténor
chez les Esterházy, Joseph l’ayant fait
venir auprès de lui après la mort de leur
père (1763).
HAYM (Nicolo Francesco), compositeur
et écrivain italien (Rome 1678 - Londres
1729).
On ignore le nom de ses maîtres. Les premières oeuvres connues de lui, la cantate
Il Reciproco Amore di Tirsi e Clori ainsi
que l’oratorio David sponsae restitutus,
sont datées de 1699, à Rome. Peu après
(1701), il se rendit en Angleterre, où il
entra au service du deuxième duc de Bedford ; il y resta jusqu’à la mort du duc en
1711. Haym joua un rôle important pour
l’introduction de l’opéra italien en Angleterre et écrivit souvent des livrets. Il devint
le collaborateur de Haendel et lui fournit
jusqu’en 1728 les livrets de plusieurs opéras (Teseo, 1713 ; Giulio Cesare 1724). Pour
G. B. Bononcini, il écrivit, avec Salvi, le
livret de Astianatte (1727). On lui doit une
édition du Tasse et de Maffei, ainsi que les
seuls portraits connus de Tallis et de Byrd.
Il a laissé des sonates pour flûte (ou hautbois), des Sonate a tre (Amsterdam, 1703,
1704) et un Dixit Dominus.
HAYNE VAN GHIZEGHEM, compositeur franco-flamand (seconde moitié du
XVe s.).
Il fut à la cour de Bourgogne élève du
chanteur Constans d’Utrecht (1457), puis
chanteur et valet de chambre (au plus tard
en 1467), et participa au siège de Beauvais dans la suite de Charles le Téméraire
(1472). Ensuite on perd sa trace. On possède de lui vingt chansons manuscrites
(Alez regretz, De tous bien playne), dont
certaines publiées plus tard par Petrucci.
HEARTZ (Daniel), musicologue américain (Exeter, New Hampshire, 1928).
Il a étudié à l’Université du New Hampshire à Durham ainsi qu’à Harvard, où
il a présenté sa thèse Sources and Forms
of the French Instrumental Dance in the
Sixteenth Century (1957). il s’est ensuite
largement consacré à la musique de la Renaissance, publiant notamment la monographie Pierre Attaignant, A Royal Printer
of Music : A Historical Study and Bibliographical Catalogue (1969), avant de se tourner pour l’essentiel vers le XVIIIe siècle (en
particulier dans le domaine de l’opéra),
publiant sur ce sujet de très nombreux
articles ainsi que les ouvrages Mozart’s
Operas (1990) et Haydn, Mozart and the
Viennese School 1740-1780 (1995).
HEBENSTREIT (Pantaleon), inventeur,
violoniste, pédagogue et compositeur
allemand (Eisleben 1667 - Dresde 1750).
Voulant perfectionner le tympanon sur
lequel il accompagnait des danses de village, il développa un instrument couvrant
cinq octaves avec lequel il partit en tourdownloadModeText.vue.download 465 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
459
née à Berlin, Dresde, Leipzig et Weissenfels (où en 1698 il fut nommé maître de
danse du duc Johann Georg). Lorsqu’en
1705 il se produisit à la cour de France,
Louis XIV donna à cet instrument sans
nom celui de son inventeur : Pantaléon.
De cet ancêtre du pianoforte, la popularité déclina fortement lors de l’essor de ce
dernier à la fin des années 1720, d’autant
que Hebenstreit s’était jalousement assuré
l’exclusivité de son invention. De 1714 à sa
mort, il occupa divers postes à la cour de
Dresde, dont ceux de pantaléoniste et (à
partir de 1734) de directeur de la musique
de cour protestante.
HÉBRAÏQUE (MUSIQUE).
C’est par les écrits bibliques et leurs nombreuses références musicales que nous
pouvons nous faire une idée sur la musique des anciens Hébreux. Néanmoins,
si de nombreux passages citent des instruments de musique ou l’organisation
musicale à l’intérieur du Temple, le fait
d’avoir une idée précise quant au contenu
même de cet art paraît impossible, car il
ne reste aucun document écrit concernant
la théorie ou l’éventuelle notation de cette
musique. Par ailleurs, il faut souligner
deux réalités vivantes : la transmission
de la musique hébraïque, qui s’est faite
essentiellement par voie orale à travers
les siècles, et l’importance qu’occupe la
musique religieuse au point que toutes les
manifestations musicales juives jusqu’à la
fin du XVIIIe siècle ont un caractère religieux.
LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE.
La première mention d’instruments de
musique apparaît dans la Genèse (IV,
21) et prouve que déjà deux catégories
d’instruments - à cordes (représentés
par le kinnor) et à vent (représentés par
l’ougab) - étaient bien implantées dans la
vie des Hébreux. Par ailleurs, la musique
jouait un grand rôle à l’intérieur du
Temple et, bien que le fait d’avoir admis
des instruments dans le culte du premier
Temple (détruit en 587 av. J.-C.) soit problématique, nous avons des témoignages
sur l’orchestre cultuel institué par David,
à savoir : parmi les lévites, trois cymbaliers
(mesiltayim), huit joueurs de nebel (famille
des harpes-psaltérions) et six joueurs de
kinnor (famille des lyres) ; parmi les
prêtres, sept trompettistes (Chroniques
XV, 16-24). Une classification des instruments de la Bible nous donne les résultats suivants : 1)parmi les idiophones : les
cymbales, le sistre, le triangle et
les castagnettes ; 2)parmi les membranophones : le tambourin (tôf) ; 3)parmi les
aérophones : l’ougab ou halil (représentant
les types de flûte et d’instruments à anche
simple ou double), la trompette (haçocera)
et la corne (shofar) remplissant une fonction cultuelle pour l’annonce du nouvel
an, des fêtes, etc. (le shofar est encore utilisé pendant les offices nationaux du jour
de l’an et à l’issue du Grand Pardon) ; 4)
parmi les cordophones : le kinnor et le
nebel déjà cités ainsi que tous les autres
instruments de la famille des harpes-psaltérions ou ceux de la famille des luths.
Tous ces instruments cesseront d’être utilisés à partir du moment où le culte sacrificiel cède la place à la prière. Désormais
(après la destruction du second Temple en
70 apr. J.-C.), seul le chant sera l’expression de la musique religieuse et liturgique.
LA MUSIQUE RELIGIEUSE DE LA DIASPORA.
La synagogue remplace le Temple et dans
cet édifice, précisément, il y a obligation
de faire la lecture publique de la Bible
en chantant. Dès l’époque talmudique
(qui s’achève à la fin du Ve s. apr. J.-C.),
le hazzan est employé comme chantre
professionnel de la synagogue et la psalmodie ainsi que la cantilation biblique sur
des formules mélodiques modales sont
une réalité. Après l’époque talmudique,
ce sont les massorètes, docteurs juifs, qui
ont élaboré les systèmes de notation des te
‘amîm (« accents bibliques »), achevés vers
le Xe siècle. Tout comme la vocalisation du
texte de la Bible, ces accents fixent la cantilation biblique, qui est jusqu’alors une
tradition orale. Cependant, les te ‘amîm
ne sont encore que des formules mnémotechniques sur des modes traditionnels
(à l’instar des premiers signes ekphonétiques de la musique byzantine). Il faudra
attendre le XIIe siècle pour découvrir le
manuscrit de la plus ancienne véritable
notation musicale juive. C’est l’oeuvre
d’Abdias, un prosélyte normand qui a noté
la musique de cinq versets bibliques (Jérémie XVII, 7 ; Prov. III, 5 ; III, 6 ; III, 13 ;
Job V, 17), un piyyût (poésie religieuse),
qui est un Éloge de Moïse, et un fragment
final d’un autre piyyût non identifié et qui
montre la vogue de ces poésies religieuses
à l’époque ainsi que le rôle grandissant du
hazzan comme chantre professionnel de
la synagogue. Le second document de musique notée remonte au XVe siècle (v. 1430)
et contient un fragment du Cantique de
Salomon.
À partir du XVIe siècle, on introduit
la musique savante dans la synagogue et
on instaure le chant choral à plusieurs
voix. En 1622-23 apparaît à Mantoue un
important recueil de psaumes, prières
et cantiques religieux pour trois, quatre,
cinq, six, sept et huit voix, composés par
Salomon Rossi (v. 1570-1628). En même
temps, le mouvement cabalistique de
Safed (dont nous parlons plus loin dans
le cadre de la musique populaire) donne
un nouvel essor à la musique religieuse
hébraïque, tout comme le chant ashkenaze, influencé par des éléments du chant
slave ou oriental. À partir du XVIIIe siècle,
l’influence de la musique savante pèse sur
l’expression musicale des hazzanîm. Dès
1822 à Paris et 1826 à Vienne est instauré
l’usage des choeurs à quatre voix dans la
synagogue ; l’orgue y est introduit également. De nombreux compositeurs juifs
écrivent de la musique synagogale. Néanmoins, certains d’entre eux, comme Salomon Sulzer (1804-1890), Samuel Naumbourg (1817-1880) et, à un moindre degré,
Louis Lewandowski (1823-1894) s’efforcent de conserver le chant traditionnel
ou de l’amalgamer au style de la musique
de l’époque. Plus près de notre époque,
Ernest Bloch (1880-1959) compose un
Service sacré, oratorio pour solo, choeur
et orchestre, créé à Paris en la Synagogue,
rue de la Victoire, sous la direction de
l’auteur. Enfin, Darius Milhaud (18921974) compose aussi un Service sacré en
1947 pour baryton, récitant, choeurs et
orchestre ou orgue, créé à San Francisco
en 1949, au temple Emanu-El. L’oeuvre est
librement inspirée du chant traditionnel
juif et adopte le texte hébreu des livres de
prières. En même temps, des ethnomusicologues commencent, à partir du début
du XXe siècle, à recueillir des mélodies
traditionnelles sur des bases scientifiques
et aident ainsi la recréation d’un style
authentique du chant synagogal. De nos
jours, des efforts dans ce sens sont poursuivis en Israël et aux États-Unis.
LA MUSIQUE POPULAIRE.
La musique populaire hébraïque trouve
ses origines dans les temps les plus reculés de son histoire, car le chant populaire
qui en est l’expression la plus tangible a
été pratiqué et vénéré depuis toujours
si l’on se rapporte aux témoignages de
la Bible. Ainsi, parmi les plus anciennes
cantilations populaires, on peut admettre
celle de Déborah (Juges V, 2-31), celle
de Lamech (Genèse IV, 23-24), celle du
puits (Nombres XXI, 17-18), celle de la
mer Rouge (Exode XV, 2-19) ou le chant
funèbre de David (II Samuel I, 19-27).
Pour ce qui est de la chanson populaire
actuelle, l’élément le plus frappant reste le
mélange d’une musique authentiquement
populaire avec des éléments historiques de
différentes musiques étrangères. Ce mélange rend l’identification des traditions
musicales populaires actuelles, vis-à-vis
de leurs prototypes anciens, très difficile.
Quoi qu’il en soit, on peut dire que les plus
anciennes chansons populaires connues
encore aujourd’hui plongent leurs racines
dans la poésie populaire mystique, semireligieuse ou messianique du Moyen Âge.
Le XVIe siècle verra l’apparition d’une
nouvelle phase du chant populaire grâce
au mouvement cabalistique de Safed,
en Galilée, dont le poète-chantre le plus
connu fut Israël Nagara (v. 1555-1625).
Ses cantiques adoptent des mélodies
populaires connues, issues des traditions
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
460
arabe, turque, grecque et espagnole et sont
classés selon l’ordre des maqamât arabes.
Toutes les traditions actuelles de chant
populaire émanent bien entendu des communautés juives orientales, à savoir : géorgienne, kurde, samaritaine, karaïte, irakienne, iranienne, de Boukhara, d’autres
communautés moins importantes et surtout du Yémen. Cette dernière communauté reste la source la plus importante
du chant populaire juif, due sans doute à
une vie communautaire ininterrompue de
presque 2 500 ans au milieu de cultures
arabes. Le centre d’intérêt des traditions
populaires musicales yéménites est le
mariage et les chansons qui s’y réfèrent.
On peut discerner à travers ces manifestations un symbolisme latent, à savoir le
constant dialogue entre Dieu (représenté
par le fiancé) et Israël ou l’âme humaine
(représentée par la fiancée).
On peut diviser la musique séculaire et
populaire juive en deux branches : celle
des juifs séfardim et celle des juifs ashkenaze. La première branche compte la
période ibérique (du premier millénaire
av. J.-C. à 1492 et 1497, dates de l’expulsion des juifs d’Espagne et du Portugal),
la période de la diaspora séfardique et
celle du romancero judéo-espagnol, dont
les chants peuvent être classés en deux
catégories : les romances et les cantigas.
Les romances sont des poésies assonancées sans forme strophique ; les cantigas
sont toujours composées en strophes,
généralement assonancées et suivies souvent par des refrains. La seconde branche
comprend les juifs de l’Europe de l’Ouest
(généralement allemands) et ceux de l’Europe de l’Est (polonais, russes, hongrois,
etc.). C’est précisément dans ces contrées
de l’Est que la chanson populaire juive
trouva un nouvel essor à partir du milieu
du XVIIIe siècle, grâce au mouvement néomystique du hassidisme. Le support stylistique des mélodies hassidiques, dont le
centre d’intérêt est la mélodie vocale sans
texte, est basé sur des formules anciennes
de chants et de prières orientaux, russes,
hongrois, allemands, roumains ou ukrainiens, sans pour autant négliger des adaptations de pièces instrumentales et même
des marches ou vaudevilles. L’intérêt du
chant populaire juif s’est accru pendant
le XXe siècle, grâce aux efforts de quelques
musicologues qui ont commencé à recueillir sur place et à publier des mélodies
liturgiques ou non des différentes communautés. Abraham Zvi Idelsohn (18821938) a été un pionnier dans ce domaine.
Son Hebraïsh-orientalisher Melodien-Shatz
(10 vol., Leipzig, 1914-1932) contient des
milliers de mélodies liturgiques ou religieuses qui donnent un aperçu non seulement du chant cultuel, mais aussi du
chant populaire ou du chant juif tout simplement.
LA MUSIQUE ISRAÉLIENNE.
L’histoire de la musique israélienne ne
commence qu’après 1880, date de la
migration massive de juifs en Palestine.
En 1910 est fondée la première école de
musique à Tel-Aviv ; en 1924 est créé
le premier opéra « israélien « : les Pionniers de Jacob Weinberg (1879-1957) ; en
1936 naît le Palestine Symphony Orchestra (actuellement Israel Philharmonic
Orchestra), créé par le célèbre violoniste
Bronislav Hubermann ; puis, petit à petit,
apparaissent toutes les autres institutions
musicales israéliennes (festivals, concours
internationaux, instituts, associations,
etc.), dont l’une des dernières a été la création du concours international de piano
Arthur-Rubinstein (1974).
La source d’inspiration des compositeurs israéliens est, dès le départ, multiple : la chanson populaire juive de l’Eu-
rope de l’Est, des éléments mélodiques de
la cantilation biblique, ainsi que les traditions musicales des pays d’origine des
compositeurs.
La vieille génération est représentée par
des noms comme ceux de Salomon Rosowsky (1878-1962), Yizhak Edel (18961973), Joachim Stutschewsky (1891),
Erich-Walter Sternberg (1891-1974),
Joseph Kaminsky (1903-1972), Abraham Dazs (1902-1974), Karel Salomon
(1897-1974), Mark Lavry (1903-1967),
Alexandre Uria Boscovich (1907-1964)
et, surtout, Paul Ben-Haim (1897), peutêtre le compositeur le plus représentatif
de l’école dite est-méditerranéenne. La
caractéristique de cette école réside dans
l’utilisation d’éléments de la cantilation
biblique et des héritages folkloriques et
traditionnels des peuples du MoyenOrient, à savoir des mélodies mélismatiques, des rythmes compliqués et une
saveur spéciale qui caractérise aussi bien
la tradition israélienne que celle des
pays avoisinants et même celle des pays
comme la Grèce ou la Turquie. Tous les
compositeurs cités de cette génération se
partagent, en tout cas, deux types d’expression musicale : soit un style influencé
par le folklore de l’Europe orientale, soit
un langage imprégné par les traditions
orientales citées plus haut. Toujours est-il
qu’un certain style postimpressionniste et
une tendance vers l’expressionnisme sont
évidents.
Une transition est faite par certains
compositeurs, comme Odoen Partos
(1907-1977), qui, après avoir adhéré à
l’école est-méditerranéenne, se tourne
(dans les années 1960) vers le dodécaphonisme et la musique sérielle, créant une
synthèse entre un expressionnisme évident et un approfondissement de la structure des musiques du Moyen-Orient.
La génération suivante est marquée par
quelques compositeurs qui se sont efforcés de trouver une solution individuelle
aux problèmes de l’expression musicale
israélienne, créant une synthèse entre une
musique d’avant-garde et des traditions
du Moyen-Orient. Abel Ehrlich (1915) ou
Zvi Avni (1927) sont, parmi d’autres, des
représentants de cette tendance. Leur précurseur immédiat a été Joseph Tal (1910),
qui fonde en 1961 le premier studio en
Israël pour la reproduction de la musique
électronique. Par ailleurs, les tendances
actuelles sont représentées par des compositeurs comme Noam Sheriff (1935),
Yehuda Yannay (1937), Michael Barolsky
(1947) ou Ron Kolton (1951).
HECKELPHONE.
Du nom de son inventeur, le facteur allemand Wilhelm Heckel (1856-1909), qui
le mit au point en 1904. C’est une forme
améliorée, descendant au la1, du hautbois
baryton. Le heckelphone, sonnant une octave plus bas que le hautbois ordinaire, n’a
guère été employé que par Richard Strauss
dans Salomé et par Paul Hindemith.
HEGAR, famille de musiciens suisses.
Friedrich, violoniste et compositeur (Bâle
1841 - Zurich 1927). Fils d’un marchand de
musique, il fit ses études à Leipzig, occupa
divers postes, puis se fixa à Zurich en 1862
et donna une grande impulsion à la vie
musicale de la cité, dirigeant sa Société
chorale pendant trente-sept ans et l’orchestre de la Tonhalle pendant quarante
et un ans, fondant en 1875 une école de
musique (futur conservatoire) qu’il devait
diriger jusqu’en 1914. Ami de Brahms,
il a composé de la musique chorale, des
oeuvres symphoniques et de chambre ainsi
que l’oratorio Manasse (1888).
Johannes, violoncelliste, fils du précédent (Zurich 1874 - Munich 1929). Il enseigna à partir de 1904 à Francfort, puis à
partir de 1912 à l’Académie de musique
de Munich.
HEGEL (Georg Wilhelm Friedrich), philosophe allemand (Stuttgart 1770 - Berlin
1831).
Étudiant à partir de 1788 à Tübingen,
Hegel s’enthousiasma pour le romantisme naissant avant d’adopter les idées
de la Révolution française. Enseignant
dès 1805, il écrivit son ouvrage décisif, la
Science de la logique, de 1812 à 1816. À ses
écrits, dont le plus systématique est sans
doute le Précis de l’encyclopédie des sciences
philosophiques (1817), il faut ajouter la
publication, après sa mort, de ses cours à
l’université de Berlin, qui complètent l’exposé de son système. Dans celui-ci, Hegel
définissait la philosophie comme l’histoire de la conscience prenant conscience
d’elle-même. Visant à retracer l’organisation complète du savoir, il faisait de l’art
l’une des expressions de l’esprit dans sa
recherche de la vérité et de l’absolu. Mais,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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si le but de l’art est la représentation sensible du beau, il n’a pour contenu qu’un
certain degré spirituel de la vérité et est,
d’une façon assez traditionnelle, inférieur
à la science. Selon le degré d’adéquation
de l’idée à la forme, Hegel distingue trois
aspects de l’art, en correspondance avec
son histoire. Le dernier et le plus élaboré
est celui de l’art romantique, dans lequel il
convient de ranger la peinture, la musique
et la poésie. La musique se voit donc attribuer une place privilégiée dans l’esthétique de Hegel, juste avant l’élément parfait, la poésie, dans lequel l’esprit est libre
en soi, et une vocation particulière, qui est
de pouvoir exprimer le sentiment dans
son devenir sans le secours des concepts.
À partir de Hegel se profile l’idée que la
musique au sein des arts procède selon des
lois qui lui sont propres et qu’il existe une
pensée spécifiquement musicale. Son Esthétique, publiée en 1832, prépare de cette
façon la voie aux romantiques, à Schopenhauer, à Nietzsche, puis aux conceptions
esthétiques modernes.
HEGER (Robert), chef d’orchestre et
compositeur allemand (Strasbourg
1886 - Munich 1978).
Élève de F. Stockhausen à Strasbourg, de
L. Kempter à Zurich et de M. Schillings
à Munich, il mena à partir de 1907 une
brillante carrière de chef de théâtre dans
d’importantes villes allemandes. Comme
compositeur, on lui doit notamment trois
symphonies et le mélodrame Die Jüdin von
Worms.
HEIDSIECK (Éric), pianiste français
(Reims 1936).
Il étudie à l’École normale de musique de
Paris puis au Conservatoire de Paris dans
la classe de M. Ciampi, où il obtient un
1er Prix en 1954. Il se perfectionne ensuite
auprès de Wilhelm Kempff et Alfred Cortot. En 1960, il fonde avec sa femme Tania
un duo de piano, donnant de très nombreux concerts. Il se produit également
avec Paul Tortelier. Son répertoire com-
prend un très grand nombre de concertos.
Salué par la presse comme « l’homme des
intégrales », il donne des séries de concerts
avec les trente-deux sonates de Beethoven,
les seize suites de Haendel ou encore l’intégrale de l’oeuvre pour piano de Fauré. Il
enseigne au Conservatoire national supérieur de Lyon et donne des master-classess
aux États-Unis et au Japon.
HEIFETZ (Jascha), violoniste américain
d’origine russe (Wilno, Lituanie, 1901 Los Angeles 1987).
Il étudie le violon dans sa ville natale avec
E. D. Malkin et fait rapidement sensation
comme enfant prodige. Il entre ensuite
au conservatoire de Saint-Pétersbourg
dans la classe de Nalbandyan, assistant
de L. Auer, puis dans celle de Auer luimême. À l’âge de dix ans il donne des
concerts à Saint-Pétersbourg, Odessa,
Kiev, Pavlovsk. Il joue en 1913 le concerto
de Tchaïkovski à Berlin, sous la direction
d’Arthur Nikisch. Heifetz accompagne
Auer en Scandinavie et s’y produit à plusieurs reprises. Aux États-Unis, il fait avec
succès ses débuts au Carnegie Hall le 27
octobre 1917. Désormais, il conquiert les
publics de tous les continents, faisant une
exceptionnelle carrière internationale.
Il possède une technique prodigieuse et
un jeu à la fois dynamique et élégant. Il a
également fait de la musique de chambre
avec W. Primrose et G. Piatigorsky, ainsi
qu’avec Brooks Smith. Plusieurs compositeurs contemporains ont écrit des concertos à son intention (William Walton,
Louis Grueneberg, Joseph Achron).
HEILLER (Anton), organiste, claveciniste et compositeur autrichien (Vienne
1923 - id. 1979).
Il suit des cours de B. Seidhofer (clavecin et orgue) et de Reidinger (composition) à la Musikakademie de Vienne, où
il enseigne lui-même l’orgue à partir de
1945. En 1952, il remporte le premier prix
au concours d’improvisation de Haarlem.
En tant que compositeur, il a assimilé les
influences de Johann Nepomuk David, de
Stravinski et de Hindemith, et il s’est forgé
un style très personnel, qui montre une
prédilection pour la musique religieuse
(10 messes dont un Requiem ; PsalmenKantate pour solos, choeurs et orchestre ;
Psaume XXXVII ; Stabat Mater). Comme
claveciniste, on lui doit un enregistrement
des huit Suites de Haendel qui demeure un
modèle de goût et de maîtrise technique.
HEINE (Heinrich), écrivain et poète allemand (Düsseldorf 1797 - Paris 1856).
Dans l’histoire du mouvement romantique, Heinrich Heine peut apparaître
comme le fossoyeur d’un certain idéal
(qui le charme pourtant par sa naïveté)
et le prophète des temps nouveaux (qui
l’inquiètent pourtant) ; il est en fait celui
que la structure de ses névroses rendait le
plus sensible à la crise historique de son
temps, qu’il analysa de la même façon que
sa propre maladie. Cet intellectuel bourgeois (mais qui sera, sa vie durant, considéré par sa famille comme un parasite),
déchiré entre un monde qu’il méprise,
mais dont il vit, et des révolutions sociales
dont il prophétise la violence, mais dont la
médiocrité probable l’effraie, a entretenu
avec le romantisme un rapport ambigu.
Lui, qui célèbre la religion du malheur, les
amants captifs de leur maîtresse jusqu’à
la mort, moque dans l’École romantique
(1833-1835) le culte de la souffrance, le
mysticisme renaissant, le goût du passé.
En fait, il s’en prend surtout au détournement que fait subir à ces sentiments
l’Allemagne de son temps, qui a, selon lui,
perdu tout contact avec ses origines. Son
ironie cruelle, qu’il exerce aussi contre
lui, éclate dans ses Reisebilder, « Impressions de voyage », qui serviront de modèle
à de nombreux journalistes amateurs
préoccupés d’adresser, de l’étranger, des
mises en garde à leur patrie. Wagner fait
partie de ceux-là, ce même Wagner qui
reconnaîtra chez Heine un grand frère en
errance et inquiétude, tout autant qu’en
souffrance du corps, et lui empruntera
le sujet du Hollandais volant. Mais là où
Heine dépasse le romantisme, c’est en ce
qu’il ne met jamais fin en lui-même au
débat des êtres qui l’habitent. Là où ses
contemporains succombent ou subliment
leurs contradictions, mais n’en supportent
jamais l’expression forcenée, il trouve son
naturel, son unité. Dans la négation absolue de la médiocrité qu’il côtoie, il cherche
les fondements d’un nouvel humanisme.
En cela, il annonce le Nietzsche du Crépuscule des idoles, avec lequel, d’ailleurs,
il partage l’aiguillon de la maladie : corps
débile, sens avides, intelligence trop vaste ;
ce comédien de lui-même, narcissique
comme tous ceux qui souffrent, nourrit en
lui le démon de l’analyse. Tout est passé
au crible : tout est matière à doute, à l’enchevêtrement des enthousiasmes et de la
dérision. Comment affirmer, quand on vit
quotidiennement sa propre déchéance ?
C’est Schumann, lui-même angoissé par
le thème du double, qui a le mieux servi
Heine (les Amours du poète, Cycle de lieder op. 24, les Deux Grenadiers, etc.). Mais
Schubert, encore que plus à l’aise dans
d’autres ambiances, a donné les chefsd’oeuvre que sont le Sosie (Der Doppelgänger) et les six poèmes figurant au Chant
du cygne. Bien d’autres, comme Brahms
(Soir d’été), y ont moins brillé : Wolf ne
s’y retrouvait point, Mendelssohn en a,
non sans talent, adouci le mordant, Liszt,
musicien, s’y est montré bavard. Quant à
Wagner, il fallait qu’il eût faim pour composer lui aussi les Deux Grenadiers.
HEINICHEN (Johann David), compositeur et théoricien allemand (Krössuln,
près de Weissenfels 1683 - Dresde 1729).
Élève de Schelle et de Kuhnau à Leipzig, il séjourna en Italie de 1710 à 1716,
et en 1717 devint maître de chapelle de
l’Électeur de Saxe à Dresde. Il composa
des opéras et de la musique religieuse et
instrumentale, et est l’auteur d’un des plus
importants traités de l’époque baroque
(Der General-Bass in der Composition,
1728).
HEININEN (Paavo), compositeur finlandais (Järvenpää 1938).
Après de brillantes études à l’Académie
Sibelius, à la Staatliche Hochschule de
Cologne (avec Bernd Aloïs Zimmermann)
et à la Juilliard Academy de New York,
Heininen s’impose en Finlande comme
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
462
une des plus intéressantes personnalités,
à la fois reconnue et discutée, de sa génération. Compositeur précoce, il évolue à
partir d’un langage relativement traditionnel, puis, attiré par le sérialisme, il
développe un système d’écriture de plus
en plus complexe, inséparable d’une pensée esthétique et philosophique qui guide
l’acte compositionnel. À côté d’oeuvres
ambitieuses pour l’orchestre, d’une écriture riche et parfois difficile (Preambolo
op. 4, 1959 ; Tripartita op. 5, 1959 ; Sog-
getto op. 10, 1963 ; Adagio op. 12, 19631966 ; Concerto pour piano no 2 op. 15,
1966 ; Symphonies no 3 op. 20, 1969 et no
4 op. 27, 1971), il développe parallèlement un style non moins complexe, mais
où il libère une grande force expressive et
parfois même incantatoire (Cantico delle
creature op. 17, 1968 ; The Autumns pour
choeurs op. 22, 1970 ; Poesia squillante
ed incandescente op. 32a, 1974 ; Préludes,
études, poème op. 32b, 1974 ; Quatuor op.
32c, 1974). Les plus incontestables réussites dans la petite forme sont ses quatre
séries de Discantus (1965-1976) et ses
Cantilènes (1970) pour instruments seuls,
d’une grande pureté de langage et d’expression. En 1977, une évolution de son
style lui fait abandonner les constructions
sérielles et numérales pour essayer de représenter mieux encore un monde où les
timbres, l’harmonie, le rythme et la forme
pourraient être englobés dans un système
polydimensionnel (Reality, 1978 ; Dia,
1979 ; Cor meum, 1979). Parmi ses oeuvres
récentes, un concerto pour saxophone
(1983) et un pour violoncelle (1985), le
concerto pour chanteurs, instrumentistes,
mots, images et mouvements le Tambour
de soie (1981-1983) et l’opéra le Couteau
(Helsinki, 1989).
HEISE (Peter Arnold), compositeur danois (Copenhague 1830 - Tårbaek 1879).
Comme la grande majorité des compositeurs danois, il va se perfectionner à
Leipzig (1852-53). Considéré comme
le successeur de C. E. F. Weyse, il est le
maître incontesté de la mélodie romantique danoise et il utilise avec sensibilité
les poèmes strophiques d’Oehlenschläger,
de C. Winther, de C. Hauch, de B. S. Ingemann et de F. Paludan-Müller. Bien qu’il
ait également écrit de la musique instrumentale (pièces pour piano, musique de
chambre, une symphonie), son ouvrage
le plus important reste l’opéra Drot og
Marsk (« le Roi et le Maréchal », 1878),
à la charnière entre le singspiel, alors traditionnel au Danemark, et le style moderne de l’opéra européen cosmopolite.
Quelques influences de la tradition de
Leipzig (Schumann et Mendelssohn) et
accessoirement de Wagner (Lohengrin)
ne diminuent pas les qualités d’une oeuvre
qui, en tant que synthèse du classicisme et
du romantisme, apparaît typique du style
danois de l’époque.
HEISS (Hermann) [pseud. Georg Frauen-
felder], compositeur et pédagogue allemand (Darmstadt 1897 - id. 1966).
Il étudia à Francfort, puis à Vienne, où il
contribua à la rédaction de l’ouvrage de J.
M. Hauer Zwölftontechnik (1926), avant
d’en recevoir la dédicace. Il eut ensuite des
contacts avec Schönberg à Berlin. Fixé à
Darmstadt, professeur de théorie à l’École
militaire de musique de Francfort en 1941,
il enseigna dès 1946 aux cours d’été de
Darmstadt et y reçut en 1955 la direction
d’un studio de composition électronique,
discipline à laquelle, à partir de 1962, il
consacra la totalité de son enseignement.
Ses oeuvres antérieures à 1944 furent à
peu près toutes détruites dans les bombardements de Darmstadt (1944). Heiss a
écrit ensuite le ballet électronique Die Tat,
d’après Crime et Châtiment de Dostoïevski (1961), Variable Musik pour bande
(1966), ainsi que de nombreuses oeuvres
scéniques ou radiophoniques. On lui doit
aussi plusieurs écrits théoriques.
HEISSER (Jean-François), pianiste français (Saint-Étienne 1950).
Au Conservatoire de Paris, il est l’élève
de V. Perlemuter, M. Ciampi, P. Pasquier
et H. Puig-Roger, et obtient notamment
un 1er Prix de piano en 1973. En 1974, il
remporte le 1er Prix du Concours Jaen
(Espagne) et celui du Concours Vianna
da Motta, se produisant dans les années
qui suivent en soliste ou en duo avec Régis
Pasquier. En 1976, il est engagé comme
soliste du Nouvel Orchestre philharmonique de Radio France, où il demeure
jusqu’en 1985. En 1986, il est nommé professeur d’accompagnement au Conservatoire de Paris, et en 1990, professeur de
piano et de musique de chambre. Parallèlement au répertoire romantique et moderne, il s’intéresse fortement à la création contemporaine, créant des oeuvres de
Bancquart, Dao, etc.
HELDENBARITON (all. : « baryton héroïque »).
Terme s’appliquant à des voix d’un caractère assez mal défini, dont la tessiture se
situe dans la moyenne.
HELDENTENOR (all. : « ténor héroïque »).
Terme s’appliquant à des voix allant
moins loin vers l’aigu que le simple ténor,
mais d’autant plus puissantes (Florestan
dans Fidelio, Don José dans Carmen, le
tambour-major dans Wozzeck, Alwa dans
Lulu et plus encore Tristan dans Tristan
et Isolde, Siegmund et Siegfried dans l’Anneau, Otello dans l’ouvrage du même nom
de Verdi).
HELDY (Fanny), soprano belge, naturalisée française (Ath, près de Liège, 1888 Paris 1973).
Elle fit ses débuts au théâtre de la Monnaie de Bruxelles en 1910. Engagée à
Paris en 1917, elle fit une grande carrière
dans l’opéra et l’opéra-comique jusqu’à
la Seconde Guerre mondiale. Elle chanta
avec succès Louise et Mélisande à la Scala
de Milan sous la direction de Toscanini,
et Manon à Covent Garden. Elle créa en
outre de nombreux ouvrages : Antar de
Gabriel Dupont, la Tour de feu de Sylvio
Lazzari, le Marchand de Venise de Reynaldo Hahn, l’Aiglon de Jacques Ibert et
Arthur Honegger. Sa voix était celle d’un
soprano lyrique au registre aigu d’une
extrême pureté, au médium un peu nasal.
Mais c’est surtout par ses dons musicaux
et sa présence scénique qu’elle forçait
l’admiration. Fanny Heldy fut une Thaïs
mémorable et une remarquable Violetta
dans la Traviata.
HELFERT (Vladimir), musicologue
tchèque (Plánice, Bohême, 1886 - Prague
1945).
Il fit ses études avec O. Hostinsky à Prague,
avec J. Wolf, J. Strump et H. Kretzschmar
à Berlin, où il soutint sa thèse en 1908 : G.
Benda et J.-J. Rousseau. Professeur de musicologie à l’université de Brno jusqu’en
1939, il fut aussi directeur de la Société
symphonique de cette ville et rédacteur en
chef de la revue Hudebni Rozhledy à partir de 1924. Connu pour ses travaux sur
Benda, Janáček et Smetana, il a consacré la
plupart de ses ouvrages - monographies et
articles de revues internationales - à l’histoire de la musique tchèque, notamment
aux XVIIIe et XXe siècles, et à l’enseignement musical en Tchécoslovaquie. Il collabora également avec O. Pazdirek à un
Dictionnaire de la musique (en tchèque ;
2 vol., 1929, 1933-1941) et avec E. Steinhardt pour une Histoire de la musique
dans la République tchécoslovaque (Prague,
1936).
HELFFER (Claude), pianiste français
(Paris 1922).
Il étudia le piano avec Robert Casadesus
et donna son premier récital en 1948. Il
effectua ensuite des tournées en Europe,
en Amérique latine (1962), aux États-Unis
et au Canada (1966) ainsi qu’en U. R. S. S.
(1968). Interprète de Beethoven et également de musique contemporaine, il a créé
des oeuvres d’Amy, de Boulez, de Berio,
de Boucourechliev, de Stockhausen, de
Xenakis. Il fait aussi autorité dans Bartók,
Ravel, Debussy et Schönberg. Parmi ses
disques, retenons des intégrales de ces
trois derniers compositeurs ainsi que les
trois sonates pour piano de Boulez.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
463
HELGASON (Hallgrimur), compositeur
et musicologue islandais (1914).
Après ses études à Reykjavík, à Copenhague, à Leipzig et à Zurich, notamment
avec W. Burkhard, P. Hindemith et N.
David, il présente en 1954 à l’université de
Zurich sa thèse de doctorat sur les chants
de héros en Islande depuis 1350. Conférencier, musicologue, chef de choeurs,
pianiste et professeur, il est également
un compositeur fécond et apprécié, qui
s’exprime en un langage dont le contrepoint et le style modal sont les principales caractéristiques. La majorité de ses
oeuvres est instrumentale : des sonates, de
nombreuses partitions pour orchestre à
cordes - notamment des Variations sur un
thème islandais (1941), Fantasi et Suita arctica (1949) -, des oeuvres pour orchestre,
ouverture de Snorri Sturluson (1940), Rapsodi (1963). Il faut signaler également les
200 arrangements qu’il a réalisés sur des
chants islandais populaires.
HELLENDAAL (Pieter), organiste et
compositeur néerlandais (Rotterdam
1721 - Cambridge 1799).
Dès l’âge de onze ans, il est organiste à
Utrecht. Il voyage en Italie et étudie le violon à Padoue avec Tartini (1738-1743). Il
reprend ses études à l’université de Leyde
(1749-1751). En 1752, il se fixe en Angleterre, où il poursuit une double carrière
d’organiste et de compositeur (à Londres,
puis à King’s Lynn [Norfolkshire] et à
Cambridge). Il est le seul compositeur
néerlandais de sa génération qui ait fait
carrière hors de son pays et connu une
célébrité par ses oeuvres. Ses concertos
grossos, conçus dans le sillage de ceux
de Haendel, étaient considérés comme
dignes d’eux. Éditeur de ses propres
oeuvres, Hellendaal a laissé une collection
de psaumes, de la musique instrumentale
(sonates pour violon et violoncelle) et une
cantate, Strephon et Myrtilla (v. 1785).
HELLER, (Stephen ou Istvan), pianiste,
pédagogue et compositeur hongrois
(Pest 1813 - Paris 1888).
Élève du pianiste August Halm à Vienne
(1824), il donna son premier concert dans
cette ville en 1827, entreprit en 1829 une
tournée en Allemagne, puis vécut à Augsbourg (1830-1838) et enfin à Paris. Il fut
l’ami de Schumann, qui lui dédia ses Davidbündlertänze, de Chopin, de Berlioz et
de Liszt. Ses oeuvres, exclusivement pour
piano, sont pour la plupart courtes et dotées de titres caractéristiques.
HELLMESBERGER, famille de musiciens
autrichiens.
Georg, violoniste (Vienne 1800 - id. 1873).
Il compta parmi ses élèves Joseph Joachim.
Joseph, violoniste, compositeur et chef
d’orchestre, fils du précédent (Vienne
1828 - id. 1893). Professeur de violon,
directeur du conservatoire de Vienne
de 1851 à sa mort, chef d’orchestre de la
Gesellschaft der Musikfreunde (Société
des amis de la musique) de 1851 à 1859,
premier violon solo de l’orchestre de la
cour et maître de chapelle de l’empereur, il
fonda en 1849 un célèbre quatuor auquel
il donna son nom et qui révéla aux Viennois les ultimes chefs-d’oeuvre de Beethoven et de Schubert.
Georg, violoniste, frère du précédent
(Vienne 1830 - Hanovre 1852).
Joseph, violoniste et compositeur, fils du
Joseph précédent (Vienne 1855 - id. 1907).
Violon solo dans l’orchestre de la cour,
professeur au conservatoire en 1878, il
remplaça en 1887 son père comme premier violon dans le quatuor fondé par celui-ci et dirigea de 1900 à 1903 les concerts
de la Philharmonie, succédant à ce poste à
Gustav Mahler.
Ferdinand, violoncelliste et composi-
teur, frère du précédent (Vienne 1863 - id.
1940).
HELM (Everett), compositeur et musicologue américain (Minneapolis 1913).
Élève de W. Piston, R. Vaughan Williams,
G.-F. Malipiero et D. Milhaud, il a enseigné au Western College dans l’Ohio
(1943-44) ; à partir de 1950, il a vécu principalement en Allemagne, en Autriche
et en Italie, en particulier comme correspondant de la revue Musical America
(dont il a été rédacteur en chef de 1960 à
1962). Comme compositeur, on lui doit
notamment deux quatuors à cordes, deux
concertos pour piano (1951 et 1956) et
l’opéra radiophonique The Siege of Tottenburg (1956). Comme musicologue, il
s’est intéressé en particulier à la musique
yougoslave (il a donné des cours à l’université de Ljubljana de 1966 à 1968) et à
Béla Bartók, publiant notamment Bela
Bartok in Selbstzeugnissen und Bilddokumenten (Béla Bartók par lui-même et par
l’image, Reinbek, près de Hambourg,
1965).
HELMHOLTZ (Hermann von), savant et
acousticien allemand (Potsdam 1821 Berlin 1894).
Après avoir étudié la médecine et enseigné l’anatomie à Berlin, il poursuivit ses
recherches en physiologie et en physique.
Il obtint la chaire de physiologie à Heidelberg en 1858, puis on créa pour lui une
chaire de physique à l’université de Berlin,
où il resta jusqu’à sa mort. Ses recherches
ont embrassé la quasi-totalité des sciences
de la nature. Il a notamment formulé le
principe de la conservation de l’énergie
et est considéré comme l’un des pères de
l’énergétique. Parmi ses publications, une
grande part est consacrée à la musique, et
Helmholtz devint le plus célèbre théoricien de l’acoustique musicale au XIXe siècle
après la parution de son ouvrage Die Lehre
von den Tonempfindungen als physiologische Grundlage für die Theorie der Musik
(Braunschweig, 1863 ; trad. française :
Théorie physiologigue de la musique, Paris,
1868). Il fut l’un des premiers à réaliser
la fusion de disciplines jusque-là isolées
les unes des autres : mathématiques, physique pure et expérimentale, physiologie
et musique ; il orienta ainsi l’acoustique
sur une voie nouvelle. La théorie de la
résonance qu’il a élaborée explique le
phénomène auditif en localisant l’analyse
du son dans l’oreille interne. Helmholtz a
éclairé la composition des sons complexes
par l’analyse spectrale, réalisée grâce aux
résonateurs qui portent son nom. Enfin,
sa théorie de la consonance s’appuie sur
le plus ou moins grand nombre d’harmoniques communs entre des sons donnés.
Elle l’amena à formuler une esthétique
dans laquelle l’expression musicale était
fonction de la fréquence des dissonances
et des consonances. Si Helmholtz fut un
précurseur de l’acoustique contemporaine
et d’une esthétique étayée par l’expérimentation, ses théories présentent des
contradictions et sont aujourd’hui largement dépassées.
HEMAN (de), famille de facteurs d’orgues français, actifs, à Paris durant la
première moitié du XVIIe siècle.
Le fondateur de la dynastie est Valéran
(probablement Hesdin 1584 - Paris 1640).
Apparenté à la famille d’organiers Carlier,
il se fit le propagateur du grand instrument classique du début du XVIIe siècle,
tel qu’il a contribué à le définir avec Mersenne et Titelouze, en particulier à NotreDame de Paris (1609-1620). Il est l’auteur
des orgues de Saint-Séverin (1610-1626),
des Cordeliers et de Saint-Jean-en-Grève,
à Paris, tout en travaillant à Meaux (1627),
à Troyes (église Saint-Jean, 1610-1637), à
Saint-Seurin de Bordeaux, etc. Ses trois
neveux collaborèrent avec lui et prirent
sa suite : Louis (mort en 1645), François
(mort en 1652) et Jean (mort en 1660),
qui construisirent les orgues de Mitry
(1641-1643), des Petits-Augustins (1643),
de Saint-Médard (1645-1646) et de SaintMerri (1647-1650), à Paris.
HÉMIOLE.
Mot adapté du grec, où l’expression hémiolios logos (hémi, « moitié », et holos,
« entier ») désigne le rapport de 1 1/2 à 1,
donc de 3 à 2, qui, dans les calculs d’intervalle, concerne le rapport 3/2 de la quinte.
L’équivalent latinisé du terme est sesquialtère (sesquialter = alter semisque). Le
rapport hémiole est l’un des principaux
parmi les superparticuliers, c’est-à-dire
ceux qui répondent à la formule N/N +
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
464
1, chère aux calculs musicaux pythagoriciens. On emploie aussi le terme de
hémiole pour désigner l’insertion d’un
rythme ternaire dans un binaire, ou vice
versa (par ex. 3 blanches de 2 temps chacune pour 2 blanches pointées de 3 temps
chacune). Le procédé, relativement fréquent au XVe siècle, se raréfie ensuite, sans
jamais disparaître tout à fait ; il sera au
XVIIIe siècle l’un des éléments de la courante, et Beethoven en fera usage autant
que Josquin Des Prés : la seule différence
sera qu’à ce moment on l’écrira en syncopes, alors que la notation proportionnelle se servait seulement de signes différents dans la division des valeurs.
On emploie enfin le terme de hémiole
en métrique pour désigner un rythme où
le rapport entre brèves et longues n’est pas
de 1 à 2, mais de 2 à 3, rythme très fréquent dans la musique instinctive, mais
que le solfège traditionnel ne traduit souvent qu’avec réticence, le réduisant trop
facilement au ternaire simple : beaucoup
de rythmes populaires notés à 6/8 sont en
réalité à 10/8 : et non .
HENDRICKS (Barbara), soprano américaine (Stephens, Arkansas, 1948).
Diplômée de la Juilliard School de New
York après avoir fait des études de chimie
et de mathématiques à l’université du
Nebraska, Barbara Hendricks a trouvé en
Jennie Tourel un professeur qui a su tirer
le meilleur parti d’une voix tout à la fois
chaude et limpide, souvent caractéristique
des cantatrices noires. C’est en 1976 que
débute sa fulgurante carrière internationale avec le Couronnement de Poppée à
l’Opéra de San Francisco, Orfeo au festival
de Hollande et un premier récital à New
York. Dans les cinq années suivantes, Barbara Hendricks se fait entendre en concert
avec la Philharmonie de Berlin (Karajan),
la Philharmonie de Vienne (Levine), le
Boston Symphony et l’Orchestre national
de France (Ozawa), l’Orchestre de Paris
(Barenboïm), le Royal Philharmonic (Dorati) et autres formations de premier plan,
et participe aux festivals de Salzbourg,
d’Aix-en-Provence, de Bergen, de Dresde,
d’Osaka et d’Orange, où elle interprète en
1980 Gilda de Rigoletto. Susanna des Nozze
di Figaro est un autre de ses grands rôles,
dont la liste s’allonge chaque année. Une
discographie abondante reflète sa réussite.
HENLE.
Maison d’édition allemande, fondée en
1948 à Munich par Günter Henle (18991979) et installée également à Duisburg.
Elle s’est spécialisée dans les éditions
Urtext - basées seulement sur les sources,
sans ajouts éditoriaux sur le plan des
nuances ou de la dynamique - du répertoire classique et romantique, et publie,
en liaison avec le Haydn Institut de Cologne et la Beethovenhaus de Bonn, les
oeuvres complètes de Joseph Haydn et de
Beethoven ainsi que les Haydn-Studien et
les Veröffentlichungen des Beethovenhauses
in Bonn.
HENRY (Pierre), compositeur français
(Paris 1927).
Il est considéré aujourd’hui par beaucoup comme le plus grand compositeur
de musique électroacoustique, genre
auquel il s’est entièrement voué et dont
il fut un pionnier dès les origines, mais,
par-delà tout cloisonnement, il est l’un des
plus grands créateurs d’aujourd’hui. Son
« curriculum » de jeune compositeur était
des plus classiques (études au Conservatoire de Paris, chez Nadia Boulanger pour
le piano, chez Félix Passeronne pour la
percussion, chez Olivier Messiaen pour
l’harmonie), mais Henry avait déjà expérimenté sur le « son concret » quand il vint
rejoindre, en 1949, Pierre Schaeffer, qui
venait de commencer ses expériences de
« musique concrète » à la Radio française.
Ce tandem original produisit quelques
oeuvres marquantes : Symphonie pour un
homme seul (1949-50), l’« opéra concret »
Orphée 51 (1951), remanié en un Orphée
53 (1953), pour lequel Pierre Henry réalisa
seul l’extraordinaire séquence qui devait
devenir le Voile d’Orphée. Cependant, le
compositeur commençait à s’imposer par
ses oeuvres individuelles : Microphone bien
tempéré, Musique sans titre, etc. Chef des
travaux de 1950 à 1958 au « Groupe de
musique concrète », fondé par Schaeffer
(futur Groupe de recherches musicales), il
doit le quitter en 1958 pour repartir à zéro,
en fondant le studio Apsome, « premier
studio privé consacré aux musiques électroacoustiques », qu’il fait vivre de travaux
alimentaires (films, disques, publicité,
etc.). Sa collaboration depuis 1955 avec
Maurice Béjart pour de nombreux ballets,
un disque best-seller de Jerks électroniques
en 1967, pour la Messe pour le temps présent de Béjart, et des manifestations marquantes, où il donne une forme rituelle
au concert électroacoustique, le font
connaître du grand public. Sans se reposer
sur des formules assurant le succès, Henry
remet souvent sa réputation en jeu par des
expériences risquées (improvisations en
direct sur les ondes du cerveau, Corticalart) ou des oeuvres difficiles (Deuxième
Symphonie), avant de s’orienter, récemment, vers des spectacles dont il est le musicien et le maître d’oeuvre, sans renoncer
à composer des oeuvres de concert.
L’excès, la démesure sont en effet une
des marques distinctives de son génie,
évidente depuis les débuts : les premières
oeuvres qu’il a composées dans les années
50 à la R. T. F. ne craignent ni l’expressionnisme, ni la démonstration de virtuosité (Musique sans titre, 1950 ; Concerto des
ambiguïtés, 1950 ; Microphone bien tempéré, 1950-51). Henry expérimente toutes
les techniques et tous les styles, son goût
pour un contact direct avec le son, cultivé
par sa formation de percussionniste, lui
inspirant des toccatas effrénées. Mais son
oeuvre marquante de cette période est le
Voile d’Orphée (1953), où l’on trouve déjà
cet étirement douloureux de la durée, qui
est une des marques de son style, et la présence du thème de la Mort, qui ne cessera
de l’inspirer. Son départ de la Radio, en
le limitant au début dans ses moyens de
création, lui donne l’occasion de renoncer
pour un temps à ce baroquisme luxuriant
(auquel revient une grande partie de son
oeuvre récente) et de travailler dans le
sens de la simplification, de l’épuration.
Henry se forge un langage, après avoir
affirmé une personnalité. Outre Coexistence (1959) et Investigations (1959), cette
nouvelle direction lui inspire trois grands
chefs-d’oeuvre : la Noire à 60 (1961), oeuvre
totalement monodique sur des matériaux
très dépouillés, prodigieux travail de montage ; le Voyage (1962), musique pour le
ballet d’après le Livre des morts tibétain,
miracle de transparence et de pureté dans
le style, où l’auteur semble avoir, selon la
formule zen, « laissé le tissu se tisser luimême « ; enfin les Variations pour une
porte et un soupir (1963), qui, prenant au
mot le cliché attaché à la musique concrète
(musique de « porte qui grince »), tiennent
la gageure de faire avec cette porte comme
principal instrument une musique à la fois
très organisée, très illustrative et très pure.
La Reine verte (1963), pour un spectacle
de Béjart, confirme sa maîtrise d’orchestrateur des sons électroacoustiques. Les
trois oeuvres « à texte » qui suivent - Messe
de Liverpool (1967-68), l’Apocalypse de
Jean (1968) et Fragments pour Artaud
(1965-1968, titre exact : Hommage à A.
Artaud) - illustrent bien sa façon d’aborder un thème, toujours directement, sans
biaiser : soit qu’elles gardent le texte intelligible, ne craignant nullement l’« illustration » et le « premier degré », soit qu’elles
le fassent éclater en phonèmes, à la manière « lettriste », s’il s’agit d’un texte aussi
connu que la messe latine. Cette façon de
prendre en charge un texte culmine dans
l’oeuvre Dieu (1977), spectacle où le comédien Jean-Paul Farré déclame nombre
d’alexandrins hugoliens tout au long d’une
suite de tableaux musicaux gigantissimes.
La forme en « tableaux » successifs a d’ailleurs la faveur de Pierre Henry, qui l’utilise dans des oeuvres récentes, de plus en
plus éclatées, proliférantes dans le temps
et l’espace : Deuxième Symphonie (1972) ;
Kyldex (1973), musique pour un spectacle « cybernétique » de Nicolas Schöffer
et Alwin Nicolaïs ; Enivrez-vous (1974) ;
l’admirable utopie musicale Futuristie
(1975) ; le Parcours-Cosmogonie (1976),
vaste récapitulation sur plusieurs heures
de toute sa production de 1950 à 1975 ; la
Dixième Symphonie, hommage à Beethoven
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
465
(1979), immense collage d’extraits manipulés et recomposés des neuf symphonies
du maître de Bonn (autre utopie musicale) ; ou le spectacle des Noces chymiques
(1980), pour l’Opéra-Comique, dont il
fut à la fois le compositeur et le metteur
en scène. À côté de ces grandes fresques,
Mouvement-Rythme-Étude (1970), inspiré
par la danse, témoigne de la variété de
ses registres. En 1985 ont été créés à Paris
l’Eau et (à Radio France) Hugo Symphonie,
et en 1990 (musée du Louvre) le Livre des
morts égyptiens.
Pour Pierre Henry, le concert n’est pas
une formalité, mais une cérémonie, qu’il
prépare toujours avec exigence, et il a su
porter la formule difficile du « concert de
haut-parleurs » à un degré de qualité et
d’efficacité sans égal, en payant de sa personne avec une conviction contagieuse.
On pourrait le situer comme un Victor
Hugo de la musique électroacoustique :
fécondité, puissance de travail et diversité
de palette, technique impeccable et somptueuse, goût pour l’excès, pour le mélange
osé du grotesque et du sublime, maints
traits le rapprochent du poète. Mais il faut
aussi le juger par rapport à ses contemporains. Sans école, sans disciples ou presque
(sinon peut-être Bernard Bonnier, son
collaborateur temporaire), Henry n’en a
pas moins joué un rôle vital, fondateur et
libérateur dans l’évolution de la musique
électroacoustique, un genre que la plupart
des compositeurs de formation classique
abordaient de manière trop formaliste
et précautionneuse pour ne pas être stérilisante. Enfin, il a créé un monde et un
style : puissant, élémentaire, éloquent, un
style de bûcheron, de pionnier. Mais ce
monde qu’il a bâti porte sa marque, et ses
obsessions y résonnent en échos multipliés : le temps, qu’il s’agit d’étirer, de dilater, comme dans l’espérance d’y conjurer
la mort ; la mort, qu’on cherche à capter et
à contempler dans l’étirement de l’« instant fatal « ; la vie, qui prolifère comme
une herbe folle dans les fissures du temps.
HENRY VIII, roi d’Angleterre (Greenwich
1491 - Londres 1547).
Devenu roi en 1509 (il avait été destiné
à la carrière ecclésiastique), il garda toujours sa passion pour la musique. Possédant de bonnes connaissances musicales,
il jouait de la flûte, du virginal, de l’orgue ;
il dansait et composait également. Il fit de
la chapelle royale la meilleure institution
musicale du royaume, occupant en permanence des compositeurs, dont Robert
Fayrfax. Il nomma William Cornysh le
maître des enfants de cet établissement
(v. 1509), qui devait également se charger
des divertissements de cour (masques).
Au Camp du Drap d’or (1520), sa suite
ne comportait pas moins de 79 musiciens.
Tous les matins, six enfants et six hommes
lui chantaient la messe. Henry VIII collectionna de nombreux instruments et livres
de musique. De son oeuvre de compositeur sont parvenus quatre chansons à 4
voix, dont le célèbre Pastime with Good
Company, quatorze chansons à 3 voix
(Grene growith the holy), quatorze pièces
instrumentales et un motet latin à 3 voix.
HENZE (Hans Werner), compositeur allemand (Güsterloh, Westphalie, 1926).
il s’intéressa jeune à la musique et reprit
en 1946 à Heidelberg, avec Wolfgang
Fortner, ses études interrompues par la
guerre, ce qui se traduisit notamment par
le Concerto de chambre pour piano, flûte et
cordes (1946). Il travailla aussi avec René
Leibowitz (1948), tandis que d’un séjour
à Darmstadt témoignaient les Variations
pour piano (1949). Suivirent notamment le drame lyrique Boulevard Solitude
(1951), d’après l’histoire de Manon Lescaut, et l’opéra radiophonique Ein Landarzt, d’après Kafka (1951), qui lui valut
en 1953 le prix Italia. En 1953, Henze
quitta l’Allemagne pour l’Italie, s’installant tout d’abord à Forio d’Ischia, dans
la baie de Naples, puis à Naples et enfin
dans les environs de Rome. Après avoir
été considéré, à cause de son usage des
techniques sérielles, comme faisant partie
de l’avant-garde internationale, il fut alors
un des premiers à abandonner ces techniques pour un style de composition plus
libre. Sa célébrité, déjà grande, s’accrut
encore grâce en particulier à une succession d’opéras au style dramatique efficace :
König Hirsch (1952-1955, rév. 1962 Il Re
cervo) ; Der Prinz von Homburg, sur un
livret d’Ingeborg Bachmann d’après Kleist
(1958) ; Elegy for Young Lovers, livret
d’Auden et Kallman (1959-1961) ; Der
junge Lord, livret d’Ingeborg Bachmann
d’après Wilhelm Hauff (1964) ; Die Bassariden, d’après Euripide (1965). Parallèlement étaient nés ses cinq premières symphonies (1947 [rév. 1963], 1949, 1949-50,
1955 et 1962), son premier concerto pour
piano (1950), des ballets comme Ondine
(1956-57), les Fünf neapolitanische Lieder
(1956), les Drei Fragmente nach Hölderlin (1958), l’oratorio sur Giordano Bruno
Novae de infinito laudes (1962) et la cantate Being Beauteous, d’après Rimbaud
(1963). À partir de 1967 environ, année
de son second concerto pour piano, ses
oeuvres devinrent le net reflet de son
engagement en faveur du mouvement
étudiant ou de régimes comme celui de
Cuba. En novembre 1969, Henze dirigea à
La Havane la création de sa 6e symphonie,
qui fait usage d’un chant de libération du
Viêt-nam et d’un autre de Theodorakis.
L’année précédente, son « oratorio volgare e militare » Das Floss der Medusa, « le
Radeau de la Méduse », conçu comme un
requiem à Che Guevara, avait créé le scan-
dale à Hambourg. Cet incident fut à l’origine de Versuch über Schweine, « Essai sur
les cochons », pour baryton et orchestre,
créé à Londres en février 1969. Dans cette
lignée d’oeuvres engagées s’inscrivent
encore El Cimarrón (1969-70), d’après
un ouvrage relatant la transformation en
chef révolutionnaire d’un esclave cubain
fuyant les Espagnols, ou le « show » Der
langwierige Weg in die Wohnung der Natascha Ungeheuer (1971), où sont analysés les dilemmes d’une jeune extrémiste
de gauche. Henze a écrit depuis, entre
autres, Voices (22 chants pour diverses
formations, 1973), We come to the River,
actions en musique (1974-1976 ; création
à Covent Garden en 1976), Orpheus, histoire en six scènes (création à Stuttgart
en 1979), El Rey de Harlem (création à
Witten en 1980), l’opéra pour enfants
Pollicino (création à Montepulciano en
1980), Symphonie no 7 (1984), Symphonie
no 8 (1993), Requiem (Vienne, 1993). On
lui doit également la musique des films
Muriel (1964) d’Alain Resnais, Der junge
Törless (1966) et Katharina Blum (1975)
de Volker Schlöndorff. En 1990 a été créé
à Berlin l’opéra la Mer trahie.
HEPTATONIQUE. (grec : « 7 tons », le mot
« ton » étant pris au sens de « son »).
Terme désignant, en principe, toute
gamme comportant sept sons.
Dans la musique grecque antique, il se
référait à l’heptacorde, groupement primitif de deux tétracordes conjoints n’atteignant pas l’octave (mi-fa-sol-la/la-si-doré), par opposition à l’octocorde disjoint,
comprenant l’octave (mi-fa-sol-la/si-doré-mi). On l’emploie surtout aujourd’hui
pour désigner la gamme diatonique complète, avec ses sept noms de notes (do-rémi-fa-sol-la-si). Dans le cycle des quintes,
qui produit successivement, en juxtaposant quintes ascendantes et quartes descendantes, la série di-, tri-, tétra-, penta-,
hexa- et heptatonique, l’heptatonique
représente la dernière phrase du cycle
diatonique et aussi le point d’aboutissement ultime du phénomène de formation
de l’échelle par le cycle des quintes ; l’ethnomusicologie, qui atteste la présence de
tous ces stades dans la formation réelle
des langages musicaux, n’offre aucun
témoin d’octotonique ni de ses hypothétiques successeurs, échelle à douze sons
incluse ; la continuation du cycle par les
dièses et bémols, abordant successivement
le chromatique, puis l’enharmonique, est
toujours restée une spéculation théorique,
et le véritable chromatisme s’est introduit
dans la musique par des voies très différentes (le plus souvent par déplacement
attractif et non addition de degrés supplémentaires).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
466
HERBAIN (chevalier d’), violoniste et
compositeur français (Paris 1734 - id.
1769).
Musicien autodidacte, il s’engage dans
l’armée en 1749, mais abandonne son
poste de capitaine deux ans plus tard pour
aller se perfectionner dans la composition
en Italie. Ce séjour de cinq ans va influencer le style de ses oeuvres et développer
son sens dramatique et sa prédilection
pour l’opéra. Herbain fait représenter un
certain nombre d’oeuvres avec succès,
d’abord en Italie (Il Geloso et Il Trionfo
del Giglio, 1751 ; La Lavinia, 1751), puis
à Paris, qu’il regagne en 1756 et où son
opéra-ballet Iphis et Célime est donné la
même année à l’Académie royale de musique. Musicien très en vogue à la cour,
il obtient en 1760 l’autorisation royale
de faire publier ses oeuvres. Il est, par ailleurs, l’auteur de Sonates en trio (1755)
et de sonates pour clavecin ainsi que de
pittoresques cantatilles, dans lesquelles
on constate l’influence de Rameau, qu’il
admirait.
HERBECK (Johann), chef d’orchestre et
compositeur autrichien (Vienne 1831 id. 1877).
Il dirigea les concerts de la Société des
amis de la musique de Vienne de 1859 à
1870 et (comme successeur de Brahms)
de 1875 à 1877, ainsi que l’Opéra de 1870
à 1875. C’est lui qui, en 1868, fit nommer
Bruckner professeur de contrepoint au
conservatoire de cette même ville. C’est
aussi lui qui, en 1865, dirigea la première
audition de la Symphonie inachevée de
Franz Schubert.
HERDER (Johann Gottfried), écrivain et
poète allemand (Mohrungen, PrusseOrientale, 1744 - Weimar 1803).
Il étudia la musique, puis la théologie à
Königsberg, où il put entendre Kant et
se lier avec un précurseur du Sturm und
Drang, J. G. Hamann. Pasteur et professeur à Riga, il se rendit ensuite en France,
où il fit la rencontre de Goethe, dont il
devint le maître. Entre 1771 et 1776, il fut
prédicateur à la cour de Bückebourg ; il
termina sa vie à Weimar. Il fut un théoricien du Sturm und Drang dès la naissance de ce courant. Dans son ouvrage
Kalligone, paru en 1800, il développa
l’idée nouvelle que le sentiment participe à l’appréciation esthétique. Avec son
anthologie Stimmen der Völker in Liedern
(Tübingen, 1807 ; rééd., Leipzig, 1954), il
affirmait que le Volkslied, unissant la puissance expressive de la poésie à celle de la
musique, réalisait la forme la plus achevée
de l’oeuvre d’art authentique tandis que
l’opéra contemporain, qui associait des
textes pauvres à une musique descriptive
trop rigide dans sa forme, trahissait la disparité des sentiments exprimés. Il conçut
donc un drame musical dans lequel la
poésie, la musique, l’action et les décors
étaient étroitement unis, et il écrivit selon
ce principe plusieurs livrets d’opéra, dont
Brutus (1772), destiné à Gluck et mis en
musique par Johann Christoph Friedrich
Bach (perdu). Voulant, d’autre part,
concilier l’esprit nouveau du XVIIIe siècle
et la tradition chrétienne, il fut l’auteur
de trois livrets d’oratorio mis en musique
par J. C. F. Bach - Die Kindheit Jesu (1773),
Die Auferweckung des Lazarus (1773), Der
Fremdling auf Golgotha (1776, perdu) - et
de plusieurs cantates. Considérant que la
musique permet de communiquer avec
l’invisible ou l’irrationnel, Herder lui accorde une place privilégiée. Il contribua
à l’essor de l’esthétique et à la renaissance
du lied en Allemagne, écrivit de nombreux
ouvrages consacrés à la musique et eut
une grande influence sur les romantiques.
Parmi les musiciens, Brahms utilisera une
des ballades de son recueil pour la Ballade
op. 10 no 1 et Liszt composera des choeurs
sur son Prométhée.
HERMANSON (Åke), compositeur suédois (Mollösund 1923).
Élève de H. Rosenberg, il a écrit en particulier deux symphonies, Invoco pour
cordes (1958-1960), Suoni d’un flauto
(1961), In nuce (1962-63), Alarme pour
cor solo (1969) et Ultima 71 (1972) pour
orchestre. D’un tempérament sévère et
introverti, il est parfois monumental
(Symphonie no 1), mais il est capable aussi
d’agressivité (In nuce).
HÉROLD (Ferdinand), compositeur français (Paris 1791 - id. 1833).
Il commença à travailler la musique avec
son père, qui avait été l’élève de Carl
Philipp Emanuel Bach, et fit de sérieuses
études secondaires avant d’entrer au
Conservatoire de Paris dans la classe de
piano de Louis Adam. Après son premier prix de piano, il travailla l’harmonie
avec Catel, la composition avec Méhul et
triompha au concours de l’Institut (prix
de Rome en 1812). Il séjourna trois ans
à Rome, puis un an à Naples, où il eut
comme élèves les fils du roi Murat. Il se
lia avec Paisiello, Mayr, Zingarelli et fit
représenter en 1815 à Naples un opéra italien, la Jeunesse d’Henri V. Il revint à Paris,
où il trouva l’appui de Boieldieu. Celui-ci
l’associa à la composition d’un ouvrage
de circonstance, Charles de France (1816),
qui le fit avantageusement connaître dans
la capitale. En 1819, Hérold écrivit d’après
J. de La Fontaine une partition sur le livret
des Troqueurs, déjà mis en musique par
Dauvergne en 1753. il s’intéressa essentiellement à la musique de théâtre. Il a le
sens de la scène, son harmonie est habile,
et il eut dans ce domaine des effets assez
hardis pour l’époque. Ses premiers opéras
eurent cependant peu de succès. Constatant, par contre, le triomphe des opéras de
Rossini, Hérold se mit à écrire des imitations d’opéras bouffes (le Muletier, 1823 ;
le Lapin blanc, 1825). Cependant, il revint
bientôt à son style propre, bien français,
en composant Marie (1826) sur un livret
de Planard, qui fut son premier grand
succès. Respectant désormais l’esthétique
de Boieldieu, il fut néanmoins touché par
celle de Gluck et conquis par celle de Mozart. Dès lors, ses oeuvres prirent un tour
plus solide et sérieux, avec Zampa (1831)
et le Pré aux clercs (1832), ses deux titres
de gloire, auxquels on pourrait ajouter un
ballet qui a continué à jouir d’une certaine
vogue au XXe siècle : la Fille mal gardée
(1828).
HERREWEGHE (Philippe), chef de choeur
belge (Gand 1947).
Dès l’âge de sept ans, il appartient à un
choeur d’enfants dont il devient le répé-
titeur à quatorze ans. Il étudie le piano
au Conservatoire de Gand avec Marcelle
Gazelle. Après des études de médecine
et un début de spécialisation en psychiatrie, parallèlement à l’étude de l’orgue, il
revient à son projet initial d’être musicien
et approfondit sa connaissance de la musique ancienne. En 1969, il fonde un petit
ensemble vocal qui devient le Collegium
vocal de Gand. Sa rencontre dans la même
période avec Ton Koopman est décisive
et les mène à des réalisations communes,
remarquées par Gustav Leonhardt. Il étudie alors le clavecin au Conservatoire de
Gand dans la classe de Johann Huys et
obtient son prix en 1975. De la rencontre
avec le musicologue Philippe Beaussant
naît l’ensemble vocal puis l’orchestre de
la Chapelle royale, qui se consacrent aux
répertoires baroque et classique. En 1977,
P. Herreweghe commence à diriger aussi
le Choeur de Liège. En 1988, il prend la
direction du Nouvel Ensemble vocal européen et en 1991 celle de l’Orchestre des
Champs-Élysées, créé à son intention. Il
a fortement contribué au renouvellement
de l’interprétation baroque, proposant
une conception nouvelle de l’articulation,
du phrasé et de l’expressivité, dans les
oeuvres de Bach en particulier. Il est directeur artistique de l’Académie musicale de
Saintes.
HERRMANN (Bernard), compositeur et
chef d’orchestre américain (New York
1911 - Los Angeles 1975).
Après des études à l’université de New
York et à la Juilliard School, il occupa des
postes musicaux importants à la Columbia Broadcasting Company (C. B. S.). Il a
écrit une symphonie (1940), un concerto
pour violon, l’opéra Wuthering Heights
(« les Hauts de Hurlevent », 1940-1952),
mais il reste surtout célèbre par ses musiques de film, en particulier celles pour
Citizen Kane (1940) d’O. Welles, Vertigo
(1958), la Mort aux trousses (1959) et les
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
467
Oiseaux (1963) d’A. Hitchcock, Fahrenheit
451 (1966) et La mariée était en noir (1967)
de F. Truffaut.
HERSANT (Philippe), compositeur fran-
çais (Rome 1948).
Il a été l’élève d’André Jolivet au Conservatoire de Paris, tout en poursuivant des
études littéraires, et a obtenu le prix NadiaBoulanger en 1970. D’abord boursier à la
Casa Velázquez à Madrid (1970-1972), il a
été ensuite pensionnaire à la villa Médicis
à Rome (1978-1980). Parmi ses oeuvres,
surtout instrumentales, citons Meanderthale pour soprano, récitants, choeur et orchestre d’après James Joyce (1969), Kells,
musique symphonique (1970), Étude pour
orchestre (1972), Cris et Silences pour flûte
seule (1973), Été indien pour orchestre
(1973), Austral/Boréal pour 40 guitaristes,
40 chanteurs amateurs, baryton, flûte et 2
percussionnistes (1975), Dolce stile nuovo
pour ensemble instrumental et choeur
d’hommes (1978), Stances pour orchestre
(1978), Sables pour 12 cordes (1979), Spirales pour violoncelle solo (1980) et Mouvement pour piano solo (1980), l’opéra le
Château des Carpathes (1992).
HERVÉ (Florimond Ronger, dit), compositeur français (Houdain, Pas-de-Calais,
1825 - Paris 1892).
Contemporain et rival d’Offenbach, qu’il
précède de quelques années en tant que
créateur de l’opérette moderne, il est,
comme lui, directeur de théâtre (les Folies-Nouvelles) mais, en outre, organiste,
librettiste, décorateur et interprète de
ses propres oeuvres. À vingt-deux ans, il
tient les orgues de Saint-Eustache le matin
et fait le pitre sur les planches de divers
bouis-bouis le soir. Cette double vie lui
inspirera le personnage de Célestin Floridor dans sa célèbre Mam’zelle Nitouche
(1883), personnage qu’il jouera d’ailleurs lui-même. Jusqu’en 1867, il produit
d’innombrables petites pièces loufoques,
fertiles en parodies et en allusions à l’actualité. Puis c’est sa « trilogie », composée
de l’oeil crevé (1867), de Chilpéric (1868)
et du Petit Faust (1869), plaisante charge
du Faust de Gounod, qui vient justement
d’entrer à l’Opéra. Hervé a également le
mérite, en tant qu’entrepreneur de spectacles, d’avoir révélé Offenbach en 1855
(Oyayaïe ou la Reine des îles) et Léo Delibes
en 1856 (Deux Sous de charbon).
HERZ (Henri), compositeur, pianiste et
facteur de pianos français d’origine allemande (Vienne 1803 - Paris 1888).
Élève de Hünter l’Aîné à Coblence, puis
de Pradher et Reicha au Conservatoire de
Paris (1816), encouragé par Moscheles, il
mena jusque vers 1835 une très brillante
carrière de pianiste et de compositeur
de pièces pour piano, aujourd’hui tombées dans l’oubli. Fondateur de sa propre
fabrique de pianos, il entreprit, pour la
renflouer, une grande tournée de concerts
en Amérique du Nord et en Amérique du
Sud (1845-1851), et, à son retour, il fit de
sa fabrique une des toutes premières de
la capitale française, perfectionnant notamment la mécanique à répétition avec
double échappement, créée par Érard.
Professeur de piano au Conservatoire de
Paris de 1842 à 1874, il a laissé une Méthode complète de piano (op. 100) et publié
Mes voyages en Amérique (Paris, 1866).
HERZOGENBERG (Heinrich von), compositeur autrichien (Graz 1843 - Wiesbaden 1900).
Il étudia au conservatoire de Vienne et
s’installa en 1872 à Leipzig, où il joua un
rôle important dans la renaissance de
Bach. À partir de 1885, il enseigna à Berlin. Il composa notamment de la musique
religieuse (son domaine d’élection), deux
symphonies, des oeuvres de chambre. Son
épouse Elisabeth (1842-1892) fut une pianiste très appréciée de Brahms.
HESELTINE (Philip). ! WARLOCK (PETER).
HESPERION XX. ! SAVALL (JORDI).
HESPOS (Hans Joachim), compositeur
allemand (Emden 1938).
Autodidacte, il obtint en 1967 le prix de
composition de la fondation Gaudeamus
et en 1968 celui de la fondation Royaumont, et il résida en 1972-73 à la villa
Massimo à Rome, l’équivalent allemand
de la villa Médicis. Dans un style heurté
et gestuel issu de l’expressionnisme de
Schönberg, mais très personnel et rebelle
à tout esprit de système, il a écrit une cinquantaine d’oeuvres, dont Blackout pour
orchestre de 21 musiciens (1972), Mouvements-2 pour orchestre de 65 musiciens
(1974), Pleuk pour 30 instruments à vent
et 1 contrebasse (1975), CHE pour grand
orchestre de 96 musiciens (1975), Das
triadische Ballet, musique pour orchestre
pour l’ouvrage du même nom d’Oskar
Schlemmer (1976-77), Itzo-hux, opéra satirique (1980-81), Ohrenatmer, happening
scénique (1981), Seilthanz, aventure scénique (Barcelone, 1982), Za’Klani, pièce
de théâtre musical (1985) et Esquisses-Itinéraires (créé à Paris en 1985).
HESS (Dame Myra), pianiste anglaise
(Londres 1890 - id. 1965).
Elle étudie à la Guildhall School of Music
de Londres (avec J. Pascal et O. Morgan),
puis à la Royal Academy of Music (avec
Tobias Matthay). À dix-sept ans, elle
donne son premier concert au Queen’s
Hall, interprétant le 4e concerto en sol majeur de Beethoven sous la direction de sir
Thomas Beecham. Elle se produit ensuite
en Europe et, à partir de 1922, aux ÉtatsUnis et au Canada. Ses interprétations
des sonates de Scarlatti, du Clavier bien
tempéré de Bach, des concertos de Mozart
et de celui de Schumann ainsi que des
oeuvres de compositeurs anglais contemporains ont été particulièrement appréciées. Sa transcription du choral Jésus que
ma joie demeure (Bach) reste un morceau
favori des pianistes.
HESS (Willy), musicologue et compositeur suisse (Winterthur 1906).
Il a fait ses études à Zurich et à Berlin, et
il a été bassoniste dans l’orchestre de Winterthur de 1942 à 1971. Comme musicologue, il s’est surtout consacré à Beethoven, sur qui il a écrit plus de quatre cents
articles, et en particulier à ses oeuvres
les moins connues ou même tout à fait
inconnues. Il a dressé un Verzeichnis der
nicht in der Gesamtausgabe veröffentlichten
Werke Ludwig van Beethovens (catalogue
des oeuvres de Ludwig van Beethoven non
publiées dans l’édition complète, Wiesbaden, 1957) et publié de 1959 à 1971 quatorze volumes de suppléments à l’édition
complète.
HÉTÉROPHONIE (grec : « voix différentes »).
Dans la musique grecque antique, ce
terme désignait toute espèce de polyphonie. Repris au début du XXe siècle
par l’ethnomusicologie, il s’applique
dans cette discipline à une manière spéciale, consciente ou non, de pratiquer la
musique à plusieurs parties en exécutant
ensemble la même mélodie, pourvue dans
certaines voix de variantes ou d’ornementations que ne font pas les autres.
HETU (Jacques), compositeur canadien
(Trois-Rivières, Québec, 1938).
Après des études à Ottawa, Montréal et au
Berkshire Music Centre (avec Lukas Foss),
il acheva sa formation à Paris avec Henri
Dutilleux et Olivier Messiaen (1962-63). Il
a mené depuis une double carrière d’enseignant (depuis 1979 à l’Université du
Québec à Montréal) et de compositeur,
avec notamment trois symphonies (de
1959 à 1971), des concertos, Images de la
Révolution pour le bicentenaire de la Révolution française (1988), de la musique
de chambre et vocale.
HEUGEL.
Maison d’édition française fondée en
1833 par Jacques Léopold Heugel (18151883), qui sera aussi administrateur de la
S. A. C. E. M. dès sa création en 1850.
Elle n’a jamais cessé d’être aux mains de
ses descendants : son fils Henri Georges
(1844-1916), son petit-fils Jacques Paul
(1890-1979), ses arrière-petits-fils François et Philippe, nés respectivement en
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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1922 et en 1924. Son histoire est étroitement liée à celle de la revue le Ménestrel,
née la même année et qui cessa de paraître,
plus que centenaire, en 1940. (Son siège
de la rue Vivienne fut d’ailleurs baptisé
« le Ménestrel » en 1847.) Tous les genres
musicaux, sans parler de nombreux ouvrages pédagogiques, ont bénéficié de son
activité. Mais ce sont surtout les partitions
d’opéra qui ont fait sa fortune, avec la plupart des succès de Massenet, le Roi d’Ys de
Lalo, Louise de Charpentier, etc. La maison a fusionné avec Leduc en 1980.
HEURES.
Dans l’office catholique, ensemble des offices autres que la messe, consistant essentiellement dans la récitation de psaumes,
encadrés d’antiennes, chantés si l’office
est solennel, parlés ou récités à voix basse
dans le cas contraire. Les heures sont parfois appelées « canoniales » (de canon,
règle) et comprennent un ensemble noc-
turne (matines et laudes) et un ensemble
diurne (« petites heures », correspondant
à l’ancienne journée romaine - prime,
tierce, sexte et none -, suivies de vêpres
en fin d’après-midi et de complies avant
le coucher). Les matines sont divisées en
« nocturnes » et comportent également
un certain nombre de leçons (lectiones), ou
lectures chantées. Plusieurs heures sont
complétées par le chant d’un cantique
(par exemple, Magnificat à vêpres, Nunc
dimittis à complies) et d’une hymne. Les
matines s’achèvent par le chant du Te
Deum, avant lequel on a parfois intercalé
des drames liturgiques, ce qui fait que la
coutume est restée de terminer miracles
et mystères par ce chant, même lorsque
ceux-ci se furent séparés de l’office. L’obligation, autrefois stricte dans les ordres
religieux et un peu moins dans les ordres
séculiers, de respecter les heures du jour
et de la nuit, auxquelles devaient correspondre les heures canoniales, a été considérablement assouplie par la suite ; il n’en
reste que peu de chose dans la réforme
liturgique postconciliaire de Vatican II.
HEWITT (Maurice), violoniste et chef
d’orchestre français (Asnières 1884 Paris 1971).
Il fut élève du Conservatoire de Paris, puis
membre de la Société des instruments anciens (1908-1914) et violoniste du quatuor
Capet (1908-1928). Il enseigna au Cleveland Institute of Music (1931-1934) et épisodiquement au conservatoire américain
de Fontainebleau (1920-1937). Il fonda
en 1939 un orchestre de chambre portant
son nom et le reconstitua après la guerre,
ainsi que le quatuor portant également
son nom (1927-1952). Il réalisa à la fin du
78 tours et aux débuts du microsillon plusieurs enregistrements remarqués.
HEXACORDE.
Mot d’origine grecque, désignant dans la
gamme un groupement de six sons successifs.
L’hexacorde a été introduit dans la
théorie médiévale au XIe siècle par Guy
d’Arezzo comme élément fondamental
de la solmisation, pour grouper les six
syllabes (ut-ré-mi-fa-sol-la) dont les intervalles restaient fixes, alors que l’intervalle
dont dépendait la septième note (futur si,
alors non dénommé) était, au contraire,
mobile et restait déterminé par les muta-
tions opérées entre lesdits hexacordes.
C’est par contresens que, beaucoup plus
tard, la notion d’hexacorde a été mélangée
avec la théorie des modes ; elle n’a jamais
eu d’autre valeur que solfégique et n’est
jamais intervenue ailleurs.
HIDALGO CODORNIU (Juan), compositeur espagnol (Las Palmas 1927).
Il fait ses études à Barcelone (Frank
Marshall et Xavier Montsalvatge), à Paris
(Nadia Boulanger), à Genève (Marescotti)
et à Milan (Bruno Maderna et plus tard
John Cage). Il est l’auteur de la première
musique sérielle (Ukanga, créé sous la direction de Maderna à Darmstadt en 1957)
et de la première oeuvre électronique
(Étude de stage, Paris, 1961) espagnoles.
Il est le fondateur de « Música abierta »
(Barcelone, 1959), fut attaché au Groupe
de recherches musicales de l’O.R.T.F.
(1961) et est fondateur également du
groupe « Zaj » (Madrid, 1964) pour la
diffusion des oeuvres d’avant-garde. En
dehors des pièces citées ci-dessus, il est
l’auteur de pages orchestrales (Las Holas
musica et cetera, 1966), d’oeuvres pour orchestre de chambre (Canurga, Kuntamo,
Ja-U-la), d’un quatuor à cordes et de différentes partitions théâtrales.
HILDEBRANDT, famille de facteurs
d’orgues et d’instruments allemands,
dominée par la personnalité de Zacharias (1688-1757).
Élève de Gottfried Silbermann, celui-ci
fut lié avec J.-S. Bach, qui fit évoluer son
style vers celui des grands instruments baroques de l’Allemagne du Nord. Il travailla
principalement en Saxe. L’instrument le
plus important qui ait été conservé de lui
est celui de Saint-Wenzel à Naumburg
(1746). Johann Gottfried (1720-1775),
fils de Zacharias, prit la succession de son
père ; il est surtout connu comme l’auteur
du grand orgue de Saint-Michel de Hambourg (1762-1767 et 1769).
HILDEGARD VON BINGEN, poétesse,
mystique et femme compositeur allemande (Bermersheim 1098 - Rupertsberg, près de Bingen, 1179).
Destinée à l’Église par ses parents aristocrates, elle prit le voile à l’âge de quinze
ans et succéda en 1136 à la mystique Jutta
de Spanheim comme mère supérieure du
monastère bénédictin de Disododenberg.
Entre 1147 et 1150, elle fonda un monastère sur le Rupertsberg, puis vers 1165 un
autre à Eibingen, près de Rüdesheim. Surnommée la « Sibylle du Rhin », elle se mêla
activement de politique et de diplomatie.
Sur le plan musical, son importance réside
dans ses chants monodiques, expressément conçus pour une tessiture féminine,
s’écartant du plain-chant et souvent sur
ses propres textes (elle réunit ses poèmes
peu après 1150 sous le titre de Symphonia armonie celestium revelationum). Elle
a laissé aussi des ouvrages littéraires, des
traités scientifiques et une vaste correspondance.
HILL (Edward Burlingame), compositeur
américain (Cambridge, Massachusetts,
1872 - Francestown, New Hampshire,
1960).
Il fit ses études à Harvard (avec Paine)
et à Paris (avec Widor), puis enseigna
à Harvard de 1908 à 1940, avec comme
élèves Virgil Thomson, Ross Lee Finney et
Leonard Bernstein. De tendance conservatrice, il a écrit quatre symphonies, les
poèmes symphoniques The Parting of Lancelot and Guinevere (1915) et The Fall of the
House of Usher (1919-20), les deux suites
Stevensoniana (1916-17) et Lilacs pour orchestre (1927), le ballet-pantomime Jack
Frost in Midsummer (1908). Il a subi l’influence du jazz (Jazz Studies, 1922-1938) et
publié un ouvrage intitulé Modern French
Music (Boston, 1924 ; réimpr. New York,
1969).
HILL AND SON.
Manufacture d’orgues anglaise fondée par
Snetzler en 1755 et qui doit son nom à
William Hill, qui l’a reprise en 1825.
Sous l’impulsion de celui-ci, elle a
construit ou transformé de nombreux instruments de grandes dimensions (cathédrales d’Ely, de Worcester, de Manchester).
HILLER (Ferdinand von), pianiste, chef
d’orchestre, compositeur et critique
musical allemand (Francfort-sur-le-Main
1811 - Cologne 1885).
Après des études musicales dans sa ville
natale et un concert public à l’âge de dix
ans, où il joue un concerto de Mozart, il
travaille à partir de 1825 à Weimar avec
Hummel. En 1827, il accompagne ce dernier à Vienne, où il fait la connaissance
de Beethoven, de Schubert et publie son
opus 1, un quatuor avec piano. De 1828 à
1835, il vit à Paris, où il fréquente Chopin,
Berlioz, Liszt, Cherubini, Rossini, Meyerbeer, le chanteur Adolphe Nourrit et le
poète Heine. Il donne la première audition à Paris du 5e concerto de Beethoven.
Il organise des soirées musicales avec le
violoniste Baillot. Après un court séjour à
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Francfort, il se rend en Italie, où, grâce à
Rossini, son opéra Romilda est représenté
à Milan en 1839. Lors d’un second voyage
dans ce pays (1840), il étudie à Rome la
musique sacrée italienne avec l’abbé Baini.
Il séjourne ensuite à Leipzig, où il remplace son ami intime Mendelssohn à la tête
des concerts du Gewandhaus, et à Dresde
(1844-1847), où il fréquente les Schumann
et Wagner. De 1850 à sa mort, il contribue
grandement à l’essor de la vie musicale de
Cologne. Possédant une personnalité de
virtuose typique de son époque, il laisse
une oeuvre importante (symphonies, ouvertures, musique de chambre, oratorios,
6 opéras), mais il montre le meilleur de
lui-même dans ses nombreuses pièces
pour piano (sonates, études).
HILLER (Johann Adam), compositeur,
pédagogue et critique musical allemand
(Wendisch-Ossig 1728 - Leipzig 1804).
Il fit ses études à Görlitz, à la Kreuzschule
de Dresde avec Homelius et à l’université de Leipzig. Après un séjour à Dresde
au service du comte Brühl (1754-1758),
il revint à Leipzig et, de 1762 à sa mort,
joua dans la vie musicale de cette ville un
rôle de premier plan. Il dirigea le Grosses
Konzert (1763-1771), fonda une école de
chant (1771) et surtout dirigea à partir de
1781 les concerts du Gewandhaus, leur
donnant un éclat qu’ils devaient conserver près de deux siècles. Il fut un temps
maître de chapelle du duc de Courlande
à Mitau (1785-86) et directeur de la musique à Breslau (1787-1789), puis fut rappelé à Leipzig en 1789 comme cantor de la
Thomasschule, poste qu’il devait occuper
jusqu’à sa retraite en 1801. Il fonda et édita
de 1766 à 1770 la première revue musi-
cale au sens moderne, les Wöchentliche
Nachrichten, qui devaient servir de modèle à l’Allgemeine Musikalische Zeitung,
et il écrivit de très nombreux articles de
critique et d’esthétique. Comme chef, il
dirigea notamment à Berlin en 1786 le
Messie de Haendel. Comme compositeur, il n’écrivit pratiquement que de la
musique vocale, tant sacrée que profane :
odes, lieder, cantates, choeurs. Il créa en
outre presque de toutes pièces, avec le
poète Christian Felix Weisse, le singspiel
allemand, donnant, entre autres, Lottchen
am Hofe (1767, d’après Ninette à la cour de
Favart), Die Liebe auf dem Lande (1768),
Die Jagd (1770, d’après la Partie de chasse
de Henri IV de Collé) et Der Dorfbarbier
(1771, d’après Blaise le savetier et en collaboration avec Christian Gottlob Neffe).
HILLER (Lejaren), compositeur américain (New York 1924 - Buffalo 1994).
Il fit ses études à l’université de Princeton
(M. Babbitt) et fut professeur à l’université
de l’Illinois. Il fut plus tard directeur du
studio de musique expérimentale et directeur du centre « Creative and Performing
Arts » de l’université d’État de New York à
Buffalo. Son oeuvre relève alternativement
de l’esthétique traditionnelle (2 symphonies, 1 concerto pour piano, des musiques
de scène, 6 quatuors, 1 trio avec piano, 6
sonates pour piano, etc.) et de la synthèse
entre musique instrumentale et musique
électroacoustique (Computer Music pour
percussion et bande, 1963 ; Computer
Cantata pour voix et bande, 1963 ; Suite
pour 2 pianos et bande ; Amplification
pour bande et orchestre de théâtre, 1962 ;
Algorithms I et II pour 9 instruments et
bande, 1968 ; HSP CHD pour 1-7 clavecins et 1-51 bandes, 1968, en collaboration
avec John Cage ; Ponteach, mélodrame
pour récitant et piano, 1977).
HILLIER (Paul), baryton-basse et chef de
choeur anglais (Dorchester 1949).
Il est formé à la Guildhall School de
Londres, avant d’être nommé chantre de
la cathédrale Saint Paul en 1973. En 1974,
il fonde le Hilliard Ensemble. Avec ce
groupe, il se consacre au répertoire médiéval anglais ainsi qu’à Pérotin et Guillaume
de Machaut. Son style vocal austère, privilégiant les voix droites, non vibrées, et
la pureté des lignes polyphoniques, va
à la rencontre de certains courants de
la musique contemporaine. C’est ainsi
qu’il fait triompher, au disque comme au
concert, Passio et le Miserere d’Arvo Pärt.
En 1989, il fonde Theatre of Voices, qui
est en résidence permanente à l’Université
de Californie à Davis. Il mène des expériences musicales qui rejoignent un mysticisme dépouillé, parfois aux frontières
des liturgies traditionnelles et du rock, qui
participent d’une esthétique marquante
au début des années 1990.
HILTON, famille de musiciens anglais.
John I, compositeur ( ? - Cambridge
1608). On le trouve en 1584 counter tenor
à la cathédrale de Lincoln. Un de ses madrigaux, a 5, a été choisi par Th. Morley
pour son recueil The Triumphs of Oriana
(1601) : Fair Oriana, Beauty’s Queen. Des
anthems et des pièces pour orgue sont
conservés en manuscrit.
John II, compositeur (Cambridge
1599 - Londres 1657). Fils du précédent,
il est reçu bachelor of music par l’université
de Cambridge en 1626. Il a publié deux
recueils de petites pièces polyphoniques :
Ayres or Fa La’s for 3 Voyces (1627) et
Catch that Catch can (1652). Ce dernier a
connu de nombreuses rééditions. En 1628,
John II est nommé clerc de la paroisse et
organiste de la chapelle Saint Margaret à
Westminster.
HIMMEL (Friedrich Heinrich), compositeur allemand (Treunenbrietzen, Brandebourg, 1765 - Berlin 1814).
il s’orienta d’abord vers la théologie, puis,
grâce au roi de Prusse Frédéric-Guillaume
II, étudia la composition avec Naumann à
Dresde, avant d’aller se perfectionner en
Italie (1793-1795). À son retour, il succéda
à Reichardt comme maître de chapelle
de la cour de Berlin : c’est là qu’en 1796
Beethoven le rencontra pour la première
fois. Himmel se rendit ensuite en Russie et
en Scandinavie ainsi qu’à Paris, à Londres
et à Vienne. Les événements de 1806 le
forcèrent à quitter une nouvelle fois Berlin, où il revint en 1810. On lui doit des
opéras italiens et allemands, dont Fanchon
(1804), son oeuvre la plus célèbre, la cantate La Danza (1792), une Ode funèbre sur
la mort de Frédéric-Guillaume II (1797),
des lieder et divers ouvrages vocaux et instrumentaux, parmi lesquels un concerto
pour piano et deux quatuors pour piano,
flûte, violon et violoncelle.
HINDEMITH (Paul), compositeur allemand (Hanau 1895 - Francfort-sur-leMain 1963).
Issu d’une famille modeste, il reçoit en
1904 ses premiers cours de musique et
entre en 1909 à l’école supérieure de musique de Francfort, où il suit l’enseignement de A. Mendelssohn et B. Sekles en
composition, et de A. Rebner en violon.
Virtuose dès l’âge de treize ans, jouant
avec un plaisir instinctif, il se produit dans
les opérettes, les fêtes foraines, les groupes
de jazz, les cinémas. Il fonde en 1915 le
quatuor Amar, dans lequel il joue comme
altiste, et devient la même année directeur
musical de l’opéra de Francfort (jusqu’en
1923). Il compose entre autres pendant
cette période des sonates pour divers instruments, de la musique de chambre, un
Singspiel sur texte de W. Busch et voit dès
1919 ses pièces imprimées et interprétées
en public.
Ses premières oeuvres d’importance,
trois opéras en un acte, témoignent d’un
fort attrait pour l’expressionnisme. Mais,
si l’écriture de Mörder, Hoffnung der
Frauen (« Assassin, espoir des femmes »,
1919 ; création à Stuttgart, 1921), sur le
texte sous-tendu d’un érotisme violent
de Kokoschka, est encore relativement
complexe et chromatique, celle de NuschNuschi (1920), pièce enlevée et très rythmique, sur un jeu de marionnettes de
Franz Blei, et celle de Sancta Susanna
(1922) sont nettement simplifiées et dégagées du pathos expressionniste. Cette
insistance sur le langage, qui renoue avec
la tradition allemande contrapuntique
transmise par Brahms et par Reger, et qui
réagit contre le drame wagnérien, se fait
plus nette dans la Musique de chambre op.
24 de 1922, oeuvre purement dynamique
dans son élan et dont le Finale 1921, sur
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un vieil air de fox-trot, a fait parler d’Asphaltmusik (« musique de rue »). Il en est
de même pour la Suite 1922 pour piano,
suite de danses inspirées du jazz et dont
l’exergue, pour le ragtime, recommandant par exemple de considérer le piano
comme une espèce de percussion, inté-
ressa et choqua beaucoup.
Hindemith tire les conséquences décisives de cette stylisation dans le cycle de
lieder sur des poèmes de R. M. Rilke,
Das Marienleben, écrit en 1922-23 (2e
vers. 1936-1948). La mélodie s’y déroule
de façon entièrement autonome, tant
dans son phrasé que dans ses « champs
d’influence » tonale, au-dessus d’un tissu
linéaire soutenu par de fréquents ostinati.
Cette oeuvre assez recueillie ouvre la voie
à un flot de musiques au goût du jour qui
feront du Hindemith des années 20 un
« épouvantail à bourgeois ». Hindemith
écrit des Zeitoper (« opéras d’actualité »),
pièces miniatures qui allient les techniques musicales d’avant-garde à la musique « vulgaire », comme Neues vom Tage
(« Nouvelles du jour », 1929), morceau
critique resté célèbre pour l’aria chantée
dans une baignoire à la gloire des chauffebains à gaz (1929), ou des musiques de
scène, comme Hin und Zurück (« Aller-retour », 1927). Ces deux oeuvres sont écrites
sur des textes de l’auteur de revues de
cabaret M. Schiffer. Hindemith compose
aussi pour instruments mécaniques (suite
pour piano mécanique de 1926 ; musique
pour orgue mécanique du Ballet triadique
de O. Schlemmer) et marque un vif intérêt
pour les nouveaux instruments électriques
(Concertino pour trautonium, 1931).
Ces musiques d’avant-garde sont jouées
dans les deux grands festivals de musique
contemporaine : Donaueschingen, où le
compositeur est d’abord interprète (1921),
puis organisateur (à partir de 1923), et Baden-Baden, dont il assure de 1927 à 1929
la direction musicale. En 1927, F. Schreker l’appelle à un poste de professeur de
composition à la Hochschule für Musik de
Berlin. Hindemith écrit alors des cycles de
musique pédagogique (Sing- und Spielmusiken de 1928-29, parmi lesquels la cantate
Frau Musica sur des textes de Luther, et
8 canons pour voix et instruments), apprenant lui-même à jouer de nombreux
autres instruments et cherchant à combler
les lacunes d’une éducation par trop rudimentaire en approfondissant ses études
théoriques. Convaincu de la responsabilité du compositeur, il franchit le pas qui
sépare musique « sérieuse « et musique
populaire, compositeur et auditeur, et
écrit de la Gebrauchsmusik (« musique
utilitaire «), musique d’ensemble accessible aussi bien au musicien amateur qu’à
l’élève, complétant ainsi son portrait de
musicien « néo-objectif « des années 20
(choeurs a capella op. 33, 1923 ; musique
concertante pour orchestre d’instrument
à vent op. 41, 1926 ; Lehrstück, cantate
scénique didactique - Brecht, 1929 ; Lindberghflkug, avec participation du public Brecht/Weill/ Hindemith, 1929).
Il compose en même temps des musiques de chambre (op. 36) très représentatives de ces années-là : il emprunte au
XVIIIe siècle et à Bach un style concertant,
la conduite polyphonique des voix, la qualité structurelle des éléments motiviques,
qu’il met encore en évidence par l’emploi
insistant des vents ; l’instrumentation, par
ailleurs, n’est pas l’objet de recherches
particulières. En général unique, le thème
donne par son reour continuel un mouvement dynamique, « motorique «, accentué
par les ostinati fréquents et la technique de
la variation ainsi que par le rythme de mélodies volontiers empruntées au Volkslied
(4e mouvement de la musique de chambre
pour violoncelle et 10 instruments solistes
op. 36 no 2). L’opéra Cardillac (1926) porte
ces principes à la scène et refuse définitivement toute étude psychologique pour
transposer dans le domaine musical pur,
en des formes indépendantes et achevées,
le contenu de chacun des numéros du
livret de F. Lion.
Hindemith atteint un point d’équilibre
dans les musiques concertantes des années
1930-1932 (Konzertmusik pour piano,
cuivres et 2 harpes op. 49, Concerto philharmonique). Il se détourne au même moment de ses préoccupations modernistes
et écrit l’oratorio critique das Unaufhörliche (« le Perpétuel «) sur un texte de G.
Benn. Il se forge peu à peu une éthique
personnelle, qui apparaît déjà dans Mathis
der Maler (« Mathis le peintre «), opéra
auquel il se consacre en 1934-35 et qui est
une manière de profession de foi en l’autonomie absolue de l’art, face au nouveau
régime politique, qui a fait interdire ses
oeuvres. Il y renoue implicitement avec la
tradition en mêlant chant grégorien, chant
populaire allemand ancien et techniques
baroques, pour arriver à la concision de
langage de la symphonie de même nom
qu’il compose en même temps à partir de
ce matériau. En 1934-1936, il consigne son
expérience de compositeur dans un traité
de composition, Unterweisung im Tonsatz,
véritable traité de la mélodie dans lequel il
expose ses échelles hiérarchiques de sons,
élaborées à partir des harmoniques d’un
son fondamental, et le principe de la « tonalité élargie «, qui s’appuie en partie sur
un ordre également hiérarchique des intervalles. Le Ludus tonalis, suite de fugues
reliées entre elles par des interludes, en est
l’application directe. Durant cette période
des années 30, Hindemith compose aussi
un certain nombre de concertos, parmi
lesquels le Schwanendreher, qui accuse
son goût pour le Volkslied, et une nouvelle
série d’oeuvres didactiques : un cycle de
sonates qui réactualisent la forme par le
mariage du baroque et du contemporain,
une cantate pour enfants, Wir bauen eine
Stadt (« Nous construisons une ville «),
une cantate pour amateurs, Plöner Musiktag (« Journée musicale à Plön «), etc.
À partir de là, son style devient synthèse (Nobilissima Visione), et sa maîtrise
de l’écriture lui permet d’intégrer, sans
que cela n’altère en rien le caractère « distancié « de son langage, quelques traits
légers d’expressivité romantique (thèmes
de Weber dans les Métamorphoses symphoniques, aspects brucknériens dans la
Symohonie en « mi « bémol et dans la Sinfonia serena). En 1940, après un séjour
de deux ans en Suisse et des tournées
de concerts sur le continent américain,
Hindemith s’installe aux États-Unis et
obtient un poste à la Yale University de
New Haven (Connecticut). Il prend position, par des oeuvres comme le Requiem
ou Apparebit repentina dies, contre la musique d’avant-garde : celle-ci va, en effet,
à l’encontre de sa volonté de traduire par
la musique une Weltanschauung (conception de l’univers). Hindemith s’intéresse
aux philosophies antiques, lit les théories
de Kepler sur les astres et termine en 1957
Die harmonie der Welt, opéra construit sur
une symbolique très étudiée. De retour
en Suisse, en 1953, il retrouve d’une certaine manière la fraîcheur ironique des
années 20 (octuor) et reprend des oeuvres
centrales, comme Das Marienleben, Neues
vom Tage, Cardillac. Il compose aussi,
entre autres, Das lange Weihnachtsmahl («
le Long Réveillon de Noël «), un concerto
pour orgue, une messe pour choeurs a
capella. Mais il cherche surtout à faire
découvrir le répertoire musical par son
métier de chef d’orchestre, toujours au
service d’une interprétation « objective «
et impersonnelle, parcourant l’histoire de
la musique du Moyen Âge et de la Renaissance (adaptation d’oeuvres de Machaut
ou de Gabrieli) aux jeunes compositeurs
qu’il protège (K. A. Hartmann, A. Heiller), sans négliger l’école dodécaphoniste,
qu’il rejetait pourtant sur le plan de la
théorie. Cette vaste activité dans tous les
domaines musicaux, cet intérêt pour les
genres et les styles les plus divers font de
Hindemith un de ces « artisans « de l’art selon sa propre expression - tels que les
voyait naître le XVIIIe siècle et tels que les
réclamaient les artistes-technologues de
l’école du Bauhaus. Venu après la révolution du langage par Schönberg, Hindemith s’est plutôt attaché à renouveler
les rapports sociologiques de musique à
public et doit être considéré sous cet angle
comme un révolutionnaire du monde musical du XXe siècle.
HLOBIL (Emil), compositeur tchèque
(Veseli 1901 - Prague 1987).
Élève de J. Suk à Prague, il subit dans ses
premières oeuvres son influence et celle de
Janáček (1er Quatuor op. 5, Sérénade op.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
471
12a), puis évolua vers un néoclassicisme
précis, concis et virtuose. Il réussit particulièrement dans la musique de chambre.
On lui doit notamment six symphonies
(1949, 1951, 1957, 1959, 1970, 1973), des
concertos, le poème symphonique le Printemps dans les jardins de Prague (1953),
les opéras Anna Karenine (1963) et le
Bourgeois gentilhomme (1965). De 1941 à
1958, Hlobil a enseigné la composition au
conservatoire de Prague.
HOBOKEN (Anthony van), musicologue
hollandais (Rotterdam 1887 - Zurich
1983).
Il étudia la musicologie à Vienne sous
la direction de H. Schenker. Après avoir
commencé en 1936 un catalogue de sa
propre collection d’éditions musicales,
il entreprit un catalogue thématique et
bibliographique de l’oeuvre de Joseph
Haydn (Joseph Haydn, Thematisch-bibliographisches Werkverzeichnis), dont
les trois volumes sont parus respectivement en 1957 (oeuvres instrumentales), en
1971 (oeuvres vocales) et en 1978 (index,
addenda et corrigenda). Les oeuvres
de Haydn sont aujourd’hui identifiées
d’après ce catalogue, néanmoins déjà dépassé sur de nombreux points. Hoboken a
fait don de sa collection à la Bibliothèque
nationale de Vienne en 1974 et de ses archives Haydn à la Société des amis de la
musique (Gesellschaft der Musikfreunde)
de Vienne en 1980.
HODDINOTT (Alun), compositeur gallois (Bargoed, Glamorgan, 1929).
Il fit ses études à l’université de Cardiff,
établissement où il fut nommé professeur
en 1951. Attiré par la pédagogie, il a souvent composé à l’intention des ensembles
de jeunes musiciens, telle l’oeuvre intitulée
Dives and Lazarus, cantate pour solistes,
choeurs et orchestre écrite pour le Farnham Schools Festival (1964). Son langage
musical, tonal et généralement facile
d’accès, a subi l’influence de Stravinski et
de Hindemith, certes, mais aussi celle de
Britten et d’autres compositeurs anglais
du XXe siècle. Certaines de ses oeuvres sont
d’inspiration galloise (Welsh Dances pour
orchestre). Sa production, considérable,
comprend, entre autres, cinq symphonies
(1955, 1962, 1969, 1970, 1973), Landscape/
Tirlun pour orchestre (1975), des concertos, dont trois pour piano (1960-1966), de
la musique de chambre, six sonates pour
piano (1959-1972), de la musique vocale,
dont la cantate Saint Paul on Malta (1971),
et les opéras The Beach of Falesa (19701974), The Magician (1975), What the Old
Man Does is always Right (1977) et The
Rajah’s Diamond (1979).
HOÉRÉE (Arthur), compositeur et musicologue belge (Saint-Gilles, Bruxelles,
1897 - Paris 1986).
Il a suivi l’enseignement du conservatoire de Bruxelles de 1908 à 1912, puis
celui du Conservatoire de Paris à partir
de son installation définitive dans cette
ville en 1919. Professeur à l’École normale de musique, à l’École de la radio à
Montrouge, puis à la Sorbonne, il fut aussi
chef d’orchestre, pianiste accompagnateur et conférencier. Critique musical, il
écrivit dans de nombreuses revues françaises - dont la Revue musicale d’Henry
Prunières - et étrangères. Ses activités de
compositeur s’étendent à la musique de
film et de scène. Spécialiste de la musique
française, Hoérée a transcrit et réalisé
plusieurs oeuvres de F. Couperin, et il a
publié notamment deux monographies
sur A. Roussel (Paris, 1938 et 1969). Il a
collaboré en outre à l’ouvrage Science de la
musique dirigé par Marc Honegger (2 vol.,
Paris, 1976).
HOFFMANN (Ernst Theodor Amadeus),
écrivain et compositeur allemand (Königsberg 1776 - Berlin 1822).
Après des études de droit, il commença
une carrière de magistrat. Mais, attiré par
la musique, qu’il avait étudiée notamment avec l’organiste Podbielski, il obtint
un poste de chef d’orchestre au théâtre
de Bamberg (1808-1813), puis à celui de
Dresde. En 1814, il fut contraint d’accepter un emploi à la cour d’appel de Berlin,
ville dans laquelle il demeura jusqu’à sa
mort. Célèbre pour ses Contes, Hoffmann
fut également un compositeur habile,
dont le talent s’exerça dans des genres
aussi différents que l’opéra, le singspiel, la
musique sacrée et la musique de chambre
(notamment cinq sonates pour piano).
Son style, empreint d’un certain conservatisme, évolua, et, dans son opéra Ondine
(1813-14, livret de La Motte Fouqué), créé
avec succès à Berlin en 1816, apparaissent
le fantastique et la magie ; il faut y voir une
préfiguration de l’opéra romantique, tel
que l’illustrera, en particulier, le Freischütz
de Weber.
La vie d’Hoffmann montre la diversité
de talents exaltée par les doctrines nouvelles et la fascination qu’exerce sur lui
l’imbrication du réel et de l’imaginaire.
Obsédé par le mythe de Don Juan, fasciné
par Mozart (il changera son prénom Wilhelm en Amadeus), défenseur ardent de
Beethoven, qu’il désigne comme le compositeur romantique par excellence, Hoffmann réserva une large place à la musique
dans son oeuvre littéraire : d’une part
dans ses articles sur Gluck, le Don Juan
de Mozart, Beethoven, Sacchini, Spontini,
etc., et dans ses notes critiques pour les
oeuvres de Beethoven, Boieldieu, Gluck,
Méhul, Mozart, Paer, Spohr, Spontini,
entre autres ; d’autre part dans ses Contes,
comme les Fantaisies à la manière de Callot (Bamberg, 1814-15 : le Chevalier Gluck,
Don Juan...) ou les Opinions du Chat Murr
(Berlin, 1819-1821), dans lesquels il met
en scène le musicien Johannes Kreisler,
double de lui-même, extravagant et génial.
Il traduisit en allemand la Méthode de violon de Rode, Kreutzer et Baillot (Leipzig,
1814), et le livret d’Olimpia de Spontini.
Il définit la musique comme un langage
supérieur à celui des mots, comme le plus
romantique de tous les arts et comme une
émanation de la nature qui n’a pour limite
que l’infini.
C’est son oeuvre littéraire, plus que son
oeuvre musicale, qui influença la génération des compositeurs romantiques :
Schumann transposa au piano le personnage de Kreisler dans son propre Kreisleriana, et Offenbach utilisa son réalisme
fantastique dans les Contes d’Hoffmann ;
Berlioz lui-même, en particulier dans le
« Carnaval romain » de Benvenuto Cellini,
où il reprit l’intrigue de Signor Formica
(extrait des Contes des frères Sérapion,
Berlin, 1819-1821), ne manqua pas de s’y
référer pour exalter le pouvoir de l’imagination.
HOFFMEISTER (Franz Anton), compositeur et éditeur allemand (Rothenburg
1754 - Vienne 1812).
Il commença ses activités d’éditeur à
Vienne en 1784 et les poursuivit avec des
hauts et des bas jusqu’en 1806, non sans
avoir fondé en 1800 avec Ambrosius Kühnel le Bureau de musique à Leipzig, dont
il se retira en 1805. Ce Bureau de musique
devait devenir en 1813 la firme C. F. Peters. Chez Hoffmeister parurent notamment les premières éditions du quatuor
K. 499 de Mozart et de la sonate op. 13
(Pathétique) de Beethoven. Comme compositeur, Hoffmeister laissa une production très abondante - symphonies, symphonies concertantes, concertos, dont 25
pour flûte, musique de chambre, opéras,
dont Der Königssohn aus Ithaka (Vienne,
1795) -, mais sans grande originalité.
HOFFNUNG (Gerard), dessinateur et
humoriste anglais d’origine allemande
(Berlin 1925 - Londres 1959).
Peintre de formation, il illustre des publications de l’Enfant et les sortilèges, la Flûte
enchantée et Lilliput. Vers 1940-1945, il
devient humoriste, collabore à Punch et
débute une série d’albums consacrés aux
musiciens. Évitant le grotesque, ses croquis sont des chefs-d’oeuvre d’équilibre
entre la cruauté du regard, la tendresse et
surtout la pertinence musicale qui ne peut
naître que d’un « oeil musicien « ! Ses silhouettes de maestros enfiévrés, de percussionnistes bricoleurs ou de harpistes divas
sont mondialement célèbres. Tubiste amateur mais virtuose de l’ocarina, grand collectionneur de partitions introuvables, il
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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organise en 1956 et 1958 deux « Hoffnung
Concerts » gravés sur disque. Plusieurs
compositeurs de ses amis s’y adonnent à
des plagiats ou des plaisanteries musicales
souvent talentueuses. Citons entre autres
Francis Baines, Malcolm Arnold, The
Barber of Darmstadt d’Humphrey Searle
et Let’s fake an opera !, parodie d’un titre
célèbre de Britten.
HOFFSTETTER (Roman), compositeur
allemand (Laudenbach, près de Bad
Mergentheim, 1742 - Miltenberg-sur-leMain 1815).
Entré comme novice à l’abbaye bénédictine d’Armorbach (actuellement en Bavière) en 1763, il y devint prêtre en 1766,
puis prieur et y resta jusqu’à la dissolution
de la communauté en 1803. Il fut très lié
avec son quasi-compatriote Joseph Martin
Kraus et se montra grand admirateur de
Haydn. Il a écrit de la musique religieuse,
dont plusieurs messes, trois concertos
pour alto (v. 1785) et quatorze quatuors
à cordes, dont les six de l’opus 1 (v. 1770)
et les six de l’opus 2 (v. 1780). En 1964, H.
C. Robbins Landon et Alan Tyson l’ont
proposé non sans vraisemblance comme
le véritable auteur (d’où le regain d’intérêt
à son égard) des deux premiers au moins
des six quatuors à cordes publiés vers 1777
à Paris par Bailleux sous le nom de Haydn
comme « opus 26 » et passés à la postérité
comme « opus 3 » de Haydn : la célèbre
sérénade de l’opus 3 no 5 compte parmi ces
pages qu’il faut retirer à Haydn. Le frère
jumeau de Roman, Johann Urban Alois,
mort en 1808 ou après, fonctionnaire et
compositeur, a laissé notamment sept
symphonies.
HOFHAIMER (Paul), organiste et compositeur autrichien (Radstadt 1459 Salzbourg 1537).
L’un des plus grands musiciens de son
temps, il descendait d’une lignée de musiciens et apprit la musique avec son père et
avec l’organiste Jakob von Graz. Il passa
sa vie comme organiste auprès de divers
seigneurs : Frédéric III à Graz, l’archiduc
Sigismond à Innsbruck, puis l’empereur
Maximilien Ier, de 1490 à la mort de ce
dernier en 1519, tout en occupant d’autres
postes au cours de ses voyages en Europe
centrale. Personnage illustre (il figure sur
les planches du Triomphe de Maximilien
de Burgkmair), il était lié avec les princes
et les érudits de son temps. Ses connaissances en matière de technique d’exécution et de facture d’orgues le firent appeler
en de nombreux pays, comme professeur
et comme expert. Mais son importance
de compositeur ne fut pas moindre. On
connaît de lui quelques pièces pour orgue,
quatre motets et surtout de nombreux lieder polyphoniques, genre très prisé à la
fin du XVe siècle et dont il fut l’un des plus
grands maîtres.
HOFMANN (Leopold), compositeur et
organiste autrichien (Vienne 1738 - id.
1793).
Il fut l’élève de Wagenseil, à qui il succéda
en 1769 comme professeur de clavecin à la
cour. Auteur de nombreuses oeuvres religieuses, il succéda en 1774 à Georg Reutter le Jeune comme maître de chapelle à
la cathédrale Saint-Étienne. Célèbre également comme violoniste, il joua un rôle
important dans la genèse de la musique
instrumentale viennoise classique. Le
concerto pour flûte en ré majeur longtemps attribué à Haydn est en réalité de
lui. Il fut le premier à Vienne, vers 1760,
à utiliser régulièrement dans ses symphonies la structure qui devait largement
s’imposer : vif (avec introduction lente) lent - menuet - vif.
HOFMANN (Michel Rotislav), journaliste
et musicographe français d’origine russe
(Petrograd 1915 - Paris 1975).
Il émigra à Paris en 1923 et y suivit des
études de lettres, de piano et de chant. Ses
écrits concernent avant tout la musique
russe, et plus particulièrement la musique
vocale ; Hofmann s’est intéressé également à la danse. Parmi ses publications,
on relève des biographies de Chostakovitch, de Moussorgski, de Rimski-Korsakov, de Prokofiev, de Schubert et de
Wagner. Conseiller musical aux Jeunesses
musicales de France, puis, à partir de
1968, rédacteur en chef de la revue Diapason, Hofmann réalisa plusieurs séries
d’émissions radiophoniques. En U.R.S.S.,
il donna des conférences sur la musique
française qui lui valurent d’être nommé
membre d’honneur de l’Union des compositeurs soviétiques.
HOFMANNSTHAL (Hugo von), poète,
prosateur essayiste et auteur dramatique autrichien (Vienne 1874 - Rodaun
1929).
Lorsqu’il rencontre Richard Strauss à
Paris en 1900, Hofmannsthal est déjà un
écrivain consacré ; mais cet enfant prodige, devenu adulte, traverse une crise
profonde, dont la Lettre à lord Chandos porte témoignage. La Vienne qui l’a
vu naître, décadente, emportée dans un
tourbillon devenu trop mécanique, immoraliste, nourrie de D’Annunzio et de
Stefan George, lui fait peur : elle abrite un
médecin qui prétend réussir à débusquer
l’âme, Sigmund Freud. Or Hofmannsthal,
écrivain, se sent désormais impuissant à
tenir sur quelque sujet que ce soit un discours rendant compte de son sentiment
profond : plus les mots se font précis,
imagés, nombreux, plus le sens se dérobe,
devient flou, artificiel. Comment parler la
langue de l’Inconnu ? Hofmannsthal, qui
vient d’adapter l’Antigone et l’Électre de
Sophocle, se tourne alors, sans pour autant abandonner sa production solitaire,
vers la musique. Celle de Strauss, et pas
une autre. Leur collaboration, jusqu’à la
mort du librettiste, sera exemplaire, sans
pourtant s’accompagner de relations très
intimes. Chez le poète, Strauss trouve
une langue extrêmement raffinée, apte à
exciter sa propre création, une panoplie
d’images tour à tour baroques, antiques,
orientales et viennoises, toutes animées
par une élégance noble, pétillante et
mélancolique, auxquelles il insufflera sa
simplicité, sa bonté, sa soif d’humain,
son sens du théâtre. Comment perpétuer
Mozart et le XVIIIe siècle ? En créant le
festival de Salzbourg, sans doute (1917).
Mais, surtout, poète et musicien, également touchés par la fuite du temps, la
dispersion du moi, vont reprendre à leur
compte la réflexion frivole-amère, masquée derrière les conventions sociales ou
théâtrales, que leur aîné a menée sur le
couple et la relation amoureuse. Ils bâtiront ensemble un théâtre du monde et de
la femme où chacun vit dans la prescience
de sa mort et en tire la nécessité de la vie,
de l’abandon à ces instants précieux « qui
déposent en l’homme un miel lourd et le
relient, au-delà du temps et de l’espace,
à l’humanité entière » (sic). Après Elektra
(1909), le Chevalier à la rose (1911) et
Ariane à Naxos (1912) seront des chefsd’oeuvre auprès desquels la Femme sans
ombre (1919), trop nourrie de signes, mais
surtout Hélène d’Égypte (1928) et Arabella
(1933) apparaîtront comme l’utilisation
encore brillante d’une formule essoufflée. Il faut dire que Hofmannsthal, dans
les dernières années de sa vie, était plus
inquiet de l’évolution d’un monde industriel et violent qu’il ne reconnaissait plus
que de l’évolution de son langage. Portant
le deuil de l’ancienne Autriche-Hongrie, il
cherchait à maintenir vivantes les valeurs
intellectuelles héritées d’une Europe des
esprits rassemblant hellénisme et christianisme, Beethoven et Napoléon, puritanisme et orientalisme. Pareil combat put
paraître anachronique à une époque hantée par le saut dans l’inconnu des crises
qui se préparaient : il n’était pas vraiment celui de Strauss, dont l’attrait pour
le baroque quittait peu à peu le domaine
idéologique pour s’ancrer presque uniquement dans celui de la musique.
HOGWOOD (Christopher), claveciniste
et chef d’orchestre anglais (Nottingham
1941).
Il fait ses études musicales à Cambridge
auprès de Thurston Dart puis avec Raymond Leppard, Rafael Puyana et Gustav
Leonhardt. Après une année d’études
à l’Académie de musique de Prague, il
rencontre David Munrow et se produit
comme claveciniste au sein de l’Early
Music Consort of London. En 1973, il
crée et commence à diriger l’Academy of
Ancient Music, qui se consacre aux réperdownloadModeText.vue.download 479 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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toires baroque et classique. Avec cet ensemble, il réalise de nombreux enregistrements : Purcell (notamment les musiques
de scène), Locke, Byrd, l’intégrale des
symphonies de Mozart et (en cours) de
Haydn. De 1983 à 1985, il dirige le London
Mostly Mozart Festival au Barbican Center de Londres. Il prend en 1986 la direction artistique de la Haendel and Haydn
Society of Boston et dirige entre 1988 et
1992 l’orchestre de chambre de Saint Paul,
dans le Minnesota. Il est l’auteur d’écrits
musicologiques et a participé à l’édition
de partitions telles que les Sonates pour
clavier de J. C. Bach. Ses enregistrements
à la tête de l’Academy of Ancient Music
ont reçu plusieurs grands prix du disque
(Académie Charles-Cros, Award du Gramophone Magazin et Mozart-Gemeinde
de Vienne).
HOLBORNE (Antony), luthiste et compositeur anglais ( ? v. 1550 - ? 1602).
On ne connaît pratiquement rien de sa
vie, si ce n’est qu’il vécut à la cour d’Élisabeth Ire et que John Dowland lui dédia
un de ses plus beaux ayres : I saw my lady
weep (Second Book of Songs, 1600). Le seul
air de Holborne que l’on possède (My
heavy sprite, oppress’d with sorrow’s might)
figure dans le recueil collectif de Robert
Dowland, A Musicall Banquet (1610).
The Cittharn Schoole (1597) comprend
trente-deux pièces pour cistre solo, des
duos pour cistre et basse de viole, et deux
quatuors. Un autre recueil, particulièrement intéressant, renferme soixante-cinq
danses à 5 parties ; publié par W. Barley
à Londres en 1599, il contient des Pavans,
Galliards, Almains and other short Aeirs...
for Viols, Violins, or other Musicall Winde
Instruments avec des titres évocateurs tels
que Last will and testament ou Coranto
Heigh-ho.
HÖLLER (York), compositeur allemand
(Leverkusen 1944).
D’abord autodidacte, il s’oriente ensuite
vers la composition : ses premiers essais
sont marqués par Bartók, Stravinski et
Hindemith. De 1963 à 1968, il poursuit
ses études à l’École supérieure de musique
de Cologne (Kölner Musikchochschule) :
composition chez B. A. Zimmermann,
musique électronique chez H. Eimert,
piano chez Alfons Kontarsky et E. Schmitz-Göhr, direction d’orchestre chez
W. v. d. Nahmer. Parallèlement, il étudie
la philosophie et la musicologie à l’université de Cologne. Ses oeuvres des années 60
et 70, exclusivement pour ensembles de
chambre, sont directement inspirées par
la deuxième école de Vienne ainsi que par
les théories et les pratiques de Boulez, de
Stockhausen et de Zimmermann. Particulièrement intéressé par les problèmes de
communication, Höller a écrit une thèse :
Étude critique de la technique sérielle de
composition (1967). Après le succès de sa
pièce orchestrale Topic (1967) à Darmstadt en 1970, il est invité par K. Stockhausen à travailler au studio électronique de
la WDR (1971-72). En 1972, il réalise un
projet audiovisuel à l’occasion du centenaire de Scriabine lors du festival de musique contemporaine à Donaueschingen.
Dans ses oeuvres, il poursuit l’interaction
des domaines acoustique et électronique,
ainsi que l’intégration des technologies les
plus avancées à la création musicale, et il
attribue une importance considérable à la
live-electronic. Invité à l’I. R. C. A. M., il y
continue sa recherche dans le domaine de
la technologie digitale en réalisant Arcus
(1978), commande de l’I. R. C. A. M., pour
orchestre de chambre et instruments avec
transformation électronique sur bande,
où un programme d’ordinateur définit la
transformation électronique des sons instrumentaux enregistrés.
Höller vit à Cologne et enseigne l’analyse et la théorie musicale à l’École supérieure de musique. Il dirige depuis 1990 le
nouveau studio de musique électronique
de la radio de Cologne. En 1989 est créé
à Paris l’opéra le Maître et Marguerite.
Ont suivi Requiem pour piano, orchestre
et électronique (1990-1991), Aura pour
orchestre (1991-1992).
HOLLIGER (Heinz), compositeur et hautboïste suisse (Langenthal, canton de
Berne, 1939).
Connu d’abord comme instrumentiste
virtuose, il compte actuellement parmi
les compositeurs les plus importants de
sa génération. Après des études musicales
à Berne (composition, hautbois, piano),
il s’est perfectionné à Paris avec Yvonne
Lefébure (piano) et Pierre Pierlot (hautbois), et a suivi les cours de composition
de Pierre Boulez à Bâle. Il a obtenu en
1959 le premier prix pour le hautbois du
Concours international de Genève et en
1960 le prix de l’Union des compositeurs
suisses. Depuis 1961, il exerce une intense
activité de soliste et a enregistré de nombreux ouvrages classiques et contemporains. Installé à Bâle, il enseigne à l’École
supérieure de musique de Fribourg-enBrisgau. Ses oeuvres sont explicitement
marquées par son expérience d’instrumentiste, et il s’est spécialement attaché
à l’élargissement des possibilités techniques et sonores des instruments. Dans
Pneuma pour vents, percussion, orgue et
radio (1970), les effectifs mis en jeu sont
considérés comme « un poumon énorme
qui respire », les instruments comme « la
bouche qui articule les bruits de souffle »
(Holliger). Les modalités inhabituelles
du jeu instrumental, l’utilisation des
multiphoniques et des bruits de souffle,
la décomposition de la matière verbale
et la composition des bruits-sons articulatoires dans les oeuvres à textes (de G.
Trakl, N. Sachs, A. X. Gwerder, P. Celan,
S. Beckett), puis l’intégration du geste et
du fonctionnement corporel à l’oeuvre
devenue pièce de théâtre instrumental
(cf. Cardiophonie pour instrument à vent
et 3 magnétophones, 1971) sont toujours
élaborées selon des projets formels cohérents. L’extension de l’univers sonore
acoustique (Atembogen pour orchestre,
1974-75) et électronique (Pas moi, 1980)
inclut chez Holliger l’élaboration de textures sonores complexes et de structures
formelles d’inspiration sérielle.
On lui doit notamment : Drei Liebeslieder pour voix d’alto et orchestre (1960) ;
Elis, trois morceaux nocturnes pour piano
(1961 ; rév., 1966) ; Erde und Himmel,
petite cantate sur des textes d’Alexandre
Xaver Gwerder (1963) ; Mobile pour
hautbois et harpe (1962) ; Quatre Miniatures pour soprano, hautbois d’amour,
célesta et harpe (1962-63) ; Elis, version
pour orchestre (1963 ; 2e vers., 1973) ;
Der Magische Tänzer, deux scènes pour 2
chanteurs, 2 acteurs, 2 danseurs, choeur,
orchestre et bande (1963-1965) ; Trio pour
hautbois, alto et harpe (1966) ; Siebengesang pour hautbois, orchestre, 7 ou 21 voix
de femmes et haut-parleurs (1966-67) ;
Dona nobis pacem pour 12 voix a cappella
(1970) ; Psalm pour choeur mixte a cappella sur un texte de P. Celan (1971) ; Lied
pour flûte seule (1971) ; Streichquartett
(quatuor à cordes, 1973) ; Die Jahreszeiten,
quatre lieder pour choeur mixte a cappella
d’après Hölderlin (1975) ; un spectacle
musical réalisé pour l’I. R. C. A. M. en
1980, composé de Va et vient pour 9 voix et
9 instruments sur des textes de S. Beckett
et de Pas moi pour soprano et bande sur
un texte de S. Beckett ; Scuardanelli-Zyklus
pour flûte, choeur mixte, orchestre et
bande (Donaueschingen, 1985) ; Gesänge
der Frühe pour choeur, orchestre et bande
(1987) ; Jisei pour 4 voix et cloches (1988) ;
What Where, opéra de chambre d’après S.
Beckett (1989), le cycle de mélodies Beiseit
(1990), un Concerto pour violon (1995).
HOLMBOE (Vagn), compositeur danois
(Horsens 1909).
Sa forte stature domine la période de
transition entre C. Nielsen et P. Nørgård, et son oeuvre illustre clairement les
contradictions que devaient surmonter
les créateurs danois de cette génération.
Formé à Copenhague par F. Høffding et
K. Jeppesen (1926-1929), et à Berlin par
E. Toch (1930), Holmboe s’intéresse alors
au folklore roumain, dont maints caractères transparaissent dans son style. Sa 2e
symphonie lui vaut en 1939 son premier
succès de compositeur. De 1947 à 1955,
sa position de critique musical au quotidien Politiken de Copenhague et, de 1950
à 1965, ses activités de professeur de composition au conservatoire de Copenhague
lui permettent de jouer un rôle très imdownloadModeText.vue.download 480 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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portant dans la formation de la génération des compositeurs de l’après-guerre.
Une certaine sévérité de goût et un grand
sens de la mesure lui font admirer et souvent suivre ceux qu’il considère comme
ses modèles : F. J. Haydn, J. Sibelius, C.
Nielsen et B. Bartók. L’oeuvre de Holmboe peut être divisée en trois périodes.
De 1935 à 1949, la franchise d’expression
et la clarté formelle sont les principales
caractéristiques que l’on trouve dans
les 12 Concerts de chambre, le Nocturne
pour quintette à vent et les six premières
symphonies. Alors que l’après-guerre lui
apporte la difficile confrontation avec les
oeuvres sérielles-dodécaphonistes, Holmboe, avec Suono da Bardo, suite pour
piano, les 1er et 2e quatuors à cordes de
1949 et la 7e symphonie de 1950, aborde
une deuxième période, qu’il appelle celle
de la « métamorphose ». Peut-être la plus
riche, elle nous offrira la 8e symphonie op.
56 Boréale (1951-52), Liber Canticorum 1,
2, 3 et 4, la symphonie de chambre no 1 et
les quatuors à cordes 3 à 5. En 1961, sans
toutefois remettre en cause le principe de
la métamorphose, l’expression devient
plus statique ; les principaux ouvrages de
Holmboe sont les symphonies 9 à 11 et les
quatuors 6 à 14. Les symphonies sont au
nombre de treize (la dernière a été créée
en 1996), et les quatuors au nombre de
vingt et un.
HOLMES (Augusta), pianiste et femme
compositeur française d’ascendance
irlandaise (Paris 1847 - id. 1903).
Elle était la filleule d’Alfred de Vigny. Elle
fut d’abord une jeune prodige du piano,
puis elle travailla la composition avec
César Franck. En 1873, elle composa sa
première oeuvre, le psaume In exitu, puis
de nombreuses mélodies, certaines sous
le pseudonyme de Hermann Zenta. Enfin,
elle aborda la musique théâtrale avec
un ouvrage en un acte, Hero et Léandre
(1875). Suivirent des symphonies dramatiques et des poèmes symphoniques,
comme Irlande (1882) ou Pologne (1883).
Augusta Holmes écrivit aussi des pages
de circonstance, comme l’Ode triomphale,
composée à la gloire de la République à
l’occasion de l’Exposition universelle de
1889, ou l’Hymne à la Paix, chanté à Florence en 1890 lors des fêtes organisées en
l’honneur de Dante. Poète, elle écrivait
elle-même les livrets de ses compositions,
imitant Wagner, qui était son modèle. Son
opéra la Montagne Noire, créé à l’Opéra en
1895, contient de belles pages suggérées
par le folklore balkanique du XVIIe siècle,
mais souffre parfois d’une orchestration
excessivement chargée.
HOLST (Gustav), compositeur anglais
d’origine suédoise (Cheltenham 1874 Londres 1934).
C’est son arrière-grand-père qui vint s’établir à Cheltenham. Son père eût souhaité
qu’il devînt pianiste, mais Gustav préféra
la composition dès son plus jeune âge. Il
dirigea des choeurs - qu’il affectionnait
particulièrement - et un petit orchestre
avant d’entrer au Royal College of Music
en 1893, où il étudia la composition avec
C. V. Stanford. Il travailla également le
piano, l’orgue et le trombone. Après ses
études, et malgré une santé de plus en
plus précaire, il entra comme premier
trombone et répétiteur dans différents
orchestres. En 1903, il commença une carrière de professeur et, à partir de 1919, il
enseigna la composition au Royal College
of Music. Le surmenage, puis un accident
l’obligèrent à limiter ses activités. Holst
se consacra désormais à la composition
jusqu’à sa mort.
Comme son cadet Arnold Bax, il appartient à la période des « nationalistes ».
S’inspirant des maîtres anciens de l’âge
d’or de la musique anglaise ainsi que de
Purcell, il a su éviter l’influence essentiellement germanique qui marque souvent
encore les oeuvres de ses compatriotes à
cette époque. Il a su également tirer profit de la chanson populaire (Somerset
Rhapsody pour orchestre, 1906-1907). Sa
partition la plus célèbre demeure sans
doute la suite symphonique les Planètes
(1919), oeuvre puissante, qui témoigne
d’une profonde science de l’orchestre et
qui frappe par la modernité de son langage (évocation de Mars). Citons encore
l’exemple d’un nouvel appel au folklore,
la Saint Paul’s Suite (1912-13). En 1917,
apparaît The Hymn of Jesus, oeuvre pour
choeurs et grand orchestre fondée sur les
mélodies du plain-chant. Holst a également composé plusieurs opéras : Savitri, opéra de chambre (1908 ; première
représ., Londres, 1916), The Perfect Fool
(1918-1922 ; première représ., 1923), dont
la musique de ballet est souvent jouée, The
Boar’s Head (1925) et surtout The Wandering Scholar (1934), opéra de chambre tiré
d’un conte médiéval que Chaucer n’aurait
pas renié.
Après sa mort, sa fille Imogen Holst
(1907-1984) a été un ardent défenseur de
ses oeuvres, partageant aussi sa passion
pour la direction chorale.
HOLZBAUER (Ignaz), compositeur autrichien (Vienne 1711 - Mannheim 1783).
Élève de Fux (dont il avait étudié tout seul
le Gradus ad Parnassum) à Vienne, il voyagea à son instigation en Italie, fut maître
de chapelle en Moravie, où, en 1737, il
épousa une chanteuse, puis retourna à
Vienne. Après un deuxième séjour en Italie (v. 1744-1751) et deux années à Stuttgart comme chef d’orchestre, il fut appelé
en 1753 à Mannheim, où, exception faite
de trois nouveaux voyages en Italie et non
sans avoir refusé, en 1778, de suivre à
Munich l’Électeur Karl-Theodor, il devait
passer le reste de ses jours. Il composa
beaucoup de partitions instrumentales,
dont environ 70 symphonies (celle en mi
bémol op. 4 no 3 est connue sous le titre
de II Tempesta del mare), des symphonies
concertantes et de la musique de chambre,
mais son importance réside surtout dans
sa musique religieuse, ce qu’on peut expliquer par sa formation à l’école de Fux. En
1777, à Mannheim, Mozart entendit et apprécia fort son opéra en langue allemande
Günther von Schwarzburg, sur un livret
mettant en scène des personnages de l’antiquité germanique, et, en 1778, à Paris,
il ajouta à un Miserere de Holzbauer huit
morceaux, malheureusement perdus. Les
autres opéras de Holzbauer sont en italien,
y compris le dernier, Tancredi (1783). Ces
opéras italiens sont d’ailleurs tous perdus,
sauf deux, Nitetti (Turin, 1758) et Alessandro nell’Indie (Milan, 1759), l’un et l’autre
sur un livret de Métastase.
HOMILIUS (Gottfried August), compositeur et organiste allemand (Rosenthal,
Saxe, 1714 - Dresde 1785).
Élève de Bach à Leipzig, il fut nommé
en 1742 organiste de la Frauenkirche de
Dresde et en 1755 directeur musical des
trois principales églises de la ville. Compositeur de musique religieuse et d’orgue,
il a notamment laissé une Passion (1775)
et l’oratorio de Noël Die Freude der Hirten
über die Geburt Jesu (Joie des bergers à la
naissance de Jésus, 1777).
HOMOPHONIE (grec : « voix semblables »).
Sur le sens de ce mot règne un certain
flottement. Certains l’emploient comme
contraire d’hétérophonie pour désigner
toute musique en strict unisson ; d’autres,
par contre, au lieu de homorythmie pour
désigner une polyphonie note contre
note, dans laquelle toutes les paroles
sont dites en même temps aux différentes
voix, ou son équivalent instrumental (le
terme manque alors de contraire). On dit
également que des notes ou des accords
sont homophones lorsqu’ils sonnent à la
même hauteur malgré une orthographe
différente (par exemple, si dièse et do en
système tempéré égal).
HOMORYTHMIE.
Terme impliquant, dans une polyphonie,
la concordance rythmique note contre
note des parties ainsi que celle des paroles
s’il s’agit d’une composition vocale.
L’écriture homorythmique, qui découle
du conduit du XIIIe siècle, est à la base de
l’« harmonie » au sens classique du mot,
tandis que son contraire, la polyrythmie,
downloadModeText.vue.download 481 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
475
issue du motet, s’est surtout développée à
travers le contrepoint. ( ! HOMOPHONIE.)
HOMS (Joaquim), compositeur espagnol
(Barcelone 1906).
Il étudie le violoncelle et commence très
tard sa carrière de compositeur, après
des leçons avec Roberto Gerhard (19301936). L’originalité de son style réside
dans l’adaptation des éléments mélodicorythmiques propres au folklore catalan à
la matière thématique sur laquelle il travaille. Homs est l’auteur de huit quatuors
à cordes, d’un concertino pour piano et
cordes, d’un sextuor, d’un quintette à vent
et d’un duo pour flûte et clarinette.
HONEGGER (Arthur), compositeur
suisse (Le Havre 1892-Paris 1955).
Né de parents zurichois, il bâtira une
oeuvre où s’équilibrent les apports de son
origine alémanique et de sa formation
française. De son origine alémanique, il
reçoit l’empreinte d’une tradition protestante. La Bible lui deviendra familière
et l’inspirera (le Roi David, Judith). Il est,
en quelque sorte, préparé à accueillir J.-S.
Bach, dont la révélation, dès sa quinzième
année, sous la forme de deux cantates
dirigées par Caplet, est à l’origine du
culte qu’il ne cessera de vouer à celui qu’il
nomme « son grand modèle ». Il compose
aussitôt un oratorio-cantate, le Calvaire,
où se découvrent déjà les perspectives de
son oeuvre future. N’est-ce pas par une
Passion - que seule la mort de l’auteur du
texte fera avorter - qu’il souhaite couronner sa carrière ? Du moins en connaissons-nous la première partie, Une cantate
de Noël (1953), sa dernière oeuvre, qui
s’achève sur un choral. La forme même du
choral adhère à son tempérament. Honegger en dédie un à l’orgue, Fugue, Choral
(1917) ; il en confie un à la trompette dans
le finale de sa 2e symphonie pour cordes
(1941). Parmi les oeuvres où se conjuguent
les influences alémaniques, protestantes
et de J.-S. Bach relevons le Roi David,
psaume dramatique écrit en collaboration
avec René Morax, représenté au théâtre
populaire du Jorat (Mézières, Suisse) et
qui, réinstrumenté et ramassé en oratorio, fut à l’origine, dès sa création à Paris
en 1924, de la popularité de son auteur.
C’est à propos de cette oeuvre que Honeg-
ger répond à Cocteau, qui lui reproche
son adhésion à une tradition agonisante :
« Il me paraît indispensable, pour aller de
l’avant, d’être solidement rattaché à ce
qui nous précède. Il ne faut pas rompre le
lien de la tradition musicale. Une branche
séparée du tronc meurt vite. » D’autres
oratorios succéderont à celui-là : Judith
(1926), drame biblique où se renouvelle
sa collaboration avec Morax, les Cris du
monde (1931), sur un texte de R. Bizet ;
Jeanne d’Arc au bûcher (1935 ; 1re représ.,
1938), oratorio dramatique écrit en accord
étroit avec Claudel. Cette rencontre avec
le poète va être pour le musicien « une des
plus grandes joies de (son) existence ». Si,
à la scène, le succès de Honegger est immédiat et toujours renouvelé, sans doute
tient-il à ce que le compositeur, ainsi qu’il
nous le dit, s’est « efforcé d’être accessible
à l’homme de la rue, tout en intéressant
le musicien ». Cette attitude n’a d’ailleurs
rien de passager et, à quelques rares exceptions, Honegger y sera fidèle. La collaboration avec Claudel se poursuit avec un
nouvel oratorio, la Danse des morts (1938).
C’est encore à cette même tradition que
se réfère l’oratorio dramatique Nicolas
de Flue (1939-40) sur un poème de D. de
Rougemont, créé en 1941.
L’apport alémanique est encore sensible dans l’éducation musicale que reçoit
Honegger. À peine celui-ci a-t-il fait un
peu d’harmonie avec Ch. Martin, organiste du Havre, qu’il part pour Zurich à
dix-sept ans, muni de son baccalauréat,
et pour deux ans. Au conservatoire de
cette ville, les études sont essentiellement
axées sur les grands maîtres classiques et
romantiques. Quand il arrive à Paris, à
dix-neuf ans, Honegger est surtout féru de
la musique de Wagner, de Richard Strauss
et de Max Reger. Beethoven, qu’il a découvert dès l’enfance et dont il a déchiffré les
sonates à peine initié au solfège, aura une
grande influence dans sa formation.
En regard de ces « alluvions » alémaniques, qui lui viennent tant de son hérédité que de sa culture, que reçoit-il de la
France ? Il y a d’abord la mer. Tout jeune,
il l’a contemplée. Elle évoque son art puissant, les larges mouvements qui le rythment, le profond brassage des influences
variées qu’elle a assimilées, le goût profond
de son auteur pour la liberté. « Homme
libre toujours tu chériras la mer », aurait-il
pu s’écrier avec Baudelaire. Ce qu’il doit à
la France, c’est, selon son propre aveu, son
« affinement musical et esthétique ». C’est
à Paris, au Conservatoire, qu’à son retour
de Suisse, il poursuit ses études. Il y reçoit
l’enseignement de L. Capet (violon), de
Gédalge (contrepoint et fugue), de Widor
(composition) et d’Indy (direction d’orchestre). Il y approfondit les compositeurs
français. « Debussy et Fauré, dira-t-il, ont
fait très utilement contrepoids dans mon
esthétique et ma sensibilité aux classiques
et à Wagner. »
Mais Paris, c’est peut-être avant tout
sa rencontre avec Darius Milhaud, son
condisciple à la classe de Gédalge. Le
jeune Aixois l’éblouit. Il devient son ami
et l’introduit dans le milieu exaltant de ses
relations, aussi bien musicales que picturales et littéraires. Honegger y rencontre
quelques-uns de ceux qui deviendront ses
amis et ses collaborateurs, tels F. Ochsé,
qui aura sur lui la « plus heureuse action », Fauconnet, qui lui fournira le livret
d’Horace victorieux (1920), vaste fresque
atonale, l’une de ses oeuvres préférées, et
Cocteau, qui, dès 1916, patronne, sous la
houlette de Satie, les « Nouveaux Jeunes »
en attendant, quatre ans plus tard, le
« groupe des Six ». S’il adhère à ces mouvements, ce n’est que superficiellement
(Marche funèbre des Mariés de la tour Eiffel
de Cocteau, 1921). De cette époque date
néanmoins une oeuvre qui marque un
jalon important dans sa carrière de compositeur, le Dit des jeux du monde, musique
de scène pour la pièce de P. Méral montée
au Vieux-Colombier en 1918 par Jane
Bathori et qui fait scandale. La collaboration du compositeur avec Cocteau restera
pourtant essentielle, moins à cause des 6
Poésies de J. Cocteau (1920-1923) que pour
Antigone (1924-1927). Au vrai, Honegger
se détachera rapidement de l’esthétique
prônée par Cocteau. Il n’a pas, comme il le
dit, « le culte de la foire et du music-hall ».
Il écrit à Poulenc un an avant sa mort : « Je
considère Satie comme un esprit excessivement juste mais dépourvu de tout
pouvoir créateur. Faites ce que je dis, ne
faites surtout pas ce que je fais. Ce qu’il
souhaite, c’est retrouver la communion
avec le public. « On peut, dira-t-il, on doit
parler au grand public sans concession
mais aussi sans obscurité. » Aussi bien
tourne-t-il le dos à tout mandarinisme. il
s’écartera de Schönberg et de son école,
de « cet art d’abstraction », ainsi qu’il le
nommera. « La musique, proclame-t-il,
doit changer de caractère, devenir droite,
simple, de grande allure : le peuple se fiche
de la technique et du fignolage. » Voilà qui
peut faire comprendre que ce musicien
« populaire » soit avant tout un lyrique et
que son « rêve eût été de ne composer que
des opéras ». Sa passion pour le théâtre
lyrique remonte à sa neuvième année,
où il a la révélation du Faust de Gounod.
Aussitôt il entreprend (texte et musique)
deux opéras, Philippe et Sigismond, puis
commence une Esmeralda d’après Hugo.
S’il n’écrit qu’un opéra, Antigone, sans
parler de l’Aiglon (1935 ; 1re représ., 1937),
en collaboration avec son ami Ibert, de
deux mélodrames avec Valéry, Amphion
et Sémiramis (1931), de deux opérettes, les
Aventures du roi Pausole et les Petites Cardinal (1938), où il retrouve Ibert comme
partenaire, on peut affirmer que la plus
grande partie de son oeuvre prend essor
sur un tremplin dramatique, aussi bien ses
cinq symphonies, ses musiques de scène,
de film ou ses ballets que sa musique de
chambre.
HONEGGER (Marc), musicologue français (Paris 1926).
Ayant travaillé le piano, l’écriture, la composition et la direction d’orchestre, il a
également suivi des études de musicologie
avec Paul-Marie Masson et Jacques Chailley. En 1958, il fut chargé d’enseignement
à l’université de Strasbourg, où il dévedownloadModeText.vue.download 482 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
476
loppa les activités musicales parmi les étudiants en créant en 1961 les Journées de
chant choral et introduisit la préparation à
l’éducation musicale (licence et concours
de recrutement : C. A. P. E. S. et agrégation). Docteur ès lettres et professeur titulaire depuis 1970, il est en outre président
de la Société française de musicologie.
Ses recherches ont porté essentiellement sur la musique française du
XVIe siècle, mais il a aussi contribué à
une meilleure connaissance des oeuvres
de Georges Migot. On lui doit enfin un
Dictionnaire de la musique en 4 volumes,
publié sous sa direction (vol. I et II : les
Hommes et les oeuvres, Paris, 1970 [2e éd.,
1979] ; vol. III et IV : Science de la musique,
Paris, 1976).
HOPAK ou GOPAK.
Danse populaire ukrainienne à deux
temps, souvent employée par le ballet classique russe.
Elle adopte un mouvement rapide et un
rythme incisif. Elle peut être dansée par
des solistes ou en groupes.
HOPKINSON (Francis), homme d’État,
inventeur, poète et compositeur américain (Philadelphie 1737 - id. 1791).
Il perfectionna le clavecin, ajouta un clavier à l’harmonica de verre de Franklin,
inventa un instrument à cloches, qu’il appela « bellarmonica », et publia en 1788 un
recueil de chansons, qu’il adressa à George
Washington en revendiquant l’honneur
d’être le premier Américain de naissance à
produire une composition musicale.
HOQUET.
Procédé rythmique qui consiste à répartir
une à une entre plusieurs voix ou instruments en alternance les notes d’une ligne
mélodique.
Apparu vers la fin du XIIIe siècle, le
hoquet connut une grande vogue dans
l’Ars nova du XIVe siècle, où il fut surtout
utilisé comme « coda » dans les parties
terminales ; de moins en moins employé
par la suite, il disparut à peu près de la
polyphonie vers 1530. On en retrouve
un équivalent moderne dans certaines
formules d’accompagnement orchestral
dites « contre-temps », introduites dans
la seconde moitié du XVIIIe siècle. La
symphonie classique ou l’opéra verdien
ne dédaignent pas d’en faire usage, mais
c’est surtout dans les musiques militaires
ou les orphéons que s’est implantée sa
suprématie. On a parfois donné le nom de
« hoquet » comme titre à certaines pièces
du XIVe siècle qui en faisaient usage ; l’un
des plus célèbres est le Hoquet David de
Guillaume de Machaut, comportant 2
voix riches en hoquets sur une 3e voix en
teneur.
HORENSTEIN (Jascha), chef d’orchestre
américain d’origine russe (Kiev 1899 Londres 1973).
Il étudia à Vienne le violon avec A. Busch
(1911), puis la philosophie à l’université
(1918) et débuta comme chef d’orchestre
en 1923. Il travailla à Düsseldorf jusqu’en
1933 et enseigna à la New School for Social Research de New York en 1940. Il dirigea pour la première fois Wozzeck d’Alban
Berg à Paris (O.R.T.F., 1950) et, des chefs
de sa génération, fut un des plus grands
interprètes de Gustav Mahler.
HORNBOSTEL (Erich Moritz von), musicologue autrichien (Vienne 1877 - Cambridge 1935).
Il étudia la chimie, la physique et la philosophie à Vienne et à Heidelberg, puis il
s’installa à Berlin, où il se consacra uniquement à la psychologie et (avec son
maître C. Stumpf) à la musicologie. Professeur à l’université de Berlin en 1917, il
dirigea de 1906 à 1933 le PhonogrammArchiv de cette ville. Obligé d’émigrer en
1933, il obtint à la New School of Social
Research de New York un poste d’enseignant, qu’il dut abandonner au bout d’un
an pour raison de santé. Il fut le fondateur de l’ethnomusicologie moderne (ou
musicologie comparée) et compta parmi
ses collaborateurs berlinois Walter Wiora.
En 1906, il avait fait un voyage d’études
chez les Indiens de l’Amérique du Nord.
Il a écrit de très nombreux articles et édité
avec C. Stumpf les Sammelbände für vergleichende Musikwissenschaft (1922).
HORNE (Marilyn), mezzo américaine
(Bradford 1929).
Elle fait ses débuts à Los Angeles en 1954
dans la Fiancée vendue de Smetana (rôle
de Hata). La même année, elle est choisie
pour doubler Dorothy Dandridge dans le
célèbre film Carmen Jones. En 1956, elle
part se perfectionner en Europe. Stravinski
lui fait créer sa Cantate de saint Marc au
festival de Venise. En 1967, à Londres,
Marilyn Horne chante pour la première
fois Adalgise aux côtés de la Norma de
Joan Sutherland et s’affirme comme une
des grandes interprètes actuelles des rôles
de bel canto orné. C’est pourtant les représentations du Siège de Corinthe dans le rôle
de Néocles de Rossini, données à la Scala
de Milan en 1969, pour le centenaire de la
mort du compositeur, qui la consacrent
définitivement parmi les virtuoses les plus
accomplies de notre époque. Depuis lors,
Marilyn Horne a abordé certains rôles
plus lourds, tels que Fidès du Prophète
de Meyerbeer et Azucena du Trouvère
de Verdi. Mais il est évident que le chant
d’agilité reste son domaine d’élection. À
défaut d’un volume exceptionnel, sa voix
possède un timbre sombre et corsé d’une
séduction très personnelle.
HORNEMAN (Christian Frederik Emil),
compositeur danois (Copenhague 1840 id. 1906).
Il fut une des plus fortes personnalités du
mouvement romantique de son pays. Ses
études poursuivies à Leipzig lui permirent
de faire la connaissance de E. Grieg, qu’il
retrouva à Copenhague en 1865. Ce fut
l’occasion pour eux de créer l’éphémère
groupe Euterpe (avec Rikard Nordraak et
Gottfred Matthison-Hansen), qui avait
pour but de contrebalancer l’influence de
la très conservatrice Musikforeningen de
N. Gade. À l’ombre de ce dernier, Horneman n’arriva jamais à imposer son style
et se consacra surtout à l’enseignement
(C. Nielsen fut, dans les années 80, un
élève admiratif de l’art de son maître). Ses
oeuvres les plus remarquables - l’ouverture
féerique d’Aladdin, créée à Leipzig en 1864
et complétée par la suite en opéra (1888),
l’ouvrage symphonique Ein Heldenleben
(« Une vie de héros »), la musique de scène
de Kalanus (1880), et de nombreux lieder immortalisent le nom d’un compositeur
qui ne put, malheureusement, totalement
extérioriser des dons évidents.
HORNPIPE.
Instrument primitif, d’origine britannique, fait à partir d’une corne d’animal et
pourvu d’une anche simple.
Cet instrument a donné son nom à une
danse populaire anglaise, qui devient au
XVIIe siècle une danse de cour que l’on
trouve dans la suite instrumentale (notamment chez H. Purcell), mais qui se
fait aussi une place parmi les danses de
théâtre. Quelques pièces vocales de cette
époque sont en réalité des hornpipes (H.
Purcell : Nymphs and shepherds, come
away). D’abord à 3 temps, puis à 4 temps,
le hornpipe se danse en sautant avec peu de
déplacements latéraux.
HOROWITZ (Vladimir), pianiste américain d’origine russe (Kiev 1904 - New
York 1989).
De 1910 à 1921, il étudia au conservatoire de Kiev avec Félix Blumenfeld, qui
lui transmit la tradition d’Anton Rubinstein, et avec S. Tarnovski. En 1915, il joua
devant Scriabine, qui l’encouragea à se
consacrer entièrement à la musique. Entre
1922 et 1925, il fit de triomphales tournées
en Union Soviétique (Kharkov, Moscou,
Leningrad). Il vint ensuite à Hambourg,
à Berlin (1925) et à Paris. En 1928, aux
États-Unis, il se révéla au public newyorkais dans le concerto de Tchaïkovski
sous la direction de Thomas Beecham. La
même année, il joua à la Scala de Milan le
2e concerto de Brahms et le 3e de Rachmaninov, qu’il rejoua à Londres en 1930
sous la baguette de Mengelberg. En 1933,
il épousa la fille de Toscanini, Wanda.
Il obtint la nationalité américaine en
1944. Après la Seconde Guerre mondiale,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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il donna quelques concerts en Europe,
puis regagna les États-Unis, où il s’établit
définitivement. Après une interruption de
douze ans, il réapparut en public en 1965
lors d’un mémorable récital à Carnegie
Hall, qui devait marquer pour lui le début
d’une seconde carrière. Son jeu se caractérise par une virtuosité et une précision
étonnantes ainsi que par une sonorité
véritablement orchestrale, qualités qui
trouvent leur meilleure application dans
la sonate de Liszt, les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, la 7e sonate et la
Toccata de Prokofiev, les oeuvres de Scriabine, et Petrouchka de Stravinski. Mais
Horowitz sait aussi faire un travail d’orfèvrerie délicat et puissant à la fois dans les
sonates de Scarlatti ou de Clementi. En
1944-1948, il a contribué à la formation
pianistique de Byron Janis, qui reste son
unique élève. Il a réalisé des transcriptions
et composé quelques oeuvres pour piano,
notamment des Variations sur des thèmes
de Carmen brillantes et pleines de verve.
HORSZOWSKI (Mieczyslaw), pianiste
polonais naturalisé américain (Lvov
1892 - Philadelphie 1993).
Après des études au Conservatoire de
Lvov, puis à Vienne avec Theodor Leschetizky, il se produit comme enfant prodige
dès 1901 en jouant le Premier Concerto
de Beethoven à Varsovie. En 1903, il
part en Amérique du Sud, fait ses débuts
à New York en 1906 et s’installe à Paris
en 1911. Il y rencontre Debussy, Ravel et
Martinu, mais son activité y est fort discrète puisqu’il n’y donne aucun récital
après 1927. Sa carrière rebondit en 1940
lorsqu’il se fixe à New York, où il devient
le partenaire de Casals et de Joseph Szigeti. Il crée aussi des oeuvres de Villa-Lobos et de Copland. En 1942, il est nommé
professeur au Curtis Institute de Philadelphie, où il compte parmi ses élèves Muray
Perahia et Peter Serkin. En 1947, il fonde
le New York Piano Quartet, et devient un
proche collaborateur de Rudolf Serkin
au Festival de Marlboro. Dans les années
1970, il est redécouvert en Europe. Il revient en vétéran à Prades et à Paris, où il
est accueilli comme une figure de légende.
À plus de quatre-vingt-dix ans, presque
aveugle, il joue ses programmes entièrement par coeur, y compris les oeuvres de
musique de chambre. Il donne son ultime
récital à Philadelphie en avril 1991.
HOSANNA.
Terme hébreu d’acclamation, conservé
dans la liturgie latine en plusieurs endroits
de l’office, notamment dans le Sanctus de
la messe, où il forme un refrain (Hosanna
in excelsis) à la suite de chacune des deux
parties, Sanctus et Benedictus.
Dans le répertoire grégorien, ce refrain
était simplement soudé au texte, de même
que dans les messes polyphoniques les
plus anciennes, mais, à mesure que cellesci gagnaient en ampleur, il tendit à s’en
détacher pour devenir un morceau indépendant, généralement de style brillant,
volontiers fugué, avec, selon les cas, tantôt
deux musiques différentes pour les deux
hosanna, tantôt reprise pure et simple de
la première pour la seconde. Aucune règle
n’est ici imposée, le musicien réagissant
selon les circonstances de composition ou
d’exécution.
HOTHBY (John ou Johannes Ottobi),
théoricien et compositeur anglais ( ? v.
1410 - ? 1487).
Ce moine carmélite enseigna à l’université
d’Oxford, où il a fait ses propres études.
Ses écrits laissent entendre qu’il parcourut
la France, l’Espagne et l’Allemagne. Hothby séjourna sûrement à Florence, et, de
1467 à 1486, à Lucques. En 1486, il quitta
l’Italie, rappelé par Henri VII en Angle-
terre. Docteur en théologie, il enseigna,
outre la musique, la grammaire et l’arithmétique, et exerça comme professeur une
remarquable influence. Défendant les
théories d’un Guido d’Arezzo, il s’éleva,
en revanche, contre celles du théoricien
espagnol Ramos de Pareja (Dialogus in
arte musica). Son ouvrage le plus important, écrit en italien, reste La Calliopea
legale (Paris, 1852). Hothby a, par ailleurs,
laissé quelques oeuvres polyphoniques à 3
et à 4 voix.
HOTTER (Hans), basse-baryton allemand (Offenbach-sur-le-Main 1909).
Il a fait ses études à Munich et, à partir de
1937, a mené l’essentiel de sa carrière dans
cette ville et à Vienne, participant notamment à Munich aux créations de Jour de
paix (1938, rôle du Commandant) et de
Capriccio (1942, rôle d’Olivier) de Richard
Strauss. il s’imposa surtout comme un
des plus grands chanteurs wagnériens de
l’histoire, en particulier dans les rôles de
Wotan (qu’il chanta à Bayreuth à partir
de 1951), du Hollandais et de Gurnemanz.
Sa voix, immense, aux couleurs sombres,
pouvait aussi s’adapter au climat intimiste
du lied, et le Voyage d’hiver de Schubert
n’a sans doute jamais été restitué avec
autant d’intensité que par lui.
HOTTETERRE famille de musiciens et de
facteurs d’instruments français.
Originaire de La Couture-Boussey, près
d’Évreux, elle descend de Loys Hotteterre
(mort vers 1620), tourneur de bois à La
Couture.
Jean, joueur
fils de Loys
ment facteur
1650 dans la
roi.
de hautbois et de musette,
( ? v. 1605 - ? v. 1691). Égaled’instruments, il entra vers
musique de la Chambre du
Jean, neveu du précédent ( ? v. 1648 - Paris
1732). Il fut un des plus grands facteurs
d’instruments (à vent) de la famille.
Martin, fils de Jean (1) et cousin de Jean
(2) [ ? v. 1640 - ? 1712]. Il se distingua dans
la facture de la musette du Poitou.
Nicolas, cousin des deux précédents ( ? v.
1637 - Versailles 1694). Il joua du basson à
la chapelle royale et, comme Martin, fut
membre du Grand Hautbois.
Louis, frère du précédent ( ? v. 16451650 - Ivry 1716). Flûtiste du roi, il contribua beaucoup à la diffusion en France de
la flûte traversière.
Nicolas, frère des deux précédents (La
Couture-Boussey 1653 - Paris 1727). Il
entra dans le Grand Hautbois en 1667.
Jacques, dit Hotteterre-le-Romain,
fils de Martin et arrière-petit-fils de Loys
(Paris 1674 - id. 1763). Il voyagea en Italie
et fut le plus célèbre membre de la famille.
Il revint à Paris en 1705 et entra comme
flûtiste à la Chambre du roi ainsi que
comme basson (et viole de gambe) dans
la musique de la Grande Écurie. Ce fut un
virtuose distingué, qui a beaucoup contribué au progrès de son instrument principal. Ses oeuvres sont en majorité pour
flûte traversière, à laquelle il a consacré
aussi des ouvrages théoriques et des méthodes (Principes de la flûte traversière, ou
flûte d’Allemagne. De la flûte à bec, ou flûte
douce, et du haut-bois, diviséz par traitéz,
Paris, 1707 ; l’Art de préluder sur la flûte
traversière..., Paris, 1719 ; Méthode pour la
musette..., Paris, 1737 ; rééd., 1977).
Jean, frère du précédent (mort en 1720).
Il entra au Grand Hautbois en 1710 et a
laissé une suite pour musette, publiée par
son frère en 1722.
HOUDAR DE LA MOTTE (Antoine), librettiste français (Paris 1672 - id. 1731).
Il étudia le droit, traversa une crise religieuse avant de trouver finalement sa
vocation dans la littérature. Ami de Fontenelle et de Voltaire, il prit parti, dans
la querelle des Anciens et des Modernes,
pour ces derniers. Dans ses Discours sur
la tragédie (publiés avec ses oeuvres de
théâtre, Paris, 1730), il critiqua les règles
de la tragédie au nom de la vraisemblance
et conseilla notamment de substituer
l’« unité d’intérêt » à l’« unité d’action ».
Auteur de plusieurs pièces de théâtre, il
fournit également de nombreux livrets à la
plupart des compositeurs français de son
époque : Campra, Colasse, Dauvergne,
Destouches, La Barre, La Borde, Marais,
Mondonville, Mouret. C’est celui de l’Europe galante, mis en musique par Campra
et représenté le 24 octobre 1697, qui le
rendit célèbre et le fit reconnaître comme
le créateur d’un genre neuf : l’opéra-ballet. Spectacle somptueux qui illustrait des
sujets appartenant à la vie moderne, cette
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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forme dramatique purement française
connut un succès croissant pendant tout
le XVIIIe siècle, et, jusque vers 1750, ce fut
l’Europe galante qui servit de référence.
HOVHANESS (Alan), compositeur américain d’origine écossaise et arménienne
(Somerville, Massachusetts, 1911).
Sa fascination pour l’lnde et les musiques
orientales, et plus particulièrement pour
la musique arménienne, lui fait traverser
une période d’exotisme impressionniste
plus ou moins influencé par Sibelius, à
laquelle il met fin en 1940 en détruisant la
quasi-totalité de sa production (un millier
d’oeuvres). Docteur de l’université de Rochester, professeur à Boston et organiste
de la cathédrale arménienne, Hovhaness
entre alors dans sa « période arménienne », qui culmine avec la Saint Vartan
Symphony, et se fixe enfin à New York en
1951. Compositeur prolifique (il a écrit 24
symphonies, de nombreux concertos, des
opéras, de la musique de chambre), il reste
réfractaire aux courants contemporains
et est influencé par les systèmes musicaux
orientaux, qu’il a assimilés au cours de
divers voyages en Inde et au Japon.
HOVLAND (Egil), compositeur et organiste norvégien (Mysen 1924).
Il a été élève de B. Brustad à Oslo et de
V. Holmboe à Copenhague, puis de A.
Copland et de L. Dallapiccola ; avouant
une grande admiration pour le style de ce
dernier et une admiration égale pour l’esthétique de C. Nielsen et de B. Bartók, il a
su développer un art qui, à défaut d’une
grande originalité, s’établit sur la virtuosité de l’écriture. Parti du néoclassicisme
(Concertino pour 3 trompettes et cordes,
1954-55 ; Symphonies 1 et 2, 1952-53 et
1954-55 ; Musique pour 10 instruments,
1957), il se tourne tout d’abord vers un
néosérialisme dodécaphonique qui utilise
parfois même des procédés aléatoires. En
1962, son style s’élargit avec The Song of
the Songs pour soprano et instruments ;
plus riche, plus dramatique et plus coloré
est le langage musical de Lamenti pour
orchestre (1963). L’oeuvre religieuse et
les pièces d’orgue sont également im-
portantes, et, dans Missa vigilate pour
choeur, solistes, danseurs, orgue et bande
magnétique (1967) ou Rorate pour orgue,
orchestre, 5 sopranos et bande magnétique, Hovland place côte à côte le chant
grégorien, la tonalité, le sérialisme dodécaphonique et les procédés électroniques.
Sans être un avant-gardiste, il représente
parfaitement une tendance nordique qui
trouve des correspondances d’attitude en
Finlande avec E. Bergman et en Suède
avec I. Lidholm.
HOWELLS (Herbert), compositeur anglais (Lidney, Gloucestershire, 1892 Oxford 1983).
Il reçut sa formation au Royal College
of Music de Londres sous la direction
de C. V. Stanford et de C. H. Parry. De
1912 à 1917, il fut organiste à l’église de
Saint Mary in Lidney, puis à Saint John’s
College, à Cambridge, avant de devenir
lui-même professeur de composition au
Royal College of Music (1920). Directeur
de la musique au Morley College, puis à
Saint Paul’s Girls’ School (1936-1962), il
enseigna à l’université de Londres de 1954
à 1964. Il a composé pour orchestre (King’s
Herald, pour le couronnement de 1937),
des concertos (un pour cordes et deux
pour piano), de la musique de chambre,
dont deux quatuors à cordes, des mélodies
et surtout de la musique religieuse (Missa
Sabrinensis, 1954 ; Stabat Mater, 1963).
Son langage, assez traditionnel, est teinté
de chromatisme personnel.
HRISTIC (Stevan), compositeur yougoslave (Belgrade 1885 - id. 1958).
Il fit ses études musicales à Leipzig (avec
Nikisch), à Rome, à Moscou et à Paris,
et il fonda en 1923 la Philharmonie de
Belgrade. Il dirigea également l’Opéra
(1924-1935) et enseigna (1937) à l’Académie de musique de cette ville. Dans un
style inspiré à la fois du folklore et de la
musique française du début du XXe siècle,
et évoquant parfois Falla, il a écrit notamment l’opéra Suton (« Crépuscule », 1925 ;
rév. 1954) et le ballet la Légende d’Okhrid
(1933 ; rév. 1958). On lui doit aussi l’oratorio la Résurrection (1912) et un Requiem
orthodoxe (1918).
HUBAY (Jenö), violoniste et compositeur hongrois (Budapest 1858 - id. 1937).
Élève de son père, puis, à Berlin, de Jozsef
Joachim (1873-1876), il se rendit à Paris
sur la recommandation de Liszt et y fit la
connaissance de Vieuxtemps. Il fut ensuite professeur à Bruxelles (1882) avant
de retourner définitivement en Hongrie,
où il mena une brillante carrière de virtuose et d’enseignant, et où il fonda avec
le violoncelliste David Popper un célèbre
quatuor. Comme compositeur, on lui doit
notamment huit opéras, dont le Luthier de
Crémone (1894) et Anna Karenine (1915),
quatre symphonies, les célèbres Scènes de
Csárdás pour violon avec orchestre ou
piano et des pièces diverses pour son instrument. Parmi les élèves de Hubay, citons
Joseph Szigeti et Stefi Geyer.
HUBEAU (Jean), pianiste, compositeur
et pédagogue français (Paris 1917 - id.
1992).
Élève au Conservatoire de Jean et Noël
Gallon, Lazare Lévy et Paul Dukas, il
obtient cinq premiers prix, dont ceux de
piano, d’harmonie et de composition,
ainsi que le second grand prix de Rome
en 1934. Il poursuit ses études à l’Académie de musique de Vienne, dont il sera
lauréat en 1937, et travaille la direction
d’orchestre avec Félix Weingartner. Sa
carrière de soliste et de chef est jalonnée
de très nombreux concerts et enregistrements, dont les intégrales de la musique
de chambre de Schumann et de Gabriel
Fauré. Son activité de compositeur, qu’il
inaugure dès l’âge de seize ans par la publication de Variations pour piano, s’exerce
dans le domaine de la musique instrumentale et symphonique, de la mélodie
et du ballet. On lui doit notamment un
concerto pour violon, un concerto pour
violoncelle et un Concerto héroïque pour
piano et orchestre. Par ailleurs, Jean Hubeau a formé un grand nombre d’élèves
en tant que directeur du conservatoire de
musique de Versailles de 1942 à 1957, puis
comme titulaire d’une classe de musique
de chambre au Conservatoire de Paris à
partir de 1958.
HUBER (Hans), compositeur suisse (Eppenberg 1852 - Locarno 1921).
Élève du conservatoire de Leipzig, il enseigna à Wesserling, à Thann (Alsace) et, à
partir de 1877, à Bâle, ville dont il dirigea
l’école de musique de 1896 à 1918. Comme
pédagogue et comme compositeur, il joua
dans la vie musicale de son pays un rôle
de premier plan, édifiant dans l’esthétique
de Brahms une oeuvre importante et d’une
solide facture, souvent à la recherche
d’une expression nationale. On lui doit
huit symphonies (1881-1920), dont certaines sur des arguments nationaux (no 1
Tell, no 2 Böcklin) ou idéologiques (no 3
Héroïque, no 4 Académique, no 7 Suisse),
des opéras, dont Weltfrühling (1894), Kudrun (1896), Der Simplicius (1912) et Die
schöne Bellinda (1916), des oratorios, de la
musique de chambre et de piano, etc.
HUBER (Klaus), compositeur suisse
(Berne 1924).
Instituteur, il étudia avec Willy Burkhard
(composition) et Stefi Geyer (violon) au
conservatoire de Zurich (1947-1949), puis
avec Boris Blacher à Berlin. Jusqu’en 1955,
il prit des leçons privées avec Burkhard.
Il enseigna le violon au conservatoire de
Zurich (1950-1960), l’histoire de la musique à celui de Lucerne (1960-1963) et
la théorie (1961), puis la composition et
l’instrumentation (1964) à l’Académie de
musique de Bâle. En 1973, il devint, grâce
à une bourse du D. A. A. D., compositeur
en résidence à Berlin et fut nommé professeur de composition à l’École supérieure
de musique de Fribourg-en-Brisgau : il
devait y avoir comme assistant son ancien
élève Brian Ferneyhough. Ses premières
oeuvres datent de 1952 (Abendkantate
pour voix de basse, 2 flûtes, alto, violondownloadModeText.vue.download 485 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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celle et clavecin sur un texte d’Andreas
Gryphius), mais Huber attira surtout l’attention avec Sechs kleine Vokalisen pour
contralto, violon et violoncelle (1955),
symphonie de chambre Oratio Mechtildis
pour contralto et orchestre de chambre
sur un texte de Mechtild von Magdeburg
(1956-57) ou encore Auf die ruhige NachtZeit pour soprano, flûte, alto et violoncelle
(1958). Ses oeuvres s’inscrivent sous le
signe d’un sentiment global de la nature et
de constantes préoccupations religieuses
et spirituelles. Dans Tenebrae pour grand
orchestre, célesta, orgue électrique, timbales et percussion (1966-67), oeuvre qui
lui valut en 1970 le prix Beethoven de la
ville de Bonn, les forces menaçant ces valeurs sont symbolisées par le phénomène
de l’éclipse solaire, elle-même associée
à la Crucifixion. Dans ... inwendig voller
figur... pour choeur, haut-parleurs, bande
magnétique et grand orchestre (1970-71),
commande de la ville de Nuremberg pour
le cinquième centenaire d’Albrecht Dürer,
les textes sont tirés à la fois de Dürer et
de l’Apocalypse, et on retrouve certaines
proportions numériques des oeuvres de
Dürer. Citons encore Soliloquia, oratorio
pour solos, 2 choeurs et grand orchestre
sur un texte de saint Augustin (19591964), Alveare Vernat pour flûte et 12
cordes (1965), Tempora, concerto pour
violon et orchestre (1969-70), Hiob 19
pour choeur et 9 instruments (1971), Jot,
oder Wann kommt der Herr zurück, opéra
dialectique sur un texte de Philip Oxmam
(1972-73 ; création fragmentaire, Berlin, 1973), Im Paradies oder Der Alte vom
Berge, opéra sur un texte d’Alfred Jarry
(1973-1975, création, Bâle, 1975), Erinnere dich an G... pour contrebasse et 17
musiciens (1976-77), ... ohne Grenze und
Rand... pour alto et petit orchestre (197677) et Erniedrigt-Geknechtet-Verlassen-Verachtet... (« Humilié-Asservi-AbandonnéMéprisé... »), oratorio en sept parties sur
un texte d’Ernesto Cardenal (1979-1981 ;
création, festival de Hollande, 1981), un 2e
quatuor à cordes (1983), Spes contra spem
pour chanteurs, acteurs et orchestre (Bochum, 1989), Qui clamavi ad te : Miserere
pour 6 voix a cappella (1993), Concerto
pour piano et orchestre de chambre (19931994), Lamentationes de fine vicesimi saeculi pour grand orchestre (1995).
HUBERMAN (Bronislaw), violoniste polonais (Czanstochowa 1882 - Nant-surCorsier, Vevey, 1947).
Il étudie successivement au conservatoire
de Varsovie avec M. Michalowicz et I.
Lotto, ancien élève du Conservatoire de
Paris, et à Berlin avec Joachim, H. Heermann, M. Marsick et K. Gregorowicz.
Mais toutes ces leçons sont irrégulières et
cessent alors qu’il n’a que dix ans, ce qui
fait de lui en grande partie un autodidacte.
Lors du concert d’adieu de la célèbre soprano Adelina Patti à Vienne en 1895, son
interprétation du concerto de Brahms fait
sensation et enthousiasme le compositeur
lui-même. Huberman fait ensuite de nombreuses tournées. Intuitif, parfois extravagant, il demeure une des plus fortes personnalités de l’histoire du violon.
HUCBALD DE SAINT-AMAND théori-
cien français ? (environs de Tournai v.
840 - Saint-Amand 930).
Il étudie à Saint-Amand dans un monastère dirigé par son oncle, puis à Nevers et
à Auxerre, où il travaille avec Heiric. En
886, fuyant l’invasion des Normands, il
s’installe à Saint-Omer. Après un séjour à
Reims pour organiser les écoles, il revient
définitivement à Saint-Amand et consacre
le reste de sa vie à ses écrits. Si l’on accepte
aujourd’hui qu’il est l’auteur du traité De
harmonica institutione, on l’a longtemps
considéré comme l’auteur de l’ouvrage
théorique le plus important de toute
cette époque, qui a exercé une influence
considérable sur les débuts de la musique
polyphonique aux IXe et Xe siècles, Musica
Enchiriadis. Afin d’améliorer le système
d’écriture des neumes, Hucbald inventa
une notation musicale fondée sur l’emploi
de lignes horizontales parallèles, des emprunts (centons) et d’une notation alphabétique.
HUE (Georges), compositeur français
(Versailles 1858 - Paris 1948).
Fils d’un architecte, il fit de brillantes
études classiques avant de manifester des
dispositions pour la musique. Au Conservatoire de Paris, il fut l’élève de Reber et
de Paladilhe, et obtint le premier grand
prix de Rome en 1879. Il n’aborda aucune
carrière d’instrumentaliste ni de professeur, se consacrant entièrement à la composition. Il obtint en 1881 le prix Crescent
avec son opéra-comique les Pantins et en
1886 le prix de la Ville de Paris avec sa
légende symphonique Rubezahl. Musicien
éclectique, il révéla un grand sens du pittoresque dans le ballet Siang-Sin (1924)
et beaucoup de fantaisie dans l’opéracomique Riquet à la houppe (1928).
L’influence de Wagner, qu’il admirait,
se ressent dans son oeuvre, surtout au
niveau de la richesse sonore de l’orchestration. Hue fut président de l’Académie
des beaux-arts, citoyen d’honneur de la
ville de Bayreuth et membre de l’Institut
en 1922, en succession de Camille SaintSaëns.
HUGHES (Dom Amselm), musicologue
anglais (Londres 1889 - Nashdom Abbey,
Burnham, Buckinghamshire, 1974).
Ayant fait ses études à Oxford, il se spécialisa dans l’étude de la musique d’église
du Moyen Âge, sur laquelle il publia plu-
sieurs études. Directeur de la musique
dans différentes abbayes anglaises, il a été
prieur de l’abbaye de Nashdom de 1936 à
1945. Il participa également à la Plainsong
and Medieval Music Society, à la Gregorian Association et fut président du Faith
Press Ltd de Londres. Il contribua d’autre
part à l’édition du Grove’s Dictionary of
Music and Musicians et à celle du Old Hall
Manuscript (1933-1938). Il a composé une
Missa sancti benedicti (Londres, 1918) et
plusieurs pièces de musique d’église.
HUGO DE LANTINS, musicien originaire
de Liège (XVe s.).
Peut-être apparenté à Arnold de Lantins,
dont il était l’aîné, il a séjourné à Venise
vers 1415-1430 (cf. le motet Christus vincit louant les succès de F. Foscari, doge à
partir de 1423), et l’une de ses chansons,
Tra quante regione, célèbre le mariage de
Cleofe Malatesta avec Théodore Paléologue, fils de l’empereur byzantin. Hugo
de Lantins employa toujours volontiers un
style imitatif, les procédés de la « musica
ficta », les modes transposés et les changements de prolation, mais le fait que son
Et in terra pax ait pu être transcrit sous le
nom de Dufay montre qu’il tendit parfois
vers des contours mélodiques empreints
de simplicité.
HUGON (Georges), compositeur français
(Paris 1904 - Blauvac, Vaucluse, 1980).
Il fut au Conservatoire de Paris l’élève de
Jean Gallon, de Georges Caussade et de
Paul Dukas. C’est à ce dernier qu’il doit un
métier très sûr, qu’il a mis au service d’un
tempérament rêveur et sensible. Il obtint
ses premiers prix de piano et d’harmonie
en 1921, de composition en 1930, année
où il reçut le prix de la Fondation Blumenthal pour la pensée et l’art français. En
1934, il fut nommé directeur du conservatoire de Boulogne-sur-Mer, poste qu’il
occupa jusqu’à l’occupation allemande
(1941). Après la guerre, en 1948, on lui
confia une chaire d’harmonie au Conservatoire de Paris. Le conseil général de la
Seine lui décerna son grand prix musical
en 1967. Hugon est l’auteur de deux symphonies (1941 et 1949), d’un quatuor à
cordes (1931) et d’oeuvres instrumentales
et vocales. D’une troisième symphonie,
consacrée à Prométhée, n’ont été achevés
que les deux premiers mouvements.
HUGUES DE BERZÉ, trouvère français ( ?
v. 1150-1155 - ? v. 1220).
Seigneur de Berzé-le-Châtel, près de
Mâcon, il participa à la 4e croisade (12021204), séjourna à Constantinople et écrivit
sa Bible au seigneur de Berzé, qui dénonçait
les abus du clergé de son temps. On possède huit chansons de lui, dont un chant
de croisade très personnel.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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HUITIÈME DE SOUPIR.
Silence d’une durée égale au huitième
d’une noire et correspondant par conséquent à la triple croche.
HUIT-PIEDS.
On désigne ainsi, à l’orgue, tout jeu dont
le tuyau donnant la note la plus grave (ut
1) mesure approximativement huit pieds
de hauteur. Les jeux de huit pieds (on
écrit aussi 8′) sonnent à l’unisson de la
voix humaine et correspondent à la hauteur réelle des notes sur les instruments à
clavier. Ils constituent donc la base de la
composition des jeux d’un orgue, les jeux
de hauteur différente venant se surajouter
pour modifier à volonté la couleur sonore.
Les jeux sonnant une ou deux octaves plus
bas correspondent à des tuyaux respectivement de seize et de trente-deux pieds
(soit ut-1) ; ceux qui se font entendre une,
deux ou trois octaves plus haut correspondent à des tuyaux de quatre, de deux
et d’un pieds (ut 4). C’est ainsi que, malgré
un clavier court, qui n’excède jamais cinq
octaves, l’orgue peut être le plus étendu
des instruments, couvrant jusqu’à onze
octaves. L’expression huit-pieds s’emploie,
par extension, pour d’autres instruments,
comme le clavecin, pour désigner les jeux
sonnant à l’octave réelle, c’est-à-dire à
l’unisson du clavier.
HULLMANDEL (Nicolas-Joseph), pianiste et compositeur français (Strasbourg 1756 - Londres 1823).
Il étudia à la cathédrale de Strasbourg
avec F. X. Rixhter, puis peut-être à Hambourg avec Carl Philip Emanuel Bach, et
il s’installa vers 1776 à Paris, où il se fit
une brillante réputation comme interprète et comme professeur de piano et
de clavecin ainsi que comme virtuose de
l’harmonica de verre. En 1789, il s’établit à
Londres avec sa famille. Toute sa production est pour clavecin ou piano, parfois
avec accompagnement de violon facultatif
ou obligé. Les opus 1 à 11 parurent à Paris
de 1773 à 1788 ; l’opus 12, à portée didactique, parut à Londres en 1796. Hullmandel écrivit l’article clavecin dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
HUME (Tobias), violiste et compositeur
anglais ( ? v. 1569 - Londres 1645).
Ce célèbre joueur de viole fut également
officier dans l’armée royale. Essentiellement compositeur de musique instrumentale (116 pièces pour 1, 2 ou 3 violes,
ou lyra-viols), il publia en 1605 un recueil
intitulé The First Part of Ayres, French, Pollish and others... et en 1607 Captain Humes
Poeticall Musicke, principally made for two
Bass Viols..., qui contient, outre des pièces
instrumentales, cinq airs à chanter.
HUMFREY (Pelham), compositeur anglais ( ? 1647 - Windsor 1674).
Il commence sa vie musicale comme
chantre et élève de Henry Cooke à la
Royal Chapel de 1660 à 1664 environ, date
à laquelle il a déjà écrit quelques anthems,
dont Haste thee O God. Cette manifestation de son talent lui vaut une bourse
pour la France, où, à en juger d’après
certains traits stylistiques de son oeuvre,
il rencontre sans doute Lully. Humfrey
séjourne également en Italie et s’informe
des dernières techniques de l’écriture
vocale. À son retour en Angleterre, il se
trouve nommé luthiste à la cour (1666) et
« Gentleman of the Royal Chapel » (1667).
S. Pepys, dans son Journal, offre plusieurs
appréciations de la valeur de son compatriote. À cette époque, Humfrey compose
de la musique d’église, des airs ainsi que
ses trois odes, dont celle de 1672, When
from his throne, pour célébrer l’anniversaire du roi. La même année, il devient
maître des enfants de la chapelle. Le jeune
Henry Purcell est l’un de ses élèves. Pour
The Tempest, dans une adaptation de Th.
Shadwell représentée en 1674, Humfrey
compose deux masques. Il tombe malade
peu après et meurt à l’âge de vingt-sept
ans. Particulièrement sensible aux textes
poignants, il sait « attiser les passions »,
que son harmonie chromatique et ses
intervalles mélodiques disjoints mettent
si bien en relief. Il réussit tout particulièrement dans ses verse anthems, dont les
proportions (solos, choeurs, instruments)
peuvent atteindre celles du grand motet,
qu’il aurait entendu en France. Outre
les odes, déjà citées, il laisse un total de
vingt-sept airs, dont cinq sont des airs de
dévotion.
HUMMEL (Johann Julius), éditeur allemand (Waltershausen 1728 - Berlin
1798).
D’abord corniste, il fonda sa maison d’édition à Amsterdam au plus tard en 1753,
et en 1770 établit une branche à Berlin,
où il s’installa lui-même en 1774. Il fut en
Allemagne du Nord le principal éditeur
des oeuvres de Haydn, ce qui fit de lui
un concurrent d’Artaria à Vienne. Il eut
comme collaborateurs son frère Burchard
(1731-1797), sa fille Elisabeth Christina
(1751-1818) et son fils Johann Bernhard
(1760-v. 1805). Sa maison cessa ses activités en 1828.
HUMMEL (Johann Nepomuk), pianiste
et compositeur autrichien (Presbourg
1778 - Weimar 1837).
Enfant prodige, il reçut ses premières leçons de musique de son père, Johannes,
puis étudia à Vienne avec Mozart, qui
l’hébergea dans sa propre maison (17861788) et grâce à qui il donna son premier
concert en 1787. Il partit ensuite avec
son père pour une tournée qui le mena
en Allemagne du Nord, à Copenhague,
en Écosse, à Londres (où, en 1792, il joua
aux mêmes concerts que Haydn) et de
nouveau en Allemagne. Revenu à Vienne
en 1793, il prit de nouvelles leçons avec
Albrechtsberger et Salieri, se lia d’amitié
avec Beethoven et s’imposa comme un des
premiers pianistes de son temps. Sa nomination en 1804 comme concertmeister (en
l’occurrence, chef d’orchestre) du prince
Esterházy fit de lui un des trois musiciens
(les deux autres étant le vice-maître de
chapelle Johann Nepomuk Fuchs et l’autre
concertmeister Luigi Tomasini), qui
eurent à assumer la succession de Haydn
malade, celui-ci conservant son titre de
maître de chapelle. Hummel occupa ce
poste jusqu’en 1811. Il reprit sa carrière
de pianiste vers 1814, puis fut maître de
chapelle à Stuttgart (1816-1818) et enfin
à Weimar (de 1819 à sa mort). Dans les
années 20 et 30, il refit comme pianiste des
tournées à travers l’Europe et, en 1827, il
se rendit à Vienne pour revoir Beethoven
mourant. Comme pédagogue du piano, il
eut notamment comme élève C. Czerny,
F. Hiller, F. Mendelssohn et S. Thalberg.
Comme compositeur, il ne se limita pas
au piano, mais aborda à peu près tous les
genres instrumentaux et vocaux, sauf la
symphonie. Ses premières oeuvres sont
ancrées dans le classicisme viennois
(Mozart, Haydn), ses dernières tendent
la main aux romantiques de 1830 (Chopin) : il contourna Beethoven plutôt qu’il
ne se mesura avec lui. Il a laissé de très
nombreuses pièces pour piano (dont les
six sonates op. 3 en ut majeur (1792), op.
13 en mi bémol [v. 1804, dédiée à Haydn],
op. 20 en fa majeur (v. 1807), op. 38 en ut
majeur (v. 1808), op. 81 en fa dièse mineur [1819, particulièrement admirée de
Schumann] et op. 106 en ré [1824]), et de
la musique religieuse (dont cinq messes)
datant pour l’essentiel de ses années chez
les Esterházy.
La méthode de piano de Johann Nepomuk Hummel (1828) eut une importance
considérable dans la première moitié du
XXe siècle.
HUMORESQUE.
Type de pièce instrumentale apparu au
XIXe siècle. Le terme est sans doute moins
à prendre dans le sens de « humour »
(comique) que dans le sens de « humeur »
(état d’âme). L’humoresque exprimerait
donc un sentiment poétique, qui peut
être lyrisme, intimité ou verve, ainsi que
l’atteste l’Humoresque op. 20 pour piano
de Schumann, première oeuvre de ce titre.
On trouve des humoresques chez Stephen
Heller, Grieg, Dvořák, Humperdinck, Sibelius, Reger. Tel était également le titre
original de certaines mélodies du Cor merveilleux de l’enfant de Mahler.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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HUMPERDINCK (Engelbert), compositeur allemand (Siegburg, Rhénanie,
1854 - Neustrelitz 1921).
Il étudia à Cologne et à Munich, et participa, à l’invitation de Wagner, à la prépa-
ration des premières représentations de
Parsifal à Bayreuth en 1882. Il enseigna
successivement à Barcelone, à Francfort
et, de 1900 à 1920, à Berlin. D’une production abondante, seul a survécu l’opéra
Hänsel und Gretel, sur un livret d’Adelheid
Wette (Weimar, 1893, sous la direction de
Richard Strauss), soeur du compositeur :
cette oeuvre utilise adroitement, dans une
atmosphère de conte de fées, des chansons
populaires de Westphalie.
HURÉ (Jean), organiste, pianiste et
compositeur français (Gien 1877 - Paris
1930).
Formé en marge de l’enseignement officiel, il fit ses études musicales à Angers et
à Paris, devant surtout à son travail et à
sa réflexion personnels son vaste savoir et
son érudition d’humaniste et de musicologue. Monté à Paris en 1895, il y exerça
une activité multiple et féconde. Exécutant, il fut principalement connu comme
pianiste (non seulement en France, mais
aussi en Autriche et en Roumanie). Compositeur, il écrivit beaucoup : trois symphonies, deux messes, un concerto pour
violon, de la musique de chambre, une
demi-douzaine d’ouvrages lyriques (restés à l’état de manuscrit), de la musique
vocale. Comme journaliste musical, il créa
en 1924 la revue l’Orgue et les Organistes et
publia de nombreux articles. Pédagogue, il
fonda en 1912 une École normale de musique et mit au point des ouvrages de technique instrumentale sur le piano et sur
l’orgue. Il a aussi publié des livres et des
études sur des sujets très variés : Chansons
et danses bretonnes précédées d’une étude
sur la monodie populaire (1902), Défense et
illustration de la musique française (1915),
l’Esthétique de l’orgue (1923), Saint Augustin musicien (1925).
HUREL (Philippe), compositeur français
(Domfront 1955).
Ancien élève du Conservatoire puis de
l’université de Toulouse (musicologie),
Hurel entre en 1981 au Conservatoire
de Paris, où il travaille avec Ivo Malec et
Betsy Jolas. Il suit aussi les cours de Tristan Murail sur les rapports entre informatique, acoustique et composition. Il a été
membre du département de la recherche
musicale à l’I.R.C.A.M. Sa musique est
typique de la deuxième génération de
compositeurs de musique spectrale. Il y
instaure des relations dynamiques entre
les instruments acoustiques et les synthétiseurs pilotés par l’ordinateur, se préoccupe de la « modulation des timbres »
et de la forme, assimilée à un processus
d’analyse de plus en plus fine (Fragment
de lune pour 15 instruments et dispositif
électroacoustique, 1986-87). Dans des
oeuvres comme Diamants imaginaires,
diamant lunaire pour 22 instruments
(1984-1986), Leçon de choses (1993), Six
Miniatures en trompe-l’oeil (1991-1993) ou
Pour Luigi pour cinq instruments (1995),
les principes de l’analyse des formants sonores sont enrichis par une pensée générative qui autorise transitions de timbres,
reprises et répétitions transformationnelles. il s’intéresse aussi à la manière dont
la perception saisit l’objet musical et joue
sur la définition des structures globales
(timbre, harmonie) ou « différenciées »
(mélodie, polyphonie, par exemple dans
Pour l’image pour 14 instruments, 198687).
HURLEBUSCH (Conrad Friedrich),
organiste et compositeur allemand
(Brunswick 1695 ou 1696 - Amsterdam
1765).
Il voyagea beaucoup dans sa jeunesse,
séjournant à Hambourg (1715), à Vienne
(1716), en Italie (1718), à Munich (1721)
et devenant en 1722 maître de chapelle à
la cour de Suède, où il composa l’opéra
Armenio (1724), perdu. On le vit ensuite
dans sa ville natale (1725), puis de nouveau à Hambourg (1727-1736) ; en 1743,
Hurlebusch devint organiste de l’Oude
Kerk d’Amsterdam. Il cultiva de nombreux genres instrumentaux et vocaux,
mais son intérêt réside principalement
dans ses suites pour clavier, qui relèvent
du type illustré avant lui par Couperin ou
Muffat.
HURNIK (Ilja), compositeur tchèque (Poruba 1922).
Il se destina d’abord à la seule carrière de
pianiste, puis étudia la composition avec
V. Novak. Aussi habile comme musicien
de chambre (notamment avec le Quatuor
Smetana) que comme soliste (Janáček,
Debussy, Poulenc, Stravinski), il a, comme
compositeur, cultivé un style néoclassique
inventif, clair et dynamique, proche de
Stravinski dans les Moments musicaux
pour instruments à vent (1963), de Prokofiev dans le ballet Ondras (1950), de Pou-
lenc dans la cantate folklorique Maryka
(1948 ; rév., 1955).
HUSA (Karel), compositeur américain
d’origine tchèque (Prague 1921).
Après des études au conservatoire de
Prague, il vécut à Paris de 1946 à 1954,
travailla la composition avec Nadia Boulanger et Arthur Honegger, et la direction
d’orchestre avec Eugène Bigot et André
Cluytens. En 1954, il partit pour Utica,
dans l’État de New York, pour y enseigner
la composition et la direction d’orchestre
à la Cornell University. Il devint citoyen
américain en 1959. Sa première période
de compositeur fut influencée par Honegger et Bartók : en témoignent le Concertino
pour piano et orchestre (1949), le trio pour
clarinette, alto et violoncelle Évocations
de Slovaquie (1951), et la symphonie no 1
(1953). La tentation webernienne apparut avec Mosaïques pour orchestre (1961).
On lui doit trois quatuors à cordes (1948,
1953 et 1968), dont le dernier lui valut le
prix Pulitzer en 1969. Citons encore Music
for Prague 1968 (1968), dont il existe une
version pour ensemble d’instruments à
vent et une pour orchestre - admirable
rencontre du vieux choral hussite « Vous
qui êtes soldats de Dieu et de sa Loi »,
des cloches de la ville aux cent clochers
(Prague), de l’angoisse et de la liberté -,
le ballet Monodrama (1976), American Te
Deum pour baryton, choeurs et ensemble
d’instruments à vent (1976), Concerto
pour orchestre (1986).
Karel Husa a édité des oeuvres de Delalande et de Lully.
HÜTTENBRENNER (Anselm), compositeur autrichien (Graz 1794 - Ober-Andritz, près de Graz, 1868).
Élève de Salieri, il ferma les yeux de
Beethoven et fut l’ami de Schubert, dont
il conserva jusqu’en 1860, sans le communiquer à quiconque, le manuscrit de la
Symphonie inachevée. Il écrivit des opéras,
de la musique religieuse et de chambre, et
des lieder dont un Erlkönig.
HUTTENLOCHER (Philippe), barytonbasse suisse (Neuchâtel 1942).
Il achève d’abord des études de violon
avant de commencer le chant en 1963. Il
travaille avec Juliette Bisse, et, en 1967,
remporte un premier prix de chant au
Conservatoire de Genève. Michel Corboz
l’engage alors comme soliste de l’Ensemble
vocal de Lausanne. Il y chante notamment
le Requiem de Fauré, des madrigaux et les
Vêpres de la Vierge de Monteverdi, des
cantates et les Passions de Bach. Spécialisé dans les oratorios, il fait ses débuts
à l’opéra avec l’Orfeo de Monteverdi à
Zurich. Son répertoire s’étend des Indes
galantes de Rameau au rôle de Guglielmo
dans Cosi fan tutte, en passant par celui de
Golaud dans Pelléas, qu’il enregistre sous
la direction d’Armin Jordan.
HUYGENS (Constantin), diplomate,
poète et compositeur néerlandais (La
Haye 1596 - id. 1687).
Père du célèbre physicien Christiaan
Huygens, Constantin fut un musicien
amateur passionné et un homme de
grande culture ; il ne parlait et n’écrivait
pas moins de sept langues. Il jouait de la
viole, du luth, du théorbe, de la guitare,
du clavecin et de l’orgue. La plupart de ses
oeuvres (environ 800) sont aujourd’hui
perdues. Cependant, on possède de ce
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
482
compositeur un recueil d’une grande importance pour l’histoire de la pratique de
la basse chiffrée en France. il s’agit de la
Pathodia sacra et profana (1647) ; l’éditeur
Robert Ballard (Paris) demanda à Huygens
de remplacer la tablature de luth par une
basse comportant des chiffres indiquant
l’harmonie à réaliser. Le volume contient
des psaumes en latin (20) ainsi que des
airs italiens (12) et des airs français (7).
Ces pièces révèlent une inspiration riche
et une audace harmonique assez personnelle. Huygens est également l’auteur d’un
traité, Gebruyck of ongebruyck van’t orgel
in de Kerken der Vereenighde Nederlanden
(1641), qui prône le retour au style liturgique aux dépens du style concertant.
HYDRAULE.
Nom de l’orgue hydraulique, dont on
attribue l’invention au Grec Ctésibios
d’Alexandrie (IIIe s. av. J.-C.). Un système de soufflerie (pompe et réservoirs)
hydraulique fournissait l’air comprimé
nécessaire à faire parler les quelques
tuyaux à bouche ou à anche qui équipaient l’hydraule. Il semble que celle-ci ait
eu un son puissant et un jeu rudimentaire.
C’est ainsi qu’elle servait, avec les cors et
les trompettes, d’instrument d’alarme, de
sonnerie pour les jeux du cirque, les festivités et les mouvements militaires. Elle fut
largement répandue dans tout le bassin
de la Méditerranée : on la retrouve (dans
les textes et l’iconographie seulement,
aucune hydraule ne nous étant parvenue)
à Alexandrie et à Byzance, à Jérusalem et
à Rome. C’est un instrument de ce type
que l’empereur romain d’Orient Constantin V offrit à Pépin le Bref en 757, ce qui
eut pour effet d’introduire l’orgue dans la
musique occidentale.
HYMNAIRE.
Dans la liturgie chrétienne, recueil
d’hymnes. Les hymnaires ont cessé, depuis
l’imprimerie, de former des ensembles
isolés, et les hymnes sont aujourd’hui
presque toujours insérés dans les offices
correspondants.
HYMNE.
Dans l’Antiquité, poème chanté en l’honneur d’une divinité. Plusieurs hymnes figurent parmi les « monuments » conservés
de la musique grecque antique (hymnes
delphiques à Apollon, hymne au soleil
de Mésomède, etc.). Le culte chrétien a
adopté le mot (devenu féminin en français
dans ce seul emploi) et a fait de l’hymne
un genre liturgique à part, généralement
chanté à la fin des principales heures.
Dans l’Église latine, l’hymne est un
poème strophique et syllabique, souvent
écrit en vers selon la métrique ancienne,
mais sans que la musique tienne compte
de cette particularité. Elle s’achève régulièrement par une strophe de doxologie en
l’honneur de la Sainte Trinité ; c’est avec la
séquence l’un des rares genres liturgiques
dont les paroles (jamais la musique) soient
parfois signées. La pratique des hymnes
est très ancienne, mais leur forme n’a
acquis une certaine fixité qu’à partir de
saint Ambroise, qui passe pour en avoir
composé un grand nombre et a contribué
à en généraliser l’usage. Parmi les autres
auteurs d’hymnes célèbres, on cite Prudence, Venance Fortunat, l’évêque d’Orléans Théodulfe, Walafrid Strabon, Hart-
mann de Saint-Gall, Abélard, Fulbert de
Chartres, etc. Les hymnes figurent parmi
les genres liturgiques dont la musique a
été le plus souvent déformée au cours des
temps, en raison notamment de son aspect
parfois populaire ; leur rythme, en particulier, a été souvent ternarisé à partir du
XIVe siècle. Elles ont été souvent traduites
en polyphonie du XIIe au XVIe siècle, mais
assez peu au-delà dans le répertoire avec
orchestre.
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IAMBE.
En métrique grecque, pied formé d’une
brève et d’une longue, le levé correspondant à la brève et le frappé à la longue.
En musique, ce rythme exprime aisément
la gaieté, comme dans certains menuets
(symphonies no 36, dite Linz, de Mozart ou
no 91 de Haydn) ou scherzos (symphonie
no 1 de Beethoven) plus ou moins dominés
par la formule rythmique suivante :
ou encore l’agressivité (motif conducteur
de Job de Vaughan Williams).
IBARRONDO (Félix), compositeur espagnol (Onate, Guipúzcoa, 1943).
Il a fait ses premières études musicales
avec son père (solfège et harmonie), puis
travaillé la philosophie et la théologie ainsi
que la composition avec Juan Cordero
Castanos, obtenant ses diplômes de piano
et de composition aux conservatoires de
Bilbao et de San Sebastián. À Paris, où
il réside depuis 1969, il a été l’élève de
Max Deutsch, d’Henri Dutilleux et de
Maurice Ohana. Il a obtenu le prix LiliBoulanger en 1972. Il a écrit notamment
Aitaren Extea pour ténor, 2 pianos, violon
et percussion (1971), Vague de fond pour
grand orchestre, commande du ministère des Affaires culturelles (1972), Et la
vie était là... pour quatuor à cordes (1973),
Sous l’emprise d’une ombre pour ensemble
instrumental (1976), Musique pour la
messe (Avignon, 1977), Izengabekoa pour
ensemble instrumental (Saintes, 1978),
Amairuk pour 12 cordes et guitare (1979),
Brisas pour 9 instruments (1980), Cibillak
pour soprano, ténor, baryton, 2 clarinettes
et 3 violoncelles (Avignon, 1981), Abyssal
pour 2 guitares et orchestre (1982), Phalène pour trio à cordes (1983), Erys pour
orchestre (Radio France 1986), Irrintz
pour orchestre (Radio France 1988),
Nerezko Aiak, concerto pour violoncelle
(Radio France 1991).
IBERT (Jacques), compositeur français
(Paris 1890 - id. 1962).
Bien qu’ayant été très tôt attiré par la musique et ayant bénéficié des conseils d’une
mère excellente pianiste, Ibert, pour complaire à son père, fit un court séjour dans
l’entreprise familiale avant d’entrer, à
vingt ans, au Conservatoire, où il suivit les
cours de Pessard (harmonie), de Gédalge
(contrepoint) qui fut pour lui « un conseiller, un confident et un ami admirable », et
de P. Vidal (composition). Au retour de
la Grande Guerre, où il s’était engagé, il
remporta le premier grand prix de Rome
(1919). Dès lors, il ne cessa de composer,
et dans tous les domaines, oscillant moins
du côté du dramatisme - encore qu’une
de ses premières oeuvres, la Ballade de la
geôle de Reading, d’après O. Wilde (1920),
en soit empreinte - que du divertissement. Ses admirations témoignent de ses
tendances ; elles vont, chez les anciens, à
Mozart, à Scarlatti, à Couperin, à Rameau
et, chez les modernes, à Chabrier, à Bizet,
à Debussy, à Ravel, à Stravinski, à Roussel. Chez ces maîtres aimés comme dans
sa propre musique, qui se situe dans leur
perspective, s’épanouit une certaine tradition de l’art français, à laquelle son initiation, dès sa jeunesse, à la peinture impressionniste et à la poésie d’un Verlaine, d’un
Mallarmé, d’un Ch. Cros n’a sans doute
pas été non plus étrangère, un art où la
fantaisie est sensible, où l’esprit est tendre,
où l’humour se rit de l’éloquence. La distinction, l’élégance d’Ibert cachent un
métier d’une impeccable sûreté. L’artisan,
chez lui, est exemplaire, et sa plaisante et
modeste remarque sur l’inspiration, qui
n’est rien sans 99 p. 100 de transpiration,
en témoigne.
Le théâtre, qui, dès sa jeunesse, l’avait
attiré - n’avait-il pas envisagé une carrière
de comédien ? -, lui inspira un opéra, Persée et Andromède (1921, création 1929),
une farce, Angélique (1926, création 1927),
dont le spirituel livret de son ami Nino,
qui avait déjà collaboré à celui de Persée
et Andromède, favorisa le succès. Si l’on
excepte l’Aiglon (1937) - écrit en collaboration avec Honegger, avec qui il était
lié depuis le Conservatoire -, c’est vers le
genre « léger » que, plus volontiers, s’est
tourné Ibert avec l’opéra-comique le Roi
d’Yvetot (1928, création 1930), l’opéra
bouffe Gonzague (1930) et l’opérette les
Petites Cardinal (1938, création 1939),
pour laquelle il collaborait de nouveau
avec Honegger. Ressortissent encore du
genre théâtral ses nombreuses musiques
de scène, dont plusieurs sont devenues
des pièces d’orchestre, comme le Jardinier
de Samos (1924), le Divertissement pour
orchestre de chambre d’après Un chapeau
de paille d’Italie (1929), la Suite symphonique
Paris 32 d’après Donogoo (1930) et la Suite
élisabéthaine d’après le Songe d’une nuit d’été
(1942).
Attiré par le cinéma depuis ses improvisations pianistiques au temps du « muet »,
Ibert a signé plus de 60 partitions cinématographiques. Le ballet l’a également
beaucoup requis. Entre sa collaboration à
l’Éventail de Jeanne (1927) et le Cercle fantastique (1958), resté inédit, Ibert a composé
Diane de Poitiers (1933-34), le Chevalier
errant (1935), les Amours de Jupiter (1945)
et le Triomphe de la Pureté (1950). L’attrait
qu’il a éprouvé pour le « spectacle » est
évident, puisque, dans son oeuvre symphonique, tout naturellement, certaines
partitions ont inspiré des ballets, tels la
Ballade de la geôle de Reading, Escales (1922)
et Louisville-Concert (1953).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Dans sa musique de chambre, ses
concertos, on remarque une tendance à
privilégier les vents et la harpe, son quatuor à cordes (1937-1942) étant une éloquente exception. Relevons, parmi les
pièces confiées aux vents, ses Deux Mouvements pour deux flûtes, clarinette et basson
(1922), ses Trois Pièces brèves pour quintette à vent (1930), ses Cinq Pièces en trio
pour hautbois, clarinette, basson (1935), son
Concerto pour flûte et orchestre (1934), son
Concertino da camera pour saxophone alto et
onze instruments (1935), son Capriccio pour
dix instruments (1937) voire son Concerto
pour violoncelle (1925), qui dialogue avec
les seuls vents, et surtout sa Symphonie
concertante pour hautbois et orchestre à cordes
(1948-49), l’oeuvre qu’avec son quatuor
il a « le plus longuement méditée ». On
lui doit également des pièces pour piano dont les populaires Histoires - et des mélodies composées essentiellement entre
1919 et 1931.
IDELSOHN (Abraham Zevi), musicologue
letton (Filzburg, Lettonie, 1882 - Johannesburg 1938).
Il étudia à Königsberg, Berlin et Leipzig,
et séjourna de 1906 à 1921 à Jérusalem,
où il fonda en 1910 un institut et en 1919
une école de musique juive. De 1924, il
donna des conférences à l’Hebrew Union
College de Cincinnati. Éminente autorité
en matière de musique juive, il a énormément contribué à en établir les bases scientifiques. ( ! HÉBRAÏQUE [MUSIQUE]).
IDIOPHONE.
Terme par lequel on désigne tous les instruments de musique dont le son est produit par la vibration du corps de l’instrument : par entrechoquement (claquettes),
par percussion (xylophone), par pincement (guimbarde), par frottement (harmonica de verres).
IKENOUCHI (Tomojiro), compositeur
et pédagogue japonais (Tky 1906 - id.
1991).
Fils d’un poète et poète lui-même, il a étudié au Conservatoire de Paris de 1927 à
1933 avec Fauchet (harmonie), Caussade
(fugue) et H. Büsser (composition), puis
de nouveau de 1934 à 1936 (premier prix
d’harmonie avec Büsser). Il a enseigné
ensuite à Tky et est devenu président de
la Société musicale nippo-française. Ses
oeuvres, peu nombreuses mais denses
(trois quatuors à cordes [1937, 1945 et
1946], plusieurs sonatines), témoignent de
son admiration pour Mozart, Saint-Saëns
et surtout Ravel.
IL SEMINARIO MUSICALE. ! LESNES (GÉRARD).
IMBAULT (Jean-Jérôme), violoniste et
éditeur de musique français (Paris 1753 id. 1832).
Élève de Pierre Gaviniès, il abandonna
relativement tôt sa carrière de violoniste
soliste, se consacrant surtout à l’enseignement et aux activités de musicien
d’orchestre. Comme éditeur, il fut d’abord
associé à Jean-Georges Sieber (1783), puis
fonda sa propre maison (1784). Il publia
diverses oeuvres de Boccherini, de Clementi, de Gyrowetz, de Mozart, de Pleyel,
de Viotti ou encore de Haydn, en particulier la première édition des six symphonies parisiennes (nos 82-87) de ce dernier.
Un Catalogue thématique des ouvrages de musique mis au jour par Imbault (Paris, 1791 ou
1792) a été réédité en fac-similé en 1972.
IMITATION.
Procédé polyphonique qui consiste à faire
reprendre par une partie un passage plus
ou moins long qui vient d’être exposé par
une autre.
L’imitation peut être occasionnelle
ou systématique : dans ce dernier cas,
elle donne naissance à des formes particulières, telles que le canon, le ricercar
ou la fugue. Une terminologie récente,
mais de plus en plus répandue, donne à
la première présentation le nom d’antécédent, celui-ci étant suivi d’un ou de
plusieurs conséquents. Le terme d’imitation est surtout employé quand le conséquent entre en contrepoint avant que
soit achevée l’exposition de l’antécédent,
encore qu’il y ait parfois flottement dans
l’usage (par exemple, les échos, fréquents
au XVIIe siècle). L’imitation est dite stricte
quand le conséquent reproduit en son
entier l’antécédent sans modification, libre
lorsqu’elle n’est pas constante ou qu’on
lui apporte des aménagements intervalliques ou rythmiques pour la plier au
contrepoint. L’imitation la plus courante
est celle à l’unisson ou à l’octave, mais elle
peut se faire aussi à toute autre distance
(quinte, quarte, tierce, etc.) ; on a alors le
choix entre la solution réelle, qui respecte
les intervalles du modèle, et la solution
tonale, qui adapte les intervalles à la tonalité choisie.
Pour la détermination de l’intervalle
de base, certains auteurs précisent l’étendue exacte alors que d’autres la réduisent
à l’intervalle simple (la même imitation
pouvant être dite, par exemple, à la 10e ou
à la tierce) ; parfois aussi (à tort) on néglige
de signaler quand l’intervalle annoncé est
descendant (non spécifié, il est normalement ascendant), ce qui introduit des ambiguïtés regrettables. On peut introduire
dans les imitations toutes sortes de variétés, non seulement dans l’intervalle, mais
aussi dans la direction mélodique (imitation par récurrence ou rétrogradation, par
renversement, etc.), le rythme (par diminution ou augmentation), etc.
IMPERFECTION (lat. imperfectus).
Dans la notation musicale du Moyen Âge,
dite « proportionnelle », la division binaire d’une longue (mode) ou d’une brève
(temps) est considérée comme imparfaite
(modus imperfectus, tempus imperfectus). La
division ternaire (conforme à l’image de
la Sainte Trinité) est appelée parfaite, alors
que la prolation est dite, plus humblement,
majeure ou mineure.
IMPRESSIONNISME.
Nom donné à une certaine tendance musicale qui s’est cristallisée en France au
début du XXe siècle (surtout dans l’oeuvre
de Claude Debussy), par référence à l’impressionnisme pictural, reconnu et désigné comme tel dans les années 1860-1870.
En vérité, de même que le concept d’impressionnisme en peinture fut suggéré,
développé et entretenu par des critiques et
des historiens plutôt que par les peintres,
de même aucun musicien, semble-t-il, ne
se revendiqua systématiquement comme
« impressionniste », et ce furent ceux qui
écrivaient sur la musique qui lancèrent
le terme. Les deux seuls musiciens qu’on
peut dire franchement et fondamentalement impressionnistes à l’époque furent
Debussy et Déodat de Séverac. Les autres
compositeurs souvent classés dans le
même lot (comme Ravel, Florent Schmitt, Albert Roussel, Paul Dukas, Charles
Koechlin, Roland-Manuel, André Caplet,
etc.), ne le sont que pour tel aspect particulier de leur style ou de leur oeuvre. On
a fait remonter les origines de l’impressionnisme musical à Chopin, à Liszt (celui
des dernières pièces pour piano, comme
Nuages gris), à Moussorgski, à Grieg, à Wagner et, plus loin dans le passé, à François
Couperin, à Carlo Gesualdo, etc.
Le concept d’impressionnisme musical
amalgame différents traits d’écriture, de
style, de sensibilité, qui peuvent se considérer indépendamment les uns des autres.
Citons parmi ces « composantes « :
- la référence à la nature et à la réalité
comme source de « modèles » et de sensations, que l’on va s’efforcer de retranscrire
et d’exprimer musicalement (cette référence est souvent affichée dans les titres,
voire induite par ces titres chez l’auditeur : Jardins sous la pluie, Reflets dans l’eau,
Nuages, ou Printemps, de Claude Debussy :
Oiseaux tristes ou Une barque sur l’océan de
Ravel ; Baigneuses au soleil ou En Languedoc
de Déodat de Séverac ; etc.) ;
- la recherche de correspondances sensorielles entre l’ouïe et la vue, voire l’odorat (comme dans les Parfums de la nuit,
d’Iberia, de Debussy) ou le toucher ;
- l’écriture musicale nuancée et diffuse,
aux contours estompés, fondée souvent
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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sur un certain poudroiement, une certaine
division de la substance musicale, qu’on
a rapprochés des techniques de peinture
par petites touches propres aux impressionnistes tels Monet, Seurat, etc. Dans
cette écriture qui tend au « pointillisme »,
le rythme est souple et fluide, la mélodie
également ; l’harmonie, non fonctionnelle, est posée par touches d’accords
indépendants, mis côte à côte comme des
couleurs ; l’orchestration est assez mélangée et frémissante (emploi fréquent, par
exemple, des cordes divisées avec trémolos, refus de la dureté et des couleurs
crues, effets de « lumière variable » par
l’utilisation de changements subtils d’orchestration, etc.). La musique « impressionniste » serait donc plutôt harmonique
et verticale (reposant sur des successions
de fines touches) qu’horizontale et contrapuntique. En fait, elle échappe souvent à
l’antinomie du vertical et de l’horizontal.
En 1918, le célèbre libelle de Jean
Cocteau le Coq et l’Arlequin, qui définissait une manière de « doctrine » pour le
futur groupe des Six, s’en prit à l’impressionnisme debussyste et à son « léger
brouillard neigeux taché de soleil », qu’il
rapprochait, pour les renvoyer dos à dos,
de la « grosse brume trouée d’éclairs de
Bayreuth ». Il est vrai qu’on peut trouver
des traits préimpressionnistes dans certains tableaux symphoniques des opéras
de Wagner ainsi que dans diverses musiques descriptives ou narratives de toutes
les époques. En effet, la musique descriptive a été souvent amenée à briser la ligne
traditionnelle du discours musical pour
suivre les sensations naturelles fluctuantes
et les retranscrire comme mosaïques
d’« impressions « : le début, par exemple,
de la Scène aux champs, de la Symphonie
fantastique de Berlioz, peut être dit également prémonitoire de l’impressionnisme.
Pour s’opposer à ce courant, et surtout à
l’exemple de la musique de Debussy, Cocteau préconisait une écriture très franche,
découpée, aux lignes nettes et dures, se
passant plutôt de la « caresse des cordes »,
pour favoriser les cuivres et les bois à nu.
Mais les oeuvres de certains compositeurs
du groupe des Six, comme Poulenc, Auric,
Tailleferre, ne se sont pas privées d’intégrer dans leurs oeuvres certains traits de
l’écriture dite « impressionniste ».
Il ne faudrait pas croire que l’impressionnisme musical est resté une exclusivité française : on l’a vu influencer largement des compositeurs étrangers, comme
Stravinski (l’Oiseau de feu), Manuel de
Falla (Nuit dans les jardins d’Espagne), un
certain nombre de compositeurs américains de musique de film et quelques
compositeurs japonais, comme Yoritsune
Matsudaira dans ses débuts. Les procédés
impressionnistes ont pu être repris dans
certaines démarches plus récentes, aussi
bien dans le pointillisme postwebernien
de l’école sérielle que dans le « tachisme »
de l’école polonaise (Penderecki, Serocki)
ou dans les techniques de Ligeti, etc.
On peut même parler d’un impressionnisme « électroacoustique » avec certaines
oeuvres de François Bayle (Espaces inhabitables), de Bernard Parmegiani (Capture
éphémère), d’Edgardo Canton ou de Pierre
Boeswillwald.
IMPROMPTU.
Composition assez brève, le plus souvent
pour piano, ayant parfois l’aspect d’une
improvisation.
Le terme - qui pourrait aussi suggérer la
façon rapide, inattendue, dont, pour une
telle pièce, l’inspiration serait venue au
compositeur - fut, semble-t-il, utilisé pour
la première fois en 1822 par Vorisek (Six
Impromptus op. 7). Des huit impromptus
de Schubert composés en 1827, les quatre
premiers (D. 899) furent ainsi appelés par
leur éditeur et les quatre derniers (D. 935)
sans doute par le compositeur lui-même.
Aux trois impromptus de Chopin op. 29,
36 et 51 est venue s’ajouter par le fait de
l’éditeur Fontana la fantaisie-impromptu
op. 66, en réalité la première composée de
ces quatre oeuvres. Citons aussi les six im-
promptus pour piano (dont le dernier est
une transcription d’un impromptu pour
harpe) de Gabriel Fauré ainsi que l’op. 5
de Schumann (série d’impromptus, en
fait des variations, sur un thème de Clara
Wieck). Né avec le romantisme, le terme
n’est plus guère usité actuellement.
IMPROPÈRES.
Translittération du latin improperia, qui
signifie « reproches ».
Les impropères sont, dans la liturgie
de la semaine sainte, un ensemble de versets, coupés de refrains, qui rappellent les
bienfaits de Dieu à son peuple. Ils furent
introduits le vendredi saint dans les rites
d’adoration de la Croix qui suivent la lecture de la Passion. On distingue les grands
impropères, dont le refrain grec est une
imploration (Agios o Theos), et les petits impropères, dont le refrain latin (Popule meus)
est un reproche de Dieu pour l’ingratitude
des siens. Les impropères ont parfois été
mis en motet par les maîtres de chapelle
du XVIe siècle, notamment Palestrina et
Victoria.
IMPROVISATION (de l’ital. improvviso,
« imprévu »).
Fait d’exécuter une musique au fur et à
mesure qu’on l’invente. À notre époque,
la notion d’improvisation ne semble guère
s’appliquer qu’au jazz ou à certains exercices des organistes, tant notre civilisation
musicale est assujettie au respect absolu
de la partition écrite. Mais c’est oublier
que la notation musicale perfectionnée
que nous connaissons est relativement récente et limitée à la musique européenne.
L’improvisation apparaît comme l’une des
principales manifestations de la création
musicale. L’improvisation totale d’une
pièce est certainement plus rare que celle
qui intervient sur des schémas préconçus. C’est le cas, par exemple, de certaines
mélodies religieuses des premiers siècles
du christianisme, des alleluia notamment.
C’est aussi le cas des pièces de clavier
construites à partir d’un thème (variations) ou d’un sujet donné (fugue, sonate,
fantaisie, toccata, etc.). Bach et Mozart
furent des improvisateurs célèbres, ainsi
que, plus tard, Beethoven et Liszt. Le
genre reste pratiqué de nos jours par les
organistes qui étudient l’improvisation,
et, donc, l’harmonie, la fugue et le contre-
point, puisque, même libre, l’improvisation doit répondre à un schéma formel
qui se développe mentalement immédiatement avant l’exécution. Aussi cette
matière a-t-elle fait l’objet de nombreux
traités et s’enseigne-t-elle encore dans les
conservatoires.
L’improvisation se développe plus généralement sur des schémas préexistants.
Ainsi, dans la polyphonie médiévale et dès
le XIIIe siècle, certaines voix devaient être
improvisées en contrepoint par rapport
à une mélodie donnée ou à d’autres voix
normalement écrites, selon des règles très
strictes. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans la
musique instrumentale, surtout celle du
violon, et dans les mouvements lents, il
fut de règle que l’interprète enrichisse la
trame mélodique de base, seule à figurer
sur la partition : agréments, variantes, ornements (Corelli, Vivaldi, Marcello, etc).
Cette pratique demeura jusqu’à la fin du
XVIIIe siècle dans les cadences des concertos. Ce n’est qu’à partir de Beethoven
que la cadence fut désormais écrite par
le compositeur. Il en alla de même dans
la musique vocale à l’époque du bel canto,
particulièrement dans les reprises des airs
à da capo. À la même période, toujours, un
domaine privilégié de l’improvisation fut
la réalisation de la basse continue, chiffrée ou non. Seule la basse était donnée, les
autres parties étant laissées à la libre imagination de l’exécutant (clavecin, orgue,
théorbe).
Ces bases générales de l’improvisation ne varient pas fondamentalement
dans les expressions musicales d’autres
sociétés. Ainsi, dans le jazz, l’improvisation est-elle commandée par la structure
du thème traité, par la mélodie et par sa
trame harmonique. Le soliste peut paraphraser le thème ; il peut aussi improviser
sans contrainte mélodique sur des harmonies du thème. Certains thèmes, d’ailleurs,
ne comportent qu’une séquence harmonique : par exemple, « jouer le blues »
(improviser dans les limites de sa forme
de douze mesures, sans autre donnée
préexistante). Dans le free jazz, les musidownloadModeText.vue.download 492 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
486
ciens sont, à tout moment, responsables
individuellement et collectivement de la
moindre note jouée.
L’improvisation est bien l’une des principales activités de la pratique musicale.
Les exemples cités ici ont montré combien l’improvisation dépendait de règles
strictes, donc d’un code et d’une pensée
musicale préexistants. On ne saurait pour
autant négliger l’aspect aléatoire et expérimental que présente toute improvisation,
les essais qu’elle permet d’accomplir. En
ce sens, l’improvisation est probablement
l’un des moteurs essentiels de l’évolution
de la musique vers des horizons nouveaux.
INBAL (Eliahu), chef d’orchestre israélien
(Jérusalem 1936).
Il étudie le violon et la composition au
Conservatoire de Jérusalem et obtient sur
la recommandation de Léonard Bernstein
une bourse qui lui permet de suivre les
cours de Louis Fourestier au Conservatoire de Paris (1960-1963). Pendant cette
même période, il étudie aussi à Sienne
auprès de Sergiu Celibidache (1961-62).
Premier Prix Guido Cantelli à l’âge de
vingt-six ans, il est rapidement invité à diriger de grands orchestres (Scala de Milan,
Philharmonia de Londres, etc.) En 1969,
il fait ses débuts au Festival de Salzbourg
et dirige son premier opéra, Don Carlos,
à Vérone. En 1974, il est nommé chef
permanent de l’Orchestre radio-symphonique de Francfort. À la tête de cette formation jusqu’en 1990, il enregistre entre
autres l’intégrale de l’oeuvre symphonique
de Scriabine, Berlioz, Mahler et Bruckner.
De 1985 à 1988, il est directeur musical
du théâtre de La Fenice de Venise. Considéré comme l’un des grands interprètes
de Mahler et de Bruckner, il a également
enregistré l’intégrale des symphonies de
Chostakovitch avec l’Orchestre symphonique de Vienne.
INCIPIT.
Troisième personne du singulier du verbe
latin signifiant « commencer », jadis employée pour annoncer le titre d’une lecture ou d’une copie. On l’a conservée en
français comme substantif pour désigner
les premières paroles d’un texte littéraire
ou les premières notes d’un texte musical.
INDIENNE (MUSIQUE).
Élément essentiel d’une civilisation très
ancienne, la musique était cultivée en
Inde dès les temps préhistoriques, mais
les ouvrages relatifs à la théorie musicale
qui nous sont parvenus en sanskrit et
qui se réfèrent fréquemment à des textes
antérieurs, aujourd’hui perdus, ne nous
renseignent qu’imparfaitement sur une
expression complexe et étrangère aux spéculations mathématiques (tel le Gitälamkara, probablement antérieur au IIIe siècle
av. J.-C.).
HYMNES ET CHANTS DES VEDA.
Entre le XVe et le Xe siècle av. J.-C., les
Veda, destinés à accompagner les rites
sacrificiels, comportent des hymnes et des
chants liés à une somme de connaissances
capable d’étonner tous les peuples de
l’Antiquité, ainsi que des psalmodies, notées en accents, en chiffres et en neumes.
Ils survécurent à la période bouddhique et
même à la conquête musulmane sans que
leur origine ait pu être précisée en dehors
des références mythologiques. « Intimement associée aux relations essentielles de
l’être » (Confucius), la musique indienne
ne se présenta jamais comme un divertissement profane, mais comme un moyen
de servir les dieux et de s’en rapprocher,
en épuisant toutes les possibilités d’une
émotion donnée. Dès l’époque de l’Inde
védique, les chantres et maîtres des cérémonies sacrées étaient, du reste, formés
au temple dans l’étude des épopées, où
les hymnes et les danses rituelles se trouvaient associés à la musique. Ces traditions vocales et instrumentales ont été
ensuite conservées dans les monastères et,
jusqu’à une époque très récente,
n’ont rien oublié des rapports qui leur
étaient assignés avec les manifestations
de la divinité suprême. Il ne manque pas,
aujourd’hui même, de chants exprimant
l’hommage du fidèle à cette divinité,
parmi les thèmes relatifs aux sentiments
de l’homme, aux cérémonies capitales de
sa vie et à son respect des héros légendaires. Le kirtana, chant de gloire sur une
légende de Krishna, qui s’est développé à
l’époque de Chaitanya (1486-1533), en est
l’exemple le plus typique avec le Bhajana,
chant de louanges dont les pionniers paraissent être Jayadeva (XIIe s.), puis Purandara Dasa (XVIe s.), Vyasa Raja (XVIe s.),
Kanaka Dasa (XVIe s.) et la princesse Mirabai (XVIe s.). Ce sont les derniers vestiges
d’un temps où la musique vocale l’empor-
tait sur la musique instrumentale et d’un
art, populaire ou savant, marqué par une
tradition vieille de 6 000 ans.
AU FIL DES TEMPS.
Les premiers centres musicaux ont été,
en effet, les temples et les résidences
princières, mais, du Ve siècle av. J.-C.
au XVe siècle de notre ère, l’histoire n’a
retenu que les théoriciens, un Bhoza
(1010-1055), un Mammata (1050-1150)
ou un Sharngadesa (1210-1247), même si
chaque temple ou chaque cour princière
entretenait d’éminents artistes ou des
maîtres renommés. Il semble qu’à l’origine la fonction de la musique à la cour
ait été essentiellement traditionnelle : endormir ou éveiller le prince, « rythmer la
cadence des heures par la succession des
modes mélodiques », etc. Aussi le purohita
(maître de musique) devait-il posséder
une connaissance approfondie des modes
et des formes qui convenaient dans les circonstances les plus variées et jusque sur
le char de combat pour exciter le courage
des guerriers et implorer l’aide des dieux.
En dehors de la musique de soliste, voix
ou instrument accompagné par un tambour, déjà célèbre par son ornementation
et ses subtilités rythmiques, la principale
forme d’activité fut ensuite le théâtre musical, faisant appel à des voix capables de
s’adapter à toutes les exigences. Le nâtya,
où le chant était inséparable de la danse,
de la mimique et du décor, était présenté
dans des salles prévues à cet effet et qui
constituaient l’un des luxes des palais
princiers pendant la période bouddhique
et jusqu’aux invasions musulmanes.
Si la tradition put alors se maintenir au
contact d’une civilisation qui rejetait
toute forme de musique, ce fut dans des
régions éloignées des grands centres ou
grâce à quelques souverains plus éclairés,
comme Ala ud din, Shäh Jahän ou Akbar,
lui-même compositeur de mélodies et qui
avait à sa cour le célèbre Tänsen, dont
le dernier descendant fut Wazir Khan,
maître d’Allaudin Khan.
Après la conquête britannique, les
musiciens perdirent rapidement le patronage que les derniers Mogols leur avaient
apporté, et la musique indienne, méprisée
et ridiculisée, dut attendre les travaux de
Raja S. M. Tagore pour sortir de l’ombre.
Les théoriciens du début du siècle, Vishnu
Digambar Paluskar et Vishnu Narayana
Bhatkhande, en créant des systèmes
d’écriture et en fixant la forme des ragas,
ont été, plus ou moins, à l’origine des collèges de musique indienne, où la grande
tradition est représentée par des maîtres
du dhrupad, le plus dépouillé et le plus
sévère des styles de chant. Citons Nasiruddin Dagar et ses deux fils Moinuddin
et Aminuddin, Faiyaz Khan, Abdul Karim
Khan, Allaudin Khan (1870-1972) et son
fils Ali Akbar Khan (1922), dont certains
disciples, formés à Calcutta, à Berkeley ou
à Los Angeles, ont déjà une carrière internationale (Sharan Rani ou Nikil Banerjee).
LES CARACTÉRISTIQUES DE LA MUSIQUE INDIENNE.
Le rythme est l’élément le plus important
de la musique indienne, et les recherches
dans ce sens sont d’un très grand raffinement au-delà des talas, structures
comportant un nombre fixe de schémas
métriques, ou unités de temps (matras),
qui vont de 3 à 108. Sur une période rythmique parfois très longue (12, 16, 17,
19, 21 et exceptionnellement 37 temps)
et dans laquelle alternent temps faibles,
temps forts et temps silencieux, les exécutants peuvent se livrer à des variations
d’une extrême complexité, qui attestent
une virtuosité difficile à concevoir pour
des oreilles occidentales. On compte endownloadModeText.vue.download 493 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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viron 360 talas, dont 30 seulement sont
actuellement utilisés, sur 6, 7, 10, 12, 14
et 16 matras. Ajoutons que la notation
rythmique, très ancienne et très précise,
distingue les façons de frapper l’instrument de percussion avec un, deux ou trois
doigts, le plat de la main sur le rebord ou
le centre, les doigts pliés ou à plat, la main
gauche ou la main droite, etc.
À ce schéma rythmique correspond un
canevas mélodique fondé sur les 72 possibilités de diviser l’octave, qui comporte
7 notes (svaras) et 22 intervalles inégaux
(shrutis). C’est le raga, ou mode musical,
possédant une échelle ascendante (arohana) et une échelle descendante (avarohana, qui ne coïncide pas avec la première)
qui lui sont propres et dont les combinai-
sons sont théoriquement considérables :
16 000, affirmaient certains textes sanskrits ; près de 65 000, dit-on aujourd’hui,
sans que le nombre qu’on peut entendre
dépasse, en fait, 300.
Chaque raga, par son caractère et son
ornementation, représente un état d’âme
associé, en particulier au moment d’une
saison ou d’une lunaison, à une heure précise du jour ou de la nuit ou à un endroit
déterminé. Il comporte une tonique fixe et,
dans sa gamme, aux intervalles précis, un
ou deux degrés dominants, notes-pivots
habituellement différentes de la tonique
et toujours accentuées, sur lesquelles les
dessins mélodiques s’achèvent. Ces caractéristiques sont exposées dès le début de
l’exécution dans une sorte de prélude lent
(alep), que présentent l’instrument soliste
(sitar, sarod ou sarangi) et le tampura, qui ne
s’évade jamais de la tonique.
Quand le canevas mélodique est ainsi
fixé dans la mémoire du musicien et du
public, l’improvisation (jor) s’en empare
dans un mouvement modéré, où l’imagination et l’instinct musical de l’instrumentiste se donnent libre cours au
fil des variations et des ornementations
les plus audacieuses (les traités anciens
distinguent 15 catégories d’ornements
simples des notes, 15 autres d’ornements
du groupe et des centaines d’ornements
de la mélodie, les tanas, ou « figures mélodiques »). Ce mouvement s’exalte alors
dans une accélération progressive, favorable à la virtuosité technique (jhala), et
s’enchaîne sur la seconde partie (gat), où
les percussions interviennent en fonction
du schéma métrique choisi. La mélodie
principale est alors rythmée lentement,
puis selon un mouvement de plus en
plus vif, avec de nouvelles broderies et de
nouveaux accents qui procèdent toujours
des premiers battements du tala (sum).
Une joute imprévisible s’engage entre le
tabla et le soliste sur la cellule rythmique
de base et les différentes figures complémentaires qui s’y sont ajoutées au fur et
à mesure de l’improvisation, qui peuvent
devenir de plus en plus complexes. Tout
se conclut sur le premier battement du
tala, et c’est un nouveau jhala qui termine
l’ensemble dans un climat de frénésie
entretenu par la virtuosité brillante du
percussionniste. Les improvisations, qui
peuvent se prolonger des heures durant,
tiennent l’auditoire sous leur charme et
prétendent libérer l’esprit par la puissance
envoûtante de l’atmosphère d’hypnose
qu’elles créent à partir de quelques notes
et d’un rythme subtil. Elles sont toujours,
à cet égard, tributaires de la règle qui lie
le raga à l’état d’âme qu’il est censé exprimer, règle qu’il ne faut transgresser en
aucun cas. Précisons, à ce sujet, que le
mot raga a été introduit au Xe siècle par
un théoricien, Matanga, pour désigner
les modifications de nature émotionnelle
apportées au système classique de Bharata,
qui datait du commencement de notre ère
et qui reposait sur 2 gammes (primaire et
complémentaire) et 18 modes (jâtis). Le
raga ne devait pourtant trouver sa consécration qu’à l’époque des dernières cours
mogoles, deux siècles avant l’abolition des
systèmes ayant cours jusqu’alors. Il n’en
subsiste que deux aujourd’hui : celui du
Nord (Hindoustan), qui mêle l’ancienne
tradition autochtone, attribuée à Shiva,
à la tradition implantée à l’âge védique
et lors des invasions aryennes ; celui du
Sud, de tradition dravidienne (Tamul,
Kanada, Telugu, Malayalam), plus rebelle
à la culture islamique et qui prit sa forme
définitive au XVIIe siècle grâce à Venkatamakhi. C’est le système karnatique, où les
18 jâtis de Bharata font place à 72 melakartas, utilisés notamment par la suite dans
les kirtanam de Tyâgaraja (1767-1847) et
les hymnes de Kotishvara Iyar (mort en
1938).
LA MUSIQUE VOCALE.
C’est la base de tout le système musical
de l’Inde. La voix en est l’instrument fondamental, et ses possibilités sont fonction
d’une émission très contrôlée, capable de
réaliser les innombrables nuances émotionnelles dont elle dispose. Parfois indifférente au texte qu’elle exprime, elle utilise
des syllabes conventionnelles dépourvues de sens, mais qui lui permettent de
s’épanouir et de gagner l’auditoire par le
seul privilège du timbre et des vocalises.
Il existe différents styles de chant : dans
l’Inde du Nord, le dhrupad, strict et sévère,
toujours précédé d’un alep, le dhamar, au
rythme plus franc, le tarana, vif et léger,
le javalis et le thumri, également aimables
et légers, le tappa, qui joue de délicats
ornements, le khyal, remarquable par
ses vocalises très larges, qu’affectionnait
la cour des empereurs de Delhi (XIIIeXVIIe s.), et le talent de certains compositeurs, comme Padharana ; dans le Sud,
le kriti, chant religieux classique consacré par de grands musiciens des XVIIIe et
XIXe siècles, dont les principaux sont Tyagaraja (1767-1847), Muthuswami Dikshitar (1775-1835) et Syama Sastri (17621827), le swarajatis, le tillana et le javalis,
plus délicats et plus légers.
La musique karnatique a également
compté, au cours du siècle dernier, un
certain nombre de compositeurs renommés : Subbaraya Sastri (1803-1862), fils
de Syama, Pattanam Subrahmanya Ayyar
(1845-1902), Manambuchavadi Venkatasubbayyar (1844-1893), Vaidyanatha
Ayyar, célèbre par son « ragamalika »
construit sur les 72 ragas Malakarta, Gopalakrishna Bharati (mort en 1881), auteur de Nandanar (opéra tamil), Harikesanallur Nuthayya Bhagavatar (1877-1948),
Mangudi Chidambara Bhagavatar (18801938) et Papanasam Sivan, récemment
promu « Sangita Kalanidhi » de l’Académie musicale de Madras.
LA MUSIQUE INSTRUMENTALE.
La musique savante et la musique populaire utilisent les mêmes instruments.
Les classifications traditionnelles se retrouvent entre les cordes, les vents et les
percussions. Dans le premier groupe, on
distingue : la vina, à 7 cordes, peut-être
le plus populaire et le plus ancien instrument à cordes, fait d’un bambou auquel
sont attachés deux résonateurs sphériques
(courges séchées) et dont la sonorité est
confidentielle - la vina du Sud n’a qu’un résonateur en bois et un autre, plus petit, fait
d’une courge ; le sitar, sorte de luth à long
manche pourvu d’une boîte de résonance
de forme hémisphérique et qui comporte
7 cordes qu’on pince avec un plectre et 13
cordes sympathiques ; le sarod, autre sorte
de luth en bois de teck à 25 cordes, dont
4 mélodiques et 2 pour le rythme, qui se
joue également avec un plectre et qui est
le plus sonore des instruments à cordes ; le
sarangi, principal instrument à archet, fait
d’une caisse rectangulaire à manche court
comportant de nombreuses cordes de résonance en boyau et communément employé pour l’accompagnement du chant
classique ; l’esraj, également à archet, qui
comporte un très petit résonateur, comme
l’amrita, long bâton traversant une noix
de coco ; le sura-sringara, à 8 cordes, joué
avec un plectre et comportant une caisse
allongée formée d’un double résonateur
hémisphérique ; l’eka-tantri, cylindre creux
fixé à un bambou, à corde unique ; l’ekatara, petit luth à 2 cordes pour accompagner le chant, de même que le do-tara, au
long manche, réservé à l’accompagnement
des bauls. On citera également : la gottuvâdyam, large vina avec touches qui se joue
en faisant glisser un morceau de bois poli
sur les cordes ; la harpe arrondie, principal
instrument à cordes jusqu’au VIe siècle, où
il fit place au luth ; la svara mandala, harpe
horizontale qui comporte une caisse de
résonance pourvue de nombreuses cordes
métalliques, qui se joue avec les doigts et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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que l’on peut considérer comme l’ancêtre
du clavecin et du cymbalum tzigane ; enfin
le tampura, luth à 4 cordes pincées à vide
pour scander le chant ou la mélodie jouée
par un autre instrument, en donnant toujours la tonique. C’est de ce retour régulier
à la tonique qu’on escompte la naissance
de l’état hypnotique.
Les instruments à vent sont représentés
par : le sahnaï, sorte de hautbois à anche
longue, identique aux instruments trouvés
dans les fouilles et datant de deux siècles
av. J.-C. ; le nagasvaram, plus gros que le
sahnaï et au son plus puissant ; le murali,
flûte traversière en bambou à 6 trous ; le
bansuri, également en bambou, à 8 trous
avec embouchure ; la vamsha, flûte droite
sans embouchure, dans laquelle on souffle
sur le bord du bambou ; le pungi, flûte
double, réservée aujourd’hui aux charmeurs de serpents ; la shankha, conque
marine utilisée dans le rituel des temples,
comme la shringa, faite d’une corne de
vache, et la turya, trompette également
utilisée en temps de guerre.
Parmi les innombrables percussions,
le tabla est le plus indispensable à toute
manifestation musicale en Inde ; il se
compose de deux tambours couverts de
peau, sur lesquels sont tendues des lanières de cuir maintenant des éléments
de bois cylindriques : le banya, joué de la
main gauche, et le dayan, joué de la main
droite. Le khurdak, à 2 timbales arrondies,
sert uniquement à accompagner le sahnaï.
Les différents tambours - mridanga, maddalam, pakhavaj, dhol ou dholak (à 2 faces),
khol (double cône), douggi (petite timbale)
ou khanjari (timbale avec cymbales métalliques) - sont plus fréquemment réservés
à la musique populaire, de même que le
damaru (en forme de sablier), le tali et
le jhalra (petites cymbales). Ajoutons le
nagara et le bheri, utilisés dans les temples
ou en temps de guerre, le tala (gong), le
chanta (cloche) et le ghatam (cruche de
terre frappée avec les doigts). Différents
instruments occidentaux se sont peu à
peu ajoutés à ces timbres traditionnels,
notamment le violon, introduit au siècle
dernier par Varahapaya, ministre à Tanjavoor, mais qui n’est ni accordé ni joué de
la même façon qu’en Occident - le musicien, accroupi, le tient entre le talon et la
poitrine.
TRADITION ET PROGRÈS.
Bien que la conception occidentale de
la musique soit fort étrangère à la sensibilité indienne, il existe, un peu partout
en Inde, des organismes ou des écoles
où l’on peut apprendre l’harmonie, le
contrepoint et les différents instruments
pratiqués en Europe et en Amérique.
L’école de musique de Calcutta, fondée
par Philippe Sandré, est l’une des plus
anciennes, et l’enseignement qu’elle dispense est celui des académies anglaises,
en particulier Trinity College de Londres.
Orchestres symphoniques (celui de New
Delhi est l’un des premiers à avoir présenté les grands classiques de la musique
européenne) et petites formations se sont
plus récemment constitués parallèlement
aux départements musicaux des universités, où se maintiennent les traditions de
la musique indienne. Les interférences, de
plus en plus nombreuses, entre les deux
expressions, sont surtout limitées à la
musique de film (Vanraj Bhatia, de Bombay, est l’un des grands spécialistes) et à la
musique de genre, où vinas et tampuras
se trouvent unis à certains instruments
occidentaux. Dans un domaine plus ambitieux, le compositeur anglo-indien John
Mayer (1929) a tenté d’intégrer le raga et
le sitar à l’orchestre ou aux ensembles de
chambre (Raga Jaijavanti, Shanta Quintet),
tandis qu’en Europe Olivier Messiaen
(dans la plupart de ses oeuvres et spécialement la Turangalila Symphonie) et Jacques
Charpentier (Études karnatiques) s’inspirent de la richesse rythmique caractéristique de la musique indienne.
INDIA (Sigismondo d’), compositeur italien (Palerme 1582 - Modène ? 1629).
Il est né de famille noble sicilienne. On
sait peu de chose sur les premières années
de sa vie, sinon qu’en 1608, il se trouvait
à Florence et y fréquentait le milieu de la
Camerata, où il rencontra Giulio Caccini
et la chanteuse Vittoria Achilei, qui interprétèrent ses oeuvres. Chanteur lui-même,
India publia en 1609, à Milan, le premier
des cinq livres de Musiche à voix seule ou
à deux voix avec basse continue. Nommé
« maestro della musica di camera » à la
cour de Charles-Emmanuel Ier à Turin
(1611), il devait occuper ce poste jusqu’en
1623. La bibliothèque de cette ville
conserve une musique incomplète pour la
pastorale Zalizura. L’année suivante, India
partit pour Rome, partageant son temps
entre la Ville éternelle et Modène.
Bien qu’auteur de musique religieuse parmi laquelle un livre de motets à 4 voix
(Venise, 1627) -, Sigismondo d’India est
surtout un compositeur d’arias mesurées
et de monodies particulièrement expressives et accompagnées (nel Chitarrone, Clavicembalo, Arpa doppia...). Toutes oeuvres
qui, selon d’aucuns, égaleraient l’art de
Monteverdi dans ce domaine ; Cruda Amarilli (texte de Guarini) compte parmi les
plus connues. India a également composé
des madrigaux à 5 voix - parus en huit
livres entre 1606 et 1624 -, des ballets et
des musiques de scène.
INDY (comte Paul-Marie-Théodore
VINCENT d’), compositeur français (Paris
1851 - id. 1931).
Issu d’une famille originaire du Vivarais
et fort attachée aux traditions, le jeune
Vincent est d’abord formé par sa grandmère, musicienne exigeante et distinguée,
avant d’être confié, à onze ans, à Diemer
et à Marmontel. Le piano et le solfège
ne l’empêchent pas de se tourner vers la
littérature, dont il découvre peu à peu
tous les classiques. En 1863, Lavignac lui
enseigne l’harmonie. En 1864, c’est son
premier contact avec les Cévennes, qui
lui feront une telle impression qu’il ira,
sa vie durant, chercher au moins une fois
l’an le souvenir de cette émotion. En 1867,
d’Indy aborde l’orchestration. Après le
baccalauréat, il voyage en Italie, puis en
Allemagne (1870). Dès 1871, il participe
avec Franck, Duparc et Bussine à la fon-
dation de la Société nationale de musique,
la fameuse S. N. M., tout en s’adonnant
activement à la composition (ainsi voient
le jour des Romances, la Symphonie italienne) et tout en commençant à diriger
en province, à suivre la classe d’orgue du
Conservatoire et les cours de fugue professés par Franck.
À partir de 1873 - il a tout juste vingtdeux ans -, il produit beaucoup et dans
tous les domaines, chantant tout à tour
l’Allemagne (Wallenstein, 1873), la Hongrie (Jean Hunyade, 1874-75), l’Antiquité
(Antoine et Cléopâtre, 1876). De cette
époque féconde datent la Chevauchée du
Cid (1876-1879), l’opéra-comique Attendez-moi sous l’orme (création, Paris, 1882)
ainsi que la Forêt enchantée (1878), inspirée
de Uhland.
Dès 1884, d’Indy accorde une grande
attention à l’art populaire et se met à
constituer un « herbier » de chansons
vivaraises, qu’il utilisera notamment dans
sa célèbre Symphonie cévenole (1886), dans
Jour d’été à la montagne et dans de nombreuses mélodies, transcrites ultérieurement pour chant et piano ou choeurs a
capella. En 1890, il devient président de la
S. N. M., puis membre d’une commission
pour la réforme du Conservatoire. Quatre
ans plus tard, les bases de la Schola cantorum sont jetées, et, à partir de 1896, d’Indy
y professe généreusement, sans que cela
crée une entrave à ses activités parallèles
d’inspecteur de l’Enseignement musical
de la Ville de Paris ou de compositeur.
Travailleur infatigable, il se dépense en
effet sans compter, guidant de nombreux
disciples, multipliant dans tous les genres
des oeuvres de haute valeur : l’opéra Fervaal (1889-1893, créé à Bruxelles en 1897),
le Second Quatuor à cordes (1897) et la Deuxième Symphonie (1902), l’Étranger (18981901, créé à Bruxelles en 1903), la Sonate
pour violon et piano (1903-1904), Jour d’été à
la montagne (1905), etc.
Par ailleurs, ces activités multiples
ne l’empêchent ni d’écrire des ouvrages
didactiques (Cours de composition musicale, 1903-1909, 1933, 1950), ni de faire
entendre certaines grandes oeuvres du
passé, qu’il ressuscite (l’Orfeo de Monteverdi, par exemple), ni de porter un regard
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
489
pénétrant sur certains compositeurs qu’il
aime : en témoignent ses livres sur Franck
(1906), Beethoven (1911) ou Wagner
(1930). Après 1914, sa carrière de musicien s’oriente surtout vers la musique de
chambre, à laquelle il apporte la concision
et la poésie de l’âge mûr (Quintette, 1924,
et Sonate pour violoncelle et piano, 1924-25 ;
Suite pour flûte, trio à cordes et harpe,
1927 ; Sextuor, 1927 ; Quatuor no 3 et Trio,
1928-29 ; Fantaisie sur un vieil air de ronde
française pour piano, 1930).
On a souvent médit de l’art de d’Indy,
s’en prenant à son admiration pour
Franck et Wagner, à son catholicisme
intransigeant, parfois même à ses idées
politiques ou à sa particule. En fait, même
si l’écriture est stricte et la langue parfois
complexe (héritage du leitmotiv), l’orchestration est souvent rutilante (Istar) et
la pensée toujours très noble (l’Étranger,
Fervaal, Wallenstein). Certes, l’inspiration est essentiellement germanique, et
les maîtres de d’Indy s’appellent Bach,
Beethoven, Schumann et plus encore Wagner et Franck.
Mais d’Indy regarde aussi vers les vieux
maîtres français (Rameau, Destouches,
qu’il réédite) ou italiens (recréant l’Orfeo).
Il occupe ainsi une place à part, et assez
paradoxale, dans l’histoire de la musique
française - à la fois par sa production, qui
se situe en dehors du grand renouveau
apporté par Fauré, Debussy, Ravel, à qui il
voue amitié ou admiration, par son action
de chef d’orchestre, qui lui fait ressusciter
maints chefs-d’oeuvre du passé, et par son
enseignement, puisque, au Conservatoire
ou à la Schola cantorum, il formera des
élèves de tempéraments aussi divers que
Séverac, Roussel, Satie, Le Flem, Honegger, Auric, etc.
INGEGNERI (Marco Antonio), compositeur italien (Vérone v. 1547 - Crémone
1592).
Il fut sans doute l’élève de Vincenzo Ruffo
à Vérone avant de se rendre à Parme, où il
reçut les conseils de Cipriano de Rore il divino, l’un des maîtres de l’écriture chromatique. Vers 1568, il s’installa à Crémone,
où il devint maître de chapelle à la cathédrale (1581). Dans cette ville, Monteverdi
fut l’un de ses élèves, ainsi que Nicolao
Sfondrato, le futur pape Grégoire XIV.
Ingegneri dirigea également la chapelle de
Saint-Ambroise à Gênes (1584-85).
Musicien raffiné, il a laissé de la musique religieuse, notamment un recueil
de 27 répons de la semaine sainte (4 voix
a cappella), attribués à tort à Palestrina,
quatre volumes de Sacrae cantiones, publiés
chez Gardano à Venise (1576, 1586, 1589,
1591), ainsi que deux livres de Messes chez
Amadino (1573, 1587). Deux livres de madrigaux à 4 voix, cinq à 5 voix (le premier
est perdu) et un seul à 6 voix témoignent
de la qualité de sa contribution à la musique vocale profane de son temps. Ingegneri sut parfaitement exploiter le chromatisme, très prisé à l’époque, mais il le
fit en général avec discrétion et bon goût.
INGHELBRECHT (Désiré-Émile), chef d’orchestre et compositeur français (Paris
1880 - id. 1965).
Fils d’un altiste de l’Opéra, il fit ses études
au Conservatoire de Paris. À l’âge de seize
ans, il entra dans l’orchestre des concerts
de l’Opéra comme second violon, ayant
étudié cet instrument auprès de son père.
Entre 1903 et 1908, il composa ses premières mélodies et oeuvres instrumentales, et prit la baguette au Concert national pour y diriger ses propres partitions
(Marine, la Serre aux nénuphars, Automne).
En 1908, Robert d’Humières l’engagea
comme directeur musical du Théâtre des
Arts, où il devait créer la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt. En 1911, il participa comme chef de choeur à la création
du Martyre de saint Sébastien de Debussy
au Châtelet et, en 1913, il assura la direction de la première saison musicale du
Théâtre des Champs-Élysées, où il dirigea Benvenuto Cellini, le Freischütz et Boris
Godounov. Entre-temps, il avait fondé en
1912 l’Association chorale de Paris, dont
il dirigea les premiers concerts (1914). Il
fut mobilisé durant la Première Guerre
mondiale, puis on le retrouve en 1919 à
la tête des Concerts Ignace-Pleyel, qui
s’imposaient de ressusciter des oeuvres
instrumentales des XVIIe et XVIIIe siècles.
Entre 1920 et 1923, Inghelbrecht dirigea
en tournée l’orchestre des Ballets suédois.
C’est à partir de cette époque qu’il commença à composer des ballets (El Greco,
1920 ; le Diable dans le beffroi, d’après E.
Poe, 1921 ; Jeu de couleurs, 1933), qui
furent généralement créés par son épouse,
la danseuse Carina Ari. Inghelbrecht fut
successivement directeur de la musique
à l’Opéra-Comique (1924-25), chef de
l’orchestre Pasdeloup (1928-1932) et directeur de l’Opéra d’Alger (1929-30). En
1934, il fonda l’Orchestre national de la
Radiodiffusion française, à la tête duquel
il devait rester pendant quinze ans, faisant
connaître, par le truchement des ondes,
les grandes oeuvres symphoniques et lyriques. On lui doit la première exécution
en France de la version originale de Boris
Godounov (1935).
Inghelbrecht a laissé plusieurs ouvrages
de souvenirs et de commentaires sur son
art : Comment on ne doit pas interpréter
Faust, Carmen, Pelléas (1933), Mouvement
contraire (1947), le Chef d’orchestre et son
équipe (1950), Le chef d’orchestre parle au
public (1957).
IN NOMINE.
Catégorie spéciale de ricercar anglais
(fantasy, fancy, etc.), qui fut en faveur en
Grande-Bretagne dans la seconde moitié
du XVIe siècle et jusqu’à Purcell inclus,
caractérisée par une plus grande unité que
dans le ricercar à sections et par la présence d’une cellule mélodique stéréotypée,
correspondant aux mots in nomine Domini
dans le Benedictus de la messe Gloria tibi
Domine de John Taverner († 1545).
INSTITUT DE RECHERCHE ET DE COORDINATION ACOUSTIQUE/MUSIQUE
(I. R. C. A. M.).
Organisme de recherche, de création et de
diffusion musicales dirigé par Pierre Boulez et créé en 1975 dans le cadre du Centre
Georges-Pompidou à Paris.
Il est certainement le premier dans le
monde pour l’importance des moyens
matériels et financiers dont il dispose. Pardelà une activité intense de concerts et de
diffusion du répertoire contemporain, par
l’intermédiaire d’un orchestre associé à
l’I. R. C. A. M., l’Ensemble intercontemporain (E. I. C.), sa vocation reste celle
d’un laboratoire de recherches, où collaborent techniciens, chercheurs, musiciens (et, en principe, hommes de science)
« pour résoudre par un travail d’équipe
les problèmes de la création musicale qui
ne se prêtent plus à des solutions individuelles ». Ce vaste programme comprend,
entre autres, des recherches sur la création
de nouveaux sons, avec les instruments et
les voix, mais aussi et surtout avec l’ordinateur, sur l’acoustique musicale, sur des
nouvelles formules de composition, en
associant des disciplines telles que la psychoacoustique, « l’informatique, la neurophysiologie, la linguistique et la sociologie ». En cela, l’I. R. C. A. M. s’est donné les
mêmes objectifs que de nombreux centres
existant en France et à l’étranger, ce qui le
distingue toutefois étant l’étendue de ses
moyens et son autonomie de principe par
rapport à des impératifs de production ou
de rentabilité. Il s’est affirmé aussi comme
international, aussi bien dans son équipe
que dans les contacts qu’il a noués avec
des centres éloignés, aux États-Unis notamment (Stanford, M. I. T., U. C. L. A.).
Depuis sa création, l’I. R. C. A. M. a
connu des remaniements profonds, sous
l’autorité de Pierre Boulez. En 1975,
il comportait, autour d’une équipe de
liaison, de contacts et de programmes
(Snowman, Marger), cinq départements
complémentaires, confiés à des musiciens
ou à des chercheurs réputés : Instruments
et voix (Vinko Globokar), Électroacoustique
(Luciano Berio), Ordinateur (Jean-Claude
Risset), Pédagogie (Michel Decoust) et
Diagonal de coordination, héritant également des difficiles problèmes de la perception musicale (Gerald Bennett). Puis,
des dissentiments entraînèrent les départs
successifs et indépendants de tous les
responsables de département. En 1980,
Pierre Boulez donna à l’I. R. C. A. M.
une nouvelle structure, inspirée par un
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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souci de décloisonnement (suppression
des départements), de rajeunissement des
équipes et d’ouverture des programmes. Il
n’y a donc plus de compositeurs attachés
en permanence à l’I. R. C. A. M., mais une
équipe technique et une structure souple
d’accueil, avec des « tuteurs » pour guider
les musiciens dans leurs projets de création (autour du responsable David Wessel, les spécialistes Stanley Haynes, Yves
Potard, Andrew Gerszo). Tod Machover
anime la recherche musicale, et Jean Kott
les recherches informatiques. En 1980,
l’I. R. C. A. M. fut la cible de critiques et
d’interrogations, dont l’importance tenait,
notamment, à sa place dans le paysage
musical français (son budget représente
environ vingt fois le montant de toutes
les subventions consenties en France aux
autres centres de recherche). On lui reprocha de masquer, derrière une politique
de diffusion du patrimoine contemporain
« classique » (école de Vienne, Stravinski,
etc.), dans des concerts reconnus d’ailleurs
d’excellente qualité, un « vide total de projet » (Jean-Claude Eloy), l’ignorance par
rapport aux recherches parallèles ou antérieures, l’absence de véritable découverte,
aboutissant à une « impasse pesante pour
tout le monde musical » (Iannis Xenakis).
Les résultats jusqu’ici les plus visibles des
recherches entreprises à l’I. R. C. A. M.
semblent se situer dans le domaine très
circonscrit de la création de nouveaux
sons par ordinateur, où cet organisme a
su utiliser la compétence de pionniers tels
que Mathews, Risset, Chowning et d’un
inventeur comme Giuseppe Di Giugno,
qui a conçu un synthétiseur numérique
en temps réel aux nombreuses possibilités, la machine « 4 X ». L’I. R. C. A. M. a
suscité la réalisation d’un certain nombre
d’oeuvres nouvelles, explorant notamment
le domaine de la synthèse informatique
(ou « numérique »), et présenté, outre ses
concerts de type classique, des cycles de
conférences et de débats, nommés ateliers.
Il a publié plusieurs rapports de recherche,
des cassettes pédagogiques et un recueil
d’articles, la Musique en projet (1974). En
1992, Boulez a eu comme successeur à
la direction de l’I. R. C. A. M. Laurent
Bayle. Le directeur artistique est depuis
cette date Risto Nieminen. Depuis 1992,
l’I. R. C. A. M. publie des livres-brochures
sur des compositeurs (Jarrell, Lindberg...)
ainsi que, deux fois par an, la revue Résonance, plus « grand public » que la revue
In Harmoniques, lancée en décembre 1986
et qui continue sous une nouvelle formule
depuis mai 1990. L’I. R. C. A. M. se veut
plus que jamais un institut de recherche,
de création et de pégagogie renforçant les
liens entre chercheurs et compositeurs.
INSTRUMENTATION.
Opération qui consiste à attribuer à un
instrument déterminé l’exécution d’une
phrase musicale.
La notion même d’instrumentation
(qu’il ne faut pas confondre avec orchestration) peut paraître périmée en ce sens
que, depuis deux siècles, les compositeurs
conçoivent et écrivent directement en
fonction de l’instrument. Il en allait tout
autrement jusqu’au temps de J.-S. Bach.
François Couperin, dans ses Concerts
royaux, par exemple, considère comme
interchangeables les instruments de tessitures voisines et abandonne leur choix
aux interprètes. La flûte traversière peut
fort bien se charger d’une partie de hautbois, voire de violon, pourvu que celle-ci
ne comporte pas de doubles cordes et ne
descende pas au-dessous du ré. Au besoin,
les traits incompatibles peuvent être adaptés et l’oeuvre entière transposée dans un
autre ton. Cela fait partie de l’art d’instrumenter, brillamment pratiqué par Serge
Prokofiev quand il transforma en sonate
pour violon et piano son opus 94, initialement composé pour la flûte.
INTERLIGNE.
Espace compris entre deux lignes consécutives de la portée.
Chaque portée comporte donc quatre
interlignes.
INTERLUDE (étymol. « entre-jeu »).
Dans un ouvrage lyrique ou un ballet,
pièce symphonique destinée à enchaîner
deux tableaux de manière à laisser aux
machinistes le temps de changer le décor
et assurant une transition musicale entre
une scène et la scène suivante. L’exemple
le plus caractéristique est fourni par les
interludes de Pelléas et Mélisande, que
Claude Debussy composa au cours des
répétitions, à la demande du metteur en
scène Albert Carré.
INTERMÈDE.
Forme théâtrale qui remonte à l’époque
médiévale (mystères, drames liturgiques).
À la Renaissance, l’intermède, exécuté
entre les actes d’une tragédie, d’une comédie, d’une pastorale, etc., comporte des
danses et des pièces vocales. En Italie, l’arrivée de la monodie accompagnée, mêlée
à des choeurs et à des danses instrumentales, contribua à donner aux intermèdes
une place de plus en plus importante dans
les spectacles de la Renaissance, créés
à l’occasion des cérémonies de cour. Le
genre pénétra en France, sous l’influence
italienne, au cours de la seconde moi-
tié du XVIe siècle. Il continua sa carrière
au siècle suivant, placé entre les actes
d’une tragédie, d’une pastorale ou pour
agrémenter une pièce à machines. Parfois, la forme s’inspirait directement de
la commedia dell’arte, comme les comédies-ballets de Molière que Lully mit en
musique. Au XVIIIe siècle, Rameau appela
« intermèdes » les parties musicales de la
comédie de Voltaire la Princesse de Navarre,
représentée à l’occasion des fêtes de la
cour (1745). Quelques années plus tard,
Rousseau ajouta ce terme comme soustitre à son Devin du village (1753).
Depuis lors, l’intermède, ou intermezzo,
désigne tout épisode qui sert de lien entre
les actes d’une pièce ou d’un opéra. À titre
d’exemple, on peut citer l’Intermezzo de
Manon Lescaut (Puccini) ou celui de Fennimore and Gerda (F. Delius).
INTERMEZZO.
Dans l’évolution des genres lyriques, l’intermezzo a assumé des fonctions diverses :
spectacle complet au XVIe siècle, mêlé de
chant, de danse, de divertissement instrumental, il désigna au XVIIe siècle plus
particulièrement l’intermède lyrique
(pastorale, favola in musica, etc.) inséré
dans les fêtes données dans les palais
italiens. Puis, dès l’ouverture de théâtres
publics et payants (1637), il fut de mise
de distraire le public durant les entractes
(que les changements de décors rendaient assez longs) par des intermezzos,
d’abord chorégraphiques, puis lyriques.
Lorsque, au XVIIIe siècle, l’opéra eut nettement séparé les éléments tragiques des
éléments comiques, les deux entractes de
l’opera seria furent généralement remplis
par deux intermezzos bouffes, constituant
ainsi les deux actes d’une oeuvre comique,
joués devant le rideau et nécessairement
réduits à la plus grande simplicité, limités
à deux ou trois personnages. Le compositeur de l’operia seria représenté écrivant
lui-même la musique de cet intermezzo,
le genre bénéficia de l’apport de musiciens
tels que Scarlatti, Leo, Feo ou Pergolèse,
dont La Serva padrona (1733) passa pour
le modèle du genre, et rivalisa ainsi victorieusement avec le véritable opera buffa,
plus populaire et d’un galbe musical souvent très sommaire. C’est la fusion de
deux genres, vers 1760, qui donna naissance au grand opera buffa et à ses dérivés
plus ambitieux, tels que le dramma gio-
coso, l’opera semiseria, etc. Aux XIXe et
XXe siècles, le même terme d’intermezzo
désigna un interlude orchestral séparant
les actes ou les tableaux d’un opéra et aussi
certaines pages instrumentales isolées
(opus 4 de Schumann, diverses pièces des
opus 116-119 de Brahms) ou faisant partie d’oeuvres plus vastes (intermezzos du
quatuor avec piano op. 25 et de la sonate
op. 5 de Brahms ou de la sonate op. 11 de
Schumann).
INTERPRÉTATION.
Dans un sens large, l’interprétation d’une
oeuvre écrite désigne non seulement l’exécution de la partition, c’est-à-dire la réalidownloadModeText.vue.download 497 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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sation sonore fidèle des signes notés, mais
aussi l’expression, le sentiment, la vie, les
significations dont le ou les interprètes
revêtent cette exécution, par une série
d’actes et de décisions, qui, en principe,
n’ont pas été déterminés par le compositeur. À partir de cette définition commune, les conceptions s’opposent, parfois,
entre ceux qui considèrent l’interprétation
comme une création individuelle qui se
surajoute à l’oeuvre et ceux qui veulent
qu’elle soit l’actualisation, le déploiement
des intentions « cachées » ou implicites du
compositeur.
Dans la musique occidentale du
XVIIe siècle à nos jours, où les hauteurs et
les structures de durées sont généralement
notées de manière précise et exhaustive, la
marge de jeu et de décision laissée à l’interprète, à partir du texte écrit du compositeur, reste considérable et concerne notamment le choix des tempos, du phrasé,
de l’articulation (même si l’auteur les précise sommairement), la sonorité, la réalisation des nuances, la conduite des voix
parallèles, la « construction » du discours,
composantes auxquelles il faut ajouter des
impondérables multiples et dont la somme
« fait » l’interprétation. L’oreille humaine
est d’une extrême sensibilité à de minimes différences de toucher, de nuances,
d’émission du son, d’expression, etc., qui
peuvent faire toute la différence entre une
exécution « honnête » et une interprétation géniale. Dans la musique ancienne
(y compris la musique dite « baroque »),
la partition était généralement moins précise et impérative, et l’interprète possédait des « libertés » apparemment supplémentaires, concernant l’ornementation,
le détail des lignes mélodiques, l’instrumentation et souvent même la liberté
d’improviser (cadences, basses continues)
à partir du canevas donné par le compositeur. Cette tradition essentiellement orale
s’étant perdue et n’ayant été retrouvée que
récemment à partir de textes, on peut dire
que les problèmes de l’interprétation de la
musique ancienne intègrent de nombreux
problèmes d’exécution, sur lesquels l’unanimité n’est pas faite.
INTERPRÉTATION, EXÉCUTION ET NOTATION.
Notre musique est fondée, depuis plusieurs siècles, sur le principe de l’oeuvre
écrite fixée sur une partition, laquelle
constitue un texte que l’interprète doit
« lire », mais aussi faire parler. C’est au
traité d’interprétation de Johann Joachim
Quantz (1752) que l’on doit une des meilleures définitions de cette notion, alors
que le mot ne possédait pas encore son
sens actuel : « L’expression musicale peut
être comparée à celle d’un orateur. » Il faut
non seulement transmettre un contenu
écrit, mais « s’emparer des coeurs ». Pour
cela, il faut que l’orateur ait « la voix forte,
claire et nette, la prononciation distincte,
qu’il sache varier son discours », soutenir
l’intérêt et la curiosité. Le même auteur
pose aussi très clairement la différence
entre le niveau purement technique de
l’exécution et l’interprétation proprement
dite : « Je ne veux pas instruire le joueur
de flûte seulement par rapport à ce qu’il
y a de mécanique dans cet instrument,
mais [... ] j’ai travaillé aussi pour le rendre
un musicien entendu et habile. » Ainsi
l’interprétation consiste-t-elle dans l’art
de la parole musicale, complémentaire de
l’art de la langue musicale pratiqué par le
compositeur. La distinction langue/parole, introduite par Ferdinand de Saussure
dans les recherches linguistiques, peut, en
effet, être transposée dans la musique : la
langue est le système du discours, « social
dans son essence et indépendant de l’individu « ; la parole (comparée précisément
par Saussure à une exécution musicale)
est l’incarnation de ce discours, comme
« partie individuelle » du langage. Cette
répartition des tâches et des capacités
entre les compositeurs, d’une part, et
les exécutants-interprètes, d’autre part,
n’a pas de sens dans des musiques dites
« orales », comme le jazz ou les musiques
indiennes ou africaines traditionnelles,
dans lesquelles le musicien ne s’appuie pas
sur une partition préécrite, mais invente
son discours en même temps qu’il le parle.
Dans l’impression que reçoit alors l’auditeur, dans le jugement qu’il peut porter,
on ne peut dissocier la part de l’interprétation de celle de l’exécution ou de celle
de l’invention. Au contraire, dans notre
système occidental actuel, l’interprétation
est un mystérieux « en plus » apporté par
l’interprète, auquel parfois on trouve à reprocher de n’être qu’un exécutant. Encore
pose-t-on comme préalable, nécessaire
mais non suffisant, que l’exécution de la
partition soit correcte et fidèle. Bien que
le respect de la partition n’ait jamais été
aussi grand qu’aujourd’hui chez les interprètes, on trouve encore à leur reprocher
parfois des fautes d’exécution : notes « à
côté », fautes de mesure, nuances non
observées, etc. La tolérance à ces écarts
semble diminuer avec la surenchère de
technicité créée par la culture discographique et radiophonique.
On considère donc généralement que
la fonction de l’interprétation est d’émouvoir, de toucher, ce qu’on ne pense pas
que puisse faire l’exécution objective de
la partition. Plus récemment, on a voulu
définir l’interprétation idéale comme l’art
de réaliser la « parole » voulue intimement
par le compositeur, que les symboles écrits
ne pouvaient qu’incomplètement représenter. Dans cette optique, la partition apparaît comme le pathétique balbutiement
écrit d’une intention musicale, que le vocabulaire réduit et grossier de la notation
ne permet pas de dire totalement et dont
l’interprète doit « déployer la parole ».
Cela n’est pas complètement faux, mais
les énormes différences observables entre
deux versions également convaincantes
et correctes du point de vue de l’exécution doivent conduire à relativiser cette
conception de l’interprétation comme
réalisation fidèle des intentions prêtées au
compositeur.
Le rôle considérable donné à l’interprète et le vedettariat dont il bénéficie ne
sont pas une invention de notre époque.
Les « vedettes » du chant, du violon, du
clavier existent depuis plusieurs siècles.
L’interprétation représente depuis long-
temps la part de parole, la part orale de
notre musique savante, fondée sur l’écrit
certes, mais jamais totalement, sauf dans
des cas limites. Malgré l’existence de traités, comme ceux de Quantz, de Tosi, etc.,
la transmission des styles d’interprétation
se faisait surtout de manière orale, directe,
de maître à élève, d’interprète à auditeur.
Nous ne les connaissons plus que par des
témoignages écrits. L’avènement de l’enregistrement sonore a bouleversé cet état
de fait. On peut désormais fixer et reproduire à volonté des images extrêmement
précises de l’interprétation, de la parole
musicale jusqu’alors vouée à l’éphémère.
Arrachée au temps, l’interprétation devient un objet : de culte, de contemplation,
d’étude, en dehors de la circonstance du
concert comme lieu et moment privilégié
et unique.
Remarquons que le compositeur occidental, si pointilleux fût-il sur la notation de ses intentions, a toujours négligé,
et pour cause, de noter dans sa partition
beaucoup de conventions d’exécution qui
allaient de soi à son époque, telles que les
« notes inégales » dans la musique baroque. Si l’exécution actuelle s’appuie sur
l’écrit du compositeur, cet écrit repose luimême sur des traditions orales qu’on ne
jugeait pas nécessaires de noter, puisque
connues de tous. Seulement, l’usage de ces
traditions et de ces habitudes se perdit,
et celles-ci restèrent consignées dans un
nombre limité de traités ; aussi, quand on
a ressorti des bibliothèques les partitions
de Bach, de Monteverdi ou de Telemann
en se fiant à l’écriture, a-t-on produit
des exécutions musicales qui, pour être
apparemment fidèles au texte écrit, n’en
étaient pas moins infidèles à la lettre de
la partition. Pourquoi, en effet, si l’on se
dit fidèle au texte, omettre de respecter les
traditions sur lesquelles ce texte s’appuie
implicitement ? Tel est le grief formulé par
certains contre ceux qui persistent à jouer
Bach ou Telemann « à la moderne ». Le
problème, que l’on retrouvera plus loin,
est complexe en raison de la nature multiple de la musique. Si incomplet qu’il soit,
le texte de la partition transmet apparemment les structures musicales essentielles
(hauteurs, rythmes, formes, etc.), qui
peuvent survivre à d’incroyables variadownloadModeText.vue.download 498 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
492
tions, tempos, accentuations, instrumentations, etc. Le modèle de cette musique,
qui semble à la limite n’être qu’un pur
texte, non destiné à la parole, est l’Art de
la fugue de Bach, écrit sans indications
d’instrumentation. À l’opposé, la plus
grande partie de la musique classique et
de la musique romantique est écrite pour
l’exécution, pour l’interprète.
Si l’interprétation musicale occidentale consiste à donner la parole au texte,
c’est naturellement par référence à la voix
humaine, proposée comme modèle à tout
interprète. La plupart des traités destinés aux interprètes (flûtistes, violonistes,
clavecinistes), depuis le XVIIIe siècle, leur
prescrivent de chanter comme le ferait
une voix, de l’imiter dans son phrasé, ses
respirations, son articulation, sa sonorité même. Donner voix humaine au jeu
instrumental, au-delà du mécanisme, de
l’exécution, tel était l’idéal proposé.
On s’est, curieusement, assez peu interrogé sur les imprécisions de la notation occidentale. C’est pourtant l’un des
moyens de comprendre sur quoi fonctionne l’interprétation en tant que « surplus » par rapport à l’exécution des signes
notés. L’interprétation occidentale de la
musique écrite apparaît comme un art de
jouer des imprécisions de l’écrit. La musique classique occidentale note fort précisément et exhaustivement les relations
des hauteurs, et même les valeurs absolues des hauteurs grosso modo, puisque
le diapason est assez variable, et aussi,
depuis l’avènement du tempérament, les
intervalles. C’est sur le jeu des hauteurs
(tonalité, mélodie, harmonie, contrepoint,
modulations, etc.) que le compositeur fait
porter l’essentiel de son travail de conception et d’écriture. Sur les hauteurs, l’interprète n’a donc plus l’initiative qu’il avait
dans la musique ancienne. En revanche, il
en conserve une, très importante, sur les
tempos, c’est-à-dire sur les valeurs absolues des durées. En effet, si la musique occidentale note assez strictement les structures de durée, les formes rythmiques (en
même temps qu’elle en limite les figures),
elle néglige souvent d’imposer les valeurs
absolues de ces durées, c’est-à-dire le
tempo, cela malgré l’invention du métronome par Maelzel, au début du XIXe siècle,
qui donnait la possibilité de fixer une fois
pour toutes les durées métronomiques
et de les faire respecter impérativement.
Or, notre musique s’est plu à conserver
la liberté du tempo, d’une part parce que
l’oreille est sensible aux rapports de durée
et d’espacement temporel entre les sons,
mais moins aux valeurs absolues de ces
durées, et d’autre part comme pour préserver la part du jeu et du risque dans
l’exécution. Le « bon tempo » n’est pas défini métronomiquement ; c’est une allure
organique, vécue, un sentiment de vitesse.
On notera, avec Robert Donington, que
les indications de tempo conservées par
notre musique (bien qu’extrêmement
imprécises) sont à la fois des indications
de vitesse et d’expression : allegro signifie
gai et vite ; largo, large en même temps que
lent ; scherzo, en badinant, etc. Il y a une visible résistance de la musique occidentale,
pourtant avide de précision, à s’enfermer
dans le carcan des contraintes métronomiques - comme pour éviter d’accuser la
part « mécanique » forcément inhérente à
toute exécution. L’interprétation idéale est
définie comme un subtil mélange de rigueur rythmique (la main gauche dont parle
Chopin, qui est le « maître de chapelle »
battant la mesure) et d’irrégularité contrôlée (la droite se permettant des écarts, du
« rubato »).
À l’opposé, certaines musiques traditionnelles, comme celle de Bali, ou
modernes, comme la musique répétitive
américaine, ne craignent pas de viser une
régularité rythmique absolue, robotique.
En effet, le propre du métronome, qui
est une mécanique, est non seulement de
définir une certaine vitesse d’exécution
(une noire à la seconde, par exemple),
mais aussi d’inviter à la respecter avec une
précision d’automate. Cette tolérance de
notre musique sur la définition du tempo
laisse des possibilités d’écarts, de fluctuations et de variations considérables (un
quart d’heure de différence entre deux
versions d’une symphonie de Mahler).
Observons, par ailleurs, que notre système
de notation à base binaire, ingénieux et
rationnel, est inapte à noter beaucoup
de rythmes irrationnels et souples de la
musique orale, contrairement au système,
pourtant plus « grossier », des neumes primitifs.
Valeurs de hauteurs et de durées sont
donc notées sur la portée et semblent donc
constituer le texte de base, intouchable, de
la partition. Les autres indications (phrasé,
accents, articulation, nuances), par leur
disposition graphique même - elles sont
autour des notes et au-dessus ou au-dessous de la portée -, semblent annexes et
secondaires, alors qu’elles sont parfois
primordiales pour le sens du discours.
Par exemple, pour noter des variations de
nuances (que ne comportait pas, disent
certains, la musique ancienne), notre
système a recours soit au rudimentaire
« soufflet » (crescendo ou diminuendo),
soit à des lettres aussi vagues et vite dévaluées que les p, pp, ppp, pppp, etc., et les
f, ff, fff, ffff, etc. De même pour les indications d’articulation et de phrasé (renvoyant à la parole), qui ne sont souvent
qu’esquissées. Enfin, certaines indications
capitales d’intonation ou d’expression
sont traduites par des expressions verbales telles que sotto voce (à voix étouffée)
ou con moto (avec du mouvement). C’est
dans cette marge d’imprécision que joue le
rôle de l’interprète, ainsi que dans la création de la sonorité. Les notations même les
plus « maniaques » de la musique récente
n’arrivent pas à tout indiquer. La notation
la plus exacte ne peut être qu’un enregistrement, ce qu’avait compris Stravinski,
adversaire des « interprétations », qui
souhaitait transmettre par le disque des
modèles d’exécution « objectifs » de ses
oeuvres. Il a été peu suivi dans ce désir
d’objectiver totalement l’interprétation,
en d’autres termes de la ramener à une
simple exécution.
L’auteur des Noces était en effet de
ceux pour qui l’expression est un aspect
secondaire, périssable, quasi parasitaire
de la musique. Alors que le compositeur,
au niveau de son « texte » de partition,
assemble souvent des formes, des structures sans souci direct de l’effet sur l’auditeur, l’interprétation de type expressif
vise non seulement à mettre en évidence
ces formes, ces structures, mais aussi
à produire un effet sur l’auditeur. Cette
idée n’est pas un héritage du romantisme,
puisque déjà les traités musicaux du XVIIe
et du XVIIIe siècle ne parlent que d’« effet »
et d’« expression ». Dans un sens opposé,
une certaine école d’interprétation récente
(née probablement à la faveur des moyens
d’enregistrement, qui permettent de décomposer et d’analyser l’interprétation
musicale comme jamais) vise à donner un
éclairage objectif, analytique et précis des
structures et des sonorités de l’oeuvre.
L’INTERPRÉTATION À TRAVERS LA MUSIQUE
OCCIDENTALE.
Au commencement était la musique
orale ; au commencement était donc l’interprète, en même temps improvisateur
ou compositeur - en un mot, le musicien.
La musique du Moyen Âge, essentiellement orale et anonyme, avait recours à
des notations aide-mémoire assez sommaires. Et la notion d’interprétation, distincte d’une exécution ou d’une improvisation, n’existait probablement pas au
sens actuel. Ce que certains formulent
d’une autre manière, en disant que ces
musiques n’avaient pas d’interprétation
(Jacques Viret). On pourrait dire plutôt
que la coloration, l’expression individuelle
du chanteur ou de l’instrumentiste jouait
sans doute un grand rôle (chez les trouvères, par exemple), mais qu’elle était tellement constitutive du discours musical
que souvent on ne l’en séparait pas. Ce
serait donc pendant la Renaissance, avec
l’avènement de la monodie accompagnée
(v. 1600), qui mit en valeur le soliste,
que l’interprétation prit de l’importance.
Si la partition devint plus claire et plus
précise, elle resta encore souvent un canevas, à partir duquel l’interprète devait
« broder », ajoutant des ornements, des
cadences, des basses chiffrées. On pourrait croire que l’interprète était plus libre
qu’aujourd’hui. En fait, cette liberté était
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
493
surveillée et liée par nombre de conventions orales d’exécution. Et la liberté
laissée par les partitions de jouer ou non
telle ou telle pièce du recueil, d’user de
tel ou tel instrument était plutôt une tolérance qu’une liberté active et créatrice. Il
est vrai que l’interprète avait souvent à
improviser, à des moments donnés de la
partition, des « cadences », comme dans
les Concertos pour orgue de Haendel ou le
Troisième Concerto brandebourgeois de Bach.
Jusqu’au XIXe siècle, les grands interprètes
furent souvent en même temps improvisateurs, et les compositeurs eux-mêmes,
tels Haendel, Bach, Mozart, Beethoven,
Liszt, quand ils se produisaient en public,
avaient à montrer leur talent d’improviser
sur le clavecin ou le piano. Cette tradition
du compositeur-interprète-improvisateur
ne subsiste plus guère aujourd’hui que
chez les organistes (Marcel Dupré, Olivier
Messiaen).
Avec les légendaires Paganini, Liszt,
Tulou, Kreisler, etc., annoncés au siècle
précédent par les Quantz, le romantisme
vit l’apogée de la notion d’instrumentistevirtuose. Déjà, la complexité et la difficulté
de la tâche d’exécution tendaient à devenir telles que le compositeur et l’interprète
étaient de plus en plus deux individus distincts. Ainsi assista-t-on à une spécialisation des rôles, et tel compositeur écrivait
pour tel virtuose une pièce de musique
que lui-même aurait été incapable de
jouer, tandis que l’interprète témoignait
de moins en moins de compétences pour
la composition musicale.
Cependant, depuis longtemps, un type
particulier d’interprète n’a cessé de recueillir les plus grandes faveurs : il s’agit
du chanteur - castrat légendaire, comme
Farinelli ou Caffarelli, « prima donna »,
comme la Pasta, Malibran, Patti ou
Schröder-Devrient, ténor, comme Rubini,
Nourrit, Duprez ou Caruso, etc. Toutes
ces vedettes du chant conservèrent longtemps une espèce de « droit d’interprétation » exceptionnel sur la partition, qu’ils
ornaient, agrémentaient de broderies de
leur cru, au coeur même du romantisme,
alors que la partition était déjà devenue
un texte fixé une fois pour toutes. Contre
ces libertés des virtuoses, les compositeurs
défendaient de plus en plus la lettre de
leur partition, de même que Chopin notait
de plus en plus précisément les traits et
les ornements, peut-être pour éviter ceux
qu’ajoutaient les virtuoses. Ainsi, parallèlement à la mise en vedette de l’interprète,
le compositeur défendit-il et précisa-t-il
de plus en plus jalousement sa partition.
Apparemment, la marge d’interprétation
en était réduite d’autant, mais, en fait, les
perfectionnements de lutherie, en multipliant les possibilités de sonorités, de registres, de couleurs, de nuances, mettaient
en valeur plus que jamais le rôle capital
de l’interprète. Mais, dans le courant du
XIXe siècle, un nouveau type d’interprète
capta l’intérêt du public et joua un rôle
prépondérant, en relation avec le développement du genre symphonique : il s’agit
du chef d’orchestre, qui, auparavant, était
surtout un batteur de mesure, un « premier musicien » veillant à la régularité et
à la coordination. Les Habeneck, les Hans
Richter, Gustav Mahler, Arthur Nikisch,
etc., commencèrent à attirer le public
pour eux-mêmes, et non seulement pour
le répertoire qu’ils jouaient. Tout ce que
nous avons dit du rôle de l’interprète peut
s’appliquer aux chefs d’orchestre, même
s’ils délèguent aux individus d’un groupe
le rôle d’exécuter leur interprétation,
c’est-à-dire leurs décisions fondamentales
sur les tempos, les phrasés, les accents, les
coups d’archet, les respirations, les « voix
en dehors », les nuances, etc. En même
temps, leur rôle est d’insuffler un esprit,
de faire circuler une vie, un élan commun
et unanime dans cette masse de plus en
plus complexe qu’est l’orchestre. La « personnalisation » du rôle du chef d’orchestre
semble d’ailleurs croître proportionnellement avec celle du compositeur (quand ils
ne sont pas une seule et même personne).
Le chef d’orchestre semble être le délégué,
le représentant du compositeur sur l’estrade, pour l’orchestre comme pour le public. C’est lui qui organise et construit l’interprétation. Car l’expansion des oeuvres
en durée et en complexité ajoute de nouvelles dimensions à l’interprétation : il ne
s’agit plus seulement de faire chanter de
brefs morceaux de forme stéréotypée qui
se succèdent, mais de travailler en profondeur des oeuvres dont chacune se veut singulière, de construire de véritables édifices
d’intentions.
Naturellement l’avènement de la radio
et du disque a changé radicalement le
problème de l’interprétation, puisque,
d’une part, elle pouvait être désormais
répandue à des milliers d’exemplaires,
communiquée à des millions d’individus simultanément, et que, d’autre part,
comme nous l’avons déjà dit, elle devenait
un objet « mis en boîte ». L’art de l’interprétation ne se transmet plus comme un
secret d’artisan, d’individu à individu,
oralement. Il est conservé, exposé, diffusé
à tous ; il n’est plus périssable. En même
temps, le disque a eu une conséquence
singulière : en multipliant le nombre des
interprétations rivales d’une même oeuvre
classique, il a ouvert une sorte de concours
permanent d’interprétation, à l’échelle
de la planète (dans l’espace) et du siècle
(dans le temps) ; concours que, dans le
monde entier, des revues spécialisées, qui
lui sont entièrement consacrées, tiennent
méticuleusement à jour, confrontant la
plus récente « version » d’un jeune talent
à l’étalon de référence constitué par une
prestigieuse version ancienne - laquelle
peut, à tout moment, être détrônée par
une nouvelle. Pendant un temps, la course
à la haute-fidélité a tendu à éliminer, au
fur et à mesure, les versions discographiques anciennes (78 tours, microsillon
monophonique), pour cause de caducité
technique, mais, depuis que cette progression technique a atteint un certain plafond, on revient en arrière pour rééditer
certaines versions d’avant-guerre, que le
goût récent tend à trouver parfois plus
vivantes et plus sensibles que certaines
interprétations modernes très analytiques.
Le disque et la haute-fidélité ont eu une
influence certaine sur l’évolution du style
d’interprétation. La plus évidente à relever est ce que Pierre Bourdieu appelle « la
banalisation de la perfection instrumentale ». Une fausse note dans une interprétation en direct est un accident négligeable
et unique. Enregistrée sur un disque, elle
devient une imperfection qui se répète et
semble abîmer à jamais l’objet précieux
qu’elle endommage. On constate, en écoutant les vieilles versions discographiques
dues à des pianistes formés par la tradition
du concert, que ceux-ci ne craignaient pas
plus que leur public les petites irrégularités et imperfections. Le disque a bientôt
conduit à proscrire sévèrement ces menus
défauts. En même temps, par leur pouvoir
de grossissement des sonorités, captées en
gros plan, par leur tendance à donner un
éclairage cru et analytique de la partition,
décomposée en ses différentes parties saisies par des micros indépendants (quand
il s’agit d’un orchestre) et recomposée en
une image artificielle et détaillée, plutôt
que globale et synthétique, le disque et la
prise de son modernes ont favorisé une
écoute très critique de la musique dans sa
verticalité, sa texture sonore, son détail,
plutôt que dans son flux, son « déroulement horizontal » (Alfred Brendel), et
ils ont suscité un style d’interprétation
détaillé, articulé, net, impeccable, adapté
à cette écoute. On sait, par ailleurs, que
les interprétations sur disque sont presque
toujours des « montages » effectués à partir d’exécutions de l’oeuvre par fragments.
Cependant, le disque a rarement, sinon
jamais, suscité des interprètes classiques
incapables d’affronter la scène et le cadre
du concert. Ce fait témoigne de la force
conservatrice de la musique classique.
Rares sont les interprètes classiques qui,
comme le pianiste Glenn Gould, assument
à fond le médium du disque, dédaignent
le concert et se servent de l’enregistrement pour perfectionner leur manière
spécifique, intervenant eux-mêmes sur le
montage, le mixage, la prise de son. De
tels musiciens, en revanche, sont légion
dans le domaine de la pop music et des
variétés. Au reste, une réaction antianalytique semble s’affirmer à la fin des années
70 pour des interprétations sinon plus
romantiques, du moins plus globales et
larges.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
494
L’INTERPRÉTATION DES MUSIQUES ANCIENNES.
La musique occidentale préclassique a
commencé à être redécouverte à partir du
XIXe siècle (grâce aux efforts d’un Mendelssohn), mais surtout au début du XXe,
avec des pionniers comme Eugène Borrel,
Arno Dolmetsch, Wanda Landowska, et
plus récemment, Antoine Geoffroy-Dechaume (auteur des Secrets de la musique
ancienne) et Robert Donington. Depuis
peu, des interprètes-musicologues, tels
Alfred Deller, Nikolaus Harnoncourt,
Gustav Leonhardt, Franz Brüggen et
ceux de l’école hollandaise, ont non seulement « exhumé » des partitions, mais
aussi et surtout imposé un nouveau style
d’interprétation, dont les principes ont été
puisés aux sources, dans les documents
de l’époque. Le disque a fait reconnaître,
par un large public, cette nouvelle école,
jusqu’alors un peu rapidement considérée
comme une curiosité musicologique. On a
compris que non seulement il s’agissait de
ressortir des instruments de la poussière
pour le pittoresque, mais que l’expression
de la musique pouvait s’en trouver rajeunie, vivifiée et n’avait plus ce caractère de
ronronnement répétitif qui se dégageait
de certaines exécutions « à la moderne »
d’oeuvres baroques. « Nous ne connaissions que deux genres d’interprétation de
la musique ancienne : ou on la coule dans
un moule moderne [... ] en outrant l’expression. Ou on l’exécute [... ] avec cette
indifférence blafarde et guindée, lourde,
sourde et monotone, qui nous produit
l’impression d’assister à quelque enterrement d’une personne inconnue » (W.
Landowska).
Cette rénovation des styles d’interprétation de la musique ancienne a suscité des
polémiques. Une fois mis à part les mauvais procès de « froideur musicologique »,
la question se pose de savoir si l’authenticité est un mirage, un leurre ou si elle
n’est pas le moyen de retrouver une certaine vie du discours musical. Imaginons
que soient retrouvées dans trois cents ans
les partitions de Chopin, mais perdus les
enregistrements et les traditions d’exécution. Le pianiste qui prendrait à la lettre
les signes de durée - blanches, noires,
croches -, ignorant la tradition des fluctuations rythmiques, s’efforçant de les
jouer avec une implacable précision de
métronome, risquerait de niveler la musique. C’est ce qui a pu se passer avec la
musique ancienne, dont avaient été perdues les techniques d’agrément, de « notes
inégales », etc., qui donnaient un relief et
une fluidité au discours musical. Non que
les interprétations « à la moderne » soient,
par principe, condamnables. En l’affaire,
le goût et le plaisir décident.
Les travaux de rajeunissement de l’interprétation des musiques anciennes ont
donc porté non seulement sur la remise en
honneur des instruments d’époque, mais
aussi sur les techniques d’émission du son,
les libertés ornementales, le phrasé, l’articulation, etc., qui donnent à ces musiques
une vigueur, une alacrité qu’on ne leur
soupçonnait pas. On comprend mieux
désormais comment la musique ancienne
pouvait être belle et harmonieuse, et
même, comme disait Quantz, « exciter
les passions », tout autant qu’une oeuvre
romantique.
Les sources utilisées par ces travaux sont multiples : études des manuscrits, recoupements, essais à partir des
instruments d’époque, étude des traités
instrumentaux de l’époque, où sont parfois écrits en toutes lettres des principes
d’exécution qui commencent à peine à
être respectés. Parmi ces ouvrages, citons
l’Essai sur la vraie manière de jouer des instruments à clavier (1753-1762) de Carl Philip
Emanuel Bach, l’Art de toucher le clavecin
(1716-17) de François Couperin, le Traité
de flûte (1707) de Jacques Hotteterre le
Romain, l’Essai (1752) de Quantz (concernant surtout la flûte, mais en même temps
les autres instruments de l’époque), l’Art
de jouer sur le violon (1751) de Francesco
Geminiani, le Traité des agréments de la
musique (1756, édité à Paris en 1771) de
Giuseppe Tartini, le Traité de chant du cas-
trat Pier Francesco Tosi, la méthode de
piano-forte (1828) de Johann Nepomuk
Hummel, le Traité complet de l’art du chant
(1847) de Manuel Garcia.
LES INSTRUMENTS.
La renaissance de la facture du clavecin
est surprenante. Complètement disparu
ou presque, le clavecin est redevenu populaire. À sa réapparition, il a d’ailleurs
reçu les mêmes critiques (sec, aigre, petit
de son) que celles qu’on porte contre les
violes de gambe, les violons baroques,
les flûtes, les hautbois baroques, etc.,
qui reviennent en usage, sans compter
les instruments plus anciens, comme les
cromornes, les cornets à bouquin, les sacqueboutes, les cervelas, les flûtes douces,
qui, peu à peu, avec les perfectionnements
de la facture et des techniques de jeu,
prouvent qu’ils peuvent sonner bien et
juste. Dans ce domaine, il s’agit non seulement d’authenticité en soi, mais de convenance entre un style de musique et des
possibilités instrumentales. Pour prendre
un exemple plus récent, tel fa suraigu dans
le premier mouvement de la Sonate pathétique de Beethoven tirait sa force d’être
la plus haute note possible sur le clavier
de l’époque ; joué sur un piano moderne,
qui a deux ou trois octaves de plus, il n’est
qu’une note aiguë sans plus. L’axiome
« qui peut le plus peut le moins », par lequel on peut justifier de jouer Mozart ou
Beethoven sur des pianos actuels, doit être
corrigé dans la mesure où les musiciens
d’autrefois se battaient contre les limites
de leurs instruments et que c’est dans ce
combat que la musique tirait une partie de
son pathétique. Ce combat est désarçonné
avec le perfectionnement des instruments,
l’augmentation de leur registre et de leur
portée, le grossissement de leur son, les
progrès de la virtuosité. Il faut souvent
alors, sur l’instrument moderne, réinvestir
la musique d’un pathétique plus « joué »,
plus concerté et infusé par l’interprète, et
ne se dégageant plus naturellement d’un
combat avec l’instrument et la technique.
Il est non moins vrai que les « Anciens » n’attachaient guère d’importance
aux instruments destinés à exécuter leur
musique. Certaines « sonates » pouvaient
être jouées sur tous les instruments possibles. Mais, à partir de Monteverdi, peu
à peu le sens de l’instrumentation spécifique se développa, et une lente transition
amena à l’époque moderne, où l’instrumentation est spécifiée et respectée le
plus scrupuleusement. Cependant, même
si un certain « fétichisme » instrumental
n’est pas étranger à la vogue de la facture
ancienne, on peut se réjouir d’entendre
différemment, plus vertes, plus nerveuses,
plus directes, des musiques qu’empâtait
souvent l’exécution sur des instruments
modernes, de sonorités un peu « grasses »
pour elles. Au reste, les organistes ont toujours été conscients de la différence qu’il y
a à jouer Couperin sur un Cliquot ou sur
un Cavaillé-Col romantique.
LE STYLE D’EXÉCUTION.
La partition des oeuvres « baroques », de
Monteverdi à Bach, était souvent un canevas : l’art de broder autour de ce canevas,
de nourrir l’émission du son et la ligne mélodique, de l’agrémenter n’était pas laissé
complètement à la fantaisie de l’exécutant,
mais était régi par un ensemble d’usages.
En règle générale, on jouait de manière
plus flexible que la partition ne l’indiquait ; les enfilades de croches n’étaient
pas jouées avec la régularité mécanique
et l’absence de phrasé qu’on trouve dans
certaines interprétations modernes. Une
règle fondamentale est celle de l’inégalité :
dans certains tempos, deux croches consécutives ne sont pas à jouer égales ; le premier demi-temps est fait un peu plus long.
Et cela, dit Quantz, « bien qu’à la vue les
notes paraissent être de même valeur ».
Les notes pointées étaient faites également
plus accentuées et plus prolongées qu’on
ne le fait pour les partitions modernes. On
conçoit quelle vivacité rythmique peut être
redonnée à ces musiques par l’observation intelligente et musicale de ces règles.
Quant aux ornements, aux agréments, ils
étaient multiples, mais répertoriés. Leur
rôle était de donner de la grâce, de l’expression, de la couleur à des lignes mélodiques qui, sans eux, restaient sèches et
rigides. Dans certains mouvements lents
de sonates, en particulier, la ligne mélodique écrite se réduit à un squelette de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
495
notes principales, que l’exécution doit relier par des notes de passage, agrémenter,
fleurir par des appoggiatures, des tremble-
ments, des ports de voix, des broderies et
autres ornements, dont on recommande
cependant de ne pas abuser. La note tenue
elle-même est animée non pas forcément
par le vibrato de type moderne, mais par
des « trémolos », des « flattements », qui
utilisent d’autres techniques.
Le choix du diapason est un problème.
Il est avéré que le diapason de l’époque
variait selon les pays, les lieux, les musiques. À titre d’exemple, un ensemble
comme le Concentus Musicus de Nikolaus Harnoncourt utilise aujourd’hui pour
le répertoire baroque le diapason le plus
fréquent en Allemagne au temps de Bach,
d’un demi-ton plus bas que le diapason
officiel actuel, à 440. De même, l’adoption des intervalles de l’époque pour les
oeuvres d’avant le « tempérament » égal
soulève des discussions.
La musique d’autrefois ménageait des
plages d’improvisation, des cadences.
Dans son 5e Concerto brandebourgeois, J.-S.
Bach a exceptionnellement noté la cadence du clavecin dans le premier mouvement, nous donnant un modèle du genre.
La réalisation de la basse continue, ou
basse chiffrée, dont les principes ont été
retrouvés et remis en usage, était, contrairement aux cadences, qui étaient prétextes
à virtuosité, soumise à des règles d’efficacité et de discrétion. En conclusion, il est
certain que l’adoption de ces nouvelles
règles d’exécution entraîne de nouveaux
styles d’interprétation, assez divers cependant selon les goûts et les tempéraments :
les uns en font une application mécanique
et scolaire ; les autres les chargent de feu et
de sensibilité.
INTERVALLE.
Distance qui sépare deux sons entre eux.
Cette distance se définit scientifiquement par un rapport entre les nombres
qui expriment la fréquence des sons en
cause, rapport qui peut être pris à volonté
à partir de l’un ou l’autre de ces sons. Plusieurs physiciens ont proposé des mesures
destinées à remplacer ce rapport par une
unité de mesure ; la plus usuelle est le savart, traduction logarithmique du rapport
(log. décimal multiplié par 1 000) ; les ethnomusicologues ont adopté le cent, 100e
partie du demi-ton tempéré. On appelle
souvent commas les valeurs inférieures au
demi-ton pouvant servir d’unité de me-
sure, mais le mot « comma » recouvre un
terme générique à valeur variable selon
le système acoustique adopté et n’a donc
aucune valeur si on ne précise pas quel est
ce système (on distingue 12 catégories au
moins de commas différents).
Les musiciens se soucient peu de ce
genre de mesures, dont la précision les
gêne plus qu’elle ne les aide, en raison
des marges de tolérance parfois fortes que
comporte la pratique musicale. Ils définissent presque toujours les intervalles par
rapport à une graduation variable selon
le tempérament adopté, divisant l’octave
(rapport 2/1) en sept demi-tons ; l’unité
est le ton comprenant deux de ces divisions (9/8 en pythagoricien, 1/6 d’octave
en tempéré égal). Le plus petit intervalle
est en principe le demi-ton, exceptionnellement le quart de ton ; les multiples du
ton forment le diton (2 tons), le triton (3
tons), etc. Sur l’échelle ainsi formée, les
musiciens comptent non pas le nombre de
divisions égales, mais le nombre de degrés
dans la gamme employée et définissent
l’intervalle par le nombre de ces degrés,
départ et arrivée inclus, selon l’ancienne
terminologie des nombres ordinaux :
prime (ou unisson), seconde, tierce, quarte,
quinte, sixte, octave (les autres nombres
gardent leur nom usuel : septième, neuvième, etc.). On précise ensuite, s’il en
est besoin, la qualification de l’intervalle.
Celle-ci peut être normale ou déformée. La
qualification normale comporte, pour
les trois premières consonances (octave,
quinte, quarte), la notion d’intervalle juste,
c’est-à-dire conforme au modèle résonantiel ; pour les autres, une distinction est
faite entre intervalles majeurs et intervalles
mineurs selon la grandeur de la distance.
La qualification déformée comporte une
extension artificielle de cette distance, qui
rend l’intervalle, dans un sens, augmenté et
exceptionnellement suraugmenté, et, dans
l’autre, diminué et exceptionnellement
sous-diminué.
Si le contraire n’est pas spécifié, les intervalles se comptent toujours en montant.
Ils sont dits diatoniques s’il n’est fait appel
à aucune altération autre que constitutive
et chromatiques dans le cas contraire ; ils
sont simples s’ils n’excèdent pas l’octave et
redoublés dans le cas contraire. Les intervalles redoublés sont parfois désignés par
le nom simple correspondant (intervalle
réel moins 7, qui représente l’octave ;
par exemple, 10e = tierce redoublée). On
devrait toujours spécifier en ce cas que
l’intervalle est redoublé, mais cette précaution est souvent négligée, ce qui donne
lieu parfois à des ambiguïtés (un canon à
la tierce, par exemple, peut, en réalité, être
à la 10e). En outre, deux intervalles sont le
renversement l’un de l’autre lorsqu’ils sont
formés des mêmes noms de notes pris en
sens inverse (par exemple, do-mi = tierce,
mi-do = sixte).
INTONATION.
1. Émission d’un son à une hauteur bien
déterminée. Si le son émis est celui qui est
souhaité, l’intonation est dite « juste « ;
si, en revanche, il tombe en dessous ou
se situe au-dessus de la hauteur voulue,
elle est dite fausse. Le terme s’applique au
chant grégorien, car l’intonation constitue la première partie de la psalmodie. Il
s’agit d’une formule mélodique destinée
à conduire la voix vers la corde récitante
(teneur).
2. Dans l’ordinaire de la messe, l’intonation, chantée par le célébrant au début du
Gloria et du Credo, est suivie de l’entrée du
choeur sur Patrem omnipotentem et Et in
terra pax respectivement.
3. Depuis le XVIe siècle, l’intonation peut
être le titre d’un bref prélude, le plus souvent à l’orgue, qui introduit une pièce
vocale à l’église.
INTRADA (ital. : « entrée »).
Nom donné à certains morceaux introductifs, souvent de caractère grave et solennel, analogue à celui du premier mouvement des ouvertures fançaises, que ces
morceaux en possèdent ou non le rythme.
INTRODUCTION.
Terme général employé en composition
musicale sans signification très précise, le
plus souvent pour désigner le début d’un
morceau lorsque celui-ci ne commence
pas directement par son élément principal
(thème, tempo).
Dans la musique classique et la musique romantique, certains types de mouvements rapides (premiers mouvements
de symphonies ou de sonates, ouvertures
isolées) sont souvent précédés d’une in-
troduction lente, mais non l’inverse. La
dernière bagatelle op. 126 de Beethoven
commence bien par quelques mesures
rapides pour se poursuivre ensuite lentement, mais il est difficile de parler
d’introduction ; il s’agit plutôt d’une interruption. Les deux termes ne sont pas
synonymes et se distinguent l’un comme
l’autre de la simple succession. Par définition, une introduction ne saurait durer
qu’un temps limité, et sa fonction principale est de faire attendre (voire désirer)
quelque chose d’autre : c’est beaucoup
plus le cas des quelques mesures lentes, au
geste théâtral, qui ouvrent la plupart des
dernières symphonies de Haydn que des
premières sections (lentes) des ouvertures
à la française, par exemple.
INTROÏT (lat. introitum ; « entrée »).
Morceau initial du propre de la messe
avant la réforme de Vatican II.
Jadis chant d’un psaume encadré de
son antienne, parfois répétée après chaque
verset de psaume, il accompagnait l’entrée des ministres, d’où son nom. Puis le
psaume se réduisit à un verset ou deux,
suivi du Gloria Patri, tandis que l’antienne
prenait de plus grandes proportions et
devenait l’essentiel du chant. Lu par le
prêtre après les prières du bas de l’autel,
mais chanté pendant celles-ci lors des
messes solennelles, l’introït prend place
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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immédiatement avant le Kyrie eleison, et
« ouvre » donc la messe comme l’indique
son nom. Si l’on en excepte la messe des
défunts (requiem), l’introït a été rarement
mis en musique en dehors du plain-chant,
et c’est le plus souvent en plain-chant que,
même dans les messes en musique, il reste
chanté, lorsqu’il l’est encore.
INVENTION.
Terme sans signification précise désignant
un morceau répondant à une intention
particulière de recherche de la part du
compositeur, sans que celle-ci soit obligatoirement définie.
Les inventions les plus célèbres sont
celles de J.-S. Bach pour clavecin - quinze
inventions à deux voix BWV 772 à 786
et quinze inventions à trois voix BWV
787 à 801, où le propos du compositeur
est de montrer comment construire tout
un morceau sans la moindre digression
à partir d’un seul thème - et les cinq
scènes et l’interlude orchestral de l’acte
III de Wozzeck d’Alban Berg, sous-titrés
respectivement par le compositeur inventions sur un thème (scène I), sur une note
(scène II), sur un rythme (scène III), sur
un accord de six sons (scène IV), sur une
tonalité (interlude) et sur un mouvement
perpétuel (scène V).
IONIEN.
Adjectif se rapportant à une peuplade de
la côte orientale de la mer Égée, en Asie
Mineure, dont le territoire est aujourd’hui
en pays turc.
L’entrée du terme ionien, ou iastien, dans
l’histoire musicale se situe chez Platon,
qui mentionne dans la République l’harmonie ionienne comme l’une des six échelles
sur lesquelles il légifère. Il la décrit comme
« sans vigueur et propre aux buveurs », et
la proscrit comme amollissante. Aristide
Quintilien (IIe s.) nous en donne la composition, qui est celle d’une échelle formée au
grave d’un tétracorde enharmonique (mila) et à l’aigu d’un tétracorde conjoint défectif (la-do-ré). On n’en parle plus ensuite
ni comme harmonie, ni parmi les tons de
hauteur primitifs, jusqu’au moment où, la
nomenclature de ceux-ci ayant été dédoublée (probablement fin IVe s.), le nom de
ionien fut attribué, sans doute arbitrairement, au phrygien grave des treize tons
d’Arsitoxène ; on le dota alors comme les
autres d’un hypo-, et plus tard d’un hyperqui permit d’atteindre le chiffre maximum
de quinze tons. Non retenu par la nomenclature pseudo-grecque des modes grégoriens, il réapparaît à nouveau chez les
théoriciens humanistes du XVIe siècle, sur
la foi desquels il est réintroduit parmi les
« tons de plain-chant » des organistes aux
XVIIe-XVIIIe siècles, tantôt avec le sens de
mode de do (Glarean, 1547), tantôt avec
celui de mode de la (Zarlino, 1573).
IPAVEC (Benjamin), compositeur slovène
(Saint Jurij, près de Celje, 1829 - Graz
1909).
Considéré comme une des figures les plus
représentatives du mouvement roman-
tique slovène, il a exercé ses activités de
musicien parallèlement à sa carrière de
médecin. Parmi ses oeuvres, l’opéra les
Nobles de Teharje (Ljubljana, 1892), le cycle
de mélodies Menih - « le Moine » - (1906)
et une Sérénade pour cordes (1898).
IPPOLITOV-IVANOV (Mikhail), compositeur russe (Gatchina 1859 - Moscou
1935).
Élève de Rimski-Korsakov (composition),
il fut directeur de l’école de musique de
Tiflis (1883-1893), puis professeur au
conservatoire de Moscou (1893), dont
il assuma la direction de 1905 à 1922. Il
joua un rôle important dans la vie musicale moscovite à la tête de la Société chorale russe (1895-1901), de l’Opéra Zimine
(1899-1906), puis du Bolchoï (1925).
Tchaïkovski appréciait la richesse de couleur de ses oeuvres. L’étude approfondie à
laquelle il se livra sur les musiques traditionnelles caucasiennes et géorgiennes n’y
est sans doute pas étrangère (cf. Esquisses
caucasiennes, 1894, Dans les Steppes du Turkménistan, 1935, ou Images d’Uzbékistan).
Ces musiques lui ont assuré une solide
réputation de folkloriste talentueux.
IRADIER (Sebastián), compositeur espagnol (Sauciego, Álava, 1809 - Vitoria
1895).
Il est l’auteur de nombreuses chansons et
de zarzuelas en collaboration avec Oudrid.
C’est le thème de sa habanera El Arreglito
que Bizet reprit, légèrement modifié, au
premier acte de Carmen. Il eut également
l’honneur d’être interprété par les plus
illustres cantatrices de son temps, telles
la Malibran, la Patti, l’Alboni et Pauline
Viardot.
I.R.C.A.M. ! INSTITUT DE RECHERCHE ET DE
COORDINATION ACOUSTIQUE/MUSIQUE.
IRELAND (John), compositeur anglais
(Bowdon, Cheshire, 1879 - Washington,
Angleterre, 1962).
Fils d’un homme de lettres bien connu,
il étudia, entre 1893 et 1901, au Royal
College of Music, d’abord le piano, puis
la composition, avec C. V. Stanford. Devenu plus tard pédagogue dans ce même
établissement, il compta parmi ses élèves
Benjamin Britten, E. J. Moeran, et Humphrey Searle. Il composa beaucoup de
musique pour piano, dont un concerto en
mi bémol (1930), souvent joué au concert,
et des mélodies, dont Sea Fever, une ballade
de la mer. Down by the Sally Gardens est une
mélodie avec partie de piano particulièrement éloquente. Le langage harmonique
de John Ireland est riche, et malgré l’influence évidente du romantisme allemand,
il a su cultiver un style raffiné et personnel,
faisant souvent appel à la gamme pentatonique des chants populaires. Sa dernière
grande oeuvre, la musique du film The
Overlanders, date de 1946-47.
ISAAC (Henricus), compositeur francoflamand ( ? v. 1450 - Florence 1517).
Il compte parmi ces musiciens des
Flandres qui firent le voyage en Italie et
il vécut à partir de 1484-85, jusqu’à leur
chute en 1492, dans le cercle des Médicis
à Florence, sans négliger pour autant des
voyages à Ferrare et à Rome. Organiste à
la cour (1475), il devint, vers 1478, maître
des enfants de Laurent de Médicis et, en
1480, organiste à San Giovanni, puis à la
cathédrale. Il entra ensuite au service de
Maximilien Ier (1496) qui lui attribua, l’année suivante, le titre de compositeur de la
cour, mais il entretint également des liens
avec la cour du prince électeur Frédéric le
Sage à Torgau (1497-1500). Maximilien
semblait d’ailleurs lui avoir accordé une
grande liberté de mouvements (voyages à
Florence, Ferrare et Constance où il rencontra Machiavel) et, après le retour au
pouvoir des Médicis en 1512, il lui confia
des fonctions diplomatiques à Florence.
Ses fonctions successives, ses voyages
mêmes permirent à Isaac d’opérer une
remarquable synthèse des styles francoflamand, italien et allemand. Il maniait
les trois langues avec une égale aisance,
ainsi qu’en témoignent ses chansons, et
se souciait fort de l’intelligibilité du texte.
Il assimila la chanson bourguignonne à
trois voix, équilibrée et souple jusque dans
son contreténor. Ses chansons italiennes
attestent l’intérêt du cercle des Médicis
pour la langue vulgaire - Isaac mit en musique les Canti carnascialeschi de Laurent
le Magnifique lui-même - et un art puisé
aux sources populaires. En effet, le compositeur emploie dans ses chansons italiennes une écriture plus simple que celle
de ses collègues ultramontains. Les pièces
à ténor (Tenorlied) tiennent dans ses chansons allemandes une place importante, à
mi-chemin entre un art populaire et un
art de cour. Le genre devait devenir l’une
des sources du choral polyphonique. Si les
messes d’Isaac, imprimées par Petrucci
en 1506, souvent sur une mélodie populaire, sont du meilleur style polyphonique
franco-bourguignon, les cinq messes du
troisième livre du Choralis Constantinus
adoptent une forme spécifiquement allemande (alternance unisson/polyphonie à
4-6 v.). Or cette oeuvre, achevée par Senfl,
présente un ensemble de 72 propres des
dimanches et fêtes et ne peut plus être
considérée comme destinée au chapitre
de la cathédrale de Constance que pour la
seconde partie (office des grandes fêtes).
Ainsi, par le Livre III, et donc ces cinq
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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messes, et sans doute par le Livre II du
Choralis Constantinus, a-t-on une idée précise du répertoire de la chapelle de Maximilien. Isaac, qui compta parmi ses élèves
Ludwig Senfl, fut avec Josquin Des Prés
le plus productif et le plus constamment
inspiré des compositeurs de sa génération.
ISLAMIQUE (MUSIQUE).
Les relations entre l’islamisme (religion)
et l’isl¯am (culture), d’une part, le chant et
la musique, d’autre part, sont complexes et
ont fait l’objet de nombreuses affirmations
contradictoires. Le prophète Muhammad
aurait été hostile aux gens touchés par
l’inspiration poétique ou musicale et aurait considéré que les antagonistes de son
oeuvre étaient le vin, les chanteuses et les
instruments. Mais il aurait recommandé
le chant du Coran, se serait attendri à
la vue de musiciens primitifs, et aurait
fait accompagner ses secondes noces de
réjouissances musicales. Le Coran ne fait
pas d’allusion à la musique, mais les traditions (hadîth) et les prêtres de l’isl¯am (par
exemple Khomeiny en Iran) s’inquiètent
périodiquement des effets captivants de la
musique sur les foules, encore que le chant
soit mieux toléré que la musique instrumentale. Tout au long de l’histoire de
l’isl¯am, on peut observer des luttes d’influences entre le rigorisme « mélophobe »
des puritains, proscrivant même le chant
du Coran et le laxisme « mélophile » des
musiciens et autres artistes. Un moyen
terme est représenté par les derviches et
divers soufis qui estiment que des paroles
religieuses ou mystiques rendent la musique licite. Néanmoins, la musique instrumentale (la musique des instruments
à cordes plus que celle des instruments à
vent) est généralement considérée comme
un art antireligieux par excellence, et, de
ce fait, elle a souvent été confiée à des
représentants de minorités non musulmanes.
L’islamisme n’a pas de musique spécifique, mais la pratique religieuse quotidienne fait appel au chant sous deux
formes dominantes. D’une part le rituel
appel à la prière (adhân, azân, ezan) est
repris cinq fois par vingt-quatre heures
sur une formule littéraire, dont le début
et la fin sont invariables (« Dieu est le plus
grand. J’affirme qu’il n’y a d’autre Dieu
que Dieu. J’affirme que Muhammad est
le prophète de Dieu... ... J’affirme qu’il n’y
a d’autre Dieu que Dieu »), tandis que le
milieu de la formule varie en fonction du
pays, du rite ou de l’heure.
Traditionnellement, l’appel à la prière
était fait par le muezzin ou azângû, du haut
du minaret de chaque mosquée aux heures
rituelles. Dans les mosquées prestigieuses
comme les Omeyyades à Damas, un
groupe de muezzin-s lançait un appel initial, qui allait être repris par tous les muezzin-s de la ville. Mais, désormais, la majorité des appels sont confiés à des disques,
bandes magnétiques et haut-parleurs, ce
qui en améliore la qualité artistique au
prix d’une inévitable banalisation et d’une
servitude par rapport à l’équipement sonore. En outre, on ne fait plus d’appels
nocturnes dans les lieux nantis ou cosmopolites des grandes villes des pays les plus
tolérants. La mélodie de l’appel à la prière
varie selon les pays et les heures, allant de
la psalmodie primitive au chant orné et
mélismatique sur les grands modes musicaux (maqâm-s) de l’isl¯am, le mode musical pouvant varier avec l’heure de l’appel.
D’autre part, le Coran peut être récité,
psalmodié ou même chanté sur les modes
musicaux, la concordance entre le mode et
le texte étant fonction des usages. Il existe
désormais des disques ou des cassettes sur
les sourates du Coran, dont la diffusion
a conféré à certains interprètes un nom
illustre. Traditionnellement, l’appel à la
prière et le chant du Coran doivent être
interprétés en monodie, en voix de tête et
avec une excellente diction. Ils se font en
langue arabe, encore qu’il y ait eu certains
mouvements en faveur des traductions en
langues locales, plus particulièrement en
Turquie.
Les chants propres à l’islamisme dépassent évidemment le cadre de l’appel
à la prière et du Coran sans atteindre le
volumineux répertoire des autres religions monothéistes. Il existe néanmoins
des chants de pèlerinage, des récits sur la
vie du prophète, d’innombrables chants
à tendance religieuse, et des répertoires
propres aux mois du jeûne (ramadhân) ou
du deuil chez les chiites (muharrâm), avec,
dans ce dernier cas, des cérémonies spécifiques (tachabî en Iraq, âzâdârî en Iran)
ou des représentations scéniques (taz¯iyè).
Le soufisme a développé des pratiques
mystico-musicales particulières, perpétuées par les diverses confréries de derviches, reposant souvent sur un chant
collectif accompagné par diverses percussions comparables à de grands tambours sur cadres (mazhâr-s, bandîr-s), par
des clochettes et par des flûtes orientales
obliques (nay-s ou ney-s) ou même, en
Turquie, par des instruments à cordes
plus classico-profanes, comme le tanbûr
ou même le ûd. Variables selon les pays
ou les sectes, les cérémonies « soufies »
des derviches reposent sur les mêmes
structures modales ou rythmiques que les
musiques classiques, mais elles revêtent
des formes spécifiques dont les principales
sont le dhikr ou zikr consistant en la scansion lancinante du nom d’All¯ah, et l’ayîn
ou le sema’, danses des astres perpétuées
par les derviches tourneurs dont les plus
connus sont les « mevlevis » de Turquie.
Enfin, des confréries ont assuré jusqu’au
XXe siècle une certaine forme d’enseignement musical et ont parfois sauvegardé
les traditions durant les périodes de décadence artistique.
Si l’on considère non plus l’islamisme en
tant que religion, mais l’isl¯am en tant que
culture, le rôle joué par l’isl¯am médiéval
multinational arabo-irano-touranien dans
l’essor de la musique est considérable. Si
les califes n’ont pas toujours protégé les
arts, du moins doit-on souligner le mécénat de nombreux califes de l’Iraq abbasside, qui, du VIIIe au XIIIe siècle, ont hébergé ou encouragé la plupart des grands
auteurs des traités musicaux de l’isl¯am
médiéval définissant une théorie musicale
sur la touche du luth-ûd. De même, la cour
musulmane des Grands Mogols de l’Inde
et la cour des empereurs ottomans ont
favorisé l’éclat de la musique.
Au XXe siècle, l’Isl¯am est un vaste
monde, dont les liens avec la musique sont
variables. D’un point de vue technique,
le noyau médiéval arabo-irano-touranien
de l’Iraq abbasside a induit les actuelles
musiques arabes, de l’Iran et de la Turquie, tandis que la musique de l’Inde peut
leur être apparentée par l’existence de
modes heptatoniques. Mais avec l’isl¯am
du Sud-Est asiatique, de l’Indonésie, de
l’Afrique noire ou de l’Amérique, on
perd tout lien avec les traités musicaux de
l’isl¯am médiéval. On peut donc distinguer la musique de l’isl¯am de la musique
des musulmans.
ISNARD.
Patronyme de trois facteurs d’orgues français de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
FRÈRE JEAN-ESPRIT ISNARD (1707-1781)
, dominicain à Tarascon, travailla dans la
région (Marseille, Aix-en-Provence) ; il
est surtout célèbre par l’orgue qu’il édifia à
Saint-Maximin-du-Var (1773), grand instrument de 4 claviers et 43 jeux conservé
dans son état d’origine, chef-d’oeuvre de
la facture française classique. Les deux
neveux de Jean-Esprit, Jean-Baptiste et
Joseph, formés par lui, ont poursuivi son
oeuvre. Le premier a notamment construit
les orgues de Saint-Laumer à Blois, de Pithiviers et de la cathédrale du Puy. Quant
à Joseph, qui travailla avec François-Henri
Clicquot, il s’installa dans la région de
Bordeaux, où, après la Révolution, il restaura les instruments endommagés par les
iconoclastes.
ISOIR (André), organiste francais (SaintDizier 1935).
Élève d’Édouard Souberbielle à l’école César-Franck, il a remporté le premier prix
d’orgue et d’improvisation au Conservatoire de Paris en 1960, puis a été lauréat
des concours internationaux d’improvisation de Saint-Albans (1965) et de Haarlem (1966, 1967 et 1968), où il est le seul
Français à avoir remporté le prix « challenge ». Il est titulaire de l’orgue de SaintdownloadModeText.vue.download 504 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Germain-des-Prés à Paris, et professeur
d’orgue et d’écriture musicale au Conservatoire national d’Angers. Expert en facture d’orgues, il a étudié l’esthétique, la
musicologie et l’exécution des différentes
écoles des siècles passés. Il est l’un des
meilleurs connaisseurs et interprètes de
la musique d’orgue classique française,
ce dont témoignent les nombreux enregistrements discographiques qu’il lui a
consacrés.
I SOLISTI VENETI. ! SCIMIONE (CLAUDIO).
ISORYTHMIE (du grec isos ; « semblable »).
Construction symétrique procédant par
juxtaposition de phrases toutes dotées
d’un même schéma rythmique : Au clair de
la lune contient une isorythmie.
Le terme est employé aujourd’hui principalement pour désigner un procédé de
composition élaboré au XIIIe siècle pour
les teneurs de motets, et considérablement
développé au XIVe siècle (Ars nova), consistant à découper une mélodie (color) en
fragments rythmés selon un schéma préétabli, même s’il ne tient pas compte du
phrasé initial (talea). Appliquée principalement à l’écriture du ténor, l’isorythmie
s’est ensuite projetée sur la contre-teneur,
et parfois même, à des degrés divers, sur
la totalité des voix de la polyphonie. En
tant que procédé systématique, elle cesse
d’avoir cours au XVe siècle, mais on la
retrouve à des degrés divers dans la carrure qui n’a jamais cessé de régir les mélodies devenues les plus populaires, sans en
exempter l’oeuvre des grands maîtres.
Par exemple, 1er kyrie de la Messe de G.
de Machaut :
Color (mélodie liturgique) :
Talea (formule rythmique) :
Teneur isorythmique :
ISOUARD (Nicolas). ! NICOLO.
ISTESSO TEMPO.
Locution italienne utilisée pour indiquer
qu’un changement de mesure n’implique
aucun changement de tempo : « le même
mouvement ».
La valeur absolue des notes ne change
pas. On trouve aussi le signe . lorsque
l’on passe, par exemple, d’une mesure à
3/4 à une mesure à 6/8.
ISTOMIN (Eugène), pianiste américain
(New York 1925).
Né de parents émigrés aux États-Unis en
1919, il manifeste dès l’enfance des dispositions musicales exceptionnelles. En
1939, il entre au Curtis Institute de Philadelphie dans la classe de Rudolf Serkin
et remporte en 1943 le Concours de Philadelphie et le Concours Leventritt, ce qui
lui permet de se produire avec l’orchestre
de Philadelphie et le Philharmonique de
New York, concerts radiodiffusés dans
les États-Unis entiers. Malgré la guerre,
sa carrière prend son essor. En 1959, il
rencontre Pablo Casals, qui joue un rôle
décisif dans sa carrière. Pendant six ans,
il se produit dans le cadre du Festival de
Prades aux côtés de Stern, Serkin, Horszowski et Schneider. Parallèlement à son
activité de soliste international, il constitue avec Isaac Stern et Léonard Rose un
célèbre trio.
ISTVAN (Miroslav), compositeur tchèque
(Olomouc 1928 - Brno 1990).
Élève de l’académie Janáček de Brno de
1948 à 1952, il y a enseigné à partir de
1953. D’abord adepte du néoclassicisme,
en particulier dans sa Suite tchécoslovaque
(1951) et dans sa Symphonie (1952), Istvan s’est ensuite intéressé à la musique
de chambre - Trio avec piano (1958), Quatuor à cordes 62 (1963), Refrains pour trio à
cordes (1965) - et aux techniques sérielles,
ainsi qu’au principe de non-répétition et
à la mélodie de timbres (Six Études pour
orchestre de chambre, 1964). On lui doit
aussi : Moi, Jacob pour voix, récitant, ensemble de chambre et bande magnétique
sur des textes de la Bible (1968).
ITE MISSA EST.
Formule latine signifiant en bas latin
« Allez, vous pouvez disposer », par
laquelle, dans la messe primitive, on
congédiait les catéchumènes à la fin de la
seule partie de l’office à laquelle ils étaient
admis.
Après l’abandon de la ségrégation, la
formule fut transportée à la fin de l’office,
qui prit par extension le nom de missa
(« messe »), et la formule fut traduite
par « Allez, la messe est dite ». Musicalement, l’Ite missa est, chanté par l’officiant,
ne comporte pas de mélodie spécifique :
on l’adopte sur une autre mélodie de la
messe, généralement celle du premier
kyrie ; le choeur répond Deo gratias sur la
même mélodie. Au temps pascal, toutefois, le dialogue est amplifié de deux alléluias pour chaque réplique et reçoit une
mélodie particulière. Aux temps de pénitence et à certaines féries, il est remplacé
par Benedicamus Domine.
Alors que cette dernière formule a été,
jusqu’au XIIIe siècle, l’une des plus volontiers mises en polyphonie, on trouve très
peu de traitements polyphoniques de l’Ite
missa est : la messe de Machaut et celle dite
« de Tournai » sont des exceptions ; la
première prend comme teneur de mélodie
non pas celle d’un kyrie, mais celle d’un
sanctus. On ne trouve jamais d’Ite missa est
dans les messes en musique au-delà du
Moyen Âge.
ITINÉRAIRE (l’).
Ensemble de musique contemporaine
fondé en janvier 1973 par Hugues Dufourt, Gérard Grisey, Michael Levinas,
Tristan Murail et Roger Tessier.
Lié par une convention au ministère de
la Culture, il regroupe en une association,
selon la loi de 1901, de jeunes solistes et
une grande partie de la génération des
compositeurs français d’après-guerre, et
se propose à la fois de créer et de diffuser la musique d’aujourd’hui et d’offrir
aux compositeurs et aux interprètes des
moyens de recherche et d’innovation.
Pour ce faire, il dispose d’une formation
traditionnelle de 20 instrumentistes, d’un
« Ensemble d’instruments électroniques »,
composé de 5 musiciens à la tête de plus
de 20 instruments, et d’un « Groupe de
musique de chambre expérimentale », à
effectifs variables, alliant l’instrument
traditionnel à un important matériel de
transformation électronique du son. Ces
deux derniers ensembles, en particulier, offrent aux compositeurs un travail
d’atelier où ils peuvent expérimenter et
trouver matière à de nouvelles réflexions
musicales (cf. Voix dans un vaisseau d’airain de Michael Levinas, Clair-Obscur de
Roger Tessier, ou Forces vives de François
Bousch). Des combinaisons sonores et
instrumentales nouvelles ont pu aussi voir
le jour grâce aux moyens rassemblés et à
l’expérience acquise dans le domaine des
musiques « mixtes » (Saturne de Hugues
Dufourt, l’opéra l’Amant déserté d’Alain
Bancquart).
Sur les plans esthétique et théorique se
sont développées une réflexion et une recherche sur le son musical et son rapport à
l’écriture : travail sur « l’harmonie de fréquences », les simulations électroniques,
la « synthèse instrumentale » (Gérard Grisey, Tristan Murail). Il en est résulté un
style de jeu très différent de celui, marqué
par la musique sérielle, de la génération
précédente, par exemple dans le contrôle
très fin des modes de jeu, des sons nouveaux des instruments (multiphoniques),
ceux-ci cessant d’être un effet plus ou
moins aléatoire pour devenir une matière
analysable et reproductible, capable éventuellement de mener à une autre dimension de l’écriture musicale (cf. Traité sur
la flûte de Pierre-Yves Artaud). L’activité
de concert de l’Itinéraire consiste en une
saison régulière à Paris chaque année (y
sont données surtout des créations ou des
premières françaises), en tournées dans
d’autres villes de France (avec des programmes variés), et en une activité d’exportation de la jeune musique française à
l’étranger, en fort développement depuis
quelques années.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ITURBI (José), pianiste, chef d’orchestre
et compositeur espagnol (Valence 1895 Los Angeles 1980).
Il acheva ses études musicales au Conservatoire de Paris dans la classe de Victor Staub et, de 1918 à 1923, occupa au
conservatoire de Genève le poste qu’avait
illustré Liszt. Débutant aux États-Unis en
1929 comme pianiste et chef d’orchestre,
nommé en 1936 chef permanent de l’orchestre de Rochester, il se révéla excellent comédien à l’occasion d’un récital à
Hollywood et ne résista pas à l’appel du
septième art, tournant notamment, dans
les années 40, une Féerie à Mexico qui fit le
tour du monde.
De retour en Espagne, il dirigea l’Orchestre symphonique de Valence (1956),
tout en poursuivant son activité de
concertiste, parfois à deux pianos avec sa
soeur Amparo (née à Valence en 1898).
Il a composé différentes pièces pour son
instrument, une Fantaisie pour piano et orchestre et un poème symphonique.
IVALDI (Christian), pianiste français
(Paris 1938).
Il fait des études très complètes au
Conservatoire de Paris, où il obtient cinq
premiers prix. Engagé en 1961 comme
pianiste soliste à Radio France, professeur
de déchiffrage au Conservatoire de Paris à
partir de 1969 et de musique de chambre
à partir de 1986, il consacre aussi une part
très importante de son activité à l’accompagnement des chanteurs - C. Berberian,
R. Crespin, R. Streich, G. Souzay, etc. Il
se produit également à quatre mains avec
Noël Lee et enregistre avec lui une intégrale de Schubert. Il collabore aussi avec
le Liederquartett, enregistrant la musique
de chambre vocale de Mozart, Brahms,
Rossini, etc. Attaché à promouvoir la
musique de son temps, il crée des oeuvres
de Boucourechliev, Aperghis, Capdenat,
de Pablo. Il fonde en 1982 le Quatuor
Ivaldi et prend en 1994 la direction des
Musicades de Lyon.
IVES (Charles Edward), compositeur
américain (Danbury, Connecticut, 1874 New York 1954).
Toute sa musique fut marquée par son
enfance dans la campagne américaine de
la Nouvelle-Angleterre et par son père,
ancien musicien de l’armée, homme original qui aimait à se livrer, avec les fanfares et les chorales de sa petite ville, à des
expériences de « musiques simultanées »,
de superpositions de phalanges musicales
en mouvement, créant des rythmes et des
harmonies multiples et emmêlées. C’est
dans ces tentatives que Ives dut puiser
son goût pour les totalités mouvantes,
les superpositions de rythmes, d’harmonies et de tonalités, dont la discordance
se résout dans une harmonie globale, un
profond sentiment d’unité. On attribue
pêle-mêle à Charles Ives beaucoup d’inno-
vations d’écriture qui préfigurent celles de
la musique contemporaine : polytonalité,
atonalité, écriture sérielle, micro-intervalles, polyrythmie, musique « spatiale »
distribuée dans l’espace, formes variables
à réalisations multiples, accords en « clusters » (agglomérats denses de notes simultanées), collages et emprunts de musiques
existantes, etc. Cependant, tous ces procédés revêtent chez lui un sens personnel et
ne découlent pas d’une volonté d’épuiser
les possibilités formelles et stylistiques.
Ives sut se donner les moyens de son
indépendance, et sa « carrière » de compositeur fut singulière : organiste dans
sa ville natale dès l’âge de quatorze ans,
il poursuivit ses activités de musicien
de paroisse une grande partie de sa vie,
composant plusieurs pièces pour l’orgue.
Entre 1894 et 1898, il étudia à l’université
de Yale avec Horatio Parker. Cependant,
il semble qu’il ait reçu peu de formation
classique, et qu’il ait appris la composition
en autodidacte. Au sortir de ses études, il
décida de s’orienter vers les affaires. Et,
en 1899, il fonda avec Julius Myrick une
compagnie d’assurances qui réussit fort
bien - lui-même rédigea un manuel pour
la conduite des assurances qui fit autorité.
Mais, parallèlement, il continua à composer. Du grand nombre d’oeuvres qu’il
écrivit, peu furent jouées de son vivant. Et
il ne commença à être reconnu et apprécié
que vers la fin de sa vie. Il épousa, en 1908,
Harmony Twichell et vécut à New York,
passant ses week-ends et vacances dans
le Connecticut. Sa période la plus créative dura moins de vingt ans (1900-1918).
Ce fut en 1918 qu’il subit les premières
attaques cardiaques qui allaient entraîner, en 1930, son état de semi-invalidité,
l’obligeant à se retirer des affaires. Sa production musicale s’en trouva également
interrompue. Les vingt-cinq dernières
années de sa vie, inactives, furent heureusement éclairées par un début de gloire. À
partir de 1929, le poète Henry Bellamain
favorisa la diffusion de sa musique par des
articles élogieux ; le compositeur Henry
Cowell, le pianiste John Kirkpatrick
contribuèrent à la faire connaître. Élu
au National Institute of Art and Letters
(1946), Ives reçut en 1947 le prix Pulitzer pour sa Troisième Symphonie, composée
entre 1901 et 1904. Dans les années 50, le
compositeur fut joué assez fréquemment,
et il put entendre nombre de ses musiques
jusque-là injouées. Et, quand il mourut en
1954, il était désormais un musicien res-
pecté.
L’oeuvre de Charles Ives comprend
186 numéros d’opus, dont plus d’une
centaine de mélodies. Ses compositions,
ambitieuses, conçues dans les intervalles
d’un travail intensif, demandèrent de
longues années pour éclore. Parmi ses
premiers essais, le Psaume 67 (1894) pour
choeur est déjà un exemple de « musiques
simultanées », utilisant des procédés de
superposition rythmique, harmonique. Le
genre symphonique lui inspira quelques
fresques évocatrices et descriptives : Première Symphonie (1895-1898) ; Deuxième
Symphonie (1897-1902) ; Troisième Symphonie (1904), pour orchestre de chambre,
qui intègre, comme beaucoup d’oeuvres
ultérieures, les cantiques entendus dans
son enfance dans la Nouvelle-Angleterre ;
Quatrième Symphonie (1910-1916), pour
3 orchestres ; et la Hollidays-Symphony
(1904-1913), évoquant les fêtes religieuses
et civiques de son pays. Une Cinquième
Symphonie, dite Universe Symphony (19111916, 1927-28) resta inachevée, de même
qu’une partition intitulée Chromatimelôdtune, que termina, en 1967, le compositeur
Gunther Schuller.
À côté de ces grandes oeuvres gorgées
de couleurs - Ives affectionnait les sonorités de cuivres évoquant les fêtes de plein
air -, certaines pièces pour orchestre,
plus courtes et discrètes, sont devenues
classiques : ainsi les 2 « contemplations » Central Park in the Dark (1906) et
The Unanswered Question (1906). Autres
pièces descriptives, les Three Places in New
England ou First Orchestral Set (1903-1914)
évoquent, comme beaucoup d’autres, l’enracinement historique et géographique de
l’auteur. Le Second Orchestral Set (19091915), et la Robert-Browning-Overture
(1908-1912), complètent l’oeuvre symphonique de Ives. Les oeuvres pour petites
formations sont souvent plus « expérimentales » que les oeuvres pour orchestre,
ou du moins paraissent l’être, en l’absence
de ce confort ample des sonorités orchestrales, qui fait admettre à l’auditeur le
moins habitué les superpositions les plus
cruelles. On citera les Tone-Roads (19111915), qui annonceraient l’écriture raréfiée de Webern ; Hallowe’en (1906), oeuvre
variable pour quatuor à cordes et piano ;
le scherzo Over the Pavements (1906-1913),
The Pond (1906), Rainbow (1914), les 4 sonates pour piano et violon (1902-1916), les
2 quatuors à corde (1896 ; 1907-1913), le
trio avec piano (1904-1911), les 3 QuarterTones Piano-Pieces (1923-24), pour 2 pianos en quarts de ton, etc. Dans ses nombreuses oeuvres pour piano, se détache, à
côté d’une Première Sonate (1901-1909),
l’immense Deuxième Sonate, sous-titrée
Concord-Mass et souvent appelée ConcordSonata (1911-1915), hommage aux philosophes et écrivains « transcendentalistes »
qui vécurent et se rencontrèrent dans la
ville de Concord : Emerson, Hawthorne,
les Alcotts, Thoreau. À cette dernière
oeuvre, l’auteur consacra un livre entier
d’explications et de commentaires, Essay
before a Sonata, qui est un témoignage capital sur sa pensée et son inspiration.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
500
Ives n’avait pas peur d’évoquer ou
d’imiter. Pour lui, la création musicale
renvoie naturellement au monde, à la
société, aux racines. Malgré ou à cause
de son choix initial de dissocier le travail
professionnel et la création, on n’y trouve
pas de coupure, de dilemme entre le quotidien et l’inspiration artistique, et c’est
cette acceptation apaisée de la dissonance,
cet optimisme réconciliateur qui rendent
fascinant le « cas Ives » dans une musique
contemporaine déchirée et parcellisée.
Chez Ives, toutes les « innovations » ne
procèdent pas d’un désir de reconcentrer
le discours musical en l’arrimant à de nouveaux principes ; elles sont l’acceptation
du désordre naturel, comme fontaine de
vitalité, et non comme anarchie destructrice. Cette musique est centrifuge et non
centripète, elle ne se referme pas sur ses
procédés. Il est d’ailleurs peut-être inexact
de parler de polytonalité, ou de polyrythmie, car ce ne sont pas des valeurs musicales que Ives superpose, mais des êtres
musicaux, des processus autonomes et
formés. On devrait alors plutôt parler
de « poly-musique ». La superposition
laisse circuler l’air et le hasard au milieu
d’elle, sans en « faire une histoire » (d’où,
peut-être, l’attachement d’un John Cage à
l’exemple de Charles Ives).
De même, l’esthétique du collage, qui lui
est chère (il cite dans de très nombreuses
oeuvres des hymnes religieux, des fragments de chants populaires, des « blocs »
de musique militaire), n’a aucun caractère
de tension, ou d’ironie culturelle. Toute
son oeuvre étant fondée sur la continuité
avec la terre natale et l’enfance, elle en
intègre naturellement les réminiscences
musicales. Il y a une certaine ironie à ce
que ce musicien « innovateur » ait été en
même temps l’un des hommes les plus
attachés à ses racines et à la figure de
son père, ainsi qu’à des « modèles » qui
en étaient le prolongement : les figures
respectables d’un Ralph Waldo Emerson
(1803-1882) ou d’un Henry-David Thoreau (1817-1862), esprits pacifistes, épris
de continuité et d’accord avec la terre et
la nature.
L’oeuvre musicale de Charles Ives, typiquement américaine, s’assume comme
« mixage » d’impressions et d’influences
hétérogènes, qu’elle refuse de digérer et
d’assimiler par un travail d’intégration
stylistique et d’homogénéisation. Si cette
oeuvre a été récemment découverte en
Europe, dans les années 70, c’est peutêtre moins pour avoir été prophétique
par rapport à des audaces d’écriture qui
n’impressionnent plus que pour son étonnante liberté d’être, sa sympathie avec le
monde et la société, et surtout son aisance
à vivre et à assumer la pluralité, à intégrer
l’hétérogène et le disparate.
IVOGUN (Maria), soprano hongroise (Budapest 1891 - Beatenberg, Suisse, 1987).
Elle étudia à Vienne, où Bruno Walter la
découvrit en 1913. À la suite de l’impression considérable produite par elle dans
le rôle de Zerbinetta d’Ariane à Naxos
de Strauss, elle fut engagée partout en
Europe, et, à partir de 1925, elle chanta
aux États-Unis. Sa santé fragile la força
cependant à abandonner prématurément
sa carrière. Elle se consacra alors au professorat (Elisabeth Schwarzkopf fut parmi
ses élèves). Maria Ivogun peut être considérée comme une des meilleures sopranos coloratures de l’entre-deux-guerres.
Sa voix, remarquablement facile, était
capable d’expression intense. Elle a beaucoup contribué, dans les années 20, à la
renaissance des opéras de Mozart sous la
direction de Bruno Walter et de Richard
Strauss. Elle vocalisait à ravir et son
« trille » était célèbre.
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J
JACHET DE MANTOUE ou JAQUET, EN
LAT. : JACOBUS COLLEBAUDI), compositeur français (Vitré, près de Rennes,
1483 - Mantoue 1559).
On ne trouve sa trace qu’en 1525 à Ferrare, puis en 1526 à Mantoue, où il fut
chantre à la chapelle du cardinal Ercole
Gonzaga avant de diriger la maîtrise de
cet établissement (1534). Toujours à
Mantoue, il devint maître de chapelle à
la cathédrale Saint-Pierre (1539). Estimé
de ses contemporains, il semble n’avoir
composé que des oeuvres de musique religieuse. Ses recueils, imprimés, pour la
plupart, à Venise, renferment des messes
à 4 et à 5 voix, des motets, hymnes,
magnificat. Une de ses messes intitulée
Surge Petre, à 6 voix, fut publiée à Paris
en 1557 par Le Roy et Ballard. Palestrina
lui-même construisit quatre messes polyphoniques à partir de motets de Jachet,
dont trois sont du type « parodie ».
JACOB (Gordon), compositeur et musicologue anglais (Londres 1895 - Saffron
Walden 1984).
Il étudia la composition avec C. V. Stanford au Royal College of Music après la
Première Guerre mondiale, et fut professeur dans cet établissement de 1926 à
1966. Il a composé une oeuvre abondante,
qui se distingue par l’élégance de sa facture, par son caractère facile et mélodique,
mais qui manque peut-être de profondeur : deux symphoniques (1928-29,
1943-44), quatre Sinfoniettas, quatre suites
pour orchestre, des concertos pour divers
instruments, de la musique de chambre et
des oeuvres vocales, des ballets et la suite
de ballet Mam’zelle Angot. Il a publié un
ouvrage sur l’instrumentation, Orchestral
Technique (1931), How to Read a Score
(1944) et The Composer and his Art (1960),
et a dirigé à partir de 1948 les Penguin
Scores.
JACOB (Maxime), compositeur français
(Bordeaux 1906 - En-Calcat, Tarn, 1977).
Extrêmement précoce, il était encore sur
les bancs du lycée lorsqu’il commença
à composer. En 1921, il rencontra D.
Milhaud qui l’encouragea, le présenta à
E. Satie, et lui conseilla d’étudier l’harmonie avec C. Koechlin et le contrepoint
avec A. Gedalge. En 1923, l’école d’Arcueil, dont il fit partie, donna le premier
concert de Jacob. À l’orée d’une carrière
qui s’annonçait brillante, il se convertit au catholicisme et, bientôt, se retira
au monastère bénédictin d’En-Calcat
(1930). Ordonné prêtre en 1936, il fut
désormais Dom Clément Jacob, mais
poursuivit parallèlement son activité
de compositeur. Son oeuvre comprend
de la musique pour orchestre, dont un
Concerto pour piano (1961), de la musique de chambre (sonates pour piano,
pour violon, pour violoncelle, huit quatuors à cordes). Sa musique est spontanée, empreinte de fraîcheur. C’est dans
l’alliance avec la poésie qu’elle trouve
néanmoins ses voix privilégiées : les mélodies (en nombre considérable) constituent le meilleur de son oeuvre. Enfin,
citons un opéra-comique sur le livret de
Sedaine : Blaise le Savetier (1926).
JACOB DE SENLECHES ou JACOPINUS
SELESSES, compositeur probablement
originaire d’Aragon ( ? v. 1345 - ? v.
1410).
En Aragon, il fut surnommé lo Bègue, mais
il est également connu sous les noms de
Jacquemin de Sanleches et de Jacomi de
Sentluch. Sa carrière commença à la cathédrale de Saragosse et il fut rattaché à la
cour du roi Jean Ier d’Aragon. En 1378, il
accompagna le duc de Gérone en Flandre
et revint en Espagne en 1379, à la cour de
Castille, où il demeura jusqu’en 1383 avant
de se fixer à la cour du roi de Navarre. Cependant, en 1391, il regagna Saragosse où
il fut nommé harpiste du roi. Appartenant
au groupe de compositeurs de l’Ars subtilior, il possédait une grande science de
l’écriture musicale. On conserve de lui notamment quatre ballades et deux virelais
(manuscrits de Chantilly et de Modène).
JACOBS (René), haute-contre belge
(Gand 1946).
D’abord choriste à la cathédrale de Gand,
il étudie le chant à Bruxelles avec Louis
Devos et à La Haye avec Lucie Frateur.
Il rencontre aussi Alfred Deller dont il
se considère comme un héritier. Depuis
1975, il commence une carrière internationale qui l’amène à chanter sous la
direction de Leonhardt, Harnoncourt,
Kuijken et Gardiner. Rapidement célèbre,
il publie en 1985 le livre Controverse sur
le timbre de contre-ténor. Depuis 1988,
il dirige le Studio Lyrique du Centre de
musique baroque de Versailles. Il dirige
également le Concerto vocale de Cologne
et plusieurs orchestres baroques. Sa principale préoccupation est de ressusciter
l’opéra vénitien en redécouvrant Giasone,
Xerse, Erismena et la Calisto de Cavalli. Il
reconstitue également l’Orontea de Cesti,
et aborde ensuite le répertoire allemand :
il interprète Graun, Gassman et Gluck,
et, en 1994, dirige l’Orfeo de Monteverdi
à Salzbourg. Il déploie une grande activité
pédagogique à Bâle et à Berlin, où il dirige
l’Akademie für alte Musik. Il a signé plus
de quatre-vingts enregistrements.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
502
JACOPO DA BOLOGNA, compositeur et
théoricien italien (XIVe s).
L’époque de sa pleine activité se situe
entre 1340 et 1360 en Italie du Nord. Ses
contemporains le tinrent pour un virtuose
de la harpe et il fut le maître de Francesco
Landini. À Milan, il fut musicien à la cour
de Luchino Visconti jusqu’à la mort de ce
dernier en 1349. Plusieurs de ses motets
et madrigaux en font foi. On le trouve
ensuite au service de Mastino II della
Scala, à Vérone, de 1349 à 1351. Enfin,
en 1360, il écrivit un motet pour le mariage de Gian Galeazzo avec Isabelle de
Valois. Avec Giovanni da Cascia, Jacopo
da Bologna contribua au développement
de l’Ars nova en Italie, à l’éclosion de cette
nouvelle école polyphonique qui trouva,
avec Landini, ses plus beaux accents. Il
est également l’auteur d’un traité, L’Arte
del biscanto misurato secondo el maestro
Jacopo da Bologna, conservé à la bibliothèque Medicea Laurenziana à Florence.
Sa musique se caractérise par une vitalité
rythmique débordante et parsemée d’audaces harmoniques. De ses compositions,
trente-quatre nous sont parvenues : trente
madrigaux à 2 et à 3 voix (ceux à trois voix
sont les premiers du genre), un motet à
3 voix, deux caccie à 3 voix (autre type
de composition très prisé de cette école)
et une laude à 3 ou 2 voix. Une édition
moderne des oeuvres complètes a paru en
1954, The Music of Jacopo da Bologna, avec
une traduction anglaise du traité.
JACOTIN, compositeur français (1re moitié XVIe s.).
François Lesure propose d’identifier ce
personnage avec Jacques ou « Jacotin »
Le Bel, chantre et chanoine ordinaire de
la chapelle du roi de 1532 à 1555. La plus
grande partie de son oeuvre a paru chez
Attaignant à Paris entre 1519 et 1556. Ses
chansons à 4 voix appartiennent au courant général du style parisien ; certaines
d’entre elles rappellent la simplicité et la
clarté d’écriture d’un Sermisy (Voyant
souffrir celle qui me tourmente). En revanche, dans les six motets conservés (Attaignant, 1534-35), il se montre conservateur et respectueux de l’ancienne école de
Josquin Des Prés.
JACQUES DE LIÈGE, théoricien (Liège v.
1260 - id. v. 1340).
Il passa toute sa vie à Liège, sauf durant
une assez courte période à Paris, où il
semble avoir travaillé avec Petrus de
Cruce. D’un esprit plutôt conservateur,
il prônait néanmoins les rythmes binaires
afin de libérer la musique religieuse de son
étau ternaire. En revanche, il s’opposa aux
théories de l’Ars nova qui se dessinaient
autour de lui. Il rédigea un sévère traité
encyclopédique de la musique en sept
volumes, le Speculum musicae, dont une
réédition a été entreprise, en 1955, par
l’American Institute of Musicology.
JACQUET DE LA GUERRE (Élisabeth),
compositeur et claveciniste française
(Paris 1665 - id. 1729).
Fille de l’organiste Claude Jacquet, elle
joua du clavecin devant Louis XIV dès
l’âge de cinq ans. En 1684, elle épousa
Marin de La Guerre. Installée à Paris, elle
devint un célèbre professeur de clavecin.
En 1687, elle publia son Premier livre de
Pièces de clavecin et en 1707 des Pièces de
clavecin qui peuvent se jouer sur le viollon.
Elle fut également l’auteur de deux livres
de Cantates françoises pour une et deux
voix et basse continue, avec ou sans instruments mélodiques, sur des sujets empruntés, pour la plupart, à l’Ancien Testament (Esther, le Passage de la mer Rouge,
Judith). Sa tragédie lyrique Céphale et
Procris (1694) est la première oeuvre d’une
femme compositeur représentée à l’Académie royale de musique.
JADIN, famille de musiciens français
d’origine flamande.
Jean-Baptiste, violoniste et compositeur
( ? - Versailles v. 1789). Longtemps membre
de la chapelle des Habsbourg à Bruxelles,
il se fixa à Versailles, peut-être à l’instigation de son frère Georges, bassoniste à la
chapelle de Louis XV.
Louis Emmanuel, pianiste, pédagogue
et compositeur, fils du précédent (Versailles 1768 - Monfort-l’Amaury 1853). Il
fut « page de la musique de Louis XVI »
et membre de la musique de la garde
nationale (1792), et obtint le succès en
1793 avec le Siège de Thionville, écrit pour
l’opéra. Il occupa divers postes sous l’Empire et la Restauration. Outre de nombreuses oeuvres pour la scène, il écrivit de
la musique sacrée, des mélodies, dont la
Mort de Werther (1796), et de la musique
instrumentale, en particulier des sonates
pour piano et violon publiées à Versailles
vers 1787 et des quintettes à cordes, dont
un seul a survécu (v. 1828). Très prisé
comme accompagnateur au piano, il fut
également grand violoniste.
Hyacinthe, pianiste et compositeur (Versailles 1776 - Paris 1800). Frère du précédent, élève de son père et de Hüllmandel,
il fut professeur de piano au Conservatoire de Paris de 1795 à sa mort et écrivit des sonates pour piano-forte et douze
quatuors à cordes répartis en quatre opus
de trois (l’opus 1 est dédié à Haydn).
JAHN (Otto), archéologue, philologue et
musicologue allemand (Kiel 1813 - Göttingen 1869).
Docteur en philologie à l’université de Kiel
(1839), il fut nommé professeur d’archéologie à Greifswald en 1842 et directeur
du musée d’Archéologie de Leipzig en
1847. Suspendu de ses fonctions à cause
de ses idées politiques (1851), il enseigna
l’archéologie à l’université de Bonn à partir de 1855, puis s’installa à Göttingen peu
avant sa mort.
Sa biographie de Mozart (4 vol., Leipzig, 1856-1859 ; 2 vol., rév. 1867), qui
connut de nombreuses rééditions, lui
vaut de figurer parmi les pionniers de la
musicologie allemande au XIXe siècle. Cet
ouvrage fut, en effet, le premier à mettre
en oeuvre la méthode critique comparative
élaborée par la philologie classique et servit longtemps de modèle aux biographies
musicales.
Jahn publia d’autres travaux, dont la
réduction pour piano et chant de la deuxième version du Fidelio de Beethoven
(Leipzig, 1851), composa des mélodies et
entreprit les biographies de Beethoven et
de Haydn, qu’il ne put ou ne voulut pas
achever. Mais ces dernières recherches
furent utilisées par d’autres musicologues : A. W. Thayer et H. Deiters pour
Beethoven, et C. F. Pohl pour Haydn.
La place éminente de Jahn dans l’histoire de la musicologie ne fut pas contestée : Hanslick citait ses ouvrages pour
appuyer ses propres thèses dans son opuscule Du beau dans la musique, tandis que
Köchel lui dédia son catalogue thématique
des oeuvres de Mozart.
JAMBE DE FER (Philibert), compositeur
français (Champlitte v. 1515 - Lyon v.
1566).
Peut-être débuta-t-il comme chantre à
Poitiers, où il aurait mis en musique les
psaumes de Jean Poitevin. Mais, très tôt,
ce protestant convaincu vécut à Lyon et,
en 1564, il fut chargé de la musique pour
l’entrée de Charles IX. La dédicace au roi
de ses 150 Psaumes (1563) n’est sans doute
pas étrangère à ce choix et à l’autorisation
de pratiquer sa religion publiquement.
On lui doit une importante contribution polyphonique au psautier huguenot
et l’un des premiers traités instrumentaux : l’Épitomé musical des tons, sons et
accords es voix humaines, flustes d’alleman,
fleustes à neuf trous, violes et violons (Lyon,
1556).
JAMET (Pierre), harpiste français (Orléans 1893 - Gargilèse 1991).
Après avoir entrepris des études de piano,
il découvrit la harpe et entra au Conservatoire de Paris dans la classe de Hasselmans, où il obtint un premier prix en
1912. Il créa la Sonate pour flûte, alto et
harpe de Debussy, avec Manouvrier (flûte)
et Jarecki (alto). En 1945, il se joignit au
Quintette instrumental de Paris, qui prit
alors son nom. Il enseigna au Conservatoire de Paris (1948-1963) et fonda, en
1962, l’Association internationale des harpiste et amis de la harpe. Sa fille, MariedownloadModeText.vue.download 509 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
503
Claire (Reims 1933), est également harpiste.
JANÁČEK (Leoš), compositeur tchèque
(Hukvaldy 1854 - Ostrava 1928).
Né dans le pays des Lachs au nord-est
de la Moravie, au pied des montagnes de
Beskydes, fils et petit-fils d’instituteurs,
il perdit son père en 1866 et passa alors
quatre ans au couvent des augustins de
Brnó, dont le directeur musical, Pavel
Křížkovsk’y, lui révéla la grandeur de
la musique chorale fondée sur le patrimoine de la chanson tchèque. Janáček
entra en 1869 à l’école normale d’instituteurs de Brnó, à laquelle il devait
rester attaché de 1872 à 1904. Il put
néanmoins suivre trois cycles de formation musicale : le premier à l’école
d’organistes de Prague (1874-75) avec F.
Z. Skuhersky ; le deuxième au conservatoire de Leipzig avec O. Paul et L. Grill,
qu’il critiqua violemment ; le troisième
à Vienne auprès de Franz Krenn, dont il
réprouva fortement les tendances néoromantiques.
De retour à Brnó, le musicien écrivit ses premières compositions chorales sous l’influence de Křížkovsk’y, à
l’intention de la chorale Svatoplúk, puis
de la chorale Beseda, dont il assura la
direction. Il fonda un orchestre d’amateurs et écrivit pour lui la Suite pour
cordes et Idylle, fortement inspirées par
les sérénades de Dvořák. En 1881, il put
enfin réaliser un vieux projet : fonder
une école d’orgue à Brnó sur le modèle
de Prague, école qui, en 1919, devait
être transformée en conservatoire. Cette
période d’intense activité pédagogique
fut en même temps une période de lutte,
de mésentente, puis de désespoir. Sur
le plan professionnel, cet instituteur
obstiné ne fut guère apprécié de la bourgeoisie de culture allemande. En 1881,
il avait épousé Zdenká Schulz, alors
âgée de seize ans. Mariage difficile, illuminé par la naissance d’une fille, Olga,
puis d’un fils, Vladimir. Mais les deux
enfants devaient disparaître prématurément. Il suffit d’écouter l’Élégie sur la
mort d’Olga, pour choeur, ténor et piano
(1903), pour connaître le retentissement
qu’eut sur Janáček l’échec d’une vie de
famille qu’il avait voulue exaltante et
frénétique. Il écrivit en 1887 son premier opéra, Šárka, sur un texte de Julius
Zeyer. Mais ce dernier lui refusa le droit
de mettre son livret en musique, malgré
l’appui de Dvořák.
Pour mieux pénétrer les origines de la
chanson populaire morave, Janáček se
rendit fréquemment au pays des Lachs et
des Valaques, en compagnie du principal
de son collège de Brnó, František Bartoš.
Il étudia, nota, collectionna avec Martin
Zeman, non seulement les figures mélodiques et rythmiques, mais également le
jeu des interprètes de ces chansons moraves, et écrivit les Danses du pays des
Lachs (1893), pour piano, puis orchestrées. Ces six pièces devaient attendre
1926 pour être créées. Mais, plus que
dans ces pièces encore apparentées aux
célèbres Danses slaves de Dvořák, l’originalité de l’écriture de Janáček éclate
dans des choeurs d’hommes, comme
Zárlivec (« le Jaloux »), Kantor Halfar
(1906), Maryčka Magdónova (19061907), Peřina (v. 1914), Potuln’y šílenec
(« le Fou errant », 1922). Le compositeur
arrive, ici, à respecter non seulement la
prosodie naturelle du langage parlé,
mais aussi à en rendre la « vibration
affective ». D’où cette spontanéité, cette
communion immédiate pour qui parle le
tchèque dialectal, où l’accent tonique est
porté sur l’avant-dernière syllabe. « Il
n’y a pas d’art plus grand que la musique
du langage humain, car il n’existe pas
d’instrument qui puisse permettre à un
artiste d’exprimer ses sentiments avec
une véracité égale à celle de la musique
du langage parlé. » Peu à peu, Janáček
étendit cette restitution du sentiment
des personnages mis en scène, du choeur
à la cantate, ainsi dans les Carnets d’un
disparu (1917-1919), puis surtout au
drame lyrique. Il importe finalement
peu que le compositeur se soit également passionné pour la littérature russe
et polonaise. On comprend qu’il se
soit senti aussi proche de Moussorgski
que de Pouchkine. Mais son mode
d’expression est fondamentalement
différent. Même lorsqu’il se passionne
pour les événements sociaux (Sonate
I. X. 1905) ou patriotiques (choeurs la
Légion tchèque ou Naše vlajka, « Notre
drapeau »), qui l’entourent, Janáček
ne fait qu’exalter les sentiments de ses
concitoyens. Il écrivit en 1903 son troisième opéra Jenufá, monté sans succès à Brnó, en 1904. Ce drame, sur un
livret de la poétesse Gabriela Preissová,
exploite pourtant le sens inné de son
auteur pour recréer la vie. « L’essentiel
dans une oeuvre dramatique est de créer
une mélodie du parler derrière laquelle
apparaisse, comme par miracle, un être
humain dans un instant concret de sa
vie. » Jenufá attendit le 26 mai 1916 pour
être créée à Prague par le meilleur chef
tchèque de l’époque, Karel Kovařovic.
Ce succès, si longtemps espéré, fit d’un
compositeur sexagénaire un homme
nouveau, le chantre d’un pays qui allait
atteindre sa pleine renaissance, au lendemain de la guerre de 1914-1918, avec
la création de l’État tchéchoslovaque.
Les dix dernières années de sa vie virent
naître une série de chefs-d’oeuvre dont
l’originalité étonne encore les musicologues. Janáček transposa alors à la scène,
à l’orchestre et en musique de chambre
son sens de la rhapsodie épique, d’origine russe. Ainsi naquirent le Conte
pour violoncelle et piano (1910), d’après
la légende du tsar Berendej, écrite par
V. A. Joukovsky, la Sonate pour violon
(1914-1921), véritable ballade épique,
ou encore le triptyque symphonique Tarass Boulba (1915-1918), d’après Gogol.
Ici, contrairement à R. Strauss,
Janáček ne cherche pas à raconter la
« vie d’un héros », mais présente un
véritable opéra sans paroles, une suite
de scènes violentes réduites à l’essentiel. Les Voyages de Monsieur Brouček
(1908-1917) forment un opéra faussement comique dont le héros visite
d’abord la lune, puis, comme le petit
bourgeois praguois germanisé, soucieux
de retrouver un idéal révolutionnaire, le
XVe siècle hussite.
En 1918, le doute n’était plus permis, Janáček dédia à la patrie libérée
la Ballade de Blaník (1920), qui s’inspire d’une vieille légende selon laquelle
des chevaliers cachés au flanc du mont
Blaník seraient toujours prêts à intervenir si la nation tchèque était en danger. Encore plus originale est la cantate
le Journal d’un disparu (1917-1919),
confession d’un jeune garçon disparaissant du monde pour mieux poursuivre
une belle Tzigane, dont il s’est épris.
La tendance est nette, car toute cette
période de création fut dominée par
l’amour que Janáček portait à la jeune
Kamila Stösslova. L’oeuvre est constituée de brèves cellules mélodiques et
rythmiques permettant d’identifier à
la fois le personnage, ses sentiments et
son caractère profond. Le lien dramatique, la mise en scène sont réalisés par
le piano, véritable révélateur du climat,
personnage provocateur qui règle, avec
autant de finesse que d’efficacité, le jeu
inouï de tensions de ce journal intime.
Puis vinrent quatre grands opéras :
Katia Kabanová (1919-1921) ; la Petite
Renarde rusée (créée à Brnó en 1924),
suite de tableaux paysans, mettant en
scène le garde-champêtre, le curé et
l’instituteur, et d’où jaillissent aussi bien
des chants d’oiseaux qu’un impressionnisme dynamique ; l’Affaire Macropoulos (1923-1925, créée en 1926), qui conte
l’aventure utopique d’Emilia Marty, en
vie depuis 300 ans « sans rien vouloir et
n’attendant plus rien « ; et De la maison
des morts d’après Dostoïevski (1927-28,
créé en 1930). Parallèlement, Janáček,
septuagénaire, écrivit son premier quatuor à cordes, d’après la Sonate à Kreutzer de Tolstoï (1923-1925), un sextuor
pour instruments, dont le titre, Jeunesse,
est significatif (1924-25), et qui servit
d’épure aux deux pièces concertantes
pour piano, le Concertino pour piano,
deux violons, alto, clarinette, cor et basson (1925) et le Capriccio pour piano
main gauche, flûte piccolo, 2 trompettes,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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3 trombones et 1 tuba (1926), puis aux
Dictons pour ensemble vocal et instrumental (1927-28), où les instruments à
vent atteignent à une puissance motorique, à des jeux de timbres et de sonorités, qui font de Janáček un novateur,
comparé aux oeuvres stravinskienne ou
bartokiennes contemporaines.
L’apothéose de l’écriture et de la vitalité de Janáček est atteinte dans les trois
derniers chefs-d’oeuvre. La Sinfonietta
(1926) sonne de façon étrange avec sa
section d’instruments à vent comprenant neuf trompettes, deux tubas ténors
et deux trompette-basses. Ici, Janáček
« chante l’homme tchèque dans sa beauté
spirituelle, sa joie et sa force », et la Sinfonietta est un véritable autoportrait
de cet homme que Vaclav Talich, son
créateur, présentait ainsi : « C’était un
esprit fort ! Une tête dure, belle, fière,
obstinée : un véritable cabochard. Mais
il savait attendre. C’est pourquoi, il avait
un goût instinctif pour les points d’orgue
et les silences. » La Messe glagolithique
(1926) est une oeuvre de la même veine,
aussi concise qu’optimiste, aussi puissante qu’obstinée. Par son langage rude
et spontané et son utilisation de la vieille
langue slavone, cette messe est un véritable acte de foi en la bonté de Dieu et
en la puissance créatrice des hommes
de sa race. Puis vint l’oeuvre ultime, le
Second Quatuor « Lettres intimes »,
lettre brûlante d’amour d’un vieillard de
soixante-quatorze ans (1928). Bâti pour
être centenaire, Janáček disparut le 12
août 1928, après avoir pris froid dans la
forêt d’Hukvaldy, sa petite ville natale.
L’oeuvre de Janáček n’est pas un cas
isolé dans le contexte de la musique
tchèque. Formé à la dure école des instituteurs-compositeurs, il eut le mérite
d’atteindre à l’expression la plus vraie,
celle où la musique devient un langage
direct, une image de la vie, la vision
spontanée de sentiments vécus. Un
tel réalisme a ses exigences. Ses interprètes doivent connaître le tchèque
parlé. Même son oeuvre instrumentale
et symphonique requiert un respect des
rythmes, un sens des contrastes, une
couleur de timbre, difficiles à recréer par
des interprètes non tchèques. La vitalité
même de cette musique peut être considérée comme une agression par l’auditeur non averti, d’autant qu’elle offre
des particularités qui se retrouvent dans
d’autres oeuvres du XXe siècle : harmonies de quarte, enchaînements mélodiques d’accords non résolus, gammes
par tons entiers, importance du contrepoint rythmique, orchestration jouant
sur les temps de réponse différents entre
cuivres et bois, restitution des chants et
cris d’oiseaux, dynamique chorale pouvant donner l’impression du rire comme
des larmes, de l’effet de foule, du déplacement dans l’espace. Mais Janáček ne
cherchait pas la nouveauté en soi. Il eut
l’intuition et l’instinct d’une nouvelle
plastique musicale et, dans le domaine
de l’opéra en particulier, reste un des
compositeurs les plus grands et les plus
originaux. Que ce musicien, né avant
Mahler et Claude Debussy, ait réussi à
écrire la plupart de ses chefs-d’oeuvre
dans les années 1920 n’est pas un de ses
moindres mérites.
JANEQUIN (Clément), compositeur français (Châtellerault v. 1485 - Paris 1558).
On ignore tout de la jeunesse et de la
formation de cet ecclésiastique rarement
inspiré par le culte divin. Peut-être futil attaché à la maîtrise de Notre-Dame
de Châtellerault. Il passa une longue période de sa vie dans le Bordelais, fréquentant les cercles humanistes de Lancelot
du Fau, vicaire général de l’archevêché
(1505-1523), de Jean de Foix, archevêque
de Bordeaux, et de l’avocat Bernard de
Lahet. De modestes prébendes - il fut
chanoine de Saint-Émilion (1525), curé
de Saint-Michel de Rieufret (1526), curé
de Saint-Jean de Mezos (1530), doyen de
Garosse (1530) - ne pouvant compenser
la perte des avantages dont l’avait privé
la mort de son protecteur Jean de Foix
(1529), il gagna l’Anjou (1533), où son
frère résidait. Curé de Brossary à partir
de 1526, il devint chapelain de la cathédrale d’Angers (1527) et fut nommé
maître de la psalette (1534). Alors s’ouvrit pour lui la période la plus fructueuse
sur le plan de la composition. Il publia
cent vingt-cinq chansons, dont certaines
sont des arrangements, et un recueil de
motets (perdu). À Angers, où le protégeait François de Gondi, seigneur des
Raffoux, il décida d’entreprendre, en
1548, à plus de soixante ans, des études
universitaires qu’il poursuivit à Paris où
il s’installa en 1549. Il gagna la protection du cardinal Jean de Lorraine, celle
du duc François de Guise, dont il célébra
les succès militaires (la Guerre de Renty,
le Siège de Metz) et qui lui accorda le titre
de chapelain. En 1555, son talent sembla
enfin reconnu : il fut nommé chantre de
la Chapelle du roi, puis, en 1558, compositeur ordinaire du roi. Reconnaissance
bien tardive, puisqu’il mourut pendant
l’hiver 1558 sans jamais avoir joui de
l’aisance matérielle. Pourtant, en 1541,
Janequin était déjà une valeur si sûre que
l’imprimeur Gardane à Venise se servait
de son nom comme appel de vente. Et
la Guerre (v. 1528), plus tard baptisée
Bataille de Marignan, connut une ample
diffusion qui se prolongea jusqu’au
début du XIXe siècle.
L’oeuvre religieuse de Janequin, certes,
de dimension restreinte, est aujourd’hui
fort amputée : tous ses motets, à une
exception près, sont perdus ; les deux
messes sont d’attribution douteuse ;
trois parties manquent aux 82 Psaumes
de David (1559), dédiés à la reine et bâtis
sur des mélodies calvinistes. Ce fut d’ailleurs à la fin de sa vie qu’il privilégia une
orientation spirituelle, négligeant, alors,
quelque peu le genre dans lequel il était
passé maître : la chanson profane, dont
nous conservons environ 250 exemplaires publiés à partir de 1520. Dans ce
cadre étroit, Janequin se sentit particulièrement à l’aise, collant étroitement au
texte de forme libre pour le commenter.
Spontanément, avec une joie débordante,
il dit l’amour de la nature sous toutes ses
formes : celle du Bel Aubépin verdissant
(Ronsard), les plaisirs de la table (Quand
je bois du vin clairet) ou les réalités charnelles (Au joli jeu du pousse avant, Un
jour Robin, Petite Nymphe folastre), sans
négliger la veine lyrique (Ô doux regard,
l’Amour, la Mort et la Vie) et même
courtoise, où se mêle parfois la pointe de
préciosité chère à Mellin de Saint-Gelais.
Si Janequin excelle dans les fresques descriptives, nullement les plus nombreuses
(la Guerre, les Cris de Paris, le Caquet des
femmes, le Chant des oiseaux), c’est qu’il
sait admirablement faire de la chanson
un théâtre en miniature. Il lui imprime
une vie débordante en mettant l’accent,
d’abord sur le rythme, et ensuite, seulement, sur l’invention mélodique. La
déclamation y est syllabique, les phrases
musicales y sont courtes, comme les imitations serrées qui passent d’une voix
à l’autre, les mélismes généralement
absents. Ce sont d’ailleurs les caractéristiques de la chanson parisienne dans
son ensemble, au cours de la première
moitié du XVIe siècle. L’emploi des onomatopées témoigne d’une écoute attentive du quotidien et d’un sens ineffable
du jeu rythmique (ainsi, dans l’Alouette
à laquelle C. Le Jeune a ajouté une cinquième voix pour l’incorporer dans son
Printemps). Pour la Guerre, Janequin a
recherché les phonèmes propres à traduire le choc des armes. Quant à Ô doux
regard, cette pièce montre la mobilité
harmonique du discours de Janequin,
son souci de la couleur dans un climat
tout de raffinement et de sensibilité.
JANIEWICZ (Felix), compositeur, violoniste et chef d’orchestre polonais (Vilno
1762 - Édimbourg 1848).
Il fut d’abord violoniste dans l’orchestre
royal de Stanislas August Poniatowski
à Varsovie. Il alla à Vienne en 1785, où
il rencontra Mozart et il y fut l’élève de
Haydn. Il fit des voyages à Paris et en
Italie avant de s’installer en Angleterre
en 1792. Il joua un rôle très actif dans
la vie musicale britannique, participant
aux mêmes concerts que Haydn en 1794,
constituant une bibliothèque musicale à
Liverpool en 1803 et contribuant à l’orgadownloadModeText.vue.download 511 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
505
nisation de nombreux festivals musicaux
(dont celui d’Édimbourg). Janiewicz fut
aussi l’un des cofondateurs de la Société
philharmonique de Londres.
Son style classique fait cependant référence aux danses populaires polonaises
(mazurka, krakowiak). Son oeuvre est essentiellement instrumentale : six divertimentos pour cordes, trios, cinq concertos
pour violon.
JANIGRO (Antonio), violoncelliste et
chef d’orchestre yougoslave (Milan
1918 - id. 1989).
Élève de G. Crepax au conservatoire de
Milan, puis de D. Alexanian à l’École normale de musique de Paris, il entra dans
la carrière dès l’âge de seize ans et avait
déjà fait plusieurs tournées dans le monde
quand il se fixa à Zagreb en 1939. Professeur au conservatoire de cette ville
jusqu’en 1953, il fonda en 1954 les
Solistes de Zagreb, ensemble de douze
musiciens, dont la réputation fut bientôt
internationale, et dirigea aussi, à partir
de 1953, l’orchestre de chambre de Radio-Zagreb. Nommé professeur de violoncelle au conservatoire de Düsseldorf
en 1965, il fut aussi le successeur de Karl
Ristenpart, trois ans plus tard, à la tête de
l’Orchestre de chambre de la Sarre.
JANIS (Byron), pianiste américain
(McKeesport, Pennsylvanie, 1928).
Né dans une famille d’origine russe, il
montre très tôt des dons exceptionnels qui attirent l’attention d’un maître
réputé : Josef Lhevine. Il travaille aussi
avec Rosina Lhevine et Adele Marcus,
puis, à New York, bénéficie des leçons
de Vladimir Horowitz. Mais bien que
s’étant produit en public dès l’âge de
quinze ans dans le 2e Concerto de Rachmaninov, il ne débute réellement qu’à
vingt ans. Déjà consacré aux États-Unis,
il entreprend en 1952 sa première tournée européenne, qui sera suivie de bien
d’autres. Particulièrement apprécié en
Union soviétique, où il est considéré
comme le meilleur interprète étranger
de Rachmaninov et de Prokofiev, Byron
Janis excelle dans le répertoire romantique, auquel il apporte une technique et
une fougue peu communes.
JANKÉLÉVITCH (Vladimir), philosophe
français (Bourges 1903 - Paris 1985).
Professeur aux universités de Lille et de
Toulouse, puis, en 1952, à la Sorbonne,
il a consacré une part très importante
de ses travaux à la musique. Cernant les
aspects les plus fugitifs, les plus impondérables de l’art de Fauré, de Debussy
et de Ravel, il a introduit dans l’analyse
musicale un élément neuf et des principes féconds. Son écriture, suggestive
et souple, nourrie de références, sa pensée libre, ondoyante, d’une rare finesse,
ses intuitions de poète, sont chez lui les
composantes de son art de la critique.
JANOVITZ (Gundula), soprano allemande (Berlin 1939).
Elle fut découverte par Herbert von
Karajan, qui fit beaucoup pour sa fulgurante carrière. Elle fit ses débuts à l’Opéra
de Vienne en 1961 (Pamina de la Flûte
enchantée). Dès l’année suivante, elle se
produisit aux festivals de Bayreuth, de
Salzbourg, d’Aix-en-Provence, de Glyndebourne et d’Édimbourg. À Vienne, en
1964, elle incarna l’impératrice dans la
Femme sans ombre de Richard Strauss
et, en 1967, à Salzbourg, se risqua dans
Sieglinde de la Walkyrie. Possédant un
timbre lyrico-dramatique d’un rare éclat,
Gundula Janovitz excelle également dans
les rôles des répertoires allemand et italien. La perfection, un peu froide, de ses
premières incarnations a peu à peu fait
place à une intensité aussi convaincante
du point de vue dramatique musical. Elle
a pris en 1990 la direction de l’Opéra de
Graz.
JANOWSKI (Marek), chef d’orchestre
allemand (Varsovie 1939).
Il étudie à la Hochschule de Cologne,
ville où il fait, ainsi qu’à Aix-la-Chapelle,
ses débuts de chef d’orchestre assistant.
À vingt-quatre ans, il est nommé deuxième chef de l’Opéra allemand du Rhin
et en 1966 chef principal de l’Opéra de
Cologne. Engagé par R. Liebermann à
l’Opéra de Hambourg en 1969, il y reste
cinq ans. Pendant cette période, il dirige
également à l’Opéra de Munich, ainsi
qu’à ceux de Stuttgart, Cologne et Wiesbaden. De 1973 à 1975, il est directeur
musical à Fribourg et de 1975 à 1980 à
Dortmund. De 1980 à 1983, il est principal chef invité du Royal Liverpool
Philharmonic Orchestra, puis directeur
musical de cette formation de 1983 à
1987. En 1984, Radio France l’engage
comme premier chef du Nouvel Orchestre philharmonique, et à partir de
1988 comme directeur musical de cet
orchestre. De 1986 à 1990, il a aussi été
directeur musical du Gürzenich de Cologne. Profondément familier de l’opéra
allemand de Weber à Strauss, il est plus
généralement un excellent interprète de
la musique germanique. Son enregistrement (avec l’Orchestre philharmonique
de Radio France) des quatre symphonies
de Roussel a obtenu en 1996 un Grand
Prix de l’Académie Charles-Cros.
JANSEN (Jacques), baryton français
(Paris 1913).
Élève de Charles Panzera, il débuta en
1941 à l’Opéra-Comique dans le rôle qui
devait dominer toute sa carrière : celui
de Pelléas qui convenait admirablement
non seulement à son type de voix, mais
à un physique de jeune premier romantique qu’il a d’ailleurs conservé au-delà
de la cinquantaine. Outre le drame
lyrique de Debussy, qu’il a également
interprété à Londres, Milan, Vienne et
New York, Jacques Jansen s’est distingué à l’Opéra-Comique dans Fragonard,
Malvina, Monsieur Beaucaire, Masques
et Bergamasques, et, sur d’autres scènes,
dans Mârouf et la Veuve joyeuse. À
l’Opéra, il n’a paru que dans les Indes galantes. Malgré sa musicalité et sa diction
parfaite, il ne possédait pas l’ampleur
vocale d’un baryton d’opéra et devait se
borner aux emplois légers du répertoire.
JANSONS (Mariss), chef d’orchestre
letton (Riga 1943).
Il étudie le violon, l’alto, le piano et la
direction d’orchestre au Conservatoire
de Leningrad. Se perfectionnant auprès
de Hans Swarowski à Vienne et de Karajan à Salzbourg, il devient en 1971 assistant de Mravinski à la Philharmonie de
Leningrad. En 1979, il est nommé à la
tête de l’Orchestre symphonique d’Oslo,
avec lequel il a enregistré Grieg, l’intégrale des symphonies de Tchaïkovski
et plusieurs oeuvres de Sibelius et de
Stravinski. Invité en Grande-Bretagne
et aux États-Unis, il fait ses débuts à la
Philharmonie de Berlin en 1988. Premier
chef invité de la Philharmonie de SaintPétersbourg, il succède en 1996 à Lorin
Maazel à la tête de l’Orchestre symphonique de Pittsburgh.
JAPONAISE (MUSIQUE).
Par « musique japonaise », on désigne à
la fois les formes musicales nées au Japon
et celles qui ont été importées, du continent asiatique, puis de l’Occident au
XIXe siècle. Les premières se sont si bien
« japonisées », après plusieurs siècles
d’évolution, qu’elles n’ont pratiquement plus de points communs avec les
formes dont elles sont issues. Quant aux
secondes, elles se sont développées au
Japon de telle manière qu’elles présentent des caractères spécifiques qui les
différencient de leurs modèles occidentaux.
DES ORIGINES À NOS JOURS.
L’histoire de la musique japonaise comprend cinq grandes périodes. La période
préhistorique (du IIe s. av. J.-C. à 645,
début de l’époque de Nara) correspond
au développement interne de la musique
japonaise, hors de tout contact étranger. La période antique (époques de
Nara, 645-794, et de Heian, 794-1185)
voit l’introduction et l’assimilation des
formes musicales venues du continent
asiatique. C’est au cours de la période
médiévale que naît véritablement la mudownloadModeText.vue.download 512 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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sique traditionnelle japonaise (époques
de Kamakura, 1185-1333, et de Muromachi, 1333-1573). Pendant la période
moderne (époque de Momoyama, 15731603, et jusqu’à la restauration de Meiji,
1868), on assiste à l’essor de la musique
théâtrale et pour instrument solo. Enfin,
la période contemporaine (de l’ère Meiji,
1868-1912, à nos jours) est caractérisée
par la pénétration de la musique classique occidentale.
Ce découpage historique est fondé
sur des changements d’orientation, qui,
dans le domaine musical, reflètent les réformes politiques et sociales les plus importantes de l’histoire japonaise. Mais ce
ne sont là que des « bornes indicatrices »
jalonnant l’évolution de la musique. Au
fil de ces quelque vingt siècles d’histoire,
un phénomène tout à fait remarquable
attire l’attention : l’alternance de formes
musicales déterminées et indéterminées.
L’ALTERNANCE DES MUSIQUES DÉTERMINÉE
ET INDÉTERMINÉE.
La musique déterminée - telle la musique
classique occidentale - est caractérisée
par ses éléments constitutifs fixes : hauteur des notes déterminée par le diapason, valeur temporelle et rythmique
mesurée à l’aide d’une unité temporelle
arithmétique. La musique instrumentale
de cour (Gagaku) appartient à ce type.
Les composantes de la musique indéterminée sont moins rigoureusement
définies. La hauteur des notes est déterminée par rapport à une note-repère,
librement émise et susceptible de varier.
Et c’est une périodicité fluctuante qui
commande le rythme. On peut citer la
musique du théâtre nô comme exemple
de forme indéterminée. Si les matériaux
sonores utilisés n’ont pas de fixité, nous
sommes loin toutefois de l’improvisation
avec cette seconde catégorie de composition musicale. Et il serait faux de croire,
comme on a trop souvent tendance à le
faire, que la musique indéterminée est
moins élaborée et inférieure à la musique
déterminée, dont elle représenterait une
sorte de phase primaire.
D’après les découvertes archéologiques (Ken, flûte en terre ou en pierre,
IIe s. av. J.-C. ; Haniwa, figurines mortuaires en terre cuite, Ve s. apr. J.-C., dont
certaines représentent des personnages
jouant d’instruments tels que le Koto à
cinq ou six cordes, la flûte, le tambour,
ou encore en train de chanter et de danser), et d’après divers documents, il est
vraisemblable que la musique autochtone primitive ait été de forme indéterminée, vocale avec accompagnement
d’un ou deux instruments et parfois de
danse. C’était sans doute une musique
qui servait soit au culte, soit pour les
fêtes ou le divertissement. La musique
déterminée a dû s’introduire au Japon
au contact de la musique asiatique (VeVIIe s. apr. J.-C.). Car deux formes de
cette époque, conservées jusqu’à nos
jours, Shômyô (chant liturgique bouddhique) et Gagaku (musique instrumentale de cour, appelée Saibara et Rôei
quand elle est chantée, et Bugaku, quand
elle est dansée), présentent des éléments
constitutifs fixes. De ce fait, la période
antique a été marquée par l’assimilation
de la musique continentale.
Au XIIIe siècle, le changement de régime politique entraîna la résurgence de
la musique indéterminée. Les militaires,
en s’emparant du pouvoir, voulurent
discréditer tout ce que la classe aristocratique, jusqu’alors dominante, avait
valorisé et, entre autres, la musique acclimatée à la Cour. C’est ainsi que, pendant
les sept siècles du gouvernement des
généraux (début de Kamakura, 1185, à
la fin d’Edo, 1868), on assista à une véritable floraison de genres musicaux, issus
du vieux fonds autochtone de type indéterminé, et caractéristiques de ce qu’il
y a de plus fondamentalement original
dans la musique traditionnelle du Japon.
Le Kôshiki, chant sacré à la gloire des
divinités et des ancêtres, apparut tout
d’abord ; suivi du Heikyoku, récit épique
débité avec accompagnement d’un luth
à quatre ou cinq cordes, le Biwa ; puis
ce fut le nô, espèce de théâtre poétique,
chanté, récité, dialogué, mimé et dansé
par les principaux acteurs, dont le jeu est
soutenu par les interventions du choeur
et de trois ou quatre instrumentistes.
Originellement simple divertissement
populaire, le nô s’est petit à petit affiné,
devenant un spectacle élaboré, réservé à
la classe dirigeante. Le peuple des villes,
ainsi dépouillé de ses attractions, en
arriva à créer de nouveaux genres musicaux et théâtraux en adoptant le Shamisen, luth à trois cordes, qui se joue avec
un plectre et qui fut importé de Chine,
en passant par les Ryukyu, vers le milieu
du XVIe siècle.
L’association des marionnettes et
du chant récitatif Jôruri accompagné
au Shamisen donna alors naissance
au Bunraku, théâtre de marionnettes.
Le théâtre de Kabuki, chanté et dansé,
incorpora des chants avec accompagnement de Shamisen tels que Kiyomoto,
Tokiwazu et même créa un nouveau
chant, plus long : Nagauta. La classe
populaire s’engoua, à cette époque, des
solos instrumentaux, pour Shakuhachi
(flûte verticale à cinq trous, en bambou),
ou pour Koto (cithare à treize cordes),
ainsi que des solos vocaux comme Jiuta,
Kouta, accompagnés au Shamisen, ou
Satsuma-biwa et Chikuzen-biwa, chants
et récits accompagnés au Biwa.
La restauration de Meiji (1868), en
rendant le pouvoir à la famille impériale,
entraîna le déclin de la musique indéterminée, protégée par les gouverneurs
militaires, et marqua le renouveau de la
musique déterminée, venue cette fois de
l’Occident.
Cette alternance des musiques déterminée et indéterminée fut lourde de
conséquences au niveau de la structure
musicale, du système tonal et de la notation. Et on ne saurait étudier la musique
japonaise, si l’on ne tient pas compte des
caractéristiques imposées par chacune
de ces deux catégories musicales. Bien
des erreurs ont été commises par les musicologues occidentaux qui ont méconnu
cette distinction capitale.
LA MUSIQUE TRADITIONNELLE.
Malgré les différences qui séparent les
musiques indéterminée et déterminée,
les formes musicales japonaises présentent, dans leur ensemble, quelques
constantes caractéristiques.
Le cloisonnement social est si poussé
que chaque classe possède ses instruments et sa technique d’exécution
propres. Par exemple, si l’on compare le
Biwa de Gagaku au Biwa de Heikyoku
ou de Satsuma-biwa, on voit que chacun possède une facture spécifique, ainsi
qu’une notation et une technique de
doigté et de plectre particulières. Ces dif-
férences tiennent au fait que ces instruments ont été introduits dans des milieux
distincts et pas aux mêmes époques. Un
tel cloisonnement musical résulte de la
hiérarchie attachée à la société féodale.
Un autre aspect remarquable de la
musique traditionnelle est son caractère
rituel, sa stylisation extrême. Un spectacle de nô ou une pièce pour Shakuhachi, par exemple, donne l’impression
d’une cérémonie : rien, en effet, n’est
spontané. L’exécutant n’a aucune liberté
d’interprétation, chaque geste, chaque
émission vocale étant fixés. La philosophie chinoise a dû jouer, à l’origine, un
certain rôle dans cette ritualisation musicale. Car, pour les Chinois des temps
anciens, la musique contribuait à régler
l’ordre social en harmonie avec l’ordre
cosmique, comme l’atteste l’appellation
de Reigaku (Rei : « politesse », « étiquette », et Gaku : « musique »). Plus que
tous les autres pays d’Extrême-Orient, le
Japon a développé ce ritualisme musical,
conforme à l’idée que l’art n’est pas un
simple divertissement, mais une « voie »
(dô) [cf. Ken-dô, Jû-dô, etc.], une sorte
d’exercice spirituel. L’exécutant, qui
respecte une pratique musicale, comparable, par son formalisme figé, à une pratique religieuse invariante, cherche à se
dépouiller de son identité individuelle,
à se « vider » de sa personnalité, pour
s’harmoniser au cosmos.
Le ritualisme va de pair avec un certain statisme : ralenti des mouvements,
répétition stéréotypée, qui apparaissent
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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comme les moyens les plus sûrs pour
accéder au recueillement et à l’équilibre
de soi et de l’univers. Toutefois, le statisme musical est très éloigné de l’immobilité. Sans doute, la lenteur des gestes
de danse contribue-t-elle à créer une
impression de tenue, mais le statisme est
dû essentiellement à la progression sans
heurt qu’assure le Jo-ha-kyû (« introduction », « développement », « rapide »).
Ce principe fondamental de l’esthétique
japonaise atténue les contrastes, en
contrôlant l’enchaînement des phases
successives, à la fois au niveau de la
vitesse de déroulement, de l’intensité et
de la densité sonores. Une pièce de nô,
par exemple, évolue à plusieurs reprises
de la stagnation à la plus haute animation d’une manière insensible. Certaines
danses (hataraki) mimant une scène de
vengeance peuvent atteindre un tempo
métronomique supérieur à 200 à la
noire, sans que l’accélération ait été brutale. Le Jo-ha-kyû règle ainsi la structure
des formes musicales traditionnelles en
évitant une trop grande excitation émotive chez l’exécutant comme chez le
spectateur.
Malgré les différences qu’on relève
selon les genres et les interprètes, la
technique vocale est caractérisée par un
ensemble de traits communs tels que
les vibratos irréguliers et très amples, la
fluctuation des sons, les timbres graves,
l’attaque glissante en dessous, etc.
La technique instrumentale présente
également ses particularités : glissandos, répétition accélérée d’une même
note, ondulation des sons, cris, bruits de
souffle, de frappe avec le plectre sur la
table d’harmonie ou les trous latéraux,
frottement des cordes, etc.
À vrai dire, ces techniques, vocale
et instrumentale, appartiennent plutôt à la musique indéterminée. Dans la
musique déterminée, par exemple dans
le Gagaku, seul le portamento entre
deux notes fixes est utilisé. C’est que le
Gagaku, avec son système harmonique
fondé sur la superposition de quintes et
de quartes, contrôle rigoureusement les
hauteurs et le rythme, en recourant à des
valeurs fixes, et proscrit en conséquence
tous les éléments d’instabilité et les ressources d’ordre psychophysiologique sons glissés, vibratos larges et irréguliers - auxquels les auditeurs réagissent
directement, et qui ont été découverts
de manière expérimentale, au contact
même des sons, dans des échanges sonores immédiats, n’émanant d’aucune
théorisation.
LES SYSTÈMES TONALS.
Si l’on excepte la période préhistorique, trop peu connue, on relève trois
systèmes tonals distincts au cours des
quinze siècles d’histoire de la musique
japonaise. Cette variation est manifes-
tement liée à l’alternance des matériaux
sonores fixes ou indéterminés, propres
aux deux catégories de formes musicales
traditionnelles. On voit, en effet, apparaître un système tonal heptatonique
(cinq notes principales, deux notes auxiliaires) fixé au VIIIe siècle, quand on a
introduit au Japon la musique chinoise.
Quant à la musique autochtone, qui a
subsisté à côté de la musique chinoise,
elle possède un système tétracordal mobile, conservé dans le Kôshiki (« chant
sacré »), le Heikyoku (« chant épique ») et
le théâtre nô. Une partition de nô laissée
par Zenchiku et datant de 1452 montre
que, dès cette époque, on tente de mêler
les systèmes tétracordal et heptatonique.
Mais la fusion de ces deux systèmes, si
dissemblables, ne devait aboutir que vers
le XVIIe siècle, où allait naître une échelle
hémitonique, Miyako-bushi, caractéristique de la musique d’Edo.
LE SYSTÈME HEPTATONIQUE DE L’ÉPOQUE
ANTIQUE
(VIIIe-XIIIe s.). Introduit à l’époque T’ang,
ce système tonal permettait d’établir une
échelle de douze notes non tempérées,
calculée par la méthode San bun son eki,
c’est-à-dire la soustraction d’un tiers de la
longueur de base. Les six premiers calculs
donnaient l’échelle heptatonique Ryo
(mode de fa), qui, transposée douze fois
sur chacune des notes de l’échelle de 12
notes, engendrait 84 modes théoriques.
Au Japon, ce système s’est modifié et a
donné naissance à deux échelles Ryo et
Ritsu. Ces dernières servent à constituer
les deux principaux modes ou modes de
base (Ryo, mode de sol et Ritsu, mode de
ré), dont sont issus par transposition les
six autres modes employés dans le Gagaku : trois modes transposés de Ryo, sur ré,
sol et mi et trois autres modes transposés de
Ritsu, sur mi, la et si.
Échelle de Ryo :
Échelle de Ritsu :
Il semble que le chant liturgique
bouddhique Shômyô ait été primitivement réglé par les deux échelles Ryo
et Ritsu, qui déterminaient la hauteur
des notes de façon rigoureuse. Mais ces
notes fixes étaient exécutées selon un
certain nombre de techniques vocales
codifiées. Ainsi le signe Yuri indique
une ondulation sur la note fondamen-
tale Kyû ou Chi. En se développant peu
à peu indépendamment des notes constitutives, ces différents types d’exécution
ont engendré des formes autonomes,
qui sont devenues des unités minimales
de construction appelées cellules mélodiques. De là est né le système actuel du
Shômyô, dans lequel les cellules mélodiques sont employées en même temps
que les deux échelles Ryo et Ritsu. C’est
ainsi que les cinq notes principales (Kyû,
Shô, Kaku, Chi, U) sont fixées par ces
échelles, alors que les notes Enbai (« assaisonnement »), qui servent de broderie
inférieure, supérieure ou de note de passage glissée sont très fluctuantes.
LE SYSTÈME TÉTRACORDAL DE LA PÉRIODE
MÉDIÉVALE
(XIIIe-XVIIe s.). À partir du XIIIe siècle, de
nouveaux genres musicaux se sont donc
développés en renouant avec la tradition
japonaise. On voit ainsi réapparaître le
système tétracordal autochtone, mais qui
va subir une double modification. D’une
part, on l’élargit, en lui ajoutant un ou
deux tétracordes conjoints aux deux extrémités de la quarte de base ou Kernintervall. Selon les genres, les ensembles de
tétracordes conjoints ainsi formés ont
une plus ou moins grande fixité. Le Biwa
qui accompagne le chant de Heikyoku
assure la stabilité des quartes. Dans le
nô, en revanche, on tire parti d’une fluctuation assez importante pour suggérer
des sentiments de joie, colère, etc. On
peut donner une idée approximative
de ce système tétracordal complexe en
notation occidentale, pourvu qu’on
détermine arbitrairement le tétracorde
central :
(intervalle choisi mi-la)
D’autre part, la note médiane du tétracorde tend, au cours des siècles, à s’abaisser. Si l’on considère les intervalles de bas
en haut, la division interne du tétracorde
passe d’une tierce mineure plus une seconde majeure, à une seconde mineure
plus une tierce majeure. Et cette évolution
a marqué les genres musicaux, suivant
l’époque à laquelle ils se sont constitués.
Ainsi, vers les XIIe-XIIIe siècles, la division intérieure d’un tétracorde correspondait, de bas en haut, à une tierce mineure
et une seconde majeure, comme l’atteste le
système tétracordal du Kôshiki, du Shômyô
et du Heikyoku qui se sont fixés vers les
XIIe-XIIIe siècles.
Le nô, fixé vers le XIVe siècle, présente
une étape intermédiaire : le tétracorde
s’y divise en une seconde majeure et une
tierce mineure de bas en haut.
Enfin, une seconde mineure et une
tierce majeure, toujours de bas en haut,
composent le tétracorde des genres musicaux qui se sont développés à partir du
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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XVIIe siècle, tels que la musique pour Koto,
pour Shamisen, pour Shakuhachi, etc.
-vers les viie-viiie siècles :
-vers le XIVe siècle :
-vers le XVIIe siècle :
Au moment où, vers le XIVe siècle,
la note médiane était fa dièse, toujours
avec le tétracorde mi-la, la tierce mineure
ainsi obtenue était très instable (fa dièsela). Pour rétablir la quarte supérieure
conjointe (fa dièse-si), on utilise si3. Cet
ajustement spontané s’est reproduit avec
le deuxième tétracorde conjoint supérieur
entraînant l’apparition du mi4 pour former la quarte si3-mi4 :
On voit comment on a évolué tout
naturellement d’un système de quartes
conjointes (mi-la-ré) à un système de
quartes disjointes (mi-la, si-mi) et comment on en est arrivé à constituer les
octaves si2-si3 et mi3-mi4 dans la musique
japonaise autochtone.
Cependant, les notes extrêmes des tétracordes conservent leur valeur attractive
de tonique et continuent à régler la structure mélodique. Le système tétracordal
révèle ainsi son caractère véritablement
organique : il produit au fur et à mesure
de nouvelles quartes sans jamais perdre
son activité fonctionnelle originelle à
l’intérieur et aux extrémités. Le tétracorde
constitue donc une sorte d’unité cellulaire
vivante.
LE SYSTÈME TONAL DE LA PÉRIODE MODERNE
(XVIIe-XIXe s.). À partir du moment où la
musique autochtone a connu l’octave, son
système tonal a rencontré celui de la musique savante d’origine chinoise. L’échelle
de Ritsu coïncide en effet avec deux tétracordes disjoints, composés chacun d’une
seconde majeure (mi-fa dièse) et d’une
tierce mineure (fa dièse-la), de bas en
haut. C’est cet ensemble tétracordal qu’on
a appelé vers le XVIIe siècle l’échelle Yô.
Échelle de Ritsu :
Échelle de Yô :
Mais d’importantes différences séparent en fait ces deux échelles. Dans le Ritsu,
les notes constitutives sont déterminées
par le diapason et les notes Kyû et Chi sont
les plus importantes. Dans l’échelle Yô ce
sont les notes extrêmes des tétracordes qui
exercent une action polarisante, les notes
médianes conservant une nette tendance à
s’abaisser, comme nous l’avons vu précédemment. De cet abaissement progressif
résulte la formation d’une nouvelle échelle
hémitonique, In ou Miyako-bushi, issue du
système tétracordal de la même manière
que l’échelle Yô.
Échelle d’In :
Le système tonal autochtone a donc
engendré successivement l’échelle transitoire Yô, puis In, au cours de son évolution. Aussi n’est-il pas rare que les genres
musicaux de la période médiévale, tels le
nô ou le Heikyoku, aient été influencés par
l’échelle In.
L’analyse des pièces écrites pendant la
période moderne révèle, par ailleurs, que
leur structure mélodique est régie non par
les échelles Yô et In, mais par les systèmes
tétracordaux propres à chacune d’elles,
soit pour l’échelle Yô les trois tétracordes :
mi-fa-la ; si-do-mi ; la-si-ré ; et pour
l’échelle In : mi-fa-la ; si-do-mi ; la-si-ré. Le
troisième tétracorde de chaque ensemble
sert de lien entre les deux premiers.
LE RYTHME ET LE TEMPS MUSICAL.
Pour éviter toute équivoque, nous appelons rythme, toute forme de structuration
des durées sonores, qu’il s’agisse d’une
ligne mélodique, d’un thème ou d’une cellule rythmique. Et par tempo, nous dési-
gnons la vitesse de déroulement de ces
formes rythmiques. La musique japonaise
traditionnelle est caractérisée par deux
types rythmiques : le rythme régulier et le
rythme libre.
Période antique. Le Gagaku, qui présente une périodicité régulière et un fractionnement égal de la durée, introduit
au Japon le rythme régulier. Mais cette
musique instrumentale utilise également
le rythme libre dans l’introduction (Jo), où
les instrumentistes jouent indépendamment les uns des autres et sans contrôle
vertical des sonorités.
Pour sa part, la musique vocale de
Shômyô recourt de préférence au rythme
libre (Jo-kyoku), mais emploie aussi parfois le rythme régulier (Tei-kyoku). Dans
les pièces de Shômyô nommées Gu-kyoku,
les deux types de rythme sont combinés
pour assurer le passage du rythme libre au
rythme régulier.
Le tempo de la musique de cette période est extrêmement lent, en raison du
statisme qui caractérise alors les pièces.
Période médiévale. Au Moyen Âge, la
musique étant étroitement associée à un
texte (didactique pour le Kôshiki, épique
pour le Heikyoku, dramatique pour le nô),
on utilise de préférence le rythme libre et
un tempo élastique, pour faciliter la compréhension des paroles. Dans le nô, on recourt à une périodicité constituée par huit
frappes de tambour, qu’on appelle Kusari
(« chaîne »), et qui sert à régler la superposition des parties vocale et instrumentale.
Mais ces huit frappes ne déterminent pas
des intervalles rythmiques réguliers et le
tempo fluctue sans cesse. Par exemple, le
tempo du chant final Kiri de la pièce Hagoromo, oscille entre 95 et 160 à la noire
métronomique. Une telle fluctuation est
due aux sentiments éprouvés par le héros
et au climat dramatique des différentes
séquences d’une pièce. On voit, par là,
que la notion de temps dans la musique
médiévale est avant tout de nature psychophysiologique.
Période moderne. Selon les genres musicaux, le rythme à huit périodicités irrégulières, hérité de la période précédente,
va évoluer différemment. Dans le Kabuki,
les dimensions mêmes du théâtre ont
entraîné l’emploi de plusieurs Shamisen,
pour renforcer les sons. Ce jeu d’ensemble
instrumental a accentué le caractère binaire du rythme (cf. Kiyomoto, Tokiwazu,
Nagauta). Mais on conserve le rythme
libre pour l’introduction et le prélude
d’une pièce de Kabuki.
Dans la musique de Koto, qui reste
dans le sillage de la tradition savante du
Gagaku, c’est le rythme régulier caractéristique du type musical déterminé qui
domine.
Un rythme ternaire (assez rare au
Japon), apparaît au début du XVIIIe siècle,
dans le chant populaire, Dodoitsu, qu’accompagne le Shamisen. Les autres genres
(Satsuma-biwa, Shakuhachi, Gidaiyû)
marquent une prédilection pour un
rythme libre, peu marqué, qui suit avec
souplesse la narration du soliste et reflète
le cours sentimental du récit.
Tous les genres de cette période ont
adopté le tempo élastique développé à
l’époque précédente. Ainsi dans Rokudan,
pièce pour Koto, le tempo varie de 60 à
168 d’après la noire métronomique. Cela
montre que l’élasticité temporelle contribue à la structuration d’une pièce, même
uniquement instrumentale.
LA STRUCTURE MUSICALE.
La musique de type déterminé et celle de
type indéterminé possèdent chacune un
système de composition et une structure
spécifiques ; la structure déterminée de la
première s’oppose à la structure fluctuante
de la seconde, comme nous l’avons déjà
observé à propos du rythme et du tempo.
Période antique. La musique aristocratique de cette période (Gagaku, Rôei, Saibara, etc.) est de structure déterminée. On
compose les thèmes à partir de notes, dont
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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la hauteur est fixe, et la macrostructure
d’une oeuvre est obtenue par la transposition et la réexposition des thèmes qui
constituent sa microstructure.
Période médiévale. La musique de nô,
qui est la plus représentative de cette pé-
riode, présente une structure fluctuante mais non improvisée - dont l’unité
minimale est la cellule. Cris, frappes de
tambour, sons de flûte et émissions vocales s’inscrivent dans une cellule déterminée et on juxtapose et superpose un
certain nombre de cellules instrumentales, vocales et rythmiques pour structurer l’ensemble d’une pièce. Grâce au
caractère fluctuant des éléments qui composent chaque cellule (hauteurs de fréquence variable, rythme non mesuré) et
à la mémorisation du prototype, dont une
cellule ne doit pas s’écarter au-delà d’une
certaine marge de liberté, ce système de
composition permet d’élaborer une forme
déterminée avec des matériaux fluctuants.
Dans les autres genres de cette période
(Shômyô, Kôshiki, Heikyoku), apparaît
une structure intermédiaire, alliant les
éléments déterminés aux indéterminés.
Ainsi les notes principales ont une hauteur déterminée au diapason, tandis que le
rythme et le tempo ont une organisation
fluctuante de type cellulaire.
Période moderne. C’est le système de
composition par cellules qui caractérise
la plupart des formes musicales de cette
période. La musique vocale accompagnée
par le Shamisen (Gidayû, Tokiwazu, Kiyomoto, etc.), ou par le Biwa (Satsuma-biwa)
et la musique instrumentale pour Shakuhachi ont incorporé à leur technique la
fluctuation propre au système cellulaire
et exploitée à des fins expressives. Seule
la musique de Koto, pratiquée depuis le
XIIIe siècle uniquement par les prêtres et
les confucianistes, a hérité de la structure
déterminée propre à la musique aristocratique. Les pièces de Koto ont, en général,
une structure thématique, obtenue en
juxtaposant des sections (dan), qui représentent chacune une variation du thème
initial.
À chaque époque un type structural a
donc tendu à s’imposer pour des raisons
historiques ou esthétiques. Ainsi, la structure indéterminée a-t-elle toujours été
préférée dans la musique théâtrale, parce
qu’elle répond particulièrement bien aux
exigences du dynamisme dramatique.
LES SYSTÈMES DE NOTATION.
La notation dépend étroitement du type
musical, déterminé ou indéterminé. Le
premier système de notation fixe a dû être
introduit au Japon vers le VIIe siècle, avec
la musique venue de Chine et de Corée.
Le plus ancien document qui nous soit
parvenu est une partition pour Biwa de
Gagaku, qui date du milieu du VIIIe siècle.
Et la mobilité du système tétracordal, sur
lequel est fondée la musique de la période
préhistorique, incite à penser que la musique autochtone ignorait primitivement
toute notation fixe.
Période antique. Dans le Gagaku, on
note avec des idéogrammes la position
des doigtés instrumentaux. Par convention, chaque idéogramme correspond à la
valeur d’une ronde, qui est l’unité temporelle minimale du Gagaku.
Le Shômyô possède un système de notation neumatique, appelé Hakase, qui a
surtout un rôle mnémotechnique, car il
ne sert qu’à visualiser les mouvements des
lignes mélodiques. Aussi, le débutant ne
peut-il se passer de l’enseignement direct
d’un maître.
Période médiévale. C’est la notation
neumatique qui a été adoptée durant cette
période, où les principales formes musicales ont une structure fluctuante et une
technique vocale particulière. Le Kôshiki
hérite du système neumatique propre
au Shômyô, système qui va exercer une
influence sensible sur la notation de la
musique de nô. Cette dernière se compose
d’une part de neumes placés à droite du
texte de nô, et qui se lisent, comme celuici, de haut en bas à partir de la droite et
en allant vers la gauche. Ces neumes
indiquent les notes extrêmes des tétracordes, les mouvements mélodiques et la
technique vocale. D’autre part, la notation
comporte des dessins, placés en haut de
page, au-dessus du texte, et qui schématisent les gestes et les positions de l’acteur
principal. La notation du Nô-Kan (« flûte
de nô ») est distincte, car ces flûtes n’étant
pas accordées au diapason, chaque instrument émet des sons de hauteur différente.
Aussi n’écrit-on pas les notes, mais des
ronds blancs et noirs indiquent la tablature des doigtés, tandis que les signes du
syllabaire servent à marquer la solmisation, ce qui aide à mémoriser les cellules
mélodiques et à en déterminer le rythme.
Ce système de solmisation était d’ailleurs
déjà utilisé dans le Gagaku.
Quant au Heikyoku, comme il était
chanté par des musiciens aveugles, il
a seulement été noté au XVIIIe siècle. Et
même aujourd’hui, où des exécutants non
aveugles commencent à l’interpréter, cette
forme musicale reste liée à une tradition
orale.
Période moderne. Les notations de
cette période manquent d’uniformité.
Pour un même instrument, il n’est pas
rare de trouver des systèmes de notation
qui varient suivant l’école ou le moment.
Chaque chef d’école (Iemoto) instituait sa
propre notation, pour assurer à la fois la
qualité musicale de sa technique et en préserver le secret. On retrouve là l’esprit de
clan qu’a développé le système féodal de
cette époque.
Cependant les notations utilisées reposent soit sur un système neumatique,
soit sur l’emploi simultané de la tablature
et de la solmisation. Ainsi dans le Gidayû
ou le Tokiwazu, la partie vocale est notée
au moyen de neumes et la partie instrumentale d’accompagnement au Shamisen,
ou de solo de Shakuhachi, est transcrite à
l’aide de la solmisation et de la tablature
de doigtés. La musique de Koto a utilisé
la notation déterminée dont on se servait
pour le Koto de Gagaku (Gaku-sô). Aussi
a-t-on pu noter avec précision des partitions de Koto dès la fin du XVIe siècle.
Après la restauration de Meiji, la musique occidentale s’est répandue au Japon,
encouragée par le nouveau gouvernement.
Les musiciens de Gagaku furent les premiers à jouer cette musique, parce qu’ils
appartenaient à la classe aristocratique qui
venait de reprendre le pouvoir, et surtout
parce que le Gagaku, forme déterminée,
représente une conception musicale assez
proche de celle dont est issue la musique
classique de l’Occident, dont l’assimilation a été de la sorte facilitée.
PASSÉ ET PRÉSENT.
À travers ce survol historique se détachent
trois aspects essentiels de la musique
japonaise traditionnelle. Le patrimoine
musical japonais est à la fois fidèlement
conservé et toujours renouvelé. On est
saisi devant cette étonnante capacité d’intégration continue de genres musicaux
étrangers, sans préjudice pour la musique
autochtone primitive, dont les formes archaïques et médiévales se sont maintenues
sans interruption, ni changement impor-
tant jusqu’à nos jours, à côté de la musique classique ou moderne importée de
l’Occident. Sans doute le cloisonnement
très poussé qu’impose le système social japonais est-il en bonne partie responsable
de la conservation des genres musicaux
propres à chaque classe.
D’autre part, l’alternance de deux systèmes musicaux antagonistes est tout à
fait remarquable : aux matériaux sonores
indéterminés du système d’origine japonaise s’opposent les matériaux déterminés des systèmes importés de l’étranger.
Aujourd’hui encore, une nouvelle alternance se dessine : après avoir adopté la
musique occidentale de type déterminé,
les compositeurs japonais contemporains
reviennent vers les formes traditionnelles
indéterminées et tentent de découvrir une
nouvelle écriture. Les perspectives qu’ils
ouvrent se signalent par leur originalité,
à côté des apports de la musique électroacoustique et aléatoire, qui témoignent de
l’intérêt croissant des musiciens occidentaux pour les structures musicales de type
indéterminé.
Enfin, les facteurs psychophysiologiques l’emportent, dans la musique japonaise, sur l’intellectualité et l’abstraction
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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mathématique. L’impression sonore, la
qualité intrinsèque de chaque son priment, chez la plupart des compositeurs
japonais, les recherches ou les postulats
théoriques.
JAQUES-DALCROZE (Émile), compositeur, esthéticien et pédagogue suisse
(Vienne 1865 - Genève 1950).
Il fait ses études musicales à Genève, puis
à Paris et à Vienne, des études coupées
de brèves expériences professionnelles
comme pianiste au Chat-Noir et chef d’orchestre à Alger. Professeur d’harmonie au
conservatoire de Genève de 1892 à 1910,
il composa de nombreuses chansons, des
symphonies folkloriques (le Festival vaudois, 1903 ; la Fête de juin, 1914) et 4 opéras, dont Sancho Pança et le Bonhomme
Jadis. Mais son nom reste surtout attaché
à ses travaux sur la rythmique et l’expres-
sion corporelle, qui ont donné une base
scientifique à la danse moderne. Il ouvre
en 1910 à Dresde un institut, qui, transféré
l’année suivante à Hellerau, va former de
nombreux disciples. Dès 1920, la méthode
dalcrozienne est enseignée dans toute
l’Europe et jusqu’aux États-Unis. Elle fait
toujours autorité.
JARABE.
Danse mexicaine sur un rythme ternaire,
issue du zapateado andalou.
Lors des troubles qui devaient aboutir à l’indépendance du pays, au début
du XIXe siècle, les patriotes mexicains en
firent des chansons satiriques dirigées
contre l’occupant espagnol.
JARDANYI (Pal), ethnomusicologue
hongrois (Budapest 1920 - id. 1966).
Il étudia le violon à l’académie Franz-Liszt
de Budapest et la composition à titre privé
avec L. Bardos. De 1938 à 1942, il suivit
les cours de Z. Kodály à l’Académie, tout
en préparant une thèse de doctorat sur
l’ethnomusicologie. Il dirigea, de 1960 à
sa mort, le département d’ethnomusicologie de l’Académie des sciences, et laissa
une oeuvre non négligeable. Par ailleurs, il
écrivit des ouvrages sur la musique hongroise, sur Kodály et Bartók.
JARELL (Michael), compositeur suisse
(Genève 1958).
Il commence l’étude de l’écriture au
conservatoire populaire de sa ville natale, avec Éric Gaudibert, et poursuit sa
formation lors de stages aux États-Unis
(Tanglewood, 1979). Il devient ensuite
l’élève de Klaus Huber à la Hochschule
für Musik de Fribourg en Brisgau avant de
s’initier à l’informatique musicale à Paris.
Son séjour à l’I.R.C.A.M. (1986-1988) se
solde avec une commande - Congruences
pour flûte-midi, hautbois, ensemble et
live electronics (1988-89) - qui constitue,
pour lui, après la révélation de l’opéra de
chambre Dérives (1985), le début d’une
remarquable carrière, souvent récompensée par l’institution musicale (prix
Beethoven de la ville de Bonn pour Trei II
pour soprano et cinq instruments, 1986 ;
prix Gaudeamus pour Instantanées pour
grand orchestre, 1988 ; prix de la Fondation Siemens pour l’ensemble de son
oeuvre, 1990). Il s’est souvent intéressé à
la musique vocale et à la scène : Eco pour
voix et piano, 1986 ; le ballet Der Schatten, das Band, das uns an die Erde bindet
(1989) ; D’ombres lointaines... pour voix et
orchestre ; Formes-fragments pour six voix
et ensemble instrumental (1990) ; ballet
Harold et Maud (1991). Le monodrame
Cassandre, d’après le roman de Christa
Wolf, créé à Paris en 1994 au Théâtre du
Châtelet, est une parabole de l’incommunication, de la solitude et de l’incompréhension. Le catalogue de Jarell comprend
en outre From the Leaves of the Shadows Concerto pour alto et orchestre (1991),
Des nuages et des brouillards pour harpe,
piano, percussion et orchestre (1992),
Passages pour orchestre (1993), Rhizomes
pour deux pianos, deux percussions et
électronique (1993), le cycle Assonances
(dont ... chaque jour n’est qu’une trêve entre
deux nuits... chaque nuit n’est qu’une trêve
entre deux jours, ou Assonance V pour violoncelle et ensemble, 1990).
JARNACH (Philipp), compositeur allemand d’origine espagnole (Noisy-leSec 1892 - Bornsen, près de Bergedorf,
1982).
Élève de Risler (piano) et de Lavignac
(composition), il fit, à Zurich (1915), la
connaissance de Busoni, dont, après la
mort (1924), il termina le Doktor Faust. Il
prit la nationalité allemande en 1931, enseigna la composition à Cologne jusqu’en
1949, puis dirigea l’École supérieure de
musique de Hambourg jusqu’en 1959,
continuant ensuite à y enseigner la composition jusqu’en 1970. Il compta parmi
ses élèves Kurt Weill. Sa production, surtout instrumentale, révèle un esprit indépendant, tributaire néanmoins de l’école
française et de la musique allemande de
l’entre-deux-guerres (Musik mit Mozart,
1935 ; Musik zum Gedächtnis der Einsamen pour quatuor à cordes et orchestre à
cordes, 1952).
JÄRNEFELT (Armas), chef d’orchestre
et compositeur suédois d’origine finlandaise (Viipuri 1869 - Stockholm 1958).
Après ses études à Helsinki (1887-1890),
Berlin (1890) et Paris (1893-94), il occupa successivement les postes de chef
d’orchestre à Magdebourg, Breslau, Düsseldorf, Viipuri, Helsinki, Stockholm et
enfin Helsinki. De ses oeuvres ne survit
que sa célèbre Berceuse (Kehtolaulu), à la
mélancolie typiquement finnoise. Mais
il est regrettable que ne soient pas exhumées sa Rhapsodie finnoise ou sa Fantaisie
symphonique de 1895. À un non moindre
degré que ses compatriotes R. Kajanus ou
G. Schneevoigt, Järnefelt a été un ardent
défenseur de la musique de son beau-frère
Jean Sibelius, dont il a laissé de trop rares
témoignages discographiques.
JARRE (Maurice), compositeur français
(Lyon 1924).
Il fut élève de Félix Passerone (percussion)
et d’Arthur Honegger (composition).
Maurice Jarre signa en 1950 la musique
de scène pour le Prince de Hombourg au
festival d’Avignon et fut alors nommé
par Jean Vilar directeur de la musique du
Théâtre national populaire, pour lequel
il composa plusieurs musiques de scène
jusqu’en 1964. Prix Italia en 1955 pour
son opéra Armida, il reçut en 1964 de
l’Opéra de Paris la commande du ballet
Notre-Dame de Paris, créé en 1966. Il s’est
de plus en plus tourné vers la musique de
film, obtenant de grands succès avec les
Dimanches de Ville-d’Avray (1961), Mourir à Madrid (1962), Lawrence d’Arabie
(1963), le Docteur Jivago (1965), Jésus de
Nazareth (1976), la Route des Indes (1984),
Liaison fatale (1987), le Cercle des poètes
disparus (1990).
JÂRVI (Neeme), chef d’orchestre estonien (Tallinn, 1962).
Il étudie le piano, la percussion et la direction à l’école de musique de sa ville
natale. Émigré aux États-Unis en 1980, il
poursuit ses études à la Juilliard School,
puis travaille avec Léonard Bernstein et
Michaël Tilson Thomas. Au Curtis Institute de Philadelphie il étudie la direction
avec Max Rudolf et Otto Werner Müller.
En Scandinavie, il a été invité à diriger les
orchestres symphoniques de Malmö et
Göteborg en Suède, l’orchestre de la radio
norvégienne, l’orchestre philharmonique
de Bergen ainsi que plusieurs orchestres
finlandais. Il s’est produit aussi à la tête
de l’Orchestre national de Lyon, ceux du
Capitole de Toulouse et de Radio-Luxembourg. Directeur musical de l’ensemble de
musique contemporaine Lyra Borealis à
Toronto, il devient celui des Musiciens de
chambre de cette ville, interprétant avec
eux un répertoire allant du baroque aux
oeuvres d’aujourd’hui. Il a donné la pre-
mière audition soviétique du Chevalier à
la Rose et il est le dédicataire de la Symphonie no 3 d’Arvo Pärt. Il a réalisé de très
nombreux enregistrements (intégrales
symphoniques en particulier).
JAUBERT (Maurice), compositeur français (Nice 1900 - Azerailles 1940).
De brillantes études de droit lui ouvrirent
une carrière d’avocat, mais la vocation
musicale l’emporta. En 1923, il entreprit
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
511
de solides études d’harmonie et de contrepoint sous la direction d’Albert Groz. Il
composa des mélodies et de la musique
de chambre, mais l’avènement du cinéma
parlant, en 1930, marqua le tournant décisif de sa carrière. Nommé directeur de la
musique chez Pathé-Cinéma, il écrivit, à
partir de 1931, une quarantaine de musiques de film, collaborant avec René Clair
(Quatorze Juillet), Jean Vigo (l’Atalante),
Marcel Carné (Drôle de drame, Quai des
brumes), Julien Duvivier (Carnet de bal).
Jaubert a également composé un ballet, le
Jour (1931) et une Jeanne d’Arc (1937) sur
des textes de Péguy. Parmi ses mélodies,
la Chanson de Tessa (1934) pour la pièce
de Giraudoux est un chef-d’oeuvre de
simplicité et d’émotion, et le recueil l’Eau
vive (1938), sur des textes de Giono, est
pénétré de l’esprit de la Haute-Provence.
Mobilisé en 1939, Jaubert a été tué à la tête
de sa compagnie à Azerailles, près de Baccarat, le 19 juin 1940.
JAUFRÉ RUDEL, troubadour français,
vraisemblablement né à Blaye au début
du XIIe siècle, mort en Palestine en 1147.
Si l’on en croit la légende qui a inspiré à
Edmond Rostand sa Princesse lointaine.
Seigneur de Blaye, il aurait pris part à la
deuxième croisade pour rejoindre la dame
de ses rêves, une certaine comtesse de
Tripoli, qui aurait recueilli son dernier
soupir, dès son arrivée à destination. Ce
qui est certain, c’est qu’il chanta cette croisade, également célébrée par son confrère
Marcabru, et composa des chansons d’un
caractère très lyrique, dont quatre seulement nous sont parvenues avec leur mélodie notée. Parmi celles-ci, Lan quan li jorn
son lonc en Mai (« Lorsque les jours sont
longs en mai ») connut au Moyen Âge une
grande popularité.
JAZZ.
Musique afro-américaine créée au début
du siècle par les communautés noire et
créole du sud des États-Unis, et basée
pour une large part sur l’improvisation,
un traitement original de la matière sonore et une mise en valeur spécifique du
rythme (swing).
Le jazz est né de la rencontre sur le sol
américain de deux traditions musicales
européenne et africaine. Dès son origine,
il apparaît comme une vaste entreprise de
détournement de la culture musicale occidentale par une autre, la contreculture des
descendants des esclaves et, à leur suite,
de tout ce que l’Amérique comptait de
citoyens de « seconde zone «, notamment
les créoles de couleur. Longtemps considéré comme une simple musique de danse
et de bar, le jazz est aujourd’hui universellement reconnu comme un art majeur.
L’étymologie du mot « jazz « reste encore
aujourd’hui controversée. Le mot apparaît pour la première fois dans la presse de
New York en 1917 à l’occasion de la venue
d’un orchestre blanc, l’Original Dixieland
Jass (ou Jasz, ou Jaz, puis Jazz) Band.
LA PRÉHISTOIRE DU JAZZ.
On s’accorde à reconnaître que le « berceau « du jazz fut la Nouvelle-Orléans.
C’est là que se produisit, entre 1890 et
1910, une fusion entre trois courants musicaux jusqu’alors parallèles : la musique
populaire des Noirs (la musique religieuse,
les chants de travail et surtout le blues), le
ragtime et la version « blanche « européanisée, de la musique populaire afro-américaine (les chants des minstrel shows et
la musique de vaudeville). La synthèse de
ces trois courants n’aurait sans doute pas
pu s’opérer sans la rencontre des musiciens noirs avec les musiciens « créoles
de couleur «, c’est-à-dire des mulâtres
d’expression française que le code législatif de Louisiane considérait comme des
« nègres «. Plus instruits musicalement
que les Noirs, les créoles de couleur assimilèrent vite ce qui faisait l’originalité de
la musique populaire négro-américaine
(le travail vocalisé des timbres et des sons,
l’importance de la percussion et l’adaptation des variations pentatoniques à la
gamme occidentale traditionnelle). Cela
explique que la plupart des « pionniers du
jazz « furent des créoles de couleur, dont
les plus connus sont Jelly Roll Morton et
Sidney Bechet.
LE JAZZ NOUVELLE-ORLÉANS.
Si le jazz vit le jour à la Nouvelle-Orléans
et y fut popularisé par des musiciens plus
ou moins légendaires (Buddy Bolden,
Manuel Perez, George Baquet, Alphonse
Picou), c’est à Chicago qu’il s’épanouit
vraiment. La fermeture, en 1917, du quartier réservé de « Storyville « provoqua un
exode massif de musiciens vers Chicago,
qui leur offrait de rentables possibilités de
travail. King Oliver s’y installe dès 1918
avec sa formation l’Original Creole Jazz
Band (Johnny Dodds ou Jimmie Noone
à la clarinette, Honoré Dutrey au trombone, Lil Hardin au piano, Baby Dodds
à la batterie et Louis Armstrong au cornet). C’est avec cet ensemble, que King
Oliver enregistre en 1923 les morceaux
les plus caractéristiques du style Nouvelle-Orléans, fondé principalement sur
l’improvisation collective et la recherche
d’une polyphonie spontanée. De son côté,
en 1922, Jelly Roll Morton fonde les Red
Hot Peppers, ensemble avec lequel il va
créer de nombreux chefs-d’oeuvre. En
1925, Louis Armstrong quitte l’orchestre
de King Oliver pour diriger les premières
sessions de son Hot-Five. Parallèlement
à l’activité des musiciens noirs, de jeunes
musiciens blancs tentent avec succès une
adaptation originale du style NouvelleOrléans. Les plus célèbres représentants
du « style Chicago « sont les trompettistes
Bix Beiderbecke, Muggsy Spanier, les
saxophonistes et clarinettistes Frank Teschemacher, Frankie Trumbauer, Pee Wee
Russell, Bud Freeman, Benny Goodman et
Mezz Mezzrow, ainsi que le batteur Gene
Krupa. Peu à peu, New York prend le relais de Chicago. Des pianistes de ragtime,
puis de stride (James P. Johnson) ont
commencé à y développer des formes plus
sophistiquées. Dès 1920, Fletcher Henderson y fonde son premier grand orchestre.
C’est à New York également que Louis
Armstrong s’impose comme la première
« vedette du jazz «.
Mais, dès 1929, le style et la conception orchestrale de la Nouvelle-Orléans
ont vécu. King Oliver et Jelly Roll Morton cessent peu à peu leur activité. Louis
Armstrong joue exclusivement avec des
grands orchestres, parfois très commerciaux. Il faudra attendre 1940, et la vogue
du New-Orleans Revival, pour que ce style
retrouve les faveurs d’un public.
LE MIDDLE-JAZZ
(ou mainstream, ou jazz classique). C’est
la période où le jazz conquiert sa liberté et,
en même temps, une large audience. Les
cadres étroits de l’improvisation collective
Nouvelle-Orléans vont être délaissés au
profit, d’une part, de l’improvisation du
soliste, d’autre part de l’écriture orchestrale. Fletcher Henderson est le premier
à tenter de renouveler le langage du jazz.
Son orchestre, où s’illustrent de brillants
solistes (en particulier Benny Carter et
« l’inventeur du saxophone «, Coleman
Hawkins), ouvre la voie à Duke Ellington, dont la pemière formation prend son
essor en 1927. En 1928, Ellington joue au
Cotton Club de Harlem, où il reste quatre
ans. Ce même club, qui tiendra un grand
rôle dans l’histoire du jazz, voit lui succéder le grand orchestre de Cab Calloway
et, en 1934, de Jimmie Lunceford. Au
même moment, Kansas City devient une
nouvelle ville élue du jazz. Les orchestres
d’Andy Kirk et de Bennie Moten font les
beaux soirs du Reno Club, où, en 1935,
pour la première fois, se produit la formation de Count Basie.
Cette période heureuse qui voit le
triomphe des « big bands « va recevoir le
nom d’» ère du swing «. Le « swing « a été
aux États-Unis, dans le milieu des années
30, autant un style qu’un phénomène
social. Le jazz devient une musique de
divertissement et de danse « respectable
«. Au cours de la décennie précédente, les
grandes formations de plus de dix musiciens étaient rares. Entre 1936 et 1944,
elles vont se multiplier. À partir de l’été
1938, elles vont même conquérir les boîtes
minuscules de la 52e rue de New York, « la
rue qui ne dormait jamais «.
Tandis que, avec Coleman Hawkins,
Johnny Hodges, Teddy Wilson, Benny
Carter, Lionel Hampton, Fats Wallet et
quelques autres, le jazz s’invente un clasdownloadModeText.vue.download 518 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
512
sicisme, le public, lui, invente une frénésie
(« swing craze «) et proclame le clarinettiste blanc Benny Goodman « roi du swing
«. Goodman impose pour la première fois
dans un orchestre blanc des musiciens de
couleur et ouvre toutes grandes au jazz les
portes du temple de la musique « sérieuse
«, le Carnegie hall, lors d’un concert historique, le 16 janvier 1938. Mais, si Benny
Goodman règne sur le swing, chez surtout
chez Count Basie que le swing règne. C’est
au sein de son orchestre que se révèle le
saxophoniste Lester Young.
LE JAZZ MODERNE. LA RÉVOLUTION BE-BOP.
À la fin des années 30, la technique et l’invention des grands improvisateurs de jazz
atteint la perfection. Refusant le conformisme croissant, toute une génération de
jeunes musiciens décide de faire éclater
les canevas traditionnels de l’improvisation. C’est à partir de 1943, au cabaret «
Minton’s Playhouse «, que va s’élaborer
un nouveau style : le be-bop. Cette révolution musicale, dont les principaux artisans se nomment Kenny Clarke, Thelonious Monk, Dizzy Gillespie, Bud Powell,
Fats Navarro et Charlie Parker, témoigne
d’un triple enrichissement. Rythmique
d’abord : alors que le style middle-jazz
prodiguait un soutien rythmique souple,
mais souvent uniforme, débouchant sur
l’égalité des quatres temps, le be-bop innove en laissant une plus grande autonomie au batteur et au bassiste. Harmonique
ensuite : les thèmes sont renouvelés par
une utilisation constante des accords de
passage et le recours à des accords inhabituels. Mélodique enfin : la phrase se plie
à un chromatisme systématique ou utilise
des intervalles plus étendus.
LE JAZZ COOL.
À la fin des années 40, par contraste avec
les flamboiements expressionnistes du
be-bop, un nouveau style se dessine : le
jazz cool (littéralement : « frais «). Il est
né de trois séries d’expériences autonomes : l’une d’elles a lieu dans l’orchestre
de Claude Thornhill, où se rélèvent deux
arrangeurs de talent, Gil Evans et le saxophoniste baryton Gerry Mulligan. Ils se
retrouvent en 1949 et 1950 dans le nonette
de Miles Davis, pour qui ils écrivent des
arrangements sur des compositions bebop. Une deuxième expérience est menée
par le pianiste Lennie Tristano, qui, avec
ses élèves (Lee Konitz, Warne Marsh et
Billy Bauer), élabore un jazz d’une grande
beauté formelle. La troisième tendance du
cool est représentée par les Four Brothers
(Herbie Steward, Stan Getz, Zoot Sims,
Serge Chaloff, puis Jimmy Giuffre et Al
Cohn), saxophonistes dans l’orchestre de
Woody Herman. Ils réalisent une synthèse
des jeux de Lester Young et de Charlie Parker. Le jazz cool devait par la suite surtout
s’acclimater chez les musiciens blancs de
la West Coast et se couler dans les diverses
tentatives de « Third Stream « (troisième
courant), qui durant les années 50, prétendirent enrichir le jazz par le sérieux des
techniques de composition empruntées à
la musique classique (Gunther Schuller).
LE HARD-BOP.
Au milieu des années 50, en réaction
contre le cool, se lève une nouvelle génération de musiciens noirs décidés à laver le
jazz de toute intellectualité et à prêcher un
retour aux racines nègres du jazz : le blues,
le gospel song et les chants de travail. On
appela cette variante musclée du bop «
hard bop « (ou bop « dur «), mais aussi «
jazz funky « (littéralement « sale «). Cette
musique fervente et passionnée fait très
vite la conquête d’un vaste public. Surtout
illustré en quintette, le hard bop est mis en
valeur par les formations de Max Roach,
Sonny Rollins, Art Blakey, Horace Silver
et Cannonball Adderley.
LA RÉVOLUTION COLTRANIENNE.
Au début des années 60, le jazz retrouve
une forte effervescence créatrice : le
contrebassiste Charles Mingus prolonge
l’oeuvre de Duke Ellington en créant une
musique véhémente et colorée avec des
solistes qui annoncent le free jazz (Éric
Dolphy). Tout en se situant dans le prolongement direct des innovations parkeriennes, le saxophoniste alto Ornette Coleman bouscule ouvertement les principes
établis de l’harmonie et de l’improvisation. Mais c’est incontestablement le saxophoniste John Coltrane qui allait révolutionner le jazz. Il se lance en 1960 dans
une expérience modale qui le conduit en
1964 à participer à l’aventure du free jazz.
LE FREE JAZZ
(jazz libre) ou new thing (nouvelle chose).
Au milieu des années 60 surgit un mouvement, autant politique que musical, de
libération à l’égard des conventions et de
l’» ordre établi «. Brisant les critères traditonnels qui définissaient jusqu’alors la
musique de jazz (le swing, le respect de
la trame harmonique, etc.), les nouveaux
défricheurs inventent une musique violente, chaotique, convulsive, qui n’accepte comme seul principe que celui de
l’improvisation collective. Les principaux
responsables de cette tourmente sonore
sont le pianiste Cecil Taylor, le trompettiste Don Cherry, les saxophonistes Albert
Ayler, « Pharoah « Sanders, Archie Shepp
et un groupe issu de l’Association for the
Advancement of Creative Musicians, l’Art
Ensemble of Chicago (Roscoe Mitchell,
Joseph Jarman, Lester Bowie et Malachi
Favors).
LE POST-FREE.
Au début des années 70, tandis que la
vague free reflue, Miles Davis, en électrifiant sa trompette, tente de jeter un pont
entre le jazz et le rock. Pour réaliser cette
fusion, il s’entoure de jeunes musiciens
qui, après l’avoir quitté, voleront tous de
leurs propres ailes : Herbie Hancock, John
Mc Laughlin, Tony Williams, Jack Dejohnette, Chick Corea et Keith Jarrett.
Dans le même temps, un nouveau
courant se fait jour. Conduit par le saxophoniste Anthony Braxton, il se veut la
recherche d’un « au-delà du jazz «, en direction d’horizons qui le rapprochent de
la musqiue contemporaine européenne.
À la fin des années 70 s’est amorcé un
important mouvement de retour au bebop (« be-bop revival «). De nombreux
musiciens balayés par la tempête du free
jazz, retrouvent les faveurs du public
(Dexter Gordon, Sonny Rollins). D’autres,
comme Archie Shepp, renouent avec la
tradition.
JEAN DE GARLANDE, théoricien de la
musique ( ? v. 1190 - Paris v. 1255).
Descendant d’une ancienne famille de
la Brie, il se fixa à Paris, où il enseigna à
l’université. Il fut l’auteur de deux traités,
De plana musica (v. 1240) et De mensurabili musica ; ce dernier traité fut soumis à
révision après sa mort et s’intitula De musica mensurabili positio, pour être inclus
dans le Tractatus de musica de Jérôme de
Moravie. Ces traités sont essentiellement
consacrés à l’art polyphonique et à sa
notation, tant du point de vue intervallique que rythmique. S’y trouvent pour la
première fois exposées les notions d’intervalles consonants et dissonants.
JEHANNOT DE L’ESCUREL, compositeur français ( ? - Paris 1304).
Pendu pour cause de débauche, il est
l’auteur de chansons, dont seules 34 nous
sont parvenues grâce à une copie réalisée
à la fin du manuscrit du Roman de Fauvel. De ces chansons, classées par ordre
alphabétique jusqu’à la lettre G, toutes
sont monodiques sauf une, le rondeau à
trois voix À vous, douce débonaire. Leur
style rappelle celui de la voix supérieure
des motets de Pierre de la Croix.
JELIC ou JELICH, ORIGINALEMENT
JELICIC (Vinko), compositeur croate (Rijeka 1596 - Saverne, Alsace, 1636).
Il étudia avec M. Ferrabosco à la cour
de Graz, où il fut enfant de choeur, puis
instrumentiste (1606-1617), avant de
prendre un poste à la cour de Saverne.
Son premier recueil, Parnassia Militia
concertuum, publié à Strasbourg en 1622,
contient 24 motets pour 4 voix et orgue
et 4 ricercari pour cor et trompette. Deux
autres recueils de motets, Arion Primus
et Arion Secundus, ont paru, à Strasbourg
également, en 1628.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
513
JELINEK (Hanns), compositeur autrichien (Vienne, 1901 - id. 1969).
Après avoir étudié la musique en autodidacte, il travailla avec Schönberg et Alban
Berg (1918-19), puis avec Franz Schmidt.
Comme Schönberg, il est parti d’un langage postromantique pour adopter ensuite le système sériel. Il a composé des
oeuvres pour orchestre (6 symphonies) et
pour divers effectifs de chambre, des cantates (Ganymed, Prometheus, An Schwager
Kronos, Die Heimkehr), des mélodies, ainsi
que de nombreuses musiques de film sous
le pseudonyme de Hanns Elin. En 1958, il
a été nommé professeur à l’Akademie für
Musik und darstellende Kunst de Vienne.
En 1966, il a obtenu le prix de l’État autri-
chien. Il a écrit Anleitung zur Zwölftonkomposition (1952 ; 2e éd., 1967).
JÉLYOTTE (Pierre de), ténor français
(Lasseube 1713 - Oloron 1797).
Chantre dans la maîtrise de la cathédrale
Saint-Étienne de Toulouse, il y fut remarqué, en 1732, par le prince de Carignan,
inspecteur général de l’Opéra de Paris,
qui l’engagea comme premier ténor. Il y
débuta en 1733 dans une reprise des Fêtes
grecques et romaines de Colin de Blamont,
et chanta par la suite plusieurs grands
rôles de Rameau avec la soprano Marie
Fel. Il eut la sagesse de quitter la scène en
pleine gloire, à quarante-deux ans, mais
continua de paraître dans des concerts
de société, notamment ceux de la cour.
Auteur de nombreuses chansons qu’il
interprétait en s’accompagnant lui-même,
il composa aussi un opéra-ballet, Zelisca,
qui ne fut jamais représenté.
JENEY (Zoltán), compositeur hongrois
(Szolnok 1943).
Il étudia à Debrecen, Budapest et Rome.
Très marqué par Schönberg, il lui rendit
hommage dans Alef-Hommage à Schönberg (1971-72), dont « le contenu musical
exploite l’idée maîtresse de la pièce centrale, Couleurs », des Cinq Pièces op. 16 du
maître autrichien. Il est aujourd’hui avec
Kurtág, Bozay et Balassa l’un des créateurs
les plus en vue de la jeune école hongroise.
JENKINS (John), compositeur anglais
(Maidstone 1592 - Kimberley, Norfolk,
1678).
Également joueur de luth et de viole, il
fut protégé par diverses familles nobles,
participa à Londres en 1634 à la représentation du masque The Triumph of Peace, et
termina sa vie chez sir Philip Wodehouse
à Kimberley, non sans avoir été nommé,
à la restauration des Stuarts, joueur de
théorbe à la cour de Charles II. Sa production, importante (plus de 800 oeuvres instrumentales ont survécu) et de très haute
qualité, comprend essentiellement de la
musique d’ensemble, tant pour violes ou
pour violons que pour ces deux instruments à la fois. Il excella autant dans la
fantaisie polyphonique héritée de Byrd,
souvent traitée par lui à un seul thème,
que dans les danses entraînantes. On admire chez lui un lyrisme intense et un sens
remarquable des sonorités. Parmi cette
Consort Music, 12 fantaisies (Fancies) et
2 In Nomine à six voix. Sa musique vocale
sacrée et profane, parmi laquelle une Élégie sur la mort de William Lawes, est moins
importante en quantité. Aucune de ses
oeuvres ne fut publiée de son vivant.
JENKO (Davorin), compositeur yougoslave (Dvorje 1835 - Ljubljana 1914).
Il étudia simultanément la musique et le
droit à Vienne, puis alla se perfectionner
à Prague (1869-70). Il dirigea plusieurs
ensembles vocaux avant de devenir chef
d’orchestre de l’Opéra de Belgrade (18711902). Auteur de l’hymne national slovène, il est surtout réputé pour ses nombreuses productions lyriques, qui le font
considérer comme le créateur de l’opéracomique national serbe, et aussi pour ses
oeuvres chorales profanes et religieuses. Il
a également écrit de nombreuses oeuvres
pour orchestre. Son style cherche à concilier la forme classique occidentale avec la
tradition du chant populaire serbe.
JENNY (Albert), compositeur suisse (Soleure 1912 Epikon 1992).
Il fait ses études à Berne (Lehr et Chardon), puis aux conservatoires de Francfort
(Sekles et Schmeidel) et de Cologne. Il est
directeur musical du collège San Fidelis à
Stans (Nidwalden) de 1936 à 1944, puis
professeur au conservatoire de Lucerne
et directeur du choeur des Semaines musicales internationales (1946-1962). Son
oeuvre, d’abord influencée par Honegger
et Frank Martin, s’est ensuite inspirée de
Bartók, Hindemith et Schönberg, sans
rompre avec le système tonal ni avec les
modes d’église. Elle comprend surtout de
la musique religieuse (choeurs, psaumes,
oratorios, cantates, 40 motets, des messes,
un Te Deum), des pages orchestrales
(sérénade, rhapsodie pour saxophone et
orchestre, suite pour orchestre à cordes),
des pièces pour orgue et de la musique de
chambre.
JÉRÔME DE MORAVIE ou HIERONYMUS DE MORAVIA, théoricien de la musique originaire de Moravie (fin XIIIe s.).
Il fut dominicain au couvent de la rue
Saint-Jacques à Paris, où il semble avoir
enseigné la musique pendant plusieurs
années. Il a été rendu célèbre par son Tractatus de musica (éd. critique par S. Cserba,
Ratisbonne, 1935), rédigé probablement
dans la seconde moitié du XIIIe siècle.
Ce traité peut être considéré comme
une véritable encyclopédie de la musique
de l’époque. Compilation des traités existants, selon un procédé alors habituel, son
originalité tient à ce que Jérôme de Moravie ne manque pas de citer ses sources,
voire de les résumer. Les auteurs dont il
évoque les théories sont les plus réputés
de ce temps, tels Francon de Cologne, Jean
de Garlande, Pierre Picard ; il reproduit
textuellement leurs ouvrages, ou encore
Boèce, Gui d’Arezzo, Jean Cotton et Isidore de Séville, qui sont à la base de son
enseignement. Faisant état de préoccupations pédagogiques, l’auteur donne aussi
des règles de composition et d’esthétique ;
il semble en particulier avoir été le premier à rendre compte de façon détaillée
des règles concernant le rythme et l’ornementation du chant ecclésiastique au
Moyen Âge. Un autre chapitre important
fournit des renseignements précieux sur
l’accord et le doigté de deux instruments
à archet : le rebec à deux cordes et la vièle
à cinq cordes.
Témoin d’une culture musicale qui réunissait l’art et la science, ce traité est l’un
des plus importants que l’on possède pour
l’histoire de la musique du Moyen Âge.
JEU DE TIMBRES.
Instrument à percussion de la famille des
« claviers ».
Son nom suffit à définir ce groupe de
calottes métalliques, en nombre variable,
disposées horizontalement du grave à
l’aigu, que l’exécutant frappe à l’aide d’un
petit maillet.
JEU (D’ORGUE).
Ensemble de tuyauterie d’un orgue correspondant à un timbre et à une hauteur
donnés.
Chaque jeu, constitué d’un ou de plusieurs tuyaux par note, sur la totalité ou
seulement sur une partie du clavier, représente une unité sonore de l’orgue. Tout
orgue se singularise par le nombre et le
choix de ses jeux, le caractère que le facteur leur a donné et la façon dont il les
a harmonisés entre eux. La liste des jeux
afférant à chaque clavier et au pédalier est
dite « composition » de l’orgue. Les différents jeux de l’orgue se regroupent par
grandes familles, selon leur mode d’émission du son : les jeux de fond, de mutation,
de mixture et d’anche. Les diverses ressources de sonorités différentes d’autres
instruments que l’orgue sont également
appelées jeux, en particulier au clavecin, à
l’harmonium et au synthétiseur.
La hauteur d’un jeu est mesurée par la
longueur, exprimée en pieds, de son tuyau
le plus grave. Ainsi, un jeu de 8 pieds
(qu’on écrit aussi 8′) est un jeu dont le
tuyau faisant entendre le do grave mesure
huit pieds, soit environ 2,40 m ; il correspond à la hauteur normale des voix,
l’octave de référence (celle du la[3-]) se
trouvant alors au centre du clavier. Le jeu
de 16 pieds, deux fois plus long, sonne à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
514
l’octave inférieure, celui de 32 pieds à la
double octave ; de même, le jeu de 4 pieds
sonne à l’octave supérieure, celui de 2
pieds à la double octave.
JEUNESSES MUSICALES DE FRANCE
(J.M.F.).
Mouvement fondé en 1941 par René Nicoly pour « éveiller la sensibilité musicale
des jeunes de toute condition... et établir
un lien entre le phénomène musical et la
culture générale ».
Chef de service aux éditions Durand
et passionné de musique, R. Nicoly avait
organisé dès le début de la Seconde Guerre
mondiale des séances d’initiation musicale à l’intention des mobilisés. En 1941,
il prit contact avec Marcel Cuvelier, qui
dès 1940 avait réalisé en Belgique une
expérience semblable, et fonda les J. M. F.
malgré les contraintes de l’Occupation.
D’abord parisien, le mouvement gagna
bientôt la province, et prit son plein essor
après la Libération. Une Fédération internationale des jeunesses musicales fut créée
en 1945, qui, en 1976, devait regrouper 35
pays. En 1948, les J. M. F. ont leur journal.
En 1957, elles comptent environ 200 000
adhérents dans 290 villes, qui bénéficient
régulièrement de concerts commentés. La
« conférence-concert » est en effet à la base
de l’action des J. M. F. Des conférenciers
aussi réputés qu’Émile Vuillermoz, Norbert Dufourcq, Roland-Manuel, Jacques
Feschotte, accompagnent dans toute la
France des interprètes non moins prestigieux : Ginette Neveu, Pierre Bernac,
Hélène Bouvier, les Pasquier, Charles
Panzera, Henri Mercckel, etc. Des oeuvres
sont commandées, des « opéras de poche »
montés spécialement pour les tournées
J. M. F.
En 1969, René Nicoly est nommé administrateur de la Réunion des théâtres
lyriques nationaux en pleine crise, et c’est
dans les coulisses de l’Opéra en grève qu’il
meurt subitement deux ans plus tard. Le
professeur Louis Leprince-Ringuet lui
succède à la présidence des J. M. F., qui
connaissent alors de graves difficultés financières et ne retrouveront jamais l’activité et l’efficacité de leurs vingt premières
années. Mais ne suffit-il pas à leur gloire
d’avoir révélé la musique à une génération
entière de Français ?
JEU-PARTI. (litt. « jeu partagé », provençal joc partit ou partimen).
Genre littéraire et musical en vogue aux
XIIe et XIIIe siècles, consistant en un débat
chanté soutenu par deux adversaires, qui
disposent tour à tour d’une strophe (généralement 3 chacun) pour défendre un
point de vue opposé, sur une même mélodie, selon des règles poétiques précises.
La dispute peut être arbitrée par un juge
qui dispose lui-même d’une strophe ou
d’une demi-strophe analogue à celle des
adversaires. Le genre est resté vivant dans
plusieurs traditions folkloriques : chiamirespondi corse, desafio (« défi ») portugais,
etc.
Parfois le premier partenaire indique
le sujet et l’alternative des réponses ; le
second choisit l’une d’elles et le premier se
voit alors tenu de soutenir la thèse opposée. Pour certains érudits, ce serait là l’une
des conditions de définition du jeu-parti,
l’autre condition étant la présence d’un
sujet amoureux ; ceux qui y échappent se
rangeraient sous le terme plus général de
tenson (en prov. tenso). Une variante du
jeu-parti est le débat, marqué par le caractère fictif du cadre et des interlocuteurs,
présentés en préambule dans une pre-
mière strophe impersonnelle.
JOACHIM (Irène), cantatrice française
(Paris 1913).
Arrière-petite-fille du célèbre violoniste
Joszef Joachim, elle débuta en 1939 à
l’Opéra-Comique, où se déroula la plus
grande partie de sa carrière. Irène Joachim
a chanté notamment Micaela de Carmen,
Rosenn du Roi d’Ys, Sophie de Werther, la
Comtesse des Noces et surtout Mélisande,
personnage auquel elle s’identifia de
façon idéale. Spécialisée dans la musique
française contemporaine (elle créa, Salle
Favart, Amphitryon 38, Ginevra, Guignol,
Marion et le Rossignol de Saint-Malo), elle
n’en fut pas moins une remarquable interprète du lied romantique allemand. Sa
beauté, sa présence physique, sa voix au
timbre frais et pur ont fait d’elle une artiste lyrique particulièrement attachante.
Une classe de chant lui a été confiée au
Conservatoire de Paris.
JOACHIM (Joszef), violoniste et chef
d’orchestre allemand d’origine hongroise (Kittsee, près de Presbourg,
1831 - Berlin 1907).
Il travailla avec G. Hellmesberger senior
à Vienne et F. David à Leipzig, et, grâce
à Mendelssohn, devint premier violon
dans l’orchestre du Gewandhaus (1843).
Il parut ensuite à Londres (1844), Dresde,
Vienne et Prague (1846). Il fut premier
violon à Weimar (1849), où il vécut dans
le cercle de Liszt, directeur des concerts à
Hanovre (1856), puis directeur de l’École
supérieure de musique de Berlin (1868),
à laquelle il donna un essor considérable.
Il devint, dans cette même ville, sénateur
puis vice-président de l’Académie des arts.
Il forma plus de 400 élèves, et reste toujours cité comme modèle pour ses interprétations du concerto de Beethoven, qu’il
imposa définitivement au répertoire, et
des oeuvres pour violon seul de Bach, que,
grâce à la puissance de son jeu, il fut le
premier à donner sans accompagnement.
Ami fidèle de Brahms malgré de nombreuses brouilles, il fut le dédicataire et le
premier interprète de son concerto (furent
aussi écrits à son intention ceux de Schumann, Max Bruch et Dvořák). En 1869, il
fonda un quatuor qui porta son nom, qu’il
conduisit jusqu’à sa mort et dont les interprétations sont demeurées légendaires.
Son oeuvre la plus célèbre comme compo-
siteur est le Concerto à la hongroise op. 11
pour violon et orchestre (1861).
JOBIN (Raoul), ténor canadien (Québec
1906 - id. 1974).
Il est entièrement formé à Paris, au
Conservatoire puis à l’Opéra, où il est
pensionnaire dès 1930. De 1935 à 1940, il
chante au Palais-Garnier et à l’Opéra-Comique les plus grands rôles du répertoire :
Faust, Roméo, Lohengrin, Werther ou
don José. En 1940, il part aux États-Unis,
où il est engagé au Metropolitan de New
York. Il y assume quatorze rôles d’opéras français en dix saisons, et dès 1946
fait son retour à l’Opéra de Paris. Retiré
à Montréal en 1957, il y fonde une école
de chant.
JOCHUM (Eugen), chef d’orchestre
allemand (Babenhausen 1902 - Munich
1987).
Il a fait ses études au conservatoire
d’Augsbourg, puis à l’Akademie der Tonkunst de Munich avec H. von Waltershausen, E. Gatscher, L. Maier, H. Röhr, W.
Ruoff et S. von Hausegger. Il fut chef de
choeur à Munich, Mönchengladbach, Kiel,
Mannheim. De 1930 à 1932, il fut directeur général de la musique à Duisbourg.
Il dirigea ensuite l’Opéra et l’Orchestre
philharmonique de Hambourg (19341949), l’Orchestre de la radio bavaroise
(à partir de 1949) et le Concertgebouw
d’Amsterdam (1961-1964). Il fit avec ces
ensembles de nombreux enregistrements,
ainsi qu’avec les orchestres symphoniques
de Berlin, de Bamberg, et le London Symphony Orchestra. Il a également dirigé à
Bayreuth. Spécialiste de la musique allemande, il contribua grandement à imposer l’oeuvre symphonique de Bruckner.
Il est aussi réputé pour la gravité et la
puissance qu’il sait conférer aux grandes
oeuvres religieuses (Passions de Bach,
Missa solemnis de Beethoven).
JODLER. (prononcer yodleur).
Chant populaire sans paroles, typique des
régions montagneuses et particulièrement
pratiqué en Suisse, au Tyrol et dans les
Alpes bavaroises, d’où son nom germanique généralement traduit en français
par « tyrolienne ».
Le chanteur (plus rarement la chanteuse) qui « ioudle » ou « ioule » exécute
sur des syllabes choisies pour leur sonorité des sauts dépassant parfois l’octave,
en faisant alterner voix de poitrine et voix
de tête. Plutôt qu’un mode d’expression
artistique, c’est donc à l’origine une sorte
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de cri modulé, qui permet aux bergers
de signaler leur présence à des distances
considérables. Mais son caractère acrobatique et pittoresque, dépassant son rôle
fonctionnel primitif, lui a donné droit de
cité au concert et au théâtre. Offenbach,
notamment, a introduit plus d’une « tyrolienne » dans ses opérettes.
JOHANSEN (David Monrad) [ou MONRAD-JOHANSEN, David]. Compositeur
norvégien (Vefsn 1888 - Sandvika 1974).
Représentant de la tendance nationalromantique de l’après-Grieg, D. Monrad
Johansen est avant tout un lyrique dont les
premières oeuvres utilisent aussi bien les
thèmes folkloriques que la poésie épique
des anciennes sagas et du Moyen Âge norvégien. La ballade Draumkvaedet (1921),
l’oratorio Voluspå (1923-1926) et le cycle
de mélodies Nordlands Trompet développent un style lapidaire et vigoureux
que l’on retrouve dans la Fantaisie symphonique (1936) où le compositeur affirme
le langage de sa maturité avec une grande
maîtrise. Mais le plus intéressant est la remarquable assimilation de ce style avec les
harmonies et les idiomatismes de l’impressionnisme français. Né de cette synthèse,
le poème symphonique Pan, écrit en 1939
pour la célébration du quatre-vingtième
anniversaire de l’écrivain K. Hamsun, est
l’oeuvre qui a valu au compositeur le plus
grand succès ; l’orchestration très riche,
l’écriture élaborée de l’ouvrage, contribuent à en faire un magnifique hommage
au poète et à la nature norvégienne. Dans
son ultime production, les Variations symphoniques (1944-1946), le Concerto pour
piano (1952-1954) et le Quatuor à cordes
(1969) sont les ouvrages les plus importants qui indiquent la volonté d’un retour
vers les formes classiques.
JOHNSON (Robert), luthiste et compositeur anglais ( ? 1583 environ - Londres
1633).
Luthiste chez les King’s Musicians à partir de 1604, il est au service de Jacques Ier
et de Charles Ier en 1625. Il est l’auteur de
pièces instrumentales, mais c’est surtout
sa musique de théâtre qui est demeurée
célèbre. De 1607 à 1617, il collabore aux
productions de la King’s Men Compagny
of Players au Blackfriars, en composant
musique de scène et chansons pour des
pièces de Shakespeare (Macbeth, The Tempest, etc.), Middleton, Beaumont et Fletcher, entre autres, et des masques de Ben
Jonson. Certaines de ses chansons sont
très suggestives et il devient peu à peu très
habile à traiter le rythme verbal. Il eut de
nombreux imitateurs, dont Henry Lawes
et T. A. Arne, et son oeuvre est très importante pour notre compréhension des
représentations de l’époque, en particulier
dans le cas de Shakespeare.
JOLAS (Betsy), femme compositeur française (Paris, 1926).
Fille de Marie Jolas, traductrice, et d’Eugène Jolas, poète et journaliste, éditeur de
la revue littéraire Transition, elle s’établit
aux États-Unis en 1940, où elle achève
ses études classiques au lycée français
de New York, puis au Bennington College, où elle obtient en 1946 le diplôme
de Bachelor of Arts in Music. Elle commence ses études musicales en 1940 avec
P. Boepple (harmonie et contrepoint),
C. Weinrich (orgue) et Hélène Schnabel
(piano). Simultanément, elle participe
comme choriste, pianiste et organiste aux
concerts des Dessoff Choirs de New York,
dont l’expérience vocale lui fait découvrir Pérotin, Josquin, Lassus, Schutz et la
musique de la Renaissance italienne ; ses
oeuvres futures en porteront la marque.
Revenue en France en 1946, elle entre au
Conservatoire national, où elle est élève
de D. Milhaud et O. Messiaen et où elle
obtient le 2e prix de fugue (1953), la 1re
mention d’analyse musicale (1954) et le 2e
accessit de composition (1955). Elle reçoit
aussi la 1re mention au concours international de direction d’orchestre de Besançon (1953), le prix de la fondation Copley
de Chicago (1954) et, plus tard, le prix des
auteurs et compositeurs de langue française attribué par l’O. R. T. F. (1961), le
prix de l’American Academy of Arts and
Letters (1973), le grand prix national de
la musique (1974), le prix de la fondation
Koussevitski (1974), etc.
Dès ses débuts, sa personnalité s’impose
aux spécialistes, surtout à partir du Quatuor II pour soprano coloratura et trio à
cordes (1964), qui compte parmi ses plus
grands succès de compositeur. En 1971,
elle devient l’assistante de Messiaen à sa
classe d’analyse. L’année suivante elle est
nommée professeur d’analyse supérieure
au Conservatoire national, puis en 1978,
professeur de composition. Parmi ses
oeuvres principales, on peut citer D’un
opéra de voyage (1967) pour 22 instruments, Sonate à 12 (créée en 1971) pour 12
voix solistes a cappella, le Pavillon au bord
de la rivière (1975), opéra chinois, Tales
of a Summer Sea (1977) pour orchestre,
Stances (1978) pour piano et orchestre,
Liring Ballade (1980) pour baryton et orchestre sur un texte allemand d’Eugène
Jolas, le Cyclope, opéra pour enfants
d’après Euripide (créé à Avignon en
1986), Quatuor V (1995), l’opéra Schliemann (Lyon, 1995).
Les oeuvres de Betsy Jolas témoignent
d’une prédilection marquée pour la voix
et pour le vocal à l’intérieur d’une texture proprement instrumentale, ainsi
que d’une tendance explicite à une forme
globale fermée, fondée sur une structure
gestuelle préméditée. Ainsi, Quatuor II
avec voix, mais sans texte (un peu comme
les quatuors avec flûte ou hautbois au
XVIIIe siècle), joue avec « un réseau de
comparaisons, portant aussi bien sur le
matériau que sur le mode d’évolution et
variant insensiblement de l’opposition
caractérisée vocale-instrumentale à l’identification absolue ». Dans D’un opéra de
voyage (1967) pour 22 instruments, en
revanche, la fonction vocale est assumée exclusivement par des instruments
mélodiques (cor anglais et flûtes). Tous
les instruments (l’ensemble instrumental
est celui des Oiseaux exotiques de Messiaen) « se comportent comme des voix,
chantent, rient, parlent ou déclament,
crient, murmurent ou soupirent ». Particulièrement fascinée par la Sonate pour
flûte, alto et harpe de Debussy, ainsi que
par le premier Schönberg (par exemple,
Erwartung), elle attache une très grande
importance à l’expérimentation formelle,
aux déroulements continus et aux techniques associatives d’agencement des
matériaux à l’intérieur de l’oeuvre. Après
avoir suivi de très près l’expérience de la
technique sérielle, Betsy Jolas se détache
immédiatement de tout système compositionnel universel particulièrement
rigide au profit des solutions individuelles conformes à chaque projet concret
d’oeuvre. Révélée par le Domaine musical
(Quatuor II est écrit pour le Domaine musical), elle poursuit toujours sa recherche
en dehors des groupes et des centres de recherche. Son travail de composition, mené
dans plusieurs directions, évite pour l’instant la musique électronique considérée
comme « un piège » de matériaux sonores
séduisants qui « peuvent vous faire perdre
votre lucidité ». En revanche, l’ordinateur
peut devenir, selon elle, « assistant » utile,
facilitant considérablement le travail du
compositeur.
JOLIVET (André), compositeur français
(Paris 1905 - id. 1974).
Fils et petit-fils de Parisiens, André Jolivet naît sur les pentes de la butte Montmartre. Son père est fonctionnaire à la
Compagnie des autobus ; il aime la peinture et la pratique en amateur. Sa mère,
excellente musicienne, chante et joue du
piano. Avant de s’orienter définitivement
vers la musique, l’enfant est d’abord attiré
par tous les arts. En 1918, sa vocation
se dessine : il écrit le texte et la musique
d’une Romance barbare, son premier essai
de composition. Mais il ne choisit pas encore. Bientôt il s’essaie à la peinture sous
la direction du peintre cubiste Georges
Valmier. Il étudie le violoncelle, mais se
passionne aussi pour le théâtre. Tout cela,
en marge des études universitaires qu’il
poursuit afin d’entrer dans l’enseignement
(où il exercera de 1928 à 1942). Loin de
se disperser, le jeune homme acquiert
ainsi les éléments d’une culture solide
et originale, qui le prépare à son travail
créateur. Il reste à apprendre le métier
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de compositeur. De 1921 à 1924, André
Jolivet étudie l’harmonie sous la direction
de l’abbé Théodas, maître de chapelle de
Notre-Dame de Clignancourt. Entre 1927
et 1933, il complète sa formation auprès
de Paul Le Flem et d’Edgar Varèse, qui lui
enseignent, avec la plus grande rigueur, la
pratique de l’écriture et de l’orchestration,
le mettent en garde contre les facilités de
l’improvisation, encouragent son audace,
et favorisent son goût pour la décou-
verte. André Jolivet ne suit pas la filière de
l’enseignement traditionnel, mais il n’est
pas, pour autant, un autodidacte ; il a des
maîtres exigeants et travaille avec acharnement.
Sa première oeuvre importante, achevée en 1934, est un Quatuor à cordes.
Il y applique pour la première fois ses
principes de composition atonale : page
trop dense peut-être, d’une réelle audace
pour l’époque. Suivent, en 1935 et 1936,
une suite pour piano, Mana, et les 5 Incantations pour flûte seule. André Jolivet réalise, dans une écriture fondée sur
les résonances naturelles et les rythmes
irrationnels, son dessein de restituer à
la musique « son sens originel antique,
lorsqu’elle était l’expression magique et
incantatoire de la religiosité des groupements humains ». Participant à la fondation du mouvement Jeune-France, aux
côtés d’Yves Baudrier, de Daniel Lesur et
d’Olivier Messiaen, André Jolivet inscrit
au programme du premier concert donné
par ce groupe, le 3 juin 1936, sa Danse
incantatoire pour orchestre, 2 ondes Martenot et 6 percussions. En 1939, il compose Cinq Danses rituelles pour piano et
orchestre. Mobilisé en 1940, il se retrouve,
au moment de l’Armistice, dans un petit
hameau de la Haute-Vienne, où il écrit
les Trois Complaintes du soldat, qui seront
créées par Pierre Bernac et Charles Munch,
le 28 février 1943 à la Société des concerts
du Conservatoire, où elles obtiendront un
succès foudroyant et imposeront d’une
manière définitive le nom de leur auteur.
Serge Lifar lui commande un ballet, Guignol et Pandore, créé à l’Opéra de Paris le
29 avril 1944. Nommé, en 1945, directeur
de la musique à la Comédie-Française,
poste qu’il occupe jusqu’en 1959, André
Jolivet écrit, en 1947, le Concerto pour
ondes Martenot, qui est le premier d’une
série d’oeuvres concertantes comprenant,
entre autres, le Concerto pour piano, dont
la création, à Strasbourg, par Lucette Descaves, le 19 juin 1951, a été particulièrement mouvementée, deux Concertos pour
trompette (1948 et 1954), un Concerto pour
percussion (1958), deux Concertos pour
violoncelle (1962 et 1966), un Concerto
pour violon (1972) et Songe à nouveau
rêvé, concerto pour voix de soprano et
orchestre, créé à Paris, le 30 avril 1971,
par Colette Herzog. Dès 1948, la renommée du musicien dépasse nos frontières. Il
effectue de nombreux voyages en Europe,
en U. R. S. S., aux États-Unis, au Japon. Sa
2e Symphonie est créée, en 1959, à Berlin,
sa 3e Symphonie, en 1964, à Mexico, son 2e
Concerto pour violoncelle, en 1967, à Moscou, par Mstislav Rostropovitch. Nommé,
en 1966, professeur de composition au
Conservatoire de Paris, André Jolivet démissionne en 1970. Le théâtre national de
l’Opéra lui commande un ouvrage lyrique.
Le livret qu’il choisit est de Marcel Schneider, le titre : le Lieutenant perdu. André
Jolivet n’aura pas le temps d’achever cet
ouvrage. Il meurt d’une manière aussi
inattendue que brutale, emporté par une
violente attaque de grippe, le 20 décembre
1974.
Pour André Jolivet, le problème de la
communication était primordial. La raison d’être de la musique était, selon lui,
d’établir des rapports, d’une part, entre
le corps et l’âme, c’est-à-dire entre la
matière sonore et l’esprit qui la soulève et
qui l’anime ; d’autre part, entre le créateur
et son public. Respectant l’instinct, répudiant la froide intelligence, il ne s’est pas
fié pour autant au sentiment pur, mais a
pensé logiquement son oeuvre et l’a méthodiquement conduite vers des champs
de plus en plus larges. Il s’est d’abord affranchi du système tonal, non en adoptant
les règles du dodécaphonisme, mais en
utilisant les phénomènes naturels de la résonance, avec leurs harmoniques les plus
éloignés. En même temps, il s’est attaché
à retrouver le sens de la continuité mélodique, étayant la mélodie de points d’appui bien caractérisés. Son langage postule
la liberté, mais revendique la clarté, et
avant tout une matière sonore dynamique,
un rôle essentiel étant confié à l’élément
rythmique. Pour André Jolivet, le rythme
ne repose pas seulement sur la répétition
de formules métriques, il règle le débit du
lyrisme, il est déterminé par les phases et
les intensités du flux sonore. Un regard
d’ensemble sur l’oeuvre d’André Jolivet
permet d’y distinguer trois périodes. Entre
1935 et 1939, l’accent est mis sur les phénomènes incantatoires et sur un certain
primitivisme, voulus comme une libération du langage et comme un retour aux
sources. C’est la période de Mana (1935),
des Incantations pour flûte (1936), des
Cinq Danses rituelles (1939). La Seconde
Guerre mondiale provoque chez le musicien une réflexion sur la nécessité d’être
entendu de tous. Dans un langage assagi,
plus clair, plus tendre, plus serein, des
harmonies modales, des rythmes moins
violents, une instrumentation plus traditionnelle créent un climat plus tempéré
où l’auditeur peut aisément se retrouver.
C’est la période de la Messe pour le jour de
la paix et des Trois Complaintes du soldat
(1940), de la Suite liturgique (1942), des
Poèmes intimes (1944). Après la guerre, la
synthèse de l’incantation et du lyrisme, de
l’audace et de la clarté, de la liberté et de
la tradition humaniste s’accomplit dans
des oeuvres de grande envergure, sonates,
symphonies, concertos. Le concerto, domaine privilégié pour André Jolivet, attise
le feu de son inspiration parce que cette
forme musicale est en soi un défi, un appel
au dépassement des pouvoirs du créateur
et de ses interprètes. S’il fallait citer trois
oeuvres qui caractérisent le mieux l’art du
musicien, on pourrait, sans se tromper,
choisir le Concerto pour ondes Martenot,
le Concerto pour piano et le concerto pour
soprano intitulé Songe à nouveau rêvé. Au
sens le plus noble du terme, la création
d’André Jolivet est un combat, un corps à
corps avec la matière sonore. Le jeu n’est
jamais gratuit, le dernier mot n’est pas à la
virtuosité, il est à l’émotion, au lyrisme, à
un lyrisme d’essence cosmique qui aspire
à faire de la musique « la vibration même
du monde ».
JOMMELLI (Niccolò), compositeur italien (Aversa 1714 - Naples 1774).
Élève de Francesco Feo à Naples, il y
débuta comme auteur d’opéra bouffe
en 1737, et, trois ans plus tard, à Rome,
donna son premier opera seria (Ricinero,
re de’Gotti, d’après Zeno), qui révéla sa
véritable voie. En 1741, il prenait contact à
Bologne avec le grand pédagogue G. Martini, y fut élu « académicien », puis, grâce à
l’appui de Adolf Hasse, se fixa à Venise, où
il dirigea le conservatoire des Incurables.
Dès 1747, il était en poste à Rome et l’écho
de ses triomphes le fit appeler à la cour de
Vienne, où il connut Métastase. Nommé
maître de chapelle du duc de Wurtemberg, il se fixa à Stuttgart (1753-1769) :
c’est là qu’il composa ses oeuvres maîtresses et eut de fréquents échanges avec
l’opéra français ainsi qu’avec l’orchestre
de Mannheim. De retour à Naples, il y retrouva, en 1770, le jeune Mozart qu’il avait
déjà apprécié en 1763, mais il se heurta à
l’incompréhension de ses compatriotes,
peu disposés à accueillir son style nouveau. Il se tourna alors plus fréquemment
vers la musique sacrée et fit exécuter son
Miserere en 1774, peu avant sa disparition.
Jommelli fut le premier compositeur
italien qui sentit la nécessité de donner
à l’opera seria une meilleure authenticité dramatique ; dès 1741, avec Semiramide, il osa confier la partie mélodique à
l’orchestre, aux dépens du chant, audace
qu’il développa dans Demofoonte (1743)
et dans Achille a Siros (Vienne, 1749), faisant dialoguer la voix avec l’instrument
soliste, selon la fonction psychologique
des timbres instrumentaux. Ses contacts
avec l’Allemagne et avec la France, l’influence de Hasse d’une part, celle de
Rameau de l’autre développèrent encore
chez lui, outre un intérêt grandissant pour
le choeur et le ballet, son désir de donner à
l’orchestre une part de plus en plus active,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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dans le récitatif, dans l’accompagnement
ou la conclusion des airs, et même jusque
dans l’inclusion d’intermèdes symphonique ; enfin, les structures vocales perdirent leur rigidité formelle, l’aria da capo
faisant souvent place à la cavatine expressive, cependant que son écriture harmonique s’enrichissait, procédés dont Mozart
sut faire son profit, et que l’on note dans
l’Olympiade (1761), Vologeso (1766) et surtout dans Fetonte (version de 1768). Ayant
cherché à appronfondir et non à réformer
l’opéra seria, toujours selon l’éthique de
Métastase (qui lui recommanda pourtant
de ne pas négliger la voix au profit de
l’accompagnement). Jommelli fut néanmoins le père de la réforme de l’opera
seria, avant Algarotti, et longtemps avant
Calzabigi et Gluck. Sa musique religieuse
apparaît d’un style très nouveau, comme
en témoigne son Requiem, écrit durant
son séjour vénitien, annonciateur du style
galant, et que Mozart connut sans doute.
Outre les opéras déjà cités, mentionnons
encore Ezio (1741), Didone abbandonata
(1747, rév. 1749 et 1763), l’Ifigenia (1751)
et Armide abbandonata (1770). Ses ouvertures d’opéra influencèrent les oeuvres instrumentales des musiciens de Mannheim.
Le « crescendo orchestral » de Stamitz,
écrivit Burney, fut « stimulé par les productions de Jommelli ».
JONGEN, famille de compositeurs
belges.
Joseph (Liège 1873 - Sart-lez-Spa, près
de Liège, 1953). Il étudia au conservatoire de Liège, y fut professeur auxiliaire
d’harmonie et de contrepoint dès l’âge
de dix-neuf ans (1892-1898), remporta le
second prix de Rome en 1895 et le premier
en 1897. Professeur de fugue au conservatoire de Bruxelles en 1920, il dirigea
cet établissement de 1925 à 1939. Proche
des idéaux de la Schola cantorum, dans la
lignée directe de l’esthétique franckiste, il
fut le plus important compositeur wallon
de sa génération. On lui doit notamment
une symphonie (1898-99), une symphonie
concertante avec orgue principal (1926),
des pages symphoniques comme Impressions d’Ardennes (1913), le poème symphonique Lalla-Roukh (1904), de la musique de chambre, la Messe pour choeurs,
cuivres et orgue (1946).
Léon, frère du précédent (Liège 1884 Bruxelles 1969). Également pianiste, il
succéda à son frère Joseph comme directeur du conservatoire de Bruxelles (19391949). Ses voyages à travers le monde lui
inspirèrent des pages d’un exotisme très
coloré (Malaisie pour orchestre, 1935). Citons aussi l’opéra Thomas l’Agnelet (192223) et le ballet le Masque de la Mort rouge
(1956).
JONGLEUR.
Dans la monodie profane du XIIe siècle,
ce terme désignait celui qui n’était pas
créateur (poète, compositeur ou poètecompositeur) comme le troubadour, mais
simplement exécutant, et qui se déplaçait
de lieu en lieu, de château en château, en
s’efforçant de mettre ses talents au service
de qui voulait bien le payer. On appelait ménestrel un jongleur ayant obtenu
un emploi fixe, par exemple auprès d’un
noble. Le plus célèbre de ces ménestrels
fut Blondel, au service de Richard Coeurde-Lion.
JORDAN (Armin), chef d’orchestre
suisse (Lucerne 1932).
Après des études universitaires à Fribourg (lettres, droit et théologie), il
décide de se consacrer entièrement à la
musique. Il étudie aux Conservatoires
de Genève et de Lausanne, fonde à l’âge
de dix-sept ans un petit orchestre à Fribourg et commence à diriger l’orchestre
du Théâtre de Bienne-Soleure. Nommé à
l’Opéra de Zurich, il est à partir de 1969
chef permanent de l’Opéra de Bâle, puis
de 1973 à 1989 directeur musical de cette
maison. En 1973, il prend la direction de
l’Orchestre de chambre de Lausanne, formation avec laquelle il effectue plusieurs
tournées dans le monde et enregistre de
nombreux disques. Attaché aussi bien au
répertoire lyrique, wagnérien en particulier, qu’au répertoire symphonique, il
donne à l’Orchestre de chambre de Lausanne un niveau international et réalise
la bande originale du film de Syberberg
Parsifal. Nommé en 1985 directeur musical de l’orchestre de Suisse romande, il a
été de 1986 à 1993 chef invité privilégié de
l’Ensemble orchestral de Paris.
JOSQUIN DES PRÉS, compositeur français (Picardie v. 1440 - Condé-sur-l’Escaut 1521).
Trois grandes périodes (que reprend H.
Osthoff à la suite d’Ambros pour tenter
un classement de ses oeuvres) s’imposent :
la jeunesse, soit la période milanaise
(jusqu’en 1486) ; les séjours de Rome et
Ferrare (1486-1505) ; le retour en France
et dans les Pays-Bas (1505-1521). Ainsi
se dégage l’importance des influences
italiennes, qui, en se greffant sur une
connaissance approfondie de l’art du
contrepoint tel qu’il était pratiqué dans les
pays du Nord, permit à Josquin Des Prés
(ou plutôt Desprez) de dépasser les formes
traditionnelles de son temps par un regard neuf sur les rapports du texte et de
la musique. D’après le tableau de Claude
Héméré (1633), il aurait été chantre à la
collégiale de Saint-Quentin, mais les premières traces vérifiables de ses activités
ne se situent qu’après son installation en
Italie. Il fut « Giscantor » à la chapelle du
Dôme de Milan (1459-1472), entra au service du duc Sforza (1474), puis du cardinal Ascanio Sforza, qui l’introduisit dans
les milieux romains, appartint à la chapelle papale (1486-1494), avec toutefois
quelques interruptions. On le signala alors
à Milan, Paris, Plaisance, Modène (148788), Nancy (1493). En 1499, il quitta définitivement Rome pour Ferrare et entra
dans la chapelle du duc Hercule Ier, qui le
chargea de recruter des chanteurs à l’automne 1501 en Flandres. Glaréan nota son
voyage à la cour de Louis XII avant son
retour en 1503 à Ferrare, où il demeura
jusqu’à la mort du duc (1505). Eut-il en-
suite des démêlés avec la cour de France ?
Toujours est-il qu’on le retrouva à SaintQuentin (1509), puis en 1515 à Condésur-l’Escaut, où il termina son existence
comme doyen-prévôt.
Les contemporains le regardaient
déjà comme le plus grand maître de son
temps, et, jusque vers 1600, ses oeuvres
furent citées dans les écrits théoriques
(cf. Glaréan, Spataro, Lampadius, Gaffurio, Castiglione, Luther, etc.) ; beaucoup
servirent de modèles et furent transcrites,
notamment pour luth. Elles se répandirent encore par la tradition manuscrite,
mais l’imprimerie musicale leur assura
bientôt une plus vaste diffusion ; Petrucci
imprima 3 volumes de Messes (1502, 1505,
1514) ainsi que des fragments de messes
(Fragmenta missarum) en 1505, tandis que
ses chansons paraissaient à Anvers (Susato, 1545), Paris (Attaingnant, 1549 ; Le
Roy et Ballard, 1555). Près de 20 messes, 5
credo, 2 sanctus, plus de 100 motets, plus
de 70 chansons nous sont parvenus ; près
de 150 oeuvres sont d’attribution discutable.
Il n’y a pas à proprement parler un type
de messe josquinienne, chacune ayant ses
particularités. Dans la ligne de Dufay, Josquin construisit certaines messes sur un
cantus firmus profane (les deux messes
l’Homme armé), ou utilisa parfois le principe de la missa parodia (Malheur me
bat, Fortuna desperata, Mater Patris). Les
constructions en canon correspondaient
à son goût pour les problèmes d’architecture et d’écriture (cf. notamment celle
des ténors). Le principe d’imitation continue à toutes les voix s’affirmait comme
une marque essentielle (messe Hercules
Dux Ferrarie et messe Pange lingua, son
chef-d’oeuvre) ; il est lié à la division du
groupe vocal (soprano-ténor/alto-basse)
et à un souci constant de mettre en valeur
le sens figuratif émotionnel du texte par
des figures types à valeurs symboliques.
Utilisant aussi parfois le cantus firmus ou
même l’isorythmie, appliquant le principe
de l’imitation continue ou libre (pour les
textes des psaumes), les motets peuvent
être jugés supérieurs aux messes. En tout
cas, ils deviennent chez lui la forme religieuse libre par excellence : Josquin s’y
affranchit des contraintes de la messe,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
518
donne libre cours à son imagination créatrice et à sa virtuosité. Il ne craignit pas
d’en écrire une quarantaine à cinq ou six
voix, le reste étant, comme les messes,
à quatre voix. Il y apparaît comme un
maître incontesté du contrepoint, l’héritier d’Ockeghem, d’Obrecht et Busnois,
mais tendu vers la recherche d’un équilibre (parole/musique, harmonie/polyphonie, mélodie/rythme), d’une alliance
subtile entre l’émotion et le métier artisanal (cf. Ave Maria, Miserere, Stabat Mater).
Son oeuvre profane comporte, outre des
frottole, des chansons (sur des textes français, italiens, latins) à 3 voix (typiques du
XVe siècle), mais aussi à 4 (Mille Regretz),
et 25, dont 17 en forme de canon, à 5 et 6
voix (Baisiez-moi à 6 voix et triple canon ;
Nymphes des bois, Déploration sur la mort
d’Ockeghem à 5 voix). Toutefois, la puissance sonore n’étant pas recherchée pour
elle-même, il est rare que le cadre de l’écriture dépasse quatre parties. Abandonnant
pour ainsi dire le poème à forme libre et le
respect du découpage par vers, la chanson,
malgré son cadre étroit, profite comme le
motet des procédés d’écriture de la messe,
même si le genre ne semble pas avoir été
le but privilégié des efforts du compositeur. Une page comme Mille Regretz peut
être considérée comme l’exemple parfait
de l’alliance du texte et de la musique, du
dosage des voix, du sens du verticalisme.
Dans ce domaine encore, Josquin fait figure de précurseur et de génie. Héritier
de tout le XVe siècle, il pénétra de plainpied dans celui de la Renaissance. De sa
gloire et de sa grandeur témoignent ces
fameuses paroles de Luther : « Josquin
est le maître des notes, elles se plient à ses
ordres, tandis que les autres restent sous
leur dictée. »
JOTA.
Danse populaire espagnole, d’origine aragonaise, à 3/4.
Son nom a été longtemps attribué au
poète Ben Jot, réfugié au XIIe siècle à
Calatayud, mais elle ne remonterait pas
au-delà du XVIIIe siècle et pourrait provenir de l’ancienne « canario «. D’un
rythme sans ambiguïté, elle favorise des
mélodies énergiques et joyeuses, parfois
grotesques ou ironiques, sur lesquelles les
couples dansent face à face et sur place,
en changeant fréquemment de position.
Son caractère varie suivant les régions
(Valence, Murcie, Baléares, Canaries),
mais elle est toujours un symbole de fermeté et de gloire. On la dansait naguère
au moment des fêtes du Pilar et jusque
dans les cérémonies funèbres (notamment
pour les enfants qui vont con los ángeles).
Presque tous les compositeurs espagnols
(Granados, Albéniz, Falla et les zarzuelistes) ont écrit des jotas, ainsi que Glinka,
Liszt, Chabrier et Laparra.
JOURNET (Marcel), basse française
(Grasse 1867 - Vittel 1933).
Il chanta à la Monnaie à Bruxelles (18941900), au Metropolitan Opera de New
York (1900-1908) et à l’Opéra de Paris
(1908-1932). Sa voix puissante, enregistrée plusieurs fois dans de bonnes conditions, lui permit de chanter Scarpia dans
la Tosca, Tonio dans Pagliacci, et divers
rôles de Wagner, tels Hans Sachs, Wotan,
Titurel et Gurnemanz.
JOUVE (Pierre-Jean), écrivain français
(Arras 1887 - Paris 1976).
Influencé par les derniers symbolistes, rallié ensuite à l’unanimisme, il fit une place
de plus en plus importante à l’inconscient
dans son oeuvre et renia son attitude spirituelle précédente. La poésie devint pour
lui acte de connaissance, le moyen par excellence, tout comme la musique et l’art,
d’accéder à l’expérience profonde ou à
l’indicible. Fasciné par la musique, dont il
dit qu’elle fut « la passion » de sa vie, mais
surtout par Mozart et par l’opéra, Jouve
fut un spectateur assidu du festival de
Salzbourg, dès 1921, avant d’être l’un des
créateurs du festival d’Aix-en-Provence et
d’y participer à la première représentation
du Don Juan de Mozart (1949). Tandis que
son oeuvre littéraire reflétait cette admiration, il se lança dans l’analyse musicale
avec le Don Juan de Mozart (1942), puis,
en collaboration avec Michel Fano, avec
Wozzeck ou le Nouvel Opéra (1953). Dans
ces deux ouvrages, la méthode d’interprétation fait intervenir à la fois l’analyse
technique et des considérations sur la philosophie de l’oeuvre, tandis que la poésie
se voit confier la tâche d’éclairer différemment la critique musicale. L’oeuvre de
Pierre-Jean Jouve lui valut le grand prix
national des lettres en 1962, puis, en 1966,
le grand prix de poésie de l’Académie
française.
JOY (Geneviève), pianiste française (Bernaville 1919).
Entrée en 1931 au Conservatoire de Paris,
elle y fait des études très complètes et travaille le piano avec quatre professeurs,
dont Yves Nat, son principal maître. En
1941, elle obtient son 1er Prix de piano
et s’intéresse d’emblée à la musique de
son temps (elle appartient dès l’âge de
vingt-trois ans au comité de lecture de la
Radiodiffusion). De 1944 à 1947, elle est
chef de chant à l’Orchestre national. En
1945, elle commence à se produire en duo
de piano avec J. Robin et épouse l’année
suivante le compositeur Henri Dutilleux
(dont elle crée peu après la Sonate pour
piano). En 1952, elle fonde avec Jeanne
Gautier et André Levy le Trio de France.
Au long d’une carrière très active, elle
consacre un part importante de son temps
à l’enseignement, d’abord comme professeur de déchiffrage au Conservatoire
de Paris (où elle est nommée en 1950)
puis comme professeur de musique de
chambre à l’École normale de musique
de Paris (1962-1966) et au Conservatoire
de Paris (1966-1986). Grande interprète
du répertoire de piano du XXe siècle, elle a
créé des oeuvres de Ohana, Dutilleux, Milhaud, Jolivet, Auric, Rivier, Constant, etc.
JOYEUSE (Jean de), facteur d’orgues
français ( ? 1638 - ? 1698).
Il fut aussi organiste. Il travailla à Paris
et dans la région parisienne, puis dans le
sud-ouest de la France, où il implanta le
style des maîtres classiques parisiens. Il est
l’auteur de l’orgue de la cathédrale d’Auch
(1688-1694), reconstruit depuis.
JUBILUS.
Mot latin désignant les vocalises développées ornant la syllabe terminale du mot
alleluia dans les pièces de même nom de la
messe chantée.
Le nom de jubilus, qui en évoque le
caractère « jubilatoire », a été commenté
par saint Augustin dans un texte célèbre,
Enarrationes super psalmos ( ! NEUME et
! PNEUMA).
JUDENKÜNIG (Hans), luthiste allemand
(Schwäbisch-Gmünd, v. 1445-1450 Vienne 1526).
Installé à Vienne à partir de 1518 au
moins, il est l’auteur de deux livres de
luth (Utilis et compendiaria introductio...
Vienne entre 1515 et 1519 ; Ain schone
kunstliche Underweisung..., ibid. 1523). Ses
transcriptions des Odes d’Horace mises en
musique par P. Tritonius permettent de
penser qu’il était en relation avec le milieu
des humanistes. L’important traité qui accompagne le livre de 1523 évoque la technique de jeu et l’art de la mise en tablature
des compositions vocales.
JUILLIARD SCHOOL OF MUSIC.
Établissement américain d’enseignement
musical fondé à New York en 1905 par
James Loeb et Frank Damrosch, sous le
nom de Institute of Musical Art.
D’abord installé sur la 5e Avenue, il fut
transféré Claremont Avenue pour aboutir en 1969 au Lincoln Center. L’année
précédente, il avait été rebaptisé Juilliard
School en hommage au mécène Augustus Juilliard, qui finançait l’entreprise dès
1920. La Juilliard School of Music comprend actuellement plus de 200 classes,
où sont enseignées toutes les disciplines
non seulement musicales, mais théâtrales
et chorégraphiques. Les installations permanentes du Lincoln Center ont considérablement facilité, à partir de 1962, l’extension des activités de la Juilliard School
vers l’expression scénique, avec la possibilité de monter trois opéras par an, d’ouvrir
des classes d’art dramatique et de colladownloadModeText.vue.download 525 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
519
borer avec la School of American Ballet
de George Balanchine. Enfin, cette école
américaine est devenue véritablement
internationale après la Seconde Guerre
mondiale, avec un pourcentage croissant
de professeurs et d’élèves étrangers. La
qualité de son enseignement, dispensé par
des artistes illustres, en fait une pépinière
de jeunes talents.
JULLIEN (Gilles), organiste et compositeur français (Paris v. 1653 - Chartres
1703).
Sa vie est très peu connue : on suppose
qu’il a été à Paris l’élève de Lebègue, ou,
plus sûrement, de Gigault ; après quoi, dès
1667, il fut nommé titulaire de l’orgue de
la cathédrale de Chartres, fonction qu’il
occupa jusqu’à sa mort. En 1690, parut
son Livre d’orgue contenant les huit tons de
l’église pour les fêtes solennelles. Celui-ci se
compose de quatre-vingts pièces, dix par
ton : préludes, fugues, duos, récits, basses,
dialogues, pages manifestement influencées par celles de ses maîtres. Certaines
sont écrites à cinq voix, genre dont Jullien
croyait être l’inventeur, alors que Gigault
et Raison avaient déjà écrit de la sorte. Héritier du style classique, Jullien annonce
en bien des pages l’aspect décoratif de
l’orgue du XVIIIe siècle.
JUMIÈGES.
Abbaye bénédictine de Normandie, entre
Rouen et Honfleur, aujourd’hui en ruine.
Elle fut célèbre au IXe siècle pour avoir
été le berceau de l’invention des tropes,
qui devaient proliférer à travers le Moyen
Âge et donner naissance, par dérivation,
aux plus importantes innovations tant de
la littérature que de l’histoire musicale, y
compris les trouveurs et le théâtre à travers le drame liturgique. Recueilli à SaintGall, en Suisse, après la fuite des moines
devant l’invasion normande vers 850, et
développé dans ce monastère par Notker
dit le Bègue, le trope de Jumièges, qui était
essentiellement un « trope d’adaptation »
(adaptation de paroles nouvelles sur l’ancienne vocalise), s’y transforma en « trope
de développement » et devint la séquence,
dont plusieurs témoins, tous de « nouveau
style », c’est-à-dire du XIe siècle au plus
tôt, comme Victimae paschali laudes, Veni
sancte Spiritus ou Dies irae, sont encore en
usage.
JUNKER (Carl Ludwig), théoricien et
pédagogue allemand (Kirchberg an der
Jagst 1748 - Ruppertshofen 1797).
Partisan de l’Empfindsamkeit, il publia
notamment, à Berne, en 1776, une brochure intitulée Zwanzig Componisten, eine
Skizze (Esquisse sur vingt compositeurs)
et critiquant violemment la musique
« moderne » représentée par Haydn.
JURINAC (Sena), soprano autrichienne
d’origine yougoslave (Travink 1921).
Elle débuta en 1942 à Zagreb dans le rôle
de Mimi de la Bohème. Engagée à l’Opéra
de Vienne dès 1945, elle y fit l’essentiel
de sa carrière, tout en paraissant régulièrement dans les grands festivals internationaux, ainsi qu’à Paris, à Londres et à
San Francisco. C’est une des plus remarquables cantatrices de l’après-guerre, tant
par ses qualités purement vocales que par
l’éclectisme de son tempérament. Pendant
plus de trente ans, elle a triomphé dans
Mozart (Elvire, puis Anna de Don Juan, la
Comtesse des Noces de Figaro, Ilia d’Idoménée), Verdi (Élisabeth de Don Carlos,
Desdémone d’Othello), Strauss (Octave
du Chevalier à la rose et le compositeur
d’Ariane à Naxos), Moussorgski (Marina
de Boris Godounov), Puccini (Cio Cio San
de Madame Butterfly) et Berg (Marie de
Wozzeck). Avec les années, la voix de Sena
Jurinac a pris ampleur et dramatisme sans
rien perdre de ses qualités de timbre.
JUSTESSE.
Terme désignant la conformité du son
émis par un instrument ou une voix avec
l’échelle musicale qui sert de référence.
Mais, du fait de l’imperfection de tout
système physique, une justesse absolue,
mathématiquement rigoureuse, n’est pas
concevable ; par ailleurs, l’usage du tempérament égal dans la musique occidentale entraîne, dans l’accord même des instruments à sons fixes, des approximations
par rapport à une échelle théorique exacte.
La notion de justesse apparaît ainsi comme
indissolublement liée à celle d’une marge
de tolérance qui rend la note exécutée
acceptable ou non par rapport à l’échelle
de référence. Dans les instruments à sons
fixes (piano, orgue), cette marge est aussi
réduite que possible. Mais, dans tous les
instruments dont l’exécutant peut faire
varier tant soit peu la hauteur, que ce soit
un instrument à vent (par modification de
la pression d’air et du jeu des lèvres), un
instrument à cordes (par déplacement du
doigt et pression de l’archet), un instrument à percussion (selon l’intensité et la
position du choc), ou, à plus forte raison,
la voix humaine, cette marge de tolérance
est plus ou moins grande.
Cette variabilité est due à l’habileté de
l’exécution et aux intentions de l’interprète : un mauvais violoniste jouera une
note fausse parce qu’il n’aura pas été capable de la jouer juste, mais un bon vio-
loniste peut s’écarter volontairement de la
justesse optimale pour provoquer un effet
expressif - par exemple, pour renforcer
l’effet d’une altération, ou l’attraction de
la note sensible vers la tonique. Ce sont
les chanteurs qui peuvent le plus jouer sur
cette marge de tolérance de la justesse, et
les meilleurs d’entre eux ne s’en font pas
faute. Une analyse au fréquencemètre
révélerait aisément des écarts pouvant
atteindre un quart de ton par rapport à la
note théorique dans l’interprétation des
artistes les plus justement renommés :
c’est là une forme d’accentuation expressive, qui, dans ce cas, est perçue comme
telle par l’auditeur, et non pas comme
fausse note. En effet, notre système musical ayant le demi-ton comme plus petit intervalle, un quart de ton n’y peut être une
note nouvelle, mais seulement un écart
par rapport à la note exacte qui aurait
dû être entendue. Dans ces conditions,
la note exécutée n’est pas physiquement
juste ; elle n’est pas pour autant perçue
comme une autre note, n’existant pas dans
notre échelle.
De même, chez les très nombreux
peuples qui usent d’une gamme par tons
entiers (échelles pentatoniques anhémitoniques de l’Afrique noire, par exemple),
gamme qui ignore le demi-ton, un écart
d’intonation d’un demi-ton par rapport à
la note théorique est mentalement ramené
à la note qui aurait dû être exécutée dans
l’échelle employée, et non comme une
note nouvelle. Mais quelles que soient les
libertés que peuvent prendre avec la justesse idéale les plus accomplis des exécutants - libertés dont ils savent d’ailleurs
user avec goût et modération -, la recherche de la plus grande justesse d’exécution, d’intonation et d’audition demeure
l’une des bases de tout apprentissage de la
pratique musicale.
downloadModeText.vue.download 526 sur 1085
K
KABALEVSKI (Dimitri), compositeur soviétique (Saint-Pétersbourg 1904 - Moscou 1987).
De famille très modeste, il fut attiré très tôt
par la musique, mais n’entra qu’en 1925
au conservatoire de Moscou, où il reçut
l’enseignement de Goldenweiser (piano),
de Catoire et de Miaskovski (composition). Il fut lui-même professeur dans ce
même conservatoire à partir de 1932. En
1931, déçu à la fois par l’Association russe
des musiciens prolétariens, trop dogmatique, et par l’Association pour la musique
contemporaine, trop moderne, il lança un
appel pour un nouveau regroupement et
proposa de cultiver, outre les chansons et
la musique légère, les grandes formes de
l’opéra et de la symphonie.
Ses cinq opéras (Colas Breugnon, d’après
R. Rolland, 1938, remanié en 1967 ; Au feu,
1942 ; la Famille de Tarass, 1947, remanié en 1950 ; Nikita Verchinine, 1955 ; les
Soeurs, 1967) révèlent parfois l’influence
de Moussorgski. Dans Nikita Verchinine,
qui contient de nombreuses chansons
paysannes et révolutionnaires, Kabalevski
fait du peuple le principal protagoniste,
comme l’ont fait Glinka et Moussorgski.
Mais il n’a pas leur souffle, et semble plus à
l’aise dans des oeuvres de moindre dimension. Son humour et sa verve éclatent, en
revanche, dans la musique de scène pour
les Comédiens d’Ostrovski (1933), devenue en 1940 suite pour orchestre. Dans
ses quatre symphonies et sa Symphonie Requiem en mémoire de Lénine, Kabalevski
prend Tchaïkovski pour modèle.
Toutefois son lyrisme, sa spontanéité
mélodique et la simplicité de son langage trouvent un terrain de prédilection
dans les oeuvres destinées à la jeunesse :
30 Pièces pour les enfants (1938), les trois
Concertos de jeunesse (c’est-à-dire sur
et pour la jeunesse) pour violon (1948),
violoncelle (1949) et piano (1952), ainsi
que ses nombreuses chansons. En 1934,
Kabalevski avait mis l’accent sur la dichotomie entre les titres soviétiques des
compositions musicales et leur contenu
non soviétique, et soulignait la nécessité
de maintenir une base d’idéal à la créativité musicale. Pourtant les critiques
antiformalistes de Jdanov en 1948 ne
l’épargnèrent pas plus que Chostakovitch,
Prokofiev ou Khatchaturian.
Devenu plus conservateur avec l’âge,
Kabalevski condamna le dodécaphonisme
et dénonça, en accord avec Khrennikov,
Khatchaturian et Chostakovitch, l’avantgarde du festival d’automne de Varsovie
(1959). En 1963, il composa une oeuvre
monumentale, le Requiem à la mémoire
des victimes de la guerre, dans lequel, fidèle à ses principes, il introduisit un choeur
d’enfants chantant les paroles Hommes de
toute la terre, maudissez la guerre. La même
année, il reçut le titre d’artiste du peuple
de l’U. R. S. S.
KABELAČ (Miloslav), compositeur
tchèque (Prague 1908-id. 1979).
Il entra au conservatoire de Prague dans
les classes de K. Jirak (composition) et de
P. Dedecek (direction d’orchestre), puis
se perfectionna au piano dans la classe
de virtuosité de V. Kurz (1931-1934). Il
travailla comme régisseur à la radio de
Prague à partir de 1932, et y fut remarqué comme chef d’orchestre de 1945
à 1954. De 1958 à 1962, il enseigna la
composition au conservatoire de Prague.
Sa production connue (une soixantaine
d’ouvrages) s’impose en premier lieu par
ses huit symphonies (1942-1970), qui utilisent des effectifs différents et résolvent
avec force et simplicité les problèmes de
forme et d’équilibre posés. Rythmicien
digne de l’école de Boris Blacher, doté
d’un souffle épique naturel et austère,
Kabelač est certainement, sur le plan
international, l’un des plus grands symphonistes de sa génération. Son nom
n’a malheureusement éveillé l’intérêt de
l’Occident que lors de la création par les
Percussions de Strasbourg, à qui elles sont
dédiées, de ses Huit Inventions (1965). Il
a su assimiler les apports positifs des diverses écoles du XXe siècle, en particulier,
de celle de Schönberg (dont les Variations
pour orchestre op. 31 furent pour lui un
exemple), et a utilisé tous les moyens à sa
disposition dans un but profondément expressif, avec économie et efficacité. La tension dramatique de ses oeuvres, en particulier de ses huit symphonies, font d’elles
de véritables opéras sans parole, évoluant
d’un seul bloc. On trouve souvent dans
les dernières des structures symétriques,
directes et rétrogrades, d’essence dodécaphonique, mais s’articulant sur des choix
aléatoires : ainsi, dans Reflets op. 49, suite
de neuf miniatures pour orchestre de
chambre, de dialogues entre Kabelač et
son temps (1963-64). L’influence de Alois
Hába est nette dans la 6e pièce, tandis que
la tension modale de la 7e est un hommage
à Bartók. À partir de 1963, il s’est intéressé
à la musique électronique. Homme discret et strict, Kabelač disparut de la scène
publique (et ses oeuvres avec lui) de 1968 à
sa mort. Il reste l’une des personnalités les
plus fortes et l’un des meilleurs exemples
de l’art tchèque issu de Janáček et de A.
Hába.
KABUKI.
Genre théâtral japonais dont la définition
tient à peu près dans la signification de ses
trois syllabes : chant-danse-personnage.
Si ses origines se perdent dans la nuit des
temps, on sait, par les oeuvres dramatiques
écrites à son intention, qu’il a triomphé à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
521
partir du début du XVIIIe siècle, après avoir
longtemps souffert de la concurrence du
bunraku (« théâtre de marionnettes »).
Son répertoire est aussi vaste qu’éclectique, allant de l’épopée légendaire à la
farce grivoise, en passant par le drame
historique, bourgeois ou naturaliste. Mais
le kabuki est toujours caractérisé par l’alternance des dialogues parlés et du chant,
avec de nombreux intermèdes chorégraphiques, par la présence d’un orchestre
et d’un récitant invisible faisant office de
choeur, par l’ampleur de la mise en scène
et le luxe des costumes. La tradition veut
que les femmes en soient exclues, de sorte
que les rôles féminins sont tenus par des
hommes travestis. À la différence du nô,
dont le raffinement confine au dépouillement, le kabuki est une formule théâtrale
à grand spectacle qui s’adresse essentiellement aux foules.
KADOSA (Pál), pianiste, pédagogue et
compositeur hongrois (Levice 1903 - Budapest 1983).
De 1921 à 1927, il a été l’élève, à l’Académie
Franz-Liszt de Budapest, de Kodály (composition) et d’Arnold Székely (piano).
Depuis 1927, il est l’un des professeurs de
piano les plus éminents de Hongrie, ayant
enseigné successivement à l’école Fodor
(1927-1943), Goldmark (1943-44), puis
à l’Académie de musique de Budapest
jusqu’à sa retraite. Il a eu comme élèves
aussi bien des pianistes de la génération
d’András Mihály que de celle de Zoltán
Kocsis, Deszö Ranki ou Csilla Szabó. Personnage officiel de l’école hongroise depuis 1930, prix Kossuth 1950, il a composé
une oeuvre vaste, qui touche autant au répertoire de son instrument qu’au domaine
symphonique (10 symphonies) ou à la
musique de chambre. Jusqu’au lendemain
de la Seconde Guerre mondiale, son style
est directement influencé par Kodály et
le néoclassicisme d’Hindemith et de Stravinski. En 1948, le compositeur s’oriente
vers la cantate, l’oeuvre chorale, simplifiant au maximum sa grammaire afin de
livrer des oeuvres accessibles au plus grand
nombre. Depuis 1953, il est revenu à des
formes plus classiques, cultivant la symphonie comme le quatuor, le concerto
comme la sonate.
KAEGI (Werner), compositeur suisse
(Usnach 1926).
Élève de Paul Hindemith, il a écrit de
nombreuses compositions instrumentales
et électroacoustiques, où se retrouve son
goût pour la spéculation formelle. Il est
membre depuis 1971 du comité directeur
de l’Institut de sonologie de l’université
d’Utrecht, où il mène une recherche sur
la synthèse sonore informatique, et a écrit
plusieurs livres et articles sur la musique
électronique et numérique. Dans sa production, on peut citer Éclipses (1964) pour
bande magnétique, Entretiens solitaires
(1968) pour récitant, 9 instrumentistes,
bande et dispositif électroacoustique,
Hydrophonie I (1969) pour bande, Kyoto
(1970) pour ensemble instrumental et
bande, Ritournelles pour soprano et ordinateur (1984-1986), etc. Il a également
réalisé, avec André Zumbach, la musique électronique sonorisant le pavillon
suisse de l’Exposition universelle d’Osaka
(1970). Lauréat du 15e Concours international de Bourges (1987), il vit en Hollande et dans le sud de la France.
KAGAN (Oleg), violoniste russe (Ioujna
Sakhalinsk 1946 - Munich 1990).
Il étudie dès 1953 au Conservatoire de
Riga, et entre en 1959 à l’École centrale
de Moscou, où il rencontre David Oïstrakh, dont il devient l’un des disciples. En
1965, il entre au Conservatoire de Moscou, et remporte en 1966 le second prix
du Concours Tchaïkovski. Il est déjà reconnu comme soliste, et depuis 1969 joue
souvent en duo avec Sviatoslav Richter. Il
aime collaborer avec les grands compositeurs russes de son temps : il crée en 1984
le Concerto pour violon no 3 et la Sonate
pour violon et orchestre d’Alfred Schnittke,
et, avec sa femme, Natalia Gutman, le
Concerto pour violon et violoncelle de Sofia
Goubaïdoulina.
KAGEL (Mauricio), compositeur argentin
(Buenos Aires 1931).
Il étudie en privé le piano, le violoncelle,
l’orgue, le chant, la direction et la théorie (il sera l’élève d’Alberto Ginastera).
Renonçant à entrer au conservatoire,
il suit à l’université de Buenos Aires les
cours de littérature et de philosophie. Sa
première oeuvre, Palimpsestos (1950) pour
choeur mixte a cappella, est suivie de Dos
piezas para orquesta (1950-1952). Avec un
quarteto mixto, il s’essaie à la technique
dodécaphonique dont l’esprit, sinon la
lettre, se manifeste dans toutes ses compositions ultérieures, tandis que sa Musica
para la torre (1952) pour sons concrets et
instrumentaux, avec « partition d’éclairage », manifeste l’intérêt qu’il commence
à porter aux nouvelles sources sonores et à
l’aspect visuel de l’exécution. Cependant,
c’est le Sexteto de cuerdas (1953 ; rév., Cologne, 1957) que Kagel considère comme
son véritable opus 1, et c’est avec lui qu’il
fait ses débuts européens, le 7 septembre
1958, lors des cours d’été de Darmstadt.
Lorsqu’il vient s’installer en Europe non pas en France, comme il l’aurait
voulu, mais en Allemagne -, Kagel n’emporte avec lui que quelques partitions et
la plupart de ses livres sur la conquête de
l’Amérique. Non seulement dans Mare
nostrum (1975), qui imagine la conquête
du bassin méditerranéen par une tribu
d’Amazonie, mais dans la plupart de ses
oeuvres « européennes », il se fait, directement comme dans Exotica (1972), ou indirectement, le porte-parole d’une culture,
d’une conception de la musique et de la
vie étrangères à celles qui sont en honneur
dans l’Occident chrétien bien-pensant
et particulièrement en Allemagne, à Cologne, où il réside depuis 1957. Comme, à
l’examiner sans parti pris, et surtout sans
se laisser désorienter par l’inaltérable fantaisie qu’il introduit dans presque toutes
ses oeuvres, l’art de Kagel procède en
droite ligne de la première école de Vienne
(Mozart, Haydn, Beethoven) et de la seconde (Schönberg, Berg et Webern), on
peut dire qu’il se plaît à occuper dans la vie
musicale contemporaine la place du Turc,
étrange et exemplaire, dans le théâtre et
les contes philosophiques du XVIIIe siècle.
Préférant l’humour au pédantisme, la pro-
vocation kagélienne n’est jamais gratuite
et, si l’on sait traverser l’épreuve du rire ou
de la curiosité anecdotique, elle débouche
sur un véritable enseignement. Aussi la
seconde écoute se révèle-t-elle presque
toujours nécessaire pour passer outre les
distractions visuelles que le compositeur
se plaît à mettre en contrepoint de ses recherches d’écriture les plus austères.
Mauricio Kagel a enseigné à Darmstadt
(à partir de 1960), à Buffalo (1964-65),
et, depuis 1969, il dirige l’Institut pour la
nouvelle musique à Cologne et le Kölner
Kurse für Neue Musik, qui a lieu chaque
année sur un sujet précis : musique et
image, instruments pour enfants, musique
politique, etc.
Outre des oeuvres radiophoniques, le
catalogue de Kagel compte près de quatrevingts titres, dont la plupart comporte une
dimension visuelle. Staatstheater (1970),
Die Eschöpfung der Welt (1978) et Aus
Deutschland (1981) occupent une soirée
entière. Exception faite de Hétérophonie (1959-1961) et de Variationen ohne
Fugue (1971-72) pour orchestre, il s’agit
presque toujours d’oeuvres de musique
de chambre utilisant soit les instruments
traditionnels : Sonnant (1960), Quatuor
à cordes (1965-1967), en mettant l’accent,
comme Atem (1970), sur les rapports du
musicien et de son instrument ; soit une
lutherie expérimentale : Acustica (19681970), Zwei Mann Orchester (1971-1973),
ou mêlant l’un et l’autre. Lorsqu’il écrit
pour un ensemble vocal : Hallelujah
(1967-68), Ensemble (1970), Debut (1970),
Kagel traite chaque chanteur comme un
soliste, d’où il résulte, ici, comme ailleurs,
une très grande difficulté d’exécution dont
l’auditeur n’a cependant aucune idée s’il
n’a pas vu la précision inouïe et parfois
perverse avec laquelle le compositeur stipule ses exigences. Parmi ses oeuvres importantes, il faut encore citer Bestiarium
(1974-75), Exposition (1978), Kantrimiusik (1973-1975), 1898 (1972-73), Ludwig
Van (1969), Quatre Degrés (1977), Mitternachtstük, sur des textes du journal de R.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
522
Schumann (1981), Prince Igor, Stravinsky
(Venise, 1982), Rrrrrr... (Donaueschingen,
1982), Après une lecture d’Orwell (1983),
Passion selon saint Bach (1985), Ein Brief,
scène de concert pour mezzo-soprano
et orchestre (1986), Liturgien pour soli,
choeurs et orchestre (1990), les Pièces de
la rose des vents pour orchestre de salon
(1988-1995).
KAIPAINEN (Jouni), compositeur finlandais (Helsinki 1956).
Élève de Sallinen (1973-1976) et de Heininen (1976-1982) à l’Académie Sibelius,
il a fait partie dans les années 1970 du
groupe de réflexion « Oreilles ouvertes »,
et s’est rapidement orienté vers un postsérialisme « libre ». De 1980 datent les
Cinq Poèmes de René Char opus 12a pour
soprano et orchestre. Dans les années
1980, il se concentra largement sur la
musique de chambre, avec notamment le
Quatuor à cordes no 3 opus 25 (1984) et
le Trio III opus 29 pour piano, violon et
violoncelle (1987), ouvrages marqués par
de violents contrastes expressifs.
Plus récemment, il s’est orienté également vers les grandes architectures « symphoniques », avec notamment la Symphonie no 1 opus 20 (1980-1985), en un seul
mouvement, le remarquable Concerto
pour clarinette « Carpe diem ! » opus 38
(1990), la Symphonie no 2 opus 44 (1994),
moins âpre que la précédente, le Concerto
pour hautbois opus 46 (1994) et le Rêve
de Sisyphe opus 47 (1994). Le Quatuor à
cordes no 4 (1994) résulte d’une commande
du Festival de Kuhmo et Accende lumen
sensibus opus 52 (1995) d’une commande
du Tapiola Sinfonietta pour la Biennale
de Tampere.
KAJANUS (Robert), chef d’orchestre et
compositeur finlandais (Helsinki 1856 id. 1933).
Élève de R. Faltin et de A. Leander à Helsinki, de Richter et de K. Reinecke à Leipzig (1877-78), puis de J. Svendsen à Paris
(1879-80), il créa dès son retour à Helsinki
la Société orchestrale (1882), appelée à
devenir plus tard l’Orchestre d’Helsinki.
Une brillante carrière internationale de
chef d’orchestre éclipsa l’oeuvre du compositeur, à l’ombre de son ami Jean Sibelius. Sa Mort de Kullervo, écrite en 1881,
anticipe d’ailleurs sur la mise en musique
des légendes du Kalevala de son illustre
cadet. En 1882 et 1889, il écrivit ses deux
Rhapsodies finnoises, en 1885 Aino, poème
symphonique, et en 1916 sa dernière
oeuvre remarquable, une Sinfonietta. Son
principal mérite reste d’avoir été le plus
ardent défenseur de l’oeuvre de Sibelius,
qui le désigna quand, dans les années 30,
la Columbia lui demanda de choisir un
chef d’orchestre susceptible d’enregistrer
son oeuvre symphonique. Kajanus, réputé
pour la force de son caractère et son sens
de l’organisation, ouvrit la voie à une
brillante école de direction d’orchestre
finnoise.
KÁJONI (János), humaniste et musicien
hongrois (Jegenýe, Transylvanie, 1627 Estenic 1698).
Entré dans l’ordre des Franciscains
(1648), il fut ordonné prêtre en 1655. Il
fut successivement prieur de plusieurs
couvents du Comitat Csik en Transylvanie, vicaire général (1676), puis pater
custodiae de son ordre (1686). À la fois
organiste, organier, professeur, historien,
botaniste, il créa, en 1676, une imprimerie
musicale à Csiksomlyó. Il réunit des cantiques religieux (Cantionale catholicum),
des recueils en tablature d’orgue (Organo
missale, 1667 ; Sacri contentus, 1669), et le
codex qui porte son nom (Codex Kájoni,
1634-1671), dû à trois auteurs différents.
Ce dernier présente, à côté de danses et
d’adaptations de chants à caractère populaire, des pièces religieuses venant d’Italie
et d’Allemagne, ainsi que des suites françaises. Kájoni a laissé de nombreuses litanies qui ne doivent plus rien à Schütz ni à
Viadana. Il a ainsi permis le passage des
históriás énekek (« chants historiques »)
aux premiers essais de musique religieuse
savante, d’essence spécifiquement hongroise.
KALABIS (Viktor), compositeur tchèque
(Červený Kostelec 1923).
Il étudie la composition dans la classe
de E. Hlobil (1945-1948), au conservatoire, puis de J. Řídký à l’Académie de
musique et d’art dramatique de Prague
(1949-1952). Il travaille comme metteur
en ondes et réalisateur à la radio tchécoslovaque depuis 1953.
Profondément influencé par Stravinski, Prokofiev, Honegger, Hindemith
à ses débuts, Kalabis a su s’imprégner
du message bartokien sans en devenir
un épigone. Connu à l’étranger dès les
années 1955-1960, tout comme Feld, il
offre une démarche proche de celle du
Polonais Lutoslawski par ses premières
oeuvres de piano et d’orchestre : Sonates
pour piano (1947-48), Ouverture op. 5
(1950). En revanche, il s’en sépare dans la
progression symphonique de son oeuvre,
qui va de la 1re Symphonie op. 14 (1957),
proche de Prokofiev (6e Symphonie op.
111), à la 4e Symphonie op. 34 (1973),
où le compositeur rejoint Kabelač et le
meilleur Honegger. Pour arriver à cette
puissance expressive, dépouillée, dense,
au lyrisme inné, Kalabis s’est rapproché
des recherches modales de Bartók dans ses
Variations symphoniques op. 24 (1964) et
son Concerto pour orchestre op. 25 (1966),
tandis que la tentation dodécaphonique se
fait évidente dans Accents op. 26, études
pour piano, et Musique pour cordes op. 21
(1963). Cet itinéraire artistique fait de lui
l’un des grands musiciens tchèques de sa
génération.
KALEVALA (litt. : « pays des Héros »).
Épopée nationale finlandaise, publiée par
le médecin de campagne Elias Lönnrot
(1802-1884)
- à partir de matériaux qu’il avait commencé à rassembler en 1828 -, d’abord en
1835 (« Ancien Kalevala »), puis en 1849
(« version définitive » en 50 poèmes, totalisant 22 795 vers). Combinaison d’épopées anciennes et de poésie lyrique populaire, avec en outre des incantations et des
tournures proverbiales ainsi que (pour
environ 3 % du total) des ajouts et variations rédigés par Lönnrot lui-même dans
un souci de clarté, le Kalevala comporte
comme héros principaux le vieux et sage
Väinämoinen, chanteur de runes et chef
de tribu ; son frère le forgeron Ilmarinen,
aux pouvoirs surnaturels ; le jeune Joukahainen, défait par Väinämoinen dans un
concours de chant magique ; l’inconstant
Lemminkainen, sorte de don Juan nordique, séducteur de la belle Kyllikki ; Kullervo, dont le destin tragique rappelle celui
d’OEdipe ; la belle Aino, qui pour échapper
au désir de Vänämoinen se jette dans un
lac profond ; la magicienne Louhi, qui
règne sur Pohjola (le « pays du Nord ») et
y détient le Sampo, objet mal défini mais
très bénéfique ; la mère de Lemminkainen,
qui parvient à redonner vie à son fils tué
sur les rives du fleuve entourant Tuonela
(l’Enfer) ; et Luonnotar (ou Ilmatar), fille
de l’air, créatrice de la terre, du ciel et des
étoiles et qui donne également naissance
à Väinämoinen. À la fin du XIXe siècle, le
Kalevala prit pour les artistes finlandais avec à leur tête Sibelius et son contemporain exact le peintre Akseli Gallen-Kallela
(1865-1931) - une importance primordiale. Ils s’en inspirèrent largement dans
leurs oeuvres, démarche suivie jusqu’à
aujourd’hui par nombre de leurs successeurs, en particulier en musique.
KALIVODA (Jan Křtitel), violoniste et
compositeur tchèque (Prague 1801 Karlsruhe 1866).
Il apprit le violon avec Bedrich Vilem
Pixis, puis fit partie de l’orchestre du
Théâtre de Prague dirigé par C. M. von
Weber. En 1821, il partit en tournée de
concerts en Allemagne, Suisse, Hollande.
À son retour, il fut nommé maître de chapelle du prince Charles Egon II de Fürstenberg à Donaueschingen. Il fit jouer
les opéras de Mozart, Cherubini, Rossini
et invita des solistes tels que Liszt, Clara
Wieck, Schumann, Thallberg. Il a laissé
près de 300 oeuvres, caractérisées par
leur fraîcheur mélodique et leur rythme
naturel ; on doit éliminer ses opéras qui
correspondent à la mode d’époque, choisir parmi ses 6 Symphonies et ses oeuvres
orchestrales et instrumentales, dont la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
523
Fantasie über böhmische Lieder op. 193, et
considérer comme essentiels ses 3 Duos
pour violon op. 181, parus chez Senart à
Paris et toujours réédités depuis.
Son fils Wilhelm, pianiste, chef d’orchestre et compositeur allemand (Donaueschingen 1827 - Karlsruhe 1893), fit
carrière à la tête de l’orchestre de Karlsruhe (1853-1875). Il a laissé des lieder et
des pièces pour piano.
KALKBRENNER (Frédéric ou Friedrich
Wilhelm), pianiste, pédagogue et compositeur français d’origine allemande
(entre Kassel et Berlin 1785 Enghien-lesBains 1849).
Élève de L. Adam et de S. Catel au Conservatoire de Paris (1799-1801), puis de
Haydn à Vienne (1803-1804), où il rencontra Clementi, il retourna ensuite à
Paris, puis vécut en Angleterre de 1814
à 1823. C’est là qu’en 1823 commença sa
véritable carrière de pianiste. À son retour
à Paris, il entra dans la fabrique de pianos de Pleyel et poursuivit une brillante
carrière d’interprète jusqu’en 1835, donnant notamment des conseils à Chopin.
Comme pédagogue, il eut une influence
durable. On lui doit notamment 4 concertos et 13 sonates pour son instrument.
KALLSTENIUS (Edvin), compositeur suédois (Filipstadt 1881 - Danderyd 1967).
Après ses études qu’il poursuivit à Leipzig (1904-1907), il devint critique musical,
travailla à la radio et écrivit une oeuvre remarquable par son radicalisme de langage
dès les années 20. Il a laissé 5 symphonies
(no 4 Sinfonia a fresco, 1953-54 ; no 5 Sinfonia ordinaria ma su temi 12-tonici, 1960),
4 sinfoniettas, de la musique de chambre
(8 quatuors à cordes, 4 sonates) et de la
musique vocale.
KÁLMÁN (Imre), compositeur hongrois
(Siofok 1882 - Paris 1953).
Il fit des études de droit, apprit le piano
et la composition, en même temps que
Bartók et Kodály. Au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, il se fixa à
Vienne, puis à Paris. Il fut, aux côtés de
Franz Lehár, le plus grand compositeur
d’opérettes viennoises.
OEUVRES PRINCIPALES.
Ein Herbstmanöver (1909) ; Der Zigeunerprimas (1912) ; Czardasfürstin (1915) ; Die
Faschingsfee (1917) ; Das Hollandweibchen
(1920) ; Die Bajadere (1921) ; Gräfin Mariza ( 1924) ; Die Zirkusprincessin (1926) ;
Die Herzogin von Chicago (1928) ; Das
Veilchen von Montmartre (1930) ; Arizona
Lady (1954).
KAMANTCHEH.
Instrument à archet, spécifiquement iranien, à caisse cylindrique fermée d’une
membrane du côté du manche.
Le kamantcheh est monté de quatre
cordes de boyau.
KAMIENSKI (Maciej), compositeur et
chef d’orchestre polonais d’origine slovaque ( ?, Slovaquie, 1734 - Varsovie
1821).
Il fit ses études musicales à Vienne (1760),
puis se fixa à Varsovie (1770) pour y exercer des activités d’enseignant et de chef
d’orchestre. Il est considéré comme l’auteur des premières oeuvres lyriques originales polonaises, où apparaissent des
thèmes rustiques, des scènes paysannes et
où sont évoqués les problèmes sociaux des
paysans. Ses opéras et vaudevilles furent
très favorablement accueillis par le public :
Nezda uszczesliwiona (« la Misère soulagée », 1778), sur un livret de Boguslawki
adapté d’une comédie de Bohomolec,
Zoska czyli wiejskie zaloty (« Sophie ou les
Coquetteries paysannes », 1779), oeuvre
perdue. Kamienski écrivit également une
cantate dramatique pour solistes, choeur
et orchestre, à l’occasion de l’inauguration
de la statue du roi Jean III Sobieski (1788).
KAMU (Okko), chef d’orchestre et violoniste finlandais (Helsinki 1946).
De 1952 à 1967, il étudie le violon avec
Onni Sukonen à l’Académie Sibelius
d’Helsinki. Dès 1964, il est premier violon du Quatuor Sukonen, et en 1965 chef
d’attaque des seconds violons à la Philharmonie d’Helsinki. Entre 1966 et 1968, il
est premier violon de l’Opéra national finlandais, et se tourne progressivement vers
la direction d’orchestre. Troisième chef
dans le même théâtre de 1967 à 1969, il
remporte, en 1969, le Concours Karajan et
est, de 1971 à 1977, à la tête de l’Orchestre
symphonique de la radio finlandaise. De
1976 à 1979, il dirige la Philharmonie
d’Oslo, et de 1981 à 1988 celle d’Helsinki.
Depuis 1989, il est chef permanent de
l’Orchestre symphonique de Sjaelland à
Copenhague.
KANCHELI (Giya), compositeur géorgien (Tbilissi 1935).
Il a fait ses études à l’université, puis au
Conservatoire de Tbilissi, où il a enseigné la composition et l’orchestration à
partir de 1970. Il vit depuis 1991 à Berlin.
Même s’il déclare ne plus vouloir écrire de
symphonies, Kancheli est avant tout l’auteur de sept symphonies dans lesquelles
il développe un style à la fois simple et
d’une ample respiration. Il s’intéresse à la
structure de la musique populaire géorgienne, dont il reprend les principes les
plus généraux : répétition plutôt que développement, juxtaposition additionnelle de
surfaces. Il parvient ainsi à créer une sorte
de stasis sonore (Deuxième Symphonie
« Chants », 1970) retrouvant les origines
byzantines de la tradition mélodique slave
(Quatrième Symphonie « In Memoriam
Michel Ange », 1975). Il a développé par
la suite un style proche de la « nouvelle
simplicité » (Exil pour soprano, ensemble
instrumental et synthétiseur), d’aspect liturgique (le cycle des Prayers), où il juxtapose des structures quasi répétitives dans
une atmosphère irréelle, à la fois statique
et intense (Abii ne viderem pour alto et orchestre). Il a composé en outre beaucoup
de musique de scène et un opéra intitulé
Musique pour les vivants (1984).
KANT (pl. kanty ; du lat. cantus).
Forme de musique vocale apparue en
Ukraine et en Russie dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
Ayant pris source en Pologne, les kanty
étaient à l’origine des chants religieux
paraliturgiques, mêlant les influences du
chant populaire polonais et du choral allemand. Vers la fin du XVIIe siècle et surtout
à partir du début du XVIIIe, leur rôle s’élargit considérablement. Sous le règne de
Pierre le Grand, tout en gardant un fond
religieux, les kanty devinrent des chants
panégyriques et patriotiques, célébrant
notamment les victoires militaires. Vassili
Titov, Nikolaï Bavykine en écrivirent un
grand nombre.
Les mélodies des kanty patriotiques
imitaient souvent les sonneries de trompettes. L’effectif vocal était généralement
de trois : deux voix mélodiques et une
voix de basse harmonique. Leur exécution, lors des festivités, était fréquemment
accompagnée de sons de cloches et de
salves de canons. Vers le milieu et la fin du
XVIIIe siècle, les kanty devinrent un genre
profane et furent à l’origine d’un répertoire de folklore urbain alimenté par la
poésie sentimentaliste.
KANTELE.
Instrument de musique à cordes pincées
de la famille des psaltérions, cithares et
cymbalums, composé d’une caisse de résonance triangulaire en bois sur laquelle
étaient tendues à l’origine cinq cordes de
crin de cheval ou de cheveu, accordées en
pentacorde à tierce mouvante (majeure-
mineure).
Perfectionné, il devint de plus en plus
gros, comporta un nombre croissant de
cordes et disparut pratiquement au cours
du XIXe siècle pour reparaître au XXe siècle
sous une double forme : originale, à 5 ou
8 cordes, et moderne, avec l’adaptation
du système d’accord de la harpe celtique
et de 12 à 46 cordes. Instrument national
finlandais, il existe surtout en Carélie,
mais aussi en Estonie (kannel), dans le
nord-ouest de la Russie (gusli), en Lituanie (kankles) et en Lettonie (kuokles ou
kokle). Son répertoire le destinait surtout à
l’accompagnement des récits chantés tirés
des vieux textes lyriques du Kanteletar et
épiques du Kalevala (par les chamanesdownloadModeText.vue.download 530 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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poètes, les runonlaulajat) et, plus tard, à
l’accompagnement de la danse.
KANTOREI (all. : « chantrerie »).
Mot désignant aux XVIe et XVIIe siècles une
maîtrise ou le choeur appartenant à une
église ou à une cour royale ou princière.
KANTOROW (Jean-Jacques), violoniste
et chef d’orchestre français (Cannes
1945).
Il commence ses études de violon au
Conservatoire de Nice et les poursuit au
Conservatoire de Paris où il obtient un 1er
Prix en 1960. Entre 1962 et 1968, il remporte une dizaine de prix internationaux
dont le 1er Prix Carl Flesh à Londres, le
1er Prix Paganini à Gênes et le 1er Prix du
Concours international de Genève. En
1970, il obtient une bourse de la Fondation Sacha Schneider. La même année, il
fonde un trio avec Jacques Rouvier et Philippe Müller. Il est rapidement invité à se
produire sur les grandes scènes du monde.
Après une trentaine d’années consacrées
au violon solo et à la musique de chambre,
il se tourne vers la direction d’orchestre.
De 1985 à 1994, il est à la tête de l’Orchestre régional d’Auvergne, et, à partir
de 1993, de celui d’Espoo, en Finlande. En
1994, il est nommé directeur musical de
l’Ensemble orchestral de Paris.
KAPELL (William), pianiste américain
(New York 1922 - San Francisco 1953).
D’ascendance russo-polonaise, il étudie le
piano au Conservatoire de Philadelphie
et à la Juilliard School de New York avec
Olga Samaroff-Stokowski. En 1941, il fait
ses débuts à New York, suivis d’une tournée mondiale en 1942. Il s’intéresse particulièrement à la musique du XXe siècle :
ses interprétations de Prokofiev et de
Stravinski, du Premier Concerto de Chostakovitch et du Concerto de Khatchaturian
sont demeurées célèbres. Mais il excelle
aussi dans Bach, Schubert et Chopin, et
enregistre la 3e Sonate pour violon et piano
de Brahms avec Heifetz. Lorsqu’il disparaît dans un accident d’avion, l’Amérique
pleure en lui le premier enfant du pays à
être devenu un très grand virtuose.
KAPR (Jan), compositeur tchèque
(Prague 1914 - id. 1988).
Il a fait ses études dans la classe de J. Rídký,
puis de Křička au conservatoire de Prague
(1933-1938). Il a été successivement
metteur en ondes à la radio de Prague
(1939-1946), rédacteur aux éditions Orbis
(1950-1952), avant de devenir professeur
de composition à l’académie Janáček de
Brno (1961). Jusqu’en 1966, il a composé 6
Symphonies, 6 Quatuors à cordes, 2 Concertos pour piano (1938, 1953), 1 Fantaisie
pour alto (1937, 1942), de nombreuses
chansons, choeurs, cantates. C’est avec le
Concertino pour alto et harmonie (1965),
les Dialogues pour flûte et harpe (1965),
puis Exercice pour Gydli pour soprano,
flûte et harpe (1968) qu’il a abandonné les
grandes formes traditionnelles, au profit
d’études de timbre, de la voix, largement
sous l’influence de Kopelent et Vostřák,
ses cadets.
KAPRAL, famille de musiciens tchèques.
Václav, pianiste et compositeur (Určice
1889 - Brno 1947). Élève de Janáček et
d’Alfred Cortot (1923-24), il donna des
concerts en Espagne, France, Angleterre
et U.R.S.S., puis fut nommé, en 1936, professeur de composition au conservatoire
de Brno. Il a essentiellement composé
de la musique de chambre, tout d’abord
influencée par Brahms et Schumann, puis
par Debussy et Martinºu.
Vítězslava Kaprálová, femme com-
positeur, fille du précédent (Brno 1915 Montpellier 1940). Elle composa dès l’âge
de neuf ans et étudia la composition avec
V. Novák et la direction d’orchestre avec
V. Talich. Elle vint à Paris en 1937 auprès
de B. Martinºu et de C. Munch. Malgré
sa courte carrière, elle a laissé une oeuvre
significative, d’abord influencée par les
derniers romantiques, puis par Roussel et
Martinºu (Partita pour piano et cordes op.
20, 1939).
KAPSBERGER (Johannes Hieronymus,
dit Giovanni Geronimo Tedesco Della
Tiorba), compositeur et instrumentiste
allemand (Venise v. 1580 - Rome 1651).
Il vécut à Venise jusque vers 1605, puis
se rendit à Rome, où il acquit la célébrité,
comme virtuose des instruments de la
famille du luth. On l’appelait « nobile
alemanno », et Kircher fit son éloge dans
sa Misurgia. L’essentiel de son oeuvre est
constitué de deux livres de tablatures de
luth (1611, 1623), de deux livres d’arie
passegiate avec continuo et tablature de
chitarrone (1612, 1623) et de deux livres
de Poemata et Carmina dédiés au pape Urbain VIII, devant lequel il se produisit. Il
joua un rôle important dans l’évolution du
répertoire et de la technique du théorbe. Il
est également l’auteur de six livres de villanelles (entre 1610 et 1632) et d’un livre de
madrigaux à 5 voix avec basse continue.
KARAJAN (Herbert von), chef d’orchestre autrichien (Salzbourg 1908 - id.
1989).
Des débuts précoces de pianiste précèdent
ses premières études au Mozarteum de
Salzbourg, puis à Vienne, à la fois à l’université (philosophie) et au conservatoire,
avec F. Schalk. À Ulm, où il fait d’éclatants
débuts en dirigeant les Noces de Figaro
(1927), il est engagé comme directeur de la
musique (1927-1934). Il donne des cours à
l’Académie d’été du Mozarteum. En 1934,
il devient directeur général de la musique
à Aix-la-Chapelle. De 1937 à la fin de la
guerre, l’essentiel de son activité se fait à
Berlin : premiers contacts avec la Philharmonie, premiers ouvrages au Staatsoper
(la Flûte enchantée, les Maîtres chanteurs,
Fidelio, Tristan et Iseut) où il succède à
Furtwängler en 1941. Il dirige la Messe en
si et Tristan dans Paris occupé. En 1946,
de retour à Vienne, il fait ses premières
armes avec l’Orchestre philharmonique
et dirige les concerts de la Gesellschaft der
Musikfreunde.
Dès lors, de 1948 à 1950, la carrière
d’Herbert von Karajan prend une nouvelle dimension : débuts aux festivals de
Salzbourg et de Lucerne, à la Scala de
Milan, tournées et enregistrements avec la
Philharmonie de Vienne et le Philharmonia Orchestra de Londres. C’est lui qui dirige, avec H. Knappertsbusch, la Tétralogie
pour la réouverture du festival de Bayreuth en 1951. Il succède à Furtwängler à
la tête de la Philharmonie de Berlin, dont
il devient chef à vie en 1955. Il est également directeur artistique de l’Opéra d’État
de Vienne (1956-1964) et du festival de
Salzbourg (1956-1960). Brouillé depuis
1952 avec le festival de Bayreuth animé
par Wieland Wagner, il crée, en 1967, le
festival de Pâques de Salzbourg, entièrement consacré à Wagner. Enfin, avec la
réalisation de la Fondation Karajan en
1968 à Berlin (qui comprend un concours
de chefs d’orchestre, une académie de
musiciens d’orchestre et un institut de
recherches sur la psychologie musicale),
il parachève un prodigieux empire entièrement voué à une conception globale et
perfectionniste de la musique.
Profondément ancré dans la tradition,
Karajan s’est forgé les armes de son art :
l’Orchestre philharmonique de Berlin,
dont il a magnifié la sonorité, une nouvelle génération de chanteurs musiciens
avant tout (les découvertes abondent de
Schwarzkopf à Behrens) et Salzbourg
agrandi aux dimensions de ses conceptions scéniques. Cet organisateur-né,
champion incontesté du disque (près de
500 enregistrements en quarante-cinq
ans), a compris le premier l’importance
des nouvelles techniques audiovisuelles
qu’il a utilisées abondamment comme
prolongement de ses réalisations. Cette
précision dans le détail se retrouve dans
un art de plus en plus maîtrisé, où la
sensualité du son et l’ardeur dramatique
se sont peu à peu décantées pour mieux
épouser la ligne idéale et fervente de
chaque oeuvre. Son successeur à Berlin est
Claudio Abbado.
KAREL (Rudolf), compositeur et chef
d’orchestre tchèque (Plzeň [Pilsen]
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
525
1880 - camp de concentration de Theresienstadt 1945).
Il fit ses études universitaires à Prague,
puis entra au conservatoire, où il travailla dans les classes de K. Knittl, Stecker,
Hoffmeister, puis étudia la composition et
l’orchestration avec Dvořák. Il fut surpris
par la guerre de 1914-1918 alors qu’il était
en Russie. Il y demeura jusqu’en 1923,
en tant que chef d’orchestre et enseigna
dans diverses villes (Omsk, Vladivostok,
Irkoutsk, etc.). De retour à Prague, il enseigna la composition au conservatoire et
fit de fréquentes tournées comme chef. Il a
laissé une oeuvre importante, dont la rigueur de forme rappelle Reger, mais dont
l’originalité est digne du dernier Dvořák.
KARETNIKOV (Nicolas), compositeur
soviétique (Moscou 1930 - id. 1994).
Élève de Chebaline à l’École centrale de
musique (1942-1948), puis au conservatoire de Moscou (1948-1953), il a beaucoup composé pour le théâtre et le cinéma.
D’abord influencé par Chostakovitch et
Mahler, il s’est ensuite intéressé à l’école
viennoise, et a utilisé des séries de douze
sons tout en orientant son style orchestral
dans le sens d’un plus grand dépouillement. On lui doit notamment quatre Symphonies (1951, 1956, 1959, 1963), le ballet
Vanina Vanini, d’après Stendhal (1961)
et les opéras Till Eulenspiegel (1982) et le
Mystère de l’apôtre Paul (1986).
KARÐOWICZ (Mieczysðaw), compositeur polonais (Wiszniews 1876 - monts
Tatras 1909).
Il fit ses études au conservatoire de Varsovie avec Naskowski, et fut un des membres
les plus représentatifs et les plus prometteurs du groupe Jeune Pologne. Il ne
put révéler son talent que dans quelques
oeuvres très expressives, en particulier des
poèmes symphoniques (Chants éternels,
1908 ; Récit empreint de tristesse, 1908 ;
Rhapsodie lituanienne, 1906 ; l’Épisode
au bal masqué, 1909 ; Stanisðaw et Anna
O’swiecim, 1907), où se ressentent l’influence de l’orchestration germanique,
particulièrement celle de R. Strauss, et la
marque de Wagner quant à l’exploitation
des leitmotive et de certains modèles harmoniques. Parmi ses oeuvres de jeunesse,
il faut citer le Concerto pour violon en la
majeur (1902), écrit pour son professeur
de violon S. Barcewicz, et la Sérénade
pour orchestre (1898), oeuvres où apparaissent certains caractères d’orchestration propres à Tchaïkovski. Traits que
l’on retrouve, d’ailleurs, dans des oeuvres
ultérieures - bien qu’exprimés à travers
un langage plus personnel -, notamment
dans le poème symphonique Powracajace
fale (« les Vagues qui reviennent »). M.
Karðowicz, qui est également l’auteur de
cycles de mélodies, a su exceptionnellement tirer parti des arguments littéraires
qu’il a traités musicalement et, dans ses
oeuvres les plus réussies, parvenir à se dégager d’un romantisme germanique sur le
déclin pour affirmer des qualités créatrices
personnelles et un tempérament spécifiquement polonais.
KASEMETS (Udo), compositeur canadien d’origine estonienne (Tallinn 1919).
Il a fait ses études dans son pays natal, puis
à Stuttgart, et a fréquenté les cours d’été de
Darmstadt. Établi au Canada depuis 1951,
il y a exercé, principalement à Toronto, de
nombreuses activités de critique, d’enseignant, de chef d’orchestre et de choeur,
et d’éditeur de musique, tout en restant
en contact permanent avec l’avant-garde
américaine. Sa première période créatrice qui comprend 21 numéros d’opus,
recouvre « les oeuvres écrites avant que
le compositeur ait pris contact avec les
tendances actuelles de la composition »,
ainsi que celles manifestant « un style
tonal traditionnel » (1941-1950). Toutes
ces oeuvres ont été retirées par le compositeur. Suivirent de 1950 à 1960 une vingtaine d’oeuvres adoptant « le mouvement
général de cette période pour ce qui est
du style et de la structure ». En fait, Kasemets ne retient vraiment que sa production postérieure à 1960. Il se tourna alors
vers les formes ouvertes et indéterminées,
vers la notation graphique, vers la combinaison de la musique avec les autres
arts (littérature, arts plastiques et visuels),
cela sous l’influence d’artistes tels que E.
Brown ou M. Feldman, puis de J. Cage.
Fifth Root of Five (1962-63) confronte deux
pianistes à une succession de fragments
de cinq secondes chacun à interpréter de
diverses façons. Trigon (1963), l’ouvrage
de Kasemets le plus souvent exécuté, relève plutôt du happening : il est fait appel
ici à un, trois, neuf ou vingt-sept participants, et à divers media (musicaux ou non
musicaux) pouvant atteindre le nombre
de quatre-vingts. Contactics (1966) et Tt
(Tribute to Buckminster Fuller, Marshall
McLuhan, John Cage) [1968] exigent une
participation active de l’auditoire. Quartet
of Quartets (1971-72) implique la retransmission sur bande de l’enregistrement
de la lecture de divers articles choisis en
fonction d’un thème précis, puis la superposition de cet enregistrement à des lectures d’autres textes dans des langues différentes, choisis en cours d’exécution (la
durée de cette pièce est libre, le téléphone
ou le télégraphe pouvant venir s’ajouter
à l’accumulation des matériaux sonores).
Principal représentant de l’extrême
avant-garde au Canada, auteur de nombreux articles, Udo Kasemets a édité trois
ouvrages : The Modern Composer and his
World (Toronto, 1961), Canavangard
(1968) et Focus on Musicecology (Toronto,
1970).
KASTALSKI (Alexandre), compositeur,
musicologue et chef de choeur russe
(Moscou 1856 - id. 1926).
Fils de théologien, il entra en 1875 au
conservatoire de Moscou dans les classes
de Hubert, Tchaïkovski et Taneiev (piano,
harmonie et composition). Nommé professeur de piano à l’Institut synodal de
Moscou (1887), il devint ensuite chef du
choeur synodal, avec lequel il effectua des
tournées de concerts, avant de prendre, en
1910, la direction de l’institut. Ses travaux
portèrent simultanément sur la restitution
du chant religieux traditionnel (surtout
le chant « znamenny ») et sur l’étude du
chant choral populaire. Remontant à leur
source commune, Kastalski a contribué au
renouveau du chant liturgique en élaborant un style d’harmonisation fondé sur
la polyphonie populaire, par opposition
à l’influence italo-germanique qui avait
dominé au XIXe siècle.
L’essentiel de son oeuvre est donc
vocal et Kastalski s’y montre un maître
de « l’orchestration chorale ». Ses oeuvres
religieuses (harmonisations et compositions libres) sont fréquemment exécutées
durant les offices. Son opéra Klara Militch
(1907), d’après Tourgueniev, ne connut
pas de succès. Dans le domaine de la
musique populaire, il composa la fresque
des Festivités populaires en Russie, qui reprend de nombreux chants rituels. Après
la Révolution, il passa du côté du régime
soviétique et consacra ses efforts à la chanson de masse. On lui doit deux ouvrages
d’ethnomusicologie russe qui continuent
à faire autorité : Osobennosti narodnorousskoï mouzykalnoï systemy (« Particularités du système musical populaire russe »,
1923) et Osnovy narodnovo mnogo-golossia
(« Fondements de la polyphonie populaire », 1948).
KASTNER (Jean Georges), compositeur
et théoricien alsacien (Strasbourg 1810 Paris 1867).
Il fit ses études à l’université de Strasbourg, où il suivit, notamment, les cours
de théologie protestante. En même temps,
il travailla la musique en autodidacte, et
ses premiers petits opéras-comiques (dont
la Reine des Sarmates, 1835) lui valurent
une bourse de la ville, qui lui permit
d’aller travailler à Paris avec Reicha et
Henri Montan-Berton. Après avoir fait
représenter, sans grand succès, la Maschera à l’Opéra-Comique (1841), il regagna Strasbourg. Kastner est l’auteur d’une
dizaine d’oeuvres lyriques, dont le Dernier
Roi de Juda (1844), les Nonnes de Robert le
Diable (1845, non représenté), et de cinq
« livres-partitions », poèmes symphoniques écrits sur des sujets philosophiques
ou historiques et accompagnés d’un texte
détaillé rédigé par le compositeur (la
Danse macabre, 1852 ; Stephen ou la Harpe
d’Éole, 1856 ; les Cris de Paris, 1857). Il
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
526
publia, d’autre part, plusieurs ouvrages
didactiques, qui firent très vite autorité
(Traité général d’instrumentation, 1837,
2e éd. augm., 1844 ; Grammaire musicale,
1840 ; Théorie abrégée de contrepoint et de
fugue, 1842). Kastner fut élu à l’Institut en
1859, fut l’un des fondateurs de l’Association des artistes musiciens qu’il présida
et l’instigateur du concours européen de
musiques militaires, lors de l’Exposition
universelle de 1867.
KATCHEN (Julius), pianiste américain
(Long Branch 1926 - Paris 1969).
Issu d’une famille de musiciens russes, il
commence ses études musicales auprès
de ses grands-parents. Il étudie ensuite à
New York avec David Saperton et fait ses
débuts à l’âge de onze ans à Philadelphie.
Sa carrière d’enfant prodige est interrompue pour lui permettre de faire ses études
au collège d’Averford, où il se spécialise en
philosophie. Doté d’une bourse du gouvernement français, il s’installe en 1946 à
Paris : ses débuts en Europe sont marqués
par sept concerts en onze jours avec l’Orchestre national et la Société des concerts
du Conservatoire. Au long des vingt années de sa courte carrière, il se produit
dans le monde entier, comme soliste et
en formation de musique de chambre (à
Prades en particulier, où il joue avec Pablo
Casals et David Oïstrakh). En 1967, il reçoit le Grand Prix de l’Académie CharlesCros pour son enregistrement de l’intégrale pour piano de Brahms, qu’il est le
premier à réaliser.
KAUFMANN (Dieter), compositeur autrichien (Vienne 1941).
Élève notamment de Gottfried von
Einem, Olivier Messiaen et René Leibowitz, il s’est fait connaître par quelques
oeuvres sérielles avant de suivre en France
le stage de musique électroacoustique du
Groupe de recherches musicales de Paris,
au cours duquel il a composé des oeuvres
qui l’ont révélé comme un héritier doué
et personnel de la « musique concrète »
et de la « musique anocdotique » française (Chutes et Ah, la nature [1970], deux
pièces réunies en une seule dans Singular). De retour à Vienne, il est devenu responsable de l’enseignement de musique
électroacoustique à la Hochschule de
Vienne, qu’il a ouverte à des recherches
d’improvisation et à des travaux faisant
collaborer des artistes de diverses disciplines. Avec l’actrice Gunda König et le
technicien Walter Stangl, il a fondé le
groupe K et K, pour produire en tournée
un répertoire d’oeuvres électroacoustiques
et multimédias, qu’il alimente en partie
de sa propre production. Parmi celle-ci :
une Sonate pour piano (1965), l’oratorio
Évocation (1968, revu en 1974), sur des
textes d’lngeborg Bachmann, Singular
(1970), Pax (1970), pour dix-huit voix et
bande, Concerto-mobil (1971), pour violon, bande et orchestre, Pupofon (1971),
spectacle de marionnettes avec bande et
acteur, Automne pathétique (1972), et Portrait d’une femme en miroir (1973), deux
beaux poèmes de musique électroacoustique, Deklaration (1975) et Music Minus
One (1977), oeuvres multimédias. Quant
à Volksoper (1973-1978), il s’agit d’une
vaste pièce de théâtre musical pour solos,
choeurs, orchestre et bandes magnétiques,
d’après G. F. Jönke, qui s’annonce comme
une somme où peut se satisfaire son appétit pour la plus large communication musicale (il est collaborateur des Jeunesses
musicales autrichiennes et a fréquemment
composé pour de grands ensembles) et
où peuvent se conjuguer heureusement
son expérience du théâtre musical et son
souci de faire une musique en prise sur ce
qu’on appelle, en allemand, l’Umwelt (le
« monde autour »).
KAVAKOS (Léonidas), violoniste grec
(Athènes 1956).
Il est formé au Conservatoire d’Athènes,
dont il sort diplômé en 1984. Une bourse
de la Fondation Onassis lui permet alors
d’aller travailler avec Josef Gingold à
l’Université d’Indiana. En 1982, il est
nommé soliste de l’Orchestre des jeunes
de la Communauté européenne, et en
1985 il remporte à la fois le Concours Sibelius d’Helsinki et le prix Paganini à Rome.
Depuis, il débute une carrière internationale. Il est le seul à avoir enregistré - en
1991, avec l’Orchestre symphonique de
Lahti - la version d’origine du Concerto
pour violon de Sibelius.
KAYN (Roland), compositeur allemand
(Reutlingen 1933).
Également violoncelliste et organiste,
élève de B. Blacher (composition) et de
J. Rufer (analyse) à Berlin, il s’est initié à
la musique électronique avec H. Eimert
à Cologne en 1953, puis a travaillé aux
studios de Bruxelles, Cologne, Milan,
Munich, Utrecht et Varsovie. En 1964, il
a compté parmi les fondateurs - avec A.
Clementi et F. Evangelisti - du groupe
Nuova Consonanza. Depuis 1970, il s’occupe du programme culturel du Goethe
Institut d’Amsterdam. D’abord influencé
par Schönberg, Varèse et Messiaen, il a
ensuite appliqué à ses oeuvres les principes
de la cybernétique et les théories de l’information. Il a écrit, notamment, Sequenzen pour orchestre (1957-58), Schwingungen pour 5 groupes sonores (1961-62),
Cybernetics I-III pour bande (1966-1969),
Entropie pour orchestre (1973), Infra
(1980), Tektra (1981).
KAYSER (Philipp Christoph), compositeur allemand (Francfort-sur-le-Main
1755 - Oberstrass, près de Zurich, 1823).
Fils d’un organiste, il se fixa à Zurich en
1775 comme professeur de musique. Il se
lia d’amitié avec Goethe, qu’il vit à Zurich
en 1775 et en 1779, à Weimar en 1781
et à Rome en 1787-88, et dont il mit en
musique plusieurs textes. Il écrivit aussi
une musique de scène (perdue) pour
Egmont. À partir de 1789, il ne composa
plus rien. Sa production est dominée par
ses lieder. Il en écrivit plus de 100. Des 19
Gesänge mit Begleitung des Claviers (Leipzig et Winterthur, 1777), 5 sont sur des
poèmes de Goethe. On lui doit également
de la musique pour Scherz List und Rache
de Goethe (1785-86).
KEILBERTH (Joseph), chef d’orchestre
allemand (Karlsruhe 1908 - Munich
1968).
Il prit ses premières leçons de musique
avec son père, violoncelliste, fut chef
d’orchestre, puis directeur artistique de
l’Opéra de Karlsruhe (1935), directeur artistique de l’Opéra de Dresde (1945-1951),
de la Philharmonie de Hambourg (à partir
de 1950), chef d’orchestre des Bamberger
Symphoniker et directeur général de la
musique à l’Opéra de Munich (1959).
KEISER (Reinhard), compositeur allemand (Teuchern 1674 - Hambourg
1739).
Élève à l’école Saint-Thomas de Leipzig,
puis à l’université de cette ville, il fut chef
d’orchestre à Brunswick (1692), puis à
Hambourg (1695). Il y composa quatre
ou cinq opéras par an. À partir de 1703 et
jusqu’en 1707, il fut directeur de l’Opéra
de Hambourg, où il connut de nombreuses
vicissitudes. Il fut même emprisonné après
un krach financier spectaculaire. Il voyagea ensuite au Danemark, où il fut anobli
par le roi. Puis il séjourna à Weissenfels, à
Ludwigsburg et à Stuttgart, où il fut maître
de chapelle à la cour (1719). En 1724, il
se fixa de nouveau à Hambourg, et devint
cantor à la cathédrale (1728). Peu de temps
avant sa mort, il assista au déclin et à la
fermeture de l’Opéra de Hambourg qu’il
avait contribué à développer.
Beaucoup de ses livrets, au lieu de
se référer à la mythologie ou à l’histoire
ancienne, comme il était de mode dans
l’opera seria, s’inspirent de thèmes populaires. Et on peut dire qu’il contribua
grandement à faire évoluer l’opéra allemand vers le singspiel ou l’opéra-comique.
Du point de vue de l’écriture vocale et de
l’instrumentation, Keiser influença certainement Haendel qu’il eut, d’ailleurs,
comme violoniste, puis comme claveciniste à Hambourg. Il fut le principal représentant de l’opéra baroque allemand au
début du XVIIIe siècle, juste avant l’invadownloadModeText.vue.download 533 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
527
sion des scènes allemandes par l’opéra
italien.
KELEMEN (Milko), compositeur yougoslave (Podravska Slatina, Croatie, 1924).
Il a fait ses études au conservatoire de
Zagreb à partir de 1945, puis à Paris avec
D. Milhaud et O. Messiaen, et enfin à Fribourg avec W. Fortner. C’est lui qui a créé
et organisé, à partir de 1961, la Biennale
de Zagreb, devenue l’un des plus importants festivals de musique contemporaine
en Europe. Il a enseigné la composition
au conservatoire de Düsseldorf, de 1970
à 1972, et pris un poste analogue à l’École
supérieure de musique de Stuttgart en
1973. D’abord influencé par Bartók, il a
adopté ensuite les techniques les plus
modernes, de la série à la forme ouverte.
On lui doit, pour orchestre, Improvisations
concertantes (1955), suite de courtes pièces
pour cordes inspirées d’airs populaires
yougoslaves, Skolion (1959), Transfiguration pour piano et orchestre (1962), Sub
rosa (1965), Floreal (1970), Sonabile pour
piano, modulateur à anneaux et orchestre
(1972), Abecedarium pour cordes (1973),
Mirabilia II pour piano, modulateur à anneaux et 2 orchestres (1977) ; des oeuvres
de musique de chambre, dont Étude pour
flûte seule (1962) ; de la musique vocale,
dont Monogatori pour 12 chanteurs solistes (1978) ; les ballets le Héros et son
miroir (1960) et Ubu Roi, d’après Jarry
(1965) ; les Mots pour mezzo-soprano et 2
orchestres, d’après Sartre (1965) ; l’État de
siège, opéra d’après Camus (1970) ; OpéraBestial, opéra pour plusieurs media d’après
Arrabal (1973-74) ; Grand Jeu pour violon
et orchestre (Metz, 1982) ; Drammatico
pour violoncelle et orchestre (1983) ; Sonnets pour quatuor à cordes (1987).
KELLNER, famille de musiciens allemands.
Johann Peter, organiste et compositeur
(Gräfenroda 1705 - id. 1772). Il fut cantor
à Frankenhayn, puis en sa ville natale
(1728). Il connut Haendel et J.-S. Bach,
avec qui il travailla peut-être. Les nombreuses copies qu’il effectua des oeuvres
de ce dernier ont permis à bien d’entre
elles de parvenir jusqu’à nous. Il composa des oeuvres d’orgue et de clavecin, où
l’influence de Bach est très sensible, des
chorals, des cantates et des suites. Son autobiographie et ses textes théoriques sont
de très précieux documents sur l’environnement musical de Bach.
Johann Christoph, fils du précédent
(Gräfenroda 1736 - Kassel 1803). Il fut
l’élève de Benda et de son père. Après de
nombreux voyages, il se fixa à Kassel, où
il fut organiste, cantor et professeur. Il a
écrit des oeuvres pour orgue, pour clavecin, pour piano-forte, des concertos, des
cantates et un singspiel, Die Schadenfreude
(1782), ainsi qu’un traité de basse continue.
KELLY (Michael O’), chanteur et compositeur irlandais (Dublin 1762 - Londres
1826).
Il étudia à Londres avec Morland, Arne,
Cogan et Passerini, puis à Naples avec
Aprile, avant de s’y faire entendre sous le
nom d’Occhelli, avec un très grand succès. Fixé, pendant quatre ans, à Vienne
comme ténor au théâtre de la Cour, il y
devint l’ami de Mozart et créa les rôles de
Don Basilio et de Don Curzio des Noces
de Figaro. De retour en Angleterre, il y
connut des triomphes comme chanteur
de théâtre et de concert et fut, un temps,
impresario du théâtre royal. Sa carrière
de compositeur commença alors, lui donnant l’occasion d’écrire plus de 60 partitions destinées à la scène, des ballets, des
cantates et des mélodies. Il fonda, en 1802,
une librairie musicale, fit faillite et devint
marchand de vins. Son livre de souvenirs, Reminiscences of the King’s Theatre
(Londres, 1826 ; rééd., 1975), contient des
renseignements précieux sur les compositeurs qu’il connut, tels Mozart et Haydn,
ainsi que sur la vie musicale à Vienne, à
Paris et surtout en Angleterre avant et
après 1800.
KELTERBORN (Rudolf), compositeur
suisse (Bâle 1931).
Il a fait ses études à Bâle, à Salzbourg, à
Detmold et à Zurich, et a enseigné la
théorie musicale à Bâle jusqu’en 1960. Il
a été ensuite professeur de composition
et d’analyse à l’Académie de musique de
Detmold (1960-1968), puis à l’École supérieure de musique et au conservatoire de
Zurich (1968-1975). De 1975 à 1980, il a
dirigé le département de la musique de la
radio suisse alémanique et rhéto-romane à
Bâle. Depuis 1980, il enseigne de nouveau
à Zurich ainsi qu’à l’École supérieure de
musique de Karlsruhe (théorie et composition). Dans un style ne dédaignant pas
les techniques sérielles, il a écrit notamment 3 symphonies (1967, 1969, 1976),
dont la dernière, dite Espansioni, avec
baryton et bande magnétique, 4 quatuors
à cordes (1954, 1956, 1962, 1970), le ballet
Relations (1975), Phantasmen (1965-66),
Changements (1973) et Erinnerungen an
Orpheus (1979) pour orchestre, Visions
sonores pour 6 groupes de percussions et
6 instruments obligés (1980), l’oratorio
Die Flut (1965), d’après la traduction de
la Bible de Martin Buber, et les opéras Die
Erretung Thebens (Zurich, 1963), Kaiser Jovian (Karlsruhe, 1967) et Ein Engel kommt
nach Babylon (Zurich, 1977), d’après Dürrenmatt.
KEMPE (Rudolf), chef d’orchestre allemand (Niederpoyritz, Saxe, 1910 - Zurich
1976).
Il étudia le piano, le violon et le hautbois à
Dresde et fit ses débuts de chef d’orchestre
en 1935 à l’Opéra de Leipzig avec un succès tel qu’il accéda aussitôt au poste de
répétiteur dans cet établissement. Il poursuivit sa carrière aux Opéras de Chemnitz
(1942), Weimar (1948), Dresde (19491952), et enfin Munich, où il succéda à
Georg Solti (1952-1954). Sa renommée
devint internationale lorsqu’il eut programmé la saison 1951-52 de l’Opéra de
Vienne, et dirigé, dans cette ville, le Ring
de Wagner. Il débuta à Covent Garden
en 1953, au Metropolitan Opera de New
York en 1954, à Bayreuth en 1960. Cette
même année, à la demande de sir Thomas
Beecham, il devint chef associé du Royal
Philharmonic Orchestra, et, l’année suivante (1961), à la mort de sir Thomas, fut
nommé principal chef de cette formation.
Il démissionna en 1963, mais en redevint chef à vie en 1970 (il démissionna de
nouveau, pour raisons personnelles, en
1975). Il fut aussi, jusqu’à sa mort, président de la Sir Thomas Beecham Society.
On le vit également à la tête de l’orchestre
de la Tonhalle de Zurich (1965-1972),
de la Philharmonie de Munich (1976),
et comme successeur de P. Boulez à celle
de l’Orchestre symphonique de la BBC.
Chef sobre, puissant et efficace, il a laissé
de remarquables enregistrements parmi
lesquels les Maîtres chanteurs de Wagner,
Ariane à Naxos et l’oeuvre orchestrale de
Richard Strauss et plusieurs symphonies
de Bruckner.
KEMPFF (Wilhelm), pianiste allemand
(Jüterborg 1895 - Positano, Italie, 1991).
Issu d’une famille d’organistes luthériens,
il manifeste dès l’âge de cinq ans des dons
musicaux exceptionnels. Son père l’initie
au chant choral et à l’orgue et I. SchmidtSchlesicke lui donne ses premières leçons
de piano. En 1905, il suit, à la Hochschule
für Musik de Berlin, l’enseignement du
compositeur R. Kahn et du pianiste H.
Barth, dépositaire de la grande tradition
lisztienne. Malgré des succès précoces en 1907, un premier récital ; en 1910, une
audition réussie devant Busoni et Dohnanyi -, Wilhelm Kempff termine ses études
de philosophie et de musique, celles-ci
couronnées en 1916 par le prix Mendelssohn (piano et composition), avant de
se lancer dans la carrière. En 1917-18, il
effectue deux tournées en Allemagne et en
Scandinavie, comme pianiste et organiste
accompagnant le choeur de la cathédrale
de Berlin. Puis il donne un récital à la Singakademie de Berlin (avec, notamment,
la sonate Hammerklavier de Beethoven et
les Variations sur un thème de Paganini de
Brahms), et fait des débuts de concertiste
avec la Philharmonie de Berlin dirigée par
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
528
A. Nikisch. En 1920, après une tournée
triomphale en Scandinavie, il enregistre
son premier disque : des Écossaises et des
Bagatelles de Beethoven. Il dirige, de 1924
à 1929, la Staatliche Hochschule für Musik
de Stuttgart. Il donne des cours d’été, à
partir de 1931, à Potsdam, en compagnie
de E. Fischer et de W. Gieseking.
Mais le pédagogue et le compositeur (auteur d’un Mystère sur la vie du
Christ, 1925, et d’un opéra, le Roi Midas,
1930) s’effacent bientôt devant l’inter-
prète : le chef d’orchestre occasionnel
(il dirige, en 1928, l’Art de la fugue de
Bach), l’organiste féru d’improvisations,
le chambriste partenaire de G. Kulenkampff et de Lotte Lehmann, et surtout le
pianiste. Il joue notamment en Grèce, en
Amérique du Sud, au Japon et à Paris en
1938. Contraint à une semi-retraite dans
l’immédiat après-guerre, Wilhelm Kempff retourne à la composition et rédige ses
Mémoires (Cette note grave, Paris, 1955).
En 1951, il réalise sa première intégrale
des sonates de Beethoven. À partir de
1954, après une tournée-pèlerinage au
Japon (il joue Bach à l’orgue de l’Église de
la paix universelle d’Hiroshima), sa carrière se partage équitablement entre récitals, musique de chambre (ses partenaires
ont pour noms P. Fournier, Y. Menuhin,
P. Casals à Prades, etc.), cours d’été à Positano depuis 1957 (consacrés à Beethoven)
et enregistrements.
Au cours des dernières années, assombries par la maladie, Kempff revient à
Bach, après avoir servi scrupuleusement
Beethoven et fait redécouvrir les sonates
de Schubert. Le compositeur voit son
oeuvre servie par les plus grands, G. Kulenkampff, Van Kempen, W. Furtwängler,
etc. Quatre opéras, deux symphonies,
deux quatuors à cordes, un concerto pour
violon, un autre pour piano, une Passion
allemande et un Mystère sur la naissance
du Seigneur en sont les pages les plus marquantes. Même dans le répertoire romantique, le pianiste n’a jamais oublié les
leçons de clarté et de rigueur apprises par
l’organiste. Improvisateur-né, il a su plier
une technique brillante aux exigences
de chaque oeuvre. Son art, vigoureux et
passionné, s’est fait, avec le temps, plus
sincère, plus subtil, prenant le ton de la
confidence familière. Sa science du phrasé
et le toucher nuancé à l’extrême sont au
service d’un chant et d’une émotion décantés jusqu’à l’innocence.
KENNEDY (Nigel), violoniste anglais
(Brighton 1956).
Dès 1963, il entre à l’École de violon Yehudi Menuhin, puis, en 1972, à la Juilliard
School de New York. Il étudie aussi le jazz
avec Stéphane Grappelli : jamais il n’abandonnera ce goût des univers croisés. En
1977, il fait ses débuts à Londres avec Riccardo Muti et le Philharmonia Orchestra.
Il affectionne le rôle d’enfant terrible de
la Couronne, jouant dans les mêmes programmes Bartók et Duke Ellington, travaillant avec Paul McCartney et Kate Bush
tout en enregistrant le Concerto d’Elgar.
En 1989 et 1990, sa version très virtuose
des Quatre Saisons de Vivaldi est un succès
mondial. En 1991, il fait ses débuts à Paris,
et il est invité régulièrement au Festival de
Lockenhaus par Gidon Kremer.
KERLE (Jacobus de), compositeur flamand (Ypres 1531 ou 1532 - Prague
1591).
Il fit ses études musicales à la maîtrise de
la cathédrale d’Ypres et devint, avec Palestrina, le défenseur de la polyphonie sacrée.
Il se rendit bientôt en Italie. De 1555 à
1562, on le trouve à Orvieto comme organiste et carillonneur de la cathédrale. Sur
la demande du cardinal Otto Truchsess
von Walburg d’Augsbourg, qui le prit
sous sa protection, il composa en 1561-62
les Prières spéciales destinées au concile de
Trente, afin de démontrer que la polyphonie n’était pas incompatible avec l’intelligibilité du texte. L’équilibre des voix atteint une telle perfection qu’elles peuvent
se passer du concours des instruments.
Ensuite, Jacobus de Kerle, qui fut ordonné
prêtre, devint maître de la chapelle privée
du cardinal von Walburg, qu’il suivit dans
ses déplacements en Italie et en Espagne,
puis à Dilligen, où le cardinal avait fondé
une université à laquelle Kerle s’inscrivit.
De retour en Flandre (1565), le musicien fut nommé maître de chapelle de la
cathédrale d’Ypres. Il y rencontra des difficultés avec le chapitre, perdit sa place et
se fit excommunier en 1567. Son voyage
à Rome, l’année suivante, eut pour but
de faire annuler cette décision. De 1568 à
1575, il fut vicaire général et organiste de
la cathédrale d’Augsbourg, puis séjourna
successivement à Cambrai, Mons et Cologne, avant d’entrer en 1582 au service de
l’empereur à la cour de Vienne, puis à celle
de Prague, où il mourut. Il fut un grand
musicien d’église, qui sut habilement unir
les principes de la polyphonie franco-flamande et de la clarté mélodique italienne.
Outre les Prières spéciales, on lui doit,
notamment, Selectae quaedem cantiones à
6 voix (1571), Quatre Livres de motets à
4, 5 et 6 voix (1572-1575), et Selectiorum
aliquot modulorum à 8 voix (1585).
KERLL (Johann Kaspar), organiste et
compositeur allemand (Adorf, Vogtland,
1627 - Munich 1693).
Son protecteur l’archiduc Leopold-Wilhelm, frère de l’empereur Ferdinand
III, l’envoya étudier à Vienne avec G.
Valentini, puis à Rome avec Carissimi
et, peut-être aussi, Frescobaldi. En Italie,
il renonça à la religion protestante pour
se convertir au catholicisme. Il vécut ensuite à Bruxelles, où il fut organiste de la
chapelle de Leopold-Wilhelm. À partir
de 1656, il dirigea la chapelle de l’Électeur de Bavière à Munich. En 1673, il se
fixa à Vienne où il fut, avec A. Poglietti,
organiste de la Cour. Il devait conserver
ce poste jusqu’en 1692. Tous ses opéras
furent représentés à la cour de l’Électeur
de Bavière. Il composa également de la
musique instrumentale et de la musique
vocale religieuse.
KERMAN (Joseph), musicologue et critique américain (Londres 1924).
Il a fait ses études à Londres, New York et
Princeton (1950, avec Oliver Strunk), et
enseigne à Berkeley depuis 1951, compte
non tenu de trois années passées à Oxford
(1971-1974). Ses deux principaux ouvrages sont Opera as Drama (New York,
1956) et The Beethoven Quartets (New
York, Londres, 1967, trad. fr. les Quatuors
de Beethoven, Paris, 1974). Il a publié aussi
The Masses and Motets of William Byrd
(1981) et Contemplating Music (1985, en
Angleterre Musicology).
KERN (Alfred), facteur d’orgues français
(Vendenheim, Bas-Rhin, 1910).
Il s’est établi à Strasbourg. Ses instruments, de pur style classique, optent pour
la traction mécanique. Il a ainsi restauré
ou construit, entre autres, les orgues de
Saint-Séverin, Notre-Dame-des-BlancsManteaux, Saint-Jacques-du-Haut-Pas et
Notre-Dame-des-Victoires, à Paris.
KERTESZ (Istvan), chef d’orchestre hongrois naturalisé allemand (Budapest
1929 - Haïfa 1973).
Il est formé à l’Académie de Budapest, où
il étudie le piano et la composition avec
Leo Weiner et Kodály. De 1949 à 1953,
il apprend la direction d’orchestre avec
Somogyi et recueille les conseils de Klemperer. Il dirige de 1955 à 1957 à l’Opéra
de Budapest, mais décide d’émigrer en
Allemagne. De 1958 à 1963, il est à Augsbourg ; de 1964 à 1973, il est directeur
général de la musique à Cologne. À partir de 1965, il est invité à diriger les plus
grands orchestres, à Londres, Vienne et
Tel-Aviv. Il excelle dans les symphonies
de Tchaïkovski, enregistre celles de Schubert et de Dvořák, et dirige beaucoup Bartók et Kodály. Il disparaît tragiquement, se
noyant au large de Haïfa.
KESSLER (Thomas), compositeur suisse
(Zurich 1937).
De 1959 à 1962, il a étudié dans sa ville
natale, puis à Paris, enfin de 1962 à 1968
à Berlin, où il a fondé un studio de musique électroacoustique. Plus tard, il est
devenu directeur de l’Electronic Workshop de Berlin, et a donné des cours à l’université. Depuis 1972, il est professeur de
composition au conservatoire de Bâle. La
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
529
grande partie de sa production est orientée vers l’électroacoustique. Toutefois, il a
écrit Quatre Pièces pour quatuor à cordes
(1965), et Constellation II pour flûte, clarinette, violon et violoncelle (1967). Citons surtout Musique pour contrebasse,
clavier et bande magnétique (1966) ; Loop
pour bande et divers instruments (1973) ;
Piano Control pour piano et synthétiseur
(actionné par le pianiste) [1974] ; et Lost
Paradise pour le même dispositif (1975).
KETELBEY (Albert), chef d’orchestre et
compositeur anglais (Birmingham 1875 Cowes, île de Wight, 1959).
D’ascendance danoise lointaine, il doit sa
relative popularité à une série de pièces
instrumentales exotiques dont se détache
Sur un marché persan (1920).
KETTING, famille de musiciens néerlandais.
Piet, compositeur, pianiste et chef d’orchestre (Haarlem 1904 - Rotterdam 1984).
Élève de W. Pijper, il fit beaucoup pour la
diffusion de la musique contemporaine,
en particulier comme professeur de direction chorale, de théorie et de composition
au conservatoire de Rotterdam (1930-
1956), comme directeur du Lycée musical
d’Amsterdam (1946-1949) et comme chef
de l’orchestre et du choeur de chambre
de Rotterdam. Influencé d’abord par
Debussy, puis par Schönberg, il s’est de
plus en plus intéressé à la musique vocale.
Il a écrit notamment deux symphonies,
dont la seconde avec violoncelle principal
(1929, 1963), Tema con variazioni pour
flûte et orchestre (1976), 3 Sonnets de
Shakespeare pour voix et piano (1938), le
choeur Quando conveniunt (1969).
Otto, compositeur et trompettiste (Amsterdam 1935). Élève de son père Piet, il
a également étudié avec Karl Amadeus
Hartmann. Trompettiste dans l’Orchestre
de La Haye de 1955 à 1960, il a ensuite
enseigné aux conservatoires de Rotterdam
(1967-1971) et de La Haye (1971-1974).
Il a écrit beaucoup de musique de théâtre
et de film. Prix Gaudeamus en 1958 pour
Due canzoni pour orchestre, il a écrit dans
un style personnel, parfois influencé par
le jazz, des oeuvres pour orchestre, parmi
lesquelles Symphonie no 1 (1959), Collage
no 6 pour groupe de free-jazz et orchestre
(1966), Time Machine (1972) et Symphonie pour saxophones et orchestre (1978), de
la musique de chambre, dont Collage no 8
pour clarinette basse et piano (1966), les
ballets Het laatste bericht (1962), Intérieur
(1963) et Collage no 7 (1967), et les opéras Dummies (1974) et O, gij, rhinoceros
(1977). En 1986 a été créé à Amsterdam
l’opéra Ithaka.
KHATCHATURIAN (Aram Illitch), compositeur soviétique arménien (Tbilissi
1904 - Moscou 1978).
Il entra en 1922 à l’école de musique
Gniessine à Moscou, puis se perfectionna,
de 1929 à 1934, au conservatoire de Moscou dans les classes de Glière (instrumentation), Miaskovski (composition)
et Mikhail Gniessine. Il bénéficia également des conseils de Prokofiev, au retour
de celui-ci en U. R. S. S. De cette époque
datent la célèbre Toccata (1932), le Trio
pour piano, violon et clarinette (1932) et
une Suite de danses (1933). Dès ses premières oeuvres, Khatchaturian puise son
inspiration dans la tradition musicale
arménienne (emprunts aux danses et aux
« achougs », bardes arméniens). Sa Première Symphonie, écrite en 1934 pour le
quinzième anniversaire de la République
soviétique d’Arménie, est un nouvel essai
de cette intégration d’une culture minori-
taire dans la tradition russe. Mais le vrai
Khatchaturian ne s’est réellement révélé
au public qu’en 1936 avec son Concerto
pour piano dédié à Lev Oborine, oeuvre
frappante par son originalité : audaces
harmoniques, rythmes à la fois complexes
et expressifs, brillante couleur orchestrale.
Si la facture pianistique s’apparente parfois à celle de Rachmaninov, la technique
du développement marque sensiblement
l’héritage de Tchaïkovski. Les qualités
de verve, de virtuosité et de lyrisme se
retrouvent dans le Concerto pour violon
(1940) dédié à David Oïstrakh.
Khatchaturian a rapidement trouvé son
langage, et sa démarche et son style ne se
sont guère modifiés par la suite. Même
dans le Poème à Staline (1938), il a réussi
à concilier des traits du folklore arménien,
géorgien et azerbaïdjanais avec un développement symphonique élaboré. C’est
avec son ballet Gayaneh (1943) qu’il devait
obtenir une réputation internationale, en
mettant en scène le drame de la patriote
Gayaneh, dont le mari est passé du côté de
l’ennemi. L’oeuvre reprend des fragments
du premier ballet de Khatchaturian, le
Bonheur, et contient un grand nombre
de danses de caractères divers, dont la
célèbre Danse du sabre, qui a donné lieu
par la suite à de multiples arrangements.
La Troisième Symphonie, ou SymphoniePoème (1947), écrite pour le trentième
anniversaire de la Révolution, fait appel
à un orchestre renforcé par l’orgue et par
quinze trompettes, et peut se comparer
à la Bataille de Vittoria de Beethoven ou
à l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski. Elle
n’échappa pas aux critiques de Jdanov en
1948 : de même que Chostakovitch, Prokofiev, Chébaline, Popov, Kabalevski, etc.,
Khatchaturian fut accusé de distorsions
formalistes et de tendances antidémocratiques. À la suite de ces événements, il
se consacra intensivement à la musique
de film (Vladimir Ilitch Lénine, 1948 ; la
Bataille de Stalingrad, 1949).
À partir de 1950, le compositeur étendit
ses activités à deux nouveaux domaines :
l’enseignement (à l’institut Gniessine et au
conservatoire de Moscou) et la direction
d’orchestre. En 1968, lors d’une tournée
aux États-Unis, il dirigea les plus grands
orchestres symphoniques dans des programmes consacrés à ses oeuvres. En 1950,
il séjourna en Italie, comme membre
d’une délégation soviétique, et, peu après,
se mit à la partition du ballet Spartacus
(1952-1954), sur le sujet à la fois historique et révolutionnaire de la révolte des
esclaves à Rome en 73 (av. J.-C.). L’oeuvre
lui valut en 1959 le prix Lénine ; en 1968,
elle fut représentée dans une nouvelle
version chorégraphique de Grigorovitch.
Après la mort de Staline, Khatchaturian
fut l’un des musiciens éminents à réclamer publiquement une plus grande liberté de création ; il publia, dans la revue
Sovietskaïa Mouzyka de novembre 1953,
un article intitulé Audace et imagination
créatrice. Néanmoins, après la création du
festival d’automne à Varsovie (1956), il
devait condamner toutes les tendances en
direction du dodécaphonisme ou de toute
autre avant-garde occidentale.
KHRENNIKOV (Tikhon), pianiste et compositeur soviétique (Eletz 1913).
Il a étudié, à l’institut Gniessine, la composition avec M.-F. Gnessina et G.-I.
Litinski et le piano avec E.-G. Guelman
(1929-1932), avant de suivre les cours de
composition de V. Chebaline au conservatoire de Moscou (1933-1936). Il est
aujourd’hui le musicien officiel le plus
important de son pays : artiste du peuple
de l’U. R. S. S. (1963), député au Soviet
suprême, premier secrétaire de l’Union
des compositeurs d’U. R. S. S., chargé des
liaisons avec l’étranger, ordre de Lénine,
prix Lénine (1967 et 1974). Il enseigne au
conservatoire de Moscou depuis 1966.
KIENZL (Wilhelm), compositeur autrichien (Waizenkirchen 1857 - Vienne
1941).
Sa thèse Die musikalische Deklamation
(1880) lui valut le titre de docteur. En
1879, il assista Wagner à Bayreuth. Après
des tournées de concerts en tant que pianiste, accompagnateur, il devint directeur
de l’Opéra allemand d’Amsterdam, puis
occupa successivement les mêmes fonctions à Hambourg, à Munich et à Graz.
Son opéra Urvasi (1886) attira l’attention
du public sur son activité de compositeur, mais Der Evangelimann (1895) demeura son plus grand succès. Wagnérien
convaincu, il s’efforça de démontrer que
les principes du compositeur de Parsifal
pouvaient être appliqués avec bonheur à
des sujets moins ambitieux. L’intention de
Kienzl était de créer un opéra populaire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
530
dans le genre du mélodrame sentimental
fin de siècle, qu’il transporta à la scène
lyrique. Musicien possédant un métier
solide, il était doué d’une veine mélodique
assez facile, et convaincante dans le cadre
des sujets qu’il traitait.
À partir de 1917, Kienzl vécut à Vienne,
d’où il entretint par correspondance des
relations avec toutes les personnalités musicales de son temps. Plusieurs dizaines
de milliers de lettres ont pu être retrouvées. Outre les opéras, il composa dans
tous les genres et publia également divers
ouvrages littéraires dont une étude sur
Wagner.
KIEPURA (Jan), ténor polonais (Sosnowiec 1902 - New York 1966).
Il débuta en 1924 à Lvóv dans le rôle de
Faust. Il fit une carrière internationale, se
produisant régulièrement, de 1926 à 1939,
à Vienne, Berlin, Milan, Paris. Émigré aux
États-Unis, il chanta pendant la guerre
au Metropolitan Opera de New York, à
Chicago et à San Francisco. Ses rôles les
plus fameux furent Mario (la Tosca),
Calif (Turandot) et Rodolphe (la Bohème).
Ayant épousé la soprano hongroise Martha Eggerth, il aborda l’opérette et chanta
avec elle la Veuve joyeuse un peu partout.
Jan Kiepura fit également de nombreux
films. Sa voix de ténor lyricospinto était
riche et bien timbrée. Il avait un physique
avantageux et une très belle prestance.
KIERKEGAARD (Søren Aabye), théologien, écrivain et philosophe danois (Copenhague 1813 - id. 1855).
Il a consacré à la musique de Mozart, Don
Giovanni en particulier, un court écrit,
les Étapes érotiques spontanées (ou, selon
les traductions, les Stades immédiats de
l’Éros), intégré dans un ensemble publié
en 1843 sous un pseudonyme (EntenEller), Ou bien... ou bien. Mais toute son
oeuvre fait référence, implicitement ou explicitement, à l’univers acoustique et à la
musique. L’opuscule des Étapes érotiques
spontanées (sous-titré l’Érotisme musical)
célèbre le Don Giovanni considéré comme
l’opéra des opéras, l’expression la plus géniale de la sensualité comme principe. Les
trois étapes qu’évoque le titre apparaissent
dans trois opéras de Mozart : la première,
c’est le Chérubin des Noces de Figaro,
troublé par l’éveil d’un désir sans objet
et qui ne se reconnaît pas encore comme
tel ; la deuxième, c’est le Papageno de la
Flûte enchantée, être immédiat et gaiement
gazouillant (à l’opposé de Tamino, décrit
avec justesse comme un personnage « amusical... au-delà de la musique ») et dont
le désir cherche son objet au milieu d’une
multitude ; enfin la troisième étape, c’est
Don Juan, c’est-à-dire le désir « absolument déterminé comme tel », victorieux,
irrésistible, un personnage qui ne pouvait,
selon Kierkegaard, apparaître que dans le
cadre chrétien, seul propice à l’affirmation
de ce concept de sensualité. Mais Don
Juan, l’anti-Tamino, est un être complètement musical, « la parole, la réplique ne
lui appartiennent pas (...), il se hâte dans
un perpétuel évanouissement, justement
comme la musique ». Par opposition,
l’auteur critique les Don Juan littéraires
de Byron et de Molière. Celui de Mozart
est, au sein de l’opéra qui porte son nom,
désigné comme la « note fondamentale »,
la force fondamentale, le révélateur par
excellence, qui donne de l’intérêt à tous les
autres personnages qu’il touche. « Écoutez, écoutez, écoutez le Don Giovanni de
Mozart », conclut le philosophe danois.
Ce Mozart vénéré, ce musicien suprême, pour n’être abordé longuement
que dans cet article, reste présent à travers l’oeuvre de Kierkegaard, par l’esprit
de vivacité rythmique qui anime son style
et sa pensée même, pensée « musicale »
au plein sens du mot. Comme l’a souligné
Nelly Viallaneix, Kierkegaard, amoureux
de la sonorité de la langue, en joue d’une
manière orale, rythmique, avec, notamment, un grand souci de la ponctuation,
qui donne sa respiration à la phrase, et une
recherche de cadence très sensible, même
à travers les traductions. Extrêmement
sensible aux impressions acoustiques (son
Journal en note un grand nombre, qui
sont souvent des perceptions musicales
d’impressions rythmiques et visuelles),
avouant, entre les cinq sens, préférer celui
de l’ouïe, Kierkegaard a visiblement cherché non pas seulement à habiller de musicalité une pensée abstraite, mais, encore
mieux, à donner à l’essor de sa pensée
une logique, un mouvement directement
musical - un certain sving de l’esprit,
comme on dit en danois - jusque dans les
frémissements, les contradictions, les dissonances assumées. Au reste, il conçoit la
musique comme un domaine mystérieux
« confinant partout à la langue », et qui
commence « partout où la langue cesse ».
Son goût pour les onomatopées, pour les
allitérations, pour les genres poétiques
obéissant à des règles « acoustiques » (telle
la rime) manifeste sa conscience aiguë du
langage dans la matérialité de sa substance
signifiante, sa « matière sensible », et son
intuition d’une dimension du langage audelà de la signification littérale.
KIESEWETTER (Raphael Georg), historien de la musique autrichien (Holesov,
Bohême, 1773 - Baden, près de Vienne,
1850).
Élève d’Albrechtsberger, fonctionnaire
dans l’administration impériale, il organisa chez lui, à partir de 1818, des concerts
de musique vocale du XVIe au XVIIIe siècle,
et apparaît comme le véritable fondateur
de la musicologie autrichienne (Die Verdienste der Niederländer um die Tonkunst,
1829 ; Geschichte der europäisch - abendländischen oder unserer heutigen Musik,
1834 ; Die Musik der Araber, 1842). Il eut
comme neveu August Wilhelm Ambros,
et, à sa mort, sa bibliothèque échut à Aloys
Fuchs.
KILAR (Wojchech), compositeur polonais (Lvov 1932).
Il a fait ses études à l’École de musique de
Katowice (1950-1955) et au conservatoire
de Cracovie (1955-1958), ainsi qu’avec
Nadia Boulanger à Paris, et obtenu le prix
Lili-Boulanger en 1960. Surtout connu
dans son pays comme auteur de musiques
de film, il s’est également imposé par plusieurs pièces pour orchestre dont la Petite Ouverture (1955), deux symphonies,
dont la première pour cordes (1955) et la
seconde, dite Sinfonia concertante, pour
piano et orchestre (1956), un concerto
pour deux pianos (1958), Riff 62 (1962),
le poème symphonique Krzesany (1974),
Koscielec 1909 (1976), Exodus pour orchestre et choeur (1980).
KILPINEN (Yrjö), compositeur finlandais
(Helsinki 1892 - id. 1959).
Grâce à ses quelque 700 lieder, il est
probablement le compositeur finlandais
le plus connu après J. Sibelius. Son style
amalgame avec bonheur la tradition du
lied classico-romantique d’Europe centrale avec celle de la romance nordique.
Celle-ci brille alors dans les salons bourgeois et doit ses lettres de noblesse à E.
Grieg, C. Sinding et J. Sibelius. Parti des
poèmes de ses compatriotes E. Leino,
H. Jalkanen et V. A. Koskenniemi, Kilpinen s’intéresse progressivement au Kalevala et, à partir des années 30, aux textes
allemands de C. Morgenstern, von Zwehl,
A. Sergel. Il est à noter le succès que Kilpinen rencontra pendant le IIIe Reich allemand auprès des autorités musicales de
ce pays. Son évolution, commencée dans
le radicalisme des années 20, se poursuit
après la guerre. C’est en quelque sorte un
retour aux sources ; Kilpinen utilise alors
de plus en plus des formules modales
proches du folklore, et son style postromantique s’adapte avec bonheur au texte
du Kalevala et aux poèmes de K. Vala.
Excellent dans la miniature, Kilpinen tend
à une expression souvent dépouillée ; tout
son effort se porte sur la mise en musique
du texte, et l’accompagnement ne joue que
rarement un rôle essentiel.
KIMMERLING (Robert), compositeur
autrichien (Vienne 1737 - Oberweiden
1799).
Éduqué à l’abbaye de Melk, où son oncle
était abbé, à partir de 1748, il y prononça
ses voeux en 1754. Durant l’hiver 17601761, lors d’un séjour à Vienne, il travailla
avec Haydn. Il fut directeur de la musique
à Melk de 1761 à 1777, puis curé à ObedownloadModeText.vue.download 537 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
531
rweiden, près de la frontière hongroise. Il
composa surtout de la musique religieuse.
KINDERMANN (Johann Erasmus), compositeur, organiste et pédagogue allemand (Nuremberg 1616 - id. 1655).
Élève de Johann Staden, il étudia à Venise
et à Rome (1635) et occupa plusieurs
postes d’organiste dans sa ville natale. Il
composa surtout de la musique vocale,
aussi bien dans la prima que dans la seconda pratica. Son recueil de Canzoni,
sonatae (1653) contient 41 oeuvres pour
un, deux ou trois violons, violoncelle et
continuo (avec un des premiers exemples
de scordatura). Son Harmonia organica
(1645) est le dernier recueil d’orgue allemand noté en tablature et le premier à
avoir été gravé.
KINSKY (Georg), musicologue allemand
(Marienwerder 1882 - Berlin 1951).
Professeur de musicologie à Cologne de
1921 à 1932, spécialiste des instruments
historiques, il travailla à partir de 1945
à un catalogue thématique fondamental
des oeuvres de Beethoven, qui, après sa
mort, fut achevé et publié par Hans Halm
(Munich 1898 - id. 1965) [Kinsky-Halm :
Das Werk Beethovens. Thematisch-bibliographisches Verzeichnis seiner sämtlichen
vollendeten Kompositionen, Munich, Duisburg, 1955, ou l’oeuvre de Beethoven. Catalogue thématique et bibliographique de
toutes ses compositions achevées].
KIPNIS, famille de musiciens américains
d’origine russe.
Alexander, basse (Zitonnir 1891 - Westport, Connecticut, 1978). Il étudia la musique à Varsovie, où il obtint un diplôme
de chef d’orchestre, puis le chant à Berlin,
et fit ses débuts à Hambourg en 1915. Engagé à Wiesbaden, il y chanta jusqu’à la
fin de la Première Guerre mondiale. Il se
produisit à l’Opéra de Berlin (1918-1925),
à celui de Chicago (1925-1932), puis, de
retour en Europe, dans la plupart des
grands théâtres ainsi qu’aux festivals de
Bayreuth et de Salzbourg. En 1935, il regagna les États-Unis et chanta au Metropolitan Opera de New York jusqu’en 1946. Sa
grande voix alliait l’ampleur à la souplesse
et il interprétait avec un même bonheur
les personnages tragiques ou comiques
des répertoires allemand, italien et russe.
Il était particulièrement admiré dans les
rôles de Gurnemanz (Parsifal), d’Osmin
(l’Enlèvement au sérail) et de Boris Godounov. Sa musicalité expressive en faisait
aussi un chanteur de lieder très exceptionnel.
Igor, fils du précédent, fut claveciniste
(Berlin 1930).
KIRCHNER (Leon), compositeur américain (Brooklyn 1919).
Il fut l’élève de Sessions, Ernest Bloch
et Schönberg, et conseillé, en outre, par
Stravinski et Klemperer. Pianiste et chef
d’orchestre, professeur à l’université de
Californie, au Mills College, puis à Harvard, il a renié toutes ses oeuvres de jeunesse et ne reconnaît comme valables que
celles écrites après 1949, moment où il a
réussi à concilier une inspiration romantique et souvent de style rhapsodique
avec une expression très moderne allant
jusqu’à la technique dodécaphonique. Les
influences diverses (Mahler, Schönberg,
Bartók) se rencontrent avec les éléments
populaires dans son langage qui passe des
audaces les plus virulentes aux formules
les plus traditionnelles avec une très
grande virtuosité. Intéressé par la musique
électronique, il a réalisé avec son troisième
quatuor une oeuvre originale qui lui a valu
le prix Pulitzer en 1967.
KIRKBY (Emma), soprano anglaise (Camberley 1949).
Elle étudie la littérature à Oxford, le
chant à Londres, auprès de Jessica Cash,
et se spécialise rapidement dans le répertoire du XVIe au XVIIIe siècle, anglais en
particulier. Elle se produit en compagnie
d’ensembles tels que le Taverner Consort,
Musica Reservata, Consort of Musicke et
épouse le claveciniste et chef d’orchestre
Andrew Parrott. Elle interprète aussi le
répertoire baroque sous la direction de C.
Hogwood et W. Christie.
KIRKPATRICK (Ralph), claveciniste et
musicologue américain (Leominster,
Massachusetts, 1911 - Guilford, Connecticut, 1984).
Il étudia à l’université Harvard, à Paris
avec Wanda Landowska (clavecin) et
Nadia Boulanger (1931-32), puis en Allemagne avec A. Dolmetsch, G. Ramin et H.
Tiessen. Il fit ses débuts de claveciniste en
1930 et enseigna au Mozarteum de Salzbourg (1933-34), puis à l’université Yale,
où il entra en 1940 et où il fut professeur
de 1965 à 1976. Il s’est également produit
comme interprète au clavicorde et au
piano-forte. Il possède à son répertoire,
outre des pièces de l’école française et de
celle des virginalistes anglais, toutes les
oeuvres pour clavier de Bach et de nombreuses sonates de D. Scarlatti. Comme
musicologue, il a consacré à ce compositeur une étude fondamentale (Domenico
Scarlatti, Princeton, Londres, 1953), et
attaché son nom à une nouvelle classification (chronologique) de ses 555 sonates
remplaçant désormais celle de Luigi
Longo.
KIRNBERGER (Johann Philipp), théoricien et pédagogue allemand (Saalfeld,
Thuringe, 1721 - Berlin 1783).
Élève de Bach à Leipzig (1739-1741), il
devint en 1751 violoniste de Frédéric II
à Berlin et en 1758 maître de chapelle de
sa soeur, la princesse Amalie, à qui il enseigna la théorie et la composition. Ami
de Carl Philip Emanuel Bach, il protégea
pendant un temps Wilhelm Friedmann
après son installation à Berlin en 1774. Il
ne publia ses principaux ouvrages théoriques qu’après 1770 : le plus célèbre est
Die Kunst des reinen Satzes (1771-1779).
Il entretint à Berlin le culte de Bach, mais
d’un point de vue rationaliste, en insistant
davantage sur la dimension didactique, le
côté « guide pour le contrepoint », de ses
oeuvres, en particulier des chorals (qu’il
édita en collaboration avec Carl Philipp
Emanuel), que sur leur fonction spirituelle
et leur contexte biblique.
KISSIN (Evgeni), pianiste russe (Moscou
1971).
Enfant prodige, il commence à étudier le
piano à l’âge de deux ans et entre quatre
ans plus tard à l’école Gnessine. En 1980, il
joue pour la première fois avec orchestre et
se produit en 1984 dans les deux concertos
de Chopin avec l’Orchestre philharmonique de Moscou. Invité au Japon puis à
Berlin, il commence un brillante carrière,
donnant des récitals et se produisant en
concerto avec les plus grands orchestres.
KJERULF (Halfdan), compositeur norvégien (Oslo 1815 - id. 1868).
Élève de N. Gade à Copenhague et de
Richter à Leipzig, il a écrit près de 100 romances, 30 choeurs pour voix d’hommes,
des pièces pour piano et 1 musique de
scène. Kjerulf appartient à la catégorie des
compositeurs lyriques qui, en Norvège,
sut renouveler l’attitude créatrice vis-à-vis
du folklore. En ce sens, il complète l’oeuvre
d’Ole Bull et de Lindeman et rejoint celle
de Grieg. Habile dans la petite forme, véritable compositeur-poète, il a également
été un pionnier dans le domaine choral et
le premier organisateur de concerts symphoniques en Norvège (1857-1859).
KLAMI (Uuno), compositeur finlandais
(Virolahti 1900 - id. 1961).
Il représente la tendance moderniste, qui,
après J. Sibelius, essaie de rapprocher le
mouvement musical finlandais de celui de
l’Europe. Sans renier ses attaches culturelles nationales, Klami les exprima dans
un style cosmopolite, tendance accentuée par un grand sens de l’observation,
qui lui permit de tirer parti de ses études
à Paris avec M. Ravel (1924-25) et à
Vienne (1928-29). Ainsi plongea-t-il dans
des cultures aussi éloignées de la sienne
que celles de la valse viennoise (ouverdownloadModeText.vue.download 538 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
532
ture Opernredoute, 1929), des Sérénades
espagnoles (1924-1944) ou du Montmartre
des années 20 (Yö Montmartrella, 1925).
Mais c’est dans le domaine finnois qu’il
fut le plus convaincant (Rhapsodie carélienne, 1927 ; Kalevalasarja, 1933-1943 ;
Lemminkäinen, 1934 ; Tcheremissian Fantasy, 1931). Dans toutes ces oeuvres, inspirées plus par une atmosphère que par
un argument, Klami se montre un brillant
orchestrateur qui sait aussi bien prolonger
le style de Stravinski que celui de Ravel.
Dans les autres domaines, il faut retenir
un Psaume (1935-36), deux symphonies
(1937 et 1945), des musiques de scène
(ouverture de Nummisuutarit, 1936) et
diverses oeuvres orchestrales (Merikuvia,
« Images de mer », 1928-1930) et de musique de chambre.
KLEBE (Giselher), compositeur allemand
(Mannheim 1925).
Il a étudié à Berlin avec Kurt von Wolfurt
(1941-1943), Josef Rufer (1946) et Boris
Blacher (1946-1951), et, depuis 1957, il
enseigne la composition à Nordwestdeutsche Musikakademie de Detmold.
Il s’est fait connaître en 1950 à Donaueschingen avec Die Zwitschermascine pour
orchestre, d’après Klee, mais a surtout
acquis la célébrité grâce à ses opéras, en
général d’expression sombre et abrupte :
Die Raüber, d’après Schiller (Düsseldorf,
1957) ; Die tödlichen Wünsche, d’après Balzac (Düsseldorf, 1959) ; Die Ermordung
Cäsars, d’après Shakespeare (Essen, 1959) ;
Alkmene, d’après Kleist (Berlin, 1961) ;
Figaro lässt sich scheiden, d’après Horvath
(Hambourg, 1963) ; Jacobowsky und der
Oberst, d’après Werfel (Hambourg, 1965) ;
Das Märchen von der schönen Lilie, d’après
Goethe (Schwetzingen, 1969) ; Ein wahrer
Held, d’après Synge (Zurich, 1975) ; Das
Mädchen aus Domrémy, d’après Schiller
(Stuttgart, 1976) ; Das Rendez-vous (Hanovre, 1977) ; Der jüngste Tag (1980) ; Die
Fastnachtsbeichte (1983) ; Gervaise Macquart (1995).
KLEIBER, famille de musiciens d’origine
autrichienne.
Erich, chef d’orchestre autrichien naturalisé argentin en 1939 (Vienne 1890 - Zurich
1956). Après des études à Vienne, puis à
Prague, il débuta avec l’Ouverture d’Euryanthe de Weber et fut aussitôt nommé
à Darmstadt (1912-1919). L’année 1916,
avec le Chevalier à la rose, inaugura une
longue collaboration avec Richard Strauss.
Nommé à Eberfeld (1919), puis à Düsseldorf (1921), où il mena une politique
musicale hardie (Schönberg, Hindemith),
et enfin à Mannheim (1922), il remplaça
Leo Blech dans Fidelio à l’Opéra de Berlin (1923) et remporta un succès tel que
trois jours après il fut nommé directeur
général de la musique de l’Opéra de Berlin. Il y resta onze ans (1923-1934). Cette
période fut extrêmement féconde : il créa
Jenufǎ de Janáček (1924), Wozzeck (après
137 répétitions assidues) de Berg (1925),
concert mémorable et le plus grand succès
de sa carrière, Christophe Colomb de Milhaud (1930) et plusieurs autres ouvrages
contemporains. Peu enclin aux accommodements envers la politique culturelle
du régime nazi, il dirigea en première
audition, et avec succès, les pièces symphoniques de Lulu de Berg. Mais, après
l’interdit jeté sur cette oeuvre, il donna, à
la suite de Furtwängler, sa démission de
l’Opéra de Berlin (1934), ville où il ne
retourna qu’en 1951.
Une vie de vagabondage commença.
Déçu de ne recevoir aucune offre de sa
ville natale, il devint citoyen argentin, et
prit à Buenos Aires la direction du Teatro Colón (1937-1949), commençant en
même temps une seconde carrière de chef
d’orchestre pionnier au Chili, en Uruguay,
au Mexique et à Cuba. Après la guerre, il
reprit ses activités européennes. Il donna
en 1951 au Mai musical florentin, avec
Maria Callas dans le rôle-titre, la création
mondiale d’Orfeo ed Euridice de Haydn.
Nommé à l’Opéra de Berlin (1955), il dé-
missionna immédiatement pour protester
contre l’intrusion politique stalinienne.
Après quelques villes d’Europe, ce fut
enfin Vienne : deux mois avant sa mort,
Kleiber y dirigea le Requiem de Verdi.
Refusant toute complaisance, d’une rigueur extrême doublée d’une ardeur presque
fanatique, Erich Kleiber ne laissait aucune
place à l’improvisation et tendait à la précision la plus extrême. Parmi ses enregistrements, des versions mémorables du
Chevalier à la rose et des Noces de Figaro.
Carlos, chef d’orchestre argentin (Berlin
1930). Fils du précédent, naturalisé autrichien en 1980, il entreprit des études musicales au Teatro Colón de Buenos Aires
(1950) et donna son premier concert à
La Plata (1952). De retour en Europe
(1953), sur le conseil de son père, il se
détourna d’une carrière musicale pour
étudier la chimie à Zurich. Mais l’appel
de la musique fut le plus fort : acceptant
le poste de répétiteur au théâtre de la Gärtnerplatz de Munich, il cumula alors les
fonctions de chef d’orchestre à Potsdam
et à l’Opéra allemand du Rhin (dès 1954),
à Düsseldorf et à Duisburg (1956-1964).
Chef attitré de l’Opéra de Stuttgart (1966),
il y dirigea Wozzeck, puis le Chevalier à
la rose, Elektra, Tristan und Isolde, Otello,
Carmen et le Freischütz, qu’il enregistra
intégralement (1973). Depuis 1968, on le
voit fréquemment à la tête du Staatsoper
de Munich. En 1974, il fit ses débuts à Bayreuth avec Tristan und Isolde et participe
depuis au festival de Vienne et au Printemps de Prague.
KLEMPERER (Otto), chef d’orchestre
allemand (Breslau 1885 - Zurich 1973).
Après avoir étudié au conservatoire de
Francfort-sur-le-Main, il suivit à Berlin
l’enseignement de J. Kwast (piano) et de
P. Scharwenka et H. Pfitzner (composition). Ayant débuté comme répétiteur de
choeurs, il dut son premier engagement
(1906) à M. Reinhardt, qui monta Orphée
aux Enfers. Autre rencontre capitale, celle
de Mahler, qui le recommanda successivement comme chef d’orchestre du Théâtre
allemand de Prague (1907-1910) et du
Théâtre de Hambourg (1910-1913). Klemperer, qui avait dirigé en coulisses le second orchestre à la création berlinoise de
la Deuxième Symphonie de Mahler, allait
devenir un ardent défenseur de l’oeuvre de
ce maître, comme en témoignent nombre
d’enregistrements et un livre de souvenirs
(Erinnerungen an G. Mahler, 1960). Sa carrière se poursuivit à Barmen (1913-14),
Strasbourg (1914-1917), Cologne (19171924) et Wiesbaden (1924-1927).
Nommé directeur musical de l’Opéra
Kroll de Berlin (1927-1931), il en fit très
rapidement une des premières scènes
lyriques d’Allemagne, accueillant les nouvelles oeuvres de Krenek, Weill, Schönberg, Hindemith et Stravinski dans des
mises en scène expressionnistes - politique novatrice fortement encouragée par
la République de Weimar, mais qui valut
à son auteur l’opprobre des nationauxsocialistes bientôt au pouvoir. Il dirigea
également le Choeur philharmonique et,
de 1931 à 1933, travailla au Staatsoper de
Berlin. En 1933, Klemperer fut contraint
d’émigrer aux États-Unis, où il prit la
direction de l’Orchestre philharmonique
de Los Angeles (jusqu’en 1940). Mais
plusieurs graves accidents de santé, dont
une hémiplégie, allaient interrompre une
carrière et on le vit dorénavant diriger
assis, jusqu’en 1970. Il fut encore chef de
l’Opéra de Budapest (1947-1950) et président du New Philharmonia Orchestra
(1959).
Compositeur, il a laissé un opéra (Das
Ziel), une symphonie, des oeuvres sacrées
et des lieder. Interprète, il est entré vivant
dans la légende. On a voulu ne voir en lui
que le gardien sévère de la grande tradition germanique. C’est méconnaître le
novateur fougueux qu’il sut être dans sa
jeunesse et le lutteur inspiré qu’il devint
dans l’adversité, élevant son art à la spiritualité la plus profonde.
KLETZKI (Paul), chef d’orchestre polonais naturalisé suisse (Ðód’z 1900 - Liverpool 1973).
D’abord violoniste, il joue dans l’Orchestre philharmonique de Ðód’z de 1914
à 1919. De 1923 à 1933, il travaille à Berlin,
et connaît le succès en tant que compositeur : Furtwängler dirige plusieurs de ses
symphonies et concertos. Il quitte l’AlledownloadModeText.vue.download 539 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
533
magne pour l’Italie, où il enseigne la composition à Venise, puis au Conservatoire
de Milan entre 1935 et 1938. En 1940, il
se fixe en Suisse, où il dirige le Festival de
Lucerne. De 1967 à 1970, il succède à Ansermet à la tête de l’Orchestre de la Suisse
romande.
KLOSE (Margaret), mezzo-soprano allemande (Berlin 1902 - id. 1968).
Elle débuta dans l’opérette à Ulm en
1927. Engagée à Mannheim de 1928 à
1931, elle entra à l’Opéra de Berlin en
1932, et devait s’y illustrer toute sa vie. En
1935, elle chanta Ortrude à Bayreuth, puis
Fricka. Dans le même temps, elle triompha à Londres, Buenos Aires et Paris. Sa
grande voix sombre, d’une étendue exceptionnelle, lui permettait d’aborder avec
un égal bonheur des rôles de contralto,
comme Erda ou Orphée, et des rôles de
mezzo-soprano comme Amneris. Son répertoire était extrêmement étendu. Sa musicalité, la noblesse de son style, son talent
d’actrice, sa présence scénique se pliaient
à l’opéra italien (Verdi), allemand (Wagner et Strauss), et même français (elle fut
une Carmen réputée). Son timbre était un
des plus beaux qui se puisse entendre.
KLUSÁK (Jan), compositeur tchèque
(Prague 1934).
Il est l’élève de J. Rídký et P. Bořkovec à
l’Académie de musique et d’art dramatique de Prague (1953-1957). Influencé
par Vostřák, il se fait connaître par ses
Variations sur un thème de G. Mahler
(1960-1962) et son opéra le Procès, d’après
Kafka (1966). Entre 1961 et 1969, il écrit
Six Inventions, les deux premières pour orchestre de chambre, la troisième, véritable
hommage à Webern, la quatrième sur
une nouvelle de Kafka, la cinquième pour
quintette à vent, la sixième sous forme de
nonette. Ces diverses réponses apportées
aux problèmes esthétiques que se pose
Klusák montrent qu’il est, avec Kopelent,
l’un des rares compositeurs tchèques de
sa génération à être passé d’un néoclassicisme stravinskien à un style postsériel
vivant et inventif. Ainsi ses Images (4)
[1960], Rondo pour piano (1967), Reydowak pour clarinette-basse, clavecin et
piano (1972).
KNAPPERTSBUSCH (Hans), chef d’orchestre allemand (Elberfeld 1888 - Munich 1965).
L’étude de la philosophie à Bonn précède
celle de la musique, entreprise en 1908,
au conservatoire de Cologne, avec comme
professeurs F. Steinbach, O. Lohse et L.
Uzielli. Il est nommé chef d’orchestre du
théâtre de Mühlheim, dans la Ruhr (19101912), avant de diriger l’Opéra de sa ville
natale (1913-1918). Les Opéras de Leipzig
(1918) et Dessau (1919-1921) accueillent
le jeune chef qui succède en 1922 à B. Walter à la tête de l’Opéra de Munich. Chassé
par les événements, il se réfugie en 1936 à
Vienne et travaille au Staatsoper. Après la
guerre, Munich accueille de nouveau celui
qui va devenir son chef préféré, alors que
Bayreuth (où il fut pourtant l’assistant de
H. Richter et S. Wagner de 1910 à 1912)
attendra la réouverture de 1951 pour l’inviter à diriger un Parsifal mémorable et à
partager la direction de la Tétralogie avec
Karajan (il devait la diriger ensuite deux
fois à Paris, en 1955 et en 1957). Wagner,
mais aussi R. Strauss et Beethoven, furent
admirablement servis par les lectures de
Knappertsbusch, à la fois scrupuleuses et
soulevées par une ample respiration.
KNITTEL (Krzystof), compositeur polonais (Varsovie 1947).
Il fait ses études de composition avec
Tadeusz Baird, Andrzej Dobrowolski et
Wlodzimierz Kotonski, et obtient un diplôme d’ingénieur du son à l’École supérieure de musique de Varsovie. Il collabore depuis 1973 au Studio expérimental
de la radio polonaise. Il constitue, avec
Elzbieta Sikora et Wojciech Michniewski,
le groupe KEW et réalise avec eux des
oeuvres collectives (In the Tatra Mountains, 1974 ; Adjoinings Zones, 1976).
La double formation de compositeur
et d’ingénieur du son a permis à Knittel
de développer une conception de la musique particulièrement originale. Pour lui,
en effet, le phénomène sonore est d’une
complexité telle que ses composantes ne
peuvent être réduites à un commun dénominateur, mais doivent au contraire
préserver leur autonomie, assumer leurs
contradictions. Ainsi, par exemple, dans
Dorikos I (1976-77) pour quatuor à cordes
et bande magnétique, le musicien tente
d’associer des sons instrumentaux et des
sons naturels enregistrés ; la partie instrumentale et celle enregistrée jouent le rôle
de partenaires devant assurer chacun leurs
fonctions respectives. Il n’y a donc pas,
dans une telle conception, hétérogénéité
totale des sources sonores, mais bien toujours permanence des autonomies respectives qui témoigne du caractère utopique
de leur rencontre.
Cette préoccupation, déjà présente
dans les premières oeuvres - 440 pour violon, piano et bande magnétique (1973) ;
Points/lignes pour clarinette, bande magnétique et diapositives (1973) ; Form A,
Form E pour quintette à vent et dispositif
lumineux (1973) -, se retrouve dans des
pièces plus récentes telle Odds and Ends
pour matériel électroacoustique (1978),
enregistrement des chutes du Niagara
transformé par synthétiseur, du piano, diverses sources électroniques, voix, sirènes,
etc.
KNUSSEN (Olivier), compositeur anglais
(Glasgow 1952).
Fils d’un contrebassiste, il commença à
composer dès l’âge de six ans et fit entendre sa première symphonie (1966-67)
à quinze ans. La deuxième, pour soprano
et orchestre de chambre, date de 197071, la troisième de 1973-1979 (création,
Londres, 1979). Aux sonorités massives
de cette dernière oeuvre s’oppose le côté
linéaire et souple de certaines partitions
de musique de chambre comme Masks
pour flûte (1969), ou Océan de terre pour
petit ensemble, d’après Apollinaire (197273 ; rév., 1976). À l’Opéra de Bruxelles ont
été créés en novembre 1980 Where the
Wild Things Are, fantaisie en 2 actes sur un
livret de M. Sendak (1979-80), et à Glyndebourne en 1985 Higglety Pigglety Pop !.
KOCH (Erland von), compositeur et organiste suédois (Stockholm 1910).
Ses études le mènent en Allemagne et en
France. Il est influencé par la vague néoclassique des années 30 et par la musique
folklorique suédoise. En 1943, son style
évolue (Capriccio nordique) et devient plus
contrapuntique. Il a écrit 4 symphonies, 6
quatuors à cordes, 3 concertos pour piano
et, entre 1964 et 1966, sa trilogie pour orchestre : Impulsi, Echi et Ritmi.
KOCH (Heinrich Christoph), théoricien
et violoniste allemand (Rudolstadt
1749 - id. 1816).
Il étudia le violon et la composition
à Rudolstadt, Berlin, Dresde et Hambourg, puis occupa un poste de premier
violon à Rudolstad. À partir de 1772, il
se consacra essentiellement à ses écrits
théoriques. Parmi ceux-ci, deux ouvrages
apparaissent, en leurs genres respectifs,
comme les plus importants de l’ère classique viennoise à son apogée : Versuch
einer Anleitung zur Composition (Essai
de méthode de composition, Rudolstadt et
Leipzig, 1782-83 ; rééd., 1969), et Musikalisches Lexikon (Lexique musical, Francfort, 1802 ; version abrégée, Leipzig,
1807). Le Versuch, en trois volumes, traite
aussi bien des principes harmoniques de
base que de la périodicité mélodique et de
la composition d’un mouvement entier de
symphonie. Le Lexikon est un dictionnaire
de termes musicaux. On trouve également
dans les deux ouvrages des considérations
esthétiques.
KOCHAN (Günter), compositeur allemand (Luckau 1930).
Élève de Boris Blacher et de Hans Eisler,
il occupe une place très officielle dans la
vie musicale de la République démocratique allemande et enseigne depuis 1950
la théorie à l’École supérieure de musique
de Berlin-Est. Il a écrit de nombreux ouvrages pour la jeunesse et pour le grand
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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public, comme la cantate Die Welt ist jung
(1951), et s’est forgé un langage classique
dans la lignée de Eisler, Chostakovitch et
Bartók avec, par exemple, son Concerto
pour violon (1952), son Concerto pour alto
(1974) et ses quatre symphonies, dont la
première et la troisième avec soprano et
choeurs (1964, 1968, 1972, 1983-1984).
KÖCHEL (Ludwig Aloïs Friedrich, Ritter
von), savant et musicographe autrichien
(Stein an der Donau, Basse-Autriche,
1800 - Vienne 1877).
Docteur en droit, il s’était acquis également une réputation européenne en botanique et en minéralogie. Il fut le précepteur des quatre fils de l’archiduc Karl de
1827 à 1842, année où il fut anobli. Après
avoir été Schulrat à Salzbourg (18501852), il se consacra à la musicologie et
en particulier à Mozart, dont il établit le
catalogue chronologique et thématique de
toutes les oeuvres (Chronologisch thematisches Verzeichnis Sämtlicher Tonwerke,
Leipzig, 1862). Il rassembla une quantité
importante de matériel d’origines diverses
(dont une partie lui fut fournie par son
ami Otto Jahn, à qui il dédia son travail),
mais sa tâche la plus ardue consista à établir rigoureusement l’ordre chronologique
des oeuvres, puisque beaucoup étaient
encore autographes. Il rédigea ensuite un
bref commentaire stylistique pour chaque
pièce et fournit un appendice donnant la
liste des oeuvres et des fragments perdus
ou d’attribution douteuse.
À partir de ces recherches, il publia en
1862 un article important : Uber den Umfang der musikalischen Produktivität W. A.
Mozarts, qui servit de préambule au catalogue. Les révisions de celui-ci, par Paul
Waldersee en 1905, puis par Alfred Einstein, en 1937 et en 1947, le complétèrent
et le corrigèrent de façon substantielle.
L’éditeur Breitkopf und Härtel fit paraître
encore en 1951 Der Kleine Köchel, abrégé
de l’édition de 1937. Une nouvelle révision intervint en 1964 (Franz Giegling,
Alexander Weinmann, Gerd Sievers). On
doit également à Köchel un important
ouvrage sur Johann Joseph Fux (Vienne,
1872).
KOCSIS (Zoltán), pianiste hongrois (Budapest 1952).
Il commence ses études de piano à l’âge de
six ans et entre en 1963 au Conservatoire
Béla Bartók, où il étudie la composition
et le piano. De 1968 à 1970, il se perfectionne à l’Académie de musique Franz
Liszt auprès de P. Kadosa et F. Rados. Premier prix en 1970 du concours Beethoven
de la radio hongroise, prix Franz Liszt en
1973, il commence à donner des concerts
dans toute l’Europe. En 1977, il donne
avec S. Richter un récital de piano à quatre
mains, participe aux Semaines internationales de musique de Lucerne, remplace M.
Pollini à la Grange de Meslay. En 1976, il
est nommé professeur à l’Académie Franz
Liszt de Budapest. Il fonde en 1983 l’orchestre du Festival de Budapest, dirigé par
Ivan Fischer. Parallèlement au répertoire
romantique (Liszt en particulier), il s’intéresse à la musique contemporaine et a
assuré la création d’oeuvres de G. Kurtag.
KODÁLY (Zoltán), compositeur hongrois (Kecskemét 1882 - Budapest 1967).
Issu d’une famille musicienne (son père
était violoniste amateur, sa mère, pianiste), ouverte aux influences tziganes,
pratiquant la musique de chambre, il fit
ses études secondaires à Galanta, puis à
Nagyszombat (aujourd’hui Trnava, en
Slovaquie), où il chantait dans les choeurs
de la cathédrale et rendait fréquemment
visite à la bibliothèque musicale. Il apprit
le violoncelle en autodidacte, et s’installa
à Budapest pour y poursuivre des études
supérieures de lettres. Il s’inscrivit alors
dans la classe d’H. Koessler (composition)
à l’académie Franz-Liszt, où il rencontra
Béla Bartók, qui, jusqu’à sa mort (1945),
devait rester son plus fidèle ami. Kodály
devint professeur diplômé en 1905, et décida d’enquêter dans les campagnes hongroises, comme suite à sa thèse de doctorat sur la structure « strophique » des
chansons populaires. Docteur ès lettres
en 1906, il se rendit à Paris, y suivit les
cours de Ch. M. Widor au Conservatoire
et découvrit l’univers debussyste. Il écrivit
alors sa Méditation sur un motif de Claude
Debussy pour piano (1907). Professeur de
théorie musicale à l’académie Franz-Liszt
en 1907, il y enseigna jusqu’en 1940 et y
fut chargé d’une classe de composition
dès 1908. Dès 1906, il réalisa avec Bartók,
puis avec Emma Sandor, qu’il épousa le 3
août 1910 et qui allait être sa compagne
et collaboratrice un demi-siècle durant,
des études systématiques pour recueillir et
noter les mélodies paysannes hongroises.
Son activité simultanée de compositeur,
de pédagogue, de folkloriste, de musicologue, et de journaliste fit de lui le maître
à penser de la musique hongroise contemporaine. En 1921, les éditions Universal
de Vienne achetèrent le droit exclusif
d’édition de ses compositions. En 1925,
un concert de ses oeuvres pour choeur
d’enfants le révéla comme un maître incontesté du contrepoint vocal.
Farouche figure du nationalisme culturel de la Hongrie, inventeur de méthodes
d’enseignement de la musique permettant
une initiation au chant choral dès le plus
jeune âge, patriarche vénéré et entré dans
l’histoire de son vivant, Kodály sut se faire
respecter des contre-révolutionnaires du
comte Horty, comme des autorités nazies
pendant la dernière guerre. Trois fois
prix Kossuth, membre correspondant de
toutes les grandes universités mondiales,
président de l’International Folk Music
Council, il fut le plus éminent représen-
tant de l’humanisme culturel de son pays
pendant plus d’un demi-siècle.
Son oeuvre, du point de vue de l’auditeur occidental, peut approximativement
se diviser en deux ensembles. L’un regroupe les partitions de forme classique
où Kodály fait la synthèse de la tradition
allant de Bach à Debussy, en passant par
Beethoven, Brahms et Wagner. L’autre, les
quelque 1 500 pièces chorales consignées
par lui-même dans un souci d’abord didactique : l’art d’un Palestrina s’y revivifie
au contact des composantes mélodiques
et rythmiques de la chanson populaire
hongroise.
L’activité créatrice de Kodály intéresse
d’abord la musique de chambre, avec
deux Quatuors à cordes (1908-1909, 19161918), un Duo pour violon et violoncelle
(1914), une Sérénade (1918-1920) pour
deux violons et alto et surtout deux étonnantes Sonates pour violoncelle, l’une avec
piano (1909-10), l’autre pour violoncelle
seul (1915). Dans cette dernière partition,
l’instrument devient harpe, cithare, orchestre tzigane, tout en conservant son lyrisme grandiose dans la tradition de Bach.
Kodály parvint à la notoriété internationale en faisant jouer ses oeuvres par les
membres du Quatuor Waldbauer-Kerpely à Salzbourg, Vienne, Amsterdam...
En 1923, la création du Psalmus hungaricus l’imposa au public hongrois comme
chantre de la tradition héroïque de son
peuple. Dans cette même veine, suivirent
un Te Deum (de Budavar, 1936), créé pour
le 250e anniversaire de la libération de
Buda de la domination turque, une Missa
brevis (1944) et le Psaume de Genève no 114
(1952).
Sa musique symphonique doit à Toscanini son succès international. Soir d’été
(1906) fut remanié en 1929-30. Des Danses
de Marosszek (1930), l’original pour piano
demeure l’un des sommets de la musique
pour clavier. En 1927, naquirent deux
oeuvres brillantes : la suite d’orchestre
tirée de Hary Janos et l’Ouverture de
théâtre. Toscanini fit ensuite connaître les
Danses de Galanta, créées à Budapest en
1933. Wilhelm Mengelberg créa en 1939
les Variations sur une mélodie populaire
hongroise (Le paon s’est envolé), dédiées au
Concertgebouw d’Amsterdam, tandis que
F. Stock donnait à Chicago la première
du Concerto pour orchestre (1941). Enfin,
F. Fricsay dirigea au festival de Lucerne
(1961) la première de la Symphonie en ut,
dédiée à la mémoire de Toscanini.
Le style orchestral de Kodály, apparemment conservateur, est d’une grande
unité : rythmique hongroise, harmonie
modale naturelle, structure classique,
procédés impressionnistes. Sa musique
exprime souvent gaieté, santé, exubérance, des idées proches de celles d’un
Janáček qui tranchent avec le romantisme
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
535
allemand, dont il ne reprend que la grammaire et non l’humeur sombre et les volontés autobiographiques.
Il est encore bien difficile de cerner
l’oeuvre chorale immense de Kodály : cinq
Tantum ergo (1928), dix mélodies (Lengyel
Làszlo, Pünküsdölö, 1929), les quatre cahiers des Bicinia hungarica, bible du chant
pour chorale d’enfants (1937-1942), la
fresque grandiose des Tableaux de Matra,
pour choeur mixte a cappella (1931) les
Chants de Karad, Le paon s’est posé, l’Appel
de Zrinyi, etc. Quelques exemples d’une
oeuvre extrêmement variée, utilisant
chansons, ballades, contes, mélodies populaires, reprenant, avec l’accent magyar,
des scènes de la vie paysanne, des thèmes
bibliques ou héroïques.
Ses oeuvres scéniques, parmi lesquelles
Hary Janos (1925-26) et Soirée des fileuses
sicules (Fileuses de Transylvanie, 1924 ; rév.
1932, 1948), montrent le souffle épique,
picaresque ou dramatique, dont il était
capable. Aujourd’hui, l’héritage culturel
de Kodály est d’une telle richesse qu’il faudra attendre la pénétration de la méthode
Kodály dans notre enseignement musical
pour que les futures générations aient
pleinement conscience de l’apport privilégié fait par ce compositeur à la musique
savante en faisant la synthèse de la tradition de Bach et Palestrina et des tournures
naturelles de la mélodie populaire. Kodály
restera sans doute comme le créateur de
l’art choral du XXe siècle.
KOECHLIN (Charles), compositeur français (Paris 1867 - Le Canadel, Var, 1950).
Par sa naissance, il appartenait à la grande
bourgeoisie industrielle d’Alsace. Dans
son autobiographie, il a dit tout ce qu’il
devait à ses aïeux : « C’est dans son hérédité alsacienne qu’il faut chercher ses
caractéristiques : celles de son énergie, de
sa naïveté - de son horreur par contre du
bourrage de crâne -, de sa sincérité absolue et très simple. » Tout jeune, il découvrit J.-S. Bach par sa Cantate de la Pentecôte. De là, naquit une admiration pour
le cantor de Leipzig à l’oeuvre duquel il
ne cessa de se référer et dont témoignent
maintes de ses compositions, tout particulièrement, l’Offrande musicale sur le nom
de Bach op. 187. En 1887, il entra à l’École
polytechnique, qu’il quitta deux ans plus
tard - à la suite d’une grave maladie -, ce
qui, dès lors, lui laissa le champ libre pour
se consacrer à la musique. Il avait vingtdeux ans quand il entra au Conservatoire
de Paris. À ses maîtres, Taudou (harmonie), Gédalge (contrepoint et fugue), Massenet, puis Fauré (composition), il devait
garder une grande reconnaissance.
Durant soixante ans, Koechlin édifia
une des oeuvres les plus imposantes de son
temps (225 numéros d’opus). « Le trait
essentiel qui domine ma vie, c’est la passion de la liberté. » Cette passion domine
également son oeuvre. Il a dit « son culte
pour la mer, la montagne, les animaux, la
nature tout entière ». L’amour de la créature l’a moins inspiré que celui de la création. Des mélodies, des choeurs nombreux
témoignent de cet amour de la nature, des
pièces orchestrales aussi comme la Forêt
(1907), le Printemps, l’Hiver, l’Été (19081916), la Symphonie d’hymnes, le Livre de
la jungle, Paysages et Marines pour piano.
Cet amour de la nature englobe le ciel et,
plus particulièrement, le ciel nocturne. Il
est caractéristique que sa première oeuvre
orchestrale, inspirée par H. Heine, soit En
mer, la nuit (1904), et que l’une des plus
anciennes parmi ses nombreuses mélodies
soit un Clair de lune (1890). Suivront, participant de la même vision, le poème symphonique Vers la voûte étoilée (1933), les
choeurs la Lampe du ciel (1896), la Chute
des étoiles (1905-1909), le Nocturne pour
harpe (1907), des mélodies comme le Sommeil de Canope (1906), Nox (1897-1900).
Ainsi qu’il l’a noté, son évolution s’est
poursuivie « dans le sens du grand mouvement vers la liberté d’écriture de Franck
et de Chabrier, de Fauré, puis de Debussy,
puis enfin des musiques polytonales et
atonales ».
L’inspiration de Koechlin est étayée
par son inlassable et passionnée curiosité. Cette rare faculté d’accueil ennoblit l’homme, qui sut rester indépendant
comme son oeuvre toute gonflée d’un
généreux lyrisme. La discipline et la liberté s’y équilibrent et si la polytonalité et
l’atonalisme appartiennent à son langage,
Koechlin pratique également une écriture
traditionnelle qui use librement des notes
de passage et s’assimile les modes anciens.
Témoignent de cette conception, notamment, de nombreux Chorals, l’Abbaye
(1899-1903), Vingt Chansons bretonnes
pour violoncelle et piano (1931-32 ; vers.
orch., 1934), Fugue symphonique pour orchestre (1932), Deux Fugues pour quatuor à
cordes (1932), Hymne pour ondes Martenot
et orchestre (1929-1932), Choeurs a cappella (1935), Sonatine modale pour flûte
et clarinette (1935), Choeurs monodiques
de style modal pour l’Alceste d’Euripide
(1938), Motets de style archaïque (1949),
sans compter son Traité de polyphonie
modale et son Solfège modal.
Parallèlement à ces oeuvres tout imprégnées d’un modalisme lumineux,
Koechlin s’évade vers des domaines plus
légers. C’est ainsi que le cinéma, qu’il voit
naître, et spécialement les « stars », qui
l’illustrent, lui inspirent toute une série
d’oeuvres : The Seven Stars’ Symphony
(1933), grande fresque en 7 parties évoquant Douglas Fairbanks, Lilian Harvey,
Greta Garbo, Clara Bow, Marlène Dietrich,
Emil Jannings, Charlie Chaplin. En hommage à « l’insultante beauté de certaines
stars », qui, selon lui, « viennent apporter un talent, une beauté, parfois un génie
qui nous consolent de bien des choses », il
compose l’Album de Lilian (1934), le Portrait de Daisy Hamilton (1934-1938), Sept
Chansons pour Gladys (1935), l’Épitaphe
de Jean Harlow (1937). L’évolution de son
langage se retrouve dans les formes musicales qu’il adopte. À ses débuts, choeurs
et mélodies le sollicitent, puis, s’enhardissant, il aborde le poème symphonique
avec les Vendanges (1896-1906), la Nuit
de Walpurgis classique (1901-1907), Chant
funèbre à la mémoire des jeunes femmes
défuntes (1902-1907), Jacob chez Laban,
pastorale biblique (1896-1908), la Divine
Vesprée, ballet (1918). Délaissant pour un
temps l’orchestre, il se tourne vers la musique de chambre. De ce vaste ensemble de
son oeuvre, détachons la Sonate pour flûte
et piano (1913), qui inaugure toute une
série de sonates pour tous les instruments,
la dernière étant la Sonate à sept (1949).
Entre-temps naissent Cinq Sonatines pour
piano (1916), les charmantes Quatre Sonatines françaises pour piano à 4 mains
(1919), 3 Quatuors à cordes, un Quintette
avec piano (1921), que Koechlin considérait comme « la plus marquante, peut-être,
de ses oeuvres », un second quintette pour
flûte, violon, alto, violoncelle et harpe
(1949), un Trio pour flûte, clarinette et
basson (1924), un Septuor d’instruments
à vent (1937), un Trio d’anches (1945),
chacune de ces oeuvres étant « une pièce
unique, dont le plan se trouve déterminé
par l’évolution vivante des thèmes et des
sentiments, par leur vie même, et qui ne
fut jamais décidé à l’avance » (Koechlin).
Cependant, il poursuit l’élaboration
d’une oeuvre symphonique importante, où
l’on relève la Symphonie d’hymnes (1936),
et dont une partie est animée par l’esprit
de la fugue, comme le Buisson ardent
(1938-1945), la Seconde Symphonie (1943),
le Docteur Fabricius (1944).
La personnalité de Koechlin serait restituée de façon incomplète si l’on oubliait
le professeur. Non seulement ses traités
font autorité, de ses Études sur les notes de
passage (1922) à son important Traité de
l’orchestration (1954-1959), en passant par
le Traité d’harmonie, les Études sur le choral d’école, sur l’écriture de la fugue d’école,
mais il instruisit et conseilla nombre de
musiciens, parmi lesquels F. Poulenc, G.
Taillefer, R. Desormière, F. Barlow, M.
Thiriet, H. Sauguet. Son goût impérieux
de savoir et de comprendre, inséparable
de sa générosité à faire partager ses découvertes et de son ardent besoin de justice,
firent de lui un des plus qualifiés exégètes
de la musique de son temps. Ses ouvrages
sur Fauré, qui lui demanda d’orchestrer sa
suite de Pelléas et Mélisande, sur Debussy,
qui lui confia l’orchestration de Khamma,
ainsi que des études comme celles sur
l’Harmonie moderne, les Tendances de la
musique française contemporaine, sans
parler des nombreux articles qu’il disdownloadModeText.vue.download 542 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
536
pensa dans les grandes revues de musique
et divers journaux, sont autant de sources
de connaissances auxquels on n’a pas fini
de retourner. On n’est pas étonné de voir
cet indépendant participer, en 1909, à la
fondation de la Société musicale indépendante.
KOENIG (Gottfried Michael), compositeur allemand (Magdeburg 1926).
Dans les studios de la W. D. R. de Cologne, il a été, parallèlement à Eimert et
Stockhausen, un des pionniers de la musique électronique sérielle « pure et dure »
des années 50, et il poursuit à présent,
dans le studio de sonologie de l’université d’Utrecht, où il est professeur depuis
1964, ses recherches dans le même sens,
sinon avec la même technique. Depuis
quelques années, il explore des processus
de composition par ordinateur, selon des
procédures de recherche fort abstraites,
qui ne semblent qu’accessoirement et fortuitement se traduire en sons audibles.
Que cela donne des « oeuvres » ou non,
il s’agit du moins de recherches qui
existent et dont il faut prendre acte, quitte
à en critiquer les postulats. Citons, parmi
les résultats de ces recherches : Klangfiguren (1955-56), un des « classiques » des
premières années du studio de Cologne,
la série de Projekte, oeuvres instrumentales
composées avec l’aide de l’ordinateur, et
les 8 Fonctions, pièces électroniques que
seuls leurs différents sous-titres (Fonctions
verte, jaune, orange, rouge, bleue, indigo,
violette, grise) colorent, Beitrag pour orchestre (1986).
KOERING (René), compositeur français
(Andlau, Alsace, 1940).
Il étudia le piano et le hautbois à Strasbourg, puis, ayant rencontré Pierre Boulez en 1960, se rendit sur ses conseils à
Darmstadt. De 1962 à 1964, il se consacra
exclusivement à des essais de composition
et à l’animation d’une série de concerts
à Strasbourg, dirigeant notamment, en
collaboration avec Pierre Stoll et Ernest
Bour, des oeuvres pour petites formations.
De cette époque datent notamment Suite
intemporelle pour récitant et 8 instruments (1961) et Combat T 3 N pour piano
et orchestre (1962). En 1965 fut créé au
festival de Strasbourg Triple et Trajectoire
pour piano et 2 orchestres. Suivit en 1966
la création dans la même ville de Trauma
pour 19 vents et 2 percussions. Les années
1967-1970 furent marquées par des expé-
riences souvent sans lendemain dans le
sens de la musique pop, sous l’influence
notamment de peintres et de sculpteurs
américains et français, et par l’installation
du compositeur à Paris (1969). De cette
période datent Finn Catapulta pour piano
et percussion solistes, vents et percussions
(1967), ou encore Quatre Extrêmes pour
orchestre (1968, création, Strasbourg,
1969).
La rencontre de Michel Butor en 1972
fut pour René Koering un événement
important. De cette même année datent
Dilaby pour grand orchestre et Centre
d’écoute pour bande magnétique, d’où
devaient être tirés Manhattan Invention
pour violoncelle et bande (1973) et La
nuit écoute pour bande et sextuor à cordes
(création, festival de Royan, 1973). Au festival de Royan 1974 furent créés le Quatuor
à cordes no 1 (1974) et la Symphonie no 1
pour clarinette basse amplifiée et 7 instruments (1966-1974), et au festival de Royan
1975 fut créé Mahler sur des textes de Michel Butor, pour diverses formations, dont
le grand orchestre (1971). À citer encore :
Vocero pour grand orchestre (1972), Jeux
et Enchantements pour piano, violoncelle
et orchestre (1974, versions possibles avec
un seul soliste ou orchestre seul), Jusqu’au
feu, exclusivement... pour violoncelle et
orchestre, clarinette et orchestre, ou violon, clarinette et 2 orchestres (1974-75),
34 Mesures pour un portrait de T... pour
21 instruments (1976), Concerto pour
piano (1976-77), Sonate pour piano (1976),
Métal hurlant pour 22 instruments (1976),
Konzert I, II et IV pour orchestre (1977),
Mit Innigster Empfindung pour orchestre
(1977), l’opéra Elseneur sur un livret de
Michel Butor (création, Radio-France,
1980), un Quatuor à cordes no 2 (création, biennale de Venise, 1981), l’opéra la
Lune vague (au concert Metz, 1982 ; à la
scène, Rennes, 1983), l’opéra la Marche de
Radetzky (Strasbourg, 1988) et Marie de
Montpellier (Montpellier, 1994).
KOGAN (Leonid), violoniste soviétique
(Dniepropetrovsk 1924 - en gare de Myitichtcha 1982).
Ses premiers essais musicaux à sept ans
lui ouvrent les portes d’une école réservée aux talents les plus prometteurs. C’est
au conservatoire de Moscou qu’il suit, de
1943 à 1948, l’enseignement d’un disciple
d’E. Auer, A. Yampolski. Encore étudiant,
il fait ses débuts à dix-sept ans et se produit en différentes villes d’Union soviétique. En 1944, il est promu violon solo
de l’Orchestre philharmonique de Moscou. Deux premiers prix, celui du Festival
mondial de la jeunesse à Prague (1947)
et surtout celui du concours Reine-Élisabeth de Belgique (1951), le font connaître
hors frontières. Il fait ses débuts à Paris en
1955 et aux États-Unis l’année suivante.
Enseignant dès 1952 au conservatoire de
Moscou, il mène une carrière vouée principalement à la défense de la musique
contemporaine (il est le premier Soviétique à jouer le Concerto de Berg) et à la
musique de chambre. Il partage cette passion avec sa femme, Elizaveta Guilels, et
avec son fils Pavel, tous deux violonistes.
Il a aussi été le partenaire d’Emil Guilels
et de M. Rostropovitch au sein d’un trio
célèbre. Nombre de compositeurs soviétiques lui ont dédié leurs oeuvres : Khrennikov, Karajev, Bunin, Khatchaturian,
etc. Il possédait un Guarnerius del’ Jesu
de 1726.
KOKKONEN (Joonas), compositeur finlandais (Iisalmi 1921).
Ses premières oeuvres, après la guerre,
partent du néoclassicisme « post-Hindemith » pour évoluer vers un style postromantique non sans qu’il ait subi, en cours
de route, la tentation sérielle. Excellent
orchestrateur, Joonas Kokkonen révèle
sa maîtrise des techniques d’écriture en
particulier dans ses nombreux scherzos et
son lyrisme romantique se teinte souvent
de religiosité. Si sa 3e Symphonie (1967) représente un sommet de son oeuvre, il faut
également retenir : la Sinfonia da camera
pour 12 cordes (1961-62), les 5 Bagatelles
pour piano (1968-69), la Symphonie no 4
(1971), les Trois Quatuors à cordes et son
opéra Viimeiset kiusaukset (« les Dernières
tentations », 1973-1975), qui connaît
un grand retentissement en Finlande et
marque le début d’une floraison d’opéras
dans ce pays. En 1977, avec Durch einen
Spiegel pour 12 cordes et clavecin, Kokkonen semble entrer dans une nouvelle période créatrice, confirmée avec le Requiem
de 1981. La remarquable linéarité de sa
pensée, jointe à l’importance des postes
qu’il occupe (Académie de Finlande,
professeur de composition à l’académie
Sibelius de 1959 à 1963 et prix Sibelius en
1973), a longtemps fait de Kokkonen le
compositeur quasi officiel de la Finlande
d’aujourd’hui et la personnalité musicale
la plus influente du pays depuis J. Sibelius.
KOLASSI (Irma), mezzo grecque
(Athènes 1918).
Elle étudie le chant et le piano au Conservatoire d’Athènes, puis à l’Académie
Sainte-Cécile de Rome. Longtemps hésitante sur le choix du piano ou du chant,
elle commence sa carrière comme chef de
chant à l’Opéra d’Athènes et professeur de
piano au Conservatoire de la ville pendant
la Seconde Guerre mondiale, puis elle
abandonne Athènes en 1949 et le piano
pour venir s’installer à Paris. C’est alors
le début d’une carrière éclatante dans le
répertoire vocal du XXe siècle, particulièrement celui de la mélodie française. Elle
se produit dans Erwartung de Schönberg
sous la direction de H. Rosbaud, ou encore dans l’OEdipus rex de Stravinski, et
participe à la création de l’Ange de feu de
Prokofiev, puis à la création française de
Wozzeck. Elle est une grande interprète
des mélodies de Duparc, Fauré et Ravel,
et s’est produite en récital, accompagnée
par Nadia Boulanger et Francis Poulenc,
entre autres. En 1970, elle décide d’interrompre sa carrière et se consacre à l’enseidownloadModeText.vue.download 543 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
537
gnement. Sa version discographique du
Poème de l’amour et de la mer d’Ernest
Chausson reste inégalée.
KOLISCH (Rudolf), violoniste américain
d’origine autrichienne (Klamm am Semmering 1896 - Watertown, Massachusetts, 1978).
Il étudia à l’Académie de musique et à
l’université de Vienne jusqu’en 1913, puis
continua à travailler le violon avec Sevcik,
la théorie et la composition avec Schönberg, qui, en 1924, épousa en secondes
noces sa soeur Gertrud. Il fonda en 1922
un quatuor, qui devait rapidement acquérir une grande réputation internationale,
en particulier parce que ses membres
jouaient de mémoire. Ce quatuor se
consacra largement au répertoire contemporain et donna notamment les premières
des 3e et 4e quatuors de Schönberg, du 5e
de Bartók, du trio à cordes et du quatuor
à cordes de Webern, et de la Suite lyrique
de Berg. Il dut se dissoudre en 1939. Plus
tard, Rudolf Kolisch fut premier violon du
quatuor Pro Arte. Il enseigna à l’université
du Wisconsin de 1944 à 1967. Une blessure à la main gauche, durant son enfance,
l’obligea toute sa vie à tenir son violon de
la main droite et l’archet de la gauche.
KOLO.
Chant dansé, originaire des Balkans,
qui s’est répandu par la suite dans toute
l’Europe centrale.
D’un mouvement assez rapide, il est
exécuté par un groupe constituant une
ronde ou un demi-cercle. Rimski-Korsakov en a introduit un dans l’acte II de
son opéra-ballet Mlada (1890).
KOMENSKY (Jan Amos),
pédagogue, théologien et musicien
tchèque (Uhersky Brod 1592 - Naarden,
Pays-Bas, 1670).
Connu également sous le nom de
Comenius, évêque dans la communauté
des Frères moraves (1632), il quitta la
Moravie par suite des persécutions catholiques (1628) et vécut en Pologne jusqu’en
1642. Il voyagea ensuite en Suède, en
Angleterre, en Hongrie, et s’établit en
Hollande vers 1656. Comme éducateur, il
publia son ouvrage le plus célèbre, Janua
linguarum reserata, en 1633. Il devait
être traduit en une quinzaine de langues.
Comme musicien, il fit notamment éditer à Amsterdam, en 1659, un immense
recueil d’hymnes protestants tchèques ou
traduits en tchèque (Kancional... kniha...
pisni duchovnich), en tout 150 psaumes
et 430 hymnes. Suivit un second recueil,
les Kirchen-, Haus- und Hertzens-Musica
(Amsterdam, 1661 ; rééd. Prague, 1952).
KOMIVES (János), compositeur et chef
d’orchestre français d’origine hongroise
(Budapest 1932).
Il a fui son pays en 1956 lors de l’intrusion
des chars russes et s’est, depuis, fait naturalisé français. Il doit une solide formation
à l’académie Ferenc-Liszt de sa ville natale,
où il a travaillé sous la tutelle de Zoltán
Kodály, de Ferenc Farkas et de László Somogyi ; en France, il s’est perfectionné auprès de Darius Milhaud. Chef d’orchestre
lauréat en 1957 du concours international
de Besançon, il s’est ensuite produit à la
tête des principaux orchestres français,
notamment des orchestres de l’O. R. T. F.
sans négliger l’étranger et se rendant dans
maints pays d’Europe et d’Afrique. Durant
plusieurs années, il a dirigé l’orchestre de
l’opéra de Koblenz en Allemagne fédérale.
Compositeur, il a décroché par deux fois
le prix Italia : en 1968, pour son oratorio
La Vera Istoria della Cantoria di Luca della
Robbia et, dix ans plus tard, pour son essai
radiophonique À coeur ouvert. À noter que
son conte pour enfants l’Histoire de Nikita,
chien chanteur d’opéra a été distingué en
1973 par l’Académie du disque français,
que son Recitativo pour orchestre de 1967
a été sélectionné par la Tribune internationale de compositeurs de l’Unesco, et
enfin, que l’Antichambre, opéra pour un
homme seul avec mannequin, a été couronné en 1975 par le prix international
Opéra-Ballet de Genève. Parmi ses autres
compositions, retenons Épilogues, onze
séquences pour cuivres avec percussion
(1964), Concerto pour quatuor à cordes et
orchestre (1970), Catéchisme de nuit pour
soprano et orchestre (1971), Zodiaques,
douze constellations pour ensemble et
percussion (1972), Pop-Symphonie (1973),
Flammes pour clarinette seule (1975),
l’opéra pour enfants la Révolution en
culottes courtes (1989), où la rigueur le
dispute à l’imagination, enfin Interview,
huit sketches pour coloratura, acteur et
cinq musiciens (1978), sans compter de
multiples musiques pour théâtre, cinéma,
radio et télévision.
KONDRACHINE (Kirill Pietroyvitch),
chef d’orchestre soviétique (Moscou
1914 - Amsterdam 1981).
Né de parents musiciens, il apprit le piano
et la théorie musicale avec Nikolay Zhilyayev, qui eut une forte influence sur
lui. Il débuta à la direction d’orchestre au
Théâtre des Enfants de Moscou (1931) et
se perfectionna dans cet art au conservatoire de cette ville (1932-1936) avec Boris
Khaïkin. Chef assistant du théâtre musical Nemirovich-Danchemko, il dirigea,
lors de son premier concert, les Cloches
de Corneville de Planquette (1934), puis
fut nommé chef attitré du théâtre Maly à
Leningrad (1936-1943), qu’il quitta pour
le théâtre du Bolchoï (1943-1956), où
il s’affirma en tant que chef de renommée
internationale. Directeur artistique de la
Philharmonie de Moscou (1960-1975), il
compta cette période parmi l’une des plus
riches de sa carrière. Dès 1960, il abandonna la baguette pour ne plus diriger que
par gestes selon les nouvelles techniques
contemporaines. Sous sa direction, l’orchestre du Bolchoï acheva de conquérir
une haute réputation internationale. Chef
attitré du Concertgebouw d’Amsterdam
depuis 1979, il a publié un ensemble d’articles musicaux (l’Art de diriger, Leningrad, Moscou, 1972). Ses interprétations
sont caractérisées par une exceptionnelle
retenue fondée sur un travail très fouillé.
Grand interprète de Chostakovitch, il a
créé ses 13e et 14e symphonies.
KONTARSKY, famille de pianistes allemands,
Aloys (Iserlohn 1931) et Alfons, frère
du précédent (Iserlohn 1932). Élèves de
Else Schmitz-Gohr et d’Eduard Erdmann
à Cologne (1952-1955), Aloys et Alfons
Kontarsky remportèrent en 1955 le premier prix de duo de pianos au festival
international de la Radio de Munich.
Depuis, ils se sont consacrés ensemble
non seulement au répertoire classique et
romantique (Mozart, Schubert, Brahms,
Reger), mais aussi et surtout à la musique
contemporaine. Des compositeurs tels
que Berio, Brown, Bussotti, Kagel, Pousseur, Stockhausen et Zimmermann ont
écrit pour eux. Ils donnèrent par exemple,
au festival de Donaueschingen 1970, la
première audition de Mantra de Stockhausen. Parmi leurs nombreux enregistrements figurent cette oeuvre ainsi que les
deux livres de Structures de Pierre Boulez.
En 1966, à Darmstadt, Aloys donna la première audition complète des Klavierstücke
I à XI de Stockhausen, qu’il devait enregistrer peu après. Aloys et Alfons Kontarsky
ont l’un et l’autre enseigné à Darmstadt,
et, depuis 1969, enseignent à l’École supérieure de musique de Cologne.
KONWITSCHNY (Franz), chef d’orchestre allemand (Fulnek, Moravie,
1901 - Belgrade 1962).
Il a occupé des postes à Fribourg (1933),
Francfort (1938) et, après la guerre, à
Hanovre, et a été ensuite, de 1949 à sa
mort, chef de l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Il a occupé également, de
1953 à 1955, le poste de chef d’orchestre
à l’Opéra de Dresde. Souvent comparé à
Furtwaengler, il a excellé dans le répertoire romantique (Beethoven, Bruckner,
Richard Strauss), et créé Colombus, de
Werner Egk, en 1942, et Orchestermusik,
de Paul Dessau, en 1955.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
538
KONZERTSTÜCK ou CONCERTSTUCK
(all. : « pièce de concert »).
Terme désignant en général une oeuvre
concertante (pour soliste[s] et ensemble
instrumental), en un seul mouvement
(souvent de forme sonate), ou en plusieurs épisodes contrastés enchaînés sans
interruption, pouvant être prétexte à faire
briller un instrument dans des démonstrations de virtuosité : c’est le cas du
Konzertstück pour 4 cors et orchestre, en
fa majeur, op. 86, de Robert Schumann,
conçu pour exploiter les nouvelles possibilités du cor à piston de Leopold Uhlmann.
On connaît aussi : du même auteur, le
Konzertstück, Introduction et allegro appassionnato op. 92, pour piano et orchestre ;
le Konzertstück en fa op. 79, pour piano et
orchestre, de Carl Maria von Weber, un
des premiers du genre (1821) ; celui d’Anton Rubinstein pour piano et orchestre ;
ceux de Max Bruch et Cowen, pour la
même formation ; et, dans l’école française, le Konzertstück de Gabriel Pierné
pour harpe et petit orchestre.
Le genre du Konzertstück, né avec le
romantisme, ne lui a guère survécu, du
moins sous ce nom, puisqu’on connaît,
par ailleurs, une multitude de pièces en un
mouvement pour orchestre et soliste, qui
ne revendiquent pas ce titre, attaché à une
notion de « brillant » instrumental.
KOOPMAN (Ton), organiste, claveciniste et chef d’orchestre néerlandais
(Zwolle 1944).
À l’université d’Amsterdam, il étudie la
musicologie tout en travaillant le clavecin et l’orgue au Conservatoire d’Amsterdam auprès de Gustav Leonhardt et
de Simon C. Jansen. En 1966, il fonde
l’ensemble Musica da Camera. Il obtient
en 1968 le premier prix de basse continue
au Concours international de clavecin
de Bruges et fonde en 1970 l’orchestre
baroque Musica Antiqua d’Amsterdam.
En 1986, il est nommé en France officier
de l’Ordre des arts et des lettres. 1992
voit la naissance du Choeur baroque
d’Amsterdam. Il dirige aussi, à partir de
1994, l’Orchestre de chambre de la radio
néerlandaise à Hilversum. Claveciniste
et organiste, professeur de clavecin aux
Conservatoires d’Amsterdam et de Rotterdam, musicologue auteur de plusieurs
écrits sur l’instrumentation de la musique
baroque, chef de choeur et d’orchestre, il a
largement contribué depuis le début des
années 1970 à la redécouverte des répertoires baroque et classique. Il a entrepris
une intégrale discographique des cantates
de Bach.
KOOY (Peter), basse néerlandaise (Soest
1954).
Dès l’âge de six ans, il chante dans la chorale que dirige son père. En 1969, il commence des études de violon au Conservatoire d’Utrecht avec Carlo Van Neste.
En 1974, il y reprend ses études de chant
avec Dora Linderman et, en 1980, obtient
le diplôme de soliste au Conservatoire
Sweelinck d’Amsterdam, après ses études
auprès de Max Van Egmond. À partir de
1974, il appartient au Choeur de chambre
de la radio néerlandaise. Il participe également à de nombreux concerts aux PaysBas et dans toute l’Europe, se produisant
en soliste avec le Collegium Vocal de
Gand et l’ensemble de la Chapelle royale,
sous la direction de Philippe Herreweghe.
KOPELENT (Marek), compositeur
tchèque (Prague 1932).
Élève de J. Rídký à l’Académie musicale et
d’art dramatique de Prague (1951-1955),
il est, depuis 1956, rédacteur dans des
maisons d’édition musicale nationales.
Il s’est rapidement dégagé de l’influence
de l’école officielle, basée sur la chanson
populaire et l’esthétisme socialiste, pour
évoluer vers des techniques nouvelles,
étudiant l’école de Vienne, Boulez, Berio,
Nono et l’école allemande moderne. Depuis 1960, l’ensemble de son oeuvre tend
à assimiler des acquis techniques sans se
départir d’une invention mélodique profonde. Sensible aux anciennes civilisations, il s’est penché sur des manuscrits
extra-européens (sanskrits, sumériens,
mongols, japonais anciens, arabes, etc.)
afin d’en retrouver les réflexes musicaux et
philosophiques. Travaillant avec Vostřák,
il fut l’animateur des Musica viva pragensis, ensemble de musique contemporaine
qui a fait rayonner la musique tchèque à
Donaueschingen et à Darmstadt. Depuis
quelques années, il semble avoir quitté le
devant de la scène musicale. Par ses seules
oeuvres connues en Occident, il s’est
affirmé comme l’une des personnalités
les plus intéressantes et dynamiques de
l’école tchèque actuelle.
KORNGOLD (Erich Wolfgang), compositeur autrichien (Brno 1897 - Hollywood
1957).
Fils du critique Julius Korngold, enfant
prodige, il fut recommandé à Mahler et
à Zemlinski. Le triomphe remporté en
1920 à Hambourg, où il était devenu
chef d’orchestre, par son opéra Die tote
Stadt (d’après Bruges la morte de Rodenbach), marqua le sommet de sa carrière.
Contraint d’émigrer aux États-Unis en
1934, il s’y spécialisa dans la musique de
film, mais il devait constater, après son retour en Europe, que ses ouvrages, si fêtés
un quart de siècle plus tôt, avaient quitté le
répertoire. Sa musique de théâtre - citons
aussi Violanta (1916) - s’inspire à la fois de
Puccini et de Richard Strauss, mais en annexant leurs qualités les plus extérieures.
KÓSA (György), pianiste et compositeur
hongrois (Budapest 1897 - id. 1984).
Il a été l’un des premiers élèves de Bartók,
non seulement en piano, mais également
pour la composition. De 1908 à 1912, il
a suivi les classes de Zoltán Kodály et de
Viktor Herzfeld à l’académie Franz-Liszt
de Budapest. Engagé comme corépétiteur
à l’opéra (1916-17), il s’est perfectionné au
clavier auprès de Dohnanyi. Il a fait une
carrière de pianiste et accompagné tous
les grands solistes de l’époque. Chef d’orchestre au théâtre Tripolis, il est ensuite
revenu à Budapest comme professeur
de piano à l’académie Franz-Liszt, où il
remplace Bartók lors des déplacements
de ce dernier. Compositeur prolixe, comparable sous cet angle à Darius Milhaud,
il touche à tous les genres, jouant d’une
écriture naturellement expressionniste et
marquée de spiritualité. Ouvert à toutes
les influences esthétiques, il a su s’enrichir
auprès de Bartók et de Kodály, mais également auprès d’A. Habá et de Webern.
Cet éclectisme rarissime ne lui enlève rien
de son originalité, Kósa sachant passer,
avec aisance, de la cantate dramatique,
tel son Orpheus, Eurydike, Hermès (1967),
à l’opéra-comique Kocsonya Mihály
házassága (« le Mariage de M. Kocsonya », 1971). Le meilleur de son oeuvre
réside néanmoins plus dans sa musique
de chambre (8 quatuors) que dans ses 10
symphonies.
KOSMA (Joseph), compositeur français
d’origine hongroise (Budapest 1905 - La
Rochelle-Guyon 1969).
Il fit ses études à l’académie Franz-Liszt à
Budapest et débuta à l’opéra de cette ville
comme chef d’orchestre adjoint, puis, obtenant une bourse, alla travailler comme
stagiaire à l’opéra de Berlin (1929). La
même année, il se lia avec Bertolt Brecht et
suivit son théâtre ambulant, ce qui l’amena
à travailler avec Hans Eisler et Kurt Weill.
Il se fixa à Paris en 1933 et remporta un
succès avec ses premières musiques de
film, notamment la Grande Illusion (1937)
et la Bête humaine (1938) de Jean Renoir.
Pendant l’Occupation, il entra dans la Résistance. Il rencontra Jacques Prévert, et
tous deux écrivirent des chansons qui circulèrent rapidement dans les milieux de
la Résistance. Ce n’est qu’après la guerre
qu’elles furent popularisées et touchèrent
un large auditoire grâce à des interprètes
comme les Frères Jacques, Yves Montand,
Juliette Gréco. Au demeurant, Kosma est
un musicien authentique, auteur de pièces
pour piano, de mélodies, de musique de
scène (pour les Mouches de Sartre), de ballets (le Rendez-Vous, Hôtel de l’espérance,
le Pierrot de Montmartre). Mais il fut surtout, avant et après la guerre, l’un des plus
grands musiciens de cinéma, avec Maurice
Jaubert. Parmi ses musiques de film, citons
les Enfants du paradis (1944, écrit en clandownloadModeText.vue.download 545 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
539
destinité), les Amants de Vérone (1949),
la Bergère et le Ramoneur (1952), Voici
le temps des assassins (1955), Un drôle de
paroissien (1963), et de nombreux courts
métrages, dont le Sang des bêtes (1949) et
En passant par la Lorraine (1951).
KOTO.
Sorte de cithare japonaise, d’origine
chinoise, caractérisée par des chevalets
mobiles, qui permettent de modifier la
hauteur du son fourni par les cordes. De
forme oblongue, le koto se pose sur le sol.
KOTONSKI (Wlodzimierz), compositeur
polonais (Varsovie 1925).
Il enseigne la musique électroacoustique
à l’École supérieure de musique de Varsovie, après avoir été un des pionniers de
cette technique dans son pays. Il a réalisé
plusieurs oeuvres électroniques dans le studio de musique expérimentale de la radio
polonaise à Varsovie : Étude sur un seul
son de cymbale (1959) et Microstructures
(1963), toutes deux appliquant à un matériau « concret » des procédures de composition très abstraites ; Aela (1970), oeuvre
électronique conçue selon des techniques
aléatoires. À la W. D. R. de Cologne, il a
conçu Klangspiele (1967), pièce « mobile »
pour 2 bandes magnétiques autonomes, au
groupe de recherches musicales de Paris,
Eurydice (1971) et, au groupe de musique
expérimentale de Bourges, les Ailes (1973).
Dans le domaine instrumental, il a été
l’un des premiers compositeurs polonais
à s’évader du « folklorisme » officiel pour
entreprendre des oeuvres sérielles comme
la Musique de chambre (1958), pour ensemble instrumental, puis des pièces plus
tachistes comme Selection I (1962), pour
guitare électrique, piano et 2 saxophones.
Ont suivi notamment Action pour sons
électroniques (1969), Terre incognita pour
orchestre (1984), Oiseaux pour clarinette,
violoncelle et piano (1988).
KOUNADIS (Arghyris), compositeur, chef d’orchestre et pianiste grec
(Constantinople 1924).
Il entreprit des études musicales au
conservatoire d’Athènes dans la classe
de piano de S. Farandatos, jusqu’en
1952. Puis il étudia la composition avec
Yannis Papaïoannou au Conservatoire
hellénique jusqu’en 1956. Enfin, il put
poursuivre ses études en Allemagne dans
la Freiburg Hochschule für Musik, où il
travailla la direction d’orchestre avec K.
Ueter et la composition avec W. Fortner.
En 1963, il devint l’assistant de ce dernier
et prit la direction de l’ensemble Musica
viva de la Freiburg Hochschule für Musik.
Son oeuvre, assez importante, compte,
entre autres, des opéras (The Return [1961,
1974], Der Gummisarg [1962], Der Aus-
bruck [1974]), des compositions pour
orchestre (Sinfonietta [1951], Cinq Compositions [1957-58], Heterophonika idiomela [1967]), de la musique de chambre
(Quatuor à cordes [1960], Quatre Pièces
pour flûte, violoncelle et piano [1965]), et
de la musique vocale, soit pour une voix
et divers instruments, soit pour choeur.
À signaler également ses Trois Poèmes de
Cavafy pour soprano, flûte, célesta, guitare
et violoncelle (1963) et ses Epigramma II et
III pour choeur (1968).
À ses débuts, Arghyris Kounadis subit
les influences de Stravinski et de Bartók,
ainsi que celle de la chanson populaire urbaine grecque (le Rebetiko). Après 1957,
son style s’est affirmé avec l’utilisation de
la technique sérielle et des formes aléatoires, tout en gardant un caractère fortement lyrique, à l’instar de son compatriote
Nikos Skalkotas. L’oeuvre de Kounadis reflète les préoccupations et l’esthétique des
tendances musicales actuelles en Grèce,
à savoir une osmose de postexpressionnisme et de lyrisme exacerbé.
KOUSSEVITSKI (Serge), chef d’orchestre
et compositeur américain d’origine
russe (Vychni Volotchek 1874 - Boston
1951).
Il fit ses études à l’Institut philharmonique
de Moscou. Contrebassiste à l’orchestre
du Bolchoï (1894), puis professeur de
contrebasse à l’Institut philharmonique,
il débuta dans l’Orchestre philharmonique de Berlin (1908), avant de fonder,
à Moscou, en 1909, un orchestre avec
lequel il fit de brillantes tournées, ainsi
que les Éditions Russes de Musique, qui
firent bientôt connaître les jeunes compositeurs de l’époque (Stravinski, Prokofiev). Après une brillante carrière européenne (les concerts Koussevitski eurent
lieu en France de 1921 à 1928), il se fixa
aux États-Unis (1924), et succéda à Pierre
Monteux comme chef de l’Orchestre symphonique de Boston (1926), poste qu’il
devait conserver jusqu’à sa mort. En 1930,
pour le cinquantième anniversaire de
l’orchestre, il commanda plusieurs partitions (3e Symphonie de Roussel, Konzertmusik op. 50 d’Hindemith, Symphonie de
psaumes de Stravinski), qui prirent aussitôt place parmi les classiques de la musique contemporaine. Il fonda le Berkshire
Music Center (1938), puis, après la mort
de sa femme Nathalie, la Koussevitsky
Music Foundation (1942), pour aider les
jeunes compositeurs. Le premier opéra
commandé par cette fondation fut Peter
Grimes de Benjamin Britten (1945). Spécialiste de la musique romantique, comme
le prouvent les quelques partitions dont
il est l’auteur (notamment un Concerto
pour contrebasse largement inspiré de
Tchaïkovski), il a été un généreux mécène
de l’art contemporain.
KOVACEVITCH (Stephen), pianiste et
chef d’orchestre américain (Los Angeles
1940).
Il commence ses études auprès de Lev
Schon et se produit en public à l’âge de dix
ans. Il se fixe un peu plus tard à Londres,
où il étudie avec Myra Hess. Sa carrière
débute en 1961, avec un récital consacré
aux Variations Diabelli de Beethoven au
Wigmore Hall de Londres. Il se consacre
ensuite à une carrière de pianiste soliste,
interprétant les grands concertos, se produisant en récital dans de nombreuses
villes, créant des oeuvres contemporaines
écrites à son intention. En 1985, il commence une carrière de chef d’orchestre.
KOX (Hans), compositeur néerlandais
(Arnhem 1930).
Il a fait ses études musicales avec Spaandermann et surtout Hans Badings (à
Utrecht). Titulaire du prix Italia (1970) et
du prix Rostrum des compositeurs (1974),
il a été directeur de l’école de musique de
Doetinchen (1956-1971). Il est aujourd’hui
l’une des personnalités saillantes de l’école
néerlandaise, et son catalogue est l’un
des plus importants de sa génération. Il
révèle, dans l’esprit qui est le sien, une
grande puissance expressive et une rare
maîtrise instrumentale. Dès ses premières
oeuvres (sonate pour piano et quatuor à
cordes), il a affirmé l’importance accordée
au développement du matériel thématique
et sa Musique concertante (pour trio de
cuivres et orchestre), composée en 1956
pour le jubilé de Van Beinum au pupitre
du Concertgebouw, a marqué le point de
départ d’une carrière riche de promesses
et dont les principes traditionalistes ont
toujours su le garder de l’académisme.
KOZELUCH, famille de musiciens
tchèques.
Jan Antonin, compositeur et pédagogue
(Velvary 1738 - Prague 1814). Il étudia la
musique dans sa ville natale et à Prague,
vécut à Vienne d’environ 1763 à 1766 et
termina sa vie à Prague (à partir de 1784,
comme maître de chapelle à la cathédrale
Saint-Guy). On lui doit de la musique
religieuse, les opéras Alessandro nell’Indie
(1769) et Il Demofoonte (1771), des symphonies et concertos.
Jan Antonin, dit Leopold, compositeur,
pianiste et éditeur (Velvary 1747 - Vienne
1818). Cousin du précédent, il se fit appeler « Leopold » pour éviter toute confusion. Élève de F.-X. Dusek à Prague, il produisit, en 1771, dans cette ville un ballet
avec un succès tel que 24 autres suivirent
en sept ans. En 1778, il s’installa à Vienne,
devint professeur de piano à la Cour, et,
en 1781, refusa la succession de Mozart
comme organiste à Salzbourg. À partir
de 1784, il publia ses propres oeuvres.
En 1792, il devint compositeur impédownloadModeText.vue.download 546 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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rial et maître de chapelle de la chambre
impériale (poste différent de celui de
compositeur de chambre qu’avait occupé
Mozart), et mena une carrière publique
assez brillante jusque vers 1805. Comme
homme, il jouit d’une assez mauvaise
réputation à cause de ses remarques désobligeantes sur Haydn, Mozart et Beethoven. Il écrivit des opéras, de la musique
sacrée, des symphonies, mais s’intéressa
particulièrement au piano-forte. Reconnu
de son vivant comme un pionnier en ce
domaine, il écrivit pour cet instrument de
nombreuses sonates, de nombreux trios et
de nombreux concertos lui assurant une
place de choix dans la musique viennoise
de la fin du XVIIIe siècle. Un catalogue de
ses oeuvres a été dressé en 1964 par Milan
Postolka.
KOZLOWSKI (Ossip, Josip, Joseph),
compositeur russe d’origine polonaise
(Varsovie 1757 - Saint-Pétersbourg
1831).
Il donna des leçons de musique au fils du
prince Oginski, avant de partir pour la
Russie, où il participa à la guerre contre
les Turcs. Il fut ensuite, pendant plusieurs
années, le musicien attitré du prince Potemkine. À la mort de ce dernier, il fut
nommé directeur des Théâtres impériaux.
Son oeuvre est partagée entre la musique
de scène de style sérieux, où il se montra
le continuateur de Fomine, et la musique
d’apparat, profane ou religieuse, pleine
d’éclat et de solennité. Il a composé la
musique pour les pièces OEdipe et Fingal
de Oserov (1804, 1805), l’opéra Esther sur
un livret de Kapnist, un Requiem pour la
mort du roi de Pologne Stanislas August
(1798), un Te Deum pour le couronnement du tsar Nicolas Ier et de nombreuses
polonaises avec choeur et orchestre. L’une
d’entre elles, Retentis, tonnerre de la victoire, sur un texte de Derjavine, écrite en
1791 pour la victoire des Russes sur les
Turcs, fut exécutée au palais de Potemkine
en présence de Catherine II et conserva
jusqu’en 1833 la valeur d’hymne national ;
Tchaïkovski l’a introduite dans son opéra
la Dame de pique. Kozlowski a également
joué un rôle important dans la formation
de la romance russe, sentimentale et teintée d’intonations populaires.
KRAFT, famille de musiciens autrichiens.
Anton, violoncelliste et compositeur (Rokycany, Bohême, 1749 - Vienne 1820). Engagé comme premier violoncelliste par le
prince Nicolas Esterházy en 1778, il reste
à Esterháza jusqu’à la mort du prince en
1790, recevant de Haydn quelques leçons
de composition. Il fut ensuite violoncelliste dans l’orchestre du prince Grassalkovics à Presbourg, puis dans celui du prince
Joseph Lobkowitz à Vienne (1796). En
1802, il faillit être réengagé par les Esterházy avec son fils Nikolaus, mais ce projet n’aboutit pas, Kraft ayant formulé sur
le plan financier de trop fortes exigences.
Il fit, seul ou avec son fils, de nombreuses
tournées, et, l’année de sa mort, il fut
nommé premier professeur de violoncelle
au conservatoire de la Société des amis de
la musique à Vienne. Le concerto pour
violoncelle en ré majeur Hob. VIIb.2 de
Haydn (1783), composé pour lui, a parfois
été considéré comme de sa propre plume.
Il créa la partie de violoncelle du triple
concerto opus 56 de Beethoven. Très
grand interprète, il composa pour son instrument des sonates, des pièces diverses
et un concerto. On lui doit aussi des trios
pour deux barytons et violoncelle, destinés au prince Esterházy.
Nikolaus, violoncelliste et compositeur
(Esterháza 1778 - Cheb, Bohême, 1853).
Formé par son père, il entra avec lui dans
l’orchestre du prince Lobkowitz, et fut plus
tard membre du Quatuor Schuppanzigh.
Il s’imposa comme un des plus grands
violoncellistes du début du XIXe siècle. Ce
fut lui qui, le premier, fit courir la légende
selon laquelle son père Anton était le véritable auteur du concerto en ré de Haydn.
KRAUS (Alfredo), ténor espagnol (îles
Canaries 1927).
Élève de Mercedès Llopart, il débute au
Teatro Carignano de Turin dans le rôle
d’Alfredo (la Traviata, Verdi, 1956). Sa
voix chaude, brillante, son style rigoureux,
son registre étendu (il atteint aisément le
ré aigu), le font considérer comme l’un
des meilleurs ténors légers, lyriques, de sa
génération. Son élégance raffinée, alliée à
une vibrante expression et une belle prestance, en fait l’interprète idéal des rôles
aristocratiques tels Don Ottavio, le comte
Almaviva, le duc de Mantoue, des Grieux,
Werther, etc.
KRAUS (Joseph Martin), compositeur
allemand (Miltenberg am Main, Allemagne, 1756 - Stockholm 1792).
Il étudia à Mayence, Erfurt et Göttingen,
notamment avec l’abbé Vogler, puis s’installa en Suède en 1778. Second chef de
l’opéra (1781), il fut nommé maître de
chapelle de la cour de Gustaf III en 1788,
puis directeur de l’Opéra royal, postes qu’il
devait conserver jusqu’à sa mort, ce qui ne
l’empêcha pas de voyager en France, Italie, Angleterre et Allemagne. À Vienne,
en 1783, il rencontra Haydn et Gluck. La
musique de Kraus est d’une très grande
intensité expressive et, même si l’on y retrouve maints traits qui l’apparentent au
style de Mozart, Haydn ou surtout Gluck,
elle annonce souvent le XIXe siècle et plus
précisément Schubert, voire Beethoven.
Son oeuvre est d’une haute tenue. De ses
symphonies (au moins 12), il faut surtout
retenir celle en ut mineur, écrite à Vienne
en 1783 et dédiée à Haydn. Kraus a également composé de nombreuses oeuvres
instrumentales, trios, quatuors, quintettes,
2 sonates pour piano (mi bémol majeur
et mi majeur), 4 sonates pour violon et
piano ; pour le théâtre, des partitions de
ballet (Fiskarena, 1789), des musiques de
scène (intermèdes et divertissements pour
l’Amphitryon de Molière, 1784), des opéras (Proserpina, 1781 ; Sollman den andre,
1789 ; Aeneas i Carthago, posthume, 1799)
et des airs. Enfin, compositeur de musique
religieuse, il a laissé 1 Requiem (1776), 2
Te Deum (1776, 1783), des motets et 3
cantates, dont l’étonnante Cantate funèbre
pour la mort de Gustaf III, qui, en 1792,
devait être son ultime ouvrage.
KRAUS (Lili), pianiste américaine d’origine hongroise (Budapest 1905 - Asheville, Caroline du Nord, 1986).
Après avoir étudié à l’Académie royale de
musique de sa ville natale, sous la direction
de Bartók et de Kodály, et suivi les leçons
d’Arthur Schnabel, elle obtient, en 1926,
le diplôme supérieur du conservatoire
de Vienne, où elle enseigne à son tour,
deux ans plus tard. Elle entreprend une
brillante carrière, principalement consacrée à l’oeuvre de Mozart et de Schubert.
Après l’interruption de la guerre - elle est
internée dans un camp de concentration
japonais -, elle grave les premières intégrales des sonates pour piano et de celles
pour piano et violon (avec W. Boskowski).
En 1966, elle donne à New York l’intégrale
des concertos pour piano de Mozart, et
crée la Fantaisie Graz de Schubert, nouvellement découverte. On lui doit également l’édition des cadences originales
de Mozart pour ses concertos. Avec le
temps, son jeu, qui recèle à la perfection
le charme mozartien, s’est dépouillé des
afféteries pour privilégier le classicisme
d’une conception qui n’a rien perdu de
son enthousiasme.
KRAUSS (Clemens), pianiste et chef d’orchestre autrichien (Vienne 1893 - Mexico
1954).
Il fit ses études au conservatoire de
Vienne avec H. Gradener et R. Heuberger (théorie) et H. Reinhold (piano). Il fut
successivement chef d’orchestre à Brno,
Riga (1913-14), Nuremberg (1915-16),
Szczecin (1916-1921) et Graz (1921-22).
De 1922 à 1924, il dirigea au Staatsoper
de Vienne et enseigna la direction d’orchestre à la Staatsakademie. En 1923, il
succéda à Furtwängler à la tête des Tonkünstlerkonzerte et, l’année suivante, assuma la direction des Museumskonzerte
de Francfort-sur-le-Main. Il fut ensuite
chef d’orchestre à l’opéra de Vienne
(1929-1934), à l’opéra de Berlin (à partir de 1935), puis intendant de l’opéra
de Munich (1937-1944), et directeur des
concerts de l’Orchestre philharmonique
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de Vienne. Il réorganisa le Mozarteum de
Salzbourg et dirigea les premières représentations d’Arabella (Dresde, 1933), Friedenstag (Munich, 1938), Capriccio (Munich, 1942), dont il écrivit aussi le livret, et
Die Liebe der Danae (Salzbourg, 1952) de
Richard Strauss. Il était marié à la soprano
roumaine Viorica Ursuleac. Son répertoire était très large. Il excellait aussi bien
dans les opérettes de Johann Strauss que
dans la Tétralogie de Wagner, dont il dirigea en 1953, à Bayreuth, de mémorables
représentations. Et c’est à lui qu’on doit
les premiers enregistrements de la Création et des Saisons de Haydn.
KRAUZ (Johann Friedrich), compositeur allemand (Weimar 1752 - Stuttgart
1810).
Entré dans l’orchestre de Weimar en
1766, il étudia avec Joseph Haydn vers
1785, puis voyagea en Italie, où il rencontra Goethe, avant de devenir, en 1791,
directeur musical des théâtres de la cour
de Weimar. Il quitta ce poste en 1803, à
la suite notamment d’une brouille avec
Goethe, et devint alors maître de chapelle
à la cour de Stuttgart.
KRAUZE (Zygmunt), compositeur polonais (Varsovie 1938).
Il fait ses études de composition avec Kazimierz Sikorski et de piano avec M. Wiðkomirska à l’École supérieure de musique
de Varsovie. Il les complète chez Nadia
Boulanger à Paris. Spécialisé, en tant que
pianiste, dans les exécutions de musiques
d’avant-garde, il reçoit le premier prix au
Concours international des interprètes
de musique contemporaine d’Utrecht. Z.
Krauze est un des représentants les plus
actifs de la musique contemporaine polonaise ; outre son propre travail de composition, qui se situe dans un axe expérimental, il mène une action particulièrement
dynamique de diffusion de la nouvelle
musique ; il dirige ainsi depuis 1967 l’Atelier de musique constitué de 4 musiciens.
Sur le plan de sa propre conception compositionnelle, Z. Krauze se situerait dans
la lignée des musiques non évolutives
américaines, notamment celle de Morton
Feldman. Musique qui n’a ni début ni fin,
sans contrastes, la musique de Krauze se
présente moins comme oeuvres déjà accomplies que comme processus dans lesquels pourraient s’inscrire les auditeurs
sans pour autant en perturber le schéma.
C’est ainsi qu’il déclarait dans son commentaire à Pièce pour orchestre no 1 (1969) :
« Deux tendances juxtaposées s’affrontent
en musique : l’aspiration à la forme homogène et l’aspiration à une forme au déroulement contrasté ; elles sont pour moi un
phénomène d’une importance de premier
ordre. J’exige de ma musique qu’elle soit
calme et organisée. Sa sonorité doit avoir
une forme suffisamment individuelle pour
pouvoir se distinguer du chaos d’une
autre musique et du chaos d’autres sons. »
Z. Krauze est l’auteur de nombreuses
compositions instrumentales (Triptyque
pour piano, 1964 ; Quatuor à cordes,
1965 ; Diptyque pour 14 instruments à
cordes, 1967 ; Polychromies pour ensemble
instrumental libre de 4 à 15 exécutants,
1968 ; Fallingwater pour piano solo, 1971 ;
The Last Recital pour piano, 1974-75 ;
Concerto pour piano, 1974-1976), mais
également de pièces faisant intervenir des
moyens électroacoustiques (Idyll, 1974),
ou encore des éléments mécaniques (Song
pour 6 instruments et 6 boîtes à musique,
1974 ; Automaphone pour 14 instruments
à cordes pincées et 7 instruments mécaniques, 1974). Citons encore l’opéra de
chambre Die Kleider (1980), un Double
concerto pour violon, piano et orchestre
(1985), Symphonie parisienne (1986), la
Rivière souterraine (1987).
KREBS, famille de musiciens allemands.
Trois membres de cette famille furent
élèves de J.-S. Bach, deux d’entre eux
ayant fait une carrière d’organiste et compositeur.
Johann Tobias senior (Heichelheim
1690 - Buttstädt 1762). Il étudia le clavecin, l’orgue et la composition, et se perfectionna à Weimar auprès de J.-S. Bach et
de J. G. Walther. Il fut cantor à Buttelstedt
(1710), puis organiste de la Michaeliskirche de Buttstädt (1721). On connaît de
lui quelques pièces pour orgue.
Johann Ludwig (Buttelstedt 1713 - Altenburg 1780). Fils aîné de Johann Tobias
senior, il travailla sous la direction de
Bach à l’école Saint-Thomas de Leipzig
(1726-1735). Bach le considérait comme
l’un de ses meilleurs élèves et lui écrivit
une recommandation attestant son talent
sur les instruments à clavier, le violon, le
luth, et en composition. Il fut organiste
de la Marienkirche de Zwickau (1737),
puis à la cour de Zeitz (1744) et à la cour
d’Altenburg (1756), après avoir postulé en
vain la succession de Bach à Leipzig. Il a
composé une importante oeuvre d’orgue,
des suites pour clavecin, de la musique de
chambre et de la musique vocale (demeurée inédite).
Johann Tobias junior (Buttelstedt 1716 Grimma 1782). Frère de Johann Ludwig,
il fut aussi élève de J.-S. Bach à Leipzig
(1729-1739).
À la mort de Johann Ludwig, ses deux
fils, Ehrenfried Christian Traugott, puis
Johann Gottfried, lui succédèrent dans sa
charge d’organiste de la cour et directeur
de la musique à Altenburg.
KREISLER (Fritz), violoniste et compositeur américain d’origine autrichienne
(Vienne 1875 - New York 1962).
Il étudia à Vienne avec J. Hellmesberger junior (violon) et A. Bruckner (harmonie), puis au Conservatoire de Paris
(1885-1887) avec Massart (violon) et
Delibes (harmonie). En 1889-90, il fit une
première tournée aux États-Unis avec
Moritz Rosenthal. Après deux années
consacrées à l’étude de la médecine (18891891), il reprit ses activités musicales et
donna en 1899 un mémorable concert à
la Philharmonie de Berlin. En 1902, il fit
ses débuts londoniens. Ses tournées le menèrent ensuite sur tous les continents. En
1923, il se rendit en Scandinavie, au Japon,
en Corée et en Chine, en 1924 en Australie et en Nouvelle-Zélande, et en 1928
en Roumanie. Sa dernière apparition en
public eut lieu le 1er novembre 1947 à New
York : il joua la partita pour violon seul en
si mineur de Bach, le Poème de Chausson
et la Fantaisie de Schumann.
Kreisler est l’un des plus grands violonistes du XXe siècle. La poésie de son jeu,
son intensité d’expression rehaussée par
un vibrato inégalable - même dans les
« traits » de virtuosité -, sa sonorité rayonnante et chaleureuse, la sûreté de son
goût, qui le fait réussir aussi bien dans les
grandes oeuvres du répertoire classique et
romantique que dans les petits morceaux
de genre qu’il interprète avec un charme
typiquement viennois, et son magnétisme
personnel ont fait de lui un artiste unique.
Hormis deux opérettes, ses compositions
sont destinées au violon. Dans la série
des Manuscrits classiques, attribués à des
compositeurs célèbres, il pastiche avec
humour et élégance des compositeurs des
XVIIe et XVIIIe siècles.
KREMER (Gidon), violoniste russe et allemand (Riga 1947).
Il reçoit ses premières leçons de violon de
son père à l’âge de quatre ans puis étudie à
l’École de musique de Riga et au Conservatoire de Moscou auprès de David Oïstrakh. De 1967 à 1973, il est lauréat de
plusieurs concours internationaux (Reine
Élisabeth de Belgique en 1967, Tchaïkovski en 1970, Montréal, Gênes, etc.) Grâce
à l’intervention de David Oïstrakh, il peut
donner en 1974 son premier récital à
Vienne. En 1978, il est autorisé à séjourner librement en Europe et aux ÉtatsUnis et s’installe en Allemagne. Son goût
des répertoires originaux et sa technique
brillante en font l’une des personnalités
les plus intéressantes parmi les violonistes
de son temps. Très attiré par la musique
de chambre, il fonde en 1981 le Festival de
Lockenhaus, carrefour européen d’artistes
souhaitant partager de grands moments
de musique hors de toute contingence
commerciale. En 1992, ce festival prend le
nom de KREMERata Musica. G. Kremer a
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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créé un grand nombre d’oeuvres contemporaines, de compositeurs soviétiques
en particulier (Goubaïdoulina, Denisov,
Schnittke, etc.).
KREMSKY-PETITGIRARD (Alain), compositeur et chef d’orchestre français
(Paris 1940).
Il fit de brillantes études au Conservatoire national de Paris, où il obtint trois
premiers prix. Il fut premier grand prix
de Rome de composition avec la cantate
le Grand Yacht Despair (1962), lauréat
du prix Halphen de composition, de la
William and Norma Copley Foundation
et du prix Stéphane-Chapelier en 1967. Il
séjourna à Rome, à la villa Médicis (19631967). Il reçut le grand prix musical de la
Ville de Paris, le prix Prince-de-Monaco
(1968) et le prix du Jeune Travailleur intellectuel (1975). Ses oeuvres témoignent
d’une imagination fort originale, révélant
une réelle préoccupation métaphysique ;
citons Harmonies des mondes (1967),
Labyrinthe pour orchestre (1968), Paysages métaphysiques (1971), Petite Liturgie
(1974), Un paysage serein (1975), Musique
pour un temple inconnu (1978).
KRENEK (Ernst), compositeur américain
d’origine autrichienne (Vienne 1900 Palm Springs, Californie, 1991).
Il aborde la musique dès l’âge de six ans
et devient l’élève de Schrecker en 1916. Il
écrit dans un style contrapuntique assez
strict, inspiré de Bach et de Reger, qui témoigne d’une indépendance déjà grande
à l’égard de son maître. En 1920, il le suit
à Berlin ; il compose à une cadence rapide
des oeuvres au rythme et à la structure
énergiques, qui le font passer pour révolutionnaire, bien qu’elles soient toujours
contrebalancées par un côté conventionnel certain (quatuor op. 6, 1921 ; 2e Symphonie, 1922 ; cantate scénique Der Zwingburg, « la Forteresse », 1922, sur un texte
de l’expressionniste Franz Werfel ; Der
Sprung über den Schatten, « le Saut pardessus l’ombre », 1923 ; un Zeitoper, qui
parodie Offenbach). C’est à cette époque
qu’il se fait connaître à la Société internationale de musique contemporaine ; ses
oeuvres sont jouées dans les grands festivals. De 1925 à 1927, il exerce la fonction
de conseiller artistique de Paul Bekker au
théâtre de Kassel, puis, en 1927, de directeur de l’opéra de Wiesbaden. Durant
cette période, il compose beaucoup de
musique de scène, son style évolue dans
le sens de la mode, opérant une sorte de
synthèse des styles postromantique, néoclassique et de la musique de jazz. La
meilleure réalisation en est certainement
Johnny spielt auf (« Johnny mène le jeu »),
Zeitoper, créé en 1927, qui fait scandale
par la mise en scène des amours d’un Noir
et d’une Blanche et assure sa renommée
à travers l’Europe. En 1928, il retourne
à Vienne, où il rencontre Berg, Webern
et Karl Kraus. Après le Reisebuch aus
den Österreichischen Alpen (« Journal de
voyage des Alpes autrichiennes », 1929),
qui fait parler d’un « retour à Schubert »,
il se tourne vers une écriture plus stricte,
proche de celle des Viennois, quoique toujours très souple en regard de la pure technique dodécaphonique. Son opéra Karl V,
composé entre 1930 et 1933 et dans lequel
il utilise simultanément les ressources de
l’opéra classique, du film et du théâtre, est,
en fait, une des seules oeuvres qui respecte
réellement cette technique.
En 1933, ses positions de musicien
d’avant-garde lui font perdre ses appuis : il
se met à voyager en tant que conférencier
et se produit comme pianiste et chef d’orchestre. En 1938, il s’exile aux États-Unis ;
son style change à nouveau. Il s’intéresse
au chant grégorien, à la musique du
Moyen Âge et du XVe siècle - à Ockeghem
en particulier -, et écrit en 1941-42 sa
remarquable Lamentatio Jeremiae prophetae pour choeur a cappella sur un cantus
firmus confié à une série. Il consacre une
part importante de son temps à des activités pédagogiques - Vassar College, près de
New York, puis université de Saint-Paul
dans le Minnesota (1942) -, avant de s’installer à Los Angeles.
Les années 50 lui ouvrent le chemin
des musiques expérimentales : en 195556, il travaille au studio de la radio de
Cologne et compose un Pfingstoratorium
(« Oratorio de Pâques ») pour voix et
sons électroniques. Dans Sestina (1957),
il explore jusqu’à l’automatisme la technique sérielle. L’aléatoire et l’ordinateur
ne lui restent pas étrangers, et il va jusqu’à
employer un jeu de roulette dans l’opéra
Ausgerechnet und verspielt (« Calculé et
manqué », 1962). Mais il refusera toujours
les élucubrations pseudo-scientifiques,
fréquentes chez ses contemporains.
Il faut ajouter encore, pour mieux cerner le personnage, que Krenek ne s’est
pas contenté d’écrire pour tous les genres
musicaux et de s’adapter aux courants stylistiques les plus divers, de l’expressionnisme à l’art technologique moderne en
passant par la Nouvelle Objectivité et le
surréalisme (Der goldene Bock, 1964), il
a aussi rédigé lui-même la plupart de ses
livrets, ainsi qu’un nombre assez important d’oeuvres théoriques, esthétiques
ou simplement littéraires (Documents de
voyage). Tempérament fougueux plus que
superficiel, allant toujours au fond des
choses et restant critique vis-à-vis de ses
propres oeuvres et de son époque, Krenek
peut être considéré comme une image de
cet homme « multidimensionnel », que
réclamaient futuristes et tenants de l’école
à orientation à la fois artistique et technologique du Bauhaus.
KRESTIANIN (Féodor), chantre et compositeur russe ( ? v. 1530 - ? fin du XVIe s.).
L’un des premiers compositeurs russes
répertoriés, il fut le musicien attitré du
tsar Ivan IV le Terrible, dans la seconde
moitié du XVIe siècle. Son oeuvre, exclusivement religieuse, vocale et monodique,
consiste en un développement très élaboré
des chants znamenny (« neumatiques »).
Il rassembla autour de lui tout un cénacle
de chanteurs et de compositeurs. Le manuscrit de ses Stichères évangéliques fut
déchiffré au XXe siècle par le musicologue
soviétique Brajnikov.
KRETZSCHMAR (Hermann), musicologue allemand (Olbernhau, Saxe, 1848 Berlin 1924).
Après avoir été élève de la Kreuzschule de
Dresde, puis du conservatoire de Leipzig,
il soutint une thèse sur la notation musicale ancienne, De signis musicis quae scriptores per priman medis aevi partem usque
ad Guidonis Aretini (Leipzig, 1871), et enseigna successivement au conservatoire de
Leipzig (1871), à l’université de la même
ville (1887), puis à l’université de Berlin
(1904), avant de diriger la Hochschule für
Musik de Berlin (1909-1920).
Musicien cultivé, organiste et chef de
choeur, il a écrit des oeuvres pour orgue
et compose de la musique vocale profane aussi bien que sacrée, mais c’est
à son oeuvre de théoricien qu’il doit sa
notoriété. Il introduisit, en effet, l’herméneutique dans l’esthétique musicale,
c’est-à-dire une analyse qui considérait les
oeuvres comme les signes d’émotions ou
d’états d’âme vécus par les compositeurs.
S’intéressant également à la pratique
musicale, Kretzschmar publia notamment
Führer durch den Konzertsaal (3 vol., Leipzig, 1888-1890), que d’autres spécialistes
complétèrent après sa mort, et plusieurs
manuels d’histoire de la musique. Il édita,
d’autre part, les volumes 8, 9 et 42 de la
Denkmäler deutscher Tonkunst, dont il fut
l’éditeur général de 1911 à 1919.
KREUTZER (Conradin), compositeur et
chef d’orchestre allemand (Messkirch,
Bade, 1780 - Riga 1849).
Après des études de droit à Fribourgen-Brisgau, il se consacra entièrement à
la musique (1800), étudia à Vienne avec
Johann Georg Albrechtsberger (1804),
rencontra dans cette ville Franz Joseph
Haydn, fut maître de chapelle à Stuttgart,
puis à Donaueschingen (1818-1822), dirigea divers théâtres à Vienne (1822-1827,
1829-1832, 1833-1834 et 1834-1840) et,
enfin, la musique à Cologne (1840-1842).
De ses 30 opéras, le plus célèbre fut, en
son temps, Das Nachtlager in Granada
(Vienne, 1834). On lui doit aussi de la musique de chambre, dont un célèbre Septuor
op. 62, et surtout des lieder, dont beaucoup sur des textes de Ludwig Uhland.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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KREUTZER (Rodolphe), violoniste, pédagogue et compositeur français (Versailles 1766 - Genève 1831).
Il reçut ses premières leçons de son père,
originaire de Breslau, étudia le violon
avec Anton Stamitz et joua son premier
concerto pour violon au Concert spirituel en 1784. Jeanne d’Arc (1790), Paul et
Virginie (1791), le Franc Breton (1791) et
Lodoiska (1791) furent les premiers de ses
quelque 40 opéras-comiques et ouvrages
pour la scène. Il enseigna le violon au
Conservatoire de Paris, de sa fondation en
1795 à 1826. En 1798, il séjourna à Vienne
dans la suite de l’ambassadeur Bernadotte
et fit la connaissance de Beethoven, qui,
par la suite, devait lui dédier sa Sonate
pour piano et violon op. 47, dite Sonate à
Kreutzer. Il ne sut rien de cette dédicace
et ne joua jamais l’ouvrage. Il occupa plusieurs postes sous l’Empire et la Restauration. Influencé par Viotti, il fonda avec
Baillot et Rode l’école française moderne
de violon. Il écrivit pour son instrument
19 concertos - parmi lesquels le 16e (18041805) sur des thèmes de Haydn, dont on
avait à tort annoncé la mort -, de la musique de chambre et surtout ses 42 Études
ou caprices (à l’origine 40, 1796), qui, aujourd’hui encore, font partie du matériel
de base pour l’enseignement du violon.
KRIEGER (Adam), compositeur allemand
(Driesen 1634 - Dresde 1666).
Il travailla la composition et l’orgue
avec Samuel Scheidt à Halle et succéda à
Rosenmüller comme maître de tribune
à Saint-Nicolas de Leipzig, de 1655 à
1657. Nommé à la cour de Dresde (qu’il
connaissait déjà, pour y avoir rencontré
Heinrich Schütz, dont il peut être aussi
considéré comme le disciple), il y exerça,
jusqu’à sa mort, les fonctions d’organiste,
contribuant au renom d’une chapelle qui
avait compté dans ses rangs quelques
chefs de file de l’école germanique. C’est,
d’ailleurs, au fait que la chapelle électorale de Saxe était alors la première d’Allemagne que Krieger doit d’avoir eu la
possibilité d’écrire pour la voix, plutôt
que pour l’orgue. La maîtrise était célèbre
pour la qualité de ses chantres et nul doute
que c’est à eux que le musicien songeait en
composant ses Arien (à 1, 2 et 3 voix) en
1657. Le succès que rencontrèrent ces 50
pièces (avec accompagnement de 2 violons, 1 basse de viole et du continuo) incita
Krieger à écrire d’autres arien (de 1 à 5
voix, et avec accompagnement de 5 instruments à cordes et basse continue). Mais
ce n’est qu’après sa mort que parurent ces
50 Neue Arien, qui marquent, avec le livre
de 1657, le sommet du lied monodique au
XVIIe siècle.
KRIEGER (Edino), compositeur et critique musical brésilien (Brusque, Santa
Catarina, 1928).
Initié à la musique par son père, il donna
des récitals de violon dès l’âge de quatorze
ans. Il fit ses études musicales à Rio de
Janeiro, aux États-Unis (Berkshire Music
Center) avec Aaron Copland et Peter
Mennin, et à Londres, puis devint réalisateur d’émissions radiophoniques dans
un but de diffusion musicale, organisateur
de festivals et de concours pour l’État de
Guanabara. Il est président de la Société
brésilienne de musique contemporaine.
Marqué d’abord par l’impressionnisme,
le compositeur s’est ensuite tourné vers la
technique sérielle, sans oublier les autres
ressources contemporaines ni le folklore
brésilien.
La musique dramatique d’Edino
Krieger comprend principalement : Antigone (1953), Natividade do Rio (1965) ; la
musique orchestrale des Contrastes (1949),
une Ouverture (1955), Ludus symphonicus
(1966) ; la musique pour formation de
chambre, un Chôro pour flûte et cordes
(1952), une Suite pour cordes (1954), des
Variations élémentaires (1964). Le musicien a également composé des quatuors à
cordes, des trios, des duos instrumentaux,
des mélodies, des choeurs et des pièces
pour piano.
KRIPS (Josef), chef d’orchestre autrichien (Vienne 1902 - Genève 1974).
Il étudia la musique à l’Académie de
Vienne avec Mandyszewsky et Weingartner, et fit ses débuts de chef au Volksoper de Vienne (1921). De 1924 à 1925, il
dirigea l’opéra du Stadttheater de Dortmund et celui d’Aussig am Elbe. Il fut chef
permanent de l’Opéra d’État de Vienne
(1933-1938) et enseigna à l’Académie de
Vienne (1935-1938). Après l’Anschluss,
Krips dirigea pendant une saison (193839) l’opéra de Belgrade, puis se vit interdire toute activité musicale publique. Dès
la fin de la guerre, il se consacra à la réorganisation de la vie musicale à Vienne. Il
contribua également à la réouverture du
festival de Salzbourg (1946), et fut le chef
permanent de l’Opéra d’État de Vienne
(1945-1950). En 1950, ce chef à l’âme si
profondément viennoise décida de s’expatrier. Il fut chef principal du London
Symphony Orchestra (1950-1954), de
l’Orchestre philharmonique de Buffalo
(1954-1963), et enfin de l’Orchestre philharmonique de San Francisco (19631970). Il ne renonça pourtant jamais à son
titre de chef invité permanent de l’Opéra
d’État de Vienne, qui lui avait été conféré
en 1931. Il fut aussi directeur de la musique
au festival de Cincinnati (1954-1960), chef
invité de l’Opéra royal de Covent Garden
(1963), au Metropolitan Opera de New
York (depuis 1966) et au Deutsche Oper
de Berlin, de 1970 à sa mort. L’Opéra de
Paris eut le privilège d’une de ses dernières apparitions en public, dans Cosi fan
tutte, peu de mois avant sa mort. L’oeuvre
de Mozart, et notamment Don Giovanni,
fut la pierre angulaire de la carrière et de
la vie même de Krips. Il fut aussi un grand
interprète de Schubert, en particulier de
sa Neuvième Symphonie, et de Schumann.
Avec Karl Boehm, il fut l’héritier de toute
une tradition musicale autrichienne, faite
de légèreté, de joie et de rigueur.
KRIVINE (Emmanuel), chef d’orchestre
et violoniste français (Grenoble 1947).
Très jeune il se passionne pour l’orgue et
la musique symphonique, mais s’oriente
cependant vers le violon, qu’il étudie à
Grenoble, puis au Conservatoire de Paris
dans la classe de R. Benedetti. Titulaire
d’un 1er Prix en 1963, il se perfectionne auprès de Henryk Szeryng et de Yehudi Menuhin et s’impose dans plusieurs grands
concours (Reine Élisabeth de Belgique en
1968, puis Naples, Gênes, Londres). En
1965, la rencontre avec Karl Böhm donne
une seconde orientation à sa carrière et,
dans les années 70, il délaisse peu à peu
le violon pour commencer à diriger. De
1976 à 1983, il est premier chef invité du
Nouvel Orchestre philharmonique de
Radio France ; de 1981 à 1983, il dirige
l’orchestre philharmonique de Lorraine.
Victime d’un accident en 1981, il doit
abandonner le violon. La même année,
il est nommé premier chef invité puis en
1987 directeur musical de l’Orchestre national de Lyon.
KŘÍŽKOVSKÝ (Pavel), compositeur et
maître de choeur tchèque (Holasovice
1820 - Brno 1885).
Il entra au noviciat des frères augustins
de Brno en 1845, où il se perfectionna
en orgue, puis travailla la composition
avec Gottfried Rieger. En 1848, il devint
le maître du choeur du monastère de
Brno, pour lequel il écrivit une suite de
choeurs pour voix d’hommes essentiellement centrés sur des textes populaires, qui
servent encore aujourd’hui de répertoire
de base entre celui de Smetana et Janáček.
La première de son choeur Utonula (« la
Noyée »), en 1848, reçut un accueil enthousiaste. Il fut nommé maître de chapelle de la cathédrale d’Olomouc (1873),
avant de se retirer dans son monastère en
1883.
Outre une importante production de
caractère religieux, Křížkovský a laissé de
nombreuses mélodies éditées par cahiers
ou isolées et des choeurs et cantates avec
solistes, mais accompagnées au piano (ou
harmonium). Il ne s’est pas contenté de
citer quelques airs populaires afin de pimenter la rigueur de l’écriture liturgique
pour choeur, mais a repris les matériaux
originels en respectant fondamentalement
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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leur prosodie. Il est considéré comme le
père de la musique chorale tchèque.
KROLL OPER.
Théâtre d’opéra berlinois, en activité de
1924 à 1931, avec comme directeur musical, à partir de 1927, Otto Klemperer, qui
en fit un haut lieu du théâtre lyrique en
Allemagne.
KROMMER (Franz Vincenz) ou KRAMAR (Frantisek Vincenc) compositeur
tchèque (Kamenice 1759 - Vienne 1831).
Connu aussi sous le nom de « KrommerKramar », il s’établit à Vienne en 1785, où
il revint en 1795, après plusieurs années
passées en Hongrie. Il fut nommé huissier
à la Cour en 1815 et, en 1818, succéda à
Leopold Kozeluch au poste (qu’il devait
être le dernier à occuper) de maître de
chapelle de la Chambre impériale. Il composa plus de 300 ouvrages, dans tous les
genres, sauf le piano seul, le lied et l’opéra.
Ses quatuors à cordes, au nombre de plus
de 100, furent favorablement comparés à
ceux de Haydn. On lui doit aussi 9 symphonies, dont 2 sont perdues, des danses,
des marches, des ouvrages pour vents
seuls. D’une particulière importance sont
ses concertos pour instruments à vent,
notamment ceux pour clarinette, et ses 40
duos pour 2 violons parus chez Peters à
Leipzig dans la Collection des duos concertants (1855-1857).
KRUMPHOLTZ, famille de musiciens
tchèques.
Johann Baptist (Jan Krtitel), compositeur, harpiste et facteur d’instruments
(Budenice 1742 - Paris 1790). Protégé par
le comte Kinsky, il étudia le cor avant de
se tourner vers la harpe. Après plusieurs
tournées en Europe, il fut membre de la
chapelle du prince Esterházy à Esterháza
(1773-1776), et y reçut des leçons de
composition de Haydn. De là, il se rendit à Metz, où il travailla six mois dans
l’atelier du facteur d’instruments Christian Steckler (dont il devait plus tard
épouser la fille), puis à Paris (févr. 1777),
où il fit paraître ses cinq concertos pour
harpe op. 4, 6 et 7, partiellement composés sous la tutelle de Haydn. Il fut le plus
grand harpiste de son temps, songea, le
premier, à employer les harmoniques et
les homophones, et aida de ses conseils
et de ses idées les facteurs d’instruments
Nadermann et Érard. Les infidélités de sa
femme, également virtuose de la harpe,
le poussèrent au suicide : il se jeta dans la
Seine du haut du Pont-Neuf.
Wenzel (Vaclav), violoniste (Budenice v.
1750 - Vienne 1817). Frère du précédent,
il devint violoniste à l’opéra de Vienne
(1796) et se lia d’amitié avec Beethoven, à
qui il donna quelques leçons de violon et
qui composa pour lui la sonate pour mandoline et piano WoO 43.
Anne-Marie, née Steckler, harpiste
(Metz v. 1755 - Londres apr. 1824). Femme
et élève de Johann Baptist, elle s’enfuit à
Londres, où elle débuta en 1788, et où,
entre 1791 et 1795, elle participa régulièrement aux mêmes concerts que Haydn.
Son jeu était au moins l’égal de celui de
son mari.
KUBELIK, famille de musiciens d’origine
tchèque.
Jan, violoniste tchèque (Michle, près de
Prague, 1880 - Prague 1940). Cet enfant
prodige - il se produit en concert à huit
ans - est l’élève d’un grand pédagogue,
O. Sevcik, au conservatoire de Prague, de
1892 à 1898. Dès ses débuts fulgurants à
Vienne, sa virtuosité lui vaut le titre de
« Second Paganini ». Comme son illustre
devancier, Kubelik est adulé sans mesure.
À bord de son wagon-salon particulier,
il parcourt l’Europe avant de conquérir
les États-Unis en 1902. En 1901, il sauve
l’Orchestre philharmonique tchèque
d’une grave crise financière en organisant,
en particulier, une tournée en GrandeBretagne. Exemple de longévité, sa carrière ne prend fin qu’en 1940, après dix
concerts d’adieu à Prague. Interprète
sans pareil de Paganini, qui fit sa gloire,
Kubelik composa des pièces de virtuosité, dont pas moins de six concertos, et
se vit dédier nombre de pages de haute
technicité, telle la Kubelik-Serenade de F.
Drdla. Ses quelques incursions dans des
domaines plus convaincants ont prouvé
qu’il savait allier à la perfection technique
une profonde intuition musicale. Il possédait deux stradivarius, de 1678 et 1715
(l’Empereur), et un guarnerius del’ Gesù.
Rafael, chef d’orchestre suisse (Bychory
1914). Fils du précédent, il est initié par
son père au violon et suit au conservatoire de Prague les cours de J. Feld (violon), O. Sin (composition) et P. Dedecek
(direction d’orchestre). Il fait ses débuts
avec l’Orchestre philharmonique tchèque
qu’il dirige, de 1942 à 1948, après avoir été
le directeur musical de l’Opéra de Brno.
L’Europe occidentale le découvre en 1948,
quand il dirige Don Juan à Édimbourg.
Ayant quitté la Tchécoslovaquie, il devient
le directeur musical de l’Orchestre symphonique de Chicago (1950-1953), puis
du Royal Opera House de Londres (19551958). Il est, de 1961 à 1979, le directeur
de l’Orchestre de la radio bavaroise qu’il
retrouve en 1972 après une tentative peu
concluante au Metropolitan Opera de
New York. En 1985, il cesse de diriger pour
raison de santé, mais retourne en 1990 en
Tchécoslovaquie pour y diriger Ma patrie
de Smetana. Son oeuvre abondante couvre
tous les domaines, du lied à l’opéra, de la
symphonie au concerto. Ses musiciens de
prédilection sont Mahler (il a signé une
intégrale de ses symphonies) et Berlioz
(avec un attachement particulier pour les
Troyens qu’il a dirigés successivement à
Brno, Londres et New York). Citons également Dvořák, Janáček, Bruckner, Bartók
et Britten, autant de musiciens authentiquement romantiques, qui correspondent
idéalement à la nature droite et spontanée de Kubelik. Privilégiant le travail en
profondeur des oeuvres plutôt que la gestique de direction, il s’attache à recréer et à
mettre en évidence la respiration primordiale de chacune d’entre elles.
KUFFERATH (Maurice), critique musical
belge (Saint-Josse-ten-Noode 1852 Bruxelles 1919).
Il était issu d’une famille de musiciens
allemands. Ses oncles, Johann Herrmann
(1797-1864) et Louis (1811-1882), étaient,
le premier, violoniste, le second, pianiste,
et tous deux compositeurs. Élève de Mendelssohn, son père, Hubert-Ferdinand
(1818-1896), s’était installé à Bruxelles en
1844 pour enseigner le piano et la composition et fut, en 1872, nommé professeur
de contrepoint et de fugue au conservatoire. Maurice Kufferath étudia le violoncelle, le droit et l’histoire de l’art. Critique
à l’Indépendance belge et au Guide musical
(qu’il dirigea de 1890 à 1914), il fut un wagnérien passionné. Nommé en 1900 directeur du théâtre de la Monnaie, il conserva
ce poste jusqu’à sa mort, mais résida en
Suisse de 1914 à 1918.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
H. Vieuxtemps, sa vie et son oeuvre
(Bruxelles, 1882) ; le Théâtre de Richard
Wagner de Tannhaüser à Parsifal (6 vol.,
Paris, Bruxelles, 1891-1898) ; Musiciens
et philosophes : Tolstoï ; Schopenhauer,
Nietzsche, R. Wagner, Paris, 1899).
KUHLAU (Daniel Frederik), compositeur
et pianiste danois (Ülzen, Allemagne,
1786 - Lyngbie, près de Copenhague,
1832).
Réfugié au Danemark en 1810 pour éviter
la conscription dans les armées napoléoniennes, il s’imposa vite comme compositeur et pianiste. Attaché à la maison
royale en 1813, il écrivit, outre de nombreuses sonatines pour piano et des pièces
pour flûte et de musique de chambre, 1
concerto pour piano et 8 comédies lyriques, qui connurent un grand succès.
Parmi celles-ci, notons Røverborgen (« le
Repaire des brigands », 1814), Trylleharpen (1817), Elisa (1820), Lulu (1824),
William Shakespeare (1826) et surtout
Elverhøj (« le Mont des elfes », 1828), qui
reste aujourd’hui encore une des oeuvres
les plus jouées au Théâtre royal (plus de
900 représentations). Kuhlau représente
l’apogée de l’école classique allemande,
avec, toutefois, quelques influences romantiques et une remarquable assimiladownloadModeText.vue.download 551 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
545
tion du style national danois de l’époque
qui unit le style de l’école de Leipzig avec
le matériau mélodique populaire. Pour la
petite histoire, sa rencontre avec Beethoven en 1825 a laissé un canon de ce dernier, intitulé Kühl, nicht lau.
KUHNAU (Johann), compositeur et organiste allemand (Geising 1660 - Leipzig
1722).
Il fut élève de la Kreuzschule à Dresde,
où, distingué pour sa belle voix, il servit
comme Ratsdiskantist. Formé par Jakob
Beutel, cantor de la Kreuzkirche, il obtint
à titre provisoire le poste de maître de chapelle à Zittau (1680), avant d’aller étudier
le droit à Leipzig. Dans cette ville, il fut organiste à la Thomaskirche tout en exerçant
la charge d’avocat. En 1701, il succéda à
Johann Schelle comme cantor de SaintThomas et, en même temps, fut nommé
directeur de la musique de l’université de
Leipzig. À sa mort, Jean-Sébastien Bach
lui succéda à Saint-Thomas.
Fondateur du fameux Collegium musicum de Leipzig (1688), Kühnau était un
homme d’une grande culture. Comme
claveciniste, il subit l’influence de Johann
Krieger, et sa place est assez comparable
à celle de Pachelbel pour l’orgue (dans
l’Allemagne centrale et méridionale). Bien
que d’un tempérament conservateur à
bien des égards, il innova, au plan formel,
en faisant précéder ses suites pour clavier
d’une sorte de prélude-toccata. Il transcrivit également pour clavecin la sonate
d’église à l’italienne et, dans ses sonates
à programme - les fameuses Histoires
bibliques -, il parvint non sans difficulté
à concilier la structure du genre avec les
exigences descriptives de la musique.
Au plan religieux, Kühnau écrivit des
motets latins et de nombreuses cantates
(dont une vingtaine ont été conservées),
qui, bien que de qualité inégale, jettent un
pont intéressant entre le passé et le nouveau style qui allait prévaloir à l’époque
de Bach. Auteur d’une Passion selon saint
Marc, Kühnau fut un compositeur souvent émouvant et personnel
KUIJKEN, famille de musiciens belges.
Wieland, violoncelliste et gambiste (Dilbeek, près de Bruxelles, 1938). Il étudia
aux conservatoires de Bruges (à partir
de 1952) et de Bruxelles (1957-1962), se
tournant, à partir de 1956, vers la viole de
gambe aussi bien que vers le violoncelle. Il
joua à la fois dans le groupe d’avant-garde
Musiques nouvelles et dans l’ensemble
Alarius (1959-1972), spécialisé dans le
répertoire baroque français. Depuis 1970,
il enseigne aux conservatoires de Bruxelles
et de La Haye. Il est actuellement, en ce qui
concerne la viole de gambe, l’interprète le
plus recherché (soliste et continuo).
Sigiswald, violoniste et joueur de viole,
frère du précédent (Dilbeek 1944). Il a fait
ses études aux conservatoires de Bruges et
de Bruxelles (1960-1964) et joué dans le
groupe Musiques nouvelles et dans l’ensemble Alarius. Depuis 1971, il enseigne
le violon baroque (qu’il a lui-même appris
en autodidacte) au conservatoire de La
Haye. En 1972, il a fondé l’orchestre d’ins-
truments baroques la Petite Bande, dans
lequel jouent également ses deux frères,
et avec lequel il a réalisé de remarquables
enregistrements (Parthénope de Haendel,
pages orchestrales et danses d’Hippolyte et
Aricie de Rameau, symphonies de Haydn).
Barthold, flûtiste et joueur de flûte à bec,
frère des précédents (Dilbeek 1949). Il a
étudié aux conservatoires de Bruges, de
Bruxelles et de La Haye, en particulier
avec Frans Brüggen, et enseigne à ceux
de Bruxelles et de La Haye. Il a enregistré
beaucoup d’oeuvres de l’époque baroque,
mais aussi de Mozart et Haydn, en particulier (avec ses deux frères) les six trios
pour flûte, violon et violoncelle Hob. IV611 de ce dernier.
KULENKAMPFF (Georg), violoniste allemand (Brême 1898 - Schaffhouse 1948).
Après avoir suivi l’enseignement de E.
Wadel dans sa ville natale, il poursuit ses
études (1912-1915) à la Berliner Hochschule für Musik avec W. Hess, qui fut
l’élève de Joachim. Nommé premier violon solo de la Philharmonie de Brême,
il entame une carrière de soliste, qui
le conduit à Berlin en 1919. Sans négliger l’enseignement, qu’il donne de 1923
à 1926, puis en 1931, à la Hochschule de
Berlin, ni la musique de chambre, il forme
en particulier un trio exemplaire avec E.
Fischer et E. Mainardi. Fixé en Suisse à
partir de 1943, il succède à C. Flesch au
conservatoire de Lucerne. À la fois grand
pédagogue et musicien exigeant, Georg
Kulenkampff a laissé le souvenir d’un
art fait d’intériorité et de pureté sonore.
Seules la guerre et une fin brutale l’ont
empêché de devenir, à l’égal d’un Adolf
Busch, le plus grand violoniste allemand
de ce siècle. Il fut le créateur de nombreuses partitions, dont le Concerto pour
violon de Schumann (retrouvé au bout de
quatre-vingt-cinq ans) et du Concerto de
W. Kempff. Il a laissé des Mémoires, Geigerische Betrachtungen (1952).
KUNSTLIED (all. : « chanson savante »).
Terme désignant dans les pays de culture
germanique des chansons profanes ou
spirituelles d’époques et de structures
très différentes, qui se caractérisent par la
singularité de leur élaboration musicale
et s’opposent ainsi plus généralement au
Volkslied.
Les monodies du Minnesang, qui appa-
raît vers 1150, en sont la première manifestation. À partir du XIVe siècle, le Meistersang prend le relais de cette tradition.
La chanson polyphonique, apparue vers la
fin de ce même siècle, culmine à l’époque
de l’Humanisme et de la Renaissance,
sous la forme du Tenorlied. L’abandon
du cantus firmus ténoral et les influences
romanes donnent naissance vers la fin du
XVIe siècle à des types proches du madrigal
ou de la villanelle. La chanson soliste se
développe à partir de 1630 sous l’influence
de la monodie italienne et subit progressivement l’ascendant de l’air d’opéra.
L’école de Berlin (1750-1770) marque un
retour à une certaine simplicité et prône
l’égalité de la poésie et de la musique. Pardelà la mélodie classique (Mozart, Beethoven), le lied romantique illustré par Schubert, Brahms et Wolf est l’une des figures
les plus originales du Kunstlied.
KUNZ (Erich), baryton autrichien
(Vienne 1909 - id. 1995).
Il débuta comme basse dans le rôle d’Osmin de l’Enlèvement au sérail à Opava en
1933, puis chanta des petits rôles au festival de Glyndebourne à partir de 1935. Engagé en 1940 à l’opéra de Vienne, il s’y affirma dans les rôles de baryton mozartien
(Leporello, Figaro, Papageno, Guglielmo).
Il développa, grâce à sa personnalité, une
énorme popularité dans toute l’Europe. Sa
voix n’avait rien d’exceptionnel, mais ses
interprétations ne furent guère surpassées
tant du point de vue musical que scénique.
En 1951, il chanta, à Bayreuth, Beckmesser dans les Maîtres chanteurs sous la direction de Karajan.
KURPINSKI (Karol), compositeur polonais (Wloszakowice 1785 - Varsovie
1857).
Autodidacte dans le domaine de la composition, il acquit, néanmoins, une solide
formation qui lui permit de créer son
propre style, très inspiré de la musique
populaire de son pays. Il écrivit beaucoup,
mais remporta surtout le succès avec ses
opéras, parmi lesquels le Palais de Lucifer
(Varsovie, 1811), le Charlatan (Varsovie,
1814) et le Château de Czorsztyn, ou Bojomir et Wandal (Varsovie, 1819). En 182021, il fonda et publia lui-même la première revue musicale polonaise, Tygodnik
muzyczny (Hebdomadaire musical).
KURTAG (György), compositeur hongrois d’origine roumaine (Lugoj, Roumanie, 1926).
Il doit à sa mère sa première formation
musicale. En 1946, il s’installa à Budapest et suivit à l’Académie de musique
les cours de P. Kadosa (piano), Leo Weiner (musique de chambre), S. Veres et
F. Farkas (composition). Il travailla, en
1957, à Paris avec Marianne Stein, Darius
Milhaud et Olivier Messiaen, et, en 1971,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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obtint une bourse d’études pour Berlin.
Depuis 1967, il enseigne à l’Académie
de musique de Budapest (piano, puis
musique de chambre). Il considère que
son oeuvre commence avec le Quatuor à
cordes op. 1 (1959), écrit sous le coup de sa
découverte de l’école viennoise. Son langage sériel, libre et personnel, utilise des
phrases courtes et incisives, d’une rigueur
toute wébernienne. En témoignent, notamment, le Quintette à vent op. 2 (1959),
les Huit Pièces pour piano op. 3 (1960), les
Huit Duos pour violon et cymbalum op. 4
(1961). Il s’est définitivement imposé sur
le plan international avec Bornemisza
Peter mondasai (les Dires de Peter Bornemisza) op. 7, « concerto pour soprano et
piano » créé à Darmstadt en 1968 et fait de
24 brefs mouvements d’une durée totale
d’un peu moins de 40 minutes. Il s’agissait de sa première oeuvre vocale, au texte
tiré d’un sermon du XVIe siècle. Suivirent
notamment En souvenir d’un crépuscule
d’hiver op. 8 pour soprano, violon et cymbalum, au style mélodique plus ample
(1969), 4 Caprices op. 9 pour soprano et
ensemble instrumental (1971), Quatre
Mélodies op. 11 (1973-1975), Hommage à
Andras Mihaly : 12 microludes pour quatuor à cordes op. 13 (1977-78), Sept Bagatelles pour flûte, piano et contrebasse op.
14b (1981), Omaggio a Luigi Nono pour
choeur a cappella op. 16 (1979), Messages
de feu Mademoiselle R. V. Troussova pour
soprano et ensemble de chambre sur un
texte de Rimma Dalos op. 17 (1979-80),
Quinze Chants pour soprano et 3 instruments op. 19 (1981-82), Fragments pour
soprano solo sur un texte de J. Attila op.
20 (1981), Sept Chants pour soprano et
cymbalum op. 22 (1981), Kafka Fragmente
pour soprano et piano (1986), ... Quasi una
fantasia... pour piano et ensemble (Berlin,
1988), Hölderlin : An... pour ténor et piano
(1989), Double Concerto pour piano, violoncelle et orchestre (1991).
KUSSER (Johann Sigismund), compositeur et chef d’orchestre hongrois (Presbourg 1660 - Dublin 1727).
À quatorze ans, il partit pour huit ans à
Paris auprès de Lully. Il fut successivement
maître de chapelle à Ansbach (1682-83),
Wolfenbüttel (1690-1694), Hambourg
(1694-95), Nuremberg, Augsbourg (1697)
et Stuttgart (1698-1704). À partir de 1690,
il devint essentiellement un compositeur
et chef lyrique. Après un voyage en Italie,
au cours duquel il séjourna à Bologne et à
Venise en 1701, il partit pour Londres en
1705, puis Dublin en 1710, où il finit sa
vie comme maître de chapelle du vice-roi
d’Irlande. Sa vie mouvementée et errante
servit essentiellement à faire connaître
l’opéra allemand à travers l’Europe. Il
contribua, par les 13 opéras qu’il créa, à
la naissance d’un théâtre musical en Allemagne, mais fit également rayonner la
musique française dans les pays germaniques et saxons.
KUULA (Toivo), compositeur et chef
d’orchestre finlandais (Vaasa 1883 - Viipuri 1918).
Sa mort dans des conditions mystérieuses
priva la Finlande d’un compositeur de
grand talent. Élève, à Paris, de Marcel
Labey et ayant fréquenté la Schola cantorum, Kuula possédait une maîtrise
parfaite du contrepoint, jointe à un sens
harmonique profond qui le situe dans la
tendance de l’école franckiste (Trio pour
piano, violon et violoncelle, 1908). Mais
son originalité s’exprima surtout dans
des oeuvres inspirées des légendes nationales ou tirées du Kalevala (les cantates
et ballades Orjan poika, « le Fils de l’esclave », 1910 ; Merenkylpijäneidot, « les
Baigneuses », 1910 ; Impi ja Pajarin poika,
« la Vierge et le Fils de Pajari », 1912),
dans la 2e Suite ostrobothnienne op. 20, et
les poèmes symphoniques (no 2 Metsässä
sataa, « Il pleut dans la forêt », 1913 ; no
5 Hiidet virvoja viritti, « Les démons allumaient des feux », 1912), qui laissent place
à une nette influence impressionniste.
Outre ces oeuvres, Kuula nous a laissé
des pièces instrumentales, des suites pour
orchestre, un Stabat mater, une vingtaine
de très belles mélodies et près de 50 pièces
chorales.
KVANDAL (Johan), compositeur norvégien (Oslo 1919).
Fils de David Monrad Johansen, il a étudié
à Oslo avec Per Steenberg, à Vienne avec
Joseph Marx et à Paris avec Nadia Boulanger. Si ses premières oeuvres appartiennent
au style norvégien des années 30, il adopte,
après ses études parisiennes, une attitude
plus libre vis-à-vis de la tonalité (Symphonie Epos op. 21, 1962 ; Concerto pour flûte
op. 22, 1963 ; Quatuor à cordes no 2 op. 27,
1966), mais sans jamais trop s’en éloigner.
Kvandal s’exprime avec clarté et précision
et si ses oeuvres symphoniques les plus
importantes sont le Thème avec variations
et fugue op. 14 (1954), la Symphonie no 1
op. 18 (1958) et la Sinfonia concertante op.
29 (1968), il ne faut pas négliger ses pièces
instrumentales et notamment la Sonate en
« mi » mineur pour violon et piano op. 15
(1942), le Duo pour violon et violoncelle op.
19 (1959) et Aria, cadenza et finale pour
violon et piano op. 24 (1964).
KYRIALE.
Mot latin désignant les recueils de mélodies afférentes au commun de la messe,
dont le Kyrie eleison est la pièce inaugurale.
Les éléments du Kyriale peuvent être
soit réunis pièce par pièce (recueil de
Kyrie, puis de Gloria, etc.), soit groupés
par ensembles constituant chacun une
messe complète. Ce dernier classement,
aujourd’hui normalisé, est relativement
récent. Il groupe les pièces en 18 ensembles relativement homogènes ayant
chacun une attribution liturgique définie
et un titre souvent emprunté aux anciens
tropes des Kyrie correspondants. Le Credo
en est exclu et est numéroté à part, de
même qu’un certain nombre de pièces
isolées proposées en remplacement et étiquetées ad libitum. Le Kyriale est souvent
réuni au graduel, dont il forme alors une
section.
KYRIE ELEISON.
Premiers mots d’une invocation en grec
(« Seigneur, prends pitié ») qui inaugure
le commun ou ordinaire de la messe la-
tine. C’est donc le Kyrie qui figure en tête
des messes polyphoniques ou chorales
lorsque, comme cela est habituel en dehors des messes de requiem, celles-ci ne
traitent que l’ordinaire. Dans le déroulement de l’office, il fait suite à l’introït, qui
appartient au propre.
Sous sa forme préconciliaire traditionnelle, le Kyrie comprend trois invocations
symétriques, répétées chacune trois fois
et adressées respectivement aux trois
personnes de la Sainte Trinité (Kyrie...
Christe... Kyrie) : le même mot Kyrie désigne le Père dans le premier groupe et le
Saint-Esprit dans le dernier. Cette amplification est propre à l’Église latine. Les
Grecs disent seulement Kyrie eleison (ou
eleison ymas), et comptent quatre syllabes
sur eleison, tandis que les Latins avaient
d’abord fait de ei une diphtongue ; les
quatre syllabes ont été rétablies après le
concile de Trente.
Avant d’avoir été incorporé à la messe,
sans doute vers le VIe siècle, le Kyrie figurait fréquemment comme refrain litanique, et, à ce titre, se chantait souvent
aux processions, soit en grec soit en latin
(Domine, miserere). Ce rôle de refrain a
longtemps survécu dans la chanson populaire, parfois sous des aspects déformés
tels que Kyrioleis en Allemagne ou Criaulé
en France ; Kyrieleis forme le refrain d’une
célèbre chanson de marche des croisés
germaniques, In Gottes Name fahren wir,
rappelant ainsi son origine de chant de
procession. La procession précédait souvent la messe, et lorsqu’on y chantait le
refrain Kyrie eleison, cela pouvait dispenser de le répéter après l’introït.
Musicalement, le Kyrie est un morceau
largement mélismatique (à l’exception de
quelques variétés chantées principalement
aux temps de pénitence), et la voyelle E y
joue un rôle analogue à celui du A dans
l’Alleluia. Ses neuf parties sont souvent
alternées, soit entre deux demi-choeurs,
soit entre un petit et un grand choeur. Il
présente souvent une forme à répétitions
dans laquelle le dernier Kyrie amplifie parfois le précédent. Dans la messe polyphodownloadModeText.vue.download 553 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
547
nique, par exemple chez G. de Machaut, la
version polyphonique prenait la place du
petit choeur (c’est donc elle qui commençait) ; elle ne contenait par conséquent
qu’une invocation sur deux : l’autre était
chantée en plain-chant. Même principe,
mais inversé, dans les messes d’orgue des
XVIIe et XVIIIe siècles, où le Kyrie consiste
en une suite de « versets « s’intercalant
entre les plains-chants ; une ordonnance
épiscopale parisienne du XVIIe siècle précisait même que ces versets d’orgue devaient obligatoirement faire entendre de
façon suffisamment reconnaissable, tout
au moins dans les premiers versets, la mélodie du Kyrie d’alternance. L’une des plus
employées à cet égard était celle du Cunctipotens : on l’entend, par exemple, dans la
Messe à l’usage des paroisses de Fr. Couperin. À partir de la Renaissance, on abandonne l’alternance et on confie la totalité
à la polyphonie, qui regroupe les trois
invocations de chaque type, et ne présente
donc plus que trois parties : un premier
Kyrie, un Christe et un second Kyrie. La
messe avec orchestre agira de même.
Un nombre considérable de mélodies
(plus de 200) ont été composées pour le
Kyrie, avec une diffusion extrêmement
variable : beaucoup n’ont pas dépassé
l’usage local. Un certain nombre, à partir
du IXe siècle, ont donné lieu à des versions
tropées, intercalant un développement
chanté syllabiquement entre les deux mots
Kyrie (ou Christe) et eleison, ou même
remplaçant totalement le premier. On
considérait autrefois ces versions tropées
comme des artifices mnémotechniques
ajoutés après coup ; on en est moins sûr
aujourd’hui, et il se pourrait que certains
Kyrie eussent été directement composés
avec leurs tropes ; les paroles de celui-ci
auraient ensuite disparu pour faire place
à la mélodie vocalisée ; celle-ci en a du
reste souvent conservé l’incipit comme
titre (v. Kyriale). Le Kyrie a été l’une des
parties de la messe le plus tôt et le plus
souvent mises en polyphonie : on en
trouve à deux voix dès la fin du XIe siècle.
Mais l’ensemble de la littérature musicale semble s’être très vite désintéressée
de la signification suppliante du texte,
et n’avoir retenu que l’aspect décoratif
des vocalises (par ex. Palestrina) ou la
majesté solennelle d’un morceau inaugural : le Kyrie de la Messe en « si » mineur
de J.-S. Bach donne un exemple typique
de cette dernière conception.
downloadModeText.vue.download 554 sur 1085
L
LA.
La sixième des sept syllabes qui, dans
les pays latins, désignent les notes de la
gamme diatonique. Cette syllabe représente la note la, placée un ton au-dessus du sol et correspond à la lettre A du
système alphabétique anglo-saxon. Le
choix de cette correspondance apparaît
aujourd’hui sans fondement logique. Il
tient au fait que la nomenclature alphabétique en cause a été établie à partir des diagrammes du système grec antique, fondé
sur une double octave, dont le point de
départ ou proslambanomène correspondait, en intervalles, à la note la. D’autres
systèmes, où A correspondait à do et
non plus à la, ont également eu cours au
Moyen Âge ; seul le premier a survécu.
Dans l’ancienne solmisation à six syllabes, dont la était la dernière, cette syllabe
pouvait correspondre non seulement à A
(la-mi-ré), mais aussi, selon l’hexacorde, à
D (sol-ré-la) ou à E (mi-la). Elle y revêtait
une importance particulière, car elle marquait le terme au-delà duquel on devait
choisir entre mi et fa. Ce choix n’appelait
pas seulement un intervalle différent (1
ton pour mi, 1/2 ton pour fa), mais déterminait également les intervalles à venir :
dire fa après la ne signifiait pas seulement
que, dans notre langage actuel, on bémolisait le si, mais encore que les intervalles
ultérieurs restaient commandés par ce fa
jusqu’à la prochaine mutation. ( ! FA.)
Dans le solfège moderne, le la n’est
plus qu’une note parmi les autres, mais il
a acquis une valeur spéciale par le choix
qu’on en fait le plus souvent pour accorder les instruments : d’où le nom de la du
diapason donné au la de l’octave moyenne
centrale (ou la3). ( ! DIAPASON).
LA BARRE (Michel de), flûtiste et compositeur français (Paris v. 1675 - id. 1743
ou 1744).
Fils d’un marchand de bois du marché Saint-Paul, il entra à vingt ans dans
l’orchestre de l’Opéra, puis fut flûtiste de
la Chambre du roi. À ce titre, sa renommée ne fut égalée par personne. Il écrivit
le ballet le Triomphe des arts (1700), la
comédie-ballet la Vénitienne (1705), un
Recueil d’airs à boire à 2 parties (1724), des
airs français et italiens, et, pour son instrument, 12 livres de Pièces pour flûte traversière avec la basse continue (1709-1725)
et 3 livres de Pièces en trio pour violon, flûte
et hautbois (1694-1707).
LA BARRE (Chabanceau de), famille de
musiciens parisiens.
Pierre Ier ( ?- 1600 ou 1608). On ne sait
rien de sa naissance ni de ses débuts, sinon
qu’en 1567 il fut nommé organiste aux
Saints-Innocents. Il le fut ensuite à NotreDame, puis, en 1580, à Saint-Eustache.
Il fut marié deux fois, et plusieurs de ses
enfants devinrent musiciens.
Pierre II, fils du précédent (1572-1626).
Il étudia la musique avec son père et lui
succéda à Saint-Eustache. Il fut également
réputé comme joueur de luth.
Germain, frère du précédent (1579-1647).
Il seconda parfois son père à l’orgue et fut
nommé, en 1612, à Saint-Jacques-de-laBoucherie.
Pierre III, fils de Pierre II (1592-1656). Il
fut l’un des plus importants de la famille.
Il étudia avec son père et devint organiste
de la chapelle du roi Louis XIII. Il était
aussi joueur d’épinette, et, en tant que tel,
il fut attaché à la maison d’Anne d’Autriche. Il fut le rival de Chambonnières,
qu’il finit par évincer. Le père Mersenne,
auteur de l’Harmonie universelle, parle de
lui avec la plus haute estime ; il cite plusieurs de ses tablatures et évoque, à propos
du jeu d’orgue, « la belle grâce et le beau
maintien qui rendent le sieur de La Barre
et ceux qu’il prend la peine d’enseigner, et
ceux qui sont formés de sa main, incomparables ». La Barre fut également en correspondance avec Constantin Huygens au
sujet des théories de la musique. Avec ses
quatre enfants, il organisait chez lui des
séances de musique appelées « concerts
spirituels », qui étaient fort suivies. Il a
laissé des pièces pour clavecin ou orgue,
des courantes et des sarabandes pour luth.
Anne, fille du précédent (1628-1688).
Elle débuta en chantant aux concerts de
son père et devint rapidement une cantatrice réputée. Elle fit une carrière qu’on
pourrait, pour l’époque, qualifier d’inter-
nationale. Son voyage dans les pays du
Nord (1652-1661) la mena à la cour de
Suède, où elle avait été appelée par la reine
Marie-Christine, à La Haye, au Danemark et à la cour de Kassel. De retour en
France (1661), elle devint cantatrice de la
Chambre du roi, avant d’être pensionnée.
Joseph, frère de la précédente (16331678). Pendant deux ans (1652-1654), il
accompagna sa soeur dans ses déplacements, en qualité de luthiste. À la mort de
son père (1656), il lui succéda à l’orgue de
la chapelle. Bien que n’étant pas entré dans
les ordres, il fut appelé abbé de La Barre
lorsqu’il obtint, en 1674, les bénéfices de
l’abbaye bénédictine de Saint-Hilaire, du
diocèse de Carcassonne. Il composa des
airs avec des « doubles », qui furent publiés chez Ballard. Quelques autres oeuvres
sont d’attribution douteuse.
Pierre IV, troisième fils de Pierre III
(1634-1710). Il fut à la fois chanteur et
joueur de luth et d’épinette. Après avoir
joué à la Chambre du roi, il fut attaché à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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la troupe musicale de la reine Marie-Thérèse, puis à celle de la duchesse de Bourgogne. Son talent lui valut d’être anobli
par le roi en 1697. Pourtant, depuis 1620,
tous les La Barre se présentaient sous le
nom de Chabanceau de La Barre.
L’ABBÉ (famille Saint-Sevin, dite),famille
de musiciens français.
Pierre-Philippe, violoncelliste (Agen v.
1698 - Paris 1768). C’est comme enfant de
choeur à la maîtrise de la chapelle SaintCaprais à Agen qu’il travailla la musique
et étudia la viole de gambe. Venu à Paris
après la naissance de son fils, il entra dans
l’orchestre de l’Opéra comme violoncelliste. Il fut nommé soliste en 1749. C’était
un excellent professeur.
Pierre, frère du précédent, violoncelliste (Agen v. 1710 - Paris 1777). Comme
son frère, il étudia la musique et le violoncelle à la maîtrise de Saint-Caprais à
Agen. Il arriva à Paris vers la fin de 1727
et fut admis à l’Opéra comme violoncelliste. C’est grâce à son talent et à sa pas-
sion pour le violoncelle que l’Opéra devait
abandonner définitivelement la viole de
gambe dans son orchestre. En 1764, il
devint violoncelliste à la Sainte-Chapelle.
Joseph-Barnabé, dit l’Abbé le fils, fils
de Pierre-Philippe, violoniste et compositeur (Agen 1727 - Paris 1803). Son père
lui donna ses premières notions musicales, mais c’est avec Leclair qu’il étudia le violon. Engagé dans l’orchestre de
l’Opéra-Comique (1739), puis dans celui
de l’Opéra (1742), il se fit régulièrement
applaudir au Concert spirituel. Avec Forqueray, Blavet et Marella, il contribua à la
découverte par les Parisiens des quatuors
de Telemann. C’était un remarquable
instrumentiste qui forma de nombreux
élèves et dont l’ouvrage pédagogique,
Principes du violon (1761), fit longtemps
autorité dans les écoles de musique. Il
quitta l’Opéra en 1762 pour se consacrer
essentiellement à l’enseignement et à la
composition. Pour beaucoup, ses Sonates
sont supérieures à celles de son maître Leclair. Parmi ses oeuvres, retenons : Sonates
à violon seul (1748) ; 6 Symphonies à trois
violons et une basse (1754) ; 3 Recueils d’airs
français et italiens avec des variations pour
deux violons, deux pardessus de viole, une
flûte et un violon (1754-1760) ; Jolis Airs
ajustés et variés pour un violon seul (1763) ;
Menuet de MM. Exaudet et Granier mis en
grande symphonie (1764) ; Recueil de duos
d’opéra-comique pour 2 violons (1772).
LABÈQUE (Katia et Marielle), pianistes
françaises (Bayonne 1950 et 1952).
D’abord élèves de leur mère, elles entrent
en 1965 dans la classe de Lucette Descaves
au Conservatoire de Paris, où elles obtiennent toutes deux un 1er Prix en 1968,
avant de travailler le répertoire à deux pianos auprès de Jean Hubeau. Elles ont dixhuit et vingt ans lorsqu’elles enregistrent
les Visions de l’amen de Messiaen. Au
début des années 70, elles se produisent
dans le répertoire contemporain, au festival de Royan et dans plusieurs villes d’Europe. En duo de piano et dans des pièces
pour piano à quatre mains, elles possèdent un répertoire très vaste, du XVIIIe à
aujourd’hui. Elles ont assuré la création
du Concerto de Berio (1972), ainsi que
du Concerto pour deux pianos de Philippe
Boesmans, et se produisent régulièrement
aux côtés d’Augustin Dumay, Frédéric
Lodéon ou encore Lynn Harrell.
LABLACHE (Luigi), basse italienne d’origine française (Naples 1794 - id. 1858).
Il débuta à Naples, dès l’âge de dix-huit
ans, puis, après une nouvelle période
d’études, fut engagé à Palerme et à la
Scala de Milan (1821). Il y débuta dans La
Cenerentola de Rossini. Il était à Vienne
en 1824, et, de 1830 à 1856, il se produisit
régulièrement à Londres et à Paris, où il
créa les Puritains de Bellini (Giorgio) et
Don Pasquale de Donizetti (Pasquale). Il
s’illustra dans le rôle de Leporello du Don
Giovanni de Mozart et excella aussi bien
dans les emplois nobles que bouffes. Sa
voix était ample et étendue, et il vocalisait avec une agilité surprenante. Pendant
quelque temps, il s’efforça d’enseigner le
chant à la reine Victoria. Il est l’auteur
d’une Méthode de chant, mais sa réputation de professeur n’égala jamais sa gloire
de chanteur.
LABORDE ou LA BORDE (Jean Benjamin
de), musicien et musicographe français
(Paris 1734 - id. 1794).
Fils d’un fermier général, il devint premier
valet de chambre de Louis XV (1762),
gouverneur du Louvre (1773), puis fermier général (1774) après la mort du roi,
dont il fut l’un des plus fidèles serviteurs.
Il était à la fois un homme de cour et un
musicien cultivé. Laborde étudia le violon
avec Dauvergne et la composition avec
Rameau. Il acquit une certaine renommée
avec plusieurs ouvrages lyriques (tragédies, comédies et opéras-comiques), qui
furent représentés à la cour et à l’Opéra de
Paris et lui valurent les sarcasmes féroces
de Grimm. Fétis allait reprendre à son
compte les avis de ce dernier et condamner de surcroît l’ouvrage essentiel de
Laborde : Essai sur la musique ancienne et
moderne (4 vol., Paris, 1780 ; rééd. 1972).
Cet écrit, critiquant le Dictionnaire de musique et la Lettre sur la musique française de
Rousseau, suscita du vivant de son auteur
des discussions violentes, mais sa valeur
fut reconnue, notamment par Burney et
Forkel. Cette oeuvre se place en effet au
début de la musicologie et elle a introduit
des recherches concernant la période des
trouvères et des troubadours, alors complètement tombée dans l’oubli. Malgré
une absence de méthode évidente, dénoncée par Laborde lui-même, elle fournit des
données importantes pour l’histoire de la
musique et reste une source organogra-
phique essentielle.
LACERDA (Costa de Osvaldo), compositeur brésilien (São Paulo 1927).
Il a fait ses études à São Paulo avec Camargo Guarnieri. Théoricien et spécialiste
des questions folkloriques, il mène de
front une carrière de compositeur et de
pédagogue (conservatoires de São Paulo
et de Santos, Mozarteum Académia de
drama e música et école municipale de
musique de São Paulo). Son oeuvre, d’expression traditionnelle, est, elle-même,
fréquemment inspirée par les éléments
folkloriques brésiliens (Brasilianas suites
pour piano, Variations sur un thème folklorique, Santa Cruz missa, Piratininga). Il
est également l’auteur de différents traités
pédagogiques.
LACHENMANN (Helmut), compositeur
allemand (Stuttgart 1935).
Il a étudié à l’École supérieure de musique
de sa ville natale (1955-1958), à Darmstadt
(1957), à Venise avec Nono (1958-1960)
et à Cologne avec Stockhausen (1963-64).
Il a enseigné à Stuttgart (1966-1970) et à
Ludwigsburg (1970-1976) et est, depuis
1976, professeur de composition à l’École
supérieure de musique de Hanovre. Parti
du postsérialisme, il s’est ensuite de plus
en plus intéressé au phénomène sonore
en soi et aux modes de production du son.
Pour lui, la beauté est le « refus de l’habitude », et il se veut « radical et précis ». On
lui doit notamment Cinq Strophes pour 9
instruments (1961), Szenario pour bande
(1965), Consolation I pour voix et percussion (texte de E. Toller, 1967), Consolation
II pour 16 voix solistes (1968), Consolation
III et IV pour voix et instruments (1973),
Schwankungen am Rand pour cuivres, percussion et cordes (1974-75), Tanzsuite mit
Deutschlandlied pour orchestre avec quatuor à cordes (1979-80), Ausklang pour
piano et orchestre (1984-85), Tableau
pour orchestre (1988), Quatuor à cordes no
2 « Reigen seliger Geister » (1989).
LACHNER, famille de musiciens allemands.
Theodor, compositeur et organiste (Rain
am Lech 1788 - Munich 1877). Organiste de
la cour à Munich, il dut sa célébrité à ses
choeurs d’hommes.
Franz Paul, compositeur et chef d’or-
chestre (Rain am Lech 1803 - Munich 1890).
Frère de Theodor, il se fixa à Vienne en
1823 comme organiste de l’église luthérienne, prit des leçons avec Simon Sechter et se lia d’amitié avec Beethoven et
Schubert. Il retourna à Munich en 1836,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
550
y devint Generalmusikdirecktor en 1852,
et, après avoir joué un rôle de premier
plan dans la vie musicale de la cité, prit
sa retraite en 1868. Dès 1864, l’arrivée de
Wagner avait, en fait, mis un terme à ses
activités. On lui doit notamment 8 symphonies et des opéras, dont Die Bürgschaft
(Budapest, 1828) et Catarina Cornaro
(Munich, 1841).
Ignaz, compositeur et chef d’orchestre
(Rain am Lech 1807 - Hanovre 1895). Il
succéda à son frère Franz Paul à l’église
luthérienne de Vienne et occupa des
postes à Stuttgart (1831), Munich (1836),
Hambourg (1853), Stockholm (1858) et
Francfort (1861-1875).
Vinzenz, chef d’orchestre (Rain am Lech
1811 - Karlsruhe 1893). Frère des précédents, il travailla à Vienne, Mannheim,
Londres et Karlsruhe.
LADEGAST, famille de facteurs d’orgues
allemands, actifs en Saxe au XIXe et au
début du XXe siècle.
Le plus célèbre est Friedrich (Hermsdorf 1818 - Weissenfels 1905). Il a été
formé par plusieurs organiers, parmi lesquels son propre père et Aristide CavailléColl, à Paris. Établie à Weissenfels en
1844, sa manufacture, à laquelle s’associa
plus tard son fils Oscar, fut l’une des plus
florissantes d’Allemagne : on y construisit
plus de deux cents orgues, dont certains
de grandes dimensions (Nikolaïskirche
de Leipzig, 1862, 86 jeux ; cathédrale de
Schwerin, 1871, 84 jeux). Le chef-d’oeuvre
de Friedrich Ladegast passe pour être la
restauration de l’orgue de la cathédrale de
Merseburg, en 1855.
LADMIRAULT (Paul), compositeur français (Nantes 1877 - Kerbili-en-Kamoël,
Morbihan, 1944).
Dès l’âge de sept ans, il commença à étudier le piano, le violon et l’orgue. Il avait
seize ans lorsqu’on représenta à Nantes
son premier ouvrage lyrique, Gilles de Retz
dont le personnage principal était interprété par Arthur Bernède, le futur romancier. En 1895, il entra au Conservatoire
de Paris dans les classes de Taudou (harmonie), Gédalge (contrepoint) et Fauré
(composition). Après son échec au prix
de Rome, il se retira en Bretagne. Il fut à
Nantes correspondant du Courrier musical, critique à l’Ouest artiste et directeur du
conservatoire. Dans son langage musical
clair et dépouillé, il se montre un adepte
du style modal. Nombre de ses oeuvres
chantent la Bretagne et les traditions celtiques : Brocéliande au matin (1908), Vieux
Cantiques bretons pour choeur (1906),
Rhapsodie gaëlique pour piano à 4 mains
(1909), l’opéra Myrdhin (1899-1902), non
représenté, mais dont il tira une Suite bretonne (1902-1903), le ballet la Prêtresse de
Korydwen, créé à l’Opéra de Paris en 1925.
L’AFFILARD (Michel), chanteur, compositeur et théoricien français ( ? v. 1656 Versailles 1708).
Ses origines demeurent obscures. On le
trouve à Paris, en 1679, au moment où
il fut nommé chantre de la Sainte-Chapelle du palais. Puis, en 1696, il entra à
la chapelle royale de Versailles et devint
« ordinaire de la musique du Roy ». Il
conserva ce poste jusqu’à sa mort. L’Affilard possédait une voix de haute-contre.
Comme son aîné Michel Lambert, il était
renommé pour son enseignement de l’art
du chant. Son traité, Principes très-faciles
pour bien apprendre la musique, parut à
Paris en 1694. Souvent réédité, l’ouvrage
est d’un intérêt tout particulier pour les
« agréments » du chant, pour la qualité
des pièces vocales qui y figurent, ainsi que
pour les indications précises de tempo qui
y sont données.
LAFONT (Jean-Philippe), baryton français (Toulouse 1951).
Il est élève de Denise Dupleix, et, de 1973 à
1977, se forme à l’Opéra-Studio. En 1977,
il débute à Toulouse dans Cosi fan tutte et,
en 1978, tient le rôle principal de la Chute
de la Maison Usher de Debussy à Berlin. Sa
carrière internationale le mène sur toutes
les scènes d’Europe et des États-Unis. En
1987, il chante Falstaff à Lyon et Leporello
à Aix-en-Provence. En 1992, il interprète
Puccini à la Scala de Milan, Aïda et Tosca
au Staatsoper de Vienne. Son répertoire
s’étend de Mozart à Richard Strauss, en
passant par Verdi, Puccini et la musique
française. Il crée plusieurs opéras de Marcel Landowski : Montségur, la Vieille Maison et Galina. En 1996, il chante Nabucco à
l’Opéra Bastille et aborde son premier rôle
wagnérien dans Lohengrin.
LAFORÊT (Marc), pianiste français
(Neuilly-sur-Seine 1965).
Enfant prodige, il donne son premier
récital à l’âge de huit ans au Théâtre
des Champs-Élysées. Élève de Jacqueline Potier-Landowski au conservatoire
de Boulogne-Billancourt, puis de Pierre
Sancan au Conservatoire de Paris (où il
obtient son premier prix en 1983), il est
lauréat de plusieurs concours internationaux dans les années qui suivent - dont
en 1985 le concours Chopin de Varsovie.
Il y remporte le second grand prix, le prix
des Mazurkas et le prix du Public et de la
Radiotélévision polonaise.
Excellent interprète des oeuvres de
Chopin, l’un de ses compositeurs de prédilection, il se produit sur les scènes d’Europe, du Japon et des États-Unis, en soliste
ou en formation de musique de chambre.
LAGOYA (Alexandre), guitariste français
d’origine égyptienne (Alexandrie 1929).
Né de père grec et de mère italienne, il
commença l’étude de la guitare à l’âge
de huit ans avec N. Barbaresco, directeur
du Conservatoire national d’Alexandrie.
À l’époque, la guitare ne figurait pas
parmi les instruments enseignés dans les
conservatoires et les écoles de musique.
Alexandre Lagoya dut en découvrir luimême la technique, en se fondant sur les
ouvrages et méthodes des maîtres des
XVIIIe et XIXe siècles. Ainsi devint-il son
propre professeur. À treize ans, il donnait
son premier récital. Mais, afin de pouvoir
terminer ses études, il enseigna la guitare
et le solfège. Après plus de 500 concerts,
il se rendit à Paris, puis aux États-Unis,
où il se perfectionna avec Villa-Lobos et
Castelnuovo-Tedesco. Il épousa en 1952
la guitariste française Ida Presti (morte en
1967) et forma avec elle un célèbre duo
pour lequel écrivirent nombre de compositeurs contemporains.
Professeur au Conservatoire de Paris
depuis la création de la classe de guitare
(1969), Alexandre Lagoya enseigne aussi
à l’Académie internationale d’été de Nice
depuis 1960, ainsi qu’aux États-Unis et au
Canada.
LA GRANGE (Henri-Louis de), critique
musical et musicographe français (Paris
1924).
Licencié ès lettres, il suivit des études musicales, notamment avec Yvonne Lefébure
et Nadia Boulanger, de 1947 à 1953. Il
écrivit de nombreux articles de critique
pour des revues musicales ou des périodiques non spécialisés français et étrangers. Collaborateur régulier de la revue
Diapason, il a aussi rédigé une grande
quantité de commentaires de disques ainsi
que des analyses d’oeuvres à l’occasion des
concerts de grands orchestres. À partir de
1960, il s’est consacré à la rédaction d’une
vaste biographie de Gustav Mahler, dont
le premier volume a paru en 1973 à New
York, puis à Londres, avant d’être publié
en France en 1979. Le deuxième et le troisième ont paru en France en 1983 et 1984
respectivement. Il a également donné des
conférences sur ce compositeur en Europe
et aux États-Unis, au Canada. Depuis
1974, il organise chaque été, en Corse, le
festival des nuits d’Alziprato. Il a fondé
à Paris en 1986 une bibliothèque GustavMahler et publié en 1991 Vienne, une histoire musicale (rééd. 1996).
LA GROTTE (Nicolas de), organiste et
compositeur français (Paris v. 1530 - id.
v. 1600).
D’abord joueur d’épinette et organiste du
roi de Navarre, Antoine de Bourbon, il
entra en 1562 au service du duc d’Anjou,
qui, devenu le roi Henri III, le nomma
valet de chambre et organiste ordinaire.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
551
Membre de l’académie de Baïf, il publia
des Chansons de P. de Ronsard, P. Desportes
et autres (1569) et collabora, en 1582, avec
son ami C. Le Jeune à l’organisation des
fêtes pour le mariage du duc de Joyeuse.
Ce fut un des derniers polyphonistes, mais
il s’orienta peu à peu vers la monodie et la
basse continue. Il s’intéressa également à
la chanson mesurée et fut un des premiers
à écrire des chansons en forme d’air. Il fut
un des initiateurs de l’air de cour et inaugura la lignée des organistes du Grand
Siècle (de sa production pour orgue ne
subsiste malheureusement qu’une seule
pièce).
LAI.
Genre littéraire chanté ou non, pratiqué
jusqu’au XVe siècle, mais surtout en honneur aux XIIe et XIIIe siècles dans la France
du Nord et les deux Bretagnes, la grande
(Angleterre, Irlande) et la continentale
(Bretagne française).
D’origine vraisemblablement celtique (on lui trouve des origines dès le
VIe siècle), le lai est, à l’origine, un poème
narratif de caractère légendaire, apparenté
à la chanson de geste et chanté comme
elle sur un groupe de timbres à caractère
répétitif, formant des laisses de longueur
inégale, avec prélude et postlude instrumental (harpe ou vièle).
Ces lais anciens sont décrits dans les
romans, notamment dans ceux du cycle
de Tristan, mais n’ont pas été conservés,
les quelques pièces que l’on possède sous
ce nom semblant en avoir pris la dénomination par analogie sans en avoir les
caractères. On possède, en revanche, des
adaptations diverses, qui, elles aussi, ont
gardé le nom de lai. Les unes sont des récits en vers non chantés (Marie de France,
XIIe s.), qui en racontent la matière sans
en conserver la forme ; les autres sont
des vers lyriques non narratifs, transmis
avec leur musique et sans doute dans
une forme analogue ; certains ont même
conservé le titre du modèle sans que leur
rapport avec lui apparaisse avec évidence
(Lai du chèvrefeuille). Paradoxalement,
on connaît ainsi, d’un côté, le contenu de
l’histoire et, de l’autre, sa forme, musique
incluse, sans pouvoir opérer la jonction ni
reconstituer le modèle.
Du XIIIe au XVe siècle, le lai devient de
plus en plus un genre littéraire (Eustache
Deschamps, Christine de Pisan), même
s’il reste parfois chanté (G. de Machaut).
Il se prolonge en Allemagne par le leich,
qui en dérive.
LAISSE.
Équivalent de la strophe dans le lai ou la
chanson de geste.
Le nombre de vers y est variable et on
les chante sur un timbre ou un groupe de
timbres de caractère répétitif s’adaptant
au récit (timbres d’intonation, de développement, de conclusion). La laisse est
souvent monorime, exception faite parfois
d’un dernier vers plus court, dit biocat, ou
orphelin. Elle peut remplacer la rime par
une simple assonance. Le mètre le plus
fréquent est le décasyllabe, soit mineur (4
+ 6), soit majeur (6 + 4), mais on trouve
aussi beaucoup d’autres types de vers.
Par analogie, on donne aussi parfois le
nom de laisse, dans certains récits, à des
groupes de vers formant un ensemble d’un
seul tenant, quelle qu’en soit la structure.
LAJHTA (László), compositeur hongrois
(Budapest 1892 - id. 1963).
Moins connu à l’étranger
Kodály, il fut pourtant,
moitié du XXe siècle, le
nom de la musique de son
que Bartók et
dans la première
troisième grand
pays.
Après des études à Budapest, il vint
compléter sa formation à la Schola cantorum, auprès de Vincent d’Indy (19111913), et devait toujours rester influencé
par la musique française. En 1910, il fut le
compagnon de Bartók et de Kodály dans
leurs recherches folkloriques. Il entra en
1913 au département d’ethnographie du
Musée national hongrois de Budapest et
joua dans le domaine de l’ethnomusicologie un rôle de premier plan au niveau
international. Sous certains aspects, sa
carrière de compositeur ressemble à celle
de son contemporain tchèque Bohuslav
Martinºu. Il sut admirablement équilibrer,
dans son oeuvre, les apports hongrois et
ceux de la culture latine.
Malgré ses nombreuses partitions de
chambre (dont dix quatuors à cordes
échelonnés de 1922 à 1953) et pour la
voix, il fut avant tout un symphoniste. De
ses neuf symphonies, composées de 1936
à 1961, sept sont postérieures à 1945. Il
reçut en 1951 le prix Kossuth pour son
action menée en faveur du folklore hongrois.
LA LAURENCIE (Lionel, comte de), musicologue français (Nantes 1861 - Paris
1933).
Sorti premier de l’École nationale des eaux
et forêts en 1883, il entra dans l’Administration. Mais, en 1898, il décida de se
consacrer entièrement à la musique. Excellent violoniste, familier du répertoire
du quatuor classique, il avait étudié la
théorie avec Alphonse Weingartner, avant
de suivre les cours de Bourgault-Ducoudray au Conservatoire de Paris. Spécialisé
dans l’histoire de la musique instrumentale du XVIe au XVIIIe siècle, ainsi que dans
celle de la musique française, il donna, à
l’École des hautes études sociales notamment, des cours qui sont restés célèbres.
Parallèlement, il assura - de 1919 à 1931 la continuation de l’Encyclopédie de la
musique et dictionnaire du Conservatoire
entreprise par Lavignac et il publia son
ouvrage essentiel : l’École française de violon de Lully à Viotti (3 vol., Paris, 19221924 ; rééd. 1971). Membre de la section
parisienne de la Société internationale de
musicologie de 1905 à 1914, il participa,
en 1917, à la fondation de la Société française de musicologie, dont il fut le premier
président.
LALO (Édouard), compositeur français
(Lille 1823 - Paris 1892).
Issu d’une famille d’origine espagnole,
dont les ancêtres maternels et paternels
étaient venus s’établir dans les Flandres au
XVIe siècle, il commença ses études musicales au conservatoire de Lille, et y obtint
un premier prix de violon en 1838. Le
violoncelliste Baumann, qui, à Vienne,
avait participé aux exécutions des symphonies de Beethoven sous la direction de
leur auteur, lui donna des leçons de composition et lui communiqua le goût de la
musique symphonique et de la musique de
chambre. Aussi, à seize ans, Édouard Lalo
décida-t-il de devenir un musicien professionnel. Il se heurta alors à la violente
opposition de son père, ancien officier de
la Grande Armée, qui ne voyait d’autre
carrière pour son fils que celle des armes.
Lalo ne céda pas ; il quitta la maison paternelle, partit pour Paris et entra au Conservatoire, où il étudia le violon avec Habeneck et la composition avec Schulhof.
Ses premières années parisiennes furent
extrêmement difficiles : il lui fallut à la fois
étudier et gagner sa vie. Il écrivit d’abord
des mélodies et des romances dans le goût
de l’époque, puis des oeuvres de musique
de chambre qu’il ne réussit pas à faire
éditer. Vers 1855, découragé, il renonça
à composer, donna des leçons et tint la
partie d’alto dans le quatuor Armingaud.
Toutefois, son mariage, en 1865, avec
une de ses élèves, Julie Besnier de Maligny, d’origine bretonne et vendéenne, lui
redonna le goût de la composition. Et c’est
à son intention qu’il écrivit - car elle chantait avec talent - ses Six Mélodies pour voix
de contralto. Il prit part à un concours de
musique dramatique organisé par l’État
et composa un opéra en 3 actes, d’après
Schiller, Fiesque, qui obtint en 1869 le
troisième prix, mais ne devait jamais être
représenté. En 1871, Édouard Lalo participa à la fondation de la Société nationale
de musique.
Le renouveau musical que connaissait alors la France l’incita à composer
des ouvrages symphoniques. Il écrivit en
1872 un Divertissement pour orchestre que
Pasdeloup dirigea l’année suivante ; en
1873, un Concerto pour violon que Sarasate créa en 1874. Enfin, en 1875, Sarasate
fit acclamer la Symphonie espagnole, qui,
à juste titre, est demeurée l’ouvrage le
plus populaire d’Édouard Lalo. La Symphonie espagnole allie aux prestiges d’un
brillant concerto pour violon le charme
coloré d’une poétique incursion à travers
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
552
une Espagne inventée par le compositeur.
Des séjours qu’il fit en Bretagne après son
mariage, il rapporta l’idée d’un opéra sur
la légende de la ville d’Ys. Il se mit rapidement au travail, et, dès 1876, l’ouverture
du Roi d’Ys fut donnée au concert. La partition du Roi d’Ys fut achevée vers 1880.
Le directeur de l’Opéra ne voulut pas
prendre le risque de monter l’ouvrage de
Lalo, dont il fit pourtant un grand éloge,
mais, en compensation, il commanda à
l’auteur du Roi d’Ys un ballet, Namouna,
ne lui laissant toutefois que quatre mois
pour l’écrire. Dès qu’il eut le scénario en
main, à la fin de juillet 1881, Lalo s’attela
à la tâche, au rythme de quatorze heures
par jour. Mais, avant d’avoir achevé sa
partition, Lalo fut frappé d’une attaque
d’hémiplégie. Gounod l’aida alors à terminer son orchestration. Et le 6 mars 1882,
Namouna fut créé à l’Opéra. Le public fut
dérouté par la richesse de cette musique ;
la critique lui fut hostile. Cependant, la
salle, heureusement, compta des enthousiastes, Gabriel Fauré, Emmanuel Chabrier, Ernest Chausson, Claude Debussy,
tous compositeurs qui allaient devenir
l’honneur de la musique française. Le Roi
d’Ys fut enfin représenté à l’Opéra-Comique le 7 mai 1888. Le succès fut très
grand : plus de cent représentations en un
an. Sur un thème dramatique, Lalo avait
écrit une partition colorée, concise, délicate et puissante.
Auteur d’au moins deux chefs-d’oeuvre,
la Symphonie espagnole et Namouna, Lalo
est un des pionniers du renouveau de la
musique de chambre et de la musique
symphonique en France dans la seconde
moitié du XIXe siècle, et il a trouvé, avec
les deux ouvrages cités plus haut, un style
éminemment « français », caractérisé par
sa clarté, sa netteté, son charme et sa couleur.
LALO (Pierre), critique musical français
(Puteaux 1866 - Paris 1943).
Fils d’Édouard Lalo, il écrivit pour le Journal des débats, la Revue de Paris, puis dans
le Temps, où il succéda à J. Weber (1898).
Il apporta également sa collaboration au
Courrier musical et à Comoedia. Une sélection de ses articles fut rassemblée dans la
Musique (Paris, 1898-99), Richard Wagner
ou le Nibelung (Paris, 1933) et De Rameau
à Ravel, portraits et souvenirs (Paris, 1947).
Il collabora enfin à la publication collective de conférences sur la musique données à la radiodiffusion : le Théâtre lyrique
en France depuis les origines jusqu’à nos
jours, où il signa en particulier le chapitre
introductif Défense et illustration de la musique française. Pierre Lalo était membre
du conseil supérieur du Conservatoire et
de celui de la radiodiffusion.
LALOY (Louis), musicologue français
(Gray 1874 - Dole 1944).
Docteur ès lettres en 1904 avec une thèse
sur Aristoxène de Tarente et la musique
de l’Antiquité, il fonda en 1905, avec Jean
Marnold, le Mercure musical et enseigna
l’histoire de la musique à la Sorbonne
(1906-1907) et au Conservatoire (19361941). Il fut l’ami de Claude Debussy et
l’un de ses premiers partisans. Nommé
secrétaire général de l’Opéra en 1914, il
écrivit, la même année, pour Albert Roussel, le livret de Padmavâti. Fin lettré, écri-
vain élégant, critique subtil, Louis Laloy
publia, en 1928, un livre de souvenirs, la
Musique retrouvée, où il retrace son évolution esthétique.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Jean-Philippe Rameau (1908) ; Claude Debussy (1909) ; la Musique chinoise (1912),
la Musique retrouvée (1928).
LAMBERT (Constant), compositeur,
chef d’orchestre et musicologue anglais
(Londres 1905 - id. 1951).
Sa première partition majeure, le ballet
Roméo et Juliette (1926), résulta d’une
commande de Diaghilev. De son intérêt
pour le jazz témoignent Elegiac Blues pour
orchestre (1927) et surtout The Rio Grande
(sur un poème de Sacheverell Sitwell)
pour piano, choeur et orchestre (1927),
ainsi que le Concerto pour piano et neuf
instrumentistes (1930-1931). Citons également Summer’s Last Will and Testament
pour baryton, choeur et orchestre, d’après
T. Nashe (1932-1935), et le ballet Horoscope (1937). Son livre Music Ho ! A Study
of Music in Decline (1934) est une étude
pénétrante et provocante à la fois de l’état
de la musique en Europe de 1910 à 1930
environ, les trois figures clés de l’époque
étant pour lui Debussy, Sibelius et Schönberg, suivis de près par Stravinski.
LAMBERT (Michel), chanteur et compositeur français (probablement Champigny, Vienne, v. 1610 - Paris 1696).
Grâce à sa jolie voix d’enfant, il entra à
Paris au service de Gaston d’Orléans.
Devenu adolescent, il dut enseigner la
musique à la fille du prince, la duchesse
de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle. Afin de perfectionner son chant
selon la méthode italienne, il reçut les
conseils de Pierre de Nyert avant de devenir, lui-même, le meilleur maître d’un
art du chant spécifiquement français et le
chanteur-compositeur préféré des salons
de la société précieuse. En 1661, à la mort
de Jean de Cambefort, Lambert fut nommé
maître de musique de la Chambre du roi.
Deux mois après, sa fille Madeleine épousait J.-B. Lully. Ainsi, et au moment de la
création de l’Académie royale de musique,
c’est Lambert qui forma les « actrices » et
les instruisit dans l’art de la déclamation
chantée. Sa réputation dépassa bientôt
très largement les frontières.
Les airs et dialogues de Michel Lambert
(plus de 200) appartiennent à un nouveau
type, l’air sérieux, qui, proche encore de
l’air de cour mais accompagné de la basse
continue, annonce Lully. Ces airs ne comportent en général que deux strophes
poétiques, le « simple » et le « double »,
ce dernier étant destiné à recevoir une
ornementation vocale virtuose en laquelle
Lambert excella. Il mit en musique la plupart des poètes précieux (Bouchardeau,
G. Gilbert, F. Sarasin, J. Pascal, Pelisson,
Benserade, P. Perrin). Il semble qu’il prit
l’habitude de chanter ses airs en compagnie de sa belle-soeur, Mlle Hylaire (lui, la
basse, et elle, le dessus), et de les accompagner lui-même au théorbe. C’est sous
cette forme que parut, en 1669, à Paris,
la réédition de vingt Airs de Monsieur
Lambert..., dédiés à son maître Pierre de
Nyert (1re éd., 1660). En 1689, il fit graver
un livre d’Airs à une, deux, trois, quatre
parties avec la basse continue (Ch. Ballard).
Les pièces de ce recueil, souvent précédées
de ritournelles instrumentales, qui témoignent d’une belle inspiration et d’une
grande maîtrise technique, proviennent
en majeure partie des ballets de cour auxquels il participa en tant que compositeur
et interprète de petits rôles. Lambert serait
également l’auteur des premières leçons
de ténèbres pour voix seule et basse continue parues en France.
LAMENTATION.
1. Chant lyrique déplorant une mort,
qu’il s’agisse d’un parent, d’un ami ou
d’un haut personnage. Le genre est très
ancien (thrénodie grecque antique, naenia romaine, etc.) et s’est conservé dans de
nombreuses traditions populaires (mirologue grec moderne, vocero corse, etc.). On
le retrouve sous forme écrite dans la lyrique carolingienne sous le nom de planctus, puis dans le drame liturgique et les
chansons de trouveurs (planh provençal),
qui y adjoignent aussi des lamentations
amoureuses (plaintes d’amants délaissés)
ou d’autres sur des événements douloureux (lamentation sur la perte de Constantinople). Aux XIVe et XVe siècles, la mort
de grands compositeurs (par exemple,
Machaut, Dufay, Ockeghem) a été saluée
par des lamentations écrites par leurs disciples. Le genre, relayé au XVIIe siècle par
le tombeau, ne semble pas s’être prolongé
au-delà.
2. Dans la liturgie catholique, terme
réservé à la lecture chantée des plaintes
(threni) du prophète Jérémie sur la décadence de Jérusalem, insérées comme
leçons de matines en neuf lectures échelonnées du jeudi au samedi saint. On les
appelle aussi leçons de ténèbres.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
553
Les lamentations se chantent sur un
timbre de lecture particulier (6e ton), avec
des formules spéciales d’intonation et
de conclusion. Sauf pour le dernier chapitre, les versets sont numérotés par une
lettre de l’alphabet hébreu, qui formait
acrostiche dans l’original et qui est également chantée. Du XVe au XVIIIe siècle, les
lamentations ont été fréquemment mises
en musique par les compositeurs, d’abord
a cappella, puis avec orchestre ou orgue.
Parmi les plus célèbres, on cite celles de
Tallis, Lassus, Victoria, Palestrina, M. A.
Charpentier, F. Couperin, Zelenka, Stravinski (Threni), etc.
3. ( ! LAMENTO.).
LAMENTO.
Dans l’opéra du XVIIe et du XVIIIe siècle,
morceau lyrique dans lequel un héros ou
une héroïne exprime son désespoir. On
le traduit parfois par lamentation. Le lamento, généralement placé peu avant le
dénouement, est souvent écrit sur une
basse contrainte, volontiers chromatique,
et doit revêtir une grande intensité dramatique.
Parmi les lamentos les plus célèbres figurent celui d’Arianna, seul morceau subsistant de l’opéra de Monteverdi portant
ce titre, celui de Didon dans Dido and Aeneas de Purcell, etc. Après le XVIIIe siècle,
quand le lamento eut cessé d’être un morceau d’opéra traditionnel, le terme a été
repris sans caractère technique particulier, dans le sens de « chant triste », soit
vocal (Lamento de Duparc), soit même
instrumental (Lamento d’orchestre servant d’ouverture aux Troyens à Carthage
de Berlioz).
LAMOUREUX (Charles), chef d’orchestre
français (Bordeaux 1834 - Paris 1899).
Il fut violoniste au Théâtre de la Renaissance tout en travaillant au Conservatoire
dans la classe de Girard. Quand il obtint
son premier prix (1854), il entra dans
l’orchestre de l’Opéra, s’intéressa à l’enseignement et fonda en 1860 avec Édouard
Colonne les Séances populaires de musique de chambre. Ayant fait un riche mariage, il disposa d’une fortune personnelle
qui favorisa ses nombreuses entreprises
musicales. En 1872, il fonda l’Harmonie
sacrée, qui révéla aux Parisiens des oratorios de Bach et de Haendel, ainsi que
des oeuvres contemporaines de Gounod
et de Massenet. Nommé chef d’orchestre à
l’Opéra-Comique en 1876, il démissionna
l’année suivante et passa presque aussitôt
au pupitre de l’Opéra, mais ne s’entendit
pas avec son directeur, Vaucorbeil, et n’y
resta que deux ans.
En 1881, il créa au théâtre du Château-d’Eau les Nouveaux Concerts, qui se
transportèrent plus tard salle Gaveau et
devinrent les Concerts Lamoureux. C’est
là qu’il donna toute sa mesure. N’ayant
de compte à rendre à personne, libre du
choix de ses programmes et de ses musiciens, il n’eut plus à réfréner son tempérament autoritaire et perfectionniste.
Ses compatriotes et contemporains Lalo,
d’Indy, Chabrier, Chausson bénéficièrent
de son action énergique, mais aussi Wagner qu’il admira par-dessus tout (il fit
chaque année le pèlerinage de Bayreuth).
Il loua le théâtre Eden pour conduire, malgré une campagne de la presse nationaliste, la première parisienne de Lohengrin.
L’année de sa mort, il loua aussi le Nouveau Théâtre de la rue Blanche, où eurent
lieu, sous sa baguette, les dix premières
représentations de Tristan et Isolde. Son
gendre Camille Chevillard fut son premier
successeur à la tête des Concerts Lamoureux.
LAMPUGNANI (Giovanni Battista), compositeur italien (Milan 1706 - id. 1786).
Il écrivit pour Milan, Venise et Londres
des opéras dans le style sérieux, remarquables notamment par leurs récitatifs.
À Londres, il succéda à Galuppi à la tête
du théâtre royal de Haymarket et eut luimême comme successeur Gluck. On lui
doit aussi de la musique instrumentale,
dont les sonates en trio op. 1 et 2 (Londres,
v. 1745).
LANDI (Stefano), compositeur italien
(Rome 1586 ou 1587 - id. 1639).
Élève de Nanino, il fut maître de chapelle à Padoue, puis à Santa Maria dei
Monti à Rome (1624), et devint chantre
à la chapelle pontificale (comme castrat)
en 1629. Il écrivit des madrigaux et de la
musique sacrée, mais se tourna aussi vers
le style monodique, devenant un pionnier
non seulement de la cantate, mais de la
musique scénique avec l’opéra pastoral La
Morte d’Orfeo (1619) et le drame musical
Sant’Alessio (1632).
LANDINI (Francesco), musicien et poète
italien (Fiesole ? v. 1330 - Florence 1397).
Il était le fils du peintre Jacopo del Casentino (mort en 1349). Sa vie est mal connue.
Atteint de cécité dans son enfance, il
abandonna la peinture pour la musique.
Surnommé Franciscus caecus ou Francesco
Cieco (« François l’Aveugle »), il fut facteur d’orgues, chantre, poète et compositeur, et connut sa plus grande renommée
comme organiste. Il eut peut-être comme
maître Jacopo di Bologna, et sa carrière
se déroula principalement à Florence, où
il fut organiste à San Lorenzo de 1365 à
sa mort : cela à une époque où cette ville
devenait le centre de la vie musicale italienne. Il s’y mêla aux cercles intellectuels gravitant autour de l’Université. Il
séjourna aussi à Venise. Il participa à la
construction de l’orgue de l’Annunziata
à Florence en 1379, et à la rénovation de
celui de la cathédrale en 1387. Il fut la
principale figure de l’Ars nova italienne,
ou plutôt florentine, et joua un rôle comparable à celui de Machaut en France un
peu plus tôt. Le quart environ du répertoire de l’Ars nova italienne ayant survécu
peut lui être attribué, et de sa renommée
témoigne aussi le fait que sa musique fut
copiée non seulement à Florence, mais en
d’autres endroits d’Italie.
On a de lui 154 compositions musicales, dont beaucoup sur ses propres
textes, parmi lesquelles 141 ballate, dont
91 à deux voix, 42 à trois voix et 8 en deux
versions (deux ou trois voix). De ce genre
de la ballata, équivalent italien du virelai
français, il fut le véritable créateur. On lui
doit pour le reste 9 madrigaux à deux voix
et 2 à trois voix, et 2 spécimens de caccia.
À la différence de celles de Machaut, ses
oeuvres sont orientées vers la voix : 82
des 91 ballate à deux voix sont des duos
vocaux sans accompagnement. Contrairement aux oeuvres françaises, travaillées à
partir du ténor, les siennes le sont surtout
à partir de la voix supérieure. Landini clôt
avec éclat le XIVe siècle italien, mais, après
lui, la péninsule allait mettre près de cent
ans à retrouver une musique vraiment originale.
LÄNDLER.
Danse populaire à trois temps au parfum
paysan (Land, « campagne »), particulièrement répandue en Autriche et en Allemagne du Sud, ancêtre de la valse.
Les « danses allemandes » de Haydn ou
Mozart ont en général tout du ländler, sauf
le nom, qui fut utilisé pour la première
fois dans son appellation moderne vers
1800. Contrairement à Johann Strauss,
Joseph Lanner appela ses premières valses
« allemandes » (Deutsche) ou Ländler. Le
rythme du ländler fut utilisé, notamment,
par Bruckner et Mahler dans leurs symphonies, et par Alban Berg dans Wozzeck
(4e scène de l’acte II) et dans son concerto
pour violon À la mémoire d’un ange.
LANDON (Howard Chandler Robbins),
musicologue américain (Boston 1926).
Élève de Karl Geiringer à l’université de sa
ville natale (1945-1947), il fonda, en 1949,
à Boston et à Vienne, la Haydn Society,
dont il devint immédiatement secrétaire
général et qui, jusqu’à sa dissolution en
1951, poursuivit l’édition des oeuvres
complètes de ce compositeur et en fit paraître un grand nombre (dont la plupart
pour la première fois) sur disque. Landon
publia ensuite un ouvrage fondamental,
The Symphonies of Joseph Haydn (Londres,
1955 ; suppl., 1961). On lui doit également
la première édition complète, réalisée dans
les années 60, des symphonies de Haydn.
Il a aussi publié sur Haydn, outre de nombreux articles, un ouvrage monumental
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
554
en cinq volumes, Haydn : Chronicle and
Works (Londres, 1976-1980), auquel est
venu s’ajouter en 1981 un sixième volume,
surtout iconographique (édit. franç.,
Paris, 1981). Outre ses symphonies, Landon a édité un grand nombre d’oeuvres de
Haydn, ainsi que sa correspondance (The
Collected Correspondence and London Notebooks of Joseph Haydn, Londres, 1959).
Et depuis 1962 il édite le Haydn Yearbook
(Haydn Jahrbuch). Nul n’a fait plus que
lui pour la renaissance de Haydn auprès
du public, depuis la Seconde Guerre mondiale. Il a édité avec Donald Mitchell A
Mozart Companion (Londres, 1956) et
publié Beethoven : A Documentary Study
(Londres, 1970, vers. all. Beethoven : Sein
Leben und seine Welt in zeitgenössischen
Bildern und Texten, Vienne, 1970). Il a
enseigné au Queens College, à New York
(1969), à l’université de Californie, à Davis
(1970) et à l’université de Cardiff (1978). Il
a publié également Mozart and the Masons
(1983), 1791 : Mozart’s last year (1988),
Mozart : The Golden years (1989), Mozart
and Vienna (1993), et édité The Mozart
Compendium (1991).
LANDORMY (Paul), critique musical
français (Issy-les-Moulineaux 1869 Paris 1943).
Agrégé de philosophie, il fut critique musical à la Victoire, au Figaro et au Temps.
Il publia des monographies sur Brahms,
Schubert, Gounod, Bizet, des études sur
la musique française, et dirigea, chez
Mellotée, la collection les Chefs-d’oeuvre
de la musique expliqués. Ses ouvrages sont
moins d’un historien que d’un critique,
dont les jugements apparaissent souvent
tributaires du goût de son époque.
LANDOWSKA (Wanda), pianiste et
claveciniste polonaise (Varsovie 1879 Lakeville, États-Unis, 1959).
À l’âge de quatre ans, elle commença
l’étude du piano avec J. Kleczinski, spécialiste renommé de Chopin. Après avoir
suivi l’enseignement de A. Michalowski
au conservatoire de Varsovie, elle quitta,
en 1896, la Pologne pour Berlin, où professait H. Urban (également professeur de
Paderewski et de Hofmann). Passionnée
de musique vocale et de clavecin, Wanda
Landowska trouva à Paris (1900-1913) un
milieu favorable à l’épanouissement de ses
idées, dans l’entourage de la Schola cantorum et de musicologues de renom (J.
Ecorcheville, A. Pirro, L. de la Laurencie,
Ch. Bordes, H. Expert, etc.).
Wanda Landowska allait devenir le
porte-drapeau inspiré du renouveau de
la musique ancienne. En 1903, elle donna
un premier récital de clavecin, point de
départ d’un combat acharné qu’elle mena
sur tous les fronts, en jouant, en écrivant
de nombreux articles (Bach et ses interprètes, 1905), un livre en forme de profession de foi (Musique ancienne, 1909) et
en faisant évoluer la facture du clavecin.
Sur le nouveau pleyel modifié par Gustave Lyon d’après ses conseils - dans le
sens d’une plus grande coloration, grâce
à l’adjonction d’un double clavier et d’un
jeu grave de seize pieds -, elle joua Bach
à Breslau en 1912. L’Académie royale de
Berlin créa pour elle une classe de clavecin qu’elle dirigea de 1913 à 1919. Retenue
contre son gré en Allemagne pendant la
guerre, elle enseigna ensuite à Bâle et à
Paris (à l’École normale et à la Sorbonne),
avant de partir à la conquête des ÉtatsUnis en 1923 avec quatre clavecins et
l’aide bienveillante de L. Stokowski. Elle y
enregistra son premier disque. Mais c’est
dans sa propre école de musique ancienne,
à Saint-Leu-la-Forêt, à partir de 1925, que
Wanda Landowska allait initier la génération montante de jeunes clavecinistes
(R. Kirkpatrick, R. Puyana, C. Curzon, R.
Gerlin, A. van de Wiele, I. Nef, etc.). Une
salle de concerts y fut installée (1927) ; elle
l’inaugura avec A. Cortot. Obligée de fuir
en 1940 en abandonnant sa bibliothèque
de 10 000 volumes et sa collection d’instruments anciens, elle gagna les ÉtatsUnis, où elle séjourna et travailla jusqu’à
sa mort, enregistrant l’intégrale du Clavier bien tempéré de Bach et les oeuvres
que lui dédièrent M. de Falla (Concerto
pour clavecin, 1925) et F. Poulenc (Concert
champêtre, 1928), poursuivant sa tâche
par l’exemple et par l’écrit. Wanda Landowska a débarrassé le clavecin du carcan
des fausses traditions, en prônant le droit
à l’invention et à la liberté, dans le respect
de l’esprit de chaque oeuvre. Cette volonté
de rendre sa vitalité à un instrument,
jusque-là guindé et quelque peu blafard,
explique les outrances d’expression et de
coloration qu’elle obtenait dans un grandiose ferraillement. Il serait injuste de s’y
arrêter en ignorant la véritable grandeur
de l’artiste, telle par exemple qu’on peut
la découvrir dans ses enregistrements de
Mozart au piano, d’une pureté inégalée.
LANDOWSKI (Marcel), compositeur
français (Pont-l’Abbé, Finistère, 1915).
Fils du sculpteur d’origine polonaise Paul
Landowski, il est aussi par sa mère un
descendant du compositeur Vieuxtemps.
Très jeune, il montre d’évidentes dispositions pour la musique et prend des leçons
de piano avec Marguerite Long. Après
avoir terminé ses études secondaires, il
est l’élève, au Conservatoire de Paris, de
Noël Gallon (écriture) et d’Henri Busser
(composition). En 1937, alors qu’il est
encore élève du Conservatoire, ses premières oeuvres sont exécutées par Pierre
Monteux : les Sorcières et les Sept Loups,
pour choeur de femmes et orchestre. Son
intérêt pour le groupe des Six, qui le fait
mal voir au Conservatoire, se manifeste
déjà, surtout pour Milhaud et Honegger.
Il écrit, par la suite, un ouvrage sur ce dernier (1957). En 1939, alors que la guerre
s’annonce, il compose l’oratorio Rythmes
du monde, sur un texte de lui-même.
Mais ses oeuvres les plus importantes
datent de l’après-guerre : le Rire de Nils
Halerius, légende lyrique et chorégraphique, avec laquelle il aborde la musique
de scène (1944-1948), et sa première symphonie Jean de la Peur (1949). En 1950, il
obtient le grand prix de composition de
la Ville de Paris. Les années 1950-1960
voient naître le Concerto pour ondes Martenot, qui témoigne de son intérêt pour
l’instrument auquel Messiaen et Jolivet
ont déjà rendu hommage, l’opéra le Fou
(1956, créé la même année à Nancy) et la
comédie lyrique le Ventriloque (créée au
Mans en 1956).
De 1962 à 1965, Landowski a été
directeur de la musique à la ComédieFrançaise ; en 1965, il a été nommé inspecteur général de l’enseignement musical au ministère des Affaires culturelles,
avant d’y devenir chef du service de la
musique (1966-1970). De 1970 à 1975,
il est directeur de la musique, de l’art
lyrique et de la danse à ce même ministère et, en 1975, inspecteur général de la
musique au ministère de l’Éducation. La
même année, il est élu membre de l’Institut, où il succède à son maître Busser.
Toutes ces charges officielles, si elles ralentissent sa productivité, ne diminuent
pas la qualité de ses oeuvres : l’Opéra de
poussière, drame lyrique (1962) ; 2e et 3e
symphonies (1963, 1964) ; Concerto pour
flûte et cordes (1968) ; Messe de l’aurore
pour solistes, choeur et orchestre (1977).
En 1979, il écrit pour M. Rostropovitch
et G. Vichnevskaïa les trois poèmes Un
enfant appelle pour soprano, violoncelle
solo et orchestre. L’oeuvre est créée par les
dédicataires à Paris l’année suivante. En
août 1980, est créé à Vaison-la-Romaine le
Pont de l’espérance pour orchestre, soliste
et 3 choeurs, d’après la Marseillaise de la
paix de Lamartine, en février de la même
année, au Palais Garnier, le Fantôme de
l’Opéra, ballet en 12 tableaux, en 1985 à
Toulouse l’opéra Montségur, en 1988 à
Radio France la Symphonie no 4 et à Nantes
l’opéra la Vieille Maison. Ont suivi Leçons
de ténèbres pour orgue, violoncelle, voix et
orchestre (1991), Sonate en duo pour clarinette et piano (1992), un Concerto pour
violon (1995), l’opéra Galina (Lyon, 1996).
Dès ses débuts, Landowski s’est affirmé
comme un indépendant, ouvert au langage du XXe siècle, tout en refusant le
sectarisme de l’avant-garde. Sa recherche
constante de spiritualité s’est exprimée
dans cette phrase : « Le mysticisme et
l’amour sont les deux thèmes de la musique. »
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
555
LANG (Johann Georg), compositeur allemand (Svojsin, Bohême, 1722 - Ehrenbreitstein 1798).
Entré en 1746 au service du prince-évêque
d’Augsbourg, il devint premier violon
dans son orchestre en 1758, après avoir
séjourné en Italie. Il écrivit des symphonies et surtout des concertos pour piano,
dont un fut attribué à Haydn (en fa majeur
Hob. XVII I. F3).
LANGAUS.
Façon de danser l’allemande vers 1800,
qui consiste, pour un couple, à parcourir
la salle à grands pas et avec un minimum
de révolutions. C’est un ancêtre direct de
la valse.
LANGLAIS (Jean), organiste et compositeur français (La Fontenelle 1907 - Paris
1991).
Ancien élève d’André Marchal à l’Institution nationale des jeunes aveugles, de
Marcel Dupré (orgue) et de Paul Dukas
(composition) au Conservatoire de Paris,
il est titulaire de l’orgue de Sainte-Clotilde
à Paris depuis 1945, tribune où il a succédé
à Franck et à Tournemire.
Jean Langlais a donné de très nombreux récitals dans le monde entier. Ses
oeuvres, qui s’inscrivent dans l’héritage de
Dupré et de Tournemire, sont essentiellement des pages d’inspiration religieuse
(messes, cantates, psaumes, motets) et des
partitions dédiées à son instrument : Neuf
Pièces (1943), Suite française (1948), Hommage à Frescobaldi (1951), deux concertos
pour orgue et orchestre, etc. Il est professeur d’orgue et d’improvisation à la Schola
cantorum.
LANGUETTE.
Nom donné à l’anche vibrante des tuyaux
d’orgue à anche. Une tige métallique appelée rasette, qui s’appuie sur elle, permet
de régler sa tension et, par conséquent,
d’accorder le tuyau correspondant.
LANIER ou LANIÈRES (Nicolas), compositeur, chanteur, luthiste anglais d’origine française (Londres 1588 - id. 1666).
Également peintre et doué d’un talent non
négligeable, il fut nommé Master of King’s
Music à la cour de Charles Ier. Il composa
la musique de plusieurs masques représentés pour l’embellissement de diverses
festivités (tel The Masque of Augurs de Ben
Jonson, 1622). Le roi l’envoya en Italie
pour se perfectionner et pour acheter des
tableaux. Pendant la guerre civile, il perdit
toutes ses possessions, et la majeure partie de ses manuscrits fut détruite. Après la
Restauration en 1660, il retrouva sa place à
la cour de Charles II, ainsi que son aisance
matérielle. En 1669, J. Playford publia
un recueil de Select Ayres and Dialogues
to Sing to the Theorbo-Lute or Basse-Viol,
qui contient quelques pièces de Nicolas
Lanier. Musicien italianisant, il a aussi
introduit le style du récitatif en Angleterre. On peut néanmoins remarquer
dans quelques airs (Love’s Constancy) une
influence française dans le domaine des
ornements vocaux.
LANNER (Josef), compositeur et violoniste autrichien (Vienne 1801 - Oberdöbling, Vienne, 1843).
À douze ans, il entra dans l’orchestre de
danse de Michael Pamer, qu’il quitta en
1819 pour former son propre ensemble.
Tout d’abord simple trio composé de
deux violons et d’une guitare auxquels
vint s’ajouter un alto joué par J. Strauss
père, le groupe s’étoffa bientôt jusqu’à
former un orchestre d’une vingtaine de
musiciens. En 1829, Lanner fut nommé
directeur de la musique de bal de la cour
impériale. Comme compositeur, il donna
une ampleur particulière à la valse viennoise, qui devint, avec lui, une suite de
quatre ou cinq valses, d’une élégance raffinée, avec introduction et coda. Ce fut
lui qui, avec Johann Strauss père, en jeta
les véritables fondations. Mais, contrairement à celui-ci, il appela ses premières
valses « ländler ».
LANZA (Alfredo Arnold COCOZZA, dit
Mario), ténor américain d’origine italienne (Philadelphie 1921 - Rome 1959).
Ayant étudié le chant avec Enrico Rosati,
il débuta à La Nouvelle-Orléans dans Madame Butterfly et forma le Bel Canto Trio
(1947) avec George London et Francis
Yeend, effectuant, avec cette formation,
de nombreuses tournées aux États-Unis.
Après avoir acquis une incontestable
notoriété, Mario Lanza se dirigea essentiellement vers des rôles pour la télévision
et le cinéma, où il incarna, notamment,
le rôle de l’illustre Caruso dans un film à
grand succès : The Great Caruso (1951).
LAPARRA (Raoul), compositeur et critique musical français (Bordeaux 1876 Suresnes 1943).
Élève de Diémer, Massenet, Fauré et Gédalge au Conservatoire de Paris, il remporta en 1903 le prix de Rome, tandis
que son frère William obtenait la même
distinction en tant que peintre. Essentiellement musicien de théâtre, il a composé
sur ses propres livrets Peau d’Âne (Bordeaux, 1899), la Habanera (Paris, 1908), la
Jota (Paris, 1911), le Joueur de viole (Paris,
1926), les Toreras (Lille, 1929) et l’Illustre
Fregona (Paris, 1931). Critique, il a collaboré, notamment, au Matin et au Ménestrel et laissé une étude sur la Musique et
la Danse populaire en Espagne (1920), sa
grande passion. Il fut un maître du naturalisme.
LAPICIDA (Erasmus), compositeur et
théoricien allemand ( ? v. 1445-1450 Vienne 1547).
Prêtre, il fut maître de chapelle du princeÉlecteur à Heidelberg, de 1510 à environ
1521 puis s’établit à Vienne (cloître des
Écossais), grâce à l’archiduc Ferdinand
d’Autriche. En 1545 encore, la cour de
Vienne lui versait une pension. Il a composé des motets à quatre voix, des lieder
à trois et quatre voix, des lamentations et
une frottola édités dans divers recueils de
l’époque.
LA POUPLINIÈRE (Jean Joseph Le Riche
de), mécène français (Chinon 1693 Paris 1762).
Fils d’un fermier général, il devint fermier
général lui-même et un des hommes les
plus riches du royaume. Il mit une partie
de sa fortune au service de la musique et
fonda un orchestre, célèbre pour la qualité de ses instruments à vent. Parmi les
artistes qui fréquentèrent sa somptueuse
maison - où eurent lieu régulièrement
répétitions et concerts -, on trouve le nom
de Jean-Philippe Rameau à qui le mécène
confia la direction de son orchestre. La
Pouplinière joua un rôle non négligeable
pour familiariser la société parisienne
avec la nouvelle forme de la symphonie.
LARDÉ (Christian), flûtiste français (Paris
1930).
Il étudie au Conservatoire de Paris où il
obtient les premiers prix de flûte et de musique de chambre (1948 et 1951). Il fait ses
débuts à l’âge de dix-neuf ans comme flûte
solo de l’orchestre de la radio irlandaise à
Dublin. Deux ans plus tard, il est lauréat
du Concours international de Genève. En
1956, il donne ses premiers concerts aux
États-Unis et au Canada, où il se produira
très fréquemment tout au long de sa carrière. En 1969, il est nommé professeur de
flûte au Conservatoire de Montréal et en
1970 professeur de musique de chambre
au Conservatoire de Paris. Très intéressé
par la musique de son temps, il a assuré
la création de pièces pour flûte de Taïra,
Françaix, Casterède, Bancquart, etc.
LARGHETTO.
Mot italien, diminutif de largo, désignant
des morceaux de caractère analogue à celui-ci, mais de mouvement un peu moins
lent.
Théoriquement, le larghetto (69 à 100
battements/minute) est un peu plus lent
que l’adagio (100 à 126), mais cette distinction est peu respectée.
LARGO.
Mot italien désignant un mouvement lent
de caractère grave et solennel.
Dans l’échelle théorique des mouvements, le largo (métronome 40 à 69 battedownloadModeText.vue.download 562 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
556
ments/minute) et son diminutif larghetto
(69 à 100) sont censés être plus lents que
l’adagio ! LENTO). Le mot largo est parfois
employé comme titre pour des morceaux
dont il indique le mouvement. L’un des
plus célèbres largos, dit « largo de Haendel », est, en réalité, un air de l’opéra Serse
(« Xerxès »), qui a été souvent transcrit
sous ce nom pour les instruments les plus
variés.
LARIGOT.
Jeu de mutation de l’orgue, de la famille
des flûtes, faisant entendre l’harmonique 6
du son fondamental, c’est-à-dire sonnant
à la 19e, soit 2 octaves et 1 quinte au-dessus de ce son fondamental.
La hauteur du larigot est de 1 1/3 de
pied pour une fondamentale de 8 pieds.
LA ROCHELLE (Rencontres internationales d’art contemporain de).
Festival fondé en 1973 à l’initiative de
Claude Samuel, alors que celui-ci venait
de quitter la direction artistique du festival de Royan.
Il eut d’abord lieu à Pâques, puis en
juillet. Il n’est pas ouvert seulement à la
musique, mais il concerne également la
danse, le théâtre, le cinéma, les arts plastiques, et s’est toujours tenu en liaison
étroite avec la maison de la culture de la
ville, s’efforçant à la fois de s’ouvrir sur un
public autre que celui des spécialistes de
musique contemporaine et de s’intégrer
dans une action menée tout au long de
l’année. Cet aspect « ouvert » du festival
s’est fortement accentué à partir de 1980,
année où Alain Durel a succédé à Claude
Samuel comme responsable artistique. Les
deux dernières années de son existence
(1983-1984), le festival a été dirigé par
Patrick Szersnovicz.
LARRIEU (Maxence), flûtiste français
(Marseille 1934).
Il suit les cours du Conservatoire de Paris,
où il obtient le premier prix de flûte (1951)
et celui de musique de chambre (1954). Il
est également lauréat du concours international de Genève (1954). Il est ensuite
soliste dans l’orchestre de l’Opéra de Paris
jusqu’en 1978, puis, à partir de cette date,
professeur au conservatoire de Genève.
Il a donné des concerts dans le monde
entier.
LARROCHA (Alicia de), pianiste espagnole (Barcelone 1923).
Elle apparaît en public dès l’âge de cinq
ans, avant de commencer ses études avec
F. Marshall à l’Académie de piano fondée
en 1901 par Granados, à Barcelone. Elle
donne un premier concert à douze ans
avec l’Orchestre symphonique de Madrid
dirigé par E. Fernandez Arbos, l’orchestrateur des Iberia d’Albéniz. En 1955, elle
fait ses débuts aux États-Unis avec l’Orchestre philharmonique de Los Angeles.
Mais peu d’événements viennent troubler
une carrière entièrement vouée à la musique espagnole. Alicia de Larrocha la défend dans le monde entier, et elle enseigne
à son tour à l’académie F.-Marshall, dont
elle est nommée directrice en 1959. Élégante mozartienne, elle est insurpassable
dans le répertoire ibérique, spécialement
dans Granados, où ses qualités de vitalité
et d’invention font merveille.
LARSEN (Jens Peter), musicologue danois (Copenhague 1902 - id. 1988).
Il a étudié les mathématiques (1920-21),
puis la musique et la musicologie à l’université de Copenhague, obtenant sa maîtrise en 1928. S’étant intéressé à Haydn,
il a obtenu son doctorat avec Die Haydn
Uberlieferung (Copenhague, 1939), ouvrage fondamental étudiant de façon systématique le problème des sources et de
l’authenticité des oeuvres de Haydn, et qui
a inauguré les recherches modernes sur ce
compositeur. A suivi Drei Haydn-Kataloge
in Faksimile (Copenhague, 1941 ; rééd.
rév., New York, 1979), publication en
fac-similé et avec commentaires des deux
catalogues (Entwurf Katalog et Haydn
Verzeichnis) que Haydn dressa lui-même
ou fit dresser de ses oeuvres, ainsi que d’un
troisième catalogue d’époque consacré
à ses symphonies. Larsen a présidé, de
1949 à 1951, la Haydn Society et dirigé,
de 1955 à 1960, le Joseph Haydn Institut
de Cologne. Auteur de nombreux articles,
en particulier sur le XVIIIe siècle, également spécialiste de Haendel, il est devenu
professeur à l’institut de musicologie de
l’université de Copenhague en 1945, et l’a
dirigé de 1949 à 1965, prenant sa retraite
en 1970. Il a enseigné également à Berkeley (1961) et à l’université du Wisconsin
(1971-72), a présidé en 1975 le Congrès
Haydn de Washington et ouvert celui de
1982 à Vienne.
LARSSON (Lars-Erik), compositeur suédois (Åkarp 1908 - Hälsinborg 1986).
Il a été l’élève d’Alban Berg à Vienne en
1929-30. S’il a évolué dans tous les styles
d’écriture de notre temps, du néoclassicisme au sérialisme en passant par le néoromantisme ou le lyrisme nordique, c’est
à ses oeuvres néoclassiques qu’il doit d’être
l’un des compositeurs les plus populaires
de son pays ; l’une de celles-ci, la Suite pastorale (1938), est probablement l’oeuvre
suédoise la plus souvent interprétée. Entre
1955 et 1957, il a écrit 12 Concertini pour
instrument solo et cordes, qui sont une
réussite dans son oeuvre au même titre que
les Kammermusik dans celle de P. Hindemith. Depuis 1960, il adopte un langage
dérivé du sérialisme (Trois Pièces pour
orchestre, 1960).
Son style, son art de la forme moyenne,
son habileté dans l’écriture instrumentale
rendent quelque peu incompréhensible
l’ignorance dans laquelle on tient son
oeuvre hors des frontières de son pays.
LA RUE (Pierre de) ou Pierchon, Petrus
de Vico, Pieter Van der Straeten, compositeur franco-flamand (Tournai ? v.
1460 - Courtrai 1518).
Ténor à la confrérie Notre-Dame de Boisle-Duc (1490-1492), il entra à la chapelle
de Bourgogne (1492-1495). C’est dans
ce milieu, et autour de cet héritage, qu’il
travailla sans être tenté par le voyage en
Italie. Cela lui valut, sans doute, sa réputation exceptionnelle au moment même
où Josquin Des Prés brillait. Passé au ser-
vice de Philippe le Beau (fils de Marie de
Bourgogne et de Maximilien Ier), il devint
membre de sa chapelle de Lille (14961500) et l’accompagna en Espagne (15011502), puis de nouveau en 1505-1506,
voyage au cours duquel mourut Philippe
le Beau. Il entra alors au service de Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas,
à Malines (1506-1514), qui se conduisit
à son égard en véritable mécène et lui
obtint des prébendes (Gand, Namur, Termonde). En 1516, il se retira comme chanoine à Courtrai, où il mourut. La Rue apparut avant tout comme un compositeur
religieux et un des meilleurs représentants de la solide école franco-flamande
de contrepoint. Dans cette tradition, la
plupart de ses messes, au nombre de 31,
sont du type de la messe à teneur, souvent
liturgique, parfois profane, employée avec
une grande variété. Il excella à tirer des développements des figures les plus simples
(Missa ut-fa), à utiliser comme Obrecht
l’ostinato, et l’usage du canon est chez
lui d’une virtuosité étourdissante (par
exemple, Missa Ave sanctissima Maria,
entièrement un triple canon, et Missa O
Salutaris hostia, « Ô hostie salvatrice », où
toutes les voix procèdent constamment
par imitations canoniques). Dans ces
messes, au-delà du dessin des parties, La
Rue montre un sens harmonique certain,
bien que l’augmentation du nombre des
voix ne soit, en fait, qu’une amplification
sonore (dans Ave sanctissima Maria, 3 des
6 voix doivent être déduites à la quarte
supérieure).
Le style de La Rue est généralement
austère, parfois heurté avec de brusques
arrêts, mais il peut faire preuve d’une écriture très claire, d’un sens mélodique très
expressif. L’homophonie est un procédé
qui ne l’attire guère. Ses chansons (une
quarantaine, dont la célèbre Autant en
emporte le vent), souvent mélancoliques
conformément au climat de la cour de
Marguerite, témoignent d’une grande
habileté de composition : souplesse mélodique, richesses harmoniques (Pourquoi
non ne veuil-je morir, à 4 voix). S’il semble
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
557
s’être rapproché de Josquin Des Prés à la
fin de sa vie, on peut cependant affirmer
qu’à l’écart de toute influence italienne il
reste, en ce début du XVIe siècle, un représentant significatif du style des années
1480.
LASCEUX (Guillaume), organiste et
compositeur français (Poissy 1740 - Paris
1831).
Il fut organiste à Chevreuse (1758) et à
Saint-Étienne-du-Mont, à Paris (17691819). Outre une comédie lyrique (les
Époux réconciliés), quelques sonates pour
piano, un quatuor et des romances, son
oeuvre consiste surtout en un Journal de
pièces d’orgue, contenant des messes, magnificat et noëls à l’usage des paroisses et communautés religieuses, qu’il publia à partir
de 1771. Ce journal fut suivi de nombreux
autres recueils : Nouveau Journal, Nouvelle
Suite de pièces d’orgue (1810), etc. Il est
aussi l’auteur d’un Essai théorique et pratique sur l’art de l’orgue, très significatif sur
la musique descriptive et naturaliste pratiquée par les organistes français autour de
la Révolution.
LASKINE (Lily), harpiste française (Paris
1893 - id. 1988).
Élève d’Hasselmans au Conservatoire
de Paris, elle remporte son premier prix
à treize ans et entre aussitôt dans la carrière. À quatorze ans, elle se produit à
Londres, et, à seize, elle est engagée à
l’Opéra, où elle restera jusqu’en 1926. Soliste des concerts Koussevitski en 1921,
des concerts Lamoureux de 1921 à 1940
et de 1943 à 1945, des concerts Straram à
partir de 1926, des concerts Toscanini de
Paris, de l’Orchestre philharmonique de
Paris, de l’Orchestre national (1934-1938)
et de diverses formations de chambre,
elle a réintégré le Conservatoire de 1948
à 1958, cette fois en qualité de professeur,
et formé une nouvelle génération de harpistes.
LASSUS (Roland de, ORLANDO DI LASSO),
compositeur franco-flamand (Mons
1532 - Munich 1594).
Après une enfance dans le Hainaut, il fut,
sans doute, membre du choeur de SaintNicolas de Mons. Attaché à Ferdinand
Gonzague, vice-roi de Sicile (1545-1549),
en raison de ses qualités vocales, il parcourut, à sa suite, la France, la Sicile, l’Italie.
En 1546, il se trouvait à Milan. Puis, en
1549-50, il servit à Naples et à Rome un
chevalier de l’ordre de Malte, Constantino
Castrioto. Et bientôt il fut appelé à assumer
les responsabilités de maître de chapelle
de Saint-Jean de Latran à Rome (1553).
Ces déplacements lui permirent de multiplier les échanges musicaux, d’accélérer
et de diversifier sa formation. Formation
redevable, par ailleurs, à l’art italien pour
lequel il se passionnait. Mais la maladie et
la mort de ses parents (1554) l’obligèrent
à regagner son pays. Après un passage
en Angleterre, Lassus séjourna à Anvers
(1555-56), où, chez Susato, parurent ses
premières oeuvres, publiées dans le même
temps à Venise. Il fut engagé comme ténor
à la cour du duc Albert V de Bavière et
fut nommé, en 1563, à Munich, maître
de chapelle de la cour, poste qu’il devait
occuper jusqu’à sa mort.
Cette stabilité professionnelle ne restreignit en rien le nombre de ses voyages diplomatiques et artistiques - en Italie, en
France (1571) et même à Vienne. Anobli
en 1570, Lassus entretint d’étroites relations avec maintes cours européennes,
qui, souvent, se conduisirent à son égard
en véritables mécènes. Ainsi, en France,
le roi Henri III lui accorda-t-il, en 1575,
un privilège pour la publication de ses
oeuvres. Et le musicien put se retirer
quelque peu de la vie de cour à partir de
1580, pour se consacrer à la composition
religieuse.
Très vaste, l’oeuvre de Roland de Lassus exploite toutes les formes de l’époque.
Par goût et pour satisfaire une « clientèle »
aussi diverse qu’exigeante, le compositeur
a écrit 700 motets, 53 messes, 101 magnificat, 180 madrigaux, 146 chansons françaises, 93 lieder, des hymnes, psaumes,
offices, 4 passions, etc. Mais il n’a pas créé
de genre : il a donné aux genres existants
une dimension nouvelle, les élargissant et
les approfondissant pour leur imprimer
sa marque personnelle. Cette oeuvre, reflet de son expérience et de ses voyages,
se présente comme une synthèse des tendances françaises, allemandes et italiennes
qu’il sut parfaitement assimiler ; et Lassus
y apparaît tel un trait d’union entre Ockeghem, Josquin Des Prés et Monteverdi.
Ses contemporains ne s’y sont d’ailleurs
pas trompés, et lui ont décerné les qualificatifs de « Orpheus belgicus », « mirabile
Orlando », « divin Orlande », « Prince des
musiciens de notre temps », etc. La diffusion de sa musique à travers l’Europe fut
immense, à en juger par les transcriptions
instrumentales auxquelles elle donna lieu
et par le nombre de maisons d’édition qui
souhaitèrent publier ses oeuvres.
Les madrigaux à 5 voix tiennent, en
nombre et en importance, le premier rang
des oeuvres profanes, témoignage des dix
années que Lassus passa en Italie à une
époque déterminante de sa formation
musicale. Le compositeur y adopte une
attitude nouvelle, en laissant le texte, et
non la prosodie, déterminer la forme musicale autant que le traitement fortement
individualisé des motifs. De cette volonté
de donner une traduction directe du texte
découle un dessin très ferme, éloigné à la
fois d’un maniérisme expressif et d’une
fausse simplicité. Le madrigal sérieux
prédomine, sous l’influence de Cyprien
de Rore, par exemple dans Crudel, acerba,
inesorabili morte, sur un texte de Pétrarque
qu’il affectionne particulièrement et où il
allie grandeur et profondeur. Mais, à la fin
de sa vie, Lassus se tourna vers le madrigal spirituel, négligeant, en revanche, le
madrigal pastoral à la mode vers 1580 et si
prisé de Philippe de Monte. Le ton change
peu à peu, en effet, de la gaieté des premières oeuvres à l’austérité et à la tension
intérieure des derniers madrigaux, tel le
cycle des Larmes de saint Pierre à 7 voix sur
des textes de Luigi Tansillo.
Selon un processus parallèle, Lassus se
détourna de ses premières expériences
chromatiques. Chez lui, la chanson française peut être pittoresque (Dessus le marché d’Arras), burlesque ou caustique avec
un strict syllabisme (Un jour vis un foulon),
grivoise (Il estoit une religieuse), courtoise
(Ardant amour, Bonjour mon coeur) ou élégiaque (Je l’aime bien), mais les pages mélancoliques se firent plus nombreuses au
fil des années. Avec Lassus, la chanson apparaît comme une synthèse des différents
caractères du genre, tel qu’il était pratiqué à Paris au début de la seconde moitié du XVIe siècle (après Janequin) - sans
toutefois atteindre la perfection, voire
l’originalité d’un Claude Le Jeune -, et des
éléments du madrigal. À côté des compositions à 4 voix, on trouve des édifices à 5,
parfois 6 ou 8 voix. Le souci constant du
rapport texte/musique (Lassus s’adresse
volontiers à A. Chartier, F. Villon, et aux
poètes de la Pléiade) se traduit par l’insertion d’éléments figuralistes, ainsi que
par la recherche de l’expression à la fois
sur le plan mélodique et harmonique (la
Nuict froide et sombre). De plus, Lassus
juxtapose volontiers cellules homorythmiques et courts passages en imitations
(Ô vin en vigne). François Lesure a souligné combien sont capitales dans l’histoire
de la chanson française la publication en
1557 à Paris de deux chansons tirées du
recueil de Susato et l’influence de Lassus
en France dans la seconde partie du siècle.
Adrian Le Roy, luthiste et éditeur, en fut
l’artisan : il l’introduisit auprès de Charles
IX, qui échoua dans ses tentatives pour le
retenir à la cour de France (il retourna à
Munich).
Lassus était profondément croyant, et
son oeuvre ne put s’abstraire du courant
de la Contre-Réforme qu’il avait embrassé avec passion. Certes, malgré ses 53
messes, il ne saurait, en ce domaine, égaler un Palestrina ni parvenir à une émotion comparable. Dans ses 37 magnificat,
il sacrifie à l’usage de la messe-parodie.
Dans les messes brèves ou celles à 4 voix
(Octavi toni, 8e ton), il se sent moins à
l’aise que dans des formes plus amples, à
5 et 6 voix, où il peut accorder une place
plus importante au développement et au
lyrisme (Ecce nunc benedicite Dominum, à
6 v.). Les motets, qu’il écrivit tout au long
de sa vie, restent son titre de gloire et son
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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oeuvre la plus significative. Du genre, il a,
en effet, considérablement élargi la forme
et approfondi l’esprit : ses motets sont à la
fois l’aboutissement de la polyphonie flamande et son éclatement sous l’influence
italienne. Lassus préfère l’imitation libre
et recherche notamment, dans les motets
de 6 à 12 voix, les effets de sonorités, les
modulations audacieuses, le chromatisme
(une voie dans laquelle il n’a pas persévéré), les oppositions de style polyphonie-homophonie, les ruptures brusques
et, en général, tout ce qui ne manque pas
de surprendre, telle la déclamation quasi
parlando (Super flumina Babylonis). Enfin,
Lassus s’essaya, à la suite de Willaert à
Venise, au double choeur, guidé dans cette
voie par le souci de libérer toute l’émotion
du texte. À cette méditation spirituelle
se rattachent les cycles des Prophéties des
sibylles, des Lamentations du prophète
Jérémie, fondées sur le contrepoint et le
symbolisme madrigalesque, ainsi que les
Psaumes de la pénitence à 5 voix, destinés
à l’usage privé du duc de Bavière, et dont
l’absence de chromatisme et la grandeur
un peu massive ne nuisent en rien à l’intensité de l’expression.
LAUDA (ital. : « chant de louange »).
Forme particulière de chanson pieuse en
langue italienne, avec strophes et refrain,
mise en honneur vers 1225 par saint François d’Assise et ses disciples, mais dont
l’existence est antérieure.
Elle dérive sans doute des chants de
louange à la Vierge ( ! LAUDE), dont
certaines confréries spécialisées (laudesi)
s’étaient fait un abondant répertoire, et
tenait une grande place dans les processions des Flagellants qui se répandirent
surtout en Italie à partir de 1260. D’abord
monodique, la lauda prit parfois une
forme polyphonique à partir du XIVe siècle
(Jacopo de Bologne) ; elle dégénéra au
XVe siècle pour sombrer souvent dans la
simple adaptation de mélodies connues,
alimenta le répertoire de l’Oratoire de
saint Philippe Neri, où, vers 1600, naquit
l’oratorio, et vécut jusqu’au XVIIIe siècle,
au cours duquel elle s’éteignit progressivement.
LAUDE.
1. En italien, pluriel ou variante du mot
lauda.
2. En français, nom générique féminin
donné jadis aux chants de louange (du lat.
laus, laudis). L’une des plus célèbres est le
Christus vincit chanté aux couronnements,
dit « laudes carolingiennes ».
3. Laudes : nom donné à l’office qui fait
suite à matines pour former avec elles l’office du début de la journée ( ! HEURES).
Elles en ont d’abord été distinctes : les
matines devaient se chanter de nuit, d’où
leur surnom d’« office des ténèbres » et
leur division en « nocturnes « ; les laudes
se chantaient au lever du soleil. Les deux
offices se sont peu à peu soudés l’un à
l’autre.
LAURENTIUS DE FLORENTIA (SER Lorenzo, LORENZO MASII ou MASINI), compositeur et pédagogue italien († Florence fin
1372 ou début 1373).
Il enseigna dans différentes églises florentines et mit en musique des textes de
Boccace, Niccoló Soldanieri, Franco Saccetti et Gregorio Calonista. C’était un
esprit spéculateur, et ses oeuvres, qui comprennent, entre autres, des madrigaux,
des ballate et des cacce, présentent surtout
un caractère didactique (L’Antefana), ou
expérimental, avec des raffinements de
rythme et de notation. Il lui arrive ainsi,
comme dans les madrigaux Sovra la riva
et Vidi nell’ombra, de noter différemment
un rythme identique. Il innova aussi au
niveau de la mélodie, en introduisant de
longs mélismes à la partie supérieure et
en se préoccupant déjà de problèmes de
tonalité. Son écriture harmonique, en
revanche très conservatrice, privilégie les
consonances parfaites et le mouvement
parallèle des voix.
LAURI-VOLPI (Giacomo), ténor italien (Lanuvio 1892 - Burjasot, Espagne,
1979).
Il fit des études d’avocat, puis de chant à
l’académie Sainte-Cécile de Rome. ll débuta dans le rôle d’Arturo des Puritains
de Bellini à Viterbe en 1919. À partir de
1920, il fit une carrière internationale
importante et devint l’une des vedettes
du Metropolilan Opera de New York, où
il se produisit dans 26 opéras différents,
dont Luisa Miller de Verdi et Turandot de
Puccini (qu’il créa aux États-Unis). Son
timbre vocal était d’une grande beauté,
avec un aigu claironnant et facile. Il avait
beaucoup de succès dans les rôles à tessiture tendue, que l’on considérait dans
les années 30 comme « héroïques », tel
Arnold de Guillaume Tell. Il se produisait
encore au théâtre à soixante ans passés.
LǍUTAR (lǎuta ou alǎuta, « luth »). Musicien populaire roumain d’origine paysanne, citadine ou tzigane, faisant partie
d’un petit orchestre (taraf) et jouant à
l’occasion de noces, baptêmes, enterrements.
Les lautari, organisés en corporations
(bresle), se transmettent généralement la
profession de père en fils. Leur répertoire,
qui varie selon les époques et les régions,
comprend des ballades, des doïnas, des
chants de haïdouks, des chants d’amour,
des danses populaires ou de salon, des
chants rituels.
LAVALLÉE (Calixa), compositeur canadien (Verchères, Québec, 1842 - Boston
1891).
Pianiste et violoniste d’une rare précocité
(il obtint à huit ans un prix aux ÉtatsUnis), il commença sa carrière comme
virtuose et voyagea à ce titre du Brésil
aux Indes occidentales et aux États-Unis.
Après avoir été chef d’orchestre à New
York, où il présenta ses premières oeuvres,
il reprit, à trente ans, ses études en France
avec Bazin, Boieldieu fils et Marmontel.
De retour au Canada, il s’y affirma comme
le meilleur animateur de la vie musicale,
notamment dans l’enseignement. Mais,
déçu de n’être pas suivi, il s’exila aux
États-Unis, où il devint organiste et maître
de chapelle de la cathédrale de Boston.
LAVIGNAC (Albert),
pédagogue et musicologue français (Paris
1846 - id. 1916).
Il fut élève de Marmontel, Bazin et Ambroise Thomas au Conservatoire de Paris,
avant d’y être professeur de solfège (1871),
puis d’harmonie (1891). Il eut notamment
pour élèves Pierné et Debussy. Ses premiers ouvrages sont didactiques : Cours
complet théorique et pratique de dictée
musicale, Solfèges manuscrits, Cinquante
Leçons d’harmonie, l’École de la pédale. Il
est, également, l’auteur de la Musique et
les musiciens (1895), le Voyage artistique à
Bayreuth (1897), les Gaietés du Conservatoire (1899), l’Éducation musicale (1902),
Notions scolaires de musique (1905-1906).
Il fut le fondateur de l’Encyclopédie de
la musique et dictionnaire du Conservatoire (histoire de la musique, technique,
pédagogie et esthétique, dictionnaire de
musique), dont les premiers volumes parurent à partir de 1912.
LAWES, famille de musiciens anglais.
Henry, compositeur et chanteur (Dinton,
Wiltshire, 1596 - Londres 1662). Élève de
John Coprario, il fut nommé Gentleman
of the Royal Chapel de Charles Ier en
1626. Peut-être fut-il l’auteur de la musique du « masque » de Thomas Carew,
Coelum britannicum (1634). Toujours estil qu’il collabora avec Milton pour la musique de l’un des premiers vrais masques
dramatiques, Comus (1634). Cinq airs de
ce spectacle, proche de l’opéra et où l’in-
fluence de la pastorale italienne demeure
forte, sont conservés, conçus pour voix
seule dans un style récitatif et accompagnés de la basse continue. Thomas Arne
devait composer, en 1738, un opéra sur
le même sujet. Des Select Musical Ayres de
Henry Lawes furent publiés en 1652 dans
le recueil de Playford. En 1653 parut un
volume entièrement de lui, Ayres and Dialogues for One, Two and Three Voyces, qui
connut un vif succès, ainsi que l’attestent
les rééditions de 1655 et 1658. Pour le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
559
Siege of Rhodes de Henry Davenant, souvent considéré comme le premier opéra
anglais, Lawes composa la musique des
actes I et V.
Également auteur de psaumes et d’anthems, Lawes fut très apprécié de ses
contemporains ; Milton, par exemple,
parle de « Harry, dont le Chant mélodieux
et bien mesuré... » dans un sonnet élogieux
intitulé To Mr. H. Lawes on the Publishing
of his Ayres. Mais, contrairement aux prédictions du poète, Lawes tomba vite en
disgrâce et la génération suivante lui porta
plus de critiques acerbes que de louanges.
Néanmoins, il demeure l’un des premiers
à avoir clarifié les rapports entre le rythme
de la langue anglaise et la musique, ouvrant par-là la voie à Purcell.
William, compositeur (Salisbury 1602 Chester 1645). Comme son frère Henry, il
fut l’élève de John Coprario et fut nommé
Gentleman of the Royal Chapel. Lors de
la guerre civile, il se battit pour la cause
royaliste et trouva la mort pendant le siège
de Chester. Sa carrière fut tournée vers la
musique instrumentale. S’il resta fidèle au
style traditionnel fondé sur l’emploi d’un
cantus firmus (In nomine à 5 et 6 voix),
il sut également innover et écrivit des
oeuvres très personnelles axées sur l’avenir.
William Lawes a laissé des fantaisies
pour violes et un recueil de six suites de
danses, The Royal Consort, qui fait appel
à deux violons, deux basses de viole et
deux théorbes. Plus « modernes » sont
ses danses, conçues pour deux violons et
basse continue dans le style de la sonate
en trio, et publiées après sa mort dans
les Courtly Masquing Ayres de J. Playford
(1662).
Dans le domaine de la musique vocale, William Lawes a écrit des airs, de
la musique d’église (par ex., son anthem,
The Lord is my light), la musique pour le
masque de Shirley The Triumph of Peace
en collaboration avec Simon Ives (1634),
et la musique pour un masque de William
Davenant The Triumph of the Prince
d’Amour (1636).
LAZZARI (Sylvio), compositeur français
(Bozen, Autriche, 1854 - Suresnes 1947).
Autrichien de naissance, il fit ses premières études dans son pays natal, y subissant une profonde influence wagnérienne.
Arrivé en France en 1882, il entra au
Conservatoire de Paris dans les classes de
Guiraud et de Gounod. Il se lia aussi avec
Franck et Chausson, qui le conseillèrent.
Il subit alors l’influence des impressionnistes et tenta de réaliser la problématique
synthèse entre le style de Wagner et celui
de ses contemporains français. Homme
de tempérament indépendant, il occupa
néanmoins plusieurs postes importants :
il fut chef des choeurs à l’Opéra de MonteCarlo et présida la société Wagner à Paris.
Il fut attiré par la Bretagne, dont s’inspire
sa première oeuvre lyrique, Armor (créée
à Prague, 1898). Si son orchestre possède
la puissance, la sonorité, la couleur de
celui de Wagner, ses mélodies respirent
le plus pur accent du terroir breton. On
peut regretter que ses oeuvres dramatiques
comme la Lépreuse (1902) ou la Tour du
feu (1928) soient aujourd’hui délaissées.
LEBÈGUE (Nicolas), organiste, claveciniste et compositeur français (Laon
1631 - Paris 1702).
Venu de bonne heure à Paris, il y fut marqué par Champion de Chambonnières. En
1664, il fut nommé titulaire de l’orgue de
Saint-Merri, poste qu’il conserva jusqu’à
sa mort. Hautement estimé par Louis XIV,
il fut nommé organiste de la Chapelle
royale en 1678. Son autorité en matière de
facture d’orgues le fit appeler en expertise
dans la France entière. Il a également été
un professeur recherché, comptant parmi
ses élèves d’Agincourt, Geoffroy et surtout
Grigny.
Compositeur, Lebègue fut l’un des plus
féconds de son temps. Ses deux livres de
clavecin et ses trois livres d’orgue nous
sont tous parvenus. Le Premier Livre
d’orgue (1676), destiné aux virtuoses,
est son chef-d’oeuvre, les deux autres
étant écrits pour « ceux qui n’ont qu’une
science médiocre ». Ces livres réunissent
des suites, des noëls, des offertoires, des
élévations, des versets de magnificat et des
pièces de concert. Créateur d’un talent
modeste, Lebègue n’en est pas moins le
premier à avoir écrit dans les formes qui
allaient être cultivées par tous les organistes des générations suivantes : récits,
duos, trios, basses et dessus de trompette,
de cornet ou de cromorne. Il a également
donné de très nombreuses et précises indications d’exécution et de registration,
dans des mélanges souvent nouveaux,
indications qui, grâce à la diffusion de ses
oeuvres imprimées, ont contribué à informer les organistes de province.
LEBRUN (Ludwig), hautboïste et compositeur allemand (Mannheim 1752 - Berlin
1790).
Titularisé dans l’orchestre de Mannheim
à l’âge de quinze ans, il s’installa avec
ce dernier à Munich en 1778 et lui resta
attaché jusqu’à sa mort. Auteur de sept
concertos et d’oeuvres diverses pour son
instrument, il effectua après leur mariage
(1778) plusieurs tournées en Europe avec
sa femme, la soprano Franziska Dorothea
Lebrun, née Danzi (1756-1791).
LE CAINE (Hugh), compositeur et physicien canadien (Port Arthur, Ontario,
1914 - Ottawa 1977).
Il a étudié à Kingston et à Birmingham
(Angleterre), où il a obtenu un doctorat
ès sciences en 1952. Il s’est orienté vers la
mise au point d’instruments de musique
électroacoustique et a contribué à la création de programmes d’études de musique
électroacoustique à l’université de Toronto (1959), à l’université hébraïque de
Jérusalem (1961) et à l’université McGill
(1964), où il enseigne depuis 1966. Ses
oeuvres, dont beaucoup sont très brèves,
relèvent presque exclusivement du domaine électroacoustique ; citons Dripsody
(1955), Ninety-Nine Generators (1956),
The Burning Deck, mélodrame sur un texte
de D. F. Hemans (1958), Sounds to forget
(1963), Paulution (1970).
LE CAMUS (Sébastien), violoniste,
théorbiste et compositeur français ( ? v.
1610 - Paris 1677).
Intendant de la musique de S.A.R. Gaston
d’Orléans (1648), il fut nommé en 1660
surintendant de la musique de la reine
Marie-Thérèse. Il fut également membre
de la Petite Bande, orchestre formé par
Lully avec les meilleurs instrumentistes
des Vingt-Quatre Violons du roi. Dans
son Traité de la viole (1687), Jean Rousseau dit de lui : « Le seul souvenir de la
beauté et de la tendresse de son exécution
efface tout ce que l’on a entendu jusqu’à
présent sur cet instrument. » Ses « beaux
airs », dont il semble avoir écrit un grand
nombre, furent fort appréciés de son
vivant et continuèrent, après sa mort, à
paraître dans les recueils collectifs de
l’éditeur Ballard. Avec son contemporain
Michel Lambert, Le Camus compte parmi
les maîtres de l’air sérieux. C’est son fils
Charles qui prépara le livre d’Airs à deux
et trois parties de feu Monsieur Le Camus
(1678). Sauf une exception (à 2 voix), ces
airs sont pour 1 voix et basse continue ; ils
témoignent d’une écriture soignée, d’une
sensibilité envers le texte poétique et d’un
langage harmonique souvent italianisant
(cf. chromatisme du rondeau Amour, cruel
amour).
LE CERF DE LA VIEVILLE DE FRENEUSE
(Jean-Laurent), écrivain français (Rouen,
1674 - id. 1707).
Sa réputation de poète et de théoricien repose aujourd’hui sur sa célèbre Comparaison de la musique italienne et de la musique
française (Bruxelles, 1704-1706 ; rééd.
1972), rééditée dans l’Histoire de la musique et de ses effets de P. Bourdelot (Amsterdam, 1721-1726). Ses critiques, pertinentes, sont souvent injustement sévères
envers la musique italienne. Le Cerf est un
ardent défenseur de la musique française
et, en particulier, de l’opéra lullyste. Son
étude constitue une mine de renseignedownloadModeText.vue.download 566 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
560
ments pour une interprétation plus « authentique » de la musique du XVIIe siècle et
souligne l’importance souveraine du texte
poétique dans la musique vocale.
LECHNER (Leonhard), compositeur allemand (Vallée de l’Etsch, Tyrol du Sud, v.
1553 - Stuttgart 1606).
Chantre à la chapelle du duc de Bavière
jusqu’en 1570, où il fut l’élève de Roland de
Lassus, il mena probablement, à partir de
cette date, une vie errante, qui le conduisit
peut-être en Italie. En 1575, il obtint un
modeste emploi à l’école paroissiale SaintLaurent à Nuremberg. Appointé comme
musicien en 1577, il occupa, en 1582, la
fonction de premier musicien de la ville.
Au cours des années passées à Nuremberg,
il fut également mêlé à la vie musicale de
plusieurs cénacles patriciens auxquels il
dédia certaines de ses oeuvres profanes.
En 1584, il entra au service du comte Eitel
Friedrich de Hohenzollern à Hechingen.
Mais il quitta ce dernier presque aussitôt
pour des raisons confessionnelles et se
réfugia à Tübingen. N’ayant pu obtenir
l’emploi qu’il espérait auprès du prince
électeur de Saxe à Dresde, il fut chantre
(1585-1589), compositeur (1589-1594),
puis maître de chapelle à la cour du duché
de Wurtemberg.
Les sept recueils de chansons publiés
entre 1576 et 1589 constituent la partie la
plus importante de son oeuvre et son aspect le plus personnel. Dans ses chansons,
il mêle au type de la villanelle italienne des
passages écrits dans un style contrapuntique plus traditionnel. Sa Passion selon
saint Jean (1593) tient une place prépondérante dans son oeuvre religieuse (motets
et messes) par la rigueur avec laquelle il
observe la mélodie liturgique et par la
grande liberté qui régit la construction
polyphonique de l’oeuvre.
LECLAIR, famille de musiciens et compositeurs français des XVIIe et XVIIIe siècles.
Antoine, passementier, violoncelliste et
danseur (fin XVIIe - début XVIIIe s.). Sur ses
huit enfants, six furent violonistes.
Jean-Marie, dit L’aîné, compositeur et
violoniste (Lyon 1697 - Paris 1764). Fils
d’Antoine, c’est comme danseur et maître
de ballet qu’il apparut tout d’abord, fidèle,
en cela, à une tradition française qui alliait la pratique du violon et la danse : il
fut alors à la cour de Turin (1722), où il
travailla peut-être avec le célèbre violoniste J. B. Somis. Son 1er Livre de sonates
fut publié à Paris (1723), mais Jean-Marie Leclair ne s’installa dans la capitale
qu’en 1728, se taillant un succès triomphal au Concert spirituel. Il entra en 1733
à la musique du roi, en même temps que
Guignon. Son caractère difficile et son
insociabilité lui firent rapidement quitter
l’orchestre royal : il voyagea à l’étranger,
se fixa quelque temps à Amsterdam, où il
travailla avec Locatelli. Après un séjour à
la cour de l’infant d’Espagne à Chambéry,
il se fixa définitivement à Paris (1743), où
il fit exécuter son opéra Sylla et Glaucus
(1746). Il y mena une vie assez solitaire,
séparé de sa seconde femme, et mourut
mystérieusement assassiné. Caractère difficile et ombrageux, d’humeur instable,
insociable et misanthrope, il ne fut ni aimable ni, sans doute, heureux : mais son
oeuvre est de premier plan.
À l’exception de son opéra, dans lequel
le chorégraphe laisse des pages remarquables et où le symphoniste fait preuve
d’une très grande richesse d’écriture et
d’orchestration, c’est la musique instrumentale qui constitue la totalité de son
oeuvre, considérable en nombre et en qualité.
Celle-ci consiste en une série de recueils de sonates, publiées de 1723 à 1753 :
Sonates pour violon et basse continue (4
recueils, 1723, 1728, 1734, 1738, plus un
recueil posthume publié en 1767) ; Sonates pour deux violons sans basse (1730
et 1747) ; Sonates en trio pour deux violons
et basse continue (1730, 1737, 1753, et un
recueil posthume en 1766) ; auxquelles
s’ajoutent deux séries de 6 Concertos
(1737, 1743 ou 1744), tous écrits pour
violon avec accompagnement de cordes,
à l’exception d’un seul, pour la flûte ou le
hautbois.
Leclair était, en son temps, réputé pour
la précision, la netteté, la justesse de son
jeu, autant que pour sa virtuosité. Ses sonates manifestent à la fois la hardiesse et
l’aisance technique de leur auteur. Mais,
à la différence d’un Locatelli, Leclair ne
tombe jamais dans l’excès de la virtuosité :
la rigueur de la composition, la hauteur
de la pensée, mais aussi le charme égalent
l’éclat et le brillant de la technique. C’est
cet équilibre qui le caractérise, et qui se
retrouve dans l’alliance qu’il sait faire de
l’écriture musicale et de la technique violonistique italiennes avec la tradition française : la stylisation des rythmes de danse
caractéristique de la suite à la française
s’insère dans le cadre de la sonate à l’italienne, avec un développement des idées
musicales visiblement issu d’outre-mont.
Ses concertos ont adopté le plan vivaldien en trois mouvements (vif-lent-vif),
alors que ses sonates conservent celui
de la sonate da chiesa en quatre mouvements (grave, allegro, andante, vivace).
Ce sont tous des concertos de soliste
(pas de concerto grosso). Quatre tutti encadrent trois solos dans les mouvements
vifs (trois et deux dans les mouvements
lents). Les passages confiés au soliste sont
variés : brillants et mélodiques, ou récitatifs tendres et frémissants ; tandis que le
lyrisme et parfois la gravité se manifestent
dans les mouvements lents. La richesse de
l’invention mélodique et celle de l’écriture harmonique, autant que la sûreté de
la technique font de Jean-Marie Leclair
le plus éminent violoniste français de
son temps, le premier à avoir su, sur leur
propre terrain, égaler les grands Italiens.
Jeanne, fille d’Antoine, violoniste ?
(1699 - ?).
Jean-Marie, dit Le Cadet, fils d’Antoine
(1703-1777). Il fut un excellent violoniste à
Lyon, mais aussi chef d’orchestre à Besançon, auteur de 12 sonates à 1 et 2 violons
sans basse, remarquables, et de quelques
oeuvres vocales.
François, fils d’Antoine, violoniste ?
(1705 - ?).
Pierre, fils d’Antoine, violoniste (17091784). Il fut l’auteur de 2 recueils de sonates.
Jean-Benoît, fils d’Antoine, violoniste
(1714 - ?). Il épousa une violoniste.
LECOCQ (Charles), compositeur français
(Paris 1832 - id. 1918).
Ses débuts furent d’autant plus difficiles
que, souffrant de coxalgie congénitale, il
ne pouvait marcher sans béquilles. Vainqueur, ex aequo avec Bizet, du concours
institué par Offenbach en 1857 (il s’agissait de mettre en musique un livret
d’opéra bouffe intitulé le Docteur Miracle),
il n’en tira pas grand profit et continua de
végéter jusqu’au succès de Fleur-de-Thé en
1868, qui le lança définitivement. Quantité d’opérettes et d’opéras-comiques al-
laient suivre, unissant la grâce à la gaieté.
Giroflé-Girofla, les Cent Vierges, la Petite
Mariée ou le Petit Duc sont assurément démodés, mais la Fille de Mme Angot (1872)
peut suffire à la gloire de Charles Lecocq.
LEÇON.
Traduction abusive du mot latin lectio
(« lecture »).
On appelle leçon, dans les heures canoniales, des lectures latines placées en des
endroits définis de l’office, et qui peuvent
porter sur des textes de toute nature, principalement scripturaires (Ancien Testament), patristiques ou hagiographiques,
cela à l’exclusion des livres du Nouveau
Testament, réservés à la messe. Dans
l’office chanté, la leçon est psalmodiée
sur un timbre propre de récitation, mais
certaines leçons ont parfois été traitées
en musique figurée pour des offices particulièrement solennels. C’est le cas des
leçons de ténèbres, forme créée en France
vers 1660 par Michel Lambert, puis illustrée notamment par M. A. Charpentier, F.
Couperin et M. R. Delalande, et qui porte
sur les leçons nocturnes de la semaine
sainte. Cette forme comportait trois leçons pour chacun des trois jours saints,
chantées chaque fois la veille (mercredi,
jeudi, vendredi) dans une église où les
lumières étaient progressivement éteintes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
561
Par analogie, on a aussi donné le nom
de « leçons » à des textes non liturgiques
psalmodiés à la manière des lectures de
l’office ; cette dénomination s’est même
appliquée à des poèmes chantés en langue
vernaculaire, telle la Vie de sainte Foy
d’Agen (XIe s.), qualifiée par l’auteur luimême de « leçon lue sur le 1er ton « ; ce
qui porte un témoignage particulièrement
flagrant sur la dérivation liturgique des
cantilènes romanes.
LEDROIT (Henri), haute-contre français
(Villacourt 1946-Nancy 1988).
À Nancy et Strasbourg, il étudie le piano,
l’harmonie et le chant. En 1972, il rencontre Alfred Deller, puis travaille avec
René Jacobs et Nigel Rogers. Après ses
débuts à Nancy dans Ariodante de Haendel et Giasone de Cavalli, il fonde en 1977
l’ensemble Nuove Musiche, redécouvrant
des duos italiens du XVIIe siècle. En 1981,
il chante le Couronnement de Poppée de
Monteverdi, à Bruxelles, puis David et
Jonathas de Charpentier, à Lyon. JeanClaude Malgoire, Michel Corboz, Philippe
Herreweghe et la Camerata de Boston l’invitent régulièrement. Malgré la brièveté
de sa carrière, il aborde aussi le XXe siècle
avec le Songe d’une nuit d’été de Britten. Il
laisse plusieurs enregistrements de Monteverdi, Rameau et Haendel.
LEDUC.
Maison française d’édition, fondée vers
1841 à Paris par Alphonse Leduc (Nantes
1804 - Paris 1868), sans lien de parenté
avec la famille de Simon Le Duc.
Lui succédèrent son fils Alphonse (Paris
1844 - id. 1892), le fils de ce dernier, ÉmileAlphonse (Paris 1878 - id. 1951), et les
deux fils de celui-ci, Claude-Alphonse (né
en 1910) et Gilbert-Alphonse (né en 1911).
La maison, qui, en 1980, a absorbé les
éditions Heugel, possède à son catalogue,
outre de nombreux compositeurs français
contemporains, un fonds très important
d’ouvrages didactiques.
LE DUC, famille de musiciens français.
Simon, violoniste et compositeur (Paris
1742 - id. 1777). Élève de Pierre Gaviniès,
il fut engagé en 1759 au Concert spirituel,
d’abord comme second violon, puis, en
1763, comme premier violon et soliste. Il
quitta ce poste en 1764, peu après avoir
fait entendre sa première oeuvre, une
sonate pour violon publiée en 1767 dans
son opus 1. Il se produisit, à nouveau, au
Concert spirituel en 1773, et, la même
année, devint avec Gossec et Gaviniès
codirecteur de l’institution. Il ne fut pas
lui-même éditeur, mais publia à compte
d’auteur, à partir de 1767, ses quatre premiers numéros d’opus. Comme violoniste,
il fut admiré par Leopold Mozart. Comme
compositeur, il écrivit 45 ouvrages, dont 6
sonates et 3 concertos pour violon, 3 trios
pour orchestre, 1 symphonie concertante
et 3 remarquables symphonies (17741776) publiées chez son frère Pierre, la
première en 1776 et les deux autres en
1777, après sa mort.
Pierre, violoniste et éditeur (Paris 1755 Pays-Bas 1816). Frère et élève du précédent, il en publia et en diffusa les oeuvres,
ayant fondé sa propre maison d’édition en
1775. Cette maison absorba notamment
celle de La Chevardière en 1784 ou 1785
et publia, entre autres, des ouvrages de
Haydn.
Auguste, éditeur (Paris 1779 - id. 1823).
Fils du précédent, il lui succéda à la tête de
sa maison d’édition en 1803 ou 1804.
LEE (Noël), pianiste et compositeur américain (Nankin, Chine, 1924).
Il fait ses études à l’université Harvard
(avec Walter Piston et Irving Fine), puis
au conservatoire de la Nouvelle-Angleterre, à Boston, et à Paris (avec Nadia Boulanger). Il obtient les prix Lili-Boulanger
(1953), prix de l’orchestre de Louisville
(1954), prix de l’Académie américaine des
arts et lettres (1959), et il mène de front
une carrière de pianiste (Debussy, Ravel,
Stravinski, Copland et Schubert sont,
notamment, ses spécialités) et de compositeur, occasionnellement interrompue
par son activité de pédagogue (université
Brandeis, Dartmouth College, université
Cornell). Dans un esprit néoromantique,
mais curieux de tout ce qui peut apporter à son écriture une nuance originale (et
parfois complexe), Lee a réalisé un catalogue copieux, particulièrement orienté
vers l’expression vocale et la musique de
chambre. Il a, par ailleurs, enregistré près
de 100 microsillons et révélé en Europe
quelques-unes des oeuvres posthumes de
Webern.
LEEUW (Ton de), compositeur néerlandais (Rotterdam 1926).
Il fait ses études d’abord dans son pays
avec Henk Badings, puis à Paris avec Olivier Messiaen, et travaille ensuite l’ethnomusicologie avec Jaap Kunst : cette
matière va lui permettre de se dégager de
l’académisme sériel. En 1961, il peut, grâce
à une bourse du gouvernement des PaysBas, effectuer un voyage d’études en Inde.
Ingénieur du son à la radio jusqu’en 1959,
il enseigne la composition au conservatoire d’Utrecht et occupe actuellement un
poste analogue à celui d’Amsterdam, qu’il
a dirigé de 1971 à 1973. Il donne également des cours d’ethnomusicologie et des
cours sur la musique moderne à l’institut
de musicologie de l’université d’Amster-
dam.
De son intérêt pour les musiques de
l’Orient témoignent, notamment, son
opéra De droom (le Rêve, 1963) et Gending
pour orchestre de gamelan (1975). On lui
doit aussi des oeuvres orchestrales comme
Mouvements rétrogrades (1957), Ombres
(1961), Symphonies pour vents (1963), Spatial Music I pour 32 à 48 musiciens (1966),
III pour 4 groupes d’orchestre (1967) et
IV (Hommage à Stravinski) pour 12 instrumentistes (1968), 2 quatuors à cordes
(1958 et 1963), Spatial Music II pour 4 à
9 percussionnistes (1971), Haiku pour
soprano et piano (1963), Haiku II pour
soprano et orchestre (1968), Litanie de
notre temps, opéra pour la télévision
(1970), Lamento pacis I, II, III d’après
Érasme pour choeur mixte et instruments
(1969), et, dans le domaine électronique,
l’oratorio radiophonique Job (1956), qui
a obtenu le prix Italia, Syntaxis (1965) et
la Naissance de la musique (1978). Citons
aussi Résonances pour orchestre (1985) et
un Concerto pour deux guitares et cordes
(1988). Son livre Musique du XXe siècle est
paru en 1964.
LEFÉBURE (Yvonne), pianiste française
(Ermont 1898 - Paris 1986).
Ses dons précoces lui valent de remporter,
à neuf ans, le prix des Petits-Prodiges du
Conservatoire de Paris. Elle y conquiert
six autres prix et débute en concert à
l’âge de douze ans. Ses maîtres ont pour
noms Maurice Emmanuel (histoire de la
musique), Charles Marie Widor (fugue),
Georges Caussade (contrepoint) et Paul
Dukas (composition). Mais c’est l’enseignement d’Alfred Cortot à l’École normale
de musique qui détermine véritablement
sa carrière, partagée entre l’interprétation
et la pédagogie.
Concertiste, Yvonne Lefébure se produit dans le monde entier, aux côtés des
plus grands chefs : Furtwängler, Mengelberg, Mitropoulos, Munch, Paray. Professeur, elle enseigne à l’École normale
de musique jusqu’en 1939, au Conservatoire de Paris de 1952 à 1967, et fonde
en 1965 une académie d’été, le Printemps
musical de Saint-Germain-en-Laye. Âme
forte de la musique, elle a rallié plusieurs
générations de pianistes à sa quête perfectionniste et passionnée de la structure
et du chant intérieur des oeuvres, et prê-
ché l’exemple en défendant la musique
française de la première moitié du siècle,
en particulier Ravel, Dukas et Maurice
Emmanuel.
LEFÉBURE-WÉLY (LEFEBVRE, dit), famille
d’organistes et compositeurs français.
Isaac-François, organiste ( ? 1746 - Paris
1831). Il fut organiste à Saint-Jacquesdu-Haut-Pas, à Paris, puis à Saint-Roch.
Il publia quelques compositions (sonates
pour violon et clavecin, quatuor pour
deux violons, clavecin et basse continue, 3
recueils d’airs), et fut surtout connu pour
son oratorio sur les Sept Paroles du Christ.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
562
Louis James Alfred, fils du précédent
(Paris 1817 - id. 1869). Il fut, lui aussi,
organiste et compositeur. Enfant prodige, il débuta très tôt : il suppléait son
père à Saint-Roch dès l’âge de dix ans, et
devint titulaire de l’instrument à quinze
ans, avant même d’entrer au Conservatoire. Il a été ensuite organiste à l’église
de la Madeleine (1847-1858), puis à
Saint-Sulpice (1863-1869). Il fut le plus
célèbre organiste du second Empire, admiré pour ses improvisations descriptives.
Ardent propagandiste de l’harmonium,
alors appelé « orgue expressif », il marque
l’apogée de la décadence du goût et de la
technique de l’orgue français, au moment
même où s’en amorce la renaissance. Ses
oeuvres témoignent de sa prolixité : l’Office
catholique, l’Organiste moderne, Vademecum de l’organiste, les Grandes Orgues,
nombreuses pièces pour harmonium,
etc. Il est également l’auteur d’une abondante oeuvre pour piano, de musique de
chambre et d’un opéra, les Recruteurs.
LEFEBVRE ou LEFÈVRE,
patronyme de très nombreux facteurs
d’orgues français, se regroupant en plusieurs dynasties, dont les liens de parenté
sont mal établis.
Tous les Lefebvre ont été actifs au XVIIe
et XVIIIe siècles en diverses provinces françaises : Normandie, Champagne, Bourgogne, Languedoc, Lyonnais. La plus
importante des familles de ce nom est de
souche rouennaise et culmine en JeanBaptiste-Nicolas Lefebvre (1705-1784),
qui fut le rival de François-Henri Clicquot
et de Riepp. Il travailla aux instruments
de Caudebec-en-Caux, Saint-Étienne et
Saint-Pierre de Caen, Saint-Maclou de
Rouen ; son chef-d’oeuvre est l’orgue de
Saint-Martin de Tours (1761), le plus important instrument qu’ait réalisé la facture
française classique, avec 4 claviers et 63
jeux.
LEFEBVRE (Claude), compositeur français (Ardres, Pas-de-Calais, 1931).
Il a étudié au Conservatoire de Paris avec
Darius Milhaud, puis avec Pierre Boulez
à Bâle. Nommé professeur d’analyse et
de composition au conservatoire régional
de Metz (1966), il a fondé dans cette ville
en 1972 les Rencontres internationales
de musique contemporaine, qui, après
la disparition du festival de Royan, sont
devenues, jusqu’à leur propre disparition
en 1993, le principal festival de musique
contemporaine en France. Il dirige depuis
1976 le studio de musique électroacoustique, alors créé en Lorraine, est responsable, depuis 1977, de l’animation musicale au centre Saint-Jacques de Metz, et
dispense, depuis 1978, un cours sur les
nouvelles musiques à l’université de Metz.
Il fut aussi, dans cette ville, l’initiateurfondateur du Centre européen pour la
recherche musicale. Il a obtenu le prix de
musique de chambre de la S. A. C. E. M.
en 1980.
Claude Lefebvre a écrit notamment
Montages pour 24 instruments (1967),
D’un arbre de nuit pour flûte, violoncelle
et piano (Royan, 1971), Musique en liberté
pour trombone, 2 contrebasses et percussions (Metz, 1971), Naissances pour quatre
joueurs pour hautbois et trio à cordes
(Metz, 1971), Etwas weiter pour 24 exécutants (Domaine musical, 1972), Sous le regard du silence pour 2 groupes instrumentaux (Metz, 1973), D’une nuit transpercée
pour orchestre (Metz, 1975), Ivresse-absence pour 19 cuivres (Paris, 1977), Dérives nocturnes pour choeur, 4 cors et orgue
(Metz, 1978), Ramifications pour orgue
(Orléans, 1978), Tourbillonnements pour
un orchestre de jeunes de 21 instruments
et 2 percussions (Metz, 1979), Mémoires
souterraines pour flûte, clarinette et violoncelle amplifiés (Paris, 1980), Océan de
terre pour soprano, solistes et bande, sur
un poème de G. Apollinaire (Metz, 1981),
Lorraine pour cor et bande (1983), Vertige
pour soprano et sextuor à cordes (1993).
LEFEBVRE (Philippe), organiste français
(Roubaix 1949).
Il étudie au Conservatoire de Lille, ainsi
qu’à Nice avec Pierre Cochereau. Dès
1968, il est nommé organiste de la cathédrale d’Arras, tout en poursuivant sa formation au Conservatoire de Paris. Entre
1968 et 1973, il obtient ses premiers prix
d’improvisation et d’orgue dans la classe
de Rolande Falcinelli, puis d’écriture. En
1976, il devient titulaire à la cathédrale de
Chartres, puis en 1985 aux grandes orgues
de Notre-Dame de Paris. Brillant virtuose
et improvisateur, il dirige depuis 1980 le
Conservatoire de Lille tout en contribuant
aux restaurations d’orgues historiques de
la région Nord-Pas-de-Calais.
LE FLEM (Paul), compositeur et critique
musical français (Lézardrieux, Côtesd’Armor, 1881 - Tréguier 1984).
Ayant perdu ses parents de bonne heure,
il songea à une carrière dans la Marine,
mais s’orienta vers la composition, dès ses
années d’études au lycée de Brest. Dans
cette ville, Joseph Farigoul lui donna des
leçons d’harmonie ; il se rendit à Paris à
l’âge de dix-huit ans, eut Lavignac comme
professeur au Conservatoire et écouta la
parole de Bergson à la Sorbonne. Après
un séjour en Russie (1902-1904) - où il
fut précepteur dans une famille moscovite, apprit le russe et demeura attaché au
monde slave -, il revint à Paris. À la Schola
cantorum, Vincent d’Indy le mit dans la
classe d’Albert Roussel. Le Flem devint
ensuite professeur dans cette classe, après
le départ de Roussel ; il y eut comme élèves
Erik Satie, puis Roland-Manuel et André
Jolivet. Il fut directeur des chanteurs de
Saint-Gervais, chef des choeurs à l’OpéraComique, et assista à tous les grands événements de la vie musicale parisienne
depuis la première de Pelléas ; un poste
de critique à la revue Comoedia lui permit,
de 1922 à 1938, de prendre la défense de
nombreux compositeurs, dont Varèse,
Villa-Lobos et Milhaud.
La musique de Le Flem est tout imprégnée de sa Bretagne natale. L’influence du
chant breton y est aussi nette que celles
de d’Indy, de Debussy, de la polyphonie
des XVe et XVIe siècles et de Monteverdi.
Sa personnalité est orientée vers la poésie,
la couleur harmonique, le lyrisme, mais
aussi vers cette vigueur non dénuée de rudesse, qui appartient à ceux dont le cadre
quotidien a été marqué par la mer. Son
oeuvre comprend des recueils pour piano,
Par grèves (1908), Par landes (1908), Vieux
Calvaire (1910), Avril (1911) ; une Sonate
pour violon et piano (1904), un Quintette
pour piano et cordes (1908-1909) ; une
Fantaisie pour piano et orchestre (1911) ;
des oeuvres orchestrales comme les 4
Symphonies (1908-1975) ; de la musique
vocale, Chant de croisades (1923), Invocation (1918), In paradisium (1942), Hommage à Rameau (1964), Morven le Gaélique
(1963) et la Maudite (1967-1971) pour
solos, choeurs et orchestre. En musique
théâtrale, il a donné Aucassin et Nicolette
(1908-1909) sur un sujet d’origine arabe,
tandis que le monde breton devait l’inspirer dans le Rossignol de Saint-Malo (1938),
tiré d’une ancienne ballade, la Clairière
des fées (1948), marquée par les bois et les
forêts, et la Magicienne de la mer (1947),
qui reprend la légende de la ville d’Ys.
Trop souvent tenue à l’écart de la vie
musicale, la musique de Paul Le Flem a
connu un regain de curiosité lors de la
célébration du centenaire du compositeur, qui étonna alors le monde musical
par l’évocation de sa vie, dans des entretiens radiophoniques ou de presse. Il y
fit montre d’une grande clarté d’esprit,
d’une sûreté de jugement sur la musique
d’un siècle, qu’il porte en haute estime
pour sa diversité, et de confiance dans
l’avenir de la musique. Son extraordinaire
présence sur le plan verbal n’a eu d’égale
que sa longévité en matière de création,
cas unique dans l’histoire de la musique.
Le musicien a expliqué que ses oeuvres
anciennes, comme celles pour piano ou
la Première Symphonie, avaient beaucoup
de fraîcheur et de naturel, et qu’il était devenu violent à l’âge de quatre-vingt-quatre
ans, à partir de son Conzertstück pour violon et orchestre (1965). « L’inconscient agit
sur nous insidieusement, la musique a le
pouvoir de traduire ou même de trahir,
si nous ne voulons pas le reconnaître, les
réactions les plus intimes de notre être. Il
s’agit d’une violence longtemps refoulée,
provenant d’une jeunesse vécue sans parents, du retour d’éléments affectifs de la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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première adolescence. » C’est ainsi que les
deux dernières symphonies, la Troisième
(1971) et la Quatrième (1975), ont une
facture plus moderne que les précédentes,
très éloignée de la forme sonate. Une
ultime composition, les Trois Préludes
pour orchestre, comporte des sous-titres
significatifs : Calme, Obsession, Emporté.
Ce n’est que la cécité qui a empêché Paul
Le Flem de continuer à travailler au cours
de ses dernières années. Artiste intègre,
homme d’une grande bonté, Paul Le Flem
s’est peut-être rendu artisan de la méconnaissance de son oeuvre : sa dévotion à la
musique des autres lui a fait négliger la
diffusion de la sienne propre.
LEGATO.
Mot italien désignant une manière de
jouer ou de chanter en « liant » les sons
entre eux sans aucune interruption.
Le legato s’indique souvent par une
courbe de liaison englobant l’ensemble
des sons liés, et qui constitue l’une des
principales indications du phrasé. Dans
l’ancienne technique du clavecin et même
de l’orgue, le legato impliquait que le doigt
ne devait quitter la note qu’après que la
suivante eut été attaquée ; on ne pratique
plus guère aujourd’hui cette façon de procéder.
LEGGE (Walter), imprésario anglais
(Londres 1906 - Saint-Jean-Cap-Ferrat
1979).
Ce mélomane passionné de lyrique a
profondément marqué de son empreinte
la vie musicale européenne de l’aprèsguerre. Déjà en 1927, engagé par la filiale
anglaise de la firme la Voix de son Maître
pour rédiger des pochettes de disques,
il fit adopter le principe de la souscription pour éditer des oeuvres importantes
jusque-là négligées par le disque : quatuors de Haydn, lieder de Wolf, intégrale
des sonates de Beethoven (par Schnabel).
Critique musical suppléant du Manchester
Guardian (jusqu’en 1937), il fonda en 1932
le London Lieder Club et devint en 193839 l’assistant de sir Thomas Beecham à la
tête de l’Opéra royal de Covent Garden.
Mais c’est pendant la guerre que se ré-
véla son don d’organisateur et de « talent
scout ». Il mit sur pied des concerts pour
les soldats et les ouvriers. La paix revenue,
il sillonna l’Europe pendant près de vingt
ans, à la recherche de nouveaux talents
pour le compte de la firme Gramophone
Company. Des disques remarquables
témoignent de son discernement : enregistrements du festival de Bayreuth 1951,
Tosca dirigée par de Sabata, Falstaff et le
Chevalier à la rose par Karajan, toutes les
interprétations de Ginette Neveu, Callas, Lipatti, un grand nombre d’opérettes
viennoises avec Élisabeth Schwarzkopf
(sa seconde femme), etc. Parti d’un quatuor qu’il fonda en 1945, le Philharmonia
Orchestra, mis sur pied grâce au soutien
financier du mah¯ar¯adjah de Mysore,
révolutionna la vie musicale britannique,
sous la direction de Karajan, Cantelli,
Toscanini, Klemperer, Giulini, etc. Cet
orchestre fut complété en 1957 par un
choeur confié à Wilhelm Pitz. Directeur
associé de la Gesellschaft der Musikfreunde de Vienne en 1946, directeur artistique du Covent Garden de 1958 à 1963,
Walter Legge se vit contraint en 1964 de
dissoudre le Philharmonia Orchestra et
abandonna sa compagnie au groupe EMI,
sans renoncer pour autant à promouvoir
des concerts et à produire des disques
pour différentes compagnies.
LEGLEY (Victor), compositeur belge (Hazebrouck 1915).
Il a fait ses études à Ypres, puis à Bruxelles,
et travaillé ensuite avec Jean Absil. Altiste
à l’orchestre de la radio belge (1936-1948),
second prix de Rome en 1943, il a enseigné l’harmonie (1949-1959), puis la composition (1959-1980) au conservatoire de
Bruxelles, et les mêmes disciplines, ainsi
que l’analyse, à la chapelle Reine-Élisabeth (1950-1980). Il a beaucoup fait pour
la diffusion dans son pays de la musique
contemporaine, en particulier comme chef
de production au troisième programme de
la radiotélévision belge (1962-1976). Dans
un style robuste mais raffiné, il a écrit,
notamment, 6 symphonies (1942, 1947,
1953, 1964, 1965, 1976), le poème symphonique la Cathédrale d’acier (1958), 2
concertos pour violon (1947, 1966), 4 quatuors à cordes (1941, 1947, 1956, 1963),
et, plus récemment, plusieurs pièces pour
orchestre d’harmonie, dont Hommage à
Jean Absil (1979).
LEGRANT (Guillaume, dit Guillaume Lemacherier), compositeur français (déb.
du XVe s.).
Chantre à la chapelle pontificale en 1419,
il était à Rouen en 1446. Il a laissé des
fragments de messe et des chansons à 3
voix, qui ont eu l’honneur, à plusieurs
reprises, d’une transcription instrumentale dans des recueils comme le Buxheimer
Orgelbuch et le Fundamentum organizandi
de Conrad Paumann.
LEGRANT (Johannes), compositeur français (déb. du XVe s.).
Il ne semble pas devoir être confondu
avec Guillaume Legrant, compositeur à
la même époque. On pense qu’il a été actif
de 1420 à 1440. Il fut l’auteur de fragments
de messe et de chansons à 3 voix, mais on
ne possède sur lui aucune donnée biographique.
LEGRENZI (Giovanni), compositeur italien (Clusone, près de Bergame, 1626 Venise 1690).
Issu d’une famille de musiciens (son père
était compositeur), il semble avoir reçu
ses premières leçons à Bergame avant de
travailler avec Giovanni Rovetta à Venise.
On le trouve en 1645 organiste de l’église
Santa Maria Maggiore à Bergame, puis,
en 1657, maestro di capella de l’Accademia dello Spirito Sancto à Ferrare. Directeur du Conservatorio dei Mendicanti
de Venise à partir de 1672, il fut ensuite
nommé sous-maître de la basilique San
Marco (1681), puis devint le titulaire de
ce poste (1685) et, dès lors, se consacra,
jusqu’à sa mort, à la musique religieuse. Il
fut, à Venise, un professeur renommé et
compta parmi ses élèves Antonio Caldara
et Antonio Lotti.
Auteur d’une vingtaine d’opéras, représentés pour la plupart à Venise, Giovanni
Legrenzi contribua, avec une grande
originalité, au développement du genre.
Quatre partitions seulement nous sont
parvenues : Eteocle e Polinice (1675), Germanico sul Reno (1676), Totila (1677), et Il
Giustino (1683), qui semble sa plus grande
réussite pour avoir été joué dans les principales villes d’Italie. Haendel devait
mettre ce livret en musique pour Londres
(1737). Entre 1676 et 1678, Legrenzi fit
publier 3 recueils de musique vocale, des
cantates et des canzonettes, qui emploient
une grande variété de formes. Tel est le
livre de Cantate, e Canzonette a voce sola
(Bologne, 1676), où les airs sont en général assez courts, solidement construits,
alternant avec des récitatifs qui se transforment aisément en un arioso expressif.
Les textes sont spécifiques de la poesia per
musica de l’époque ; ils ont, le plus souvent, pour thème l’amour non partagé et
contiennent tous les « effets » que le compositeur souhaitait y trouver. Legrenzi
composa 6 oratorios, dont l’Oratorio del
Giudizio (Vienne, 1665), La Vendita del
cuor humano pour 4 voix et basse continue
(Ferrare, 1676) et La Morte del cuor penitente (Vienne, 1705). Il a également laissé
des messes, des motets et des psaumes. Il a
fait imprimer plusieurs livres de musique
instrumentale, des sonates da chiesa et da
camera (1655, 1656, 1663 et 1673), où,
là encore, son rôle fut déterminant pour
l’histoire des formes.
LEGROS (Joseph), chanteur et compositeur français (Monampteuil, près de
Laon, 1730-La Rochelle 1793).
Célèbre ténor, il chanta à l’Opéra de Paris
de 1764 à 1783, participant de 1774 à 1779
à la création des opéras de Gluck Iphigénie
en Aulide (rôle d’Achille), Orphée (rôletitre), Alceste (Admète) et Iphigénie en
Tauride (Pylade). En 1777, il prit la direction du Concert spirituel, qu’il conserva
jusqu’à sa dissolution en 1790, et en 1778
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commanda à ce titre à Mozart sa Symphonie en ré majeur no 31 K.297 (Paris).
LEGUAY (Jean-Pierre), organiste français (Paris 1939).
Il étudie auprès d’André Maréchal, de
Gaston Litaize et, au Conservatoire de
Paris, de Rolande Falcinelli et d’Olivier
Messiaen. Après y avoir obtenu un premier prix d’orgue en 1966, il remporte en
1967 le premier prix au Concours international d’improvisation de Lyon. Titulaire
des orgues de Notre-Dame-des-Champs
(Paris) jusqu’en 1984, il est nommé l’année suivante cotitulaire des grandes orgues de Notre-Dame de Paris. Il est aussi
compositeur et enseignant.
LEHAR (Franz), compositeur autrichien
(Komarom 1870 - Bad Ischl 1948).
Après des débuts comme violoniste et
comme chef de divers orchestres militaires, il se tourna vers l’opérette, dont il
fut le rénovateur et le principal représentant au XXe siècle, et trouva là sa véritable
voie. Ses oeuvres « sérieuses » de jeunesse,
parmi lesquelles 2 concertos pour violon,
sont, en revanche, totalement oubliées.
Il commença à s’imposer avec
Kukuschka (Leipzig, 1896), et parvint à
la gloire avec la Veuve joyeuse (Vienne,
1905), ouvrage qui, du jour au lendemain,
fit de lui l’héritier de Johann Strauss. Suivirent, entre autres, le Comte de Luxembourg (Vienne, 1909) et Zigeunerliebe
(1910). Après la Première Guerre mondiale, il retrouva le succès avec une série
d’opérettes écrites pour le ténor Richard
Tauber : Paganini (1925), le Tsarévitch
(1927), Friederike (1928) et surtout le Pays
du sourire (1929). Sa dernière oeuvre, Giuditta, fut donnée à Vienne en 1934. Il eut
recours aussi bien à la valse viennoise qu’à
des danses plus modernes, et on décèle
dans ses ouvrages non seulement de fortes
influences slaves, mais aussi celles du folklore des divers pays où se situent leurs
actions respectives.
LEHMANN (Fritz), chef d’orchestre allemand (Mannheim 1904 - Munich 1956).
Il mena de front des études musicales à
la Hochschule für Musik de Mannheim
(1918-1921) et une éducation générale aux
universités de Heidelberg et de Göttingen.
Il fut chef d’orchestre au théâtre de Gottingen (1923-1927), avant de se tourner
vers l’enseignement, à la Folkswangschule
d’Essen (1927-1929). À la fois chef de
choeur et d’orchestre à Hildesheim (192728), puis à Hanovre (1929-1938), il prit, en
1934, à la suite de O. Hagen, la direction
musicale du festival Haendel de Göttingen. Après avoir été successivement directeur général de la musique à Bad Pyrmont
(1935-1938), à Wuppertal (1938-1947)
et de nouveau à Göttingen (1947-1950),
il revint à l’enseignement de la direction
d’orchestre à partir de 1953, à la Hochschule für Musik de Munich. Les enregistrements qu’il réalisa à la tête de la Philharmonie de Berlin ou des phalanges de
Bamberg et de Vienne sont des modèles
d’équilibre et de pudeur, particulièrement
appropriés à l’univers d’un Haendel ou
d’un Mozart, ses auteurs de prédilection.
LEHMANN (Hans Ulrich), compositeur
suisse (Biel 1937).
Après des études musicales (violoncelle,
théorie, composition) aux conservatoires
de Biel, Zurich et Bâle, il a suivi les cours
de composition de P. Boulez et de K.
Stockhausen à l’Académie de musique de
Bâle (1960-1963) et ceux du professeur K.
von Fischer à l’université de Zurich. Il a
été nommé professeur de théorie à l’Académie de musique de Bâle en 1964, puis
professeur de musicologie à l’université
(1969) et de composition et de théorie au
conservatoire de Zurich (1972), établissement qu’il dirige depuis 1976.
Lehmann porte une attention particulière au timbre instrumental. Sans utiliser l’électronique, il a considérablement
élargi l’univers des timbres traditionnels.
Il fut parmi les premiers à introduire les
accords-flageolets (sons dits Bartolozzi),
par exemple dans Mosaik pour clarinette solo (1964), et à utiliser pour les
instruments à vent des accords, des sons
doubles, des sons-bruits, des quarts de ton
glissants, et la simultanéité du jeu et du
chant, par exemple dans Konzert pour 2
instruments à vent (flûte et clarinette) et
cordes (1969) ou dans Gegen-(bei-) spiele
pour 5 instruments à vent (1973). Dans
Tractus pour flûte, hautbois et clarinette,
il a eu recours aux procédés d’indétermination. La matière sonore de ses oeuvres
est toujours soumise à des gestes formels
simples, facilement saisissables à l’écoute,
et repose sur le principe de la transformation timbrale continue (le compositeur
parle à ce propos de « musique végétative »). Des ouvrages comme Quod libet
pour violon et piano (1974) ou comme
... zu streichen pour 2 violoncelles, 2 violons et 2 altos (1975) cherchent à mettre
en évidence le côté proprement gestuel de
la pratique musicale. On lui doit notamment Quanti I pour flûte solo et orchestre
de chambre (1962), Régions pour flûte
seule (1963), Discantus I pour hautbois et
cordes (1971) et II pour soprano, orgue et
orchestre de chambre (1971), Positionen
pour orchestre (1971), À la recherche pour
2 orgues et voix (1973), Streuungen pour
choeur et orchestre (1975-76), Tantris
pour soprano, flûte et violoncelle sur un
texte de J. Joyce (1976-77), Kammermusik
« Hommage à Mozart » pour orchestre de
chambre (1978-79), Kammermusik II pour
petit orchestre (1979), Duette pour 3 participants (1980) et Theolalie pour soprano,
flûte et violoncelle (1981).
LEHMANN (Lili), soprano allemande
(Warzbourg 1848 - Berlin 1929).
Elle étudia le chant avec ses parents, qui
étaient tous deux chanteurs. Elle débuta
à Prague en 1865 dans le rôle du premier
génie de la Flûte enchantée de Mozart.
Engagée à l’opéra de Berlin, elle y chanta
pendant quinze ans une grande variété de
rôles lyriques et coloratur. En 1880, elle
fut Philiné dans Mignon d’Ambroise Thomas et Violetta dans la Traviata de Verdi
à Londres. Puis elle évolua vers les rôles
de soprano dramatique, aborda Wagner
et incarna pour la première fois Isolde en
1884 sous la direction de Hans Richter.
Elle participa à l’inauguration de Bayreuth
en 1876, et, en 1896, y chanta Brunehilde.
Ce qui ne l’empêcha pas d’incarner Donna
Anna de Don Giovanni et Constance de
Die Entführung aus dem Serail de Mozart
au festival de Salzbourg, dont elle assuma
la direction artistique en 1905. Elle quitta
la scène en 1909, mais donna des récitals
jusque dans les années 20. Elle interpréta
170 rôles différents en allemand, en italien et en français. Elle fut l’une des plus
grandes techniciennes du chant et publia
un traité en la matière.
LEHMANN (Lotte), soprano allemande
naturalisée américaine (Perleberg 1888 Santa Barbara, Californie, 1976).
Elle fit ses débuts en 1903 à Hambourg
dans la Flûte enchantée (rôle du troisième
génie). Elle fut engagée en 1916 à l’opéra
de Vienne, qui demeura son principal
port d’attache jusqu’à l’Anschluss. Elle y
créa les rôles du compositeur dans Ariane
à Naxos (1916) et la teinturière dans la
Femme sans ombre (1919) de Richard
Strauss. Elle fut une des interprètes favorites de ce dernier, qui la fit venir à Dresde
pour la création d’Intermezzo (rôle de
Christine). À Vienne, elle chanta encore
Arabella de Richard Strauss et surtout la
Maréchale dans le Chevalier à la rose, où
elle s’illustra particulièrement. Élisabeth
dans Tannhäuser, Elsa dans Lohengrin, Eva
dans les Maîtres chanteurs furent ses rôles
wagnériens. On admirait aussi beaucoup
sa Leonore dans Fidelio de Beethoven. De
nombreux ouvrages italiens figuraient à
son répertoire, dont la Tosca, Soeur Angélique et Turandot de Puccini. Immigrée
aux États-Unis, elle fut, jusqu’en 1945,
une des étoiles du Metropolitan Opera de
New York. Après cette date, elle donna
des récitals encore pendant six ans. Son
timbre vocal était d’une rare beauté. Elle
possédait une présence à la fois musicale
et humaine, qui l’a rendue inoubliable.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
565
LEIBNIZ (Gottfried Wilhelm), philosophe
allemand (Leipzig 1646 - Hanovre 1716).
Appartenant au siècle des Lumières,
Leibniz contribua de fait à la naissance
de l’esthétique théorique. Il n’a pas laissé
d’écrit sur la musique, mais sa correspondance, avec Conrad Hefling notamment,
montre qu’il s’est intéressé au calcul des
intervalles et qu’il connaissait les bases
théoriques de la musique. Dans son système de l’harmonie préétablie, la musique
ne pouvait que rendre compte de l’ordre
mathématique et harmonieux du monde
et c’est là ce qui expliquait son effet sur
les sens. Leibniz indiquait, d’autre part,
quelle place il convenait d’attribuer à
la musique au sein de sa théorie de la
connaissance en écrivant dans une lettre
à Christoph Goldbach (1712) : « Musica
est exercitium arithmeticae occultum nescientis se numerare animi », et dans les
Principes de la nature et de la grâce fondés
en raison (1714) : « Les plaisirs mêmes des
sens se réduisent à des plaisirs intellectuels
confusément connus. La musique nous
charme quoique sa beauté ne consiste que
dans les convenances des nombres et dans
le compte dont nous ne nous apercevons
pas, et que l’âme ne laisse pas de faire,
des battements ou vibrations des corps
sonnants qui se rencontrent par certains
intervalles. »
LEIBOWITZ (René), compositeur, musicologue et pédagogue français d’origine
polonaise (Varsovie 1913 - Paris 1972).
Il étudia le violon à l’âge de cinq ans, vint
à Paris en 1926 et fut marqué de façon
décisive par les leçons de Schönberg et de
Webern à Berlin et à Vienne (1930-1933).
Il étudia aussi l’orchestration avec Ravel à
Paris (1933). Sa grande notoriété lui vint
de ses activités de professeur et de pédagogue.
C’est Leibowitz qui, de 1945 à 1947,
à Paris, dans le cadre de cours privés, fit
découvrir l’école viennoise de Schönberg,
Berg et Webern, alors ignorée et/ou méprisée, à de nombreux jeunes compositeurs, parmi lesquels Pierre Boulez. Parallèlement, il publia, pour la première fois
en France sur ce sujet, deux ouvrages fondamentaux, Schoenberg et son école (1946)
et Introduction à la musique de douze sons
(1949). Il exerça en même temps des activités de chef d’orchestre. Mais, dans son
enseignement comme dans ses oeuvres, et
fidèle en cela au dodécaphonisme le plus
orthodoxe, il s’attacha exclusivement à
l’organisation sérielle des hauteurs, ce qui
le fit considérer comme démodé même
par ceux qui avaient le plus profité de son
enseignement.
Il publia encore l’Artiste et sa conscience
(1950), réfutation des thèses de Jdanov,
l’Évolution de la musique de Bach à Schönberg (1952), Histoire de l’opéra (1957),
Schönberg (1969), le Compositeur et son
double (1971) et les Fantômes de l’opéra
(posthume, 1973).
Comme compositeur, René Leibowitz a
laissé une centaine d’oeuvres, pour la plupart jamais jouées. Parmi celles-ci, 5 opéras, dont les Espagnols à Venise (1963, créé
à Grenoble, 1970). Il joua un rôle essentiel
à un moment décisif de l’histoire musicale
du XXe siècle.
LEICHTENTRITT (Hugo), musicologue
allemand (Pleschen, Posen, 1874 - Cambridge, Mass., 1951).
Également critique et compositeur, il étudia à Harvard, Paris et Berlin, rédigea une
thèse sur les opéras de Keiser, et enseigna
à Berlin, puis de 1933 à 1940 à Harvard
(Geschichte der Motette, 1908 ; Music, History and Ideas, 1938).
LEIDER (Frida), soprano allemande (Berlin 1888 - id. 1975).
Elle connut une double formation vocale à
Berlin et à Milan, ce qui lui permit d’aborder le répertoire italien, aussi bien que le
répertoire allemand. Elle débuta à Halle
en 1915 (Vénus de Tannhäuser). Bien que,
sur le plan international, sa carrière se soit
surtout spécialisée dans les rôles wagnériens (Isolde, Brunehilde), elle contribua,
en Allemagne, à la renaissance des opéras de Verdi, qui eut lieu dans les années
20. Elle excellait particulièrement dans
Leonora d’Il Trovatore et dans Aïda. Elle
était aussi une remarquable Donna Anna
dans Don Giovanni de Mozart. Elle fut
soprano principale à l’Opéra de Berlin de
1923 à 1940, ce qui ne l’empêcha pas de
se produire à Londres, à Paris, à Chicago
et à New York. Sa voix au timbre riche et
corsé, sa musicalité accomplie, une très
belle technique de chant, la firent triompher dans tous les grands rôles dramatiques qu’elle interpréta.
LEIFS (Jón), compositeur, pianiste, chef
d’orchestre et musicographe islandais
(Ferme de Solheimer, Islande du Nord
1899 - Reykjavík 1968).
Son rôle est important en Islande, car il
a été à la fois un compositeur original et
celui qui a effectué le plus de recherches
pour justifier la naissance d’une école nationale. Il fit de nombreux voyages sur le
continent européen, notamment en Allemagne, jusqu’à ce que, sous le IIIe Reich, il
fût inscrit sur la liste noire des musiciens.
Son oeuvre créée là-bas a disparu dans les
bombardements. Nationaliste, Leifs n’est
cependant pas un postromantique. Il s’intéresse aux rémur (danses) et aux tvísöngur (organa) et les amalgame à ses oeuvres
(Islande, ouverture, op. 9). Il se plaît également à adjoindre à l’orchestre traditionnel romantique de nombreux instruments
ou accessoires originaux : lurs, boucliers
vikings, massues en bois, pierres, chaînes
(Sögu-sinfonia op. 26, 1950 ; poème symphonique Hekla op. 52, 1964). Son oeuvre
comprend encore 3 quatuors à cordes, des
musiques de scène, des cantates et choeurs,
1 quintette, 1 concerto pour orgue et des
pièces pour piano et orgue.
LEINSDORF (Erich), chef d’orchestre
américain d’origine autrichienne
(Vienne 1912).
Après avoir terminé ses études (piano,
violoncelle et composition) à l’académie
de musique de sa ville natale, il est engagé
comme répétiteur au Singverein der Sozialdemokratischen Kunstelle, que dirige
Webern. De 1934 à 1937, il est l’assistant de Bruno Walter, puis de Toscanini
au festival de Salzbourg. À la suite d’une
tournée remarquée en Italie, il est nommé,
en 1937, sur la recommandation de Lotte
Lehmann, chef assistant au Metropolitan
Opera de New York, où il débute en dirigeant la Walkyrie. Malgré l’opposition de
certains chanteurs, dont Lauritz Melchior
et Kirsten Flagstad, il se voit confier en
1939 la responsabilité du répertoire allemand. Il succède en 1943 à Arthur Rodzinski, à la tête de l’orchestre de Cleveland, qui rompt son contrat en 1946.
Après avoir été directeur musical de
l’orchestre philharmonique de Rochester
(1947-1955), Leinsdorf renoue avec les
théâtres lyriques, dirigeant tour à tour
le New York City Opera (1956), puis le
Metropolitan Opera (1957-1962), en tant
que conseiller musical. Deux demi-échecs
pour cet ennemi de la routine, qui accepte
un dernier poste, celui de directeur musical de l’orchestre symphonique de Boston (1962-1969). Il y poursuit l’action de
Charles Munch en élargissant le répertoire. À partir de 1969, renonçant à tout
poste fixe, il mène une carrière de chef
invité, aussi bien au Metropolitan (qu’il
dirige à Paris, dans le cadre du Théâtre des
nations) que dans différents festivals (en
1972, il dirige Tannhäuser à Bayreuth). Il
se consacre de plus en plus à la pédagogie,
aussi bien par des cours de perfectionnement, à Tanglewood, en particulier, que
par des concerts pour enfants.
Méconnu en Europe, où sa carrière lui
a valu une réputation d’instabilité, Leinsdorf a toujours défendu une conception
ludique de la musique, privilégiant la
spontanéité et l’intuition. Sa direction est
à l’image de l’homme : élégante et probe.
LEITMOTIV (all. : « motif conducteur »).
Terme inventé par le directeur des Bayreuther Blätter, Hans von Wolzogen, à l’usage
du drame wagnérien, et qui a supplanté
le terme employé par Wagner lui-même,
le Grundthema (« thème fondamental »).
Le leitmotiv est un thème qui, associé
par convention à une idée ou à un personnage, permet à la musique, par la manière
dont il est employé et éventuellement
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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varié, non seulement d’évoquer la pré-
sence de cette idée ou de ce personnage,
mais encore d’en suggérer les transformations ou de révéler les pensées secrètes
des acteurs, voire de servir de base, à la
manière d’un thème de symphonie, à l’architecture d’une scène musicale.
Contrairement à ce que l’on croit
souvent, le système du leitmotiv, qui
devait transformer de fond en comble la
conception du théâtre lyrique à la fin du
XIXe siècle, n’a pas été inventé par Wagner.
On en trouve chez Grétry. L’idée semble
en avoir été aussi suggérée par Grillparzer
à Beethoven, pour un projet d’opéra, Mélusine, jamais réalisé. C’est Berlioz (Idée
fixe de la Symphonie fantastique), suivi par
Liszt (dans ses poèmes symphoniques),
qui en fut le véritable créateur, mais Wagner, après lui, l’a non seulement codifié,
mais développé et poussé dans ses dernières oeuvres à un tel degré de perfection
et de richesse que l’on peut légitimement
lui en laisser le patronage.
LEJET (Édith), femme compositeur française (Paris 1941).
Élève de Marcel Beaufils (esthétique générale), Jean Rivier et André Jolivet (composition) au Conservatoire de Paris, elle
a obtenu le prix de la Vocation en 1967,
un premier second grand prix de Rome en
1968, et le prix de musique de chambre de
la S. A. C. E. M. en 1979. De 1968 à 1970,
elle a été pensionnaire de la Casa Velázquez à Madrid. On lui doit, notamment,
Quatre Mélodies pour chant et piano sur
un poème de F. García Lorca (1966), Monodrame pour violon et orchestre (1969),
Journal d’Anne Frank pour choeur de
jeunes filles et 8 musiciens (1968-1970),
Musique pour René Char pour ensemble
de chambre (1974), Hommage au maître
des Hauteurs et des Lointains pour 24
cordes (1974-75), Harmonie du soir pour
orchestre de chambre (1977), Deux Antiennes pour quintette de cuivres (1978),
Concerto pour flûte (1980), oratorio les
Rois mages (1987-1989), Sept Chants sacrés
pour choeur et orgue (1990).
LE JEUNE (Claude, Claudin), compositeur français (Valenciennes v. 1530 Paris 1600).
On ignore tout de sa jeunesse et de sa
formation (peut-être participa-t-il à une
maîtrise du Nord et séjourna-t-il quelque
temps en Italie) jusqu’à sa première men-
tion dans un recueil de chansons publié à
Louvain (1552) et à son installation à Paris
(v. 1564), où il devint le protégé de deux
seigneurs protestants, François de la Noue
et Charles de Téligny : il leur dédia ses Dix
Pseaumes de David en forme de motets.
Membre actif, dès sa fondation, de
l’Académie de poésie et de musique (1570)
fondée par J.-A. de Baïf et Courville, et
qui avait pour but de restaurer l’union des
deux arts ainsi que de faire revivre, dans
la langue française, la musique mesurée
à l’antique, Claude Le Jeune s’y imposa
comme le musicien le plus novateur. Il sut
en tirer toutes les possibilités rythmiques.
Échappant aux massacres de la Saint-Barthélemy (1572), il entra comme maître de
musique au service de François, duc d’Anjou et frère du roi Henri III (av. 1582), et
l’accompagna vraisemblablement dans
l’expédition d’Anvers contre les Espagnols. Dans cette ville fut publié, chez
Plantin, son Livre de meslanges (1585).
Le Jeune servit ensuite divers nobles protestants en un temps où sa réputation
était aussi grande que celle du « divin »
Orlande. Hostile à la Ligue, il s’enfuit à La
Rochelle, tandis que Jacques Mauduit parvenait à mettre en lieu sûr ses manuscrits.
En 1596, Henri IV nomma Claude
Le Jeune compositeur ordinaire de la
Chambre du roi. Rapin l’appelait le « Phénix des musiciens « ; Mersenne aimait
louer la « beauté et diversité des ses mouvements ». Mais peut-être faut-il d’abord
souligner la variété des genres qu’il pratiqua avec une égale liberté : psaumes, motets, chansons, chansons spirituelles, airs,
etc. Par exemple, dans le Printemps (édité
par sa soeur, Cécile Le Jeune, en 1603), il
varie les dispositifs vocaux, fait alterner
sur le plan structural couplets (chants) et
refrains (rechants), sachant placer à bon
escient un trait expressif. Son admiration
pour Janequin s’y révèle par l’emprunt
de l’Alouette et du Rossignol, deux pièces
polyphoniques auxquelles Le Jeune ajoute
une cinquième voix. Sans doute veut-il
ainsi relier à la tradition le style nouveau,
plus homorythmique et particulièrement
personnel sur le plan harmonique, qu’il
développe dans trente-trois des trenteneuf pièces du Printemps.
Si faire naître des passions en retrouvant l’ethos primitif de la musique est
l’une de ses aspirations, Le Jeune semble
avoir réussi auprès de ses contemporains,
puisque l’exécution en 1605 de deux de ses
Pseaumes par plus de cent chanteurs produisit un tel effet sur Eustache Du Caurroy
qu’il « se convertit » à la musique mesurée.
En la matière, mode et rythme ne sont que
des moyens qui lui permettent, comme
dans les Octonaires de la Vanité et inconstance du monde, sur un texte d’Antoine de
La Roche Chandieu, de mieux cerner l’essence du poème, une oeuvre engagée, où la
polyphonie très ornée concourt à l’expressivité. L’oeuvre se divise en douze sections,
chacune écrite dans l’un des douze modes
utilisables à la fin du XVIe siècle.
Mais Claude Le Jeune ne saurait être enfermé dans une seule esthétique sur le plan
de la musique spirituelle et religieuse : il a
mis en musique Dix Pseaumes de David en
forme de motets (1564), en faisant oeuvre
originale du point de vue mélodique. La
mélodie traditionnelle se rencontre, d’ailleurs, chez lui, dans une harmonisation
note contre note, à 4 voix, à moins que,
assurant le lien entre les diverses strophes,
elle ne circule librement entre les parties. C’est le cas du Dodécacorde (1598),
douze psaumes polyphoniques établis de
nouveau sur les douze modes de Glaréan.
Notons aussi qu’il a pu préférer aux vers
de Marot, rebelles à l’esthétique nouvelle,
ceux de Baïf et d’Agrippa d’Aubigné (126
Pseaumes en vers mesurés, Te Deum, 1606).
Dans le recueil d’Airs paru chez Ballard
en 1608, on retrouve des pièces remaniées
écrites à l’origine pour le mariage du duc
de Joyeuse (1581).
Tel est le cas de Comment pensés vous
que je vive : sur un bercement ternaire, les
cinq voix entrent une à une avec chaque
nouvelle strophe poétique, suggérant ainsi
la mise en scène de cette pièce.
Le modernisme du langage harmonique
de Le Jeune n’est peut-être nulle part
plus frappant, plus étonnant que dans la
chansonnette pour 3 voix aiguës Qu’est
devenu ce bel oeil, extraite du recueil de
1594. Enfin, il a signé un certain nombre
de villanelle (par exemple, O Villanella
bella à 4 voix) et de madrigaux italiens.
Ces derniers, écrits dans le style de maturité du genre à 5 voix, exploitent les possibilités contenues dans le texte, que ce soit
l’élan rythmique de Io ti ringrati’ amor ou
la chute chromatique de Viv’ in dolor.
En somme, l’oeuvre de Claude Le Jeune
se présente, en cette fin du XVIe siècle,
comme une oeuvre de synthèse ouvrant
la voie aux nouvelles formes du siècle
suivant. Dans le domaine de la musique
mesurée à l’antique en particulier, son
influence a été grande chez les premiers
maîtres de l’air de cour.
LEJEUNE (Jacques), compositeur français (Talence 1940).
Membre, depuis 1968, du Groupe de
recherches musicales de l’I.N.A., à Paris,
il y poursuit la réalisation d’oeuvres de
musique électroacoustique marquées par
une recherche de synthèse et de cohabitation entre des sons empruntés à la vie
quotidienne et aux phénomènes naturels,
et des matériaux sonores plus abstraits. Il
excelle surtout à construire dans l’espace,
à « orchestrer » des paysages sonores aux
perspectives nettes et bien dessinées. Dans
sa première période (D’une multitude en
fête, 1969 ; Cri, 1972 ; OEdipe Underground,
1972), la balance penche encore vers
l’humour, et les rencontres surréalistes
de son hétérogènes. À partir de Parages
(1973-74), oeuvre en 3 parties comprenant
un « cycle d’Icare », thème cher au compositeur, et un vaste mouvement intitulé
Traces et Réminiscences, et dans Entre terre
et ciel (1979), il stylise l’évocation anecdotique, la dépouille de son pittoresque pour
n’en garder que la valeur symbolique,
« archétypale ». Les Paysaginaires 1 et 2
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
567
(1976) et Symphonie au bord d’un paysage
(1981), où la bande magnétique dialogue
respectivement avec une flûte, des percussions, des synthétiseurs joués en « live »,
élargissent le domaine d’expression du
compositeur vers le jeu en direct.
LEKEU (Guillaume), compositeur belge
(Heusy, près de Verviers, 1870 - Angers
1894).
Au cours de ses humanités classiques, à
Poitiers, où ses parents s’étaient retirés, il
se sent attiré par les sciences, la littérature,
le violon. Subitement, en 1885, il prend
conscience de sa vraie vocation : elle est
musicale. Ayant lu attentivement les qua-
tuors de Beethoven, il se met à écrire : Trio
en ré mineur et Tempo di Mazurka pour
piano que suivent, en 1886, Commentaires
sur les paroles du Christ et Méditation et
Menuet pour quatuor à cordes, Lamento
et Lento Doloroso pour piano, la Fenêtre
de la maison paternelle (mélodie, inédite). En 1888, il vient à Paris, entreprend
des études de philosophie. Puis, sur les
conseils de Wyzewa et Sailles, il se tourne
résolument vers la musique.
D’abord élève de Vallin au Conservatoire (harmonie), il travaille ensuite avec
Franck et surtout Vincent d’Indy (composition), recevant en 1891 la seconde récompense au concours belge pour le prix
de Rome avec la cantate Andromène (jouée
à Verviers avec succès, 1892). Remarqué
par Ysaye, qui lui commande alors une Sonate pour piano et violon, Lekeu compose
d’arrache-pied. Il meurt à vingt-quatre
ans, du typhus, sans avoir pu donner sa
vraie dimension.
C’est un tempérament généreux, noble,
soucieux de la dignité de son art. Tard
venu à la musique, tôt disparu, Lekeu
apparaît comme un artiste probe, sincère,
plein de promesses auxquelles la maturité eût, sans aucun doute, apporté une
richesse exemplaire. Davantage tourné
vers la musique pure que vers la musique
dramatique, il a laissé un oeuvre brûlant
d’un feu intérieur très vif, générateur de
lyrisme, qu’organise et discipline une solide structure cérébrale : en témoigne sa
grande Sonate (1892). Familier de la poésie romantique et symboliste (il fréquente
Mallarmé), Lekeu laisse une dizaine de
mélodies, la plupart écrites sur ses propres
textes. La qualité de ses compositions
abouties ou inachevées (Sonate pour violoncelle et piano, 1888, et Quatuor à cordes,
1892, terminés par d’Indy) démontre
son attachement au franckisme (forme
et expression esthétique), mais aussi une
volonté parallèle de le dépasser afin de
s’exprimer pleinement.
LEMMENS (Jacques Nicolas), organiste, pédagogue et compositeur belge
(Zoerle-Parwijs, Anvers, 1823 - Zemst,
près de Malines, 1881).
Formé en ses débuts par son père, luimême organiste, puis par Adolf Friedrich
Hesse à Breslau et par Fétis, il fut nommé
professeur d’orgue au Conservatoire de
Bruxelles en 1849 et enseigna à partir de
1878 à l’École de musique religieuse de
Malines. Maître de Guilmant, de Widor
et de Clément Loret, il composa pour son
instrument trois sonates (parues en 1874)
et des pièces diverses. Il publia en 1862
École d’orgue basée sur le plain-chant romain. Son Du chant grégorien, sa mélodie,
son rythme, son harmonisation parut à titre
posthume (1884). Il connut comme interprète un succès international, se produisant à Paris à la Madeleine, à Saint-Vincent-de-Paul et à Saint-Eustache, et fut un
des principaux artisans de la renaissance
des oeuvres pour orgue de Bach.
LEMNITZ (Tiana), soprano allemande
(Metz 1897 - Berlin 1994).
Elle commence ses études de chant à Metz
et les poursuit à Francfort auprès d’Antoni
Kohmann. Après ses débuts en 1920, elle
appartient à la troupe de l’Opéra d’Aix-laChapelle jusqu’en 1924, à celle de Hanovre
de 1928 à 1933. De 1934 à 1957, elle chante
à la Staatsoper de Berlin, où elle connaît
un très grand succès, ainsi qu’au Covent
Garden de Londres (Eva des Maîtres chanteurs, Jenufa en création anglaise en 1950).
Parmi ses grands rôles, il faut citer Mimi,
Micaëla, Aïda, Sieglinde, et surtout Octavian et Pamina (dans le premier enregistrement intégral de la Flûte enchantée sous
la direction de Beecham en 1937-38), ainsi
que le répertoire slave et tchèque. Elle fut
aussi une grande interprète de lieder.
LEMOINE.
Maison parisienne d’édition fondée en
1772 par le virtuose de la guitare Antoine
Marcel Lemoine (1753-1817), et dirigée
jusqu’à nos jours par ses descendants,
actuellement André Lemoine (né en 1907)
et son fils Max (né en 1922).
Spécialisée dans les ouvrages d’enseignement, la firme a publié notamment
les célèbres traités d’instrumentation et
d’orchestration de Berlioz, Gevaert et
Widor, ainsi que le Panthéon des pianistes
et le Répertoire classique du chant français.
LENAERTS (René Bernard Maria), musicologue belge (Bornem, près d’Anvers,
1902 - Louvain 1992).
Ecclésiastique, il étudia en même temps
au séminaire de Mechelen et à l’institut
Lemmens. En 1929, il obtint un doctorat
de philologie germanique à Louvain avec
une thèse sur la musique polyphonique
néerlandaise au XVe siècle, Het Nederlands polifonies Lied in de 16de Eeuw, qui
fut publiée en 1933. Il poursuit ses études
de musicologie sous la direction d’André
Pirro à Paris (1931-32). De 1944 à 1973,
il enseigna à l’université catholique de
Louvain, où il développa le département
de musicologie, tandis qu’il succéda à
Smijers à l’université d’Utrecht en 1958
et y resta jusqu’en 1971. Membre de l’IMS
(International Musicological Society) et
de l’Académie royale de Belgique, il a collaboré à la rédaction de la Revue belge de
musicologie et à l’édition des Monumenta
musicae belgicae. On lui doit de nombreux comptes rendus de ses travaux de
recherches sur la musique polyphonique
des XVe et XVIe siècles.
LENAERTS (Constant), compositeur et
chef d’orchestre belge (Anvers 1852 - id.
1931).
Élève de Peter Benoit, il débuta, à dix-huit
ans, comme chef d’orchestre du théâtre
flamand d’Anvers. Il fut ensuite professeur au conservatoire de cette ville, chef
des concerts populaires et du « Toonkunstenaarbond », et fondateur de la
Société royale de l’harmonie. Parmi ses
oeuvres, citons une cantate De triomf van’t
licht (1890), de la musique instrumentale
et des mélodies.
LENDVAI (Erwin), compositeur hongrois
(Budapest 1882 - Londres 1949).
Élève de Koessler à Budapest et de Puccini à Milan, il enseigna successivement la
théorie à l’institut J.-Dalcroze à Hellerau
(Dresde) en 1913, au conservatoire Klindworth-Scharwenka de Berlin (1914-1920),
puis à la Hochschule de Hambourg en
1923. Kappelmeister de différentes sociétés
chorales allemandes entre 1923 et 1933, il
dut fuir le nazisme et s’établit à Londres.
Au lendemain de la guerre, il renoua des
liens étroits avec la Hongrie et s’intéressa
particulièrement à l’oeuvre de Béla Bartók,
tout en dirigeant l’Académie de Györ.
LENDVAY (Kamilló), compositeur hongrois (Budapest 1928).
Il étudia la composition à l’académie
Franz-Liszt auprès de János Viski, et dirigea le théâtre d’État de marionnettes, puis
le théâtre d’opérettes du Capitol, écrivant
pour ces divers théâtres A harom testör
(« les Trois Mousquetaires »), Musica leggiera (« ballet sur une musique de jazz »,
1965), Knock out (1968), et, pour la télévision, A búvös szék (« la Chaise magique »,
1972). Sa veine épique se manifesta dans
Orogenesis (1969-70), oratorio pour
choeur, cinq solistes, récitant et grand
orchestre. Son cycle pour voix d’alto et
ensemble de chambre Kocsiùt az éjszakában (« Chemin dans la nuit », 1970, sur
des poèmes d’E. Ady) confirma ses dons
de dramaturge.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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LENOT (Jacques), compositeur français
(Saint-Jean-d’Angély 1945).
Il a fait ses études à l’École normale
d’instituteurs et au conservatoire de La
Rochelle, et assisté aux cours d’été de
Darmstadt en 1966. Devenu instituteur en
1965, il démissionna en 1970. Importantes
pour lui furent ses rencontres avec Olivier
Messiaen, Sylvano Bussotti et Franco Donatoni. Se considérant lui-même comme
un autodidacte, il a écrit une oeuvre abondante, séduisante d’aspect, mais d’une
grande maîtrise d’écriture. Citons Diaphaneis pour 51 cordes et percussions métalliques (1967, créé cette même année au
festival de Royan), Barbelés intérieurs pour
2 pianos, ensemble à vent et percussion
(1968), Cinq Sonnets de Louise Labé pour
haute-contre, soprano et ensemble instrumental (1971), Immer, trio pour 7 claviers
(1972), Beau Calme nu pour flûte seule
(1973, créé en 1974, Royan), Symphonie
pour grand orchestre (1975-76, créée en
1977, Royan), Océan captif pour 4 groupes
de solistes (1976), 2 sonates pour piano,
créées respectivement en 1972 (vers. rév.,
1974) et en 1978, et Allégorie d’Exil IV,
créé en 1980 par l’EIC sous la direction de
Pierre Boulez, Un soleil obscur à la cime des
vagues (créé en 1982). Ont suivi notamment le Tombeau de Henri Ledroit (1988),
Concerto pour piano (1991, rév. 1993),
Deuxième Livre d’orgue (Paris, 1995).
LENTO (ital. : « lent »).
Terme désignant un mouvement analogue
à celui du largo sans en avoir obligatoire-
ment le caractère grave.
LENYA (Lotte), actrice et chanteuse américaine d’origine autrichienne (Vienne
1898 - New York 1981).
Sa première vocation de danseuse la
conduisit à Zurich, où elle suivit la méthode Dalcroze et des cours de danse classique. Elle fut engagée au Stadttheater de
Zurich jusqu’à son départ en 1920 pour
Berlin. La rencontre de deux dramaturges,
Franz Wedekind et Georg Kaiser, infléchit
sa carrière vers le théâtre parlé et chanté.
Découverte par Kurt Weill, qui l’épousa en
1926, elle devint son interprète privilégiée,
créant successivement Mahagonny (1927)
et l’Opéra de quat’sous (1928) au Theater
am Schiffbauerdamm de Berlin. Le rôle de
Jenny, popularisé par le disque et, surtout,
par le film de G. W. Pabst (1931), la fit
connaître mondialement. Chassée par le
régime nazi, elle créa à Paris le rôle d’Anna
dans les Sept Péchés capitaux (1933), puis,
à New York, ceux de Miiriam dans The
Eternal Road (1937) et de la Duchesse dans
The Firebrand of Florence (1945). Après
la mort de Weill (1950), elle continua à
défendre son oeuvre, notamment par de
nombreux disques qui fixèrent pour la
postérité les interprétations d’une des
rares « diseuses » de notre temps. L’univers de Kurt Weill semblerait incomplet
sans cette voix savamment éraillée, d’un
humour mordant et malicieux. À quatrevingts ans passés, Lotte Lenya continuait
de se produire aux États-Unis, notamment à Broadway, où elle interpréta, en
1968, Cabaret.
LEO (Leonardo), compositeur et pédagogue italien (San Vito degli Schiavi, auj.
San Vito dei Normanni, 1694 - Naples
1744). Il entra en 1709 au conservatoire
Santa Maria della Pietà dei Turchini de
Naples, où il étudia avec Andrea Basso
et Nicola Fago. En 1712, il composa un
oratorio, S. Chiara o L’Infedelta abbattuta,
exécuté la même année au conservatoire et
à la cour. Dès sa sortie de l’école, l’année
suivante, il commença une carrière prospère d’organiste et de maître de chapelle,
qu’il mena presque simultanément à la
chapelle de la cour (organiste adjoint en
1713, premier organiste en 1725, vicemaître assistant en 1730, vice-maître en
1737 et maître en janvier 1744, peu avant
sa mort), à l’église Santa Maria della Solitaria en 1717, au conservatoire Santa Maria
della Pietà dei Turchini (vice-maître de
chapelle de 1734 à 1737 et maître en 1741,
à la mort de Fago) et au conservatoire San
Onofrio, où il remplaça Feo en 1739.
Malgré ces nombreuses charges, il
composa beaucoup : sa production, qui
comprend 6 concertos pour violoncelle
et orchestre, 1 concerto pour 4 violons
et orchestre, des toccatas pour clavier
et des fugues pour orgue, relève surtout
de la musique vocale. Il écrivit autant
pour la scène (plus de 70 ouvrages) que
pour les autres domaines vocaux, aussi
bien sacrés (oratorios, messes, miserere,
magnificat, motets, antiennes, psaumes,
hymnes, etc.) que profanes (très nombreux airs). Il donna le meilleur de luimême dans ses opéras comiques et dans
sa musique sacrée. Héritier d’A. Scarlatti, il fut l’un des compositeurs les plus
importants de l’école napolitaine, et un
des premiers à Naples à avoir ajouté des
choeurs à ses opéras (dans Olimpiade, par
exemple). Dans ses oeuvres sacrées, il fit
preuve d’une maîtrise impressionnante du
contrepoint. À la fin de sa vie, il se tourna
plutôt vers un type d’écriture a cappella
(son Miserere à 8 voix de 1739 en est un
exemple remarquable). Grand pédagogue,
il compta parmi ses élèves N. Jommelli et
N. Piccinni.
LEONCAVALLO (Ruggero), compositeur
et librettiste italien (Naples 1857 - Montecatini, Toscane, 1919).
La vie de ce musicien, dont le nom reste
attaché à son opéra Paillasse, véritable
manifeste du vérisme, demeure assez
obscure, en raison des légendes qu’il a
lui-même accréditées, notamment sur
son âge véritable et ses diplômes universitaires. Fils d’un magistrat, formé au
conservatoire de Naples, il suivit l’enseignement du poète Carducci à Bologne,
voyagea (notamment en Égypte, où résidait un de ses oncles, diplomate) et vint
gagner sa vie à Paris, jouant du piano dans
les cafés-concerts, s’y liant avec Massenet et avec le baryton Victor Maurel, qui
l’appuya alors de sa renommée. Sensible
aux théories wagnériennes, excellent versificateur, il rédigea lui-même ses livrets,
s’inspirant souvent de modèles littéraires
élevés ; il avait déjà écrit Chatterton (créé
seulement en 1896) lorsque le succès de
Paillasse (1892), dont le prologue lui avait
été suggéré par Maurel, devenu son inter-
prète, lui apporta la gloire et des profits
immédiats. Une trilogie sur la renaissance
florentine (Crepusculum), qui eût dû comprendre encore Savonarole et Cesare Borgia, se limita aux Medici (1893), dont l’insuccès le découragea. Sa Bohème (1897)
souffrit du triomphe de l’opéra de Puccini,
mais il rencontra un meilleur accueil avec
Zaza (1900) et avec Der Roland von Berlin
(1904), commande de Guillaume II.
Il s’adonna quelque temps à la composition d’opérettes et renoua avec ses ambitions initiales avec un OEdipe Roi (1920),
dont sa mort soudaine l’empêcha de voir
la création.
Le succès universel de Paillasse, réplique de la Cavalleria rusticana de Mascagni, détourna Leoncavallo de son idéal,
mais il n’en demeure pas moins que cette
oeuvre, libérée des interprétations médiocres, dont elle fut trop souvent victime,
révèle non seulement ses qualités de poète
et de dramaturge, mais un solide métier
musical et une veine mélodique intense
et sincère qui en font une étape de l’évolution de l’art lyrique. On doit encore à
Leoncavallo quelques mélodies, dont la
célèbre Mattinata, dédiée à Caruso (1904),
ainsi que des livrets d’opéra écrits pour
d’autres compositeurs.
LEONHARDT (Gustav), organiste, claveciniste et chef d’orchestre néerlandais (‘s
Graveland 1928).
Il étudia l’orgue et le clavecin avec Eduard
Müller à Bâle (1947-1950) et débuta à
Vienne (1950), au clavecin, dans l’Art
de la fugue de Bach. Professeur de clavecin à l’Académie de musique de Vienne
(1952-1955), ainsi qu’au conservatoire
d’Amsterdam (depuis 1954), il est aussi
organiste à la Waalse Kerk (orgue du facteur Christian Müller, 1733). Il fonda en
1955 le Leonhardt Consort, ensemble spécialisé dans l’interprétation de la musique
baroque. Son répertoire couvre les XVIe,
XVIIe et XVIIIe siècles, et il a largement
contribué à gagner à cette musique une
plus large audience et à fixer pour elle des
références stylistiques. Méditation et recueillement caractérisent son jeu, y compris comme chef de choeurs. Il a réalisé
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
569
en alternance avec Nikolaus Harnoncourt
un enregistrement intégral des cantates de
J.-S. Bach, et c’est lui qui incarne le rôle
de ce compositeur dans le film de JeanMarie Staub Die Chronik der Anna Magdalena Bach (« la Petite Chronique d’A. M.
Bach », 1967).
LÉONIN,
diminutif du prénom Léon (Leo), porté
par le plus ancien maître de l’école de
Notre-Dame de Paris au XIIe siècle, auteur
d’organa, dont le corpus a été transmis
par les manuscrits polyphoniques de cette
école, mais mélangés à d’autres et sans
signature.
Le nom de Léonin, comme celui de
Pérotin, nous est connu par un théoricien
anglais du XIIIe siècle, dit « Anonyme IV
de Coussemaker » (du nom de son premier éditeur), qui précise que plusieurs
de ses oeuvres ont été « abrégées » par son
successeur Pérotin ; on possède plusieurs
oeuvres en double version qui corroborent
la description et que l’on peut donc lui
attribuer avec vraisemblance, sinon avec
certitude.
Aucune précision d’archives n’a malheureusement pu être apportée concernant ce magister Leo vel Leoninus, qualifié
d’optimus organista (entendez « chanteur
ou compositeur d’organa »), dont l’activité à Notre-Dame, ou dans l’église qui l’a
précédée, semble se situer entre 1160 et
1180, et que l’on peut considérer, après un
certain maître Albert parisiensis à l’activité
plus modeste, comme le premier compositeur polyphonique connu de l’histoire
musicale.
LEONSKAÏA (Élisabeth), pianiste soviétique (Tbilissi 1945).
Elle donne son premier concert à l’âge de
onze ans et trois ans plus tard son premier
récital. Lauréate du concours Enesco à Bucarest en 1964, elle entre la même année
au Conservatoire de Moscou. Lauréate
du concours Long-Thibaud en 1965 et du
concours Reine Élisabeth de Belgique en
1968, elle donne de nombreux concerts
en Union soviétique et en Allemagne de
l’Est. Une série de récitals donnés au festival de Salzbourg en 1979 et 1980 lui assure
le succès en Europe occidentale. Instal-
lée à Vienne depuis 1978, elle donne de
nombreux concerts aux États-Unis et en
Europe, dont en 1992 plusieurs récitals remarqués en compagnie de S. Richter. Elle
excelle en particulier dans les romantiques
allemands.
LEOPOLITA (Martin), compositeur polonais (Marcin ? - Lvov 1589).
Il occupe des fonctions à la cour royale
de Cracovie, et est considéré comme un
des musiciens les plus représentatifs du
XVIe siècle polonais avec W. de Szamotuðy. Il est l’auteur de messes, notamment
la Missa paschalis à 5 voix (cycle complet
de messes a cappella, le document le plus
ancien qui ait pu être conservé intégralement dans la musique polonaise, et dont
le matériel mélodique est emprunté à un
credo pseudo-grégorien), de motets pour
l’année ecclésiastique ; outre ses aspects
mélismatiques et effets d’imitation, l’écriture vocale de M. Leopolita se caractérise
par un style de contrepoint fleuri tout en
contrastes dans lequel chaque voix se fait
entendre clairement et avec une relative
liberté malgré une texture polyphonique
généralement complexe.
L’EPINE (Margherita de), soprano italienne ( ? 1683-Londres 1746).
Elle arrive à Londres en 1702 et chante des
cantates de Bononcini, Alessandro Scarlatti et Purcell. Sa liaison avec le comte
de Nottingham défraie la chronique,
mais son ascension est rapide. De 1704 à
1708, elle s’impose face à sa rivale Christina Gorce, incarnant volontiers les rôles
masculins. Elle est la première chanteuse
italienne à conquérir la gloire en Angleterre. En 1715, elle est engagée à Drury
Lane par le compositeur Johann-Christoph Pepusch, qu’elle épouse en 1718. Elle
fait triompher les masques Vénus et Adonis et la Mort de Didon, et crée des cantates
italiennes. Elle se retire en 1720.
L’ÉPINE, OU LESPINE, OU LÉPINE, famille de facteurs d’orgues français, originaires du sud-ouest de la France et actifs
durant tout le XVIIIe siècle.
Le plus ancien organier connu de la famille est Adrian (1er tiers XVIIIe s.), qui
travailla à la restauration des orgues de la
cathédrale de Bordeaux (1711), de SaintJean-de-Luz (1724) et de Saint-Michel de
Bordeaux (1731). Jean-François Ier, son
frère (Abbeville v. 1682 - Toulouse 1762),
s’est fixé à Toulouse vers 1725. Il est le
véritable fondateur de la dynastie et en a
établi la réputation. En relation avec les
organiers Isnard et Cavaillé, il travailla
à Albi et à Rodez. Ses principaux instruments sont les orgues des Cordeliers
à Toulouse (1727) et de la cathédrale de
Lodève (1752). Son fils, Jean-François II,
dit L’AÎNÉ (Toulouse 1732 - Pézenas 1817),
a travaillé avec Isnard et le fameux théoricien Dom Bédos de Celles. Établi à Pézenas, il a réalisé les instruments de Béziers,
Pézenas (1755), Narbonne (Saint-Just,
1770-71) et Montpellier (cathédrale, 17761780). Adrien, frère de Jean-François II
(Toulouse 1735 - Paris ?). Il s’est installé
à Paris, où il a épousé la soeur de l’organier François-Henri Clicquot. Ses principaux instruments sont ceux de Nantes
(cathédrale, 1767), Nogent-sur-Seine,
Brie-Comte-Robert, la chapelle de l’École
militaire de Paris (1772), Saint-Médard de
Paris (1778) et Montargis (1778). Il a également construit des clavecins. En 1772,
il a présenté à l’Académie des sciences un
système de piano-forte organisé de son invention, à deux claviers, le second clavier
actionnant quatre jeux d’orgue.
LEPPARD (Raymond), chef d’orchestre,
claveciniste et musicologue anglais
(Londres 1927).
Après des études au Trinity College
de Cambridge, il est chargé de cours à
l’université de Cambridge (1957-1967),
conseiller musical du Royal Shakespeare
Theatre de Stratford-on-Avon (19561968), chef de l’English Chamber Orchestra (à partir de 1963) et premier chef du
B.B.C. Northen Orchestra (à partir de
1973). Il a également dirigé des opéras
au festival de Glyndebourne, au Covent
Garden de Londres et au festival d’Aixen-Provence. Ses « réalisations » d’opéras
italiens du XVIIe siècle (Cavalli, Monteverdi), souvent discutées sur le plan de
l’authenticité, ont néanmoins permis de
faire revivre quelques chefs-d’oeuvre de
manière convaincante.
LEROUX (François), baryton français
(Rennes 1955).
Il étudie d’abord à l’Opéra-Studio de Paris
avec Vera Rosza et Élisabeth Grümmer.
De 1980 à 1985, il appartient à la troupe
de l’Opéra de Lyon et interprète Mozart
(Papageno, Guglielmo, Don Giovanni). À
partir de 1985, il obtient un grand succès
dans le rôle de Pelléas, qu’il interprète sur
plusieurs scènes et qu’il enregistre sous la
direction de Claudio Abbado. Il fait ses
débuts au Covent Garden de Londres
en 1989. Parallèlement à ses interprétations de grands rôles lyriques (y compris
contemporains, comme La Noche triste de
J. Prodromidès en 1989), il s’illustre dans
le répertoire de la mélodie française, enregistrant par exemple en compagnie de Jeff
Cohen plusieurs disques de mélodies de
Fauré, Gounod, Duparc et Hahn.
LE ROUX (Maurice), compositeur et chef
d’orchestre français (Paris 1923 - Avignon 1992).
Élève du Conservatoire de Paris, il a fait
ses études notamment avec Olivier Messiaen, puis avec René Leibowitz. Ayant
obtenu un premier prix de direction avec
Louis Fourestier en 1952, il dirigea l’Orchestre national de 1960 à 1968, se faisant
une réputation de défenseur de la musique
contemporaine. Il est ensuite devenu producteur d’une série d’émissions, Arcana, à
la télévision, et aussi conseiller artistique à
l’Opéra de Paris (1968-1973), puis inspecteur général de la musique (depuis 1973).
Comme chef, il a notamment réalisé le
premier enregistrement de la Turangalila
Symphonie d’O. Messiaen.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Comme compositeur, on lui doit, entre
autres, une sonate pour piano (1946),
Deux Mimes pour orchestre (1948), Trois
Psaumes de Patrice de la Tour du Pin
(1948), Au pays de la magie, mélodies sur
des poèmes de Henri Michaux (1951), le
Cercle des métamorphoses pour orchestre
(1953), Un Koan (1974), les ballets le Petit
Prince, d’après Saint-Exupéry (1949), et
Sable (1956), des musiques de scène pour
le Château de Kafka (1957) et Jules César
de Shakespeare (1960), et de nombreuses
musiques de film, dont celles de Crin blanc
(1952), les Mauvaises Rencontres (1955),
Ballon rouge (1955), Amère Victoire (1957),
les Mistons (1958), le Petit Soldat (1960),
Vu du pont (1961), la Chamade (1968),
Contes immoraux (1975), les Jardins secrets
(1978). Il a aussi écrit, en 1944, la marche
officielle de la 2e division blindée. Comme
musicologue, il a signé quatre ouvrages :
Introduction à la musique contemporaine
(1947), Monteverdi (1951), la Musique
(ouvrage collectif, 1979) et Boris Godounov (1980).
LEROUX (Xavier), compositeur français
(Velletri 1863 - Paris 1919).
Élève au Conservatoire de Massenet et de
Théodore Dubois, Prix de Rome en 1885,
professeur d’harmonie au Conservatoire à
partir de 1896, il aborda sa spécialité - le
théâtre - par la musique de scène (Cléopâtre et la Sorcière de Victorien Sardou, les
Perses d’Eschyle, etc.). Son premier opéra,
Évangéline, créé à la Monnaie de Bruxelles
en 1895, fut suivi d’Astarté (1901), la
Reine Fiammette (1903), Vénus et Adonis
(1905), le Chemineau (1907), le Carillonneur (1913) et deux oeuvres posthumes :
Nausithoé (1920) et La Plus Forte (1924).
Son chef-d’oeuvre est le Chemineau, dont
l’Opéra-Comique a donné 106 représentations jusqu’en 1945. Xavier Leroux fut le
directeur de la revue Musica.
LE ROY (Adrian), éditeur, luthiste, guitariste, chanteur et compositeur français
(Montreuil-sur-Mer v. 1520 - Paris 1598).
Il fonda, avec son cousin Robert Ballard, la
célèbre maison d’édition Le Roy et Ballard
(1551), qui devait garder ses privilèges
jusqu’à la Révolution de 1789. Le premier
livre publié est un recueil de motets, de
danses et de chansons, mis en tablature
de luth. D’autres livres renferment des
transcriptions de chansons de Certon,
d’Arcadelt, de Sandrin. La maison Le Roy
et Ballard édita également les oeuvres de
Roland de Lassus et de Claude Le Jeune.
Au XVIIe siècle, les tragédies lyriques de
Lully furent publiées par cette maison,
devenue aussi l’imprimerie de l’Académie royale de musique. Adrian Le Roy est
également l’auteur de plusieurs ouvrages,
notamment une méthode de guitare, et
d’un grand nombre d’airs de cour et de
chansons d’une excellente qualité.
LESNE (Gérard), haute-contre français
(Montmorency 1956).
D’abord attiré par le rock, il suit des cours
d’Irène Jarski au Conservatoire de Pantin, mais il est largement autodidacte. En
1979, il s’initie au répertoire médiéval
en entrant dans le Clemencic Consort.
Il chante ensuite dans divers ensembles
de musique ancienne tels qu’Organum et
Hespérion XX, puis fonde en 1985 Il Seminario Musicale. Il s’y consacre surtout
aux interprétations de Monteverdi, Caldara et Vivaldi, puis à la musique française
du XVIIe siècle. Depuis 1990, son ensemble
est en résidence à Royaumont, et il affectionne le festival d’Utrecht. Il reconstitue
en 1994 la version intégrale des Leçons
de ténèbres de Charpentier. Représentant
d’une « troisième génération » d’alti masculins après celles de Deller et Jacobs, il
n’hésite pas, depuis 1995, à enrichir son
expérience en retrouvant l’univers du
rock.
LESSEL, famille de musiciens polonais
d’origine tchèque.
Wincenty Ferdinand, compositeur
(Jilove, près de Prague, v. 1750 - Pulawy,
près de Varsovie, 1827). Il s’établit avec sa
famille en Allemagne en 1762, et, de 1781
à sa mort, fut au service du prince Adam
Kazimierz Czartoryski.
Franciszek, pianiste et compositeur
(Varsovie v. 1780 - Piotrkow 1838). Fils du
précédent, il s’installa à Vienne en 1797
pour y étudier la médecine, mais se tourna
vers la musique et devint en 1799 élève
de Haydn, qui en 1805 lui fit cadeau du
manuscrit autographe de sa symphonie
no 56. Il retourna en Pologne en 1809, et
abandonna la musique en 1822 pour occuper divers postes dans l’enseignement
rural et secondaire. Il a écrit des symphonies et des concertos, mais son importance réside surtout dans ses oeuvres pour
piano seul ou de musique de chambre avec
piano, qui font de lui un des initiateurs de
l’école polonaise du XIXe siècle.
LESSON.
Terme anglais, qui, à partir de la fin du
XVIe siècle, fut utilisé d’une part dans le
sens d’étude, exercice, et, d’autre part,
pour désigner des pièces pour clavier ou
par extension des pages de musique de
chambre à usage domestique.
Cette seconde utilisation fut particulièrement fréquente à la fin du XVIIe siècle et
au début du XVIIIe, alors qu’en musique
pour clavier florissait le genre de la suite.
Dans un tel contexte, lesson veut dire
« suite » (A Choice Collection of Lessons,
publication posthume de suites de Purcell,
1696). Les 30 premières sonates de Domenico Scarlatti, parues à Londres en 1738
ou 1739 comme Essercizi per gravicembalo,
devaient y être rééditées sous le titre de
Lessons. Le terme fut utilisé également
pour des oeuvres de Haendel.
L’ESTOCART (Paschal de), compositeur
français (Noyon av. 1540 - ? apr. 1584).
Il semble avoir séjourné très jeune en Italie, mais il se fixa bientôt à Bâle et à Genève, où il fréquenta une Académie des
lettrés huguenote. Il obtint un privilège
pour la publication de ses oeuvres en 1581
à Genève. L’année suivante parurent les
deux livres des Octonaires de la vanité du
monde sur des poèmes d’Antoine de La
Roche-Chandieu, quelques années avant
le chef-d’oeuvre de Cl. Le Jeune écrit sur
ces mêmes poèmes de huit vers (octonaires). Nommé professeur à l’université
de Bâle, il se mit ensuite au service du
duc de Lorraine à Nancy. En 1583, il dédicaça au futur Henir IV ses 50 Psaumes
de David mis en langue française par Cl.
Marot et Th. de Bèze. Puis il remporta le
prix de la harpe d’argent au puy d’Évreux
pour son motet Ecce quam bonum et quam
jucundum. Ses oeuvres reflètent une vive
influence italienne, notamment par la présence fréquente de l’accord de sixte augmentée. D’autre part, son écriture reste
dans la tradition d’un contrepoint sévère.
LE SUEUR ou LESUEUR (Jean-François),
compositeur français (Drucat-Plessiel,
Somme, 1760 - Paris 1837).
Il étudia la musique comme enfant de
choeur à la collégiale d’Abbeville, puis à
la cathédrale d’Amiens. Nommé maître
de chapelle à la cathédrale de Sées (1778),
il partit bientôt pour Paris afin de travailler l’harmonie avec l’abbé Roze, maître de
chapelle de l’église des Saints-Innocents. Il
obtint successivement les maîtrises des cathédrales de Dijon (1779), du Mans (1782),
et Saint-Martin de Tours (1783), mais, à la
mort de l’abbé Roze, il fut appelé pour lui
succéder aux Saints-Innocents. En 1786, il
devint maître de chapelle à Notre-Dame
de Paris. Il y obtint l’autorisation d’ajouter
de la musique symphonique à la musique
d’orgue, lors des grandes fêtes religieuses
de l’année : Assomption, Noël, Pâques et
Pentecôte. Cette innovation inquiéta le
clergé, mais obtint un grand succès auprès
des fidèles et de la reine Marie-Antoinette.
Pendant la Révolution, Lesueur mit son
art au service de la nation, de même que
Méhul, Gossec ou Cherubini, et composa
nombre d’hymnes et de pièces de circonstance pour les fêtes officielles. En 1793, il
fit ses débuts au théâtre et obtint d’emblée
un succès estimable avec la Caverne, représentée au théâtre Feydeau. Cet ouvrage
manifeste déjà son goût pour la musique
descriptive et pour ses recherches harmoniques. À la fondation du Conservatoire
(1795), il fut élu membre de la commission
des études musicales, et fut chargé, avec
Méhul, Gossec et Catel, de la rédaction des
Principes élémentaires de la musique et des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
571
Solfèges du Conservatoire. Napoléon l’estimait beaucoup et lui avait confié le soin de
composer une Marche triomphale pour le
jour de son sacre.
Cependant, Lesueur ne parvenait pas
à se faire représenter à l’Opéra, où l’importance de ses ouvrages et des effets scéniques qu’ils demandaient rebutait la direction. Il fallut que Paisiello abandonnât
en 1804 son poste de maître de chapelle
des Tuileries et que l’Empereur désignât
Lesueur comme son successeur pour que
l’Opéra lui ouvrît enfin ses portes. Aussitôt, son ouvrage Ossian ou les Bardes fut
représenté avec un immense succès. Il fut
cependant retiré de l’affiche dès la chute
de l’Empire. En revanche, le Triomphe de
Trajan, créé en 1807, se maintint jusqu’en
1827. Plusieurs de ses autres opéras restèrent non représentés, dont Alexandre à
Babylone, composé en 1815. Sous la Restauration, Lesueur devint compositeur
de la chapelle de la cour, et, en 1818, fut
nommé professeur de composition au
Conservatoire. Il eut parmi ses élèves Ambroise Thomas, Berlioz, Marmontel, Reber
et Gounod ; son influence fut grande sur
eux, en particulier sur Berlioz auquel il
inculqua le goût des figurations considérables et de l’instrumentation somptueuse. C’est surtout à travers sa musique
religieuse (messes, oratorios) que cette
influence s’est exercée. Lesueur avait fait
des efforts pour revenir aux modes et aux
rythmes grecs, et consacra ses dernières
années à étudier l’histoire de la musique
ancienne. Un catalogue de ses oeuvres a
été réalisé par Jean Mongrédien (1980).
LESURE (François), musicologue français (Paris 1923).
Il a fait ses études à la Sorbonne, à l’École
des chartes, à l’École pratique des hautes
études et au Conservatoire de Paris : sa
formation est celle d’un historien autant
que d’un archiviste et d’un musicologue.
Il devint, en 1950, conservateur au département de la musique de la Bibliothèque
nationale, puis conservateur en chef de
celui-ci de 1970 à 1988. En 1965, il fut
nommé professeur de musicologie à l’université libre de Bruxelles et, en 1973, il
succéda à Solange Corbin comme directeur d’études à l’École pratique des hautes
études.
De 1953 à 1967, il fut, en outre, chargé
du secrétariat central du R. I. S. M. (Répertoire international des sources musicales)
et il dirigea la publication des volumes
consacrés aux recueils imprimés des XVIe
et XVIIe siècles (Munich, 1960), puis du
XVIIIe siècle (Munich, 1964), ainsi qu’aux
écrits imprimés concernant la musique
(Munich, 1971). Il a dirigé également à
partir de 1967 la collection le Pupitre, éditée par Heugel et consacrée à la musique
avant 1800.
François Lesure est réputé comme
spécialiste du XVIe siècle et de la sociologie musicale. Il fut président de la Société française de musicologie de 1971
à 1974. On lui doit aussi d’importantes
publications sur Debussy : un Catalogue
des oeuvres (1977), une Iconographie et
les Lettres (1980), Claude Debussy avant
« Pelléas » ou les Années symbolistes (1993),
Claude Debussy (1994).
LETTRES.
1. L’usage de désigner les notes par des
lettres remonte à la notation grecque
antique (IIIe s. av. J.-C.). Dans une première notation, dite instrumentale, on
se servait de signes conventionnels obtenus par déformation de certaines lettres
de l’alphabet. Une seconde notation, dite
vocale, utilisait les lettres telles quelles,
avec valeur de numérotation descendante
des sons dans les trois genres. La notation
grecque a cessé d’être en usage à partir du
IVe siècle apr. J.-C., mais s’est néanmoins
transmise dans les écoles par les traités
et par l’autorité de Boèce, de sorte que le
Moyen Âge connut le procédé. Il l’adapta
à l’alphabet latin vers le Xe siècle, mais
cette fois en montant et pour le seul genre
diatonique, les deux autres étant tombés
en désuétude.
Deux procédés principaux furent employés. L’un, attribué à tort à Odon de
Cluny et dû sans doute à Guillaume de
Vulpiano, partait de l’ut et couvrait deux
octaves, de A à P. L’autre, de A à G, qui
prévalut, s’inspirait de l’échelle grecque
en commençant sur la et en reprenant
au bout d’une octave les mêmes lettres
écrites différemment (d’abord majuscules, ensuite minuscules, enfin avec doublement ou addition d’apostrophe). Au
grave, quand on en ressentit le besoin, on
employa le G grec ou gamma, d’où notre
mot « gamme ». Ce qui donna lieu à la
correspondance ci-après, qui, toutefois,
n’est valable que pour le solfège moderne
( ! SOLMISATION) :
ABCDEFG
la si do ré mi fa sol
Le B était mobile et pouvait s’écrire
soit carré (B quadratum, d’où bécarre)
s’il y avait un ton entre A et B, soit rond
(B rotundum) s’il n’y avait qu’un demiton. On disait aussi B durum (B dur) ou
B molle (B mou, qui a donné bémol). On
notera l’illogisme, qui a fait choisir l’un
des termes dans une nomenclature décrivant l’écriture, et l’autre dans une autre
nomenclature décrivant cette fois l’intervalle musical. C’est beaucoup plus tard
que ces signes, qui étaient d’abord des
lettres désignant des notes, ont pris le sens
d’altération affectant des notes au lieu de
les représenter. Les lettres s’appelaient
clefs (claves), et ce nom est resté aux signes
qui en sont dérivés et que l’on place au
début de la portée pour indiquer à quelle
note correspond la ligne ( ! CLEF).
Les syllabes ut, ré, mi, fa, sol, la, attribuées aux notes au XIe siècle par Guy
d’Arezzo, n’avaient pas d’abord le sens
qu’on leur donne aujourd’hui. Elles ne
remplaçaient pas les lettres, mais s’ajoutaient à elles de manière variable. Ce n’est
qu’au XVIIe-XVIIIe siècle qu’on les considéra comme équivalentes, en ajoutant la
syllabe si pour compléter la nomenclature. En outre, les Allemands, et eux seuls,
ajoutèrent la lettre H pour le si bécarre,
conservant B pour le si bémol, de sorte que
la lettre B n’a pas la même valeur partout,
désignant le si bémol pour les Allemands
et le si naturel pour les Anglais, qui,
comme eux, ont gardé l’usage des lettres
alors que les Latins préféraient les syllabes.
2.Lettres romaniennes. Lettres minuscules placées au-dessus de certains
neumes dans plusieurs manuscrits de
chant grégorien de l’école de Saint-Gall
aux IXe et Xe siècles, et qui indiquaient des
particularités d’exécution exprimées par
le mot dont elles étaient l’abréviation : c =
celeriter (« accélérer »), t = tenete (« ralentir »), etc.
3. Lettres significatives (litterae significativae). Lettres insérées dans le texte des
Évangiles de la Passion, et qui, après avoir
indiqué un changement de timbre mélodique selon le personnage qui s’exprime,
ont désigné ensuite le ministre chargé de
ce personnage en lecture chantée et dialoguée.
4. Lettres musicales. On appelait
ainsi, autrefois, les lettres susceptibles de
recevoir une traduction en notes dans la
nomenclature alphabétique exposée plus
haut. Il y avait, comme on l’a vu, 8 lettres
musicales dans le système allemand (A à
H) et 7 dans le système anglais (A à G),
et pas davantage. Schumann tenta d’en
augmenter le nombre en utilisant phonétiquement la lettre S du suffixe es, qui,
en allemand, désigne la note bémolisée
(Es, contraction de Ees = mi bémol, As,
contraction de Aes = la bémol). La tentative, employée dans le Carnaval (183435), est restée éphémère. C’est en 1910
que Jules Écorcheville, directeur de la
revue française S. I. M., imagina de compléter systématiquement l’alphabet en
continuant diatoniquement la série commencée pour lui permettre de traduire en
notes n’importe quel nom propre comme
Bach l’avait fait pour le sien (qui avait la
chance de n’avoir que des lettres musicales). D’assez nombreux « hommages »
purent ainsi être composés sur le nom de
leur dédicataire. Malheureusement, le système employé ne fut pas codifié avec une
clarté suffisante, de sorte que plusieurs
« clefs » contradictoires ont été employées
à cet effet.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
572
LES PRINCIPALES FURENT LES SUIVANTES :
« Clef allemande » (1910, pièces sur le
nom de Haydn publiées dans la S. I. M.) :
do ré mi fa sol la si si
bémol bécarre
AB
C D E F G (I?) H
(I?)-J K L M N O P
Q RSTUV W
XYZ
« Clef anglaise » (1922, pièces sur le
nom de Gabriel Fauré publiées par la
Revue musicale) :
do ré mi fa sol la si
AB
CDEFGHI
JKLMNOP
QRSTUVW
XYZ
noms reçus jusqu’à H
« Clef allemande à base alphabétique »
(1943, M. Duruflé, pièce sur le nom
d’Alain) :
ABCDEFGH
la si b do ré mi fa sol si
I JKLMNOP
QRSTUVWX
YZ
noms reçus
« Clef chromatique sur deux octaves » (1950, J. Chailley, fantaisie sur le
C. A. E. M.) :
a)Touches blanches
la si do ré mi fa sol (la)
A (H) C D E F G
1re octave, noms reçus
I JKLMNOP
2e octave
b)Touches noires
la dièse do dièse ré dièse fa dièse sol dièse (la) dièse
si bémol ré bémol mi bémol sol bémol la bémol (si bémol)
(B) Q R S T
1re octave (reçus)
UVWXYZ
2e octave
5. Langage communicable. Sous le
nom de langage communicable, O. Messiaen a présenté en 1969 (Méditations sur
le mystère de la Sainte Trinité) une clef
personnelle d’une grande complication,
dotée en outre de valeurs fixes de durée ;
elle est trop complexe pour pouvoir être
exposée ici.
LEUTGEB (Joseph), corniste autrichien
(Vienne 1732 - id. 1811).
De novembre 1761 à janvier 1783, il
joua des concertos pour orgue à quatorze concerts au Burgtheater : parmi ces
concertos, un de Michael Haydn (perdu)
et sans doute celui en ré majeur Hob.
VIId.3 de Joseph Haydn, daté de 1762. Il
entra ensuite dans l’orchestre de Salzbourg, et en 1770 se produisit à Francfort
et à Paris. Il se réinstalla à Vienne en 1777,
s’occupant de la fromagerie de son beaupère. Mozart écrivit pour lui au moins le
quintette K.407 (1782), le rondo K.371
(1781) et les concertos K.417 (1783),
K.495 (1786), K.447 (1787-188) et K.412
(laissé inachevé en 1791).
LEVASSEUR (Marie-Claude Josèphe,
dite Rosalie), soprano française (Valenciennes 1749 - Neuwied-sur-le-Rhin
1826).
Elle débuta en 1766. Considérée comme
une rivale par Sophie Arnould, elle chanta
dans les cinq opéras en français de Gluck
représentés à Paris de 1774 à 1779 : les
trois derniers (Alceste, Armide et Iphigénie
en Tauride) lui valurent ses plus grands
triomphes. Tragédienne lyrique, elle parut
également dans des ouvrages de Sacchini,
de Piccinni, de Philidor et d’autres, et se
retira en 1788.
LEVI (Hermann), chef d’orchestre et
compositeur allemand (Giessen 1839 Munich 1900).
Il étudia la musique avec V. Lachner à
Mannheim (1852-1855), puis avec Hauptmann et Rietz au conservatoire de Leipzig
(1855-1858). Il fut directeur de la musique
à Sarrebruck (1859-1861), chef d’orchestre
à l’Opéra de Rotterdam (1861-1864), chef
d’orchestre de la cour à Karlsruhe (18641872), puis à Munich (1872-1890), où il
fut nommé en 1894 directeur général de la
musique. Il dirigea la première de Parsifal
à Bayreuth en 1882 et fut aussi l’ami de
Brahms.
LÉVINAS (Michaël), compositeur français (Paris 1949).
Élève de Lazare Lévy (piano) dès l’âge
de cinq ans, il entra au Conservatoire de
Paris en 1959, y obtint notamment les premiers prix de piano (classe d’Y. Lefébure)
et d’harmonie (classe de R. Challan), suivit le cycle de perfectionnement de piano
avec Y. Loriod, et étudia aussi avec O.
Messiaen. Il a également suivi un stage
au G. R. M. et participé comme élève de
Stockhausen aux cours internationaux de
Darmstadt. En 1970, il a obtenu le premier
prix du Concours international d’improvisation de la ville de Lyon. De 1975 à
1977, il a été pensionnaire à la villa Médicis à Rome. Il a de nombreuses activités
de pianiste, en particulier dans le cadre
de l’Itinéraire, et a obtenu le prix Enesco
de la S. A. C. E. M., en 1980. Il enseigne
depuis 1987 l’analyse et l’orchestration au
Conservatoire de Paris.
Intéressé par la lutherie électronique,
par l’amplification des instruments en
direct et par le synthétiseur comme révélateur des aspects vibratoires des instruments, il a écrit, dans un style souvent
violent, plus d’une vingtaine d’oeuvres,
parmi lesquelles Mélodie sur un thème de
René Char pour piano, baryton et flûte
(1969), Arsis et Thésis ou la Chanson du
souffle pour flûte basse sonorisée (1971),
Orchestre pour grand orchestre et 3 trombones sonorisés (1972-73), Clov et Hamm
pour trombone et tuba sonorisés, 1 percussionniste et 2 bandes magnétiques
(1973), Musique d’une musique pour
grand orchestre, oeuvre de recherche sur
la vibration par sympathie (1973), Appels
pour 10 musiciens (1974), Musique et musique pour grand orchestre, avec 19 caisses
claires mises en vibration par sympathie
(1974-75), Sons en circulation pour cuivres
et percussion (1976), Concerto pour un
piano-espace pour piano, synthétiseur,
instruments et 2 bandes magnétiques
(1976-77), Étude sur un piano-espace
pour piano et synthétiseur (1977), Dans
un espace souterrain pour ondes Martenot, piano et synthétiseur (1977), Voix
dans un vaisseau d’airain, « Chant en escalier » pour voix, flûte, cor et piano (1977),
Strettes tournantes-Migrations pour ensemble instrumental (1978), Ouverture
pour une fête étrange pour 2 orchestres et
bande magnétique (1979), Concerto pour
un piano-espace no 2 pour piano, ensemble
instrumental et bande magnétique (1980),
Contrepoints irréels -Rencontres 2 pour 6
flûtes, orgue électrique, ondes Martenot,
bande magnétique et 1 percussionniste
(1980-81), les Rires du Gilles pour petit
ensemble instrumental et bande (1981),
Arcades pour alto et piano (1982), Flux et
Reflux (1984), l’opéra la Conférence des oiseaux (1985), la Cloche fêlée pour orchestre
(1988), Préfixes pour 17 instrumentistes
(1991).
LEVINE (James), chef d’orchestre et pianiste américain (Cincinnati 1943).
Il s’oriente d’abord vers le piano avec
Rudolf Serkin et Rosine Lhevinne à la
Juilliard School. À dix-huit ans, il se
tourne vers la direction d’orchestre, qu’il
travaille à la Juilliard School avec Jean
Morel, et devient trois ans plus tard l’assistant de G. Szell à Cleveland. En 1971,
au Festival de Ravinia, il se produit pour
la première fois à la tête de l’orchestre
symphonique de Chicago, avec lequel il
collaborera abondamment par la suite. Il
est nommé en 1973 directeur musical de
ce festival et chef principal du Metropolitan Opera de New York (où il a débuté
en 1971), puis en 1975 directeur musical
de cette maison. Cette même année, il fait
ses débuts à Salzbourg. De 1975 à 1995,
il dirige de nombreuses productions lyriques à Salzbourg et à Bayreuth et se pro-
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
573
duit régulièrement à la tête de l’orchestre
philharmonique de Berlin. Il devient en
1986 directeur artistique du Metropolitan
Opera de New York
LÉVY (Lazare, dit LAZARE-LÉVY), pianiste et
compositeur français (Bruxelles 1882 Paris 1964).
Élève du Conservatoire de Paris (18941898), il y étudie le piano avec L. Diémer,
l’harmonie avec A. Lavignac et la composition avec A. Gédalge. Après avoir
obtenu une mention au prix Diémer en
1904 et s’être fait remarquer par des récitals essentiellement consacrés à Beethoven, Schubert et Chopin, il s’oriente vers
la pédagogie, éditant une méthode de
piano en 1907, en collaboration avec Diémer, avant d’assurer une classe de piano
au Conservatoire de Paris (1921-1953).
Citons, parmi ses élèves, Monique Haas,
Yvonne Loriod, Jean Hubeau. Le compositeur a écrit de nombreuses pièces pour
son instrument (Études, Valses, Sonatines,
Enfantines, Préludes), pour l’orgue, la flûte,
le violoncelle, ainsi que deux quatuors à
cordes. L’interprète et le pédagogue ont
laissé le souvenir d’un être simple et noble,
plus enclin à la méditation qu’à la gloire.
LHEVINNE (Josef), pianiste russe (Orel,
près de Moscou, 1874 - New York 1944).
Fils d’un violoniste, il manifeste très tôt
des dons éclatants. Un musicien suédois,
Krysander, lui donne ses premières leçons
de six à onze ans, avant qu’il n’entre, en
1885, au conservatoire de Moscou, dans
la classe du grand pédagogue Safonov, en
même temps que Rachmaninov et Scriabine. Il en sort avec une médaille d’or en
1891. À quatorze ans, il éblouit Anton
Rubinstein, qui lui demande de jouer sous
sa direction le 5e Concerto de Beethoven.
Malgré les premiers succès à l’étranger,
il rentre en Russie, où il épouse une pianiste, Rosa Bessie, et enseigne, à Tiflis
(1900-1902), puis au conservatoire de
Moscou (1902-1906). Installé à Berlin en
1907 et retenu par la guerre jusqu’en 1919,
il part pour les États-Unis travailler à la
Juilliard School of Music de New York, où
sa femme devient un professeur de renom.
Parmi ses élèves, John Browning, Arthur
Gold, James Levine, Van Cliburn. Doué
d’une prodigieuse technique, Josef Lhévinne n’a jamais sacrifié le message musical à la virtuosité gratuite, la rigueur du
phrasé et de la mesure aux excès romantiques. Ses disciples à la Juilliard School,
Sacha Gorodnitzki et Josef Raïeff, continuent sa tâche selon les préceptes qu’il a
consignés dans un traité : Basic Principles
in pianoforte playing (Philadelphie, 19241972).
LIADOV (Anatoly Konstantinovitch),
compositeur et pédagogue russe (SaintPétersbourg 1855 - domaine de Polynovka, prov. de Novgorod, 1914).
Il reçut les bases de sa formation musicale auprès de son père, chef d’orchestre
du théâtre Marie de Saint-Pétersbourg,
et apprit le piano avec sa tante V. Antipova. En 1870, il entra au conservatoire
de Saint-Pétersbourg dans les classes de
Beggrov et de Cross (piano), puis dans
celles de Johannsen (théorie et écriture)
et de Rimski-Korsakov (composition). Ses
étonnantes capacités techniques étaient
malheureusement entachées par une paresse inguérissable. En 1876, il fut exclu
du conservatoire pour absentéisme, mais,
réintégré deux ans plus tard, il obtint aisément son diplôme de composition avec
la cantate la Fiancée de Messine d’après
Schiller. À cette date, il était déjà l’auteur
de nombreuses pièces pour piano, dont le
recueil des Birulki. En 1878, il fut nommé
professeur de théorie et d’harmonie au
conservatoire. Par Rimski-Korsakov, il fit
la connaissance des membres de l’ancien
groupe des Cinq, puis fit partie du groupe
Belaiev, réuni à partir de 1883 autour du
riche mécène, et constitué d’élèves de
Rimski, dont Glazounov. En 1885, il fut
nommé professeur d’harmonie à la Chapelle impériale de Saint-Pétersbourg,
dirigée par Balakirev et Rimski. Dans les
dernières années du siècle, il s’occupa
activement à rassembler et à adapter les
chants populaires, dans le cadre d’études
effectuées par la Société de géographie. Il
publia plusieurs recueils avec accompagnement de piano : 10 Choeurs pour voix de
femmes (1899), 35 Chants du peuple russe
(1902), 50 Chants du peuple russe (1903).
En 1906, il orchestra 8 chants, dont il fit
une suite.
Dans son oeuvre, dont la majeure partie
est écrite pour piano ou pour orchestre,
Liadov est un miniaturiste, qui a le sens de
l’effet instantané, du coloris, du contraste,
mais manque de souffle et d’envergure.
Ses pièces pour piano (intermezzos, préludes, arabesques, barcarolle) révèlent
une influence de Schumann et, surtout, de
Chopin, qui va parfois jusqu’au pastiche.
Sa Tabatière à musique, en revanche, est
une pièce fort originale et toujours appréciée des pianistes. Ses poèmes symphoniques Baba-Yaga (1891-1904), Kikimora
(1909) et le Lac enchanté (1909) se sont
également bien maintenus au répertoire.
Liadov s’y montre l’héritier de Rimski
par son art d’évoquer l’insolite et le fantastique. Vers la fin de sa vie, il fut attiré
par le mouvement symboliste. Il s’inspira
de Maeterlinck (Nénie pour orchestre
d’après Aglavaine et Sélysette, choeurs
pour Soeur Béatrice), et écrivit une oeuvre
d’une grande puissance, Extrait de l’Apocalypse (1910-1912). Il se rapproche ainsi
de Scriabine, mais sans en avoir le radicalisme. Entre 1881 et 1903, il orchestra
des fragments de la Foire de Sorotchintsi
de Moussorgski. Nombre de ses projets
d’oeuvres n’aboutirent pas. Ainsi, en 1909,
il fut pressenti par Diaghilev pour composer l’Oiseau de feu, mais, devant son indécision, la commande échut à Stravinski.
LIAISON.
Signe d’exécution, représenté par une
ligne tracée au-dessus, ou au-dessous,
de plusieurs notes pour indiquer qu’elles
doivent s’enchaîner d’un mouvement
continu.
La liaison signifie exactement :
1. pour les instruments à archet, que
toutes les notes doivent être jouées dans le
même coup d’archet ;
2.pour les instruments à vent, dans le
même souffle ;
3.pour les instruments à clavier ou à
cordes frappées ou pincées, que chaque
note doit commencer au moment exact où
la précédente est abandonnée sans aucune
solution de continuité. La liaison, dans ce
dernier cas, est dite « expressive ».
LIAPOUNOV (Serge), pianiste et compositeur russe (Iaroslavl 1859 - Paris 1924).
Il commença ses études musicales à Nijni-
Novgorod, puis entra au conservatoire
de Moscou, où il fut élève de Klindworth
et de Pabst (piano), ainsi que de Tanéiev
(théorie de la composition). En 1885, à
Saint-Pétersbourg, il fit la connaissance
de Balakirev, dont il devint le disciple
et auquel il resta attaché, subissant son
influence. Après la mort de ce dernier, il
s’appliqua à terminer ses oeuvres inachevées (dont le 2e Concerto pour piano) et à
publier la correspondance de Balakirev
avec Tchaïkovski et avec Rimski-Korsakov. De 1910 à 1923, il fut professeur de
piano et de composition au conservatoire
de Saint-Pétersbourg. Il émigra en 1923 et
mourut à Paris l’année suivante.
Liapounov appartient, comme Glazounov et Liadov, à la génération des épigones
du groupe des Cinq. Son attachement au
folklore et à l’orientalisme le rapproche de
Moussorgski et de Borodine, tandis que
son style orchestral et pianistique porte
la double marque de Liszt et de Balakirev.
Plus que ses oeuvres symphoniques (2
symphonies, poèmes symphoniques, ouverture solennelle sur des thèmes russes),
c’est dans son oeuvre pour piano qu’il a
mis le meilleur de lui-même : 2 concertos
(1890 et 1909), Rhapsodie sur des thèmes
ukrainiens (1907), et surtout le cycle
d’Études d’exécution transcendantes (18971905), qui a le mieux survécu. La conception et l’effort d’une recherche technique
au service de l’expression narrative sont
évidemment une référence à Liszt. Certains titres évoquent ceux des Études
lisztiennes (Ronde des sylphes, Rondo des
esprits), et la pièce finale du cycle est une
Élégie en hommage au compositeur. Mais
dans d’autres (Byline, Sons de cloches), c’est
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
574
la tradition nationale de l’inspiration qui
reprend le dessus. Quant à la Lezghinka
(danse caucasienne), restée la plus populaire, elle est une réponse au Islamey de
Balakirev, dont elle imite, dans un style
moins impétueux, mais plus lyrique, l’esprit oriental et les formules pianistiques.
LIBERATI (Antimo), musicien italien (Foligno 1617 - Rome 1692).
Notaire à Foligno (1636-37), il partit pour
Vienne au service de Ferdinand III et de
l’archiduc Léopold. De retour à Foligno
(1644), il vint à Rome sans doute en 1650,
et y étudia avec G. Allegri et O. Benevoli. Il
fut chanteur à la chapelle papale en 1661,
puis en devint le maître de chapelle (167475), tout en exerçant la même fonction
dans différentes églises romaines. Peu de
ses oeuvres ont été conservées (1 Laudate
Dominum à 4 voix, 1 Messe à 16 voix et 4
airs), mais il semble avoir aussi composé,
entre autres, des oratorios, des psaumes
et des madrigaux. Il est surtout demeuré
célébre pour ses écrits et ses prises de position (Epitome della Musica, 1666 ; Lettera
scritta... In riposta ad una del Sig. Ovidio
Persapegi, 1684), qui, bien que souvent
arbitraires, contiennent de précieux renseignements sur ses contemporains. Il
condamne, en particulier, Monteverdi et
l’opéra vénitien, et témoigne de la survivance du style de Palestrina dans l’école
romaine du XVIIe siècle.
LICENCE.
1. Dérogation consciente et volontaire
aux règles d’écriture imposées par l’école.
La licence, qui doit être reconnue comme
justifiée, se distingue ainsi de la « faute »,
qui est une dérogation à ces mêmes règles,
mais sans justification et généralement
inconsciente ou involontaire.
2. Traduction peu usuelle de l’italien licenza.
LICENZA.
1. Équivalent italien du français licence
1. C’est en ce sens que Beethoven décrit
le finale de sa sonate op. 106 comme une
fugue con alcune licenze.
2. Terme italien, généralement non traduit, et qui possède plusieurs significations : a)liberté d’interprétation dans le
domaine de la mesure et des nuances. Con
licenza, « sans s’astreindre à une mesure
rigide « ; b) au XVIIIe siècle, brève composition (généralement récitatif et air)
insérée dans une cantate ou un opéra pour
rendre hommage à un personnage important (par exemple, Mozart, KV. 36 et 70) ;
c) ornementation non écrite, le plus souvent dans une cadence, laissée à la libre
improvisation de l’interprète. On emploie
aussi le mot cadenza (par exemple, Bach,
canon no 10 dans l’Art de la fugue).
LICEO (Gran teatro del).
Opéra de Barcelone, le plus célèbre d’Espagne.
Inauguré le 4 avril 1847 (3 600 places),
il brûla en 1861. Le nouveau bâtiment
(3 000 places), ouvert le 20 avril 1962 et
obligé par ses statuts de donner au moins
un opéra espagnol par an, brûla à son tour
en 1994. On y entendit, avant la création
scénique à Milan, Atlantida de Manuel de
Falla en version de concert (1961).
LIDHOLM (Ingvar), compositeur suédois
(Jönköping 1921).
Les événements les plus importants de
sa formation ont été ses cours avec H.
Rosenberg, sa participation au groupe du
Lundi (Måndagsgruppen), ses séjours à
Darmstadt - les premiers effectués par un
compositeur suédois -, et son stage avec
l’important moderniste Mátyas Seiber, en
Angleterre. Altiste, chef d’orchestre, personnalité en vue en Suède, Lidholm est,
avant tout, un symphoniste, qui, parti
d’un style proche de celui de C. Nielsen, a
abouti à une forme très personnelle d’écriture, souvent agressive, voire explosive.
Dans ses oeuvres les plus marquantes,
Ritornell (1955), Riter, ballet (1960), Poesis et Nausikaa ensam (1963), on peut
remarquer son intérêt pour les problèmes
d’organisation des timbres, de la dynamique, de l’équilibre entre les matériaux
polyphoniques et mélodiques et son sens
de leur utilisation dans une expression
dramatique.
LIEBERMANN (Rolf), compositeur et
directeur de théâtre suisse (Zurich 1910).
Il étudia le droit, la direction d’orchestre
avec Hermann Scherchen, dont il fut l’assistant à Vienne jusqu’en 1938, et la composition avec Vladimir Vogel, qui l’initia
au dodécaphonisme. Il se fit connaître
en 1947 par le dynamisme spectaculaire
de son Furioso pour orchestre. Suivirent
notamment un célèbre Concerto pour jazzband et orchestre (1954) et le Concert des
Échanges, machines (1964).
On lui doit aussi des ouvrages lyriques,
parmi lesquels Léonore 40/45, sur un texte
bilingue franco-allemand transposant
le sujet de l’opéra de Beethoven dans le
contexte de la Seconde Guerre mondiale
(Bâle, 1952), Pénélope (Salzbourg, 1954),
et l’École des femmes, d’après Molière
(Louisville, 1955 ; puis Salzbourg, 1957).
Il prit, en 1950, la direction musicale de
Radio-Zurich, et, en 1957, celle de la radio
de Hambourg.
Devenu directeur de l’opéra de Hambourg en 1959, il en fit, en particulier
sur le plan de la création et du répertoire
contemporains, la première scène lyrique
du monde, et réalisa 15 productions
d’opéras pour le cinéma et la télévision.
Il fut également l’instigateur du tournage
du Don Giovanni de Losey (1978-79). En
1971, il fut nommé à la tête de la Réunion
des théâtres lyriques nationaux à Paris, et
occupa ces fonctions du 1er janvier 1973
au 31 juillet 1980. Durant cette période
faste furent montés au palais Garnier et à
la salle Favart, des Noces de Figaro (mars
1973) à Boris Godounov (juin 1980), 54
spectacles différents, parmi lesquels, sous
la direction de Pierre Boulez, la création
mondiale de la version « intégrale » en
3 actes de Lulu d’Alban Berg (24 février
1979). En 1982, il a mis en scène Parsifal
à Genève, et il est retourné à Hambourg
comme intendant de l’Opéra de 1985 à
1988. En avril 1987 a été créé à Genève
son opéra la Forêt. Il a composé depuis
Enigma pour orchestre (1994-1995) et
l’opéra Acquittement pour Médée (1992,
créé à Hambourg en 1995).
LIED (all., pl. lieder ; « chanson »).
Terme généralement appliqué au genre
très particulier de mélodie accompagnée
au piano, qui se développa en Allemagne
à l’époque romantique, genre dont les
maîtres majeurs ont été Schubert, Schumann, Brahms et Wolf.
Propre à la musique chantée allemande,
le lied s’est prolongé jusqu’à nos jours,
tandis qu’il s’élargissait en des formes plus
vastes, avec accompagnement d’orchestre
symphonique (Strauss, Mahler, Schönberg). Mais le mot et la notion mêmes de
lied ont une origine bien plus ancienne,
qui remonte au Moyen Âge.
LE LIED AVANT LE LIED.
Le terme de lied - ou plus précisément,
sous ses formes anciennes, de liet ou de
leich - peut être rapproché étymologiquement de celui de lai. Il désigne, tout
d’abord, une forme de chanson pratiquée
par les trouvères germaniques, les Min-
nesänger. Chanson monodique savante,
sans doute accompagnée ou soutenue par
un instrument, c’est originellement une
musique à danser, avant de devenir une
sorte de madrigal mettant en musique
un poème d’amour courtois, de forme
raffinée, le liet proprement dit. Le premier maître du genre est le Minnesänger
Walther von der Vogelweide, à la fin du
XIIe siècle. Ce lied savant, ou Kunstlied,
est, en Allemagne, le pendant de la chanson des troubadours en pays d’oc ou des
trouvères en pays d’oïl : il est la forme de
musique vocale par excellence des Minnesänger, jusqu’au XVe siècle.
Du haut Moyen Âge proviennent également de très nombreux chants populaires
relevant du folklore - ou, pour employer
l’expression allemande, du Volkslied. Ce
sont ces lieder, dont les textes ont été, à
la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle,
collectés et rassemblés par des poètes allemands - Herder, Arnim, Brentano, Goethe
lui-même - et publiés en des recueils, qui
ont conquis une vaste popularité ; le plus
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célèbre d’entre eux est le Cor magique de
l’enfant (Des Knaben Wunderhorn), qui
ne contient pas moins de 700 Volkslieder
(Gustav Mahler en a mis plusieurs en
musique).
On a voulu voir dans le Volkslied une
des sources, sinon la source principale, du
lied romantique. Mais si le mot de lied,
commun aux deux genres, peut, en effet,
abuser et induire une confusion entre les
deux, ceux-ci s’opposent radicalement.
Autant le lied romantique est une oeuvre
savante, même lorsqu’il revêt un caractère
poétiquement populaire, autant le Volkslied du Moyen Âge ou de la Renaissance,
anonyme et transmis par tradition orale,
est d’essence et de forme populaires :
chantant les travaux des jours, les métiers,
l’amour, la guerre, la vie quotidienne,
etc., il s’apparente aux autres formes de la
chanson populaire.
Dans le domaine savant, la chanson
polyphonique française de la Renaissance
a son pendant en Allemagne avec le lied
polyphonique, profane ou spirituel : chan-
sons d’inspiration séculière, motets religieux, en latin ou en allemand, prennent
le terme générique de lieder sous la plume
des musiciens du XVIe siècle, pour la plupart disciples de Roland de Lassus (Leonhard Lechner, Johannes Eccard, Hans
Leo Hassler), dont ils adaptent le langage
contrapuntique pour l’introduire dans le
monde germanique luthérien.
Deux grands événements historiques
vont marquer profondément la musique
allemande et comptent parmi les sources
auxquelles s’est alimenté le lied romantique : la Réforme de Luther et la guerre
de Trente Ans. L’influence de Luther est
capitale dans l’évolution de la musique
vocale allemande : directement, par les
recommandations pratiques qu’impose le
réformateur à sa communauté spirituelle ;
indirectement et à plus long terme, par
tout le courant de pensée qui sera celui du
monde allemand dans les siècles suivants,
intimement imprégné des grandes composantes du luthéranisme. D’une nature
profondément musicienne, Luther centre
la pratique cultuelle sur le chant communautaire, au temple ou dans la famille, faisant de cette pratique un acte liturgique.
Le lien ainsi établi entre la musique (et
plus particulièrement le chant) et le sacré
orientera de façon décisive toute la pensée
allemande et une certaine façon d’envisager la musique, propre à la culture réformée germanique.
Pour les besoins du culte nouveau,
Luther compose des chorals, en fait composer, collecter, adapter par les musiciens de son entourage, à partir, parfois,
de chansons populaires. Sur plusieurs
générations va ainsi se constituer un corpus de chorals, mélodies volontairement
très simples dans la mesure où elles sont
vouées à être chantées par tous. Même
dans leur version harmonisée à plusieurs
voix, les chorals demeurent d’une exécution très aisée, avec leur respiration régulière bien marquée - encore un trait dont
se souviendra le lied romantique.
De la sorte, Luther donne un formidable élan à la création d’une musique
vocale - savante, puisque due à des compositeurs professionnels, mais de coupe
simple et destinée à de multiples occasions
de la vie quotidienne. Le sacré ne s’y distingue pas plus aisément du profane que le
lied ne se différencie alors du choral.
Quant à la guerre de Trente Ans,
au siècle suivant (1618-1648), elle provoque des ravages considérables dans la
culture et la société allemandes ; mais
elle suscite aussi une exacerbation de la
spiritualité, qui s’incarne sur plusieurs
générations en courants de pensée et en
poèmes religieux (généralement sur fond
de terreur et de mort, souvenir immédiat des atroces malheurs de la guerre).
C’est, notamment, le courant piétiste, qui
touche en profondeur les milieux bourgeois, et dont les principaux poètes sont
Jakob Böhme et Angelus Silesius.
LES PRÉDÉCESSEURS DE SCHUBERT.
De ces mouvements naîtra le climat
propice à la fondation d’un art musical
typiquement allemand, que ce soit dans
le drame lyrique (qui aboutira à partir
de l’Enlèvement au sérail de Mozart) ou
dans l’ode de salon. La veine populaire,
marquée du caractère sérieux, « engagé »,
quasi sacré, qui sous-tend toute l’expression littéraire depuis le XVIe siècle, donnera naissance au Singspiel, dont Hiller
est le premier grand représentant, dans la
seconde moitié du XVIIIe siècle. Mais c’est
aussi le moment où l’Aufklärung, époque
de pensée rationaliste du « Siècle des lumières », le temps du philosophe Leibniz
ou du poète Klopstock, favorise l’éclosion
d’innombrables musiques domestiques
pour chant avec accompagnement instrumental : les cahiers d’odes rationalistes
et moralisantes fleurissent au milieu du
XVIIIe siècle dans toute l’Allemagne, composées par les Mizler, Mattheson, Schubart, Marpurg, Scheibe..., un courant qui
se poursuivra jusqu’à certains des lieder
de Mozart et de Beethoven, lesquels n’apporteront d’ailleurs pas au lied quelque
forme nouvelle, décisive, à la mesure de
leur génie.
En Allemagne du Nord, un musicien
comme Johann Abraham Peter Schulz
(1747-1800) peut être considéré comme
l’un des précurseurs du lied - chant
simple, naturel, de caractère strophique,
écrit pour tous, et dont certaines mélodies vont devenir populaires. Son recueil
de Lieder im Volkston bey dem Klavier zu
spielen, « Chansons de caractère populaire à exécuter avec piano » (1782), fait
de lui l’initiateur du genre des Lieder im
Volkston, chansons de caractère popu-
laire où s’essaient maints compositeurs
du XVIIIe siècle finissant. Dans les années
1770-1780, en effet, très nombreuses
sont les pièces lyriques de style populaire
transcendé, dont le caractère vocal se fait
d’ailleurs plus volontiers lyrique dans les
régions méridionales de l’Allemagne, au
contact de l’art italien, qui fleurit alors
dans les cours princières.
On ne saurait non plus mésestimer la
vogue, à cette même époque, des mélodrames (la Médée de Benda devait fortement impressionner Mozart) : toute la
charge émotive du récit y est assumée par
la musique, sur laquelle le texte simplement parlé explicite l’action ou les sentiments en présence, texte acquérant du
même coup un poids insoupçonné.
Trois compositeurs peuvent alors être
considérés comme les annonciateurs les
plus directs du lied schubertien : Reichardt, Hiller et Zumsteeg. Johann Friedrich Reichardt (1752-1814) publie de
très nombreux volumes de mélodies
accompagnées, appelées elles aussi lieder, sur des poèmes de Goethe, Schiller,
Claudius, Hölty, Klopstock - les poètes
mêmes qui inspireront Schubert : Goethes
Lieder ; Lieder der Liebe und der Einsamkeit, « Chansons d’amour et de solitude »
(1798) ; Wiegenlieder für gute deutsche
Mütter, « Berceuses pour les bonnes mères
de famille allemandes » (1798) ; Oden,
Balladen und Romanzen (1809-1811), etc.
Il est également l’auteur d’opéras et de
Singspiele, où fleurissent aussi ces ariettes
quelque peu simplistes. On notera qu’il est
le premier à avoir mis en musique le Roi
des aulnes (Erlkönig) de Goethe, qui sera
l’un des plus fameux lieder de Schubert.
Johann Adam Hiller (1728-1804),
dont on a rappelé qu’il était l’initiateur
du Singspiel, a publié, à côté de multiples
arrangements et d’harmonisations de
chorals, des mélodies - « lieder » - avec
accompagnement, depuis 1759 (Lieder
mit Melodien an meinen Canarienvogel,
« Textes de chansons avec leurs mélodies,
pour mon canari ») jusqu’à 1790 (Letztes
Opfer, in einigen Lieder-Melodien, « Dernière offrande, en quelques mélodies de
chansons), dont un cahier de Lieder für
Kinder, « Chansons pour les enfants », en
1769.
Quant à Johann Rudolf Zumsteeg
(1760-1802), il est le créateur de la bal-
lade pour chant et piano, grande mélodie
« durchkomponiert » (composée de bout
en bout, sans retour à des refrains ou à
des couplets), dont il organise la forme en
divers plans d’intensité dramatique et musicale. Ses poètes sont, comme pour Reichardt, ceux de l’Aufklärung des années
1740-1770, et ceux du courant littéraire
nouveau, celui du premier romantisme
allemand ou Sturm und Drang, influencé
par les romans sentimentaux européens
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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du XVIIIe siècle (Pamela de Richardson,
la Nouvelle Héloïse de Rousseau) et les
poèmes d’Ossian, et illustré principalement par le jeune Goethe : le surnaturel y
perd de son caractère strictement religieux
pour acquérir une dimension dramatique,
profane, mais conservant toujours une vision mystique du monde, mêlée au sentiment de la mort. On a publié de Zumsteeg
7 livres de Balladen und Lieder.
De ces musiciens, on peut rapprocher
Carl Friedrich Zelter (1758-1832), ami et
conseiller musical de Goethe, auteur, lui
aussi, de nombreux lieder ; certains précèdent ceux de Schubert, d’autres en sont
contemporains et même de peu postérieurs, mais sans toutefois être influencés
par son apport résolument neuf à l’art du
lied.
Car le lied de Schubert est le premier
à faire converger, génialement, en un
seul foyer le climat sérieux et le caractère
« engagé » issu du vieux fonds luthérien,
l’intimité bourgeoise de la mélodie plus
ou moins populaire et l’esprit de la musique de chambre. Cela beaucoup plus
qu’il n’opère de synthèse de tous ces courants, dont il procède cependant et sans
la connaissance desquels il est impossible
de remonter aux sources de son art : les
mouvements littéraires du piétisme, de
l’Aufklärung et du Sturm und Drang, la
recherche d’une expression musico-dramatique spécifiquement allemande, le
monde du choral, le fonds populaire de la
chanson, l’air d’opéra et de Singspiel, l’ode
rationaliste et le lied im Volkston.
UNE PRODUCTION UNIQUE, EN QUANTITÉ
COMME EN QUALITÉ : LES LIEDER DE SCHUBERT.
En une quinzaine d’années seulement,
Franz Schubert (1797-1828) a écrit quelque
625 lieder pour voix et piano. Cette production s’étend sur toute sa vie créatrice,
de ses années de collège aux derniers jours
de sa vie. Le premier de tous qui nous ait
été conservé est la Plainte d’Agar dans le
désert (1811), qui avait été précédé d’essais
antérieurs, disparus ; le dernier est le Pâtre
sur le rocher, avec un accompagnement de
clarinette et de piano (1828). Doué d’une
extraordinaire rapidité dans un genre qui
était l’expression si intime de sa pensée,
Schubert a écrit ses lieder très rapidement - jusqu’à cinq en une seule journée.
Mais ce fait ne doit pas masquer que la
rédaction d’un lied pouvait être précédée
d’une lente rumination plus ou moins inconsciente, ni que certains lieder aient été
repris, retravaillés, jusqu’à parvenir à leur
forme achevée définitive. C’est ainsi, par
exemple, que, parmi les premiers lieder de
Schubert, certains, comme Gretchen am
Spinnrade (« Marguerite au rouet », 1814)
ou Erlkönig (« le Roi des aulnes », 1815),
chefs-d’oeuvre si accomplis, malgré la jeunesse du compositeur, qu’on les donne généralement pour date de naissance du lied
romantique, ont fait l’objet de plusieurs
rédactions successives. Le Roi des aulnes a
connu 4 versions, apportant chacune des
différences minimes d’apparence, mais
fort importantes quant à l’expressivité
musicale.
Chanté pour la première fois en 1820,
le Roi des aulnes fut la première oeuvre publiée de Schubert, en 1821. Les lieder sont
d’ailleurs la partie de l’oeuvre de Schubert
qui se répandit le plus tôt, sinon dans le
grand public, du moins dans les cercles
musicaux et littéraires. Ce sont eux qui
lui assurèrent, de son vivant même, une
notoriété certaine - encore que Goethe ne
répondît à aucun de ses envois -, notoriété
que ne connut le reste de l’oeuvre que plusieurs dizaines d’années après la mort du
musicien. La première édition complète
des lieder ne fut cependant établie que de
1884 à 1897, par Mandyczewski, et publiée
par Breitkopf und Härtel ; elle a été rééditée par Dover, aux États-Unis, en 19
volumes, de 1965 à 1969.
Contrairement à ce que l’on avance
généralement, Schubert ne fut pas un
illettré qui aurait choisi ses poèmes au
hasard. Tout au contraire, il a participé à
d’innombrables réunions littéraires avec
ses amis ; et il montre dans ses choix de
poètes une véritable intuition (bien plus
grande que celle d’un Fauré, par exemple).
C’est ainsi que plus de 60 de ses lieder,
soit 1/10 de sa production, sont écrits
sur des textes de Goethe, le plus grand
poète allemand ; plus de 30 le sont sur des
poèmes de Schiller. À la fin de sa vie, en
1828, il découvre, à peine publié, un jeune
poète encore inconnu, Heinrich Heine,
qui deviendra le poète de prédilection de
Schumann. Schubert lui consacre 6 de ses
derniers lieder, 6 chefs-d’oeuvre, du Chant
du cygne. Quant aux poètes de moindre
renom sur lesquels se fonde tout le reste
de son oeuvre, ils ne sont pas pour autant
de valeur négligeable ; leur univers est
celui dans lequel se situe Schubert, dans
lequel il se sent totalement impliqué.
Le fait est essentiel, car écrire un lied
n’est pas pour Schubert imaginer une jolie
mélodie, soutenue au piano, par-dessus un
texte ; c’est là le domaine de la romance,
de la simple « mise en musique », et Victor Hugo avait bien raison d’interdire :
« Défense de déposer de la musique le
long de mes vers. » La musique, ici, que ce
soit celle du piano ou celle du chant, deux
éléments traités en étroite communion
(comme dans la musique de chambre),
cherche à approfondir la vision poétique
du texte, à en prolonger les harmoniques,
les vibrations, en symbiose intime avec le
texte. L’opération est d’ordre musical : la
charge poétique, affective du texte passe
dans la musique, et le texte chanté ne fait
que la traduire « en clair », comme c’était
le cas dans le mélodrame. Non pas mise en
musique, donc, mais transfiguration poético-musicale.
Avec Schubert, le lied trouve d’un coup
sa forme la plus achevée. Dresser la typologie du lied schubertien, c’est inventorier
tout ce qui fait l’originalité de Schubert
sur ses devanciers et souligner les grands
traits du lied romantique allemand. Il faut
donc envisager succinctement ces caractéristiques, d’ordre littéraire et d’ordre musical, et en commençant par le domaine
poétique. D’abord parce que c’est du
poème, mûrement choisi et provocateur
du choc initial de la création musicale,
que part le musicien, entrant en relation
de tension avec le texte pour en fouiller,
par les sons, toutes les virtualités ; mais
aussi parce que, dans la pensée allemande,
ce domaine littéraire pèse traditionnelle-
ment d’un bien plus grand poids que ce
qui ne ressortit qu’à la seule musique.
Le trait caractéristique le plus frappant à la lecture des poèmes utilisés par
Schubert est la présence, dans une forte
proportion, de la nature. Celle-ci apparaît
comme simple paysage de claire détente
(Au printemps, Chant du matin). Mais le
décor est très souvent beaucoup plus riche
de signification intime : au paysage naturel
correspond le paysage intérieur du poète,
l’âme et l’univers se reflètent l’un dans
l’autre, comme le microcosme et le macrocosme. La description de la nature nous
concerne en ce que la suite du poème et du
lied nous y situe, le destin de l’homme se
trouvant intimement lié à celui du monde
naturel. C’est là le domaine d’un Wilhelm
Müller (le poète de la Belle Meunière et du
Voyage d’hiver), mais aussi des auteurs
qui s’apparentent au Sturm und Drang et
cultivent le fantastique cosmique (Herder,
Percy, Ossian).
À cette peinture de la nature participent
évidemment les éléments. L’eau, principalement, élément de prédilection de Schubert : ruisseaux et rivières, fleuves et mers
(Berceuse du ruisseau, Ruisseau d’été, À une
source, la Truite, le Fleuve, Bord de mer, Au
bord du fleuve) ; mais aussi l’eau courante
en ce qu’elle incarne une image de la destinée humaine, dans son voyage inexorable de la source vers l’embouchure, de
la naissance à la mort (c’est, notamment,
le thème du choeur pour voix d’hommes
sur le Chant des esprits au-dessus des eaux,
de Goethe). Eau du destin, élément dans
lequel se reflètent les hommes : c’est la
substance même de la Belle Meunière, où
le thème de l’eau joue le rôle de leitmotiv.
Avec l’eau, l’orage et la tempête, les vents
déchaînés (Matinée orageuse, la Jeune Religieuse, le Roi des aulnes), la neige et le gel
(Voyage d’hiver), la nuit et la lune (sérénades, nocturnes, À la lune).
Le thème de la destinée humaine prend
souvent chez Schubert et ses poètes
l’image du voyageur (der Wanderer). L’insatisfaction de l’homme, son inquiétude
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le poussent à quitter sa maison, son pays,
et à parcourir le monde ; il se met ainsi à
l’unisson d’un univers qui n’est que mouvement, en marche comme la destinée et
la vie ; mais la nostalgie (die Sehnsucht,
thème corollaire, fondamental lui aussi) le
ramène vers son pays, sa vraie patrie, qui
sera en réalité la mort. C’est le thème du
Tilleul, de Bienvenue et départ, comme des
nombreux lieder de voyage : le Voyageur,
Nocturne du voyageur, En voyage, etc., et
surtout du cycle du Voyage d’hiver.
Dans sa pérégrination, l’homme reste
solitaire et ne rencontre pas l’amour, la
bien-aimée est absente. Solitude schubertienne, dans la Belle Meunière et le
Voyage d’hiver, dans Marguerite au rouet,
la Plainte d’Agar dans le désert, Solitude, À
l’absente, À la lointaine, le Sosie, la Ville, les
divers Chants du harpiste et chants de Mignon, la Litanie pour le jour des morts. Solitude suprême, enfin, la mort, où aboutit
toute destinée, mais généralement envisagée comme un apaisement. Le thème de
la mort prend chez Schubert une importance croissante, en trois vagues successives. Dans les premières années, elle est
composante d’un paysage funèbre (Couronne funèbre pour un enfant, Au postillon
Kronos), pour s’intérioriser ensuite peu à
peu, vers 1816-17 (À la mort, la Mort et
la Jeune Fille, le Jeune Homme et la Mort).
Enfin, dans les années 1823-1828, la mort
est devenue intérieure et a rejoint la solitude, la maladie, le voyage, la nostalgie,
dans une vision globale du monde intime,
tragique et privée d’espoir (Voyage d’hiver,
lieder sur des poèmes de Heine dans le
Chant du cygne).
Les motifs littéraires de tous ces poèmes
sont empruntés à diverses sources : fonds
légendaire de l’Allemagne et de l’Europe
du Nord, motifs populaires et folkloriques
(Petite Rose des bruyères), grands thèmes
littéraires (Faust, le Divan occidental
ou Wilhelm Meister, pour Goethe). Une
petite touche chrétienne (Ave Maria, Pax
vobiscum, Litanie) apporte rarement son
éclairage à un monde essentiellement
panthéiste, assez fortement teinté du paganisme véhiculé par les grands motifs de
la mythologie grecque revisitée par Schiller et Goethe : Prométhée, Ganymède, les
Dieux de la Grèce, le Groupe au Tartare, le
Fils des muses, Chant d’un nautonnier aux
Dioscures.
De ces grands courants musicaux
convergents, de ces divers types de
poèmes, subtilement sélectionnés, dépendent les types formels que Schubert
met au point. Car, on l’a compris, il ne
s’agit jamais de musique populaire, recueillie dans le terroir ou véhiculée par
la tradition, à laquelle le musicien aurait
octroyé un soutien instrumental pour en
faire de la romance de salon. Populaire,
le lied de Schubert l’est dans son apparente simplicité, dans une expression lyrique d’abord facile et aisément mémorisable, bien « dans la voix », dans toutes
les connotations avec la vie des hommes
simples et les paysages naturels. Il y a
ainsi chez Schubert la permanence d’une
« fiction populaire », qui couronne en le
masquant un travail formel extrêmement
savant et élaboré.
Il est frappant d’observer que Schubert trouve d’emblée, dès ses premiers
lieder, sa personnalité, l’originalité du
lied romantique qu’il porte aussitôt à son
point de perfection, et comme la forme
évolue relativement peu tout au long de
sa production, en dépit d’une maîtrise
croissante des éléments de son langage
musical. Ce sont d’abord, formes primitives, des sortes de petites cantates traitées
avec un accompagnement qui évoque la
réduction au piano d’une partie orchestrale. Très tôt abandonnée, cette forme
débouche dans la grande ballade mélodramatique à la Zumsteeg, mais menée à
un exceptionnel accomplissement expressif et formel. La voix et l’instrument s’y
trouvent intimement mêlés, comme en
une oeuvre de musique de chambre. La
symphonie pianistique fait vivre les éléments de l’espace naturel et les frémissements de la vie intérieure, emportant la
voix dans un grand mouvement épique.
Composées de bout en bout, sans retours,
les ballades s’entrecoupent de récitatifs
articulant les temps forts de l’épopée poétique, opposent les plans d’intensité, les
tonalités, les assises rythmiques. C’est tout
un opéra en quelques minutes, tel que le
brossent les poètes du Sturm und Drang
(le Plongeur, le Gant, le Nain, le Groupe
au Tartare, Au postillon Kronos, le Roi des
aulnes).
À ces formes de type excentrique s’opposent les formes concentriques de la méditation musicale, de l’introspection : une
vision sonore est saisie comme en « instantané », et les mouvements obsessionnels de redites et d’incantation, de la voix
comme du piano, en explorent tous les
harmoniques intérieurs. C’est le monde
de Du bist die Ruh’ (« Tu es ma paix »),
des lieder sur les poèmes de Heine ou des
cycles.
Un troisième registre est constitué des
lieder de paysage pur, au caractère extraverti : évocations de la nature, échos, simplicité et lumière (Au printemps).
Quelques groupes de lieder sont associés en « cycles ». C’est le cas de la dizaine
de lieder de Mignon, d’après le Wilhelm
Meister de Goethe ; mais il s’agit là d’un
ensemble de lieder fondés sur une même
oeuvre littéraire, sans que l’on puisse dégager une dramaturgie musicale unissant
entre eux ces lieder. C’est aussi le cas du
recueil du Chant du cygne, regroupant
14 lieder (7 de Rellstab, dont la populaire Sérénade, 6 de Heine et 1 de Seidl) ;
mais, en fait, la composition de cet album
et son titre larmoyant sont pure fantaisie
de l’éditeur posthume, aucun lien n’ayant
été voulu par Schubert entre ces diverses
pièces. Restent 2 cycles, expressément
composés comme tels : les 20 lieder de la
Belle Meunière (1823), et les 24 du Voyage
d’hiver (1827). Tous deux, sur des poèmes
de Wilhelm Müller (de bien plus grande
valeur qu’on ne le dit généralement),
enchaînent des lieder en grande partie
de type méditatif, selon une dramaturgie
qui en fait de véritables récits, unis par
l’emploi de leitmotive : les mouvements
de doubles croches de la Belle Meunière,
thème de l’eau quasi omniprésent et qui
finit par recouvrir dans ses flots le petit
meunier Schubert et son espoir déçu ;
motif du pas du voyageur (noires ou
croches insistantes) dans le Voyage d’hiver, avec ses interruptions de silences et
ses cris désespérés, dans un monde gelé
et raréfié.
À ces grandes familles de lieder, il faudrait ajouter les ensembles vocaux et les
choeurs pour voix d’hommes accompagnés de piano, qui ne procèdent pas directement du lied, mais s’y rattachent par
leurs motifs poétiques.
Les structures musicales utilisées par
Schubert ne relèvent jamais, on l’a dit, de
la mélodie accompagnée ; formes de musique de chambre, elles sont nombreuses
et adaptées précisément à chaque type
de poème, visant chaque fois à projeter
l’espace visuel et poétique dans un espace
sonore qui en délivre les images. On
trouve ainsi divers systèmes strophiques :
rarement purs, si ce n’est pour quelques
lieder de caractère franchement populaire
et souvent devenus chants populaires de
l’Allemagne romantique (Petite Rose des
bruyères), mais faisant appel à des variations (rythmiques, mélodiques) ou à des
contrastes (majeur opposé au mineur, ou
inversement). La variation est, en effet,
l’un des ressorts de la structure schubertienne, variations instrumentale (Au printemps) ou rythmique (Ganymède). Sur le
plan mélodique, la variation peut se faire
par amplification du galbe de la ligne
vocale, le lied procédant alors par « cris »
successifs. Lorsqu’il n’est pas rigoureusement durchkomponiert, le lied, surtout
de type excentrique, la ballade, s’organise
en marqueterie de motifs pianistiques et
vocaux, structurés en paliers d’intensité
expressive.
Enfin, sur le plan du langage musical,
le lied schubertien présente de grandes
constantes, qui seront celles de tout le lied
romantique allemand. Et d’abord, une extraordinaire concentration sonore. Dans
une extrême économie de moyens, aucune note ne se présente comme un quelconque remplissage, comme le moindre
bavardage. Rien qui ne soit essentiel, ce
qui confère à la partie pianistique comme
au chant une relative facilité d’exécudownloadModeText.vue.download 584 sur 1085
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tion. Brèves introductions au piano, qui
en quelques mesures, en quelques notes
cernent l’espace sonore et psychologique
du lied ; modulations instantanées, par
enharmonie ou par simple translation
de tonalités, altérations très brèves qui
modifient tout à coup un éclairage. Les
mouvements obsessionnels font appel à
une figure rythmique ou mélodique, à la
répétition d’une seule note, et à un élément dont Schubert est le premier, bien
avant les musiciens sériels, à avoir évalué
toute l’importance expressive : le silence.
La substance musicale se raréfie parfois
jusqu’à l’absence de toute musique exprimée, laissant les sons se prolonger à l’intérieur des auditeurs. Au silence s’opposent
les cris, exacerbation de la ligne mélodique
qui finit par envahir tout l’espace sonore.
Mais cette dilatation de la mélodie est ellemême utilisée avec beaucoup de parcimonie, en conclusion, pour faire éclater la
vision dramatique du lied ; en règle générale, au contraire, la ligne de chant est très
diatonique et contenue dans un ambitus
relativement restreint. Toute la musique
de Schubert chante - le piano, le quatuor
à cordes, les instruments de l’orchestre comme la voix. Cette vocalité de Schubert
explique comment des thèmes de lieder,
son monde essentiel, font résurgence
dans la musique de piano ou la musique
de chambre (quintette la Truite, Wanderer Fantasie pour piano, quatuor la Jeune
Fille et la Mort). Ce chant « naturel », où
ne perce jamais la science de l’écriture, est
sans aucun doute ce qui a pu accréditer la
légende d’un Schubert populaire ; c’est, en
tout cas, ce qui contribue à donner à ses
lieder leur incontestable popularité.
LES LIEDER DE SCHUMANN.
Schubert a véritablement créé le lied romantique allemand, et lui a donné, d’un
coup, ses plus hauts chefs-d’oeuvre. Tous
les musiciens qui vont le suivre vont se
définir par rapport à lui, à commencer
par Robert Schumann (1810-1856), qui,
en quelque sorte, le complète et achève
d’explorer toutes les potentialités du lied.
Et pourtant, on ne peut imaginer plus dissemblables que Schubert et Schumann.
Autant le premier, autrichien, se masque
de fiction populaire, autant le second, allemand, laisse à découvert sa complexité,
son trouble univers. Schubert est homme
de l’instinct - un instinct très sûr -, Schumann, lui, est issu d’une culture littéraire.
Il avait songé aux lettres, s’y est essayé : son
lied va perdre de l’immédiateté de celui
de Schubert pour se charger de signes,
de symboles et d’allusions. À quoi il faut
ajouter, deuxième constante de son art du
lied, une personnalité complexe, problématique, hantée de peurs et de vertiges, de
nostalgie, et d’un drame d’emmuré vivant
qui le conduira à l’asile.
D’où un choix très différent de poètes et
l’élaboration d’une langue musicale nouvelle. Les poètes, ce sont d’abord Heine,
que Schubert lui désigne post mortem
dans le Chant du cygne ; et puis Eichendorff, et Lenau, dans ce que leur oeuvre
compte de plus désespéré ; et Chamisso,
qui n’échappe pas à une certaine sensiblerie, avant de retrouver quelques textes
de Goethe, de Rückert, de Mörike, ou de
découvrir une nouvelle génération, avec
Byron, Burns ou Moore. C’est le monde
des crépuscules et des lumières « entre
chien et loup », où la raison bascule dans
la folie, celui des noces tragiques, des
amours comblées et malheureuses, des
carnavals de l’âme, des rêves et des paysages méphitiques.
Musicalement, la langue schumannienne porte témoignage de ces complexes
et de ces contradictions. D’abord, dans
une part différente dévolue au piano : à
lui les introductions qui plongent au coeur
d’un univers tourmenté, et les longues
conclusions où tente de se résoudre et de
se libérer le drame chanté que la voix seule
n’est pas parvenue à exorciser - là où il
fallait à Schubert un cri à peine répété et
quelques accords. La ligne de chant, elle
aussi, rompt avec la simplicité schubertienne : plus distendue, plus apparemment raffinée, elle souligne, avec le piano,
les moindres intentions du texte en des
altérations plus ou moins marquées. Schubert campait son lied dans une progression musicale et épique ; Schumann, au
contraire, en lyrique, analyse et explore
toutes les facettes de ses poèmes dans une
opération beaucoup plus statique, presque
contemplative. Et pour cerner le climat
émotif des poèmes il en appelle au chromatisme, aux accords altérés (septième
diminuée, neuvième), aux incertitudes
rythmiques, aux mouvements syncopés.
La production de lieder de Schumann
compte quelque 250 morceaux, pour la
plupart regroupés en recueils et même en
cycles. Mais alors que les lieder accompagnent toute la vie créatrice de Schubert,
ils n’apparaissent chez Schumann qu’en
deux formidables vagues : 130 environ
pour la seule année 1840, plus de 100 pour
les années 1849 à 1852.
En 1840, Schumann a trente ans. Dans
les dix années qui précèdent, il n’a écrit
que pour le piano : la quasi-totalité de ses
chefs-d’oeuvre. Obtenant enfin l’autorisation d’épouser Clara, en cette même année
1840, il va consacrer toute l’année exclusivement aux lieder ; et, à part quelques
pièces, il n’y reviendra qu’en 1849, après
une longue série de crises. Pris alors par
une frénésie de création, il s’adonne à
tous les genres, dans les quatre années qui
suivent, avant la chute de 1853.
À côté de la production des lieder
pour voix et piano, il faut mentionner
un nombre important de duos, trios et
quatuors vocaux avec piano, 3 morceaux
pour voix parlée avec piano, et de nombreux choeurs pour voix de femmes, voix
d’hommes ou voix mixtes, pour la plupart
sans accompagnement. À de rares exceptions près, toutes ces pièces ont vu le jour
dans les deux grandes vagues de création
des lieder - elles datent principalement de
1849. Et elles font appel aux mêmes poètes
que les lieder pour voix et piano.
Il est troublant de voir Schumann, au
moment même d’épouser la pianiste Clara
Wieck, qu’il attend depuis dix ans et pour
qui il a écrit nombre de ses grandes pages
pour le piano, abandonner ce piano et
chercher dans le lied, et exclusivement,
l’expression lyrique, explicite, d’amours
malheureuses. Dans la production de cette
année, 5 groupes de lieder sont baptisés
« cycles » - Liederkreise : les opus 24 et 25
(Myrthes), 39, 42 (l’Amour et la vie d’une
femme) et 48 (les Amours du poète), représentant en tout 71 lieder. Mais 2 seulement, les opus 42 et 48, constituent des
ensembles cohérents, construits en tant
que tels et animés d’une dramaturgie musicale interne (leitmotive, relations tonales
entre les lieder, etc.).
Le Liederkreis op. 24 est le premier bouquet de fleurs vénéneuses que Schumann
cueille chez Heine - 31 lieder d’après
Heine en 1840, presque plus ensuite. Le
Liederkreis op. 25, Myrthes, rassemble 26
lieder de poètes divers en une couronne
de fiançailles offerte à Clara, plus suaves,
moins fervents que les autres. C’est
Eichendorff qui donne les poèmes de
l’opus 39, 12 chefs-d’oeuvre qui chantent
la fiancée morte, la détresse du poète, les
menaces de la nuit, dans un décor de châteaux en ruines et de forêts enchantées.
Lui aussi offert à Clara, le cycle l’Amour
et la vie d’une femme doit son texte sentimental et quelque peu larmoyant à Chamisso. Malgré le caractère petit-bourgeois
de la Restauration (Biedermeier, en Allemagne), qui peut paraître d’une ingénuité
un peu puérile, mais qui convient si exactement à toute une part de la sensibilité
schumannienne, ce cycle de 8 tableaux
évoque la vie sentimentale d’une jeune
femme, depuis les premiers aveux jusqu’à
la mort du bien-aimé, en passant par les
noces et la naissance de l’enfant. Huit portraits réunis en une seule suite, d’aspect
étrangement prémonitoire. Les Amours
du poète, enfin, sur des poèmes de Heine,
sont une sorte de tragédie en réduction la tragédie du poète, dont la bien-aimée
en épouse un autre, et qui en meurt : 16
miniatures organisées en contrastes, avec
temps forts et moments de détente.
1840, toujours, pour le minicycle du
Pauvre Pierre (de Heine, encore), ou
quelques ballades, sortes d’ébauches
d’opéras - l’opéra qui est la nostalgie de
tout le romantisme allemand, et que seul
Wagner, après Weber, réussira. Et puis
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
579
plusieurs cahiers d’après des poèmes de
moindre envergure de Rückert, de Reinick
ou de Kerner.
Dans les années de maturité, Schumann
emprunte à un grand nombre de poètes,
de Goethe et Schiller à des anonymes. À
nouveau, des rêves, des scènes fantastiques, des chants de soldats ou des scènes
médiévales : tout un monde très différencié, qui ne cesse de pétrir et de ressasser
ces motifs de l’inquiétude qui ne tarderont
pas à mener Schumann à la folie, mais qui
constitue un corpus passionnant encore
beaucoup trop ignoré des interprètes.
AUTOUR DES MAÎTRES DU LIED.
Le foisonnement de musique vocale avec
piano - tout ce que l’on regroupe sous le
terme générique de lied - ne s’est pas arrêté du jour où Schubert, puis Schumann
ont porté le lied à sa perfection. Tout au
contraire, ce foisonnement se poursuit, et
il n’est guère de musicien allemand qui, au
XIXe siècle, ne compose des lieder - musiciens mineurs -, ni créateur de génie chez
qui le lied n’atteindra pas les sommets des
maîtres du genre.
On a indiqué que, avant Schubert, ni
Mozart, ni Beethoven, ni d’ailleurs Haydn
n’ont innové réellement en ce domaine.
Certains de leurs lieder, cependant, pressentent ce que sera le lied romantique.
Chez Mozart, Abendempfindung (« Sentiment du soir »), Unglückliche Liebe
(« Amours malheureuses ») ou Das Lied
der Trennung (« le Chant de la séparation ») possèdent déjà un ton, un registre
de sensibilité et un rapport entre chant et
piano, qui seront ceux de Schubert. Dans
ses délicates canzonettes anglaises, ou
dans le lied de Wilhelm Meister, Haydn
s’approche lui aussi du lied schubertien.
Quant à Beethoven, il se situe en marge
de cette évolution et ignore tout de Schubert ; ses quelque 70 lieder sont proches
des mouvements lents de ses Sonates pour
piano, et traités plus instrumentalement
que vocalement. Mais ses Six Lieder sur des
poèmes de Gellert op. 48 (1802), Adélaïde
(1794-95), ses différents lieder sur des
poèmes de Goethe - et notamment Nur wer
die Sehnsucht kennt (« Seul, qui connaît la
nostalgie », de Wilhelm Meister), son cycle
À la bien-aimée lointaine (1815-16) possèdent une unité dramatique, une ambiance
sonore, une subtilité dans le traitement du
piano qui préfigurent par moments, plus
que Schubert, Schumann et Wolf.
Chez les contemporains de Schubert,
peu de musiciens se détachent réellement.
Ce ne sont ni Ludwig Spohr (1784-1859),
ni même Carl Maria von Weber (17861826), qui, malgré quelques réussites
(Prière à la bien-aimée, Poèmes de lyre
et d’épée), reste le plus souvent enfermé
dans la cantate ou surtout l’ariette populaire de Singspiel. Anselm Hüttenbrenner
(1794-1868) est plus attachant, mais reste
un peu dans l’ombre de son grand ami
Schubert. C’est de Carl Loewe (1796-1869)
qu’il faut le plus attendre. Non que tout
soit chez lui du meilleur goût ni de la plus
subtile facture : Loewe rassemble tous les
grands thèmes littéraires, historiques et
poétiques de son temps, il connaît bien
la musique de ses contemporains, et se
montre fort habile à composer des sortes
de pots-pourris propres à séduire le public
moyen. Mais il a aussi des intuitions et
un souffle épique, qui vont le faire exceller dans le genre de la grande ballade.
L’allure d’opéra que celle-ci prend chez
lui n’est pas empruntée à autrui, mais au
contraire préfigure les drames musicaux
à venir : son Roi des aulnes annonce les
tempêtes du Vaisseau fantôme de Wagner.
Et des ballades comme Sire Oluf, la Fille
de l’hôtelière, Edward, le Woyvode, Thomas
le rimeur sont parmi ce qu’il a laissé de
meilleur. L’épopée s’y fait volontiers descriptive, mais sa carrure, son galbe ont pu
séduire Robert Schumann.
Si Conradin Kreutzer (1780-1849) se
montre attachant en de nombreux lieder,
pour la plupart composés sur des poèmes
de Uhland, un Giacomo Meyerbeer (17911864) ou un Otto Nicolaï (1810-1849)
n’apportent guère d’éléments décisifs à
l’art du lied. Quant à Felix Mendelssohn
(1809-1847), le lied (malgré les grands
poèmes de Goethe ou de Heine auxquels il
a recours) est la part la plus mièvre de son
oeuvre et apparaît comme du Schumann
affadi ; en revanche, son génie mélodique
trouve une merveilleuse expression dans
ses Lieder ohne Worte, Mélodies sans paroles, pièces écrites pour piano seul, où
le pouvoir évocateur de sa musique peut
s’épanouir pleinement, libéré des sollicitations charmeuses des poèmes.
À la génération de Schumann appartiennent encore un Franz, un Hiller, un
Cornelius. Robert Franz (1815-1892), protégé par Schumann, manque singulièrement de force musicale. Ses 350 lieder (sur
des poèmes de Heine, Eichendorff, Lenau,
Mörike) sont plus des complaintes, où
s’exhalent tendresse, douceur et tristesse,
sur un ton de confidence qui ne manque
pas de charme. Mais Franz semble avoir
délibérément laissé de côté l’apport des
grands maîtres du lied pour offrir des
pages plus largement destinées au grand
public, à caractère populaire ; c’est ainsi
qu’il ne manifeste aucun intérêt particulier pour la valeur intrinsèque des mots
de ses poèmes, et enferme les vers dans
des phrases de coupe très simple. Ferdinand Hiller (1811-1885) n’apporte guère
plus, mais manifeste plus de tempérament
que Franz. Quant à Peter Cornelius (18241874), quoique très attiré par Wagner, il
demeure toujours extrêmement personnel, dans une écriture savante et rigide qui
masque mal une très vive sensibilité de solitaire. Si son piano connaît des partitions
amples, vastes, qui risquent de submerger
le chant, ce dernier, en revanche, se trouve
aéré par une prosodie très originale. Ses 77
lieder culminent en 3 cycles, Souffrance et
consolation, Chants à la fiancée et Chants
de Noël, sur des poèmes du musicien luimême, et annoncent parfois Hugo Wolf.
Franz Liszt (1811-1886), créateur
abondant et protéiforme, aborde tous les
genres, y compris, naturellement le lied.
Européen, il fait appel à des poètes de
diverses nationalités, qu’il sert dans leur
langue originale (allemand, italien, français, anglais) : quelque 80 morceaux, dont
certains ont reçu une nouvelle version plus
tardive ou une orchestration. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre,
les parties de piano ne sacrifient pas à la
virtuosité ; mais en se bornant à illustrer
les poèmes elles brodent des variations à
effets, des harmonies suggestives quelque
peu en marge du sens profond des textes.
Le chant, lui, déclame les poèmes, avec
une emphase calquée sur le débit du texte,
mais sans pour autant glorifier la poésie,
ni en fouiller les résonances intimes.
Chez Richard Wagner (1813-1883),
les lieder appartiennent au début de la
vie créatrice - il faut citer notamment les
Sept Compositions sur le Faust de Goethe
(1832). Il trouve sa voie dans le drame
musical, auprès duquel le lied n’a plus de
raison d’être. Mais, dans sa maturité, il
écrit les Cinq Wesendonck Lieder, 5 lieder
sur des poèmes de Mathilde Wesendonck,
esquisses pour Tristan et Isolde : dans le
format du lied, il enserre les grandes
phrases lyriques de son opéra en gestation,
et son piano semble, à lui seul, résumer
l’orchestre qu’il pressent. Les Wesendonck
Lieder seront d’ailleurs orchestrés ultérieurement, par Felix Mottl.
Enfin, on ne peut que citer des compositeurs minimes, eux aussi tentés par
le lied : Friedrich Nietzsche (1844-1900),
le philosophe qui se piquait de composition musicale, Theodor Kirchner, Julius
Schäffer, Louis Ehlert, Emanuel Klitzsch,
Joachim Raff, Alexander Ritter.
AVEC BRAHMS, UNE NOUVELLE GÉNÉRATION
DU LIED ROMANTIQUE.
Le lied accompagne toute la vie de Johannes Brahms (1833-1897) : 200 lieder,
de ses vingt ans à l’avant-dernière année
de sa vie. À quoi il faut ajouter 25 duos,
une trentaine de quatuors vocaux, près de
100 chants populaires pour voix et piano
et 26 pour choeur à 4 voix, soit une oeuvre
vocale importante, où le lied se taille la
part du lion.
Mais, avec lui, c’est une nouvelle génération du lied romantique qui commence.
Chez Schubert et Schumann s’est cristallisé un genre musical dont ils ont créé
les archétypes. C’est à présent dans des
formes établies que se coule l’inspiration
des compositeurs. Ce qui va les individua-
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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liser, c’est d’abord le choix des poèmes
auquel leur tempérament les mène. Or,
il est curieux de voir Brahms s’adresser
à un grand nombre d’auteurs différents,
pour la plupart mineurs, voire inconnus.
Deux noms surnagent, ses deux poètes de
prédilection : Groth et Daumer, au talent
bien éloigné des Goethe et des Heine de
Schubert et de Schumann.
Le choix des thèmes poétiques est très
révélateur : à peu près pas de paysages,
sinon de grisaille ; des textes volontiers
abstraits et sentencieux, assez flous, sans
grande force - textes très intériorisés,
générateurs d’une ambiance vague, grise
elle aussi, celle d’un solitaire qui semble
vouloir délibérément se mettre à l’écart de
son lied, alors que Schubert et Schumann
s’y impliquaient totalement.
La structure musicale de ses lieder,
Brahms l’emprunte généralement à Schubert, allant des formes strophiques variées
à la composition « de bout en bout », en
passant par la forme « concentrique »,
développement libre balisé de formules
qui construisent l’oeuvre en lui donnant
un semblant d’unité. Mais, par rapport à
Schubert, il lui manque la clarté, la netteté de plan, qui donnaient si précisément
l’intelligibilité de l’ensemble.
Mais la structure n’en est pas seule
cause : le langage même du musicien s’y
applique. La richesse, la somptuosité,
même, de ses thèmes, l’épaisseur de ses
parties de piano, le mouvement généralement très modéré engendrent un climat diffus, une lumière voilée. Brahms
ne se confie pas, il invite son auditeur à le
suivre dans un cheminement vers l’intérieur de lui-même, de sa solitude, tandis
que sa pudeur ne cesse de dresser des
barrages à cette introspection. C’est tout
un domaine de la sensibilité allemande
qu’il faut découvrir ici, non sans patience,
dans la mesure où ces lieder demeurent
très peu fréquentés des chanteurs - sans
doute en raison de cette espèce d’impuissance à éclater dans l’espace sonore. Mais,
à ce prix, on rencontrera de purs chefsd’oeuvre : C’était beau, Solitude de la cam-
pagne, D’amour éternel, Nous nous promenions, Toujours plus doucement.
Ces lieder sont presque tous regroupés
en recueils. Mais deux d’entre eux composent des cycles, ou plus exactement des
albums de lieder réunis par une unité de
ton et d’esprit : les Romances de Maguelonne et les Quatre Chants sérieux (il faudrait traduire plus précisément Quatre
Chants graves). La composition des quinze
Romances de Maguelonne s’étend de 1861
à 1868. Le poète Tieck en a pris l’argument dans un roman de chevalerie français du XIIe siècle. Les amours contrariées
du chevalier Pierre et de la belle Maguelonne sont saisies, en 15 temps, dans des
romances, comme les chansons, les « lyriques » d’une légende dramatique. Quant
aux Quatre Chants sérieux, sur des textes
bibliques, ils datent de 1896. Ce sont 4
méditations religieuses centrées sur le
problème de la mort, dans un ton d’oratorio qui évoque quelque prolongement au
Requiem allemand.
LE LIED, PART ESSENTIELLE DE L’OEUVRE DE
HUGO WOLF (1860-1903).
Ses 340 lieder ont été composés sur une
vingtaine d’années seulement. Les 245 qui
ont été publiés de son vivant se regroupent
en cahiers, dont les 5 plus importants présentent une très grande unité, due à la fois
à l’unité poétique et au très court laps de
temps de la composition : Lieder sur des
poèmes de Mörike (53 lieder, 1888), Lieder sur des poèmes d’Eichendorff (20 lieder, pour la plupart de 1888), Lieder sur
des poèmes de Goethe (51 lieder, 1888-89),
Livre de lieder espagnol (44 lieder sur des
poèmes de Heyse et de Geibel, 1889-90)
et Livre de lieder italien (46 lieder sur des
poèmes de Heyse, en 2 tomes, respectivement de 1890-91 et de 1896). Ces lieder ont été composés par courtes vagues
successives, très brusques, coup sur coup,
à raison de plusieurs parfois la même journée.
Dans ses lieder comme dans sa vie,
Wolf procède à la fois de Schubert et de
Schumann. Du premier, il a la rapidité
de la création, la solitude ; du second,
l’exaltation, les angoisses et la folie ; et des
deux, le plus sûr instinct poétique. Car
c’est, avant tout, les poètes que cet homme
très cultivé et connaisseur veut mettre
en valeur, glorifier, et derrière lesquels il
cherche à s’effacer. C’est pourquoi on ne
peut avec lui cerner un univers poétique
dans lequel se définirait la personnalité du
musicien, à la lumière des textes choisis
par lui : ce qui l’intéresse en Goethe, par
exemple, ce n’est pas le lieu de quelque
projection de son moi profond, c’est le
moi de Goethe lui-même. Ainsi de chacun de ses poètes - et quels poètes ! À côté
des grands recueils, de Goethe, Mörike
et Eichendorff, ce ne sont pas moins que
Shakespeare, Ibsen, Byron, Heine, Lenau
ou Michel-Ange. À l’opposé de Brahms
qui se masque derrière ses poètes et se
réfugie dans la musique du piano, Wolf
met en lumière les poèmes qu’il révèle par
la musique, dans une fusion absolue du
verbe et du son.
Avant d’entreprendre la composition
d’un lied, Wolf commençait par en déclamer le texte à plusieurs reprises. D’où l’extrême raffinement dans les intonations du
chant, le rythme de la déclamation lyrique,
le débit de la voix, cette miraculeuse alchimie sonore qui sertit le poème en chacune
de ses syllabes. Sous le chant, le piano n’a
pas d’harmonies, d’altérations, de modulations, de fantaisie rythmique assez riches
pour façonner le somptueux écrin révélant
le poème : un langage wagnérien ramassé
dans l’espace concentré du piano entendu
dans un salon. Il procède par multiplication de petites facettes - un accent, une
altération, une secousse rythmique -, dont
la juxtaposition en kaléidoscope cherche
à épuiser toutes les virtualités de chaque
poème. De la même façon qu’au travers de
tous ces poèmes, il semble vouloir épuiser
une vision totale de l’univers, des évocations de la nature aux chansons de soldats,
de l’amour à la mort, de la tendresse à
l’humour et de la piété à la dérision. D’où
l’immense diversité de ce monde musical,
qu’il faudrait analyser pièce après pièce et, en tout cas, tirer de la méconnaissance
quasi totale où le tiennent les mélomanes.
Le monde poético-musical de Wolf n’est
pas d’un accès très aisé ; et l’étroite sujétion des pouvoirs musicaux à la glorification d’un texte impose une totale compréhension de celui-ci, dans sa langue
originale. Mais l’oeuvre de Wolf contient
par gerbes entières des chefs-d’oeuvre de
musique qu’on ne peut se priver d’ignorer.
LES LIEDER DE MAHLER.
Gustav Mahler (1860-1911) est l’exact
contemporain de Hugo Wolf, et appartient à la même génération que Richard
Strauss. Parmi ses premières oeuvres,
on compte 14 lieder pour voix et piano,
composés de 1880 à 1892, et publiés sous
le titre de Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit (Lieder et chants de jeunesse), en
3 volumes, en 1885 et 1892. Mais, déjà,
Mahler songe à la fusion de la voix et de
l’orchestre, en composant la cantate en 3
parties Das klagende Lied, le Chant de la
plainte (Légende de la forêt, le Ménestrel,
Chant nuptial, 1880, révisée en 1892-93 et
1898-99). Alto, ténor et choeurs y chantent
des poèmes du compositeur lui-même,
inspirés par le vieux fonds légendaire.
Dès ses débuts, donc, Mahler subit la
double tentation du lied et de la symphonie. Or, c’est à ce moment que se joue une
articulation décisive dans l’histoire du lied.
Car Mahler vient de rencontrer le recueil
poétique qui va orienter toute son oeuvre.
Des Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit,
en effet, 9 des 14 lieder (ceux des volumes
II et III) sont écrits sur des poèmes extraits
du recueil Des Knaben Wunderhorn. Par
la puissance d’évocation personnelle que
ces textes éveillent chez lui se révèle un
monde sonore que va pouvoir envahir la
symphonie. Le piano des lieder de Wolf se
substituait, avec ses moyens propres, à un
orchestre sous-entendu. Wagner, dans les
Wesendonck Lieder, « pensait orchestre »
au piano. Et quand Mahler poursuit l’exploration du recueil du Wunderhorn, c’est
déjà à l’orchestre qu’il songe.
Dans les années suivantes (1891-1899),
il tire du recueil merveilleux une nouvelle
gerbe de lieder - 15 en tout. Mais, cette
fois, c’est à l’orchestre symphonique
qu’est destiné leur accompagnement. Dix
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de ces lieder seront publiés en 1905 sous
forme d’un cycle, les Wunderhorn Lieder
proprement dits ; 5 autres composent les 2
premiers numéros du recueil Sieben Lieder
aus letzter Zeit (Sept Lieder de la dernière
période), les 5 autres de ce recueil étant
de Rückert ; un est le premier des Lieder
eines fahrenden Gesellen (Chants d’un compagnon errant, de déc. 1883 à janv. 1885),
les 3 autres poèmes étant de Mahler ; les 2
derniers, enfin, sont parties constituantes
de symphonies : Es sungen drei Engel einen
süssen Gesang (Trois anges chantaient une
douce chanson) figure dans le 5e mouvement de la 3e Symphonie (Ce que me racontent les anges), et Urlicht (Lumière originelle) dans le quatrième mouvement de
la 2e Symphonie.
Mais ce n’est pas tout, car 2 autres
poèmes du Wunderhorn se retrouvent
dans les symphonies, sans avoir toutefois connu de rédaction séparée. Ce sont
Ablösung im Sommer (Relève de l’été), 3e
mouvement de la 3e Symphonie (Ce que
me racontent les bêtes de la forêt), et Das
himmlische Leben (la Vie céleste), finale de
la 4e Symphonie. Pour être complet, il faut
ajouter que la 2e et la 3e Symphonie font
appel, pour leur partie chantée, à d’autres
poèmes : l’ode Résurrection de Klopstock,
révisée par Mahler, dans le finale de la 2e
Symphonie, et un poème de Nietzsche,
O Mensch, gib acht ! (Ô homme, prends
garde !), extrait de Ainsi parlait Zarathoustra, dans le quatrième mouvement de la 3e
(Ce que me raconte l’homme).
Selon Bruno Walter, Mahler trouva
dans Des Knaben Wunderhorn « tout ce
qui remuait son âme ». « Nature, piété,
nostalgie, amour, séparation, mort, fantômes, lansquenets, gaieté de la jeunesse,
plaisanterie enfantine, humour étrange tout cela vivait en lui comme dans les
poèmes, et c’est ainsi que ses lieder surgissaient, torrentueux. » Encore faudrait-il
ajouter que Mahler a, non seulement, sélectionné dans le vaste recueil les quelques
poèmes (26 sur quelque 700) avec lesquels
il entrait le mieux en résonance, mais qu’il
les a de surcroît adaptés quand il le fallait, modifiant ici un titre, là coupant des
strophes. Mais c’est bien tout son monde
intime qui s’incarne en ces poèmes, en
ces lieder, à tel point que la fusion se fait
inévitablement entre cet univers poétique
et le domaine de la symphonie qui est le
sien : c’est non seulement l’accompagnement qui devient symphonique, mais les
lieder qui entrent dans la symphonie (nos
2, 3 et 4) ; plus encore, les mouvements
purement orchestraux des symphonies,
des premières, en tout cas, vont bruire de
fanfares militaires et de sonneries de casernes, de marches de condamnés, de rires
stridents et dérisoires, comme de chants
d’oiseaux et de cris d’enfants. L’univers du
lied semble s’être définitivement accompli
chez Hugo Wolf, pour devenir générateur
de symphonie avec Mahler, au point que
certains motifs orchestraux peuvent être
entendus comme des lieder sans paroles.
1900 voit la fin de la longue période
marquée par Des Knaben Wunderhorn :
4e Symphonie et Sieben Lieder aus letzter
Zeit. C’est une seconde manière du lied
mahlérien qui s’ouvre alors : tandis que les
3 nouvelles symphonies se font exclusivement instrumentales, 2 groupes de 5 lieder
avec orchestre voient le jour, tous deux
sur des poèmes de Rückert : les lieder 3 à
7 des Sieben Lieder aus letzter Zeit et les 5
Kindertotenlieder (Chants pour des enfants
morts, 1901-1904). Le langage de Mahler
se fait, ici, plus intérieur, plus dépouillé ; il
manifeste une sorte de retrait par rapport
au tumulte du monde, abandonnant les
caractéristiques nettement populaires du
langage de l’époque Wunderhorn, comme
les danses paysannes ou les marches militaires. Quant à l’orchestre de ces lieder,
il est relativement réduit par rapport à
l’imposant effectif instrumental des symphonies contemporaines.
Avec la 8e Symphonie (1906), Mahler
revient à l’alliance de l’orchestre avec la
voix - ici, 8 solistes, 1 double choeur mixte
et un choeur d’enfants. Le Veni Creator et
la scène finale du second Faust de Goethe
y sont traités sur le mode oratorial. C’est
la symphonie suivante qui va revenir au
lied, celle que Mahler n’appelle pas « neuvième », mais Das Lied von der Erde (le
Chant de la terre, 1908-1909), symphonie
pour ténor et alto solos et orchestre - on
notera, cette fois, l’absence de choeur. Les
textes sont des traductions de poèmes
chinois anciens, qui amènent avec eux
leur dépaysement, leur résignation et
leur sagesse. Les 5 premiers sont autant
de cris désespérés, tandis que le 6e et dernier, de loin le plus développé, Abschied
(Adieu), est, sur le thème poétique de
l’adieu à l’ami, un adieu au monde, sans
le moindre espoir, mais dans un climat
de totale résignation. La voix y est traitée comme un instrument de l’orchestre,
mais un orchestre dont le langage se fait
ici étonnamment prophétique des futures
conquêtes de Schönberg.
RICHARD STRAUSS ET LES DERNIERS LIEDER.
Avec Mahler, le lied s’élargit au domaine
de la symphonie dans laquelle il se dissout.
Richard Strauss (1864-1949), au contraire,
va maintenir autant que possible la tradition du lied romantique avec piano,
comme il le fera aussi de l’opéra, durant
toute la première moitié du XXe siècle. Ses
oeuvres publiées comptent quelque 140
lieder avec piano (certains ont été orchestrés par le compositeur), et une quinzaine
de lieder écrits directement avec accompagnement orchestral. La plupart d’entre eux
datent de l’époque symphonique du compositeur, jusqu’à Salomé (1905) ; quelques
groupes de lieder suivent, dans les années
1913 à 1921, puis un dernier petit recueil
en 1929, avant le chef-d’oeuvre de la vieillesse, les Quatre Derniers Lieder de 1948.
Admirable virtuose de l’écriture, doué
d’une imagination que rien n’entrave, ouvrant sa palette sonore à tous les domaines
de la poésie, il compose sous forme de lieder des fresques généreuses, rutilantes,
d’un vif chatoiement harmonique et instrumental. Sa mémoire musicale le fait
se souvenir de Schubert et de Schumann,
surtout quand il lui arrive d’opter pour
une forme courte. Mais la concision n’est
pas son domaine, et il affectionne la véhémence et la sensualité - mais son goût
et son savoir-faire l’empêchent de verser
dans l’emphase. Avec les Quatre Derniers
Lieder, le climat sonore n’a rien perdu de
sa somptuosité capiteuse ; mais ce serein
adieu au monde prend, en 1948, l’allure
d’un testament qui scelle la mort du lied
romantique.
Hans Pfitzner (1869-1949) se montre
un peu plus tourné vers l’avenir que son
rival Richard Strauss ; plus de 100 lieder
jalonnent son oeuvre, parmi lesquels il faut
au moins mentionner les Cinq Lieder sur
des poèmes d’Eichendorff (1888-89).
Compositeur prolifique, Max Reger
(1873-1916) n’a pas laissé moins de 270
lieder, mais qui ne représentent pas le
plus passionnant de son oeuvre. Ces lieder oscillent du pastiche folklorique à
l’archaïsme, et la réelle sensibilité du musicien tend trop souvent à disparaître dans
un jeu de formules.
Le lied ne représente pas l’essentiel
de l’oeuvre d’Arnold Schönberg (18741951) ; en une cinquantaine de pièces, il
fait briller de ses derniers feux la tradition
de Schumann et de Wolf, dans un esprit
violemment expressionniste. Mais une
part doit être faite à la grande sympho-
nie vocale et orchestrale des Gurre Lieder.
Orchestre énorme, partition énorme pour
ces chants d’amour et de mort empruntés
à la saga scandinave. Le langage musical
doit beaucoup au Wagner de Tristan et à
l’influence du Mahler des premières symphonies, dans son harmonie foisonnante,
son lyrisme débridé, torrent musical
d’une très puissante force poétique. Écrite
en 1900-1901, l’oeuvre ne fut achevée
qu’en 1910-11, avec le mélodrame final
qui oppose à l’orchestre une voix parlée
en une sorte de Sprechgesang qui anticipe
sur Pierrot lunaire. Mais, malgré son soustitre (Trois Fois sept lieder), peut-on encore
parler de lied à propos de Pierrot lunaire ?
Sans doute pas : le chant a disparu, et avec
lui tout ce qui reliait le lied le plus savant à
ses sources les plus anciennes.
Anton Webern (1883-1945) et Alban
Berg (1885-1935) écrivent eux aussi des
lieder ; mais après les premiers recueils,
appartenant encore à l’héritage post-romantique, le langage radicalement atonal et plus encore la technique sérielle
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
582
coupent le lied de ses racines populaires
pour en faire des pages extrêmement raffinées, où les rapports traditionnels du
chant avec le texte poétique se trouvent
complètement réévalués.
D’autres compositeurs, plus jeunes,
tentent cependant de ne pas rompre le fil
qui les unit à cette tradition. Ce sont le
Suisse Othmar Schoeck (1886-1957), avec
170 lieder, Paul Hindemith (1895-1963),
particulièrement dans le cycle Das Marienleben (la Vie de Marie, d’après Rilke,
1922-23, 2e version en 1936-1948), Ernst
Křenek (1900-1991), Wolfgang Fortner
(1907-1987) ou, plus près de nous, Aribert
Reimann (1936).
LE LIED HORS D’ALLEMAGNE.
Le lied, on l’a vu, est une forme d’expression propre au monde germanique, dont
le genre est si particulier, malgré ses diverses formes, qu’on ne peut en traduire
même le nom : chanson, mélodie ? Mais
cet univers est si puissant, si cohérent, si
typé, qu’il a tenté d’autres musiciens, non
allemands, dont les mélodies s’apparentent au lied dans leurs caractéristiques
poétiques et musicales comme par les
noces qu’ils célèbrent entre un univers
poétique, une déclamation chantée et une
symphonie pianistique. Si l’on continue à
parler de mélodies à propos des oeuvres
pour chant et piano du Français Henri
Duparc, du Norvégien Edvard Grieg ou
du Russe Modeste Moussorgski, il n’en
est pas moins vrai que leur cousinage est
évident avec un art dont la plus certaine
caractéristique reste d’être romantique et
allemand.
LIETO FINE (« fin heureuse »).
Expression utilisée jusqu’au début du
XIXe siècle pour désigner le dénouement
heureux d’une intrigue dramatique (cf.
l’expression anglaise « happy end »), ce
dénouement pouvant être dû à l’intervention d’un « Deus ex machina » (l’Amour
dans Orfeo ed Euridice de Gluck), à la générosité soudaine d’un souverain (la Clemenza di Tito de Mozart), au repentir d’un
tyran (Lucio Silla de Mozart), à la fin d’un
état de démence, etc.
Reflets du siècle des Lumières, les livrets de Métastase se terminent à peu près
tous de la sorte, donnant au lieto fine une
dimension morale. En 1835 encore, Bellini
se vit imposer un lieto fine pour les Puritains. Se terminant sur la mort du héros, la
version viennoise de Don Giovanni (1788)
omet le « lieto fine » de la version originale de Prague (1787). C’est néanmoins
la version de Prague que, à de très rares
exceptions près, on entend de nos jours.
LIGATURE.
1. Procédé graphique consistant à grouper
des notes de valeur inférieure à la noire, en
remplaçant chaque crochet par une barre
horizontale commune à toutes les notes
du groupe. La ligature était, autrefois,
exclue de la musique vocale en syllabes
isolées ; cette distinction tend aujourd’hui
à disparaître, l’emploi d’une courbe de
liaison suffisant à distinguer des autres
notes les groupes de notes affectées à une
même syllabe.
2. En notation médiévale proportionnelle, dont des vestiges ont subsisté jusque
vers 1620, groupement de notes accolées
les unes aux autres d’une manière dont
se déduisait leur valeur rythmique selon
des règles compliquées et, du reste, changeantes d’une époque à l’autre ; y intervenaient non seulement la forme des notes,
mais encore la direction des queues ou
du mouvement mélodique, la position
des notes au début, au milieu ou à la fin,
parfois même la valeur des notes environnantes. Les ligatures dérivaient des
neumes* de la notation carrée grégorienne
(parfois eux aussi désignés sous le nom
de « ligatures ») auxquels elles donnaient
une signification rythmique, qui ne leur
appartenait pas ; elles ont ensuite évolué
de manière autonome, distincte de celle
des notes isolées. Elles étaient réservées
soit à la musique instrumentale, soit aux
groupes neumatiques ou vocalisés du
chant, et n’ont pas laissé de traces dans la
notation de l’époque classique.
LIGETI (György), compositeur autrichien
d’origine hongroise (Dicsöszentmarton,
auj.
Tirnaveni, Transylvanie, 1923). Bien que
de peu l’aîné de Boulez et de Stockhausen,
György Ligeti ne s’affirma au premier rang
des compositeurs actuels qu’une décennie
environ après eux, vers 1960, après avoir
quitté la Hongrie.
Élève de l’académie Franz-Liszt de
Budapest de 1945 à 1949 (ses maîtres y
furent Ferenc Farkas, puis Sandor Veress),
il y enseigna l’harmonie, le contrepoint et
l’analyse musicale de 1950 à 1956, après
avoir effectué en Roumanie (1949-50) une
tournée de recherches folkloriques, qui
devait le conduire à privilégier la couleur
sonore, le timbre, dans ses premières compositions. Durant ces années, il composa
beaucoup, en général dans un style néobartokien, mais, aussi, sous l’influence de
Berg : Six Bagatelles pour quintette à vent
(1951-1953), Premier Quatuor à cordes,
dit Métamorphoses nocturnes (1953-54). Il
traversa ensuite une crise stylistique, dont
témoignent plusieurs partitions inachevées, dont 2 fragments de requiem. Grâce
à la radio, il put aussi entendre, à cette
époque, plusieurs ouvrages de l’avantgarde occidentale.
Ayant quitté son pays à la suite des
événements de 1956, Ligeti travailla avec
Karlheinz Stockhausen, Herbert Eimert
et Gottfried Michael König au Studio de
musique électronique de Cologne, et, en
1957-58, y élabora 3 morceaux : Glissandi,
qu’on ne devait jamais connaître, Articulation (création le 25 mars 1958), et Atmosphères, inachevé et à ne pas confondre
avec la partition orchestrale ultérieure du
même nom. Il s’imposa ensuite avec 2 partitions orchestrales tournant le dos, à la
fois, à l’électroacoustique et au sérialisme :
Apparitions (1958-59, création à Cologne
le 19 juin 1960), dont la première partie
avait été esquissée dès 1956, et, surtout,
Atmosphères (1961), dont l’idée lui était
venue dès 1950. Cette dernière oeuvre,
qui renonce d’une part aux percussions,
d’autre part à la notion d’intervalles et
de profils rythmiques perceptibles, est
conçue sous le signe d’une micropolyphonie déterminée par des « surfaces de
timbres » statiques d’étendues, de poids,
de couleurs et d’épaisseurs très divers, le
tout étant noté avec la plus extrême précision. Le compositeur poursuivit cette direction avec Volumina pour orgue (1962,
vers. rév. 1966).
Dans le même temps, les Trois Bagatelles pour piano (1961), Fragment pour
orchestre de chambre (1961, rév. 1964) et
le Poème symphonique pour 100 métronomes (1962) affirmèrent une position
stylistique opposée, qui trouva sa première grande manifestation dans Aventures (1962-63), devenu plus tard Aventures et Nouvelles Aventures (1966), action
scénique imaginaire, composition phonétique sur des textes imaginaires, non
sémantiques, pour 3 solistes vocaux et 7
instrumentistes. Par opposition au statisme continu d’Atmosphères, Ligeti parla
à propos d’Aventures de « style haché ». À
noter que ce style avait déjà été annoncé
dans Articulation.
Une première synthèse des deux tendances fut atteinte dans le Requiem pour
soprano, mezzo-soprano, 2 choeurs mixtes
à 5 voix et orchestre (1963-1965) : l’Introitus et le Kyrie reprennent la technique
d’Atmosphères et de Volumina, mais en y
réintroduisant les notions de contrepoint
et d’intervalle, et le Dies irae celle d’Aventures, tandis que le Lacrimosa retrouve
celle du début de l’ouvrage. Le choeur
Lux aeterna (1966) se rattache à l’Introitus et au Lacrimosa du Requiem tout en
donnant plus d’importance à l’élément
harmonique. Du Concerto pour violoncelle (1966), le premier mouvement s’inscrit dans la descendance d’Atmosphères,
de Volumina et de Lux aeterna, le second
dans celle d’Aventures, car, là, « le violoncelle parle » (Ligeti). Une synthèse plus
profonde encore fut réalisée en 1967 avec
Lontano pour orchestre de cordes et de
vents (sans percussion), où l’impression
de continu résulte surtout de jeux harmoniques, de la « métamorphose graduelle de
constellations d’intervalles » (Ligeti).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
583
En une dizaine d’années, jusqu’à
l’opéra le Grand Macabre (créé en 1978),
se succédèrent des oeuvres qui comptent
parmi les plus jouées de Ligeti. Étude no
1 « Harmonies » pour orgue date de 1967,
Continuum pour clavecin de 1968. Dans
le Deuxième Quatuor à cordes (1968), en
5 mouvements, apparaît - comme, déjà,
dans le Poème symphonique pour 100 métronomes et dans Continuum, et comme,
plus tard, dans le Concerto de chambre une technique de superposition de plusieurs couches de « grillages de temps ».
Les Dix Pièces pour quintette à vent (1968)
forment une alternance de mouvements
d’ensemble et de concertos de solistes en
miniature. Ramifications pour orchestre
à cordes à 12 voix ou 12 cordes solistes
répartit cet effectif en 2 groupes accordés
de façon nettement différente (un peu plus
d’un quart de ton), et mène plus loin les
déviations d’intonation voulues de certaines parties du Requiem et du Deuxième
Quatuor à cordes. De 1969, également,
date Étude no 2 « Coulée » pour orgue.
Dans le Concerto de chambre pour 13 instrumentistes (hommage indirect à Alban
Berg), composé en 1969-70, se confirme la
tendance à faire surgir, d’une trame continue plus ou moins statique, des contours
mélodiques, des profils rythmiques et
des harmonies perceptibles. Dans Melodien pour orchestre de chambre (1971),
la même tendance aboutit presque à la
linéarité. Le Double Concerto pour flûte,
hautbois et orchestre (1972) oppose à un
premier mouvement lent et statique un
second mouvement virtuose et emporté,
et explore plus avant les micro-intervalles,
conçus, ici, comme intonations incertaines mises en relation avec des hauteurs
fixes tempérées. Clocks and Clouds pour
12 voix de femmes et orchestre (1972-73),
ouvrage se référant au philosophe Karl
Raimund Popper, oppose des proces-
sus exactement mesurables (horloges) à
des processus indéterminés descriptibles
uniquement par les statistiques (nuages).
San Francisco Polyphony pour orchestre
(1973-74) fut écrit pour l’Orchestre symphonique de San Francisco à l’occasion de
son quatre-vingtième anniversaire.
Avec l’opéra le Grand Macabre, composé de 1974 à 1977 d’après la farce de
Michel de Ghelderode intitulée la Balade
du Grand Macabre (1934), Ligeti réussit l’articulation de vocabulaires parfois
hétérogènes, ayant recours à l’occasion
à des tournures néodadaïques (comme
déjà dans Aventures) et d’une façon plus
générale à des procédés de montages et
de citations s’intégrant néanmoins dans
un continuum acoustique finement travaillé dans sa mobilité. Cette oeuvre ambitieuse a marqué dans sa carrière une étape
importante. Depuis ou dans le même
temps que le Grand Macabre, il a écrit Six
Miniatures pour ensemble d’instruments
à vent (1975), Monument, Selbstportrait,
Bewegung, 3 pièces pour 2 pianos (1976),
Passaglia ungherese et Hungarian Rock
pour clavecin (1978), prises de position
contre les courants néoromantiques et
néotonaux actuellement en honneur en
Allemagne, un Trio pour violon, cor et
piano en hommage à Brahms (1982), Trois
Fantaisies pour choeur a cappella d’après
Hölderlin (1983), Études hongroises
pour choeur mixte a cappella (1983), un
Concerto pour piano (Graz 1986, version
complète Vienne 1988), deux Études pour
piano (1985 et 1988-93 ; une troisième est
en cours de composition), un Concerto
pour violon (1990), Mystères du Macabre
pour soprano colorature (ou trompette)
et ensemble ou trompette et piano (1990),
Macabre Collage pour orchestre (1991).
On lui doit également de nombreux
écrits, parmi lesquels Décision et automatisme dans la Structure Ia de Pierre Boulez
(1958), la Dimension harmonique dans la
première cantate d’A. Webern (1960), la
Composition sérielle et ses conséquences
chez A. Webern (1961) et Effets de la musique électronique sur mon oeuvre de compositeur (1970). Il a obtenu notamment
le prix Beethoven de la ville de Bonn en
1967, la médaille d’honneur de l’université
d’Helsinki en 1967 et le prix Bach de la
ville de Hambourg en 1975. Il a enseigné
à Darmstadt à partir de 1959 et à l’École
supérieure de musique de Stockholm de
1961 à 1971, et occupe depuis 1972 une
chaire de composition à l’École supérieure
de musique de Hambourg.
LINCOLN CENTER FOR THE PERFORMING
ARTS.
Complexe artistique édifié à New York
dans le West Side, près de Broadway,
et abritant notamment le Metropolitan Opera, le New York City Opera et la
Juilliard School of Music.
LIND (Jenny), soprano suédoise (Stockholm 1820 - Wynds Point, Hertfordshire, Grande-Bretagne, 1867).
Elle débuta à Stockholm en 1838 dans le
rôle d’Agathe du Freischütz de Weber. À
Paris, trois ans plus tard, elle ne put achever une représentation de Norma et perdit
la voix. Elle travailla alors avec García et
fut en mesure de reprendre sa carrière.
Elle triompha ensuite dans le monde
entier, rivalisant avec Giulia Grisi dans le
rôle de Norma. À Londres, en 1847, elle
créa I Masnadieri que Verdi avait spécialement écrit pour elle. À partir de 1849, elle
se retira de la scène, au nom des principes
moraux en faveur dans la société victorienne, mais continua de se produire en
récital ou dans des oratorios. Elle consacrait une grande partie de son temps à
des causes charitables, à toutes sortes de
bonnes oeuvres, non sans quelque ostentation. Sa voix était remarquable pour sa
pureté et son agilité. Son étendue (presque
trois octaves) lui permettait d’exceller
aussi bien dans les rôles dramatiques que
dans les parties de soprano aigu, qu’elle
ornementait à l’extrême. Elle fut surnommée « le Rossignol suédois », et n’inspira
pas moins d’une vingtaine de livres en
anglais, allemand et suédois.
LINDBERG Magnus), compositeur finlandais (Helsinki 1958).
Après des études de piano et de composition à l’Académie Sibelius (avec Paavo
Heininen, notamment), il étudie la musique électroacoustique et complète sa
formation avec Gérard Grisey et Vinko
Globokar à Paris et avec Franco Donatoni
à Sienne. Ses premières apparitions sur la
scène musicale internationale (... de Tartufe, je crois pour quatuor à cordes et piano,
1981 ; Action, situation, signification, pour
orchestre, 1982) montrent déjà une personnalité dynamique, cherchant à asso-
cier « l’hypercomplexe et le primitif » dans
l’esprit d’un « bruitiste rationaliste ». Ses
images sonores, en perpétuel mouvement,
mélangent souvent les instruments et les
voix, comme dans Kraft (1983-1985), qui
fit sensation. Dans Zona pour violoncelle
et ensemble (1983), les actions musicales
se dégagent des masses sonores à la tension fluctuante et aux contours accidentés.
Dans Ur (1986), qui allie un petit ensemble
instrumental et un dispositif live electronic piloté par un ordinateur, l’harmonie
et le rythme résultent d’un programme
informatique que le compositeur utilise
avec souplesse, sans refuser une certaine
technique de la suggestion et de la réminiscence. Lindberg s’est confirmé comme
un des tout premiers compositeurs de sa
génération avec la trilogie constitutée de
Kinetics pour orchestre (1989), Marea
pour orchestre (1990), aux couleurs raffinées, et Joy pour grand ensemble (1990). Il
a mis en interaction le rythme et l’harmonie dans Duo concertante pour clarinette,
violoncelle et ensemble (1990-1992),
Aura pour orchestre « In memoriam Witold Lutoslawski » (1993-1994), le Quintette pour clarinette et quatuor à cordes
(1992). Arena pour orchestre (1994-1995)
a servi de morceau imposé lors du premier
concours international de direction d’orchestre Jean-Sibelius (Helsinki, mai 1995).
LINLEY, famille de musiciens anglais.
Thomas, compositeur, claveciniste, impresario et maître de chant (Badminton,
Gloucestershire, 1733 - Londres 1795).
Élève de William Boyce à Londres, il
dirigea des concerts à Bath, de 1755 à
1775 environ, et s’établit définitivement
à Londres, en 1776, où il administra le
théâtre de Drury Lane avec son gendre,
l’écrivain Sheridan. Il dirigea l’établissement d’abord avec John Stanley, puis
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
584
avec Samuel Arnold (1786). De 1775 (The
Duenna, de Sheridan) à 1794 (Macbeth,
de Shakespeare), il écrivit ou arrangea de
la musique pour une vingtaine de pièces.
Avec Samuel Arnold, il dirigea la Drury
Lane Oratorio Society, et, selon certaines
sources, c’est lui qui aurait transmis à
Haydn, à Londres en 1795, le livret anglais
qui, arrangé en allemand par Van Swieten,
allait devenir celui de la Création.
Elisabeth Ann, soprano (Bath 1754 - Bristol 1792). Élève de Thomas, son père, elle
débuta à Covent Garden en 1767. Considérée par beaucoup comme la plus grande
cantatrice anglaise de son temps, elle cessa
de paraître en public après sa fuite (1772)
et son mariage (1773) avec Sheridan.
Thomas, violoniste et compositeur (Bath
1756 - Grimsthorpe, Lincolnshire, 1778).
Frère de Elisabeth Ann, il fut très précoce à la fois comme interprète et comme
compositeur, et sa mort par noyade fut
ressentie tragiquement. En 1770, il rencontra en Italie Mozart (avril) et Burney (septembre), et fut premier violon à
Drury Lane de 1773 à sa mort. Ses oeuvres
étaient de haute qualité, mais beaucoup
ont disparu. Parmi celles ayant survécu,
une sonate en la et un concerto en fa pour
violon, The Duenna (1775, en collaboration avec son père), Ode on the Spirits of
Shakespeare (1776), une musique de scène
pour la Tempête de Shakespeare dans
l’adaptation de Sheridan (1777), l’anthem
Let God Arise (1773), l’oratorio The Song of
Moses (1777), l’opéra-comique The Cady
of Bagdad (1778).
Thomas Linley senior eut douze enfants.
Parmi ceux-ci furent également musiciens
Mary (1758-1787), Maria (1763-1784),
Ozias Thurston (1765-1831) et William
(1771-1835).
LIONCOURT (Guy de), compositeur
français (Caen 1885 - Paris 1961).
Il entra à la Schola cantorum comme élève
de Roussel (1904), puis de Vincent d’Indy
(1905), et en fut secrétaire général de 1914
à 1931. Il édita la revue mensuelle de cette
école, Tablettes, et y enseigna le contrepoint et, comme successeur de Vincent
d’Indy, la composition. Il dirigea à partir de 1942 l’école César-Franck, fondée
par lui. On lui doit 137 ouvrages, dont le
drame lyrique Jean de la lune (1921) et le
drame liturgique le Mystère de l’Emmanuel
(1924). Il a, en outre, publié le 3e tome du
Cours de composition de Vincent d’Indy
(Paris, 1950) et rédigé des Témoignages
sur la musique et la vie au XXe siècle (Paris,
1956).
LIPATTI (Dinu), pianiste et compositeur
roumain (Bucarest 1917 - Chêne-bourg,
Genève, 1950).
Son père est un excellent violoniste amateur, sa mère une pianiste de talent, son
parrain est G. Enesco. Le jeune Lipatti
se tourne tout naturellement vers la musique. De santé fragile, il reçoit à domicile
les leçons de F. Musicescu (piano) et de
M. Jora (composition) avant d’être admis
par dérogation au conservatoire de Bucarest. Il en sort à quatorze ans couvert de
récompenses. Pour son premier concert
(1930), il interprète le Concerto de Grieg
sur la scène de l’opéra de Bucarest. Et ses
premières oeuvres (dont une Suite symphonique, les Tsiganes) lui valent le prix
Enesco en 1932 et 1933.
En 1934, un second prix obtenu au
Concours international de Vienne provoque la colère d’Alfred Cortot, qui invite
Lipatti à poursuivre ses études à Paris, à
l’École normale de musique. Ce qu’il fait
à l’automne, auprès du maître et de son
assistante, Y. Lefébure. Il prend également
des cours de direction d’orchestre avec C.
Münch et de musique de chambre avec
Alexanian. Il étudie la composition avec
P. Dukas, puis avec Nadia Boulanger.
Celle-ci va exercer sur lui une influence
déterminante. Ensemble, ils enregistrent
en 1937 les Liebesliederwalzer de Brahms,
premier disque de Lipatti. L’année précédente, il a donné ses premiers concerts
importants, en Italie et à Berlin.
Devant les menaces de guerre, il rentre
dans son pays natal, où il se produit aux
côtés de G. Enesco. En 1943, il quitte la
Roumanie pour Genève. Le conservatoire
de cette ville lui offre la classe de virtuosité
pianistique. Déjà affecté par les premiers
assauts de la leucémie qui va l’emporter,
il est obligé de réduire son activité, renonçant ainsi à une grande tournée aux ÉtatsUnis et au Japon, pour mieux se concentrer sur la réalisation de quelques disques,
où son souci de perfection trouve un
refuge idéal. Grâce à un traitement à base
de cortisone (médicament très coûteux à
l’époque, fourni par la générosité de nombreux musiciens, Münch, Menuhin, Stravinski, etc.), il connaît encore quelques
mois de rémission, qu’il met à profit pour
donner des concerts (l’ultime, le 16 septembre 1950, à Besançon, sera enregistré).
La maladie seule a fixé les limites d’un
répertoire que Lipatti mûrissait lente-
ment, pendant plusieurs années parfois,
avant de juger une nouvelle interprétation
prête à être livrée au public. Dans un premier temps, il se la jouait en imagination,
par coeur, en envisageant tous les styles
possibles ; ensuite il la disséquait mesure
par mesure, sans aucun souci expressif.
Enfin, il faisait la synthèse du travail technique et de son alchimie personnelle. Des
mains très longues et solides (avec un petit
doigt aussi développé que les autres et,
comme eux, parfaitement indépendant)
et des épaules de lutteur, contrastant avec
la fragilité de l’homme, lui permettaient
de doser les attaques et les touchers, de
nuancer le son jusqu’à l’impalpable, et
d’habiller son émotion de l’apparence la
plus pure.
Bach, Mozart et Chopin sont ses musiciens de prédilection, qu’il aborde avec
une rigueur et une humilité inhabituelles
en son temps. Il n’a que le temps d’effleurer les territoires de Schubert ou de Ravel
et aborde trop tard Beethoven (dont il
aurait enregistré la sonate Waldstein). Le
musicien se passionne pour son époque,
particulièrement pour Busoni, Enesco et
Bartók (de ce dernier, il donne en première européenne le Troisième Concerto
pour piano). Mais il reste sévère pour sa
propre création, ne la jugeant pas mûre,
malgré le succès du Concertino dans le
style classique (1937) que joue Gieseking,
ou de la Sonatine pour la main gauche
(1941). Une symphonie concertante pour
deux pianos et orchestre à cordes (1938),
Trois Danses roumaines pour deux pianos
(1943), des mélodies sur des textes de Verlaine, Rimbaud, Eluard et Valéry, et des
cadences pour des concertos de Mozart
et de Haydn forment le meilleur de son
oeuvre.
LIPINSKI (Karol Josef), compositeur
et violoniste polonais (Radzyn 1790 Urlow, près de Lwów, 1861).
Élève de Paganini, dédicataire du Carnaval de Schumann, premier violon de
l’orchestre de la cour de Dresde en 1839,
il édita avec le poète Zalewski un recueil
de chants populaires polonais et ruthènes.
Il composa l’opéra-comique la Sirène du
Dniepr (1814), une Polonaise guerrière
pour orchestre, quatre concertos pour
violon (dont un Concerto militaire qu’il
interpréta à Londres en 1836), des pièces
diverses et des études.
LIPP (Wilma), soprano autrichienne
(Vienne 1925).
Elle fit ses débuts à Vienne en 1943, et
s’imposa comme Reine de la nuit de la
Flûte enchantée (1948), rôle auquel son
nom reste étroitement attaché. Plus tard,
elle a chanté d’autres rôles mozartiens,
tels ceux d’Ilia (Idoménée) ou de Pamina
(la Flûte enchantée), ainsi que des rôles de
Verdi et Wagner.
LIST (Eugène), pianiste américain (Philadelphie 1918 - New York 1985).
Fils d’instituteur, enfant prodige, il joue
dès 1930 le 3e Concerto de Beethoven avec
la Philharmonie de Los Angeles. Mais il
étudie ensuite au Curtis Institute avec
Olga Samaroff-Stokowski. Sous les drapeaux entre 1940 et 1944, il donne un
récital mémorable devant Churchill, Truman et Staline. En 1946, il fonde un duo
de pianos avec sa femme Carrol Glenn.
De 1964 à 1975, il enseigne à l’université
de New York. Il a promu la musique des
Amériques en jouant Gottschalk, MacdownloadModeText.vue.download 591 sur 1085
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Dowell, Barber, et en créant des oeuvres
de Villa-Lobos.
LISZT (Franz [Ferenc]), pianiste et compositeur hongrois (Raiding, près de Sopron, 1811 - Bayreuth 1886).
Il naquit d’un père hongrois, Adam Liszt,
fonctionnaire du prince Esterházy et violoncelliste dans son orchestre, et d’une
mère autrichienne, Anna Laager. L’origine hongroise des Liszt (à l’origine List)
est d’autant plus douteuse que la famille
venait probablement du canton de Neusiedl, et que sa langue usuelle était l’allemand.
ÉTUDES ET PREMIERS SUCCÈS.
Tout jeune, Liszt fit, grâce à son père,
la connaissance des oeuvres de Haydn,
Mozart et Beethoven. À dix ans, il partit
pour Vienne (1821-1823), où il reçut l’enseignement de Salieri et de Carl Czerny,
grand virtuose et dernier représentant de
l’école viennoise de piano issue de Mozart,
et où il se produisit en public en décembre
1822. De 1823 à 1835, Liszt vécut principalement à Paris, où il avait été emmené
par son père, et où Cherubini lui refusa
l’entrée de l’École royale de musique
(conservatoire). Il fit ses débuts à Paris
en mars 1824, et y devint l’élève de Paer
et de Reicha pour la fugue et le contrepoint. Il composa alors à quatorze ans, en
collaboration avec Paer, son opéra Don
Sanche ou le Château d’amour (1824-25),
et fit plusieurs tournées en Angleterre. Au
retour de l’une d’elles, son père mourut
brusquement à Boulogne (1827). C’est à
cette époque que, pour la première fois,
Liszt manifesta le désir d’entrer dans les
ordres, vocation sincère qui devait surgir
à nouveau plus tard.
Liszt rencontra vite le plus grand succès
dans les salons parisiens. Il y fit la connaissance de Berlioz (1830), de Chopin et de
Paganini (1831), qui, tous trois, devaient
jouer un très grand rôle dans son évolution musicale. C’est ainsi qu’après avoir
entendu Paganini il résolut de réaliser au
piano les effets obtenus par celui-ci au
violon. Il se lia également avec George
Sand et Alfred de Musset. En 1834, sa rencontre avec la comtesse Marie d’Agoult
(en littérature Daniel Stern) décida de sa
carrière. De sa liaison avec elle naquirent
trois enfants : Blandine (1835-1862), qui
devait épouser Émile Ollivier ; Cosima
(1837-1930), qui devait épouser Hans de
Bülow, puis Richard Wagner, et Daniel,
né en 1839 et mort de phtisie en 1859.
UNE CARRIÈRE ITINÉRANTE.
Mais la bonne société parisienne ne pardonna pas à Liszt cette union illégitime,
et, après un court séjour à Genève, il entreprit une carrière itinérante de pianistevirtuose - de loin le plus grand de son
temps -, qui devait le mener dans toutes
les capitales et dans toutes les grandes
villes européennes, jusqu’au coeur de la
Russie. Durant cette période, il composa
pour ses propres besoins une grande partie des Rhapsodies hongroises et des Études
d’après Paganini. Il est d’ailleurs curieux
de constater que ses programmes de récital ne comprenaient, outre ses oeuvres et
celles de Chopin (ainsi qu’une sonate de
Scarlatti), que des pages de musique allemande.
En 1842, le grand-duc de Weimar le
nomma Kapellmeister extraordinaire.
Ainsi débuta une nouvelle période de sa
vie et de sa production musicale. Après
avoir failli devenir musicien français, il
s’engagea résolument dans une synthèse
culturelle franco-allemande très féconde
sur le plan de la création. On peut dire
que, à partir de ce moment, il fut « culturellement français, musicalement plutôt
allemand, et, pourrait-on ajouter, sentimentalement plutôt hongrois » (Serge
Gut). Ces années virent naître le chefd’oeuvre qu’est la Sonate en « si » mineur
(1853), la Faust symphonie (1854-1857),
la Dante symphonie (1855-56), la Messe de
Gran (1855 ; rév. 1857-58) et bien d’autres
grands ouvrages. Ce début de « germanisation » de Liszt fut essentiellement le fait
de Marie d’Agoult, allemande par sa mère
et élevée en partie à Francfort.
L’ENTRÉE EN RELIGION.
Liszt finit par quitter la comtesse d’Agoult
pour la princesse de Sayn-Wittgenstein,
rencontrée lors d’un concert à Kiev en
1847, et qui devait devenir la grande égérie
de la deuxième partie de sa vie, avant qu’il
ne se décidât à entrer en religion. C’est elle
qui le persuada de renoncer à sa carrière
de pianiste-virtuose pour se consacrer
uniquement à la composition. Durant ses
années à Weimar, Liszt non seulement
écrivit la majorité de ses oeuvres les plus
célèbres, mais monta et dirigea comme
maître de chapelle d’innombrables ouvrages de ses contemporains, créant notamment Lohengrin de Wagner en 1850.
À la tête d’un orchestre, il put écrire,
réviser et expérimenter dans un domaine
qu’auparavant il avait peu pratiqué (d’où
notamment la série de ses poèmes symphoniques). En outre, il attira autour de
lui un grand nombre d’élèves, parmi lesquels Hans de Bülow et Peter Cornelius.
Weimar devint en quelque sorte le lieu de
ralliement de l’avant-garde de l’époque.
À la suite d’une cabale menée contre lui
et qui se transforma en incident, lors de
la création du Barbier de Bagdad de Peter
Cornelius, le 15 décembre 1858, Liszt démissionna de son poste à Weimar. Il ne
quitta la ville qu’en août 1861, et, après un
séjour à Paris, arriva à Rome en octobre.
Ses espoirs d’épouser la princesse de SaynWittgenstein s’étant évanouis, car le pape
avait refusé de prononcer le divorce de
cette dernière, il prit les ordres mineurs en
1865. Les convictions religieuses de l’abbé
Liszt ont souvent été un sujet de plaisanterie, mais il reste que le compositeur,
profondément croyant, devint homme
d’église après que cette vocation l’eut accompagné toute sa vie. Il demeura installé
à Rome jusqu’en 1869, et ce séjour marqua
dans son évolution un jalon important,
celui de sa découverte du répertoire vocal
de la Renaissance, ce qui devait lui donner
le goût des grandes oeuvres religieuses. De
ces années datent les splendides variations
sur le thème de Bach, Weinen, Klagen,
Sorgen, Zagen (1862), écrites sous le coup
de la mort de sa fille Blandine, Christus
(1862-1867), son plus bel oratorio, et la
Messe du couronnement (1867).
UNE « VIE TRIFURQUÉE ».
À partir de 1869, et jusqu’à sa mort, le
grand voyageur reprit la route, partageant son temps entre Rome, Weimar et
Budapest : lui-même devait parler de sa
« vie trifurquée ». À chacun de ces pôles
correspondit alors une partie de ses activités. À Weimar, il redevint compositeur
et chef d’orchestre au service des autres,
il y fit créer en 1877 Samson et Dalila de
Saint-Saëns. Rome fut pour lui un lieu
de réflexion et de méditation mystique
(il n’en perdit jamais le goût). Budapest,
où il plaçait de vains espoirs et où sombrèrent définitivement ses prétentions de
compositeur nationaliste, fut pour lui lieu
d’ambiguïté. Lui, qui se définissait comme
« moitié franciscain, moitié tsigane », et
qui évoquait « cet étrange pays dont je me
constitue le rhapsode », ne parlait pas le
magyar ! À sa mort, le président du conseil
hongrois devait même s’opposer au retour
des cendres de ce grand compositeur hongrois.
Ces années, celles de sa vieillesse,
Liszt sut les remplir de nouveaux chefsd’oeuvre : les très beaux Jeux d’eau à la villa
d’Este (1877), que devait entendre par le
compositeur lui-même, à Rome, le jeune
Debussy médusé, Via crucis (1878-79), qui
sont les 14 stations de la croix, la 3e Année
de pèlerinage, les pièces prophétiques pour
piano que sont Gondole lugubre (1882),
Csardas macabre (1881-82) ou la Bagatelle
sans tonalité. Ces oeuvres tardives ne devaient rencontrer pendant près d’un siècle
qu’ironie et incompréhension, même de la
part de Richard Wagner, gendre de Liszt,
qui mettait leurs côtés visionnaires sur le
compte de la sénilité et de l’abus d’alcool.
Franz Liszt mourut de congestion pulmonaire, dans les bras de sa fille Cosima, à
Bayreuth, le 31 juillet 1886, après avoir vu
Parsifal le 23 et Tristan le 25, et en laissant
une oeuvre prophétique, dont le souffle
n’est pas près de s’éteindre.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
586
UNE ÉVOLUTION REMARQUABLE DANS L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE ROMANTIQUE.
Une fois mises à part les oeuvres de première jeunesse, influencées par Czerny,
rien chez lui ne peut être comparé à la
musique de son temps. Vers 1830 déjà
(Liszt a dix-neuf ans), les premières mesures de Malédiction témoignent d’une
audace qu’il devait conserver toute sa
vie. De même, en 1834, il écrivit une des
Harmonies religieuses et poétiques sans
indication de tonalité et avec des changements de mesure de la plus moderne
facture. Et cette évolution devait se poursuivre jusqu’aux dernières oeuvres, qui
rejoignent Schönberg ou Debussy. Liszt
parcourt le XIXe siècle en ouvrant toutes
grandes les portes aux bouleversements
du XXe, et se révèle, de plus en plus, n’être
pas uniquement le compositeur du Rêve
d’amour ou de quelques galopantes et populaires Rhapsodies hongroises.
Des mille aspects de la légende de Franz
Liszt, son amitié pour Richard Wagner
est un épisode important. Pourtant,
quelle différence de comportement entre
les deux hommes, comme entre les deux
compositeurs ! Il serait vain et inutile de
revenir sur les problèmes de plagiat qui
ont tant alimenté les discussions, mais,
l’oeuvre de F. Liszt sortant aujourd’hui du
purgatoire, il est amusant de découvrir
que Richard Wagner, le révolutionnaire,
n’était pas aussi audacieux qu’il se plaisait
à le proclamer. À partir de l’Or du Rhin
(1854), on remarque bien chez Wagner
certaines libertés avec la tonalité, mais la
conduite tonale reste toujours apparente.
Ce n’est qu’avec Tristan (1859) qu’une
certaine atonalité prend de l’importance,
sans toutefois jamais rompre vraiment le
fil tonal sécurisant. Dès 1854, Franz Liszt,
en novateur acharné, prend au contraire le
chemin de la polyharmonie - qui mènera à
la suppression de la tonalité (1873) - tout
en prévoyant un système impliquant les
quarts de ton. Il apparaît maintenant évident que, à sa mort, Liszt ouvrait la porte
du XXe siècle, alors que Wagner fermait
celle du XIXe. L’affirmation « Wagner,
continuateur de Liszt » (Koechlin) est une
erreur fondamentale, due en partie à la négligence et à la méconnaissance de l’oeuvre
de Franz Liszt.
LISZT PIANISTE.
Il fut considéré, de son temps, comme le
plus grand virtuose sur son instrument,
même si, un moment, on a voulu lui
donner un rival en la personne de Thalberg. Sans doute avait-il au départ de très
grandes facilités, une conformation des
mains idéale ; mais, infatigable travailleur,
il a su remettre en cause plusieurs fois sa
technique et reprendre point par point
les problèmes digitaux tels que les sauts
d’octaves, les thèmes en accords, les trilles
parallèles, qu’il maîtrisa alors comme nul
autre, dépassant de loin ceux que l’on
considérait alors comme modèles, Moschelès ou Cramer. Il ne faut pas oublier
que le facteur Sebastien Érard, à Paris, en
avait fait son protégé pour qu’il l’aidât à
promouvoir le piano à double échappement. Ainsi, contrairement à Chopin qui
travaille « à l’intérieur » du piano choisi
comme lieu stable d’expression, Liszt
aborde cet instrument dans une perspective expansionniste, comme pour conquérir de nouveaux espaces. Il parle d’ailleurs,
quelque part, de la « puissance assimilatrice » du piano, qui, selon lui, est en
même temps un « microthée », un « petit
dieu » individu (ce qui pourrait définir la
position de Chopin) et un « microcosme »
(un petit monde), et cette idée cosmique
du piano lui est plus propre. Tout le
monde de la musique est appelé à s’y refléter : ainsi les fameuses « transcriptions »
(symphonies de Beethoven, de Berlioz,
lieder de Schubert, paraphrases d’opéras
italiens, etc.) ne sont-elles pas seulement
des morceaux brillants ; il n’a pas cherché
à y traduire seulement la ligne musicale,
mais la masse, la couleur, parfois aussi le
texte et la voix absents, au besoin en rajoutant, sur la pure et simple « réduction pour
piano », des détails de son cru. De telles
réductions étaient alors d’un usage courant, pour prendre connaissance chez soi
du répertoire symphonique. Liszt prend
cette forme « domestique » et privée, et
la transporte dans la salle de concert en la
portant à un haut degré d’ambition - une
ambition qu’on dirait presque d’appropriation passionnée -, car lui, qui vécut
tant d’écouter et de soutenir la musique
des autres et qui fut tant pillé lui-même,
pouvait aimer brasser sous ses doigts le
génie musical de ceux qu’il admirait,
comme pour le faire sien.
Dévorateur et dévoré, Liszt compositeur ne connaît pas la stabilité, le recueillement pur où le projet musical et technique se referme sur lui-même dans une
délicate perfection. Il y a toujours chez lui
une dynamique d’amplification qui brise
la symétrie. Son jeu de pianiste était, selon
les témoignages, emporté, convulsif, passionné, « déchirant la mélodie » (Clara
Wieck), « hardi, avec une petite part de
clinquant » (Schumann). Certes, l’aigu du
clavier, avec ces fameux trilles étincelants
comme dans les Jeux d’eaux à la villa d’Este
des Années de pèlerinage, brille chez lui
d’un éclat particulier, insistant, qu’on peut
trouver ornemental : il lui oppose souvent
des basses profondes, et une mélodie large
dans le médium jouée par un pouce ou les
deux (technique d’écriture pianistique à
trois étages relevée par Claude Rostand).
Ce médium passionné, martelé, souvent
oratoire, entre les abîmes d’une basse toujours inquiète et d’un aigu vertigineux et
grisant, est souvent, chez lui, le lieu du
« je », de l’expression individuelle - là où
il se situe comme sujet, comme sensibilité
tiraillée.
Par ailleurs, on sait quelle importance
d’émulation eut pour lui Paganini (qui lui
inspira des études d’après ses Caprices),
bien plus que ses pseudo-rivaux pianistiques. Mais, là où Paganini brille en étoile
inaccessible, Liszt se préoccupe de transmission, de communication, de pédagogie. On a pu dire que, si éblouissante
qu’elle fût, sa technique pianistique était
assez « naturelle » pour devenir peu à peu
abordable par ses contemporains. Liszt
peut également être considéré, dans le
domaine du piano, comme le créateur du
« récital de soliste », puisque Schumann
lui-même note avec une sorte d’étonnement, en 1840, qu’il donne ses récitals
« presque toujours seul ».
Mais c’est sans doute son expérience de
l’improvisation pianistique au long cours
qui lui a inspiré ses grandes audaces de
forme, d’écriture, de sonorité, sa façon
de renouveler le développement, jusque
dans ses oeuvres symphoniques. Ainsi
beaucoup de ses oeuvres semblent-elles
chercher leur point d’appui dans le cours
même de leur développement.
L’OEUVRE MUSICALE.
Pendant une grande période de sa vie,
Liszt souffrit de n’être considéré que
comme un virtuose égaré dans la composition - puisque telle était la réflexion
que ses oeuvres pouvaient inspirer, dès
qu’elles avaient en elles quelque chose de
bizarre ou de nouveau. S’il a vécu très tôt
le succès, il a vécu aussi de bonne heure
le malentendu qui l’accompagne - car ce
malentendu, mot qu’il emploie lui-même,
n’a lieu que s’il y a au moins apparence
de succès, autrement, il n’y a qu’ignorance ou mépris. Très jeune - c’est lui qui
le raconte -, il avait « testé » ce que vaut
la sincérité du goût musical, en s’amusant à donner pour une composition de
Beethoven quelques-unes de ses esquisses
personnelles et en voyant alors une admiration automatique se manifester. Cruel
apprentissage de la fragilité des critères
qui valent à une musique d’être tenue pour
chef-d’oeuvre - et qui explique peut-être sa
passion de rechercher chez ses pairs compositeurs le modèle d’une confiance en
soi, qui, apparemment, lui faisait défaut.
Dans la mesure où, en tant que compositeur (un compositeur qui s’affirma plus
fortement comme tel, indépendamment
du virtuose, après 1850), Liszt avait à surmonter l’image du pianiste doué aspirant
aux prestiges de la création, sans en avoir
la vocation - il dut en faire plus que tous
les autres, se montrer plus audacieux,
imposer plus radicalement l’idée de sa
volonté créatrice. Il fut un progressiste
déclaré, lecteur passionné des Lamennais,
Hugo, Byron, se nourrissant autant de
littérature que de musique, et cherchant
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
587
un « renouvellement de la musique par
une alliance plus intime avec la poésie [...]
un développement plus libre et pour ainsi
dire plus adéquat à l’esprit de ce temps ».
Quand il parle d’allier la musique avec la
poésie, il a renoncé depuis longtemps à
mettre un drame lyrique, voire des vers, en
musique, sauf dans le domaine religieux.
Son opéra de jeunesse, essai sans lendemain, semble avoir extirpé de lui toute
ambition de s’exprimer sur la scène (son
admiration pour Wagner en est d’autant
plus forte). Il composera peu de lieder, et,
dans le domaine religieux, préfère à la voix
soliste le chant collectif. C’est à la musique
sans texte, pour piano ou orchestre, que ce
lecteur passionné demande de traduire la
résonance en lui de ses lectures enivrées.
On a pu dire que son esthétique était
ornementale, mais, en ce cas, elle fait de
l’ornementation un principe dynamique
de développement et d’amplification, et
non un principe statique, comme avec
Chopin, chez lequel l’ornementation est
centripète, refermant la phrase musicale
dans son mystère, alors que chez Liszt
elle est centrifuge, poussant la mélodie,
l’oeuvre, l’inspiration en avant. L’aigu en
particulier, zone traditionnellement ornementale, n’est pas chez Liszt une zone fragile et effleurée, c’est là qu’il met souvent
son dynamisme, dans des frémissements
et des ruissellements mystiques.
Chez lui, le poème symphonique, forme
où il expérimenta beaucoup, est un projet moins descriptif que psychologique et
impressionniste - il s’agit de faire résonner des impressions chez le destinataire,
le confident à convaincre qu’est pour lui
l’auditeur. Par ailleurs, Liszt recourut rarement aux formes toutes faites, à la symphonie, au quatuor, et, quand il fait une
sonate pour piano, c’est une oeuvre insolite, coulée dans le moule unique d’une
forme cyclique d’un seul tenant. Cette
sonate est d’ailleurs une des rares oeuvres
où il semble se rassembler, se cristalliser,
alors qu’il ne cesse ailleurs de se donner
et se dépenser.
Son identité, il croit la trouver un instant dans ses racines hongroises, mais il
ne s’y arrête pas ; mais surtout dans le
domaine de la musique religieuse, où il se
considère comme sans rival à son époque :
il y fait souvent vocation de simplicité,
d’archaïsme, de rudesse antiornementale,
en s’appuyant sur son étude de Palestrina,
de Lassus, du grégorien, etc. Pourtant,
là, toujours une inquiétude perceptible,
même dans ces monuments granitiques
que se veulent des oratorios comme Christus.
Finalement, cette énergie mystique,
c’est d’abord sur l’estrade du virtuose
adulé, où l’ont placé le sort et la prophétie
de Beethoven à son endroit, qu’il la dépense avec le plus de force de conviction.
Dans maintes pages des Années de pèlerinage, ou, même, dans telle Étude transcendante ou telle page d’album, on trouve
une conjonction unique de sens religieux
et de délire de virtuosité, comme si l’élan
de la difficulté physique portait les mouvements de l’âme. C’est à son piano qu’il se
sait prophète d’idéal, qu’il prêche le mieux
peut-être, alors que c’est là qu’on le considère en bateleur. Ses deux Légendes (1865)
sont éloquentes, puisque consacrées aux
deux saints qui portent son prénom. Saint
François d’Assise parlant aux oiseaux,
n’est-ce pas Franz Liszt prêchant en notes
perlées et mettant dans la virtuosité - là où
beaucoup d’autres n’ont voulu mettre que
leur part mondaine, méprisée - tout son
amour et son altruisme.
Pillée, dit-on, abondamment par Wagner, la musique de Liszt est, par excellence, celle de l’homme « mal assis », de
celui qui ne sut jamais poser sa musique,
l’installer, et la fit voyager, dans l’Europe,
parmi les hommes, pour communiquer
avec ses semblables par-delà le malentendu des succès mondains.
LITAIZE (Gaston), organiste et compositeur français (Menil-sur-Belvitte 1909 Fays, Vosges, 1991).
Malgré sa cécité, il a été l’élève au Conservatoire de Paris de Dupré (orgue et improvisation), de Caussade (contrepoint
et fugue) et de Büsser (composition), et
a remporté le second grand prix de Rome
de composition en 1938. Il est organiste
à l’église Saint-François-Xavier à Paris et
à Radio-France, où il est également responsable de la musique des émissions religieuses. Professeur d’orgue et d’improvisation à l’Institution nationale des jeunes
aveugles, il fait une carrière internationale
de concertiste. Ses compositions, pour la
plus grande part destinées à la liturgie,
se fondent sur les thèmes du plain-chant
qu’elles paraphrasent. Ainsi, pour l’orgue,
5 Pièces liturgiques pour orgue sans pédalier (1950), 24 Préludes liturgiques (1954),
Grand-Messe pour tous les temps (1956),
Messe basse pour tous les temps (1959). Il
a également écrit plusieurs messes pour
choeur et orgue.
LITANIE (grec médiéval litaneia, dérivé
de litaneuo, « invoquer par des prières »).
Prière dialoguée, soit chantée soit parlée,
consistant en une série, parfois longue,
de courtes invocations, auxquelles il est
répondu par une même formule de demande ou de louange.
Le mot a désigné d’abord toute supplication répétée (Kyrie eleison), puis les
processions où se chantaient de telles supplications (litanies des rogations), enfin la
forme même des prières à répétition, d’où
son acception actuelle généralisée.
LITERES (Carrion Antonio), compositeur
espagnol (Arta, Majorque, 1673 - Madrid
1747).
Violoniste et violoncelliste à la cour d’Espagne, il fut très estimé comme compositeur de cantates profanes et de musique
de théâtre (zarzuela Accis y Galatea, 1709 ;
opéra « dans le style italien » Los elementos). Après l’incendie qui en 1734 détruisit
les collections royales, il dut composer de
nouvelles oeuvres liturgiques (messes a
cappella et psaumes pour les Vêpres). Ses
deux fils occupèrent également des postes
à la cour, José Literes Sanchez (mort en
1746) comme violoncelliste et Antonio
Literes Montalbo (mort en 1768) comme
organiste.
LITOLFF,
maison d’édition allemande fondée en
1828 à Brunswick par Gottfried Martin
Meyer.
Elle prit le nom de Henry Litolff après
que celui-ci eut épousé (1851) la veuve de
Meyer et adopté son fils Theodor (18391912). Ce dernier succéda à son beau-père
après son divorce (1858), et eut comme
successeur son propre fils Richard (18761937). Theodor assura le développement
mondial de la firme en lançant en 1864
la célèbre collection Litolff d’oeuvres classiques, et aussi par des ouvrages pédagogiques comme la méthode de piano
de Louis Köhler, qui, en 1914, avait été
vendue à plus d’un million d’exemplaires.
Rachetée en 1940 par les éditions Peters
de Leipzig, la firme a ressuscité à Francfort
en 1950.
LITOLFF (Henry), pianiste et composi-
teur français (Londres 1818 - Bois-Colombes 1891).
Fils d’un violoniste alsacien fait prisonnier par les Anglais pendant la guerre
d’Espagne, il étudia avec son père et avec
Moschelès, vécut en France, en Belgique et
en Allemagne, et, en 1851, épousa la veuve
de l’éditeur Gottfried Martin Meyer, deuxième de ses quatre femmes : la firme fondée par Meyer en 1828 prit alors le nom
de Henry Litolff. En 1855, il devint maître
de chapelle de la cour de Saxe-Cobourget-Gotha, et, en 1858, s’installa définitivement à Paris. Il continua à composer à
partir de cette date, mais échangea sa carrière de pianiste pour celle de chef d’orchestre. On lui doit des oeuvres scéniques
comme Die Braut von Kynast (Brunswick,
1847) ou Héloïse et Abélard (Paris, 1872) et
des oeuvres instrumentales diverses, mais
ses plus grandes réussites demeurent ses
5 Concertos symphoniques pour piano et
orchestre. Le premier est perdu, les autres
datent respectivement de 1844 et d’environ 1846, 1852 et 1867. Le Scherzo du quatrième bénéficie toujours d’une célébrité
certaine. Henry Litolff reçut en dédicace le
1er Concerto pour piano de Liszt.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
588
LITERATUR-OPER.
Nom donné, a posteriori, par les musicologues allemands aux opéras écrits non
pas sur un livret, mais sur le texte même
(tout ou partie, légèrement modifié ou
traduit) d’une oeuvre dramatique déjà
connue. Cette stricte acception écarterait donc de cette classification les textes
que de grands auteurs (Goldoni, Sedaine,
Goethe, etc.) destinèrent dès l’abord à
être mis en musique. Utilisé dès le milieu
du XIXe siècle par Dargomyjski et Moussorgski, à partir de textes de Pouchkine
et Gogol, ce procédé devint plus fréquent dès la fin du siècle, avec Bruneau,
Debussy, R. Strauss, Berg, Chostakovitch,
Poulenc, etc., et se généralisa au-delà de
1940 ( ! OPÉRA). On peut, également, y
associer l’exemple d’auteurs ayant euxmêmes remanié pour le compositeur des
textes antérieurs, notamment J. Richepin,
Maeterlinck, D’Annunzio, Hofmannsthal,
Claudel, Brecht, etc.
LITURGIE (en gr. leitourgia, « service
public, fonction publique », et, entre
autres, « service du culte »).
Terme désignant l’ensemble des services
officiels et publics d’un culte, par opposition aux dévotions privées ; autrement dit,
l’ensemble de ses prières publiques, rites,
cérémonies et sacrements, où la musique,
étroitement codifiée, joue un grand rôle.
Les différentes Églises chrétiennes ont
chacune leur liturgie propre, c’est-à-dire
leur système de rites, de cérémonies et
de chants, peu à peu mis au point par
des conciles, des encycliques, des ordonnances, etc., avec pour préoccupation d’illustrer les articles de foi essentiels, mais
surtout de réactualiser, par « anamnèse »,
les moments symboliques privilégiés de
leur croyance. Ainsi, la liturgie catholique
tourne autour de la messe, dans la mesure
où celle-ci fait revivre chaque fois le sacrifice du Christ et la Cène. Dans cette fonction d’« anamnèse », il semble que la musique joue le rôle principal en réveillant le
passé dans ses dimensions symboliques
originelles, par le jeu du rythme et de
l’harmonie, par l’effet des timbres, et surtout de la voix avec toutes les résonances
corporelles et spirituelles des sons.
Parmi les cultes chrétiens, on distingue les différentes liturgies occidentales (romaine, anglicane, ambrosienne,
mozarabe), orientales (de saint Jean
Chrysostome, saint Basile, saint Jacques,
arménienne, copte, maronite), etc.
LITVINNE (Félia), soprano d’origine
russe (Saint-Pétersbourg 1861 - Paris
1936).
Elle étudia à Paris avec Pauline Viardot
et fit ses débuts en 1883 dans Ernani de
Verdi (rôle d’Elvira). Elle chanta dans la
plupart des grands théâtres du monde : au
Metropolitan Opera de New York, à partir
de 1896, au Covent Garden de Londres,
à partir de 1899. Elle fut la créatrice des
rôles d’Isolde à Paris (1899) et de Brunehilde à Bruxelles (1887). Elle quitta la
scène en 1916, mais continua de chanter
au concert jusqu’en 1924. Elle s’établit à
Paris comme professeur et eut Germaine
Lubin comme élève. Outre ses rôles wagnériens, elle était renommée pour ses
interprétations de Gluck (Alceste) et aussi
de Meyerbeer (l’Africaine). Sa voix était
puissante et son timbre, à la fois brillant et
souple. Son style fougueux et convaincant
parvenait à faire oublier sa corpulence.
LIVE ELECTRONIC MUSIC (angl. : « musique électronique en direct »).
Locution employée, même en France,
pour désigner, à l’opposé des musiques
préenregistrées sur bande magnétique, la
musique électroacoustique qui s’exécute
en direct, devant le public, par des « interprètes » jouant de synthétiseurs, de dispositifs électroacoustiques, d’instruments et
de corps sonores électrifiés (c’est-à-dire
reliés par l’intermédiaire de micros à des
systèmes d’amplification et de traitement
électronique du son).
Cette musique peut être improvisée, ou
jouée d’après une partition très précise.
L’avantage de la « live electronic music »
vient de la malléabilité et de la vie que, en
apparence, elle apporte à la présentation
en concert de l’oeuvre (par rapport à la musique électroacoustique sur bande, lue par
un ou des magnétophones et seulement
« orchestrée » dans sa diffusion) ; mais les
inconvénients, ou plutôt la contrepartie,
tiennent aux limitations dues au principe
du « temps réel » en ce qui concerne la
gamme des résultats sonores et musicaux
possibles et la précision de leur contrôle.
Certaines des techniques d’expression
spécifiques de la musique électroacoustique (telles que le montage, par exemple)
réclament encore impérativement le travail sur bande en studio et le différé. C’est
la même différence qui existe entre le film
de cinéma longuement tourné et monté et
une retransmission télévisée en direct, si
élaborée soit-elle.
C’est d’abord aux États-Unis que cette
technique s’est développée, avec des
groupes pionniers comme le Sonic Art
Union composé de Gordon Mumma,
Alwin Lucier, Robert Ashley et David
Behrman, qui ont poursuivi ensuite chacun sa ligne personnelle, dans des directions différentes. Un autre groupe pionnier, Musica elettronica viva, composé
d’Italiens et d’Américains et qui pratiquait
un « participationnisme musical » proche
du Living Theater (impliquant le spectateur dans l’exécution), fut vivant et actif
au point d’éclater en plusieurs groupes
homonymes. On peut citer encore en
Italie le groupe Nuove proposte sonore, et,
parmi les autres « collectifs » d’exécution
et d’improvisation « live electronic », le
Gimel, au Québec (fondé par Nil Parent) ;
le Feedback-Studio à Cologne (Eötvös,
Gelhaar, Maiguaschca, Fritsch, Johnson,
MacGuire), qui s’est transformé pour devenir le Groupe Oeldorf, le groupe K und K
en Autriche (Kaufmann) ; Gentle Fire en
Angleterre ; en France, Opus N, entre 1970
et 1974 environ (Savouret, Clozier), et le
Trio GRM-Plus (Dufour, Geslin, Cuniot),
qui, depuis 1978, porte cette technique à
un haut degré de précision.
Mais il y a aussi des compositeurs-interprètes isolés qui pratiquent et écrivent
en soliste la musique « live », comme René
Bastian, Léo Küpper, Lorenzo Ferrero,
Horaccio Vaggione, Giuseppe Englert,
Donald Buchla (un des pères du synthétiseur), David Tudor, Morton Subotnick,
etc. Nombre de ces groupes et de ces auteurs intègrent cette technique dans des
formules dites multimédias de spectacles
associant et multipliant les moyens d’expression de diverses disciplines (danse,
cinéma, lasers, voire émission de parfums
en direct, comme dans les spectacles de
Joseph Anton Riedl).
Le genre apparu à la fin des années
70 sous le nom anglo-saxon de performance (« représentation ») et qui se situe
au carrefour des expressions plastiques,
théâtrales et musicales utilise souvent des
techniques de « live electronic ». Parmi
les compositeurs qui ont beaucoup écrit
de « live electronic music » sans être euxmêmes, ou en n’étant qu’occasionnellement, des interprètes, on citera aussi Karlheinz Stockhausen (le pionnier du genre
en Europe, avec Mixtur et Mikrophonie
1 et 2), John Cage, Jean-Étienne Marie,
Fernand Vandenbogaerde, etc. D’autres
conçoivent, plutôt que des oeuvres, des
dispositifs pour réagir en sons à l’environnement naturel ou à la présence du
public (Max Neuhaus, Lucier). L’ordinateur est aussi employé en temps réel, pour
engendrer des processus sonores, selon
des programmes et des instructions plus
ou moins préparés à l’avance, et c’est vers
son utilisation dans ce sens que travaillent
de nombreux studios de musique électroacoustique (tels, en France, G. R. M.,
G. M. E. M., G. M. E. B., I. R. C. A. M.).
D’autres encore utilisent des systèmes
de « biofeedback », faisant piloter, par
exemple, des dispositifs électroniques, par
des ondes cérébrales ou des battements
cardiaques (Lucier, Rosenboom, Henry
et Lafosse). Innombrables sont donc les
techniques, et imprévisibles leurs développements futurs, mais on peut prévoir
sans risque que les applications les plus
diverses de l’informatique y tiendront une
place croissante à tous les niveaux.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
589
LIVRES LITURGIQUES.
Recueil des textes et rubriques servant aux
ministres du culte pour la célébration des
offices.
Les livres liturgiques de l’Église catholique sont composés de textes réunis soit
selon la fonction, soit selon l’usage ; la
première conception est privilégiée par
les livres orientaux, la seconde par les
occidentaux. Outre le calendrier liturgique (martyrologe), on distingue trois
catégories principales : le missel pour la
messe, le bréviaire pour les heures, le rituel
pour l’administration des sacrements. S’y
ajoutent, pour les évêques, le pontifical
(office) et le cérémonial. Ne pas confondre,
en dépit de certaines similitudes de noms
(missel), avec les livres de choeur, qui
concernent, cette fois, les chantres et les
fidèles (antiphonaire, vespéral, etc.).
LIVRET.
Ouvrage littéraire, en vers ou en prose,
destiné à être mis en musique en vue de
la composition d’un opéra, d’un opéra
bouffe, d’un opéra-comique, d’une opérette ou d’un ballet.
Issu du madrigal et du ballet de cour,
qui se contentaient d’illustrer des poèmes
plus ou moins disparates en des scènes
plus ou moins décousues, l’opéra dut
faire appel à de véritables livrets quand
il entreprit, dans l’Italie des alentours de
l’an 1600, de traiter de façon cohérente
des sujets mythologiques ou historiques
précis. En France, les premiers livrets de
cette sorte sont ceux que Philippe Quinault (1635-1688) fournit à Lully. D’une
qualité littéraire certaine, que favorisait
d’ailleurs le style noble du compositeur,
ils seront pendant plus d’un siècle non
seulement imités, mais souvent réutilisés
par d’autres musiciens. Le même phénomène se reproduisit au XVIIIe siècle avec
Zeno et surtout Métastase, dont certains
livrets d’opera seria furent mis en musique
plusieurs dizaines de fois. Vers 1760, en
France, un genre nouveau prend naissance et prospère : l’opéra-comique, où
s’illustrent des librettistes tels que Favart,
Marmontel, Sedaine, qui ne manqueront pas de successeurs au XIXe siècle. Le
« grand opéra », pour sa part, va être sauvé
par la révolution romantique, dont les aspirations n’ont pas grand-chose de commun avec l’idéal classique. Les musiciens,
comme les autres artistes, en ont assez
des Grecs et des Romains. Ils réclament
de l’action, voire de la violence, des héros
tout d’une pièce et des situations bien
tranchées. Si les librettistes manquent
d’imaginaton, ils n’ont qu’à puiser dans la
littérature. S’ouvre alors l’ère des « adaptations » lyriques de pièces ou de romans
célèbres, dont le seul titre attire les foules.
Scribe, Barbier, Saint-Georges en France,
Cammarano, Piave, Somma, Boito, Giacosa et Illica en Italie pillent sans vergogne Shakespeare, Walter Scott, Schiller,
Goethe, Victor Hugo, Dumas fils et Victorien Sardou au profit de Donizetti, Verdi,
Gounod, Puccini et autres grands fournisseurs du théâtre lyrique. Certains contemporains, Hugo par exemple, ont le mauvais goût de s’en plaindre alors qu’il s’agit
d’une consécration. Qui parlerait encore
du Roi s’amuse s’il n’y avait pas Rigoletto ?
Et puis, l’exemple venait de loin, et de
haut. Mozart n’avait-il pas emprunté Don
Giovanni en partie à Molière et Le Nozze di
Figaro à Beaumarchais par l’intermédiaire
du subtil Lozenzo Da Ponte ?
L’usage s’est longtemps conservé, en
matière de théâtre lyrique, de citer le ou
les librettistes avant le compositeur. On
disait par exemple : « Faust, opéra en 5
actes de Jules Barbier et Michel Carré,
musique de Charles Gounod ». Cela paraît ridicule, mais ce n’est pas tout à fait
injuste. Aucun opéra, à plus forte raison
un opéra bouffe ou une opérette, ne peut
réussir sans un bon livret. Et ce n’est pas
à la lecture qu’on peut juger s’il est bon
ou mauvais. Les conventions du genre
étant ce qu’elles sont, il vaut mieux chanter des niaiseries qui sonnent bien qu’un
beau texte inchantable... qu’on ne comprendrait pas davantage. Le librettiste doit
écrire, d’accord avec le compositeur, en
fonction du succès de la représentation. Ce
n’est pas seulement un métier, mais un art
véritable, qui exige quelques sacrifices. On
sait ce que doivent Offenbach à Meilhac et
Halévy, Verdi à Boito, Puccini à Giacosa
et Illica, Richard Strauss à Hugo von Hofmannsthal, dont le Rosenkavalier est sans
doute le seul livret d’opéra qui puisse se
passer de musique, en d’autres termes être
donné comme pièce de théâtre. Une autre
exception qui confirme la règle est celle de
Pelléas et Mélisande, que Debussy a réussi
contre Maeterlinck...
Quelques compositeurs, à la suite de
Wagner, ont écrit leurs propres livrets.
LLOBET (Miguel), guitariste espagnol
(Barcelone 1878 - id. 1938).
Il fut l’élève et le plus célèbre disciple de
Tarrega, et vécut à Paris de 1904 à 1914,
faisant, grâce à son compatriote Ricardo
Vinès, la connaissance de Debussy, Ravel,
Fauré, Albéniz. Doté d’une extraordinaire
technique, il eut de la guitare une conception presque orchestrale, grâce à un extraordinaire maniement des timbres et de la
polyphonie. En 1920, Falla écrivit pour lui
son Homenaje destiné au « Tombeau de
Claude Debussy ».
LOBKOWITZ, famille princière originaire
de Bohême, et dont plusieurs membres
protégèrent des compositeurs.
Au XVIIIe siècle, la « jeune lignée », dite
de Melnick, fut représentée notamment
par Georg Christian (1686-1755), grand
admirateur de Gluck et qui reçut de lui
les dédicaces d’Arsace (1743), La Sofonisba
(1744) et Ippolito (1745), et par son fils
Joseph Maria Carl (1725-1802), maréchal
et diplomate, qui souscrivit aux concerts
organisés par Mozart au Trattnerhof en
1784 et dans les salons duquel Beethoven
fit ses débuts de pianiste à Vienne le 2 mars
1795. La « lignée ancienne », dite de Raudnitz, commença par Philipp Hyacinth
(1680-1734), qui engagea le père de Gluck
comme maître forestier ; par son fils Ferdinand Philipp (1724-1784), qui emmena
Gluck à Londres et se lia à Berlin avec
Carl Philipp Emanuel Bach (on dit qu’ils
mirent sur pied une symphonie en composant tour à tour chacun une mesure) ; et
par le fils de Ferdinand Philipp, le prince
Joseph Franz Maximilian (1772-1816). Ce
dernier fonda officiellement sa chapelle
musicale privée le 1er janvier 1797, plaçant
à sa tête Antonin Vranicky. Doté d’une
belle voix de basse, il passa dans l’histoire
comme protecteur de Haydn et surtout
de Beethoven. Il chanta plusieurs fois la
Création de Haydn, et reçut au même moment la dédicace des Quatuors op. 77 de
Haydn (composés en 1799 et publiés en
1802) et des Quatuors op. 18 de Beethoven (composés en 1799-1800 et publiés en
1801), et plus tard celles des symphonies
nos 3, 5 et 6 ainsi que du triple concerto,
du quatuor op. 74 et du cycle de lieder À
la bien-aimée lointaine de Beethoven. C’est
dans son palais de Vienne que fut donnée
pour la première fois, en privé, vers le 9
juin 1804, la Symphonie héroïque, dont il
avait reçu l’exclusivité pour six mois, et
qu’il paya à Beethoven plus de 700 florins.
LOCATELLI (Pietro Antonio), violoniste
et compositeur italien (Bergame 1695 Amsterdam 1764).
On suppose qu’il fut à Rome l’élève de
Corelli. Son activité de virtuose le fit voyager en Europe occidentale (en Italie et en
Allemagne notamment) jusqu’en 1729,
date où il se fixa à Amsterdam. C’est là
que devaient être éditées la plupart de ses
oeuvres. Naturellement influencé au début
par le style de Corelli au niveau des formes
pratiquées (Concertos grossos op. I, 1721),
il les fit sensiblement évoluer, par la suite
(Sonates pour violon et basse, Sonates en
trio), tandis que son langage harmonique
se personnalisait rapidement.
Sa technique du violon, dépassant les
formules traditionnelles, en fait un prédécesseur de Paganini (recueil L’Arte del violino, avec les 24 Caprices, 1733). Son utilisation des accords brisés, du démancher et
des positions élevées apparaît particulièrement audacieuse pour son époque. Locatelli appartient à cette pléiade de compositeurs-violonistes italiens qui constituèrent
une véritable ère du violon et de la musique
pour cordes (Vivaldi, Tartini, Geminiani,
Nardini). Toutefois, Locatelli ne se limita
pas à son instrument ; on lui doit aussi
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
590
12 sonates pour flûte traversière et basse
(1732). Il entretint une correspondance
avec le padre Martini et fut un pédagogue
recherché, auprès duquel se perfectionna,
entre autres, Jean-Marie Leclair.
LOCKE (Mathew), compositeur et organiste anglais (Devon ? v. 1621-22 Londres 1677).
Il fit probablement ses études musicales à
Exeter sous la direction de Edward Gibbons. Choriste à la cathédrale jusqu’en
1641, il servit par la suite dans l’armée
royale, tout en poursuivant sa carrière de
musicien. De retour à Londres peu après
1650, il y fut, sous le Commonwealth,
un compositeur très en vue, s’adonnant
à tous les genres pratiqués : anthems,
hymnes, ayres, pièces instrumentales. À la
Restauration, Charles II le nomma Composer in Ordinary.
Après la composition de sa Collection
of Songes made when I was in the Lowe
Countries (conservée en manuscrit) et la
publication du Little Consort of Three Parts
(1656) pour violes ou violons, Mathew
Locke devint le compositeur le plus important pour l’histoire du théâtre musical en Angleterre avant H. Purcell. Son
nom reste associé à un certain nombre
d’oeuvres théâtrales : Davenant lui confia
le premier acte du Siege of Rhodes (1656),
puis Locke composa la musique pour
des versions de Macbeth (adaptation de
Davenant, 1663), The Tempest de Thomas
Shadwell (1667), The Empress of Morrocco
de Elkanah Settle et pour une Psyché de
Shadwell. Mais Locke est resté surtout
célèbre pour le « masque » dramatique
de James Shirley Cupid and Death, qu’il
mit en musique, et qui fut représenté en
1653 et 1659. Le manuscrit conservé date
de 1659 et contient également des compositions de Christopher Gibbons pour
ce même spectacle. Après le Comus de H.
Lawes, Cupid and Death constitue, avec
Venus and Adonis de John Blow et Didon
et Énée de H. Purcell, un pas important
dans la création de l’opéra proprement dit
en Angleterre.
LOCKSPEISER (Edward), musicologue
et compositeur anglais (Londres 1905 Alfriston, Sussex, 1973).
Il fit ses études au Conservatoire de Paris,
notamment dans la classe de Nadia Boulanger, ainsi qu’au Royal College of Music
de Londres avec Charles Herbert Kitson
et Malcolm Sargent. D’abord compositeur
(la plupart de ses oeuvres datent des années 20, mais il a écrit aussi par la suite de
la musique de film) et chef d’orchestre (il
a fondé le Toynbee Hall Orchestra), il devint critique musical dans de nombreuses
revues, telles que Music and Letters, The
Listener, The Musical Times, et travailla à
la B.B.C. de 1940 à 1951.
E. Lockspeiser fut encore maître de
conférence à l’université de Londres de
1966 à 1971, puis il enseigna au Collège
de France à partir de 1971. Spécialiste de
la musique française, il a écrit sur Berlioz,
sur Bizet, et aussi plusieurs ouvrages importants sur Debussy.
Sa biographie a été traduite en français
(Paris, 1980), conjointement à une étude
de l’oeuvre due à Harry Halbreich.
LOCO (ital. : « à sa place »).
Terme indiquant, après un passage marqué « in 8va » (« à l’octave », qu’il faut revenir à la tessiture normale ; ou encore, pour
un violoniste, après un passage sur des
cordes ou dans des positions plus graves
ou plus élevées, un retour à la position ou
au doigté normaux.
Dans la mesure où elle supprime une
« altération », l’indication « loco » peut se
comparer à la présence d’un bécarre.
LODÉON (Frédéric), violoncelliste et
chef d’orchestre français (Paris 1952).
En 1967, il entre dans la classe d’André
Navarra au Conservatoire de Paris, où il
obtient en 1969 et 1970 ses prix de violoncelle et de musique de chambre. Lauréat
de plusieurs concours internationaux de
1972 à 1977, il fait des débuts remarqués à
Prague en 1973, puis est invité au Festival
de Gstaad, que dirige Y. Menuhin. Dans
la décennie qui suit, il se produit dans le
monde entier en soliste et en formation de
musique de chambre. Victime d’un accident en 1984, il doit modifier sa carrière.
À partir de 1987, il dirige et produit des
émissions musicales à la télévision et à la
radio.
LOEFFLER (Charles Martin Tornow), violoniste et compositeur américain né en
France (Mulhouse 1861 - Medfield, Massachusetts, 1935).
Enfant, il suit ses parents, de nationalité
allemande, en Russie, Hongrie et Suisse.
Il effectue ses études musicales à Berlin
(violon avec E. Rappoldi et J. Joachim,
composition avec F. Kiel) et à Paris (violon avec J. Massart et composition avec
Guiraud), puis devient membre de l’orchestre Pasdeloup et de l’orchestre du
baron russe Paul von Derwies. À la mort
de celui-ci (1881), il émigre aux ÉtatsUnis et, en 1882, est engagé par le Boston
Symphony Orchestra, qu’il quitte en 1903
pour se consacrer à la composition et à
l’enseignement dans sa propriété de Medfield. La fin de sa vie, sédentaire, contraste
étrangement avec sa jeunesse cosmopolite, qui aura une très grande influence
sur ses compositions. Son oeuvre est, en
effet, un amalgame de tendances variées :
folkloriques tout d’abord (Night in the
Ukraine, 1981 ; Conte espagnol, 1912 ;
Memories of my Childhood, 1925 ; 5 Irish
Fantasies, 1935), mystiques ensuite (Hora
mystica, 1916 ; thème grégorien de sa
Music for Four Stringed Instruments, 1917,
sans doute son oeuvre la plus réussie).
Vinrent enfin s’ajouter les influences plus
contemporaines de Gershwin et du jazz
(Clowns, 1928). Malgré cela, et à cause de
sa naissance, de son éducation musicale et
de son amour passionné pour les poètes et
peintres français impressionnistes et symbolistes, il se considérera toujours comme
un musicien de souche française. Ce lien
culturel se traduit dans son choix de
textes (la Mort de Tintagiles, d’après Maeterlinck, 1900 ; Poème, d’après Verlaine,
1918) et dans son écriture musicale, fortement influencée par Debussy et Fauré. Il
reste pourtant un musicien assez conventionnel, et sa plus grande originalité réside
dans une instrumentation souvent inhabituelle, comme dans le Psaume 137, pour
choeur de femmes, violoncelle, 2 flûtes,
harpe et orgue (1907), la Mort de Tintagiles, pour viole d’amour et orchestre, et
les Memories of my Childhood, où figurent
des cloches et un harmonica.
LOEHRER (Edwin), chef d’orchestre
suisse (Andwil, Saint-Gall, 1906 - Orselina, Locarno, 1991).
Il étudie la direction d’orchestre et la
composition à la Tonkunstakademie de
Munich (1927-1932), l’orgue au conservatoire de Zurich et la musicologie à
l’université de cette même ville. Il fonde
en 1936 l’ensemble vocal de la radio de
la Suisse italienne (Studio Lugano) et en
1961 la Società cameristica de Lugano,
formation spécialisée dans l’interprétation
de la musique italienne ancienne.
LOEILLET, famille de musiciens belges
originaire de Gand.
Jean Baptiste, dit Jean de Londres
(Gand 1680 - Londres 1730). Il fit ses études
musicales à la maîtrise de la cathédrale de
Gand, étudia l’orgue, le clavecin, la flûte,
et enseigna ces diverses disciplines. En
1705, il fut engagé comme flûtiste à l’orchestre du Haymarket Theater de Londres.
Il donna de nombreux concerts de flûte
traversière, faisant connaître et apprécier
cet instrument en Angleterre. Également
compositeur, il écrivit plusieurs sonates
en trio et des recueils d’exercices pour la
flûte traversière et le clavecin (Lessons,
v. 1712). Ces oeuvres, dans lesquelles la
maîtrise du contrepoint va de pair avec
un sens mélodique très séduisant, se rattachent à l’esthétique française autant
qu’au style concertant italien. Il avait
constitué une importante collection d’instruments de musique, qu’il légua, en 1729,
à ses cousins. L’anglicisation de son nom
en « Lullie » créa des confusions avec celui
de Lully.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
591
Jacques (Gand 1685 - id. 1748). Comme
Jean-Baptiste, son frère, il fit ses études
à la maîtrise de la cathédrale de Gand.
Après avoir été musicien du prince électeur de Bavière, Max Emmanuel, il fit carrière en France. En 1715, il faisait partie de
la Chambre du roi Louis XV à Versailles
en qualité d’hautboïste. Pendant ses loisirs
il pratiqua, dit-on, la magie et donna à la
cour des séances d’illusionnisme.
Jean-Baptiste, dit L’oeillet de Gand,
cousin des précédents (Gand 1688 - Lyon
v. 1720). Mort de bonne heure, il composa
néanmoins 48 sonates pour flûte et basse,
qui furent toutes éditées chez Roger à
Amsterdam entre 1710 et 1717. Elles présentent un compromis entre la sonata da
chiesa et la sonata da camera.
LOEWE (Carl), compositeur allemand
(Löbejün, près de Halle, 1796 - Kiel 1869).
Il étudia avec son père puis avec D. G.
Türk à Halle. Nommé en 1820 organiste
et cantor de la Jacobikirche de Stettin, il
devait rester dans cette ville quarante-six
ans, y remplissant également les fonctions
de directeur général de la musique et de
professeur au Gymnasium. Il écrivit dans
la Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung
d’Adolph Bernhard Marx (fondée en
1824), donna des concerts de ses oeuvres
vocales à Vienne (1844), à Londres (1847),
en Scandinavie (1851), en France (1857).
Il fut, avant tout, un auteur de ballades
pour voix avec accompagnement de
piano ; Erlkönig (1818), sur le poème de
Goethe (composé trois ans après le chefd’oeuvre du même nom de Schubert), fit
sensation. Citons encore Herr Oluf (1821),
Trois Ballades d’après Goethe, dont l’Apprenti sorcier (1832), Heinrich der Vogler
(1836).
Loewe fut un peu à la musique ce que
Ludwig Uhland fut à la littérature allemande. On lui doit aussi 5 opéras, dont
Die drei Wünsche (1834), des oratorios,
dont Die Siebenschläfer (1833), des cantates et motets, 3 sonates pour piano, 2
symphonies. Dans les ballades, de couleur
souvent populaire, à l’accompagnement
descriptif, la musique varie en général
d’une strophe à l’autre pour répondre aux
exigences du texte.
LOGOTHETIS (Anestis), compositeur
autrichien d’origine grecque (Burgas,
Bulgarie, 1921 - Lainz, Autriche, 1994).
Élève d’Erwin Ratz (théorie) et d’Alfred
Uhl (composition) à Vienne, il a travaillé
en 1957 au Studio de musique électronique de Cologne avec Gottfried Michael
König, et développé, à partir de 1958, un
système original de notation graphique
(cf. ses écrits Notation mit graphischen Elementen, Salzbourg, 1967 ; Zeichen als Agregatzustand der Musik, Vienne, 1974). De
1950 à 1960, il a écrit, surtout, des oeuvres
de chambre et d’orchestre en notation traditionnelle et d’obédience sérielle. Parmi
ses ouvrages en notation graphique, les
ballets Himmelsmechanik (1960), 5 Porträte der Liebe (1960) et Odyssee (1963), les
oeuvres de théâtre musical Party (1961) et
Karmadharmadrama (1961-1968), et Entomology-party, écrit pour la radio (1972).
Citons encore Klangfelder und Arabeske
pour piano et bande magnétique ou orchestre de chambre (1976), et Daidalia
oder Das Leben einer Theorie (Daidalia ou
la Vie d’une théorie, 1977), qui relève du
théâtre musical.
LOLLI (Antonio), violoniste italien (Bergame v. 1725 - Palerme 1802).
Il fut violoniste à la cour de Stuttgart de
1758 à 1774, puis à celle de Saint-Pétersbourg jusqu’en 1778, et, en fin de carrière, voyagea beaucoup (Paris, Espagne,
Londres, Palerme, Copenhague, Paris,
Vienne, Naples). Doté d’une très grande
technique, il a écrit - sans doute non
sans être aidé - 8 concertos pour violon,
3 cahiers de sonates pour violon avec
basse continue, 6 duos pour 2 violons,
ainsi qu’une École du violon en quatuor (v.
1784).
LOMBARD (Alain), chef d’orchestre français (Paris 1940).
À sept ans, il prend ses premières leçons de
violon avec Line Talluel. L’année suivante,
il rencontre Suzanne Demarquez, qui lui
enseigne le piano et le solfège. Admis à
neuf ans au Conservatoire national supérieur de Paris, dans la classe de direction
d’orchestre de Gaston Poulet, il dirige
pour la première fois, deux ans plus tard,
l’Orchestre Pasdeloup. Après son baccalauréat, il se consacre totalement à la musique, étudiant, notamment, avec le chef
hongrois Ferenc Fricsay. Il commence
sa carrière à l’Opéra de Lyon, comme
chef assistant, puis principal. En 1962, à
Paris, il dirige, en alternance avec Georges
Prêtre, les premières représentations de
l’Opéra d’Aran de Bécaud. Il débute à New
York en 1963, à l’American Opera Society,
avec Hérodiade de Massenet. En 1966, il
remporte, devant trente-quatre concurrents, le prix Mitropoulos, et devient
l’assistant de Bernstein à l’Orchestre philharmonique de New York et de Karajan
au festival de Salzbourg. L’année suivante,
il dirige Faust au Metropolitain Opera de
New York, dont il devient chef assistant.
Il est également nommé directeur musical
de l’Orchestre de Miami (1967). Il a dirigé
à partir de 1972 l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, où, de 1974 à 1979,
il a été le responsable artistique du nouvel
Opéra du Rhin. Il a été nommé pour la
période 1981-1983 à la direction musicale
de l’Opéra de Paris. Il a eu comme successeur à Strasbourg Theodor Guschlbauer,
et a succédé à Roberto Benzi à la tête de
l’Orchestre de Bordeaux-Aquitaine (1987-
1995).
LOMBARDI (Luca), compositeur italien
(Rome 1945).
Après un baccalauréat au lycée allemand
et une licence ès lettres à l’université de
Rome, avec une thèse sur Hanns Eisler, il
étudie la composition avec Roberto Lupi
et Boris Porena au conservatoire Gioacchino-Rossini de Pesaro, et obtient son
diplôme en 1970 ; de 1968 à 1973, à Cologne, il étudie avec Bernd Alois Zimmermann et Vinko Globokar et suit les cours
de nouvelle musique de K. Stockhausen,
H. Pousseur, M. Kagel et D. Schnebel, et
découvre la musique électronique avec
Herbert Eimert et G. M. König. Invité de
l’Académie des arts de la R. D. A., il travaille avec Paul Dessau en 1973. De 1973
à 1978, il est professeur de composition
au conservatoire Gioacchino-Rossini de
Pesaro, puis à partir de 1980 au conservatoire Giuseppe-Verdi de Milan. On lui
doit plusieurs livres et essais sur la musique (Hanns Eisler ; Musica della rivoluzione, Milan, 1978 ; Musik im Übergang,
avec H. K. Jungheinrich, Munich, 1977 ;
Conversazioni con Goffredo Petrassi, Milan,
1980).
Ses oeuvres, d’inspiration marxiste,
recherchent la communication d’un message politique, et, malgré certains traits
caractéristiques de la musique postsérielle, relèvent du concept de « nouvelle
intelligibilité » (Neue Deutlichkeit). Citons
Albumblätter pour piano (1967-68), Wiederkehr pour piano (1971), Non Requiescat. Musica in memoria di H. Eisler pour
orchestre de chambre (1973), Canzone
pour orchestre de chambre (1974-75),
Prima Sinfonia pour orchestre (1974-75),
Variazioni su Avanti popola alla riscossa
pour piano (1977), Essay pour contrebasse (1975), Essay 2 pour clarinette basse
(1979), Hasta que caigan las puertas del
odio pour 16 voix, texte de P. Neruda
(1976-77), Tui-Gesänge pour soprano et
5 instruments, texte de A. Betz (1977),
Variazioni pour orchestre (1977), E subito
riprende il viaggio. Frammenti di Ungaretti
pour 5 voix (1979-80), Majakowski, cantate pour basse, choeur et 7 instruments
(1979-80), Klavierduo pour 2 pianos
(1978-79), Celan-Lieder pour soprano et
6 instruments (1985), Faust, un travestimento, opéra en 3 parties (Bâle, 1991).
LONCHAMPT (Jacques), critique musi-
cal français (Lyon 1925).
Licencié en philosophie, il a été tout
d’abord délégué régional des Jeunesses
musicales à Lyon (1946-47), puis en 1947
rédacteur en chef de la revue des Jeunesses
musicales de France, devenue plus tard
Journal musical français (1948-1960). Il
assuma en même temps diverses activités
de critique, notamment à Radio-cinémadownloadModeText.vue.download 598 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
592
télévision, plus tard Télérama (1950-1961).
Entré au journal le Monde en 1961 comme
critique musical adjoint, il en devint premier critique et chef de rubrique musicale
comme successeur de René Dumesnil
(1965-1990). Il a écrit notamment les Quatuors de Beethoven (1956), Dictionnaire
pratique des compositeurs et des oeuvres
musicales (2 vol., 1955, 1959), et l’Opéra
aujourd’hui (1970).
LONDON (George, de son vrain nom
G. BURNSTEIN), baryton-basse américain
(Montréal 1920 - Armonk, New York,
1985).
Élève de Hugo Strelizer et de Nathan
Stewart à Los Angeles, il débuta dans la
Traviata au Hollywood Bowl, sous le nom
de George Burnson (1941). Il poursuivit
ses études à New York et forma le Bel
Canto Trio (1947), avec Francis Yeend et
Mario Lanza, effectuant avec cette formation de vastes tournées à travers les ÉtatsUnis. Sa carrière internationale débuta au
Staatsoper de Vienne (1949-1954).
En 1951, il chanta Amfortas à Bayreuth, partageant dorénavant ses activités
entre l’opéra de Vienne et le Metropolitan
Opera. Il fut le premier étranger à chanter
Boris Godounov (en russe) au théâtre du
Bolchoï (1960), et incarna Wotan à Cologne (1962-1964). Il dut interrompre sa
carrière pour raisons de santé et se consacra à l’administration artistique, montant intégralement le Ring de Wagner à
Seattle (1975), cela pour la première fois
en langue anglaise aux États-Unis.
LONG (Marguerite), pianiste et pédagogue française (Nîmes 1874 - Paris
1966).
Initiée au piano par sa soeur, professeur au
conservatoire de leur ville natale, elle entre
à douze ans au Conservatoire de Paris,
dans la classe de Tissot. Sortie premier
prix à quinze ans, elle se dirige vers l’enseignement, encouragée par Marmontel,
dont elle devient le disciple fervent. Commencée en 1893, sa carrière de concertiste
s’infléchit vers la musique contemporaine
au fil de rencontres décisives : en 1903,
Fauré, dont elle recrée la Ballade, Albéniz (qui compose pour elle sa Navarra),
Debussy (qui lui fait travailler ses oeuvres
et dont elle crée en 1919 - le même jour
que Cortot - la Fantaisie), Ravel (le Tombeau de Couperin en 1919 et le Concerto
en « sol » en 1932), Milhaud (son premier
concerto en 1934), F. Schmitt, R. Ducasse,
etc. Parallèlement se déroule sa carrière
de pédagogue : nommée professeur au
Conservatoire de Paris en 1906, elle succède à L. Diémer à la tête d’une classe
supérieure de piano. En marge de son enseignement, elle donne des cours-conférences à l’École normale de musique, sur
l’oeuvre de Fauré, de Debussy, de Chopin,
qu’elle illustre par ses concerts. Obligée
de démissionner en 1940, elle fonde sa
propre école avec l’aide de J. Thibaud. Ensemble, les deux artistes créent, en 1943,
le concours qui porte leurs noms et qui
prend une dimension internationale trois
ans plus tard. J. Doyen, J. Février, N. Henriot, Y. Lefébure, L. Descaves, S. François,
B. L. Gelber comptent parmi leurs élèves
les plus prestigieux. Ils ont fait leur son
goût de la clarté (obtenue par l’arrondi
des doigts sur le clavier) et pour une mouvance naturelle des sons et des couleurs.
LONGO (Alessandro), pianiste et compositeur italien (Amantea 1864 - Naples
1945).
Il fut l’élève de son père, le pianiste et
compositeur Achille Longo, avant d’entrer au conservatoire de Naples, où il étudia le piano avec B. Cesi, ainsi que l’orgue
et la composition de 1878 à 1885. À partir
de 1887, il y enseigna lui-même le piano et
fut un professeur très recherché. En 1892,
il fonda une société Domenico-Scarlatti
et publia les oeuvres complètes pour clavier de ce compositeur (1906-1910). Bien
que la classification qu’il adopta fût arbitraire, ce travail fit beaucoup pour relancer l’intérêt porté à Scarlatti. Depuis, cette
classification des sonates de Scarlatti a été
communément remplacée par celle, chronologique, de Ralph Kirkpatrick.
LONGTIN (Michel), compositeur canadien (Montréal 1946).
Après avoir reçu une formation scientifique, il s’est tourné vers la musique en
1968, étudiant à Montréal et à Toronto,
en particulier avec Serge Garant, et enseigne actuellement la composition et
l’analyse à l’université de Montréal. Après
s’être consacré pendant dix ans à la musique électroacoustique (Au nord du lac
Supérieur, 1972 ; Trilogie de la montagne
amorcée au studio de Bourges en 1977
et terminée au studio McGill en 1980),
il s’est tourné également vers les grandes
formations de chambre avec Pohjatuuli Hommage à Sibelius pour 12 instruments
(1983, prix Jules-Léger 1986) ou encore
Citortia (1990), et vers l’orchestre avec
Autour d’Ainola (1986) ou encore Hommage à Euler (1990, pour le 700e anniversaire de la Confédération helvétique). Il se
définit lui-même comme un « expressionniste pourtant très personnel ».
LONGUE.
1. En métrique, valeur d’une syllabe par
rapport à la brève considérée comme unité
de temps. En principe, la longue vaut 2
brèves, mais dans certaines positions elle
peut en valoir 3, ce qu’on retrouvera dans
les principes de la notation proportionnelle. La longue s’indique par un petit trait
horizontal surmontant la syllabe ; la brève
ne fut d’abord pas notée, puis elle s’indiqua par un signe analogue à un demicercle ouvert vers le haut.
2. En notation médiévale proportionnelle, valeur de note analogue à celle de
la longue en métrique, valant selon les cas
2 ou 3 brèves. La longue de 3 brèves était
dite « parfaite », celle de 2 brèves « imparfaite », soit par allusion à la Trinité, soit
parce que perfectus signifie à l’origine
« complet, achevé ». La longue finale, de
valeur indéterminée, équivalait à une note
dotée d’un point d’orgue. La notation fut
différente selon que l’écriture était ligaturée ( ! LIGATURE) ou syllabique ; dans
ce dernier cas, seul en compte pour l’évolution ultérieure, la longue emprunta à
l’origine la forme de la virga carrée (note
carrée avec queue descendante à droite),
tandis que la brève prenait celle du punc-
tum (carré sans queue). L’alternance
initiale longue/brève, qui motivait le système, fit place peu à peu à des rythmes
plus compliqués, où le principe de la proportionnelle perdit sa raison d’être, mais
il resta en vigueur jusque vers le milieu du
XVIIe siècle.
3. En notation classique, la valeur des
notes écrites n’ayant entre-temps cessé
de croître, la « brève » finit par devenir la
« note carrée » valant 2 rondes, c’est-àdire, contrairement à son nom, une valeur déjà exceptionnellement longue. La
longue resta dans la théorie, mais ne fut
plus guère employée sinon en note finale
avec sa valeur de point d’orgue. Elle s’écrivait, comme jadis, par un rectangle allongé
avec queue descendante à droite. Elle est
aujourd’hui tout à fait hors d’usage.
LORENGAR (Pilar), soprano espagnole
(Saragosse 1921 - Berlin 1996).
En 1949, elle sort du Conservatoire de
Barcelone, et se fait remarquer en 1952
en chantant des zarzuelas. Sa carrière
internationale débute en 1954 à Londres
et Paris, et en 1957 elle chante Pamina à
Glyndebourne. En 1958, elle y incarne la
Comtesse, puis, en 1961, est Ilia d’Idoménée à Salzbourg. Elle chante au Metropolitan entre 1966 et 1978. Mozartienne,
elle maîtrise aussi les principaux rôles
de Verdi et Puccini. En 1990, elle fait ses
adieux sur scène dans Tosca à Berlin, et en
récital à Oviedo en 1991.
LORENZ (Max), ténor allemand (Düsseldorf 1901 - Salzbourg 1975).
Il fit ses débuts en 1927 à Dresde dans
Tannhäuser (rôle de Walther), chanta à
l’Opéra de Berlin à partir de 1933 et commença une carrière internationale qui le
conduisit de Vienne à Londres et de Paris
à New York. Entre 1932 et 1939, il se produisit aussi au festival de Bayreuth, et
revint régulièrement à Paris entre 1947 et
1952. Il fut l’un des grands ténors wagnériens du XXe siècle. Sa voix dramatique
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
593
à l’aigu facile, sa présence physique, ses
dons d’acteur en firent un Siegfried in-
comparable. Mais son Tannhäuser et son
Tristan comptèrent également parmi des
incarnations majeures. Parmi les rôles
non wagnériens où il excella, il faut citer
Don José dans Carmen de Bizet et Otello
de Verdi.
LORIOD, famille de musiciens français.
Jeanne, ondiste (Houilles 1928). Remarquable ondiste de renommée internationale, elle commença très jeune une
brillante carrière de soliste après avoir
étudié le piano, puis les ondes Martenot
au Conservatoire de Paris. Ayant, dès sa
création, décelé les étonnantes ressources
de l’instrument, elle l’étudia avec son
créateur, Maurice Martenot, et en devint
l’efficace et brillante propagandiste. Particulièrement appréciée de compositeurs
contemporains, comme Messiaen, Jolivet,
Honegger, Milhaud, Landowski, elle fonde
en 1950 le quatuor, puis le sextuor d’ondes
Martenot et, en 1974, le sextuor d’ondes
Jeanne-Loriod. Elle enseigne depuis 1970
au Conservatoire national supérieur de
Paris. Elle est la soeur d’Yvonne Loriod.
Yvonne, pianiste et compositrice, soeur
de la précédente (Houilles 1924). À quatorze ans, elle avait déjà à son répertoire
le Clavier bien tempéré de Bach, les 27
concertos de Mozart, les 32 sonates de
Beethoven et toute l’oeuvre pianistique de
Chopin. Élève au Conservatoire de Paris
de Lazare-Lévy et d’Olivier Messiaen (elle
épousera ce dernier par la suite), titulaire
de 7 premiers prix, elle s’est brillamment
affirmée dans le monde musical contemporain, donnant en première audition
mondiale ou française des oeuvres de
Schönberg, Bartók, Jolivet, et en première mondiale toutes celles avec piano
d’Olivier Messiaen, à partir des Visions
de l’Amen (1943). Elle a aussi créé, avec le
compositeur, le second livre de Structures
de Pierre Boulez (Donaueschingen, 1961).
Elle maîtrise également un répertoire
traditionnel considérable (Mozart, Schumann, Debussy). Professeur au Conservatoire national de Paris depuis 1968, elle
dirige, en outre, depuis 1958, une classe de
piano à la Musikhochschule de Karlsruhe.
Elle a réalisé de nombreux enregistrements, en particulier d’oeuvres d’O. Messiaen, et le premier en date de la Sonate de
Jean Barraqué. Son oeuvre de compositeur
comporte : Pièce sur la souffrance pour
orchestre, Grains de cendre pour soprano
et orchestre de chambre (1946), Mélopées
africaines pour ondes Martenot, piano,
flûte (1945).
LORTIE (Louis), pianiste canadien (Québec 1959).
Il fait ses débuts avec l’Orchestre symphonique de Montréal à l’âge de treize ans.
Il remporte plusieurs prix prestigieux au
Canada et en Europe et, en 1978, accompagne la tournée en Chine et au Japon
de l’Orchestre symphonique de Toronto.
Il a joué avec les plus grands orchestres.
Depuis 1992, il donne chaque année, avec
Charles Dutoit et l’Orchestre de Montréal, une intégrale de l’oeuvre concertante
d’un compositeur : Beethoven, Tchaïkovski, Liszt et Chopin sont suivis en 1996
d’un cycle Mendelssohn-Schumann. Au
disque, il a signé notamment une intégrale
de Ravel et commencé celle des sonates de
Beethoven. En 1995, il fonde le trio LortieBerickLysy.
LORTZING (Albert), compositeur allemand (Berlin 1801 - id. 1851).
Il apprit les rudiments de la théorie musicale à la Singakademie de Berlin, mais se
forma essentiellement en autodidacte. Ses
parents, acteurs de théâtre, l’initièrent à
la scène dès l’âge de onze ans. Ayant développé une voix agréable, il fut vite employé comme chanteur et comme acteur.
Ayant épousé en 1823 l’actrice Rosina
Ahles, il fut engagé avec elle au Théâtre
de Cologne, où l’année suivante on représenta son premier singspiel Ali pascha von
Janina. De 1826 à 1833, le couple appartint
à la troupe du théâtre de cour de Detmold.
Lortzing continua à composer des
oeuvres qu’il interprétait lui-même, chantant et même jouant du violoncelle dans
l’orchestre. En 1823, il fut engagé, avec sa
femme, au Théâtre municipal de Leipzig.
Il devait y rester douze ans, ses ouvrages
lui gagnant peu à peu une grande réputation, sans lui ouvrir pour autant les portes
du milieu musical dans lequel évoluent
Mendelssohn et Schumann. De cette
époque datent ses succès les plus populaires : Zar und Zimmermann (1839) et Der
Wildschütz (1842). En 1844, il fut nommé
maître de chapelle, mais perdit son poste
l’année suivante. Il tenta alors une oeuvre
plus ambitieuse : l’opéra romantique Undine (1845), représenté à Hambourg et à
Magdebourg avec un succès limité. À dé-
faut d’invention musicale originale, on y
trouve un lyrisme assez convaincant avec
une utilisation précoce des leitmotive. En
1846, les Lortzing s’installèrent à Vienne,
où la chance sembla revenir avec Der Waffenschmied. Devenu maître de chapelle au
Teater an der Wien, le musicien perdit
encore cette situation au bout de deux ans.
La même mésaventure lui arriva à Leipzig,
où il retourna en 1846. Après de nouvelles
difficultés, il obtint une position médiocre
de directeur musical dans un petit théâtre
de Berlin. C’est là qu’il mourut dans une
misère relative. Sans avoir jamais conquis
une gloire au-delà des frontières de son
pays, Lortzing a, cependant, conservé
jusqu’à nos jours la faveur du public populaire allemand. Ses oeuvres mêlent en
effet heureusement la tradition du singspiel à celle de l’opéra-comique français.
LOSANGE.
Forme de note sans signification précise
(on dit aussi « note losange » ou « note
losangée »), produite par l’inclinaison de
la plume d’oie lorsqu’elle trace en descendant des groupes de notes, qui seraient
carrées si le mouvement de main était
horizontal, comme cela se produit dans
les climacus et leurs dérivés.
Dans la notation proportionnelle du
Moyen Âge (XIIIe s. et au-delà), contrairement à d’autres neumes ( ! LIGATURES),
ces groupes de notes, dits conjuncturae,
conservèrent leur indétermination rythmique, tandis que la note losangée isolée
fut empruntée pour la « semi-brève »,
dont l’évolution ultérieure aboutit vers le
XVIIe siècle à notre « ronde » actuelle.
LOS ANGELES (Victoria de), soprano
espagnole (Barcelone 1923).
Elle fit ses débuts au théâtre Liceo de Barcelone en 1945, dans le rôle de la Comtesse des Noces de Figaro. Son premier
prix au concours international de Genève
(1947) la lança dans une carrière internationale. Invitée par la radio anglaise en
1949, pour chanter le rôle principal dans
la Vie brève de M. de Falla, elle revint l’année suivante incarner Mimi de la Bohème
à Covent Garden. Puis elle interpréta
Marguerite de Faust à l’Opéra de Paris.
Elle chanta régulièrement au Metropolitan Opera de New York à partir de 1951
le répertoire de soprano lyrique français
et italien, aborda Élisabeth de Tannhäuser
à Bayreuth, Rosine du Barbier de Séville à
la Scala de Milan. Simultanément, elle a
mené de front une carrière de récitaliste,
où la mélodie française, le lied allemand et
les « tonadillas » espagnoles occupent une
part égale. Victoria de Los Angeles possédait un timbre exceptionnel à la fois chaud
et pur. Sa personnalité musicale était particulièrement séduisante.
LOTT (Felicity), soprano anglaise (Cheltenham 1947).
Elle étudie à la Royal Academy de Londres,
avant de débuter en 1975 à l’English National Opera dans le rôle de Pamina. Elle
participe souvent au Festival de Glyndebourne, privilégiant les opéras de Mozart
et Strauss. Elle aime aussi l’univers de la
mélodie (Poulenc) et du lied. En 1976, elle
crée Welcome to the River de Henze. En
1983, elle chante Louise de Charpentier
à Bruxelles, et fait ses débuts au Metropolitan dans Capriccio en 1986. En 1993,
elle incarne la Maréchale du Chevalier à la
Rose à Glyndebourne et au Châtelet.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
594
LOTTI (Antonio), compositeur italien
(Venise ou Hanovre 1666-67 - Venise
1740).
Son lieu de naissance est incertain, par
suite de la position de son père, maître de
chapelle à Hanovre. En 1683, il est élève de
Legrenzi à Venise et fait partie du choeur
de la basilique Saint-Marc, dès sa formation en 1687. À part un voyage à Dresde,
de 1717 à 1719, consacré à l’opéra, il restera toute sa vie à la basilique, d’abord
comme chanteur et organiste (assistant
du second organiste en 1690, second organiste en 1692 et premier organiste en
1704), puis comme maître de chapelle de
1736 jusqu’à sa mort. Il enseigne également à l’Ospedale degli Incurabili.
Néanmoins, Lotti consacre la première
partie de sa carrière créatrice à l’opéra. Dès
1692, il fait représenter à Venise Il Trionfo
dell’ innocenza et sa production dans ce
domaine est particulièrement riche dans
les dix années précédant son voyage à
Dresde. Il obtient un grand succès en Alle-
magne, avec, tout d’abord, Giove in Argo
(1717), puis Li Quatro Elementi (1719).
Son style, fondamentalement vénitien,
trahit cependant une forte influence de
l’opéra napolitain en plein essor, en particulier dans la forme.
Malgré sa réussite à Dresde, Lotti
abandonne définitivement le domaine
de l’opéra à son retour à Venise, pour se
consacrer à la musique sacrée. Sa production comprend des oratorios et de très
nombreux motets, messes, psaumes, magnificat, miserere, etc. Son style, sévère et
dépouillé, montre une grande maîtrise de
la polyphonie. Très attentif au texte, il préfère une écriture a cappella et n’hésite pas
à recourir au chromatisme dans un but
expressif. Ses oeuvres, célèbres, resteront
longtemps au répertoire de la basilique,
en particulier l’extraordinaire Miserere en
ré de 1733. Il est également l’auteur d’un
certain nombre de pièces vocales profanes
(cantates et madrigaux), dont un recueil
de Duetti, terzetti e madrigali, publié en
1705. Enfin, son rôle pédagogique est loin
d’être négligeable, et on compte parmi ses
élèves de grands musiciens, tels Benedetto
Marcello, Domenico Alberti et Baldassare
Galuppi.
LOUCHEUR (Raymond), compositeur
français (Tourcoing 1899 - Nogent-surMarne 1979).
Élève de Vincent d’Indy et de Nadia Boulanger, il fut nommé en 1925 professeur
de musique dans des écoles parisiennes,
et obtint en 1928 le premier grand prix de
Rome pour sa cantate Herakles à Delphes.
Il fut inspecteur de l’enseignement musical
dans les écoles de Paris et du département
de la Seine (1940), puis inspecteur général de l’éducation musicale dans les lycées
et collèges de France (1946). De 1956 à
1962, il dirigea le Conservatoire national
de Paris, où il a laissé le souvenir d’une
administration particulièrement rigide.
Toutes ces activités ne l’ont pas détourné
de sa carrière de compositeur. Musicien
au style audacieux et incisif, il a signé de
nombreuses oeuvres vocales (Cinq Poèmes
de Rainer-Maria Rilke, 1957) ; des partitions de musique de chambre ; des oeuvres
concertantes (Concerto pour violon, 1963 ;
Concerto pour violoncelle, 1967 ; Concertino pour percussion, 1963), et des oeuvres
orchestrales, dont 3 symphonies (1932,
1944, 1970) aux élans rythmiques vigou-
reux, et la célèbre Rhapsodie malgache
(1945). Il n’aborda le théâtre qu’une fois,
avec un ballet inspiré d’un récit d’Edgar
Poe, Hop-Frog, créé avec succès à l’Opéra
en 1953.
LOUIS XIII, roi de France (1601-1643).
Grand amateur de musique dès son enfance, il succéda en 1610 à son père Henri
IV, mais, malgré sa position, n’eut pas
d’influence sur la vie musicale en France à
cette époque. Son attitude fut plutôt celle
d’un dilettante passionné, entouré de musiciens, et n’hésitant pas à prendre part,
lui-même, aux ensemble vocaux, voire à
diriger le choeur royal lors de l’absence de
son chef. Il reste fort peu de ses oeuvres,
bien que la tradition veuille faire de lui un
compositeur de musique sacrée (motets,
harmonisations de psaumes, De profundis). En fait, seul un psaume, Seigneur à
qui seul je veux plaire, peut lui être attribué
de source sûre. Il est, en revanche, l’auteur
d’une chanson à 4 parties, Tu crois, ô beau
soleil (publiée par Mersenne) et surtout
de la partition intégrale (paroles et musique) du Ballet de la Merlaison, exécuté le
15 mars 1635 à Chantilly par le roi et des
membres de la cour.
LOUIS-FERDINAND DE PRUSSE, pianiste et compositeur allemand (Friedrichsfelde, près de Berlin, 1772 - Saalfeld 1806).
Neveu du roi Frédéric II, ce prince développa très tôt des talents de pianiste, qui
ne furent pas découragés par sa famille,
et qui firent l’admiration de Beethoven à
Berlin en 1796. Sa carrière militaire fut
également brillante, surtout pendant les
campagnes de 1792 à 1795, mais, après
cette date, il souffrit à la fois de son inactivité sur ce plan, due à la neutralité prussienne, et de voir l’Allemagne succomber
à l’influence napoléonienne. Il fut mortellement blessé à la bataille de Saalfeld. En
1804 s’était joint à son entourage, comme
professeur de composition et comme amiconfident, Jan Ladislav Dussek ( ! ÉLÉGIE HARMONIQUE). Comme compositeur,
Louis-Ferdinand fut un représentant typique du romantisme allemand en ses débuts. Ses oeuvres, presque toutes du genre
piano seul ou musique de chambre avec
piano, furent accueillies en leur temps au
même titre, et avec la même faveur, que
celles de Weber ou Hummel, et réguliè-
rement jouées jusque vers le milieu du
XIXe siècle. Citons le quintette avec piano
en ut mineur op. 1 (1803), ou encore les
trios avec piano en la bémol op. 2 (1806)
et en mi bémol op. 3 (1806). Treize numéros d’opus, dont la plupart posthumes,
furent publiés jusqu’en 1823. Il reçut en
dédicace le Concerto pour piano no 3 op. 37
de Beethoven.
LOURE.
Danse française d’origine rustique, qui
prend place, au XVIIe siècle, avec tout un
choix d’autres danses, dans la suite instrumentale.
Elle figure également dans les ballets
des ouvrages lyriques. Dans son Dictionnaire (1703), S. de Brossard apprend que
le loure, tout en étant une sorte de musette, est « aussi souvent le nom d’un Air
& d’une Danse qu’on écrit ordinairement sous la mesure de 6 pour 4. &
qu’on Bat lentement ou gravement, &
en marquant plus sensiblement le premier
temps de chaque Mesure, que le second
etc. ».
Cette danse peut commencer par une
anacrouse (par exemple, croche-noire), ce
qui donne immédiatement à cette danse
son caractère sautillant. On en trouve des
exemples dans des Sonates de Fr. Couperin, dans la 5e Suite française de J.-S. Bach,
et dans des oeuvres lyriques chez Collasse (Thétis et Pélée, 1689), Charpentier
(Médée, 1693), Rameau (Castor et Pollux,
1737, les Fêtes d’Hébé, 1739).
Parfois, le terme est associé à une autre
danse, par exemple, à la Gigue (chez Couperin : les Nations, l’Espagnole).
LOURIÉ (Arthur), compositeur américain d’origine russe (Saint-Pétersbourg
1892 - Princeton 1966).
Il fit ses études au conservatoire de SaintPétersbourg, puis en autodidacte. Il fut
directeur de la section musicale du Commissariat du peuple lors de la Révolution.
Il se fixa à Paris de 1924 à 1940, puis aux
États-Unis en 1941. Il se libéra de l’influence de Debussy, Stravinski et Schönberg au bénéfice d’une expression personnelle qui se réfère à la musique liturgique
orthodoxe, avec le souci de la primauté
mélodique. D’inspiration généralement
religieuse ou philosophique, son oeuvre
doit sa séduction à la sincère adaptation
des modes et du plain-chant grégorien à
la sensibilité contemporaine. « Musique
grave jusqu’à une sorte d’austérité, mais
belle comme la nuit et la solitude », en a
dit Julien Green. Son journal musical Profanation et sanctification du temps (Paris,
1966) contient d’intéressants documents
sur la vie artistique entre 1910 et 1960.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
595
LOUVIER (Alain), compositeur français
(Paris 1945).
Élève au Conservatoire de Paris, il y a
obtenu neuf premiers prix, dont un de
composition, un d’analyse musicale (chez
Olivier Messiaen) et un de clavecin. Il fut
premier second grand prix de Rome en
1967, et premier grand prix de Rome en
1968.
Devenu directeur du conservatoire de
Boulogne-Billancourt, il a commandé à
divers compositeurs des oeuvres destinées
à de jeunes instrumentistes. Il a obtenu
le prix Honegger en 1975. Comme compositeur, il s’est beaucoup préoccupé de
renouveler la technique pianistique (ainsi
que celle du clavecin), notamment en attribuant aux instrumentistes un rôle de
mime-acteur, et s’est intéressé aux micro-intervalles. Dans ses diverses Études
pour agresseurs, pour formations variées,
il a exploré, en particulier, de nouveaux
modes d’attaque. Il en va de même dans le
Clavecin non tempéré (1979). Il a écrit Duel
pour 2 à 5 percussionnistes (1971), Houles
pour ondes Martenot, percussion et piano
(1971), 7 Caractères d’après La Bruyère
pour piano et ensemble (1972), Canto di
Natale pour voix et instruments (1976),
Messe des Apôtres (1978), Casta Diva
pour le spectacle Béjart à l’I. R. C. A. M.
(1980), Concerto pour orchestre avec bande
de sons d’ordinateur (1982), Tutti pour
orchestre de jeunes (1988), Livre pour virginal (1987-1993), Missa de Angelis pour
choeur mixte, 2 cors et percussion (1995).
Il a dirigé de 1986 à 1991 le Conservatoire
national supérieur de musique de Paris et
depuis 1992 y enseigne l’orchestration.
LÜBECK (Vincent), organiste et compositeur allemand (Paddingbüttel, près de
Brême, 1654 - Hambourg 1740).
Fils d’organiste, il reçut son éducation
musicale à Flensburg, avant d’être nommé
maître de tribune à Stade en 1675. En 1702,
il devint organiste de l’église Saint-Nicolas
de Hambourg (où il disposait d’un orgue
nouvellement construit par le célèbre
facteur Arp Schnitger) et il devait garder
cette charge importante jusqu’à sa mort.
Durant sa longue existence, il a beaucoup
écrit pour son instrument, cultivant, outre
la fantaisie sur le choral, la toccata fuguée
dans le style de Buxtehude. Dans l’unique
oeuvre imprimée de son vivant, la ClavierÜbung de 1728, comme dans ses 7 grandes
Toccatas, il apparaît, avant tout, comme
un compositeur du XVIIe siècle, même si
les toccatas en ut mineur et fa majeur sont
traitées en diptyque, dans un esprit plus
moderne.
Tempérament soucieux d’équilibre et
de rigueur formelle, Lübeck a également
écrit pour la voix, et 3 cantates sont parvenues jusqu’à nous, ainsi que 1 cantique
pour la fête de Noël (Willkommen süsser
Braütigam) et 1 Motet concertant (Gott,
wie herrlich ist dein Name).
Remarquable pédagogue, Lübeck a
formé de nombreux élèves, dont deux de
ses fils : Peter Paul, qui lui succéda à
Stade, et Vincent, qui oeuvra à Hambourg
jusqu’à sa mort, survenue en 1755.
LUBIMOV (Alexei), pianiste et claveciniste russe (Moscou 1944).
Il entre en 1963 au Conservatoire de Moscou où il étudie avec Heinrich Neuhaus.
Lauréat du concours de Rio de Janeiro
en 1965 et de celui de Montréal en 1968,
il se produit principalement dans son
pays. D’abord cantonné dans le répertoire
classique de piano, il élargit peu à peu le
champ, s’intéressant à la musique ancienne
et à la création contemporaine(premières
auditions en U.R.S.S. d’oeuvres de Boulez,
Stockhausen, Cage). Il a fondé et dirige
un festival de musique contemporaine
(l’Alternative).
LUBIN (Germaine), soprano française
(Paris 1890 - id. 1979).
Plus que le Conservatoire, abordé à dixhuit ans, importent ses rencontres décisives avec F. Litvinne et Lilli Lehmann.
Elle débute en 1912 à l’Opéra-Comique en
chantant Antonia des Contes d’Hoffmann.
Et, en 1916, à l’Opéra, dans le Chant de la
cloche de V. d’Indy. Wagnérienne passionnée, elle est successivement Sieglinde dans
la Walkyrie, en 1921 ; Elsa dans Lohengrin ;
Eva dans les Maîtres chanteurs. Elle chante
Ariane à Naxos sous la direction de R.
Strauss à Vienne même, rôle qu’elle crée
en France, ainsi que celui de la Maréchale
du Chevalier à la rose (1927) et qu’Elektra
(1932). Elle aborde en 1930, à l’Opéra de
Paris, son rôle préféré, Isolde, qu’elle a
l’honneur de chanter à Bayreuth même,
en 1939, après y avoir été, l’année précédente, Kundry dans Parsifal. Elle chante
encore Tristan en 1941 à l’Opéra de Paris,
aux côtés de M. Lorenz et sous la direction du jeune Karajan, mais voit sa carrière brisée en 1944, à la Libération. Elle
tente un retour en 1952, dans un répertoire de lieder qu’elle affectionne, avant de
se retirer définitivement en 1956 pour se
consacrer à l’enseignement. Grande cantatrice wagnérienne, elle fut aussi inégalable dans le répertoire français : l’Alceste
de Gluck et l’Ariane (et Barbe Bleue) de
Dukas comptent parmi ses plus grands
rôles. Elle participe à la création de la
Légende de saint Christophe de V. d’Indy,
de la Chartreuse de Parme de Sauguet et
du Maximilien de Milhaud. Tragédienne
accomplie, elle animait chaque ouvrage
autant par la vertu de sa beauté sculpturale que par une voix exceptionnellement
ample et héroïque.
LUCA (Giuseppe de), baryton italien
(Rome 1876 - New York 1950).
Il fait ses débuts à Piacenza en 1897 dans
le rôle de Valentin du Faust de Gounod.
Engagé, à partir de 1903, à la Scala de
Milan, où il crée Sharpless dans Madame
Butterfly de Puccini, il entreprend alors
une carrière internationale qui le conduit
à New York en 1915. Il s’y établit et chante
pendant quarante ans au Metropolitan
Opera tous les grands emplois du théâtre
lyrique italien. En 1918, il est le créateur
de Gianni Schicchi de Puccini, mais c’est
dans Verdi qu’il excelle particulièrement
aux côtés de Rosa Poriselle et de Giovanni
Martinelli, contribuant à faire du Metropolitan le théâtre de Verdi par excellence,
entre les deux guerres. En 1947, il célèbre
en concert le cinquantenaire de ses débuts
et enseigne à la Juilliard School jusqu’à
sa mort. Son timbre chaud, son style
classique et détendu, sa belle technique
vocale, ont contribué à faire de lui un des
meilleurs barytons de son époque.
LUCCIONI (José), ténor français (Bastia
1903 - Marseille 1978).
Il fait ses débuts en 1931 dans le rôle de
Mario Cavaradoni dans Tosca à Rouen,
puis chante celui de Paillasse à l’Opéra
de Paris l’année suivante. Dès lors, il partage sa carrière entre l’Opéra-Comique et
l’Opéra, avec un certain nombre d’engagements internationaux (Monte-Carlo,
Vérone, Chicago, New York). Ses rôles
les plus importants, ceux où ses qualités de vaillance et de lyrisme ont le plus
brillé, ont été, sans doute, Don José, Samson, Roméo et Othello. Son timbre, d’un
éclat et d’une richesse exceptionnels, son
phrasé ample, sa belle diction ont fait de
lui un des chanteurs français les plus prestigieux de son époque.
LUCERNE.
Cette ville suisse, au bord du lac des
Quatre-Cantons, a hébergé entre 1866
et 1872 Richard Wagner, qui habitait la
villa Triebschen, devenue un lieu de visite
et un musée Wagner. C’est là qu’il composa l’essentiel des Maîtres chanteurs et
le Crépuscule des dieux, et qu’il fit jouer la
Siegfried-Idyll pour la naissance de son fils
Siegfried (1869). En 1938, fut fondé à Lucerne un Festival musical d’été, consacré
en particulier à la musique symphonique
et aux récitals. Interrompu seulement au
cours de la Seconde Guerre mondiale,
pour l’année 1940, ce Festival annuel n’a
cessé de prendre une importance croissante avec des formations, des interprètes
et des chefs de tout premier plan (Toscanini, Ansermet, Karajan, Giulini, Dorati,
etc.) et naturellement avec la participation de l’orchestre de chambre du Festival
Strings de Lucerne, fondé en 1956 et dirigé
par Rudolf Baumgartner. Cet ensemble,
spécialisé dans le répertoire baroque et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
596
classique (avec quelques incursions dans
la musique contemporaine) fut créé dans
le cadre du Conservatoire de musique de
Lucerne, où Baumgartner enseignait le
violon. Ce dernier, cofondateur de l’or-
chestre avec Wolfgang Schneiderhan, a
assumé de 1968 à 1980 la direction artistique du Festival.
LUDWIG (Christa), mezzo-soprano allemande (Berlin 1924).
Fille d’Anton Ludwig et d’Eugenie Besalla,
tous deux membres du Volksoper de
Vienne, elle travailla d’abord avec sa mère
une voix qui manquait à la fois de volume
et d’aigu, et n’aborda la scène qu’en 1946,
à Francfort, dans le rôle du prince Orlovsky de la Chauve-Souris. Sa carrière se
poursuivit sans grand éclat dans d’autres
théâtres d’Allemagne jusqu’à la révélation
que fut son interprétation de Chérubin au
festival de Salzbourg en 1954. L’année suivante, elle triomphait dans un troisième
rôle travesti, celui d’Octavian du Chevalier à la rose, à l’Opéra de Vienne, puis
dans un quatrième, celui du Compositeur
d’Ariane à Naxos. Elle chante aussi Dorabella de Cosi fan tutte, puis Eboli de Don
Carlos sous la direction de Karajan, avant
de débuter au Metropolitan Opera de New
York en 1959 dans les Noces de Figaro et
le Chevalier à la rose. Cependant, sa voix
s’est développée vers l’aigu et, encouragée
par Karajan, elle trouve son premier rôle
de soprano dramatique en 1962 dans Leonore de Fidelio. D’autres allaient suivre,
notamment la Maréchale du Chevalier à
la rose, Marie de Wozzeck, la Teinturière
de la Femme sans ombre, Kundry de Parsifal. Dans le répertoire wagnérien, elle a
été aussi Vénus, Ortrude, Brangaene et
Fricka, faisant apprécier dans les emplois
les plus divers une voix chaude et très
homogène, une parfaite musicalité et un
remarquable talent d’actrice. En 1971, elle
a créé le rôle de Claire Zachanossian dans
l’opéra de Gottfried von Einem, la Visite
de la vieille dame, à l’Opéra de Vienne.
Toutefois, Christa Ludwig s’est, peu à peu,
détachée du théâtre pour se consacrer au
concert, cultivant le lied et, en particulier,
Schubert. Elle a quitté la scène en 1993.
LUENING (Otto), compositeur, chef d’orchestre, flûtiste et professeur américain
(Milwaukee 1900).
Enfant prodige initié à la musique par ses
parents, eux-mêmes musiciens, il étudie à
la Staatliche Hochschule de Munich, ainsi
qu’au conservatoire de Zurich, tout en
commençant une carrière de flûtiste et de
chef d’orchestre. Entre 1920 et 1925, il travaille à Chicago comme arrangeur musical
pour des films muets, puis comme directeur du département « opéra » à l’Eastman
School, et directeur de la Rochester American Opera Company et de l’American
Opera Company, entre 1925 et 1929. En
1930, il achève un opéra composé grâce à
des bourses de la fondation Guggenheim,
Évangéline. Puis il se consacre à l’enseignement, tout en continuant à composer
(université d’Arizona, Bennington College, université Columbia de New York,
et Juilliard School). C’est au sein de l’université Columbia qu’il fonde, au début des
années 50, avec Wladimir Ussachevsky, le
premier studio permanent aux États-Unis
à créer de la « music for tape » (musique
sur bande), équivalent de la musique électroacoustique, genre où il compose de
nombreuses pièces, seul ou en collaboration avec Ussachevsky. Son oeuvre assez
abondante comprend une forte proportion de pièces de musique de chambre,
ainsi que des « musiques d’application »
pour la scène, la télévision, le film. Avec
ses références stylistiques très diverses
(folklore, dodécaphonisme, électroacoustique), elle incarne un certain visage de
l’éclectisme américain.
LUISADA (Jean-Marc), pianiste français
(Bizerte, Tunisie, 1958).
Il entre au Conservatoire de Paris à l’âge
de seize ans, dans la classe de Dominique
Merlet, et obtient deux premiers prix
(piano et musique de chambre) en 1977. Il
étudie ensuite auprès de Paul BaduraSkoda et Nikita Magaloff. Lauréat de
plusieurs concours internationaux (DinoCiani en 1983, prix Alex de Vries), il effectue plusieurs tournées en Italie. En 1983, il
est lauréat du concours Chopin de Varsovie et donne dans les années qui suivent de
nombreux récitals en Europe et au Japon.
Il se produit également en formation de
chambre (avec les quatuors Talich et Fine
Arts ainsi qu’aux côtés de A. Dumay, J.-P.
Rampal, F. Pollet, P. Gallois.
LULLY ou LULLI (Jean-Baptiste), compositeur français (Florence 1632 - Paris
1687).
Fils d’un meunier, il vient à Paris conduit
par Roger de Lorraine, cousin de mademoiselle de Montpensier, qui désirait
apprendre l’italien, et entre au service
de celle-ci (1645). À la fin de la Fronde,
il passe au service du jeune roi (1652),
comme violoniste et danseur, et prend
part à la composition des ballets de cour.
Dès 1653, il a le titre de compositeur de
la musique instrumentale. La première
partie de sa carrière est entièrement
consacrée à la musique de ballets, et il
ne compose de musique vocale qu’italienne (ballet de l’Amour malade, en collaboration avec Benserade pour l’opéra de
Marazzoli, 1657, d’Alcidiane, 1658, de la
Raillerie, 1659). Lors des représentations
d’opéras italiens commandés par Mazarin
(Xerxès, 1660, et Ercole amante, 1662, de
F. Cavalli), il insère dans l’oeuvre italienne
des ballets qui remportent un grand succès. Naturalisé, marié à la fille du compositeur Lambert, il prend le titre de surintendant et compositeur de la Chambre le
16 mai 1661. À partir de 1664, parallèlement aux grands ballets de cour auxquels
il donne une ampleur et une homogénéité
de conception plus grandes (ballets des
Amours déguisés, 1664, de la Naissance de
Vénus, 1665, des Muses, 1666, de Flore,
1669), il collabore avec Molière et crée
avec lui le genre de la comédie-ballet (le
Mariage forcé, 1664 ; la Princesse d’Élide,
1664 ; l’Amour médecin, 1665 ; le Sicilien,
1667 ; George Dandin, 1668 ; Monsieur de
Pourceaugnac, 1669 ; le Bourgeois gentilhomme, 1670). Le style de Lully, bien que
toujours marqué par l’Italie et avec une
dominante comique, se francise peu à peu
et atteint, dans certaines pages, au lyrisme.
En 1671, il crée, avec Molière, Corneille et
Quinault, la tragédie lyrique de Psyché, qui
constitue un pas important vers l’opéra.
Lully rachète alors le privilège, récemment accordé à Perrin et Lambert, par la
création d’une Académie d’opéra (1672),
rompt avec Molière et s’attache Quinault
comme librettiste.
Détenteur d’un privilège qui lui donne
un pouvoir illimité sur toute musique de
théâtre, il va créer chaque année un opéra
nouveau, sous le titre de tragédie lyrique :
Cadmus et Hermione, 1673 ; Alceste, 1674 ;
Thésée, 1675 ; Atys, 1676 ; Isis, 1677. Psyché et Bellérophon (1678 et 1679) auront
exceptionnellement Thomas Corneille
pour librettiste. De nouveau avec Quinault, il compose Proserpine (1680), Persée (1682), Phaéton (1683). Avec Amadis
(1684), il quitte les sujets mythologiques
pour ceux de l’épopée, qu’il poursuit avec
Roland (1685) et son chef-d’oeuvre, Armide (1686).
Il meurt d’une blessure accidentelle
(1687), faite en dirigeant le Te Deum
pour la guérison de Louis XIV. Homme
d’une grande vivacité d’esprit, danseur et
chorégraphe, compositeur, imprésario,
homme d’affaires, homme de cour, doué
d’une ambition sans limites, Lully a régné
d’un pouvoir absolu sur la musique de son
temps, et l’a marquée de son génie impulsif, et de son sens de l’organisation.
L’art de Lully est essentiellement fait
de synthèses successives : son génie est
celui d’un ordonnateur, d’un coordinateur. D’abord compositeur italien, il assimile l’art instrumental et vocal français, et
conçoit son propre style à partir de la fusion des deux traditions. Au goût français
pour les formes chorégraphiques, il apporte une précision et une clarté de structure et d’écriture plus grandes. Il simplifie
l’art vocal, l’opposant ainsi à la tradition
de l’air de cour et à l’ornementation instrumentale. De la tradition italienne, il retient le recitativo et tente, dès ses ballets de
cour, son adaptation dans le cadre de l’air
à la française. Avec la comédie-ballet, il essaie une fusion d’un autre ordre : celle du
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ballet traditionnel, avec une action dramatique suivie. Enfin, la création de l’opéra
permettra une synthèse plus vaste encore
des genres appréciés du public français (le
ballet, la comédie, la grande tragédie surtout). La grande innovation due à Lully est
la création du récitatif français, calqué sur
les impulsions de la déclamation oratoire
et singulièrement adapté à la langue. Il est
remarquable que les scènes dramatiques
les plus importantes de ses tragédies lyriques soient traitées en forme de récitatif,
et non en forme d’air. Chaque opéra est
ainsi organisé autour d’une action dramatique traitée en récitatif, enserrant de
vastes divertissements chantés et dansés
issus de l’ancien ballet de cour, dont ils
gardent l’esprit et la structure. C’est là
surtout que se rencontrent les airs, généralement de forme binaire, issus de l’air
de cour. L’évolution de l’opéra lullyste,
de Cadmus à Armide, se fait néanmoins
dans le sens d’une accentuation du caractère mélodique de ce récitatif. Du ballet,
l’opéra conserve aussi une prédilection
pour l’emploi des choeurs, beaucoup plus
nombreux que dans l’opéra italien.
Le style et l’écriture de Lully sont aussi
d’un architecte : grandes lignes simples,
harmonie peu recherchée, procédant par
vastes plans contrastés, dramatiquement
efficaces. Même clarté et même puissance
dans son écriture instrumentale, qui s’épanouit dans les symphonies descriptives,
dans les ouvertures et interludes, dans les
nombreuses pièces chorégraphiques qui
prennent parfois des dimensions architecturales. Les amples chaconnes et passacailles de Phaéton, d’Amadis, d’Armide
sont parmi les premières grandes pages
symphoniques de l’histoire de la musique.
La musique sacrée de Lully (grands motets pour la chapelle royale : Miserere, Dies
irae, Te Deum) témoigne des mêmes qualités dramatiques, et représente de vastes
fresques décoratives et oratoires.
L’influence de Lully en France, et hors
de France, a été considérable. L’opéra à
la française ne modifiera rien à l’essentiel
de ce que le surintendant avait conçu et
conservera la même structure d’ensemble,
la même conception du récitatif, jusqu’à
Rameau inclus. Si cette musique vocale est
trop liée à la langue pour avoir eu un impact important à l’étranger, en revanche,
les formes instrumentales, la danse et le
type d’ouverture qu’il a créé se retrouveront dans toute l’Europe, jusque chez
Haendel, Telemann et J.-S. Bach.
LUNA (Pablo), compositeur espagnol
(Alhamade, Aragon, 1880 - Madrid 1942).
Il fut l’un des derniers grands compositeurs de zarzuelas, et, comme directeur
du Teatro de la Zarzuela, il se fit une
spécialité de parodier les grands opéras
classiques jusqu’à Wagner et Verdi. Son
oeuvre la plus connue, éclatante réussite,
est Molinos de viento (« Moulins à vent »,
1910).
LUPU (Radu), pianiste roumain (Galati
1945).
Il étudie avec Florica Muzicescu et Cella
Delavrancea, puis, de 1961 à 1968, au
Conservatoire de Moscou auprès de Heinrich Neuhaus. Lauréat des concours Van
Cliburn (1966), Enesco (1967), et de Leeds
(1969), il s’installe à Londres puis se produit avec l’orchestre de Cleveland, l’or-
chestre philharmonique de Los Angeles,
ainsi qu’à Salzbourg sous la direction de
Karajan. Il privilégie notamment, dans des
interprétations empreintes de finesse et de
poésie, Schubert et Mozart.
LUR.
Mot qui vient de l’islandais luor (ou luthr),
instrument à vent en bronze de la mythologie viking.
Les lurs (ou lurerna) ont été créés
vers 1500-500 avant Jésus-Christ (âge du
bronze) et près de quarante exemplaires
ont été trouvés au Danemark, en Suède,
Norvège et Allemagne du Nord. La forme,
recourbée en demi-cercle, des premiers
lurs devint plus tard celle d’un S et leur
échelle sonore est celle des 12 premiers
harmoniques, ce qui ne signifie pas que
l’usage primitif les utilisait tous. Dans les
tourbières qui les ont conservés, les lurs
étaient généralement deux par deux et
symétriques de forme l’un par rapport à
l’autre. On ignore tout de la musique des
Vikings ; il est probable que les lurs ont
servi aussi bien à la célébration des cultes
païens que comme véhicules de signaux
sonores, peut-être en mer. Le XIXe siècle
scandinave s’est maintes fois référé à la
mythologie viking (J.P.E. Hartmann :
Ouverture d’Yrsa) et certains contemporains ont inclus des lurs dans l’orchestre
moderne, tel le compositeur islandais J.
Leifs dans sa Saga-symphonie (1950).
LUTH.
Instrument ancien à cordes pincées dont
la vogue, considérable en Europe, du XVIe
au XVIIIe siècle, est attestée par une littérature aussi remarquable que nombreuse.
Descendant de l’« al laud » ou « al-ud »
arabe qui lui donne son nom, il n’apparaît dans sa forme caractéristique, caisse
bombée ovale et manche au chevillier
recourbé, qu’à partir du XIVe siècle, muni
alors de 4 cordes doubles en boyau, appelées « choeurs », dont l’accord varie fréquemment. On ne l’emploie jusqu’à la fin
du XVe siècle que pour l’accompagnement
du chant et des danses, mais il est déjà fort
répandu puisque de nombreux princes
d’Europe comptent au moins un luthiste
à leur cour, tels les ducs de Lorraine,
d’Autriche, de Bourgogne, la reine Anne
de Bretagne, etc.
L’instrument fait, pour la première fois,
son apparition parmi les musiciens de la
Chambre du roi sous Charles VIII. Il commence à être utilisé comme instrument soliste au début du XVIe siècle, et des oeuvres
de plus en plus nombreuses vont lui être
consacrées, soit des pièces originales, soit
sous forme de transcriptions de musique
vocale. L’utilisation de « tablatures », système d’écriture emprunté aux organistes
facilitant la lecture, se généralise et contribue à un essor rapide de l’instrument, qui
jouit bientôt d’une faveur considérable
et donne naissance à de très importantes
écoles nationales en Italie, en France, en
Allemagne, en Pologne, en Angleterre
et aux Pays-Bas. Parmi d’innombrables
noms se distinguent ceux de Francesco
da Milano (1497-1543), Albert de Rippe
(v. 1500-1551), Hans Newsidler (v. 15081563), Adrian Le Roy (v. 1520-1598), etc.
L’instrument compte bientôt un
minimum de 9 cordes, groupées en 5
« choeurs », nombre qui est souvent porté
à 13 ou 14. L’accord le plus usité est alors
appelé le « vieil ton », il utilise 11 cordes
formant deux groupes de quartes séparées
par une tierce majeure : sol, do, fa, la, ré,
sol. Mais cet accord fera souvent l’objet
de modifications, soit par l’adjonction
de cordes supplémentaires, soit selon le
ton du morceau à interpréter. On assiste
aussi à l’apparition de luths de diverses
dimensions, le « dessus de luth » ou « luth
soprano », le « luth alto », le « luth ténor »,
et le « luth basse ». Des instruments dérivés directement du luth sont également
utilisés, comme l’« archiluth », le « luth
théorbé », le « théorbe », la « chitarrone », etc. Tous ont finalement pour
objet d’élargir la tessiture pour mieux
répondre aux besoins de plus en plus variés. Au XVIIe siècle, le luth subit peu de
modifications hormis l’augmentation du
nombre de cordes, et son usage continue
de se répandre en Angleterre, avec Thomas Morley (1557-1602), John Dowland
(1562-1626), Thomas Mace (1612 ou 16131706), en Allemagne, avec Reussner (16361679) et le Comte Logi (1638-1721), et en
France, grâce à Besard, Francisque, Gaultier, etc. Mais son déclin va bientôt arriver
en Italie, en Pologne, aux Pays-Bas, vers
la fin du XVIIe siècle, ainsi qu’en France,
où le luth disparaît totalement dans les
premières années du XVIIIe. Seule l’Allemagne jouit encore du privilège d’héberger des luthistes à l’époque baroque, et
non des moindres puisque l’on compte
parmi eux le célèbre Sylvius Leopold
Weiss (1686-1750), qui nous laisse de
magnifiques suites, écrites pour un luth
à 13 « choeurs ». J.-S. Bach, lui-même, ne
dédaigne pas de s’y intéresser et nous lui
devons 4 suites, 2 préludes et 2 fugues
pour luth, de même que Joseph Haydn,
dont on connaît les Cassations pour luth
obligé et trio à cordes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Mais, ne répondant plus aux besoins
des compositeurs, l’instrument tombe
en désuétude en Allemagne à la fin du
XVIIIe siècle, malgré l’importance considérable qu’il a eue sur trois cents ans de
musique. On assiste, depuis 1960, à plusieurs tentatives pour faire revivre le luth,
de la part de guitaristes comme Julian
Bream, Konrad Ragossnig, Aaron Skittri,
Guy Robert, qui, tentés par l’importance
du répertoire, et désireux d’authenticité,
se sont mis à l’étude de sa technique sur
des instruments restaurés ou copiés de
l’ancien, et les recherches actives sur les
anciennes tablatures permettent chaque
jour la redécouverte de chefs-d’oeuvre
oubliés.
LUTHÉAL.
Instrument, ou plutôt accessoire instrumental du piano à queue, dont le brevet
est dû au Belge Georges Cloetens et utilisé
par Ravel pour la création de Tzigane le 15
octobre 1924.
Le dispositif du luthéal adapté à l’intérieur d’un piano de concert permet, au
moyen de 4 boutons de commande, d’obtenir des sonorités nouvelles, des hauteurs
variables et d’imiter d’autres instruments
à l’instar des jeux d’orgues. Pour Tzigane,
Ravel voulait obtenir, grâce à lui, des sonorités semblables à celles du cymbalum.
Dans l’Enfant et les sortilèges (1925), le
luthéal permet au piano de sonner comme
un clavecin.
LUTHER (Martin), réformateur, poète et
musicien allemand (Eisleben 1483 - id.
1546).
L’oeuvre de Luther intéresse la musique
à plusieurs titres. D’abord, en ce qu’il a
organisé un culte largement fondé sur
la parole et la musique communautaire,
instituant notamment une messe allemande, qui fournira un schéma à de très
nombreux compositeurs du monde protestant. Ensuite, en ce qu’il a, lui-même,
écrit et composé des cantiques spirituels,
et suscité une importante floraison de
compositeurs, établissant ainsi un répertoire de thèmes de chorals, qui allaient
servir de matériau thématique aux musiciens. Enfin, en ce que son mouvement de
pensée sera déterminant sur la musique
allemande, même non religieuse, et sur le
rôle et l’importance de la musique dans
la culture et la civilisation germaniques
jusqu’à nos jours. Ses études, notamment
à Eisenach, la future patrie de Jean-Sébastien Bach, font une large part à la
musique, à laquelle il s’adonne durant sa
jeunesse et qu’il ne cessera de pratiquer
toute sa vie avec délectation. Entré dans
les ordres, érudit professeur, « docteur en
la sainte Écriture », par sa contestation de
l’état présent de la foi et de l’église, Luther
attire de nombreux sympathisants. Cette
contestation se concrétise par les 95 Thèses
de Wittenberg, véritable point de départ de
la Réforme. Celles-ci lui valent, en 1520,
l’excommunication, et la mise au ban de
l’Empire en 1521. L’une de ses principales
tâches sera désormais d’organiser la nouvelle communauté religieuse et civile qui
se rallie massivement à ses idées et à sa
pratique de la foi. Dès 1523, il publie De
l’ordre du service divin dans la communauté
et Formula missae et communionis, écrits
qui affirment, entre autres, deux préceptes
essentiels pour la musique religieuse : le
service divin est centré sur le sermon, exégèse des textes sacrés, et le culte requiert la
participation de la collectivité des fidèles
par le chant. De ce type d’organisation
cultuelle, on trouve la trace précise dans
les cantates de Bach, qui en observent
très rigoureusement l’ordonnance. En
1524, l’Épître aux Rathsherren propose
un schéma décisif d’organisation de la vie
cultuelle. Au temple, la communauté doit
manifester sa participation active par le
chant, soutenu à l’orgue. Puissant exercice respiratoire, le chant mène le fidèle à
un état d’équilibre intérieur propice à la
réception de la parole divine et de l’enseignement religieux.
D’autre part, à la maison, la cellule familiale, microcosme de la communauté
paroissiale, traduira sa piété par le chant
quotidien des cantiques. Pour Luther,
profondément musicien, la musique agit
comme un exorcisme. Elle est la médiatrice entre l’homme et Dieu ; elle met
l’individu en communication directe avec
le surnaturel : une idée qui va rencontrer
la sensibilité germanique et s’y ancrer
profondément, jusque dans son inconscient collectif, au point de lui devenir
consubstantielle pendant des siècles. Pour
doter les fidèles de la religion réformée
d’un corpus de cantiques, Luther se met
lui-même à l’oeuvre, écrivant les textes et
les mélodies de chorals - il en composera
en tout 36, dont le fameux Eine feste Burg
ist unser Gott (« Une citadelle est notre
Dieu »). Ne pouvant, seul, faire face à
cette tâche considérable, il s’entoure de
poètes et de musiciens, qui constituent
peu à peu, sous ses directives, un vaste ensemble, dont l’élaboration se poursuit au
long de la vie de Luther et après sa mort,
empruntant notamment certaines mélodies au psautier huguenot français. Tous
les motifs mélodiques des chorals ne sont,
en effet, pas originaux. Nombre d’entre
eux proviennent d’hymnes antérieures ou
de chants médiévaux, sacrés ou profanes,
auxquels de nouvelles paroles, en langue
populaire et non en latin, sont adaptées.
Mais, chaque fois, Luther et ses collaborateurs (ou leurs successeurs) modifient
ces mélodies, quand ils n’en créent pas
eux-mêmes, en leur donnant une carrure
franche et bien découpée, résolument
strophique, aux respirations régulières. Le
premier des recueils de cantiques luthériens est le Geistliches Gesangbüchlein
(« Petit Livre de chant spirituel »), publié
en 1524 par Johann Walter (1496-1570),
avec une préface de Luther, et contenant,
entre autres, des poèmes et des chorals
de Luther lui-même. Luther préfacera
encore de la même façon des recueils de
chorals postérieurs, en 1528, 1538, 1542
et 1545. En 1525, Johann Walter et Konrad Rupsch (ou Rupff) travaillent avec
Luther à mettre au point des genres et
des textes musicaux devant composer la
messe allemande. Le fruit de ces travaux
est consigné dans un ouvrage du réformateur daté de 1526, Messe allemande et
ordre du service divin présentés à Wittenberg. Luther reviendra sur les questions
musicales à bien d’autres reprises, à travers de nombreux écrits, notamment la
Lettre à Ludwig Senfl (1530). Senfl est, en
effet, l’un des principaux compositeurs
luthériens de la première génération,
avant Hans Leo Hassler, Melchior Franck
et Praetorius. Luther meurt en 1546, un an
après la convocation du concile de Trente,
qui aura, lui aussi, et sans doute sous son
influence, à s’occuper de musique (cf. le
pape Marcel II, en 1555). Mais recueils de
chant et psautiers continuent à se constituer : Psautier Lobwasser (1565), Psautier
Wolkenstein (1580), Psautier Osiander
(1586). Ainsi se trouve rigoureusement
réalisée une liturgie musicale fondée sur
des thèmes bien connus de tous et très
régulièrement pratiqués. Les compositeurs - Schütz, Buxtehude ou Bach, pour
les plus célèbres -, qui les utiliseront dans
leurs pièces polyphoniques, pour les voix
ou pour l’orgue, ne le feront qu’en pensant
précisément aux textes implicites qu’ils
sous-tendent, et auxquels chaque croyant
de la religion réformée peut mentalement
associer les paroles qu’il a l’habitude de
chanter, avec tout leur jeu de connotations spirituelles. Il n’y aura jamais, dans
le monde luthérien, de citation musicale
gratuite d’un thème de choral, mais toujours allusion précise à un texte de commentaire ou de réflexion religieux. Luther
a mis au point une forme exemplaire de
participation de la communauté au culte
divin dont pourraient très utilement s’inspirer aujourd’hui ceux qui cherchent à
réformer le chant religieux catholique.
LUTHERIE, LUTHIER.
À l’origine, le luthier est le faiseur de
luths. Après le déclin de cet instrument,
la signification du mot s’élargit pour
désigner le fabricant d’instruments de la
famille du violon. Par extension, le terme
désigne parfois le fabricant d’instruments
à cordes frottées ou pincées comportant
un manche. La plus célèbre école italienne de lutherie est celle de Crémone
(avec les Amati, les Stradivari, les Guarneri, C. Bergonzi et L. Guadagnini), à côté
de laquelle il faut citer celles de Brescia
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
599
(Gasparo da Salò, G. P. et P. S. Maggini),
de Venise (Fr. Gobetti, D. Montagnana
et Serafino Santo), de Naples (N. et G.
Gagliano), de Milan (P. et G. Mantegatia,
C. A. Testore), de Bologne (L. Mahler),
de Turin (G. Fr. Pressenda) et de Rome
(D. Tecchler). L’école française est représentée, notamment, par J. Boquay, N.
Lupot, J. Fr. Aldric et A. S. Ph. Bernardel à Paris, J. B. Vuillaume à Mirecourt,
puis à Paris ; l’école anglaise par B. Banks
à Salisbury ; l’école allemande par les
Klotz à Mittenwald ; l’école autrichienne
par J. Stainer à Absam, les Stadlmann,
les Thir et Fr. Geissenhof à Vienne. Aux
XIXe et XXe siècles furent créées des écoles
de luthiers : celles de Markneukirchen,
Mittenwald, Crémone et Mirecourt sont
parmi les plus connues.
Le luthier doit savoir réparer un instrument ancien, le recoller, le rebarrer,
en rectifier les proportions ; il doit aussi
savoir fabriquer un instrument neuf, sélectionner les bois et construire toutes les
pièces à partir de modèles. Il se sert pour
cela d’outils comme les rabots en fer, les
ciseaux, les gouges et les scies (pour creuser les voûtes du fond et de la table et
sculpter la volute du manche), le compas
d’épaisseur (pour mesurer les épaisseurs
du fond et de la table), le fer à plier (pour
donner au bois la courbure voulue) et le
traçoir (pour tracer, sur le fond et la table,
la rainure devant recevoir les filets). Pour
terminer, il procède au vernissage de l’instrument.
LUTOSLAWSKI (Witold), compositeur
polonais (Varsovie 1913 - id. 1994).
Il apprit le piano à Varsovie dès l’âge de
six ans, le violon à treize ans, et fit ses
études musicales au conservatoire de
cette ville (1932-1936), auprès de Witold Maliszewski pour la composition et
Jerzy Lefeld pour le piano. L’audition de
la 3e Symphonie de Karol Szymanowski
lui causa une impression des plus profondes. La révélation du Stravinski de
la première période et du Roussel de la
3e Symphonie détermina son orientation
vers la musique contemporaine. Les plus
représentatives de ses partitions d’avant
la Seconde Guerre mondiale restent la
Sonate pour piano (1934), la Double Fugue
pour orchestre (1936) et surtout les Variations symphoniques (1936-1938), où se
révèle un sens inné de la forme concise
et équilibrée, du raffinement harmonique
et instrumental. Fait prisonnier au cours
de la campagne de Pologne de 1939,
il s’évada et regagna Varsovie, ville où
il passa les années d’occupation à jouer
du piano dans des cafés pour gagner sa
vie. C’est l’époque des Variations sur un
thème de Paganini pour deux pianos et de
l’ébauche de la 1re Symphonie, où ressort
l’influence d’Albert Roussel. Les années
1945-1955, au cours desquelles l’activité
créatrice en Pologne fut étouffée, virent
le compositeur se consacrer à des oeuvres
pour les écoles, les théâtres, à des pièces
radiophoniques, et à des études sur le folklore polonais. De cette période datent les
Mélodies populaires pour piano (1945), la
Petite Suite pour orchestre (1950), le Triptyque silésien pour soprano et orchestre
(1951), les Bucoliques pour piano (1952),
les Danses préludes pour clarinette et petit
ensemble (1955). La 1re Symphonie, terminée en 1947, fut créée en 1948. Le Concerto
pour orchestre (1950-1954) montra ensuite
pour la première fois de quelle ampleur de
conception le compositeur était capable.
Indépendant par rapport aux modes
éphémères, Lutoslawski se forgea peu à
peu un langage personnel, à l’opposé
de tout système. Une étape importante
de cette évolution fut franchie avec la
Musique funèbre pour orchestre à cordes
(1958), au retentissement mondial. De la
même époque date le cycle, d’une exceptionnelle délicatesse de touche, des Cinq
Mélodies pour voix de femmes et piano,
sur des poèmes de Kazimiera Illakowicz
(1956-57) : il en existe une version pour
mezzo-soprano et 30 instruments.
Cofondateur du festival d’automne de
Varsovie, Lutoslawski est devenu viceprésident de la Société internationale de
musique contemporaine, il a donné des
cours de composition et a entrepris une
carrière de chef d’orchestre, dirigeant
principalement ses propres oeuvres et initiant les instrumentistes à son « aléatoire
contrôlé ». La meilleure manière de les
découvrir est d’en suivre l’évolution chonologique à la suite de la Musique funèbre,
qui avait marqué l’abandon de la tonalité
et l’adoption du total chromatique. Après
les Trois Postludes pour orchestre (19581960), le musicien a abordé, avec les Jeux
vénitiens (1961), l’écriture « aléatoire
contrôlée », où la liberté de chaque instrumentiste est réduite au tempo, ce qui
n’affecte en rien la forme ou la couleur de
la composition. Le compositeur a déclaré
avoir opté pour la technique aléatoire
dans le but de restaurer le plaisir de faire
de la musique, d’obtenir une musique
fluide, constamment changeante, un enrichissement rythmique, l’introduction de
nuances capricieuses et la richesse d’un
jeu soliste dans le cadre d’un ensemble
orchestral ou vocal. De 1962-63 date le
premier grand chef-d’oeuvre du maître,
les Trois Poèmes d’Henri Michaux pour
choeur à 20 parties réelles et ensemble instrumental.
Très sensible au problème de la réceptivité de la musique par le public, ce compositeur d’une grande concision de pensée a défini comment il avait intégré son
langage en des formes différentes de celles
des classiques, évitant de saturer l’auditeur
dès le début d’une oeuvre : « J’ai trouvé une
formule, où le début d’une oeuvre est une
préparation à une expérience fondamentale placée à la fin de l’oeuvre. C’est une
forme consistant en une série d’épisodes,
placés au commencement, enchaînés ou
non, et en un seul mouvement fondamental placé à la fin de l’oeuvre. » C’est la forme
des Jeux vénitiens, du Quatuor à cordes
(1964) ou de la 2e Symphonie (1966-67).
Celle-ci comporte une courte introduction, Hésitant, suivie d’un second mouvement très développé, Direct. La pleine
maturité de son art a été atteinte avec le
Livre pour orchestre (1968) et le Concerto
pour violoncelle (1970), dédié à Mstislav Rostropovitch, et qui emprunte ses
situations au théâtre. Des éléments sont
énoncés par un instrument et un groupe
d’instruments intervient, dérangeant cet
instrumentiste. On peut parler d’action
en musique, mais cette oeuvre dramatique
ne comporte pas de programme défini. À
la suite des Poèmes d’Henri Michaux, le
musicien a conçu de nouvelles oeuvres vocales sur des textes français, les Paroles tissées pour ténor et orchestre d’après JeanFrançois Chabrun (1965) et les Espaces du
sommeil (1975) pour baryton et orchestre,
sur des poèmes de Robert Desnos, dédiés
à Dietrich Fischer-Dieskau. Le choix du
français lui a été dicté par son amour du
chant dans cette langue et le besoin qu’il
ressentait de faire appel à une langue très
internationale. Lutoslawski a, en outre,
composé Préludes et fugue - 7 préludes
et 1 seule et vaste fugue pour 13 instruments à cordes - (1972) ; Mi-Parti (1976)
et Novelette (1978-79) pour orchestre ; une
Épitaphe pour hautbois et piano (1979), un
Double Concerto pour hautbois, harpe et
orchestre de chambre (1980), une 3e Symphonie (1983), Chain I pour orchestre
de chambre (1983), Partita pour violon
et piano (1984), Chain II, dialogue pour
violon et orchestre (1985), Dix-Sept Noëls
polonais pour choeur de femmes, soprano
et orchestre de chambre (1985), Chain III
pour orchestre (1986), un Concerto pour
piano (1988), Chantefleurs et Chantefables pour soprano et orchestre sur des
poèmes de Robert Desnos (1991), une 4e
Symphonie (1993). Membre honoraire de
plusieurs académies mondiales et titulaire
de nombreux prix, Lutoslawski a laissé le
souvenir d’un homme délicat, affable et
généreux. Comme sa musique, sa personnalité respirait la vivacité et la mobilité
d’esprit.
LUTYENS (Elizabeth), femme compositeur anglaise (Londres 1906 - id. 1983).
Fille de l’architecte sir Edwin Lutyens, elle
étudia à l’École normale à Paris (1922) et
au Royal College of Music, puis revint à
Paris se perfectionner dans la classe de
G. Caussade au Conservatoire. À son
Concerto de chambre no 1, marqué par le
sérialisme (1939), succédèrent des ouvrages de tendances très diverses, dont
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
600
les Trois Préludes symphoniques (1942),
d’obédience plutôt néoromantique. Elle
parvint à maturité et développa un sérialisme personnel à partir de Ô saisons, ô
châteaux ! pour soprano, mandoline, guitare, harpe et cordes, d’après Rimbaud
(1946), mais n’obtint vraiment la consécration que dans les années 60, en particulier avec la cantate Catena (1961), Musique
pour orchestre II (1962) et III (1963), et The
Valley of Hatsu-se, sur des poèmes japonais (1965). Son langage prit une nouvelle
ampleur avec Essence of our Happinesses,
pour choeur et orchestre (1968). Depuis,
elle s’est particulièrement attachée à la
musique vocale. On lui doit encore les
opéras de chambre The Pit (1947) et Infidelio (1954, joué en 1973), et les opéras
The Numbered (1965-1967), Time Off ? Not a Ghost of a Chance ! (1967-68) et Isis
and Osiris (1969-70). Son catalogue comprend plus de 150 numéros d’opus. Parmi
ses dernières oeuvres, l’air de concert
Dialogo op. 142 et Diurnal pour quatuor à
cordes op. 146, créés en 1981.
LUZZASCHI (Luzzasco), organiste et
compositeur italien (Ferrare v. 1545 - id.
1607).
Élève de Cyprien de Rore, il fit toute sa
carrière dans sa ville natale, au service
du duc Alphonse II d’Este dès 1571. Il
y apparaît comme organiste, maître de
chapelle et organiste de l’Académie de la
Mort. Frescobaldi fut le plus illustre de
ses élèves. Luzzaschi publia de nombreux
recueils : 7 livres de Madrigali a 5 voci
(1571-1604), Madrigali per cantar e sonare
a uno, e doi, e tre soprani (1601), des Sacrae
cantiones a cinque voci (1598), des Ricercari instrumentaux dont certains perdus.
Ses madrigaux pour 1 à 3 voix s’affranchissent de la polyphonie rigoureuse pour
tendre vers l’air accompagné. Quant aux
madrigaux à 5 voix, ils montrent un usage
croissant du chromatisme pour souligner
l’expression des poèmes chantés. C’est autour de Luzzaschi que se développa l’école
des « chromatistes », qui devait profondément impressionner Gesualdo lorsqu’il se
rendit à Ferrare pour y épouser Éléonore
d’Este.
LYDIEN.
Terme relatif à une peuplade barbare
vivant à l’est du monde grec, en Asie
Mineure, et ayant donné son nom dans
la musique grecque à une harmonie ou
échelle, puis à un ton.
À partir du IXe siècle, ce nom fut attribué au 5e mode de la musique grégorienne, et, à partir du XVIe siècle, selon les
écoles, au mode de fa, de mi ou de do de la
musique modale harmonique.
Pour Platon, l’harmonie lydienne (dite
aussi lydisti) emprunte l’échelle d’une octave enharmonique à partir du 2e degré en
montant (1/4 de ton au-dessus du mi) ; elle
est rejetée de la République pour son ethos
relâché et propre aux buveurs. Dans le système des « tons de transposition » de cette
même musique grecque ( ! DORIEN), le
ton lydien est situé 2 tons plus haut que le
dorien, ce qui conduit à accorder l’octave
moyenne de la lyre deux tons plus bas.
Le dorien prenant pour accord de cette
octave les intervalles de l’octave de mi,
le lydien accordera son octave moyenne
selon les intervalles de l’octave de do, ce
qui a amené l’école de Westphal-Gevaert
à considérer à tort le lydien comme un
« mode de do ». Au IXe siècle, la confusion opérée par l’Alia musica, entre tons
grecs et modes grégoriens, fit considérer
le lydien, 3e de la nomenclature topique de
Boèce, comme l’authente du 3e ton couplé
ou tritus, soit 5e ton de la nomenclature
simple ; ce 5e ton ayant fa pour finale (avec
ou sans triton selon les cas), on donna plus
tard au mode de fa sans altération (donc
avec triton obligé) le nom de lydien. C’est
encore dans ce sens que l’emploie Beethoven dans son 15e Quatuor. Enfin Zarlino,
dans sa « réforme » de 1573, assigna au
lydien le rôle de mode de mi ; il fut suivi
par Mersenne, Jean-Jacques Rousseau et
quelques autres, mais son système ne fut
guère généralisé.
LYMPANI (Moura), pianiste anglaise
(Saltash 1916).
Enfant prodige, elle est l’élève de Paul
Weingarten à Vienne. En 1938, elle remporte le second prix du concours Ysaÿe de
Bruxelles. Elle inscrit soixante concertos à
son répertoire, et devient progressivement
la championne des musiciens anglais
contemporains. Elle joue beaucoup les
oeuvres de Britten et de Delius, ainsi que
celles de Khatchaturian. En 1948, elle fait
ses débuts à New York. À partir de 1950, sa
carrière se déroule surtout dans le monde
anglophone, y compris en Australie.
LYRA-VIOL (de l’angl.).
Petite basse de viole qui diffère peu de la
basse de viole usuelle. L’instrument fut populaire en Angleterre au XVIIe siècle. John
Payford (A Brief Introduction to Music,
1667) précise qu’elle était la plus petite des
trois basses de viole (Consort bass, division
viol, lyra-viol), donc plus facile à manier.
C’est la manière de jouer (lyra way) qui
semble avoir été caractéristique, puisque
sa musique fait souvent appel au jeu en
accords. En même temps se développent
plusieurs façons d’accorder les 6 cordes
de l’instrument. Son répertoire considérable (J. Coprario, J. Jenkins, W. Lawes, C.
Simpson, etc.) se destinait tout aussi bien
à la basse de viole classique.
LYRE.
Instrument archaïque à cordes pincées,
dont notre civilisation gréco-latine, qui
l’associe au dieu Apollon, a fait le symbole
même de la musique.
Sa forme, trop classique pour qu’il soit
besoin de la décrire, découle vraisembla-
blement des matériaux primitivement
employés à sa construction : carapace de
tortue en guise de caisse de résonance
et paire de cornes servant de montants.
L’étendue de la lyre était évidemment
limitée par le fait qu’elle ne pouvait recevoir que quelques cordes d’égale longueur,
dont la hauteur de son n’était déterminée
que par leur tension. Aussi a-t-elle été
supplantée par la harpe, dont la disposition asymétrique permettait l’emploi de
cordes plus nombreuses, longues dans
le grave et courtes dans l’aigu. L’instrument ancien appelé en Italie lira da braccio
n’avait en fait rien de commun avec une
lyre, puisqu’il comportait une touche et
se jouait de la même façon qu’une guitare.
De même, la « guitare-lyre » du XIXe siècle
n’est qu’une guitare avec une caisse développée en forme de lyre.
LYSY (Alberto), violoniste et chef d’orchestre argentin (Buenos Aires 1935).
En 1955, il rencontre Yehudi Menuhin,
qui devient son professeur et dont il restera l’un des plus proches collaborateurs.
En 1961, il fait ses débuts de soliste à New
York, et en 1966 fonde l’Academia Interamericana à Buenos Aires. Dans son pays
natal, il s’efforce de diffuser le répertoire
classique en enseignant, et en fondant l’orchestre de chambre Camerata Bariloche.
En 1962, il crée le Concerto pour deux violons de Malcolm Arnold avec Yehudi Menuhin. Ce dernier l’invite régulièrement
au Festival de Bath, le nomme professeur
dans son école de violon et directeur de
l’Académie internationale Menuhin. En
1977, il crée à Gstaad, en Suisse, la Camerata Lysy.
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MAAZEL (Lorin), chef d’orchestre et violoniste américain (Neuilly 1930).
Il commence l’étude du piano et du violon
à l’âge de cinq ans. Ses parents, musiciens
originaires de Los Angeles, s’installent à
Pittsburgh en 1938, et, dès 1939, il dirige
en public à New York et à l’Hollywood
Bowl. En 1941, Toscanini l’invite à diriger
l’orchestre de la N. B. C. Après avoir terminé des études de mathématiques et de
philosophie à l’université de Pittsburgh et
s’être produit quelque temps comme violoniste, il est nommé chef de l’orchestre
symphonique de Pittsburgh (1949), et,
en 1951, obtient une bourse pour aller
étudier en Italie la musique baroque. À
la même époque, il commence à diriger
les grands orchestres européens : il est le
plus jeune chef et le premier Américain
à diriger, en 1960, au festival de Bayreuth
(Lohengrin). Invité à Salzbourg (1963),
il donne en 1968, à Berlin, la première
mondiale de l’Ulisse de Dallapiccola. De
1965 à 1975, il est directeur musical de
l’orchestre de Radio Berlin. Codirecteur,
avec Otto Klemperer, du New Philharmonia Orchestra de Londres de 1970 à 1972,
il succède, dès 1972, à George Szell comme
chef et directeur artistique de l’orchestre
de Cleveland. En 1977, il est nommé
chef principal de l’Orchestre national de
France, auquel il reste attaché jusqu’en
1990. De 1988 à 1996, il a été directeur
musical de l’Orchestre de Pittsburgh. Il
a pris en 1993 la direction de l’Orchestre
symphonique de la Radio bavaroise à
Munich. C’est lui qui enregistre, en juillet
1978, Don Giovanni de Mozart pour le film
de Joseph Losey.
M
MACDOWELL (Edward), compositeur et
pianiste américain d’origine écossaise
(New York 1861 - id. 1908).
Il fit ses études à Paris (Savard et Marmontel) et à Francfort (Joachim Raff). Il
débuta comme professeur à Darmstadt en
1881. Sur le conseil de Liszt, il se consacra
à la composition dès son retour aux ÉtatsUnis. Les deux concertos pour piano et orchestre écrits pendant ses années d’études
l’avaient déjà rendu célèbre et c’est également au piano qu’il confia alors ses quatre
sonates (sous-titrées The Tragica [1893],
The Eroica [1895], the Norse [1900] et The
Keltic [1901]), ses douze études de virtuosité, son étude de concert et les Woodland
Sketches (1896), pièces très romantiques
d’inspiration et d’écriture où sa sympathie pour Grieg se révèle fréquemment, à
côté d’autres influences telles que celles de
Wagner, Liszt ou Mendelssohn.
Nommé professeur à l’université de
Columbia, il concilia pendant huit ans les
obligations de sa charge avec la composition de son oeuvre, manifestant un grand
intérêt pour la musique populaire et spécialement les thèmes indiens que lui avait
révélés Théodore Baker. Sa deuxième suite
d’orchestre, dite Suite indienne (1895), en
utilise plusieurs.
MacDowell ne cessa de protester contre
les idées de Dvořák en affirmant qu’il ne
suffit pas d’arranger un thème populaire
pour le baptiser musique américaine. Et,
dans une déclaration souvent reproduite,
il ajoutait : « Ce que nous devons chercher
à exprimer, c’est la vitalité, la jeunesse,
l’optimisme et la ténacité d’esprit qui
caractérisent l’homme américain. » Son
nom est fréquemment cité comme celui
du premier compositeur américain digne
de participer au concert universel.
MACE (Thomas), luthiste anglais (Cambridge v. 1613 - ? v. 1706).
Il est l’auteur d’un important ouvrage, le
Musick’s Monument (1676), qui traite à la
fois de l’enseignement du luth, de la composition et de la musique en général, et
constitue un précieux document sur les
problèmes musicaux de l’époque. Chantre
au Trinity College de Cambridge, il inventa plusieurs instruments de musique
incongrus, dont un luth à 50 cordes, le
« dyphone ».
MÁCHA (Otmar), compositeur tchèque
(Ostrava 1922).
Il est l’élève de F.-M. Hradil au conservatoire (1943-1945), puis de J. Řídký à l’Académie de musique et d’art dramatique de
Prague (1945-1948). Il est nommé au service des émissions musicales de la Radio
tchécoslovaque (1945-1955). Artiste
austère et réfléchi, il écrit peu, si ce n’est
des chansons, contes, ballades et choeurs
d’enfants, qui montrent sa nature profondément lyrique. Après une première série
d’oeuvres lumineuses et concises telles que
ses Sonates pour violoncelle (1949), pour
violon (1948), ou les Danses de Moravie
septentrionale (Kopaničářské tance, 1950),
son style atteint dès 1960 une extrême
concentration, un dépouillement grandiose, proche de Berg. Mácha n’utilise le
legs de l’école de Vienne qu’avec économie, bâtissant fréquemment ses oeuvres
sur un seul motif dont le traitement
harmonique et mélodique est fort riche.
Ainsi, dans son poème symphonique Nuit
et Espoir (Noc a naděje, 1959), ses Quatre
Monologues de 1966, les Variations de
1968. De ses oeuvres se dégage une impression de puissance, de profonde humanité. Il est l’un des représentants les plus
intéressants de l’école tchèque actuelle.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
602
MACHABEY (Armand), musicologue
français (Pont-de-Roide 1886 - Paris
1966).
Élève de Vincent d’Indy et d’André Pirro,
il soutint en Sorbonne, en 1928, une thèse
de doctorat sur l’histoire et l’évolution des
formules musicales au Moyen Âge. Ses
travaux sur Guillaume de Machault (2 vol.,
1955) font autorité. Il s’est attaché à définir le champ et les méthodes de la musicologie. Ses ouvrages sont un exemple de la
rigueur scientifique qu’il exige des adeptes
de cette discipline.
MACHAUT ou MACHAULT (Guillaume
de), compositeur, poète et chroniqueur
français (Reims ? v. 1300 - Reims ? v.
1377).
Il est considéré comme le plus grand représentant en France du courant de l’Ars
nova (théorisé par Philippe de Vitry).
On le rapproche souvent à ce titre de son
contemporain, l’Italien Francesco Landini (1325-1397), vivant à Florence. On
pense qu’il étudia la théologie, à Paris probablement, après quoi il reçut le titre de
« magister ». Il entra vers 1323 au service
de Jean Ier de Luxembourg, dit l’Aveugle,
roi de Bohême (1310-1346), qu’il accompagna comme « secretarius » durant ses
nombreuses campagnes militaires en
Europe (Silésie, Flandre, Lituanie - siège
de Znaïm -, Russie, Italie, etc.). À partir
de 1330, il reçut, comme son frère Jean,
diverses charges de chanoine : à Verdun
(1330), à Arras (1332), à Reims (1333),
et de nouveau définitivement à Reims
(1337), ville où on suppose qu’il se fixa
dans ses dernières années, menant une vie
plus paisible. Il resta cependant secrétaire
de Jean de Luxembourg, devenu aveugle,
jusqu’à la mort de ce dernier à la bataille
de Crécy (1346), après quoi il entra au
service de sa fille Bonne de Luxembourg,
épouse de Jean II le Bon et mère de Charles
V le Sage. Il fut également employé auprès
de Charles, roi de Navarre, dit le Mauvais, du roi Charles V et du duc de Berry.
Il acquit une grande réputation comme
poète et musicien, publiant diverses chroniques et des recueils poétiques (le Dit
du Vergier, oeuvre de jeunesse, Confort
d’ami, 1357, dédié à Charles de Navarre,
Fontaine amoureuse, 1360-1362, dédiée à
Jean, duc de Berry, et le Remède de Fortune, long poème narratif et allégorique
contenant diverses petites pièces lyriques
avec leur musique, lais, ballades, rondeau,
complainte). Vers la fin de sa vie, à l’âge de
soixante ans, il vécut une passion amoureuse avec une jeune fille d’une vingtaine
d’années, Péronne d’Armentières, attirée (dit-il) par sa réputation et sa valeur
d’artiste. Il allait faire de cette histoire un
livre, le Veoir dict (« dit de vérité ») écrit
entre 1362 et 1365, et contenant des lettres
de leur correspondance intime et un long
poème. « Toutes mes choses ont été faites
de votre sentement, et pour vous especialement », écrivit-il à Péronne.
L’oeuvre, considérée comme complète,
de Machaut musicien nous est parvenue
à travers une trentaine de manuscrits :
elle est surtout composée de chansons
profanes sur des thèmes amoureux (virelais, rondeaux) et, cependant, c’est son
unique messe, la Messe de Notre-Dame
(1349 ?-1364 ?), qui assure aujourd’hui sa
célébrité au-delà du cercle des mélomanes
connaisseurs et des professionnels. On a
longtemps cru que cette messe à quatre
voix (avec accompagnement instrumental par doublure des parties, pour certains mouvements) avait été écrite pour
le sacre de Charles V, en 1364. Il est à
peu près établi, aujourd’hui, que ce ne fut
pas le cas, et certains pensent qu’il a pu
l’écrire pour qu’elle soit jouée plus tard à
sa propre mémoire et à celle de son frère.
Cette messe comprend les 6 mouvements
de l’ordinaire : Ite missa est, Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus. Le Gloria et le
Credo adoptent la forme du conduit avec
une « teneur » librement inventée, tandis
que les autres mouvements sont conçus
comme des motets isorythmiques. À tort
ou à raison, elle est considérée comme la
première messe polyphonique de l’histoire
de la musique occidentale, conçue comme
un tout par son auteur, avec une unité
organique créée par le retour de certains
motifs rythmiques - mais pour en décider,
il faudrait avoir conservé tout le répertoire
de l’époque, ce qui n’est pas le cas. On la
rapproche parfois, à ce titre, de la Messe
de Tournai, 1323, oeuvre anonyme qui est
une compilation d’éléments divers par un
copiste. En tout cas, la vie rythmique et la
générosité ornementale de cette oeuvre lui
valent encore un certain succès.
Parmi ses 23 Motets, en majorité profanes, 17 ont un texte français et 6 un
texte latin, qui chante souvent les bienfaits de la paix. Mais pour la plupart ils
abordent des thèmes d’amour courtois et
ils comprennent généralement, selon le
modèle du motet isorythmique fixé par
Philippe de Vitry, une voix principale
chantée et ornementée, soutenue par
deux ou trois voix d’accompagnement
instrumental. Certains sont bilingues et
comportent, aux deux voix supérieures,
deux textes différents. Les 42 Ballades, la
plupart avec une partie chantée et une ou
deux parties instrumentales (jouables par
l’orgue, la cornemuse, ou d’autres instruments ad libitum), traitent également de
thèmes courtois. Parmi ses 22 Rondeaux,
à deux, trois ou quatre voix (également
du type « mélodie accompagnée », sur un
sujet amoureux, mais plus léger), le rondeau Ma fin est mon commencement est
devenu spécialement célèbre comme exercice d’écriture rhétorique : il s’agit d’un
« canon à l’écrevisse » qui, comme son titre
l’indique, fait se répondre deux voix dont
l’une reproduit l’autre, lue de la dernière à
la première note, comme dans un miroir,
et qui de surcroît est chanté sur un texte
livrant la clef du rébus - comme si la musique « parlait », pour se définir elle-même
dans son autosuffisance : « Ma fin est mon
commencement, et mon commencement
ma fin / Et teneure vraiment se rétrograde
ainsi. » Cette pièce a fasciné notamment
les compositeurs de l’école française postwebernienne, qui y trouvaient une sorte
de modèle dans le passé, légitimant leurs
propres recherches abstraites. Du reste, si
Machaut fut souvent joué et cité dans des
associations de musique contemporaine
comme le Domaine musical de Pierre
Boulez, à titre de grand ancêtre, c’est en
vertu de cette assimilation qui faisait des
compositeurs modernes se « reconnaître »
dans la démarche de l’Ars nova.
Les 33 Virelais et les 19 Lais, pièces monodiques syllabiques dont le texte, comme
pour les autres pièces, est de Machaut,
dérivent de chansons à danser, toujours
sur des thèmes amoureux. Les lais sont
des pièces assez développées, en douze
strophes ou paires de strophes. On a également de Machaut une complainte monodique, « Tel rit au matin qui soir », et une
Chanson royale, « Joie plaisance et douce
norriture », toutes deux insérées, avec leur
musique, dans le recueil poétique du Re-
mède de Fortune ; ainsi qu’une pièce isolée,
vraisemblablement instrumentale, à trois
voix, le Hoquet David, ainsi nommée parce
qu’elle utilise le mélisme « David », et qui
témoigne de la survivance de la forme déjà
en désuétude du « hoquet ».
Selon certains musicologues, Guillaume
de Machaut aurait cherché dans certaines
de ses pièces lyriques et poétiques, de
sujet profane, à introduire la polyphonie et l’écriture savante, et ce compositeur demeure, aux origines de l’histoire
de la musique occidentale, comme une
figure de chercheur, une sorte de Christophe Colomb de la polyphonie classique. Son oeuvre est considérée comme
un pivot dans la naissance (mystérieuse)
d’une conscience verticale de la musique,
non seulement comme superposition de
lignes, mais aussi comme succession de
blocs harmoniques. L’Ars nova, certes,
apportait l’usage des intervalles de tierce
et de sixte pour enrichir les combinaisons harmoniques, mais les intervalles de
quinte et d’octave dominent encore dans
son oeuvre. Selon Jacques Chailley, « c’est
peut-être la première fois dans l’histoire
de la musique que l’on se trouve devant
de véritables suites d’accords se présentant aussi nettement comme un bloc harmonique, et non plus comme résultante
occasionnelle de lignes de contrepoint ».
Peut-être la recherche d’ornementation
favorise-t-elle ici la variété des rencontres
harmoniques. Le souci de réaffirmer de
temps en temps (pour éviter la dispersion
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
603
du sentiment tonal) un accord à la stabilité prononcée est peut-être à l’origine de
cette phrase musicale ponctuée, phrasée,
découpée par ce que Pierre Boulez appelle
des « clausules harmoniques ». L’usage
abondant des syncopes et d’une certaine
variété rythmique, dans une oeuvre polyphonique comme la Messe de Notre-Dame,
produit une espèce de fourmillement
de petites durées, vivant et sans martèlement, sans pesanteur, qui là encore a
séduit les musiciens français sériels, dans
l’après-guerre, redonnant à cette ancienne
musique une jeunesse nouvelle - quoique
fondée sur l’inévitable malentendu qui fait
entendre le passé avec les références du
présent.
MÂCHE (François-Bernard), compositeur français (Clermont-Ferrand 1935).
Après avoir obtenu des prix de piano
(1951) et d’harmonie (1952) au conservatoire de sa ville natale, il entra à l’École
normale supérieure (1955) et obtint son
agrégation ès lettres (1958). La même
année, il entra au Groupe de recherches
musicales de Pierre Schaeffer, où il devait
rester jusqu’en 1963, et au Conservatoire de Paris, où il travailla avec Olivier
Messiaen. À partir de 1959, il participa à
la réalisation des premiers films expérimentaux du Service de la recherche, et, en
1960, obtint le prix de philosophie de la
musique dans la classe d’O. Messiaen. Il
fut successivement professeur de lettres
à Chartres (1962), à Neuilly-sur-Seine
(1963) et en classes terminales et préparatoires au lycée Louis-le-Grand à Paris
(depuis 1968). Chroniqueur musical à la
Nouvelle Revue française (à partir de 1969),
il effectua un voyage dans le sud-est asiatique, en particulier à Java et à Bali, en
1972, et a obtenu un doctorat d’État (en
esthétique) en 1980. Opposé par tempérament aux courants postsériels, présentés comme des « combinaisons très complexes, sans rapports au réel », il s’attache
à des données purement sensorielles, utilisant d’une part des langues inconnues
de lui, considérées comme des matériaux
purement sonores, et d’autre part des
sons/bruits enregistrés à l’état brut, sans
aucune manipulation. Il n’en reconnaît
pas moins l’apport considérable de la
musique concrète, « intrusion de sons mal
élevés... qui n’avaient pas droit de cité ».
On lui doit notamment Duo pour violon
et piano, première oeuvre de lui jouée
au concert (1957) ; Prélude pour 3 pistes
magnétiques (1959) et Lanterne magique
pour 2 pistes magnétiques (1959) ; Safous
Mélé, cantate pour 9 instruments, choeur
de voix de femmes et voix d’alto (1959) ;
la Peau du silence pour orchestre, commande du Service de la recherche (première version 1961-62 pour 30 exécutants,
deuxième version 1964-1966 pour 110
exécutants, troisième version 1970 pour
83 exécutants) ; le Son d’une voix pour 16
instruments (1964) ; Nuit blanche pour 2
pistes magnétiques et récitant sur un texte
d’Antonin Artaud (1966) ; Répliques, expérience orchestrale avec participation du
public muni d’appeaux (1969, création la
même année au festival de Royan) ; Rituel
d’oubli pour 20 instruments et 2 pistes
magnétiques (1969) ; Danaé pour 12 voix
mixtes et 1 percussionniste (1970) ; Kemit
pour darbouka ou zarb solo (1970, création au festival de Royan de 1973) ; Agiba
pour 2 pistes magnétiques (1971) ; Rambaramb pour orchestre, piano solo et bande
magnétique (1972) ; Temes Nevinbür pour
2 pianos, 2 percussions et 2 pistes magnétiques (1973, création la même année au
festival de Royan) ; Naluan pour 8 instruments et 2 pistes magnétiques (1974) ; le
Jonc à trois glumes pour orchestre (1974) ;
Marae pour 6 percussions et 2 pistes magnétiques (1974) ; Solstice pour clavecin
et orgue positif (1975) ; Da Capo, oeuvre
de théâtre musical créée au festival d’Avignon de 1976 ; Kassandra pour orchestre
et bande magnétique (1977) ; les Mangeurs
d’ombre, oeuvre de théâtre musical (1979) ;
Aera pour 6 percussions (1979) ; Amorgos
pour 12 instruments et bande magnétique
(1979) ; Andromède pour double choeur, 3
pianos et orchestre (1979, créé en 1980) ;
Temboctou, oeuvre-spectacle créée en
1982 ; Eridan pour quatuor à cordes (créé
à Radio France en 1987), Cassiopée pour
choeur mixte et 2 percussions (1988),
Khnoum pour percussion (1990), Athanor
pour dix instruments (1991).
MACKERRAS (Charles), chef d’orchestre
anglais d’origine australienne (Schenectady, New York, 1925).
Il fit ses études musicales au New South
Wales Conservatorium de Sydney, puis,
avec Václav Talich, à l’Académie de musique de Prague, où régnait la musique
slave, Janáček en particulier. Hautbois
solo de l’orchestre symphonique de Sydney (1945-46), chef d’orchestre au Sadler’s
Wells Opera de Londres (1948-1954), il
dirigea la première britannique de Katia
Kabanová de Janáček (1951). Premier chef
d’orchestre du B.B.C. Concert Orchestra
(1954-1956) et premier chef d’orchestre
de l’Opéra de Hambourg (1966-1970), il
devint directeur musical du Sadler’s Wells
Opera (actuellement l’English National
Opera) de 1970 à 1977. Depuis, il est chef
invité du B.B.C. Symphony Orchestra et
dirige régulièrement les grands orchestres
américains. C’est un spécialiste reconnu
de Janáček, dont il a dirigé et enregistré
plusieurs opéras dans leur version originale.
MACONCHY (Elisabeth), femme compositeur anglaise (Broxbourne 1907 -
Norwich 1994).
Elle fit ses études à Dublin, puis à Londres
(Vaughan Williams), Prague (Blumenthal), Vienne et Paris. Sous l’influence des
différents courants d’Europe centrale, elle
s’est créé un style personnel, à intonations
expressionnistes, et d’une grande densité,
principalement dans sa musique instrumentale. Elle est surtout connue par ses
opéras en 1 acte (The Sofa [1956-57], The
Departure [1960-61], The Birds [1967-68],
The Three Strangers [1958-1967]), mais
elle a écrit une oeuvre importante dans laquelle on trouve des pages symphoniques
(deux symphonies, des concertos pour
alto, clarinette, piano, basson, des suites,
variations), des ballets (Great Agripa, The
Little Red Shoes, Puck Fair), des quatuors
à cordes et d’autres pages de musique de
chambre, des choeurs en grand nombre (A
Christmas Morning, Samson and the Gates
of Gaza, motets) et des mélodies.
MAÇONNIQUE (musique).
Fondée en Angleterre, au début du
XVIIIe siècle, sur des bases philosophiques
de fraternité humanitaire qui n’ont évolué que tardivement, et dans certains
pays seulement (en France notamment),
vers l’activité politique et l’anticléricalisme, la franc-maçonnerie a connu sans
tarder un tel développement dans toute
l’Europe qu’il est devenu impossible
de continuer, comme on en avait pris
l’habitude, à la passer sous silence dans
les histoires de la musique. Presque tous
les grands compositeurs du XVIIIe siècle
(Rameau, Haydn, Mozart, Gluck) et du
XIXe (Beethoven, Schubert, Liszt, Wagner)
ont été soit francs-maçons, soit influencés
par les idées maçonniques. On en trouve
de nombreux échos dans leur oeuvre, soit
en gros plan (la Flûte enchantée, Parsifal),
soit plus discrètement (la Création de
Haydn, certains quatuors de Beethoven,
le Voyage d’hiver de Schubert). En outre,
plusieurs d’entre eux, et notamment Mozart, ont écrit pour les cérémonies de loge
des musiques de circonstance (cantates,
marches, musiques funèbres, etc.) reconnaissables à leur style et à leur composition instrumentale, riche en instruments
à vent et surtout à anches (clarinettes,
cors de basset, bassons), ces ensembles
étant particulièrement employés dans les
réunions de loge sous le nom de colonnes
d’harmonie. Le secret qui jadis couvrait
ces activités avait longtemps fait obstacle
à la connaissance de l’apport maçonnique
à la musique ; sans avoir été entièrement
abrogé, il est devenu aujourd’hui moins
rigoureux, et permet d’en aborder une
étude qui n’est encore qu’à ses débuts.
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MADEIRA (Jean), alto américaine (Centralia 1918 - Rhode Island 1972).
Elle étudie d’abord le piano avec sa mère,
puis le chant à la Juilliard School de New
York. En 1943, elle fait ses débuts dans
Martha de von Flotöw, et entre dans la
troupe du San Carlo Company Touring
Opera. En 1948, elle débute au Metropolitan, se distinguant particulièrement
dans les rôles de Carmen et d’Amnéris.
Après ses débuts européens en 1954, elle
s’impose comme wagnérienne à Bayreuth
de 1955 à 1967, et à Salzbourg en 1956
et 1957. Elle y incarne Waltraute, Erda
et Rossweise. En 1968, elle crée Ulisse de
Dallapiccola à Berlin. Elle fait ses adieux
au Metropolitan en 1971.
MADERNA (Bruno), compositeur et chef
d’orchestre italien (Venise 1920 - Darmstadt 1973).
Enfant prodige, il fut protégé par la princesse de Polignac, et, sous le nom de
« Brunetto », fit sa première apparition
publique à sept ans dans le concerto de
Bruch. À huit ans, il dirigea à la Scala
et aux arènes de Vérone. Il poursuivit
ses études aux conservatoires de Milan
(1935) et de Venise (1939), obtenant finalement ses diplômes de composition et
de musicologie à celui de Rome (1940).
Ses maîtres principaux furent Alessandro
Bustini (composition) et Antonio Guarnieri (direction d’orchestre). Il étudia
aussi à Venise avec Gian Francesco Malipiero, et après la guerre avec Hermann
Scherchen, qui l’orienta vers la technique
dodécaphonique. De 1947 à 1950, il enseigna la composition au conservatoire de
Venise, comptant parmi ses élèves Luigi
Nono, et, en 1950, il fut appelé par Karl
Amadeus Hartmann à diriger un concert
de la série Musica viva à Munich. En 1951,
il se rendit pour la première fois à Darmstadt, où il enseigna régulièrement à partir
de 1954. En 1955, il fonda avec Luciano
Berio le Studio de phonologie de la R. A. I.
à Milan, et, de 1956 à 1960, dirigea avec
lui dans cette ville les Incontri musicali,
concerts consacrés à la musique contemporaine. En 1957-58, il enseigna aux cours
d’été de Darlington, en Angleterre, et organisa au conservatoire de Milan un cours
public sur la technique dodécaphonique.
Il enseigna aussi la direction d’orchestre
au Mozarteum de Salzbourg de 1967 à
1970, et dirigea en 1971-72 le Berkshire
Music Center de Tanglewood. Comme
chef d’orchestre, il dirigea de 1958 à 1967
l’Ensemble international de musique de
chambre de Darmstadt, ville dont il fut
fait citoyen d’honneur en 1970, enseigna
au conservatoire de Rotterdam à partir
de 1967, et, en 1971, fut nommé à la tête
de l’orchestre de la R. A. I. à Milan. Outre
le répertoire contemporain, il dirigea de
nombreux ouvrages classiques et romantiques, dont Didon et Énée de Purcell à la
Piccola Scala (1963). En 1967, sa réalisation de l’Orfeo de Monteverdi fut donnée
au festival de Hollande. En avril 1973 se
déclara un mal foudroyant qui devait
l’emporter en quelques mois. En 1974, le
prix Beethoven de la ville de Bonn lui fut
attribué à titre posthume pour Aura, et,
la même année, Pierre Boulez composa à
sa mémoire Rituel. Depuis 1969-1970, sa
production de compositeur s’était encore
intensifiée, avec notamment une remarquable série d’ouvrages symphoniques.
De quelques années l’aîné de Nono, de
Berio, et aussi de Boulez, Maderna joua un
rôle essentiel dans la naissance de l’avantgarde italienne d’après la Seconde Guerre
mondiale, cela aussi bien par le rayonnement de sa personnalité que par son enseignement proprement dit. Esprit généreux et ouvert, ne reniant pas l’héritage
du passé, il se mit largement, comme chef
d’orchestre, au service d’autrui, et, comme
compositeur, il sut, dans les années 1950,
particulièrement bien montrer l’étendue
et la diversité des possibilités expressives
de la technique sérielle. Il fut en outre le
premier à analyser John Cage à Darmstadt (1957). Contrairement à ce qu’on a
affirmé parfois, il ne prit jamais (même
après avoir fait de Darmstadt sa résidence
principale) la nationalité allemande, mais
c’est à juste titre qu’on a pu voir en lui un
véritable musicien européen.
Sa première phase créatrice fut celle
des expériences instrumentales et élec-
troacoustiques. Il fit ses débuts officiels
de compositeur en 1946 avec une Serenata pour 11 instruments restée inédite,
peut-être révisée en 1954. Suivirent notamment un Concerto pour deux pianos
et instruments (1948), Composizione no 1
(1949) et no 2 (1950) pour orchestre, Studi
per il « Processo » di Kafka pour récitant,
soprano et orchestre (1950), Improvisazione no 1 (1951) et no 2 (1953) pour orchestre. S’imposèrent encore davantage,
toujours dans le domaine instrumental,
un Concerto pour flûte destiné à Severino
Gazzelloni (1954), le Quartetto in due
tempi (quatuor à cordes, 1955), et la Serenata no 2 pour 13 instruments (1957).
Ces deux dernières oeuvres surtout donnèrent à Maderna sa place spécifique dans
l’avant-garde européenne de l’époque (la
Serenata no 2 allie admirablement séduction et rigueur). Dans le même temps
naquirent divers ouvrages électroniques
comme Notturno (1955), Syntaxis (1957)
et Continuo (1958), que devait suivre en
1962 la Serenata no 3, tandis que Musica su
2 dimensioni pour flûte et bande magnétique (1957) non seulement unissait aux
nouvelles sources sonores un instrument
traditionnel, mais faisait appel aux techniques aléatoires. Au Concerto pour piano
(1959) correspond peut-être la poussée la plus extrême de Maderna vers le
« modernisme ». De la même veine relève
cependant Honeyrêves pour flûte et piano
(1961).
Les années 60 virent naître, sous le
signe à la fois d’une extraordinaire veine
lyrique et de la violence expressionniste,
de grands ouvrages relevant soit du
théâtre soit de la musique instrumentale,
les deux catégories pouvant d’ailleurs se
trouver en rapports étroits. Il y eut par
exemple les deux premiers Concertos pour
hautbois (1962 et 1967), et sur le plan théâtral l’opéra radiophonique Don Perlimplin,
d’après Federico García Lorca (1961, créé
à la R. A. I. le 12 août 1962), puis l’oeuvre
lyrique en forme de spectacle Hyperion
d’après Hölderlin (1964, créé le 6 septembre de cette même année à la biennale
de Venise). Dans la mouvance d’Hyperion
se situent Dimensioni III pour flûte et orchestre (1963), Aria da Hyperion pour soprano, flûte et orchestre (1964), et Stele per
Diotima pour orchestre avec cadence pour
solistes (1965), ces trois pièces pouvant
se combiner de diverses façons entre elles
et avec la cadence de flûte de Dimensioni
III pour donner Hyperion II, Hyperion III,
ou Dimensioni IV. Suivirent entre autres
Amanda pour orchestre de chambre
(1966) et le drame radiophonique Ritratto
di Erasmo (Portrait d’Érasme, 1969-70),
qui valut au compositeur le prix Italia en
1970.
Avec Quadrivium pour orchestre
(1969) s’ouvrit la série des ultimes pages
symphoniques. Outre celles-ci, Maderna
composa dans ses dernières années un
Concerto pour violon (1969), Serenata per
un satellite, musique aléatoire (1969),
Juilliard Serenade (1971), Tempo libero I,
musique électronique (1971, la combinaison de cette pièce avec la précédente donnant Tempo libero II), Pièce pour Ivry pour
violon seul, musique aléatoire (1971),
Venetian Journal (de Boswell, 1972), Giardino religioso pour petit orchestre (1972),
l’invention radiographique Ages, d’après
Shakespeare (1972), Satyricon, opéra en
un acte d’après Pétrone (créé au festival
de Hollande en 1973), et un Troisième
Concerto pour hautbois, sa dernière oeuvre
(1973). Les pages symphoniques ont nom
Grandes Aulodia pour flûte, hautbois et
orchestre (1970), Ausstrahlung (avec voix
de femme, 1971), Aura (1972), Biogramma
(1972). À sa mort, Maderna avait en projet
un concerto pour orchestre, violoncelle et
deux pianos.
MADETOJA (Leevi), compositeur et chef
d’orchestre finlandais (Oulu 1887 - Helsinki 1947).
Élève de J. Sibelius à Helsinki, de V. d’Indy
à Paris et de R. Fuchs à Berlin, puis directeur de l’académie Sibelius, il est l’un des
plus importants symphonistes finlandais
de la première partie du XXe siècle, et
parmi ceux-ci il représente la tendance lyrique. Son oeuvre se situe à la charnière de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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deux influences : l’appartenance au peuple
ostrobothnien et son amour de la musique
française. En 1913, il se fait connaître par
son poème symphonique Kullervo op. 15
et, en 1915-16 et 1917-18, il acquiert le
succès avec ses première et deuxième symphonies. Ses oeuvres de maturité sont ses
opéras Pohjalaisia (« les Ostrobothniens »,
1923) et Juha (1934), ce dernier peut-être
moins réussi que l’ouvrage composé sur
le même sujet en 1922 par A. Merikanto,
la troisième symphonie (1926) et le ballet pantomime Okon Fuoko (1930). À côté
de son oeuvre symphonique, Madetoja a
écrit de nombreuses pages de musique
religieuse et parmi celles-ci Marian murhe
(stabat mater, 1915) et un De Profundis
(1925) ; 50 mélodies, dont le cycle Syksy,
1930-1940 (« Automne »), et autant de
pièces chorales contribuent toujours aujourd’hui au rayonnement de son oeuvre.
Considéré par beaucoup comme le compositeur finlandais le plus important de
la génération immédiatement postérieure
à celle de J. Sibelius, L. Madetoja, artiste
introverti mais lyrique et imaginatif,
voire puissant, souffre aujourd’hui de son
appartenance au mouvement postromantique et d’avoir préféré son intégrité de
pensée à une recherche du radicalisme à
tout prix.
MADRIGAL.
Forme qui joua un rôle très important
dans la musique italienne, d’abord au
XIVe siècle, à l’apogée de l’Ars nova, ensuite, et sous un aspect très différent, au
XVIe siècle.
C’est à cette époque que le genre fut
acclimaté en Angleterre où il devait devenir également très populaire auprès des
musiciens élisabéthains et jacobéens. En
fait, il semble que seul le nom soit commun au madrigal du XIVe siècle et à son
homologue de la Renaissance. À l’origine,
le mot dérive sans doute du terme cantus
materialis ou matrialis, caractérisant ainsi
un certain type de composition profane,
par opposition au chant religieux (cantus
spiritualis).
LE MADRIGAL PRIMITIF.
Apparu en Italie du Nord, dans la première moitié du XIVe siècle, le madrigal
primitif est une sorte de court poème mis
en musique, avec un ou deux vers isolés
qui reviennent en guise de ritournelle sur
un rythme différent. Fait de deux ou trois
strophes de trois vers (endécasyllabes
ou heptasyllabes), il recourt à des textes
amoureux, parodiques ou allégoriques
et à une polyphonie primitive où le cantus (voix supérieure) s’épanouit sur de
longs mélismes au mouvement rapide et
à la fonction nettement expressive, tandis
que le ténor, au mouvement plus modéré,
l’accompagne et le soutient, canalisant le
cours de la mélodie et l’orientant aussi vers
les cadences. Essentiellement destiné à
une exécution vocale, le madrigal de l’Ars
nova peut également s’accommoder d’une
transposition instrumentale et sa rapide
diffusion dans la péninsule explique que
les plus grands compositeurs du temps s’y
soient intéressés : d’abord Giovanni da
Cascia et Piero, puis Jacopo da Bologna
et Francesco Landini, dit « l’aveugle des
orgues » (cieco degli organi), sans doute le
musicien le plus important de l’Italie du
XIVe siècle, un créateur de la carrure de
Machaut et continuateur de la manière
des précédents, bien qu’il ait préféré au
madrigal proprement dit les formes qui
en dérivaient : caccio à trois voix et surtout
ballate.
LE MADRIGAL RENAISSANT.
À partir du XVIe siècle, le genre connaît
une nouvelle carrière avec, comme point
de départ, la forme populaire de la frottola, née des chants de carnaval (canti carnascialeschi) et qui, harmonisée à trois ou
quatre voix, connaît une incroyable faveur
en Italie, de la fin du XVe siècle aux années
1530 (le premier recueil de frottole paraît
à Venise, chez Petrucci, en 1504). En fait,
le madrigal renaissant ne s’oppose pas à
la frottola ni à son dérivé le strambotto
(forme mélancolique de la frottola « qui
se chante », comme disait une expression
du temps, « chez les amoureux »), mais
apparaît plutôt comme une idéalisation de
ces musiques qui doivent elles-mêmes être
considérées comme une saine réaction du
sentiment national face aux spéculations
de la musique savante, dominée en Italie
par les compositeurs étrangers : Josquin
Des Prés, Arcadelt, Heinrich Isaak.
Au reste, les Franco-Flamands résidant
en Italie - les « Allemani » comme on les
appelait alors - vont vite se trouver associés à la riche floraison de l’école madrigalesque, car, dans l’enthousiasme de la nouveauté, le genre séduit tous les musiciens
et le savoir-faire des Néerlandais leur permet, au début, d’y briller plus que d’autres.
C’est à une revalorisation de l’élément
poétique que l’on assiste d’abord, sous
l’influence d’humanistes comme Pietro
Bambo (ce qui implique une collaboration toujours plus étroite entre musiciens
et auteurs). Le niveau des textes s’élève
rapidement et le prosaïsme - voire la vulgarité - des premières frottole est abandonné pour la meilleure des littératures,
celle de Dante, Boccace, Pétrarque. À cette
idéalisation de la matière poétique correspond la préoccupation des compositeurs,
soucieux de transposer les jeux d’écriture
de la tradition religieuse des Franco-Flamands à des fins profanes.
Le premier recueil de madrigaux paraît
en 1530, à Rome, chez Antico. Il s’agit
des Madrigali da diversi musici, Libro
Primo de la Serena, offrant des pages de
Costanzo Festa et Philippe Verdelot. La
musique y est encore démarquée, dans
une large mesure, de la frottola, mais, en
même temps, l’expression tend à être calquée sur les élans du verbe. À la suite de
Verdelot, d’autres Néerlandais illustrent,
nous l’avons dit, cette première école du
madrigal. Ainsi Jacob Arcadelt et Adrian
Willaert, tous deux passés maîtres dans le
maniement de la polyphonie la plus complexe.
Avec eux, le style imitatif coexiste encore avec l’homophonie chère à la frottola,
mais l’écriture se fait aussi plus attentive
au pouvoir du mot, à sa charge de poésie
et d’émotion réunies, et laisse pressentir
ce que seront les raffinements psychologiques de la dernière génération madrigalesque.
Jacques de Werth, Cyprien de Rore, Roland de Lassus, Philippe de Monte, Palestrina et Ingegneri sont les chefs de file de
cet âge classique et, bien que les étrangers
y soient encore nombreux, le style se fait
entièrement italien, investi par l’esprit de
la race, usant de toutes les ressources du
style hérité du motet néerlandais et cependant étroitement associé au génie de la
langue, à son contenu poétique, au point
que des « Allemani » comme de Rore y
apparaissent aussi latins que les musiciens
nationaux.
À cet égard, Cyprien de Rore peut être
considéré comme le véritable créateur du
madrigal expressif par son souci d’unir la
poésie à la liberté de la forme, au fil d’une
écriture d’une étonnante mobilité, sans
voix prépondérante, et où les hardiesses
chromatiques vont dans le sens d’une évidente volonté de modernisme, à ceci près
que ce modernisme ne nuit jamais à la
spontanéité des sentiments. Si de Rore « a
mené le madrigal, vingt ans à peine après
les débuts de ce genre, à une telle hauteur
que bien peu de ses contemporains ont été
capables de le suivre » (Nanie Bridgman),
Lassus et Philippe de Monte ont atteint
également dans ce répertoire des sommets,
le premier surtout qui, très tôt, a ressenti
l’appel irrésistible de l’Italie, accordant les
expériences harmoniques les plus rares à
la pleine interprétation du texte. Ses derniers madrigaux ne valent pas toutefois sa
production de jeunesse, car il avait alors
perdu tout contact vivant avec la culture
italienne, mais dans ses meilleures pages
il se montre un coloriste génial et ses trouvailles sonores témoignent d’une intuition
poétique égale à son sens musical. Servi
par tous ces maîtres, le madrigal devient
vraiment le genre roi dans la seconde
moitié du XVIe siècle. La trame de la polyphonie s’enrichit, passant de quatre voix à
cinq et même six voix égales, et se resserre,
quant à l’expression, d’une manière significative, multipliant les effets imitatifs et
les jeux canoniques, réservés auparavant
à la seule musique d’église. Ainsi, le madrigal s’éloigne de ses racines populaires
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
606
pour devenir un genre d’une extrême subtilité, réservé aux virtuosi et vivant d’un
bonheur (mélodique et harmonique) fondamentalement méditerranéen.
L’ÂGE D’OR DU MADRIGAL.
Apparaît alors la troisième génération,
celle de la trilogie Marenzio, Gesualdo,
Monteverdi, qui, à la fin du XVIe siècle et
au début du XVIIe, coïncide avec le plein
épanouissement du madrigal. L’extraordinaire fortune que connaît le genre se vérifie dans les innombrables recueils livrés à
l’impression dans le même temps. Et cette
apothéose consacre le triomphe des Italiens qui prennent définitivement le relais
des compositeurs venus des Flandres pour
écrire l’un des plus glorieux chapitres de
leur histoire musicale. En toute logique,
d’ailleurs, car seuls des transalpins pouvaient donner au madrigal cette couleur
authentique, cette touche sensible ou
émue, raffinée ou intense, qui « en font
l’une des plus heureuses contributions
de la nature italienne à l’art occidental »
(Nanie Bridgman). Point de rencontre
des techniques du passé et du présent,
comme des anticipations de l’avenir, il
atteint à une rare acuité dans l’idée dramatique, mariée à une continuelle mobilité d’expression, et se montre désormais
tout à fait capable de « dare spirito vivo
alle parole » (« donner l’esprit même de
la vie aux paroles ») et de réussir, comme
le voulaient ses créateurs, la peinture des
mots par le biais du symbole ou de l’image
parlante.
De Marenzio on peut dire qu’il est le
classique du genre, préoccupé d’harmonie, d’équilibre entre forme et fond,
le parfait dépositaire d’un art d’où sont
exclues toute démesure, toute hardiesse
gratuite. Soucieux du souffle de la vie, il
se laisse aller aux procédés les plus virtuoses, mais seulement quand la « pittura
delle orecchie » le commande. Avec lui, le
symbolisme amoureux, caractéristique de
la manière madrigalesque, se fixe en des
évocations devenues très vite familières à
ses continuateurs. Un mouvement ascendant de la mélodie décrit une montée, une
quête et, par extension, le désir d’un objet
inaccessible. L’aveu amoureux est traduit par un cheminement entrecoupé de
pauses, de « soupirs », tandis que l’idée de
douleur, de deuil et de mort est rendue par
une récitation émaillée d’accidents chromatiques. En revanche, les sentiments
pastoraux sont exprimés par une musique
de bonheur, riche en accents consonants,
de même que les unissons du chant à l’octave restent associés à la notion de paix,
de repos.
Gesualdo reste, pour sa part, le champion d’une musique hyperexpressive, où
les hardiesses harmoniques et les stravaganze sont reines. Maître du chromatisme
intensif et d’un chant qui épouse l’expression du mot pour en traduire tous les accents, le cri, le délire ou l’amour, il rejoint
par des voies différentes le programme
des mélodramatistes florentins qui créent
dans les mêmes années le drame lyrique,
en rendant le chant au pouvoir du verbe.
C’est là une oeuvre expérimentale dont les
excès - en particulier dans la recherche
des dissonances - virent parfois au vertige,
une musique irrémédiablement marquée
par les crises dépressives de l’auteur et
où un maniérisme d’esthète se mêle à la
sincérité de l’expression torturée. Mais le
génie y est au rendez-vous avec la violence
amoureuse et cette flamme sombre dans
la confession des passions qui fit du cruel
prince de Venosa un double assassin par
honneur (sa femme et l’amant de celle-ci).
Enfin, Claudio Monteverdi, célèbre à
d’autres titres (et surtout comme pionnier
de l’opéra avec son Orfeo de 1607), mais
qui, dans les limites du genre, impose, une
fois de plus, une sensibilité et une lucidité
exceptionnelles, jointes à un instinct de
l’humaine nature qui n’a pas été dépassé
depuis. Artiste complet, comme Marenzio, Monteverdi use de tous les styles du
madrigal à la fois : contrepoint imitatif,
déclamation syllabique, homophonie verticale, etc. D’une grande souplesse d’écriture et d’une totale liberté d’expression,
le madrigal monteverdien « colle » littéralement à la signification du texte, sans
la moindre contrainte formelle. En outre,
sa récitation virtuose, ouverte à toutes
les trouvailles du stile nuovo, à toutes les
audaces du temps, mais sans le systématisme qui pèse parfois sur les pièces de
Gesualdo, est un modèle de vie, avec ce
frémissement dans le chant qui est bien
d’un génie moderne, celui-là même qui
déclarait à son détracteur Artusi « fonder
sa musique sur la vérité ».
À ce stade de développement, le madrigal est devenu un véritable poème musical
où tout - hardiesses harmoniques, chromatismes inouïs, science de l’écriture,
liberté formelle - concourt à une impression de vie, de réalisme intense. Aller plus
loin dans le même style va bientôt sembler
impossible. De ce point de vue, Monteverdi est le révélateur qui, après avoir
épuisé toutes les possibilités expressives
du madrigal polyphonique (le discours
à cinq voix égales dans les Livres IV et
V, remarquables aussi par les contrastes
accusés dans l’activité desdites voix, où
registres aigus et graves ont même importance), va lui apporter une mort glorieuse,
ou plutôt l’engager, la basse continue aidant, sur la voie de la monodie accompagnée, de la déclamation lyrique et du recitar cantando, jusqu’à l’apothéose du Livre
VIII, où théâtre, drame et chant s’interpénètrent pour transfigurer un genre devenu
autre, et devant tout au plus au terme une
dénomination commode. Le madrigal
monodique triomphe, et, avec lui, l’esprit
de la nouvelle musique qui va déboucher
aussi bien sur la cantate que sur l’opéra.
LE MADRIGAL DRAMATIQUE.
Enfin, en marge du madrigal traditionnel,
se développe avec Orazio Vecchi le madrigal dramatique, sorte de comédie théâtrale
mise en musique dans un esprit proche de
la commedia dell’arte et en style madrigalesque.
« La vie est un modèle, dit Vecchi,
où grave (sérieux) et piacevole (aimable)
s’entremêlent continuellement. » Bien que
chaque personnage s’exprime par le biais
d’un petit madrigal polyphonique - ce qui
favorise évidemment l’élément musical
aux dépens du dramatique - cette forme a
inspiré à Vecchi un chef-d’oeuvre : l’Amfiparnaso (1594), scène idéale où, sous la
farce et la parodie, se cachent les ambitions du moraliste, et l’une des dernières
grandes victoires, avec la Pazzia Senile
(1598) d’Adriano Banchieri, dans le même
esprit, de la polyphonie profane a cappella
avant son renoncement.
LE MADRIGAL EN EUROPE.
Le madrigal italien s’est répandu dans
toute l’Europe, mais avec un bonheur différent selon les pays. En Allemagne, il n’a
été assimilé que comme madrigal spirituel,
transposition au plan religieux du madrigal profane (l’Israëlsbrünnlein de Johann
Hermann Schein). De grands compositeurs allemands ont écrit de très beaux
madrigaux dans le style polyphonique
traditionnel, comme Hans Leo Hassler,
mais toujours sur des paroles italiennes.
En Espagne, en revanche, la manière italienne a inspiré une riche école locale
avec Brudieu (qui édite des Madrigales
en 1585), Francisco et Pedro Guerrero,
les deux Mateo Flecha, Juan Vasquez qui
transforme le villancico et quelques autres,
toujours attentifs aux tendances nouvelles
venues de l’autre côté de la Méditerranée.
C’est, toutefois, en Angleterre que la floraison madrigalesque a été la plus riche,
tout à fait digne d’être comparée à son
homologue transalpine. Une longue tradition de la chanson à plusieurs voix y était
d’ailleurs implantée avant le XVIe siècle.
Néanmoins, c’est l’influence du madrigal
italien, renforcée par celle de la chanson
française, qui est à l’origine de l’école
du madrigal élisabéthain dont la grande
période de création et d’édition dure une
trentaine d’années (1590-1620). Les plus
grands musiciens du temps s’illustrent
durant ce bref âge d’or, à la suite de Byrd
dont le premier recueil madrigalesque est
une adaptation pour voix seules de chansons écrites pour solo vocal et accompagnement de violes. Thomas Morley, l’un
des maîtres du genre, publie deux livres
(1597 et 1598) qui sont comme la synthèse
des styles à la mode de l’époque (madrigaux et balletti principalement). Le même
Morley réunit, en hommage à la reine ÉlidownloadModeText.vue.download 613 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
607
sabeth, les Triomphes d’Oriane auxquels
participent tous les madrigalistes célèbres
du temps.
Chantant les joies de l’amour, comme
ses tourments, dans le style des pastorales
italiennes à grand renfort de mythologie,
ou plus simplement attaché aux évocations réalistes, mettant en scène la société,
surtout rurale ou villageoise, le madrigal
anglais joue à peu près des mêmes thèmes
que son aîné italien. Aussi bien, John Wilbye et Thomas Weelkes apparaissent qui
sont les deux grands virtuoses du genre,
le premier dans un registre intimiste qui
n’exclut pas le lyrisme et où il impose une
perfection presque classique à la Marenzio, l’autre à l’humeur moins sereine et
plus inattendu, mais s’appuyant sur une
science d’écriture et des madrigalismes
subtils qui en font l’égal des plus grands
italiens. Les deux jouent d’un riche éventail de sentiments et d’émotions, de la joie
pastorale à la sombre mélancolie. Reprenant à leur compte les essais expressifs de
Marenzio, voire de Gesualdo, ils usent en
maîtres des contrastes, des suspensions,
des accidents de parcours dissonants et
du chromatisme, des effets de sonorités
et de timbres, des oppositions entre langage harmonique et contrapuntique enfin.
Avec eux se distinguent Kirbye, Farnaby,
Bennet, Bateson, Orlando Gibbons (à
l’aise surtout dans un registre à la gravité presque religieuse), Tomkins et dix
autres qui apportent au genre le meilleur
du génie anglais. En fait, nos voisins ont
pris ici pour modèle l’Italie, mais bien plus
comme genre que comme forme et avec
une autonomie de manoeuvre et d’accents
qu’autorisait la culture élisabéthaine, avec
son abondante poésie lyrique, ses traditions de chansons populaires (canons,
catches et chansons de taverne) et une
école de polyphonie sacrée qui, dans le cas
qui nous occupe, recoupe, si on ose dire,
ce riche patrimoine profane.
Avec, comme dernier trait distinctif,
le parallèle qu’il convient de faire entre
madrigal vocal et le répertoire du chant ou
air pour voix solo et luth. Les deux genres
étant inséparables et complémentaires,
pour la plus grande gloire de la musique
britannique.
MADRIGALISME.
Terme employé par les théoriciens et historiens de la musique pour désigner, de
façon générale, les différents moyens expressifs, harmoniques et mélodiques, dont
disposaient les compositeurs de madrigaux au XVIe siècle et au-delà (en particulier en Italie, Angleterre), pour accentuer
les sentiments, voire les passions, exprimés dans le texte poétique.
Les madrigalismes trouvent ensuite
leur place dans les premières monodies
italiennes à voix seule, appelées souvent
aussi des madrigaux. Sorti du genre spécifique du madrigal, c’est le mot figuralisme,
d’introduction plus récente, qu’il convient
d’employer.
MAEGAARD (Jan), compositeur et musicologue danois (Copenhague 1926).
Il fit ses études au conservatoire de sa ville
natale et avec Jens Peter Larsen (musicologie), puis travailla aux archives Schönberg
à Los Angeles (1958-59 et 1965). Il obtint
un poste à l’université de Copenhague en
1971, et, l’année suivante, acheva une thèse
consacrée à l’évolution de la technique
sérielle chez Schönberg. Il fit beaucoup
pour introduire dans son pays les oeuvres
de l’école de Vienne, qui, après ses débuts
dans la tradition néoromantique, devint
sa principale référence comme compositeur aussi bien que comme musicologue.
La sérénade O alter Duft aus Märchenzeit
(1960) cite Pierrot lunaire non seulement
dans son titre, mais dans ses dernières
mesures. Parmi ses autres oeuvres, notons : Antigone pour choeur d’hommes et
orchestre (1966), écrite à l’occasion d’une
production à la télévision de la pièce de
Sophocle, un quatuor à cordes (1970), et
Musica reservata no 2 pour hautbois, clarinette, saxophone et basson (1976).
MAELZEL (Johann Nepomuk), inventeur
allemand (Ratisbonne, 1772 - en mer, au
large des côtes des États-Unis, 1838).
Il s’installa à Vienne en 1792, et s’y consacra à l’enseignement et à la mise au point
d’instruments mécaniques. L’un d’eux, le
panharmonicon, fut pour lui l’occasion
d’une collaboration avec Beethoven. Il
inventa le métronome, qu’il fit breveter en
1816, mais sans avoir été le seul à l’origine
de la découverte. C’est inspiré non pas par
le métronome, mais par une autre invention de Maelzel que Beethoven aurait écrit
le canon à l’origine du deuxième mouvement de sa huitième symphonie.
MAESTOSO.
Mot italien désignant un mouvement de
caractère solennel (cf. le français majestueux).
L’indication maestoso peut s’employer
soit seule soit associée à une indication
de mouvement, le plus souvent lent, mais
non pas obligatoirement (par ex. allegro
maestoso).
MAESTRO (ital. : « maître »).
Terme désignant le maestro di cappella,
c’est-à-dire le chef d’orchestre.
Plus particulièrement encore, le chef de
théâtre était qualifié à l’époque classique
de maestro al cembalo, car il accompagnait
lui-même les récitatifs au clavecin tout en
assurant simultanément la direction de
l’orchestre et des chanteurs.
MAETERLINCK (Maurice), écrivain flamand (Gand 1862 - Nice 1949).
Que resterait-il de Maeterlinck si Debussy
n’avait composé son unique opéra, Pelléas et Mélisande, sur une de ses pièces de
théâtre ? Sans doute ni les divers poèmes
que le même Debussy mit en musique,
ni le cycle des Serres chaudes dû à Ernest
Chausson (1896) n’eussent été suffisants
pour établir la renommée d’un auteur
lui-même peu amateur de musique et que
l’histoire littéraire a, par ailleurs, bien
oublié. Il demeure que cette disgrâce se
désintéresse injustement du succès connu
par Maeterlinck de son vivant et de la
place qu’il occupe au sein du mouvement
symboliste. Certes, son panthéisme mystique, largement influencé par Novalis
et Ruysbroeck, peut paraître aujourd’hui
désuet, tout comme son langage imagé
d’une naïve redondance. Pourtant, les
tortures de l’âme étaient réelles chez un
auteur fasciné par le côté absurde et tragique des rencontres entre le destin et
l’innocence. Enfermé dans le monde clos
de son esprit, miné par la torpeur et la stérilité toujours possible, le poète souhaitait constamment l’évasion, l’ouverture
vers l’extérieur, mais ne voyait d’autre
issue que celle du Verbe. Il fallait donc
créer un langage « symboliste », fait de
piétinements, d’un réseau d’images, de
correspondances, à peine entrecoupées
d’exclamations douloureuses. Cette multiplication des images devait rendre imperceptible le mouvement de l’âme tout
en traduisant de son infinie complexité
l’identique en mutation. Une telle prudence dans les sentiments s’explique, au
théâtre surtout où elle est inhabituelle, par
l’angoisse de la mort imminente, pressentie par l’âme bien avant que l’intelligence
n’intervienne : en ce domaine, l’influence
de Shakespeare (que Maeterlinck traduisit) céda vite pour laisser place à Edgar
Poe. Cette intuition spontanée de l’inéluctable plonge les héros dans une attente
inquiète, les conduit à scruter l’instant où
la mort surgira avec une telle acuité qu’ils
finissent par voir l’invisible ou entendre
le silence. Plus d’une fois, ici, Maeterlinck
rejoindra Villiers de l’Isle-Adam et Mallarmé. Ainsi, dans l’Intruse et les Aveugles
(1890), qui préparent Pelléas (1892), assiste-t-on à l’attente d’un personnage qui
ne vient pas, vécue par une famille groupée autour d’une femme jetée entre la
vie qu’elle donne (elle accouche) et celle
qu’elle rend : car la femme, selon Maeterlinck, est un pont tendu entre les mondes
surnaturels. L’aventure se déroule dans un
paysage intérieur, où l’on croit voir venir
Dieu quand c’est la mort, seule, qui se
présente. Ces frémissements inquiets, ce
langage à l’opposé de toute exacerbation
de l’expression, ont trouvé avec Claude
Debussy un traducteur idéal. Parmi les
oeuvres musicales (autres que Pelléas et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
608
Mélisande) d’après Maeterlinck, citons
Monna Vanna de Rachmaninov (1907),
Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas
(1907), l’Oiseau bleu, musique de scène de
Humperdinck (1910), et Herzgewächse de
Arnold Schönberg (1911).
MAGALOFF (Nikita), pianiste russe naturalisé suisse (Saint-Pétersbourg 1912 Vevey 1992).
Au Conservatoire de Paris, il étudie dans
la classe d’Isidore Philipp et obtient un
premier prix de piano en 1929. Il se perfectionne ensuite auprès de Prokofiev, alors
installé à Paris. D’importantes tournées le
font connaître dans l’Europe entière. En
1949, il reprend la classe de Dinu Lipatti
au Conservatoire de Genève. En 1956, il
prend la nationalité suisse. Au long d’une
carrière très brillante, il a été un interprète
particulièrement remarqué de Chopin, et
a eu l’occasion de se produire en compagnie de Joseph Szigeti et de Clara Haskil.
MAGNARD (Albéric), compositeur français (Paris 1865 - Baron-sur-Oise 1914).
Licencié en droit, il fut simple amateur
de musique jusqu’à vingt ans. En 1886, il
entra au Conservatoire de Paris dans les
classes de Dubois (harmonie) et de Massenet (composition). Entre 1888 et 1892,
il travailla avec Vincent d’Indy. En 1890,
il écrivit sa première symphonie, en 1892
son drame lyrique Yolande, qui n’eut pas
de succès. À partir de 1896, une surdité
partielle accentua en lui une tendance à
la misanthropie. Nommé professeur de
contrepoint à la Schola cantorum, il y eut
pour élève Déodat de Séverac. En 1899,
il organisa lui-même un festival de ses
oeuvres, qui attira l’attention sur lui. En
1901, il termina son opéra Guercoeur (créé
à l’Opéra de Paris dans une nouvelle version réalisée par Ropartz en 1931), puis
composa sa troisième symphonie (1902)
et son quatuor (1904) dont la création à
la Société nationale fit sensation. Il quitta
bientôt Paris pour s’installer dans l’Oise,
où il écrivit ses dernières oeuvres : Bérénice
d’après la tragédie de Racine (1909, créée
à l’Opéra-Comique en 1911) et sa quatrième symphonie (1911-1913). Il fut tué
dans sa maison par des soldats allemands
au début de la guerre.
Indépendant et solitaire, se réclamant
de Beethoven et de Rameau, Magnard
s’est manifesté dans une recherche de
l’expressivité. Sa musique noble et forte
atteste une vitalité puissante. Ses quatre
symphonies et sa musique de chambre sonate pour violon et piano (1901), qua-
tuor à cordes (1902-1903), trio avec piano
(1904-1905), sonate pour violoncelle et
piano (1909-1910) - s’inscrivent dans le
renouveau français de la fin du XIXe siècle
et du début du XXe aux côtés de celles de
Franck, Saint-Saëns, Lalo, d’Indy, Dukas.
MAGNIFICAT.
Premier mot du cantique d’actions de
grâces mis par l’Évangile dans la bouche
de Marie lorsqu’elle rendit une visite à
Élisabeyth après avoir appris par l’ange
qu’elle enfanterait le Sauveur : Magnificat anima mea Dominum (« Mon âme
magnifie le Seigneur »). Ce cantique a été
transporté dans la liturgie des vêpres dont
il constitue l’un des éléments essentiels.
Il se chante sur une psalmodie analogue
à celle des psaumes, mais plus ornée et
en répétant à chaque verset l’intonation
ornementale supprimée à partir du deuxième verset dans la psalmodie ordinaire.
Une psalmodie spéciale, remontant probablement au XVIIe siècle, lui est parfois
attribuée dans les paroisses où elle est restée populaire malgré la quasi-disparition
des vêpres depuis Vatican II. De plus, son
aspect solennel lui a valu d’être fréquemment chanté en faux-bourdon un verset
sur deux ; aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce
faux-bourdon fut parfois remplacé par
un verset d’orgue, et dans certaines circonstances, le texte entier fut traité en
grand motet avec orgue et instruments. Le
magnificat a été conservé dans la liturgie
réformée, soit en latin, soit en langue vulgaire, parfois sous forme de choral (Meine
Seele erhebt den Herrn). L’exemple le plus
célèbre est le Magnificat latin de J.-S. Bach,
dont la version usuelle en ré majeur est un
remaniement de concert ; la version primitive, en mi bémol, conçue pour l’office,
comprenait, intercalés entre les versets,
les chants du Wegenlied ou « bercement
de l’enfant », cérémonie traditionnelle
du temps de Noël. À l’époque contemporaine, citons le Magnificat de K. Penderecki (1973-74).
MAHLER (Gustav), compositeur et chef
d’orchestre autrichien (Kaliste, près de
Jihlava, Bohême, 1860 - Vienne 1911).
Second des quatorze enfants d’un cabaretier-distillateur juif de langue allemande,
Bernhard Mahler, et de Marie Hermann,
il apprend dès l’enfance à jouer du piano
et à composer. De quinze à dix-huit
ans, il reçoit une formation complète au
conservatoire de Vienne avec Julius Epstein (piano), Robert Fuchs (harmonie) et
Franz Krenn (composition). Plus tard, il
fait ses études universitaires (1877-1879,
philosophie, histoire de l’art, etc.), notamment avec Anton Bruckner dont il devient
le familier et, dans une certaine mesure,
le disciple. De dix-huit à vingt ans, il vit
du maigre revenu que lui procure l’enseignement privé. Il compose en 1880 sa
première grande oeuvre, la cantate Das
klagende Lied. L’échec de cette partition
au prix Beethoven et l’attitude négative
des musiciens de la vieille garde comme
Brahms l’incitent à aborder une carrière de
chef d’orchestre. Il débute à Bad Hall, près
de Linz, où il dirige des opérettes dans un
petit théâtre saisonnier (été 1880). Engagé
ensuite à Ljubljana (Slovénie, 1881-82),
Olomouc (Moravie, 1883), Kassel (Prusse,
1883-1885), il est nommé à l’âge de vingtcinq ans kapellmeister à l’opéra de Prague
par l’illustre impresario wagnérien Angelo
Neumann. Ses interprétations de Wagner,
de Mozart et de la Neuvième Symphonie de
Beethoven établissent solidement sa réputation. Pourtant Mahler quitte Prague en
juillet 1886 à la suite d’un violent conflit
avec Neumann. À Leipzig, où il est engagé
ensuite, il doit rivaliser pendant deux ans
avec un collègue très brillant et de peu son
aîné, Artur Nikisch.
Ces années-là, sa vie sentimentale
est particulièrement orageuse : les premières oeuvres importantes de Mahler,
Das klagende Lied (1880), les Lieder eines
fahrenden Gesellen (1884) et la Première
Symphonie (1884-1888), ont été inspirées
par trois amours malheureuses. À Kassel
et à Prague, son goût pour les belles cantatrices a déjà fait du bruit et il en sera de
même plus tard à Hambourg et même à
Vienne. Le succès triomphal de l’opéra
inachevé de Weber, Die drei Pintos (Leipzig, janvier 1888), terminé et orchestré par
Mahler, fait de lui un homme célèbre. Il
quitte Leipzig trois mois plus tard à la suite
d’un nouveau conflit. Aussitôt après, il est
nommé directeur de l’opéra de Budapest,
où il assure la création hongroise des deux
premiers drames du Ring, ainsi que celle
d’un des premiers opéras véristes, Cavalleria rusticana. Par la qualité exceptionnelle de ses mises en scène et de ses exécutions musicales (de Mozart notamment),
Mahler rallie de nombreux admirateurs,
dont Brahms lui-même. La création de la
Première Symphonie (Philharmonique de
Budapest, 20 novembre 1889) est un échec
et Mahler renonce à renouveler pour
l’instant l’expérience. En 1891, la nomination d’un nouvel intendant connu pour
son chauvinisme et son autoritarisme, le
comte Béla Zichy, le force à quitter Budapest. Il accepte le poste de premier chef à
l’opéra de Hambourg (1891). Il trouve là
un public vaste et averti et une troupe de
chanteurs de rang international, mais un
orchestre médiocre, des mises en scène ridicules, et surtout un directeur (Bernhard
Pollini) qui ne s’intéresse qu’aux voix.
Son travail lui vaut de nouveaux
adeptes : les compositeurs qu’il interprète
au théâtre (Massenet, Tchaïkovski, Mascagni, Alfred Bruneau, etc.) et l’illustre
Hans von Bülow qui lui lègue plus ou
moins la direction des Nouveaux Concerts
d’abonnement.
Pendant les six années hambourgeoises,
Mahler compose durant l’été au bord de
l’Attersee, près de Salzbourg, les Deuxième
et Troisième Symphonies (1888-1894 et
1893-1896) ainsi que la plupart des Wunderhorn Lieder. En 1897, après sa conversion au catholicisme, il parvient, avec
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l’aide de Brahms et de son ami le critique
Hanslick, à se faire nommer directeur de
l’opéra de Vienne. L’oeuvre de musiciendramaturge qu’il va y accomplir (il règle
lui-même l’essentiel des mises en scène)
appartient à l’histoire. Pendant les cinq
dernières années de son activité et grâce
à sa rencontre avec un peintre-décorateur
de génie, Alfred Roller, il travaille sans
relâche à l’accomplissement de son idéal :
une fusion unitaire des divers éléments visuel, dramatique et musical - de la représentation lyrique. Les étapes principales
de cette collaboration glorieuse, qui fut un
véritable âge d’or pour l’opéra de Vienne,
sont Tristan (1903), Fidelio (1904), Don
Giovanni (1905), Figaro (1906) et Iphigénie
en Aulide (1907). Pendant trois ans, Mahler dirige aussi la Philharmonique. Les
« retouches » qu’il apporte aux partitions
des grands classiques déchaînent contre
lui les fureurs de la critique. On le vénère
ou on le déteste, mais on ne l’aime pas, car
son fanatisme artistique fait peur.
En 1901, il épouse la jeune et ravissante
Alma Schindler, fille d’un paysagiste célèbre, musicienne et même compositeur.
La nature possessive et passionnée de la
jeune femme, le goût qu’elle a d’ensorceler
tous les hommes qu’elle rencontre mettront plusieurs fois en péril l’harmonie du
couple. Le charme et la vivacité d’esprit
d’Alma vont néanmoins métamorphoser
l’existence de Mahler. Elle lui donne deux
filles et il fait, grâce à elle, la connaissance
de quelques artistes éminents, les peintres
Gustav Klimt, Kolo Moser et Karl Moll (le
beau-père d’Alma), le poète dramatique
Gerhard Hauptmann et les deux chefs de
l’avant-garde musicale viennoise, Arnold
Schönberg et Alexander von Zemlinsky.
Pendant ses vacances, qu’il passe au bord
du Wörthersee, à Maiernigg, Mahler compose les symphonies nos IV à VIII et ses
derniers lieder. À partir de 1902, il commence enfin à s’imposer comme compositeur et dirige ses oeuvres un peu partout en
Allemagne, en Autriche et même en Hollande, où Willem Mengelberg prend fait et
cause pour elles. En 1907, lorsque sa fille
aînée, Putzi, meurt de la scarlatine, Mahler
a déjà décidé de quitter l’opéra de Vienne
pour celui de New York. Il ne rentrera
plus en Europe que pour passer l’été dans
le Tyrol du Sud, à Toblach (ou Dobiacco),
où il composera le Chant de la terre, la
Neuvième et les fragments de la Dixième.
Malgré les intrigues et les attaques dont
il a été la victime pendant dix ans, malgré
l’antisémitisme - latent ou déclaré - des
Viennois, il quitte à regret son pays natal.
À New York, les soirées wagnériennes et
mozartiennes qu’il dirige au Met (outre
Fidelio, la Fiancée vendue et la Dame de
pique) suscitent un réel enthousiasme. Il
quittera pourtant le Met au bout de deux
ans, le directeur allemand, Conried, ayant
été remplacé par un Italien, Gatti-Casazza,
qui amène avec lui un jeune chef plein de
tempérament et d’ambition, Arturo Toscanini. L’Orchestre philharmonique ayant
été entièrement réorganisé en son honneur, Mahler va diriger, pendant sa première saison, 45 concerts. La seconde doit
en comprendre 65, mais il tombe malade
le 21 février, après le 48e. Sa vie professionnelle vient d’être assombrie par l’hostilité systématique d’un critique et par un
conflit aigu avec le comité des directeurs.
Tout d’abord alité pour un simple mal de
gorge, il lutte deux mois durant contre
une infection généralisée. On a perdu tout
espoir de le sauver lorsqu’il quitte New
York pour être traité pendant une semaine
à Paris. Il meurt quelques jours après son
retour à Vienne, le 18 mai 1911, peu avant
d’avoir atteint sa cinquante et unième
année. Quelques mois auparavant, le 12
septembre 1910, il a vécu à Munich, avec
la création de sa Huitième Symphonie, le
plus grand triomphe de sa carrière de
compositeur.
Mahler a laissé quelque 40 lieder - dont
la moitié avec accompagnement orchestral -, la cantate Das klagende Lied et 11
symphonies (y compris le Chant de la terre
et la Dixième inachevée). Comme compositeur, il a été longtemps sous-estimé,
méprisé et attaqué, en partie à cause de sa
double activité d’interprète et de créateur.
On a longtemps reproché à sa musique
de n’être qu’un tissu de réminiscences et
de « citations » déguisées, de « banalités »
scandaleuses et de complaisances sentimentales. À vrai dire, tout, dans son art,
semblait fait pour choquer et pour provoquer, non seulement la simplicité plébéienne des rythmes (marche ou ländler)
et la « facilité » apparente de l’invention
mélodique, mais aussi les sautes d’humeur, les ruptures de ton, les contrastes
abrupts, la rudesse des sonorités, la violence des couleurs et surtout la fameuse
« hétérogénéité » du style. Aujourd’hui
encore, quelques antinomies fondamentales sautent aux yeux dans son art : tragique/grotesque ; pathos/ironie ; noblesse/
vulgarité ; sérieux/humour ; simplicité
folklorique/écriture sophistiquée ; mysticisme visionnaire et romantique/nihilisme lucide et critique.
Mais ce sont justement ces paradoxes
et ces antinomies qui donnent à l’art de
Mahler son originalité et sa richesse. Sa
musique est foncièrement nourrie de ses
conflits intimes, de ses aspirations et de ses
visions métaphysiques. Car Mahler n’avait
rien d’un hédoniste, comme ses contemporains Richard Strauss et Debussy. Il a
toujours cherché à « spiritualiser » la musique : Theodor Adorno n’hésite pas à voir
en lui « le compositeur le plus métaphysique depuis Beethoven » et le seul autre
musicien qui ait eu un « dernier style ».
Certes, Mahler n’a jamais cherché à révolutionner la musique, ni à créer un nouveau langage. Pourtant la simplicité des
rythmes et le diatonisme de l’harmonie ne
doivent pas faire illusion : l’indéfectible
vénération que lui ont vouée Schönberg et
ses disciples ne s’adressait pas seulement
à l’homme, mais aussi au musicien et au
précurseur. On trouve déjà chez Mahler
toutes les semences de l’avenir : nouvelle
liberté polyphonique, orchestration qui
fait du timbre un paramètre de la composition, manipulation accumulative de matériaux hérités du passé, élimination des
réexpositions littérales, abolition presque
complète de la forme sonate, qui caractérise particulièrement ses dernières oeuvres,
au profit d’un processus évolutif de « variante perpétuelle » (Adorno). Le même
Adorno a comparé la symphonie mahlérienne à un roman en ce qu’elle enchaîne
des épisodes différents et des péripéties
souvent inattendues au lieu de développer des matériaux connus et de respecter
un schéma préétabli. Même le gigantisme
des effectifs et la longueur démesurée ont
été imités par nombre de compositeurs
d’aujourd’hui comme son désir d’exprimer la totalité de l’homme dans chacune
de ses symphonies. Les crises, les déchirements, les conflits qu’il a mis en musique
sont déjà ceux de notre temps, comme la
suppression des barrières entre les genres
et les styles, l’éclatement des formes,
l’écroulement des valeurs traditionnelles
et la grande question qui en résulte. À cet
égard, Mahler est bien le contemporain et
le frère de Freud ou de Kafka, tous deux
juifs et bohémiens comme lui, et l’un des
principaux acteurs d’une révolution des
esprits dont la Vienne du début du siècle a
été le théâtre permanent.
MAI MUSICAL FLORENTIN (« Maggio musicale fiorentino »).
Festival d’opéra fondé à Florence en 1933,
essentiellement à l’initiative du chef d’orchestre Vittorio Gui.
D’abord biennal, il devint annuel en
1938. Interrompu de 1943 à 1947, il s’est
attaché à monter des ouvrages rarement
joués, en particulier de Rossini, et assura
même, en 1951, la création mondiale de
l’Orfeo ed Euridice de Haydn, avec Maria
Callas dans le rôle d’Euridice. En 1953,
Leonard Bernstein y dirigea une mémorable Medea de Cherubini avec Maria Callas dans le rôle-titre.
MAILLARD (Jean), compositeur français
du XVIe siècle.
On ignore ses dates de naissance et de
mort. Il semble avoir mené une vie de
voyageur, s’arrêtant tantôt à la cour
d’un seigneur, tantôt dans une maîtrise.
Quoi qu’il en soit, il a beaucoup composé. Entre 1538 et 1570, plusieurs de ses
oeuvres sont éditées à Paris par Le Roy et
Ballard (Jean Maillard musici excellentissimi moteta, 1555 ; Missa ad imitationem
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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missae Virginis Mariae, 1557 ; Missa ad
imitationem moduli « M’amie un jour »,
1558 ; Modulorum Jean Maillardi en 2 vol.,
1565). D’autres pièces sont conservées en
manuscrit ; d’autres encore sont perdues.
Pour la plupart dans des recueils collectifs, on trouve une centaine de motets,
un psaume de Cl. Marot, six messes, trois
chansons spirituelles et une cinquantaine
de chansons françaises, dont certaines
ont été transcrites pour un instrument à
cordes pincées.
MAILLART (Louis Aimé), compositeur
français (Montpellier 1817 - Moulins
1871).
Il était le frère d’un acteur de la ComédieFrançaise, Adolphe Maillart. Il entra au
Conservatoire de Paris dans la classe de
violon de Guérin avant de devenir l’élève
de Halévy et de Le Borne (écriture et composition). En 1841, il obtint le premier
grand prix de Rome pour sa cantate Lionel
Foscari. C’est Adolphe Adam qui le révéla
en créant son opéra Gastibelza ou le Fou
de Tolède, à l’occasion de l’inauguration,
le 15 novembre 1847, de l’Opéra national,
plus tard Théâtre-Lyrique. En dépit de sa
paresse, Maillart fut un auteur à succès,
doué d’un talent mélodique original et
d’une grande facilité d’écriture. Son vrai
triomphe fut les Dragons de Villars (1856).
Mais c’est dans Lara (1864), traité avec
une grande noblesse, qu’il écrivit ses pages
les plus remarquables. Il quitta Paris en
1870 à l’arrivée des troupes allemandes, et
se réfugia à Moulins où il mourut.
MAIN GUIDONIENNE.
Procédé pédagogique attribué sans
preuves à Guy d’Arezzo (XIe s.), consistant à compter les sons de l’hexacorde sur
les phalanges de la main ouverte pour en
retenir plus facilement la succession et les
procédés de mutation, c’est-à-dire de passage dans la nomenclature d’un hexacorde
à un autre.
La main guidonienne pouvait aussi
servir à apprendre les mélodies, le maître
montrant sur sa main gauche ouverte
l’emplacement des notes à chanter. Ce
dernier procédé, qui a été en usage jusqu’à
la fin du XVIe siècle, a été repris avec diverses variantes par plusieurs méthodes
d’enseignement musical (Wilhem, Chevais, Kodály, etc.) sous le nom générique
de phonomimie.
MAINARDI (Enrico), violoncelliste et
compositeur italien (Milan 1897 - Munich 1976).
Il étudia le violoncelle et la composition au
conservatoire de Milan, et perfectionna sa
technique instrumentale avec Hugo Becker, à Berlin. Il fit ses débuts de concertiste
à treize ans, forma des duos avec Dohnányi, Wilhelm Backaus, Carlo Zecchi et
Edwin Fischer. Avec ce dernier, il fonda
un trio, d’abord avec Kulenkampff, au violon, puis avec Scheiderhan. Parallèlement
à ses activités d’interprète, il enseigna le
violon et la musique de chambre à l’académie Sainte-Cécile de Rome, à Berlin, Salzbourg et Lucerne. Alors que Pizzeti écrivait pour lui son concerto pour violoncelle
(1933-34), Richard Strauss l’invita à enregistrer sous sa direction son Don Quixote.
Quatre ans plus tard, Malipiero composait
aussi pour lui son concerto pour violoncelle, puis son triple concerto (1938). Le
jeu de Mainardi, aux sonorités claires et
chaudes, se distinguait par un tempo très
lent, particulièrement dans les suites de
Bach, dont il a laissé de surprenants enregistrements ainsi qu’une édition critique.
MAISKY (Mischa), violoncelliste russe
naturalisé israélien (Riga 1948).
Lauréat du Concours Tchaïkovski à l’âge
de 18 ans, il entre ensuite dans la classe
de Mstislav Rostropovitch au Conservatoire de Moscou. Victime de la répression
du gouvernement soviétique de 1969 à
1972 (du fait de l’émigration de sa soeur
en Israël), il est emprisonné et interné en
hôpital psychiatrique avant de réussir à
rejoindre lui aussi Israël. Les années qui
suivent marquent le véritable début de
sa carrière. Lauréat du Concours Cas-
sado de Florence en 1973, il se produit
aux États-Unis, puis en 1976 à Paris, où
il donne plusieurs concerts de musique
de chambre. Depuis lors, sa vie se partage
entre la France et Israël.
MAÎTRES CHANTEURS.
À la fin du XIIIe siècle, certains poètes
gnomiques, particulièrement fiers de la
complexité à laquelle était parvenu leur
art, se firent désigner du nom de maîtres.
La légende veut que l’un d’entre eux, dit
Frauenlob (celui qui s’entend à louer la
femme), se fixa à Mayence et y fonda la
première confrérie de maîtres chanteurs.
Progressivement, le mouvement s’amplifia en même temps que l’invention poétique disparaissait au profit d’un dogme
rigide : seule fut bientôt autorisée l’utilisation des strophes et mélodies créées par
l’un des douze grands maîtres, règle que
des marqueurs surveillaient étroitement
en s’appuyant sur la tabulature, sorte de
manuel, de code poétique. Composées
pour l’essentiel de bourgeois et d’artisans
(la petite noblesse disparaissait peu à peu),
et donc expression d’un art urbain et non
plus de cour, les confréries se dotèrent
d’un cursus honorum aux multiples étapes,
qui permettait de s’élever à la fois artistiquement, socialement et religieusement.
Les sujets abordés, en effet, traités uniquement grâce à des combinaisons pédantes
des innombrables modes officiels, aux
noms plutôt fleuris, tournaient presque
exclusivement autour de questions morales et théologiques. Animant les offices
de leurs chants, les maîtres escomptaient
mieux s’attirer les bonnes grâces de Dieu ;
ils organisaient également des concours,
sur le modèle des « disputes » alors en
honneur dans les universités. À partir du
XVIe siècle, leur art se fixa essentiellement
à Nuremberg, Augsbourg et Breslau. Sous
l’impulsion du réformateur Hans Foltz,
barbier de son état, on essaya de rompre
avec le rigorisme des confréries rhénanes,
en autorisant à nouveau la création de
chants et de bars neufs. Mais cette réaction, sans doute trop tardive, ne permit
pas de ranimer un art dont la complexité
et la lourdeur étaient bien loin des exercices brillants auxquels se livraient, à la
cour de Bourgogne, les grands rhétoriqueurs. Le plus connu des maîtres, le
cordonnier Hans Sachs (1494-1576),
emphatiquement célébré par Goethe et
Wagner et auteur d’environ 4 000 chants,
est d’ailleurs passé à la postérité moins
en raison de son talent, ou de sa foi, que
de la verve de ses farces populaires, souvent assez vertes, véritables mines pour
les amateurs de traditions et de folklore.
L’art des maîtres chanteurs disparut progressivement au cours du XVIIe siècle, sans
jamais avoir été très connu des masses ni
très apprécié des humanistes.
MAÎTRISE.
Choeur d’enfants attaché à une grande
église ou à une collégiale, qui se sépare
de l’école épiscopale entre le XIe et le
XIVe siècle et se répand en France et en
Belgique.
Les enfants, recrutés sur concours,
étaient totalement pris en charge par
l’église et soumis à un enseignement et à
une discipline rigoureux. Ils apprenaient,
outre la musique (vocale et instrumentale), la grammaire, la littérature et le latin.
Les effectifs, assez réduits, étaient variables
(de 4 à 13 enfants, selon les époques et les
églises). En plus d’un apprentissage très
dur, les enfants étaient tenus d’assurer
tous les services religieux. À leur sortie de l’école, ils entraient souvent dans
les ordres ou devenaient musiciens professionnels. L’importance des maîtrises
dans la vie musicale de cette époque était
capitale, car c’était le seul endroit où l’on
enseignait la musique aux enfants. Citons,
parmi les plus importantes, celles d’Aixen-Provence, Bourges, Cambrai, Chartres,
Clermont, Dijon, Paris (Notre-Dame) et
Rouen. Des instrumentistes vinrent peu à
peu se greffer sur le choeur proprement dit.
Supprimées en 1791 lors de la Révolution,
elles furent remplacées dans l’esprit, sinon
dans la lettre, par le Conservatoire, créé
en 1795. Elles réapparurent par la suite,
mais sans la structure de l’Ancien Régime
et certaines existent toujours (Dijon, par
exemple). On leur donne aussi le nom de
psallette, manécanterie, chapelle, etc.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
611
MAJEUR.
1. Se dit d’un intervalle qui, par référence
à sa note inférieure considérée comme
tonique, appartiendrait à une tonalité ma-
jeure (par ex., do-la = sixte majeure mais
do-la bémol = sixte mineure).
2. Se dit d’un accord parfait quand sa
tierce est majeure (par ex., do-mi-sol). Se
dit aussi des accords de septième et de
neuvième quand ces derniers intervalles
sont majeurs (par ex., do-mi-sol-si = accord de septième majeure ; do-mi-sol-si
bémol-ré = accord de neuvième majeure).
3. Se dit d’une tonalité quand elle est dans
le mode majeur (par ex., do majeur).
4. Se disait, au Moyen Âge, d’un mode
rythmique, ou d’une division rythmique
ternaire. En ce sens, majeur était parfois
synonyme de parfait (perfectus). [ ! INTERVALLE, ACCORD, MODE, TONALITÉ.]
MALAGUEÑA.
1. Danse espagnole, originaire de Málaga,
de rythme ternaire et plus ou moins apparentée au fandango. Le deuxième volet de
la Rhapsodie espagnole de Ravel est intitulé
Malagueña.
2. Musique qui accompagne ou non cette
danse, d’une nuance angoissée et caractérisée par un soubresaut se heurtant à une
formule harmonique stéréotypée allant de
la dominante à la dominante. Au centre,
un récitatif lyrique, généralement improvisé par le chanteur ou dans le style d’une
improvisation, s’élève dans la même note
inquiète, sur de discrètes figurations de
guitare.
MALEC (Ivo), compositeur yougoslave
(Zagreb 1925).
Il fait des études traditionnelles au conservatoire et à l’université de sa ville natale.
Après quelques voyages en France, il s’y
fixe en 1959 et, s’associant aux travaux
du Groupe de musique concrète (qui deviendra le G. R. M.) de Pierre Schaeffer,
il s’oriente délibérément vers la musique
électroacoustique. Cette option, dit-il, « a
fait basculer sa façon d’écrire, et changé
totalement son approche du phénomène
sonore ». Il a aussi appliqué à la musique
instrumentale certaines méthodes acquises en « manipulant » du son en studio.
Ayant d’autre part constaté les blocages
des instrumentistes face à la complexité
grandissante de l’écriture, il inaugure avec
eux un nouveau mode de travail, les faisant participer à l’élaboration de l’oeuvre
sans qu’il s’agisse pour autant d’improvisation : il divise par exemple un grand
ensemble en petites cellules agissant de
manière autonome (avec toutefois un responsable), le compositeur coordonnant
le tout. Cette démarche peut, selon lui,
apporter des changements fondamentaux
dans le comportement des musiciens, et
surtout dans la manière d’aborder la composition. En dehors de son activité principale, Malec pratique la direction d’orchestre et a enseigné la composition au
Conservatoire national de Paris de 1972
à 1990.
On lui doit : des musiques électroacoustiques dont Luminétudes (1968), Bizarra
(1972), Triola (1978), Recitativo (1980,
oeuvre composée à l’aide de l’ordinateur) ;
des oeuvres instrumentales comme Miniatures pour Lewis Caroll pour flûte, harpe
et percussions (1964), Arco 11 pour onze
cordes (1975), Arco 22 pour 22 cordes
(1976), et Ottava alta pour violon et grand
orchestre (1981) ; des musiques mixtes
comme Lumina pour douze cordes et
bande magnétique (1968), Cantate pour
elle pour voix de soprano, harpe et bande
(1966). Citons aussi : Dodécaméron pour
douze voix solistes (1970) ; Vox, vocis f.
pour 3 voix de femme et 9 instruments
(1979) ; une tentative de théâtre musical
d’après Victor Hugo, Un contre tous (Avignon, 1971) ; Actuor (1973) donné à Lyon
en ballet avec les Percussions de Strasbourg, Exemples pour orchestre (1988) ;
Artemisia pour bande (1991), Doppio coro
pour ensemble (1993). Malec a su réaliser
avec un bonheur toujours renouvelé une
synthèse entre les nouvelles techniques et
l’emploi de la lutherie traditionnelle.
MALGOIRE (Jean-Claude), hautboïste
et chef d’orchestre français (Avignon
1940).
Après avoir étudié dans sa ville natale,
il entre au Conservatoire de Paris où il
obtient les premiers prix de hautbois et
de musique de chambre (1960). Il est
hautboïste et cor anglais à la Société des
concerts du Conservatoire et en 1967 à
l’Orchestre de Paris. En 1966, il crée l’ensemble la Grande Écurie et la Chambre du
roi, dont les musiciens se spécialisent dans
le jeu des instruments baroques. En 1970,
il fonde le Florilegium musicum de Paris,
groupe de chanteurs et d’instrumentistes
qui se consacrent à la musique du Moyen
Âge et de la Renaissance (Machaut, Dufay,
Zaccharias). À partir de 1974, il dirige et
enregistre des opéras baroques : Alceste
de Lully, Hippolyte et Aricie et les Indes
galantes de Rameau, Xerxès et Rinaldo de
Haendel, ainsi que de la musique religieuse, notamment Charpentier. Comme
soliste, il a enregistré des concertos de
Vivaldi, Albinoni, Marcello, et créé de
nombreuses oeuvres contemporaines. En
1981, il a été nommé directeur de l’Atelier
lyrique de Tourcoing.
MALHERBE (Charles Théodore), musicologue français (Paris 1853 - Cormeilles,
Eure, 1911).
Il étudia le droit et la littérature, se tourna
ensuite vers la musique et devint archiviste adjoint (1896) puis archiviste (1899)
de l’Opéra de Paris. Il légua sa vaste collection d’autographes musicaux au Conservatoire de Paris.
MALIBRAN (Marie), mezzo espagnole
(Paris 1808 - Manchester 1836).
En dépit de la brièveté de sa carrière (elle
mourut accidentellement des suites d’une
chute de cheval à vingt-huit ans), la Malibran a laissé un nom qui est peut-être le
plus célèbre de l’histoire du chant. Fille du
fameux ténor Manuel García, soeur d’une
autre mezzo, Pauline Viardot, et du plus
grand professeur de chant du XIXe siècle,
Manuel García II, Marie Malibran semble
avoir possédé une personnalité musicodramatique qui surpassait encore ses
moyens vocaux et sa technique. Elle débuta à Londres à l’âge de dix-sept ans dans
le rôle de Rosine aux côtés de son père qui
avait créé dix ans plus tôt celui d’Almaviva
dans le Barbier de Séville de Rossini. Entre
1825 et 1830, elle connut une succession
de triomphes sans précédent à New York,
à Paris, à Milan, à Rome et à Naples. Elle
épousa successivement François Eugène
Malibran dont elle se sépara en conservant
le nom qu’elle immortalisa, puis le violoniste De Bériot. Elle chantait des rôles très
différents comme Desdémone de Rossini,
Norma de Bellini, Léonore de Beethoven.
Sa voix semble avoir été primitivement
celle d’un contralto que le travail était
parvenu à étendre dans l’aigu jusqu’à la
tessiture de soprano avec quelques notes
creuses dans le milieu. Musset consacra
son talent dans une ode célèbre.
MALIPIERO (Gian Francesco), compositeur et musicologue italien (Venise
1882 - Trévise 1973).
Contemporain de Stravinski, il forma avec
Pizzetti et Casella la triade du néoclassicisme italien ; il apporta à cette tendance
une personnalité ascétique et attachante,
aussi éloignée de la force irrésistible manifestée par le premier que de la large ouverture européenne du second. Sa vie fut une
suite de remises en question de son art
et de son message : issu d’une famille de
musiciens et de poètes, formé par les premiers pionniers de la renaissance instrumentale italienne de la fin du XIXe siècle, il
voulut se démarquer tant du postvérisme
que de la richesse foisonnante du monde
sonore de Wolf-Ferrari et de Respighi. Il
détruisit en 1913 ses oeuvres de jeunesse,
qu’il jugeait trop liées au passé et que la
découverte soudaine de Stravinski, de
D’Annunzio et de Ravel lui faisait renier.
Après avoir donné une première preuve
de son talent avec Pause del silenzio (1917)
et Pantea (1919), drame chanté et dansé à
la manière de la récente Légende de saint
Joseph de Richard Strauss, il se consacra
quelque temps à l’enseignement, puis
s’isola dans une retraite dorée, à Asolo,
de 1924 à 1936, période durant laquelle il
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
612
écrivit quelques-uns de ses chefs-d’oeuvre
lyriques (Torneo notturno, I Cantari alla
madrigalesca, La Favola del figlio cambiato) et où il entreprit la résurrection
des oeuvres de Monteverdi et de Vivaldi.
Il retourna à l’enseignement (Padoue,
1936), assura la direction du conservatoire
de Venise (1939-1952), y formant certains
des compositeurs les plus en vue de la
jeune école italienne, parmi lesquels Luigi
Nono, puis reprit une activité créatrice
plus intense qu’auparavant. Fortement
marqué par le passé glorieux de l’Italie
médiévale et renaissante, Malipiero, « de
la même manière que les Russes avaient
assimilé leur folklore », intégra les modes
grégoriens à son langage, d’une grande richesse instrumentale, et qui, récusant avec
ostentation les effusions romantiques et le
chromatisme germanique, ferait parfois
penser à un Pfitzner ou à un Honegger,
mais avec un lyrisme que son sang italien
ne pouvait renier. En effet, malgré une importante production instrumentale qui ne
comporte pas moins de onze symphonies,
neuf concertos, huit quatuors à cordes,
des sonates à la manière préclassique, des
choeurs et diverses pages de musique de
chambre dont le dépouillement touche
parfois à la nudité, Malipiero fut essentiellement un compositeur lyrique, jusque
dans ses oeuvres chorales ou sacrées telles
que Saint François d’Assise, la Cène, la
Passion (1935), etc. Ses opéras - plus de
trente - peuvent se répartir en trois périodes : celle des oeuvres « à panneaux » où
se juxtaposent des épisodes indépendants,
période comprenant notamment les Sette
Canzoni (Paris, 1920), qui, avec La Morte
delle Maschere et Orfeo, devaient constituer sa trilogie L’Orfeide (Düsseldorf,
1925) ; ce style connut son point culminant avec Torneo notturno (1929), une
suite de sept nocturnes, cependant que
Malipiero avait déjà amorcé une deuxième
manière qui, l’orientant vers de grands
auteurs (Goldoni, Pirandello, Calderón,
Euripide, Shakespeare), l’obligeait à adopter une progression dramatique, très nette
dans La Favola del figlio cambiato (1934)
d’après Pirandello, moins évidente dans
Jules César ou Antoine et Cléopâtre, le compositeur demeurant inexorablement fidèle
à son principe de la mélodie en perpétuel
renouvellement exempt de tout développement. Il revint ensuite à sa conception
originale des « panneaux » avec une importante succession d’opéras, depuis les
Caprices de Callot (1942) jusqu’à Uno dei
dieci, écrit à la veille de sa mort, oeuvres
où l’auteur donna enfin libre cours à une
création musicale de pure improvisation,
déchargée de toute implication dramatique.
MALIPIERO (Riccardo), compositeur et
critique italien (Milan 1914).
Neveu de Gian Francesco Malipiero, il a
étudié le piano et la composition à Milan
et à Turin (1930-1937), puis la composition à Venise avec son oncle. Depuis 1969,
il dirige le Liceo Musicale de Varèse. Il a
utilisé la technique sérielle dès 1946, avant
de s’orienter davantage vers les recherches
de timbre. On lui doit notamment l’opéra
bouffe La donna è mobile (1954, créé à
Milan en 1957), trois symphonies dont
la deuxième (Sinfonia cantata) avec voix
(1949, 1956, 1959), Serenata per Alice
Tully pour orchestre de chambre (1969),
Requiem 1975 pour orchestre (1975-76),
Notturno pour violoncelle et orchestre de
chambre (1986).
MALLARMÉ (Stéphane), poète français
(Paris 1842 - Valvins 1898).
Il a exercé une influence fondamentale sur
la littérature, mais aussi sur la musique
moderne. Il mène une activité très monotone de bureaucrate et de professeur d’anglais à Tournon, Besançon et Avignon,
avant de s’installer définitivement à Paris
et d’y vivre très retiré jusqu’en 1884. Il
consacre sa vie à la création du Livre,
« instrument spirituel » se proposant
« l’explication orphique de la Terre ». Très
attiré par la poésie des parnassiens, bouleversé par les Fleurs du mal de Baudelaire
et par les poèmes d’E. Poe (qu’il traduit en
1888-89), il proclame dès 1862 la nécessité
d’une oeuvre complexe et difficile d’accès
parce qu’ambitieuse. Après ses premiers
poèmes qui reprennent des thèmes baudelairiens, il écrit Hérodiade (1864-1869),
poème tragique de la difficulté d’être, de
l’absence, du monde abstrait, de l’idée
pure. Parallèlement, il compose l’AprèsMidi d’un faune (1865-1876), que Debussy
transpose en musique (1894). Après une
période de doute (1866), Mallarmé redéfinit sa conception de la poésie, expérience
métaphysique transposant les objets sur le
plan de l’esprit : il s’agit de « peindre non
la chose, mais l’effet qu’elle produit », en
cherchant à bannir à jamais le hasard de la
création artistique. Le conte particulièrement dense d’Igitur ou la Folie d’Elbeknon
(1867-1880), les Tombeaux, hommage à
Poe et Baudelaire (1877), enfin la Prose
pour des Esseintes (1885) sont considérés
par le poète comme des fragments énigmatiques du « grand oeuvre auquel ne suffit pas une vie », comme des bribes victorieusement arrachées au « vieux monstre
de l’impuissance ». Consacré par Verlaine
(cf. les Poètes maudits, 1883) et Huysmans
(À rebours, 1884), Mallarmé devient brusquement en 1884 « chef de file », maître de
la génération symboliste qui commence à
se réunir chez lui, rue de Rome : là ont lieu
les lectures du Livre. Il meurt une année
après avoir écrit le poème Un coup de dés
jamais n’abolira le hasard (1897), chefd’oeuvre de sa pensée poétique. La subtilité musicale des poèmes mallarméens a
été particulièrement attrayante pour les
compositeurs sensibles à son univers imaginaire et à la substance proprement phonique de son langage poétique. Après sa
première mise en musique d’un poème de
Mallarmé - Apparition pour voix et piano
(1882-1884) -, Debussy écrit le Prélude
à l’après-midi d’un jaune pour orchestre
(1892-1894), mais aussi Trois Ballades de
Mallarmé (Soupir, Placet futile et Éventail,
1913) pour voix et piano. Sainte pour voix
et piano (1896) et Trois Poèmes de Mallarmé pour voix, piano, quatuor à cordes,
deux flûtes et deux clarinettes (1930) forment l’hommage de Ravel à l’art poétique
de Mallarmé. La musique des trente dernières années témoigne d’un grand intérêt
pour l’art poétique et les visées théoriques
de Mallarmé. Ainsi, deux oeuvres capitales de P. Boulez, Pli selon pli/Portrait de
Mallarmé (qui met en musique les sonnets
le Vierge, le Vivace et le bel Aujourd’hui,
Une dentelle s’abolit et À la nue accablante
tue) et la Troisième Sonate pour piano (qui
cherche la transposition musicale du projet mallarméen du Livre) s’inspirent directement de la recherche mallarméenne,
car « dans le domaine de l’organisation de
la structure mentale de l’oeuvre, certains
écrivains sont allés beaucoup plus loin
que les musiciens » (P. Boulez). Fasciné
par l’art poétique mallarméen, par la technique de la « croissance continue » dans
l’oeuvre conçue comme un « univers en
expansion » (P. Boulez), par « l’espacement de la lecture », par la permutabilité
des fragments, par « les symétries créatrices » et par « les particularités formelles,
visuelles, physiques et décoratives » du
Livre mallarméen, Boulez cherche à réaliser avec les moyens du musicien contemporain les projets partiellement menés à
bien par Mallarmé. L’orientation structuraliste de l’époque postsérielle, ainsi que
la recherche de « l’oeuvre ouverte » dans
laquelle « il y a et il n’y a pas de hasard »
rejoignent curieusement les aspirations
mallarméennes. Le parallélisme entre les
principes formels des oeuvres de Boulez
inspirées directement par Mallarmé, d’une
part, et ceux des oeuvres « ouvertes », réalisées au cours des années 60-70 indépendamment de l’influence du poète, d’autre
part, prouve la contemporanéité incontestable des recherches mallarméennes..
MALVEZZI (Cristofano), organiste et
compositeur italien (Lucques 1547 - Florence 1599).
Venu très jeune à Florence, il est dès 1562
chanoine à S. Lorenzo, dont son père était
l’organiste, en devient maître de chapelle
en 1571 à la mort de Corteccia (il fut sans
doute son élève) et obtient le même poste
à la cathédrale en 1596. Malgré cette carrière, aucune de ses pièces sacrées n’a été
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
613
conservée. Il est l’auteur de livres de madrigaux (2 à 5 voix, 1 à 6 voix), de ricercari
à 4 voix et surtout d’une grande partie des
intermèdes donnés à l’occasion du mariage
de François de Médicis et Bianca Cappello
en 1579, de Cesare d’Este et Virginia de
Médicis en 1585 (L’Amico Fido, de Bardi)
et de Ferdinand de Médicis et Christine de
Lorraine en 1589 (La Pellegrina, de Girolamo Bargagli). La maladie l’empêcha de
composer à partir de 1589. Ses madrigaux,
d’un style traditionnel hérité de Corteccia,
annoncent néanmoins, par leur texture
homophonique et le soin apporté à l’expression claire du texte, le nouveau style
florentin. Son lien avec la Camerata a dû
être assez profond, car il collabore, lors
des intermèdes, avec Bardi surtout, Cavalieri et Peri, qui était son élève. Il est, pour
cela, une figure importante de la musique
à Florence au XVIe siècle.
MANCHE.
Élément constitutif de la plupart des
instruments à archet et à cordes pincées
(exceptions : psaltérions, harpes, cithares,
etc.), prolongeant la caisse de résonance et
le long duquel est posée la touche et sont
tendues les cordes.
Par la simple pression des doigts de la
main gauche, l’exécutant peut ainsi raccourcir celles-ci de manière à en hausser
le son à volonté. Tandis que sur les instruments à archet la touche est lisse, sur
ceux de la famille des luths et des guitares,
celle-ci est divisée par demi-ton à l’aide
de frettes qui servent de point de repère à
l’instrumentiste.
MANCHICOURT (Pierre de), compositeur franco-flamand (Béthune v. 1510 Madrid 1564).
Bien que les documents manquent sur
son enfance, on sait qu’il fut choriste à
la cathédrale d’Amiens vers 1525. Après
un passage à Tours (1539), on le trouve
ensuite à la cathédrale de Tournai (1545-
1556). En 1556, il est nommé chanoine
d’Arras. Mais il reçoit bientôt la nomination de « maître de la chapelle flamande »
du roi Philippe II d’Espagne et part pour
Madrid en 1559. Il y restera jusqu’à sa
mort. La musique religieuse occupe une
part prépondérante dans son oeuvre :
une vingtaine de messes, dont beaucoup
sont écrites sur des thèmes empruntés à
d’autres compositeurs (Sermisy, Mouton),
plus de soixante-dix motets. Mais il est
également l’auteur d’une cinquantaine de
chansons. Nombre de ses oeuvres ont été
publiées de son vivant chez les plus grands
éditeurs de l’époque : Attaingnant, Susato, Du Chemin. Ses oeuvres religieuses,
après les premiers motets influencés par
Ockeghem, se rapprochent du style des
successeurs de Josquin Des Prés, comme
Nicolas Gombert. La technique en est savamment élaborée (écriture en imitation,
surtout). Ses chansons, sauf rares exceptions, sont plus proches du style recherché
et élégiaque des Franco-Flamands que de
celui, populaire, de Janequin.
MANCINI (Giovanni Battista), castrat
et maître de chant italien (Ascoli 1714 Vienne 1800).
Élève à Bologne de Bernacchi et du padre
Martini, il fut appelé à la cour de Vienne
par l’impératrice Marie-Thérése en
1757. On lui doit un écrit théorique notable, Pensieri e riflessioni pratiche sopra il
canto figurato (Vienne 1774, trad. fr., 1776
et 1796), où il se montre analyste original
et théoricien intelligent.
MANDOLINE.
Instrument à cordes pincées d’origine italienne.
Sa caisse en forme de poire très renflée,
plus rarement aplatie, résonne sous l’effet
de quatre doubles cordes tendues sur un
manche garni de frettes. Le son de la mandoline, beaucoup plus court que celui de la
guitare, peut être entretenu par le grattement répété d’un plectre ou « médiator ».
Sa tessiture, son accord et son doigté sont
exactement ceux du violon. Nombre de
compositeurs classiques, dont Vivaldi
et Mozart, ont écrit pour la mandoline,
qui était encore très populaire au début
de ce siècle grâce à un choix à peu près
illimité de transcriptions à l’usage des
musiciens amateurs. Depuis, la guitare l’a
presque complètement supplantée.
MANDYCZEWSKI (Eusebius) [Eusebie
Mandicevschi], musicologue roumain
(Cernauti [Tchernovtsy] 1857 - Vienne
1929).
Fils d’un prêtre grec orthodoxe, il commença en 1875 des études à l’université de
Vienne, ville où il devait demeurer toute
sa vie. Élève de Hanslick (histoire de la
musique) et de Nottebohm (théorie), il se
lia d’une profonde amitié avec Brahms, et,
en 1887, succéda à C. F. Pohl à la direction
des archives de la Société des amis de la
musique. Il participa activement à l’édition complète des oeuvres de Schubert (en
particulier des lieder), Haydn (celle entreprise par Breitkopf et Härtel à l’occasion
du centenaire de la mort de ce compositeur en 1909) et Brahms. Pour l’édition de
Haydn, il s’occupa notamment des symphonies, et c’est lui qui, en 1907, en fixa la
numérotation chronologique (de 1 à 104)
telle qu’elle devait s’imposer par la suite.
Des découvertes plus récentes ont montré
que, sur certains points, cette « chronologie » demandait à être corrigée. Mais la
liste des symphonies de Haydn dressée par
Mandyczewski a l’immense mérite de ne
comprendre que des oeuvres authentiques,
et de n’en avoir omis que deux (Hob.I.107
et 108, toutes deux de jeunesse). Mandyczewski a édité également des oeuvres de
Bach et de Caldara. Comme compositeur,
on lui doit notamment douze messes orthodoxes. Il mourut peu après la tenue du
congrès international Schubert de 1928,
qu’il avait organisé.
MANFREDINI, famille de musiciens italiens.
Francesco, compositeur et violoniste
(Pistoia 1684 - id. 1762). Élève de Torelli et
de Perti à Bologne, il entra à l’Accademia
dello Spiritu Santo à Ferrare. En 1704, il
fut à la chapelle San Petronio de Bologne,
puis, en 1711, il prit la fonction de maître
de chapelle à la cour de Monaco. À partir
de 1727, on le retrouve à la cathédrale de
sa ville natale de Pistoia. Il a laissé de la
musique instrumentale (concertini, sonates en trio qui s’inscrivent à la suite de
celles de Torelli), et des oratorios : San Filippo Neri trionfante (1719), Tomaso Moro
(1720), L’Assedio di Sammaria (1725).
Vincenzo, compositeur (Pistoia 1737 -
Saint-Pétersbourg 1799). Il fut formé par
son père Francesco, puis par Perti à Bologne, et par Fioroni à Milan. En 1758, il
se rendit à Saint-Pétersbourg où il devint
maître de chapelle du grand-duc et de
Catherine II. En 1762, pour les fêtes du
couronnement de Catherine, il fit représenter à Moscou le ballet Amour et Psyché (perdu), et l’opéra L’Olimpiade. Mais
l’impératrice semble avoir peu goûté sa
musique, et à l’arrivée de Galuppi (1765),
Manfredini fut relégué au rôle de professeur de clavecin du grand-duc Paul. Il
revint à Bologne en 1769. En 1770, il fit la
connaissance de Mozart. Il collabora au
Giornale Enciclopedico d’Italie, publié à
Naples. En 1798, rappelé par le tsar Paul
Ier, il retourna à Saint-Pétersbourg, où il
mourut peu après. Son traité d’harmonie,
Regole armoniche (Venise, 1775), qui fit
autorité, fut par la suite traduit en russe
par le compositeur Degtiariov.
MANFROCE (Nicola Antonio), compositeur italien (Palmi Calabro 1791 - Naples
1813).
Ce musicien qui, comme Pergolèse et
Arriaga, disparut à la fleur de l’âge, fut
l’un des auteurs les plus originaux de la
période prérossinienne. D’abord élève de
Zingarelli, il se démarqua vite des modèles
traditionnels de l’opera seria, prêtant une
oreille attentive non seulement à la représentation de la Vestale de Spontini donnée à Naples en 1811, mais, d’une façon
générale, à tous les courants nouveaux
venus de France et d’Allemagne, surclassant Mayr sur son propre terrain. Plus que
dans sa musique de chambre, ses oeuvres
sacrées et son opéra Alzira (Rome 1810),
c’est dans Hecube, crée à Naples en 1812,
que l’on trouve l’aboutissement d’une
évolution dont Rossini allait aussitôt redownloadModeText.vue.download 620 sur 1085
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cueillir les fruits ; signalons notamment
une ouverture d’une puissance exceptionnelle, une tendance aux structures ouvertes, l’usage exclusif du récitatif obligé
où prédominent les vents, un orchestre
enrichi de quatre cors et trois trombones,
une maîtrise quasi mozartienne des effets vocaux, et, fait insolite, une longue
conclusion orchestrale après la mort de
l’héroïne.
MANN (Thomas), écrivain allemand
(Lübeck 1875 - Zurich 1955).
Contemporain de Wagner et Nietzsche,
et, par eux, de Schopenhauer († 1860), qui
éclairent tous trois sa propre création artistique et résument à eux seuls la seconde
moitié du XIXe siècle outre-Rhin (sinon
plus encore), Thomas Mann a connu les
deux guerres mondiales et les effondrements successifs de l’empire, de la république et du Reich nazi. Autant dire que
cet héritier de la grande bourgeoisie protestante porte en lui les stigmates d’une
course à l’abîme maladive, vécue pourtant
avec un sens croissant de la responsabilité collective de la Germanie tout entière
dans l’irruption du mal sur terre. Né dans
l’impasse d’une civilisation gorgée de wagnérisme, Thomas Mann, qui se veut à son
tour artiste moderne, constate que Wagner résume déjà toute la modernité, non
seulement dans sa production mais aussi,
surtout, dans son attitude. Toute création,
dès lors que l’originalité est impossible, ne
pourra plus être que conscience érudite
de tout ce qui précède, juxtaposition ironique de citations. Les thèmes wagnériens
abondent donc dans l’oeuvre de Mann, qui
en est la parodie (au sens étymologique
du mot) : une parodie acidulée d’ironie
nietzschéenne, mais victime elle aussi de
cet épuisement de l’âme et de l’art que
dénonçait Zarathoustra (le Petit Monsieur
Friedmann, Tristan, Tonio Kröger, Sang des
Wälsungs et, dans une moindre mesure,
Mort à Venise). Mann considère en effet
que le problème essentiel de l’artiste moderne est celui d’une dualité entre l’esprit
et la vie. L’esprit triomphant entraîne un
appauvrissement de l’élan vital, un goût
pour l’immoralisme, pour les interdits.
En même temps, l’artiste porte au coeur la
nostalgie d’un quotidien banal, aspirant à
une bonne conscience qui lui permettrait
de (re)devenir bourgeois. Grâce à l’ironie
et à la psychanalyse, Mann espère sortir de
la névrose wagnérienne. Ses héros, à la fois
figures mythiques et psychologues, sont
conscients de leur être, ne se leurrent pas
sur eux-mêmes. Leur attitude n’implique
aucun retour psychique au mythe qu’ils
véhiculent ; ils le comprennent sans y participer vraiment. Toutefois, un tel recul
est par essence conservateur. L’anamnésis
à laquelle se livre Mann lui permet sans
doute de déceler dans son temps les symptômes de la décadence, et même de les
découvrir en lui : il se refuse pourtant à
y porter remède par un retour sincère au
mythe de l’origine, car ce retour, dès lors
que l’ironie (la conscience lucide) ne le
guide pas, débouche inévitablement sur le
totalitarisme, le réveil des vieux démons ;
Mann ne vise pas ici les idées politiques de
Wagner, mais surtout la structure même
de son oeuvre, le rapport entretenu par la
musique et le mythe, le climat des représentations de Bayreuth. En fait, c’est bien
la musique, art de l’informulé, de l’irresponsable, de l’inconscient, qui apparaît
politiquement dangereuse lorsqu’elle se
hisse à pareil niveau de pouvoir, de volonté. Et Mann, qui ambitionne d’écrire
une oeuvre littéraire comparable, dans la
forme, le jeu du rythme, des constructions, aux grands livres de Bach ou à la
Tétralogie wagnérienne (Joseph et ses frères,
la Montagne magique, les Buddenbrook),
adopte de plus en plus, en les transposant,
les attitudes d’un Goethe par rapport à la
musique, d’un Heine devant son époque.
Face à l’animal dionysiaque (l’esprit),
l’élu, le plus souvent un musicien, est un
malade : Castorp, Félix Krull, Aschenbach, Jacob, Adrian Leverkühn, mettent
leurs pas dans les empreintes laissées par
Wagner jusqu’à ce que leur propre aventure se confonde avec celle de l’Allemagne
et débouche sur l’hitlérisme (Doktor Faustus). Adrian Leverkühn, le héros du Docteur Faustus (roman qui devait provoquer
une polémique avec Schönberg), apparaît
finalement comme une sorte de prototype du compositeur contemporain. Les
Confessions du chevalier d’industrie Félix
Krull, que la mort empêcha Mann d’achever, devaient dénoncer ce mécanisme en
montrant la parenté qui unit l’intellectuel
et l’escroc aimé de ses victimes.
MANNHEIM (école de).
Elle tire son nom de la ville de Mannheim,
sur le Rhin, et brilla d’un vif éclat de 1743
à 1777. Fondée au début du XVIIe siècle
(1606), plusieurs fois détruite par la
guerre dans les décennies qui suivirent,
la ville de Mannheim ne devint un centre
musical qu’en 1720, année où l’Électeur
palatin Carl Philipp, délaissant Heidelberg, s’y installa. Contrairement à celles
de la plupart des autres cours allemandes,
la chapelle de Mannheim ne comprit dès
ses débuts qu’une minorité d’Italiens.
Seuls certains chanteurs venaient d’audelà des Alpes, les instrumentistes étant
originaires soit de Bohême et de Silésie,
soit d’Innsbruck (où Carl Philipp avait
tenu sa cour avant de devenir prince-électeur), soit de Düsseldorf et des Pays-Bas.
Carl Philipp mourut le 31 décembre
1742, et eut comme successeur son fils Carl
Theodor, mécène et prince éclairé dont le
nom devait rester attaché à celui de l’école
de Mannheim. Passionné de musique,
instrumentiste lui-même, Carl Theodor
disposa dès 1745 d’un ensemble de 48
chanteurs et instrumentistes : ce chiffre
devait passer à 61 deux ans plus tard, et atteindre 90 en 1777 (dernière année passée
par Carl Theodor à Mannheim). De 1745 à
sa mort en 1757, l’orchestre de Mannheim
fut dirigé par Johann Stamitz (Jan Stamic),
natif de Bohême. Il eut comme successeur
Christian Cannabich. Excellent violoniste,
Stamitz fit de son orchestre un des meilleurs d’Europe. De cet orchestre, le célèbre
crescendo (témoignage parmi d’autres de
son extraordinaire discipline) fit sensation
à travers l’Europe, et, en 1772, Burney en
parla comme d’une « armée de généraux ».
En firent partie de remarquables instrumentistes, dont beaucoup (à l’instar de
Stamitz) originaires de Bohême : les violonistes Ignaz Fränzl, Carl et Anton Stamitz, fils de Johann, Karl Joseph et Johann
Baptist Toeschi, Jakob et Wilhelm Cramer
et Georg Zardt ; le violoncelliste Anton
Filtz ; le flûtiste Wending ; le hautboïste
Ramm. La plupart de ces instrumentistes
étaient également compositeurs (parmi
ces derniers, citons encore Franz Xaver
Richter et Ignaz Holzbauer). D’où, dans
beaucoup de musique écrite et entendue
à Mannheim, un net souci de nuancer
et de diversifier l’utilisation des instruments, ce qui se traduisit notamment par
la composition d’innombrables symphonies, d’innombrables concertos et surtout
d’innombrables symphonies concertantes
(genre dont Mannheim se fit presque une
spécialité). Mais cet accent mis sur la musique instrumentale n’empêcha à Mannheim l’essor ni de l’opéra ni de la musique
religieuse (Georg Joseph Vogler, Ignaz
Holzbauer).
Le 31 décembre 1777, Carl Theodor
reçut en héritage l’électorat de Bavière,
et dut abandonner Mannheim ainsi que,
non loin de là, le château de Schwetzingen, construit sur le modèle de Versailles.
La plupart de ses musiciens le suivirent
à Munich, et cet événement marqua la
fin de la grande période de Mannheim.
Juste avant ce « déménagement » de l’orchestre, Mozart, venant de Salzbourg et
en route vers Paris, s’était arrêté à Mannheim, et, de ce séjour, il devait profiter
beaucoup. Pour cette raison et d’autres,
plusieurs musicologues, à la tête desquels
Hugo Riemann, ont voulu faire du style
de Mannheim, dramatique mais sans
surprises, aristocratique et populaire
à la fois, l’ancêtre direct et la principale
source d’influence du classicisme viennois
(Haydn, Mozart). Une telle opinion n’est
plus de mise aujourd’hui. D’une part, en
effet, les traits de style les plus « tournés
vers l’avenir » de l’école de Mannheim
(crescendo, conception dramatique de la
musique instrumentale) s’étaient déjà rencontrés auparavant en Italie (loin d’avoir
inventé leur fameux crescendo, les musiciens de Mannheim s’en firent plutôt une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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spécialité) ; d’autre part, dans la mesure
où ces traits constituaient une réaction
contre l’ère baroque, on les trouvait également ailleurs, à Vienne en particulier.
Enfin, tous les genres de musique n’étaient
pas pratiqués à Mannheim de façon aussi
« progressiste » que la symphonie ou la
symphonie concertante : la musique religieuse, la musique de chambre et même
le concerto témoignaient de tendances en
général plus conservatrices, et quant aux
symphonies, elles n’étaient pas toutes, et
de loin, conçues selon les mêmes normes
« avancées ». En même temps qu’à Mannheim, une école de symphonistes se développa à Vienne. Le catalogue Breitkopf
montre que, dès les années 1760, les symphonistes viennois étaient plus diffusés en
Europe que ceux de Mannheim, et c’est
de l’école viennoise surtout que se nourrit
en ses débuts l’art d’un Haydn, d’autant
que, sur le plan musical, les relations entre
Mannheim et Vienne étaient relativement
peu développées. Elles n’eurent rien de
comparable aux rapports étroits entretenus entre Mannheim et Paris, ville où se
produisirent Johann Stamitz puis beaucoup d’autres musiciens de Carl Theodor,
et qui se fit à son tour une spécialité de
la symphonie concertante. Un Gossec ou
un chevalier Saint-Georges subirent bien
davantage l’influence de Mannheim qu’un
Haydn.
Après le départ de Carl Theodor, la
principale institution musico-culturelle
demeurant à Mannheim fut le Théâtre national, fondé depuis peu. Avec Napoléon,
la ville passa au grand-duché de Bade. À
partir des années 1780, Vienne était devenue sans conteste le principal centre de
création musicale dans les pays de langue
allemande, ce que même Berlin, après
avoir longtemps montré une opposition
farouche (et accepté un peu mieux Mannheim), avait dû reconnaître. Le classicisme
viennois reprit des éléments du style de
Mannheim, mais en les intégrant dans
une dynamique formelle toute nouvelle
et d’une vigueur intellectuelle auparavant insoupçonnée. Dans le même temps,
après avoir jeté mille feux et rempli une
mission historique essentielle, mais éphémère, le style de Mannheim se survivait ici
ou là, par exemple dans les productions
agréables mais relativement pâles d’un
Franz Danzi.
MANOURY (Philippe), compositeur
français (Tulle 1952).
Philippe Manoury a travaillé la composition avec Gérard Condé, Max Deutsch,
Ivo Malec et Michel P. Philippot. Il est,
avec Pascal Dusapin, un des représentants
les plus sérieux et les plus exigeants de la
très jeune école française. Son écriture,
d’une extrême richesse d’imagination et
souvent d’un constructivisme assez sévère
(Numéro cinq pour piano et 12 instruments, 1975), démontre un tempérament
d’une évidente personnalité, tout en faisant preuve d’une grande certitude stylistique, librement issue du postsérialisme,
et d’une réelle ascèse intellectuelle. Le sens
de la polyphonie y est flagrant, ainsi qu’un
goût pour la complexité, l’exploration des
sonorités, la tension dialectique, l’expression discursive et parfois une éloquence
lucide et délibérément romantique (Quatuor à cordes, 1977). Depuis son retour
d’un long séjour au Brésil, Philippe Manoury travaille à l’I. R. C.A. M. du centre
Beaubourg à Paris, où il a réalisé plusieurs ouvrages. Il est l’auteur d’un texte
de recherche sur les corrélations entre le
timbre et l’espace sonore.
Ses principales oeuvres sont : une Sonate
pour deux pianos (1972), Focus pour petit
orchestre (1973, Royan 1974), Cryptopho-
nos pour piano (1974, Metz 1974) - une de
ses pages les plus réussies -, Puzzle pour
voix, violoncelle et orchestre (1974, Royan
1975), Numéro cinq pour piano et 12 instruments (1975) - peut-être son oeuvre
la plus épurée et la plus rigoureuse -, un
grand et expressif Quatuor à cordes (1977),
le Tempérament variable pour clarinette,
petit ensemble et bandes magnétiques
(1978), Numéro huit pour deux orchestres
(1980), Zeitlauf pour voix, instruments,
dispositif électronique et bande (1982),
Instantanés pour 18 instruments (1983),
Aleph pour 4 chanteurs et 4 groupes d’orchestre (1985, version définitive 1987),
Jupiter pour flûte et machine 4× (créé à
l’IRCAM en 1987), Pluton pour piano et
ordinateur 4× (IRCAM, 1989), version
définitive de Numéro huit (Radio France,
1990), la Partition du ciel et de l’enfer pour
orchestre et système temps réel (1989),
Neptune pour clarinette et système temps
réel (1991), Prélude pour grand orchestre
(1992), Gestes pour trio à cordes (1992),
Pentaphone, cinq pièces pour orchestre
(1992), Matériaux en écho pour soprano et
système temps réel (1992).
MANUEL.
Adjectif pris comme substantif et appliqué
à l’orgue ou au clavecin pour désigner le
clavier, par opposition au pédalier.
Sur les partitions, le terme de « manuel » est souvent désigné par la lettre M.
MANZONI (Giacomo), compositeur et
musicologue italien (Milan 1932).
Après des études musicales (composition)
à Messine et au conservatoire de Milan et
des études littéraires à l’université Bocconi
à Milan, il travailla comme instrumentiste
d’orchestre, chef de choeur, critique musical (critique à L’Unità de 1958 à 1966,
rédacteur des revues Il Diapason, Prisma,
Musica/Realtà). Il enseigna l’harmonie, le
contrepoint et la composition au conservatoire Verdi de Milan et au conservatoire
Martini de Bologne. Ses travaux en musicologie se traduisent par sa participation
au Dictionnaire et à l’Encyclopédie de la
musique (Milan, 1964) et par son ouvrage
A. Schönberg - L’uomo, l’opera, i testi musicali (1975). (Manzoni a également traduit
en italien Th. W. Adorno - Philosophie der
neuen Musik, 1959, et Dissonanzen, 1959 et A. Schönberg - Harmonielehre, Milan,
1963 -, et d’autres textes didactiques intitulés Analisi e pratica musicale, 1974.)
Il est auteur d’oeuvres pour le théâtre
(Per Massimiliano Robespierre, 1974, créée
à Bologne en 1975, scènes musicales en
2 temps sur des textes de Robespierre et
d’autres ; Doktor Faustus d’après Thomas
Mann, Milan 1989), d’oeuvres vocales-instrumentales (Hölderlin/Frammento [1972]
pour choeur et orchestre, Masse : Omaggio a E. Varèse [1977] pour piano et orchestre, Modulor [1979] pour 4 orchestres,
Parole da Beckett [1971] pour 2 choeurs, 3
groupes instrumentaux et bande magnétique, Variabili [1973] pour orchestre),
et d’oeuvres pour ensembles de chambre
(Quartetto à cordes [1971], Percorso a otto
[1975] pour double quatuor à cordes, Sigla
[1976] pour 2 trompettes et 2 trombones,
Epodo [1976] pour quintette à vent, Percorso GG [1979] pour clarinette et bande
magnétique, Hölderlin : Epilogo [1980]
pour 10 instruments).
MARA (Gertrud, de - son nom véritable
Schmeling), soprano allemande (Cassel
1749 - Reval 1833).
Elle étudia à Londres et à Leipzig et débuta
à Dresde. Elle fut engagée à vie à l’Opéra
de Berlin par Frédéric II en 1771, mais
rompit son accord en 1780 pour faire
une carrière internationale. Elle débuta à
Londres en 1786 et remporta un énorme
succès dans le rôle de Cléopâtre du Giulio
Cesare de Haendel. Elle passe pour avoir
été une actrice médiocre, mais sa voix très
étendue était une des plus belles de son
époque.
Mara fut en fait la première cantatrice
non italienne à triompher dans le bel
canto sur toutes les scènes d’Europe.
MARACAS.
Instruments à percussion de la famille des
« bois ».
Elles sont faites de petites calebasses à
manche, à l’intérieur desquelles roulent
des billes de plomb, et se jouent par paires,
secouées ou tournées.
MARAIS (Marin), violiste et compositeur
français (Paris, 1656 - id. 1728).
Après avoir débuté comme enfant de
choeur à la maîtrise de Saint-Germain-
l’Auxerrois, Marais devient, à seize ans,
l’élève du célèbre violiste Sainte Colombe.
Titon du Tillet (le Parnasse françois)
raconte que l’élève « prenoit le tems en
été que Sainte Colombe étoit dans son
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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jardin enfermé dans un petit cabinet de
planches... afin d’y jouer plus tranquillement et plus délicieusement de la Viole.
Marais se glissoit sous ce cabinet ; il y
entendoit son Maître ». En 1676, il est
nommé « musicqueur du Roy » puis, en
1679, « ordinaire de la Chambre du Roy « ;
il conserve ce poste jusqu’en 1725. C’est
à Lully, duquel Marais a également reçu
l’instruction, qu’il dédie son premier livre
de pièces de viole (1686). Après la mort
de l’intendant - qui lui demandait souvent
d’assumer la direction de l’orchestre de
l’Opéra - Marais compose quatre opéras
pour l’Académie royale de musique. Le
plus célèbre d’entre eux demeure Alcyone
(1706) sur un livret de Houdar de la
Motte. La fameuse Tempête de cet ouvrage
est considérée à l’époque comme « une
chose admirable ». C’est d’ailleurs probablement à cette occasion que Marais aurait
introduit la contrebasse pour la première
fois dans l’orchestre de l’Opéra.
Sans doute le meilleur violiste de
France, Marin Marais doit-il sa réputation à sa musique de chambre ? Comme
ses opéras, fidèles au style lullyste, ses
suites de pièces de viole (danses, pièces
à titres descriptifs : les Fêtes champêtres,
l’Arabesque, la Voix humaine) le montrent
ardent défenseur de la musique française,
c’est-à-dire sévère contre les Italiens. À en
juger par leur difficulté technique (elles
font un grand usage des accords arpégés),
la virtuosité du maître, qui ne néglige
pas pour autant la sensibilité ni les trouvailles harmoniques, a été exceptionnelle.
Citons, à titre d’exemple, les trente-deux
variations du Second Livre sur le thème des
Folies d’Espagne. Enfin, dans le domaine
de la musique religieuse, Marais a composé un Te Deum, chanté pour la convalescence du Dauphin (1701, perdu).
MARCABRU, troubadour gascon ( ? v.
1100 - ? v. 1147).
Comme Guillaume IX et Jaufré Rudel, il
appartient à la première génération de
troubadours. Il était réputé pour son tempérament violent et pour sa misogynie. Ses
origines modestes demeurent obscures.
Un autre troubadour, le seigneur Aldric
d’Auvillars, aurait trouvé l’enfant abandonné pour le prendre sous sa protection.
Marcabru devient jongleur avant de voyager, dans le Midi, dans l’Île-de-France et
probablement jusqu’en Angleterre. Il se
rend également à la cour du roi Alphonse
VII de Castille, et à celle du comte de Barcelone. Des cinquante chansons environ
qui nous sont parvenues, quatre sont notées. L’une d’entre elles, une pastourelle
particulièrement belle et pleine de mélancolie, Pax in nomine Domini, traite de la
deuxième croisade (1147-1149).
MARCATO.
Mot italien désignant une manière de
jouer en martelant quelque peu les notes.
Le sens est légèrement différent du français « marqué », fréquemment employé
surtout au XVIIIe siècle, et qui s’applique
plutôt à la manière d’accentuer les temps
de la mesure pour bien faire sentir celle-ci.
MARCELLO, famille de musiciens italiens.
Allessandro, compositeur (Venise 1684 id. 1750). Esprit éclairé, il s’adonnait également aux mathématiques et à la philosophie. Membre de l’académie des Arcadiens
à Rome, il avait choisi le surnom de Eterico Stinfalico. Il donnait ses propres compositions lors de réunions hebdomadaires
dans sa demeure. Son oeuvre comporte des
cantates pour soprano et basse continue
(1708), des sonates pour violon et basse
continue (1708) ainsi que des recueils de
concertos dont les Concerti à 5, publiés
à Amsterdam (1716). Son oeuvre la plus
connue demeure le Concerto pour hautbois
et cordes en ré mineur, transcrit par Bach
pour clavecin.
Benedetto, compositeur (Venise 1686 Brescia 1739). Frère du précédent, il fut
l’élève d’Antonio Lotti pour la composition, mais se consacra d’abord au violon
et au chant. Il fut d’ailleurs le professeur
de Faustina Bordoni, une des plus illustres
cantatrices de l’époque. De famille noble,
et très cultivé, ce « nobile Veneto » mena
de front la musique et une carrière d’avo-
cat qui le conduisit à être juge au tribunal
de la Seingurie de Venise, puis membre
du Conseil des Quarante (1716) avant de
devenir Provediteur de la République de
Pola (1730-1738).
Marcello fut aussi homme de lettres
et publia des ouvrages parmi lesquels il
convient de citer surtout une satire des
milieux théâtraux de l’époque, Il Teatro
all moda (1720), qui eut un grand succès. Ses oeuvres musicales, savantes et de
haute qualité, tant instrumentales que
vocales, sont caractéristiques du baroque
italien à son apogée. Les douze Concerti
a cinque (1708) témoignent d’une grande
sensibilité et comptent parmi les meilleurs
exemples du genre. Mais son oeuvre maîtresse reste les cinquante paraphrases des
Psaumes de David sur des textes italiens
de G. A. Giustiniani, conçus pour une à
quatre voix avec l’accompagnement de la
basse continue, et intitulés Estro poetico
armonico (Venise, 1724-1726). Les préfaces de ces six volumes sont également
intéressantes. Marcello fut actif aussi dans
le domaine de l’oratorio (Giuditta, 1709,
sans doute perdu ; Gioàz, 1726 ; Il Trionfo
della poesia e della musica, 1733). En outre,
il laissa des messes et des oeuvres spirituelles. Pour le théâtre, il composa l’opéra
La Fede riconosciuta (1707), perdu et d’authenticité douteuse, et la pastorale Calisto
in Orsa (id., 1725). Sa musique de chambre
comporte des sonates pour clavecin, pour
flûte et basse continue, des cantates, ainsi
que des Canzoni madrigalesche e arie per
camera (1717).
MARCHAL (André), organiste français
(Paris 1894 - Saint-Jean-de-Luz 1980).
Aveugle, il fut, au Conservatoire de Paris,
l’élève de Gigout (orgue et improvisation, 1913) et de Caussade (contrepoint
et fugue, 1917). Il fut successivement
suppléant de Gigout à Saint-Augustin,
titulaire à Saint-Germain-des-Prés (19151945) et à Saint-Eustache (1945-1963),
tout en enseignant l’orgue et l’improvisation à l’Institution nationale des jeunes
aveugles. Exécutant de grand talent, il
a contribué au regain d’intérêt pour la
musique d’orgue française, en renouant
avec l’art d’une registration colorée et
variée, comme l’aimaient et l’exigeaient
les maîtres anciens, et qui avait été négligé
à l’époque romantique. En cela, il a beaucoup influencé les organistes et les fac-
teurs d’orgues vers un retour à l’esthétique
classique. Son domaine d’élection fut l’improvisation, où se donnait libre cours une
intense poésie intérieure. Son contemporain Marcel Dupré et lui ont représenté les
deux pôles opposés et complémentaires de
l’école d’orgue française, rigueur et sensibilité, austérité et liberté ; leur enseignement et leur exemple ont fécondé toute
la jeune génération d’organistes français.
MARCHAND (Louis), organiste, claveciniste et compositeur français (Lyon
1669 - Paris 1732).
Élève de son père et très précocement
doué, il fut organiste de la cathédrale de
Nevers dès l’âge de quinze ans, puis à la
cathédrale d’Auxerre. Venu à Paris en
1689, il y occupa les fonctions d’organiste
chez les jésuites de la rue Saint-Jacques,
aux églises Saint-Benoît, Saint-Honoré et
à celle des Cordeliers, assurant à partir
de 1706 l’une des charges d’organiste à la
chapelle royale. Homme dissipé, de tempérament irascible, il fut contraint de se
démettre de ses fonctions et de quitter la
France. En Allemagne, on voulut l’opposer à J.-S. Bach, mais il ne se présenta pas
au tournoi que Bach, à son corps défendant, remporta par forfait (on raconte que
Marchand avait espionné Bach répétant,
et avait préféré ne pas se mesurer à lui).
De retour en France, il fut organiste à la
cathédrale de Strasbourg et revint aux
Cordeliers de Paris. Virtuose éblouissant
et pédagogue écouté, il fut le professeur
de D’Aquin et de du Mage. Dans le domaine de l’orgue, il marque l’apogée du
style classique avec ses contemporains
Couperin et Grigny. Dans ses compositions pour cet instrument, il reste fidèle au
grand style de ses prédécesseurs, mais son
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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humeur fantasque se manifeste par une
imagination harmonique sans cesse en
éveil et une rythmique souvent irrégulière.
Il a laissé deux livres de pièces de clavecin,
cinq Livres de pièces choisies pour orgue,
trois Cantiques spirituels (sur les poèmes
de Racine), une cantate, Alcyone, des airs
français et italiens et un traité théorique,
Règles de la composition.
MARCHE.
Composition instrumentale de mesure
binaire, au rythme accentué, servant à
l’origine à marquer le pas d’une armée ou
d’une procession.
Dans le domaine militaire, la marche a
connu un immense développement et s’est
répandue dans la plupart des pays à tous
les corps d’armée. Mais elle est également
entrée dans la musique classique à partir
du XVIIe siècle. C’est Lully qui l’introduit
le premier dans l’opéra et le ballet. La
marche a pris rapidement la forme du menuet : première partie à deux sections avec
reprises, partie centrale (trio) plus mélodieuse, et retour de la première partie sans
reprise, avec parfois quelques variantes.
Son instrumentation, à l’origine, était
composée essentiellement d’instruments
à vent et de percussion.
La marche trouva place, aux XVIIIe et
XIXe siècles, dans l’oeuvre de Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Méhul. Mais à
partir de la même époque, différents genres
se distinguèrent : marche turque, marche
funèbre, marche hongroise (marche de
Rákóczi), marche nuptiale, sans compter
les nombreuses marches écrites pour des
occasions diverses (inaugurations, festivités, commémorations, etc.).
La marche peut également être vocale
(chants patriotiques et révolutionnaires
notamment).
MARCHE HARMONIQUE.
Procédé d’harmonie consistant à enchaîner au moyen d’une formule de transition,
susceptible d’être indéfiniment répétée,
deux ou plusieurs fragments dont chacun reproduit le précédent, avec ou sans
modulation, à une distance intervallique
donnée.
La pratique de la marche harmonique,
dite aussi marche d’harmonie, considérée comme entraînement à la modulation, constituait autrefois un exercice
pédagogique privilégié ; son abus l’a
quelque peu discréditée en lui valant à
la fin du XIXe siècle, surtout lorsqu’elle
était modulante, le surnom péjoratif de
rosalie, du nom d’une romance italienne
qui en faisait usage. Elle est aujourd’hui,
par réaction, considérée par les harmonistes avec quelque méfiance. La marche
d’harmonie est dite tonale lorsque, sans
moduler, les intervalles s’adaptent aux
degrés de l’échelle, modulante lorsqu’ils
se reproduisent tels quels en entraînant
modulation.
MARCHETTUS DE PADOUE, théoricien italien de la première moitié du
XIVe siècle.
Sa biographie est mal connue ; il fut probablement au service des rois de Naples.
Nous possédons de lui deux traités :
Lucidarium in arte musicae planae et le
Pomerium artis musicae mensurabilis. Un
résumé du Pomerium, Brevis compilatio in
arte musicae mensuratae, fut rédigé vers
1326. Le Lucidarium traite de la classification de la musique (consonances, dissonances, modes) ; le Pomerium s’attache
aux notations italiennes et françaises et
aux subdivisions de la brève (ternaire,
binaire).
MARCLAND (Patrick), compositeur français (Neuilly-sur-Seine 1944).
Il a travaillé à l’École normale de musique
de Paris la guitare classique avec Alberto
Ponce ainsi que l’écriture et la composition avec Max Deutsch, puis l’analyse avec
Yves Marie Pasquet au conservatoire de
Bobigny et avec Claude Ballif au Conservatoire de Paris. On lui doit notamment
un Trio pour clarinette, violon et violoncelle (1971), un Septuor pour flûte,
hautbois, clarinette, basson, cor, harpe et
percussion (1972), Tresses pour 12 cordes
solistes (1974), Mètres pour flûte, alto et
harpe (1974), Variants pour 16 instruments (1975), Passages pour flûte, alto,
harpe et orchestre (1975-76), Fragments
pour 2 ondes Martenot, guitare électrique
et percussion (1977), Stretto pour harpe
seule (1978), Failles pour flûte, alto, harpe
et orchestre (1978), et Versets pour 19 instruments. Il a aussi écrit des musiques de
film. Son opéra P.A., sur un livret de Jean
Baillon d’après les contes de Perrault, a
été donné à l’I. R. C. A. M. en novembre
1981. Suivirent notamment les ballets Elle
venait du côté de la mer (1988) et La porte
est refermée, la voilà sans lumière (1991).
MARCO (Tomas), compositeur espagnol
(Madrid 1942).
Il bénéficie d’une double formation : il a
suivi des cours à l’université (droit, psy-
chologie, sociologie), et a appris le violon
et la composition, sans compter les cours
de Darmstadt où il a participé, en 1967,
à l’oeuvre collective de Stockhausen Ensemble ; il a également reçu l’enseignement
de musiciens tels que Boulez et Ligeti. En
1969, il a obtenu pour Vitral (pour orgue
et ensemble à cordes) le prix national de la
musique en Espagne.
Ce compositeur mène de front de multiples activités : il travaille à la radio espagnole, donne des cours au conservatoire
de Madrid sur les nouvelles tendances ;
et dirige le groupe Koan, consacré à la
musique contemporaine, ainsi que des
concerts poursuivant le même but, Estuvio Nueva Generación. Il a publié plusieurs ouvrages : des monographies sur
Ives, Satie, Debussy et Ravel ; un livre
d’intérêt général, Música Española de Vanguardia (1970). Il a même fondé une revue
destinée à la musique de notre temps,
Sonda, et a effectué des travaux sur la perception musicale, car « il se préoccupe non
de la production du son, mais aussi de sa
réception ». Marco ne refuse aucune des
possibilités offertes par les techniques actuelles, mais l’électroacoustique l’intéresse
comme moyen, non comme but, comme
un élément intégré à la musique contemporaine. Il a présenté à Royan Rosa-Rosae,
quatuor pour flûte, clarinette, violon et
violoncelle (1969) et le concerto pour violon les Mécanismes de la mémoire (19711972). Il a composé des symphonies, dont
Sinfonia no 4 « Espacio Quebrado » (1987)
et Sinfonia no 5 « Modelos de Universo »
(1988-1989).
MARCUSSEN, facteurs d’orgues danois,
établis depuis 1806.
Dirigée aujourd’hui par Jürgen Zachariassen, la firme développe une activité
importante de construction et de restauration en Scandinavie, aux Pays-Bas et en
Allemagne.
MARÉCHAL (Maurice), violoncelliste
français (Dijon 1892 - Paris 1964).
Après avoir commencé ses études au
conservatoire de Dijon, il travaille au
Conservatoire de Paris, où il obtient le
premier prix de violoncelle en 1911. Il a
été soliste des concerts Lamoureux (1919)
et de l’Orchestre de New York (1926), et a
fait une carrière internationale. De 1942
à 1963, il a enseigné au Conservatoire
de Paris. Il a été le créateur de la sonate
pour violon et violoncelle de Ravel (avec
Hélène Jourdan-Morhange), de l’Épiphanie de Caplet, et des concertos de Honegger et de Milhaud. Pendant la Première
Guerre mondiale, à laquelle il participa, il
se fit fabriquer un violoncelle dans le bois
d’une caisse à munitions, instrument aujourd’hui conservé au Musée instrumental
du Conservatoire de Paris.
MARENZIO (Luca), compositeur italien
(Coccaglio 1553 - Rome 1599).
Après avoir appartenu à la maîtrise de la
cathédrale de Brescia (où il aurait eu pour
professeur Giovanni Continuo), il servit le
cardinal Madruzzo à Rome, avant de travailler pour le compte du cardinal Luigi
d’Este. En 1588, il est à Florence, déjà
connu (il a publié ses premiers livres de
madrigaux), et il y oeuvre pour les Médicis
(il collabore à la comédie-intermède La
Pellegrina, qui marque une étape importante, dans l’histoire de la réforme mélodownloadModeText.vue.download 624 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
618
dramatique, sur la voie qui aboutira au
jeune drame lyrique). Puis on le retrouve
à Rome au service de plusieurs princes et
prélats, dont le cardinal Cinzio Aldobrandini. Après un séjour à Venise en 1598, il
meurt à Rome où il est enterré.
Le succès que Marenzio a rencontré de
son vivant comme madrigaliste fait qu’il
a été pris comme modèle par plusieurs
générations de musiciens, parmi lesquels
on compte pratiquement tous les chefs
de file du temps, à commencer par Monteverdi. Moins audacieux et moins singulier, dans ses stravaganze, que le cruel
harmoniste Gesualdo, prince de Venosa,
il peut être considéré comme le grand
classique du mouvement madrigalesque
car, chez lui, le souci du fond se marie
toujours harmonieusement aux préoccupations de la forme. Charmeuse, ordonnée, amoureuse de lumière et de clarté,
son écriture témoigne d’une admirable
virtuosité, mais contrôlée par une sobriété
expressive qui commande à l’émotion. Ce
qui ne l’empêche pas de choisir avec un
remarquable discernement ses textes (Pé-
trarque, Torquato Tasso, Guarini dont le
célèbre Pastor Fido est, dans cette seconde
moitié du XVIe siècle, la « bible » des compositeurs profanes) et de faire écho, par les
effets descriptifs de la musique (le genre
madrigalesque est ainsi parfois qualifié
de « peinture par l’oreille »), à la vocation
poétique des paroles (O Voi che sospirate).
Sans doute son lyrisme raffiné est-il
plus sensible au bonheur pastoral ou bucolique qu’au trait dramatique. Reste que
ce maître parmi les maîtres sait aussi user
de l’effet chromatique pour privilégier
l’émotion avec le sentiment intense et que,
chez lui, le polyphoniste s’ouvre souvent
au nouveau style du temps, attentif à la
souplesse et à la symétrie des rythmes, à la
prosodie naturelle des mots et à une déclamation volontiers homorythmique (rejoignant en cela le programme esthétique des
mélodramatistes florentins).
MARI (Pierrette), femme compositeur et
musicographe française (Nice 1929).
Élève du conservatoire de Nice (19431946), où elle obtient quatre prix (piano,
solfège, histoire de la musique, harmonie), elle reçoit également le prix de la
Ville de Nice (1946). En 1950, elle entre
au Conservatoire national de musique
de Paris dans les classes de Noël Gallon,
Tony Aubin et Olivier Messiaen, remporte
un premier prix de contrepoint (1953)
et un premier prix de fugue (1954). Le
gouvernement autrichien lui alloue alors
une bourse pour participer au colloque
Musique et Théâtre à Salzbourg (1956).
Premier prix de la mélodie française
(1961), décerné par l’Union nationale des
arts, elle a exercé des activités de critique
dans plusieurs journaux, et écrit divers
ouvrages : Olivier Messiaen, Belá Bartók et
Henri Dutilleux. Elle est depuis 1977 chargée de cours à Paris IV-Sorbonne. Parmi
ses oeuvres : Psaumes, pour récitant et orchestre (1954) ; Divertissement pour flûte
et orchestre (1954) ; le Sous-Préfet aux
champs (1956) ; Trois Mouvements pour
cordes ; Concerto pour guitare (1971) ; les
Travaux d’Hercule (1973), et Dialogue avec
Louise Labé pour voix et cordes (1979).
MARIE (Jean-Étienne), compositeur
français (Pont-l’Évêque, Calvados, 1917 Nice 1989).
Après des études de musique, de théologie
et de mise en ondes, il commence à travailler comme musicien metteur en ondes
à l’O. R. T. F., à partir de 1949. Quelques
années plus tard, il réalise des musiques
électroacoustiques dans le cadre du Club
d’essai, mais indépendamment du Groupe
de recherches de musique concrète de
la R. T. F. ; il produit une expérience de
confrontation entre l’image composée et
le son avec Polygraphie polyphonique no 1
(1957), pour violon et « film sonore », et
il participe brièvement à l’expérience du
Concert collectif du G. R. M., avec l’Expérience ambiguë (1962). Il affirme également son intérêt pour l’utilisation des
micro-intervalles, dans un esprit proche
du compositeur mexicain Julian Carillo,
son inspirateur. C’est en hommage à ce
dernier qu’il compose le Tombeau de Julian Carillo (1966), pour piano en tiers de
ton, piano en demi-ton, et bande magnétique. Il écrit aussi, pendant les années 60,
Images thanaïques (1960) pour orchestre et
bande, Oboediens usque ad Mortem (1966)
pour orchestre, Appel au tiers monde
(1967) pour bande magnétique, sur un
texte d’Aimé Césaire, Tlaloc (1967) pour
orchestre et trois bandes magnétiques stéréo, et Concerto milieu Divin (1969), pour
grand orchestre et dispositif électroacoustique de « tape delay » (enregistrement
et relecture avec retard de l’exécution en
direct, à laquelle elle est superposée).
En 1966, il crée au sein de la Schola cantorum, où il est professeur, un studio et un
centre d’enseignement de musique électroacoustique, le Centre international de
recherches musicales (C. I. R. M.), installé
à Nice depuis 1975, où viennent travailler
divers compositeurs (dont son collaborateur Fernand Vandenbogaerde), qui y
produisent de nombreuses oeuvres pour
bande magnétique et « dispositif électroacoustique ». Il est aussi, pendant quelques
années à partir de 1968, l’animateur des
Semaines de musique contemporaine
d’Orléans. Dans le cadre du C. I. R. M.,
il a réalisé des pièces comme S 68 (1969),
« symphonie électroacoustique » pour
bande magnétique en trois mouvements
(Vent d’Est, Action, Demain), BSN 240
(1969) pour trois bandes stéréo à déroulement infini (ne retrouvant leur synchronisme de départ qu’au bout de deux
cent quarante heures), Savonarole (1970)
pour choeur, orchestre à cordes, deux récitants, six pistes magnétiques, Vos leurres
de messe (1972), pour trompette, cor, et
dispositif électroacoustique, Symphonies
(1972), pour orgue et bande magnétique,
etc.
Mais il abandonne au bout d’un certain temps ses lourdes tâches de direction pour se consacrer à ses recherches
personnelles. Son intérêt pour une « formalisation mathématique » de toute la
problématique musicale se développe, et
il en élabore la théorie « globalisante »,
à la manière de Xenakis (mais peut-être
sans les frappantes et immédiates intuitions de Xenakis), dans un gros ouvrage,
l’Homme musical, qui brosse un programme pédagogique passant par la sociologie, la technique, les mathématiques,
l’esthétique, etc. Les micro-intervalles,
envisagés comme le moyen de « faire se
rejoindre l’harmonie et le timbre », l’emploi de modèles mathématiques, une inspiration souvent religieuse, humaniste et
tiers-mondiste, demeurent les axes de son
oeuvre musicale, quand il entreprend de
repartir à l’aventure en mettant au point
une sorte de synthétiseur portable accordé
en micro-intervalles non tempérés, qu’il
baptise le C. E. R. M. (Complexe expérimental de recherche musicale). C’est
sur cet appareil qu’il exécute en concert
ses musiques nouvelles, telles que Irrationnelle homothétie (1979), et une série
d’oeuvres pour C. E. R. M., avec piano,
ou bande magnétique : Fractal-Figural I à
IV (1978-1981). Il attache également une
certaine importance à ses recherches sur
les rapports du son et de l’image, ayant
tenté notamment de donner une version
sonorisée nouvelle du Cuirassé Potemkine
d’Eisenstein. Jusqu’en 1986, il a dirigé le
festival MANCA de Nice, son successeur
étant en 1987 Michel Redolfi.
MARIÉTAN (Pierre), compositeur suisse
(Monthey 1935).
Après des études au conservatoire de
Genève sur les techniques d’écriture et le
cor, puis après une maîtrise sur le chant
grégorien, il aborde la composition avec
Zimmermann à Cologne (1960), puis avec
Stockhausen et Boulez à Bâle (1961-1963).
Au lieu de se fixer sur une technique, il recherche une sorte de dialectique entre plusieurs systèmes. Installé à Paris, il fonde
en 1966 le G. E. R. M. (Groupe d’études
et de réalisations musicales). Son effort
des années précédentes porte essentiellement sur l’acoustique musicale urbaine,
ce qui l’a conduit à une « musicalisation
de l’espace habitable » et à des expériences
sur l’écoute dans la ville de Monthey,
ainsi qu’à Cologne, Bonn (1977), et enfin
Paris. Il a enseigné à l’université de Paris
I, traitant de « l’urbanisme, architecture,
paysage, morphologie de l’environnement
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
619
et de l’habitat ». Parmi sa quarantaine
d’oeuvres, citons D’instant en instant pour
24 solistes (1980).
MARIMBA.
Instrument à percussion de la famille des
« claviers ».
C’est un xylophone basse, d’une étendue de trois et demie à cinq octaves, sonnant deux octaves plus bas que le xylophone classique. Il se distingue également
de celui-ci par les tubes résonateurs fixés
sous les lames pour prolonger leur vibration.
MARINI (Biagio), compositeur et violoniste italien (Brescia v. 1587 - Venise
1663).
Né dans une famille aisée, il fut violoniste
à Saint-Marc de Venise en 1615, puis travailla successivement à Brescia (1620) et
à Parme (1621). De 1623 à 1649, il vécut
principalement en Allemagne comme
maître de chapelle à la cour de Neuburg,
sur le Danube, tout en effectuant de fréquents voyages. Il fut ensuite maître de
chapelle à Milan (1649) et directeur de
l’Accademia della Morte à Ferrare (165253). On le vit à Vicenza en 1655-56. Son
oeuvre fut imprimée de son vivant en 22
numéros d’opus, dont certains perdus et
d’autres incomplets. Il écrivit de la musique vocale, essentiellement des pièces
à une ou plusieurs voix avec instruments
(Madrigali e symfonie op. 2, Venise 1618),
mais son importance réside surtout dans
sa production instrumentale (Affetti musicali op. 1, Venise 1617 ; Sonate, symphonie... e retornelli op. 8, Venise 1629).
MARKEVITCH (Igor), compositeur et
chef d’orchestre italien d’origine russe
(Kiev 1912 - Antibes 1983).
En 1914, sa famille quitta la Russie pour
Paris, puis pour la région de Vevey en
Suisse, où il commença ses études avec son
père Boris (auteur d’un traité de piano) et
avec Paul Loyonnet. Sa première composition, Noces (1925) retint l’attention de
Cortot qui l’invita à rejoindre sa classe de
piano à Paris. Il reçut également l’enseignement de Nadia Boulanger (harmonie,
contrepoint, composition). En 1929, Serge
de Diaghilev entendit sa Sinfonietta et lui
commanda un concerto de piano. À la
mort du mécène, il incorpora le matériel
de son ballet l’Habit du roi dans une cantate sur un texte de Jean Cocteau.
Son exécution par Roger Désormière
(1930), puis celle d’un concerto grosso
firent beaucoup pour asseoir sa renommée. Rébus (1932), qu’il dirigea lui-même
à Paris, lui valut un triomphe, de même
que l’Envol d’Icare (1933). Si le Psaume
(1934), qui avait choqué le public, est resté
une page de haute tenue, le Paradis perdu
(1935) d’après Milton constitue sa création la plus importante.
On a discerné, dans ses meilleures
oeuvres, une rythmique à la Stravinski,
une écriture polyphonique à la Hindemith. « Le langage de Markevitch n’est
pas essentiellement personnel, a écrit Paul
Collaer, il est éclectique. La profonde originalité de son art est due à l’esprit qui
s’y manifeste. » En 1936, Igor Markevitch
épousa Kyra, fille de Vaclav Nijinski ;
l’année suivante, il fit sensation au Mai
musical de Florence, en déclarant que les
compositeurs étaient partiellement responsables de l’isolement dont ils se plaignaient. En 1938, le succès du Nouvel Âge
apporta la confirmation de cette déclaration : Markevitch était en possession d’un
langage capable, lui, d’atteindre un vaste
public. Certaines de ses productions n’en
suscitèrent pas moins de violentes critiques. La Taille de l’homme (1938-39), sur
un texte de C. F. Ramuz, Laurent le Magnifique (1940) et Variations, fugue et envoi
sur un thème de Haendel (1941) restent les
trois dernières compositions originales du
musicien, qui, durant la guerre, rejoignit
en Italie les mouvements de résistance
avant d’entamer une seconde carrière,
celle de chef d’orchestre, domaine où il
est universellement connu. Organisateur
du Mai musical florentin en 1944, après
la libération de Florence, il a acquis la
nationalité italienne ; c’est également
l’époque de la dissolution de son premier
mariage, et d’un second mariage. Au cours
des trente ans qui suivirent, Markevitch
tint plusieurs postes de chef d’orchestre
permanent dans de nombreuses villes :
Stockholm, Paris (orchestre Lamoureux),
Montréal, Madrid, Monte-Carlo, Rome.
Ses concerts firent date, et l’éminent critique suisse R. Aloys Mooser n’hésita pas
à écrire : « Au cours d’une longue vie, j’ai
rencontré seulement deux compositeurs à
propos desquels on pouvait dire avec raison qu’ils possédaient des aptitudes égales
dans l’art de la composition et dans celui
de la conduite : Gustav Mahler et Richard
Strauss. À ces deux noms exceptionnels,
on peut ajouter celui d’Igor Markevitch. »
Fixé à Saint-Cézaire, près de Nice, depuis
1954, Markevitch a travaillé pendant des
années à la préparation de cours à l’attention de ses élèves et à une édition encyclopédique des symphonies de Beethoven qui
a commencé à paraître en 1982. En 1980
est paru le premier tome de ses mémoires
(Être et avoir été). En 1982, il a reçu le prix
Arthur-Nikisch de la ville de Leipzig et
obtenu la nationalité française.
MARKOWSKI (Andrzej), chef d’orchestre
et compositeur polonais (Lublin 1924 Varsovie 1986).
Il a fait ses études de théorie et de composition à Lublin (1939-1941) et à Londres
(1946-47), et, pour la direction d’orchestre, a été l’élève de Witold Rowicki
(1947-1955).
Sa carrière le mena tout d’abord dans
diverses villes de Pologne, en particulier à Cracovie, où il organisa un festival
pour jeunes musiciens, et, en 1971, il fut
nommé à la tête de la Philharmonie nationale à Varsovie. Comme compositeur, il
s’est consacré en particulier à la musique
de film, mais sans négliger pour autant
ni les genres traditionnels ni le domaine
électroacoustique.
MARLBORO.
Il est convenu d’appeler « festival de Marlboro » une série annuelle de 16 concerts
de musique de chambre donnés du début
du mois de juillet à la mi-août, en fin de
semaine, à Marlboro College (Vermont).
Ces manifestations prestigieuses ne sont
en fait que la partie publique des activités
de la Marlboro Music School and Festi-
val, vaste atelier de musique de chambre
fondé en 1950 par Louis et Marcel Moyse,
Blanche Honegger-Moyse, Adolf et Hermann Busch, et le pianiste Rudolf Serkin,
qui en est devenu le directeur artistique.
Chaque été, environ 85 musiciens
(concertistes, membres d’ensembles de
musique de chambre, premiers pupitres
d’associations symphoniques) sont invités à Marlboro pour étudier et exécuter
le répertoire de la musique de chambre
classique et contemporaine, échanger
des idées et partager leurs connaissances.
Toutes les formations imaginables, du
duo à l’orchestre de chambre, peuvent
être constituées « sur le tas », et une centaine d’oeuvres sont travaillées chaque semaine. Certaines font l’objet d’exécutions
publiques. Bien que les programmes du
« festival de Marlboro » ne soient jamais
annoncés avant le jour même du concert,
les bureaux de location affichent complet
longtemps à l’avance.
De nombreux interprètes célèbres,
parmi lesquels on peut citer Pablo Casals
et Rudolf Serkin, ont associé leur nom
à celui de Marlboro. Depuis 1965, des
ensembles baptisés « Music from Marlboro » effectuent régulièrement des tournées dans les villes des États-Unis et du
Canada.
MARMONTEL (Antoine), pianiste et
pédagogue français (Clermont-Ferrand
1816 - Paris 1898).
Il fut au Conservatoire de Paris l’élève
de Zimmermann (piano) et de Lesueur
(composition). Il obtint le premier prix
de piano en 1832. En 1848, il succéda à
Zimmermann. Pédagogue réputé, il forma
un grand nombre de pianistes et compta
parmi ses élèves Guiraud, Bizet, Diémer,
Albéniz, Debussy, Planté, M. Long. Ses
nombreuses compositions pour son instrument comprennent des sonates, des
études et des morceaux de genre. Il est
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
620
également l’auteur de traités, d’essais, et
de plusieurs ouvrages musicographiques
sur les interprètes : les Pianistes célèbres
(1878), Symphonistes et Virtuoses (1881),
Virtuoses contemporains (1882).
MAROS (Rudolf), compositeur hongrois
(Stachy, Slovaquie, 1917 - Budapest
1982).
Il étudie l’alto avec Temesváry et la composition avec Zoltán Kodály à l’académie
Franz-Liszt de Budapest. Il vient ensuite
à Prague suivre la classe d’Aloïs Hába et
suit les cours d’été de Darmstadt (19581960). Il enseigne lui-même dès 1942 au
conservatoire de Pécs, puis devient titulaire d’une chaire de musique de chambre,
de théorie de l’orchestration et de composition à l’académie Franz-Liszt de Budapest (1949-1972). Son oeuvre fait de lui le
seul successeur spirituel de Bartók qui ait
eu une personnalité suffisante pour assumer un tel héritage. Il fut certainement le
représentant le plus éminent de sa génération. À partir de 1956, il s’adonna essentiellement à la musique instrumentale,
jouant sur des blocs sonores aux timbres
raffinés tout en conservant un expressionnisme direct et saisissant, dans la tradition
bartokienne.
MAROT (Clément), poète français (Cahors 1496 - Turin 1544).
Plusieurs fois emprisonné et fugitif
comme adepte de la religion réformée,
il traduisit en vers les psaumes : 13 parurent de façon anonyme à Strasbourg
en 1539, avec la musique utilisée depuis
dans la liturgie calviniste, et 30 autres à
Anvers en 1541, sans musique. Leur total
devait atteindre 53, et les rééditions furent
nombreuses. La diffusion de ce « psautier huguenot », plus tard complété par
Théodore de Bèze, fut considérable. Dès
le XVIe siècle, la poésie de Marot fut une
très grande source d’inspiration pour les
musiciens : seul Ronsard fut alors mis en
musique plus souvent que lui. Janequin,
Lassus, Sermisy et bien d’autres s’inspirèrent de ses chansons et épigrammes. De
même, les Psaumes furent traités de façon
polyphonique par de nombreux compositeurs de l’époque, avec à leur tête Claude
Goudimel. À la période contemporaine
mirent en musique la poésie de Marot des
compositeurs comme Jean Rivier, Peter
Warlock, Jean Langlais et surtout Maurice
Ravel (Deux Épigrammes, 1896-1899).
MARPURG (Friedrich Wilhelm), musicologue, théoricien et compositeur allemand (Seehof, Wendemark, 1718 - Berlin
1795).
Sa vie est assez mal connue. Issu d’une
famille aisée, il reçoit une éducation très
complète, puis dépense toute sa fortune
en voyages. En 1746, il est secrétaire
d’un général « Bodenburg » (il s’agit sans
doute du général Friedrich Rudolph von
Rothenburg) à Paris, où il rencontre Voltaire, d’Alembert et Rameau. À partir
de 1749, il est à Berlin et participe alors
très activement à la vie musicale, avec en
particulier la publication de trois périodiques : Der kritische Musicus an der Spree
(1749-50), Historisch-kirtische Beyträge zur
Aufnahme der Musik (1754-1762, 1778) et
Kritische Briefe über die Tonkunst (17601764). Il ne se limite pas à la critique
musicale, mais se consacre également
à la composition, à l’édition musicale et
à la rédaction d’ouvrages didactiques. Il
semble avoir été moins actif à partir de
1763, date à laquelle il obtient un poste à
la loterie royale de Prusse, qu’il dirige trois
ans plus tard. Il a composé et édité surtout
des pièces pour clavier (sonates, fugues,
préludes, chorals) et des chants strophiques (lieder et odes), d’un intérêt plus
historique qu’artistique. Il accompagne
ces publications d’ouvrages théoriques :
Die Kunst das Clavier zu spielen (1750),
Anleitung zum Clavierspielen (1755),
Handbuch bey dem Generalbasse und der
Composition (1755-1758), Anleitung zur
Singcomposition (1758).
De tendance plutôt conservatrice, il
est un fervent admirateur de l’art contrapuntique de J.-S. Bach (dont il préface
une nouvelle édition de l’Art de la fugue
en 1752) et écrit un Abhandlung von der
Fuge (1753-54) qui, bien que considéré
comme démodé à l’époque, est en fait la
première tentative historique d’analyse
globale de cette forme. Il a, d’autre part,
le mérite d’introduire en Allemagne les
théories françaises sur la musique (en
particulier l’esthétique de Batteux), avec
lesquelles il s’est familiarisé lors de son séjour en France. Sa traduction des Élémens
de musique de d’Alembert (1757) permet
aux idées de Rameau de se répandre. Ces
différentes prises de position lui valent de
nombreux adversaires (Kirnberger, G. A.
Sorge). Dans ses périodiques au ton tantôt satirique, tantôt didactique, il aborde,
outre les questions déjà signalées, les
problèmes du tempérament, du récitatif
d’opéra, et présente diverses biographies
de musiciens. Son oeuvre constitue ainsi
un panorama très complet de l’Allemagne
musicale à cette époque, qu’il approfondit par un certain nombre d’ouvrages :
Anfangsgründe der theoretischen Musik
(1757), Kritische Einleitung in die Geschichte und Lehrsätze der alten und neuen
Musik (1758), Versuch über die musikalische Temperatur (1776), Legende einiger
Musikheiligen (1786).
MARQUER.
Verbe transitif signifiant qu’un passage ou
un accord doit être souligné ou accentué.
Deux indications peuvent être utilisées, soit le terme italien marcato, soit des
signes en forme de cône, droit (^) ou renversé (<).
MARRINER (Neville), violoniste et chef
d’orchestre anglais (Lincoln 1924).
Il reçoit ses premières leçons de violon de
son père, et obtient en 1940 une bourse
pour étudier au Royal College of Music
de Londres. Après la guerre, il termine ses
classes au R. C. M., puis au Conservatoire
national de musique de Paris, où il perfectionne sa technique instrumentale sous la
direction de René Benedetti. Il participe
avec Thurston Dart à la fondation du Jacobean Ensemble, et enseigne au Royal College of Music de 1949 à 1959. Encouragé
par Pierre Monteux, il travaille la direction d’orchestre avec celui-ci aux ÉtatsUnis et fonde, en 1959, l’Academy of Saint
Martin in the Fields de Londres, dont il
fait l’un des plus prestigieux orchestres de
chambre.
À l’instar de Charles Münch, N. Marriner délaisse insensiblement le violon pour
la baguette et partage son temps entre
ses divers orchestres et son métier de
chef invité (orchestre du Concertgebouw
d’Amsterdam, orchestres symphoniques
de Boston et San Francisco, Orchestre de
Paris, Orchestre national de France). Chef
et directeur artistique de l’Orchestre de
Chambre de Los Angeles (1969-1978), il
a été directeur musical de l’orchestre du
Minnesota à Minneapolis de 1979 à 1986,
et chef invité permanent de l’Orchestre de
la radio de Stuttgart de 1983 à 1989.
MARSCHNER (Heinrich), compositeur
allemand (Zittau 1795 - Hanovre 1861).
Se destinant d’abord au droit, c’est à l’âge
de vingt ans qu’il décida de se consacrer à
la musique, après avoir rencontré Beethoven à Vienne.
Il fut maître de chapelle chez le prince
Krasatkowitz à Presbourg, puis fut appelé
à Dresde par Weber, grâce à qui fut créé
son opéra Heinrich IV und d’Aubigné
(1820). Il fut directeur de la musique de
cette ville de 1824 à 1826, mais démissionna à la mort de Weber, pour occuper
le même poste à Leipzig l’année suivante.
C’est là que fut créé Der Vampyr (1828),
un de ses ouvrages les plus intéressants.
Dans le même temps, il voyagea à Berlin,
où il se lia avec Mendelssohn, et se rendit aussi à Dantzig, Aix-la-Chapelle et
Breslau. À partir de 1837, il s’établit à Hanovre où il donna Hans Heiling, qui passe
pour son chef-d’oeuvre (1833). Pendant
les vingt-cinq dernières années de sa vie,
assez curieusement, son activité de compositeur se ralentit, en dépit de succès qui
avaient fait de lui le successeur de Weber
à la tête de l’opéra romantique allemand.
Il faut néanmoins signaler la création, en
1845 à Dresde, de Kaiser Adolph von Nassau, sous la direction d’un chef d’orchestre
qui avait nom Richard Wagner.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Avec moins d’imagination musicale
que Weber, Marschner occupe cependant
une place importante dans le courant du
romantisme allemand.
MARTEAU (Henri), violoniste et compositeur français naturalisé suédois (Reims
1874 - Lichtenberg 1934).
Sa mère est une élève de Clara Schumann.
Formé au Conservatoire de Paris, il débute
une carrière de soliste dès 1893. Entre
1900 et 1907, il enseigne au Conservatoire
de Genève, et surtout succède à Joachim
en 1908 à la Hochschule für Musik de Berlin. En 1915, il émigre en Suède où il est
second chef de l’Orchestre de Göteborg
jusqu’en 1921. Auteur de nombreux trios
et quatuors, d’un opéra et de la cantate la
Voix de Jeanne d’Arc, il se passionne pour
la musique de son temps. Il crée une fondation pour promouvoir la musique suédoise, joue Berwald et est dédicataire du
Concerto de Max Reger. De 1921 à sa mort,
il enseigne à l’Académie allemande de
Prague, au Conservatoire de Leipzig puis
à celui de Dresde. Il a traduit en français le
Traité de violon de Joachim.
MARTELÉ.
Dans les instruments à cordes frottées,
coup d’archet détaché, bref et très accentué, pouvant se faire de la pointe ou du
talon, sans quitter la corde.
MARTELLI (Henri), compositeur français
(Bastia 1895 - Paris 1980).
Élève de Henri Widor (fugue et composition) au Conservatoire de Paris (19121924), il a dirigé les programmes de
musique de chambre et d’orchestre à la
radio (1940-1944), et présidé la section
française de la S.I.M.C. (1953). Dans un
style néoclassique ne dédaignant pas la
polytonalité, il a écrit notamment des
symphonies, de la musique de chambre,
des ouvrages pour la radio et le théâtre,
ainsi que, pour la scène, le ballet la Bouteille de Panurge (1938) et l’opéra bouffe le
Major Cravachon (1959), d’après Labiche.
MARTENOT (Maurice), ingénieur et musicien français (Paris 1898 - Clichy 1980).
Inventeur de l’instrument électronique à
clavier qui porte son nom, et auquel il a
apporté de nombreux perfectionnements
entre 1928 et 1954, il a créé en 1947 une
classe d’ondes Martenot au Conservatoire
national supérieur de musique. Auteur
d’une Méthode pour l’enseignement des
ondes musicales (1952), il s’est également
préoccupé de l’enseignement musical
sur le plan général et a fondé une école à
Neuilly-sur-Seine.
MARTIN (père Émile), philosophe, historien et chef de choeur français (Cendras,
Gard, 1914 - Lisieux 1989).
Élevé par son oncle, maître de chapelle à
la cathédrale de Nîmes, il transposait dans
tous les tons, à onze ans, la première fugue
du Clavier bien tempéré de J.-S. Bach.
Ordonné prêtre en 1939, oratorien, docteur ès lettres, président-directeur de la
société des chanteurs de Saint-Eustache à
partir de 1946, il obtint une certaine notoriété grâce à la Messe du Sacré-Coeur des
rois de France (1949), qu’il reconnut pour
sienne après en avoir attribué la paternité
à Étienne Moulinié (mêmes initiales).
On lui doit aussi un Libera me pour voix,
tam-tam, cuivres et orgue, et les oratorios
Psaume pour l’agonie du monde (1953), le
Voilier sous la croix (1957), Rex pacificus
(1959), et le Miroir de Jeanne, commande
d’État (1977).
Le père E. Martin a réalisé de nombreux
enregistrements et contribué à la résurrection de compositeurs oubliés comme
E. du Caurroy ou P. de Manchicourt. Il
est également l’auteur d’ouvrages musicologiques tels que Essai sur l’évolution
des rythmes de la chanson grecque antique
(Paris, 1953) et Une muse en péril : essai sur
la musique et le sacré (Paris, 1968).
MARTIN (Frank), compositeur suisse
(Genève 1890 - Naarden, Pays-Bas,
1974).
Fils de pasteur, il eut comme professeur
Joseph Lauber (piano, harmonie, composition), et ne fréquenta aucun conservatoire. Il entreprit aussi des études de
physique et de mathématiques. Après
la Première Guerre mondiale, il vécut à
Zurich, Rome et Paris, et enseigna la théorie rythmique à l’institut Jaques-Dalcroze.
Porté par goût vers la musique et l’esthétique françaises, il avait grandi dans un
milieu imprégné de culture et de musique
allemandes, et ses premières oeuvres
révèlent les traces de ce conflit. C’est le
cas, par exemple, des Trois Poèmes païens
pour baryton et orchestre (1910), d’après
Leconte de l’Isle, et de l’oratorio les Dithyrambes (1918), dont la création fut assurée
par Ernest Ansermet. Dans les Sonnets à
Cassandre, d’après Ronsard (1921) se manifeste l’influence de Ravel, et, avec le triptyque orchestral Rythmes (1926), le compositeur affirma une nette personnalité.
Suivit une période sérielle illustrée notamment par un premier concerto pour piano
(1933-34) et 1 trio à cordes (1936). De la
même époque datent le ballet Die blaue
Blume (1936) et une symphonie (1937).
Frank Martin ne parvint à la maturité
et à la certitude stylistique que vers l’âge
de cinquante ans, avec l’oratorio profane
le Vin herbé, d’après le Tristan de Joseph
Bédier. L’oeuvre est écrite pour 12 voix
solistes accompagnées par 7 cordes et 1
piano, et date de 1938-1941. Dès lors, la
production vocale du musicien devait se
partager entre textes allemands et français, et son art se définit comme une
parfaite synthèse d’éléments latins et
germaniques. Des quelque 80 ouvrages
constituant son catalogue, plus des deux
tiers sont postérieurs au Vin herbé. Dans le
sillage de ce premier chef-d’oeuvre se situe
Der Cornet, cycle de mélodies pour voix
d’alto (ou de mezzo) et orchestre d’après
Rilke (1942-43). Suivirent notamment les
Six Monologues de Jedermann pour alto ou
baryton et piano (1943, orch. 1949), les
oratorios In terra pax (1944-45) et Golgotha (1946-1948), une célèbre Petite Symphonie concertante pour harpe, clavecin,
piano et 2 orchestres à cordes (1945), les
opéras Der Sturm d’après Shakespeare
(1952-1955, créé à Vienne en 1956) et
Monsieur de Pourceaugnac d’après Molière (1961-62, créé à Genève en 1963), le
Mystère de la Nativité, oratorio/spectacle
d’après Arnoul Gréban (1959), les Quatre
Éléments (1964), une des rares partitions
symphoniques du compositeur, 1 quatuor à cordes (1967), 1 Requiem (1971), 1
concerto pour violoncelle (1965-66) et un
deuxième concerto pour piano (1968-69).
Tempérament grave et méditatif, Frank
Martin vécut aux Pays-Bas (d’abord à
Amsterdam, puis à Naarden), patrie de
sa troisième épouse, à partir de 1946,
et, de 1950 à 1957, enseigna la composition à l’École supérieure de musique de
Cologne, où il eut comme élève Karlheinz
Stockhausen.
MARTINELLI (Giovanni), ténor italien
(Montagnana 1885 - New York 1969).
Il fit ses débuts à Milan en 1910 dans le
rôle d’Ernani de l’opéra de Verdi. Puccini
le fit engager à Rome pour la première
américaine de La Fanciulla del West. En
1913, il chanta pour la première fois au
Metropolitan Opera de New York. Établi dans cette ville, il contribua, aux côtés
de Rosa Ponselle, à faire du Metropolitan
le premier théâtre Verdi du monde entre
les deux guerres. Après avoir chanté plus
de 50 rôles italiens différents, il aborda
celui d’Othello, qui fut un de ses grands
triomphes. Au moment où Lauritz Melchior chanta ce même rôle au Met, Martinelli y interprétait Tristan aux côtés de
Kirsten Flagstad. On a dit de son timbre
qu’il était d’argent plutôt que d’or. Il ne
possédait pas une ampleur vocale exceptionnelle, mais communiquait à ses interprétations un caractère grandiose qui les
recréait au plus haut niveau.
MARTINES (Marianne de), femme compositeur autrichienne d’origine espagnole (Vienne 1744 - id. 1812).
Première élève de Haydn dont le nom
nous soit parvenu (1751-1752), protégée
par Métastase, elle fit entendre dès 1761
une messe de sa composition. Elle comdownloadModeText.vue.download 628 sur 1085
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posa aussi des concertos, des symphonies
et des oeuvres religieuses, dont l’oratorio
Isacco (1782, livret de Métastase). Elle fut
aussi chanteuse, et son salon, vers 1795,
était un des plus célèbres de Vienne. Dans
une autobiographie adressée au padre
Martini et datée « Vienne, 16 décembre
1773 », elle déclara avoir eu comme maître
son père, Haydn et Giuseppe Bonno.
MARTINET (Jean-Louis), compositeur
français (Sainte-Bazeille, Lot-et-Garonne, 1912).
Il fit ses études aux conservatoires de
Bordeaux (1930-1934), puis de Paris, où
il travailla avec Roger-Ducasse (composition), ainsi qu’avec Münch et Désormière
(direction d’orchestre), et où il obtint un
premier prix de composition en 1943. Il
fut aussi l’élève de Ch. Koechlin (contrepoint), et, en 1945, fut de ceux que René
Leibowitz initia à la technique sérielle.
Comme Boulez, il s’inspira de la poésie
de Char, mais, contrairement à lui, il rechercha à la synthèse des diverses techniques d’écriture mises à sa disposition, se
montrant notamment influencé par Bartók. On lui doit, entre autres, 7 Poèmes de
René Char pour 4 voix solistes et orchestre
(1951-52), le poème symphonique Orphée
(1944-45), les fragments symphoniques
Prométhée (1947), la symphonie dramatique le Triomphe de la mort (1967-1973),
la cantate Sur le fleuve Tchou (1981-82),
Passacaille pour orgue (1984). Il a enseigné de 1971 à 1976 la composition au
conservatoire de Montréal.
MARTINI (padre Giovanni Battista),
théoricien, musicologue et compositeur
italien (Bologne 1706 - id. 1784).
Après avoir commencé à étudier avec
son père, Antonio Maria, violoniste et
violoncelliste, il poursuivit sa formation
musicale avec A. Predieri et G. A. Ricieri,
puis parfit ses connaissances avec F. A.
Pistocchi (chant) et avec G. A. Perti (composition). Il entra chez les Franciscains en
1721, prononça ses voeux l’année suivante
et devint officieusement en 1725, et officiellement deux ans plus tard, maître de
chapelle de Saint-François de Bologne. Il
fut enfin ordonné prêtre en 1729. Il devait
rester en ce couvent de Bologne jusqu’à
la fin de sa vie (refusant même le poste
de maître de chapelle à Saint-Pierre de
Rome) et s’y consacra à la musique et à la
recherche musicologique.
Homme remarquablement cultivé et
ouvert, il jouit très tôt d’une renommée
internationale et attira, par ses qualités intellectuelles et humaines, les plus grandes
figures artistiques de son époque, comme
en témoigne son abondante correspondance (Frédéric le Grand, Burney, Gluck,
Marpurg, Métastase, Quantz, Rameau,
Tartini). Pédagogue recherché, il compta
parmi ses élèves F. Bertoni, S. Mattei, G.
Sarti, ainsi que de nombreux autres musiciens (J. Chr. Bach, N. Jommelli, W. A.
Mozart).
Son enseignement et ses compositions
reposaient sur une connaissance profonde
de la polyphonie et du contrepoint, qu’il
développa dans de nombreux canons
(canons-énigmes surtout). Il écrivit beaucoup de musique sacrée (messes, litanies,
oratorios), mais également de la musique
profane vocale (intermezzos, arias) et
instrumentale (sonates et pièces pour clavecin ou orgue, concertos divers, sinfonias). Malgré quelques concessions faites
à l’art de son temps (en particulier au style
concertant et au style galant), il reste plutôt attaché au passé, faisant parfois usage
du stile antico et de l’écriture a cappella.
Son oeuvre musicologique est particulièrement remarquable par la richesse et la
diversité des imprimés et manuscrits qu’il
collecta. Burney estima l’importance de sa
bibliothèque à 17 000 volumes, dont une
partie (ainsi que sa correspondance) a été
conservée au Museo bibliografico musicale de Bologne. Il envisageait d’écrire
une Storia della musica, mais n’en publia
que 3 volumes (1761, 1770, 1781), qui ne
dépassent pas la musique antique. Il faut
également citer son Esemplare ossia saggio
fondamentale pratico di contrappunto sopra
il canto fermo (1774), où il réunit, dans un
but pédagogique, de nombreuses pièces
des plus grands maîtres de la Renaissance
et de l’époque baroque. Il est incontestablement l’un des grands musiciens du
XVIIIe siècle, comme l’atteste la vénération
dont l’entouraient ses contemporains, et a
été à l’origine par sa conception plus systématique de la recherche musicale, d’un
tournant décisif dans l’histoire de la musicologie.
MARTINI (Jean Paul Égide) ou JOHANN
PAUL AEGIDIUS MARTIN, dit SCHWARZENDORF, dit MARTINI IL TEDESCO, compositeur français d’origine allemande
(Freystadt, Bavière, 1741 - Paris 1816).
Il voyagea dans sa jeunesse sous le pseudonyme de « Schwarzendorf », et, après
un séjour à Nancy au service de Stanislas
Leczinski, arriva à Paris en 1764. Il y fut
directeur de la musique du comte d’Artois
et du théâtre de Monsieur (devenu théâtre
Feydeau), et, en 1794, connut un triomphe
avec son opéra Sappho. Il fut aussi inspecteur (1798) et professeur de composition (1800-1802) au Conservatoire, et,
en 1814, Louis XVIII le nomma directeur
de l’orchestre de sa Cour. Il écrivit dans
sa jeunesse beaucoup de musique militaire, mais sa renommée lui vint surtout
de ses opéras-comiques, parmi lesquels
l’Amoureux de quinze ans (1771), Henri
IV, ou la Bataille d’Ivry (1774), et Annette
et Lubin (1789). La célèbre romance Plaisir
d’amour lui a valu l’immortalité.
MARTINON (Jean), chef d’orchestre et
compositeur français (Lyon 1910 - Paris
1976).
Après avoir commencé ses études musicales au conservatoire de sa ville natale,
il entra à seize ans au Conservatoire de
Paris, où il étudia avec Albert Roussel (composition), Roger Désormière et
Charles Münch (direction d’orchestre). Il
reçut un premier prix de violon en 1928
et travailla, en outre, la composition auprès de Vincent d’Indy. Au moment où
il aurait pu entreprendre une carrière de
violoniste (1934-1936), il fut amené à
remplacer Charles Münch à la dernière
minute à Londres, et révéla des dons exceptionnels pour la direction d’orchestre.
À la fin de la guerre, à son retour de captivité, il commença à diriger les associations
symphoniques parisiennes, dont la Société
des concerts du Conservatoire, comme
suppléant de Charles Münch, tout en effectuant des tournées à travers le monde.
Chef d’orchestre associé au London Philharmonic Orchestra en 1949, il assuma,
à Paris, de 1951 à 1957, les fonctions de
président-chef d’orchestre des concerts
Lamoureux.
Directeur artistique de l’Orchestre de
Tel-Aviv (1958), il fut nommé directeur
général de la musique à Düsseldorf (1960),
poste naguère occupé par Mendelssohn et
Schumann. Se trouvant le premier musicien français à occuper de hautes fonctions en Allemagne, il continua sa carrière
internationale ; son succès fut tel aux
États-Unis, que, après quelques concerts à
Boston et à Chicago, le poste de directeur
musical de l’Orchestre symphonique de
Chicago lui fut offert en 1965 ; il y succéda à Fritz Reiner, et y dirigea environ
150 programmes jusqu’en 1968, date à laquelle il prit la tête de l’Orchestre national
de la radiodiffusion française. La dernière
direction qu’il assuma (à partir de 1974)
fut celle de l’Orchestre de la résidence de
La Haye. Souffrant de n’avoir jamais été
tout à fait consacré dans sa patrie, Jean
Martinon fut l’un des rares chefs français à
faire une brillante carrière internationale,
à la suite notamment de Pierre Monteux et
de Charles Münch. Il attachait beaucoup
d’importance au disque, et on lui doit
de nombreux enregistrements de Berlioz, Debussy, Ravel, Roussel, Honegger,
Dukas, Saint-Saëns, mais aussi de Bartók,
Prokofiev, Chostakovitch, Nielsen. Il fut le
seul Français à recevoir la médaille Gustav-Mahler.
Jean Martinon a laissé le souvenir
d’un artiste idéaliste, épris d’action, d’un
humaniste à la pensée élevée. Malgré un
calendrier toujours chargé, il s’est livré à
la composition et a laissé une oeuvre importante : 1 opéra (Hécube, 1949-1954),
2 oratorios (Psaume 136, 1945 ; le Lis de
Saron, 1961), 4 symphonies, 2 concertos
pour violon, 1 concerto pour violondownloadModeText.vue.download 629 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
623
celle, 1 concerto pour flûte, des choeurs
et de nombreuses oeuvres de musique de
chambre.
Un sens de la couleur, de l’équilibre et
de la dynamique orchestrale caractérisent
des symphonies comme la deuxième
(Hymne à la Vie, 1944), ou la quatrième
(Altitudes, 1965). C’est au moment où
il était directeur à Chicago qu’il reçut la
commande de cette dernière, pour fêter
les soixante-quinze ans de l’orchestre. Ce
geste était un bel hommage à son talent
de chef et de compositeur. Le titre de
l’oeuvre rappelle que Jean Martinon fut un
grand alpiniste. « Dans la vie turbulente
des villes, a-t-il déclaré, nous sommes
obstrués par nous-mêmes comme par les
autres. En montagne, on recherche une
purification, vers Dieu. »
MARTINŮ (Bohuslav), compositeur
tchèque (Polička 1890 - Liestal, Suisse,
1959).
Né dans une famille modeste, à Polička
sur le plateau tchéco-morave, Martinu
développa sa sensibilité en observant la
nature, tout en apprenant la musique. Le
jeune garçon était rêveur, ce qui lui valut
des déboires, plus tard, au Conservatoire
de Prague, où il eut comme professeur
Josef Suk. Il composa de bonne heure,
mais c’est la cantate Rapsodie tchèque de
mai-juin 1918, destinée à célébrer l’indépendance nationale retrouvée, qui lui
apporta une reconnaissance officielle. Il
entra comme second violon à la Philharmonie tchèque, alors dirigée par Vaclav
Talich. Admirateur de Debussy, se sentant
gêné par l’atmosphère de postromantisme
qui régnait à Prague, il ne trouvait pas encore sa voie comme compositeur. Le tournant décisif devait cependant se préciser
en 1923, lorsque l’orchestre dans lequel il
jouait interpréta le Poème de la forêt d’Albert Roussel. Muni d’une modeste bourse,
Martinºu s’embarqua pour Paris, désireux
de suivre l’enseignement de Roussel qui,
au vu de ses premiers essais, l’accepta
d’emblée comme élève. Des nombreux
disciples de Roussel, c’est Martinů qui
devait faire le plus honneur à son maître,
à travers ses compositions. « Ce que je suis
venu chercher chez lui, devait-il déclarer,
c’était l’ordre, la clarté, la mesure, le goût
et l’expression directe, exacte et sensible,
les qualités de l’art français que j’ai toujours admirées. »
Les quelques semaines qu’il voulait passer à Paris devinrent dix-sept ans ; se maria
avec Charlotte Quennehen et fréquenta le
groupe de musiciens d’Europe centrale de
l’école de Paris. Après le démembrement
de la Tchécoslovaquie et le début de la
guerre, il fut mis sur la liste noire des nazis
pour ses activités patriotiques. En 1940,
il connut avec son épouse l’exode à travers la France, avant de s’embarquer pour
les États-Unis. Il eut la chance d’y voir
s’ouvrir de nouvelles perspectives, grâce
à l’appui généreux de Serge Koussevitski,
qui lui obtint une chaire à l’université de
Princeton et lui commanda une oeuvre, la
Première Symphonie (1942). Quatre autres
symphonies devaient bientôt lui succéder.
En 1945, à la libération de la Tchécoslovaquie, Prague offrit une chaire de composition au musicien, retenu aux États-Unis
à la suite d’un grave accident. Il ne devait
jamais revoir sa patrie : après avoir quitté
les États-Unis en 1953, il partagea ses dernières années entre Rome, Nice et Bâle, où
il fut souvent l’hôte de Paul Sacher.
Après Villa-Lobos et Milhaud, Martinů
reste l’un des musiciens les plus féconds
du XXe siècle. Dressant le catalogue de
son oeuvre, Harry Halbreich a dénombré
384 numéros. Trois périodes peuvent être
approximativement définies, pour suivre
son cheminement, au cours de trente-cinq
années de création incessante.
De 1924 à 1938, le compositeur prend
possession de son langage, le rythme
domine - influence de la danse tchèque,
de la polka, voire du jazz. De nombreuses
oeuvres instrumentales néoclassiques
naissent, surtout en musique de chambre
ou pour petit orchestre, ainsi que plusieurs opéras, dont Julietta (1936-37, créé
à Prague en 1938), d’après Juliette ou la
Clé des songes de Georges Neveux, point
culminant de son oeuvre jusque-là.
Une deuxième période, recouvrant les
années 1938-1950, voit l’apogée de son
génie. Elle débute par le Concerto pour
deux orchestres à cordes, piano et timbales
(1938). L’ère symphonique s’ouvre, les
cinq premières symphonies sont écrites
coup sur coup (1942-1946). Autour
d’elles, apparaît une floraison de concertos, pièces concertantes pour orchestre de
chambre, sonates, quatuors, quintettes.
L’harmonie gagne en plénitude et en originalité, tout en perdant une partie de sa
rudesse agressive.
Dans sa troisième période enfin, l’art de
Martinů s’oriente vers une sorte de néo-
impressionnisme romantique, illustré par
des oeuvres à programme, souvent rhapsodiques, et par un retour à l’opéra, où la
diversité des sujets est à la mesure de la
curiosité du musicien en matière littéraire
et poétique : De quoi vivent les hommes,
d’après Léon Tolstoï (1952, opéra télévisé) ; le Mariage, d’après Nicolas Gogol
(1952, opéra télévisé ; New York, 1953) ;
l’Épopée de Gilgamesh (1955) ; Mirandolina, d’après La Locandiera de Carlo Goldoni (créé à Prague, 1959) ; Ariane, d’après
Georges Neveux (1958, créé en 1961) ; la
Passion grecque, d’après le Christ recrucifié
de Nikos Kazantzakis (1956-1959 ; créé à
Zurich, 1961). Au milieu d’un flot de musique de chambre, de nouvelles partitions
orchestrales s’ajoutent, à la suite des cinq
symphonies, la sixième symphonie, dite
Fantaisies symphoniques (1951-1953), les
Fresques de Piero della Francesca (1953), les
Paraboles (1957-58).
Le langage de Bohuslav Martinů tire
une partie de sa substance du folklore
tchèque, sans jamais le citer réellement.
Né aux confins de la Bohême et de la
Moravie, il est ethniquement morave, ce
qui explique certaines affinités avec Leos
Janáček dans ses inflexions mélodiques
et rythmiques. Deux autres sources à
prendre en considération sont Debussy et
la musique française, d’une part, le madrigal anglais d’époque élisabéthaine, d’autre
part. Contrairement à plusieurs grands
musiciens ayant vu leurs sources d’inspiration contrariées, sinon taries, à la suite
de l’exil, Martinů a toujours chanté son
terroir natal, quel que soit le sujet d’inspiration du moment. Julietta et la Passion
grecque sont aussi tchèques dans leur musique qu’Othello de Verdi avait été italien.
Sa musique communique un sentiment
de joie pure, claire, franche et tourbillonnante. « Ce qui frappe chez Martinů, c’est
la force motrice », devait écrire Ernest
Ansermet. Sa conception orchestrale est
basée sur le principe du concerto grosso,
comprenant une utilisation originale du
piano, à mi-chemin entre le rôle du soliste
et celui de la percussion. Martinů peut être
considéré comme un des symphonistes les
plus importants depuis Sibelius. Comme
chez ce dernier, le thème ne détermine
plus le mouvement : les thèmes, naissant
au contraire du courant symphonique
lui-même, sont portés par lui. Des cellules
mélodiques souvent très petites peuvent
s’épanouir en mélodies infinies (cf. le
Tristan de Wagner). La notion de développement classique - opposition de deux
thèmes - est secondaire, l’unité est assurée
par la poussée d’ensemble. En outre, à la
suite de Carl Nielsen et de Gustav Mahler,
Martinů a adopté le concept de tonalité
évolutive : ses symphonies ne se terminent
pas dans la tonalité dans laquelle elles ont
commencé. À l’encontre des postromantiques souvent attachés aux idées philosophiques, aux développements grandioses,
ce musicien recherchait la poésie profonde des choses simples ; il en tirait un
plaisir de créer, une spontanéité, dans la
musique de chambre comme dans la symphonie ou l’opéra. Installée à Prague, la
Fondation Bohuslav Martinů a pris une
nouvelle extension en 1995 en créant un
centre d’études destiné aux chercheurs
(bibliothèque de partitions, documents,
discothèque).
MARTIN Y SOLER (Vicente), compositeur espagnol (Valence 1754 - Saint-Pétersbourg 1806).
Il fit sans doute ses débuts de compositeur
d’opéras à Madrid en 1776, étudia peutêtre avec le padre Martini à Bologne, et,
de 1779 à 1785, écrivit de nombreux opéras pour divers théâtres italiens. De 1785
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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à 1788, il vécut à Vienne, où il obtint la
faveur de Joseph II et écrivit sur des livrets
de Da Ponte 3 opéras : Il Burbero di buon
cuore, adaptation de Goldoni (1786), Una
cosa rara (1786) et L’Arbore di Diana
(1787). Ces 3 oeuvres, en particulier la
deuxième (dont Mozart devait citer un
thème dans le second finale de Don Giovanni), obtinrent un énorme succès, dont
souffrit plus ou moins les Noces de Figaro
de Mozart, créé entre Il Burbero di buon
cuore et Una cosa rara.
Auteur auparavant de zarzuelas et
d’opere serie, Martin y Soler avait ainsi
trouvé sa voie avec l’opéra bouffe. De 1788
à 1794, il fut au service de Catherine II à
Saint-Pétersbourg, où il donna notamment Gore bogatyr Kosometovitch « (le
Pauvre Héros Kosometovitch »), sur un
livret de l’impératrice elle-même (1789).
En 1794, il retrouva Da Ponte à Londres,
et y donna avec lui, en 1795, La Scuola dei
maritati et L’Isola del piacere, d’ailleurs
non sans recourir à ses fonds de tiroir :
les Carnets de Haydn, qui assista à une
représentation de L’Isola del piacere, nous
apprennent que l’ouverture était celle de
L’Arbore di Diana, et qu’on retrouvait
dans l’ouvrage « un tas de vieilles choses
de Cosa rara ». En 1796, Martin y Soler
retourna à Saint-Pétersbourg, où il fut
nommé conseiller d’État (1798) et inspecteur du Théâtre-Italien (1800). La fin de sa
carrière y fut cependant assombrie par la
rivalité, en Russie, de l’opéra français et de
l’opéra italien.
MARTUCCI (Giuseppe), pianiste, chef
d’orchestre et compositeur italien (Capoue 1856 - Naples 1909).
Élève du conservatoire de Naples, il fut à
la tête du Liceo musicale de Bologne de
1886 à 1902, puis du conservatoire de
Naples. Il dirigea la première italienne
du Tristan de Wagner (Bologne, 1888).
Outre de nombreuses pages pianistiques,
il écrivit notamment 2 symphonies (1895,
1904), 1 concerto pour piano (1885), le
poème pour voix et orchestre, La Canzone
dei ricordi (1886-87), et l’oratorio Samuel
(1881 ; rév., 1905).
MARX (Adolf Bernhard), musicologue et
compositeur allemand (Halle 1795 - Berlin 1866).
Il étudia la musique avec D. G. Türk
à Halle et commença une carrière judiciaire à Naumburg, puis à Berlin. Là, il
prit des cours de composition avec K. F.
Zelter, mais les cessa assez rapidement
pour fonder en 1824 le Berliner Allgemeine
Musikalische Zeitung, dont il fut rédacteur
jusqu’en 1830. Reçu docteur en philosophie à l’université de Marburg (1828),
il devint, grâce à la recommandation de
Mendelssohn, professeur à l’université de
Berlin (1830) et directeur de la musique
(1832). Enfin, en 1850, il fonda avec Th.
Kullak et J. Stern la Berliner Musikschule
(devenu le Conservatoire Stern, puis le
Städtisches Konservatorium), qu’il quitta
en 1856 pour se consacrer à ses fonctions à
l’université et à l’enseignement de la composition.
Ses oeuvres, qui comprennent surtout
de la musique vocale (chansons et pièces
chorales, oratorios, cantates, un singspiel,
un mélodrame) et quelques pièces pour
piano, ont eu peu de succès. Seul son oratorio Moses (créé à Leipzig, 1844) jouit
d’une certaine popularité, malgré les critiques sévères de Schumann et de Mendelssohn. Il est surtout resté célèbre pour
ses écrits musicologiques et pédagogiques.
Die Lehre von der musikalischen Komposition (4 vol., 1837-1847) et Allgemeine Musiklehre (1839), écrits pour les étudiants de
l’université et où l’on perçoit l’influence
de Logier, représentent, par leur systématisation des phénomènes musicaux,
un tournant dans l’histoire de l’analyse
musicale, et auront une influence durable
et considérable sur les traités ultérieurs et
l’éducation musicale. Ses biographies de
musiciens (Ludwig van Beethovens Leben
und Schaffen, 1859 ; Gluck und die Oper,
1863, 2e éd. 1866), bien que très romancées, sont précieuses pour leur témoignage
sur l’esthétique de l’époque, de même que
ses mémoires (Erinnerungen aus meinem
Leben, 1865) et Die Musik des 19. Jh. und
ihre Pflege (1855, 2e éd. 1873). Il est, enfin,
avec son maître Zelter et Mendelssohn,
un des pionniers du renouveau baroque,
avec, en particulier, ses éditions des parties vocales de la Passion selon saint Matthieu et de la Messe en si mineur de Bach.
MARX (Joseph), compositeur autrichien
(Graz 1882 - id. 1964).
Professeur à l’Académie de musique de
Vienne en 1914, il en devint le directeur
en 1922, comme successeur de Ferdinand
Löwe. Il s’illustra surtout dans le domaine
du lied.
MARX (Karl), compositeur allemand
(Munich 1897 - Stuttgart 1985).
Après la Première Guerre mondiale, pendant laquelle il fut mobilisé et fait prisonnier, il étudia la composition et la direction d’orchestre avec Carl Orff (1920),
puis suivit les cours d’A. Beer-Walbrunn
(composition), de S. von Hausegger (direction d’orchestre) et de E. Schwickerath
(direction chorale) à la Musikhochschule
de Munich (1920-1924). Il y enseigna de
1924 à 1939, avant d’être nommé à Graz
(1939-1945), puis à Stuttgart (19461966). Il a également dirigé le choeur du
Bachverein de Munich (1928-1939). Ses
compositions vocales, religieuses et profanes occupent la place essentielle dans
son oeuvre : cantates, motets, madrigaux
(a cappella ou avec orchestre) - dans les-
quels il se révèle un maître du contrepoint - et lieder (sur des textes de Rilke,
notamment). On lui doit également de la
musique de chambre et plusieurs concertos (piano, violon, alto).
MASCAGNI (Pietro), compositeur italien
(Livourne 1863 - Rome 1945).
Élève de Ponchielli à Milan, il dut interrompre ses études pour subvenir à ses
besoins, dirigea des troupes d’opérette,
et s’établit comme directeur de théâtre à
Cerignola, près de Foggia, où il rédigea
à la hâte son drame en 1 acte Cavalleria
rusticana (d’après une pièce de Verga),
qui, créé à Rome en 1890 par Gemma
Bellincioni et Roberto Stagno, interprètes
d’exception, lui valut brusquement une
renommée universelle et le détourna un
instant de la composition de son romantique Guglielmo Ratcliff, d’après Heine.
Avec l’Ami Fritz (1891), il tournait le dos à
la violence élémentaire de sa réussite précédente, raison pour laquelle l’oeuvre eut
moins d’effet sur le public. En 1895, Mascagni devint directeur du lycée musical de
Pesaro, se tourna vers l’impressionnisme
musical et littéraire avec Iris (1898), vers
les légendes médiévales (Isabeau, 1911,
oeuvre inspirée de l’histoire de lady Godiva), vers d’Annunzio (Parisina, 1913),
puis retrouva sa veine initiale avec Lodoletta et surtout avec Il Piccolo Marat (1921),
souvent tenu pour son chef-d’oeuvre. Excellent chef d’orchestre, il bâtit encore en
1935 un Néron à la gloire de Mussolini,
s’aliénant ainsi de nombreuses sympathies. Après avoir, pour leur cinquantenaire, dirigé l’enregistrement de ses deux
premières oeuvres importantes, il connut
une éclipse, étant quelque peu mis à l’écart
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Musicien d’un indéniable talent,
ouvert aux influences les plus diverses,
coloriste habile, mais assez maladroit dans
son traitement de la voix chantée, Mascagni, qui écrivit aussi des mélodies, de
la musique religieuse, des choeurs, 3 Symphonies, des pièces instrumentales, de la
musique de film, etc., demeure aux yeux
de la postérité l’auteur d’une seule oeuvre,
partition de jeunesse plus représentative
d’un moment de l’histoire de l’opéra italien que de l’ensemble de sa production.
MASCARADE.
Les « momeries » du Moyen Âge ont pré-
cédé cette forme de divertissement carnavalesque, qui connut une grande vogue
au temps de la Renaissance. Dans le cadre
des festivités qui accompagnaient alors
tout événement heureux, c’était un défilé
sur la voie publique de chars portant des
« tableaux vivants » allégoriques, mais
volontiers caricaturaux, qu’escortaient,
au son des instruments, des chanteurs et
danseurs masqués ou travestis. Sur le plan
musical, la simplicité était de règle dans la
mesure où les participants n’étaient que
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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des amateurs. Dans la seconde moitié du
XVIe siècle, rois et seigneurs se mirent à organiser des mascarades pour leur propre
compte dans l’enceinte de leurs châteaux.
Le genre y perdit son caractère populaire
et spontané, rejoignant ainsi le bal de cour
qui donna naissance à l’opéra-ballet.
MASCIONI, famille de facteurs d’orgues
italiens, dont la manufacture, fondée en
1829, est établie à Cuvio, près de Varese.
Les Mascioni se sont spécialisés, depuis
les années 30, dans les grands instruments
à traction électrique qu’ils ont construits
principalement en Italie. Leur plus grande
réalisation est celle de l’orgue de la cathédrale de Milan, construit avec Tamburini
(5 claviers, 182 jeux ; 1938). Parmi leurs
principaux instruments, il faut citer ceux
de l’Institut pontifical de musique sacrée
à Rome (5 claviers, 110 jeux ; 1931) et de
l’abbaye de Montecassino (3 claviers, 80
jeux ; 1956).
MASON (Daniel-Gregory), compositeur
américain (Brookline 1873 - Greenwich,
Connecticut, 1953).
Petit-fils de Lowell Mason, il fit ses études
à Harvard, puis à Boston (Chadwick) et
New York (Goetschius), enfin à Paris
(Vincent d’Indy). Professeur à l’université Columbia (New York) de 1910 à
1940, il est l’une des personnalités les plus
saillantes de sa génération. Très attiré par
le folklore (il a écrit un quatuor sur des
thèmes populaires noirs), il affirmait que
la musique américaine doit être éclectique
et cosmopolite et que le compositeur doit
suivre uniquement son instinct, sans se
soucier de nationalisme. Il a écrit quelques
oeuvres orchestrales, dont 3 Symphonies,
mais surtout de la musique de chambre
(quatuors, « sketches sentimentaux » pour
trio avec piano, sonates diverses pour violon, clarinette) et instrumentale (pièces
pour piano).
MASON (Lowell),
pédagogue et compositeur américain
(Medfield, Massachusetts, 1792 - Orange,
New Jersey, 1872).
S’inspirant des méthodes de Pestalozzi, il parvint à rendre l’enseignement
de la musique obligatoire dans les écoles
de Boston et fut chargé de diriger les
cours. Il exerça, à ce titre, une influence
considérable sur le développement de la
musique vocale. Président de la Haendel
and Haydn Society de Boston, il y fonda
l’Académie de musique (1833) et organisa des réunions régulières de compositeurs et interprètes. Nommé docteur en
musique - et le premier à se voir décerner
ce grade - en 1835, il entreprit un voyage
d’études en Europe (1837), dont il publia
les conclusions dans Musical Letters from
abroad (1853 ; rééd. 1967). Il a publié
pendant près de quarante ans des recueils
dans lesquels ses propres compositions
voisinent avec des adaptations, en cantiques, de thèmes de Mozart, Beethoven,
Schubert ou Cherubini (Select melodies
de Gardiner). Son oeuvre, modeste, comporte principalement des thèmes religieux
(hymnes ou cantiques).
MASQUE.
Genre théâtral, populaire en Angleterre
aux XVIe et XVIIe siècles, qui a subi au
cours de son évolution les influences italienne (intermedio) et française (ballet de
cour).
À partir des spectacles anglais du
Moyen Âge (disguisings, mummings), le
masque va devenir un divertissement de
cour très complet, composé de poésie,
de musique vocale et instrumentale et de
décors souvent fort coûteux, agrémentés
de machines scéniques. Les sujets traités sont allégoriques ou mythologiques.
Comme dans le ballet de cour en France,
les membres de la famille royale et de la
haute noblesse participent régulièrement
aux masques. Mais ils sont également représentés en dehors de la Cour comme,
par exemple, le Comus de Milton créé au
château de Ludlow en 1634 et pour lequel
Henry Lawes a composé 5 airs.
Au début du XVIIe siècle, deux noms
sont associés particulièrement à l’évolution du masque : le poète Ben Jonson et
le décorateur Inigo Jones. Puis vient le
tour de sir W. Davenant et de James Shirley, l’auteur de deux masques célèbres :
The Triumph of Peace (1634), musique
de William Lawes, et Cupid and Death
(1653), dont la partition de Mathew Locke
et Christopher Gibbons est la seule qui
soit conservée en entier. Après la Restauration, le masque se trouve de nouveau incorporé dans des pièces de théâtre
(Dryden, Congreve), selon la tradition
élisabéthaine. Ainsi Purcell compose
quelques-unes de ses meilleures musiques
pour ce type de spectacle, dont The Fairy
Queen (1692), avec un masque à la fin
de chaque acte, et The Tempest (1695),
qui peuvent servir d’exemples. Enfin, au
XVIIIe siècle, le titre de « masque » est parfois conservé pour lutter contre l’invasion
de l’opéra italien en Angleterre. C’est le
terme employé par W. Randall pour son
édition de la pastorale de Haendel, Acis
and Galathea/A Mask.
MASSARD (Robert), baryton français
(Pau 1925).
Il a fait ses débuts à l’Opéra de Paris en
1952 (rôle du grand prêtre dans Samson
et Dalila), et s’est imposé, notamment, en
France et à l’étranger dans Gluck (rôles
de Thoas, puis d’Oreste dans Iphigénie
en Tauride) et dans Berlioz (rôle de Fieramosca dans Benvenuto Cellini). Grand
interprète, également, de Verdi et de Rossini, il est professeur de chant au conservatoire de Région de Bordeaux.
MASSÉ (Victor), compositeur français
(Lorient 1822 - Paris 1884).
Prix de Rome en 1844, il présenta à son retour de la villa Médicis son premier opéracomique, la Chambre gothique (1849). Il
connut son premier grand succès avec
Galatée (1852), et, en 1853, produisit son
chef-d’oeuvre, les Noces de Jeannette, un
acte rustique et charmant qui devait se
maintenir au répertoire jusqu’à nos jours.
Il entra à l’Opéra avec la Mule de Pedro
(1863), et connut son dernier triomphe à
la Gaîté-Lyrique en 1876 avec Paul et Vir-
ginie. Une nuit de Cléopâtre ne fut représenté qu’après sa mort, en 1885. Il enseigna la composition au Conservatoire de
1866 à 1876.
Son style gracieux et son écriture solide
lui permirent de prolonger dignement
la tradition de l’opéra-comique français,
tout en annonçant discrètement une évolution rassurante du genre. On lui doit
aussi de nombreuses mélodies, dont 3
recueils pleins de saveur : Chants bretons,
Chants du soir, et Chants d’autrefois.
MASSENET (Jules), compositeur français (Montaud 1842 - Paris 1912).
Dernier-né d’une famille de douze enfants, Massenet, qui haïssait son prénom
au point de n’en tolérer que l’initiale, reçut
d’abord une éducation de pianiste couronnée par un premier prix en 1859. Admis au
Conservatoire en 1853, il dut interrompre
ses études pendant l’année scolaire 185455 lorsque ses parents quittèrent Paris
pour s’installer à Chambéry. Il se produisit plusieurs fois en concert comme pianiste, en 1858, notamment à Angers et à
Tournai. Cependant, pour subvenir à ses
besoins, il dut accompagner des chanteurs
et tenir le triangle à l’orchestre du Gymnase, puis les timbales au Café Charles et
au Théâtre-Lyrique. Élève de Reber (harmonie), de Savard (contrepoint), puis
d’Ambroise Thomas (composition), il
obtint en 1863 un premier prix de fugue
en même temps que le premier grand prix
de Rome pour sa cantate David Rizzio ;
l’opinion de Berlioz aurait, semble-t-il,
favorablement pesé dans le résultat du
concours. Dès 1861, Massenet composa et
fit éditer une Grande Fantaisie de concert
sur le « Pardon de Ploërmel » de Meyerbeer,
morceau qui fut détruit sur sa demande
en 1900.
Massenet séjourna à la villa Médicis
pendant deux années et rédigea alors
sans entrain les envois qu’il était tenu de
faire : une Grande Ouverture de concert,
un Requiem et des fragments lyriques, qui
devinrent l’oratorio Marie-Magdeleine. Il
entreprit également un opéra d’après Victor Hugo, Esmeralda. C’est à Rome qu’il
fit la connaissance d’une élève de Liszt,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Mlle de Sainte-Marie, qu’il épousa à son
retour en France. Il profita de sa pension
de lauréat pour visiter l’Italie ; il en rapporta l’inspiration des Scènes napolitaines
(1864). Dès 1866, plusieurs de ses oeuvres
furent exécutées à Paris : outre l’Ouverture, il faut citer Pompeia, dont des fragments réapparurent dans la musique de
scène des Érinnyes, et deux Fantaisies pour
orchestre.
Bénéficiant d’une nouvelle disposition
qui attribuait aux lauréats de l’Institut le
droit de se voir représenter un ouvrage en
1 acte sur la scène de l’Opéra-Comique,
Massenet composa en quelques semaines
la Grand-Tante, qui connut un petit succès
en avril 1867. La partition d’orchestre en
a été détruite, comme celle de Don César
de Bazan, dans l’incendie de l’Opéra-Comique en 1887, mais n’a pas été reconstituée. La partition piano-chant permet
néanmoins de se faire une idée de la maîtrise étonnante dont témoigne cette première tentative. Écrit pour un concours
où il obtint la troisième place, l’opéra la
Coupe du roi de Thulé ne nous est pas parvenu, mais la musique en a été réutilisée
en partie dans d’autres ouvrages.
Plusieurs projets d’opéra allaient voir
le jour à cette époque : Manfred en 1869,
resté à l’état d’ébauche, et Méduse, achevé,
semble-t-il, en 1870. Malgré sa rencontre
avec l’éditeur Hartmann qui allait l’encourager désormais, la situation matérielle
de Massenet restait précaire : la fin de sa
pension, en 1868, l’obligea à donner des
leçons et à reprendre une place de timbalier au Théâtre de la porte Saint-Martin.
Ralentie par le siège de Paris (il s’enrôla
dans l’infanterie), puis par l’époque troublée de la Commune, son activité toujours
intense reprit dès le printemps de 1871,
et, s’il n’était pas satisfait de sa symphonie écrite pendant le siège, il poursuivit
avec les Scènes pittoresques (1871) et les
Scènes dramatiques (1873) la série de ses
suites pour orchestre. Quelques semaines
lui suffirent pour composer un opéracomique en 4 actes, Don César de Bazan,
représenté sans succès en novembre
1872. Cette oeuvre d’un intérêt médiocre
fut révisée et réorchestrée par Massenet en
1888. De cette période datent également
l’Ouverture pour Phèdre et la musique de
scène pour les Érinnyes, dont la valeur
fut reconnue immédiatement ; mais ce
fut l’exécution à l’Odéon en avril 1873 de
l’oratorio Marie-Magdeleine qui assit la
véritable notoriété du compositeur. Cet
ouvrage de jeunesse n’est pas seulement
remarquable par l’inspiration personnelle
dont il témoigne, mais parce qu’il fallut
peut-être attendre Manon pour que Massenet retrouvât ce langage qui lui appartient en propre. Composé en 1874, Ève,
mystère en 3 parties, connut un succès
aussi vif, mais, à part quelques pages, cette
partition ne présentait pas de progrès
notables. Parallèlement, le musicien avait
concentré ses efforts sur un grand opéra
en 5 actes, le Roi de Lahore, qui l’occupa
de 1872 à 1877, et dont la création triomphale au palais Garnier en avril 1877 lui
vaudra d’être nommé l’année suivante, à
trente-six ans, professeur de composition
au Conservatoire puis d’entrer à l’Institut
devant Camille Saint-Saëns. Admiré par
Tchaïkovski pour la clarté de son écriture, cet opéra est à l’origine la réputation
dont a joui son auteur tant en France qu’à
l’étranger.
oeuvrettes de circonstance destinées
à des cercles, l’Adorable Bel-Boul (1874),
puis Bérangère et Anatole (1876) ont été
détruites par le compositeur qui tenait
à conserver sa réputation de « musicien
sérieux ». Si la Vierge (1878), légende
sacrée en 4 scènes, méritait mieux que le
froid accueil qui lui fut réservé en 1880,
Hérodiade, représenté en 1881 au théâtre
de la Monnaie de Bruxelles, renouvela le
triomphe du Roi de Lahore, mais cet ouvrage plus personnel marquait une étape
autrement importante dans l’évolution du
musicien de théâtre. Hérodiade fut repris à
Paris en 1884, mais en italien, au ThéâtreItalien.
Après les Scènes de féerie, Massenet composa, sous le titre de Scènes
alsaciennes, sa septième et dernière suite
d’orchestre, la plus connue. Désormais,
il allait s’occuper presque exclusivement
d’opéra, mais il continua à produire régulièrement des mélodies qui, en se répandant dans les salons, faisaient beaucoup
pour asseoir sa notoriété et constituaient
une source appréciable de revenus. Toutes
ne sont pas d’un égal intérêt, parce que
Massenet avait besoin, dans sa musique,
des contrastes offerts par les situations
dramatiques. Certaines, pourtant, sont
d’incontestables réussites. Sur les 285 qu’il
a laissées, un certain nombre sont ras-
semblées en cycles : Poème d’avril (1866),
Poème du souvenir (1868), Poème pastoral (1874), Poème d’octobre (1876), Poème
d’amour (1879), Poème d’hiver (1882),
Poème d’un soir (1895) ; 25 ont été dotées
par le compositeur d’un accompagnement
orchestral.
Après avoir délaissé au moins trois
projets d’opéras : Robert de France (1880),
les Girondins (1881), Montalte (1883),
Massenet eut lui-même l’idée de demander une Manon à Meilhac, et, pour éviter
toute modification, il apporta la partition
gravée à la première répétition. Les coupures que l’on fait subir ordinairement à
cet ouvrage, et qui en brisent l’équilibre
en en déformant l’esprit, prouvent rétrospectivement que l’auteur était conscient
d’avoir construit une oeuvre exemplaire,
d’une rare cohérence dans la diversité
des procédés utilisés. Vers cette époque,
il avait demandé à Zola l’exclusivité de
la Faute de l’Abbé Mouret, mais ce projet
n’eut pas de suite. Avec le Cid (1884-85),
Massenet démontra une nouvelle fois son
aptitude à changer de ton et à conserver
les formes du grand opéra en les vidant de
leurs poncifs. Werther (1885-1887), dont
le projet remontait à 1878, lui offrit cependant un cadre plus intime dans lequel il
retrouva la meilleure part de son invention. Créé à Vienne en 1892, en allemand,
Werther fut donné à Paris en 1893 avec un
succès très relatif. Le chromatisme de ce
nouvel ouvrage pouvait faire penser que
Massenet, qui s’était rendu à Bayreuth en
1886, avait subi l’influence du maître des
lieux ; il faut cependant préciser qu’il y
avait alors près de trente ans que Massenet était un admirateur averti de Wagner.
Le modèle wagnérien était beaucoup plus
net - trop peut-être - dans Esclarmonde
(1887-88), dont les représentations
dans le cadre de l’Exposition universelle
connurent un succès considérable qui
rejaillit sur Sibyl Sanderson, pour laquelle
Massenet avait écrit le rôle principal ; par
rapport aux ouvrages précédents, on remarque un élargissement du souffle et de
la ligne mélodique, mais l’action dramatique ne conserve pas la même intensité
jusqu’au bout.
Avec le Mage (1889 ; créé 1891), Massenet revint au grand opéra sur un livret
de Jean Richepin ; l’accueil fut bon, mais
l’oeuvre ne fit pas carrière. La même année
vit la composition d’Amadis, opéra légen-
daire, qui, pour diverses raisons, ne fut
représenté qu’après sa mort. Retouché
en 1910, Amadis allait être créé en 1922
à Monte-Carlo. Si l’oeuvre est inégale,
elle a le privilège de comporter dans son
prologue des audaces d’écriture telles
que Massenet n’en osa jamais, associant
archaïsme et modernité.
En écrivant le Portrait de Manon (189293), Massenet revenait aux demi-teintes
de l’opéra-comique, mêlant habilement
le sourire à la nostalgie. Mais, simultanément, il était occupé par un projet plus
ambitieux : Thaïs d’après Anatole France.
Destinée à l’Opéra-Comique, Thaïs fut
créée à l’Opéra en 1894 ; cette circonstance faussa d’abord l’appréciation d’une
oeuvre d’un caractère plutôt intime qui
allie le sacré et la sensualité, la gravité et
le comique, d’une manière surprenante,
sans doute, mais parfaitement originale.
La Navarraise, écrite en quelques semaines
de l’été 1893, est si résolument tragique de
ton qu’on a voulu y voir une concession,
ou une conversion au vérisme qui triomphait alors en Italie ; en réalité, l’influence
a joué de part et d’autre. De 1893 à 1901,
Massenet revint à plusieurs reprises sur
Grisélidis, dont il rédigea plusieurs versions. Comme dans Thaïs, il tenta une
fusion des styles, cette oeuvre délicate,
intimiste, mériterait d’être mieux connue.
Comme s’il voulait faire l’inventaire des
ressources de son inspiration, Massenet
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
627
aborda avec Cendrillon (1894-95, 1re repr.,
1899) le domaine du conte de fée et y
montra un véritable génie du métier qui
fait d’autant plus regretter l’insuffisance
de son librettiste.
À la mort d’Ambroise Thomas, Massenet, à qui l’on offrait la direction du
Conservatoire, refusa cette fonction, et, de
plus en plus accaparé par sa carrière et les
déplacements qu’elle imposait, donna sa
démission de professeur de composition.
Aussi divers que furent ses élèves, tous
s’accordaient à reconnaître le sens pédagogique de ce professeur-né, mais surtout,
au-delà des différences individuelles qu’il
n’a pas étouffées, ils ont témoigné par
leurs oeuvres de la solidité de l’enseigne-
ment qu’ils ont reçu. Parmi eux, il faut
citer Alfred Bruneau, Gabriel Pierné, Xavier Leroux, Gustave Charpentier, Henri
Rabaud, Charles Koechlin, Florent Schmitt, tous lauréats du prix de Rome, et,
également, Ernest Chausson, Guy Ropartz
ou Reynaldo Hahn qui n’ont pas tenté ce
concours.
Le premier fruit de la disponibilité
complète dont allait jouir désormais
Massenet fut Sapho, oeuvre à laquelle il
consacra l’été 1896. Créée à l’Opéra-Comique dès novembre 1897 en prévision
de la fin prochaine d’Alphonse Daudet,
Sapho, augmentée du tableau des Lettres,
fit l’objet d’une nouvelle création en
1909. L’année 1897 vit également la composition d’un recueil de 12 pièces pour
piano à 4 mains : Année passée, et d’une
Fantaisie pour violoncelle et orchestre. On
ne sait quelle circonstance incita Massenet, dont l’esprit n’était pas précisément
religieux, à adapter lui-même des textes
de la Vulgate pour un oratorio, Terre
promise, auquel il travailla entre 1897 et
1899. La fable du Jongleur de Notre-Dame,
en revanche, correspondait mieux à ses
convictions intimes ; à travers cet ouvrage
et au-delà de la poétique propre de l’auteur, on perçoit le regain d’intérêt qui se
manifestait alors pour le chant grégorien
et la musique médiévale. Contemporain
du Jongleur, le Concerto pour piano, créé
en 1902, réutilise vraisemblablement
des esquisses anciennes dans son finale,
mais l’adagio est très représentatif de
cette couleur harmonique automnale si
caractéristique des oeuvres de la dernière
manière de Massenet. À la même époque,
il entreprit lui-même Roma, inaugurant
une période « antique » qui vit se succéder
Ariane (1905 ; créé, 1906), Bacchus (1908 ;
créé, 1909), Roma (1902-1910, créé, 1912)
et Cléopâtre (1911-12 ; créé, 1914). Ces ouvrages, dont la facture reste irréprochable
et où l’inspiration fait moins défaut qu’on
ne le croit généralement, n’ont connu
qu’un succès très limité.
Avec Chérubin (1903, créé en 1905),
Massenet aborda la comédie pure dans
un registre qui se souvient des Noces de
Figaro et préfigure le Chevalier à la rose.
Thérèse (1905-1906 ; créé, 1907), épisode
de la Révolution, aussi intense que Chérubin était léger, offre une preuve supplémentaire de sa capacité à se renouveler.
Panurge (1911 ; créé, 1913), « haulte farce
musicale » n’a, en revanche, laissé aucune
trace, tandis que Don Quichotte (1909),
créé en 1910 par Chaliapine, compte
parmi les quatre ou cinq oeuvres les plus
régulièrement jouées de Massenet, peutêtre parce que le livret, qui ne doit rien à
Cervantes, en est mieux structuré, tant il
est vrai que ce sont les faiblesses de certains arguments dramatiques qui sont responsables de l’indigence qu’on a souvent
reprochée au musicien. Fort de sa capacité
à découvrir une solution musico-dramatique à n’importe quelle situation, Massenet ne s’est pas assez soucié de leur qualité
intrinsèque. Ainsi ce compositeur, qui a
su trouver dès l’abord un langage lyrique
original et que son inquiétude presque
maladive a poussé vers la recherche d’une
simplicité qui seule garantissait une large
compréhension et une exécution aussi
fidèle que possible, a-t-il été souvent victime de ce métier qu’il possédait à fond
et dans lequel, plus encore peut-être que
dans sa sensibilité, il a puisé ce qu’il faut
bien appeler son génie.
MASSIAS (Gérard), altiste et compositeur français (Paris 1933).
Il fit ses études au Conservatoire de Paris,
où il obtint un premier prix d’alto (1955).
Alto solo au Mozarteum de Salzbourg
(1955), puis à l’orchestre de chambre de
l’O.R.T.F. (1956-1967), il entre comme
second soliste à l’Orchestre de Paris lors
de sa fondation (1967). Professeur d’alto
au conservatoire de Champigny, où il dirige également l’atelier d’orchestre, il est
membre de la Grande Écurie que dirige
J.-C. Malgoire (1969-1975), ainsi que du
Collectif 2e2m. Après une période modale
et atonale (Concert 52 ; Concert bref ; Variations ; Faciès ; Stigmate), il s’intéresse
à partir de 1966 aux formes variables et
surtout au théâtre musical : Tjurunga IV,
sur des textes d’Antonin Artaud (1968) ;
Tjurunga (1969) ; les Nouveaux Racontars d’Agassin et Virelette, action musicale d’après la chantefable du XIIIe siècle,
Aucassin et Nicolette, pour comédien, soprano et ensemble instrumental (1971) ;
Caliban-Cannibale, opéra radiophonique
pour le prix Italia (1974).
MASSIN (Jean et Brigitte), critiques et
musicographes français (Paris 1917 - id.
1986 et Roubaix 1927).
Ils ont commencé par publier ensemble
deux ouvrages qui ont beaucoup fait pour
le renouveau de l’historiographie musicale
en France, et consacrés respectivement
à Beethoven (Paris, 1955 ; rééd., 1967)
et à Mozart (Paris, 1959 ; rééd., 1970).
Suivirent Recherche de Beethoven (Paris,
1969) et, sous leur direction, Histoire de
la musique occidentale (1977, rééd. 1983).
On doit également à Jean Massin des
ouvrages sur Robespierre (Paris, 1956) et
Marat (Paris, 1960), une Édition chronologique des oeuvres de Victor Hugo (Paris,
1964-1970), Don Juan, mythe littéraire et
musical (Paris, 1979), et un essai autobiographique, le Gué du Jaboq (Paris, 1980).
Brigitte Massin, sa femme, a écrit de son
côté un ouvrage sur Schubert (Paris, 1977)
et Olivier Messiaen - Une poétique du merveilleux (1989). Elle a dirigé Guide des opéras de Mozart (1991).
MASSIP (Catherine), musicologue française (Paris 1946).
Élève de Norbert Dufourcq, elle a obtenu
un diplôme d’archiviste paléographe
(1973) et un doctorat ès lettres (1985).
Nommée en 1973 conservateur à la Bibliothèque nationale de Paris, elle dirige
depuis 1988 le département de la musique
de l’établissement. Elle a publié notamment Musique et musiciens à Saint-Germain-en-Laye 1653-1681 (1976), Rameau
et l’édition de ses oeuvres : bref aperçu historique et méthodologique (1983), Facteurs
d’instruments et maîtres à danser parisiens
au XVIIe siècle (1988).
MASSON (Diego), chef d’orchestre français (Tossa, Espagne, 1935).
Il étudie la percussion au Conservatoire de
Paris puis la composition avec Bruno Maderna et René Leibowitz, enfin la direction
avec Pierre Boulez. Il se produit d’abord
au Domaine musical comme percussionniste, avant de créer, en 1966, l’ensemble
Musique vivante, dévolu à la création
contemporaine. De 1973 à 1976, il est directeur du Théâtre musical d’Angers, puis
de celui de Marseille, de 1975 à 1981, où il
interprète les opéras du répertoire. Il collabore également avec plusieurs compagnies de danse (Ballet-Théâtre d’Amiens,
Compagnie du Sadler’s Wells). Avec
l’ensemble Musique vivante, il a créé des
oeuvres de très nombreux compositeurs
contemporains (Bussotti, Dufourt, Jolivet,
Lenot, etc.).
MASSON (Gérard), compositeur français
(Paris 1936).
Il aborda la musique en autodidacte. En
1965 seulement, il suivit à Cologne les
cours de composition de Karlheinz Stockhausen. En 1965-66, il travailla également avec Henri Pousseur et Earle Brown.
Mais il resta compositeur indépendant,
n’intégrant de cet enseignement « que des
secousses, des retombées » (Gilbert Amy),
recevant de Stockhausen une influence
mentale plus que proprement musicale.
Masson n’en relève pas moins de la lignée
des compositeurs français allant de Debussy à Boulez. En 1965 naquit à Cologne
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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et y fut exécutée sa première oeuvre, Pièce
pour 14 instruments. Suivirent Dans le deuil
des vagues pour orchestre (1966, création
au festival de Royan, 1967), Ouest I pour
10 instruments (1967, créé au Domaine
musical, 1968), Dans le deuil des vagues
II (Aux confins de plusieurs climats) pour
orchestre (1968) et Ouest II pour mezzosoprano et 13 instruments (1969), sur 4
poèmes de Une vie d’homme de Dominique Fourcade. Bleu loin pour 12 cordes
(1 quintette, 1 quatuor et 1 trio), composé
en 1970, fut créé au festival de Royan en
1973. En 1974, on entendit à Paris Hymnopsie pour orchestre et choeur (1972), et
à Royan Quatuor pour quatuor à cordes
(1973). De 1975 date un Sextuor pour
flûte, hautbois, clarinette, clarinette basse,
basson et cor (créé en 1976), de 1977 un
Concerto pour piano et orchestre (créé au
festival de Besançon, 1978), et de 1978
un Quintette pour piano, clarinette, violon, alto et soprano (créé à Radio-France,
1979). En octobre 1981, a été entendu à
Radio France Pas seulement des moments
des moyens d’amour pour orchestre. Citons encore W3 A6 M4 pour violon, alto et
9 instruments (1985).
MASSON (Paul Marie), musicologue
français (Sète 1882 - Paris 1954).
Élève de Romain Rolland, professeur à
l’université de Grenoble en 1910 et à l’Institut français de Florence, fondateur de
l’Institut français de Naples (1920), docteur ès lettres avec une thèse sur l’Opéra
de Rameau (1930), il enseigna de 1931 à
1952 à la Sorbonne, où il créa, en 1951,
l’Institut de musicologie. De 1945 à 1948,
il présida la Société française de musicologie. Spécialiste de la musique des XVIe et
XVIIIe siècles, il a également écrit un excellent ouvrage sur Berlioz.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Berlioz (1923), l’Opéra de Rameau (1930),
les Odes d’Horace en musique au XVIe siècle
(dans Revue musicale, 1906), le Ballet Héroïque (dans Revue musicale, 1928).
ÉDITIONS :
Chants de carnaval florentin (Paris, 1913).
MASSONNEAU (Louis), compositeur,
violoniste et chef d’orchestre allemand
d’ascendance française (Kassel 1766 Ludwigslust 1848).
Fils d’un cuisinier français à la cour de
kassel, il occupa des postes dans plusieurs
villes d’Allemagne avant de s’établir définitivement en 1803 à Ludwigslust, où il
fut premier chef d’orchestre et maître de
chapelle de 1812 à sa retraite en 1837. Sa
musique imprimée (12 numéros d’opus
datant d’avant 1800) est presque entièrement instrumentale, et sa musique restée
manuscrite (conservée à la bibliothèque
d’État de Schwerin) pour l’essentiel vocale
et postérieure à 1800. Dans le domaine
instrumental, on lui doit notamment
3 symphonies (2 op. 3 et 1 op. 5), dont
la dernière, en ut mineur, la Tempête et
le Calme (Paris, 1794), annonce assez
concrètement la Pastorale de Beethoven.
MASUR (Kurt), chef d’orchestre allemand (Brieg, auj.
Brzeg, Silésie, 1927). Il étudia à Leipzig, et,
après avoir occupé divers postes à Erfurt,
Leipzig, Dresde et Schwerin, il fut de 1960
à 1964 directeur musical de l’Opéra-Comique de Berlin-Est et de 1967 à 1972 premier chef de la Philharmonie de Dresde.
Depuis 1970, il est directeur musical du
Gewandhaus de Leipzig. Il est devenu en
1990 directeur musical de la Philharmonie
de New York.
MATA (Eduardo), compositeur et chef
d’orchestre mexicain (Mexico 1942).
Il fit ses études au conservatoire de Mexico
(1954-1961) avec Carlos Chavez, Rodolfo
Halffter, Erich Leinsdorff et Gunther
Schuller. Chef d’orchestre à Guadalajara (1965), il est professeur de direction
d’orchestre au conservatoire de Mexico
(1971). Son langage musical va de la polytonalité à la technique sérielle et à l’aléatoire, avec de constantes recherches dans
le domaine du timbre. Il utilise également
les ressources de l’électronique (Los huesos
secos pour bande magnétique). Son oeuvre
comprend principalement 3 symphonies,
des sonates pour piano, violon et violoncelle, 1 trio (To Vaughan Williams, 1957),
des mélodies et 1 groupe d’Improvisations
pour ensembles instrumentaux divers
(1961-1965).
MATASSIN.
Danse grotesque, probablement issue de la
« pyrrhique » guerrière des Anciens.
Elle doit son nom hispano-arabe aux
« matachins », bouffons casqués, revêtus
d’armures de fantaisie, qui se livraient des
combats bruyants, mais soigneusement
rythmés, à grands coups de sabres de bois.
Ce divertissement originaire d’Espagne
gagna au XVIe siècle l’Italie, puis la France,
qui le portèrent au théâtre. Pour sa Capriol
suite, Peter Warlock a orchestré quelquesunes des danses provenant de l’Orchésographie de Thoinot Arbeau, dont une, intitulée Mattachins, qui clôt la suite.
MATHER (Bruce), compositeur canadien
(Toronto 1939).
Il a fait ses études musicales à Toronto
et à Paris avec Darius Milhaud, Olivier
Messiaen et Lazare Lévy, et suivi les cours
de direction d’orchestre de Pierre Boulez
à Bâle en 1969. Depuis 1966, il enseigne
à la faculté de musique de l’université
McGill de Montréal. Dans un style résolument néoclassique influencé par Berg et
Debussy mais aussi par Scriabine, Delius
et Szymanowski, il a écrit notamment Élégie pour saxophone et orchestre à cordes
(1959), Orphée pour soprano, piano et
percussion, d’après Valéry (1963), Ombres
pour orchestre (1967), Musique pour
Rouen pour orchestre à cordes (1971), In
memoriam Alexandre Uninsky pour piano
(1974), Musigny pour grand orchestre
(1979-80), Barbaresco pour alto, violoncelle et contrebasse (Metz, 1984), Scherzo
pour orchestre (1987). C’est aussi un excellent pianiste.
MATHIS (Édith), soprano suisse (Lucerne
1936).
Formée aux Conservatoires de Lucerne
et de Zurich, elle rencontre Élisabeth
Bosshart, qui accompagne sa carrière. En
1956, elle débute au Théâtre de Lucerne
en chantant Chérubin dans les Noces de
Figaro. Dès 1962, elle est à Salzbourg,
Munich et Glyndebourne. Elle s’impose
comme une mozartienne, abordant des
opéras peu connus comme Bastien et Bastienne, La Finta Giardiniera, La Finta Semplice ou Il Re Pastore. Mais elle est aussi
Pamina, Suzanne, Marcelline dans Fidelio,
ou Mélisande. De 1961 à 1972, elle intègre
la troupe de l’Opéra de Hambourg. En
1980, elle reçoit le titre de Kammersängerin à Munich et se fixe à Londres. Son style
sobre et limpide fait merveille dans les
cantates baroques et les mélodies romantiques. En 1986, elle chante des lieder de
Mozart et, en 1990, grave Kleider machen
Leute de Zemlinski. En 1994, elle aborde
les lieder de Schubert et Brahms, tout en
continuant à interpréter la musique religieuse de Mozart.
MATINES.
Première partie de l’office de nuit, suivie
par les laudes, et se divisant elle-même en
3 nocturnes. Chacun de ceux-ci comportait principalement une lecture chantée
collective de psaumes avec antiennes et la
lecture psalmodiée par un lecteur soliste
de « leçons », translittération du mot latin
lectio (« lecture »), coupée de répons, en
nombre variable selon les cas. L’office se
terminait par le chant d’un hymne et par
le Te Deum (que l’on retrouve dans les
drames liturgiques chantés à ce moment
de l’office).
Dans le bréviaire séculier, l’office de
matines, très abrégé, se lisait sans obligation horaire. La récente réforme liturgique
ne laisse plus grand-chose de l’office traditionnel.
MATSUDAIRA (Yoritsune), compositeur
et pianiste japonais (Tokyo 1907).
Après avoir étudié la littérature française,
ainsi que la composition avec Kosuke Komatsu (et, plus tard, avec Alexandre Tcherepnine), il passe par une période néoclas-
sique et debussyste, qu’illustre une oeuvre
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
629
comme Pastorale (1935). Ses Chants populaires de Nanbu (1928-1936), pour voix
et piano, obtiennent en 1936 un prix de
composition. Il commence à s’intéresser
à l’ancienne musique de cour japonaise, le
gagaku. En 1937, il entre dans l’équipe de
direction de la Société japonaise de musique contemporaine. Ses oeuvres d’après
la Seconde Guerre mondiale proposent
une synthèse de la technique d’écriture sérielle avec le style du gagaku, par exemple
dans Thème et Variations (1951) pour
piano et orchestre, ou dans Métamorphoses sur le thème Sabaira (1953) pour soprano et orchestre de chambre. La Société
internationale de musique contemporaine
(I.S.C.M.) diffuse ses oeuvres en Occident,
faisant de lui le premier compositeur japonais connu dans les cercles d’avant-garde
occidentaux, et son oeuvre Dialogue chorégraphique, pour quintette à vent, harpe,
2 pianos et percussions, est créée au festival de Royan en 1967. Ses oeuvres tardives intègrent les techniques aléatoires,
mais le gagaku demeure pour son écriture
une référence esthétique et stylistique, par
exemple dans Junkansuru gakusho (1971)
pour 2 orchestres de chambre.
MATTHESON (Johann), compositeur et
théoricien allemand (Hambourg 1681 id. 1764).
Organiste dès l’âge de neuf ans, il bénéficia
d’une très solide éducation, et se produisit comme chanteur (1696), puis comme
chef d’orchestre et compositeur (1699) à
l’Opéra de sa ville natale, où en 1703 il fit
la connaissance de Haendel, qu’il faillit
tuer en duel. Secrétaire de l’ambassadeur
britannique à Hambourg (1706), directeur
de la musique à la cathédrale (1718-1725),
maître de chapelle du duc de Holstein
(1719), il composa à cette époque beaucoup d’oeuvres pour la plupart restées manuscrites : 6 opéras, plusieurs oratorios,
des cantates, 12 sonates à 2 et 3 flûtes sans
basse (Amsterdam, 1708), suites pour clavecin (Londres, 1714). Dans son Manuel
du parfait organiste (1719), il employa
les 24 tonalités majeures et mineures,
annonçant par là le Clavier bien tempéré
de Bach. En 1728, une complète surdité,
dont les premiers signes s’étaient manifestés dès 1705, l’obligea à se retirer de la vie
publique. Il se consacra alors à des écrits
théoriques qui le font apparaître comme
une sorte de pape dans les affaires musicales de son temps tout en constituant
en quelque sorte le point de départ de la
musicologie allemande. Son esprit vif et
belliqueux et sa plume acérée, mais aussi
ses attaches avec les goûts plutôt conservateurs de l’Allemagne du Nord se manifestent notamment dans ses deux principaux écrits : le Parfait Maître de chapelle
(Der Vollmommene Kapellmeister, Das ist
Gründliche Anzeige aller derjenigen Sachen,
die einer wissen... muss, der einer Capelle...
vorstehen will, 1739 ; rééd., 1954), et Fondement d’un arc de triomphe (Grundlage
einer Ehren-Pforte, 1740 ; rééd., 1769),
source inépuisable de renseignements biographiques sur les musiciens. Il signa près
de 120 ouvrages littéraires, parmi lesquels,
en 1761, une traduction commentée de la
biographie (parue sans nom d’auteur) de
Haendel par Mainwaring (rééd., 1976).
MATTHUS (Siegfried), compositeur allemand (Mallenuppen 1934).
Il est l’une des plus éminentes personnalités du monde musical de la République
démocratique allemande. Élève de R. Wagner-Regeny et de H. Eisler, il travaille à
l’Opéra-Comique de Berlin, où il connaît
le succès avec ses premiers opéras : Lazarillo von Tormes (1963-64 ; création, 1964),
Der Letzte Schuss (1967) et Noch Ein Löffel Gift, Liebling ? (1971 ; création, 1972),
charmante comédie policière. Adepte des
techniques d’écriture sérielles, comme
dans Inventionen pour orchestre (1964),
il s’intéresse également aux possibilités offertes par les procédés électroacoustiques,
par exemple dans Galilei, pour 1 voix, 5
instruments et bande (1966). Il a écrit
pour la scène et pour la télévision. Parmi
ses oeuvres récentes, les opéras Weise von
Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke
(Dresde, 1985) et Graf Mirabeau (1989),
Windspiele pour trio à cordes (1995), Blow
Out, concerto pour orgue et orchestre
(1995).
MATTILA (Karita), soprano finlandaise
(Somero 1960).
Elle est l’élève de Kim Borg à l’Académie
Sibelius d’Helsinki. En 1982, elle débute
à l’Opéra de la même ville, incarnant la
Comtesse des Noces de Figaro. En 1984,
elle étudie à Londres avec la grande pédagogue Vera Rosza, qui suit désormais
son travail. Sa carrière est essentiellement consacrée au répertoire mozartien.
De 1985 à 1990, elle chante sur toutes
les grandes scènes européennes les rôles
de Donna Elvira, Pamina ou Fiordiligi,
qu’elle incarne dans le cycle Mozart de
Baremboïm et Ponnelle en 1986. En 1990,
elle fait ses débuts au Metropolitan dans
Don Giovanni. Depuis 1991, elle rencontre
aussi le succès en abordant plusieurs rôles
wagnériens.
MAUDUIT (Jacques), compositeur français (Paris 1557 - id. 1627).
Mersenne, qu’il aida dans la préparation
de la partie musicale de ses ouvrages,
nous a laissé sa biographie. Mauduit ne
se consacra à la musique qu’après des
études de lettres et de philosophie. Il fit
de nombreux voyages, notamment en Italie. Sa formation initiale, son amitié pour
Ronsard - il écrivit le Requiem chanté à ses
obsèques en 1585 - le conduisirent à s’intéresser à la tentative d’union de la poésie
et de la musique et à l’expérience d’une
musique mesurée à l’antique proposée par
l’Académie de poésie et de musique de
Jean-Antoine de Baïf, dont, avec Claude
Le Jeune, il devint le principal collaborateur à la mort de Thibaut de Courville en
1581.
Lors de cette continuation de l’Académie, il mit l’accent sur la recherche des différents moyens d’exécution et écrivit ses
Chansonnettes mesurées sur les poésies de
De Baïf, une des réussites du genre. Mais
ce compositeur se double d’un animateur,
dont les qualités d’organisation furent très
vite appréciées dans les cérémonies de la
semaine sainte du Petit-Saint-Antoine ou
dans les fêtes musicales de Notre-Dame
pour la Sainte-Cécile. Il joua, d’autre
part, un rôle actif dans les ballets de cour
sous Henri IV et Louis XIII, y dirigeant
notamment des ensembles vocaux et instrumentaux importants. Il composa également des pièces instrumentales pour ces
spectacles, par exemple, pour le Ballet de
la délivrance de Renaud, auquel collabora
aussi Pierre Guédron. On prête à Mauduit d’avoir introduit en France les premières compositions pour un ensemble de
violes, et, peut-être, aussi le théorbe, sorte
d’archiluth.
Si l’on croit Mersenne, Jacques Mauduit fut un compositeur fertile. Mais on
ne conserve aujourd’hui que 1 fragment
de messe de Requiem à 5 voix, 5 psaumes
de De Baïf, 4 motets latins, 2 pièces religieuses sur des paroles françaises, les
Chansonnettes mesurées (Le Roy et Ballard,
1586), 2 airs publiés dans le 5e Livre de G.
Bataille (1614).
MAUERSBERGER (Rudolf), compositeur
et chef de choeur allemand (Mauersberg,
Erzgebirge, 1889 - Dresde 1971).
Il étudia le piano et l’orgue au conservatoire de Leipzig (1912-1914 et 1918-19),
occupa divers postes à Aix-la-Chapelle
(1919-1925) et en Thuringe, où il donna
à l’interprétation de Bach un nouvel essor,
et, de 1930 à sa mort, fut maître de choeur
à la Kreuzkirche de Dresde. À la tête du
célèbre Kreuzchor de cette ville, il effectua en Europe et aux États-Unis de nombreuses tournées, donnant de mémorables
interprétations de pages contemporaines
de Distler ou de Pepping, mais surtout de
l’oeuvre de Heinrich Schütz, dont il a laissé
des enregistrements, en particulier de la
Geistliche Chormusik de 1648. Comme
compositeur, Mauersberger a écrit notamment une Passion selon saint Luc (1947)
et un Dresdner Requiem pour 3 choeurs a
cappella, voix de garçons solistes, instruments à vent et orgue (1948), donné tous
les ans par le Kreuzchor le 13 février, jour
anniversaire du bombardement de Dresde
en 1945.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
630
MAUGARS (André), violiste français
(Paris v. 1580 - id. v. 1645).
En 1620, il se rendit en Angleterre et entra
à la musique du futur roi Charles Ier. Revenu en France en 1625, il fut engagé par
Richelieu et devint bientôt l’un des violistes virtuoses les plus célèbres de France.
Il voyagea en Espagne, puis en Italie, où
il écrivit sa Réponse faite à un curieux sur
le sentiment de la musique d’Italie, datée à
Rome le 1er octobre 1639. Ce violiste, dont
Mersenne et Jean Rousseau vantèrent la
virtuosité, ne composa aucune oeuvre
pour son instrument.
MAURANE (Camille), baryton français
(Rouen 1911).
Il fut l’élève de Claire Croiza au Conservatoire de Paris. Doué d’une voix de baryton
claire et légère, il a surtout fait carrière au
concert, où sa musicalité, son intelligence,
sa diction parfaite l’ont affirmé comme
un des meilleurs interprètes de la mélodie
française, tout de suite après la guerre. Au
théâtre, il fut un interprète remarqué du
rôle de Pelléas, auquel son registre vocal
et son expressivité convenaient particulièrement.
MAUREL (Victor), baryton français (Marseille 1848 - New York 1923).
Il étudia au Conservatoire de Paris, et fit
ses débuts à l’Opéra dans les Huguenots
en 1868 (rôle de Nevers). Il s’éleva peu à
peu aux rôles importants et commença
une carrière internationale : Saint-Pétersbourg, Le Caire, Venise, puis Milan.
Il débuta à la Scala en 1870, dans Il Guarany de Gomez. En 1887, Verdi le choisit
pour créer Iago dans Othello et Falstaff
en 1893. Entre-temps, il aborda Wagner,
créant Telramund de Lohengrin et le Hollandais du Vaisseau fantôme à Londres en
1875 et 1878. Sa voix n’était pas exceptionnelle, mais il s’en servait avec un art
extrême et son talent d’acteur était considérable. Il termina d’ailleurs sa carrière
dans le théâtre parlé. À partir de 1909, il
enseigna le chant à New York. Il a écrit
plusieurs ouvrages sur le chant, la mise en
scène, ainsi qu’une autobiographie, À propos de la mise en scène du drame (Rome,
1888), Dix Ans de carrière (Paris, 1897 ;
rééd., 1977).
MAW (Nicholas), compositeur anglais
(Grantham 1935).
Il a étudié avec Lennox Berkeley à la
Royal Academy of Music (1955-1958)
et en France avec Nadia Boulanger et
Max Deutsch (1958-59), ayant obtenu le
prix Lili-Boulanger pour Nocturne, pour
mezzo-soprano et orchestre de chambre
(1958 ; rév., 1973). Soumis à la fois aux
influences sérielles et à celles de Britten
et Bartók, il en tenta une synthèse dans
Essay pour orgue (1961, rév., 1963), puis,
surtout, dans Scenes and Arias, pour 3 voix
de femmes et grand orchestre (1961-62,
rév., 1966). Suivirent, notamment, 1 Sinfonia, pour petit orchestre (1966), 1 Sonate, pour cordes et 2 cors (1967), l’opéra
bouffe en 2 actes One Man Show (1964 ;
rév., 1966) et l’opéra en 3 actes The Rising
of the Moon (1967-1970). Puis s’ouvrit
une période plus expérimentale, avec,
notamment, Life Studies I-VIII, pour 15
cordes solistes (1973-1976), Personae I-III,
pour piano (1973), et Odyssey, pour grand
orchestre (1973-1987, création intégrale
en 1989). Citons encore : une Sérénade,
pour petit orchestre (1973 ; rév., 1977), La
Vita Nuova, pour soprano et ensemble de
chambre (1979) et The Ruin, pour double
choeur et cor soliste (1980).
MAXIME.
Dans la notation proportionnelle des XIVe
et XVe siècles, la plus longue des figures
de note, d’emploi exceptionnel, valant 2
ou 3 longues, employée surtout en finale
avec valeur de point d’orgue ; on dit aussi
double longue.
MAXIXE.
Danse brésilienne, et plus particulièrement de Rio de Janeiro, non sans rapport
avec le tango, et ayant assimilé par la suite
les éléments mélodicorythmiques de la
polka et de la habanera, sur les syncopes
caractéristiques de la musique populaire
brésilienne.
Elle gagna les autres pays d’Amérique
latine, puis l’Europe, au cours de la Première Guerre mondiale. Gershwin (dans
Un Américain à Paris) fait une spirituelle allusion à la maxixe, qui avait alors
conquis la France.
MAY (Angelica Petry-May, dite Angelica), violoncelliste allemande naturalisée autrichienne (Stuttgart 1933).
Elle étudie d’abord le piano et le violon à
la Musikhochschule de Stuttgart. En 1954,
elle travaille avec Pablo Casals. Depuis
1960, elle mène une carrière de soliste
avec les plus grands orchestres européens,
et se passionne pour le répertoire germanique du XXe siècle. Elle exhume, en 1977,
un Concerto pour violoncelle de Hindemith, et joue les oeuvres de Werner Egk et
Gottfried von Einem. Elle fonde l’OdeonTrio avec le pianiste Leonard Hokanson et
le violoniste Kurt Guntner, avec lesquels
elle enregistre les trios de Brahms. Depuis
1984, elle enseigne à la Hochschule für
Musik de Vienne.
MAYR (Johann Simon), compositeur
allemand naturalisé italien (Mendorf,
Bavière, 1763 - Bergame 1845).
Fils d’un organiste d’Ingolstadt, il bénéficia de son enseignement, pratiqua divers
instruments et étudia la théologie. Il fut
ensuite l’élève de Lenzi à Bergame en
1789, puis se perfectionna à Venise avec
Giuseppe Bertoni, élève du père Martini et
successeur de Galuppi à Saint-Marc.
C’est là que Mayr fit exécuter ses premières oeuvres de musique sacrée, puis
son opéra Saffo (1794) et une farsa, Che
originali (1798), dont le succès détermina
sa vocation théâtrale. Il succéda en 1802
à Lenzi comme maître de chapelle à Bergame, où il se fixa, refusant diverses offres
flatteuses, dont celle de remplacer Lesueur
à la tête du Conservatoire de Paris. Il
fonda en 1805 un institut musical, où il
eut notamment pour élève Donizetti, de
1806 à 1815. Il créa encore en 1822 une
société philarmonique dédiée à la divulgation du répertoire classique allemand,
et, frappé de cécité en 1826, dut cesser ses
activités de façon prématurée.
Grâce à ses opere serie, Mayr occupe une
place de premier plan dans l’évolution du
genre, entre la disparition ou le retrait de
Mozart, Cimarosa et Paisiello et l’apparition de Rossini. Au contraire de Cherubini, Spontini et Paër, qui avaient quitté
leur pays, il assimila le style vocal et les
structures lyriques de l’Italie et leur joignit
une science de l’orchestration acquise à
l’ombre de l’école de Mannheim, et grâce
à sa connaissance de Haydn, de Mozart
et de Gluck, puis de Cherubini. Continuateur de Hasse, il parvint néanmoins
à ébranler l’édifice de l’opéra métastasien
par l’emploi plus fréquent du récitatif accompagné, par le choix de structures ouvertes, qui incorporaient parfois le choeur
à l’action elle-même, par une harmonie
dérivée de celle de Mozart et par l’élargissement de l’effectif orchestral, où, avant
Spontini et Rossini, et bien avant Berlioz,
il incorpora le cor anglais, la harpe, certaines percussions, etc., accordant une
attention particulière aux bois, et leur
confiant de nombreux traits de virtuosité.
Si nous y ajoutons l’usage du crescendo
orchestral, nous constatons que Mayr fut
le plus important des prédécesseurs de
Rossini, et un auteur ouvert aux courants
les plus variés ; il s’inspira de Goldoni, de
Voltaire, des auteurs français de style larmoyant. Sa science fit oublier ce que son
inspiration mélodique avait de trop traditionnel. Outre de nombreuses oeuvres de
musique sacrée et une production instrumentale originale et variée dans le choix
des instruments, on doit à Mayr environ
70 opéras, parmi lesquels Lodoïska (1796),
Ginevra di Scozia (1801), qui fut tenu
pour son chef-d’oeuvre, I Misteri Eleusini
(1802), L’Amor conjugale (1805), d’après
le livret de Bouilly à l’origine du Fidelio
de Beethoven, Adelasia e Aleramo (1806),
Raoul de Créquis (1809), La Rosa rossa e
la Rosa bianca (1813), Medea in Corinto
(1813), qui éclipsa longtemps l’oeuvre
homonyme de Cherubini, Fedra (1820) et
Demetrio (1824).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
631
Mayr écrivit aussi une monographie sur
Joseph Haydn (Bergame, 1809).
MAYR (Richard), basse autrichienne
(Salzbourg 1877 - Vienne 1935).
D’abord orienté vers la médecine, il se
tourna vers une carrière de chanteur
sous l’influence de Mahler, chanta le rôle
de Hagen, dans le Crépuscule des dieux, à
Bayreuth en 1902, et fit ensuite ses débuts
à l’Opéra de Vienne, où il se produisit plusieurs années sous la direction de Mahler.
Grand interprète de Strauss, en particulier
du rôle du baron Ochs du Chevalier à la
rose, il chanta Barak lors de la création de
la Femme sans ombre (1919), et participa
à tous les festivals de Salzbourg de 1921 à
1934. Son timbre était riche et sonore, et il
possédait un grand sens de la déclamation.
MAYSEDER (Joseph), violoniste, pédagogue et compositeur autrichien
(Vienne 1789 - id. 1863).
Enfant prodige (un de ses concertos fut
joué en décembre 1803 et Haydn signa
un certificat en sa faveur en novembre
1805), il devint second violon du Quatuor
Schuppanzigh et occupa de nombreux
postes officiels, dont celui de directeur
musical de la chapelle impériale (1836-
1837). Virtuose accompli, très recherché
comme pédagogue, admiré de Paganini, il
n’effectua cependant aucune tournée et ne
donna que très peu de concerts.
MAYUZUMI (Toshiro), compositeur japonais (Yokohama 1929).
Il a fait ses études à Tky, puis avec Tony
Aubin à Paris (1951-52), où il se familiarisa aussi avec l’univers de Messiaen et de
Boulez. De retour au Japon, il introduisit et utilisa dans ce pays les techniques
de l’avant-garde occidentale : sérialisme,
aléatoire, musique concrète (X, Y, Z,
1955), musique électronique (Shusaku I,
1955), instruments préparés (Pièces pour
piano préparé et quatuor à cordes, 1957).
Parallèlement, il s’intéressa de près aux
musiques de son pays (à leurs sonorités,
à leurs rythmes). Dans la Nirvana Symphony pour choeur d’hommes à 12 voix et
orchestre (1958), il s’inspira de la sonorité
des cloches de temples bouddhistes. La
Mandala Symphony pour orchestre (1960)
trouve ses racines dans la philosophie
bouddhiste. Bugaku pour orchestre (1962)
reprend les sonorités et les rythmes des
anciennes danses de cour portant ce nom.
Citons encore le poème symphonique
Samsara (1962), Showa Tenp yoraku pour
ensemble de gagaku (1970), et le poème
symphonique Tateyama (1974).
MAZURA (Franz), baryton autrichien
(Salzbourg 1924).
Formé à Detmold, il étudie le théâtre en
plus du chant, ce qui explique ses qualités
scéniques. En 1949, il débute à Cassel et
devient membre des troupes d’opéras de
Mayence, Brunswick et Mannheim. En
1961, il rentre à la Deutsche Oper et, en
1970, chante Fidelio à Salzbourg sous la direction de Karl Böhm. Dès 1971, il incarne
Gunther dans le Crépuscule des dieux à
Bayreuth, et c’est comme wagnérien qu’il
s’impose sur le plan international. En
1972, il apparaît à l’Opéra de Paris où il
chante régulièrement : de 1976 à 1978, il y
aborde Albérich avec Solti, et en 1979 il est
le Doktor Schön de la version intégrale de
Lulu de Berg, mise en scène par Chéreau.
Célèbre Wotan, il chante aussi Moïse et
Aaron, Parsifal avec James Levine, et, en
1993, participe à la redécouverte du Kaiser
Atlantis de Viktor Ullmann, une oeuvre
composée dans le camp de concentration
nazi de Theresienstadt.
MAZURKA.
Danse populaire à 3 temps, originaire de
la province de Mazurie (Pologne).
Très complexe sur le plan chorégraphique, car elle comporte un grand
nombre de figures, cette danse de caractère galant, du moins à l’origine, n’a jamais connu la popularité de la valse ou de
la polka. Mais elle a conquis toute l’Europe en tant que genre musical, à l’époque
romantique, grâce à Frédéric Chopin et
quelques autres grands compositeurs.
MAZZOCCHI, famille de compositeurs
italiens.
Domenico (Civita Castellana 1592 - Rome
1665). Après des études dans sa ville natale, il entra dans les ordres et s’installa à
Rome, où en 1621, probablement, il entra
au service du cardinal Ippolito Aldobrandini, ce qui marqua le début d’une longue
association avec divers membres de la
famille de cet homme d’Église. Protégé
par les papes Urbain VIII et Innocent X,
il fut essentiellement un compositeur de
musique vocale. Un seul de ses opéras a
survécu, La catena d’Adone (1626), dédié
au prince Giovanni Giorgio Aldobrandini, frère du cardinal. On lui doit notamment 7 oratorios latins, publiés dans ses
Sacrae concertationes (Rome, 1664), mais
datant vraisemblablement des années
1630 ; l’oratorio italien Coro di profeti
(av. 1638) ; et divers recueils comme ceux
des Poemata (Rome, 1638), sur des textes
latins d’Urbain VIII, des Dialogui e sonetti
(Rome, 1638), dont 2 sur des textes latins
tirés de l’Énéide de Virgile, des Madrigali
(Rome, 1638), sur des poèmes des XVIe et
XVIIe siècles et des Musiche sacre, e morali
(Rome, 1640), également d’après des
poètes contemporains ou presque, dont
le Tasse.
Virgilio, compositeur, frère du précédent
(Civita-Castellana 1597 - id. 1646). Après
avoir renoncé à continuer sa carrière ecclésiastique, il part à Rome étudier avec
son frère. Il est ensuite maître de chapelle
successivement à la Chiesa del Gesù du
Collegio romano en 1628, à Saint-Jean-deLatran en 1628-29 et, enfin, à la Cappella
Giulia de Saint-Pierre jusqu’à sa mort.
Comme tout bon musicien, il maîtrise
parfaitement les différents styles de son
temps, mais fait partie de l’avant-garde
dans plusieurs domaines. De par ses fonctions, il compose beaucoup de musique
sacrée et sa célébrité provient surtout de
ses grandes oeuvres polychorales. Il est un
des pionniers de ce style polyphonique
grandiose, qui devait faire la renommée de
l’école romaine par la suite. Il ne néglige
pas pour autant des genres plus intimes
et écrit un certain nombre de cantates et
d’oratorios pour des formations à effectifs
réduits.
Enfin, il compose plusieurs opéras pour
les Barberini, dont Chi soffre speri (1637 ;
rév., 1639), écrit en collaboration avec
Marco Marazzoli, et qui est considéré
comme la première comédie musicale.
MÉCANIQUE (musique).
Technique de reproduction mécanique du
son d’un instrument. L’un des principes
de base de la musique mécanique est le
rouleau, ou cylindre, percé de trous dans
lesquels viennent s’emboîter des chevilles,
ou taquets.
Il apparaît dès le XIVe siècle dans les
carillons mécaniques du nord de la France
et des Flandres. Le XVIe siècle voit le
développement des orgues mécaniques
hydrauliques à jeux de flûte, domaine
dans lequel règnent pendant deux siècles
les maîtres allemands, en particulier ceux
d’Augsburg. Au XVIIIe siècle, se multiplient les instruments mécaniques sous
forme d’automates (ceux de Vaucanson
sont restés célèbres, comme le Flûteur et
le Provençal), de montres, de tabatières, et
apparaissent des pendules à musique, avec
carillon et automates. Ces instruments,
créés en Suisse par les Jaquet-Droz, peu
après 1750, se répandent dans tout le pays,
puis en France et en Allemagne (plus particulièrement dans la Forêt-Noire), où on
préfère, peu à peu, au système du carillon
celui du jeu de flûte des orgues. Leur succès est tel que des musiciens comme Mozart et Haydn composent des pièces pour
ces horloges. On voit fleurir, à la même
époque, nombre d’ouvrages théoriques
sur la musique mécanique, en particulier
celui intitulé la tonotechnie ou l’art de noter
les cylindres et tout ce qui est susceptible de
notage dans les instruments de concert mécaniques du père Engramelle (Paris, 1775).
On commence alors à voir des mécanismes
imitant non plus un instrument, mais
tout un groupe et parfois même un petit
orchestre. L’instrument le plus important à cet égard est le panharmonikon (ou
panmelodikon) du Viennois J. N. Maelzel,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
632
destiné à remplacer une harmonie entière
(42 instruments à vent et à percussion),
et pour lequel Beethoven composera la
Bataille de Vittoria. Le XIXe siècle voit se
développer deux types de mécanismes.
Les premiers orgues de Barbarie (du nom
de leur inventeur Barberi) apparaissent
en Italie et se répandent, en particulier,
à Paris après l’arrivée en 1845 de la famille Gavioli. Cette maison révolutionne
la technique en remplaçant, en 1892, le
cylindre par un système de cartons perforés pliés sur eux-mêmes et passant par les
becs d’un clavier, ce qui permet de graver
des pièces très longues. Parmi les facteurs
les plus importants, citons les Limonaire,
les Mareughi et les Gasparini.
À la même époque, l’industrie des pendules à musique à jeux de flûte de la Forêt-Noire, en voie de disparition, laisse la
place à celle des orchestrions. Leur inventeur, Michael Welte, produit en 1848 un
orchestrion géant de 524 tuyaux d’orgue,
reproduisant tous les timbres et toutes
les nuances possibles. On commence
alors à se préoccuper de plus en plus de
problèmes d’enregistrement et de reproduction du son. Le piano pneumatique,
ou pianola, permet, au moyen d’un rouleau de carton se déroulant sous le clavier,
d’enregistrer une oeuvre en perforant le
carton lors de l’exécution, et de reproduire
l’interprétation en repassant le rouleau et
en actionnant la soufflerie. L’instrument
de ce type le plus élaboré est le piano
Welte-Mignon.
L’invention du phonographe par Edison en 1877 va révolutionner l’industrie
de la musique mécanique. Elle bénéficie
encore d’une certaine vogue, au début
du siècle, avec les grands orgues de foire et
les violons mécaniques (violina), mais sera
vite détrônée par l’évolution très rapide
des moyens modernes de reproduction du
son.
MÈCHE.
Ensemble des crins de l’archet (provenant
souvent d’étalons blancs), que l’on passe
sur les cordes.
On tend la mèche au moyen d’une vis
placée dans la hausse.
MÉDIANTE.
Dans le système tonal ou modal, c’est la
troisième note de la gamme. C’est la tierce
de l’accord parfait construit sur la tonique
(par exemple, en do majeur, la médiante
est le mi, tierce de do-mi-sol). Son nom
vient de ce qu’elle est à « mi-chemin »
entre la tonique et la dominante.
MÉDIUM.
Registre moyen
- une octave environ - de la voix d’un
chanteur. Ce devrait être aussi le meilleur,
puisqu’il correspond à la tessiture naturelle, mais il est parfois gâté par des efforts
inconsidérés vers le grave ou, surtout,
l’aigu.
MEDTNER (Nicolas), pianiste et compositeur russe (Moscou 1880 - Londres
1951).
Il fit ses études au conservatoire de Moscou avec Pabst, Sapelnikov, puis Safonov (piano), Taneiev (contrepoint et
fugue), Arensky (composition). Il entreprit une carrière de virtuose, enseigna au
conservatoire de Moscou (1909-10, puis
1914-1921), avant d’émigrer en 1921. Il
continua ses tournées en Occident et en
Amérique du Nord. À partir de 1936, il
vécut en Angleterre, en partie à cause de
l’accueil médiocre fait à sa musique en
France. La majeure partie de son oeuvre est
écrite pour piano : nombreuses sonates,
contes (oeuvres recelant un programme
non formulé), pièces diverses (improvisations, arabesques, thèmes et variations), 3 concertos. Il a aussi composé de
nombreuses mélodies. Influencé par les
romantiques allemands (Schumann et
Brahms surtout), opposé aux recherches
modernistes, Medtner possède un langage
qui lui est particulier et qui privilégie les
enchaînements harmoniques inattendus
à l’intérieur du système tonal. Sans avoir
une personnalité aussi caractérisée que
celle de Rachmaninov (auquel son style
pianistique s’apparente parfois), ni a for-
tiori celle de Scriabine, Medtner peut être
nommé à leur suite pour son apport à la
musique de clavier russe. Medtner a laissé
plusieurs enregistrements de ses oeuvres.
Son ouvrage d’esthétique musicale Mouza
i moda (« la Muse et la mode », Paris,
1935 ; rééd., 1978) est un pamphlet contre
la musique contemporaine. Il est également l’auteur d’un ouvrage didactique,
Travail quotidien du pianiste et du compositeur (Moscou, 1963).
MEESTER (Louis de), compositeur belge
(Roeselare 1904 - Gand 1987).
Autodidacte, il travaille avec Absil. Directeur du conservatoire de Meknès, puis
collaborateur de la radio belge, il est directeur du studio de musique électronique
de l’université de Gand. Parti d’un néoromantisme haut en couleur où l’ironie,
la farce et le sérieux ont souvent frôlé
l’expressionnisme, il a évolué vers les
techniques plus modernes (dodécaphonisme et musique concrète). Ses oeuvres
comprennent des pièces d’orchestre (dont
2 concertos pour piano), 3 quatuors, des
mélodies et cantates et 1 opéra radiophonique, la Grande Tentation de saint Antoine, d’après De Ghelderode (prix Italia
1957).
MÉFANO (Paul), compositeur français
(Bassora, Iraq, 1937).
Il a fait ses études d’abord à l’École normale de musique de Paris dans la classe
d’Andrée Vaurabourg-Honegger, puis au
Conservatoire de Paris, notamment avec
Darius Milhaud (composition) et Olivier
Messiaen (analyse), de 1960 à 1964. Il a
aussi suivi l’enseignement de Pierre Boulez
à l’Académie de musique de Bâle (composition, analyse et direction d’orchestre), de
Karlheinz Stockhausen et de Henri Pousseur. Ses premières oeuvres témoignent
d’une assimilation en profondeur de
l’esthétique de Pierre Boulez. Ce sont Incidences pour orchestre et piano (1960 ;
rév., 1966, création à Paris, 1967) ; Quadrature pour choeurs et orchestre (196061) ; Madrigal pour 3 voix de femmes et
petit ensemble, d’après Paul Eluard (1962,
création à Royan, 1972) ; Mélodies pour
soprano et divers ensembles de chambre
(1962-63, création à Royan, 1974) ; et
Paraboles pour soprano dramatique et
ensemble de chambre, d’après Yves Bonnefoy (1964, création à Paris, 1965). Suivirent Interférences pour cor principal,
piano et ensemble de chambre, ouvrage
dédié à Olivier Messiaen (1966, création
à Royan la même année) ; Aurelia pour
70 amateurs (1970), et Lignes pour voix
de basse noble, cuivres, percussions, basson et contrebasse amplifiée, sur un texte
du compositeur (1968, création la même
année à Royan).
De 1966 à 1968, Méfano fut artiste en
résidence aux États-Unis, ce qui lui permit
d’étudier la musique javanaise et balinaise
à l’université de Californie (Los Angeles),
et, en 1968-69, il séjourna à Berlin. Revenu
en France, il composa la Cérémonie pour
haute-contre, baryton, soprano, 3 groupes
d’orchestre et choeurs parlés (1970, création à Royan la même année). Suivirent
Old OEdip, oeuvre théâtrale pour 2 récitants et bande magnétique (1970), Intersection, musique électronique à 6 pistes
(1970, création aux Semaines de musique
contemporaine d’Orléans, 1971), BiFunction pour 2 musiciens, appareillage
électroacoustique, bande magnétique et
modulateur à anneaux (1971), la Messe
des voleurs... les voleurs de messe pour 4
voix solistes, 3 cuivres, 3 bois, 3 cordes,
3 percussions, orgue Hammond, magnétophone à 6 pistes, appareillage électroacoustique et modulateur à anneaux (1972,
création à Royan la même année), Would
you like it pour 12 instrumentistes (1972),
et Signes/Oubli pour 20 musiciens (1972,
création à Metz la même année).
En 1971, Méfano créa le Collectif musical international 2e2m, ce qui lui a permis
de mener depuis, en tant qu’animateur,
professeur et chef d’orchestre, de multiples
actions en faveur de la musique contemporaine, notamment à Champigny. À la
tête de cet ensemble, il a joué un rôle esdownloadModeText.vue.download 639 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
633
sentiel pour imposer à Paris et à l’étranger
de jeunes compositeurs qui avaient été révélés au festival de Royan à partir de 1973,
comme Brian Ferneyhough, Giuseppe
Sinopoli, Hugues Dufourt ou Philippe
Manoury. Parallèlement, il a poursuivi
ses activités de créateur avec, entre autres,
N pour flûte seule, appareillage électroacoustique et modulateurs à anneaux
(1973, création la même année à Champi-
gny), They pour un chanteur (enregistrement d’une voix seule superposée en 12
pistes magnétiques, 1974), Ondes/Espaces
mouvants pour 10 instrumentistes (1975,
création à Metz la même année ; rév.,
1976), Éventails pour flûte basse amplifiée
(1976), Mouvement calme pour quatuor à
cordes (1976), Placebo Domino in regione
vivorum, motet à 6 voix (1976), À Bruno
Maderna pour cordes et bandes magnétiques (1974 ; création 1977), Périples,
pour saxophone(s), pour les soixante-dix
ans d’Olivier Messiaen (1978), Gradiva,
pour flûte octobasse et bande magnétique
(1978), Micromégas, opéra de chambre
d’après Voltaire (1979, créé à Avignon
en 1988), et Traits suspendus, pour flûte
contrebasse amplifiée (1980), Voyager
pour orchestre (1989), Dragonbass pour
voix de basse, deux saxophones et dispositif électroacoustique (1993).
MEHTA (Zubin), chef d’orchestre indien
(Bombay 1936).
Renonçant à une première vocation de
médecin, il se tourne vers la musique, initié par son père, Mehli Mehta, violoniste
et fondateur de l’Orchestre symphonique
de Bombay. En 1954, il étudie à l’Académie de musique de Vienne le piano, la
contrebasse, la percussion et la direction
d’orchestre (avec Hans Swarowsky). Il fait
ses premiers pas de chef, en 1958, à la tête
de l’orchestre de l’Académie. Lauréat, la
même année, du concours de Liverpool,
il est, pour un an, chef assistant du Royal
Philharmonic Orchestra. Il parfait sa formation à l’Academia musicale Chigiana de
Sienne, avec C. Zecchi et A. Galliera, et au
Berkshire Music Center de Tanglewood,
avec E. de Carvalho. En 1959, il dirige
l’Orchestre philharmonique de Vienne.
Amené à remplacer au pied levé I. Markevitch à la tête de l’Orchestre symphonique
de Montréal, il en devient le directeur musical de 1960 à 1967, et succède en 1962 à
Fritz Reiner à la tête de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles. Il participe à
de nombreux festivals (Hollande, Prague,
Vienne, Spolète, Salzbourg, Orange) et se
produit sur les scènes du Metropolitan
Opera de New York (1965), de la Scala de
Milan (1966) et du Mai musical florentin
(1969). Conseiller musical de l’Orchestre
philarmonique d’Israël en 1968, il en devient directeur musical à vie en 1981 (il
est le premier à avoir osé en 1981 diriger
du Wagner en Israël), et succède en 1978 à
Pierre Boulez à la tête de l’Orchestre philharmonique de New York. Déroutant par
sa fringale musicale et l’éclectisme de ses
choix, Mehta se montre plus convaincant
en concert, où son goût d’une certaine volupté sonore trouve un juste emploi, surtout dans le répertoire postromantique,
que dans les disques qu’il accumule.
MÉHUL (Étienne-Nicolas), compositeur
français (Givet 1763 - Paris 1817).
Dès l’âge de dix ans, il fut organiste suppléant aux orgues de l’église des franciscains de Givet, puis, en 1776, à celles du
couvent de Laval-Dieu, où il fut élève de
Wilhelm Hanser. En 1778, il se rendit à
Paris, où, soigneusement recommandé, il
put trouver des places de maître de musique. Son Ode sacrée, exécutée au Concert
spirituel en 1782, attira l’attention sur
lui. Il fut présenté à Gluck, qui décela
ses talents dramatiques, le fit travailler et
l’orienta vers le théâtre. En 1790, l’OpéraComique représenta son Euphrosine, dont
la vigueur dramatique lui valut un franc
succès, qui se renouvela l’année suivante
à l’Opéra avec Alonzo et Cora, composé
depuis 1785. Dès lors, Méhul se consacra
essentiellement à l’opéra, à l’opéra-comique et au ballet. Lors de la Révolution
française, bien que moins engagé que Gossec, il apporta sa contribution aux fêtes
patriotiques avec quelques oeuvres pleines
de feu comme le célèbre Chant du départ,
entendu le 4 juillet 1794, ou le Chant du 25
Messidor, exécuté le 14 juillet 1800 aux Invalides et utilisant 3 choeurs, 2 orchestres
et 1 choeur de femmes accompagné de
harpes. Il fut l’un des quatre inspecteurs
du Conservatoire, lors de sa fondation en
1795. En 1795, il fut le premier musicien à
entrer à l’Institut. Malgré toutes ces activités, il ne cessait de composer, avec des
succès inégaux. Le Jeune Henri, représenté
en 1797, vit son ouverture bissée dans
l’enthousiasme, et le premier acte sifflé
dans la colère, car le héros de l’ouvrage est
un roi. Ariodant et Adrien, en 1799, furent
deux grands succès. En revanche, Joseph,
en 1807, fut accueilli assez froidement,
et ne connut la faveur qu’après s’être
imposé en Allemagne. Primé par Napoléon comme le meilleur ouvrage lyrique
de l’année, Joseph resta l’oeuvre maîtresse
de Méhul, avec l’Irato (1801), cette étourdissante bouffonnerie présentée comme
un pastiche de Paisiello. Tous les ouvrages
de Méhul, dont aussi Uthal (1806), font
preuve de sa science de l’instrumentation,
de son sens d’un romantisme naissant et
de son invention mélodique. Cependant,
son étoile pâlit rapidement face aux succès
de Spontini. Atteint de phtisie, il se rendit
à Hyères, espérant y guérir, mais mourut
peu après son retour à Paris, laissant à son
neveu Daussoigne le soin de terminer son
dernier ouvrage, Valentine de Milan, que
l’Opéra-Comique représenta en 1822. Ses
2 symphonies en sol mineur (1809) et en ré
majeur (1809), la seconde surtout, sont de
remarquables spécimens du genre. Deux
autres existent (mi majeur, ut majeur).
MEIER (Waltraud), mezzo-soprano allemande (Würzburg 1956).
Elle commence ses études à Cologne avec
le professeur Jacob, qui suit toujours son
travail. Elle débute en 1976 à Würzburg
et est, de 1978 à 1980, à Mannheim. Elle
s’impose rapidement comme une grande
wagnérienne. Depuis 1983, elle est une
invitée permanente du Festival de Bayreuth, où elle chante Kundry, Brangaene,
Waltraute et Fricka. Présente sur toutes
les grandes scènes du monde, elle fait ses
débuts au Metropolitan en 1987. En 1990,
elle participe à un cycle Mahler à Tokyo,
avec Giuseppe Sinopoli. En 1992, elle est
Marie dans Wozzeck au Châtelet, mis en
scène par Patrice Chéreau. Elle étend son
répertoire à Richard Strauss, Berlioz, Elvira dans Don Giovanni et à l’opéra italien.
En 1996, elle aborde Aïda, Don Carlos et
Carmen.
MEISTERSANG ou MEISTERGESANG.
Ce terme désigne la production poéticomusicale des Meistersinger. Ceux-ci, réunis en corporation, ont exercé leur art
du XIVe au XVIIIe siècle, principalement
dans les villes impériales d’Allemagne
du Sud. Les plus anciennes écoles furent
celles de Mayence (1315), d’Augsbourg
(1449), de Nuremberg (1550) et de Strasbourg (1492). Les Meistersinger formaient
ainsi dans ces divers centres des associations comparables à celles des confréries
pieuses du Moyen Âge tardif. Chaque
école conservait une « tablature », qui
consignait l’ensemble des règles de versification et d’interprétation auxquelles les
chants étaient soumis lors de concours.
Le Meistersang se présente comme un
chant monodique non accompagné, dont
la déclamation est le plus souvent sylla-
bique. La strophe (Bar) comprend généralement trois parties : les deux Stollen de
facture mélodique identique, l’Abgesang
dont le caractère métrique diffère en principe du Stollen et, enfin, la reprise mélodique du Stollen ou la fin de celui-ci. La
majeure partie des poèmes s’inspire de
motifs théologiques, tandis que les thèmes
profanes à contenu moralisant traduisent
une conception du monde teintée d’un
profond pessimisme. Parmi les représentants les plus illustres du Meistersang
figurent Michel Behaim (1416-1474) et H.
Sachs (1494-1576).
MÉLANGES.
Volume édité en hommage à une personnalité (en général un musicologue) et
comprenant une série d’articles rédigés
par ses « collègues et amis », soit autour
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
634
d’un thème ou de divers thèmes précis (en
principe de la spécialité de la personnalité honorée), soit sur de thèmes choisis
librement.
En allemand « Festschrift ».
MELARTIN (Erkki), compositeur finlandais (Käkisälmi 1875 - Pukinmäki 1937).
Élève de Wegelius à l’Institut musical
(future Académie Sibelius) d’Helsinki, il
lui succéda en 1911 à la direction de l’établissement, conservant ce poste jusqu’en
1936. Il fut le premier à diriger Mahler
en Finlande, et est l’auteur notamment
de l’opéra Aino (1907, créé en 1909), de
quatre quatuors à cordes et de huit symphonies, dont deux inachevées (de 1902
à 1925).
MELBA (Nelly), soprano australienne
d’origine écossaise (Melbourne 1861 Sydney 1931).
Elle étudia à Paris avec la célèbre Mathilde
Marchesi, dont elle devait devenir la plus
brillante élève. Elle fit ses débuts à la Monnaie de Bruxelles en 1887, dans le rôle de
Gilda de Rigoletto de Verdi. L’année suivante, elle parut à Londres, dans celui de
Lucia di Lammermoor de Donizetti. Ses
triomphes furent tels que, pendant près
de quarante ans, elle fut « prima donna
assoluta » à Covent Garden, décidant de
l’engagement des artistes et de la distribution des rôles. Cela ne l’empêcha pas
de mener une carrière internationale qui
la conduisit aux États-Unis, en France, en
Italie et même en Russie. Le répertoire de
Melba était essentiellement italien (Lucia
di Lammermoor, la Traviata, Rigoletto, la
Bohème, Otello), et français (Faust, Roméo
et Juliette, Hamlet). Elle aborda pourtant
Lohengrin et même Siegfried de Wagner
(ce dernier ouvrage une fois seulement).
Sa voix était d’une beauté exceptionnelle
et sa technique prodigieuse tant du point
de vue de l’émission que de l’agilité qui
lui permettait d’admirables fioritures. Son
goût musical, la pureté de son style, une
diction parfaite compensaient la froideur
de son jeu d’actrice.
MELCHIOR (Lauritz), ténor danois (Copenhague 1890 - New York 1973).
Il débute comme baryton à Copenhague
en 1913 (Silvio dans Paillasse) et continue
de chanter ces emplois pendant quatre
ans. Après encore un an de travail, il fait
ses seconds débuts comme ténor dans
Tannhäuser en 1918. De 1921 à 1929, il
poursuit ses études de chant avec Anna
Bahr-Mildenburg ; et, en 1924, il incarne
Siegmund et Parsifal à Bayreuth. Il y reviendra chaque année jusqu’en 1931.
Entre-temps, Lauritz Melchior devient le plus célèbre ténor wagnérien
de l’époque. Il abandonne peu à peu ses
autres rôles, Radamès, Paillasse, Jean dans
le Prophète, Florestan dans Fidelio, où il a
pourtant triomphé, afin de se consacrer
plus exclusivement à Tristan et à Siegfried,
qui seront les personnages de prédilection. À partir des années 30, le Metropolitan Opera de New York est son principal
port d’attache. Il y fait ses adieux en 1950
dans Lohengrin.
Avec le recul, Melchior apparaît comme
le plus grand ténor wagnérien que le
monde ait connu. Sa voix était prodigieuse
d’ampleur et de facilité, parfaitement
égale sur toute l’étendue de son registre,
avec un timbre d’une richesse sans égale.
Ses demi-teintes forçaient l’admiration
aussi bien que ses éclats de vaillance, et
ses interprétations étaient toujours passionnantes, malgré un physique toutefois
peu crédible.
MÉLISMATIQUE.
Caractère d’un morceau dont l’usage
systématique de mélismes d’une certaine
ampleur est l’une des caractéristiques essentielles.
Le chant mélismatique s’oppose au
chant syllabique, dans lequel à chaque syllabe correspond en principe une note et
une seule, sauf à y glisser de temps à autre
un court mélisme de faible amplitude. Ces
deux styles de chant sont particulièrement
tranchés dans le grégorien, où le style
mélismatique culmine dans les graduels,
répons, alléluias, et le style syllabique dans
les antiennes ordinaires et les cantillations
psalmodiques.
MÉLISME (gr. melisma, dérivé de melos à
travers melizo, « chanter sans paroles »,
le plus souvent avec un instrument).
Terme désignant, dans une pièce chantée,
un groupe de notes réunies sur une même
syllabe et rappelant ainsi la mélodie instrumentale. Le mélisme se distingue de la
vocalise par son caractère occasionnel et
sa dimension plus restreinte ; en outre, il
n’inclut pas, comme souvent la vocalise,
de notion de virtuosité, bien qu’il présente
parfois lui aussi un caractère vraiment
ornemental.
Par analogie, on appelle aussi mélisme,
dans la musique instrumentale, un groupe
de notes ornementales venant agrémenter
la mélodie sans en altérer la structure.
MELKUS (Eduard), violoniste autrichien
(Baden, près de Vienne, 1928).
De 1943 à 1953, il étudie le violon à l’Akademie für Musik und darstellende Kunst,
et la musicologie à l’université de Vienne.
Il travaille ensuite le violon à Paris avec F.
Touche, à Zurich avec Schaichet et à Winterthur avec Peter Rybar. Il est alto solo
dans l’orchestre de Tonhalle de Zurich
(1955-56), dans l’orchestre de Winterthur
(1957), et premier violon dans le nouveau
Quatuor à cordes de Zurich. En 1958, il est
nommé professeur de violon à l’Akademie
(actuellement Hochschule) für Musik und
darstellende Kunst de Vienne. En 1965,
il fonde la Capella academica de Vienne,
dont les musiciens utilisent uniquement
des instruments d’époque. Il a publié des
articles sur le violon et le livre le Violon
(Lausanne, 1972).
MELLERS (Wilfrid), compositeur et musicologue anglais (Leamington 1914).
Élève à l’université de Cambridge (19331938), il étudia en même temps la composition à Oxford avec E. Wellesz et E.
Rubbra. Il fit ensuite une carrière d’enseignant, débutant à Dartington Hall avant
d’être nommé à Downing College (Cambridge), puis à l’université de Birmingham
et à celle de Pittsburg (États-Unis). En
1964, il fut nommé professeur de musique
à l’université de York, et il y resta jusqu’en
1981, année où il devint directeur de la
Britten-Pears School à Aldenburgh (Suffolk).
Réputé pour ses écrits, W. Mellers s’est
particulièrement intéressé aux musiques
anglaise et française du XXe siècle (Studies
in Contemporary Music, 1948), mais aussi
au phénomène social que la musique peut
refléter, qu’il s’agisse de musique classique, de musique folklorique, de jazz ou
de pop music.
Son oeuvre de compositeur s’est orientée dans une direction analogue : attiré
initialement par le style baroque, Mellers
semble avoir été marqué par son expérience des États-Unis, et il mêle volontiers
au diatonisme de ses débuts les techniques
d’écriture les plus variées.
MELLNÄS (Arne), compositeur suédois
(Stockholm 1933).
Élève de E. von Koch, L.-E. Larsson et
K.-B. Blomdahl à Stockholm, B. Blacher
à Berlin et M. Deutsch à Paris, puis stagiaire à San Francisco et à Utrecht, où il
approfondit ses recherches de musique
électronique, Mellnäs est un moderniste
raisonnable qui possède une remarquable
maîtrise de son langage. Parmi ses oeuvres,
il faut retenir Dagsfjärd och natthärbärge
(1960), Färgernas hjärtä (1961), Collage
(1962), Aura et Gestes sonores (1964), Quasiniente (1968), l’étonnant Aglepta pour
choeurs d’enfants (1969), Capricorn flakes
(1970) et les oeuvres électroniques CEM
63 (1963), Intensity 6.5. (1966) et Far out
(1970).
MELLON (Agnès), soprano française
(Épinay-sur-Seine 1958).
Elle apprend le violoncelle au CNR
d’Orléans, puis le chant avec notamment
Nicole Fallien et Jacqueline Bonnardot.
Elle se perfectionne ensuite à San Francisco avec Lilian Loran. Elle est d’abord
choriste de la Chapelle royale dirigée par
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Herreweghe, qui, dès 1981, lui confie de
petits rôles. Depuis 1984, elle mène une
carrière de soliste, consacrée surtout à la
musique baroque. En 1987, elle devient
membre permanent des Arts florissants,
et incarne Sangaride dans Atys de Lully
dirigé par William Christie. Elle aborde
Sylla et Glaucus de Leclair et, en 1991,
débute à Aix-en-Provence dans Castor et
Pollux de Rameau. Elle se produit en récital avec le claveciniste Christophe Rousset, et aborde les cantates de Bach. Elle
collabore avec l’Ensemble Clément Janequin et grave de nombreux disques, parmi
lesquels Zoroastre de Rameau, avec Kuijken, et Pygmalion avec Gustav Leonhardt.
MÉLOCHORD.
Instrument électronique réalisé par Bode,
comme variante du trautonium.
Tout comme un autre perfectionnement du trautonium, dû à Oscar Sala (le
mixtur-trautonium), le mélochord est un
instrument polyphonique grâce au couplage de générateurs. Les diverses lutheries électroniques ont pour précurseur,
dès 1920, L. Theremine.
MÉLODIE.
1. Notion très générale, dont le concept
est plus particulièrement propre à la musique occidentale traditionnelle, en ce sens
qu’elle repose sur une certaine distinction
du point de vue des hauteurs entre l’aspect horizontal de la musique, la succession dans le temps de différents degrés de
hauteur formant une courbe, la mélodie,
et son aspect vertical, simultané, représenté par les accords, l’harmonie. Dans
ce contexte, la mélodie se définit comme
une « ligne de sons successifs en hauteur
et durée » (Edmond Costère). Mais cette
mélodie « sous-entend » très souvent son
harmonie, c’est-à-dire la succession des
accords qui la soutiennent. On a essayé
d’étendre la notion de mélodie, c’est-àdire de courbe de variation dans le temps,
à d’autres aspects que la hauteur, c’est-àdire à la durée, aux intensités, au timbre
(la Klangfarbenmelodie de Schönberg,
« mélodie de timbre »), mais il reste que
cette notion ne fonctionne pleinement
que pour la valeur de hauteur.
On est rarement parvenu à créer des
« mélodies de timbres » ou des « mélodies
d’intensité » qui soient à la fois perceptibles en tant que telles et pas trop simplistes. La hauteur est, en effet, dans la
musique occidentale le caractère dominant, celui qui fait l’objet, dans son système, de l’élaboration la plus efficace et
la plus raffinée. Si la notion occidentale
de mélodie peut être appliquée à d’autres
musiques, il faut se garder de l’« européanocentrisme », consistant à croire
que les successions de hauteur, dans ces
musiques, sont entendues comme dans
la nôtre, puisqu’elles ne sont pas perçues
selon les mêmes relations avec le timbre,
le rythme, etc. D’où l’impression fréquente, à nos oreilles d’Occidentaux, de
« mélopée », c’est-à-dire de mélodie interminable et sans point d’appui.
Dans le cadre de la musique occidentale, la mélodie répond à certaines caractéristiques : d’abord, elle est une forme, une
« Gestalt », au sens de la « psychologie de
la forme », qui prend d’ailleurs souvent
comme exemple de « Gestalt » la mélodie musicale. En d’autres termes, c’est une
structure caractéristique, globalisée dans
la conscience, et non réductible à l’addition des éléments qui la composent, pris
séparément. Ainsi une mélodie transposée, c’est-à-dire transportée sur des degrés
de hauteur tout à fait différents, est-elle
perçue comme identique puisqu’on y
perçoit la même relation d’intervalles ;
de même, si on la dilate ou la contracte
modérément dans le temps. On peut aller
jusqu’à modifier sensiblement les rapports de durée à l’intérieur de la mélodie
(en passant, par exemple, d’un rythme à
4/4 à un rythme à 3/4) sans pour autant
la défigurer ; pourvu que l’on conserve
les mêmes rapports longues/brèves. Cette
« Gestalt » qu’est la mélodie comporte des
notes faibles et des notes « fortes », c’està-dire des points d’appui de l’harmonie,
qui sont souvent les degrés caractéristiques du ton : tonique, dominante, etc.
La dialectique mélodie/harmonie consiste
justement en ce que les notes de passage,
ornements, broderies, variations, retards,
anticipations, appogiatures, bref toutes les
notes « faibles » en plus des notes de base
solidaires du squelette harmonique, sont
souvent celles qui donnent à la mélodie sa
personnalité. D’autre part, la mélodie occidentale est perçue comme une forme fermée, qui doit se clore au bout d’un temps
assez court, en parvenant au repos sur la
tonique. Comme l’a formulé Sartre, une
mélodie porte en elle fièrement sa propre
mort. Le trajet qu’elle parcourt, souvent
du type tonique-dominante-tonique (sous
l’angle harmonique) est tel qu’il la ramène
au point de départ ; tout l’art est de rendre
neuf et intéressant ce parcours fermé. Si
l’on parle de « mélodie infinie » chez Richard Wagner, qui souvent recule très loin
sa résolution par des cascades de cadences
évitées, c’est bien parce que la mélodie est
dans notre musique classique censée se
clore dans un délai assez court ; par rapport à la musique indienne, par exemple,
où le flux mélodique semble avoir l’éternité devant lui pour s’écouler.
La mélodie occidentale est aussi supposée être « logique », et « prégnante »,
c’est-à-dire identifiable et mémorisable.
Quand les détracteurs de Bizet, Wagner
ou Debussy leur reprochaient de manquer de mélodie, ils voulaient dire par
là qu’ils n’y trouvaient pas leurs repères
habituels pour percevoir la logique des
relations d’intervalles, pour en discerner et en mémoriser les contours ; toute
« prévisibilité » du destin de la mélodie
leur était refusée, alors que la possibilité
de prévoir et de reconnaître un tant soit
peu est à la base de la mélodie classique.
Celle-ci a d’ailleurs ses règles implicites,
son « canon « ; dans la mélodie idéale, les
notes sont souvent liées ou légèrement
détachées, mais pas trop ; des notes de
passage, des appogiatures, des notes « à
côté » de l’harmonie en adoucissent les
contours (à tel point que l’on considère
comme peu mélodique une phrase formée de notes appuyées trop fermement
et trop directement sur l’harmonie sousentendue) ; la courbe générale ne doit être
ni trop plate, ni trop accidentée, ni trop
anguleuse, ni trop discontinue. « Ce n’est
pas mélodique », dit-on souvent quand les
intervalles sont très grands ou très petits.
La dialectique de la mélodie réside aussi
dans sa liberté surveillée par rapport à son
schéma harmonique. Par ailleurs, dans
la forme sonate à 2 thèmes, le premier
thème, dit « masculin », est souvent plutôt
dynamique et rythmique, et le second, dit
« féminin », plutôt chantant et mélodique.
Le « mélodique » et le « rythmique » s’opposent ainsi souvent comme deux principes complémentaires. Enfin, la notion
de « mélodie », même dans la musique
instrumentale, renvoie toujours plus ou
moins au chant, à la voix humaine et à sa
modulation.
2. Le terme de mélodie désigne également
un genre musical : il s’agit d’un chant, accompagné ou non, sur des paroles généralement empruntées à des textes poétiques.
Plus spécifiquement, la mélodie française
est généralement considérée comme le
genre correspondant en France au lied allemand, avec toutes les différences dues au
contexte musical, linguistique, esthétique.
Alors que le lied n’est souvent pas très
éloigné, dans sa structure, de la simplicité
de la chanson populaire, la mélodie française, genre raffiné, tend à couper ses racines avec la chanson populaire, et même
avec la romance, dont elle est issue. Les
Nuits d’été de Berlioz, publiées en 1841,
seraient le premier grand cycle de mélodies françaises rompant avec la fadeur de
la « romance « ; très raffinées et complexes
dans leur ligne mélodique, elles ont cependant une ampleur lyrique que retrouvera rarement ce genre dans la musique
française. Charles Gounod composa environ 200 mélodies, à couplets, dans l’esprit
sentimental de la romance, souvent sur
des textes de grands romantiques lyriques
(Hugo, Lamartine), de même que SaintSaëns, alors que les Fauré ou les Debussy
préférèrent une poésie plus « impaire »
et moins tonitruante. Si Bizet, Massenet,
Franck, Lalo et, plus tard, Roussel ont
donné des mélodies de valeur, c’est ChadownloadModeText.vue.download 642 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
636
brier qui a introduit dans ses romances de
salon et ses airs parodiques (Ballade des
gros dindons) une dimension autocritique
et même autoparodique, qui se retrouve
chez Ravel et Poulenc : pas de grands
épanchements vocaux où l’on s’oublie et
où le texte n’est que prétexte phonétique.
Dans ce monde de pudeur et de « quant à
soi », les rares mélodies d’Henri Duparc
sont une exception, avec leur lyrisme profond et direct. Fauré, quant à lui, dans sa
centaine de mélodies, cultive un art de
nuances, évitant les rythmes trop marqués,
assujettissant étroitement la ligne mélodique à une harmonie à la fois fluide et
imprévisible, qui dilue les relations fortes
tonique-dominante-sous-dominante. En
contrepartie de ce gain en finesse et en
clair-obscur : une moins grande facilité
à s’inscrire dans la mémoire ; cette mélodie ne se chantonne pas, ne se transcrit
pas, reste solidaire de son harmonie et de
son texte, cherchant comme une impossible fusion verbe/musique pour laquelle,
respectant l’esprit des poèmes qu’elle illustre, elle devrait renoncer à « prendre
ses grands airs ». D’où, peut-être, la relative discrétion d’expression des mélodies,
même les plus lyriques de Debussy (sur
des poèmes de Baudelaire, de Verlaine,
et de lui-même), par rapport aux accents
plus forts et directs de son opéra Pelléas.
L’extrême raffinement y va de pair avec le
refus des abandons sentimentaux. Cette
ligne vocale à la fois fluide et émiettée,
souple et complexe, se retrouve aussi dans
les mélodies de Ravel (Schéhérazade, Histoires naturelles), mais dans un esprit différent, plus sec, nerveux, graphique. Après
Debussy et Ravel, le genre se perpétue sans
trouver son second souffle, sauf peut-être
chez Poulenc, qui écrivit de très nombreuses mélodies à partir de 1912 jusqu’à
sa mort, s’affrontant aux poètes modernes
(Apollinaire, Eluard, Louise de Vilmorin).
Malgré les tentatives de cycles mélodiques
pour chant et piano comme l’Harawi de
Messiaen, la mélodie française tend à quitter ce cadre intimiste pour transporter ses
ambitions dans des cadres plus vastes de
cantates, avec effectif instrumental (cycles
de Boulez, Barraqué, sur Mallarmé). Par
ailleurs, on peut ranger dans le genre
des « mélodies » les cycles espagnols de
De Falla, norvégiens de Grieg, russes
de Glinka, Borodine, Rimski-Korsakov
et surtout Moussorgski (Sans soleil, la
Chambre d’enfants, Chants et danses de la
mort), qui sut être aussi grand et direct que
possible dans ce cadre concis et intime de
la mélodie accompagnée.
MÉLODRAME (étymol. : « drame
chanté »).
Si l’on s’en tient à l’étymologie, l’expression melodramma per musica, qui qualifia
les premiers opéras italiens jusqu’à Mon-
teverdi, relève du pléonasme. Il est d’autant plus paradoxal que le mot « mélodrame » ait désigné par la suite une forme
de spectacle d’où le chant est exclu : plus
précisément un ouvrage unissant un texte
déclamé à un accompagnement musical.
Si le premier mélodrame, proprement
dit, fut le Pygmalion de Jean-Jacques
Rousseau, joué en 1770, l’idée d’associer la
symphonie à la déclamation parlée n’était
pas nouvelle. La tragédie antique était accompagnée de musique, de même que les
« mistères » du Moyen Âge, la commedia
dell’arte, les comédies-ballets de Molière
et certaines tragédies classiques comme
Esther et Athalie de Racine, sans compter les scènes parlées introduites dans des
genres lyriques tels que la pastorale, la
mascarade et le ballet de cour. Cette dernière tradition a été longtemps perpétuée
en France par l’opéra-comique et en Allemagne par le Singspiel, dont l’Enlèvement
au sérail et la Flûte enchantée de Mozart,
ainsi que le Freischütz de Weber sont les
exemples les plus connus.
Quant au mélodrame - l’« opéra sans
chanteurs » ou presque -, son grand maître
au XVIIIe siècle fut J. A. Benda, avec Médée
(1775) et Ariadne auf Naxos (1775). Citons
à ses côtés le melologo de l’Espagnol Iriarte
intitulé Guzman el Bueno (1791). Relèvent
plus ou moins du mélodrame le Pierrot
lunaire de Giraud et Schönberg (1912),
l’Histoire du soldat de Ramuz et Stravinski
(1918) et Jeanne au bûcher de Claudel et
Honegger (1935). Contiennent aussi des
passages en mélodrame Zaïde de Mozart
(1779), Egmont de Beethoven (1811) et
Manfred de Schumann (1847). La Nymphe
des bois de Sibelius (1894-1895) existe à la
fois sous forme de poème symphonique
(opus 15) et de mélodrame.
On peut également rattacher au genre
« mélodrame » des drames ou comédies
enrichis de ce qu’on appelle, improprement, une « musique de scène ». C’est le
cas notamment du Songe d’une nuit d’été
de Shakespeare et Mendelssohn (1843),
de l’Arlésienne de Daudet et Bizet (1872),
de Peer Gynt d’Ibsen et Grieg (1875), des
Érinnyes de Leconte de Lisle et Massenet
(1873), ou encore du Pelléas et Mélisande
de Maeterlinck et Gabriel Fauré (1898).
On appelle enfin mélodrame, dans certaines partitions d’opéra ou d’opéra-co-
mique, une sorte d’intermède orchestral
pendant lequel les chanteurs se taisent.
Il en existe plusieurs exemples dans
l’oeuvre de Massenet. Et nous ne citerons
que pour mémoire, car elle est sans rapport avec la musique, l’acception la plus
répandue du mot « mélodrame « : drame
populaire, dont les personnages conventionnels et les péripéties rocambolesques
s’adressent à la sensibilité la plus élémentaire du public. Malgré l’hommage célèbre
d’Alfred de Musset - « Vive le mélodrame
où Margot a pleuré ! » - ce genre, qui fit
fureur à l’époque romantique, n’est plus
guère pris au sérieux, ainsi qu’en témoigne
le diminutif « mélo », nettement péjoratif.
MELOLOGO (gr. melos, « musique » et
logos, « parole »).
Mot espagnol désignant un genre dramatique très en faveur en Espagne à la fin du
XVIIIe siècle et au début du XIXe.
Il s’agissait d’une forme de mélodrame
à un seul personnage (monodrame) monologuant en vers de 11 syllabes, avec des
séquences orchestrales qui venaient couper et prolonger sa déclamation parlée. Le
« mélodrame » à un seul personnage de
Jean-Jacques Rousseau, Pygmalion, créé
en 1770 à Lyon et représenté à Madrid
en 1790, serait l’inspirateur de ce genre,
dont Yvan Ignacio Gonzales del Castillo
fut l’un des pionniers en Espagne. L’année suivante, Tomas del Iriarte créait son
melologo Guzman el Bueno (créé à Cadix,
1790), un classique du genre, et plusieurs
centaines de melologos furent composés,
entre autres, par Blas de Laserna, Pablo
del Moral, Manuel García, ainsi que par
l’Allemand Georg Benda (Ariane à Naxos,
Médée). C’est, sans doute, à partir de ce
mot espagnol que Berlioz a forgé le terme
de « mélologue » pour désigner son mélodrame à un seul personnage, Lélio (183132), dans lequel le compositeur lui-même
se met en scène et suscite les interventions
orchestrales ( ! MÉLODRAME).
MÉLOPÉE (gr. melopoieia, de melopoios,
« qui fait de la mélodie »).
1. Dans la musique de la Grèce antique, la
mélopée était soit la théorie musicale de la
mélodie, soit la pratique de cette théorie
(par opposition à la rythmopée, « action
d’ordonner le rythme »), soit enfin la
mélodie elle-même. Voltaire rapproche
ainsi le récitatif italien de la mélopée des
Anciens.
2. On appelle couramment mélopée une
mélodie qui sonne à nos oreilles comme
longue, monotone et ondulante (telles les
lignes mélodiques des musiques arabes ou
indiennes, dont l’oreille occidentale souvent ne sait percevoir la logique).
MELOS (gr. : « membre ».)
Transcription en caractères romains du
mot grec qui signifie aussi par analogie
« membre de phrase musicale », chant,
rythme, mélodie chantée, ou encore, chez
Platon, l’ensemble formé par les notes, le
rythme et les paroles, conçus comme indissociables. Au pluriel, ta mélé signifiait
la « poésie lyrique », par opposition à la
poésie épique ou dramatique ; elle est à
dominante rythmique ou agogique.
Dans les écrits anciens sur la musique,
le melos est souvent opposé, en tant que
concept, au « rythme », pour désigner
l’essence mélodique de la musique, sa part
« féminine ».
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
637
MEMBRANOPHONE.
Tout instrument de musique utilisant une
membrane comme résonateur de la voix
modulée de l’exécutant. C’est notamment
le cas du mirliton et du bigophone.
MENDELSSOHN (Félix, Jakob, Ludwig,
ou MENDELSSOHN-BARTHOLDY), compositeur, chef d’orchestre et pianiste allemand (Hambourg 1809 - Leipzig 1847).
Il était le deuxième enfant d’une famille
bourgeoise, riche et de grande culture,
d’origine juive. Son père Abraham, fils du
célèbre philosophe Moses Mendelssohn
(« le Platon moderne ») et banquier fort
avisé, se plaisait à dire : « Avant j’étais
le fils de mon père, maintenant je suis le
père de mon fils. » Il décida de faire baptiser à leur naissance ses 4 enfants (Fanny,
Félix, Rebecca, Paul) dans la religion
luthérienne et d’ajouter à son patronyme
le nom de Bartholdy, d’après une terre
appartenant au frère de sa femme Léa, née
Salomon. Après s’être installés à Berlin
(1813), lui-même et Léa se convertirent en
1822. Ils donnèrent à leurs enfants, outre
un foyer uni et chaleureux, une éducation
stricte, mais propre à épanouir leurs dons
précoces.
UNE ÉDUCATION INTELLIGENTE.
Quoiqu’il fût sensible aux arts, Abraham
n’était pas musicien, et c’est sans doute
à Léa et à son ascendance (sa tante Sara
Lévy avait été l’élève favorite de Wilhelm Friedmann Bach) que les enfants
Mendelssohn durent leur fibre musicale :
Fanny fut une excellente pianiste (avec des
dons de composition certains, écrasés par
ceux de Félix), Rebecca chantait et Paul
jouait remarquablement du violoncelle.
Leur mère fut le premier professeur de
Fanny et de Félix, qu’une profonde tendresse unit toute leur vie. Emmenés par
leur père à Paris en 1816, Fanny (onze
ans) et Félix (sept ans) y prirent des leçons
de piano avec Marie Bigot, interprète préférée de Beethoven.
Après leur retour à Berlin, leur éducation fut confiée à des hommes de premier
plan, tant pour la culture générale (Heyse)
et le grec que pour la musique (Henning,
puis Rietz, violon ; L. Berger, piano ; Zelter, harmonie et composition) et que pour
le dessin (Rösel), où Félix excellait (il a
laissé de nombreux paysages et dessins
charmants réalisés au cours de ses multiples voyages). Le 28 octobre 1818, Félix
Mendelssohn participa, au piano, à un
premier concert public, et entra en 1819 à
la Singakademie.
LES PREMIÈRES COMPOSITIONS.
Elles datent de 1820. En 1821, après une
rencontre marquante avec Weber, il fut
emmené à Weimar par Zelter qui le présenta à Goethe. Il rendit une deuxième
visite au poète l’année suivante, au cours
d’un voyage en Suisse avec toute sa famille.
Le rythme des compositions s’accéléra
(symphonies, motets, études pour piano,
lieder, etc.) que Félix eut la chance de pouvoir entendre et diriger lors des concerts
du dimanche donnés chez ses parents, où
chacun participait, et qui attiraient tous
les artistes résidents ou de passage.
LES DÉBUTS D’UNE BRILLANTE PRODUCTION.
De 1824 date sa 13e Symphonie (connue
comme sa 1re Symphonie). Zelter le considéra comme arrivé à maturité et fit copier
pour lui la Passion selon saint Matthieu
de Bach. Mendelssohn rencontra le jeune
et déjà célèbre pianiste Moscheles (avec
qui il travailla et qui devint un de ses plus
fidèles amis) et Spohr, avant un nouveau
séjour à Paris en 1825 (excellent contact
avec le peu indulgent Cherubini) et une
troisième visite à Goethe sur le chemin du
retour à Berlin - où ses parents venaient
d’acquérir une vaste demeure avec une
grande salle de musique. Avec son Octuor
en mi bémol majeur pour cordes op. 20,
dédié à Rietz en octobre 1825, commença
sa véritable production, ce que confirme
l’éblouissante musique pour le Songe d’une
nuit d’été d’après Shakespeare, composée
en quelques semaines l’été suivant (première exécution publique de l’ouverture à
Stettin, 20 février 1827). De 1826 à 1828,
Mendelssohn était à l’université (parmi
ses maîtres, Hegel et C. Ritter), où il
brilla dans toutes les disciplines (littérature ; poésie ; langues : italien, français,
anglais ; etc.), sauf les mathématiques et
la physique. Très sportif (gymnastique,
équitation, natation), danseur excellent,
il menait une vie brillante, à la fois studieuse et mondaine ; ce fut la naissance
de nombreuses amitiés essentielles (E.
Magnus, peintre, K. Klingemann, poète
et diplomate, A. B. Marx, musicologue, E.
Devrient, chanteur, etc.).
À sa sortie de l’université, son père accepta qu’il consacrât sa vie à la musique ;
après des mois de répétitions, et malgré
l’hostilité des musiciens de Berlin (Zelter
compris), Mendelssohn monta et dirigea,
avec un succès imprévisible, le 11 mars
1829, la Passion selon saint Matthieu, qui
n’avait plus été jouée depuis la mort de
Bach en 1750. Puis trois ans de voyages à
travers l’Europe encouragés (et financés)
par son père pour élargir sa culture : premier séjour en Angleterre en avril 1829. Il
dirigea et joua à Londres avec un immense
succès (il fut élu membre de la Société
philharmonique le 29 novembre 1829),
visita l’Écosse et l’Irlande avant de rentrer
à Berlin - où il refusa et fit attribuer à Marx
la classe de musique qui venait d’être
créée à son intention - et de repartir en
mai 1830, via Weimar (quatrième et dernier séjour près de Goethe), pour Munich,
Vienne et l’Italie. Venise, Bologne, Florence, Rome (1er novembre 1830 - 10 avril
1831), Naples, Milan, Genève, Lucerne,
Interlaken et retour à Munich (septembre
1831) : approfondissement enthousiaste
de la peinture et de la musique italiennes,
travail personnel intense (« un producteur
infatigable », selon Berlioz qu’il rencontra,
ainsi que de nombreux autres artistes).
Fin 1831, nouveau séjour à Paris, où il se
lia avec Chopin, Meyerbeer, Liszt ; mais le
refus par la Société des concerts de sa symphonie Réformation et une épidémie de
choléra lui firent quitter Paris sans regrets
pour Londres (23 avril 1832). Son séjour
a été en outre attristé par les nouvelles
successives de la mort de Rietz (23 janvier 1832), de Goethe (22 mars 1832) et de
Zelter (15 mai 1832), qui l’affectèrent profondément. Rentré à Berlin en juillet, il fut
évincé (15 janvier 1833) de la succession
de Zelter à la Singakademie, ce qui acheva
de le détacher de cette ville. Après un premier contact prometteur avec l’orchestre
du Gewandhaus à Leipzig (février-mars
1833), il accepta la direction du festival
des pays du Bas-Rhin, puis, après un troisième séjour à Londres (première de la
Symphonie italienne le 13 mai 1833), signa
un contrat de trois ans pour diriger la musique à Düsseldorf (où son oratorio Paulus
fut créé le 22 mai 1836). Mais, à l’automne
1835, il prit la direction du Gewandhaus
de Leipzig ; il y reçut Chopin, rencontra Clara Wieck et se lia d’amitié, à vie,
avec Schumann. Au hasard de concerts à
Francfort (où la direction du Cäcilien-Verein lui a été confiée), il rencontra la jeune
Cécile Jeanrenaud (d’ascendance huguenote française) qu’il épousa le 28 mars
1837, qui lui donna 5 enfants, et qu’il aima
profondément jusqu’à ses derniers jours.
Puis ce fut la création anglaise de Paulus
à Birmingham au cours de son cinquième
séjour en Angleterre (août 1837).
UNE VIE ACTIVE, UN TRAVAIL FÉCOND.
Composition, concerts, comme chef ou
comme soliste (piano et orgue), voyages,
réceptions, correspondance, etc., la vie
de Mendelssohn était alors débordante
d’activité et heureuse (naissance de son
premier fils Carl Wolfgang Paul, 7 février
1838 ; puis de Marie, 2 octobre 1839).
En septembre 1840, sixième séjour en
Angleterre, avant de devoir déférer au
voeu du nouveau roi de Prusse, FrédéricGuillaume IV, qui entendait s’attacher le
compositeur à Berlin : réticent mais respectueux, Mendelssohn devint en 1841
maître de chapelle du roi de Prusse, puis,
l’année suivante, directeur général de
la musique à Berlin. Après un septième
séjour en Angleterre avec sa femme (ils
furent reçus à deux reprises par la reine
Victoria), retour à Leipzig où le conservatoire, dont il était le maître d’oeuvre, fut
inauguré au début de 1843 : il y enseigna la
composition (Schumann également) et le
piano, d’où d’incessants va-et-vient avec
Berlin. Le 18 octobre 1843, première de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
638
la musique intégrale du Songe d’une nuit
d’été, à Potsdam. En 1844, il obtint enfin
du roi de Prusse la réduction de sa charge
et surtout le libre choix de sa résidence : à
Francfort (où il décida de se reposer pendant un an), il acheva le Concerto pour violon op. 64 - mais sa santé l’empêcha d’assister à la première audition le 13 mars 1845
(par F. David, à qui il était dédié) à Leipzig, où Mendelssohn se fit seconder par le
compositeur danois Niels Gade. Période
cependant féconde : 6 sonates pour orgue,
trio en ut mineur, quintette en si majeur,
6e livre de Lieder ohne Worte, et, en 1846,
l’oratorio Elias (première à Birmingham,
26 août 1846). En avril 1847, dixième et
dernier séjour en Angleterre : il y dirigea
plusieurs fois Elias et joua superbement
le 4e Concerto de Beethoven (« Mon vieux
cheval de bataille », disait-il en français).
Après avoir assisté aux débuts, à Londres,
de la jeune cantatrice suédoise Jenny Lind
(avec qui il s’était lié à Berlin en 1844), il
rentra à Francfort pour apprendre la mort
brutale de sa soeur Fanny : sous l’empire
de la douleur et de la révolte, il composa le
Quatuor à cordes en fa mineur op. 80, puis,
un peu plus tard, le superbe Nachtlied et
encore quelques fragments d’un nouvel
oratorio, Christus. Il voyagea, dessina,
peignit, toucha encore de temps à autre
le clavier, mais sa santé déclinait, il eut de
longues périodes d’apathie. Rentré à Leipzig, il entendit son concerto pour violon
splendidement joué le 3 octobre 1847 par
le jeune Joachim (l’un des premiers élèves,
à douze ans, de son conservatoire) et y
mourut le 4 novembre 1847.
À TOUS ÉGARDS, UN MUSICIEN À PART.
L’homme, exceptionnellement doué,
d’une mémoire remarquable, hypersensible, brillant, charmeur, aimant la vie,
d’une vaste culture et travailleur acharné,
a toujours su allier son goût de la fantaisie
et de la liberté avec des règles de vie bourgeoise qui ne semblaient pas lui peser. On
le découvre grâce au volumineux courrier
échangé avec ses amis (Magnus, Klingemann, Moscheles, etc.) et bien que sa
femme Cécile, avant de mourir en 1853,
détruisît leur correspondance intime. S’il
a fui autant qu’il a pu l’atmosphère empoisonnée du Berlin musical de l’époque
et si Paris l’a déçu, il fut partout adulé de
son temps, comme compositeur, comme
chef d’orchestre, comme pianiste. Ses
interprétations des concertos de Beethoven et surtout de Bach et de Mozart ont
suscité des commentaires qui sont venus
jusqu’à nous. Au pupitre, il électrisait les
musiciens d’orchestre auxquels il communiquait l’amour d’oeuvres de ses contemporains, mais aussi du passé, oubliées ou
méconnues : ce fut à lui essentiellement
que l’Allemagne devait de redécouvrir
J.-S. Bach, dont il fit revivre l’oeuvre. Mais
il créa aussi des oeuvres nouvelles de ses
amis, notamment de Schumann - grâce à
qui il put donner, après la mort du compositeur, la première audition de la 9e Symphonie de Schubert (22 mars 1839). Cette
curiosité, cette ouverture d’esprit alliées à
l’amour du passé, au goût du classicisme
et du travail bien fait, se retrouvent dans
sa propre musique, que son insatisfaction
lui faisait éternellement remettre sur le
métier ; dans ses vingt années de production on trouve à tout moment la marque
du génie à côté d’oeuvres médiocres, au
demeurant souvent de circonstance. Sa
réputation en a injustement souffert : il est
encore courant de considérer Mendelssohn comme un musicien mineur, à qui
on ne pardonne peut-être pas la facilité
matérielle de son existence à toutes les
époques. La discutable appellation française des Lieder ohne Worte (« romances
sans paroles ») traduit bien la mièvrerie
prêtée du même coup à toute sa musique.
Pourtant, à côté d’oeuvres aussi connues
que le Songe d’une nuit d’été, le Concerto
pour violon en mi mineur ou ses Symphonies italienne et écossaise, bien d’autres
pages sont du plus haut niveau, et certaines annoncent Brahms. Nul doute que
le temps viendra où des oeuvres comme
l’Octuor op. 20, les Quatuors op. 12, 13,
40, 80, le Quintette op. 87, les Variations
concertantes pour violoncelle et piano op.
17, une vingtaine de lieder, etc., retrouveront la place qu’elles méritent dans la
faveur du public. L’inspiration profondément originale, l’aisance de la technique,
le raffinement de l’écriture (et de l’orchestration), la variété de la production font
incontestablement de Mendelssohn l’un
des grands compositeurs romantiques,
dont la culture germanique a su puiser en
Italie et surtout en Angleterre (sa seconde
patrie) des adjuvants précieux.
MENDÈS (Catulle), écrivain et critique
français (Bordeaux 1841 - Saint-Germain-en-Laye 1909).
Poète et romancier, animateur du premier Parnasse, critique dramatique et
musical au Journal, cet écrivain exerça
une influence due davantage à son dynamisme et à sa verve qu’à un talent original.
Époux de Judith Gautier, il fut, lui aussi,
un défenseur ardent de l’oeuvre de Wagner. Il a écrit des livrets pour Chabrier
(Gwendoline), Massenet (Ariane, Bacchus),
Messager (Isoline), Debussy (Rodrigue et
Chimène), Reynaldo Hahn (la Carmélite).
MÉNÉSTRANDISE.
À Paris, aux XVIIe et XVIIIe siècles, corporation de ménétriers bénéficiant grâce
à un privilège officiel de l’exclusivité des
« musiques à faire danser ». Selon d’autres
sources, puissante corporation qui voulait
faire verser par les organistes également
la redevance exigée des bateleurs. Dans
le Deuxième Livre de pièces de clavecin de
Couperin (1716-1717), le onzième ordre
comprend cinq morceaux satiriques intitulés globalement les Fastes de la grande et
ancienne Ménéstrandise (Couperin écrivit
Mxnxstrxndxsx).
MENGELBERG (Willem), chef d’orchestre hollandais (Utrecht 1871 - Sent,
Engadine, 1951).
Il étudia à Utrecht avec R. Hol et M. W.
Petri, puis au conservatoire de Cologne
avec Wüllner, I. Seiss et G. Jensen.Il débuta en 1890 comme pianiste à Utrecht.
Directeur de la musique à Lucerne de
1891 à 1895, il fut, de 1895 à 1945, chef
de l’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, qui acquit avec lui une renommée
mondiale. À partir de 1897, il conduisit le
choeur du Toonkunst Vereniging d’Amsterdam, notamment lors des exécutions
annuelles de la Passion selon saint Matthieu. Avec l’orchestre du Concertgebouw
et le choeur du Toonkunst, il fit des tournées en Italie, en Russie, en Norvège, en
Angleterre et en France. De 1907 à 1920,
il fut directeur de la Museumgesellschaft
et, à partir de 1908, du Cäcilienverein de
Francfort. Il fit de nombreuses tournées,
notamment en Amérique, où il dirigea
régulièrement la philharmonie de New
York de 1921 à 1929. Entre 1911 et 1914,
il se rendit à plusieurs reprises à Londres,
où il conduisit le London Symphony Orchestra et la Royal Philharmonic Society.
En 1934, il fut nommé professeur à l’université d’Utrecht. En 1945, à cause de sa
conduite pendant la guerre, il dut se retirer en Suisse, où il resta jusqu’à sa mort.
Chef d’orchestre doté d’une forte personnalité, il possédait une compréhension
profonde de chaque instrument, maîtrisait
l’orchestre de manière superbe et obtenait
de lui la perfection technique, la plénitude de la sonorité, la vigueur, l’impulsion
vitale et la couleur, en même temps que
la souplesse. Ses interprétations se caractérisaient par leur ardeur, leur éloquence,
leur intensité expressive. Sa conception
des oeuvres était parfois discutable, il prenait quelquefois certaines libertés, mais
l’originalité de son tempérament fascinait.
C’était un interprète privilégié de Mahler, dont il était l’ami, de Richard Strauss,
qui lui dédia son Heldenleben (Une vie de
héros), de Tchaïkovski et même de certains
musiciens français comme Debussy. Il a
dirigé à Amsterdam un festival consacré
à Mahler en 1920, un festival de musique
française en 1922, un festival RichardStrauss en 1924 et des festivals de musique
néerlandaise en 1902, 1912 et 1935.
MENNIN (Peter), compositeur américain
(Erie, Pennsylvanie, 1923 - New York
1983).
Il fit ses études à l’Eastman School of
Music de Rochester avec B. Rodgers et H.
Hanson. Il fut, dès 1947, professeur à la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
639
Juilliard School, puis devint son président
et directeur du conservatoire de Peabody.
L’un des plus sérieux représentants de
la tendance néoclassique dans la jeune
école américaine, Peter Mennin est avant
tout symphoniste, dans un style séduisant
et décoratif, qui consent volontiers aux
effets spectaculaires, mais atteste un généreux tempérament contrapuntique. Vigueur, sensibilité et émotion caractérisent
son oeuvre, déjà abondante et d’une belle
variété. On lui doit notamment 8 symphonies, d’autres pages orchestrales (Fantaisie, Folk-Ouverture, Allegro symphonique,
Concerto pour orchestre, Concertino pour
flûte), de la musique de chambre (3 quatuors et différentes sonates) et la Cantate
de Noël, dont il a lui-même écrit le texte et
qui est son oeuvre la plus populaire.
MENOTTI (Gian Carlo), compositeur, librettiste, metteur en scène italien (Cadegliano 1911).
Il commence ses études au conservatoire
Verdi de Milan, et, à dix-sept ans, sur les
conseils de Toscanini, il quitte l’Italie pour
s’inscrire au Curtis Institute of Music de
Philadelphie, dont il sort diplômé en
1933. Il reviendra dans cet établissement
au cours des années 40-50 pour y enseigner la composition.
En 1937, Menotti donne à Philadelphie
un opéra bouffe en 1 acte, Amelia al Ballo
(« Amélie va au bal »), repris dès l’année
suivante au Metropolitan Opera de New
York. Cette réussite lui vaut la commande,
par la chaîne NBC, du premier ouvrage lyrique spécialement destiné à la radio : The
Old Maid and the Thief (« la vieille fille et
le voleur », 1939). C’est encore un succès,
mais, trois ans plus tard, le compositeur
connaît l’échec avec The Island God (« le
dieu de l’île »), qui disparaît de l’affiche
du Metropolitan après deux représentations. Menotti se détourne alors, pour un
temps, du théâtre lyrique. Il y revient avec
The Medium, drame musical en 2 actes,
qui marque dans sa carrière une date capitale. S’il avait, jusqu’alors, écrit lui-même
ses livrets, à partir de The Medium, il se fait
aussi metteur en scène et sera désormais le
maître d’oeuvre absolu, à la fois concepteur et réalisateur, de tous ses opéras.
De plus, The Medium, créé le 8 mai 1946
à l’université Columbia, va être exploité
d’une façon inhabituelle : à partir de l’année suivante, on le joue tous les soirs dans
un théâtre de Broadway, comme une pièce
de boulevard. Il va ainsi toucher directement le grand public et (accompagné par
The Telephone, 1947, un lever de rideau
que Menotti a composé pour la circonstance) il connaîtra 211 représentations
consécutives. En 1950, The Consul, drame
musical en 3 actes, exploité selon la même
formule, tient l’affiche neuf mois à New
York, puis, traduit en une quinzaine de
langues, est joué dans le monde entier.
Menotti devient alors une vedette internationale et connaît pendant une dizaine
d’années une destinée assez semblable à
celle des compositeurs lyriques à succès de
la première moitié du XIXe siècle. Au cours
de cette riche période, il donne successivement (pour nous borner ici à l’oeuvre
lyrique) : le 24 décembre 1951, Amahl and
the Night Visitors (« Amahl et les visiteurs
de la nuit », premier opéra commandé
pour la télévision, et qui demeure longtemps un classique des programmes de
Noël des chaînes américaines) ; en 1954,
The Saint of Bleecker Street (« la Sainte de
Bleecker Street », trois mois de représentations à Broadway, première européenne
à la Scala de Milan) ; en 1956, The Unicorn, the Gorgon and the Manticore (« la
licorne, la gorgone et la manticore », une
fable-madrigal pour choeur, 10 danseurs
et 9 instruments) ; enfin, dans le cadre de
l’Exposition universelle de Bruxelles, en
1958, Maria Golovin, opéra en 3 actes.
Cette même année, Menotti fonde à
Spoleto le festival des Deux-Mondes, et
son existence prend un tour nouveau. De
cette petite ville d’Ombrie, il a décidé de
faire un carrefour où se rencontreront,
célèbres ou débutants, des musiciens,
des peintres, des metteurs en scène et des
chorégraphes de tous les pays. Il déploie
dans cette tâche une activité considérable
et tout à fait fructueuse, au détriment sans
doute de son oeuvre de création proprement dite. Sa production demeure abondante, mais, à l’exception de Help ! Help !
the Globolinks ! (« Au secours, les Globolinks ! », Hambourg, 1968), ses nouveaux
opéras - The Labyrinth, ouvrage destiné
à la télévision (1963), le Dernier Sauvage,
opéra bouffe en 3 actes commandé par
l’Opéra de Paris (Opéra-Comique, 21
octobre 1963), Martin’s Lie (« le mensonge
de Martin », 1964), The Most Important
Man (« l’homme le plus important »,
1971), Tamu-Tamu (1973), The Hero
(1976), The Egg (« l’oeuf », 1976) et Goya
(1986) - reçoivent un accueil mitigé, ou
sont déchirés par la critique. Celle-ci, à
vrai dire, a toujours été partagée à l’égard
de Menotti, compositeur dont on ne peut
dire qu’il soit féru de modernité.
S’il est surtout connu comme compositeur d’opéras, Menotti a également
produit une oeuvre orchestrale et instrumentale, qui comprend notamment 2
ballets, 1 concerto pour piano, 1 concerto
pour violon, 1 Triplo concerto a tre, 1 suite
d’orchestre (Apocalypse), la 1re Symphonie, 2 Cantates, 1 cycle de mélodies, etc.
Il est aussi l’auteur du livret de l’opéra
de Samuel Barber Vanessa, ainsi que de 2
pièces de théâtre, et poursuit aujourd’hui
une carrière internationale de metteur en
scène lyrique.
En 1974, il a abandonné les États-Unis,
où il résidait depuis les années 30, pour
s’installer dans le domaine de Yester
House, à Gilford (Écosse).
MENTONNIÈRE.
Dans les instruments à cordes frottées violon et alto -, petit appareil en bois ou en
matière synthétique fixé sur le côté gauche
du cordier et dont la forme est adaptée à
celle de la mâchoire inférieure. La mentonnière permet un meilleur appui du
menton sur l’instrument, protège le vernis
et la table et améliore la sonorité en libérant la table du contact avec le menton.
MENUET.
Danse d’origine française de rythme ternaire et de tempo plutôt lent.
Ses origines restent discutées. La théorie la plus courante, selon laquelle il descendrait du branel de Poitou et son nom
du vocable menu ou mener (« branel à
mener »), est actuellement remise en question, sans pour autant qu’on puisse la rejeter entièrement.
Le menuet apparut officiellement à la
cour de Louis XIV, avec Lully, qui l’introduisit dans Cadmus et Hermione (1673),
puis à partir d’Atys (1676) dans tous ses
opéras. Il s’intégra aussi dans le genre de la
suite, et, de France, se répandit dans toute
l’Europe, prenant en Italie une allure plus
rapide.
On a trop coutume d’associer l’Ancien
Régime au menuet, alors que celui-ci n’en
fut que la dernière danse caractéristique,
celle qui se maintint le plus longtemps.
Comme danse de société, le menuet
conserva un rôle de premier plan durant
tout le XVIIIe siècle. Ce fut également la
seule danse du genre suite qui fut reprise
par les genres nouveaux (quatuor, sonate,
symphonie) illustrés dans la seconde moitié du même siècle par Haydn et Mozart.
Le pas du menuet, danse aristocratique,
comprenait en 2 mesures à 3 temps 4
mouvements de pied : souvent sur la première, la troisième, la quatrième et la cinquième des 6 pulsations ainsi définies :
parfois sur la première, la troisième, la
quatrième et la sixième :
ou encore sur la première, la deuxième,
la quatrième et la sixième (menuet du
Bourgeois gentilhomme de Lully) :
D’où, sur le plan rythmique, une sorte
de « 3 contre 2 », n’ayant rien à voir avec la
banalité de tant de sous-produits des XIXe
et XXe siècles (une exception de taille est le
remarquable menuet d’Orphée aux enfers
d’Offenbach). À noter qu’au congrès de
Vienne (1814-15), il ne se trouvait, paraîtil, aucun maître à danser capable de se
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rappeler et d’enseigner le menuet, danse
bien vivante un quart de siècle auparavant. Rien n’illustre mieux les bouleversements qui allèrent de pair avec la Révolution française.
Le menuet était, en principe, en 2 parties, dont chacune répétée (A-A-B-B). En
principe aussi, il était suivi d’un double
(plus tard appelé trio) adoptant la même
coupe (C-C-D-D), puis d’une reprise du
menuet proprement dit, chaque partie
n’étant alors jouée qu’une fois (A-B), ce
qui donnait globalement A-A-B-B-C-CD-D-A-B. Cette structure globale est à
peu près « de règle » dans les symphonies,
quatuors ou sonates de Haydn et Mozart.
Dans les suites baroques (Bach), le menuet
se trouvait en général vers la fin, parmi les
« galanteries ». Dans les oeuvres de Mozart et de ses contemporains relevant de
l’esprit du divertissement, on en trouve
d’ordinaire plusieurs (2 ou même 3). Dans
les symphonies ou quatuors de la seconde
moitié du XVIIIe siècle, où il ne s’imposa
pas sans résistance, et jamais complètement (la symphonie Prague de Mozart n’a,
par exemple, pas de menuet), il tient lieu
en général de troisième mouvement (viflent-menuet-vif), parfois, comme dans la
symphonie Funèbre de Haydn ou dans la
plupart de ses quatuors op. 9, 17 et 20, de
deuxième mouvement (vif-menuet-lentvif). Le type menuet de cour assez lent
subsista jusque dans les dernières oeuvres
de Haydn et de Mozart, et même chez
Beethoven, mais on assista parallèlement
chez eux à un allongement et à une accélération du menuet, ainsi qu’à sa pénétration d’une part par l’esprit symphonique,
ce qui par-delà la préservation du schéma
de base A-A-B-B-C-C-D-D-A-B défini
plus haut rendit sa structure interne beaucoup plus complexe, d’autre part par l’esprit populaire (phénomène en réalité plus
ancien). Outre ceux de leurs symphonies
ou de leurs quatuors, Haydn et Mozart
écrivirent des menuets expressément destinés à être dansés : les 2 catégories ne sont
pas toujours interchangeables. Au moment où Mozart, dans le finale du premier
acte de Don Giovanni (1787), faisait briller
le menuet en tant que danse aristocratique
d’une ultime splendeur, lui-même et surtout Haydn écrivaient des pages intitulées
menuet, mais qui n’en avaient que le nom,
la structure et la mesure à 3 temps, et pratiquement rien d’autre. Le « menuet » du
quatuor op. 71 no 1 (1793) de Haydn est
une robuste danse paysanne, celui en ré
mineur tiré de ses 24 menuets à danser
Hob. IX.16 a des accents de carmagnole,
celui de son quatuor op. 76 no 1 (1797) est
un scherzo beethovénien avant la lettre. Le
scherzo tel qu’il devait être développé par
Beethoven fut l’aboutissement naturel de
l’accélération et de la « popularisation » du
menuet. À cet aboutissement correspondit
une rupture illustrée par un fait significatif : la disparition du menuet rapide. Chez
Beethoven et ses successeurs, les pages
intitulées menuet (troisième mouvement
du Septuor op. 20 de Beethoven) relèvent
toutes du type lent, au point que, parfois
(Sonate op. 31 no 3 de Beethoven), elles
vont jusqu’à tenir lieu de mouvement lent.
MENUHIN (Yehudi), violoniste et chef
d’orchestre américain, suisse et anglais
(New York 1916).
Ses parents, d’origine russe, s’étaient
d’abord rencontrés en Palestine, où ils
avaient émigré à quelques années d’inter-
valle ; puis ils s’étaient retrouvés à New
York, où fut célébré leur mariage. L’aîné
de leurs enfants, Yehudi, manifesta très
tôt d’étonnantes dispositions pour la
musique et le violon en particulier. La
famille s’étant transportée de New York
à San Francisco, où Moshe Menuhin a
été appelé à enseigner l’hébreu, le bambin écoute avec passion le violoniste
Louis Persinger et, à cinq ans, devient
son élève. À sept ans, il débute en soliste
avec l’orchestre de San Francisco dans la
Symphonie espagnole de Lalo, mais son
père n’ignore pas les périls qui guettent
un enfant prodige. Sacrifiant sa propre
carrière, il s’embarque avec les siens pour
l’Europe où Yehudi aura les plus éminents
professeurs : George Enesco à Paris, Adolf
Busch à Bâle. Au cours de cette période
d’apprentissage, le jeune garçon ne fait
que de rares apparitions en public, mais
elles sont retentissantes ; citons notamment son premier concert à Carnegie Hall
en novembre 1927, où il joue le Concerto
de Beethoven sous la direction de Fritz
Busch, et celui du 12 avril 1929 consacré
à Bach, Beethoven et Brahms, avec l’Orchestre philharmonique de Berlin, sous la
direction de Bruno Walter. À douze ans,
il commence à entreprendre des tournées.
De 1930 à 1935, la famille trouve son port
d’attache à Ville-d’Avray, et Yehudi travaille volontiers avec sa soeur Hephzibah,
de quatre ans sa cadette, qui restera sa
partenaire au piano jusqu’à sa mort, en
1980. Entré dans la légende à peine adolescent, Yehudi Menuhin restera, grâce
à d’innombrables concerts et enregistrements, le plus illustre violoniste du monde
contemporain. Si sa virtuosité a été égalée, sinon dépassée, il n’a guère de rivaux
quant à l’interprétation en profondeur
d’un immense répertoire, tant classique
que moderne.
Un film lui a été consacré par François
Reichenbach en 1971.
La musique est pour Menuhin une
sorte de religion universelle, un message
de paix entre les hommes et les peuples.
Lui-même se veut missionnaire de cette
religion et citoyen du monde. Aussi a-til prodigué son talent, pendant et après
la guerre, devant tous les publics et dans
les pires conditions, au risque d’un surmenage qui a failli compromettre sa maîtrise de l’instrument. Bravant au besoin
l’opinion de ses coreligionnaires et de ses
compatriotes, il a courageusement tendu
la main à Wilhelm Furtwängler, accusé de
sympathies pronazies, joué en Allemagne
avant d’affronter le public israélien, et
donné des concerts à Moscou en pleine
guerre froide. En revanche, il s’est accordé
une « année sabbatique » à l’occasion de
son soixantième anniversaire et l’a mise à
profit pour rédiger un important ouvrage
autobiographique - le Voyage inachevé qui révèle l’étendue de son ouverture
d’esprit et explique, par exemple, son attirance pour la musique et la philosophie
de l’Inde.
Un certain nombre d’oeuvres contemporaines, telles que la Sonate pour violon
seul de Bartók, un Duo pour deux violons de
Darius Milhaud, un Trio pour violon, violoncelle et piano d’Alexander Goehr, ont
été écrites pour lui. Également virtuose de
l’alto, il a abordé la direction d’orchestre
dans les années 50 au festival de Bath,
dont il venait d’être nommé directeur
artistique, et a poursuivi cette activité au
festival de Gstaad qu’il a lui-même fondé
en 1956. Enfin, il a créé en 1962, dans une
petite ville du Surrey, Stoke d’Abernon,
une école où sont enseignés le piano et les
instruments du quatuor parallèlement aux
disciplines classiques. La pédagogie tient
en effet une grande place dans ses préoccupations : il dirige à Londres une collection de Musical Guides, où il s’est réservé le
violon et l’alto, attachant une importance
primordiale à la décontraction, obtenue
en ce qui le concerne par la pratique du
yoga. Devenu citoyen anglais en 1985, il a
été fait baron de Stoke d’Abernon en 1993.
MERCADANTE (Saverio), compositeur
italien (Altamura, prov. de Bari, 1795 Naples 1870).
Élève de Zingarelli, pour la composition,
à Naples, où il fut le condisciple de Bellini, il apprit en outre le violon et la flûte
et acquit un solide métier qui lui permit
de percevoir les courants nouveaux du romantisme naissant, tout en restant fidèle
aux principes essentiels et aux schémas de
la vieille école. C’est ainsi qu’il sut mêler
une écriture vocale encore belcantiste aux
nécessités d’une instrumentation où le
choix des timbres acquérait une fonction
dramatique. C’est à Naples qu’il donna
son premier opéra, l’Apoteosi d’Ercole
(1819), avant de se faire connaître à Rome
dès 1820, puis à Bologne et enfin à Milan,
où, en 1821, triompha Elisa e Claudio, une
de ses oeuvres maîtresses. Turin, Vienne,
Madrid, Lisbonne accueillirent ensuite
ses opéras nouveaux avec des fortunes
diverses, et, en 1833, Mercadante succéda
à Generali comme maître de chapelle à
Novarre. Après avoir dirigé ses Briganti à
Paris en 1836, il retrouva Naples, au somdownloadModeText.vue.download 647 sur 1085
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met de sa maturité, et y donna successivement Il Giuramento (1837), qui, en moins
de vingt ans, fut joué de Russie en Amérique, puis Le Due Illustri Rivali (1838), et
Il Bravo en 1839, cependant qu’il succédait à Zingarelli à la tête du conservatoire,
triomphant ainsi de son rival Donizetti.
Il n’en poursuivit pas moins une féconde
activité créatrice que marquèrent notamment La Vestale (1840), Il Reggente (1843),
Pelagio (1857) et, malgré une cécité devenue totale dès 1862, Virginia (1866).
Sa longue carrière fit de Mercadante
le contemporain de Rossini et de Bellini,
dont il subit l’influence, puis de Donizetti
et de Verdi, qui, à son tour, s’inspira de
certains de ses procédés. Ecrasé par ce
redoutable voisinage, Mercadante n’en
demeure pas moins plus qu’un compositeur « élégant « ; il fut l’un des rares auteurs italiens qui sut assumer une difficile
transition entre l’héritage rossinien (et
prérossinien) et l’esprit nouveau qui imprima à son oeuvre une force dramatique
inconnue ; d’autre part, resté à l’écart des
aspirations du Risorgimento et fidèle au
public napolitain, il persévéra à traiter la
voix en héritier du bel canto, fidélité qui
lui vaut actuellement un regain de faveur.
MERCIER (Jacques), chef d’orchestre
français (Metz 1945).
Après avoir poursuivi des études de littérature et de musique, il entre au Conservatoire de Paris où il obtient en 1972 un
premier prix de direction d’orchestre. La
même année, il remporte également un
premier prix au Concours international
de Besançon. Lauréat de la Fondation de la
vocation, détenteur des prix Albert Roussel et Albert Wolff, il est nommé en 1982
directeur musical de l’Orchestre d’Île-deFrance, devenu plus tard Orchestre national d’Île-de-France. En 1994, il a donné
avec cet orchestre la première française
de Kullervo de Sibelius. Il a été, de 1989 à
1995, chef permanent de l’orchestre Philharmonic de Turku (Finlande).
MERCURE (Pierre), compositeur canadien (Montréal 1927 - Avallon 1966).
Il fit ses études musicales au conservatoire
du Québec et à Paris (avec Nadia Boulanger), puis fut bassoniste dans les orchestres
de Montréal. Son oeuvre, commencée sous
le signe d’un éclectisme néoclassique, s’est
orientée peu à peu vers les techniques
nouvelles et une prospection intelligente
de l’électronique. Prématurément disparu
à la suite d’un accident d’automobile en
France (il est mort dans une ambulance
entre Avallon et Auxerre), il laissait alors
différentes pièces symphoniques (Kaléidoscope, 1947-48, fantaisie symphonique,
Triptyque, 1959, Divertimento, pour quatuor à cordes solo et orchestre à cordes),
des compositions pour ensemble de
chambre (Pantomime, 1948, pour 14 instruments à vent et percussion, Lucretia
Borgia, pour trompette, clavecin et percussions, Emprise, pour clarinette, basson,
violoncelle et piano) et des compositions
pour bande ou sons électroniques (Incandescence, ballet, Structures métalliques,
1961, Répercussions). Une grande cantate
radiophonique, Psaume pour abri, unit
l’orchestre et les choeurs à des éléments de
musique électronique.
MERIKANTO, famille de compositeurs
finlandais.
Oskar (Helsinki 1868 - Oitti 1924). Auteur
de 3 opéras (Pohjan neiti, 1899 ; Elinan
surma, 1910 ; Regina von Emmeritz, 1920),
de 150 mélodies, 55 choeurs, 60 pièces
pour piano, 100 chorals pour orgue. Dans
l’ombre de Sibelius, O. Merikanto, mélodiste imaginatif, sut construire un oeuvre,
qui, pour appartenir, à l’origine, surtout,
à la musique de salon, n’en devint pas
moins une part importante du patrimoine
vivant de son pays. Ses mélodies sont aujourd’hui populaires, connues, appréciées
et chantées dans tous les milieux.
Aarre (Helsinki 1893 - id. 1958). Fils du
précédent, il étudie à Helsinki, Leipzig et
Moscou. Pionnier de la musique contemporaine finlandaise, il s’oppose radicalement à son père ; moderniste, ouvert aux
mouvements musicaux européens de son
temps, il se heurte à l’établissement musical qui refuse de diffuser ses oeuvres les
plus originales (il n’entendit jamais son
opéra Juha, 1922, créé à la scène en 1963
et aujourd’hui considéré comme l’opéra
national finlandais). Après avoir subi
les influences de Reger, dont il possède
la solidité formelle, de R. Strauss et de
Scriabine pour l’orchestration et parfois
l’harmonie, il côtoie l’impressionnisme et
admire l’exemple viennois. Ses oeuvres les
plus radicales sont Fantaisie pour orchestre
(1923), Pan (1924), Concert pour neuf
instruments (1925), Étude symphonique
(1928), Dix Pièces pour orchestre (1930).
La suite en quatre mouvements le Rapt
de Kyllikki (1935) inaugura chez lui une
période plus traditionnelle.
Malgré sa remarquable technique, il est
probable que les contraintes sociales n’ont
pas permis à ses dons évidents de s’épanouir pleinement, et qu’elles furent l’une
des causes de l’échec de l’évolution de son
esthétique.
MERILÄINEN (Usko), compositeur, pianiste et chef d’orchestre finlandais (Tampere 1930).
Élève de A. Merikanto et L. Funtek à
Helsinki et V. Vogel en Suisse, il se fait
connaître par un concert de ses oeuvres à
Helsinki en 1957. Symphoniste, il adopte
tout d’abord le langage dodécaphonique
tout en restant, de tempérament, un néoclassique (Epyllion, pour orchestre, 1963).
On peut considérer qu’il atteint la pleine
possession de son langage en 1964 avec
sa 2e Symphonie et qu’il l’affirme encore
avec sa 2e Sonate pour piano (1966). Depuis cette oeuvre, le style de Meriläinen n’a
pas cessé d’évoluer, avec notamment le 2e
Concerto pour piano (1969), la 3e Symphonie (1971), la 4e Symphonie « l’Enclume »,
qui fait usage de l’électronique (1974), la
5e Symphonie (1976). Il a écrit ensuite Dialogues pour piano et orchestre (1977), Visions et murmures pour flûte et orchestre
(1985), Ligne du temps (« Concerto pour
orchestre no 2 », 1989).
MERKLIN.
Société de facture d’orgues française.
Fondée par l’Allemand Joseph Merklin
(Oberhausen 1819 - Nancy 1905), qui
s’établit à Bruxelles en 1843 et à Paris en
1855, elle devint en 1894 la Manufacture
lyonnaise Michel Merklin et Kuhn, et subit
de nombreuses transformations jusqu’à
nos jours. La maison Merklin a construit
de très nombreux instruments, principalement dans le centre de la France, de style
romantique et symphonique.
MERLET (Dominique), pianiste et organiste français (Bordeaux 1938).
Il étudie le piano et l’orgue dès l’âge de
neuf ans et fait ses débuts en public trois
ans plus tard. Au Conservatoire de Paris,
il étudie ensuite le piano avec Jean Doyen,
l’accompagnement avec Nadia Boulanger et la musique de chambre avec René
Le Roy, et obtient trois premiers prix en
1956 et 1957. Titulaire d’un premier prix
au Concours international de Genève en
1957, il s’oriente d’abord vers une double
carrière de pianiste et d’organiste. En
1974, il est nommé professeur de piano au
Conservatoire de Paris, après avoir enseigné à ceux de Strasbourg et de Rouen. En
1992, il est nommé professeur de virtuosité au Conservatoire de Genève. Ouvert
à toutes les musiques, il a, parallèlement
aux oeuvres du répertoire, créé des oeuvres
pour orgue et pour piano de musiciens
d’aujourd’hui (B. Gillet, J.-P. Leguay, etc.).
MERRILL (Morris Miller, dit Robert),
baryton américain (Brooklyn, New York,
1919).
Il étudia le chant, d’abord avec sa mère
Lillian Miller Merrill, elle-même chanteuse, puis avec Samuel Margolis à New
York. Il débuta à Trenton dans le rôle
d’Amonasro de Aïda (1944) et, l’année
suivante, remporta le concours radiophonique organisé par le Metropolitan Opera,
où il fit sa première apparition dans
Germont de la Traviata. Il tourna à Hollywood plusieurs films (dont des comédies
musicales) et chanta dans le monde entier
avec les meilleures formations, mais poursuivit l’essentiel de sa carrière au MetrodownloadModeText.vue.download 648 sur 1085
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politan Opera de New York, dont il fut
sociétaire.
Une voix ample, sonore et très assurée
lui fit assumer tous les rôles de baryton du
répertoire italien (et la plupart de ceux du
répertoire français). Il fut choisi par Toscanini pour interpréter les rôles de Germont et de Renato lorsque celui-ci enregistra la Traviata et Un Ballo in maschera.
MERSENNE (père Marin),
philosophe et théoricien français (La Soultière, Maine, 1588 - Paris 1648). Il commence ses études à partir de 1604 au collège des jésuites à La Flèche et les poursuit
à Paris, où il s’installe en 1609. En 1611, il
devient membre de l’ordre des Minimes
et entre au monastère de la place Royale
à Paris. Mis à part ses voyages à travers
la France, puis aux Pays-Bas et en Italie,
Mersenne passe la majeure partie de sa vie
dans la capitale. En dehors de son oeuvre
de philosophe, de sa correspondance
avec Descartes et bien d’autres penseurs,
sa contribution la plus importante à la
musique reste le vaste ouvrage Harmonie universelle, publié à Paris en 1636-37
(rééd. en fac-similé par le C.N.R.S., 1963,
nouv. rééd., 1972). Organisée en 19 Livres
de musique, l’Harmonie universelle, traite
de la nature des sons, de l’acoustique, de la
voix, des ornements du chant, des consonances et dissonances, des modes et de la
composition. Enfin, une grande partie de
l’ouvrage est consacrée aux instruments.
Les exemples musicaux sont nombreux et
sagement tirés de l’oeuvre d’éminents auteurs : ceux du passé (Le Jeune, Mauduit),
ceux du présent (Moulinié, A. Boesset).
Cela reflète le respect de Mersenne pour
les anciens et pour la tradition zarlinienne,
en même temps que son acceptation des
idées nouvelles. Comme il a servi de lien
entre les différents philosophes, Mersenne
se situe en musique au carrefour de la Renaissance et de l’époque baroque.
MERULA (Tarquinio), organiste et compositeur italien (Crémone v. 1590 - id.
1665).
En 1624, il fut organiste à la cour de Varsovie. En 1626, de retour à Crémone, il
fut organiste à l’église Sancta Agatha, puis
fut, en 1631, maître de chapelle à Sancta
Maria Maggiore de Bergame. En 1643,
il collabora, à Venise, au mélodrame La
Finta Savia de Strozzi. Il revint définitivement à Crémone en 1652. Il fut l’un
des premiers à pratiquer la sonate à trois,
avec basse continue. Dans ses madrigaux,
il se montre un précurseur de la cantate
par l’alternance des arias et des récitatifs.
Outre des sonates et madrigaux, il a laissé
une messe concertante, des motets et des
oeuvres pour orgue.
MERULO (Claudio), organiste et compositeur italien (Correggio 1533 - Parme
1604).
Ses activités dans le domaine musical
furent très diverses. Organiste, il exerça
à la cathédrale de Brescia (1556), à SaintMarc de Venise (1557), puis à Mantoue
(1584) et à Parme (1586), où il fut organiste de la cathédrale et de la chapelle
ducale. Expert en facture d’orgues, on lui
doit un positif construit par lui-même.
Il fut également éditeur de musique à
Venise, en collaboration avec Betanio
(1566-1571). En tant que compositeur, on
lui doit 4 Livres de madrigaux (à 5 voix en
1566 et 1604, à 4 voix en 1579, à 3 voix en
1580), 7 volumes de Motets et de Sacrae
cantiones, de 4 à 12 voix, plusieurs Messes,
des Litanies de la Vierge avec orgue (1609).
Pour l’orgue, il a écrit des Ricercari (1567),
1 Messe (1568), 3 livres de Canzoni fatte
alla francese et 2 livres de Toccate (1598
et 1604), où s’opposent des passages de
style improvisé, propres à la toccata, et des
segments fugués à la manière du ricercare.
Il a également écrit 3 livres de Ricercari
da cantare a 4 voci, pour groupes instrumentaux. Il composa encore des intermèdes et des musiques de scène, mais ses
partitions sont pour la plupart perdues.
Merulo édita lui-même une partie de ses
oeuvres. D’autres pièces figurent dans des
recueils collectifs ou ont été éditées par
son arrière-petit-neveu Giacinto (Parme
1595 - id. v. 1650), lui-même organiste et
compositeur.
MESPLÉ (Mady), soprano colorature
française (Toulouse 1931).
Elle étudia le piano et le chant au conservatoire de Toulouse, et travailla aussi à
Paris, notamment avec Janine Micheau.
Elle débuta à l’Opéra de Liège dans le
rôle de Lakmé (1952), dont elle est restée
l’une des plus célèbres interprètes, puis se
produisit à la Monnaie de Bruxelles dans
Lucia di Lammermoor, rôle dans lequel
(après des débuts à l’Opéra-Comique en
1956) elle devait triompher à l’Opéra de
Paris en 1960. Elle parut ensuite à l’étranger et dans les principaux festivals (dans
Zémir et Azor à Aix-en-Provence en 1966).
Elle a créé la version française d’Élégie pour
de jeunes amants de Henze, et des oeuvres
contemporaines ont été écrites pour elle
(Quatuor II de Betsy Jolas, Poèmes de Sappho de Charles Chaynes). Elle a chanté à
Londres l’Échelle de Jacob de Schönberg
sous la direction de P. Boulez, mais reconnaît volontiers que sa carrière tourne autour de 6 ou 7 opéras : Rigoletto, le Barbier
de Séville, Lakmé, les Contes d’Hoffmann,
la Flûte enchantée, Lucia di Lammermoor.
MESSA DI VOCE (ital. : « émission de la
voix »).
Une voix bien posée, bien émise, peut soutenir un son qui commence pianissimo
et dont l’intensité augmente petit à petit
jusqu’au forte avant de diminuer à nouveau. Cette note tenue se trouve ainsi exécutée avec un contrôle parfait du souffle
et sans le moindre fléchissement. Caccini, dans la préface des Nuove Musiche
(1602), appelle la messa di voce il crescere
e scemare della voce. C’était, à l’origine,
un ornement sur des valeurs longues, notamment en fin de phrases, qui devint, à
l’époque du bel canto au XVIIIe siècle, une
des qualités les plus recherchées dans l’art
de bien chanter. Tous les grands maîtres
italiens du chant en parlent, tels Tosi et
Mancini, ce dernier allant jusqu’à écrire
que toute valeur longue devait faire l’objet
de cet embellissement.
MESSAGER (André), compositeur et
chef d’orchestre français (Montluçon
1853 - Paris 1929).
Il fit ses études classiques tout en travaillant le piano depuis l’âge de sept ans. À
seize ans, il vint à Paris étudier la musique
à l’école Niedermeyer dans les classes de
Loret (orgue) et de Gigout (harmonie). Il
s’y lia avec Saint-Saëns et Fauré. Il succéda à ce dernier à l’orgue de choeur de
Saint-Sulpice, dès sa sortie de l’école en
1874. L’année suivante, sa Symphonie en
« la » reçut le prix de la Société des compositeurs. En 1876, il obtint le prix de la Ville
de Paris pour sa scène dramatique Prométhée enchaîné. Il fut successivement chef
d’orchestre aux Folies-Bergère (1878), à
l’Éden-Théâtre de Bruxelles (1880), mais
il revint bientôt à Paris pour occuper les
postes d’organiste à l’église Saint-Paul Saint-Louis (1881) et de maître de chapelle à l’église Sainte-Marie des Batignolles (1882). En 1883, à la demande de
l’éditeur Énoch, il termina une opérette
inachevée de Firmin Bernicat, François
les Bas-bleus. Son succès amena Messager
à s’intéresser au répertoire lyrique. En
1885, il fit représenter à Paris la Fauvette
du temple, et, en 1886, le ballet les Deux
Pigeons, premiers ouvrages d’une longue
série qui devait connaître certains succès comme la Basoche (1890), les P’tites
Michu (1897), Véronique (1898), restée la
plus populaire de nos jours, ou Fortunio
(1907), partitions claires, élégantes, et
possédant un charme réel. Parallèlement
à son activité créatrice, il poursuivit sa
carrière d’interprète. Il fut directeur de la
musique à l’Opéra-Comique (1898-1904),
puis à Covent Garden de Londres, avant de
prendre, à Paris, la direction de la Société
des concerts du Conservatoire (1908),
puis celle de l’Opéra, en association avec
Broussan. Il y dirigea les représentations
du Crépuscule des dieux, de Salomé et de
Parsifal. En 1919, il revint, pour deux saisons, salle Favart pour y créer la Rôtisserie
de la reine Pédauque de Lévadé. Comme
chef d’orchestre, il possédait les qualités
précieuses pour le théâtre : la netteté, la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
643
sûreté et le souci de l’accompagnement
nuancé. Il collabora avec Sacha Guitry
pour l’opéra l’Amour masqué (1923) et
écrivit la musique de scène pour sa pièce
Debureau (1926).
MESSE.
Principale cérémonie du culte catholique, articulée autour des deux moments
essentiels, qui sont la « consécration »
et la « communion » ( ! ITE MISSA EST).
Jusqu’au concile Vatican II, qui a conservé
la structure en assouplissant la mise en
oeuvre, devenue aujourd’hui assez indécise, la messe, du point de vue musical,
pouvait être basse (sans musique), chantée (avec seulement plain-chant et orgue)
ou solennelle (avec polyphonie et éventuellement instruments, voire depuis le
XVIIe siècle avec orchestre dans certaines
grandes églises). Les parties chantées de la
messe se divisent en deux grandes catégories imbriquées l’une dans l’autre : le commun ou ordinaire, immuable sauf aménagements (no 2 kyrie, no 3 gloria, no 7 credo,
no 9 sanctus, parfois scindé en 2 parties,
sanctus et benedictus, no 10 agnus Dei, no
12 ite missa est ou benedicamus Domino) ;
et le propre variable d’une fête à l’autre (no
1 introït, no 4 graduel, no 5 alleluia ou trait,
no 6 séquence, éventuellement, no 8 offertoire, no 11 communion).
Alors que le propre est relativement
stable dans le répertoire grégorien, le
commun n’a cessé de donner lieu à nombreuses mélodies interchangeables, dont
plusieurs ont été regroupées tardivement
pour former des ensembles affectés chacun à un usage liturgique déterminé : on
a ainsi obtenu 18 messes, désignées soit
par un numéro, soit par un nom conventionnel (par ex. messe XV : de angelis
ou « messe des Anges », déformation
probable de Angles ou Anglais), soit par
l’incipit du trope ornant jadis leur kyrie
(par ex. XVIII : messe Cunctipotens).
Les pièces non regroupées sont dites ad
libitum. Le credo (4 mélodies seulement)
n’est pas compris dans le regroupement,
et le choix de sa mélodie en reste indépendant. La réforme du plain-chant consécutive au concile de Trente, ayant créé un
style différent dans l’exécution du chant
liturgique, entraîna au XVIIe siècle la composition de messes en plain-chant dans ce
nouveau style (H. Dumont, Lully fils),
mais ce mouvement fut de courte durée.
La messe de Dumont du premier ton, dite
Messe royale, est restée très populaire dans
les paroisses jusqu’au concile Vatican II.
C’est par l’organum à vocalises que,
vers la fin du XIe siècle, la polyphonie
s’introduit dans la messe avec pour objectif d’en rendre certaines pièces plus
solennelles, la polyphonie se greffant sur
la mélodie liturgique conservée comme
teneur ou cantus firmus avec plus ou
moins d’aménagements symphoniques.
On « organisa » d’abord de préférence
les graduels et les benedicamus Domino,
puis, à partir du XIIIe siècle, les pièces du
commun, dont peu à peu on délaissa le
cantus firmus liturgique pour la composition libre. À la fin du XIIIe et au début du
XIVe siècle, on commença à grouper des
pièces d’origine différente pour former
des communs polyphoniques complets,
généralement à 3 voix (messes dites de
Tournai, de Barcelone, de Toulouse, de
Besançon). G. de Machaut fut le premier,
avec sa Messe Notre-Dame à 4 voix, probablement écrite comme messe votive pour
la confrérie Notre-Dame de Reims (et
non, comme on l’a dit au XIXe s., pour le
sacre de Charles V), à composer intégralement une messe comprenant tout le commun (y compris Ite missa est abandonné
par la suite), et à insérer d’une pièce à
l’autre des éléments communs assurant
à l’ensemble une certaine cohérence.
Au siècle suivant, Guillaume Dufay imagina, pour renforcer cette cohérence, de
donner à tous les morceaux d’une même
messe un thème commun, emprunté soit
à la liturgie (messe Ave maris Stella), soit
même au répertoire profane (messes Se la
face ay pale, l’Homme armé). L’exemple se
généralisa et motiva durant deux cents ans
une énorme efflorescence de messes à titre,
où s’illustrèrent les plus grands compositeurs (105 messes pour le seul Palestrina).
Elles peuvent se classer en 3 grandes catégories : les messes à teneur (audition intégrale du thème donné, souvent au ténor),
les messes paraphrases (développement
libre du thème donné), les messes parodies (adaptation de modèles existants).
Vers la fin du XVIe siècle, l’influence du
concile de Trente, hostile à l’emploi de
thèmes profanes, et l’abandon du style a
cappella entraînèrent la disparition des
messes à titre au bénéfice des messes avec
orgue ou avec orchestre.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’habitude
nouvelle de faire dialoguer choeur et
orgue, ce dernier remplaçant un verset
sur deux de certaines pièces, motiva une
importante littérature de messes pour
orgue, consistant en une série de courtes
pièces correspondant à ces interventions
dialoguées (elles ne sont donc pas faites
pour être jouées à la suite). On y ajoute
souvent des morceaux non dialogués correspondant aux moments dont disposait
l’organiste pour jouer librement (entrée,
offertoire, élévation, communion, sortie).
Au XIXe siècle disparut à peu près l’usage
de l’alternance, et les messes pour orgue
se limitèrent aux morceaux ci-dessus,
moins l’élévation pour laquelle fut prescrit un silence de recueillement. Au milieu
du XXe siècle, la messe conciliaire, dite de
Paul VI, a tout aplani avec des paroles
ininterrompues, qui ont à peu près mis fin
à toute possibilité d’expression organistique valable.
En revanche, la messe avec orchestre,
comportant également choeurs et solos,
prit de plus en plus d’ampleur dans les
grandes chapelles ou cathédrales et finit
au XVIIIe siècle, sous l’influence de l’opéra,
par devenir un véritable oratorio, avec
ensemble, solos, duos, etc. Elle gagna
l’église luthérienne, qui avait conservé en
certains cas l’usage du latin (ou du grec
pour le kyrie), mais sous forme abrégée,
le plus souvent limité au kyrie et au gloria sous le nom de missa brevis (Bach en
a écrit plusieurs). La Messe en « si » de
Bach fut d’abord une Missa brevis, puis fut
complétée après coup selon l’usage catholique, à destination de la cour catholique
de Dresde (Bach n’y esquive pas, dans le
Credo, les mots Et unam catholicam ecclesiam, mais les traite avec discrétion).
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (par ex.
pour Haydn, Mozart), la messe avec
orchestre recule au maximum, sans les
déborder, toutefois, les limites de temps
et de style d’une liturgie assez tolérante.
Des traditions s’établissent, comme, par
exemple, de traiter en choeur fugué la dernière partie du gloria et du credo. À partir de la Messe en « ré » de Beethoven, les
limites sont élargies à tel point que la tolérance n’est plus possible et que la messe
avec orchestre devient pratiquement un
oratorio de concert, inutilisable à l’office.
Liszt la réintègre de justesse avec sa Messe
de Gran, mais retrouve à peu près les
normes liturgiques dans d’autres messes
qui redonnent une place au plain-chant de
l’office. La scission ne s’établit pas moins,
vers la fin du XIXe siècle, entre la messe de
concert et la messe fonctionnelle, dite « de
maître de chapelle ». Cette dernière, malgré l’apport de quelques grands compositeurs (C. Franck, Bruckner, Fauré) semble
avoir eu quelque peine à surmonter la
médiocrité générale de l’ensemble des
productions. Elle semblait, à l’approche
du concile, connaître en France un certain renouveau (Caplet, Poulenc, Langlais,
Chailley), mais celui-ci est aujourd’hui
remis en question par les incertitudes de
la nouvelle liturgie.
Quant à la messe de concert, elle n’apparaît plus guère au XXe siècle que de façon
exceptionnelle (Janáček, messe « glagolitique » en dialecte slavon, 1926, messe de
Stravinski, 1948). Il faut mettre à part la
messe de Requiem, qui groupe le propre et
le commun et constitue un genre distinct.
MESSIAEN (Olivier), compositeur français (Avignon 1908 - Paris 1992).
Il naît dans un milieu cultivé, fils d’un
professeur d’anglais, traducteur éminent
de Shakespeare, et de la poétesse Cécile
Sauvage. Sa mère, enceinte de lui, avait
écrit, sous le titre l’Âme en bourgeon,
d’étonnants poèmes d’amour maternel
prémonitoires de la destinée de son fils, et
qui devaient marquer ce dernier.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
644
Les parents d’Olivier Messiaen s’installent en 1914 à Grenoble, dans le Dauphiné, qui restera son domaine d’élection,
où il se retire pour écrire presque toutes
ses oeuvres. Élevé par sa mère et sa grandmère pendant la guerre de 1914-1918 (le
père étant mobilisé), il commence à étudier le piano avec Mlle Chardon, et se
montre très précocement intéressé par la
lecture des grandes partitions classiques
(il compose déjà, en 1914, une petite pièce
pour piano). Pour son dixième anniversaire, son premier professeur d’harmonie,
Jehan de Gibon, lui offre en cadeau la partition d’orchestre de Pelléas et Mélisande,
qui est pour lui une révélation. Puis la
famille s’installe à Paris, et Olivier Messiaen est inscrit au Conservatoire de Paris,
où il étudiera pendant onze ans, avec
Noël et Jean Gallon (harmonie), Maurice
Emmanuel (qui lui révèle la richesse de
modalité et la métrique grecque), Paul
Dukas, A. Estyle, Marcel Dupré (orgue)
et Falkenberg (piano). Sa première page
pour orgue, publiée en 1928, le Banquet céleste, adaptation d’une pièce pour
orchestre, contient déjà certains de ses
procédés d’écriture favoris, entre autres
l’emploi d’un mode qui devait devenir son
deuxième « mode à transpositions limitées ». Il s’agit de modes où la succession
des intervalles est telle, par sa régularité,
qu’en les transposant sur d’autres degrés,
on retrouve rapidement les mêmes notes
que dans la forme originale. C’est ce que
Messiaen appelle le « charme des impossibilités ». Le sensualisme exacerbé de
l’harmonie, l’étirement de la courbe mélodique et le sujet directement religieux
(car Messiaen est un catholique fervent)
sont des traits « messiaenesques » que l’on
trouve aussi, d’emblée, dans ce premier
opus publié.
Les Préludes pour piano (1929) valent à
Messiaen un second prix de composition,
et, malgré leurs titres « postdebussystes »
(Cloches d’angoisse, les Sons impalpables
du rêve), ils annoncent son écriture par
« pans » très découpés, où les motifs sont
juxtaposés verticalement ou dans le temps,
au lieu de s’enchevêtrer (au contraire d’un
Richard Strauss), ainsi que son utilisation
de l’accord comme « touche de couleur ».
L’audition colorée des sons, en couleurs
rutilantes de vitrail, ne procède pas chez
lui d’une image poétique, ou d’une correspondance diffuse : c’est « à la lettre », qu’il
déclare voir les sons en couleurs, c’est un
phénomène que l’on appelle « synopsie »
et dont la médecine reconnaît l’existence.
Ses compositions suivantes, 3 Mélodies
pour soprano et piano, la Mort du nombre
pour soprano, ténor, violon et piano, Diptyque, 1930, pour orgue, emportent un
premier prix. Après un échec au prix de
Rome, il est nommé titulaire des grandes
orgues de l’église de la Trinité, à Paris, en
1930, à vingt-deux ans. C’est là - à cette
tribune qu’il va tenir pendant plus de
trente ans - qu’il a certainement développé, dans l’improvisation à l’orgue, une
grande partie de ses trouvailles. Avec ses
couleurs qui se juxtaposent, ses oppositions de masse, ses changements abrupts
de registre et l’ampleur de sa ligne sonore,
le grand orgue est un modèle sous-jacent
dans son écriture orchestrale ; de même,
cet instrument offre un « banc d’essai »
pour ses recherches d’expression, de
modalité, d’harmonie, de rythme, étant
le dernier instrument de la musique occidentale « sérieuse » à perpétuer la tradition des compositeurs-improvisateurs.
En 1931, le triptyque symphonique des
Offrandes oubliées lui vaut un certain succès. Passionné d’étude, il continue, sorti
du Conservatoire, à apprendre à toutes
les sources. Il étudie ainsi l’accentuation
chez Mozart, le rythme chez les modernes,
Debussy, Stravinski (dont il analyse le
Sacre du printemps sous un angle rythmique qui est une révélation pour beaucoup de ses élèves) ; il recherche, avec le
peintre suisse Blanc-Gatti, des rapports
précis entre la couleur et le son ; enfin,
et surtout, il étudie la métrique grecque,
les neumes grégoriens et le système rythmique hindou (les deci-tâlas, qu’il est le
premier à adapter dans la musique occidentale ; il s’agit de périodes rythmiques
complexes). Dans ces études, il approfondit sa plus originale préoccupation : celle
d’une nouvelle « durée ». Si, en effet, son
harmonie et son système modal sont déjà
personnels et tout de suite identifiables,
ils n’en procèdent pas moins directement
d’une tradition française (Fauré, Franck,
Debussy) ; mais son sens particulier du
rythme, comme le contraire d’une pulsation régulière, lui appartient complètement, et c’est bien dans un grand Traité
du rythme, commencé depuis longtemps
et pas encore achevé en 1981, qu’il compte
tracer le bilan de sa recherche. Ainsi son
style se cristallise-t-il assez rapidement,
dans des oeuvres comme Apparition de
l’Église éternelle (1932) pour orgue et la
suite symphonique de l’Ascension (1932)
en quatre méditations, adaptée pour
l’orgue en 1933. Olivier Messiaen, à une
ou deux exceptions près, a toujours refusé
de couler son inspiration religieuse dans
le moule des genres liturgiques traditionnels : messes chantées, requiems, cantates,
motets, etc. De même, s’il emprunte à tous
les genres (concerto, symphonie, sonate),
il n’en adopte jamais le cadre tout préparé.
Chaque oeuvre est unique, et il évite instinctivement tout cycle, renouvelant le
même effectif instrumental (quatuor, trio,
etc.). Il compose son premier cycle d’orgue
important, en 1935, la Nativité du Seigneur, qui systématise l’emploi des modes
à transpositions limitées (qu’il a très vite
répertoriés et classés), des rythmes inspirés des tâlas hindous et des « valeurs rythmiques ajoutées », qui, comme le dit Alain
Périer, « prolongent dans le temps ce que
la note ajoutée à un accord prolonge dans
l’espace (des hauteurs) ». Ces innovations n’empêchent pas ces pièces d’offrir
un « plaisir d’écoute », et ce sera une des
originalités de Messiaen que d’avoir su
« séduire » des auditeurs de tous bords,
en faisant cohabiter la recherche formelle
et l’hédonisme musical, en dépassant
l’antinomie qui, à ce moment-là, divisait
en France les compositeurs en « sensualistes » et en « spéculateurs ». Aussi, avec
son exigence musicale, il est bien placé, en
cette année 1936, pour former, avec André
Jolivet, Daniel-Lesur et Yves Baudrier
(l’instigateur de cette réunion), le groupe
Jeune France, dont le programme est de
contribuer à « régénérer » spirituellement
et esthétiquement la musique française,
qui oscille souvent entre la facilité paresseuse, le néoclassicisme exsangue et la
cérébralité. La guerre séparera ce groupe,
après qu’il eut délivré son message par
des concerts en commun accueillis avec
faveur. La même année, 1936, Messiaen
est nommé professeur à l’École normale
de musique et se marie avec la violoniste
Claire Delbos, dont il aura un fils, Pascal,
né en 1937. Sous le surnom de « Mi », son
épouse lui inspirera plusieurs pièces, dont
les Poèmes pour Mi (1936) pour soprano et
piano, où le sentiment religieux cherche à
épouser l’amour humain - de même que
plus tard, dans son cycle « tristanesque »
(Harawi, Turangalîla-Symphonie, 5 Rechants), il cherchera à sauver cet amour
humain de la malédiction.
La Fête des belles eaux, pour ondes
Martenot, commandée pour l’Exposition
universelle de 1937, lui donne l’occasion
d’expérimenter pour la première fois
un instrument dont il a su s’approprier
la beauté presque vulgaire de timbre, en
l’utilisant dans une fonction délibérément « décorative ». La naissance de son
fils Pascal lui inspire un autre cycle mélodique pour soprano et piano, les Chants de
terre et de ciel (1938), dont il écrit le texte,
comme pour répondre à ces poèmes que
sa mère lui dédiait quand il était encore
dans son ventre. Ce cycle peu connu révèle
une face rarement soulignée de Messiaen :
le doute. C’est qu’il n’est pas si facile, si
l’on est exigeant envers ses croyances,
de « dédramatiser » l’état d’enfance et de
rédimer l’amour humain. Ici, comme dans
les Poèmes pour Mi, comme plus tard dans
les 5 Rechants, les Petites Liturgies, Harawi,
Messiaen ne laisse à personne d’autre le
soin d’écrire le texte ; un texte où l’on
retrouve les mêmes procédés que dans sa
musique, de juxtaposition d’éléments hétérogènes : onomatopées (en référence au
babil enfantin), interrogations religieuses,
images « surréalistes » (ces « oiseaux buvant du bleu », qui, curieusement, indisposaient si fort, au début, des gens avisés
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
645
comme le critique Claude Rostand). Mais
le texte, ici, n’a d’autre prétention que de
donner matière au chant ; un chant destiné à la voix de femme, comme toujours
chez lui, ou presque.
Quand la Seconde Guerre mondiale
éclate, Messiaen achève un de ses plus
beaux cycles d’orgue, les Corps glorieux
(créés après la guerre), qui utilisent souvent une écriture monodique. Mobilisé,
il est capturé par les Allemands, déporté
au camp de Görlitz en Silésie. C’est là
que, dans des conditions de vie extrêmes,
dans la faim et le froid qui lui donnent
des hallucinations « synoptiques » d’auditions colorées, il écrit, pour le jouer avec
trois compagnons de captivité, l’étonnant
Quatuor pour la fin du temps (1941) pour
piano, violon, violoncelle et clarinette. La
« fin du temps » telle que l’annonce l’Apocalypse, texte inspirateur de cette oeuvre
magique, est représentée ici par l’emploi
de rythmes non rétrogradables, assimilant
le temps à un espace, puisqu’ils forment
la même figure qu’on les lise dans un sens
ou dans l’autre, en remontant le temps. Le
premier mouvement notamment, Liturgie de cristal, avec ses superpositions de
parties instrumentales tournant chacune
indépendamment dans son aire, illustre
génialement cette véritable « suspension
du temps », cette giration complexe qui
pourrait se prolonger dans l’éternité étant conçue comme une combinaison
d’ostinatos portant indépendamment sur
l’harmonie, la mélodie et le rythme -, de
telle façon que l’on perçoive une périodicité, mais insaisissable. On y rencontre
aussi, pour une des premières fois, clairement désignés comme tels, mais non
encore transcrits d’après nature, les chants
d’oiseaux qui domineront une partie de
son oeuvre future. L’oeuvre est créée au
stalag dans ces extraordinaires circonstances, le 15 janvier 1941. Mais l’auteur
est rapatrié en 1942 à Paris. Là, Claude
Delvincourt le fait nommer professeur
d’harmonie au Conservatoire de Paris.
Ses Visions de l’amen pour deux pianos, créées par Yvonne Loriod et luimême en 1943, marquent sa rentrée dans
la vie musicale « normale ». Et, en 1944,
il se sent assez sûr de son langage pour
publier un des plus étranges recueils que
compositeur ait jamais publié : sa Technique de mon langage musical, qui est un
inventaire, avec des exemples musicaux
à l’appui, de tous les procédés qu’il utilise
librement, modes à transposition limitée,
accords avec notes ajoutées, emploi de
rythmes avec valeurs ajoutées, ou « non
rétrogradables », structures rythmiques
empruntées à la Grèce ancienne, ou à la
musique indienne, ainsi qu’aux neumes
du plain-chant - une des sources les plus
importantes dans son inspiration. Chez
Guy-Bernard Delapierre, il donne un
cours de composition non officiel, dont
les premiers élèves - qui adoptent comme
nom de tribu « les Flèches » - se nomment
Pierre Boulez, Serge Nigg, Yvonne Loriod,
Jean-Louis Martinet, Maurice Le Roux. En
1943-44, il écrit coup sur coup deux de ses
oeuvres les plus importantes, qui deviendront parmi les plus populaires et les plus
souvent jouées ; leur style est devenu plus
rapidement classique, plus immédiatement saisissable que celui de ses oeuvres
ultérieures : il s’agit de ses Trois Petites
Liturgies de la présence divine (1944) pour
choeur féminin, piano, ondes Martenot et
orchestre, et des Vingt Regards sur l’Enfant
Jésus (1944), vaste cycle pour piano solo.
Cette dernière oeuvre, dynamique et massive, colorée, orchestrale, s’appuie sur des
leitmotive brefs et caractérisés. Une fois
de plus, on y trouve la référence à l’« enfant merveilleux » qu’il fut lui-même pour
sa mère, qui écrivait avant sa naissance :
« Je souffre d’un lointain musical que
j’ignore. » Quant aux Trois Petites Liturgies, dont il écrit lui-même le texte jubilatoire, si elles apparaissent aujourd’hui
comme du pur Messiaen « tel qu’en
lui-même », quelles discussions, quelles
colères n’ont-elles pas déclenchées après
leur création le 21 avril 1945 à Paris, lors
de leur création aux concerts de la Pléiade,
devant un public prestigieux ! Comme
dans beaucoup d’autres « scandales »
musicaux, ici la contestation n’attaque
pas de front la musique, mais un élément
secondaire : le texte et sa sensualité religieuse, son prétendu « charabia ». Devant
l’incompréhensible violence de certaines
attaques, on peut penser pourtant que la
musique aussi, et surtout, était en cause,
parce qu’elle gênait par son insolite fusion
de la sensualité et du mysticisme, de l’hédonisme et de l’abstraction, comme un
défi aux catégories communes, et, enfin,
par son affirmation totale d’un tempérament unique et « violent » (la violence est,
en effet, un des aspects les moins soulignés
et pourtant les plus sensibles de l’art de
Messiaen).
C’est après cette consécration doublée
d’une contestation agressive, après cette
reconnaissance de son oeuvre dans toutes
ses dimensions que Messiaen aborde directement le thème de l’amour humain
asocial, non conjugal, à travers le mythe
de Tristan et d’Isolde. Il s’agit de « sauver » Tristan et de conjurer, de toute la
force d’une foi, la présence de l’instinct
de mort inscrit au coeur de la plus grande
histoire d’amour - de proclamer que cette
mort qui est, apparemment, l’issue fatale
du désir est, en fait, la porte d’une renaissance vers un amour plus élevé. Pour illustrer ce thème, il y met les grands moyens :
un grand cycle de mélodies pour soprano
et piano, Harawi, chant d’amour et de mort
(1945), une gigantesque symphonie en 10
mouvements pour grand orchestre avec
piano solo et ondes Martenot, la Turangalîla-Symphonie (1946-1948), commande
de Serge Koussevitski, et les 5 Rechants
(1948), pour ensemble vocal mixte à 12
voix réelles - cette dernière oeuvre se référant à la polyphonie française (Claude Le
Jeune en particulier), dont elle retrouve
avec succès la fraîcheur et la vie. Trois
oeuvres on ne peut plus différentes de proportions malgré quelques traits communs
(référence à la langue « quechua » dans
Harawi et les Rechants ; mélange singulier
de luxuriance et de simplicité absolue).
Il est indiscutable que, après cet énorme
triptyque, Messiaen meurt et renaît, qu’il
laisse derrière lui, tel le serpent, une de ses
peaux successives, et qu’il fera son deuil
d’une certaine immédiateté hyperexpressive, dont la Turangalîla jette les derniers
feux. Il entre, dès lors, à quarante ans
passés, dans une période de recherches
techniques, où certains voient la partie la
plus aride de sa production. Quand il dira,
plus tard, que la nature et les oiseaux, ces
« petits serviteurs de l’immatérielle joie »,
l’ont ressourcé, l’ont sauvé de la stérilité
artistique, on doit le prendre au sérieux et
cesser de croire qu’il a pu créer ce qu’il a
créé avec une tranquille assurance protégée du doute.
1947 : UNE DATE IMPORTANTE.
N’ayant pu être nommé professeur de
composition au Conservatoire de Paris,
par refus du ministère, Messiaen obtient
de Claude Delvincourt une classe « spéciale » créée à son intention, baptisée
« classe d’analyse » ou d’« esthétique »,
et où passeront certains des plus grands
noms de la jeune musique internationale : Pierre Boulez, Yannis Xenakis,
Jean-Pierre Guézec, Jacques Charpentier,
Pierre Henry, Karlheinz Stockhausen, et,
aussi, plus tard, Tristan Murail, N’guyen
Tien Dao, Paul Méfano, Michèle Reverdy,
etc. Le plus grand hommage que lui aient
jamais rendu ses élèves, ce fut de dire
qu’il avait su, tout en analysant avec passion et acuité Mozart, Stravinski, Berlioz,
Webern, etc., révéler chaque personna-
lité à elle-même et faire éclore en chacun
ce qu’il avait à dire - si bien que si l’on a
fait du simili-Messiaen, ce fut temporairement et par admiration. C’est la même
année qu’il commence son Traité du
rythme et qu’il commence à être accueilli
à l’étranger pour donner des cours qui
marqueront cette période de recherche
et de rénovation intense de la musique
d’après-guerre : à Darmstadt, Sarrebrück,
Tanglewood, etc. Peut-être ces rencontres
avec les compositions nouvelles, fort préoccupées d’abstraction, ont-elles contribué à la naissance de pages comme les
Quatre Études de rythme (1949-50) pour
piano (dont le très célèbre Modes de valeur
et d’intensité, par ses recherches d’une détermination intégrale des paramètres du
son, a tant fait fantasmer ses jeunes élèves
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
646
sur une « maîtrise totale » de la composition). Sa Messe de la Pentecôte (1950)
pour orgue et son Livre d’orgue (1951)
marquent un retour à l’instrument de
ses premières oeuvres. Mais une étape est
franchie, depuis les cycles très « sensuels »
de l’avant-guerre : le travail rythmique est
tendu, serré, la ligne plus abstraite.
Peu après, en 1952, Messiaen tente
un unique essai dans le domaine de la
musique concrète, Timbres-Durées, « modeste étude de rythme » qu’il estime être
un échec. C’est alors que, en pleine efflorescence de recherches abstraites et techniques, il trouve le modèle, la source qui va
lui inspirer une nouvelle série d’oeuvres :
le chant des oiseaux. Il les étudie systématiquement, se postant dans la nature,
avec son papier à musique et son crayon,
et, armé de connaissances en ornithologie, il s’immerge dans ce monde immense
que la musique avant lui n’ignorait pas,
mais qu’elle abordait d’une manière stylisée et simplifiée. Au contraire, il cherche
à transcrire ces chants d’oiseaux le plus
exactement, le plus « objectivement » possible, pour en faire la matière d’oeuvres
descriptives dotées seulement d’évocations imitatives des bruits de la nature.
Rarement, on aura poussé aussi loin une
esthétique de « mimesis », et il y a quelque
chose d’émouvant à cet acharnement d’un
compositeur, maître de son expression, à
s’effacer derrière le « rendu » d’une réalité
du monde sonore. Et ce sont des partitions
naturalistes comme le Merle noir (1951)
pour flûte et piano, le Réveil des oiseaux
(1953) pour piano et orchestre (sous-titré Poème symphonique), les Oiseaux exotiques (1955-56) pour piano, 2 clarinettes,
percussions et orchestre à vent, et la vaste
suite pour piano solo du Catalogue d’oiseaux (1956-1958). C’est naturellement
Yvonne Loriod qui tient le piano dans
ces oeuvres très difficiles d’exécution, à la
sonorité piquante et précise - aussi éloignées que possible du « flou artistique » où
se tiennent souvent les évocations naturelles. Cet homme qui avait su, avec une
apparente facilité, faire de la musique à
la « première personne », et qu’on pourrait croire si sûr de sa manière, ne dissimule pas que les oiseaux lui ont rendu
un « chemin perdu », lui « ont redonné
le droit d’être musicien » - aveu grave et
courageux d’une période de désarroi et de
passage à vide. Même une oeuvre comme
Chronochromie (1960) pour orchestre
(« couleur du temps »), si elle pousse à
l’extrême le travail abstrait sur les durées,
intègre dans son tissu musical un grand
nombre de chants d’oiseaux. Certains y
voient une tentative inquiète de concurrencer le travail de la jeune génération sérielle montante. Cette même année 1960,
sa première femme, Claire Delbos, meurt
après une longue maladie. Invité au Japon
en 1962, avec Yvonne Loriod qu’il vient
d’épouser, il y trouve l’inspiration de ses
Sept Haï-Kaï, esquisses japonaises pour
ensemble instrumental et piano solo. Mais
c’est en 1963 qu’il renoue avec la série
abandonnée des oeuvres théologiques, à
l’occasion d’une commande d’Heinrich
Strobel : ce sont les Couleurs de la cité
céleste. Dès lors, l’inspiration naturelle et
l’inspiration religieuse semblent se réconcilier ; son style devient plus massif, plus
épuré, plus simple - comme dans Et exspecto resurrectionem mortuorum créé au
Domaine musical (1965), nouvelle commande, pour une cérémonie à la mémoire
des victimes de la guerre. Une oeuvre qui
évoque Berlioz, quand celui-ci se fait direct, évident, dépouillé.
En même temps, des honneurs divers
ne cessent de couronner Messiaen : festivals, prix, fondation d’un concours de
piano qui porte son nom au festival de
Royan, poste enfin concédé de professeur
de composition au Conservatoire de Paris,
nomination à l’Institut en 1967, etc. La
fondation Gulbenkian lui commande un
colossal ensemble orchestral et choral sur
la Transfiguration de Notre-Seigneur JésusChrist (1965-1969), sorte de grande tapisserie qui est l’apothéose de sa dernière manière. Ses Méditations sur le mystère de la
Sainte-Trinité (1969, créées à Washington,
1972) pour orgue renouent dans certaines
parties avec le vieux rêve d’une « langue
musicale », par un système de transcription en notes et en durées des lettres de
l’alphabet et des catégories grammaticales.
Il s’agit d’une des oeuvres les plus directement théologiques de Messiaen, autour
d’un sujet qui est un des mystères les plus
secrets du dogme catholique. Enfin, après
un appendice au Catalogue d’oiseaux, la
Fauvette des jardins (1970), il s’acquitte
d’une nouvelle commande, pendant monumental aux Sept Haï-Kaï précieux et
ouvragés inspirés par le Japon. Ici, ce sont
les paysages des États-Unis qui dilatent
son inspiration aux dimensions d’une
vaste symphonie cosmique, plus berliozienne que jamais, et cependant pénétrée
de sentiment religieux : Des canyons aux
étoiles (1970-1974), oeuvre apaisée aux
admirables paysages. En 1983 est créé à
l’Opéra de Paris Saint François d’Assise,
opéra en 3 actes et 8 tableaux, en 1986, à
Detroit, un nouveau cycle pour orgue, le
Livre du Saint Sacrement, en 1987 à Paris
Six Petites Esquisses d’oiseaux pour piano,
et en 1989 à Paris la Ville d’en haut et en
1992 à New York Éclairs sur l’au-delà. Il
a écrit également Un sourire, hommage à
Mozart (1991). L’orchestration de Concert
à quatre pour flûte, hautbois, violoncelle,
piano et orchestre a été terminée par
Yvonne Loriod (1992-1994). En 1995 ont
paru les deux premiers des sept tomes de
son Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie.
Si, pour parler de la musique de Messiaen, on reprend souvent les termes de
son auteur (« un arc-en-ciel théologique »,
une musique du « son-couleur »), on a
tendance à la considérer comme un bloc,
sans la moindre faille. C’est tout à fait le
contraire, et les différentes couleurs de cet
arc-en-ciel ont été réunies à travers une
certaine somme de doutes, de choix, de
renoncements. Dans cette recherche, c’est
le problème de la « durée » qui tient une
place centrale. Dès le début de son oeuvre,
ses recherches ont assez vite « saturé » les
domaines de l’harmonie et de la modalité - évidemment parce que, avant lui, la
musique occidentale avait déjà beaucoup
exploré ces dimensions.
Du côté des durées, en revanche (par
opposition au rythme pulsé, régulier,
mesuré, qui est pour lui le contraire du
rythme), il n’a cessé d’explorer, d’essayer.
Quant à la « couleur », si importante dans
son oeuvre, elle n’est pas, comme chez
d’autres, créée par des alliages raffinés
et insaisissables, c’est une véritable couleur franche, qui peut être créée par des
« accords » aussi bien que par des timbres
bruts d’instruments. La « durée » et la
« couleur » sont bien parmi les dimensions
les plus secrètes de la musique occidentale.
Pour caractériser son esthétique, on peut
reprendre une notion qu’il utilise souvent
quand il parle de sa technique : celle de
« valeur ajoutée ». Ce musicien, qui prend
partout son bien, n’a garde de fondre
tous ses procédés dans un creuset d’où
ils ressortiraient complètement agglomérés, fusionnés, indistincts. Là où d’autres
confondent et mélangent, il « ajoute »,
ostensiblement : chez lui, le « décoratif »,
en tant que procédé qui consiste à « ajouter », devient un principe esthétique, qui
cesse d’être antinomique avec le « structurel ». Messiaen assume pleinement les
guirlandes saint-sulpiciennes des ondes
Martenot, le brillant pailleté de l’aigu du
piano, la virtuosité instrumentale dans ce
qu’elle a de plus ostensible, l’effet de « richesse » accumulative des notes ajoutées
dans l’harmonie - d’où le rapprochement
malintentionné fait par certains entre son
esthétique et celle d’un Gershwin. Combien il a raison pourtant de suivre ici son
goût - car il a toujours su s’exprimer en
vrai et grand musicien avec les moyens qui
lui convenaient, et que d’autres pouvaient
mépriser. Ce n’est d’ailleurs pas sans avoir
essuyé l’ironie, le mépris ou le refus, qu’il
est devenu le musicien universellement
estimé qu’il est aujourd’hui.
MESURE.
Unité rythmique, elle-même divisée en
temps.
Cette unité rythmique est placée entre
deux barres. La mesure s’indique en début
d’oeuvre ou de fragments d’oeuvre par une
fraction dont le dénominateur représente
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
647
une division de la ronde, prise arbitrairement comme valeur de référence, et le
numérateur le nombre de ces divisions par
mesure (par ex. : 3/4 = mesure formée par
3 quarts de ronde, soit 3 noires). À l’origine, des années 500 à 1200 approximativement, il n’y avait pas de mesure (par ex.
dans le chant grégorien), de 1200 à 1450
environ, il y eut des modes rythmiques (
! MAJEUR, MINEUR), de 1450 à 1600, une
mesure, dite libre, sans accentuation des
premiers temps, et, vers 1600, apparut
véritablement la mesure telle qu’elle est
décrite ici.
MESURÉE À L’ANTIQUE (musique).
Nom donné à un style particulier de composition, en honneur à la fin du XVIe siècle,
dans lequel la valeur rythmique des notes
n’était pas déterminée par une mesure régulière, mais par la longueur des syllabes
chantées, selon des schémas prosodiques
par longues et brèves calqués sur la métrique gréco-latine.
La musique mesurée à l’antique avait
résulté de la fusion de deux courants distincts, tous deux reliés aux recherches
humanistes de la Renaissance. L’un, purement littéraire, était né en Italie au milieu
du XVe siècle ; il gagna la France (1497),
puis l’Espagne (1540), les Pays-Bas (1548),
la Suisse alémanique (1555), enfin l’Angleterre (1570) et l’Allemagne (1578). Son
objet était de rénover la poésie en appliquant à la langue vernaculaire la prosodie
et la métrique des poètes gréco-latins (cf.
vers mesurés). Le second courant, né dans
les écoles allemandes, était d’essence pédagogique. Il consistait à initier les élèves
aux vers latins en les leur faisant chanter
sur des mélodies composées à cet effet
dans le rythme du vers ; le prototype en
était une ode d’Horace mise en musique
vers 1507 par P. Tritonius. Ce fut en
France, vers 1570, que les deux courants
se réunirent et que la musique prit valeur
d’oeuvre d’art grâce au poète J. A. de Baïf,
qui proclama la valeur musicale des vers
mesurés vernaculaires et provoqua la collaboration de musiciens tels que Thibaut
de Courville, du Faut et surtout Jacques
Mauduit et Claude Le Jeune, faisant à la
musique mesurée une place de choix dans
son Académie de poésie et de musique
(1570). La musique mesurée trouva en
Claude Le Jeune un compositeur de génie
et avait également parfois tenté Eustache
du Caurroy, puis avait été abandonnée audelà des premières années du XVIIe siècle.
Son existence fut donc éphémère, mais
son influence considérable. Elle contribua
à assouplir la rythmique, à développer la
prosodie musicale, à rapprocher la musique de la parole, et, à ce titre, elle ne fut
pas étrangère au mouvement qui aboutit
en 1600 à la révolution musicale qu’avait
été la création de l’opéra.
MÉTALLOPHONE.
Tout instrument à percussion dont les
corps sonores sont métalliques : carillon,
célesta, etc. C’est, plus particulièrement,
un instrument à percussion extrêmeoriental en tout point semblable au xylophone, mais dont les lames de bois sont
remplacées par des lames métalliques.
METASTASIO (Pietro Trapassi, dit) [en
fr. MÉTASTASE], poète italien (Rome 1698 Vienne 1782).
Métastase est sans doute le poète dont le
style et les conceptions dramatiques ont
le plus profondément marqué l’histoire
de l’opéra. Issu d’un milieu modeste, il
fut élevé dans la maison de son parrain,
le cardinal Ottoboni, puis fut recueilli par
le grand érudit Gian Vicenzo Gravina,
qui transforma son nom, en l’hellénisant,
de Trapassi en Metastasio. Il fut membre
de l’Académie d’Arcadie, à Rome, puis
alla s’établir à Naples, où il fréquenta le
cercle du compositeur et pédagogue Porpora. C’est là qu’il écrivit son premier
livret d’opéra Didone abbandonata (1724).
Il se trouvait à nouveau à Rome lorsque
la cour d’Autriche lui proposa l’une des
fonctions les plus enviées de son temps :
celle de poète impérial, comme successeur
d’Apostolo Zeno. Il s’installa à Vienne en
1730 et ne quitta plus l’Autriche jusqu’à sa
mort, en 1782.
Mais cet enracinement dans un pays
étranger ne doit pas faire illusion : Métastase n’écrivit jamais que dans sa langue
maternelle, et sa volumineuse correspondance montre que c’est vers ses compatriotes (en particulier le castrat Farinelli)
que restaient tournées ses sympathies. La
postérité de ses oeuvres dramatiques, elle,
s’étendit à tout le monde occidental : à
peine un de ses livrets d’opéra ou d’ora-
torio avait-il été mis en musique (pour la
plupart à Rome, puis à Vienne) qu’il se
propageait dans tous les grands théâtres
d’Europe, de Palerme à Stockholm, de Lisbonne à Londres et à Saint-Pétersbourg - à
l’exception de la France. Cette vogue se
poursuivit en plein XIXe siècle, avec, par
exemple, la Semiramide de Meyerbeer
(Turin, 1819), ou l’Ipermestra de Mercadante (Naples, 1825). L’esthétique de
l’opéra métastasien procède de l’Académie d’Arcadie, qui fleurit à Rome à la fin
du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. En
réaction contre le mélange des genres,
qui caractérisait en particulier l’opéra
vénitien, les arcadiens préconisèrent une
intrigue plus dépouillée, à l’exemple de la
tragédie classique française.
Les 27 livrets d’opéra de Métastase sont
presque tous tirés de l’Antiquité grécoromaine et représentent les traditionnels
conflits entre l’amour et le devoir, l’ambition politique et le respect d’autrui, entre
la haine et la vertu du pardon. L’éventail formel de l’opéra s’y réduit à sa plus
simple expression : l’alternance entre l’air
et le récitatif, avec un ensemble à la fin de
chaque acte. Mais la richesse des images
poétiques et une répartition harmonieuse
des mots clefs font des textes de Métastase le support idéal d’un style musical
lui aussi chargé de rhétorique. Parmi la
première génération de compositeurs
qui illustrèrent ses livrets, citons Vinci
(Didone abbandonata, 1726), Hasse (Artaserse, 1730), Pergolèse (Olimpiade, 1735).
L’adéquation des livrets aux exigences des
compositeurs diminue avec une nouvelle
génération de musiciens, au premier rang
desquels Traetta, Galuppi, Jommelli et
Piccinni. Il devient alors de plus en plus
fréquent de retoucher les textes de Métastase, par exemple en les réduisant de 3 à
2 actes et en y ajoutant des ensembles (Il
Re pastore de Mozart, 1775) et des choeurs
(La Clemenza di Tito de Mozart, 1791).
MÈTRE (du gr. metros, « mesure »).
Terme de versification parfois employé
par analogie en théorie musicale.
En versification, on appelle poésie
métrique celle fondée non sur le nombre
des syllabes, mais sur leur groupement en
pieds, déterminée par une alternance définie de longues et de brèves. Elle s’oppose
à la poésie syllabique, fondée sur le seul
nombre des syllabes.
Le mètre est, dans la première catégorie, la combinaison type prise pour base
du schéma de versification. On dira, par
exemple, qu’une poésie est en mètre dactylique quand elle emploie une série de
vers dont le dactyle (1 longue, 2 brèves)
est l’élément de base sans en être forcément l’unique composant. Les multiples
du mot « mètre » (dimètre, trimètre, etc.)
se réfèrent, selon les cas, soit au nombre
de pieds inclus dans un tel vers, soit à
la moitié de ce nombre, certains pieds
étant parfois, pour le décompte, groupés
arbitrairement deux par deux (ainsi un
trimètre iambique comportera non pas
3 mais 6 iambes - c’est-à-dire brève plus
longue - tandis qu’un hexamètre dactylique compte effectivement 6 dactyles, ou
leurs équivalents).
Le mot « mètre » n’a pas de signification définie en musique, mais on l’emploie
parfois par analogie en se référant aux formules rythmiques correspondant à celles
de la versification ci-dessus. Ainsi l’allegretto de la 7e Symphonie de Beethoven
peut être dit de « mètre dactylique ».
MÉTRONOME.
C’est à Paris, en 1816, que l’Allemand J.
N. Maelzel fit breveter ce petit appareil à
battre la mesure qu’il conçut d’après un
modèle vu à Amsterdam, fabriqué par
Winkel. Le métronome est formé essentiellement d’une réglette verticale, dont le
mouvement de balancier est entretenu par
un mécanisme d’horlogerie. Un curseur
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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coulissant permet de régler sa vitesse de
40 à 208 battements à la minute, et l’ensemble tient dans un coffret de bois d’une
forme pyramidale caractéristique. Grâce
au métronome, les exécutants peuvent
travailler un morceau rigoureusement en
mesure, et les compositeurs sont à même
d’indiquer avec précision le tempo qu’ils
souhaitent. Beethoven, ami de l’inventeur,
fut le premier à s’en servir.
METROPOLITAN OPERA HOUSE DE NEW
YORK.
Construit à l’initiative d’hommes d’affaires, l’opéra ouvrit le 22 octobre 1883 sur
Broadway avec Faust de Gounod chanté
en italien. Un des premiers directeurs fut
Walter Dam rosch (jusqu’en 1891) : furent
alors données les premières américaines
de plusieurs oeuvres de Wagner. On assista ensuite à un retour en force du répertoire français et italien. Heinrich Conried
(1903-1908) engagea Caruso et Gustav
Mahler, alors que son successeur GattiCasazza (1908-1935) imposa durant ses
sept premières saisons Arturo Toscanini.
Plus tard, le répertoire français se rétrécit,
et la France marqua sa présence au « Met »
plus encore par ses chefs d’orchestre
(Pierre Monteux en 1917-1919, Albert
Wolff en 1919-1921, Louis Hasselmans en
1921-1936) que par ses chanteurs (Léon
Rothier de 1910 à 1939, Georges Thill en
1931-1932 et surtout Lily Pons de 1931
à 1959) : Beecham (1941-1944) y dirigea
par exemple Faust avec des distributions
tout à fait internationales. Administrateur
général de 1935 à 1950, Edward Johnson
encouragea les artistes américains. Son
successeur Rudolf Bing (1950-1972) modernisa l’équipement technique et renouvela les conceptions théâtrales. Le premier
titulaire du nouveau poste de directeur
musical fut Rafael Kubelik (1973-1974).
James Levine lui succéda en 1975 et devint
directeur artistique en 1986. La nouvelle
salle (3 600 places), au Lincoln Center, fut
inaugurée le 16 septembre 1966 avec la
création mondiale de Anthony and Cleopatra de Samuel Barber. Parmi les créations mondiales antérieures, il faut citer
au moins celles de La Fanciulla del West de
Puccini (1910) et de Goyescas de Granados
(1916).
METZ (Rencontres internationales de
musique contemporaine de).
Festival de musique contemporaine qui
s’est déroulé tous les ans à Metz durant
trois ou quatre jours à la fin de novembre,
de 1972 à 1992.
Il fut le plus important du genre en
France après la disparition du festival de
Royan en 1977. L’édition de 1992, la dernière, se déroula sous la dénomination
« Rendez-vous musique nouvelle ».
Lorsque Claude Lefebvre crée en 1972
ses premières rencontres de musique
contemporaine, il a à l’esprit un projet
ambitieux, et, dès le départ, pose un principe d’action : « Échapper aux consommations hâtives de trop nombreuses
créations mondiales. » Ni saturation, ni
dispersion, donc. Pour « ouvrir » ce nouveau festival, il établit une programmation
dans laquelle des noms célèbres (Boulez,
Stockhausen) voisinent avec des compositeurs plus jeunes (Méfano, Dao). En 1973,
les concerts sont axés sur deux valeurs
sûres : Messiaen (avec les Vingt Regards
de l’Enfant Jésus, les Visions de l’amen, les
Oiseaux exotiques, et les Méditations sur
le mystère de la Sainte-Trinité) et Stockhausen, à qui un cycle est consacré avec,
notamment, une de ses grandes oeuvres,
Hymnen, et aussi une conférence.
La troisième Rencontre, en 1974, inaugure des séances « jeune public », où des
adolescents peuvent avoir un premier
contact avec un compositeur, et, éventuellement, dialoguer avec lui. Cette fois,
les feux sont braqués sur Berio, à qui est
réservée une journée. Deux autres personnalités se dégagent : Stockhausen, avec son
oeuvre pour 2 pianos Mantra, et Kagel qui
bénéficie de deux soirées précédées d’une
conférence. 1975 représente peut-être un
tournant dans la programmation du festival : on s’oriente vers des musiciens moins
connus, qui ont déjà été joués à Royan, et
dans les concerts spécialisés, mais qui vont
connaître une plus large audience grâce à
Metz et dont la plupart des concerts sont
retransmis par la radio. Parmi ceux-ci :
Decoust, Boucourechliev et, également,
Globokar. On n’a pas négligé les auteurs
de « référence », Ives et Stravinski, sans
oublier Messiaen avec sa grande fresque
Des canyons aux étoiles. Les Rencontres de
1976 se caractérisent par la présence de la
musique électroacoustique, avec la participation, d’une part, du G. R. M., d’autre
part, du Studio de musique électronique
de Cologne, et, enfin, chose inhabituelle,
d’un ensemble instrumental de synthétiseurs. Le festival étant placé sous le signe
des sons « artificiels », rien de surprenant
à ce que Stockhausen y figure en bonne
place avec Sirius ; mais on y entend également des musiques de Xenakis et de
Mâche, et on y aborde la question de « la
musique et l’ordinateur » (Risset, Barbaud, Xenakis).
En 1977, Lefebvre adopte une formule
plus ramassée, en centrant l’intérêt, d’une
part, sur des soirées réservées à tel ou
tel compositeur (Kagel, Xenakis, Alsina,
Amy, Globokar), d’autre part, sur la musique d’un pays, le Québec. Par ailleurs, le
principe des séances « jeune public » est
maintenu : il y en a une consacrée à Berg,
où l’on donne en répétition générale le
programme du soir. Dans les Rencontres
de 1978, on met l’accent sur les conférences, cela avec deux compositeurs qui ne
sont pas des familiers de Metz, Pousseur et
Malec. Notons également la présentation
d’un opéra-théâtre de Bancquart : l’Amant
déserté, ainsi que plusieurs séances « jeune
public ». Le festival de 1979 se signale par
la présence de l’I. R. C. A. M. et, comme
en 1976 mais de façon plus marquée, de
Boulez, qui se manifeste par une conférence, un film, un concert. On revient au
problème des relations entre musique et
machines, au cours de plusieurs exposés
faits par les membres de l’I. R. C. A. M.
D’autre part, le pays à l’honneur est la
Suisse, avec l’orchestre de Radio-Bâle, qui
présente cinq de ses compositeurs. On
remarque la présence de Michaël Lévinas
et Pascal Dusapin, sans oublier celle des
Percussions de Strasbourg.
En 1980, les Rencontres sont plus
éclatées, et on approfondit notamment
le domaine de l’électroacoustique avec
le G.R. M. et les exposés très clairs de F.
Bayle. En 1981, retour de Stockhausen et
de Kagel (Mitternachtstück), et création
française de Tiento de Cristobal Halffter.
En 1984, création en France de la version
élargie de Repons de Boulez.
METZLER.
Manufacture d’orgues suisse, fondée en
1890 et fixée à Zurich.
Exerçant surtout en Suisse, Metzler a
réalisé, en style classique, les instruments
des cathédrales de Zurich, de Schaffhouse
et de Genève, et restauré l’orgue Silbermann d’Arlesheim.
MEULEMANS (Arthur), compositeur
belge (Aerschot 1884 - Bruxelles 1966).
Il fait ses études à l’institut Lemmens
de Malines (avec Edgar Tinel), où il est
ensuite nommé professeur. Directeur de
l’école d’orgue et de chant du Limbourg,
à Hasselt (1916-1930), chef de l’orchestre
de l’I.N.R., président de l’Académie royale
flamande des sciences, lettres et beauxarts, il fut le père spirituel de la génération
née entre 1880 et 1890. Son oeuvre, très
abondante, est restée fidèle à l’esthétique
néoromantique, mais en opérant la synthèse de la subtilité harmonique des impressionnistes français et de la solide base
franckiste. Son art coloré, reflet d’une inspiration chaleureuse, et servi par une très
grande virtuosité de l’écriture orchestrale,
émane d’un théoricien qui a, par ailleurs,
exposé l’essentiel de ses idées dans 3 traités d’une extrême importance.
MEUNIER (Alain), violoncelliste français
(Paris 1942).
Il étudie au Conservatoire de Paris, où il
obtient quatre premiers prix (violoncelle
en 1953 dans la classe de M. Maréchal). En
1964, il participe aux cours d’été de l’Accademia Chigiana de Sienne, où il retourne
de nombreuses fois, d’abord comme
étudiant, puis comme assistant, enfin
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
649
comme enseignant. En 1979, il enseigne
au Conservatoire national de Lyon, tout
juste créé. En 1982, il participe à la formation du Quatuor Ivaldi, avec C. Ivaldi,
S. Gazeau et G. Caussé. Violoncelliste du
groupe Contrastes, il se produit également
au sein de l’ensemble 2e2m. Dédicataire
de nombreuses oeuvres contemporaines,
il a créé des oeuvres de Donatoni, Dao,
Mâche, Ohana, etc. Nommé en 1989
professeur de musique de chambre au C.
N. S. M. de Paris, il dirige depuis 1988
le Concours international de quatuor à
cordes d’Évian.
MEYER (Krzysztof), compositeur polonais (Cracovie 1943).
Il a étudié le piano, la théorie et la composition (avec Penderecki) à l’École supérieure de musique de Cracovie, où il enseigne depuis 1966, et travaillé également
à Paris avec Nadia Boulanger. En 1960, il
écrivit 24 préludes et fugues qu’il envoya
à Chostakovitch, auquel il devait consacrer une monographie en 1973. Il s’orienta
d’abord vers les recherches de timbre, en
particulier avec son quatuor à cordes no 1
(1963), sa symphonie no 1 (1964) et ses sonates pour piano no 2 (1963) et no 3 (1966),
puis vers le sérialisme et l’aléatoire, avec,
notamment, ses symphonies no 2 (1967)
et no 3 (1968), sa sonate pour piano no 4
(1968), ses quatuors à cordes no 2 (1969)
et no 3 (1971), son opéra Cyberiada (1970)
et son concerto de chambre pour hautbois, percussion et cordes (1972). D’une
période que l’on pourrait qualifier d’expressionniste relèvent sa symphonie no 4
(1973), son quatuor à cordes no 4 (1974),
un concerto pour trompette et grand orchestre (1975) et Fireballs pour orchestre
(1976). Suivirent le quatuor à cordes no 5
(1955), 24 préludes pour piano (1978), la
symphonie no 5 pour cordes (1978-79), 1
concerto pour piano et orchestre (1979), 1
trio avec piano (1980), 1 sonate pour flûte
seule (1980), la symphonie no 6 dite Polonaise (1982), l’opéra pour enfant les Frères
d’érable (1988-1989), la Messe pour choeur
mixte et orgue (1987-1992).
MEYER (Marcelle), pianiste française
(Lille 1897 - Paris 1958).
Elle est à la fois l’élève de Cortot et de
Ricardo Viñes. Fréquentant Ravel et le
groupe des Six, elle s’impose comme une
interprète irremplaçable de la musique
nouvelle. En 1920, elle crée Printemps de
Milhaud et participe à la création de Noces
de Stravinski en 1923. Elle joue les Trois
Valses romantiques pour deux pianos de
Chabrier avec Poulenc, et, en 1937, Milhaud lui dédie Scaramouche. Mais son
talent s’illustre bien au-delà des cercles
parisiens : de 1946 à 1950, elle grave pour
les Discophiles français plus de soixante
enregistrements qui témoignent d’une
curiosité et d’une ambition prodigieuses.
Elle réhabilite au piano l’oeuvre de Couperin, de Rameau et de Scarlatti. Elle joue
Bach et Mozart, mais aussi les pièces de
Rossini, le Piano-Rag et Petrouchka de
Stravinski, et même la Burlesque de Richard Strauss sous la direction d’André
Cluytens. Dans Chabrier, elle sait équilibrer humour et méditation. Son intégrale
de Ravel demeure une référence. Elle est,
avec Yves Nat, l’une des rares interprètes
de sa génération dont on puisse considérer les enregistrements comme une oeuvre
à part entière.
MEYER (Paul), clarinettiste français
(Mulhouse 1965).
Au Conservatoire de Mulhouse, il apprend la clarinette avec M. Cianferani
avant d’entrer au Conservatoire de Paris
et à la Musik Akademie de Bâle. Dès 1984,
il remporte le prix du Young Concerts Artists à New York, et rencontre à cette occasion Benny Goodman, qui lui prodigue
ses conseils. Pendant quelques mois, il est
soliste à l’Opéra de Lyon, puis à l’Opéra de
Paris. Mais il se consacre finalement à une
brillante carrière de soliste, accompagné
en récital par le pianiste Éric Le Sage, qu’il
connaît depuis 1982. Il a aussi comme
partenaires François-René Duchâble, l’altiste Gérard Caussé et le Quatuor Mélos,
ainsi que Gidon Kremer ou Yo-Yo Ma. Il
aborde parfois des concertos peu connus,
comme ceux de Bruch, Copland, Busoni
ou Pleyel. En 1991, il crée le Concerto de
Gerd Kühr au Festival de Salzbourg et, en
1995, les concertos de Penderecki et Berio.
La même année, il joue l’Hommage à Schumann de Kurtag. Il anime également un
festival d’été à Salon-de-Provence.
MEYER (Sabine), clarinettiste allemande
(Crailsheim 1959).
Fille du clarinettiste Karl Meyer, elle étudie à Stuttgart, puis à Hanovre avec Deinzer. Lauréate du Concours de Munich,
elle devient soliste de l’Orchestre de la
radio bavaroise. En 1983, elle fonde un
ensemble de clarinettes, le Trio di clarone.
La même année, elle est engagée comme
soliste à la Philharmonie de Berlin. Aussi
scandaleux que cela paraisse, la présence
d’une femme dans l’orchestre suscite un
tollé de la part des musiciens : malgré le
soutien d’Herbert von Karajan, elle doit
quitter son poste dès 1985. Elle poursuit
alors une carrière de soliste, abordant un
vaste répertoire de musique de chambre.
En 1988, elle fonde le Bläserensemble
Sabine Meyer, qui enregistre la Gran
Partita de Mozart. En 1993, elle effectue
une tournée avec le clarinettiste de jazz
Eddie Daniel. Son répertoire s’étend ainsi
des concertos préclassiques aux courants
contemporains.
MEYERBEER (JAKOB LIEBMANN BEER,
dit Giacomo), compositeur allemand
(Vogelsdorf, près de Berlin, 1791 - Paris
1864).
Issu d’un milieu cultivé, il étudia le piano
avec Franz Lauska, qui fut l’élève de Clementi, et révéla des dons précoces de
pianiste virtuose : il donna son premier
récital à l’âge de neuf ans. Zelter, puis B.
A. Weber lui enseignèrent la composition, puis il se rendit à Darmstadt pour
travailler avec l’abbé Vogler. Il y resta
de 1810 à 1812 et eut pour compagnon
d’études Carl Maria von Weber, dont les
conceptions théâtrales allaient s’opposer
aux siennes par la suite. Pendant ces deux
années, Meyerbeer écrivit la première de
ses oeuvres qui fut représentée, Der Fischer
und das Milchmädchen, divertissement sur
un sujet de Lauchery, le maître de ballet
de l’Opéra royal, donné à Berlin en 1810,
ainsi que 2 opéras, Der Admiral et Jephtas Gelübde ; seul le second fut joué, sans
aucun succès, à Munich en 1812. Grâce à
l’appui de son ancien maître, le jeune compositeur fut nommé à la cour du grandduc de Hesse au début de 1813. Toutefois, malgré ses échecs à l’Opéra et tandis
que sa renommée de pianiste continue à
croître, il fut toujours attiré par une carrière de compositeur dramatique, dont il
savait qu’elle ne pouvait être couronnée
qu’à Paris. C’était dans l’espoir de réaliser
ce projet qu’il suivit les conseils de Salieri,
rencontré à Vienne, et décida de poursuivre ses études en Italie.
Il s’y rendit en 1816 et obtint, dès 1817,
avec Romilda e Costanza, ses premiers succès au théâtre. Le public italien l’acclama
à chaque nouvelle oeuvre et le triomphe
remporté par Il Crociato in Egitto, l’opéra
qui avait clos son séjour en Italie en 1824,
le décida à tenter sa chance à Paris. Il s’y
installa en 1825 et commença à discuter
du livret de Robert le Diable avec Scribe,
en 1827. Mais il persistait à penser que le
remaniement de ses partitions italiennes
allait assurer son succès parisien. Puis il
décida de changer la forme de Robert le
Diable et d’en faire un grand opéra plutôt
qu’un opéra-comique. La première représentation eut lieu le 21 novembre 1831 et
sa réussite fut telle que Meyerbeer apparut
dès ce moment comme une personnalité
capitale.
On attribue à la célébrité naissante de
Meyerbeer l’abandon définitif de l’opéra
par Rossini ; célébrité, en tout cas, confirmée par le nombre imposant d’arrangements, de variations ou de fantaisies sur
Robert le Diable qu’écrivirent alors les
Chopin, Thalberg, Liszt, etc., et aussi par
les louanges de la presse et les multiples
représentations de l’oeuvre, en France
comme à l’étranger. Robert le Diable scella
aussi le commencement de la collaboration de Meyerbeer avec Scribe.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
650
Le style des opéras français de Meyerbeer est désormais fixé, mélange habile
d’innovations et de conventions (structure en 5 actes avec un ballet, types d’airs
convenus, répartition des voix selon le
caractère auquel se rattache chaque rôle),
que l’on retrouvera encore plus accentué
dans les Huguenots. Avec cette dernière
oeuvre, dont la représentation eut lieu le
29 février 1836, l’Opéra de Paris a vécu
l’un des plus brillants succès de son histoire. Le public apprécia manifestement
sans réserve la recherche du détail réaliste
ou historique autant que le « monumentalisme expressif », selon l’expression
de Baker, obtenu tant par les trouvailles
d’orchestration que par les mouvements
imposants des masses chorales ou le traitement des voix ; celui-ci est typique en
ce qu’il met en avant soit les caractères
vocaux les plus immédiatement et brutalement expressifs, soit les immenses
prouesses techniques dont sont capables
les chanteurs. Le décor, nettement réaliste
lui aussi, et les machineries participent
de plein droit à ce parti pris de grandiose
d’où le sentimentalisme n’est cependant
pas exclu. Ce sont, en effet, les bons sentiments que Scribe et Meyerbeer exaltent
dans les livrets qu’ils élaborent, et, notamment, le sentiment religieux très souvent
présent, s’adressant par là, manifestement,
à la haute société habituée des spectacles
de l’Opéra.
Parmi les traits dominants du grand
opéra conçu par Meyerbeer, le plus remarquable est sans doute la place faite
aux interprètes. Dans toute son oeuvre, le
choix de ces derniers est capital et même
déterminant pour l’élaboration du livret.
Le compositeur consacrait la plupart
de ses voyages à l’audition de nouveaux
chanteurs et si l’un de ceux qu’il avait engagés rompait son contrat, il n’hésitait pas
à remanier le rôle concerné pour l’adapter
au nouvel interprète, voire à interrompre
son travail sur un opéra si aucun acteur
ne lui paraissait convenir. Ainsi en futil, par exemple, pour le Prophète et pour
l’Africaine. C’est peut-être cette extrême
dépendance de la dramaturgie et du chant
qui rend si problématique aujourd’hui
toute représentation des opéras de Meyerbeer ; nombreux furent, en tout cas, les
grands chanteurs dont le talent fut associé
à la carrière du compositeur, tels Adolphe
Nourrit, Cornélie Falcon, la basse Levasseur, Gilbert Duprez, Jenny Lind, Pauline
Viardot, Tichatchek, Julie Dorus Gras.
Ayant acquis une stature internationale, Meyerbeer fut nommé directeur
général de la musique à Berlin après le
départ de Spontini, en 1842, à la mort
de Friedrich Wilhelm III. Il ne garda ce
poste que jusqu’en 1848, mais demeura
compositeur de la cour royale jusqu’à sa
mort. À ce titre, il composa des oeuvres de
commande pour la famille royale, parmi
lesquelles un singspiel, Ein Feldlager in
Schlesien, en 1844 (repr. Vienne, 1847,
dans une forme remaniée, sous le titre
de Vielka), qui était destiné à marquer la
réouverture de l’Opéra de Berlin. Meyerbeer n’oubliait pas pour autant que ses
plus fervents admirateurs étaient à Paris
bien plus qu’en Allemagne, et, après avoir
écrit la musique de scène d’une pièce de
théâtre, Struensee, dont l’auteur était son
propre frère, Michael Beer, il se remit à
travailler sérieusement sur le Prophète
(projet qu’il avait envisagé avec Scribe
depuis 1836), encouragé par la découverte
de la cantatrice Pauline Viardot-García.
La première représentation eut lieu le 16
avril 1849 et valut une nouvelle fois au
compositeur les louanges de la presse, notamment celles de Berlioz et de Théophile
Gautier, ainsi que la décoration de commandeur de la Légion d’honneur.
Jusqu’à la fin de sa vie, Meyerbeer
connut le succès et la célébrité ; sollicité par de nombreux projets et attaché
à maintenir sa réputation, il fit alterner
les contrats rompus et les oeuvres accomplies. En 1854, l’Opéra-Comique présente
l’Étoile du Nord, sur un livret de Scribe,
qui reprenait en partie la partition d’Ein
Feldlager in Schlesien, puis le Pardon de
Ploërmel, en 1859, sur un livret de Barbier
et Carré. Enfin, en 1860, il décida d’achever l’Africaine, qu’il avait entreprise avec
la collaboration de Scribe en 1837 ; mais
la mort de celui-ci en 1861, ainsi qu’une
surcharge de travail et sa propre maladie l’empêchèrent de terminer ce dernier
opéra avant avril 1864, c’est-à-dire peu de
jours avant sa mort. Fétis fut finalement
chargé des révisions finales de l’oeuvre
pour sa création à l’Opéra le 28 avril 1865.
L’importance du succès de Meyerbeer
et l’influence qu’il eut pendant plusieurs
années à l’opéra n’étaient pas dues au
hasard ou au seul effet d’une mode passagère. Dans son oeuvre apparaît une
conception soigneusement élaborée d’un
type d’opéra particulièrement grandiose
dans lequel tous les rapports d’équilibre
sont savamment pesés.
MEZZA VOCE (ital. : « à mi-voix »).
Expression qui s’applique à la musique
instrumentale aussi bien qu’à la musique
vocale.
MEZZO (fém. mezza, plur. mezzi, ital. ;
« à moitié »).
Mot employé dans diverses locutions
telles que mezzo-soprano, mezzo forte,
mezza voce, etc.
MEZZO FORTE.
Terme marquant la nuance intermédiaire
entre le forte et le piano. Il est, du fait de
son caractère neutre, assez fréquemment
employé.
MEZZO-SOPRANO (ital. : « à demi soprano »).
Catégorie vocale féminine située entre le
soprano et le contralto.
Si l’on considère que la voix chantée
féminine se répartit essentiellement en
deux types extrêmes, l’alto et le soprano, le
mezzo-soprano apparaît comme une catégorie intermédiaire, assez tardive à s’imposer ( ! CONTRALTO), et rendue plus nécessaire lorsque la raréfaction des castrats
entraîna une reconsidération totale des
tessitures vocales. À la fin du XVIIIe siècle,
le mezzo-soprano était essentiellement
un soprano grave, employé principalement dans l’opéra semi-seria (notamment
pour incarner des adolescents masculins,
comme le Chérubin des Noces de Figaro) et
dans les comédies sentimentales (cf. Nina,
dans l’opéra de Paisiello, Fidalma dans le
Mariage secret de Cimarosa). Avec Rossini et ses successeurs immédiats, au début
du XIXe siècle, la suprématie du contralto
laissa le mezzo-soprano en retrait, mais le
romantisme, dont l’écriture vocale avait
entraîné un déplacement de toutes les tessitures vers l’aigu, favorisa à nouveau cette
voix (étendue si bémol2 - si bémol4, voire
la2 - si4), qui incarna les amantes malheu-
reuses, jalouses, les mères, les sorcières,
notamment dans les opéras de Verdi
(Azucena, Amneris), de Wagner (Ortrud,
Vénus), de Massenet (Hérodiade), etc.
Les cantatrices authentiquement douées
de ce type vocal embrassent à la fois soit
les répertoires de mezzo-soprano et de
contralto, soit ceux de mezzo-soprano et
de soprano, de nombreux rôles étant euxmêmes intermédiaires entre ces deux dernières catégories : chez Berlioz les rôles de
Marguerite et de Didon ; ceux de Kundry,
Charlotte, Marina, de nombreux emplois
dans les opéras de Richard Strauss, et, en
général, dans l’opéra allemand, l’école germanique ( ! CHANT) ne faisant pas appel à
un clivage aussi strict que celui des écoles
latines. Pour nous limiter au XXe siècle,
citons d’authentiques mezzo-sopranos
tels que E. Stignani, G. Simionato, M.
Klose, R. Gorr, cependant que, dans une
époque plus récente, s’affirme de plus en
plus souvent leur osmose avec les emplois
de soprano (C. Ludwig, T. Berganza, F.
Cossotto, G. Bumbry, S. Verrett, etc.). Il
est à noter que, au contraire du contralto
dont le registre grave opulent est volontiers sollicité par les compositeurs, c’est
l’aigu très brillant du mezzo-soprano qui
est requis par les compositeurs et apprécié
du public. La voix de mezzo-soprano se
prête aussi au théâtre aux rôles travestis,
au concert à l’interprétation du lied, et,
notamment au disque, à l’interprétation
des rôles écrits naguère pour les castrats.
MI.
La troisième des 7 syllabes qui, dans les
pays latins, désignent actuellement les
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
651
notes de la gamme diatonique. Elle est
placée un ton au-dessus de la note ré et
correspond à la lettre E du système alphabétique anglo-saxon.
Dans l’ancienne solmisation à 6 syllabes, la syllabe mi pouvait correspondre,
selon l’hexacorde, aux lettres clefs A (lami-ré), B (fa-mi) ou E (la-mi). Le mécanisme de la transformation est abordé
dans l’article ut, et la valeur ésotérique de
la syllabe, dans l’article Ut queant laxis.
L’importance de la note mi dans ce système était considérable, car c’était par rapport au demi-ton mi-fa que se déterminait
l’emplacement des autres syllabes, mi désignant essentiellement la note inférieure
du demi-ton, et fa sa note supérieure :
l’expression mi-fa ou fa-mi, souvent associée à la lettre B, désignait donc le demiton lorsqu’on l’entendait à l’intérieur d’un
même hexacorde. Mais, si on prenait mi
dans un hexacorde et fa dans un autre,
on aboutissait à des intervalles différents,
d’où l’expression mi contra fa (intervalle
de triton). C’est pour cette raison, par
exemple, qu’une messe d’Ockeghem fondée sur l’intervalle de quarte porte le nom
de Messe mi-mi : le premier mi est pris en
effet dans l’hexacorde, dit « naturel », que
nous avons seul conservé, et correspond
bien par conséquent à E et à notre mi
actuel, mais le second est pris dans l’hexacorde « par bémol » aujourd’hui disparu ;
il correspond donc à A et à notre la actuel.
MIASKOVSKI (Nikolaï), compositeur et
pédagogue soviétique (Novoguéorguievsk 1881 - Moscou 1950).
Fils d’un ingénieur du génie, destiné primitivement à la carrière militaire, il étudia la musique avec Glière et Kryzanovski
(1902-1904) avant de devenir l’élève de
Liadov, de Rimski-Korsakov et de Vitol au
conservatoire de Saint-Pétersbourg (19061911). Il fut nommé en 1921 professeur de
composition au conservatoire de Moscou.
Il devait y jouer un rôle pédagogique important jusqu’à la fin de sa vie, malgré une
interruption en 1948. Kabalevski, Khatchaturian, Chébaline, Mouradeli, entre
autres, comptèrent parmi ses élèves.
Essentiellement ancré dans le classicisme russe, influencé par Tchaïkovski, Miaskovski s’est très tôt déterminé
comme symphoniste. Les Soirées de musique contemporaine (créées à Leningrad
en 1901 et à Moscou en 1909) lui avaient
donné l’occasion, avant même qu’il ait
terminé ses études, de faire entendre ses
oeuvres qui étaient alors controversées. Il
fut l’un des fondateurs de l’Association
pour la musique contemporaine. Avant
sa mobilisation en 1914, il avait déjà écrit
3 symphonies et d’autres oeuvres pour orchestre, comme les poèmes Silence (190910) d’après E. Poe et Alastor (1912-13)
d’après Shelley, pages dont il attribuait
le pessimisme à sa fréquentation des cé-
nacles symbolistes. Il ne fut néanmoins
reconnu comme un compositeur majeur
que dans les années 20, après la création
de sa 5e Symphonie. Un nouvel état d’esprit s’y manifeste, fait de sérénité sinon
d’optimisme, où le style populaire joue un
certain rôle, ainsi que les images inspirées
par la terre natale et la révolution. La 6e
Symphonie, quant à elle, est directement
tournée vers le thème de la révolution et
traite de l’itinéraire spirituel des intellectuels qui y sont indirectement liés. Dans le
finale, Miaskovski emploie, avec le thème
du Dies irae et un vieux chant russe sur
la séparation de l’âme et du corps, deux
chants révolutionnaires, la Carmagnole et
Ça ira, qui introduisent l’image du peuple.
Surnommé « la conscience musicale de
Moscou », Miaskovski allait être pendant
trente ans l’une des personnalités les plus
importantes de la vie musicale moscovite.
Nombre de ses oeuvres sont étroitement
liées à l’histoire et à la littérature russes :
la 8e Symphonie est inspirée de Stenka
Razine, la 10e par le trouble intérieur
d’Eugène, le héros du Cavalier de bronze
de Pouchkine. D’autres fois, il écrivit de la
musique sur des thèmes de l’actualité : par
exemple, sa 12e Symphonie, Kolkhoze, ou sa
16e Symphonie, Aviation, lors de la perte de
l’avion géant Gorki (1931). La 13e Symphonie, en un seul mouvement, représente un
essai d’atonalisme. Néanmoins, Miaskovski a toujours recherché un langage accessible, ce qui explique le succès de sa 18e
Symphonie, composée pour le vingtième
anniversaire de la Révolution, et popularisée par une transcription pour orchestre
militaire. La 21e Symphonie, l’une des plus
mûres, fut commandée par l’Orchestre
symphonique de Chicago, dont le chef,
F. Stock, fut un défenseur infatigable de
Miaskovski. La 22e Symphonie (Symphonie-ballade) est inspirée par la guerre
(1942). La 23e Symphonie est écrite sur des
danses caucasiennes, la 26e sur d’anciens
thèmes populaires russes (1948).
Néanmoins, la purge antiformaliste
de 1948 n’a pas épargné Miaskovski. Sa
réhabilitation n’intervint qu’après la
création posthume de sa 27e Symphonie,
consacrée au thème de la vie et de la mort
et s’achevant sur une note débordante
d’optimisme par un cortège du peuple
et le chant Gloire. Miaskovski a, d’autre
part, participé dès les années 30 à la renaissance de la musique de chambre russe
sur la base d’un langage mélodique alliant
clarté, émotion et emprunts folkloriques,
dans ses 13 quatuors et ses sonates. Une
de ses oeuvres les plus populaires reste son
Concerto pour violoncelle (1944).
MÍČA, famille de musiciens tchèques.
František Václav, chanteur et compositeur (Třebíč 1694 - Jaroměřice 1744). Cinquième fils de l’organiste Mikuláš Míča,
František Václav fut à partir de 1722 le
maître de chapelle du comte Jean Adam
Questenberk au château de Jaroměřice
en Moravie (1717-1744). Les récents travaux du professeur Helfert ont redonné
à Míča la paternité de deux manuscrits
d’opéras, L’Origine di Jaromeritz in Moravia (1730) et Operosa terni Colossi Moles
(1735). Mais la magnifique symphonie en
ré majeur publiée à Prague sous son nom
en 1946, et devenue célèbre à cause de ses
traits considérés à tort ou à raison comme
d’avant-garde, est en toute probabilité de
son neveu, et donc plus tardive qu’on ne
l’avait cru.
František Adam Jan, compositeur
tchèque (Jaroměřice 1746 - Lwów 1811).
Neveu du précédent, il fit des études de
droit à Vienne, s’ouvrant ainsi une carrière dans l’administration impériale
autrichienne, il écrivit de nombreuses
oeuvres de chambre. Secrétaire de province à Graz, il devint un des compositeurs favoris de l’empereur Joseph II, pour
lequel il composa de nombreux quatuors
à cordes (14 manuscrits actuellement retrouvés). Il fit la connaissance de Mozart à
Vienne, lequel appréciait fort ses compositions. La fraîcheur mélodique, presque
mozartienne, de son oeuvre le fit comparer avec F.-X. Richter. Sa modestie semble
avoir été la cause de l’absence de toute
édition, de son vivant, d’un catalogue non
négligeable. Il termina sa vie en Pologne
dans un relatif isolement.
MICHEAU (Janine), soprano française
(Toulouse 1914 - Paris 1976).
Elle fut découverte par Pierre Monteux,
qui la dirigea dans le rôle de Mélisande à
Amsterdam en 1935. Engagée à l’OpéraComique, elle y chanta les rôles lyriques
légers du répertoire : Lakmé, Mireille,
Philine (dans Mignon), Leïla (dans les
Pêcheurs de perles). Elle créa en 1940
Médée de Darius Milhaud (rôle de Créüse)
à l’Opéra, puis, en 1950, Bolivar (rôle
de Manuela) que ce même compositeur
écrivit spécialement pour elle. Depuis la
guerre et jusqu’en 1965, Janine Micheau
s’est partagée entre l’Opéra et l’OpéraComique dans un triple répertoire français, italien et allemand. Parmi ses rôles
italiens, citons Gilda de Rigoletto, dont elle
fut une des meilleures interprètes mondiales. Parmi ses rôles allemands, Zerbinetta dans Ariane à Naxos de Richard
Strauss, qu’elle créa à Paris, et Pamina de
la Flûte enchantée.
Janine Micheau fit également une
carrière internationale et enseigna au
Conservatoire de Paris jusqu’à sa mort.
MICHNA D’OSTRADOVICE (Adam
Václav), connu également sous le nom
d’Adamus Wenceslaus MICHNA DE
OTTRADOWICZ, poète et compositeur
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
652
tchèque (Jindřichuv Hradec, Neuhaus en
allemand, v. 1600 - id. 1676).
Il est le fils de l’organiste d’une petite
ville de Bohême du Sud, Jindřichuv Hradec ; il y passa toute sa vie, d’abord misérable, puis progressivement aisée, en tant
qu’aubergiste et organiste. Il fut le plus
brillant représentant de l’école baroque
tchèque resté au pays. Il fit imprimer un
recueil de chants religieux, la Musique
mariale tchèque (1647), un répertoire,
le Luth tchèque (1653), puis Musique de
l’année sainte (1661). Il avait le don de
pédagogie et créa de nombreuses chorales
dans sa région. Son oeuvre tient compte
de cette activité et se répartit en deux
groupes distincts : chansons populaires,
faciles à chanter, en langue tchèque (berceuses, danses, chansons à boire...), qui
font partie du répertoire bohémien depuis
trois siècles ; musique sacrée sur des textes
latins.
MICRO.
Le microphone est, dans l’enregistrement
de la musique, ce que l’objectif est à la
photographie ou au cinéma : un objet peu
encombrant, mais crucial, dont on ne saurait sous-estimer l’importance. Comme
pour l’objectif photographique, il n’existe
aucun modèle universel et, d’autre part,
on ne saurait parler d’un progrès technique linéaire et continu dans l’histoire
de l’enregistrement : chaque micro, tant
par son type technique (dynamique,
électrostatique, etc.) que par son champ
d’ouverture (du plus « directionnel » au
plus ouvert, omnidirectionnel), par son
rendu propre (chaud, rond, sec, précis,
velouté, etc.), et enfin par sa fonction
(pour amplifier un chanteur, enregistrer
en studio, capter tel type d’instrument,
de voix ou de formation), est un cas particulier, et certains micros anciens ou
classiques gardent toutes leurs qualités.
Dans les musiques populaires, d’une part,
et les musiques savantes contemporaines,
d’autre part, le micro est devenu aussi un
véritable instrument de création, permettant aussi bien de concevoir de nouveaux
instruments (comme la guitare électrique)
que de modifier électroniquement en direct un son en le captant à la source pour
être ensuite « traité », distordu, etc. Dans
ce dernier cas, Stockhausen fut un pionnier, avec une oeuvre comme Mikrophonie
I (1964) pour « gong » amplifié. Dans la
musique électroacoustique, en particulier,
le microphone - étymologiquement utilisé
comme « amplificateur » d’événements
sonores acoustiquement ténus - a permis
de découvrir tout un monde de vibrations nouvelles, et de le faire accéder à la
musique. L’enregistrement de la musique
classique, quant à lui, érige souvent en
principe l’idée de la « transparence » des
moyens techniques, et tout y est fait pour
faire oublier que le son a été capté techniquement. C’est bien sûr un pur mythe :
beaucoup d’enregistrements sont le produit d’un savant mélange de microphones
multiples, et même la solution consistant
à utiliser un seul couple stéréophonique
simulant le couple des oreilles pour enregistrer tout un orchestre n’a rien de
« naturel », le micro n’ayant rien à voir,
justement, avec les organes auditifs (malgré des tentatives raffinées de « tête artificielle »). Seul un grand pianiste comme
Glenn Gould a eu l’audace de revendiquer
et d’afficher clairement des partis pris
d’enregistrement dans lesquels le micro
ne se fait pas oublier. De plus en plus,
cependant, se donnent des concerts où les
chanteurs et les instrumentistes sont plus
ou moins discrètement amplifiés, ce qui
permet notamment de donner certaines
oeuvres dans des lieux trop vastes ou trop
réverbérants, mais ne pourra que changer,
à la longue, les règles du concert.
MICRO-INTERVALLE.
On désigne en général ainsi un intervalle
plus petit que le demi-ton. Les micro-intervalles sont obtenus soit par la poursuite
de la division égale, tempérée (quart de
ton, huitième de ton), soit à partir des différents systèmes de division proportionnelle (Pythagore, Zarlino) qui retrouvent
toujours, d’une manière ou d’une autre,
les intervalles de la série des harmoniques
naturels.
MIDEM (Marché international du disque
et de l’édition musicale).
Marché international réservé aux professionnels du disque et de l’édition musicale, créé en 1967.
Il se déroule chaque année en janvier
à Cannes et comporte, depuis 1983, une
section dédiée spécialement à la musique classique (MIDEM Classique). Un
MIDEM Radio existe depuis 1984. Pendant les éditions du MIDEM, des concerts
et des conférences sont organisées.
MIEG (Peter), compositeur suisse (Lenzburg, Aargau 1906 - id. 1990).
Outre la musique, il a étudié l’histoire
de l’art, l’histoire de la littérature et l’archéologie à Zurich, Bâle et Paris, et s’est
largement consacré à la peinture. Après
avoir travaillé la composition avec Frank
Martin (1942-1945), il s’est tourné, pour
l’essentiel, vers ce type d’activité à partir
des années 50. Dans un style traditionnel, il a écrit de la musique de chambre et
d’orchestre, ainsi que des oeuvres vocales,
parmi lesquelles la cantate Der Frühling
(1956).
MIEREANU (Costin), compositeur français d’origine roumaine (Bucarest 1943).
Il a fait des études de piano (1954-1960)
et de composition (1960-1966) à Bucarest, suivi les cours de Darmstadt avec
Stockhausen, Ligeti et Karkoschka (19671969), participant notamment sous la
direction de Stockhausen à l’oeuvre collective Musik für ein Haus, et arrive à Paris
en 1968. Il a travaillé à la Schola cantorum
et avec Jean-Étienne Marie (1969-70), et,
depuis 1973, enseigne au département
de musique de l’université de Paris-VIII
(transformations de la notation musicale
actuelle, rapports entre image et son,
organologie des timbres, analyse, composition). Professeur à l’École nationale
supérieure des arts décoratifs (1977-78),
il a obtenu successivement un doctorat de
3e cycle sur la sémiologie musicale et un
doctorat ès lettres et sciences humaines
(1979). Il recherche des formes polyartistiques unissant son, geste et image, et
fait souvent appel dans ses oeuvres à l’électroacoustique. On lui doit notamment
Couleur du temps (1966-1968), première
version orchestre à cordes, deuxième version quatuor à cordes et bande magnétique, troisième version double quatuor
à cordes et contrebasse ; Espaces II pour
orchestre à cordes, piano et bande magnétique (1967-1969) ; Night Music pour une
ou plusieurs bandes magnétiques (19681970) ; Rosario pour grand orchestre et 2
chefs (1973-1976) ; Luna Cinese pour un
ou plusieurs électrophones, un exécutant
et un récitant (1975) ; Planetarium pour
piano, 2 flûtes, un trombone, un vibraphone (1975) ; Musique tétanique pour
un ou plusieurs claviers acoustiques ou
électroniques (1977) ; Musique climatique pour 2 actants, un commentateur
polyartistique, claviers acoustiques et/ou
électroniques, bande magnétique et film
16 mm ad libitum (1979) ; Musique climatique no 2 (1980) ; L’avenir est dans les oeufs,
opéra pour 9 chanteurs, 15 instruments
et bande magnétique d’après E. Ionesco
(1980) ; Rosenzeit pour orchestre (Metz,
1982) ; le Mur d’airain pour 9 instrumentistes (1987) ; la Porte du paradis, fantaisie lyrique (1989-1991) ; Un temps sans
mémoire pour orchestre (1989-1992). Il
est également l’auteur de plusieurs écrits,
dont De la Textkomposition au Poly-Art.
Sémiotique de la partition, thèse de doctorat ès lettres (Paris, 1979). Il a été jusqu’en
1992 directeur artistique des éditions Salabert.
MIGENES (Julia), soprano américaine
(Manhattan 1945).
Dès son plus jeune âge, elle est formée
à l’Académie Moser pour les enfants
artistes. Adolescente, elle effectue trois
années de tournée avec une comédie
musicale de Rodgers et Hammerstein.
Bernstein la choisit comme soliste de ses
Young People’s Concerts, et elle incarne
Maria dans West Side Story au City Center de Broadway. Elle suit cependant une
formation classique à la Juilliard School
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
653
et, en 1965, débute à l’opéra avec la Sainte
de Bleecker Street de Menotti. En 1981, elle
remplace Teresa Stratas au Metropolitan,
dans Lulu. Elle part ensuite en Allemagne,
où elle chante au Volksoper de Vienne et
devient très populaire à la télévision, remportant deux Bambis d’or. En 1984, son
incarnation de Carmen dans le film de
Rosi lui vaut une gloire mondiale. Chantant Porgy and Bess, l’Opéra de quat’sous,
mais aussi la Voix humaine de Poulenc,
elle poursuit une carrière peu orthodoxe,
où ses talents d’actrice et de danseuse ont
une grande part.
MIGOT (Georges), compositeur français
(Paris 1891 - Levallois 1976).
D’ascendances franc-comtoises, ouvert à
toutes les formes de la culture, il s’éveilla
très tôt à la musique, composant un Noël
à quinze ans. Admis au Conservatoire
en 1909 dans la classe de composition
de C. M. Widor, il assista en auditeur à
toutes les classes instrumentales et suivit
les cours d’histoire de la musique de M.
Emmanuel.
Mobilisé en 1914, il fut grièvement
blessé dès le mois d’août et, après une
longue convalescence, reprit ses études
que vinrent couronner les prix Lily-Boulanger (1918), Lepaulle (1919) et Halphen (1920). Enfin, en 1921, le prix de
la fondation Blumenthal pour la Pensée et l’Art français lui fut décerné pour
l’ensemble de son oeuvre, qui comprenait
déjà quelques-unes de ses partitions les
plus importantes de musique de chambre
(Trio, Quintette) et de musique symphonique (les Agrestides). Son ballet Hagoromo
fut créé à l’Opéra de Monte-Carlo (1922).
Ses Deux Stèles, sur des poèmes de Segalen
(1925), confirmèrent l’intérêt qu’il portait
alors aux arts de l’Extrême-Orient. Mais
la tradition française demeura pour lui
essentielle, et il l’affirma non seulement en
écrivant un livre sur Jean-Philippe Rameau
(1930), mais en composant son Livre des
danceries pour orchestre (1929). L’oeuvre
de Georges Migot atteignit sa pleine
maturité avec le Zodiaque, 12 études de
concert pour piano (1931-32), les 17
Poèmes de Brugnon, du poète Klingsor,
pour chant et piano (1933) et le Trio pour
violon, violoncelle et piano (1935). La musique religieuse prit ensuite chez lui une
place prépondérante : en témoignent le
Sermon sur la montagne (1936), la Passion
(1941-42) et Saint-Germain d’Auxerre,
oratorio a cappella pour solos et 3 choeurs
mixtes (1947). Suivirent le Petit Évangéliaire (1952), le Psaume 118 (1952) et le
Requiem (1953). Son langage ne cessa de
tendre vers une écriture plus souple, plus
transparente, plus dépouillée et plus libre
à la fois.
Spiritualiste, il fut aussi un indépendant. Son seul poste officiel fut celui de
conservateur du Musée instrumental,
qui lui fut confié en 1949 et qu’il occupa
jusqu’en 1961. Ses dernières années furent
éclairées par la ferveur de quelques disciples, mais on le joue assez peu. En 1973,
la ville de Besançon lui rendit hommage
en exposant ses tableaux et ses oeuvres graphiques (car il fut aussi peintre, et peintre
de talent) au Musée des beaux-arts.
L’art de Georges Migot est celui d’un
humaniste qui n’a jamais dissocié la pensée
de la technique. Le langage personnel qu’il
s’est forgé en usant de modes mélodiques
libres et d’harmonies qui recherchent
l’apaisement plus que la tension, la couleur instrumentale qu’il emploie avec le
souci de l’unité de ton (au sens pictural du
terme), le recours à des formes musicales
qui excluent les contrastes trop affirmés,
tout cela s’inscrit dans une vision religieuse, sereine et sensible de l’univers. Il y
a aussi, chez lui, le poète : sa musique possède une délicatesse de touche, une grâce
souriante qui la situent dans la meilleure
tradition française.
MIHALOVICI (Marcel), compositeur
français d’origine roumaine (Bucarest
1898 - Paris 1985).
Il a fait ses études à Bucarest, de 1908 à
1919, avec Fr. Fischer et B. Bernfeld (violon), D. Cuclin (harmonie) et R. Cremer
(contrepoint), puis à la Schola cantorum
de Paris, de 1919 à 1925, avec V. d’Indy
(composition, direction d’orchestre),
Saint-Réquier (harmonie), A. Gastoué
(chant grégorien) et N. Lejeune (violon).
En 1928, Mihalovici, Martinºu, C. Beck
et T. Harsanyi, rejoints par N. Tcherepnine, décidèrent de donner ensemble un
concert de leurs oeuvres : les critiques
regroupèrent sous le nom d’école de Paris
ces compositeurs d’origine étrangère, résidant en France, mais aux esthétiques très
différentes. De 1959 à 1962, Mihalovici
enseigna à la Schola cantorum. Il a le goût
des structures solides, allié à une influence
des modes et de la rythmique du folklore
roumain. On lui doit notamment l’opéra
Phèdre, d’après Racine (1949), le ballet
Thésée au labyrinthe (1956) et de nombreuses pages instrumentales et vocales.
MIHALY (Andras), compositeur hongrois (Budapest 1917).
Il a étudié le violoncelle avec Adolf Schiffer, la musique de chambre avec Leo Weiner et Imre Waldbauer, et la composition
en leçons privées avec Pal Kadosa et Istvan Strasser. Violoncelle solo à l’Opéra
de Budapest (1946-1950), puis professeur
de musique de chambre à l’Académie de
musique de Budapest (1950), il devint
conseiller musical à la radio hongroise
(1962) et fonda l’Ensemble de chambre de
Budapest (1968) destiné à faire connaître
la musique contemporaine. Son Concerto
pour violoncelle (1953) reflète l’influence
de Kodály, mais celle de Bartók devint
prépondérante avec le Concerto pour
piano (1954) ou encore la Fantaisie pour
quintette à vents et orchestre (1955). La
3e Symphonie (1962), l’opéra Ensemble et
seul (1964-65), fondé sur des expériences
vécues lors de la Seconde Guerre mondiale, ou encore Monodia pour orchestre
(1970) relèvent, au contraire, de l’avantgarde internationale.
MILA (Massimo), critique musical italien
(Turin 1910 - id. 1988).
Il termina ses études à l’université de
Turin par une thèse sur Verdi qu’il soutint
en 1931 : Il Melodramma di Verdi (Bari,
1933). Membre de l’académie Sainte-Cécile en 1956, il a été également professeur
d’histoire de la musique au conservatoire
de Turin, de 1953 à 1973, et à l’université
de la même ville à partir de 1960. De 1955 à
1968 il fut critique musical à L’Espresso et,
de 1968 à 1974, à La Stampa. L’influence
des théories esthétiques de B. Croce apparaît dans ses écrits, et, notamment, dans
L’Esperienza musicale e l’Estetica (Turin,
1950), tandis que ses derniers ouvrages
sont consacrés à Maderna (1976), à Mozart (1979, 1980) et à Verdi (1980).
MILÁN (Don Luis), compositeur espagnol (Valencia v. 1500 - ? apr. 1561).
Il fut l’un des plus remarquables vihuelistes du Siècle d’or espagnol. D’origine
noble, il était au service de Don Hernando
de Aragón, vice-roi de Valence, quand il
publia en 1535 le premier recueil connu
de musique pour vihuela, ou chant et vihuela, intitulé El Maestro, qui contient 72
pièces, Villancicos, Fantasias, d’un style à
la fois léger et grave et d’une rare perfection d’écriture. On lui doit, par ailleurs,
un recueil de chroniques romancées sur
la vie à la cour de Valence, El Cortesano,
publié en 1561.
MILDER (Anna), soprano autrichienne
(Constantinople 1785 - Berlin 1838).
Protégée par Schikaneder et par Haydn,
elle étudia avec Salieri et Sigismund
Neukomm à Vienne, où elle fit ses débuts
en 1803. En 1805, Beethoven écrivit pour
elle le rôle de Leonore de Fidelio, qu’elle
créa dans les trois versions de l’ouvrage
(1805, 1806 et 1814). Épouse Hauptmann,
elle participa en 1829 à Berlin à la célèbre
exécution de la Passion selon saint Matthieu de Bach dirigée par Mendelssohn.
MILHAUD (Darius), compositeur français (Aix-en-Provence 1892 - Genève
1974).
Né le 4 septembre 1892 à Aix-en-Provence, où son père dirigeait une maison
de commerce et était administrateur de
la synagogue, le musicien s’est défini dans
ses Mémoires, Notes sans musique, comme
un « Français de Provence, de religion
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
654
israélite ». Ses ancêtres paternels étaient,
en effet, originaires du comtat Venaissin,
où ils s’étaient fixés depuis des siècles. Du
côté maternel, ses parents descendaient
de juifs séfardim établis de longue date en
Italie. Sa mère était née à Marseille. Les
dons de Darius Milhaud se manifestent
dès sa troisième année : il reproduit au
piano un air entendu dans la rue. Passionné de musique, amateur de talent, son
père en est ravi. Bientôt il fait donner des
leçons de violon à son fils. À dix ans, Darius Milhaud entre au lycée, mais il poursuit l’étude du violon, et, sous la direction
de son professeur, Léo Bruguier, s’initie
à la musique de chambre. Il découvre
en 1905 le Quatuor de Claude Debussy,
qui est pour lui une révélation. Il étudie
l’harmonie avec un chef de musique militaire dont l’enseignement le rebute et,
par réaction, compose des oeuvres assez
peu orthodoxes. Pressé d’obtenir son
baccalauréat, clé de sa liberté, il travaille
avec acharnement et termine en 1909 ses
études secondaires.
Au lycée d’Aix-en-Provence, il s’est lié
avec Armand Lunel, qui deviendra un
de ses librettistes, et avec Léo Latil, poète
sensible, délicat, qui admire Maurice de
Guérin et Francis Jammes. Il est admis au
Conservatoire de Paris, où il a pour professeurs Berthelier (violon), Xavier Leroux
(harmonie), Gédalge (contrepoint), Dukas
(orchestre). Il se lie avec Jacques Ibert,
Henri Cliquet, Arthur Honegger, Jean
Wiener. Entre 1910 et 1912, il compose
des mélodies sur des poèmes de Jammes,
une Sonate pour piano et violon, qu’il reniera, et son premier quatuor à cordes. Il
obtient de Francis Jammes l’autorisation
de mettre en musique la Brebis égarée, et,
au cours de l’été 1912, se rend à Orthez,
avec Léo Latil, pour rencontrer le poète. Il
montre à Jammes des mélodies qu’il vient
d’écrire sur des poèmes de Claudel. Et
c’est Claudel lui-même qui, à l’automne,
vient voir le musicien : l’entente entre eux
est immédiate et totale. En 1913, Claudel
fait venir Milhaud à Hellerau, où l’on
joue l’Annonce faite à Marie, lui demande
d’écrire la musique d’Agamemnon et lui
fait lire Protée, dont la bouffonnerie poétique excite la verve du compositeur. Cette
même année, Milhaud écrit une oeuvre
pour piano et chant, Alissa, sur un texte
extrait de la Porte étroite d’André Gide. Le
langage violent d’Agamemnon et la subtilité, la tendresse d’Alissa définissent déjà
les deux pôles du lyrisme de Darius Milhaud. Dès 1913 - il a vingt et un ans -, sa
personnalité s’est entièrement forgée. En
1914, sa mauvaise santé l’ayant dispensé
d’être appelé sous les drapeaux, le musicien s’emploie à secourir les réfugiés dont
s’occupe le foyer Franco-Belge. Il continue à suivre les cours du Conservatoire,
dans les classes de Gédalge et de Widor.
Il étudie systématiquement le problème
de la polytonalité, et applique ses re-
cherches à la composition des Choéphores
(1915). Il écrit en 1916 un de ses plus beaux
recueils de mélodies, les Poèmes juifs, et un
Quatuor à cordes avec chant, le troisième,
à la mémoire de son ami Léo Latil, tué sur
le front l’année précédente. Et voici que
s’annonce un tournant décisif dans sa vie
et dans son oeuvre : en novembre 1916,
Claudel, qui vient d’être nommé ambassadeur de France à Rio de Janeiro, demande
à Milhaud de l’accompagner en qualité de
secrétaire. Claudel et Milhaud arrivent
au Brésil le 1er février 1917. Ils y resteront jusqu’à la fin de la guerre, et, après
un détour par la Martinique et New York,
le musicien ne reviendra en France qu’au
début de 1919. Milhaud reconnaîtra que
les tropiques l’ont marqué profondément :
« Les deux ans passés à Rio de Janeiro ont
exalté en moi toute ma latinité naturelle, et
cela jusqu’au paroxysme. » C’est au Brésil
qu’il a trouvé définitivement son langage,
son style, et qu’il a poussé jusqu’à leurs
conséquences extrêmes les principes de la
polytonalité, composant la cantate le Retour de l’enfant prodigue, le ballet l’Homme
et son désir, la Sonate pour piano, flûte,
clarinette et hautbois et son Quatrième
Quatuor à cordes. Il y a entrepris la série
des Petites Symphonies pour orchestre de
chambre et mis sur le chantier les Euménides, un immense opéra d’après Eschyle
dans la traduction de Claudel. Revenu à
Paris, Milhaud participe aux activités du
groupe des Six. Les titres de ses oeuvres, le
Boeuf sur le toit (1919), Machines agricoles
(1919), Catalogue de fleurs (1920), égarent
les esprits superficiels. On n’y voit que
provocation, modernisme, humour : alors
que ces oeuvres, simplement, répondent
à sa nature profonde, gaieté, lyrisme,
amour de la nature. Le Milhaud du groupe
des Six n’est pas un autre Milhaud. Avec
ses Cinq Études pour piano et orchestre
(1920), il poursuit ses recherches dans le
domaine de la polytonalité et achève, en
1922, les Euménides. Les Choéphores sont
jouées aux concerts Delgrange en 1919. La
première audition de la suite symphonique de Protée provoque un scandale
aux concerts Colonne en 1920. L’Homme
et son désir est créé par les Ballets suédois
en 1921. Contesté par certains, honni par
Saint-Saëns, Milhaud est devenu célèbre.
En 1922, il se rend à Vienne avec Francis
Poulenc et la cantatrice Marya Freund. Il
rencontre Alban Berg, Anton Webern et
Arnold Schönberg, dont il vient de diriger aux concerts Wiener le Pierrot lunaire
(première exécution à Paris). La même
année, il donne des concerts aux ÉtatsUnis, et, pendant son séjour à New York,
découvre le jazz dans sa pure tradition
de La Nouvelle-Orléans. Des bruits de la
forêt vierge était né l’Homme et son désir,
des rythmes brésiliens le Boeuf sur le toit ;
et dans la Création du monde, ballet sur un
argument de Blaise Cendrars créé en 1923
par les Ballets suédois, dans les décors de
Fernand Léger, le jazz est source d’inspiration, le jazz, ou plutôt l’esprit du jazz.
En 1924, Milhaud écrit deux ballets,
Salade, le Train bleu, et un ouvrage lyrique
qui renoue avec la tradition de l’opéra
de chambre, les Malheurs d’Orphée. L’année 1925 est celle de son mariage avec
sa cousine Madeleine Milhaud et d’un
grand voyage autour de la Méditerranée.
Voyages et compositions se poursuivent.
Le musicien se rend en Russie et, de nouveau, aux États-Unis. Il écrit en 1926,
sur un livret de Jean Cocteau, le Pauvre
Matelot. Quelques mois après la naissance
de son fils Daniel, Christophe Colomb, un
grand opéra dont le livret a été établi par
Claudel, est créé à l’Opéra de Berlin (5 mai
1930). Le succès est très vif. Milhaud est
un musicien comblé. Malheureusement,
sa santé s’est altérée. Les crises de rhumatismes qui l’affectent sont douloureuses.
Désormais, elles ne lui laisseront guère de
répit. Surmontant ce handicap, le musicien ne renoncera ni aux voyages ni à aucune de ses activités. L’hostilité que rencontre Maximilien, créé en 1932 à l’Opéra
de Paris, ne le décourage pas ; entre 1933
et 1938, Milhaud compose de nombreuses
musiques de scène. Deux de ses oeuvres les
plus populaires, la Suite provençale (1936)
et Scaramouche (1937) en sont issues. Les
Quatrains valaisans (1939), le Voyage d’été
(1940), la Cheminée du roi René (1939) sont
des musiques de paix et de bonheur. Mais
la guerre vient interrompre les représentations de Médée à l’Opéra, où l’ouvrage,
joué d’abord à Anvers, venait d’être créé
le 8 mai 1940. Après l’armistice, Milhaud
s’embarque pour les États-Unis, où on lui
offre une chaire de composition à Mill’s
College, en Californie. Il ne revient en
France qu’à la fin de 1947, ayant, pendant
ces sept années, composé un nombre impressionnant d’oeuvres, parmi lesquelles
figurent Bolivar, la Suite française, le Service sacré. Nommé professeur de composition au Conservatoire de Paris, mais
conservant sa chaire de Mill’s College,
de 1947 à 1971, le musicien partage sa
vie entre la France et les États-Unis, où il
donne également des cours d’été, à Aspen,
dans le Colorado. Entre 1952 et 1962, il
écrit 68 oeuvres, dont quelques-unes, et ce
ne sont pas les moins significatives, sont
des musiques de circonstance, le Château
de feu, à la mémoire des déportés, la Cantate de la croix de charité, pour célébrer le
centenaire de la fondation de la CroixRouge. Munich, Berlin, Bruxelles et Paris
fêtent son soixante-dixième anniversaire.
L’Opéra de Berlin met pour la première
fois en scène la trilogie de l’Orestie. En
1967, une plaque est posée sur sa maison
natale à Aix-en-Provence. En 1971, le ministère des Affaires culturelles lui décerne
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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le grand prix national de la musique. L’année suivante, il est reçu à l’Académie des
beaux-arts. Milhaud peut désormais jeter
un regard en arrière sur sa vie, une vie
extraordinairement remplie par son activité créatrice et par les contacts humains
qu’il a multipliés à travers les continents.
Ma vie heureuse : tel est le titre qu’il choisit
pour la nouvelle édition de ses Notes sans
musique. Il s’éteint paisiblement à Genève,
à l’âge de quatre-vingt-un ans, durant
l’été de 1974, et il est inhumé à Aix-enProvence sa ville natale, celle dont il a dit
qu’elle représentait pour lui « l’essentiel de
sa source et de son coeur ».
Les oeuvres les plus fréquemment
jouées de Darius Milhaud, le Boeuf sur le
toit, la Création du monde, les Saudades do
Brazil, la Suite provençale, Scaramouche,
proposent l’image d’une musique mordante, trépidante, ensoleillée, empreinte
d’un charme très particulier qui est fait
de naturel, d’abandon, de gaieté et de tendresse. Mais c’est loin d’être là tout Milhaud. Il y a le Milhaud âpre et tragique de
l’Orestie. Il y a le musicien de Christophe
Colomb, dont le langage traduit l’immensité de l’océan, l’amertume des querelles
humaines et la lumière surnaturelle du
paradis. Il y a aussi le novateur, qui, dans
l’Homme et son désir, ajoute à la polytonalité la polyrythmie et l’indépendance des
groupes instrumentaux. Mais le novateur
est motivé par son lyrisme. La polytonalité
est, en effet, pour lui le langage qui correspond à son désir de traduire la pluralité
des impressions qu’il reçoit du monde extérieur. L’ouverture sur tous les êtres, sur
toutes les choses, devient chez lui, selon
l’expression de Claudel dans son Art poétique, « co-naissance » du monde. La polytonalité est l’instrument privilégié de cette
« co-naissance ». Mais elle permet aussi à
sa musique de nouer les gerbes de mélodies qui fusent en elle. Lyrique, le génie de
Milhaud est essentiellement mélodique.
Des cantates aux opéras, des quatuors aux
symphonies, c’est là une constante qu’aucun exemple ne vient démentir. Milhaud
a abordé tous les genres. Son oeuvre est
immense, très riche, très variée, elle parcourt une gamme infinie d’émotions, et
s’il fallait la définir d’un seul mot, ce serait
par celui d’universalité.
MILITAIRE (musique).
La présence de la musique dans les armées
remonte à la plus haute Antiquité. Vocalement, d’abord sous forme de choeurs martiaux martelant les marches et les assauts,
puis avec l’appui d’instruments du genre
tambour et trompette. Il s’agissait - il s’agit
toujours - d’apporter un stimulant au courage du guerrier, de coordonner ses mouvements, d’enrichir ses parades, de meubler ses moments de détente. Le roi David
s’accompagnait au combat d’une harpe, et
ce furent les sonneries de trompes qui permirent aux Hébreux de vaincre Jéricho.
Dans l’Antiquité, les soldats se battaient
au son des tubas et des buccins. Les Grecs
adoptèrent la syrinx, les Germains préférèrent les tambours importés de Chine.
La musique militaire s’appuie essentiellement sur le rythme, et elle exige, pour
être entendue, de larges sonorités. Aussi
abandonna-t-elle très vite les harpes, les
cithares et les divers instruments à cordes
tellement en honneur au début de l’ère
chrétienne. À la fin du Moyen Âge, elle
utilisait les cors, les cornets, les trompes,
les tambours, les trompettes, les timbales.
C’est sous François Ier que le fifre apparut
dans les armées françaises. Peu à peu, la
musique militaire s’enrichit d’instruments
nouveaux au fur et à mesure de l’évolution de la facture. Les hautbois apparurent
sous Louis XIII, et Louis XIV ajouta les
violons pour les grandes solennités,
celles qui étaient assurées en plein air
par la Grande Écurie. Au demeurant, les
musiques militaires se développaient, et
chaque régiment eut à coeur d’en posséder
une, aussi bien en France qu’à l’étranger
où l’on découvrit la cornemuse chez les
Écossais, le basson chez les Russes et le flageolet chez les Turcs.
La première institution régulière d’orchestres militaires eut lieu en France en
1762 dans les régiments de gardes françaises et de gardes suisses. Mais ce n’est
qu’au lendemain de la Révolution qu’elles
prirent peu à peu leur physionomie actuelle. La musique de la garde nationale
étant devenue en 1795 l’amorce de notre
Conservatoire, il fut possible de former
les instrumentistes nécessaires aux phalanges régimentaires. En 1875, la musique
militaire française fut réorganisée par
une loi : dans l’infanterie et le génie, une
musique par régiment ; dans la cavalerie, une par brigade ; et, couronnant le
tout, la musique de la garde républicaine,
qui recrutait ses membres par concours,
aussi bien parmi les soldats que parmi les
artistes civils. Les musiques d’infanterie,
elles, comprenaient 1 chef, 1 sous-chef et
38 musiciens : 1 petite flûte, 1 grande flûte
en ut, 1 hautbois en ut, 2 petites clarinettes
en mi bémol et 6 grandes en si bémol, 1
saxophone soprano en si bémol, 2 saxophones altos en mi bémol, 2 saxophones
ténors en si bémol, 2 saxophones barytons
en mi bémol, 1 trompette à pistons en ut,
2 cornets à pistons, 1 trombone alto en mi
bémol, 2 trombones en ut, 1 saxhorn soprano en mi bémol, 2 saxhorns contralto
en si bémol, 3 saxhorns alto en mi bémol,
1 saxhorn baryton en si bémol, 4 saxhorns
basse en si bémol, 1 contrebasse en mi
bémol, 1 contrebasse en si bémol, 1 caisse
claire plus 1 grosse caisse et une paire de
cymbales. Dans les bataillons de chasseurs
à pied et les régiments de cavalerie, il
n’existait que des fanfares.
Considérées souvent comme un art
mineur, les oeuvres musicales militaires
doivent cependant répondre à certaines
obligations. Devant être interprétées parfois par des profanes, leurs qualités principales seront la clarté, la simplicité. Elles
seront des cris de guerre, des chants patriotiques, des hymnes. Elles devront rythmer le pas des combattants, transmettre les
ordres, les signaux de manoeuvre, entretenir enfin psychologiquement les énergies.
Leurs airs, d’abord spontanément issus
des chansons populaires, durent être véritablement composés lorsqu’il s’est agi de
réaliser des marches, des pas redoublés,
des charges et, comme en Allemagne, des
lieder patriotiques. Ce furent d’abord des
maîtres de chapelle attachés à des princes
qui s’en chargèrent. Ainsi Lully composat-il de nombreuses marches militaires qui
furent réunies en un recueil en 1705. Mais
le répertoire des musiques militaires devait bientôt s’enrichir de polkas, de mazurkas, de galops, de quadrilles, voire de
grandes oeuvres symphoniques réservées
aux concerts de galas. Ce furent évidemment les chefs de musique qui les composèrent le plus souvent, mais dès la Révolution de grands musiciens les secondèrent :
Catel, Gossec, Berton, Spontini, Cherubini
écrivirent après Rouget de l’Isle maintes
pages d’esprit guerrier. Le Chant du départ
est de Méhul, le Régiment de Sambre-etMeuse de Planquette, la Marche lorraine
de Louis Ganne. Aujourd’hui, cependant,
les musiques militaires ont pratiquement
disparu en France, où ont été néanmoins
conservées les solides phalanges que sont
la musique de la garde républicaine, celle
de la flotte nationale, celle de l’armée de
l’air et celle de la Légion étrangère.
MILLÖCKER (Karl), chef d’orchestre et
compositeur autrichien (Vienne 1842 Baden, près de Vienne, 1899).
Après avoir fait ses études au conservatoire de Vienne, il débute comme flûtiste
au théâtre in der Josephstadt. Il est ensuite
chef d’orchestre au Landestheater de Graz
(1864), au théâtre allemand de Budapest
(1867), au théâtre an der Wien de Vienne
(1869-1883). Il est l’un des principaux représentants de l’opérette viennoise, après
J. Strauss Jr et Fr. von Suppé.
MILNER (Anthony), compositeur britannique (Bristol 1925).
Il a étudié au Royal College of Music de
Londres ainsi qu’en privé avec Matyas
Seiber, et enseigné d’abord à Morley College (1947), puis à l’université de Londres
(1954) et au Royal College of Music. Son
oeuvre est le reflet aussi bien de sa foi
catholique que de sa connaissance approfondie de la musique médiévale. Parmi
ses oeuvres instrumentales, des Variations
pour orchestre (1958), 1 Divertimento pour
cordes (1961), 1 Quintette à vents (1964), 1
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Quatuor à cordes (1975) et 2 symphonies
(no 1 commencée en 1964 et créée en 1973,
no 2 écrite en 1977-78). Dans le domaine
vocal, il a écrit notamment 1 messe (1951),
The City of Desolation pour soprano, orchestre et choeur (1955), Motet for Peace
pour 2 ténors, 2 basses et 9 cuivres (1973)
et Cantata for Christmas « Emanuel » pour
voix et orchestre de chambre (1974-75).
MILONGA.
Annonciatrice du tango, cette forme
musicale se rencontre en Uruguay, au
Paraguay, en Argentine et au Chili. On la
trouve comme moyen expressif dans des
duos vocaux, où les textes, de caractère
léger, sont en forme de questions et de
réponses. La mélodie procède par gammes
descendantes, en mesures binaires
contrastant avec l’accompagnement de
guitare à 6/8. Lorsque des refrains sont
ajoutés, ils sont harmonisés en tierces
parallèles.
MILSTEIN (Nathan), violoniste américain d’origine russe (Odessa 1904 Londres 1992).
Il commence l’étude du violon à quatre
ans et suit, de 1911 à 1914, l’enseignement de P. Stoliarski (également le
maître de D. Oistrakh). Il joue à dix ans
le Concerto de Glazounov, sous la direction du compositeur, mais ses véritables
débuts prennent place à Odessa en 1920,
après avoir terminé ses études auprès
de L. Auer, à Saint-Pétersbourg. Seul ou
en duo avec V. Horowitz, il fait à partir
de 1925 des tournées en U. R. S. S. et en
Europe. Il s’installe à Berlin (1925), joue
à Paris (1926) et à Bruxelles, où Ysaye,
devant sa maîtrise, renonce à le prendre
comme élève. La même année, il fonde un
trio avec Horowitz et G. Piatigorski, avec
qui il part pour les États-Unis (1929). Il y
fait ses débuts avec l’Orchestre de Philadelphie (dirigé par L. Stokowski). Naturalisé américain (1942), il réapparaît en
Europe après-guerre, notamment aux
festivals de Lucerne (1949), de Salzbourg
(1954) et de Berlin (1966). Il donne des
cours de perfectionnement au Muraltengut de Zurich et à la Juilliard School de
New York. La carrière de Milstein offre
un exemple unique de longévité violonistique ; sa sonorité s’est même épanouie
avec le temps. Doué d’une main gauche
exceptionnelle, d’un tempérament impé-
tueux et entier, il ne conçoit la virtuosité
que comme porteuse de vérité musicale
et la pureté du son que comme révélateur
de la charge poétique des oeuvres. Cellesci, peu nombreuses et souvent revisitées,
vont des sonates de Bach aux concertos
de Prokofiev en passant par les grands
concertos romantiques, pour lesquels il
écrit ses propres cadences. Il a composé
également des Paganiniana (jouées à New
York en 1954), en hommage au père des
violonistes. Il jouait sur un stradivarius
de 1716.
MIMODRAME.
Action mimée accompagnée de musique
descriptive, proche de la pantomime, mais
sans les ambitions chorégraphiques de
celle-ci.
Généralement incorporée à un opéra,
comme l’entrée de Beckmesser au troisième acte des Maîtres chanteurs, elle
constitue parfois une oeuvre autonome,
comme l’Orphée de Roger-Ducasse (1913,
1re repr., Paris 1926).
MINEUR.
1. Se dit d’un intervalle qui, par référence
à sa note inférieure considérée comme tonique, appartiendrait à une tonalité « mineure » (par ex. : ré-fa = tierce mineure,
car fa appartiendrait à ré mineur).
2. Se dit d’un accord parfait quand sa
tierce est « mineure » (par ex. : do-mi
bémol-sol). Se dit aussi des accords de
septième et de neuvième quand ces derniers intervalles sont « mineurs » sans
que la tierce le soit forcément (par ex. : réfa-la-do = accord de septième mineure ;
do-mi-sol-si bémol-ré bémol = accord de
neuvième mineure). L’accord de septième
mineure avec tierce majeure, dont la fondamentale est la dominante, est dit accord
de septième de dominante.
3. Se dit d’une tonalité quand elle est dans
le mode mineur (par ex. : do mineur).
4. Se disait, au Moyen Âge, d’un mode
rythmique, ou d’une division rythmique
binaire. En ce sens, mineur était parfois
synonyme d’« imparfait », imperfectus (
! INTERVALLE, ACCORD, MODE, TONALITÉ, BINAIRE, TERNAIRE).
MINIME.
Dans la notation proportionnelle du XIVe
au XVIe siècle, c’est la valeur de note inférieure à la semi-brève (1/2 ou 1/3 selon les
cas), obtenue en ajoutant une queue au
losange de la semi-brève. Variablement,
la minime pouvait être blanche (évidée)
ou noire (losange plein), avec des valeurs
différentes. En se transformant et en arrondissant le losange, la minime noire est
devenue la noire, la minime blanche est
devenue la blanche. En notation blanche,
la forme de la minime noire a parfois été
employée comme semi-minime, ce qui n’a
pas été sans entraîner diverses confusions.
MINKOWSKI (Marc), chef d’orchestre
français (Paris 1962).
Il étudie d’abord le basson auprès de A.
Sennedat et A. Wallez. Parallèlement, il
aborde la direction d’orchestre puis se
perfectionne aux États-Unis auprès de
C. Bruck. Après ce séjour, il commence
à s’intéresser également à la musique ancienne, se produit comme bassoniste dans
les ensembles la Chapelle royale, les Arts
florissants, Clemencic Consort. Premier
prix en 1984 du Concours international de
Bruges, il fonde l’ensemble les Musiciens
du Louvre et donne d’abord avec eux plusieurs opéras de Purcell. Très intéressé par
le répertoire instrumental et lyrique des
XVIIe et XVIIIe siècles, il dirige des oeuvres
de Haendel, Lully, Rameau et aborde aussi
les opéras de Mozart (Idoménée à l’Opéra
Bastille en 1996) et de Gluck.
MINNESANG.
Nom donné à la poésie allemande de cour
des XIIe et XIIIe siècles. La lyrique des Minnesänger s’est développée sous le règne
des Staufen, en Bavière, en Autriche, dans
la vallée du Rhin, en Thuringe et en Suisse,
parallèlement à celle des grands troubadours. Elle a subi fortement, dans sa thématique et dans ses formes, l’influence de
la poésie d’oc, mais s’en est rapidement
différenciée au contact de l’épopée (Nibelungenlied), du roman celtique et de la tradition cléricale des vagants.
Aussi les Minnesänger ont-ils dépassé
en variété et en éloquence leurs homologues provençaux. Ils demeurent faibles
sur un plan : celui de la musique. Les
mélodies conservées (fragments de Müns-
ter, manuscrits d’Iéna et de Colmar) sont
douteuses ou tardives, quand elles ne sont
pas empruntées ou réduites à de courtes
formules de récitation, inlassablement
répétées, selon un procédé traditionnel
dans le lai. L’originalité du Minnesang
est le Spruch, qui a permis à Walther et,
après lui, Alexander et Frauenlob, d’élever
la chanson morale, religieuse et politique
bien au-dessus du sirventès des Provençaux. Le Minnesang proprement dit peut
être rattaché à la tradition de la fin’amor,
mais préfère souvent à la mystique du
« service d’amour » tel que Reinmar l’a
codifié (hohe minne) le naturel et la sincérité (niedere minne).
La thématique courtoise reste donc
l’apanage des poètes du « printemps » et
de l’« été » du Minnesang : Heinrich von
Veldeke, Friedrich von Hausen, Rudolf
von Fenis, Heinrich von Morungen et,
surtout, Reinmar et Walther von der Vogelweide. Neidhart et Tannhäuser tenteront ensuite d’innover dans le sens d’un
plus grand réalisme, mais les Meistersinger, aux XIVe et XVe siècles, ne recueilleront, après Hugo von Montfort et Oswald
von Wolkenstein, que la technique et les
artifices du Minnesang.
MINTER (Drew), contre-ténor américain.
À neuf ans, il est soprano à la cathédrale
de Washington. Il est formé à l’université
d’Indiana et à la Musikschule de Vienne
avant de remporter plusieurs prix internationaux à Bruges et Boston. En 1983, il
est révélé dans le rôle-titre d’Orlando de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
657
Haendel dirigé par Nicholas McGegan,
avec lequel il réalise de nombreux disques.
Il mène de front une carrière de chanteur
et de metteur en scène d’opéra baroque.
Il est membre fondateur du Newberry
Consort et du groupe vocal Five-One. Il
chante avec l’Academy of Ancient Music,
le Theatre of Voices de Paul Hillier et les
Arts florissants. En 1995, il est l’invité de
l’Orchestre baroque de Fribourg et chante
à Édimbourg les mélodies de Purcell avec
la Mark Morris Dance Company. En 1996,
il met en scène Radamisto de Haendel à
Marseille et Agrippina à New York.
MIOLAN CARVALHO (Marie), soprano
française (Marseille 1827 - ChâteauPuys, Dieppe, 1895).
Elle étudia au Conservatoire de Paris
avec Duprez et fit ses débuts à l’OpéraComique en 1849 dans Lucia di Lammermoor de Donizetti. Elle fut la créatrice de
Marguerite de Faust et de Mireille dans
les ouvrages de Gounod. Elle parut avec
succès à Berlin et à Saint-Pétersbourg. Sa
voix était celle d’un grand soprano lyrique
coloratura. L’imprésario Léon Carvalho
fut son mari.
MIRACLE.
Genre théâtral médiéval, à participation
musicale très variable, en honneur surtout
aux XIIe et XIIIe siècles, mettant en scène
un événement extraordinaire attribué par
l’histoire ou la légende à un saint, ou à la
Vierge.
Rattaché par ses origines au drame liturgique (le Jeu de Daniel peut être considéré comme un miracle), le miracle peut
être soit latin et entièrement chanté (ms.
218 d’Orléans), soit vernaculaire et parlé
(Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel, Miracle
de Théophile de Rutebeuf) et s’achève habituellement par le chant du Te Deum qui
clôt l’office des matines. Le terme s’applique également à des récits en vers, ou
en prose, sur des sujets analogues : les plus
célèbres sont, au XIIIe siècle, les Miracles
de Notre-Dame de Gautier de Coincy, où
sont insérées des chansons pieuses parodiées sur des conduits ou des chansons de
trouveurs profanes.
MIRLITON.
Instrument populaire, à vent, formé
d’un roseau ou d’un tube de carton garni
d’une ou deux membranes (pelure d’oignon, baudruche ou papier de soie) qui
résonnent à l’unisson de la voix de l’exécutant.
C’était autrefois un article typique de
bazar, vendu surtout aux enfants. Souvent,
des poèmes rudimentaires étaient imprimés sur des bandes de papier, enroulées
en spirale autour du tube : des « vers de
mirliton. »
MIROGLIO, famille de musiciens italiens.
Pierre, violoniste et compositeur (dans le
Piémont v. 1715 - Paris v. 1763). Il étudie
le violon avec son oncle G. B. Somis, chez
lequel il se lie avec le célèbre Jean-Pierre
Guignon. Comme beaucoup d’autres Piémontais de renom à cette époque, les deux
musiciens gagnent Paris en 1738 pour
entrer dans l’orchestre du prince de Carignan. Il y reste jusqu’à la mort du prince
en 1741, puis travaille pour le fermier général de La Pouplinière jusqu’à la mort de
ce dernier en 1762. Il meurt peu de temps
après, car son frère Jean-Baptiste abandonne en 1764 son épithète « Le cadet »
ou « Le jeune ».
Instrumentiste de grande renommée, il
n’est l’auteur que d’un recueil de 6 Sonates
pour violon et basse op. 1, dédiées à Geminiani et publiées en 1741.
Jean-Baptiste, violoniste, compositeur et éditeur de musique, frère du précédent (dans le Piémont v. 1725 - Paris v.
1785). Venu très jeune à Paris, il étudie
sans doute le violon avec son frère et J.-P.
Guignon, mais préfère se consacrer à l’enseignement et à la composition. Sa production, dans ce domaine, est inégale. Ses
pièces pour violon n’ont pas les qualités de
celles de son frère et ses oeuvres symphoniques, bien que plus intéressantes, sont
loin d’être remarquables. Elles ne sont, le
plus souvent, qu’une mixture d’éléments
stylistiques de l’époque (les 6 Symphonies à
grand orchestre op. 10, par exemple, 1764).
Il serait certainement oublié à l’heure actuelle s’il n’avait, en 1765, pratiquement
abandonné la composition pour se consacrer à une activité paramusicale tout à fait
originale à l’époque. Il s’associe alors avec
le peintre flamand Antoine de Peters pour
fonder un Bureau d’abonnement musical
qui prête à ses abonnés, en échange d’une
cotisation mensuelle, une grande variété
d’ouvrages musicaux de toute sorte. C’est
la première entreprise de ce genre à Paris
et elle permet de mieux faire connaître aux
Parisiens un grand nombre d’oeuvres. Son
succès énorme ne manque pas d’inquiéter
les éditeurs de musique qui, menés par La
Chevardière, entament une cabale. Le Bureau d’abonnement obtient gain de cause
en 1767 et poursuit ses activités jusqu’à la
Révolution.
MIROGLIO (Francis), compositeur français (Marseille 1924).
Il a fait ses études au conservatoire de
Marseille, puis à celui de Paris avec Darius
Milhaud (composition), et participé aux
cours de Darmstadt. Il a passé une année
à Berlin comme boursier de la fondation
Ford (1967), et fondé le festival de musique et d’art contemporain « Nuits de la
fondation Maeght » (1965), dont il a été
directeur artistique jusqu’en 1971. Depuis 1976, il est directeur artistique des
Semaines musicales internationales d’Orléans. De tendance postsérielle, il s’est
orienté vers la forme ouverte et vers l’aléatoire, et, en collaboration avec des plasticiens comme Calder ou Miró, a élaboré
des oeuvres intégrant des composantes
sonores et visuelles. On lui doit notamment Pierres noires pour ondes Martenot
et 2 percussions (1958), Espaces I à V pour
diverses formations (1961-62), Projections
pour quatuor à cordes avec diapositives de
peintures de Joan Miró ad libitum (196667), Tremplins pour orchestre et voix (formations variables de 15 à 32 musiciens)
sur un texte de Jacques Dupin (1968-69),
Insertions pour clavecin (1969), Extensions
pour 6 percussions et grand orchestre
(1970-1972), Extensions 2 pour 6 percussions (1970), Extensions 3 pour grand
orchestre (1972), Il faut rêver dit Lénine,
spectacle musical sur un texte de Roger
Pillaudin (1972), Éclipses pour 12 cordes et
clavecin ad libitum (1972), Strates éclatées
pour orchestre (1973), Reflex, oeuvre de
théâtre musical (1973-74), Fusions pour
grand orchestre (1974), Gravités pour
orgue (1975), Brisures pour flûte solo
(1977), Horizons courbes pour ensemble
instrumental variable (1977-78), Rumeurs
pour harpe celtique ou harpe diatonique
(1978), Magnétiques pour violon solo,
violon et piano, violon et ensemble instrumental, ou violon et grand orchestre
(1978-79), Triade, musique pédagogique
pour 1, 2 ou 3 violons (1980), Trip through
Trinity pour percussion solo (1981),
Inferno di gelo, oeuvre de théâtre musical d’après Dante (1981-82), Delta pour
orchestre (Metz, 1987), Textures croisées
pour 9 instrumentistes (1991). Pour lui,
la démarche aléatoire doit rester sous le
strict contrôle du compositeur et constituer un enrichissement, non une démission.
MIROIR.
Genre d’écriture sophistiqué, employé
par certains contrapuntistes à titre de
démonstration de virtuosité, consistant
à écrire un morceau qui puisse être lu à
volonté soit normalement soit en renversement.
Ce dernier correspond alors au morceau lu dans un « miroir » horizontal
sur lequel le papier serait tenu verticalement, les seuls changements autorisés
concernant l’ordre des voix, les clefs et les
altérations. L’Art de la fugue de J.-S. Bach
contient 2 fugues miroir de grande dimension, dont l’une a été transcrite librement
par lui pour une exécution à 2 claviers.
SCÉNOGRAPHIE LYRIQUE.
La fonction de metteur en scène n’existe
officiellement, dans les théâtres lyriques,
que depuis le début du XIXe siècle et le rôle
de celui-ci a varié avec les époques. Aussi
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
658
une partie de cet article (notamment celle
qui concerne les XVIIe et XVIIIe siècles)
traite-t-elle de ce que l’on appelle la scénographie (art du décor et des éclairages,
machines, etc.). Dans une perspective historique, les termes de mise en scène et de
scénographie se recoupent souvent, et il a
paru plus logique de les réunir sous une
seule rubrique.
DE LA NAISSANCE DE L’OPÉRA À LA FIN DU
XVIIE SIÈCLE.
Quand, dans les toutes dernières années
du XVIe siècle, les membres de la Camerata fiorentina « inventèrent » l’opéra, la
« mise en scène » s’inspira, par la force des
choses, des pratiques et des genres théâtraux du temps (notamment du ballet de
cour et du théâtre des jésuites). Représenté à l’origine dans les palais des princes
et des grandes familles ecclésiastiques
(les Gonzague à Mantoue, les Barberini à
Rome), souvent commandé au compositeur pour célébrer un événement, l’opéra
ne pouvait être qu’un spectacle de grand
luxe. Lorsqu’il devint accessible au public
bourgeois (la première salle, le théâtre San
Cassiano, s’ouvrit à Venise en 1637), il
conserva sa scénographie fastueuse, avec
de multiples changements de décors et des
machines compliquées. En fait, le public
du XVIIe siècle venait à l’opéra autant pour
l’émerveillement de l’oeil que pour le plaisir de l’oreille.
Les décors. Qu’ils représentassent un
palais, un jardin ou un lieu sauvage, leur
dessin suivit les règles de la perspective
à point de fuite central et de la symétrie.
Pour accentuer l’effet d’éloignement, on
disposait parfois au dernier plan de petites
figurines découpées. Ce parti pris présentait au moins un inconvénient : il interdisait aux chanteurs de « remonter », de
quitter le devant de la scène, sous peine
de détruire l’illusion optique. Latéralement, la scène était bordée par des telaris,
prismes triangulaires dont chaque face
supportait un élément de décor différent,
et que l’on faisait pivoter tous ensemble
pour obtenir un changement rapide, ou,
plus souvent, par des coulisses plates,
châssis mobiles garnis de toile peinte que
l’on glissait et que l’on enlevait facilement
(placées de biais par rapport à la rampe,
ces coulisses permettaient d’obtenir un
effet de mur fermé). Grâce aux coulisses
et aux toiles de fond interchangeables, on
pouvait réaliser, au cours du même spectacle, de multiples changements de décors
(parfois à vue, ce dont le public était très
friand). La décoration des premiers opéras intéressa des peintres comme le Bernin (décors du Sant’Alessio de Landi) et,
en France, un décorateur comme Bérain.
Un des maîtres de la scénographie au
XVIIe siècle fut l’architecte italien Giacomo
Torelli (1604-1678), renommé dans toute
l’Europe, et que Mazarin fit venir à Paris
en 1645. Torelli perfectionna le système
des coulisses et sut jouer en virtuose de
la verticalité de l’espace en faisant grand
usage des trappes et des « gloires ».
Les machines. À la magnificence des
décors, vint s’ajouter l’emploi d’une
machinerie ingénieuse, qui, par poids,
contrepoids, poulies, trappes et balançoires interposés, fit mouvoir les nuages,
courir le char de Phaéton et s’écrouler le
palais d’Armide. Une machine à peu près
obligée fut la « gloire », véhicule préféré
des dieux de l’Olympe pour descendre
parmi les mortels. Les machines n’étaient
pas apparues avec l’opéra : déjà, dans les
mystères du Moyen Âge, on voyait voler
des anges et une gueule de monstre cracher les flammes de l’Enfer. Pendant la
Renaissance, Léonard de Vinci et Bruneleschi s’étaient intéressés à ces appareils,
qui étaient abondamment utilisés dans le
théâtre des jésuites et les ballets de cour.
Cependant, ils devinrent un élément tellement primordial du spectacle d’opéra
qu’on les construisait parfois avant même
que l’ouvrage auquel ils étaient destinés
fût composé. En France, où pourtant, sous
l’influence de Lully, on en faisait un usage
relativement modéré, les machines suscitèrent un débat d’intellectuels. Certains
écrivains, tel SaintÉvremond, critiquaient
la gratuité de leur emploi, tandis que La
Bruyère estimait qu’« elles augmentent et
embellissent la fiction ». En 1637, l’architecte italien Niccolo Sabbatini fit paraître
une théorie des machines, Pratica di fabbrica, scene e machine de teatri, où sont
dévoilés des procédés dont beaucoup sont
encore en usage.
Les costumes et l’éclairage. Les costumes, comme ceux de tout le théâtre de
l’époque, ignoraient superbement la vérité
historique : les héros et les rois portaient
des casques empanachés et des cuirasses
à la romaine. On reconnaissait les dieux
à certains attributs stéréotypés : la foudre
pour Jupiter, un arc et un carquois pour
Diane, par ailleurs vêtue en costume de
cour. Tous les vêtements étaient luxueux,
que le personnage fût riche ou misérable.
Les étoffes brillantes, les couleurs vives, les
bijoux contribuaient à l’éclat du spectacle
et permettaient d’accrocher la lumière.
L’éclairage, en effet, était pauvre ; il était
fourni par des lampes à mèche (biscuit)
qui brûlaient de l’huile de pied de boeuf
et dont la fumée irritait la gorge des chanteurs. Ces lampes, ainsi que des bougies,
étaient disposées le long de la rampe, dans
les coulisses et dans les cintres. Cependant, depuis déjà un siècle, on savait colorer les éclairages en plaçant devant les
sources lumineuses des bocaux remplis
d’un liquide rouge ou bleu, et en varier
l’intensité en utilisant des caches.
Le jeu et la place des chanteurs. Les
chanteurs, gênés par le poids et l’ampleur
de leurs costumes, avaient un comportement statique. Ils faisaient toujours face
au public et se tenaient à l’avant-scène,
à la fois pour des raisons pratiques (la
faiblesse de l’éclairage aussi bien que la
perspective frontale des décors leur interdisaient de « remonter ») et pour des
raisons d’étiquette : lorsque le roi, ou le
prince, était présent, il était assis au milieu
du premier rang ou dans sa loge, face à la
scène, et c’était à lui que l’on était censé
s’adresser. Les choeurs étaient placés en
général des deux côtés de la scène, alignés
obliquement par rapport à la toile de fond,
de façon à en souligner la perspective. Plus
rarement, ils étaient disposés en croissant.
Les compositeurs, qui furent leurs
propres « metteurs en scène » pour ce
qui concerne l’interprétation (et parfois
leurs propres interprètes, tels Peri et Caccini), essayaient pourtant d’obtenir des
chanteurs une certaine expressivité tant
musicale que gestuelle. Dans la préface de
Dafne, Marco da Cagliano donnait des indications sur la façon dont ses interprètes
devaient entrer en scène, marcher, et il
leur demandait d’accorder leurs gestes et
leurs pas au mouvement de l’orchestre et
du chant. Il semble que les compositeurs
soient rarement parvenus à faire passer
leurs intentions dans les faits, à la notable
exception de Lully, dont les « tragédies en
musique » sacrifiaient moins à la virtuosité vocale que les opéras italiens et qui,
grâce à la force exceptionnelle de sa personnalité et à l’expérience acquise auprès
de Molière, avait pu former une troupe de
chanteurs-comédiens.
LE XVIIIE SIÈCLE.
Au début du XVIIIe siècle, le spectacle
d’opéra s’était déjà installé dans la routine : par la faute des librettistes et des
compositeurs, qui choisissaient toujours
les mêmes sujets héroïques ou mythologiques ; par la faute aussi du public, qui se
soumettait avec délices à la dictature des
castrats et des sopranos.
En continuant de puiser leur inspiration auprès des dieux de l’Olympe et
des héros des romans de chevalerie, les
librettistes contraignirent les décorateurs
à représenter indéfiniment les mêmes
lieux : une grotte, un palais, un enfer, etc.
À l’époque de Rameau, la liste de ces lieux
était suffisamment restreinte pour que les
théâtres puissent disposer d’un fonds de
décors servant à la représentation de tous
les opéras. La décoration, cependant, suivit l’évolution de la peinture et de l’architecture. À la place de la perspective frontale, on vit apparaître la « scène d’angle »
à nombreuses perspectives obliques, dont
on attribue l’invention à Ferdinando
Galli-Bibiena (1656-1743). En France,
François Boucher fut nommé décorateur
de l’Opéra en 1737 ; avec lui, le décor était
surtout une peinture de chevalet agrandie
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
659
aux dimensions de la scène. À la même
époque, le Florentin Servandoni étonna
le public parisien par la monumentalité
de ses décors. Ce fut au XVIIIe siècle que
s’instaura l’habitude, qui se prolongea
jusqu’aux débuts du XXe, de confier la
décoration de chaque acte à un peintre
différent.
Le goût des machines, s’il s’était
quelque peu atténué, ne disparut pas.
D’ailleurs, plus que jamais, l’opéra était
un spectacle qui cherchait à plaire, à étonner, à éblouir le spectateur. Les costumes
étaient toujours aussi somptueux et toujours aussi éloignés de la vérité archéologique : les héroïnes portaient d’immenses
perruques poudrées et des robes à crinoline. Les héros masculins, coiffés d’un
casque à panache, portaient désormais des
costumes à tonnelet. Les personnages de
l’opéra bouffe et ceux de l’opéra-comique
n’étaient guère habillés de façon plus réaliste : les bergères étaient enrubannées et
les paysannes chaussées d’escarpins.
Les conditions qui empêchaient les déplacements des chanteurs (règles de l’étiquette, lourdeur des costumes, faiblesse de
l’éclairage) demeuraient les mêmes, et ce
n’était pas l’avènement des castrats et des
sopranos belcantistes qui allait apporter
plus de vérité à la gestuelle et à la mimique.
Non seulement les chanteurs continuaient
à se tenir invariablement sur le devant
de la scène, mais ils établirent une hiérarchie des places qui faisait en quelque
sorte pendant à l’étiquette régnant dans
la salle : le côté « jardin » (côté gauche de
la scène vue de la salle), considéré comme
noble, était réservé aux prime donne et aux
ténors, tandis que les basses occupaient
le côté « cour », quelles que fussent les
exigences du livret. Les spectateurs, d’ailleurs, n’avaient cure de la vraisemblance.
En Italie, les loges commençaient à devenir ce qu’elles furent au temps de Stendhal : des salons où l’on se rendait visite. En
France, dans la seconde moitié du siècle,
des tendances naturalistes se firent jour.
Les chanteurs voulaient prendre modèle
sur les acteurs du théâtre dramatique et
montrèrent un plus grand souci de l’inter-
prétation, non sans tomber souvent dans
l’outrance et le cabotinage. Mais comment
leur reprocher de « tirer de leur côté »,
lorsqu’ils étaient livrés à eux-mêmes, dans
un spectacle où le maître d’oeuvre - le metteur en scène - n’existait pas encore ?
Des personnalités du spectacle s’efforçaient pourtant de faire évoluer l’esthétique de la représentation scénique. En
1760, le maître de ballet Jean-Georges
Noverre exposait dans ses Lettres sur la
danse et sur les ballets une théorie de la scénographie à certains égards prophétique.
Pour lui, tous les éléments d’un spectacle
lyrique ou chorégraphique devaient être
liés. Il s’insurgeait contre l’inconfort des
costumes, contre l’éclairage par la rampe
et voulait que le décorateur utilisât des
tons dégradés pour permettre aux costumes de se détacher sur la toile de fond.
Ces idées demeurèrent pure théorie
et il fallut attendre le séjour parisien de
Gluck (qui, à Vienne, avait eu Noverre
pour collaborateur) pour assister à une
réforme effective du spectacle lyrique.
Cette réforme portait, mis à part le côté
purement musical, sur l’interprétation
des chanteurs et sur la cohésion générale
du spectacle ; en ce sens, on peut dire
que Gluck fut, comme Lully, un compositeur-metteur en scène. Ses partitions
étaient émaillées d’indications très précises (« avec surprise », « hésitant », « soucieux ») concernant la nature et l’intensité
des sentiments qu’il s’agissait d’exprimer.
Ce réalisme et cette vérité psychologiques,
Gluck sut les obtenir de ses interprètes
parisiens : Sophie Arnould, Mme SaintHuberty, Mlle Laguerre. Au ténor Legros,
créateur de la version française d’Orphée,
il demanda, pour déplorer la mort d’Eurydice, de « crier » son désespoir « comme
si on lui arrachait une jambe ». Gluck
attachait aussi beaucoup d’importance à
l’animation des choeurs, qu’il voulait voir
participer à l’action comme ceux de la tragédie antique, et à l’intégration des ballets dans le drame (dans Orphée, à l’entrée
des Enfers, c’étaient les danseuses et les
danseurs qui lançaient au héros le célèbre
« Non ! »). En revanche, il s’intéressait peu
à la décoration et son influence sur la scénographie proprement dite fut minime.
On nota pourtant, à son époque, un pas
timide vers l’exactitude historique dans
les costumes : dans Iphigénie en Aulide,
par exemple, l’héroïne portait une robe
dont la ligne se rapprochait de celle du
vêtement grec. Mais cette transformation
était dans l’air du temps, Gluck n’en était
pas responsable.
LE XIXE SIÈCLE ET LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXE.
Au début du XIXe siècle, le mouvement romantique toucha l’opéra comme les autres
arts : les librettistes abandonnèrent peu à
peu l’Antiquité et la mythologie pour les
sujets « gothiques » ou historiques, et ce
changement de lieux et de temps impliqua
un nouveau style décoratif. Les toiles de
fond évoquaient une nature luxuriante,
ou des ruines au clair de lune, et ressemblaient de plus en plus à de la peinture de
chevalet. Le monumentalisme s’imposait
définitivement, et sa vogue était encore
renforcée par l’intérêt que suscitèrent les
nouvelles découvertes archéologiques
faites pendant la campagne d’Égypte
(sphynx et obélisques encombraient les
productions de la Flûte enchantée réalisées en Allemagne dans les années 1810).
Les décorateurs les plus en vogue furent
Pietro Gonzaga, un disciple de Galli-Bibiena, et Alessandro Sanquiriquo (qui
signa notamment les décors de la Vestale
de Spontini).
À cette époque, on avait déjà abandonné les coulisses « à la Serlio » pour les
remplacer, lorsqu’il s’agissait de représenter un intérieur, par des murs pleins.
De même, on voyait apparaître de « véritables » plafonds pour fermer le haut des
décors.
Le souci d’exactitude archéologique,
dont désormais faisaient montre les décorateurs, n’avait pas atteint les costumiers.
Non seulement ceux-ci faisaient fi de la
vraisemblance historique, mais ils ne
cherchaient pas à habiller les personnages
d’un même opéra dans un style uniforme.
Une telle désinvolture ne choquait guère
les spectateurs. Le bel canto exerçait une
royauté absolue et, au moins pendant le
premier tiers du siècle, surtout en Italie,
le public percevait l’opéra moins comme
un spectacle que comme un concert en
costumes.
L’ère des reconstitutions historiques.
Ce furent les Français qui, avec le « grand
opéra » et ses somptueuses reconstitutions
historiques, allaient redonner au côté visuel de la représentation lyrique la place
qu’il avait perdue. À partir des dernières
années 1820 et des années 1830, l’Opéra
de Paris se fit une spécialité des « grandes
machines », dont l’intrigue, située dans un
contexte historique précis et jugé pittoresque (la révolte des anabaptistes pour
le Prophète, le concile de Constance pour
la Juive), donnait prétexte à de multiples
cortèges et défilés, à des déploiements de
foule, voire à la représentation d’événements sanglants mais spectaculaires (le
massacre de la Saint-Barthélemy dans les
Huguenots). Il s’agissait d’éblouir le spectateur à la fois par l’ampleur des moyens
mis en oeuvre et la fidélité de la reconstitution. Les décors, surchargés de détails
architecturaux, d’éléments de paysage,
visaient à l’authenticité archéologique et
géographique. Ils jouaient sur les effets de
perspective et sur le trompe-l’oeil, mais,
quelle que fût l’habileté de décorateurs
comme Cicéri, Despléchin, Séchan ou
Cambon, l’illusion disparaissait lorsque
les figurants se rapprochaient de la toile
de fond (et comment éviter qu’ils ne s’en
rapprochassent lorsqu’ils étaient plus de
cent, dont certains à cheval ?).
La même volonté de reconstitution
réaliste se retrouvait dans les costumes,
dont on multipliait à plaisir le nombre et
la diversité (dans une foule, tous les corps
de métier, toutes les classes sociales, tous
les âges étaient représentés ; dans une procession, tous les ordres religieux, toutes les
dignités ecclésiastiques).
Bien entendu, le « grand opéra » exploita les progrès technologiques au fur
et à mesure de leur apparition. Dès 1822,
l’Opéra de Paris avait remplacé les lampes
à huile par l’éclairage au gaz, qui permetdownloadModeText.vue.download 666 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
660
tait d’obtenir des effets réalistes de jour
et de nuit et même de reproduire des
phénomènes atmosphériques (au dernier tableau de Guillaume Tell, les nuages
qui recouvraient le lac des Quatre-Cantons se dissipaient et l’on apercevait les
montagnes couronnées de glaciers, que
venaient frapper les rayons du soleil). À
partir de 1849 et de la première représentation du Prophète, l’électricité allait permettre de « faire encore plus vrai ».
La mise en place d’un « grand opéra »
était si complexe, elle mobilisait des énergies si nombreuses qu’il fallait un personnage pour coordonner tous les efforts.
C’est ainsi qu’apparut officiellement, au
début du XIXe siècle, la fonction de « metteur en scène ». Celui-ci veillait à la plantation des décors, décidait du groupement
des chanteurs dans les duos et les ensembles, disposait les choeurs et mettait au
point les éclairages. Mais il ne s’occupait
absolument pas de la direction d’acteurs.
Dans ce domaine, les interprètes étaient
livrés à eux-mêmes. Ceux qui avaient des
dons de comédien tiraient leur épingle du
jeu, par exemple le ténor Nourrit ou Cornélie Falcon ; les autres se contentaient
de quelques gestes stéréotypés, ou bien
s’égaraient dans un réalisme brouillon.
Les metteurs en scène de cette époque
écrivaient des sortes de scénarios détaillés
à l’usage de leurs futurs imitateurs : ainsi
se sont créées des traditions et se sont perpétués, parfois jusqu’à nos jours, nombre
de clichés.
Le style « à grand spectacle » des représentations de l’Opéra de Paris s’étendit
peu à peu au reste de l’Europe, à la Scala
de Milan comme aux théâtres allemands.
Il demeura en usage même après la révolution wagnérienne.
Richard Wagner metteur en scène. On
aurait pu s’attendre qu’un réformateur
radical comme Richard Wagner, après
avoir bouleversé l’architecture théâtrale
dans son Festspielhaus, révolutionnât
la mise en scène, au moins celle de ses
propres drames lyriques. Il n’en fut rien :
Wagner, à Bayreuth, demeura fidèle à
l’illusionnisme naturaliste qui caractérisait la scénographie de son époque. Sans
doute utilisa-t-il les procédés les plus modernes en matière d’éclairage, notamment
les « poursuites », inventées en 1875, qui
lui permettaient d’isoler Wotan ou Erda
dans un faisceau de lumière colorée. Pour
la décoration et la machinerie, il s’en tint
aux procédés traditionnels : toiles peintes,
coulisses découpées, « balançoires » pour
les filles du Rhin, etc.
En revanche, Wagner fut un metteur en
scène novateur en ce qui concerne l’interprétation et le jeu des acteurs. Pour obtenir l’expression juste, il demandait à ses
chanteurs de « réciter « d’abord le texte
de leur rôle. Il voulait que leurs gestes et
leur mimique soient synchronisés avec la
musique, qu’ils chantent en faisant face à
leurs partenaires et que, dans les monologues, ils lèvent ou baissent les yeux plutôt
que de regarder devant eux.
Vérisme et naturalisme. Hors du
sillage wagnérien et des célébrations de
Bayreuth, on vit se dessiner, au tournant
du siècle, une tendance à plus de réalisme
dans la mise en scène lyrique, sans doute
sous l’influence des travaux d’Antoine et
de Stanilavski pour le théâtre dramatique.
À la recherche de la vérité « comme dans
l’histoire « du grand opéra, allait succéder
la recherche de la vérité « comme dans la
vie «. Mais le naturalisme ne pouvait vraiment trouver son application que dans les
drames lyriques de Puccini et ceux des véristes italiens, ou encore dans un « roman
musical « comme la Louise de Charpentier.
Pour le reste, c’est-à-dire le « répertoire «
et les ouvrages nouveaux qui ne relevaient
pas de l’esthétique vériste, on se contenta
d’aménager - donc de perpétuer - les traditions scénographiques du XIXe siècle
(ainsi fit Albert Carré pour la création
de Pelléas et Mélisande). Et les conditions
d’exploitation des théâtres lyriques étaient
telles, entre les deux guerres, que, dans la
plupart des cas, la perpétuation l’emportait sur l’aménagement. Conséquence de
la plus grande rapidité des moyens de
transport, rançon de la crise économique,
les troupes attachées en permanence aux
théâtres disparurent presque partout : on
engageait des vedettes itinérantes qui devaient pouvoir s’intégrer, après quelques
« raccords », dans une production
conforme aux traditions dont le « metteur en scène » (en général, un chanteur
à la retraite) était le dépositaire. Dans les
théâtres de province, un fonds commun
de décors, dont on combinait différemment les éléments selon les besoins, servait pour tous les opéras du répertoire, et
les chanteurs invités fournissaient leurs
costumes (ils possédaient un « vestiaire »).
L’opéra, encore une fois, cessa d’être un
spectacle. La masse du public se détourna
d’un genre qui se mourait doucement devant une poignée d’amateurs qui venaient
comparer les mérites des différentes distributions d’un même ouvrage.
APPIA, CRAIG ET LES AUTRES.
Ce fut de Bayreuth que revint la lumière,
lorsque, en 1951, Wieland Wagner prit en
main les destinées du festival ressuscité
et renouvela totalement l’esthétique qui,
jusque-là, avait marqué la représentation
des opéras de son grand-père. La révolution scénographique de Wieland Wagner
a été rendue possible par la réflexion théorique et les réalisations isolées de quelques
précurseurs. En premier lieu, celles du
Genevois Adolphe Appia (1862-1928).
À l’âge de vingt ans, Appia avait assisté à
Bayreuth à une représentation de Parsifal.
La déception qu’il avait éprouvée devant
la réalisation scénique fut le point de départ d’une réflexion exprimée six ans plus
tard dans son livre la Musique et la mise en
scène (1888). Pour Appia, la mise en scène
est un « moyen d’expression « : son but
n’est pas l’illusion, aussi doit-on refuser
l’archéologisme et le trompe-l’oeil. « La
mise en scène, dit Appia, doit se construire
à partir de la seule réalité du théâtre : le
corps humain. » La musique, qui commande à tous les éléments du spectacle,
impose à l’acteur ses évolutions, et ces
évolutions, à leur tour, conditionnent
l’espace scénique. La lumière, considérée
comme un élément expressif et « actif »,
viendra vivifier à la fois le corps de l’acteur
et l’espace scénique - ce que ne peut faire
la peinture, qui, par sa surcharge décorative, détourne à son profit l’attention du
spectateur. C’est ainsi qu’Appia établit sa
fameuse hiérarchie : « acteur, espace (disposition de la scène), lumière, peinture ».
Pour décupler le pouvoir expressif du
corps de l’acteur, il préconise une « architecturation » de l’espace grâce à une série
de praticables (escaliers, plans inclinés,
pans de mur) qui seront autant de points
d’appui et d’obstacles à contourner.
Appia n’a guère eu l’occasion de mettre
ses théories en pratique. Éconduit par
Cosima Wagner, il a cependant monté, en
1923, un Tristan mal accueilli à la Scala
de Milan. Pour l’institut Jaques-Dalcroze,
à Hellereau, il a créé des « espaces rythmiques » « destinés à la mise en valeur du
corps humain sous les ordres de la musique » et mis en scène l’Orphée de Gluck.
Vers la même époque, l’Anglais Edward
Gordon Craig (1872-1966) émettait des
théories assez voisines. Ennemi du naturalisme aussi bien dans le jeu des acteurs
que dans les décors et les costumes, il
recommandait la recherche d’un symbolisme suggestif et d’une « convention
noble ». Il a lui-même mis en scène des
opéras de Haendel et de Purcell.
Des tentatives éparses eurent lieu, avant
la Seconde Guerre mondiale, pour tirer les
représentations wagnériennes de l’ornière
naturaliste. La plus importante fut celle de
Gustav Mahler qui, directeur de l’Opéra
de Vienne, monta avec le décorateur Alfred Roller Tristan, puis l’Or du Rhin et
la Walkyrie, dans un style dépouillé, où
la lumière, conformément aux principes
d’Appia, avait une fonction dramatique.
On peut signaler aussi le Ring mis en scène
par Wallerstein à Francfort en 1925. Ces
efforts furent arrêtés net par l’avènement
du nazisme.
WIELAND WAGNER ET LE NOUVEAU BAYREUTH.
Lorsqu’il rouvrit ses portes en 1951, le
festival de Bayreuth se devait de marquer
une rupture totale avec le passé. Le changement s’imposait pour des raisons politiques évidentes et aussi pour des motifs
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
661
économiques (le « miracle allemand »
n’avait pas encore eu lieu). Wieland Wagner en fut l’agent et, paradoxalement,
en brisant la tradition scénographique
imposée par son grand-père, il a parachevé l’oeuvre de celui-ci. Il a su établir,
en effet, entre l’esthétique musicale et
poétique des opéras de Richard Wagner
et le nouveau style de leur représentation
scénique, une harmonie qui, jusqu’alors,
n’existait pas. Se plaçant dans une perspective symboliste et optant, au moins
dans ses premières réalisations, pour un
dépouillement extrême, Wieland Wagner
a respecté la hiérarchie indiquée par
Appia : acteur, espace, lumière. Tout est
voulu, dans ses scénographies, pour que
le spectateur concentre son attention sur
l’acteur : la nudité de la scène fermée par
le cyclorama (c’est-à-dire ouverte sur
l’infini) ; l’organisation de l’espace à partir
d’une forme simple et monumentale (dans
la Tétralogie, une sorte de galette inclinée
qui occupe tout le plateau et donne l’impression de flotter dans l’espace ; dans le
Tristan de 1962, un immense monolithe,
une pierre plate dressée) ; et surtout les
éclairages, qui complètent les gestes du
chanteur, sculptent plus profondément
ses attitudes, soulignent un moment de
tension et dont l’enchaînement constitue
une véritable partition lumineuse. Wieland Wagner donnait à la couleur (pas
seulement à celle de ses éclairages) un
rôle signifiant particulier : c’est pourquoi,
dans Tristan, chaque acte avait « sa » teinte
(vert glauque pour le 1er, bleu nuit pour le
2e, bleu azur pour le 3e).
À ses acteurs, il imposait un jeu hiératique, inspiré de la tragédie grecque, et une
gestuelle réduite, de façon à pouvoir souligner les temps forts par des mouvements
plus appuyés effectués au bon moment.
Entre 1951 et 1966 (année de sa mort),
Wieland Wagner a sans cesse repris, remis
en chantier, renouvelé ses interprétations
scénographiques en fonction de son évolution personnelle et des distributions
dont il disposait. Il a mis en scène non
seulement tous les opéras importants de
son grand-père, y compris Rienzi, mais
aussi une dizaine d’ouvrages du répertoire : Carmen, Aïda, Salomé, Fidelio, Wozzeck, etc.
L’ÈRE DU METTEUR EN SCÈNE ROI.
Dans les années 50, le retentissement du
travail accompli à Bayreuth par Wieland
Wagner et le rayonnement d’une Maria
Callas, sur qui étaient alors braqués les
projecteurs de l’actualité, incitèrent des
hommes de théâtre, des cinéastes, des
chorégraphes à se tourner vers la scène
lyrique. Ainsi commença une « re-théâtralisation » de l’opéra et s’instaura l’ère
du metteur en scène roi.
Ce furent d’abord, en Italie, Luchino
Visconti et Franco Zeffirelli, qui réalisèrent notamment plusieurs mises en
scène pour Maria Callas (la Traviata et la
Somnambule par Visconti, la Tosca et la
Norma par Zeffirelli). Sans adopter une
approche symboliste, ils abandonnèrent
le réalisme archéologique en faveur d’un
esthétisme raffiné, s’essayant parfois à des
évocations picturales « au second degré »
(dans le Duc d’Albe, opéra posthume de
Donizetti créé en 1882 et repris au festival
de Spolète en 1959, Visconti a cherché à
reconstituer le XVIe siècle flamand vu par
les décorateurs et les costumiers de la fin
du XIXe).
Les premières années 60 virent s’es-
sayer dans la mise en scène lyrique Jean
Vilar (Macbeth à la Scala de Milan), JeanLouis Barrault (Wozzeck à l’Opéra de
Paris) et Maurice Béjart, qui, notamment
dans sa Veuve joyeuse de la Monnaie de
Bruxelles, introduisait une distanciation
brechtienne.
Entre 1965 et 1975 vont s’imposer en
Allemagne Walter Felsenstein, fondateur du Komische Oper de Berlin-Est et
Goetz Friedrich, et en Italie Giorgio Strehler et Luca Ronconi. En France, les personnalités dominantes de cette décennie
sont Jorge Lavelli (Idoménée à Angers,
Faust, Pelléas et Mélisande à Paris, etc.),
qui déclare vouloir « mettre en scène la
musique », et Patrice Chéreau, à qui est
revenu l’honneur de mettre en scène à
Bayreuth le Ring du centenaire (1976). À
ces noms, il convient d’ajouter celui du
scénographe tchèque Josef Svoboda, qui,
par la rigueur avec laquelle il architecture
l’espace scénique, par son art magique des
éclairages, se montre le disciple d’Appia et
de Wieland Wagner.
Ce foisonnement de personnalités se
traduit par autant d’approches et de styles.
Chacun apporte une esthétique (symboliste, néonaturaliste, etc.) ou sa vision
(marxiste, freudienne, etc.) du théâtre
lyrique. Certaines attitudes communes se
dégagent pourtant :
- les metteurs en scène d’aujourd’hui
aiment « re-situer » l’opéra dans le temps.
À l’époque indiquée par le librettiste pour
le déroulement de l’action, ils préfèrent
souvent celle où l’oeuvre a été composée ;
- dans la direction d’acteurs, ils tendent
à attacher plus d’importance à l’expression corporelle qu’à l’interprétation psychologique ;
- ils font souvent équipe avec le
décorateur (Chéreau avec Peduzzi,
avec Bignens), et c’est parfois à
propositions de ce dernier qu’ils
ginent leur mise en scène ;
même
Lavelli
partir des
ima-
- ils se livrent, sur les oeuvres du répertoire, à un dépoussiérage d’autant plus
radical que l’oeuvre est censée être plus
connue. Soucieux d’offrir une interprétation personnelle, ils effectuent une
« relecture » du livret et de la partition une analyse de ses lignes de force, une
réinterprétation des situations - et se
font parfois aider dans cette tâche par un
« dramaturge ». Certains voudraient aller
plus loin et faire acte de création, ou de
re-création, en pratiquant des coupures
et des interpolations, en intervertissant
les actes, etc. Cela pose le problème de la
marge de liberté dont dispose le metteur
en scène. La discussion est ancienne. Au
début du siècle, Albert Carré affirmait à
l’occasion de la création de la Pénélope de
Gabriel Fauré : « Le metteur en scène ne
peut être que le très humble serviteur de
l’auteur. » Tandis que, quelques années
plus tard, le directeur du palais Garnier,
Jacques Rouché, déclarait : « J’ai toujours
réclamé la plus grande liberté pour le metteur en scène. » Que le débat passionne
aujourd’hui l’ancien et le nouveau public
des salles d’opéra est un signe encourageant pour l’avenir de l’art lyrique.
MISERERE.
Incipit du Psaume L, Miserere mei, Deus
(« Dieu, ayez pitié de moi »), considéré
comme le prototype des chants de pénitence et souvent mis en musique. Parmi
les principaux Miserere figurent celui de
Josquin Des Prés au début du XVIe siècle
et un grand motet de Lalande au XVIIe, etc.
Un faux-bourdon d’Allegri réservé à ce
Psaume a connu la célébrité par l’anecdote
selon laquelle la chapelle Sixtine, pour s’en
réserver l’exclusivité, en avait interdit la
copie ; Mozart adolescent l’avait alors pris
en dictée au fond de son chapeau pour
transgresser l’interdiction.
MISSA (Edmond), organiste et compositeur français (Reims 1861 - Paris 1910).
Élève de Massenet, organiste à Saint-Thomas-d’Aquin puis à Saint-Honoré-d’Eylau, il écrivit de nombreux opéras, dont le
plus apprécié fut Muguette (1903).
MITROPOULOS (Dimitri), chef d’orchestre, pianiste et compositeur américain d’origine grecque (Athènes 1896 Milan 1960).
Il a étudié au conservatoire d’Athènes
avec Wassenhoven (piano) et Marsick
(harmonie), et, en 1920, son opéra Soeur
Béatrice, d’après Maeterlinck, fut donné
dans cet établissement. Il fut ensuite
l’élève de Paul Gilson au conservatoire de
Bruxelles (1920-21) et de Busoni à Berlin (1921-1924). En même temps, il fut
répétiteur à l’Opéra de cette ville. Il fut
ensuite chef d’orchestre et professeur de
composition à Athènes, obtint en 1930
un engagement à la tête de la Philharmonie de Berlin, et, peu après, remplaça au
pied levé Egon Petri comme pianiste dans
le 3e Concerto de Prokofiev, qu’il interpréta ce jour-là à la fois comme pianiste
et comme chef. Invité par Koussevitski,
il fit ses débuts aux États-Unis en 1936,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
662
succéda l’année suivante à E. Ormandy
à la tête de l’Orchestre symphonique de
Minneapolis en 1937-1949, et, de 1949
à 1958, succédant à Leopold Stokowski,
fut chef de la Philharmonie de New York.
À sa démission, il eut comme successeur
Leonard Bernstein. On le vit également,
à partir de 1954, à la tête de l’orchestre du
Metropolitan Opera. D’un tempérament à
la fois ascétique et ardent, il excella dans
les classiques mais aussi dans Scriabine
ou Vaughan Williams, et fit énormément
pour l’introduction et la diffusion aux
États-Unis de la musique de Mahler, Berg,
Webern et Schönberg. Beaucoup de ses
interprétations ne devaient être révélées
par le disque qu’une vingtaine d’années
après sa mort. C’est à lui qu’on doit le premier enregistrement de Wozzeck.
MIXOLYDIEN (étym. « mélangé de lydien »).
Terme propre à la musique grecque antique, repris artificiellement au Moyen
Âge et jusqu’à nos jours avec des significations souvent divergentes.
1. En musique grecque, le mixolydien est
essentiellement l’un des tropes de hauteur
qui servaient à l’échelonnement des tons
déterminant l’accent des instruments.
Alors que les trois tropes primitifs (dorien, phrygien, lydien) se suivaient à un
ton de distance, le mixolydien se plaçait
à 1/2 ton seulement du lydien, d’où son
nom (cette explication donnée par Ptolémée est la seule des nombreuses théories
émises à ce sujet qui repose sur une base
solide). Par voie de conséquence, comme
pour tous les autres tropes, on a donné le
nom d’« octave mixolydienne » à la répartition d’intervalles obtenus en diatonique
selon ce trope sur l’octave de tessiture
moyenne (fa à fa selon le barème fixe de la
notation). Cette répartition (fa-sol bémolla bémol-si bémol-do bémol-ré bémol-mi
bémol-fa) donne les mêmes intervalles
qu’une octave sans altération de si à si, ce
qui a fait, à tort, considérer par certains
(notamment Westphal et l’école de Gevaert) le mixolydien comme un mode de
si. Selon Platon et son exégèse par Aristide
Quintilien († IIe s.), on a aussi donné le
nom de mixolydien à un mode archaïque
irrégulier du genre enharmonique (mi-mi
demi-dièse-fa-sol-la-la demi-dièse-si bémol-mi) sans doute parce que ce mode fut,
au dire de Plutarque, transformé plus tard
par l’Athénien Lamproclès pour rejoindre
l’octave mixolydienne définie ci-dessus
(en transposition si-si demi-dièse-dorémi-mi demi-dièse-fa-si, que Lamproclès
transforma en transportant le ton ré-mi
au-dessous du si aigu, d’où si-si demidièse-do-mi-mi demi-dièse-fa-la-si, forme
enharmonique conjointe de l’octave de si).
2. Au IXe siècle, le contresens généralisé
qui, à partir du traité anonyme dit Alia
musica, fit prendre les noms des tons grecs
pour ceux des modes grégoriens, attribua
arbitrairement au mixolydien, no 4 de la
nomenclature, l’« équivalence du no 4
grégorien, tetrardus authente » ou 7e ton
(finale sol, dominante ré), de sorte que l’on
a souvent attribué depuis lors au mixolydien le sens de mode de sol (majeur sans
sensible). Ce sens est encore enseigné actuellement dans d’assez nombreux traités.
3. Enfin, certains auteurs médiévaux,
abusés par la description des tons grecs
plaçant le mixolydien en haut d’un demiton, décrivent le mixolydien comme un
mode de fa : cette interprétation abusive
se retrouve en 1573 dans la nomenclature
de Zarlino, qui la transmet à Mersenne,
Jumilhac et quelques autres.
Le terme mixolydien n’est plus guère
employé aujourd’hui que par pédantisme,
mais on le trouve encore de temps à autre
dans l’une ou l’autre des acceptions cidessus prises au petit bonheur, pour désigner tantôt le 7e mode grégorien, tantôt
l’un des modes de fa, de sol ou de si.
4. Le mode mixolydien existe aussi en
musique byzantine et s’applique comme
en grégorien au tétrardus authente, numéroté cette fois 4e mode et non 7e ; le
contenu musical en est encore différent.
MIXTURE.
Ensemble de jeux de l’orgue, dans lesquels à chaque note correspondent plusieurs tuyaux à bouche très aigus, faisant
généralement entendre des octaves et des
quintes du son fondamental, parfois aussi
des tierces.
Le rôle des jeux de mixture est de donner de la lumière et de la légèreté à la
registration, donc d’empêcher la compacité sonore d’une polyphonie. L’époque
baroque et classique en fit un large usage,
alors que les facteurs de l’ère romantique,
préoccupés d’imiter l’orchestre, tendirent
à les abandonner. Les principaux jeux de
mixture sont la fourniture, la cymbale et
le plein-jeu. L’association des fonds et des
mixtures constitue le plenum de l’orgue.
On désigne parfois par « mixture » l’ensemble des jeux de mutations, simples et
composées, et les mixtures proprement
dites.
MOCQUEREAU (dom André), moine
bénédictin français, restaurateur du
chant grégorien (La Tessoualle, Maineet-Loire, 1849 - Solesmes 1930).
Il entre à l’abbaye bénédictine de Solesmes
en 1875, prononce ses voeux en 1877 et est
ordonné prêtre en 1879. Il devient très vite
l’élève, puis l’assistant, de dom Pothier,
chargé de préparer une nouvelle édition
des chants liturgiques. Pour défendre les
théories de son maître, en particulier son
Liber Gradualis (1883), violemment critiqué par les partisans de l’édition néomédicéenne (publiée chez Pustet, Ratisbonne,
1868), il entreprend de réunir une collection abondante de manuscrits qu’il reproduit en fac-similé dans la Paléographie
musicale, publiée en plusieurs volumes
à partir de 1889 (13 vol. publiés de son
vivant). Cet ouvrage comprend, outre les
reproductions de manuscrits, des commentaires et études de dom Mocquereau
sur les textes présentés. Cette publication
achève de gagner le Vatican à la cause de
dom Pothier, qui se voit confier par Pie X,
en 1904, la rédaction d’une édition vaticane de chant grégorien, avec l’aide de
dom Mocquereau. Les deux hommes sont
rapidement en désaccord, et, dès 1905,
dom Pothier continue seul ce travail. En
1911, dom Mocquereau fonde la Revue
grégorienne, et ce n’est qu’en 1913 qu’il
reprend, avec son équipe de Solesmes, la
rédaction de l’édition de dom Pothier.
La grande innovation de dom Mocquereau - et la cause de son différend
avec dom Pothier - était sa conception
du rythme grégorien. Par opposition au
rythme oratoire de son maître, il préconisait l’emploi d’un rythme libre, déterminé par la mélodie (consistant en une
alternance d’arsis, ou élans, et de thesis, ou
repos) et non plus par le texte (longues et
brèves). Il développa ses théories dans ses
recueils de Paléographie musicale et surtout dans le Nombre musical grégorien ou
Rythmique grégorienne (1908).
MODALITÉ.
Terme employé, par opposition à « tonalité », pour désigner une syntaxe musicale
utilisant d’autres gammes que le majeurmineur classique, et, plus particulièrement, le mineur sans sensible (mode de
la).
Jusqu’au XIXe siècle, on considère également comme modales les tournures harmoniques fondées sur des cadences autres
que la succession classique tonique dominante (degrés II, III, VI, ainsi que IV en
cadence plagale, c’est-à-dire lorsqu’il est
hors de proximité du degré V).
MODE.
Dans les gammes (à l’exception de la
gamme chromatique qui est faite de
douze demi-tons égaux), les notes sont
séparées par des intervalles inégaux. La
répartition de ces intervalles, le plus souvent le ton et le demi-ton, caractérise le
« mode ». Dans la musique tonale traditionnelle, nous connaissons le « mode
majeur », dont l’alternance des intervalles
est (en demi-tons) : 2, 2, 1, 2, 2, 2, 1 ; et le
« mode mineur » dont l’une des formes
est : 2, 1, 2, 2, 1, 2, 2. Dans les musiques
archaïques, anciennes, européennes et
extraeuropéennes, il existait et il existe
de nombreux modes. Les plus fréquemment cités sont les modes grecs, les modes
grégoriens, les modes hindous. En dehors
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
663
des modes traditionnels, le compositeur a
la faculté d’inventer lui-même des modes
avec lesquels il pourra écrire sa musique
(par exemple, Messiaen).
MODERATO.
Mot italien correspondant au français
« modéré » souvent employé lui aussi.
Accolé à un terme de mouvement (allegro, andante, etc.), il en tempère les caractéristiques, comme son équivalent « non
troppo », et s’oppose à « assai », qui, au
contraire, exagère ces particularités. Employé seul, « moderato » désigne un mouvement moyen, ni trop lent ni trop rapide,
et généralement de caractère calme.
MODES (histoire des).
La définition du mot « mode » est rendue
difficile par la confusion qui règne dans
son emploi. Le terme en soi est vague :
il traduit le latin modus, traduction luimême du grec tropos, qui signifie simplement « manière d’être ». Appliqué aux
échelles musicales, il a donné lieu aux
usages les plus divers.
Dans l’ancienne théorie de la musique
grecque, tropos servait de synonyme au
mot plus technique tonos, abréviation
de tonos systematicos, c’est-à-dire « tension des cordes à appliquer pour mettre
en place le système ». Ce qui peut se traduire par « hauteur réelle à donner aux
structures intervalliques », ces dernières
s’exprimant en hauteur relative et constituant l’« harmonie » proprement dite.
Contrairement à l’usage ultérieur, le mot
s’appliquait donc sinon à la hauteur absolue (qu’on ne pouvait encore déterminer),
du moins aux procédés de transposition
d’une hauteur à une autre. En traduisant
la théorie de grec en latin, Boèce (Ve s.
apr. J.-C.) conserva les termes tropos et
tonos en les latinisant (tropus, tonus), et
leur adjoignit la traduction latine du premier, modus, qui en devint un troisième
synonyme. La nomenclature topique des
« modes » (dorien, phrygien, etc.) s’applique donc principalement, jusqu’à ce
stade, à la notion de hauteur absolue et
non à la structure des intervalles, qu’elle
ne concerne qu’indirectement. Elle en devient au contraire l’élément déterminant à
partir du Moyen Âge.
La confusion provint du fait que, de
leur côté, et sans se préoccuper en rien de
théorie grecque, les chantres grégoriens
classèrent leur propre répertoire selon
huit tons sur des critères différents, fondés essentiellement sur la récitation psalmique sans aucune référence à la hauteur
absolue. L’analogie des termes devait amener au IXe siècle l’auteur anonyme d’un
traité latin, dit Alia musica, à mélanger les
deux notions, introduisant un véritable
imbroglio dont toute la théorie ultérieure
devait se ressentir. Sous l’autorité d’un
Boèce mal compris, « mode » devint synonyme de « ton » au sens grégorien en
s’annexant tant bien que mal la nomenclature des « tons » grecs : on parla donc
désormais de « ton » (ou « mode ») dorien
(= ton de ré ou protus, 1er ton), phrygien
(= ton de mi ou deuterus, 3e ton), etc. Vers
la fin du XIXe siècle, « trope » étant depuis
longtemps tombé en désuétude, le mot
« mode » supplanta « ton ». Il s’applique
aujourd’hui, de manière quelque peu
anarchique, à un nombre considérable de
notions contradictoires, dont le seul lien
est qu’elles concernent toute la structure
générale du système mélodique ou harmonique, considéré principalement sous
le rapport des intervalles et de leur organisation.
Peu employé dans cette acception avant
le XIXe siècle, le mot « mode » connut à la
fin du siècle une vogue rapide et devint
préférentiel dans le système de Solesmes,
qui le différencia du « ton » en limitant ce
mot à la détermination des timbres psalmiques.
En musique classique, en revanche,
« ton » et « mode » étaient encore synonymes dans la théorie de Rameau. Ils s’individualisèrent au XIXe siècle, où « ton »
(d’où tonalité) tendit à désigner la référence à la tonique (qui devint la « hauteur
absolue » après l’adoption d’un diapason normalisé en 1859-1885), tandis que
« mode » se référait à la répartition des
intervalles autour de cette tonique.
Dans ce nouveau sens, on n’envisagea
d’abord que deux modes, le « majeur »,
héritier des quatre tons grégoriens à tierce
majeure (5 -6 -7 -8), et le « mineur », héritier des quatre tons grégoriens à tierce
mineure (1 -2 -3 -4), les différences entre
les membres de chaque groupe s’étant
progressivement estompées du XIIIe au
XVIIIe siècle. Ce système à deux modes,
dont les éléments les plus déterminants
sont le rôle cadenciel de la dominante
de quinte et l’attraction mélodique de la
sensible vers la tonique, constitue la base
de la « tonalité classique ». Tout-puissant
au XIXe siècle, il perdit son exclusivité à la
fin du siècle lorsque commencèrent à se
développer d’autres « modes » au sens de
« structure intervallique », sous la triple
influence d’un regain d’intérêt pour la
musique populaire, de la restauration du
plain-chant, sans oublier les incidences
de son harmonisation et des recherches
relatives aux échelles de l’Antiquité et
des musiques non européennes. Cette
extension est souvent désignée par le mot
impropre de « modalité » (musique « modale » opposée à musique « tonale »), bien
que ce mot s’applique surtout aux échelles
diatoniques non classiques (appelées à
tort « modes grégoriens »), c’est-à-dire à
des gammes sans altération (do excepté),
prises sur le clavier de tonique à tonique et
recevant un traitement harmonique plus
ou moins calqué par analogie sur celui des
deux modes classiques (obligation de la
sensible exceptée). Entre-temps, les humanistes des XVIe et XVIIe siècles s’étaient
penchés sur la théorie des « modes grecs ».
Ne la comprenant pas, nombre d’entre
eux avaient cru y déceler des anomalies
qu’ils avaient tenté de rectifier, chacun à
sa manière. La confusion était déjà très
avancée lorsque, à la fin du XIXe siècle, le
philologue R. Westphal proposa une nouvelle interprétation des noms topiques de
la théorie grecque, fondée sur l’assimilation des « modes » aux « aspects d’octave »
produits par les « tons systématiques »
des théoriciens grecs. Largement diffusée
chez les musiciens par l’enseignement de
Gevaert, que suivit Maurice Emmanuel,
et aujourd’hui fortement contestée, cette
théorie introduisit une nouvelle confusion en proposant des définitions différentes pour des termes déjà très en usage
(dorien = mode de mi et non plus mode
de ré, etc.). Enfin le mot « mode » a pris,
depuis quelques années, de nouveaux
sens contradictoires du fait, d’une part,
de l’extension des recherches d’ethnomusicologie, d’autre part, des confusions
fréquentes avec la notion d’« échelle »,
confusions auxquelles n’est pas étranger
l’emploi par Olivier Messiaen du terme
« mode » dans le sens d’« échelle », notamment à propos de ses « modes à transpositions limitées ».
MODES ECCLÉSIASTIQUES.
Modes en usage dans le plain-chant depuis ses origines, codifiés vers le IXe siècle
et dotés au XIe d’une théorie due en partie
à Guy d’Arezzo.
Cette théorie connaît 4 modes couplés
numérotés en grec latinisé d’après leur finale (1 = « protus » ré, 2 = « deuterus » mi,
3 = « tritus » fa, 4 = tetrardus sol), divisés
chacun en un « authente » et en un « plagal », d’où une nouvelle nomenclature de 8
modes où alternent les authentes impairs
et les plagaux pairs (protus = 1 et 2, deuterus = 3 et 4, tritus = 5 et 6, tetrardus = 7
et 8). Les authentes sont construits autour
d’un noyau mélodique situé au grave de
la tessiture et atteignant au moins une
quinte ; les plagaux ont un noyau mélodique plus court, situé cette fois au centre
de la tessiture. Ces noyaux sont déterminés au grave par la finale du mode et, à
l’aigu, par une « corde de récitation » ou
« teneur », qu’on appellera « dominante »
à partir du XVIIe siècle.
Dans les modes authentes, la dominante
est en principe à la quinte de la finale, mais
comme elle ne peut se placer sur la note
si qui est « mobile », elle a été déplacée et
montée au do pour le 3e ton à finale mi.
Dans les modes plagaux, la dominante est
en principe une tierce sous celle du plagal correspondant, avec même exception
pour le si, de sorte que les dominantes plagales sont à la tierce pour les modes 2 et 6
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
664
(finales ré et fa), à la quarte pour les modes
4 et 8 (finales mi et sol).
On donne aussi parfois aux modes
ecclésiastiques le nom des tropes grecs,
qui leur a été attribué par erreur au
IXe siècle : 1, « dorien « ; 3, « phrygien « ;
5, « lydien « ; 7, « mixolydien », les plagaux correspondants devenant les hypos :
2, « hypodorien « ; 4, « hypophrygien « ;
6, « hypolydien « ; le 8, d’abord appelé
« hypermixolydien » comme le trope correspondant, fut corrigé au XIe siècle en
« hypomixolydien » par analogie avec les
précédents.
La musique byzantine connaît également 8 modes, qui portent les mêmes
noms que les modes ecclésiastiques, mais
se répartissent différemment et ne se
confondent pas avec eux.
MODINHA.
Chant typique, sentimental, dérivé de la
moda qui désignait, au Portugal, des arias
ou des romances de salon.
Grâce à la renommée du poète brésilien
Domingo Caldas Barbosa (1738-1800),
les modinhas les plus en vogue à la fin du
XVIIIe siècle, dans les salons de Lisbonne et
de Rio de Janeiro, étaient celles du Brésil.
Elles étaient publiées avec accompagnement de clavecin, de piano, ou d’une basse
chiffrée généralement jouée à la guitare.
Marcel Beaufils a rappelé que, au Brésil,
la modinha représentait « la voix la plus
sincère du coeur national ». Dolente, volontiers gémissante, elle a pris, sur cette
terre, une couleur qu’elle n’aurait jamais
pu acquérir ni au Portugal ni en Italie.
MÖDL (Martha), mezzo-soprano allemande (Nuremberg 1912).
Elle fit ses débuts en 1942 à Remscheid
dans le rôle de Hansel. De 1945 à 1949,
elle chanta les grands emplois de mezzosoprano à l’opéra de Düsseldorf : Orphée,
Carmen, Eboli. À partir de 1949, elle fut
engagée à l’Opéra de Hambourg, mais
parut fréquemment à Vienne. Elle remporta cette même année un succès considérable dans le rôle de Carmen à Londres.
Elle incarna en 1951 Kundry à Bayreuth
dans la célèbre mise en scène de Parsifal
par Wieland Wagner, et, pendant les dix
années suivantes, aborda Brunehilde et
Isolde, rôles auxquels son timbre vocal
particulier communiqua un caractère
convaincant bien qu’inusuel. Elle incarna
d’une façon inoubliable Leonore de Fidelio, sous la direction de Karl Böhm, lors
de la réouverture du Staatsoper de Vienne
reconstruit en 1955. Dans les années 60,
elle reprit les emplois de mezzo, s’illustrant particulièrement dans Klytemnestra
de l’Elektra de Richard Strauss. Martha
Mödl possédait une voix fascinante et une
des plus fortes personnalités lyriques de
l’après-guerre.
MODULATION.
1. Changement de tonalité au cours
d’un morceau. L’impropriété apparente
du terme (la modulation s’applique au
« ton » plus qu’au « mode ») s’explique
par la confusion ancienne entre les deux
notions, qui n’ont été nettement distinguées que vers la fin du XVIIIe siècle. Certains théoriciens récents ont proposé de
réserver « modulation » au changement de
mode et d’employer « tonulation » pour le
changement de ton.
2. Terme employé en électromagnétisme pour déterminer le tracé des ondes
sonores : la radiodiffusion emploie deux
sortes de modulation, dites modulation
d’amplitude et modulation de fréquence,
d’où découle le mode de transmission du
son.
MOENE (Alain), compositeur français
(Lyon 1942).
Élève de Jean Rivier et d’André Jolivet, il
a occupé à partir de 1968 diverses fonctions à l’ORTF puis à Radio France, dont
celles de chef du programme de France
Musique (1987-1990). On lui doit notamment Kemma pour 24 cordes (1975),
Babylone pour 5 voix et ensemble instrumental (1984) et Quatuor pour clarinette,
cor, violon et violoncelle (1991).
MOERAN (Ernest), compositeur anglais
(Heston 1894 - près de Kenmare, Irlande,
1950).
Élève de John Ireland, d’abord assez fortement influencé par Delius, il débuta par
des mélodies et des oeuvres de musique
de chambre : trio avec piano (1920), quatuor à cordes (1921), sonate pour violon
et piano (1923). Son trio à cordes (1931)
amorça une évolution qui se traduisit par
des oeuvres plus vastes et plus ambitieuses
telles que la symphonie en sol mineur
(1934-1937), dans la descendance de Sibelius, le concerto pour violon (1942), la
rhapsodie pour piano et orchestre (1943),
la Sinfonietta (1944) et le concerto pour
violoncelle (1945). Une sonate pour violoncelle et piano date de 1947, une sérénade pour orchestre de 1948. Au cours de
sa seconde période créatrice, il continua à
écrire des mélodies, ce genre étant un de
ses domaines d’élection, mais leur nombre
diminua fortement.
MOESCHINGER (Albert), compositeur
suisse (Bâle 1897 - Thun 1985).
Il a fait ses études à Berne, Leipzig et Munich, et a enseigné la théorie et le piano de
1937 à 1943 (au conservatoire de Berne).
À partir de 1954, il s’est largement tourné
vers le dodécaphonisme sériel. On lui doit
de la musique de chambre, des concertos,
des oeuvres symphoniques, dont 5 symphonies, le ballet Amor und Psyche (1955),
de la musique vocale religieuse et profane,
et la cantate dramatique Die kleine Seejungfrau (la Petite Sirène), d’après Andersen
(1947).
MOISEVITCH ou MOISEIWITSCH
(Benno), pianiste russe naturalisé anglais (Odessa 1890 - Londres 1963).
Il est l’élève de Dmitry Klimov et, de 1904
à 1908, travaille avec Theodor Leschetizky
à Vienne. En 1909, il se fixe à Londres,
mais c’est en 1919 qu’il débute plusieurs
tournées et accède à la gloire. Il est un des
proches de Rachmaninov, et son grand
interprète. Il excelle aussi dans les oeuvres
romantiques slaves de Tchaïkovski et
Metner. Comme chez les autres élèves de
Leschetizky, son répertoire n’inclut pas les
oeuvres antérieures aux sonates de Beethoven : Mozart est alors joué dans des arrangements romantiques. Il s’illustre aussi
dans des pièces de Poulenc et, en musique
de chambre, dans le Quintette de Brahms
et le Trio élégiaque de Rachmaninov.
MOLIÈRE (Jean-Baptiste Poquelin, dit),
auteur dramatique et acteur français
(Paris 1622 - id. 1673).
Homme de théâtre s’il en fut, il comprit très vite l’importance de la musique
dans les spectacles en général, et dans
les comédies en particulier. Louis XIV
lui ayant présenté Lully en 1664, celui-ci
lui confia les partitions qu’il désirait voir
enrichir ses ouvrages. Avec lui, il créa
la « comédie-ballet » qui devait enchanter les fêtes de Chambord et, plus tard,
nombre de celles de Versailles. Tous
deux tendent peu à peu vers le spectacle
total qui, précédant l’opéra, réunit déjà la
parole, le chant, la danse, la symphonie
et les machines. Les Amants magnifiques
(1670) et Psyché (1671) en sont de parfaits
exemples. Cependant, les deux collaborateurs se brouillent en 1672 et Molière fait
alors appel à Marc-Antoine Charpentier,
qui signe en particulier les intermèdes du
Malade imaginaire. Par la suite, le théâtre
de Molière intéresse de nombreux com-
positeurs qui soit réalisent de nouveaux
divertissements, soit créent de véritables
opéras-comiques dont plusieurs se maintiennent au répertoire.
OEUVRES DE MOLIÈRE QUI BÉNÉFICIÈRENT DE
MUSIQUE.
Les Amants magnifiques : Lully (SaintGermain, 1670) ; l’Amour médecin : Lully
(1665), F. Poise (Opéra-Comique, 1880),
Wolf-Ferrari (New York, 1914), Herbergis (Gand, 1920) ; Amphitryon : Grétry (Opéra, 1786), M. Bertrand (« Amphitryon 38 », Opéra-Comique, 1944),
Oboussier (1950) ; l’Avare : Burghauser
(1950) ; le Bourgeois gentilhomme : Lully
(1670), Hasse (« Larinda et Vanesio »,
Naples, 1726), Esposito (Moscou, 1905),
R. Strauss (Ariane à Naxos, Berlin, 1913)
Gargiulo (1947) ; la Comtesse d’EscardownloadModeText.vue.download 671 sur 1085
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bagnas : Lully (1671), M.-A. Charpentier (1672) ; le Dépit amoureux : Gérard
(Marseille, 1947) ; l’École des femmes :
R. Liebermann (Louisville, États-Unis,
1955) ; l’École des maris : E. Bondeville
(Opéra-Comique, 1935) ; les Fâcheux :
Beauchamps (1661) ; Georges Dandin :
Lully (1668), Mathieu (1877), d’Ollone
(Opéra-Comique, 1930) ; l’Impromptu
de Versailles : Lully (1664) ; la Jalousie du
Barbouillé : F. Fourdrain (Paris, 1914) ; le
Mariage forcé : Lully (Chambord, 1664),
M.-A. Charpentier (1672), F. Hart (1928),
P. Gabaye (1955), J. Aubin (1957), L. Guérinel (Marseille, 1972) ; le Malade imaginaire : M.-A. Charpentier (1673), Napoli
(1939), H. Haug (le Malade immortel,
Lausanne, 1946) ; le Médecin malgré lui :
Desaugiers (th. Feydeau, 1793), Ch. Gounod (Théâtre-Lyrique, 1858), Kaufmann
(1958) ; Monsieur de Pourceaugnac : Lully
(1669), Hasse (1727), Jadin (th. Montansier, 1792), Mengozzi (th. Feydeau, 1793),
Castil Blaze, utilisant des musiques de
Rossini et Weber (Odéon, 1827), J. Alary
(les Trois Noces, 1851), Franchetti (Milan,
1897), P. Bastide (Vichy, 1921), F. Martin
(Metz, 1973) ; les Plaisirs de l’île enchantée,
Lully (Versailles, 1664) ; les Précieuses ridicules : Devienne (th. Montansier, 1791),
P. Meriel (Toulouse, 1875), Zich (1926),
Lattuada (Milan, 1929) ; la Princesse
d’Élide : Lully (1664), Galuppi (Alcimena,
Vienne, 1749) ; Psyché : Lully (1671) ; le
Silicien ou l’Amour peintre : Lully (1667),
Joncières (1859), Weckerlin (1887), K.
H. David (1924), O. Letorey (Opéra-Comique, 1930) ; Tartuffe : H. Haug (Bâle,
1937), Kosa (1952), A. Benjamin (1960),
Malipiero (Venise, 1970). Des poésies
de Molière ont été mises en musique par
Beauchamps, La Barre, M. Lambert, Lully.
MOLTER (Johann Melchior), compositeur allemand (Tiefenort, près d’Eisenach, 1696 - Karlsruhe 1765).
Entré vers 1717 au service du margrave de
Baden-Dürlach à Karlsruhe, il resta dans
cette ville jusqu’en 1733 (non sans avoir
voyagé en Italie de 1719 à 1721). Il fut
ensuite en poste à Eisenach, retourna en
Italie, puis revint à Karlsruhe en 1742. On
lui doit des cantates, des oratorios et,
en musique instrumentale surtout, des
concertos.
MOLTO (ital. : « très », « beaucoup »).
Adverbe qui renforce le sens de certaines
indications relatives à l’exécution d’une
pièce musicale, par exemple allegro molto.
MOMENT MUSICAL.
Genre musical illustré, apparemment, par
un seul exemple, les Moments musicaux
op. 94 D.780 de Franz Schubert, cycle
de 6 brèves pièces pour piano de forme
ternaire (ABA) ou rondo, publiées en
1828 par l’éditeur Leidesdorf sous le titre
français de Momens musicals (sic), lequel
semble dû entièrement à l’imagination
commerciale de cet éditeur.
Par extension, on pourrait ranger toute
pièce de caractère de style simple, feuillet
d’album, esquisse, ou autre pièce inclassable, dans le genre du Moment musical,
qui est, comme son titre le suggère, à la
fois esquisse et microcosme.
MOMIGNY (de) famille de musiciens
français.
Joseph, théoricien et compositeur (Philippeville, Pays-Bas, 1762 - Charenton
1842). Précocement doué, il s’installa en
1785 comme organiste à Lyon. Lors de
la Révolution, il dut changer de métier.
Royaliste convaincu, il participa à la
résistance lyonnaise contre la Convention, et fut bientôt obligé de se réfugier
en Suisse. Il revint à Lyon en 1795. En
1800, il s’installa à Paris, et y fonda une
maison d’éditions musicales, publiant
notamment ses propres compositions
(romances, sonates, oeuvres lyriques).
Mais il se consacra surtout à des études
et écrits théoriques : Cours complet
d’harmonie et de composition (3 vol.,
1803-1806), Nouveau Solfège (1808),
la Seule Vraie théorie de la musique
(1821). Il écrivit également les articles
du 2e volume de la partie « musique » de
la Grande Encyclopédie méthodique. Il
songeait à une réforme de la gamme, et
développa une conception originale de la
formation des tonalités, s’opposant aux
théories de Rameau. Malheureusement,
ses principes de base se révélèrent faux.
Mais ses définitions de la consonance et
de la dissonance sont intéressantes, et
ses positions sur l’enharmonie devaient
trouver des applications inattendues
chez les compositeurs du XXe siècle. Ami
de Gréty, il se brouilla avec lui sur des
questions théoriques. En 1814, il composa la cantate le Retour des Bourbons et
de la paix, et plus tard des Couplets à Sa
Majesté Charles X. Il composa trois opéras : le Baron de Felsheim (avant 1800), la
Nouvelle Laitière (1809), Arlequin Cendrillon (1800). En 1810, il céda sa maison
d’éditions à son associé Charles Rifaut,
et en 1828 il se retrouva complètement
ruiné. Grâce à l’appui de Cherubini et
d’Auber, il put obtenir une pension,
mais mourut à l’asile de Charenton.
Georges Joseph, organiste et compositeur, fils du précédent (Vire 1812 - id.
1875). Il fit ses études musicales au
Conservatoire de Paris dans les classes
de Zimmermann et de Reicha. Nommé
organiste à la chapelle Saint-Denis, il
conserva ce poste toute sa vie. Il composa des motets, des cantiques, qui
furent adoptés par certaines maîtrises
parisiennes, mais surtout des romances
et des pièces pour piano ou orgue.
MOMPOU (Federico), compositeur espagnol (Barcelone 1893 - id. 1987).
Encouragé dans sa vocation dès son
enfance, il suivit les leçons du fameux
Liceo de sa ville natale avant de se rendre
à Paris (1911) où il paracheva sa formation de pianiste et de compositeur
(notamment auprès de Marcel SamuelRousseau). Rentré à Barcelone durant
la Première Guerre mondiale, il revint
à Paris en 1921 ayant surtout composé
pour le piano selon une devise annonçant bien quelle sera la rareté de l’oeuvre :
« Recommencer. » De ces années passées
en Espagne datent donc les Impressions
intimes (1911-1914), les Scènes d’enfants
(1915-1918), les Crèches (1914-1917),
Suburbis (1916-17), les Cantos mágicos
(1917-1919), les Fêtes lointaines (1920),
Charmes (d’après Valéry, 1920-21),
enfin les Trois Variations (1921), ainsi
que les trois premiers éléments du cycle
Canço i dansa (I-IV, 1921-1928). Le
critique Émile Vuillermoz, découvrant
cet ensemble exceptionnel, proclama le
génie de Mompou et imposa son nom
aux curieux des « années folles ». Mompou ne rentra en Espagne (mais définitivement) qu’en 1941. Une bonne part
de sa musique naquit donc à Paris, dans
l’orbite d’Erik Satie puis du groupe des
Six.
Après son retour à Barcelone, Mompou confia encore au piano huit Canço
i dansa, trois Paisajes (1942-1960),
Cançon de cuna (berceuse, 1951), Dix
Préludes (1927-1951), auxquels devait
s’ajouter un onzième (1960), enfin
quatre cahiers de quelque vingt pièces
chacun de Música callada (« Musiques
du silence », 1959-1974). Il écrivit, en
outre, Cinq Chansons sur des textes de
Paul Valéry (1973) ainsi que plusieurs
oeuvres chorales (dont un oratorio, Improperios), tendant à renouer avec la tradition grégorienne.
Cette attitude est caractéristique de
l’esthétique de Mompou, soucieux de
s’exprimer dans un langage hors du
temps et des modes, selon la « simplicité » qui apparut comme un idéal à
nombre d’artistes au lendemain du symbolisme. Mompou put se dire « primitivista », mais au sens où Gauguin aussi se
voulut « primitif « : avec tout l’acquis de
la culture occidentale, seule susceptible
de nous faire complices de tous les vertiges et de toutes les magies. Une bonne
part de l’art de Mompou a été confiée au
piano dans ce but : l’instrument familier
devait sonner chez lui comme nulle part
ailleurs, et faire preuve de délicatesses,
de nuances inouïes. Mompou supprima
la barre de mesure pour donner à son
mélodisme une ductilité absolue et har-
downloadModeText.vue.download 672 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
666
monisa la ligne très pure de ses mélodies
(pratiquement aucun « ibérisme » en sa
musique) avec une générosité toujours
naturelle mais cependant surprenante,
son souci primordial restant la sonorité,
enrichie notamment par des phénomènes de résonance, à la fois sollicités et
dominés.
MONDONDIVERS (Jean-Joseph Cassanéa de), violoniste et compositeur français (Narbonne 1711 - Belleville, près de
Paris, 1772).
On suppose qu’il fut formé par son père,
organiste de la cathédrale de Narbonne.
Venu à Paris, il y publia en 1733-34 ses
premières oeuvres instrumentales (sonates
pour violon et basse continue op. 1, sonates en trio op. 2, pièces de clavecin en
sonates op. 3). Il fit un bref séjour à Lille,
où il composa ses premiers motets, puis
revint à Paris. À partir de 1734, il apparut
au Concert spirituel, où il joua un rôle de
plus en plus important, d’abord comme
violoniste, puis comme compositeur. Ses
motets, exécutés à partir de 1739, assurèrent sa réputation : Dominus regnavit,
Jubilate Deo, Lauda Jerusalem, Venite
exultemus, etc. Mais il continua à se produire comme violoniste, souvent en duo
avec le flûtiste Blavet, le violoniste Guignon, la soprano Marie Fel. Le Mercure
de France publia sur lui des comptes rendus élogieux. En 1752, lors de la Querelle
des bouffons, il prit vigoureusement parti
pour la musique française et représenta
le « coin du roi ». De 1755 à 1762, il fut le
directeur du Concert spirituel.
En même temps que compositeur religieux, il se révéla comme compositeur
d’opéras et de ballets, et obtint deux succès importants avec le ballet héroïque le
Carnaval de Parnasse (1749) et surtout
avec l’opéra Titon et l’Aurore (1753), par
lequel il affirma, aux côtés de Rameau, les
traditions de la tragédie lyrique française.
Toutefois son Thésée (1765) fut un échec :
on lui reprocha d’avoir utilisé le livret de
Quinault déjà mis en musique par Lully.
Il composa également trois oratorios : les
Israélites au mont Horeb (1758), les Fureurs
de Saül et les Titans.
Dans le domaine instrumental, Mondonville réalisa d’intéressantes expériences tendant à élaborer un traitement
instrumental de la voix (Concert de violon
avec voix sur des textes de Psaumes, 1747).
Si ses oeuvres instrumentales continuent à
être jouées de nos jours, c’est surtout grâce
à ses motets, qui poursuivent la tradition
versaillaise de Delalande, que Mondonville est passé à la postérité.
MONFERRINE.
Danse populaire du Piémont (« de l’État de
Monferrato ») née dans la seconde moitié
du XVIIIe siècle et introduite en Angleterre
au début du XIXe à la fois comme morceau
à danser et comme pièce pour piano.
Écrite à 6/8, elle s’apparente à la tarentelle. Muzio Clementi en composa dixhuit : douze parues en 1821 comme opus
49 et six restées inédites (T. WO 15-20),
toutes construites par périodes de quatre
mesures et toutes sauf deux de structure
tripartite A-B-A ou A-B-A’.
MONGRÉDIEN (Jean), musicologue
français (Paris 1932).
Après avoir suivi parallèlement des études
de lettres et de musique, il a été lecteur à
l’université de Cologne puis professeur à
l’Institut français de Londres. Nommé à la
Sorbonne (Paris IV) en 1973, il y occupe
la chaire d’histoire de la musique française aux XVIIIe et XIXe siècles. Il a publié
notamment Jean-François Le Sueur, contribution à l’étude d’un demi-siècle de musique
française (1780-1830) [Berne, 2 vol. 1980],
Catalogue thématique de l’oeuvre complète
du compositeur Jean-François Le Sueur
(1760-1837) [New York 1980] et la Musique en France des Lumières au Romantisme (1789-1830) [Paris 1986].
MONIUSZKO (Stanisðaw), compositeur
polonais (Ubiel, Biélorussie, 1819 - Varsovie 1872).
Il fait ses études d’harmonie et de composition au conservatoire de Varsovie et à
Berlin, puis s’installe à Vilno et y enseigne
la composition. En 1858, au moment du
succès de son opéra Halka, il se rend à
Varsovie où il séjournera jusqu’à la fin de
sa vie. Il est nommé directeur de l’opéra de
cette ville. Il est incontestablement considéré comme le plus grand compositeur
polonais d’opéras et de mélodies. Halka,
le premier opéra national polonais, le rendit célèbre, et synthétise en quelque sorte
les intentions esthétiques et les moyens
techniques que des compositeurs comme
Elsner, Stefani ou Kamienski avaient commencé à explorer, en particulier dans leurs
oeuvres basées sur des livrets en langue
polonaise.
Si l’influence de l’opéra italien est indéniable, notamment dans les oeuvres de
jeunesse que sont les opérettes comme
Une nuit dans les Apennins et le Nouveau
Don Quichotte, Moniuszko ne recherche
pas moins un style spécifiquement polonais susceptible de toucher l’âme populaire à travers une réactualisation de ses
traditions. C’est donc bien l’essence de la
mythologie polonaise qui se trouve impliquée dans les opéras la Comtesse (185859), The Raftsman (1858), Paria (18591869), ou les cantates Milda (d’après un
roman de J. I. Kraszewski) et Nijola.
Plus globalement, Moniuszko n’a cessé
de s’adresser, à travers son oeuvre, au
tempérament musical polonais, notamment dans ses mélodies (12 fascicules
d’environ 400 chants qui connurent un
vif succès auprès des couches moyennes
de la société polonaise). Tandis que Chopin dépasse toute spécificité nationale,
Moniuszko peut prétendre représenter,
au coeur même de son pays, la Pologne
du XIXe siècle. Sa popularité fut telle que
soixante-dix mille personnes assistèrent à
ses funérailles.
MONN (à l’origine MANN), famille de
musiciens autrichiens.
Matthias Georg, organiste et compositeur (Vienne 1717 - id. 1750). Il s’appelait
Johann Georg Matthias, mais changea
son prénom pour éviter toute confusion
avec son frère. Organiste à la Karlskirche
à partir de 1738, il fut avec Wagenseil le
principal représentant de l’école préclassique viennoise. Il est l’auteur de la plus
ancienne symphonie connue en quatre
mouvements avec menuet en troisième
position (1740), mais cette oeuvre constitue dans sa production un cas isolé : toutes
ses autres symphonies sont en trois mouvements. On lui doit aussi de la musique
de chambre dont six quatuors à cordes
faits chacun d’un mouvement lent et
d’une fugue, des pages religieuses, et des
concertos dont sept pour clavecin (l’un
d’eux fut « recomposé » par Schönberg en
1932 pour violoncelle et orchestre) et un
pour violoncelle (édité par Schönberg en
1911-12).
Johann Christoph, pianiste et compositeur (Vienne 1726 - id. 1782). Frère du
précédent, il fut surtout connu en son
temps pour ses oeuvres pour clavier. Des
symphonies publiées en 1912 sous le nom
de Monn dans la série Denkmäler der Tonkunst in Oesterreich avec une attribution
globale à Matthias Georg, certaines sont
en réalité de lui.
MONNAIE (théâtre de la).
Opéra de Bruxelles, inauguré (peut-être
avec Atys de Lully) en 1700 en remplacement du Théâtre du Quai-du-Foin et ainsi
nommé en raison de la proximité d’un
ancien atelier monétaire (1 200 places).
En 1830, une représentation de la
Muette de Portici d’Auber déclencha la révolution belge. Détruit par le feu en 1855,
il céda la place à un nouveau bâtiment
inauguré le 24 mars 1856 avec Jaguarita
l’Indienne de Halévy. Bruxelles y vit bien
avant Paris plusieurs opéras de Wagner,
et y furent créés notamment Hérodiade de
Massenet (1881), Gwendoline de Chabrier
(1886), le Roi Arthus de Chausson (1903),
Fervaal (1897) et l’Étranger (1903) de Vincent d’Indy. De 1918 à sa mort en 1953,
le pianiste et chef d’orchestre Corneil de
Thoran marqua l’établissement de son
empreinte. Il a été dirigé de 1981 à 1991
par Gérard Mortier, auquel a succédé en
1992 Bernard Foccroule, et a vu récemment les créations mondiales de la PasdownloadModeText.vue.download 673 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
667
sion de Gilles (1983) et de Reigen (1993)
de Philippe Boesmans, de The Death of
Klinghoffer de John Adams (1991) et de
Medeamaterial de Pascal Dusapin (1992).
MONNET (Marc), compositeur français
(Paris 1947).
Après des études au Conservatoire de
Paris, il a travaillé à l’École supérieure
de musique de Cologne avec Mauricio
Kagel et a suivi les cours d’été de Darmstadt (avec Stockhausen, Ligeti, Xenakis,
Kagel) ; il a été pensionnaire de la Villa
Médicis à Rome (1976-1978). Son écriture
se caractérise par l’emploi, pour chaque
partition, de systèmes originaux poussés
à l’extrême et se traduisant parfois par
une rugosité de la matière sonore. Par leur
rejet de l’idée de développement, certaines
partitions (Musiques en boîte) créent une
forte obsession auditive, alors que d’autres
(Fantasia Semplice) sont d’une écriture
plus subtile et éphémère. Globalement,
il fait montre d’un tempérament inventif et ne craignant pas la contradiction.
Il a fondé en 1986 la compagnie Caput
Mortuum. On lui doit notamment : Pour
six pianistes (1974) ; Dialectique, pour
guitare (1976) ; Pour bouche et quelques
objets, pour un acteur et quelques objets
(1976) ; Eros Machina, pour 2 guitares
électriques et bande (1978) ; Musiques en
boîte, ensemble de trois partitions formé
de Boîtes en boîte à musique à système,
pour 2 pianos (1977), de Musique(s) en
boîte(s) à retour à (1977) et de Succédané
spéculatif de boîte, pour clavecin (1978) ;
Du bas et du haut ou du haut et du bas,
pour 13 instruments (1978-79) ; Fantasia semplice, pour violoncelle solo (1980) ;
Membra disjecta (1978-1980), ensemble de
six partitions comprenant Solos de trios,
pour 3 percussionnistes, les Accrocs devant
les accords, pour luth, Du soleil et de la
lune, pour soprano, lecteur, piano et petit
ensemble, la Joie du gaz devant les croisées,
pour piano, Roue lubrique, pour monocorde de Poussot, et Livre fragile, pour 16
voix solistes (les quatre premières ont été
créées à Metz en 1980) ; la Scène, pour 16
musiciens (1981-82) ; Magari ! pour trio
à cordes (1983). Patatras ! pour 8 instruments (1984) ; Chant pour violoncelle seul
(1984) ; les Ténèbres de Marc Monnet pour
quatuor à cordes (1985) ; Rigodon pour 4
cors (1985) ; les oeuvres scéniques À corps
et à cris (1988), Probe (1989), Ab caetera
(1990), Fragments (1990-1993) ; Exercice
de la bataille pour 8 instruments (1991),
Open pour quatre trombones (1994).
MONOCORDE.
Instrument à archet, constitué par une
caisse de résonance prolongée d’un long
manche et monté d’une seule corde.
D’origine très ancienne, et cela dans
presque toutes les civilisations, il n’a plus
droit de cité qu’au cirque après avoir été la
« trompette marine » chère au Bourgeois
gentilhomme de Molière.
MONODIE (gr. : monos, « seul », et ôdê,
« chant »).
Au sens propre, chant sans accompagnement. Monodie s’oppose parfois à
polyphonie, et dans cette acception peut
englober des chants collectifs à l’unisson,
ainsi que des chants accompagnés s’ils ne
sont pas à voix différentes.
MONOPHONIE.
Mode de propagation de l’information,
selon lequel le message musical est capté,
enregistré et reproduit par un unique
canal de transmission de l’information.
En matière de disque, la monophonie
a été la seule technique utilisée depuis les
débuts de l’enregistrement jusque vers
1960, date à laquelle sont apparus les
disques gravés en stéréophonie. La chaîne
d’enregistrement se compose, en monophonie, d’un microphone permettant de
graver, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une inscription magnétique à
une seule piste, le sillon d’un disque dont
les deux flancs reçoivent une déformation
identique. À la reproduction, on utilise
une seule chaîne électronique et un seul
transducteur électroacoustique (hautparleur ou enceinte acoustique). Lors de
la transmission d’une information stéréophonique à deux canaux (ou davantage), il suffit qu’un seul des maillons de
toute la chaîne soit monophonique pour
que la restitution soit également monophonique. D’un phénomène sonore situé
dans l’espace (donc à trois dimensions),
la monophonie donne une image uniquement ponctuelle, et par conséquent
dépourvue de relief, qu’il est impossible
de localiser en largeur, en profondeur ou
en hauteur dans l’espace acoustique. Cette
image ponctuelle est située au centre du
haut-parleur. Par ailleurs, la monophonie ne rend pas compte exactement de la
perception du son par les deux oreilles
de l’auditeur, avec les déphasages que
cela implique entre les deux informations
parvenant aux tympans ; cette limitation
entraîne une altération dans la qualité de
la reproduction des timbres musicaux.
MONSIGNY (Pierre Alexandre), compositeur français (Fauquembergues 1729 Paris 1817).
Des circonstances matérielles difficiles ne
permirent pas à Monsigny d’exercer le
seul métier de musicien. Après des études
au collège jésuite de Saint-Omer, il prit
en 1749 un emploi chez M. de Saint-Julien, receveur général du clergé en France.
On ne sait rien de sa formation musicale, sinon qu’il fut quelques mois l’élève
de Gianotti, contrebassiste à l’Opéra et
au Concert spirituel. Plus déterminante
pour son développement artistique fut
la bienveillance du duc d’Orléans, chez
qui Monsigny put s’ouvrir aux courants
musicaux et dramatiques les plus récents.
Son premier opéra, les Aveux indiscrets
(1759), le plaça d’emblée au même niveau
que Duni et Philidor - ce dernier représenta la même année son Blaise le savetier.
Monsigny fut cependant moins prolifique
que ses pairs, et ne fit jouer que douze
opéras-comiques et un ballet héroïque,
Aline reine de Golconde (Académie royale
de musique, 1766). Il est encore plus
remarquable de le voir abandonner la
composition à quarante-huit ans, après
Félix ou l’Enfant trouvé (1777), sans doute
en raison d’une cécité croissante. Après
avoir exercé la charge de maître d’hôtel
du duc d’Orléans, Monsigny devint en
1785 inspecteur des canaux d’Orléans. La
Révolution lui fit perdre ses revenus fixes
et Monsigny connut la pauvreté en dépit
des fréquentes reprises de ses oeuvres et de
leur grande diffusion à l’étranger.
Le rythme de production relativement lent de Monsigny est probablement
imputable à ses activités non musicales,
car son style mélodique laisse supposer au contraire une inspiration facile et
une imagination aux registres très variés.
Dans la veine de l’opéra-comique traditionnel, son principal succès fut Rose et
Colas (1764), sur un livret de Sedaine ;
le naturel des lignes vocales y est relevé
par un recours occasionnel à une écriture
plus complexe (trio fugué « Mais ils sont
en courroux », quintette « Ceci me paraît
fort »). Mais l’originalité de Monsigny apparaît surtout dans ses oeuvres à caractère
sentimental, qui contribuèrent de manière
décisive à l’évolution de l’opéra-comique
français : le Roi et le Fermier (1762), le Déserteur (1769), la Belle Arsène (1773), Félix
(1777), tous sur des textes de Sedaine.
Une collaboration étroite avec son
poète permit à Monsigny de réaliser des
expériences d’une grande nouveauté, en
particulier dans le domaine de la continuité musicale. Le duo entre Jenny et
Richard (le Roi et le Fermier, acte I, sc. 10)
est interrompu par des bruits d’orage, se
prolonge par un entracte descriptif, lequel
introduit à son tour le duo de Rustaut et
de Charlot, au début de l’acte II. Le procédé est poussé beaucoup plus loin à la
fin du Déserteur (acte III, sc. 11 à 15), où
la musique nous fait passer de la prison
d’Alexis à une place publique, et emporte
dans un même mouvement la catastrophe
et le dénouement de la pièce.
MONTAGE.
Technique utilisée dans l’enregistrement
sonore sur magnétophone. Elle consiste,
comme au cinéma avec la pellicule photographique, à choisir et à raccorder entre
elles les meilleures « prises » d’une exécution musicale pour établir une bande
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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définitive correspondant à l’interprétation
idéale de l’artiste ou de la formation enregistrée. Sur une bande magnétique défilant à 38 cm/s, une noire d’un morceau
marqué andante (60 à la noire) occupe 38
cm de bande, et une double croche dans
le même mouvement occupe donc 9,5
cm. C’est dire à quel point est grande la
latitude d’intervention du technicien pour
couper ou retoucher dans la matière sonore inscrite sur la bande. Ainsi, l’art du
montage s’étant développé, on en est venu
à pouvoir isoler une seule note inexacte
pour la remplacer par la même, bien exécutée, empruntée à une autre prise ; ou à
« nettoyer » la bande d’imperfections, de
bruits parasites, etc.
Une question se pose, cependant : la
bande ainsi montée est-elle représentative
de la réalité musicale d’une exécution, et
ne risque-t-on pas, de la sorte, d’aboutir à
une sorte de perfection abstraite et glacée,
sans rapport avec la communication « à
chaud » qui est le propre de l’exécution
en concert ? Poussé trop loin, en effet, le
montage d’épisodes et de fragments enre-
gistrés en des moments différents mène
à la création d’une sorte d’« art fictif »
qui perd tout rapport avec la réalité, avec
pour conséquence le désappointement de
certains mélomanes discophiles lorsqu’ils
se retrouvent en contact avec la musique
vivante au concert ; il risque aussi de
contribuer à créer de fausses valeurs artistiques d’interprètes qui donnent ainsi
mieux qu’ils ne sont capables de le faire
dans la continuité d’une exécution. C’est
pourquoi certains musiciens préfèrent
enregistrer par longues séquences, et n’en
appeler au montage que pour quelques
« raccords » indispensables. De même,
bien des amateurs de disques, suivis en
cela par les éditeurs, préfèrent aujourd’hui
revenir aux prises « sur le vif », au cours de
concerts publics, lesquelles, malgré leurs
imperfections techniques éventuelles,
sont bien davantage un témoignage de
l’art des interprètes ainsi photographiés
en « instantané ».
À l’actif du montage, cependant, il faut
retenir la possibilité qu’ont un directeur
artistique et un ingénieur du son dotés
de sensibilité musicale et de respect de
l’artiste qu’ils enregistrent d’en donner un
portrait sinon idéal, du moins correspondant au mieux à son art d’interprète.
MONTAGNANA (Domenico), luthier vénitien (Lendinara v. 1690 - Venise 1750).
Sa vie est assez mal connue, en particulier ses années de formation. Il semblerait
qu’il ait été, en fait, l’élève puis l’assistant
de Matteo Goffriller, avant de travailler
indépendamment à Crémone vers 171112, puis de s’établir définitivement à Venise en 1721. Peu de ses instruments sont
signés et leur ressemblance avec certains
stradivarius rend leur identification encore plus difficile. Ses altos sont encore des
instruments de référence à l’heure actuelle
et ses violoncelles lui valurent une renommée qui n’a pas faibli aujourd’hui. Il est
considéré, avec Stradivarius et Amati,
comme l’un des plus grands luthiers de
cette époque.
MONTE (Philippe de), compositeur flamand (Malines 1521 - Prague 1603).
Nous ignorons tout de sa vie avant 1542,
date à laquelle il est au service de Cosme
Pinelli à Naples. Après ses années de formation et de jeunesse en Italie, il entre
(1554-55) dans la Chapelle anglaise de
Philippe II d’Espagne (qui avait épousé
Marie Tudor) à Londres, s’y liant d’amitié avec William Byrd. Puis il passe
trente-cinq ans (1568-1603) à Vienne ou
à Prague comme maître de chapelle de
la cour impériale sous Maximilien II et
Rodolphe II. Il maintient néanmoins des
rapports suivis avec son pays où il recrute
des musiciens, est nommé trésorier (1572)
puis chanoine de la cathédrale de Cambrai
(1577).
On a souvent comparé Monte et Lassus : tous deux ont la même formation
nordique et italienne, la même destinée
(Lassus restera trente-huit ans à la cour
de Munich) ; tous deux maîtrisent à merveille cette technique contrapuntique de
la tradition franco-flamande et ont subi
l’influence du madrigal. Mais Monte est
peu attiré par l’expression symbolique,
la peinture du détail et le chromatisme.
Plus de 1 000 madrigaux témoignent de
son goût de la clarté et d’une émotion
retenue. Notons, d’autre part, la publication en 1575 d’un livre des Sonnets de
Ronsard, bien éloigné des chansons du
style nouveau et des tentatives humanistes. L’importance de ses oeuvres et de
ses apports personnels, mais aussi l’habileté avec laquelle il sait tirer parti des
modèles traditionnels, notamment dans
le genre du motet et de la messe-parodie, à
laquelle il donne une nouvelle dimension,
lui confèrent une place de choix aux côtés
de Palestrina et de Lassus.
MONTÉCLAIR (Michel Pignolet de),
compositeur français (Andelot, HauteMarne, 1667 - Paris 1737).
Il reçoit sa première formation auprès
de Jean-Baptiste Moreau à la cathédrale
de Langres, où il est chantre dans la maîtrise. En 1687, il s’installe à Paris et entre
au service du prince de Vaudémont. Il
séjourne ensuite en Italie en compagnie
de son maître pendant plusieurs années.
Il en profite pour étudier la contrebasse,
encore absente de l’orchestre de l’Opéra
en France. De retour à Paris vers 1700, il
devient maître de musique et trouve un
emploi comme « basse du petit choeur de
l’Orchestre de l’Opéra ». Il y joue de la
contrebasse dans la célèbre « Tempête » de
l’acte IV d’Alcyone de Marin Marais, et y
fait représenter deux ouvrages de sa composition : le ballet les Fêtes de l’été (1716)
et la tragédie biblique Jephté (1732). Cet
opéra, outre ses grandes qualités musicales, marque une date importante dans
l’histoire. Écrit sur un livret de l’abbé
Pellegrin, il est à l’origine de la décision
de Rameau de s’engager à son tour dans
la voie de compositeur lyrique, d’abord
en 1733 avec Hippolyte et Aricie et avec le
même librettiste. Après le David et Jonathas (1688) de Marc Antoine Charpentier, composé pour le collège des jésuites,
Jephté est en outre le second opéra sur un
sujet tiré de l’Écriture sainte à nous être
parvenu.
Les autres oeuvres de Montéclair sont
de dimensions plus réduites : concerts
pour divers instruments (flûte, hautbois,
violon) et, surtout, de remarquables cantates françaises.
MONTEMEZZI (Italo), compositeur italien (Vigasio, province de Vérone, 1875 Vérone 1952).
Élève de Saladino et de Ferroni à Milan, il
obtint son diplôme avec Bianca, opéra en
un acte qui le situa aussitôt dans un courant postérieur au vérisme, dont il retint
néanmoins la force, subissant par ailleurs
l’influence de l’harmonie wagnérienne
assortie d’une orchestration et d’une
conscience dramatique dignes de celles
de Puccini. Turin accueillit favorablement
Giovanni Gallurese (1905), mais son chefd’oeuvre, L’Amore dei tre re, déconcerta le
public de la Scala de Milan (1913). Cette
oeuvre puissante, où passent trop d’échos
de Tristan de Wagner, mais qui contient
de merveilleux caractères (notamment
celui, fascinant, du vieux roi aveugle Archibaldo), connut une meilleure fortune
aux États-Unis où l’auteur se fixa en 1939.
MONTEUX (Pierre), chef d’orchestre
français naturalisé américain en 1942
(Paris 1875 - Hancock, Maine, 1964).
Il prend ses premières leçons de violon à
six ans et dirige à douze ans un concert
de charité auquel participe également le
jeune Alfred Cortot. De 1885 à 1894, il fait
ses études au Conservatoire national supérieur de Paris, dans les classes de Garcin et
Berthelier (violon), Lavignac (harmonie)
et Lenepveu (contrepoint et fugue). Avant
même de remporter son premier prix de
violon, il travaille comme second violon
aux Folies-Bergère (1889-1892), puis, en
1893, comme premier altiste à l’OpéraComique, et bientôt également comme
chef assistant aux concerts Colonne
(jusqu’en 1912), participant aux créations
de Pelléas et Mélisande et de la Mer de
Debussy. Encouragé par B. Godard à faire
de la musique de chambre, il devient en
1894 l’altiste du quatuor Geloso, puis du
quatuor Tracol. De 1908 à 1914, il dirige
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
669
l’été l’Orchestre du casino de Dieppe et
fonde les concerts Berlioz, puis en 1914
la Société des concerts populaires (dits
concerts Monteux).
Choisi par Diaghilev pour remplacer G.
Pierné, il dirige de 1911 à 1914 l’Orchestre
des Ballets russes, créant nombre de partitions majeures : Petrouchka (1911), Daphnis et Chloé (1912), Jeux (1913), le Sacre du
printemps (1913), le Rossignol (1914). Une
tournée entreprise en 1916 aux États-Unis
avec les Ballets russes est suivie par son
engagement au Metropolitan Opera de
New York (1917-1919), où il dirige tout le
répertoire français et crée aux États-Unis
le Coq d’or de Rimski-Korsakov. Appelé
à la tête de l’Orchestre symphonique de
Boston (1920-1924), il y poursuit son
action en faveur de la musique française.
De retour en Europe, il partage son temps
entre le Concertgebouw d’Amsterdam, où
il devient l’assistant de W. Mengelberg
(1924-1934), et l’Orchestre symphonique
de Paris, qu’il fonde en 1929 et qu’il dirige
jusqu’en 1938. Il crée notamment à Amsterdam la Troisième Symphonie de Pijper
et à Paris la Troisième de Prokofiev (1929)
et le Concerto pour violoncelle de Honegger
(1930). Il fonde également en 1932 une
première école de direction d’orchestre.
Invité en 1934 par Klemperer à diriger
l’Orchestre symphonique de Los Angeles,
il prend en main, de 1936 à 1952, l’Orchestre de San Francisco. Il se consacre de
plus en plus à l’enseignement dans l’école
de direction d’orchestre qu’il fonde en
1941 à Hancock, dans le Maine. Il dirige
encore la saison 1953-54 du Met et signe
en 1961 un contrat de vingt-cinq ans avec
l’Orchestre symphonique de Londres. En
1963, il dirige dans cette ville le Sacre du
printemps, qu’il avait créé cinquante ans
plus tôt à Paris : l’événement est à l’image
d’une carrière trop éloignée de son pays
natal.
Artisan rigoureux et passionné, Pierre
Monteux a joué la sobriété plutôt que l’effet, la clarté plutôt que la séduction. Ses
interprétations de Berlioz, de Stravinski
et de Brahms chantent avec une tendresse
inégalée.
MONTEVERDI (Claudio), compositeur
italien (Crémone 1567 - Venise 1643).
Fils d’un médecin crémonais, Monteverdi
est initié à la musique, ainsi d’ailleurs que
son frère cadet Giulio Cesare, dès son
plus jeune âge, puis reçoit l’enseignement
d’un maître réputé, Marcantonio Ingegneri, l’un des premiers polyphonistes
de son temps. Remarquable pédagogue,
Ingegneri sait donner une formation complète à l’adolescent, au point que, en 1582,
Monteverdi publie son premier opus, un
recueil de vingt motets à trois voix, les
Sacrae Cantiunculae, suivi des Madrigali
spirituali à quatre voix (1583) et des Canzonette d’amore a tre voci (1584).
En 1587, le Premier Livre de madrigaux
à cinq voix marque le véritable début de la
carrière publique du musicien, s’agissant
de la première oeuvre qui ne se ressent
plus de l’influence d’Ingegneri, mais laisse
parler un style entièrement personnel.
Trois ans plus tard, le Deuxième Livre
de madrigaux apporte au musicien un
début de notoriété. Grâce à la protection
d’un noble milanais, le seigneur Ricciardi,
Monteverdi peut obtenir un poste de
joueur de viole à la cour du duc de Mantoue, Vincenzo Gonzague. Il trouve là un
maître exigeant et imprévisible, mais aussi
un milieu très favorable à la musique.
Malgré un maigre salaire, il participe activement au travail de la chapelle ducale et
s’y fait un noyau d’amis sincères comme
le conseiller Striggio (qui sera le librettiste
de son Orfeo).
En 1592, nouveau succès avec le Troisième Livre de madrigaux. Troublée par
un intermède militaire durant lequel il
accompagne son maître parti servir l’empereur Rodolphe II contre l’envahisseur
turc puis par un voyage en Flandre, son
existence à Mantoue le met en contact
avec les premiers musiciens de l’époque
et, en particulier, avec le mouvement des
Cameratas florentines, d’où naîtra l’opéra.
À la mort du Flamand Jacques de
Werth, c’est le médiocre Pallavicino qui
est nommé maître de la chapelle ducale :
en fait, la direction en est assumée par
Monteverdi. Marié à Claudia Cattaneo,
fille d’un musicien du duc, le compositeur
mène une vie rendue difficile par les soucis
matériels et les besoins d’argent.
En 1600, il assiste à la création de l’Euridice de Peri, premier mélodrame connu,
et doit soutenir une polémique avec le
chanoine Artusi qui critiquait âprement
les modernismes de son style de madrigaliste. À la mort de Pallavicino, il est
enfin nommé maître de la chapelle ducale
et publie en 1603 son Quatrième Livre de
madrigaux à cinq voix où, pour la première
fois, il propose aux interprètes l’accompagnement d’une basse continue. Le succès
rencontré par ce recueil est grand, mais sa
situation matérielle demeure mauvaise et
sa femme ne se remet pas de la naissance
d’un second enfant. En 1605, la publication du Cinquième Livre de madrigaux est
accompagnée d’une préface qui répond
d’une manière définitive aux attaques
d’Artusi et précise l’esthétique de la « seconde pratique », fondement de ce que
doit être la musique nouvelle.
Puis, à la demande du duc Vincenzo,
il écrit son premier drame lyrique, Orfeo,
représenté en février 1607 à Mantoue.
L’ouvrage remporte un succès retentissant et du même coup impose Monteverdi
comme le premier musicien dramatique
de son temps. Malgré la mort de Claudia,
survenue en septembre 1607, Monteverdi
entreprend, toujours à la demande de
son maître, la composition d’un nouvel
opéra (ou plutôt d’un dramma per musica,
comme on disait alors) : Arianna, qui est
représentée, en mai 1608, au mariage du
fils aîné du duc, Francesco Gonzague.
Complétée par deux autres ouvrages lyriques, (Il Ballo delle ingrate et L’Idropica),
Arianna confirme le succès d’Orfeo et la
maîtrise de Monteverdi dans l’utilisation
du stile nuovo, c’est-à-dire du récitatif et
de la déclamation accompagnée.
Pourtant, l’avarice du duc n’apporte
toujours pas l’aisance matérielle au musicien. Soucieux d’assurer son avenir, Monteverdi écrit une Messe et des Vêpres de la
Sainte Vierge, qu’il offre lui-même, dans
l’espoir d’une charge, au pape Paul V, en
1610. Déçu, là aussi, dans ses espoirs, il
retourne résigné à Mantoue, jusqu’à la
mort du duc Vincenzo, survenue en février 1612, mais ne peut s’entendre avec
son successeur, le duc Francesco, brutal et
emporté, qui licencie sa chapelle quelques
mois plus tard.
Revenu dans sa ville natale avec, pour
tout bagage, « vingt écus après vingt et un
ans de service », Monteverdi ne tarde pas
à briguer la charge, glorieuse entre toutes
et laissée vacante à la mort de Martinengo,
de maître de chapelle à Saint-Marc de
Venise. Désigné par les Seigneurs Procurateurs en août 1613, il entre en fonctions presque immédiatement, heureux
de connaître enfin, à quarante-six ans,
l’aisance matérielle avec la célébrité.
À Saint-Marc, il commande à une maîtrise très importante (l’une des premières
d’Europe), mais est également sollicité
par de nombreux services et commandes
privés. Témoins de ces années fécondes :
le Sixième Livre de madrigaux, publié en
1614, mais, en fait, écrit tout à la fin du
séjour à Mantoue, et le Septième Livre de
1619, un recueil essentiel où le musicien
abandonne la stricte écriture madrigalesque pour se faire le champion de la monodie expressive (La Lettera amorosa) et
du style concertant. Puis, toute une série
d’ouvrages malheureusement perdus,
comme le Requiem de 1621 qui semble
avoir beaucoup impressionné les contemporains.
En 1624, nouveau chef-d’oeuvre : le
Combat de Tancrède et Clorinde, que Monteverdi écrit pour le chevalier Mocenigo,
noble vénitien, « comme passe-temps en
veillée de Carnaval ». Le musicien est à
présent célèbre jusqu’en Allemagne, et
en 1628 c’est à lui que s’adresse Heinrich
Schütz, soucieux de se familiariser avec
le nouveau style vocal et dramatique de
l’école italienne.
Les soucis et les deuils l’éprouvent
pourtant à nouveau dans sa vie familiale.
Il doit ainsi tirer son fils Massimiliano,
compromis dans une affaire de sciences
occultes, des prisons du Saint-Office. Puis,
en 1631, lors de la grande épidémie de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
670
peste qui ravage Venise, il a la douleur de
perdre son fils Francesco, qui appartenait
à la chapelle de Saint-Marc. Et sans doute,
ces chagrins ne sont pas étrangers à sa décision d’entrer dans les ordres en 1632. De
grandes oeuvres témoignent cependant
dans le même temps de la constance de
son inspiration. Outre une Proserpina
rapita écrite à nouveau pour le seigneur
Mocenigo en 1630, il compose à la fin de
l’épidémie de 1631 une Messe d’action de
grâces dont l’admirable Gloria à sept voix
nous a été conservé. Puis, en 1632, il publie
un recueil de Scherzi musicali dans le style
récitatif et, six ans plus tard, le Huitième
Livre de madrigaux guerriers et amoureux,
parfaite synthèse de musique profane où
polyphonie, déclamation lyrique et langage concertant se fondent en une suite de
pages superbes qui sont autant de scènes
d’opéra.
Précisément, c’est le théâtre lyrique
qui reste la grande préoccupation du
vieux maître, jusqu’à sa mort survenue à
soixante-seize ans. Et le Retour d’Ulysse
dans sa patrie (1640) comme le Couronnement de Poppée (1642), même au cas
où ils ne seraient pas entièrement de lui,
témoignent génialement de cet intérêt
persistant, le Couronnement de Poppée surtout, modèle d’opéra historique et réaliste
où drame et humour interfèrent dans une
ambiance quasi shakespearienne. Monteverdi y atteint à une perfection expressive
et formelle qui n’a jamais été surpassée
depuis. Tout comme dans ses dernières
oeuvres religieuses (le monumental recueil
de la Selva morale e spirituale de 1641, puis
l’édition posthume de la Messa a quattro
voci e Salmi, en 1650) qui « ne cessent de
parler à l’homme, tout en s’adressant à
Dieu ».
« Ariane m’émouvait parce que c’était
une femme, et Orphée m’incitait à pleurer
parce que c’était un homme et non pas le
vent. » Cet aveu de Monteverdi, clé de sa
poétique musicale, indique que, chez lui,
l’émotion commande toujours à l’imagination (à ceci près qu’elle ne cesse d’être
contrôlée par une esthétique exigeante).
L’autre composante du musicien est
sa modernité, trait que lui reconnaissaient déjà ses contemporains et dont
témoigne la théâtralité d’une oeuvre qui
invite toujours l’auditeur à suivre le cours
de quelque représentation scénique, ne
serait-ce que par la pensée, et qui fait passer le souffle de la vie avec la vérité des
sentiments (« car », précise-t-il dans sa fameuse réponse à Artusi, « le compositeur
moderne bâtit ses oeuvres en les fondant
sur le vrai »).
Compositeur moderne, expressif et réaliste, Monteverdi l’est donc à chaque étape
de sa production et dans tous les genres
qu’il a abordés, du madrigal au drame
lyrique.
Le madrigaliste d’abord, qui se libère
progressivement des strictes règles d’écriture pour annexer, à partir du Cinquième
Livre, toutes les conquêtes de la « seconde
pratique » (sans verser cependant dans
les stravaganze harmoniques chères à Gesualdo). Et qui oeuvre ainsi au mariage de
toutes les techniques de chant connues,
de la polyphonie à l’opéra, dans le jaillissement exemplaire du Huitième Livre,
triomphe du genre « représentatif » et
miroir profond des passions humaines, où
théâtre et musique s’interpénètrent continuellement.
Le musicien religieux ensuite, qui suit
pratiquement le même parcours, partant
des modes ecclésiastiques et du style osservato pour devenir le champion de la nouvelle manière dans la fastueuse liturgie du
Vespro, qui fait voler en éclats la tradition
et où passe le souvenir d’Orfeo avec son
riche orchestre.
Le musicien lyrique enfin, qui n’a pas
créé l’opéra à partir de rien (comme on
a pu l’écrire trop souvent, dans le passé),
mais qui, au contraire, a su profiter au
maximum des essais des mélodramatistes - qui pensaient retrouver les secrets
de la tragédie grecque par la monodie pour atteindre d’emblée, avec Orfeo, à un
équilibre miraculeux entre la magie du
chant et les nécessités du verbe. Dans les
trois cas, Monteverdi apparaît comme l’un
des génies les plus inventifs de l’histoire
musicale, comme l’un des plus actuels et
présents à notre époque, et aussi comme
un grand humaniste, épris de dignité et de
liberté, le premier sans doute à avoir compris que pour être investie d’un pouvoir
dramatique exemplaire, la musique devait
être totalement rendue au monde des sentiments et se faire la servante inconditionnelle de la parole.
MONTRE.
Jeu d’orgue de la famille des principaux,
dont tout ou partie de la tuyauterie se
trouve placé en façade, ou « en montre ».
Cette disposition en privilégie la puissance sonore sur tous les autres jeux de
fond. Les grands instruments disposent,
outre une montre de 8 pieds, sonnant à
l’unisson de la voix, d’une montre de 16
pieds, sinon même de 32 pieds ; quant
au buffet de positif, plus petit, il est doté
d’une montre de 4 pieds. L’ensemble des
tuyaux ainsi montrés à l’auditoire prend
le nom générique de montre. Mais les dispositions prévues par les architectes ou
constructeurs de certains buffets d’orgue
imposent parfois de placer en façade des
tuyaux factices ; on leur donne alors, par
dérision, le sobriquet de « chanoines ».
MONUMENT, ÉDITION MONUMENTALE.
En musicologie, publication d’oeuvres
musicales dotée d’un apparat critique, se
référant aux sources (manuscrit, première
édition). Le terme « monument » est apparu dans cette acception au XIXe siècle
lors de la redécouverte des « monuments
de la culture », et qualifie donc la valeur
des oeuvres et non le volume de l’édition.
Il existe deux types d’éditions monumentales, selon qu’elles se présentent
sous forme de collection consacrée à une
époque ou à un genre donné (par exemple,
Corpus mensurabilis musicae, Denkmäler
deutscher Tonkunst, Musica Britannica,
etc.), ou sous forme d’édition intégrale des
oeuvres d’un auteur (par exemple, Neue
Bach Ausgabe, Joseph Haydn Werke, New
Berlioz Edition, etc.).
MOORE (Gerald), pianiste anglais (Watford 1899 - Penn, Buckinghamshire,
1987).
Il fut l’élève du pianiste M. Hambourg à
l’université de Toronto. Il regagna l’Angleterre en 1919. Une première tournée
au Canada préluda à une carrière entièrement consacrée à l’accompagnement des
plus grands instrumentistes et chanteurs
de son temps : Y. Menuhin, E. Feuermann,
E. Schumann, E. Schwarzkopf, H. Hotter,
D. Fischer-Dieskau. Il a donné ses lettres
de noblesse à une discipline jusque-là
méprisée. Par sa compréhension intuitive
des textes et la beauté de son legato, il est
devenu le partenaire idéal convoité par les
plus grands. Son activité de concertiste
(interrompue en 1967) s’est doublée et
prolongée de cours et de conférences sur
l’art de l’accompagnement donnés dans
le monde entier. Il en a recueilli l’essentiel en deux ouvrages : The Unashamed
Accompanist (Londres, 1943) et Singer
and Accompanist : the Performance of 50
Songs (Londres, 1953). Il a également écrit
ses mémoires, Am I too loud ? Memoirs of
an Accompanist (New York, 1962), et The
Schubert Song Cycles (Londres, 1975).
MOOSER (R. Aloys), musicologue et critique musical suisse (Genève 1876 - id.
1969).
Descendant d’une grande famille de facteurs d’orgues suisses par son père, et de
mère russe, il étudie l’orgue avec Otto
Barblan à Genève, puis part à Saint-Pétersbourg en 1896. Organiste titulaire de
l’Église réformée française durant tout son
séjour (1896-1909), il étudie la composition avec Balakirev et l’orchestration avec
Rimski-Korsakov, tout en étant critique
musical au Journal de Saint-Pétersbourg,
périodique français. De retour à Genève
en 1909, il est critique musical au quotidien la Suisse (jusqu’en 1962) et crée en
1915 les Auditions du jeudi, consacrées à
la musique contemporaine, qu’il anime
jusqu’en 1921. Il continue à exprimer son
intérêt pour la musique moderne dans la
revue musicale indépendante Dissonances,
qu’il fonde en 1923 et édite jusqu’en
1946. Dans ce périodique et dans une série
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
671
de publications (Regards sur la musique
contemporaine, 1921-1946 ; Panorama de
la musique contemporaine, 1947-1953 ;
Aspects de la musique contemporaine,
1953-1957 ; Visage de la musique contemporaine, 1957-1961), il affirme ses opinions sur la musique de son temps, et son
témoignage est encore, à l’heure actuelle,
très précieux. Opposé, en général, aux
expériences dodécaphoniques et sérielles
auxquelles il préfère un genre plus traditionnel (A. Honegger, F. Martin), il admet
néanmoins l’importance de compositeurs
comme Berg et Webern, et reste ouvert à
tous les courants. Il a, en outre, grandement contribué à notre connaissance de
la diffusion de la musique européenne en
Russie au XVIIIe siècle.
MORAGUÈS (Pascal), clarinettiste français (Paris 1963).
Titulaire en 1979 d’un premier prix de
basson au Conservatoire de Paris, il entre
en 1981 à l’Orchestre de Paris, où il est, à
dix-huit ans, supersoliste. Parallèlement,
il donne des récitals, joue en formation de
musique de chambre, fonde un quintette
à vents avec ses frères et se produit également avec les Quatuors Ysaÿe, Talich,
Fine Arts ainsi qu’avec les pianistes S.
Richter, J.-F. Heisser, C. Zacharias, etc.
MORALES (Cristobal de), compositeur
espagnol (Séville v. 1500 - Málaga ou
Marchena 1553).
Il fit ses études à Séville (Escobar, Fernandez de Castilleja, Peñalosa, Guerrero) et
fut enfant de choeur à la cathédrale. Il fut
maître de chapelle à Ávila (1526-1528),
puis à Plasencia et Salamanque. Admis
comme chanteur à la chapelle pontificale
à Rome (1535) et protégé du pape Paul III,
il composa des messes et des motets qui
lui assurèrent rapidement la célébrité et
que les éditeurs se partagèrent entre Venise, Milan, Rome, Anvers, Nuremberg,
Augsbourg, Wittenberg et Lyon. Sa cantate Jubilate Deo omnis terra, commande
de Paul III pour la trêve conclue entre
Charles Quint et François Ier, fut chantée à Nice en 1538, et il écrivit un motet
pour le cardinalat d’Hippolyte d’Este, à
Rome en 1539. De retour en Espagne
(1545), il fut nommé maître de chapelle
de la cathédrale de Tolède (1545), puis
du duc d’Arcos (1548) et de la cathédrale
de Málaga (1551). Cette brillante carrière
qui lui avait valu une renommée internationale devait s’achever dans la tristesse
des humiliations et de la misère, alors que
sa gloire ne cessait de s’étendre jusqu’au
Nouveau Monde (une messe de Morales
y fut la première polyphonie imprimée).
Chef de l’école andalouse, humaniste
distingué et le plus grand maître de la
musique sacrée précédant la génération
de Victoria, Morales unit la richesse d’une
écriture polyphonique digne de Palestrina à la justesse de l’expression, dans un
esprit profondément religieux, même si
les thèmes de ses messes sont empruntés
à des mélodies profanes (l’Homme armé)
et si les textes de ses motets sont d’un ton
dramatique dont il peut accuser le relief
par des effets harmoniques particulièrement audacieux.
MORDANT.
Gruppetto extrêmement rapide et réduit à
deux notes précédant la note principale.
Le mordant peut être supérieur (do-rédo) ou inférieur (do-si-do).
MOREAU (Jean-Baptiste), compositeur
français (Angers 1656 - Paris 1733).
Il fit ses études musicales à la maîtrise
d’Angers. En 1682-83 il fut maître de chapelle à la cathédrale de Langres (où il eut
comme élève Michel Pignolet de Montéclair), puis à Dijon (1683-1686). En 1686,
il fut introduit à la cour par la dauphine
Victoire de Bavière, et attaché à la musique personnelle de Louis XIV. À cette
date, il avait déjà composé des motets, des
psaumes, un requiem et une Idylle sur la
naissance de Notre-Seigneur. En 1687, à la
commande du roi, il écrivit un divertissement de cour, les Bergers de Marly. Le
succès lui valut d’être nommé professeur
de musique à l’école de Saint-Cyr, que
dirigeait Mme de Maintenon. Il y fit la
connaissance de Racine, à qui son nom
reste associé comme ceux de Lully et de
Charpentier à Molière. Il mit en musique
trois Cantiques de Racine, avant d’écrire
les choeurs de la tragédie Esther, qui fut
créée à Saint-Cyr en 1689 en présence du
roi. Racine écrivit que « ces chants ont
fait l’un des plus grands agréments de la
pièce ». Il commanda ensuite à Moreau les
choeurs d’Athalie (1691), qui n’atteignent
toutefois pas à la qualité de ceux d’Esther.
Moreau écrivit encore les choeurs de deux
tragédies de l’abbé Boyer, Jephté (1692)
et Judith (perdu, 1695), avant de partir
comme intendant de la musique des États
du Languedoc. Revenu à Saint-Cyr, il écrivit les musiques de scène de trois tragédies de Duché de Vancy : Jonathas (1700,
perdu), Absalon (1702) et Debora (1706).
Il fut à partir de 1700 un professeur de
composition et de chant fort réputé, et eut
parmi ses élèves Jean-François Dandrieu
et Clérambault.
MORESCA.
Danse espagnole d’origine mauresque,
c’est-à-dire arabe.
Sans rythme déterminé, elle fut très
en faveur à l’époque de la Renaissance,
jusqu’en Italie où l’opéra l’annexa pour
servir de conclusion aux intermèdes
chantés. La dernière pièce d’Orfeo de Cl.
Monteverdi (1607) est une brillante « moresca ».
MORESCHI (Alessandro), castrat italien
(Montecompatri, près de Rome, 1858 Rome 1922).
Dernier grand castrat connu, surnommé
« l’ange de Rome », il chanta à la chapelle
Sixtine de 1883 à 1913. On a de lui des
enregistrements datant de 1902.
MORIN (Jean-Baptiste), compositeur
français (Orléans 1677 - Paris 1745).
Il fit ses études musicales à Orléans, à la
maîtrise de l’église Saint-Aignan où il fut
un temps organiste. Puis il entra dans la
musique de Philippe d’Orléans et, en 1715,
fut nommé maître de chapelle de l’abbesse
de Chelles, fille du régent de France. Il
écrivit des Motets à une et deux voix et
basse continue, publiés en deux livres
(1704, 1709). Il fut le premier en France
à écrire un grand nombre de cantates,
les premiers exemples du premier livre
(1706) étant très inspirés de l’art italien. Il
jeta ensuite les bases de la cantate typiquement française, élégante et dépourvue de
sentiments violents, une forme mineure
certes, mais qui offrait aux compositeurs
un terrain d’essai où ils pouvaient s’exprimer plus librement tout en s’efforçant de
réunir les deux goûts. Deux autres livres
de cantates françaises, à une ou deux voix
et avec ou sans symphonie, parurent en
1707 et 1712. Son oeuvre la plus célèbre
est restée la Chasse du cerf, divertissement
pour solos, choeur à 3 voix et basse continue, créé à Fontainebleau en 1709.
MORLEY (Thomas), compositeur anglais
(Norwich 1557 ou 1558 - Londres 1602).
Également théoricien et éditeur, il fut le
plus influent, et le plus marqué par l’Italie,
de tous les madrigalistes anglais de la fin
du XVIe siècle et du début du XVIIe. Choriste à Norwich, élève de William Byrd,
diplômé d’Oxford (1588), il devint (sans
doute en 1591) organiste à Saint-Paul de
Londres, et en 1592 fut fait gentilhomme
de la chapelle royale. En 1598, il obtint
le monopole de l’édition musicale. Ses
oeuvres les plus anciennes (1576) sont
deux motets, Domine, Dominus noster et
Domine, non exaltatum cor meum. Il écrivit
aussi de la musique religieuse anglicane et
de la musique pour clavier influencée par
Byrd, mais c’est comme madrigaliste qu’il
atteignit le tout premier rang.
Musicien brillant, il ne parvint jamais
à la profondeur d’un Byrd, ni à la mélancolie d’un Weelkes, mais resta sans rival
dans le madrigal léger. Il introduisit le
style italien en Angleterre non seulement
comme compositeur, mais comme traducteur, comme arrangeur, et même comme
propagandiste. Il édita par exemple deux
anthologies de musique italienne (1597
et 1598), ainsi que des arrangements de
Canzonette de Felice Anerio et de Balletti de Giovanni Gastoldi. De même, A
Plaine and Easie Introduction to Practicall
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
672
Musicke (1597) apparaît à la fois comme
l’un des plus importants ouvrages de théorie musicale en langue anglaise et comme
une oeuvre de propagande en faveur de la
musique italienne.
Sans doute Morley connut-il Shakespeare, car deux de ses Ayres font appel
à des textes du dramaturge : O Mistress
mine (Twelfth Night) et It was a Lover and
his Lass (As you like it). De 1593 à 1601
parurent de lui onze publications parmi
lesquelles Canzonets to 3 Voices (1593),
Canzonets to 2 Voices (1595), Madrigals
to 4 Voices (1595), première publication
anglaise à porter explicitement le titre de
« madrigaux », Canzonets to 5 and 6 Voices
(1597), et Ballets to 5 Voices (1600). Citons
également The First Book of Ayres (1600),
avec luth et basse de viole et dont les 21
pièces sont suivies d’une pavane et d’une
gaillarde, et The First Book of Consort
Lessons (1599), magnifique recueil de 23
pièces (toutes ne sont pas de lui) pour
luth, guitare basse, cistre, flûte à bec basse
et dessus et basse de viole. Morley fut
également à l’origine de The Triumphes of
Oriana (1601), recueil de madrigaux (dont
deux de lui) de 23 compositeurs différents
destiné à honorer aussi bien la reine Élisabeth que le genre musical dont il s’était
fait le champion.
MORONEY (Davitt), claveciniste anglais
(Leicester 1950).
Il fait ses études au King’s College de
Londres auprès de Thurston Dart et se
perfectionne ensuite auprès de Gustav
Leonhardt et Kenneth Gilbert. Doté d’une
bourse du gouvernement américain, il
part en 1975 pour l’université de Berkeley
(Californie). À partir du début des années
80, il commence une véritable carrière de
soliste, se produisant fréquemment en
France, en particulier. Très intéressé par
l’oeuvre de clavier de J. S. Bach, il propose
une nouvelle édition de l’Art de la fugue
et de l’Offrande musicale. Ses enregistrements des pièces pour clavecin de Louis
Couperin et de celles de William Byrd
rencontrent un vif succès. Son enregistrement de l’intégrale des pièces d’orgue
retrouvées de Louis Couperin a été couronné en 1996 par l’Académie CharlesCros.
MORRIS DANCE.
Danse folklorique anglaise qui faisait partie autrefois des processions et autres fêtes
célébrant le mois de mai.
Les « morris dancers », incarnant des
personnages légendaires tels que Robin
des Bois, se distinguaient par des costumes
où abondaient rubans et grelots. Il semble
que le terme « morris » soit une simple
déformation de l’espagnol « moresca »,
désignant une danse d’origine mauresque.
MORTELMANS (Lodewijk), compositeur
belge (Anvers 1868 - id. 1952).
Il fit ses études à Anvers (Blockx et
Benoît), et obtint le prix de Rome belge
(1893, cantate Lady Macbeth). Professeur
de fugue et contrepoint au conservatoire
d’Anvers (1902), il fut directeur du même
conservatoire (1924 à 1933), puis directeur et chef d’orchestre des Nouveaux
Concerts d’Anvers. L’un des meilleurs
disciples de Peter Benoît comme représentant de la musique flamande, il a particulièrement réussi le lied dans une nuance
de recueillement fervent. On lui doit également des pages orchestrales d’une solide
facture néoromantique. Son fils Ivo-Oscar (Anvers 1901), professeur de théorie
musicale au conservatoire d’Anvers, chef
d’orchestre et critique musical, est l’auteur
de 2 opéras dont De Krekel en de mier, d’un
oratorio (Lutgart), de pages orchestrales et
de musique de chambre.
MORTENSEN (Finn), compositeur norvégien (Oslo 1922 - id. 1983).
Cet élève de Klaus Egge et Niels Viggo
Bentzon est l’un des représentants de la
tendance moderniste de la musique norvégienne. Son langage allie certains idiomatismes néoclassiques et les techniques
sérielles. Parmi ses oeuvres, il faut retenir
la Fantaisie pour piano et orchestre op. 27
(1965-66), le Quintette pour vents op. 4
(1951), la Sonate pour 2 pianos (1964) et
la Symphonie op. 5 (1953).
MORTHENSON (Jan W.), compositeur
suédois (Örnsköldsvik 1940).
Élève de I. Lidholm, M. Koenig et M.
Deutsch, il est un intéressant expérimentateur dans le domaine de la matière
sonore, et s’intéresse particulièrement au
« temps musical » (Pour Madame Bovary,
1962 ; Coloratura II, 1962, III, 1962-63,
et IV, 1964). Depuis 1963, il se consacre
à la musique électroacoustique (Epsilon
Eridami, 1967 ; Ionosphère et Zéro, 1969)
avec de fréquents mélanges vocaux
(Chairs Mirror, 1961) ou instrumentaux
(Unisono, 1974).
MORTON (Robert), compositeur anglais
( ? v. 1430 - ? 1476 ou plus tard).
Seul un document de la cour de Bourgogne le désigne comme anglais et aucune
des rares informations que nous possédons sur sa vie ne permet d’affirmer sa
présence en Angleterre à une époque donnée. Il fut chantre à la chapelle du duc de
Bourgogne où il servit d’abord Philippe
le Bon de 1457 à 1467, puis Charles le
Téméraire de 1467 à 1475, qui le nomma
chapelain vers 1471-72. On ne conserve
de lui que de la musique profane et huit
rondeaux seulement lui appartiennent de
source sûre. Un certain nombre de pièces
sont d’attribution douteuse, parmi lesquelles deux ballades et un « Motectus ».
Toutes ces pièces sont à trois voix.
MOSCHELES (Ignaz), pianiste, compositeur et chef d’orchestre allemand
(Prague 1794 - Leipzig 1870).
Élève à Prague de Dionys Weber, puis à
Vienne d’Albrechts berger et de Salieri,
il résida surtout dans cette ville de 1808
à 1820, réussissant finalement à approcher Beethoven, qui en 1814 le chargea de
réduire pour piano la version définitive
de Fidelio. Après avoir fait à Berlin, lors
d’une de ses tournées comme pianiste, la
connaissance de Mendelssohn (1824), il
vécut à Londres pendant vingt ans (18261846), y jouant un grand rôle comme
professeur et comme organisateur de
concerts. C’est à lui que le 18 mars 1827,
une semaine avant sa mort et en remerciement d’une aide financière venue de la Société philharmonique de Londres, Beethoven adressa sa dernière lettre. Il termina
sa vie à Leipzig, où Mendelssohn l’appela
en 1846 pour diriger l’enseignement du
piano au conservatoire.
Son vaste catalogue (environ 150 numéros d’opus) est dominé par le piano
mais non limité à lui. L’époque anglaise
est surtout celle des concertos pour piano
(huit de 1819 à 1838), des études pour
piano et de diverses pages d’orchestre
dont une symphonie en ut (1829). De la
période de Leipzig datent presque tous
les lieder. Certaines Études rejoignent
curieusement Schumann (opus 95 nos 4
et 6) et même Brahms (opus 70 no 5). Il
fut considéré par le critique Hanslick à la
fois comme « un des derniers représentants de l’ancienne virtuosité » et comme
« le début d’une nouvelle époque », et par
Schumann comme se situant « au premier
rang des compositeurs contemporains
pour piano ».
MOSER, famille de musiciens allemands.
Andreas, violoniste, pédagogue et théoricien (Semlin, près de Belgrade, 1859 Berlin 1925). En 1878, il abandonne ses
études d’ingénieur et d’architecte pour
étudier le violon à Berlin avec Joseph Joachim. Par suite d’une blessure au bras,
il est obligé d’interrompre en 1883 la
carrière de chef d’orchestre qu’il venait
d’entamer à Mannheim, et se consacre
alors à l’enseignement. À partir de 1888,
il exerce à la Musikhochschule de Berlin
où il est nommé professeur en 1900, et y
reste jusqu’à sa mort. Professeur de violon réputé, il fut profondément influencé
par son maître, non seulement dans sa
pédagogie, mais aussi dans ses écrits théoriques : Methodik des Violinspiels (1920),
Geschichte des Violinspiels (1923), Technik
des Violinspiels (1925) et surtout Violinschule, publié en 1905 en collaboration avec
son ancien professeur. Il édita par ailleurs
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
673
la correspondance de Joachim (1911), en
particulier celle du maître avec Brahms
(1908), et écrivit sa biographie (Joseph Joachim, 1898).
Hans Joachim, musicologue, fils du précédent (Berlin 1889 - id. 1967). Il reçoit
une éducation très complète, étudiant
notamment la musique aux universités
de Marburg, Leipzig et Berlin, où il travaille successivement avec Schiedermair,
Riemann, Schering, Kretzschmar et Wolf,
tout en suivant des cours de composition
et de chant. Il obtient son doctorat à l’université de Rostock en 1910 et commence
à enseigner après la guerre, d’abord à
l’université de Halle à partir de 1919,
puis à l’université de Heidelberg (1925) et
enfin à l’université de Berlin (1927-1934).
Il dirige en outre la Staatliche Akademie
für Kirchen und Schulmusik. Mis à la
retraite en 1934 par le nouveau gouvernement, il s’occupe pendant la guerre de
la Reichsstelle für Musikbearbeitung. Il
reprend ses cours en 1947 à Iéna et Weimar, puis revient se fixer à Berlin en 1950
où il dirige le conservatoire jusqu’en 1960.
Ses recherches et publications sont essentiellement consacrées à la musique allemande. Il a écrit notamment des ouvrages
de caractère général (Geschichte der deutschen Musik, 1920-1924, éd. augm. 1968 ;
Musiklexikon, 1932-1935 ; 4e éd. 1955,
suppl. 1963 ; Kleine deutsche Musikgeschichte, 1938 ; 3e éd. 1949 ; Die Musikleistung der deutschen Stämme, 1954), de
nombreuses biographies de musiciens
allemands (P. Hofhaimer, Bach, Schütz,
Gluck, Weber, Haendel, Buxtehude...),
et s’est spécialisé dans la musique sacrée
(Die mehrstimmige Vertonung des Evangeliums, 1931, rééd. 1968 ; Die evangelische
Kirchenmusik in Deutschland, 1953) et
la musique vocale, en particulier le lied
(Technik der deutschen Gesangkunst, 1911,
avec O. Noë ; Die Ballade, 1930 ; Die Melodien der Luther-Lieder, 1935 ; Das deutsche
Lied seit Mozart, 1937, 2e éd. révisée 1968 ;
Das deutsche Volkslied in der Kunstmusik, in Hausmusik, 1954). Son oeuvre se
caractérise par une grande originalité
de conception et de style, et un sens de
l’humour très prononcé (Der Humor in
der Musik, in Neues Musikblatt, 1941). Il
a en outre composé de nombreux lieder
et a édité plusieurs recueils de musique
allemande (lieder d’Adam von Fulda, J. P.
Krieger, Luther, anthologies de lieder et
ballades) ainsi que les oeuvres complètes
de Weber.
MOSER (Roland), compositeur suisse
(Berne 1943).
Il fit ses études au conservatoire de Berne
(1962-1966), puis à Fribourg (avec W.
Fortner) et au studio de musique électronique de Cologne. Il fut auditeur à
Darmstadt (1967-68), puis professeur
aux conservatoires de Winterthur et de
Lausanne, et membre de l’ensemble de
musique contemporaine Neue Horizonte.
Son oeuvre reflète l’influence de ce groupe
et de son leader, Urs Peter Schneider,
autant que celle de Webern, Feldman et
Donatoni. Elle comprend des pages instrumentales comme Pezzo pour flûte et
piano (1967), Ritornelle und Dialoge pour
8 instrumentistes (1968), Arbeit pour violoncelle et bande magnétique (1969-70),
Neigung pour quatuor à cordes (19691972), les Heinelieder (1970), des compositions pour bande magnétique comme
Stilleben mit glas (1970), et Ding pour
orchestre (1973).
MOSONYI (Mihály) [Michael Brand, dit],
compositeur hongrois (Boldogasszonyfálva, aujourd’hui Frauenkirchen, Autriche, 1815 - Pest 1870).
Descendant d’une famille d’immigrés allemands fixés dans le comtat de Wieselburg
ou Moson, d’où le nom hongrois qu’il se
choisit en 1859, il se fixe à Pest en 1842
et compose dans le style viennois classique. En 1856, il compose pour Liszt le
Graduel et l’Offertoire de la Messe d’Esztergom, dite Messe de Gran. Il se lie alors
avec Liszt et évolue vers une synthèse du
langage « hungarisant » d’époque et de
l’art wagnérien. Esprit analytique et formel, il est le premier à tenter d’organiser
et de bien définir « la manière hongroise »
en la défendant contre le cosmopolitisme
d’époque. Tête pensante de ses amis Erkel
et Liszt, il disparaît malheureusement trop
tôt pour jouer un véritable rôle doctrinaire.
MOSSOLOV (Alexandre Vassilievitch),
compositeur soviétique (Kiev 1900 -
Moscou 1973).
Étudiant au conservatoire de Moscou
(1921-1925), il fut l’élève de Glière et
Miaskovski pour la composition. Ses premières oeuvres sont marquées par un certain avant-gardisme occidental (essentiellement celui d’Hindemith et de Prokofiev)
qui lui assure la célébrité en 1927 avec
la Fonderie d’acier (ou Zavod), épisode
symphonique tiré d’un projet de ballet. Il
écrit là (cf. Honegger en 1923 avec Pacific
231) sur le plan sonore et rythmique, un
véritable hymne à la machine et en fait le
symbole de l’industrialisation soviétique
du premier plan quinquennal. Mossolov
est alors reconnu comme l’un des meilleurs représentants de la nouvelle Russie,
et deux de ses oeuvres sont programmées
aux festivals de la S. I. M. C. : un Quatuor
à cordes (Francfort, 1927), la Fonderie
d’acier (Liège, 1930). En 1936, il est accusé
de formalisme et exclu de l’Union des
compositeurs, qu’il réintègre par la suite
sans jamais retrouver une place significative.
MOTET (lat. : motulus, motettus, diminutif de motus, « texte »).
Genre de musique dont la définition a
beaucoup évolué.
Au Moyen Âge, le motet est d’abord
une voix de la polyphonie, puis l’ensemble
de la composition où figure cette voix. Le
motet médiéval est exclusivement polyphonique, et le terme se réfère principalement à la forme, de sorte qu’il s’applique
indifféremment à la musique religieuse
ou profane. À partir du XVIe siècle au
contraire, il se réfère principalement à sa
destination religieuse, et comme tel peut
faire appel aux formes les plus diverses, y
compris monodiques.
1. Au sens premier, le terme motet désigne
un texte mis sur les parties vocalisées de
l’organum, et par extension la voix munie
de ce texte, avant de s’étendre à l’ensemble
de la composition. Ce sens a été longtemps
conservé, et jusqu’à la fin du XIVe siècle au
moins, on a continué à appeler motet, dans
une polyphonie, la partie située immédiatement au-dessus du ténor, de même que
triple et quadruple les voix situées au-dessus du motet, même quand cette numérotation ne correspondait plus à la réalité.
2. En tant que genre, le motet médiéval se
caractérise par l’indépendance rythmique
de chacune des voix, contrepointée à une
teneur (lat. tenor) d’abord préexistante
et d’origine liturgique, plus tard indifféremment profane ou religieuse et enfin
librement composée selon des règles assez
strictes.
À l’exception de la teneur, chaque voix
est munie d’un texte indépendant qui se
chante en même temps que les autres, de
sorte que chaque voix chante un texte différent. À partir du XIVe siècle, on adjoint
fréquemment à la teneur une contre teneur
(lat. contratenor, ou en abrégé contra) de
même style qu’elle, qui deviendra plus
tard le bassus ou partie de basse, repoussant le ténor dans la position qui est restée la sienne. Au XIIIe siècle se développe
un motet profane analogue au motet
religieux, et l’indépendance des voix s’accentue au point que l’on trouve souvent,
surtout à la fin du XIIIe siècle, une teneur
d’origine liturgique, une voix de motet latine de caractère moralisateur et un triple
vernaculaire profane et galant. À partir du
XVe siècle, le mélange des textes n’est plus
pratiqué qu’ exceptionnellement, le motet
profane tombe en désuétude, la différence
d’écriture entre teneur, contre-teneur et
les autres voix s’amenuise, et le motet
prend peu à peu l’acception qui restera la
sienne ensuite (voir 3.)
3. En perdant ses caractéristiques musicales formelles et une fois disparu le motet
profane, le motet finit par n’être plus
considéré que comme un morceau polyphonique religieux sans autre spécificité
que la liberté de ses paroles, généralement
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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latines dans l’usage catholique, indifféremment latines ou vernaculaires dans
l’usage protestant (motets de J.S. Bach), en
excluant celles textuellement empruntées
à l’Écriture sainte. Le terme s’est étendu
même aux chants monodiques répondant
à cet unique critère (par exemple O salutaris).
4. Au XVIIe siècle, une nouvelle extension de sens s’est manifestée à partir d’un
nouvel office, dit salut (ou bénédiction)
du Saint-Sacrement, consistant essen-
tiellement dans l’ostension de l’Hostie
et le chant de motets (au sens no 3), suivis du Tantum ergo, d’une bénédiction
silencieuse et d’un chant de sortie. Le
mot motet a alors désigné les morceaux
de musique exécutés à cette occasion,
quelle que soit l’origine des textes pourvu
qu’ils soient latins. Le motet pris dans ce
nouveau sens a connu une grande efflorescence à la cour de Versailles, où il
s’est divisé en deux grandes catégories,
selon le degré de solennité de l’office : le
petit motet, pour 1 à 3 solistes accompagnés par l’orgue (plus, éventuellement,
quelques instruments en petit nombre),
qui faisait entendre le texte d’un bout à
l’autre, avec peu de répétitions de paroles,
et le grand motet ou motet à grand choeur,
généralement consacré à un psaume ou
à un cantique de grande longueur, dont
chaque verset était traité individuellement
en faisant alterner solos, ensemble (duos,
trios, etc.) et choeurs, avec l’orgue et un
orchestre parfois important, incluant de
larges développements et de fréquentes
répétitions de paroles. Le maître du grand
motet versaillais a été M.-R. Delalande, et
le Magnificat de Bach est exactement traité
dans la forme du grand motet français.
MOTIF.
Terme de décoration transporté au
XIXe siècle dans le vocabulaire musical
comme synonyme de thème, mais quelquefois avec une acception plus analytique (on considère alors le motif comme
un groupement d’éléments plus courts ou
« cellules »).
Le mot a été surtout vulgarisé par
son composé allemand Leitmotiv (motif
conducteur) substitué par von Wolzogen,
l’un des premiers commentateurs de Wagner, au terme Grundthema (thème fondamental) qu’employait celui-ci.
MOTTL (Felix), chef d’orchestre et compositeur autrichien (Unter-St.
Veit, près de Vienne, 1856 - Munich 1911).
Il entra à la chapelle de la cour, puis au
conservatoire de Vienne, où il fut l’élève
d’A. Bruckner (théorie), O. Dessoff (composition) et J. Hellmesberger (direction
d’orchestre). Il fut en poste à Karlsruhe de
1881 à 1903, dirigea Tristan à Bayreuth en
1886, et en 1903 fut appelé comme directeur de la musique à Munich, où il devint
aussi directeur de l’Académie royale de
musique (1904) et de l’Opéra royal (1907).
C’est sous sa direction que furent donnés
pour la première fois intégralement à la
scène, en allemand, les Troyens de Berlioz
(1890, Karlsruhe). Il dirigea également la
première représentation, au Metropolitan
Opera de New York, de Parsifal de Wagner (1903).
MOULINIÉ ou MOULINIER OU MOLINIÉ, famille de musiciens français.
Antoine, chanteur (Languedoc, fin du
XVIe s. - Paris 1655). Il devint, en qualité de
basse-contre, « chanteur ordinaire de la
chambre du Roy » en 1619, et « officier de
musique de la Reyne » en 1634. Il jouit,
jusqu’à sa mort, d’une très grande renommée à la cour, ce qui lui permit d’aider son
frère au début de sa carrière.
Étienne, chanteur et compositeur, (Languedoc v. 1600 - id. apr. 1669). Frère cadet
du précédent, il est d’abord enfant de
choeur à la cathédrale de Narbonne, puis,
en 1624, rejoint son frère aîné à Paris. En
1628, il obtient le poste de « maître de
la musique » de Gaston d’Orléans, frère
du roi Louis XIII, qu’il conserve jusqu’à
la mort de son maître (1660). Il est en
outre, de 1634 à 1649, maître de musique
de sa fille, Mlle de Montpensier. Enfin, il
est nommé en 1661 « maître de musique
des Estats du Languedoc », position qu’il
occupera jusqu’à sa mort. Ces différents
postes ne l’empêchent pas de mener une
vie très active, enseignant, voyageant,
dirigeant et composant beaucoup. Il est
l’auteur d’un grand nombre d’airs de cour
(cinq livres avec tablature de luth et cinq
livres à 4 et 5 parties), parmi lesquels se
trouve sa musique de ballet (Ballet du
monde renversé, Ballet de Mademoiselle :
les Quatre Monarchies chrétiennes...) d’une
Missa pro defunctis à 5 voix et de pièces
sacrées contenues dans les Meslanges de
sujets chrétiens, cantiques, litanies et motets, de 2 à 5 voix avec basse continue.
Ses airs sont traditionnels, le plus souvent assez simples et syllabiques, mais
parfois d’une grande richesse mélodique
et rythmique, en particulier ses airs espagnols et italiens. Ils eurent un immense
succès à l’époque et subirent différentes
adaptations, y compris à l’étranger. Ils
servirent même de matériel thématique à
quelques chants sacrés (dans la Despouille
d’Égypte, 1629, et la Philomèle séraphique,
1632). Son style est assez différent dans
sa musique sacrée. Alors que sa Missa
pro defunctis est plutôt sobre et d’une
facture archaïque typique des messes du
XVIIe siècle, ses motets, par contre, représentent un changement dans son écriture
puisqu’il y utilise le style concertant et la
basse continue.
MOULU (Pierre), compositeur francoflamand ( ? v. 1480-1490 - ? v. 1550).
On ne sait rien de précis sur sa vie, mais
on peut déduire certaines de ses activités
de ses compositions. Il était actif au début
du siècle puisqu’il écrivit une déploration
sur la mort d’Anne de Bretagne (Fiere attropos mauldicte et inhumaine), décédée en
1514. En outre, le texte de quelques pièces
semble prouver l’appartenance de Pierre
Moulu à la chapelle royale, à Paris, dans
le premier quart du XVIe siècle. C’est en
particulier le cas du motet Mater floreat
florescat, écrit en l’honneur des grands
musiciens de France (Agricola, Busnois,
Compère, Dufay, de La Rue, Obrecht),
et dont une bonne partie est consacrée à
des musiciens du début du siècle (Brumel,
les frères Févin, Isaac, Mouton, Ninot le
Petit). La place privilégiée accordée à Josquin Des Prés peut donner raison à Ronsard, qui prétend que Pierre Moulu fut
élève du grand musicien dans sa dédicace
au Livre des meslanges (1560). Cette thèse
semble être corroborée par les emprunts
que Moulu a faits à Josquin (messe Missus
est Gabriel, par exemple) et par les similitudes de style entre les deux musiciens
(similitudes sensibles en particulier dans
la déploration déjà citée).
Moulu a écrit dans les trois genres de
l’époque : messes, motets et chansons.
Son écriture est assez conservatrice et se
caractérise par un style note contre note
fréquent et par de nombreux emprunts,
non seulement dans ses messes (messes
parodies), mais aussi dans ses chansons
qui puisent souvent dans le répertoire
populaire. Son oeuvre la plus célèbre est
la messe Alma redemptoris mater, écrite
de façon à pouvoir être exécutée telle
quelle, ou en omettant à toutes les voix
les silences supérieurs à la minime. La renommée de Moulu à l’époque est certaine,
car ses oeuvres furent publiées par Attaingnant, qui transcrivit pour orgue le motet
Sicut malus, dont s’inspira Palestrina dans
sa messe In illo tempore.
MOURADELI (Vano), compositeur soviétique (Gori, Géorgie, 1908 - Tomsk 1970).
Il fit ses études de composition et de direction d’orchestre au conservatoire de Tbilissi, puis se perfectionna à Moscou auprès
de Miaskovski (1934-l938). Il composa en
1947 l’opéra la Grande Amitié, qui déplut
à Staline. Les critiques qui s’ensuivirent
furent à l’origine de la célèbre campagne
« anti-formaliste » de 1948, qui atteignit
de nombreux compositeurs soviétiques
(tels Chostakovitch, Prokofiev, Khatchatourian). Son opéra Octobre (1962 ; créé
à Moscou, 1964) met en scène le personnage de Lénine. Une de ses mélodies est
restée particulièrement populaire : le Glas
de Buchenwald. Les oeuvres de Mouradeli
montrent son attachement à l’enseignement académique et au folklore géorgien.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
675
MOURET (Jean-Joseph), compositeur
français (Avignon 1682 - Charenton
1738).
Son père était violoniste amateur. Mouret fit ses études musicales à la maîtrise
de Notre-Dame-des-Doms à Avignon, où
Rameau fut organiste pendant quelques
mois en 1702. Arrivé à Paris en 1707,
Mouret devint maître de la musique
chez le maréchal de Noailles, et bientôt
surintendant de la musique à la cour de
Sceaux, chez Mme du Maine. Il participa
aux divertissements musicaux des Nuits
de Sceaux avec Marchand, Bernier et
Clin de Blamont (1714-15). En 1714, son
opéra les Festes ou le Triomphe de Thalie
fut représenté à l’Opéra avec succès. La
même année, Mouret y fut nommé chef
d’orchestre, poste qu’il occupa jusqu’en
1718. Il devint en 1716 directeur de la
musique au Théâtre-Italien, qui venait
de rouvrir ses portes. En 1720, il entra
comme chantre à la Chambre du roi. En
1722, il fut chargé d’organiser les fêtes
musicales pour le couronnement de Louis
XV. De 1728 à 1731, il fut directeur du
Concert spirituel des Tuileries. Malgré
cette carrière bien remplie, Mouret mourut dans la misère et la folie chez les pères
de la Charité à Charenton.
Ses oeuvres, de tradition française, ont
connu des fortunes diverses : échec pour
la tragédie Ariane et le ballet les Grâces ;
succès pour les Festes et pour les ballets les
Amours des dieux et le Triomphe des sens.
Surnommé le « musicien des grâces »,
Mouret représente, entre Lully et Rameau,
une musique plus divertissante, marquée
par une recherche de la synthèse entre les
goûts français et italien, qui s’exprime en
particulier dans ses nombreux Divertissements pour le Théâtre-Italien. Il excella
dans les Airs sérieux et à boire, ainsi que
dans les cantates et les cantatilles, à l’instar
de son contemporain Campra.
MOUSSORGSKI (Modeste), compositeur
russe (Karevo 1839 - Saint-Pétersbourg
1881).
Il naît dans une « bonne famille » de petits
propriétaires terriens (sa grand-mère était
serve). Sa mère, musicienne, lui donne ses
premières leçons de piano (qu’il continuera d’apprendre à Saint-Pétersbourg
avec Anton Herke), et sa nourrice le berce
de contes populaires. Ainsi boit-il d’emblée à deux sources : celle de la culture
musicale occidentale, et celle du génie
populaire russe.
À neuf ans, il est assez bon pianiste
pour jouer en public un concerto de Field.
Élevé « à l’européenne » dans une école
de Saint-Pétersbourg dirigée par des Allemands, il entre ensuite à l’École militaire,
dont il sort lieutenant en 1856 pour être
incorporé à la garde de Preobrajenski. La
mort de son père en 1853 l’a rapproché
de sa mère. Malgré de grandes ambitions
musicales et l’étude des grands compositeurs classiques, il compose encore peu
(quelques pièces de « musique pure »,
transcriptions de Berlioz, mélodies). Mais
il fait la connaissance de César Cui, de Balakirev et de Vladimir Stassov, journalisteanimateur, qui donnera au futur groupe
des Cinq son impulsion et son inspiration
progressiste. Moussorgski est alors un
« petit lieutenant », beau, mondain, élégant et affecté, recherché dans les salons
pour jouer du piano. L’année 1857 est
celle de sa première mélodie marquante,
la Petite Étoile, qui contribue à l’orienter
vers la musique vocale et dramatique.
Mais, l’été de cette même année, il subit
une première « crise » décisive, dont on ne
sait si elle fut de dépression, d’alcoolisme
ou d’épilepsie.
UNE VIE CONSACRÉE À LA MUSIQUE.
En 1859, il quitte l’armée et décide de
consacrer sa vie à la musique, projetant un
opéra d’après la Nuit de la Saint-Jean de
Gogol, étudiant les classiques allemands et
passant par des phases de dépression et de
mysticisme. Ces « crises », mal connues,
ont certainement contribué à dégager de
la chrysalide mondaine du « petit lieutenant » européanisé le Moussorgski tourmenté que nous connaissons. Amours de
jeunesse dont la rupture l’a laissé brisé ?
Mort d’une femme aimée ? Épilepsie ?
Tendances homosexuelles ? Sublimation
d’une impuissance sexuelle en vocation
de chasteté créatrice ? Toujours est-il qu’il
se détermine alors comme un homme
qui a tiré un trait sur la vie « normale ».
Il étudie beaucoup, en autodidacte méticuleux, la musique occidentale (Schumann, notamment), les penseurs, les
philosophes. L’abolition du servage en
1861 par Alexandre II le plonge dans des
affaires de famille qui l’occupent deux ans
et l’amènent à chercher un emploi pour
vivre. C’est l’époque où se forme le groupe
des Cinq, avec Balakirev, César Cui, Borodine, Rimski-Korsakov et lui-même, avec
le concours de Stassov. Le groupe publie,
sous la plume de César Cui, un manifeste
dramatique, ouvre une école musicale
contre le conservatoire officiel et répand
ses conceptions généreuses. Moussorgski
s’installe avec des amis et entre à l’Office
des ingénieurs des ponts et chaussées
(dont il sera congédié en 1867, pour entrer
l’année suivante comme fonctionnaire
dans l’administration des Eaux et Forêts).
Il commence à travailler à un opéra,
Salammbô, d’après Flaubert, qui ne sera
pas achevé, mais dont les matériaux seront
reversés dans des oeuvres futures telles que
Boris Godounov. Sa doctrine esthétique traduire« la vérité fût-elle amère » dans
une langue musicale « hardie et sincère » se forme alors. Il produit des mélodies
pour chant et piano, dont, souvent, il
écrit lui-même le texte et dans lesquelles
il emploie un style de chant inspiré des
inflexions du parlé, mais qui n’a rien à
voir avec le Sprechgesang allemand et qui
est plutôt une musicalisation très franche
des intonations de la parole. Ce « récitatif », qui est beaucoup plus mélodique
que ce que l’on entend d’habitude par ce
terme, c’est-à-dire avec des intervalles
plus grands et une courbe plus ample,
peut lui avoir été inspiré par les tentatives
dans ce sens de Dargomyjski, dont il a fréquenté le salon. Mais c’est Moussorgski
qui l’impose, et qui réussit à « incorporer
le récitatif dans la mélodie », effaçant en
même temps les barrières qui les séparent.
UNE OEUVRE DE GRANDE ENVERGURE.
À la mort de sa mère, en 1865, Moussorgski est dépossédé de ses biens familiaux, et il entre plus avant dans une vie
presque solitaire. En 1868, Vladimir
Nikolski lui suggère de tirer un opéra du
Boris Godounov de Pouchkine : pour la
première fois, tout en continuant de produire des mélodies et après une nouvelle
tentative inachevée d’opéra sur le Mariage
de Gogol, il va mener à bien une oeuvre
de grande envergure. Dans cette féconde
période, de 1868 à 1870, il utilise aussi
son élan créateur pour ébaucher en même
temps un autre opéra, Bobyl, et écrire le
cycle mélodique des Enfantines, qui est sa
première oeuvre dont la réputation franchit les frontières, suscitant notamment
l’admiration de Liszt. Moussorgski, qui a
une grande admiration pour ce dernier, se
voit offrir en 1873 par Stassov l’occasion
de faire un voyage pour rencontrer Liszt
en Europe, mais il décline l’offre, peutêtre par timidité. En 1870, le théâtre Marie
de Saint-Pétersbourg refuse de monter
Boris Godounov, dont une première version lui a été soumise, en alléguant l’absence d’un rôle féminin important et le
style trop « moderne » de la musique. Le
groupe des Cinq commence à se défaire :
les uns se marient, les autres changent de
vie, Rimski-Korsakov (avec lequel Moussorgski partage une chambre meublée
en 1871) s’« académise » et Moussorgski
s’enfonce dans l’alcoolisme et la solitude,
retravaillant Boris dans le temps que lui
laisse son travail de bureau : il ajoute le
personnage de Marina et l’« acte polonais ». Plusieurs fois remanié, bousculé,
Boris est joué par extraits, puis dans sa totalité, dans des auditions privées. Après un
deuxième refus, il sera finalement accepté
par le théâtre Marie, par l’entremise d’un
mécène haut placé. Boris Godounov est
finalement créé le 8 février 1874, avec un
certain succès public, notamment, comme
le remarque Rimski-Korsakov, auprès des
gens simples, mais la critique s’en prend
parfois aux « défauts » de l’ouvrage, à sa
trahison envers Pouchkine.
Moussorgski, sujet à des crises d’éthylisme, passe de plus en plus pour un
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
676
illuminé, dont les dons musicaux, incontestés, s’égarent dans des constructions
incohérentes. Entre-temps, il s’est attelé
à un autre gigantesque projet d’opéra
à sujet politique, la Khovanchtchina, sur
un canevas donné par Stassov : l’histoire
complexe d’une conspiration, d’une lutte
de clans. Cette oeuvre, dont il semble que
Moussorgski lui-même n’ait jamais voulu
avoir une vision nette et globale, sera interminablement remaniée, réorchestrée,
pour être « terminée » en 1879, à l’aide
de coupures et de renoncements. Moussorgski s’est lié, en 1873, avec le poète
Arsène Golenischev-Koutouzov, partageant avec lui sa vie et s’enthousiasmant
pour sa sincérité et son authenticité. C’est
sur des textes de ce poète qu’il compose
deux cycles pessimistes de mélodies, ses
deux Voyages d’hiver : Sans soleil (1874),
accueilli par l’incompréhension de ses
confrères pour sa « discontinuité », et
Chants et Danses de la mort (1875-1877).
Le départ précipité de Golenischev-Koutouzov le laisse seul. Résolu de plus en
plus à abandonner la corvée du travail de
bureau et à gagner sa vie comme pianiste
de concert et accompagnateur, il finit
par démissionner en 1879, sans réussir à
se créer une carrière musicale glorieuse
et lucrative. En fait, il devra surtout donner des cours dans l’école de chant de la
cantatrice Daria Leonova, qui devient sa
« protectrice ». En 1874, il a commencé
un opéra populaire d’après Gogol, la Foire
de Sorotchinski, une nouvelle fois destiné à
l’inachèvement (il veut y intégrer, moyennant certains remaniements, une pièce
d’interlude qui deviendra, dans l’adaptation de Rimski-Korsakov, Une nuit sur
le mont Chauve). Au début de 1881, des
attaques cardiaques l’obligent à se faire
admettre dans un hôpital militaire, où ses
amis viennent le visiter. Il commence à
se rétablir, mais, ayant bu de l’alcool en
cachette dans l’hôpital en croyant fêter
son anniversaire - qui, en réalité, a eu
lieu une semaine plus tôt, - il meurt d’un
arrêt du coeur le 16 mars 1881. Sa mort
laisse inachevée, pour une grande part,
une série d’oeuvres que Rimski-Korsakov
va orchestrer, adapter, avec beaucoup de
conscience ; sans lui, Moussorgski aurait
pu rester très longtemps dans la pénombre
et le succès d’estime.
UNE CARRIÈRE SINGULIÈRE.
Il est peu de musiciens qui ont été autant
imités ponctuellement. Chacun a trouvé
son compte et de quoi alimenter sa propre
esthétique dans les oeuvres de ce compositeur, de Debussy à Janáček, de Berg à Poulenc. Et un grand nombre de musiciens se
sont également dévoués pour arranger ces
oeuvres, pour les rendre « présentables »
à l’orchestre : à commencer par RimskiKorsakov qui a consacré beaucoup de
temps à en faire briller la musique sombre
et sourde, à la parer, à lui donner l’orthodoxie d’écriture et les séductions orchestrales qui la rendraient plus assimilable.
En même temps, les oeuvres ainsi « dénaturées », repeintes, restent cohérentes,
émouvantes, plausibles. Comme si ce
côté brillant qu’ont donné un Ravel et un
Rimski-Korsakov à la musique de Moussorgski était enfermé en elle comme une
potentialité. Mais cette sonorité sombre,
pauvre, sans harmoniques a été incontestablement voulue et choisie, et l’on ne
peut plus parler d’incapacité à faire sonner
la musique. L’accompagnement souvent
décharné, dur, des mélodies pour piano
est là pour le prouver. Il n’eût pas fallu
beaucoup de savoir-faire au pianiste expérimenté qu’était Moussorgski pour rendre
tout cela « joli » et brillant. S’il écrit les
Tableaux d’une exposition apparemment
« contre » le piano, c’est par fidélité avec ce
qu’il « entend ». Son esthétique, il l’a souvent rappelé, n’est pas le « beau » en soi,
encore moins l’« habile », mais le « vrai ».
Il renoue avec la vieille ambition platonicienne et montéverdienne de la mimesis, de l’imitation, mais d’après nature,
sans recourir au répertoire codé des formules musicales « expressives ». Comme
Flaubert fuyait la phrase toute faite, il ne
se permet pas un cliché musical. Obsédé
par le projet de traduire musicalement
la vérité du parlé, il dit ne plus pouvoir
entendre un discours sans le transcrire
dans sa tête en notes : non pas en quelque
parlando languide, mais en des mélodies
fermes, diatoniques, dont se dégage, épurée, stylisée, la vérité d’un mouvement
de l’âme. Son harmonie, critiquée pour
l’« illogisme » de ses enchaînements, est
une harmonie d’intonation : elle donne
une certaine intonation à la note chantée
qu’elle soutient. Car la voix est le centre
de sa musique, et le piano, ou l’orchestre,
accompagnateur en est entièrement solidaire ; ils ne tissent pas une symphonie
parallèle, ils ne courent pas la poste indépendamment de la voix, comme dans les
lieder de Schubert, ils n’assurent même
pas un mouvement perpétuel servant d’assise, mais ils soulignent et ponctuent.
Épileptique, alcoolique et sujet à des
crises nerveuses, Moussorgski avait de
bonnes dispositions à l’hallucination l’hallucination la plus forte étant celle qui
naît du réel vu autrement, l’inquiétante
étrangeté du familier. Ainsi, Moussorgski
est le musicien du réalisme halluciné ; chacun de ses personnages - même, dans les
Enfantines, l’enfant qui minaude et dont
les intonations sont transcrites avec vérité - semble vu à travers le prisme d’une
espèce de transe hallucinée. Comme certains peintres tendus vers le réel, il fait
passer son regard avec sa vision. Comme
Flaubert, toujours, il s’est réfugié dans le
réalisme par réaction contre une propension naturelle à se perdre corps et âme
dans des visions mystiques, mais ce regard
fou reporté sur le réel donne au réalisme
plus de force encore et de vérité.
MOUSSORGSKI, MUSICIEN SAUVAGE ?
On parle un peu trop de son génie comme
d’un phénomène de génération spontanée à partir de la seule influence de la
musique populaire russe, comme s’il
avait été un analphabète inspiré. Or, s’il
n’avait pas de formation académique très
poussée - il avait reçu quelques leçons de
Balakirev -, il avait fréquenté et assimilé
profondément le répertoire européen,
dont celui de Schumann, et l’avait dans le
sang. C’est un homme très cultivé, occidentalisé, plus intellectuel que bien des
musiciens académiques. Cette culture,
il a su l’utiliser, non pas comme système
repris globalement, mais par des références ponctuelles, comme amenées par
un besoin d’expression. En ce sens, il
semble manier le langage musical, qu’il
utilise hardiment, comme il manierait une
arme : c’est-à-dire, en définitive, comme
un instrument. Il ne pense pas dans son
système : il empoigne la musique telle qu’il
la connaît, il en fait quelque chose de fort
et de nouveau.
On reconnaît aussi la musique de
Moussorgski, dans ses pages les plus per-
sonnelles, à son débit : ce n’est pas le flux
régulier de la poésie ; c’est celui, brisé,
discontinu (on le lui a beaucoup reproché) d’une « prose ». De la « musique en
prose », c’était rare et ce n’est toujours pas
très courant. Mais, comme par compensation, il est très courant dans sa musique
qu’une phrase musicale soit redoublée
immédiatement après avoir été énoncée.
La répétition, qui n’affecte pas la forme
d’ensemble, apparaît dans le fil du discours, dans son présent, à travers ces
« redoublements », dont Debussy, après
lui, systématisa l’emploi (mais César Cui
reprochait déjà ce procédé à la musique
de Rimski-Korsakov - ce qui laisse penser
qu’un tel procédé était dans l’air, autour
de Moussorgski). Ainsi, cette musique
semble avancer vers l’inconnu en s’assurant à chaque fois du pas qu’elle vient de
faire, un pas ferme, large, mais en même
temps risqué, nouveau. Si on ne doit à
Moussorgski aucune de ces « innovations » précises, dénommables que l’histoire de la musique, comptable ordonnée, aime enregistrer au crédit de chaque
« grand musicien », on lui doit peut-être
bien plus : une aventure, une échappée,
dont il a payé le prix lourdement, et dont
des musiciens rangés et sérieux ont, après
lui, largement profité. Il est un de ces
courageux qui, à certaines époques, assument cette tâche nécessaire : renouveler
l’alliance de la musique avec le vrai.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
677
MOUTON (Charles), luthiste et compositeur français ( ? 1626 - ? apr. 1699).
Sans doute élève de Denis Gaultier, il est
d’abord luthiste à la cour de Turin, de 1670
à 1678, puis se fixe à Paris où sa virtuosité
et son enseignement assurent très rapidement sa renommée. Parmi ses élèves les
plus célèbres, citons Le Sage de Richée
et surtout le fameux Milleran, interprète
du roi. Deux de ses livres de pièces pour
luth, publiés en 1699, ont été conservés. Ils
contiennent 9 suites, de 4 à 11 morceaux,
débutant le plus souvent par un prélude
suivi d’une allemande et finissant par une
sarabande, l’ensemble de la suite évoluant,
en général, dans une même tonalité. Ses
pièces ont souvent des titres descriptifs,
en particulier les préludes (la Prome-
nade, le Rêveur). La plus remarquable,
en la matière, est une pavane, les Amants
brouillés, dont le style brusqué et désordonné est très évocateur. D’autres pièces
sont conservées dans divers manuscrits,
en particulier des transcriptions pour luth
d’extraits d’opéras de Lully (menuets de
Bellérophon, Proserpine, le Triomphe de
l’amour, gavottes de Psyché et d’Isis). Par
ses dons d’interprète exceptionnels, il est
considéré comme l’un des derniers grands
luthistes français du XVIIe siècle.
MOUTON (Jean de Hollingue), compositeur franco-flamand (Haut-Wignes,
Hollingue, près de Samer, 1459 ou plus
tôt - Saint-Quentin 1522).
D’après Ronsard, il aurait été élève de
Josquin Des Prés. Il fut enfant de choeur à
Notre-Dame de Nesle (1477-1483), maître
de chapelle à Nesle (1483), maître des enfants à la cathédrale d’Amiens (1500) et
à Saint-André de Grenoble (1501-1502),
avant d’entrer à la chapelle d’Anne de Bretagne (1509) ; il composa un motet pour
la mort de cette dernière en 1514. Il servit
ensuite Louis XII et François Ier, pour le
sacre duquel il composa un Domine selvum fac regem et un Exalta regina Galliae
pour la victoire de Marignan. À la fin
de sa vie, il fut chanoine du Thérouanne
et de Saint-Quentin. Il fut le maître de
Willaert à Paris et l’ami de Févin, dont il
écrivit la déploration Qui ne regretterait
le gentil Févin. Glaréan, qui l’a rencontré
à la cour entre 1517 et 1522, a vanté le
caractère coulant de son chant. L’essentiel
des compositions de Mouton est constitué
d’oeuvres religieuses : 120 motets environ, qui ont été au cours du XVIe siècle
fréquemment transcrits pour luth ou
orgue ; 10 Magnificat ; 15 messes à 4 ou
5 voix basées la plupart sur un cantus firmus, traité en parodia. Si quelques motets
gardent encore la vieille tradition isorythmique héritée du XIVe siècle (Missus est
Gabriel), Mouton adopte plus volontiers
un traitement canonique de toutes les
voix. Il sait faire un emploi judicieux des
silences (motet Nesciens mater). Parfois il
laisse éclater une joie sans réserve (Gaude,
virgo Katherina). Dans ses motets sur des
psaumes, il serre de près le texte dans son
articulation comme dans son contenu,
tout en conservant une ligne mélodique
nette et concise.
MOUVEMENT.
1. Degré de rapidité donné à une exécution musicale. On emploie fréquemment
l’équivalent italien tempo. L’expression
« dans le mouvement » équivaut à l’italien a tempo, c’est-à-dire sans modifier le
mouvement, ou en revenant au mouvement précédent s’il a été modifié précédemment.
2. Aspect linéaire d’un intervalle ou d’une
suite d’intervalles (mouvement montant,
descendant). Un mouvement est dit « parallèle », ou « direct », lorsque deux voix ou
davantage sont simultanément montantes
ou descendantes ; « oblique » lorsqu’une
des voix reste en place ; « contraire »
si l’une monte quand l’autre descend et
vice versa. En harmonie scolaire, certains
mouvements parallèles (surtout octaves
et quintes) sont sévèrement prohibés ou
réglementés ( ! PARALLÈLES).
3. Chacun des morceaux indépendants et
contrastés, dont l’ensemble constitue une
sonate, une symphonie ou tout autre pièce
instrumentale analogue.
MOYEN ÂGE.
Période de l’histoire du monde occidental
que l’on situe communément entre la fin
du Ve siècle (chute de l’Empire romain)
et celle du XVe siècle (début de la Renaissance).
Par commodité, on distingue donc
une période « médiévale » de l’histoire
de la musique occidentale, bien que ces
dix siècles ne forment pas spécialement
une homogénéité par rapport à cette
fausse cohérence que constituerait la Renaissance musicale. En effet, le renouveau
de la Renaissance a été préparé et mûri de
longue date, pendant ce « Moyen Âge »
qui ne fut en aucune façon une ère de stagnation.
Ce qui nous reste de plus ancien de la
musique médiévale provient de la tradition du « chant grégorien », du nom de
saint Grégoire Ier, pape de 590 à 604, qui
aurait réglementé le chant liturgique en
posant les bases de cette expression musicale. Même s’il existait des musiques
profanes et instrumentales, c’est la musique vocale religieuse qui nous est la
plus connue, par les manuscrits et par la
tradition liturgique qui s’est transmise.
En outre, les monastères (monastère de
Saint-Gall, abbaye Saint-Martial de Limoges) étaient alors les plus grands foyers
de culture et de développement musical.
Le Moyen Âge voit se développer des
formes nouvelles, outre celles propres
au chant grégorien (séquences, tropes,
proses, etc.), lesquelles sont basées sur la
monodie. L’écriture polyphonique naît à
travers des formes religieuses comme le
conduit, le déchant, la copula, le gymel,
l’organum, et, plus tard, le motet isorythmique, codifié par Philippe de Vitry.
Au domaine du religieux se rattachent
d’abord des formes comme le « jeu »,
représentation dramatique sacrée (Jeu de
Daniel, Jeu d’Adam), qui se tourne ensuite
vers des histoires profanes (Jeu de Robin et
Marion d’Adam de la Halle). Les formes
profanes lyriques sont représentées par
la chanson (monodique) des trouvères,
troubadours, ménestrels, Minnesänger et
aussi par la ballade, le rondeau, le lai, le
virelai et, plus tard, par la villannelle, la
frottole, le madrigal florentin. La musique
instrumentale existe déjà, appliquée surtout à la danse et au divertissement. Si
l’orgue a été admis à l’église, c’est d’abord
pour soutenir le chant, avant d’avoir son
répertoire spécifique.
La polyphonie naissante constitue ses
règles et sa tradition à travers des écoles :
l’école de Notre-Dame, à Paris, avec Léonin et Pérotin, représentant la « vieille
manière », l’Ars antiqua ; ensuite l’Ars
nova avec Philippe de Vitry, Guillaume
de Machaut, Francesco Landini, etc. ; puis
l’école franco-flamande avec Dufay, Binchois ; et, à la faveur de la personnalisation
de l’activité de composition, une riche floraison de créateurs portant la polyphonie
vers toujours plus de complexité, de foisonnement (les réformes liturgiques de la
Renaissance essaieront parfois de ramener
cette luxuriance à plus de simplicité) : Josquin Des Prés, Ockeghem, Obrecht, Juan
del Encina, etc.
Le développement des systèmes de
« notation musicale écrite », avec les travaux de Hucbald, Otger, Guy d’Arezzo,
est au coeur de l’évolution de la musique,
depuis les neumes fixés vers le VIIIe siècle.
C’est, d’abord, une notation mnémotechnique qui se perfectionne dans le sens de
la précision par l’emploi de lettres, puis
de lignes, en allant vers la « notation carrée » au XIVe siècle, et la « notation pro-
portionnelle » des durées au XVe siècle. La
notation contribue à fixer les traditions
musicales, à les propager par l’écrit, ainsi
qu’à développer les notions d’« oeuvre »
et d’« auteur » et à favoriser une polyphonie plus complexe qu’on ne peut maîtriser qu’en passant par un stade d’écriture.
Par contrecoup, la polyphonie aurait
elle-même favorisé le passage de la pensée « modale » à la pensée « tonale » (afin
d’éviter certains intervalles proscrits dans
les superpositions, comme le triton).
La notation de la musique instrumentale, avec les systèmes de « tablature »,
favorise plus tard l’émancipation de cette
musique. Ainsi, tout un vaste territoire
musical se détermine, évolue, fixe ses
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
678
règles, se communique en fonction de la
notation écrite, ce qui n’empêche pas par
ailleurs les musiques orales de continuer
d’exister. Par définition, la tradition de
ces dernières s’est perdue, ou a tellement
évolué qu’il ne reste aujourd’hui rien
de ce qu’elles étaient alors. Entre autres
conséquences, la notation et la propagation écrite favorisent aussi la notion de
« compositeur » en fixant son oeuvre (cette
notion existait depuis longtemps dans des
arts tels que la littérature ou la peinture,
qui produisaient déjà, eux, des oeuvres
durables et tangibles).
Enfin, malgré le cliché persistant qui
veut que le Moyen Âge ait été une période
de total obscurantisme, on n’attend pas la
Renaissance pour réfléchir sur la musique
et pour publier des traités de théorie et de
spéculation musicale (cf. Boèce, Aurélien
de Réomé, plus tard Philippe de Vitry, et
le platonicien Marsile Ficin), qui ouvrent
la voie aux spéculations des musiciens de
la Renaissance sur une musique « à l’antique ». Ces ouvrages se réfèrent souvent,
en effet, aux Grecs et aux Romains, non
à leur musique, complètement disparue,
mais à leurs écrits théoriques.
Un certain arbitraire dans la division
de l’Histoire en « périodes » ramasse sous
l’appellation de « Moyen Âge musical »
dix siècles de nombreuses et complexes
évolutions. Dans l’imaginaire de la mu-
sique occidentale, le Moyen Âge fait office
de période des « origines « : les notions
d’oeuvre, d’auteur, de notes, de tonalité,
de polyphonie, de musique instrumentale,
etc., sont toutes nées dans ce temps-là.
Mais seul l’éloignement dans le temps,
qui en écrase les perspectives, nous fait
percevoir cet espace de mille ans comme
continu et linéaire.
MOYSE (Marcel), flûtiste français (SaintAmour 1889 - Brattleboro, Vermont,
1984).
Ses études effectuées au Conservatoire
national supérieur de Paris avec Paul Taffanel, Adolphe Hennebains et Philippe
Gaubert sont sanctionnées en 1906 par un
premier prix de flûte. Il suit également la
classe de musique de chambre de Lucien
Capet. Il est nommé, en 1918, flûte solo
des Concerts Pasdeloup et des concerts du
Conservatoire, puis des concerts Straram
(1922-1938). De 1913 à 1938, il fait partie de l’Orchestre de l’Opéra-Comique. Il
succède à Philippe Gaubert comme professeur au Conservatoire de Paris (19321949). Il fonde en 1933 le trio Moyse, en
compagnie de son fils Louis (deuxième
flûte) et de sa bru Blanche HoneggerMoyse (violon et alto). Il crée la même
année le Concerto pour flûte que Jacques
Ibert lui dédie.
Comme soliste, Marcel Moyse joue
sous la direction des plus grands musiciens : Bruno Walter, Toscanini, Mengelberg, Klemperer, Richard Strauss et Adolf
Busch ; avec ce dernier, il réalise de mémorables enregistrements de Bach. Venu
s’installer aux États-Unis, il participe avec
Busch à la fondation du collège musical
de Marlboro, où il enseigne. Il ne quittera
pratiquement plus le Vermont, sauf pour
donner des cours, spécialement au Japon
et tous les étés à Boswil (près de Lucerne).
Marcel Moyse laisse de nombreux traités pédagogiques. Il a ouvert à la flûte,
jusque-là condamnée à une joliesse purement instrumentale, de nouvelles voies
expressives, privilégiant le chant et la plénitude musicale plus que la volubilité.
MOZARABE. (arabe mostéarab).
Mot désignant dans la péninsule Ibérique
les chrétiens soumis à la domination
arabe.
Il est donné abusivement, depuis le
XVe siècle environ, à l’ensemble des rites de
la liturgie catholique propres à la péninsule, et particulièrement à l’ensemble de
ses chants. Le chant mozarabe ancien, très
antérieur à l’arrivée des premiers Arabes
en Espagne (711), puisqu’il s’est organisé
à partir du IVe siècle, fait partie du groupe
dit « gallican » et avait été fixé pour l’essentiel vers le milieu du VIIe siècle.
Mais ce chant mozarabe reste, dans
l’ensemble, mal connu, car les livres anciens, lorsqu’ils ont survécu, sont, pour la
plupart, écrits dans une notation spéciale,
dite « wisigothique », dont on ne possède
pas la clef. On a pu en reconstituer partiellement des morceaux par des copies
postérieures en d’autres notations, du XIe
au XIIIe siècle ; ou par des livres récents
au XIXe ou même au début du XXe siècle,
supposés en refléter les traditions. Cette
quasi-disparition est surtout imputable à
l’action du pape Grégoire VII, continuée
par les clunisiens, visant à l’abolition des
particularismes locaux et à l’alignement
sur la liturgie romaine, en reprenant à
son compte les efforts unificateurs des
Carolingiens, auxquels l’Ibérie, extérieure
à l’Empire, avait pu jadis se soustraire (
! GRÉGORIEN), mais auxquels elle ne put
alors échapper.
Au début du XVIe siècle, le célèbre cardinal de Tolède, Jiménez, décida une « restauration » du chant tolédan traditionnel
et fit procéder, sans craindre d’inventer
lorsqu’on manquait de documents, à l’élaboration d’un nouveau livre de chants,
encore en usage à la cathédrale de cette
ville, dont la maîtrise fut appelée Capilla
mozarabe. C’est cette « restauration » qui
est à la base de ce que l’on continue à appeler aujourd’hui le « chant mozarabe »,
mais dont le caractère d’authenticité est
souvent discutable.
MOZART (Leopold), compositeur, théoricien et pédagogue allemand (Augsbourg 1719 - Salzbourg 1787).
Passé à la postérité essentiellement comme
père de Wolfgang Amadeus, il reçut au
collège des jésuites de sa ville natale une
solide formation humaniste et, sur le plan
musical, de violoniste, d’organiste et de
théoricien. Entré au service du comte de
Thurn et Taxis (1740), il devint grâce à
lui, à Salzbourg, quatrième violon de la
chapelle du prince-archevêque (1743),
compositeur de la cour et de la Chambre
(1757), et, enfin, vice-maître de chapelle
(1763). Ayant reconnu vers 1760 le talent,
voire le génie, de son jeune fils, il consacra
à sa formation, jusque vers 1773, le meilleur de son temps. Sa femme, qu’il avait
épousée en 1747, étant morte à Paris en
1778, et son fils s’étant installé à Vienne
en 1781, il passa ses dernières années à
Salzbourg dans un relatif isolement. Il se
consacra entièrement à ses charges dans
cette ville, sans jamais accéder aux toutes
premières, et mourut quelque peu aigri.
Il écrivit une grande quantité de musique
instrumentale et vocale, dont certaines
pièces, de caractère pittoresque, ont acquis de nos jours une nouvelle célébrité :
Musikalische Schlittenfahrt (« Promenade
en traîneau », 1755), Die Bauernhochzeit
(« Noces paysannes », 1755), Divertimento
militare (v. 1765). La Symphonie des jouets
longtemps attribuée à J. Haydn est de lui (3
mouvements tirés d’une oeuvre plus vaste).
Beaucoup de ses oeuvres orchestrales sont
perdues, et quelques-unes furent attribuées à son fils. Il cessa pratiquement de
composer dans les années 1760. Il est
surtout l’auteur d’une méthode de violon
(Versuch einer gründlichen Violinschule,
1756, rééd. 1976), comptant parmi les
écrits théoriques de base de l’époque. Fortement influencée par les traités rédigés
respectivement par Quantz (1752) et par
Carl Philipp Emanuel Bach (1753) pour la
flûte et le clavier, cette méthode transmit
aux Allemands les principes artistiques de
virtuoses italiens comme Tartini ou Locatelli tout en témoignant, de la part de son
auteur, d’une connaissance surprenante
de théoriciens des alentours de l’an 1500.
MOZART (Wolfgang Amadeus), compositeur allemand (Salzbourg 1756 Vienne 1791).
Fils de Leopold Mozart (1719-1787) et de
Anna Maria Pertl (1720-1778), il fut baptisé Johannes Chrysostomus Wolfgang
Theophilus, mais ce dernier prénom fut
rapidement transformé en Gottlieb, son
équivalent allemand, puis en Amadeus,
traduction italienne de Gottlieb. Par
son père, violoniste dans l’orchestre du
prince-archevêque de Salzbourg, Mozart
descendait d’un relieur d’Augsbourg, Johann Georg Mozart (1679-1736). Du côté
maternel, il était petit-fils d’un fonctiondownloadModeText.vue.download 685 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
679
naire, Wolfgang Nicolaus Pertl († 1724),
ancien étudiant en droit de l’université
de Salzbourg, qui appréciait la musique
et avait même été professeur de chant et
choriste.
Des sept enfants de Leopold Mozart et
Anna Maria Pertl nés entre 1749 et 1756,
cinq moururent en bas âge. Seuls survécurent une fille, prénommée Maria Anna
Walburga Ignatia (1751-1829), et Wolfgang Amadeus, qui était le dernier. Dès
l’âge de trois ans, celui-ci manifesta une
attirance et des dons exceptionnels pour
la musique. Il en avait quatre lorsque son
père lui donna ses premières leçons de
clavecin.
LES VOYAGES DE L’ENFANT PRODIGE.
En 1762, Leopold inaugura par un premier voyage à Munich l’invraisemblable
série de tournées européennes qu’il allait
effectuer, pendant plusieurs années, avec
ses enfants. Au cours de ce séjour à Munich - pendant le carnaval -, le frère et la
soeur se produisirent devant Maximilien
III, Électeur de Bavière. À cette époque,
Wolfgang composait déjà de petits morceaux (Menuets K.2, 4 et 5 ; Allegro K.3)
que son père transcrivait sur le papier. Le
18 septembre 1762, la famille au complet
se mit en route pour Vienne, où elle arriva
le 6 octobre - lendemain de la « première »
de l’Orfeo de Gluck - et elle y demeura
jusqu’au 10 décembre. Wolfgang et sa
soeur Nannerl (ainsi appelait-on la petite
fille) furent reçus par la comtesse de Thun,
par l’ambassadeur de France et, à Schönbrunn, par l’impératrice Marie-Thérèse.
Au début de 1763, Sigismond von
Schrattenbach, prince-archevêque de Salzbourg, s’occupa de la réorganisation de sa
chapelle. Il nomma Giuseppe Francesco
Lolli Kapellmeister en remplacement de
Johann Ernst Eberlin, décédé le 21 juin
1762, et confia le poste de vice-Kapellmeister à Leopold Mozart. Celui-ci, qui
avait espéré mieux, sollicita un congé que
son employeur accorda ; ce qui lui permit d’entreprendre, avec sa femme et ses
enfants, une longue tournée de trois ans
dans plusieurs pays européens. Partie de
Salzbourg le 9 juin 1763, la famille passa
par Munich, où elle fit la connaissance de
Luigi Tomasini, ami de Joseph Haydn, et
Konzertmeister, à Eisenstadt, de Nicolas
Esterházy ; par Augsbourg, où les enfants
donnèrent 3 concerts et que la famille
quitta le 6 juillet ; par Schweitzingen, non
loin de Mannheim, où Wolfgang eut un
premier contact avec le célèbre orchestre
de l’Électeur palatin Karl Theodor ; par
Francfort, où eut lieu l’unique rencontre
entre Goethe et Mozart ; par Bruxelles
enfin, ville atteinte le 4 octobre et qui était
alors, sous le gouvernement de Charles de
Lorraine, frère de l’empereur François Ier,
capitale des Pays-Bas autrichiens.
Le 18 novembre 1763, les Mozart arrivèrent à Paris, où ils restèrent pendant
cinq mois, et où, grâce aux talents de claveciniste de Nannerl et - surtout - au côté
« enfant prodige » de Wolfgang, ils suscitèrent la curiosité, puis l’engouement. Il
est vrai qu’à leur propos, Friedrich Melchior Grimm, qui résidait dans la capitale
française depuis 1748 et qui assurait les
fonctions de secrétaire du duc d’Orléans,
allait, par un article publié dans sa Correspondance littéraire (1er décembre 1763), se
livrer à ce qu’on appellerait maintenant
une efficace opération publicitaire. À
Paris, les Mozart furent reçus, fêtés par les
notabilités : entre autres, par le comte Van
Eyck, ambassadeur de Bavière, chez qui ils
demeurèrent, et par Mme de Pompadour.
Ils eurent même l’honneur d’être invités
à Versailles, où l’on exhiba le très jeune
Wolfgang, comme on l’aurait fait d’un
aimable singe savant. Tout cela eût été de
peu de poids pour la formation artistique
du futur auteur de Don Giovanni s’il n’y
avait eu, durant ce séjour parisien, la rencontre avec des musiciens tels que Eckard,
Le Grand, Hochbrucker et, surtout, Schobert, claveciniste et compositeur du prince
de Conti. De cette époque datent les 2 Sonates pour clavecin avec accompagnement
de violon K.6 et 7 dédiées à Mme Victoire
de France, fille de Louis XV, ainsi que les
2 Sonates K.8 et 9 - pour la même formation - dédiées à Mme de Thésé.
Le 10 avril 1764, la famille Mozart partit, via Calais, pour Londres, où elle arriva
le 23 avril, et où elle fut reçue, dès le 27,
par le roi et la reine à Saint James Park.
Elle y resta pendant seize mois et Wolfgang s’y fit un ami et un conseiller en la
personne de Johann Christian Bach, dernier fils du cantor de Leipzig et fondateur,
avec Karl Friedrich Abel, des célèbres
concerts Bach-Abel. Il s’y exerça dans le
genre, nouveau pour lui, de la symphonie, avec une oeuvre en mi bémol majeur
(K.18), dont Abel était le véritable auteur
et qu’il se contenta de recopier, puis avec
la partition en mi bémol majeur K.16, portant le numéro 1 dans la liste officielle de
ses propres symphonies. Celle en si bémol
majeur K.17 est en toute probabilité de son
père Leopold. Il participa aux concerts par
souscription de Johann Christian Bach et
rédigea, en novembre 1764, les six Sonates
K.10 à 15 pour clavecin et violon ou flûte
traversière, dédiées à la reine Charlotte.
Le 24 juillet 1765, les Mozart quittèrent
Londres pour la Hollande. Ils passèrent
par Douvres, Calais, Lille, Gand, Rotterdam, et arrivèrent le 11 septembre à La
Haye, où, après Nannerl, Wolfgang tomba
très sérieusement malade. L’espèce de
fièvre cérébrale dont il fut atteint, et dont
il ne se remit que fin 1765-début 1766,
résultait vraisemblablement, pour une
large part, du surmenage insensé imposé,
pour des raisons nettement mercantiles, à
un enfant de moins de dix ans. Leopold,
dont les dons de pédagogue ne sauraient
être mis en doute, n’était sans doute pas
l’être obtus et étriqué que fustigent les
biographes. Mais il eut certainement une
importante part de responsabilité dans la
disparition prématurée de son fils. Mozart
composa en Hollande au moins deux symphonies, celles en si bémol majeur K.22 et
en sol majeur K.45a, peut-être aussi celles
en ré K.19 et en fa K.19a, et, à peine rétabli,
dut se remettre en route. Toujours accompagné de sa famille, il revint à Paris, où il
arriva le 10 mai 1766, il y assista aux réceptions organisées par le prince de Conti,
et chez qui il fit la connaissance de Philidor et de musiciens allemands comme
Raupach, Honnauer, Becke et Cannabich.
De ce deuxième séjour parisien, qui dura
jusqu’au 9 juillet, date le Kyrie en fa majeur K.33 (12 juin 1766). Ce fut ensuite
le retour à Salzbourg par Dijon, où l’on
rencontra le président de Brosses, par
Lyon, Genève, Lausanne, Berne, Zurich,
Winthertur, Ulm, Dillingen et Augsbourg.
Dans la ville du prince-archevêque, les
Mozart ne demeurèrent que neuf mois.
Wolfgang en profita pour étudier Fux,
Eberlin, pour composer l’« opérette spirituelle » Die Schuldilgkeit des ersten Gebotes
K.35 (le Devoir du premier Commandement), la comédie latine Apollo et Hyacinthus seu Hyacinthi Metamorphosis K.38 (la
Métamorphose de Hyacinthe), ainsi que les
quatre Concertos pour clavecin K.37, 39, 40
et 41 tirés d’oeuvres de Carl Philip Emanuel Bach, Raupach, Schobert, Honnauer,
Eckard.
L’année 1768 fut, à compter du 10 janvier, celle du second séjour à Vienne. Ce
fut également celle de La Finta Semplice
K.51, opera buffa en 3 actes sur un livret
de Marco Coltellini (auteur italien dont
Joseph Haydn allait, cinq ans plus tard,
mettre L’Infedeltà delusa en musique) et
de Bastien und Bastienne K.50, singspiel
en 1 acte commandé par le docteur Anton
Messmer et monté, chez ce dernier, le 1er
octobre. Par suite d’intrigues diverses et
malgré les démarches de Leopold Mozart,
La Finta Semplice ne fut pas représentée
à Vienne, mais à Salzbourg le 1er mai de
l’année suivante. Le 5 janvier 1769, les
Mozart rejoignirent une fois de plus la
ville archi-épiscopale. Wolfgang y écrivit
plusieurs oeuvres instrumentales relevant
du genre divertimento (Cassations nos
1 et 2 K.63 et 99 ; Sérénade en ré majeur
K.100), la Messe en ut majeur K.66. le Te
Deum K.141.
LES PÉRIPLES EN ITALIE.
Ayant obtenu un nouveau congé du bienveillant Schrattenbach, Leopold décida de
partir avec son fils pour l’Italie. Ce premier périple, qui débuta le 11 décembre
1769, dura une quinzaine de mois et fournit à Wolfgang l’occasion de fréquenter
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
680
des représentants essentiels du monde
musical. Parmi ceux-ci : Giambattista
Sammartini, que les deux Mozart rencontrèrent à Milan chez le comte Firmian, et,
surtout, le Padre Martini, dont ils firent la
connaissance à Bologne, fin mars 1770. Le
voyage se poursuivit par Florence, Rome,
Naples, Rome de nouveau, où, le 8 juillet,
Leopold et Wolfgang furent reçus par le
pape Clément XIV ; par Bologne encore,
où le jeune compositeur se vit proposer le
livret, dû à Vittorio Cigna-Santi, de Mitridate, re di Ponto K.87. Après Bologne, où
ils eurent aussi la possibilité de connaître
l’excellent compositeur Joseph Myslivecek, Mozart père et fils se rendirent
à Milan pour la création de Mitridate.
L’événement se produisit le 26 décembre
1770 et suscita, selon Leopold (lettre du
2 janvier 1771 au Padre Martini), un
« accueil des plus favorables ». En février
1771, les voyageurs atteignirent Milan. En
mars ils étaient à Padoue, où Wolfgang
se vit confier la commande de La Betulia
liberata, oratorio en 2 parties, qui allait
représenter son unique contribution dans
un genre si magnifiquement exploité par
Haendel et Haydn.
Par Vicence et Vérone, Leopold et Wolfgang regagnèrent Salzbourg, où ils arrivèrent le 28 mars 1771 et d’où ils repartirent le 13 août pour un deuxième voyage
en Italie qui n’allait durer que quatre mois.
À Milan, où ils séjournèrent, fut donnée,
pour le mariage de l’archiduc Ferdinand
(fils de Marie-Thérèse) et de la princesse
Marie-Béatrice de Modène, la « première » de la sérénade théâtrale Ascanio in
Alba K.111. Les Mozart se retrouvèrent à
Salzbourg le 16 décembre, jour de la mort
de Sigismond von Schrattenbach. Élu le 14
mars 1772, solennellement intronisé le 14
avril, Hieronymus Colloredo (1732-1812),
le nouveau prince-archevêque, allait se
montrer, vis-à-vis de ses employés, beaucoup moins compréhensif et beaucoup
moins facile à vivre que son prédécesseur.
Il nomma Domenico Fischietti au poste
de Kapellmeister que Leopold briguait en
vain depuis longtemps. Le 15 août, Wolfgang devint Konzertmeister titulaire,
avec des honoraires de 150 florins. Cette
année-là, qui vit naître la Symphonie no 15
K.124, la no 16 K.128, la no 17 K.129, la no
18 K.130, la no19 K.132, la no 20 K.133 et la
no21 K.134, fut celle du troisième et dernier voyage en Italie, lequel eut lieu du 24
octobre 1772 au 13 mars 1773. Ce fut aussi
celle de l’opera seria Lucio Silla K.135, créé
à Milan le 28 décembre 1772.
MOZART À SALZBOURG.
Se limiter aux faits strictement matériels
de la biographie de Mozart, c’est un peu,
comme dans le cas de Brahms, énumérer
une interminable suite de voyages. Il y eut
pourtant, de 1773 à 1777, une relative accalmie. Avec, néanmoins, deux nouvelles
« excursions « : l’une à Vienne, de juillet
à fin septembre 1773 ; l’autre à Munich,
de décembre 1774 à mars 1775. Lors du
séjour dans la capitale autrichienne, Mozart composa l’importante Sérénade K.185
pour les noces du fils d’Ernst Andretter,
lequel était, à Salzbourg, conseiller aulique
pour la guerre, et, surtout, les six Quatuors à cordes K.168 à 173 (nos 8 à 13 de
la classification habituelle), dits Quatuors
viennois et manifestement influencés par
le nouveau style instrumental de Joseph
Haydn. À cette époque, le Kapellmeister
d’Eszterháza - qui avait écrit les deux magnifiques séries de quatuors op. 17 (1771)
et op. 20 (1772) - situait la majorité de ses
créations dans la perspective passionnée,
mélancolique et formellement insolite du
Sturm und Drang. Chez Mozart, les caractéristiques essentielles de cette esthétique
préromantique allaient se retrouver dans
la Symphonie no 25 K.183 en sol mineur de
décembre 1773.
De la production de l’année 1774, il
convient d’isoler, en priorité, la très importante Symphonie no 29 en la majeur
K.201, le Concerto pour basson en si bémol
majeur K.291, la Sérénade en ré majeur
K.203 et les cinq premières Sonates pour
piano K.279 à 283. Toujours accompagné de son père, Wolfgang se rendit à
Munich, où, le 13 janvier 1775, eut lieu la
« première » de La Finta Giardiniera. Le 6
mars, il reprit la route de Salzbourg, où il
demeura jusqu’en septembre 1777. Pour
la visite de l’archiduc Maximilien-Franz,
dernier fils de Marie-Thérèse et futur
patron de Beethoven, Colloredo lui commanda la festa teatrale Il Re pastore (livret
de Métastase), qui ne fut représentée
qu’une fois, le 23 avril 1775.
Au catalogue mozartien de cette année
1775, il convient d’inscrire, outre Il Re pastore, plusieurs chefs-d’oeuvre : la Sonate
pour piano no 6 K. 284, dite Sonate Durnitz ; la Sérénade en ré majeur K.204 ; et
les quatre derniers Concertos pour violon
et orchestre K.211, 216, 218 et 219 composés de juin à décembre (le premier, K.207,
est sans doute de 1773). L’année 1776, que
Wolfgang vécut tout entière à Salzbourg,
fut celle de plusieurs divertissements et
sérénades (dont la délicieuse Serenata notturna K.239 et l’imposante Sérénade Haffner K.250), des Concertos pour piano no 6
K.238, no 7 K.242 (3 pianos) et no 8 K.246,
de la Missa longa K.262, de la vigoureuse
Messe du Credo K.257 et de la Messe de
Spaur K.258. Jusqu’alors, le genre concerto
pour piano, que Mozart allait mener à son
plus haut point de perfection, n’avait pas
inspiré au compositeur de pages véritablement « définitives «. Tout changea avec
l’extraordinaire Concerto no 9 en mi bémol
majeur K.271 terminé en janvier 1777,
pour l’auteur lui-même, ou, plus probablement, pour Mlle Jeunehomme, pianiste
française de passage à Salzbourg. Dans
l’histoire de la musique instrumentale, cet
ouvrage prémonitoire occupe une position charnière aussi « fondamentale « que
les Quatuors op. 20 de Haydn et la Symphonie héroïque de Beethoven. Avec lui
s’ouvrait, quant au contenu affectif et aux
relations entre le soliste et l’orchestre, l’ère
du grand concerto « moderne «, tel que
nous le concevons encore de nos jours.
MANNHEIM ET PARIS.
En mars 1777, Leopold sollicita, pour son
fils et lui-même, un congé que Colloredo
refusa. Le 1er août, Wolfgang envoyait une
lettre de démission. Exaspéré, le princearchevêque fit répondre par son secrétaire
que le père et le fils pouvaient aller chercher fortune ailleurs. Leopold se soumit et
resta. Mais Wolfgang profita de la liberté
qui lui était brutalement accordée pour
quitter Salzbourg le 23 septembre et pour
entreprendre, en compagnie de sa mère,
un voyage qui allait le mener à Munich,
Augsbourg, Mannheim et Paris. Chez
l’Électeur de Bavière, où il aurait aimé se
fixer, il n’y avait pas de poste vacant. Du
moins se dispensa-t-on de lui en proposer un. À Augsbourg, où, le 22 octobre, il
donna un unique concert (avec, notamment, le Concerto pour trois pianos et la
Sonate Durnitz), il rencontra le facteur
d’orgues et de pianos Johann Andreas
Stein, qu’il avait déjà vu en 1763. Le 30
octobre, il arriva à Mannheim et y resta
jusqu’au 14 mars 1778, avec, cependant,
un bref séjour à Kircheim-Boland (janvier
1778) chez la princesse d’Orange. Ce fut
à cette époque qu’il fit la connaissance de
la jeune cantatrice Aloysia Weber, dont
il tomba amoureux et dont, renouvelant
l’erreur commise par Joseph Haydn, il
épousa la soeur quelques années plus tard.
Le 23 mars 1778, après douze ans d’absence, Mozart foulait de nouveau le pavé
parisien. Mis en rapport, par Grimm en
particulier, avec Jean Le Gros, directeur
du Concert spirituel et avec Jean-Georges
Noverre, maître des ballets de l’Opéra, il
écrivit, pour le premier, la Symphonie no 31
K.297 et la Symphonie concertante K.297b;
pour le deuxième, le ballet des Petits
Riens K.299b. Parmi les principales com-
positions mozartiennes rédigées à Paris,
figurent également le Concerto pour flûte
et harpe K.299 commandé par le duc de
Guisnes, la pathétique Sonate pour piano
en la mineur K.310 (une des plus denses
et des plus poignantes). Les quatre Sonates
K.330-333 ne sont pas de 1778, comme on
le crut longtemps, mais de 1783.
Anna Maria Mozart mourut le 3 juillet
1778. Seul, désormais, pour poursuivre
son voyage, Mozart quitta, le 26 septembre, un Paris qu’il n’aimait décidément pas. Le retour à Salzbourg s’effectua
par Nancy et par Strasbourg, où le jeune
compositeur s’arrêta près d’un mois où il
put rencontrer Franz-Xaver Richter, l’un
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
681
des principaux représentants de l’école de
Mannheim.
Dans la chronologie de la vie de Mozart, il faut maintenant évoquer sa nomination (17 janvier 1779) au poste d’organiste de la cour. Wolfgang reprenait donc
du service auprès d’un maître copieusement détesté - non sans raisons - et avec
lequel, de toute façon, la rupture définitive ne pouvait qu’intervenir un jour ou
l’autre. Adepte des Lumières, Colloredo
n’avait sans doute pas tous les défauts que
lui prêtent les biographes. Mais il était
sûrement moins intelligent, cultivé et diplomate qu’un Nicolas Eszterházy, chez
lequel Joseph Haydn allait, sans trop de
problèmes, vivre quelque trente ans.
LA RUPTURE AVEC COLLOREDO.
À la fin de l’été 1780, Mozart reçut du
prince-électeur Karl Theodor la commande d’un opera seria pour le carnaval
de Munich. Telle fut l’origine de Idomeneo, re di Creta K.366, représenté pour la
première fois le 29 janvier 1781. À cette
occasion, le compositeur dut naturellement entreprendre de nouveau un voyage
à Munich. Il s’y rendit dès novembre
1780 et en repartit en mars 1781 pour
rejoindre, sur ordre, Colloredo à Vienne.
En mai et juin, divers incidents se produisirent, qui envenimèrent les rapports
déjà fort tendus entre l’employeur et
l’employé. Mozart quitta alors définiti-
vement le service de Colloredo et choisit de rester à Vienne comme musicien
indépendant. Chez la veuve Weber, où
il s’installa, il y avait la soeur cadette de
cette Aloysia - qui avait mis un terme à
ses projets matrimoniaux en épousant
l’acteur Joseph Lange - Constance ; il
ne tarda pas à s’enflammer pour elle et
l’épousa le 4 août 1782. Constance devait
être une bonne fille... Mais pas très futée,
dépensière, et qui aurait eu besoin d’être
gentiment, mais fermement, dirigé par un
mari doté, pour les questions financières
et administratives, d’un solide sens pratique. Ces qualités, Mozart ne les possédait pas, contrairement à Georg Nikolaus
Nissen, lequel, dix-huit ans après la mort
du compositeur, allait officialiser ses relations avec Constance et faire de celle-ci
une épouse modèle.
De 1781 datent le Rondo pour violon et
orchestre K.373 (probablement composé
pour le violoniste Brunetti) ; 4 Sonates
pour piano et violon K.376 à 379 ; l’ample
Sonate en ré majeur K.448 pour deux pianos. Au second semestre de cette année
se rattachent les premiers travaux sur Die
Entführung aus dem Serail K.384 (l’Enlèvement au sérail), opéra allemand commandé par l’empereur Joseph II et dont
le livret était dû à Gottlieb Stephanie, dit
Stephanie le Jeune.
La première de l’Enlèvement eut lieu le
16 juillet 1782 au Burgtheater et suscita
des réactions assez contradictoires. Joseph
II reprocha-t-il vraiment à Mozart d’avoir
mis trop de notes dans sa partition ? Pour
le Magazine de la musique de Cramer, en
tout cas, l’oeuvre regorgeait de beautés (ce
qui est strictement vrai), tandis que pour
le comte Karl Zinzendorf, c’était tout simplement « un ramassis de choses volées « !
LES SUCCÈS À VIENNE.
En 1782, Mozart commença de fréquenter, à Vienne, la maison du baron Van
Swieten, futur librettiste des deux derniers
oratorios de Haydn (la Création et les Saisons), et qui, contrairement à la quasi-totalité de ses contemporains, se passionnait pour Bach et pour Haendel. Chez lui,
Wolfgang découvrit les fugues des Bach,
« aussi bien de Sébastien que d’Emanuel
et de Friedemann «. C’est précisément au
début de cette année 1782 que se rattache
chronologiquement, le Prélude et fugue
pour piano en ut mineur K.394. C’est le 31
décembre que fut achevé, avec son merveilleux finale en fugato, le premier des
six Quatuors à cordes en sol majeur K.387,
dédiés à Joseph Haydn. Avec, entre ces
deux oeuvres capitales, des pages aussi
importantes que la Sérénade en ut mineur
K.388, la Symphonie no 35 « Haffner «, les
Concertos pour piano nos 11, 12 et 13 K.413,
414 et 415.
Il y a lieu d’évoquer ici, les relations privilégiées, qui, dans les années 1780, s’établirent entre Joseph Haydn et Mozart. On
ne connaît pas la date précise à laquelle
ces deux génies, foncièrement différents,
mais d’égales statures, se virent pour la
première fois. Ce qu’on sait, en revanche,
c’est que l’amitié sans arrière-pensées et
l’admiration qu’ils éprouvèrent l’un pour
l’autre - sans rien abdiquer de leur propre
personnalité - constituent l’un des chapitres les plus sympathiques et les plus «
exemplaires « de l’histoire de la musique.
Mozart avait été vivement impressionné
par la « densité expressive « des Quatuors
op. 20 du Kapellmeister d’Esterháza. Il le
fut tout autant, sinon davantage, pour la
modernité des Quatuors op. 33 de 1781. Et
l’hommage somptueux qu’il offrit à son
aîné par la dédicace des 6 Quatuors K.387,
421, 428, 458, 464 et 465 représente tout
à la fois un témoignage d’estime respectueuse et une réponse au « défi artistique
« qui lui avait été lancé. Ces quatuors
furent longuement, soigneusement élaborés. Avant leur achèvement, plus de
deux années s’écoulèrent, qui, dans la vie
de Mozart, correspondent à la naissance
de nombreux chefs-d’oeuvre : Messe en
ut mineur K.427, Symphonie no 36 « Linz
«, Fugue pour deux pianos K.426 (1783) ;
Concertos pour piano no 14 K.449, no 15
K.450, no 16 K.451, no 17 K.450, no 18
K.456, no 19 K.459, Sonate pour piano
et violon K.454, Sonate pour piano no 14
K.475 (1784).
Pour assurer sa vie matérielle et celle
de sa famille, Mozart n’avait d’autres
possibilités que de donner des leçons et
des concerts (qu’on appelait alors des «
académies «). D’élèves et, par conséquent,
de leçons, il n’y eut jamais pléthore. Trois
noms pour janvier 1782 : la comtesse
Rumbeck, Mme von Trattner, la comtesse
Zichy. Inaugurées le 23 mars 1783 pour
un concert dont on a conservé le copieux
programme (10 numéros, dont la nouvelle
Symphonie pour Haffner, 2 concertos pour
piano, des extraits de la Posthorn-Serenade !), les académies furent, au début,
plus rentables. Pour s’y produire comme
virtuose du clavier (aspect de son talent
que les Viennois appréciaient le plus), le
compositeur rédigea, de février 1784 à
décembre 1786, l’admirable série des 12
Concertos pour piano numérotée 14 à 25
dans la classification couramment adoptée. Le Concerto no 14 K.449 est d’ailleurs
la première partition inscrite - à la date
du 9 février 1784 - dans le catalogue que
Mozart allait tenir de ses oeuvres, jusqu’au
15 novembre 1791.
Il y avait aussi, avec les amis, des
scéances privées de musique de chambre.
Au cours de l’une d’elles on exécuta - avec
Dittersdorf au premier violon, Joseph
Haydn au second, Mozart à l’alto et Vanhal au violoncelle - trois des nouveaux
quatuors dédiés à Haydn. Leopold Mozart, qui, en février 1785, rendit visite à
son fils et eut la chance d’assister à l’événement, fut tout fier de rapporter à Nannerl
(lettre du 14 févr.) les paroles élogieuses
de Haydn sur Wolfgang : « Le samedi soir
Joseph Haydn et les deux barons Tindi
sont venus chez nous ; on a joué les nouveaux quatuors, mais seulement les trois
nouveaux que Wolfgang a ajoutés aux
trois autres que nous avons déjà. Ils sont
un peu plus faciles mais remarquablement
composés. M. Haydn m’a dit : je vous le
dis devant Dieu, en honnête homme, votre
fils est le plus grand compositeur que je
connaisse, en personne ou de nom. Il a du
goût et, en outre, la plus grande science de
la composition. «
Comme le Kapellmeister d’Eszterháza et comme beaucoup d’esprits cultivés en
Europe -, Mozart adhéra à la franc-maçonnerie. Il le fit en 1785, année où il
écrivit la Maurische Trauermusik K.477
(Musique maçonnique funèbre), laquelle
fait partie des nombreuses compositions
de premier plan nées d’un choix philosophique beaucoup plus important pour lui
que pour Haydn.
Mozart travaillait aux Noces de Figaro
(sur un livret de Lorenzo da Ponte tiré
du Mariage de Figaro de Joseph Beaumarchais), lorsque, début 1786, il reçut de
Joseph II la commande d’un sinsgpiel en 1
acte destiné à être donné dans le cadre des
festivités en l’honneur d’Albert de Saxe,
gouverneur des Pays-Bas. Ce SchauspieldownloadModeText.vue.download 688 sur 1085
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direktor K.486 (le Directeur de théâtre),
dont Stephanie le Jeune avait rédigé le livret, fut représenté à l’Orangerie du palais
de Schönbrunn, le 7 février 1786.
Moins de trois mois plus tard, le 1er mai,
eut lieu, au Burgtheater, la « première «
des Noces de Figaro. Relativement bien
accueilli, représenté neuf fois à Vienne en
1786, ce chef d’oeuvre fut repris l’année
suivante, à Prague, avec un succès beaucoup plus affirmé. Ce fut justement pour
Prague que Mozart écrivit ce qu’on peut,
à bon droit, considérer (sans rien ôter
à Tristan, à Pelléas, à la Flûte enchantée)
comme l’opéra des opéras : l’immortel
Don Giovanni.
À Prague, où il avait été invité dès la fin
de 1786 et où il arriva le 11 janvier 1787,
Mozart assista, le 17 janvier, à la reprise
des Noces. De retour à Vienne, le 10 février, il se consacra à la composition de
Don Giovanni, travail qui l’occupa presque
entièrement durant les mois de juillet et
août. Entre-temps, le 28 mai, Leopold
Mozart était mort presque subitement à
Salzbourg à l’âge de soixante-huit ans.
Contemporaine de Don Giovanni - lequel fut créé à Prague le 29 octobre 1787,
et pour cette circonstance, Mozart avait
de nouveau effectué le voyage -, la célèbre
Kleine Nachtmusik K.525 (Petite Musique
de nuit) est, dans le catalogue du compositeur, répertoriée à la date du 10 août. Neuf
mois plus tôt (déc. 1786), Mozart avait
offert aux mélomanes de Prague la primeur de sa monumentale Symphonie no 38
K.504. Avec la Symphonie no 86 de Haydn
(écrite la même année), cet ouvrage marquait l’un des sommets de l’art symphonique de tous les temps. À 1787 encore
se rattachent le Quintette à cordes en ut
majeur K.515, le Quintette en sol mineur
K.516, la Sonate pour piano à quatre mains
K.521 (dernière du genre chez Mozart),
la Sonate pour piano et violon no 42 K.526.
DES ANNÉES DIFFICILES.
Mozart revint à Vienne à la mi-novembre
1787. Le 7 décembre, Joseph II lui conféra,
assorti d’un traitement de 800 florins, le
titre de « compositeur de la chambre impériale et royale «. Pour le même emploi
Gluck en avait eu 2 000. De plus en plus
incompris des Viennois, de plus en plus
assailli par des problèmes d’argent, Mozart vécut dans la capitale autrichienne la
totalité de l’année 1788. Pour survivre, il
dut se livrer à des travaux alimentaires :
réorchestration, pour le baron Van Swieten, d’Acis et Galatée et du Messie de
Haendel (tâche achevée en mars 1789
pour ce qui concernait ce dernier oratorio). En juin, juillet et août, il composa ses
trois ultimes symphonies : no 39 K.543, no
40 K.550, no 41 Jupiter K.551. C’est un des
épisodes les plus tristes, mais aussi les plus
significatifs de l’histoire de la musique que
cette mise à l’écart, par une société frivole,
d’un génie de première grandeur, qui, sur
le plan de l’esprit, est pourtant l’une des
gloires de son siècle. Joseph Haydn s’indignait à juste titre lorsque, répondant à
Franz Roth qui lui demandait un opéra
(lettre de décembre 1787), il formula l’avis
très net selon lequel c’était à Mozart et
non à lui-même qu’il fallait s’adresser. «
Si seulement, écrivit-il, je pouvais graver
dans l’esprit de tout ami de la musique,
mais surtout dans l’esprit des princes de
cette terre, les inimitables travaux de Mozart, les leur faire entendre avec la compréhension musicale et l’émotion que j’y
apporte moi-même, par Dieu, les nations
rivaliseraient pour avoir ce joyau chez
elles... Je m’étonne que Mozart, cet être
unique, ne soit pas encore appointé dans
une cour royale ou impériale. Pardonnezmoi si je m’échauffe : c’est que j’aime tant
cet homme ! «
Le 8 avril 1789, Mozart entreprit, dans
la voiture de son élève le prince Karl von
Lichnowski, un nouveau voyage qui le
mena à Prague, Dresde, Leipzig, Postdam.
À Leipzig, où Jean-Sébastien Bach avait
vécu pendant de nombreuses années, il «
se fit entendre gratuitement sur l’orgue
de la Thomaskirche « et joua « une heure
entière devant un nombreux auditoire
d’une manière pleine de bonté et d’art «
(déclaration d’un contemporain citée par
Reichardt). À Postdam, il fut reçu par
Frédéric-Guillaume II, bon violoncelliste
amateur pour lequel il écrivit, en juin
1789, mai et juin 1790, les trois Quatuors
à cordes K.575, 589 et 590 (pour le roi de
Prusse, Haydn avait composé ses Quatuors op. 50).
Après son retour à Vienne, le 4 juin
1789, Mozart reçut, de la cour impériale,
la commande d’un nouvel opéra pour le
prochain carnaval. À l’époque, il affrontait
les pires difficultés matérielles, ainsi qu’en
témoigne la poignante lettre du 12 juillet
adressée à Michaël Puchberg : « Me voici
dans une situation telle que je ne peux la
souhaiter même à mon pire ennemi ! Et
si vous, mon excellent ami et frère, vous
m’abandonnez, je suis « aussi malheureusement qu’innocemment « perdu, moi,
ma pauvre femme malade et mon enfant.
« On imagine ce que, d’un tel désarroi
moral, un compositeur romantique eût
tiré d’exhibitionnisme complaisant...
Chez Mozart, comme chez tout « honnête homme « de la fin du XVIIIe siècle,
il n’était pas question d’exposer ses problèmes personnels sur la place publique.
C’est pourquoi il composa un Cosí fan
tutte plein de fraîcheur, de tendresse et
dont tous les aspects tragiques (car, dans
l’argument bâti par Da Ponte, il y en a !)
ne nous sont jamais crûment violemment
présentés. La première répétition avec
orchestre de Cosí fan tutte eut lieu le 21
janvier 1790 en présence de Puchberg et
de Joseph Haydn. Donnée, cinq jours plus
tard, en « première mondiale «, l’oeuvre
obtint un succès correct, sans plus... Cette
fois-ci, le comte Zinzendorf, qui, sept ans
et demi auparavant, n’avait pas apprécié
l’Enlèvement au sérail, alla jusqu’à noter
dans son journal que « la musique (était)
charmante et le sujet fort amusant «.
LA FIN.
Nous en arrivons à cette année 1791 au
cours de laquelle Mozart écrivit tant de
chefs-d’oeuvre - comme si des forces nouvelles et inépuisables lui avaient été accordées - et dont, pourtant, il ne vécut pas les
derniers jours. Le Concerto pour piano et
orchestre K.595, le Quintette à cordes en mi
bémol majeur K.614, l’Ave verum K.619,
la Clémence de Titus, la Flûte enchantée, le
Concerto pour cor inachevé K.412, terminé
par Süssmayr, le Concerto pour clarinette
K.622, le Requiem inachevé K.626 : tel est,
réduit à ses composantes essentielles, le
bilan de cette étape ultime sur le chemin
de la beauté et de la vérité. Au printemps,
Mozart commença à travailler à la Flûte
enchantée (Die Zauberflöte), dont le livret
avait été rédigé par Emmanuel Schikaneder, directeur du théâtre Auf der Wieden, im Freihaus. Début août, le théâtre
national de Prague lui commanda, sur le
sujet imposé de La Clemenza di Tito (livret de Métastase), un opera seria pour
les fêtes du couronnement de Léopold II
comme roi de Bohême. La « première «
devant avoir lieu le 6 septembre et, par
conséquent, disposant d’un très court
délai, il se fit aider, dans la rédaction des
récitatifs, par son élève Franz Xaver Süssmayer. C’est avec ce dernier, qui, quelques
mois plus tard, allait terminer le Requiem,
qu’il se rendit à Prague, où il resta peu de
temps. L’histoire anecdotique veut que,
au moment du départ pour Prague, certain inconnu l’ait abordé pour lui demander où en était la messe de requiem qu’il
lui avait récemment demandée. On sait
maintenant - depuis pas mal de temps,
d’ailleurs - que les histoires mystérieuses
sur l’origine du Requiem relèvent de la
légende et que la commande de l’oeuvre
en question (laquelle émanait du comte
Walsegg) fit l’objet d’un contrat en bonne
et due forme passée par devant le notaire.
Le 30 septembre 1791, la Flûte enchantée était représentée pour la première
fois à Vienne avec, notamment, Schikaneder dans le rôle de Papageno. Le premier acte déconcerta les auditeurs, mais
la suite déchaîna les applaudissements. Et
pourtant, selon la Berliner Musikalische
Zeitung (1793) : « L’admirable musique
de Mozart fut massacrée à tel point qu’elle
vous aurait fait fuir de dégoût. On ne pouvait y entendre ni un seul chanteur ni une
seule chanteuse qui sorte seulement de la
médiocrité. « Ces déplorables conditions
d’exécution - à supposer qu’elles fussent
aussi mauvaises ! - n’influèrent pas négatidownloadModeText.vue.download 689 sur 1085
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vement, semble-t-il, sur un succès qui, au
contraire, se confirma les jours suivants.
Mais de ce succès, qui aurait pu relancer sa carrière, Mozart n’en profita pas
beaucoup. Car, le 5 décembre 1791, à
minuit cinquante-cinq, il avait cessé de
vivre. L’événement fit peu de bruit, l’enterrement fut des plus modestes. Le temps
n’était pas mauvais, mais seuls quelques
amis suivirent le corbillard, et l’on égara,
dans l’anonymat de la fosse commune, le
corps de cet homme exceptionnel. Haydn
était à Londres lorsqu’il apprit la nouvelle.
Il mesura aussitôt, lui, la perte irréparable
que l’humanité venait de subir. « Pendant
quelque temps, écrivit-il en janvier 1792
à Michaël Puchberg, je fus hors de moi
à cause de sa mort. Je ne pouvais croire
que la Providence eût si tôt repris la vie
d’un homme indispensable. Par-dessus
tout, je regrette qu’avant sa mort il n’ait
pu convaincre les Anglais, qui marchent
dans les ténèbres à ce propos, de ce que je
leur prêche jour après jour... Soyez assez
aimable, mon cher ami, pour m’envoyer
une liste de ses oeuvres inconnues ici : je
consacrerai tous mes efforts à les promouvoir au bénéfice de sa veuve. J’ai écrit, il y a
trois semaines, à la pauvre femme et lui ai
dit que lorsque son fils préféré atteindrait
l’âge nécessaire, je consacrerai toutes mes
forces à lui donner des leçons de composition, gratuitement, de telle sorte qu’il
puisse, d’une certaine manière, remplacer
son père. «
De Constance Weber, Mozart avait eu
six enfants, quatre garçons et deux filles.
Quatre d’entre eux, Raymond-Leopold,
Thomas Johann-Thomas-Leopold, Thérèse, Anna-Maria, étaient morts en bas
âge, ce qui n’avait rien d’étonnant compte
tenu de l’effroyable mortalité infantile de
l’époque. Après la disparition de Wolfgang, Constance se retrouva avec un fils
de sept ans, Karl Thomas, et un tout petit
Franz Xaver né le 26 juillet 1791. Par la
suite, le premier devint fonctionnaire
à Milan, où il mourut en 1858. Quant
au second (c’est probablement à lui que
Joseph Haydn fait allusion dans sa lettre
à Puchberg), il eut des maîtres tels que
Neukomm, Hummel (ancien élève de son
père), Albrechtsberger, Vogler, Salieri,
vécut comme musicien professionnel pianiste et compositeur - et termina sa
vie à Karlsbad, le 29 juillet 1844. Ce fut,
semble-t-il, un créateur estimable, que la
postérité eût peut-être mieux traité si le
génie paternel ne l’avait doté d’un terrible
handicap.
Dans sa musique, Mozart n’a rien d’un
révolutionnaire comme Schönberg ou
d’un expérimentateur comme Haydn. À
l’instar de Schubert, quelques années plus
tard, il se satisfait des formes et des structures établies par ses devanciers ou par ses
contemporains. Mais, par la perfection de
son écriture, la richesse, l’originalité, le renouvellement quasi permanent de son ins-
piration, l’acuité d’une sensibilité toujours
en éveil, il « transcende « tous les schémas,
toutes les organisations à l’intérieur desquels il se meut. Contrairement à Joseph
Haydn, grand magicien de la musique
instrumentale, il trouve dans le théâtre
chanté l’expression la plus directe, la plus
pure de son génie dramatique. Mais il partage aussi, avec Jean-Sébastien Bach, le
privilège de réussir souverainement dans
tous les genres qu’il aborde. La symphonie, par exemple, n’est pas vraiment au
centre de ses préoccupations principales.
Mais il écrit des symphonies sublimes qui,
pour l’époque, sont les seules qu’on puisse
mettre en parallèle avec celles du Kapellmeister d’Eszterháza.
De Haydn, dont la pensée discursive et
poétique tout à la fois le remplit d’admiration, il apprend l’art du développement
thématique, des enchaînements logiques
et irréfutables. Mais, plus que Haydn qui,
pour échafauder une construction grandiose, se contente souvent d’un thème,
voire d’un motif banal, Mozart compte
aussi sur le pouvoir expressif, sur la puissance de séduction du beau chant, du cantabile souple, généreux, tel qu’il l’a découvert en Italie. C’est pourquoi, sans doute,
il a tant d’estime pour Johann Christian
Bach (le Bach de Londres) et pour sa délicieuse musique « galante «. L’inconvénient
avec lui - si l’on peut dire ! - c’est qu’il n’a
pas de véritable descendance. Sans Joseph Haydn et sa prodigieuse évolution
esthétique, Beethoven et - quoi qu’on en
ait dit - une bonne part du romantisme
sont inexplicables, impensables. Mozart,
auquel d’aucuns se sont longtemps référés pour évoquer les notions restrictives
de grâce, de raffinement, de « joliesse «,
demeure unique, inclassable. Est-ce cela
qui nous le rend si précieux ?
MRAVINSKI (Evgueni Alexandrovitch),
chef d’orchestre soviétique (Saint-Pétersbourg 1903 - Leningrad 1988).
Après des études au conservatoire de Leningrad, il devint répétiteur à l’école de
ballet de cette ville de 1921 à 1930, puis
chef d’orchestre principal au théâtre Kirov
de 1932 à 1938. Lauréat du concours des
chefs d’orchestre de Moscou en 1938, il
accéda au poste de premier chef de l’Orchestre philharmonique de Leningrad et
fut professeur au Conservatoire de cette
ville en 1936-37 puis à partir de 1961. Il
obtint le prix d’État d’U. R. S. S. en 1946 et
le prix Lénine en 1961. Grâce aux tournées
effectuées en dehors d’U. R. S. S., le monde
musical a pu mesurer le niveau d’homogénéité et d’efficacité atteint par la formation
qui a bénéficié des soins attentifs de son
chef au cours de nombreuses années de
travail en commun.
Des interprétations de Mravinski se dégage une émotion spontanée, nullement
contrecarrée par la minutie de leur préparation. Connu pour son autorité, il savait
inculquer une discipline complète à son
orchestre. Aux côtés d’un vaste répertoire
allant de Beethoven à Tchaïkovski, de
Mahler à Honegger, il reste un interprète
de premier ordre dans le répertoire soviétique. Il conduisit les premières auditions
de la Cinquième, Sixième, Huitième, Neuvième et de la Dixième Symphonie de Chostakovitch. Sa conception de la Huitième
Symphonie, que le musicien lui a dédiée,
fera date dans l’histoire de l’interprétation
de la musique du XXe siècle. On luit doit
également la création de la 6e Symphonie
de Prokofiev et la direction musicale des
ballets du Théâtre Kirov.
MUCK (Karl), chef d’orchestre allemand
(Darmstadt 1859 - Stuttgart 1940).
Il étudie la composition et la direction
d’orchestre avec C. Kissner à Würzburg et
la philologie aux universités de Heidelberg
et Leipzig. Après avoir débuté comme pianiste, il occupe différents postes de chef
d’orchestre à Zurich, Salzbourg, Brno,
Graz, au Théâtre allemand de Prague (à
partir de 1886) et à l’Opéra de Berlin (à
partir de 1892). En 1912, il est nommé
chef d’orchestre permanent de l’Orchestre
symphonique de Boston. De 1922 à 1933,
il dirige la Philharmonie de Hambourg.
Il fut particulièrement apprécié comme
interprète des oeuvres de Richard Wagner.
MUE.
Transformation de la voix humaine à l’âge
de la puberté.
Ce phénomène physiologique n’a que
peu d’incidences en ce qui concerne les
filles, dont la voix ne fait que gagner en
puissance et en volume moyennant un
léger déplacement vers le grave. Il est, en
revanche, lourd de conséquences pour les
garçons, qui, de sopranos ou altos, deviennent normalement ténors ou basses.
Autrement dit, leur registre baisse en
quelques mois d’une octave ou davantage, et la couleur vocale change en conséquence. De sévères précautions s’imposent alors pour ne pas compromettre
irrémédiablement cette voix d’homme en
pleine formation, la plus simple et la plus
sûre consistant à ne pas chanter du tout
tant que dure la période de la mue.
MUFFAT, famille de musiciens autrichiens.
Georg, organiste et compositeur (Megève
1653 - Passau 1704). D’origine française,
il travailla à Paris avant de se rendre en
Autriche, à Ingolstadt et à Vienne, puis
en Bohême, à Prague. Nommé organiste
de l’archevêque-électeur de Salzbourg
en 1678, il devint maître de chapelle du
prince-évêque de Passau en 1690 et le
resta jusqu’à la fin de sa vie. En 1682, il
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
684
était allé à Rome, travailler auprès de
Corelli et de Pasquini. Ainsi fut-il marqué par les grands styles européens de son
temps, français, italien et autrichien, ce
que reflète une importante musique instrumentale qui devait à son tour influencer J. S. Bach. Son oeuvre majeure est l’Apparatus musico-organisticus (1690), recueil
d’oeuvres pour orgue consistant principalement en 12 toccatas. Pour ensemble
orchestral, il a laissé notamment Armonico tributo cioè sonate di camera (1682) et
deux livres intitulés Suavioris instrumentalis hyporchematicae (1695, 1698), dans
lesquels Haendel a puisé plusieurs thèmes
de ses Concertos grossos.
Gottlieb, organiste et compositeur, fils
du précédent (Passau 1690 - Vienne 1770).
Élève de Fux, organiste de la chapelle
impériale, il fut le professeur de musique
de Marie-Thérèse et de François Ier d’Autriche. Il a laissé une abondante production d’oeuvres pour l’orgue et pour le clavecin, et principalement 72 Versetlsammt
12 Toccaten (1726) et Componimenti musicali per il cembalo (v. 1739).
MÜLLER (August Eberhard), compositeur et chef d’orchestre allemand (Northeim 1767 - Weimar 1817).
Organiste à Leipzig en 1794, il fut de 1804
à 1810 cantor de Saint-Thomas, collaborant à cette époque étroitement avec la
maison d’édition Breitkopf & Härtel, notamment pour la publication des
oeuvres de Mozart et Haydn. En 1810, il
devint directeur de la musique à Weimar,
conduisant la première de Fidelio dans
cette ville le 4 septembre 1816.
MÜLLER (Wenzel), compositeur autrichien (Trnava, Moravie, 1767 - Baden,
près de Vienne, 1835).
Élève de Dittersdorf, il devint chef au
théâtre de Brno en 1783, puis en 1786
maître de chapelle au théâtre de la Leopoldstadt à Vienne, poste qu’il devait
occuper jusqu’en 1830 à l’exception des
années 1807-1813, passées à Prague. Il
cultiva dans ce théâtre un répertoire populaire prolongeant dans le XIXe siècle la
tradition de la comédie en allemand avec
musique, et composa lui-même plus de
250 opérettes ou singspiels (Kaspar der
Fagottist, 1791).
MULLOVA (Viktoria), violoniste russe
naturalisée autrichienne (Moscou 1959).
Elle étudie le violon avec Boris Levin, puis
avec Volodar Bronin et entre au Conservatoire Tchaïkovski, où elle travaille avec
Leonid Kogan. Premier prix en 1975 du
Concours Wieniawski de Pozna’n, en
1981 du Concours Sibelius d’Helsinki,
et en 1983 du Concours Tchaïkovski de
Moscou, elle effectue ensuite en Finlande
une tournée qui lui permet d’émigrer aux
États-Unis. Rapidement sollicitée pour se
produire sous la direction de chefs tels que
Muti, Maazel ou Ozawa, elle commence
une brillante carrière.
MUMMA (Gordon), compositeur américain (Framingham, Massachusetts,
1935).
Il fit ses études à Detroit (1949-1952),
puis à l’université de Michigan (195253). Il travaille au studio de musique
électronique de Ann Arbor (Michigan),
et fut codirecteur du festival et assistant
du département acoustique de l’Institut.
Attaché comme compositeur à la compagnie de danse Merce-Cunningham et
au Sonic Arts Group de New York, il s’est
fait rapidement une réputation d’expérimentaliste, tant dans le domaine de
l’électronique que dans une répartition
personnelle des éléments sonores. Dans
Meanwhile (1961), pour piano, percussion, sons électroniques préenregistrés et
« un autre instrument sur lequel un des
exécutants est expert », la notation ne
concerne que les gestes accompagnant le
rôle qu’ils jouent quand ils passent d’un
instrument à l’autre, afin, dit-il, de rendre
tout son sens à l’aspect visuel de l’exécution que l’usage de la musique enregistrée
a compromis. Il est également l’inventeur
d’un système « cybersonic » en fonction
duquel un contrôle semi-automatique
permet d’intégrer à l’ensemble d’une
composition tout ou partie des éléments
du son musical. Il reconnaît ici l’influence
des compositeurs, danseurs et artistes de
la compagnie Merce-Cunningham.
En dehors de Gestures II pour 2 pianos
(1962), toute la production de Gordon
Mumma est une synthèse entre musique
instrumentale et musique électronique :
Megaton for William Burroughs, Music
for the Venezia Span Theatre, The Dresden
Interleaf 13 February 1945, Le Corbusier,
Hornpipe, Digital Process, Swarm, Runway,
Beam, Conspiracy 8.
MÜNCH (Charles), chef d’orchestre et
violoniste français (Strasbourg 1891 Richmond, Virginie, 1968).
Fils de l’organiste et chef de choeur alsacien Ernst Münch, il étudia le violon au
conservatoire de Strasbourg et vint se
perfectionner à Paris avec Lucien Capet
(1912) ; plus tard il prendra des leçons
avec le célèbre violoniste Carl Flesh, à
Berlin. En tant qu’Alsacien, il ne devint
citoyen français qu’en 1918. Professeur
de violon au conservatoire de Strasbourg
(1919), il fut chef assistant de l’orchestre
municipal de cette ville (1919-1926), puis
du Gewandhaus de Leipzig, secondant
ainsi Wilhelm Furtwängler (1926-1933).
Il débuta à Paris avec l’orchestre Straram
(1932), et dirigea ensuite les orchestres Lamoureux et Straram ainsi que les concerts
Siohan, puis créa son propre orchestre à
Paris, l’Orchestre de la société philharmonique (1935-1938). Nommé directeur
de la Société philharmonique de Paris
(1935), puis de la Société des concerts du
Conservatoire (1937), il poursuivit durant
les quinze années où il résida à Paris une
politique d’innovation, introduisant dans
les programmes de plus en plus d’oeuvres
françaises contemporaines.
Après de nombreuses tournées en Europe, il débuta aux États-Unis avec le Boston Symphony Orchestra (1946), dont il
devint le chef permanent à partir de 1948,
succédant à Koussevitski. Il poursuivit
la politique de Pierre Monteux dans les
années vingt, qui consistait à faire du Boston Symphony Orchestra l’agent principal
de propagande en faveur de la nouvelle
musique française auprès du public américain. Il démissionna en 1962 pour revenir à Paris, et fut le premier directeur de
l’Orchestre de Paris (1967), avec lequel il
était en tournée aux États-Unis lorsqu’il
mourut. Né Allemand, mort Français,
Charles Munch était déchiré entre ses
deux patries. Il fut un personnage à la
fois bouillant, brillant et tourmenté, doté
d’un sens de l’ampleur et de l’architecture
sonores peu commun, mais aussi d’une
subtilité d’oreille, d’une connaissance des
timbres et de leurs chatoiements qui firent
de lui l’un des plus grands chefs de notre
temps.
MÜNCHINGER (Karl), chef d’orchestre
allemand (Stuttgart 1915 - id. 1990).
Il fit ses études musicales à l’École supérieure de musique de Stuttgart et au
conservatoire de Leipzig. Après avoir
été organiste et maître de choeur à Stuttgart, il fut nommé chef de l’Orchestre
symphonique de Hanovre (1941-1943).
Aussitôt après la Seconde Guerre mondiale, il fonda l’Orchestre de chambre de
Stuttgart, l’un des plus célèbres de notre
temps, et avec lequel il acquit rapidement
une réputation internationale. Ceci grâce
aussi bien à de nombreuses tournées qu’à
des enregistrements d’oeuvres alors peu
connues de Bach, Vivaldi, Haydn, Mozart.
Pour renforcer son orchestre de chambre
dans les grandes oeuvres du répertoire,
il créa en 1966 la Stuttgarter Klassische
Philharmonie. L’élégance et la sobriété de
sa direction sont célèbres dans le monde
entier.
MUNCLINGER (Milan), chef d’orchestre
et flûtiste tchèque (Kosice 1923 - Prague
1986).
Il suit les cours de V. Talich au conservatoire de Prague et étudie également à
l’université. Il a fondé en 1951 l’ensemble
de chambre Ars rediviva de Prague, spécialisé dans l’interprétation de la musique
baroque.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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MURAIL (Tristan), compositeur français
(Le Havre 1947).
Il a fait à Paris des études universitaires
(licence ès sciences économiques, Institut d’études politiques, École nationale
des langues orientales) et musicales, travaillant les ondes Martenot avec Jeanne
Loriod et Maurice Martenot, et entrant en
1967 dans la classe de composition d’Olivier Messiaen (premier prix en 1971).
Pensionnaire à l’Académie de France à la
villa Médicis, à Rome, de 1971 à 1973, il
participa en 1973 à la fondation de l’Itinéraire, dont il est toujours l’un des responsables, et en 1977 à celle du Collectif
de recherche instrumentale et de synthèse
sonore. Dès ses premières oeuvres, il s’opposa radicalement au sérialisme postwebernien, ce qui se traduisit par un style
parfois proche de celui de Ligeti et qui devait s’accuser par la suite. Récusant toute
analyse « hors temps » de la musique ainsi
que la découpe en « paramètres » de ses
éléments, il affirme une conception unitaire et continue du phénomène sonore,
et s’efforce de travailler le « son-durée »
de l’intérieur, dans le contexte d’un temps
uniforme et linéaire excluant toute discontinuité du discours. D’où des ouvrages
dans lesquels les événements apparaissent
et se transforment progressivement, sans
césures ni silences, et dont les processus
formels s’inspirent souvent des manipulations électroacoustiques (échos, bandes de
réinjections, distorsions).
On lui doit notamment : Couleur de mer
pour 15 instruments (1969), Antigravité
pour 10 instruments (1969), Altitude 8 000
pour petit orchestre (1970), Mach 2,5 pour
2 ondes Martenot (1971), Lovecraft pour
bande magnétique (1972), Au-delà du mur
du son pour grand orchestre (1972 ; créé
à Rome la même année), l’Attente pour 7
instruments (1972), les Nuages de Magellan pour 2 ondes Martenot, guitare électrique et ercussion (1973), Cosmos privé
pour grand orchestre (1973 ; créé à Rome
la même année), la Dérive des continents
pour alto solo et 12 cordes (1973 ; créé à
Royan, 1974), Sables pour grand orchestre
(1974-75 ; créé à Royan, 1975), Emeth
pour viole d’amour et dispositif électroacoustique (1975), Mémoire/Érosion pour
cor solo et 9 instruments (1975), Échos/
Mémoire pour alto et piano, plus violon et
violoncelle ad libitum (1976), Territoires
de l’oubli pour piano solo (1976-77), Tellur pour guitare solo (1977), Éthers pour
6 instruments plus continuo de maracas
(1978), Treize Couleurs du soleil couchant
pour 5 instruments et dispositif électroacoustique ad libitum (1979), les Courants
de l’espace pour ondes Martenot, synthétiseur et petit orchestre (1979), les 7 Paroles
du Christ en croix pour choeur et orchestre
(1980), Gondwana pour orchestre (1980),
Désintégrations pour 17 instruments
et bande synthétisée (1982), Time and
again pour orchestre (Metz 1986), Vues
aériennes pour cor, violon, violoncelle et
piano (Londres 1988), les Sept Paroles du
Christ en croix pour choeur et orchestre
(Londres 1989), Allégories pour ensemble
de chambre (Paris 1990), Dynamique des
fluides (1991).
MUSETTE.
1. Instrument à anche proche de la cornemuse, comportant habituellement 2 chalumeaux et 4 bourdons. L’alimentation en
air est assurée par un soufflet que le joueur
presse avec son bras. La musette est, le
plus souvent, dans le ton de sol. Elle s’est
répandue en France au XVIIe-XVIIIe siècle,
appréciée pour son caractère pastoral.
Plusieurs traités de musette apparurent à
cette époque.
La « musette du Poitou », d’une facture
totalement différente, est un instrument
populaire semblable à un hautbois court.
Possédant un son strident, elle était indiquée pour les musiques de plein air. Elle
fut utilisée dans l’orchestre de la Grande
Écurie du roi.
2. On appelle également musette une
danse des XVIIe-XVIIIe siècles, d’un rythme
binaire, proche de la gavotte, dont elle formait souvent la partie centrale. Sa mélodie « naïve et douce » (J.-J. Rousseau), de
caractère champêtre, se déroulait sur un
fond de note de basse tenue, à l’instar du
bourdon de l’instrument. On en trouve
de nombreux exemples dans la musique
instrumentale de l’époque, le plus typique
étant certainement celui de la troisième
Suite anglaise (BWV 808 en sol mineur)
de Bach.
3. Le terme « musette » sert enfin à désigner un registre de l’orgue, faisant partie
du groupe des anches. Son timbre rappelle
celui du cromorne, mais toutefois un peu
atténué. C’est un jeu de 8 pieds (octave
réelle).
MUSGRAVE (Thea), femme compositeur
écossaise (Barnton, Midlothian, 1928).
Elle a fait ses études à l’université d’Édimbourg et à Paris, avec Nadia Boulanger
(1950-1954), et a enseigné à l’université de
Londres (1958-1965), ainsi qu’à Santa Barbara en Californie (1970). Elle a d’abord
écrit dans un style diatonique, dont témoignent notamment le ballet A Tale for
Thieves (1951) et l’opéra de chambre The
Abbot of Drimrock (1955), puis évolua vers
le sérialisme. L’opéra The Decision (196465 ; créé en 1967) marqua dans son évolution une étape essentielle. Elle en tira la
matière musicale de Nocturnes and Arias
pour orchestre (1966). De la même année
datent les Concertos de chambre no 2 et no
3, oeuvres « asynchroniques », où toutes
les parties sont écrites mais non coordonnées avec précision. On lui doit encore
une Sinfonia pour orchestre, un concerto
pour clarinette (1967), un pour cor (1971)
et un pour alto (1973), le ballet Beauty and
the Beast (1968-69) et les opéras The Voice
of Ariadne (1972-73 ; créé en 1974), Mary,
Queen of Scots (1977), A Christmas Carol
(1978-79 ; créé en 1979), An Occurence at
Owl Creek Bridge (1981 ; créé en 1982),
Harriet, the Woman called Moses (1985).
MUSICA.
Festival consacré à la musique contemporaine qui a lieu chaque année, depuis
1983, en début d’automne, à Strasbourg.
Son répertoire, orienté d’abord vers
les classiques du XXe siècle, s’est voulu
ensuite de plus en plus, grâce à une programmation réfléchie et par une politique
conséquente de commandes, un reflet de
la musique d’aujourd’hui (Zimmermann,
Tippett, Scelsi, Xenakis, Kagel, Huber,
Nono, Nancarrow, Ligeti, mais aussi
Lindberg, Radulescu, Dusapin, Tanguy,
Saariaho). Par son ouverture sur l’espace
européen, par son souci d’illustrer aussi
la musique des continents américain ou
asiatique, par la délocalisation de ses sites
de concert (du Théâtre national de Strasbourg aux Ateliers du TGV et à l’Opéra de
Darmstadt), Musica est l’un des rendezvous les plus importants pour la diffusion
de la musique actuelle.
MUSICOLOGIE.
Discipline, à multiples compartiments,
dont l’objet est l’étude scientifique de la
musique dans son histoire, sa théorie, ses
formes.
Cette discipline, et le nom qui la désigne, s’est constituée comme telle à la
fin du XIXe siècle, notamment en Allemagne, où l’on parlait de Musikwissenschaft (« science de la musique »). Bien que
le domaine de la musicologie couvre en
principe tous les aspects du phénomène
musical pouvant faire l’objet d’une investigation systématique (jusqu’à l’acoustique et la psychophysiologie de l’oreille),
elle se consacre le plus souvent à une sorte
d’inventaire et de reconstitution historique du « passé » musical, surtout pour
les périodes les plus reculées, comme le
Moyen Âge et la Renaissance occidentale,
dont les traditions d’exécution s’étaient
perdues et dont les monuments écrits
étaient rares ou peu accessibles. Il n’est
pas étonnant que le développement de
la science musicologique, en Occident,
coïncide avec un culte grandissant et une
perpétuation exhaustive d’un passé que,
avant le romantisme, on laissait beaucoup
plus facilement sombrer dans l’oubli.
La musicologie fait à présent, dans
le monde entier, l’objet d’un enseignement officiel (cf. Institut de musicologie,
à Paris). Il va de soi que, devant l’énormité des connaissances que son champ
de travail suppose, tout musicologue se
spécialise rapidement dans un domaine :
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
686
la musique pour luth, le « Moyen Âge » ou
les musiques africaines.
Les musicologues se distinguent
des simples musicographes par le fait
que, contrairement à ces derniers qui
s’adonnent à l’« écriture sur la musique »
(compilation biographique, journalisme,
vulgarisation, critique, etc.), ils font, eux,
un travail « de première main », pour
reprendre l’expression d’Armand Machabey. Ils recherchent les manuscrits,
les documents, étudient les partitions,
les redécouvrent, les restituent, etc., dans
une investigation systématique. Parfois,
ils font aussi de la musicologie de terrain,
en allant étudier sur place des civilisations
musicales, enregistrer leurs manifestations pour les étudier ensuite, etc. C’est
l’objet, en particulier, d’une des sousdisciplines musicologiques, l’« ethnomusicologie », qui se propose, de manière
très ambitieuse, de collecter tout ce qui
concerne les musiques orales (et, plus
rarement, écrites) de toutes les civilisations, en dehors de la musique occidentale
savante, naturellement privilégiée par la
musicologie traditionnelle.
Parmi les autres domaines de recherche
musicologique, on peut encore citer
l’« organologie », étude systématique des
instruments dans leurs principes et leurs
innombrables variétés ; l’« acoustique musicale », qui s’attache aux rapports entre
les vibrations sonores et la perception
musicale « brute « ; la « psychologie de la
perception musicale », plus récemment
apparue, et concernant, elle, la perception des « structures » musicales (et pas
seulement la perception des éléments :
hauteurs, durées, etc.). On a vu également naître ces dernières années, plus ou
moins comme branches spécialisées des
« sciences humaines », selon l’expression en vigueur, des courants comme la
« sociologie musicale », et surtout, à la
faveur du développement des disciplines
linguistiques, dont elle s’inspire, selon
l’axiome que la musique est une « sorte
de langage », la « sémiologie musicale »,
c’est-à-dire l’étude de la musique comme
système de signification. On peut citer
encore les travaux, menés parfois dans des
buts thérapeutiques, sur les « effets » de la
musique, et constater enfin que toute nouvelle science humaine tend à développer
une branche plus spécialement consacrée
au fait musical : psychologie, sociologie,
ethnologie, sémiologie, épistémologie,
etc., de la musique.
Cependant, et même si en Allemagne
avec des fondateurs comme Hugo Riemann on a vu se développer une tradition
musicologique axée sur des problèmes
d’esthétique, d’analyse des styles et des
formes, l’objet principal de la musicologie,
c’est encore l’inventaire de l’« ailleurs « :
l’ailleurs dans le temps (le passé), et dans
l’espace (les autres civilisations). Par goût,
par habitude, on « oublie » toujours plus
ou moins de faire la musicologie du présent musical, de l’ici et maintenant. Alors
que, dans le domaine contemporain, les
travaux musicologiques sont rares, et
souvent, paradoxalement, mal informés
(malgré l’accessibilité des sources), la musicologie du passé est souvent sérieuse, exhaustive, scrupuleuse. Le retentissement
de ces recherches sur la vie musicale n’est
pas mince, il est même de plus en plus important. Ces recherches contribuent beaucoup à ressusciter des répertoires oubliés,
et à en rénover le style d’interprétation,
par l’étude des partitions, le recoupement
des textes et des traités de l’époque. Ce
travail est d’ailleurs souvent le fait d’interprètes qui se forment ou s’improvisent
musicologues pour fouiller les documents
d’époque. On connaît aujourd’hui, mieux
que la plupart de leurs contemporains, ces
musiques du passé, avec leur génie propre,
leur style d’interprétation, et le « champ
de fouilles » ouvert depuis plus de cent ans
paraît encore inépuisable.
Dans le domaine des musiques non
européennes, particulièrement menacées
de disparition par le choc de l’industrialisation, par la pénétration des modèles
occidentaux (avec le transistor), et aussi
par l’absence, le plus souvent, d’une transmission autre qu’orale, la musicologie a eu
pour effet d’aider à leur survie le plus souvent, bien sûr, sous la forme de « pièces de
musée » et d’enregistrements. Mais aussi,
elle a donné l’occasion à certains musiciens de ces pays non européens de faire
connaître et apprécier leur tradition musicale et leur identité culturelle.
Il va de soi que la musicologie n’est
pas une discipline officiellement confinée
dans une définition, et que ses diverses
branches suivent étroitement l’évolution
des méthodes de recherche et des multiples courants de la connaissance, dans la
mesure où elle se rapporte à tout ce qui est
« discours » et « savoir » sur la musique.
MUSICORA.
Salon annuel organisé à Paris depuis 1985
et consacré aux différentes activités liées
à la musique, plus particulièrement à la
musique classique.
Il concerne l’édition musicale, l’interprétation, la diffusion (enregistrements,
festivals, radios, associations), la lutherie (traditionnelle ou informatique), la
presse musicale, les musiciens amateurs.
Pendant le déroulement du salon, des animations (concerts, conférences, émissions
de radio, séances de démonstration) sont
organisées.
MUSICOTHÉRAPIE.
Art de guérir les maladies par la musique.
Déjà pour Platon la musique était
capable de rétablir l’harmonie de l’âme
perturbée par le corps. Mais, plus près
de nous, Florimond Hervé, lorsqu’il était
en 1841 organiste de Bicêtre, jouait de
l’harmonium pendant les récréations des
aliénés de l’établissement dès que certains
malades amorçaient une invective. Les
motifs calmes, ou gais, exerçaient une action indéniable sur leur humeur. Entre les
deux guerres mondiales, des chercheurs
isolés se penchèrent sur les possibilités
thérapeutiques de la musique. Et constatèrent d’heureux effets sur les alcooliques,
les toxicomanes, et dans la préparation
de soins chirurgicaux. En 1960, ils arrivèrent à conclure que des musiques enregistrées, judicieusement choisies en fonction de chaque cas particulier, pouvaient
permettre d’explorer l’univers affectif
et émotionnel d’un individu. Il s’agit de
créer chez le malade un climat de sécurité,
de réveiller son imagination et ses énergies constructives afin de réorganiser sa
vie intérieure ou sociale. Aujourd’hui, il
existe à Paris l’Association de recherches
et d’applications des techniques psychomusicales dont l’activité, en s’imposant,
obtient des résultats de plus en plus positifs.
MUTATION. Famille de jeux de l’orgue
faisant entendre des harmoniques du
son fondamental, et, particulièrement,
outre les octaves, les sons de quinte (nasard et larigot) et de tierce.
On trouve parfois la septième, ou harmonique 7. Intervenant isolément, ces jeux
sont alors dits « mutations simples » et
se combinent avec la fondamentale pour
donner des sonorités richement timbrées,
propres aux récits et aux dialogues. Réunis entre eux, en « mutations composées »,
ils constituent principalement les jeux de
cornet et de sesquialtera.
MUTHEL (Johann Gottfried), organiste
et compositeur allemand (Mölln 1728 Bienenhof, près de Riga, 1788).
Dernier élève de Bach à Leipzig (1750), il
rendit ensuite visite à Berlin à Carl Philipp
Emanuel, qui devait l’influencer fortement en matière de musique pour clavier.
De 1755 à sa mort, il fut organiste à l’église
luthérienne de Riga. Il a laissé des concertos et des sonates pour clavecin ainsi que
de la musique d’orgue.
MUTI (Riccardo), chef d’orchestre italien
(Molfetta, près de Naples, 1941).
Après un essai infructueux au violon, il
étudie le piano au conservatoire San Pietro
a Majella de Naples, avec V. Vitale, puis la
direction d’orchestre et la composition au
conservatoire Verdi de Milan, respectivement avec A. Votto et B. Bettinelli, tout
en poursuivant à l’université de cette ville
des études de littérature et de philosophie.
Avant même de remporter son diplôme
de fin d’études, il dirige, en 1966, son premier opéra. L’année suivante, il remporte
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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le prix Guido-Cantelli, qui lui apporte ses
premiers engagements : Orchestre de la
RAI (1968), Mai musical florentin, dont
il devient chef permanent (1969), débuts
lyriques à Naples et à Rome (1970). Il fait
une entrée remarquée au Festival de Salzbourg, en dirigeant en 1971 Don Pasquale
de Donizetti, et aux États-Unis (en 1972)
avec l’Orchestre de Philadelphie. La même
année à Florence, il est le premier à diriger
le Guillaume Tell de Rossini dans une version véritablement intégrale.
Riccardo Muti se fait connaître par sa
curiosité pour les ouvrages méconnus de
Paisiello, Cherubini, Spontini et du jeune
Verdi, son auteur de prédilection. Il remporte avec Aïda un grand succès aussi bien
à l’Opéra de Vienne (1973) qu’à Covent
Garden (1977), où il est invité régulièrement. On le voit diriger également les
orchestres philharmoniques de Berlin et
de Vienne (par exemple au cours d’une
tournée au Japon avec Karl Böhm), le New
Philharmonia (de 1973 à 1982 comme successeur d’Otto Klemperer) et l’Orchestre
de Philadelphie, dont il devient successivement principal chef invité en 1975
et directeur musical de 1980 à 1992. En
1986, il succède à Claudio Abbado comme
directeur musical de la Scala de Milan. Il
défend un vaste répertoire et possède les
qualités qui font les grands chefs.
MUTTER (Anne-Sophie), violoniste allemande (Rheinfelden 1963).
Elle étudie d’abord le piano, puis le violon auprès d’Erna Honigsberger et remporte un premier prix avec félicitations
du jury lors du concours fédéral Jugend
musiziert. Au Conservatoire de Winterthur, en Suisse, elle travaille ensuite avec
Aïda Stucki, élève de Carl Flesh comme
son professeur précédent. Après un récital
triomphal donné à Lucerne en 1976, elle
est invitée par Karajan pour une audition.
Âgée de treize ans, elle est alors engagée
par lui pour interpréter avec la Philharmonie de Berlin le Concerto K 216 de
Mozart, concert où elle reçoit les ovations
du public. À partir de cette date, elle se
produit sous la direction de Zubin Mehta,
Mstislav Rostropovitch, Christophe von
Dohnanyi. En 1989, elle constitue un trio
à cordes avec B. Giuranna et M. Rostropovitch et, l’année suivante, commence à
enseigner le violon à la Royal Academy of
Music de Londres.
MYSLIVECEK (Josef), compositeur
tchèque (Horni Sarka, près de Prague,
1737 - Rome 1781).
Fils d’un meunier, il étudia l’orgue et le
contrepoint avec Frantisek Habermann
et Josef Seeger. Il fit paraître 6 symphonies sans nom d’auteur (1760), et décida
de se consacrer entièrement à la musique
(1762). Il se rendit à Venise (1763) et son
premier opéra, Medea, fut donné à Parme
(1764). Dès lors, il vécut principalement
en Italie, séjournant cependant à Vienne
et à Munich (1772), puis de nouveau à
Munich (1777). Sa vie dissolue hâta sans
doute sa fin. Mozart, qui le rencontra à
Bologne en 1770 et à Munich en 1777,
l’appréciait fort. On lui doit de la musique
de chambre (dont une série de quintettes
à cordes) souvent teintée de folklore
tchèque, des pièces pour instruments à
vent, des oratorios, dont l’un, Isacco figura
del Redentore (Florence, 1776 ; donné à
Munich, 1777, avec comme titre Abramo
ed Isacco), fut attribué à Mozart, et surtout
des opéras, parmi lesquels Il Bellerofonte
(Naples, 1767), Il Demofoonte (Venise,
1769), Erifile (Munich, 1773), Armida
(Milan, 1779), et Antigono (Rome, 1780).
MYSTÈRE ou MISTÈRE [étymologie
contestée, certains la rattachant au sens
actuel dérivé de mysterium, d’autres à
celui de ministerium, « office « ; les deux
orthographes ont eu cours].
Nom donné aux XVe et XVIe siècles à des
représentations théâtrales de plein air
(places publiques ou parvis d’églises),
avec un déploiement de moyens important et un texte en vers pouvant en certains cas nécessiter plusieurs journées.
Le sujet en est généralement religieux et
emprunté soit à l’Ancien Testament (Mystère de Job) soit au Nouveau (Mystères de
la Passion, débordant parfois largement
leur titre), mais il pouvait aussi y avoir des
sujets profanes (Mystère de la délivrance
d’Orléans). Au XIXe siècle, le terme fut
indûment généralisé et parfois confondu
avec le drame liturgique, dont le mystère
constitue une dérivation, mais dont il
reste fortement distinct.
Contrairement au drame liturgique, le
mystère, toujours en langue vulgaire, n’a
pas de caractère musical propre, mais il
peut faire appel à des illustrations musicales, vocales ou instrumentales, à titre
d’intermède ou de musique de scène. Son
seul lien avec l’office réside dans le Te
Deum, qui le clôt souvent par tradition, en
souvenir de celui qui concluait le drame
liturgique de matines, en se confondant
avec le chant final de cet office.
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NABOKOV (Nicolas), compositeur américain d’origine russe (Lubcza, région de
Minsk, 1903 - New York 1978).
Il était le cousin de l’écrivain Vladimir
Nabokov. Il a fait ses études musicales à
Saint-Pétersbourg avec Rebikov (191112), à Yalta, à Berlin avec Busoni (192223), à Strasbourg et à Paris (1926-1933).
Son premier ouvrage important, le balletoratorio Ode, fut créé aux Ballets russes
de Diaghilev à Paris en 1928. Il émigra
en 1933 aux États-Unis, où il fut succes-
sivement professeur au Wells College, au
Saint John’s College, au Peabody Conservatory de Baltimore, à la City University
de New York et à la State University de
Buffalo. Son ballet la Vie de Polichinelle
lui fut commandé par l’Opéra de Paris en
1934 ; un autre ballet, Union Pacific, créé à
Philadelphie en 1934, fut représenté dans
le monde entier.
Son attachement à la culture russe se
manifeste à travers ses références à Pouchkine (The Return of Pushkin pour solistes
et orchestre, 1948), à Pasternak (4 Poèmes
pour voix et piano, 1961), à Anna Akhmatova (6 Lyric Songs, 1966), ainsi que dans
son opéra la Mort de Raspoutine (195859). Son livre Old Friends and New Music
(Boston, 1951) contient des souvenirs sur
Diaghilev. Nijinski, Stravinski, Prokofiev,
Chostakovitch.
NADERMAN (Jean-Henri),
facteur d’instruments et éditeur français
d’origine allemande (Fribourg 1735 Paris 1799). Conseillé à partir de 1777
par Krumpholtz, il construisit surtout des
harpes, la plus célèbre étant celle de Marie
Antoinette (1780), et publia un très grand
nombre d’oeuvres pour cet instrument. Il
reprit en 1796 la firme et les plaques de
l’éditeur Boyer. Il eut deux fils : Henri
(Paris v. 1780 - id. après 1835), facteur
N
d’instruments et homme d’affaires, actif
dans la firme de son père, et FrançoisJoseph (Paris 1781 - id. 1835), harpiste et
compositeur. Membre le plus célèbre de la
famille, ce dernier ne fut supplanté comme
interprète que par Bochsa. En 1821 parut
chez Naderman, comme prétendue nouveauté et sous le titre de Dernière Sonate
pour le piano avec accompagnement de violon composée expressément pour Madame
la Maréchale Moreau, le trio avec piano en
mi bémol mineur no 41 (Hob. XV.31) de
Haydn, écrit à Londres en 1795 et publié
dès 1803 chez Traeg à Vienne. Après 1835,
la maison d’édition cessa ses activités ou
fut reprise par G.-J. Sieber.
NAGANO (Kent), chef d’orchestre américain (Morro Bay, Californie, 1951).
Issu d’une famille japonaise émigrée aux
États-Unis, il commence l’étude du piano
à l’âge de quatre ans, puis celle du koto,
de l’alto et de la clarinette. Bachelor of
Arts en musicologie à l’université de Santa
Cruz, il poursuit ses études musicales tout
en faisant ses débuts comme répétiteur à
l’Opéra de Boston et commence à diriger
à l’Opéra de chambre de San Francisco.
En 1983, il est l’assistant de Seiji Ozawa
pour la création du Saint-François d’Assise
de Messiaen, partition qu’il dirige ensuite
dans plusieurs villes européennes. En
1986, il est nommé principal chef invité
de l’Ensemble InterContemporain, poste
qu’il occupe jusqu’en 1989, date à laquelle
il devient directeur musical de l’Opéra de
Lyon. Parallèlement au grand répertoire
lyrique, il assure la création de plusieurs
opéras contemporains.
NAGELI (Hans Georg), éditeur, pédagogue, critique et compositeur suisse
(Wetzikon, près de Zurich, 1773 - id.
1836).
Il étudia à Zurich et à Berne, fonda sa
maison d’édition en 1792 et fut un des
premiers à publier des oeuvres de Bach
(le Clavier bien tempéré en 1801). Dans sa
série Répertoire des clavecinistes (à partir
de 1803) parurent en 1803-1804 la première édition des trois sonates opus 31 de
Beethoven, en 1804 une édition de l’opus
13 (Pathétique) et en 1805 une de l’opus
53 (Waldstein). Il fonda diverses sociétés
chorales et propagea dans son enseignement les idées de Pestalozzi.
NANCARROW (Conlon), compositeur
mexicain d’origine américaine (Texarkana, Arkansas, 1912).
Il joue du jazz (trompette) et complète ses
études au Conservatoire de Cincinnati.
Il prend aussi des cours privés, avec Slonimsky, Piston et Session à Boston. Pour
avoir participé à la guerre d’Espagne du
côté des républicains, il se voit retirer
le passeport américain et s’installe au
Mexique, dont il acquiert la nationalité
en 1956. Nancarrow y mène une existence
marginale avant d’être redécouvert par
l’avant-garde américaine (Cage, Mumma),
ainsi que par Ligeti, dans les années 1970.
Il se consacre presque exclusivement à
la composition pour piano mécanique
(plus de 40 Études), et se fait spécialement
fabriquer un appareil à l’aide duquel il
perce directement les rouleaux destinés à
cet instrument. Ces rouleaux deviennent
ainsi une partition, mais aussi un proto-
cole d’actions à remplir et une « interface » graphique. Il obtient, ainsi, dans
ses oeuvres, une précision et une liberté
rythmiques inconcevables auparavant.
D’où une remarquable complexité et des
superpositions proprement inouïes (ostinatos, canons divers, accentuations paradownloadModeText.vue.download 695 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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doxales, changements de couleur dus à la
vitesse d’exécution obtenue, irréalisable
par les moyens traditionnels). Se référant
à l’indépendance de cellules rythmiques
donnant chacune l’impression de vivre sa
propre vie musicale, Nancarrow parle de
« dissonance temporelle ». Il conçoit une
véritable polyphonie rythmique, plutôt
qu’une polyrythmie, éventuellement réductible à un schéma unique. Certaines de
ses pièces pour piano mécanique ont été
orchestrées. En 1988, le Quatuor Arditti
crée son Quatuor à cordes no 3.
NARDINI (Pietro), violoniste et compositeur italien (Livourne 1722 - Florence
1793).
Élève de Tartini, avec lequel il travailla six
ans à Padoue, il visita Vienne et diverses
villes d’Allemagne (1760-1766), puis retourna dans sa ville natale. Après avoir
assisté Tartini durant sa dernière maladie
(1769-70), il devint directeur musical de la
cour de Florence, poste qu’il devait occuper jusqu’à sa mort. Comme violoniste, il
excella surtout dans les mouvements lents,
moins dans la virtuosité : d’où la relative
facilité technique de ses concertos, qui
comme ceux de Tartini adoptent souvent
la coupe lent-vif-lent. Ses 6 concertos op.
1 parurent à Amsterdam vers 1765. On lui
doit aussi des sonates pour violon (op. 2,
op. 5), des sonates pour violon et flûte, des
quatuors à cordes.
NARVAEZ (Luis de), vihueliste espagnol
(né à la fin du XVe s. à Grenade).
Il fut successivement musicien du commandeur de Léon, puis du futur Philippe
II. On lui doit un remarquable recueil de
tablatures, El Delfín de música, comprenant un grand nombre de fantaisies, variations, villancicos, et des transcriptions
pour vihuela de pièces vocales, publié à
Valladolid en 1538, qui témoigne d’une
extraordinaire maîtrise dans l’art de la
variation (Differencias). Il fit paraître également deux livres de motets en 1539 et
1543 à Lyon.
NASARD.
Jeu de mutation de l’orgue, de la famille
des flûtes, faisant entendre l’harmonique
3 du son fondamental, c’est-à-dire sonnant à la douzième, soit une octave et une
quinte au-dessus de lui.
La hauteur du nasard est de 2 2/3 pieds
pour une fondamentale de 8 pieds (ou de
5 1/3 pieds pour une basse de 16 pieds). Le
nasard est utilisé seul avec la fondamentale, dans des récits, ou en composition
dans le cornet.
NAT (Yves), pianiste et compositeur
français (Béziers 1890 - Paris 1956).
Il fait ses études de piano, de solfège et
d’harmonie dans sa ville natale (avec C.
Bourgeois) et donne son premier concert
à l’âge de sept ans. Une fantaisie pour orchestre de sa composition qu’il dirige trois
ans plus tard lui vaut d’être remarqué par
Fauré et Saint-Saëns. En 1907, il obtient
un premier prix de piano au Conservatoire national de Paris (classe de L. Diémer). Encouragé par Debussy et Ysaýe, il
entre dans la carrière de concertiste, qu’il
mènera jusqu’en 1934, date de sa nomination comme professeur de piano au
Conservatoire de Paris. Dès lors, il ralentit
une activité de concertiste menée malgré
sa hantise de la foule et du « tapage »,
selon ses propres termes, pour se consacrer à l’enseignement et à la composition.
Doté d’une main à large paume et aux
doigts courts, Yves Nat se bâtit, à partir
de doigtés non conformistes, une technique novatrice qu’il met au service de ses
élèves. Le respect de la vérité expressive
et une ferveur nourrie par la familiarité
des oeuvres restent les maîtres mots d’un
art aux dimensions quasi métaphysiques.
Extrêmement scrupuleux, ce n’est qu’à
l’avènement du microsillon que Yves
Nat s’est résigné à enregistrer quelques
témoignages de son génie interprétatif :
une intégrale des sonates de Beethoven et
des pages de Schumann, Chopin, Brahms
et Schubert. La sincérité est également la
marque dominante d’une oeuvre principalement dédiée au piano - des préludes,
une sonatine, un concerto (qu’il a enregistrés lui-même) - et à la voix - des mélodies
et son chef-d’oeuvre, l’Enfer (1942), vaste
fresque pour choeur et orchestre.
NATUREL.
Outre son sens général (« conforme à
l’instinct »), qui s’applique ici, le mot « naturel » a en musique plusieurs acceptions
particulières. L’une d’elles fait référence
aux intervalles fournis par la « nature »
dans le phénomène dit « de résonance »,
d’où découle le tableau des harmoniques.
En terme de physique, on considère
comme naturel un intervalle défini par
un rapport figurant sur le tableau des harmoniques soit entre une fondamentale et
l’un de ses harmoniques, soit entre deux
harmoniques de la même fondamentale.
Théoriquement, si on pousse à l’infini le
tableau des harmoniques, tous les intervalles peuvent être naturels ; en fait, ce
tableau n’est utilisable qu’à condition de
ne pas dépasser un seuil d’assimilation
variable, que l’on peut évaluer à l’heure
actuelle aux 16 premiers harmoniques au
maximum, dont 10 seulement de façon
usuelle. On peut ainsi considérer comme
naturel tout intervalle exprimé par une
fraction dont aucun des deux termes n’excède 10, ou 16 à la rigueur (par ex., octave
2/1, ton 9/8, 7e mineure 7/4, etc.).
En terme d’harmonie, on considère
comme naturels les intervalles ou les accords correspondant à la définition physique ci-dessus. Toutefois, comme aucun
des intervalles du tempérament égal, aujourd’hui généralisé, n’est rigoureusement
conforme (octave exceptée) au modèle
naturel, on en étend l’application, grâce
au phénomène de tolérance, aux intervalles usuels reproduisant par approximation les véritables intervalles naturels. On
dira ainsi qu’une tierce majeure tempérée
(100, 343 savarts) est un intervalle naturel bien que ne coïncidant qu’à peu près
avec la vraie tierce majeure naturelle des
harmoniques 4 et 5 (intervalle 4/5, soit
97 savarts), parce qu’il la représente par
approximation dans la pratique des musiciens.
En ce qui concerne les accords (3 sons
ou plus), on considère comme naturels,
avec la même approximation de tolérance,
les accords dont on retrouve tous les in-
tervalles, sur le même tableau et dans la
même limite, à partir d’une même fondamentale ou de l’une de ses octaves (coeff.
1, 2, 4 ou 8). La tierce mineure (harmoniques 5 et 6, d’où rapport 6/5) n’est donc
un intervalle naturel que si on la considère
dans l’ensemble 1 à 6 dont font partie ces
deux nombres, c’est-à-dire en prenant
mi-sol comme fragment de l’accord de do
majeur (do-mi-sol) et non de celui de mi
mineur (mi-sol-si). C’est pourquoi, même
si les intervalles de l’accord parfait mineur
se retrouvent sur le tableau (ex., sol-si
bémol-ré, nos 6, 7, 9), ils ne peuvent en
rien concerner le véritable accord mineur,
celui de sol, puisqu’ils n’y existent que
comme fragment de l’accord de 9e naturelle du son no 1 ou de l’une des octaves
(do-mi-sol-si bémol-ré). C’est pourquoi
l’accord parfait mineur est artificiel, tandis
que l’accord majeur, appuyé sur la fondamentale ou l’une de ses octaves (par ex.,
do-mi-sol, harmoniques 4, 5, 6 de do no 1),
est un accord naturel. Il en est de même de
l’accord de 7e, do-mi-sol-si bémol, formé,
en ramenant les sons à leur hauteur tempérée, des harmoniques 4, 5, 6, 7, d’où son
nom d’accord de 7e naturelle. Il en est de
même de l’accord de 9e naturelle, formé
des mêmes harmoniques augmentés de
l’harmonique suivant no 9 (ré, d’où do-misol-si bémol-ré). Les accords de 7e et de 9e
naturelle prennent les noms de 7e et 9e de
dominante lorsqu’on les emploie tonalement sur le 5e degré, dit « dominante »,
mais seulement dans ce cas, à moins
de contresens caractérisé. Le XXe siècle
connaît également un accord de 11e naturelle formé de l’accord de 9e naturelle
auquel s’ajoute dans les mêmes conditions
la 11e augmentée naturelle (fa dièse), et
même un accord de 12e naturelle formé du
précédent plus la 12e augmentée naturelle
(sol dièse de l’harmonique 13). Contrairement aux précédents accords naturels,
ces deux derniers n’ont, par eux-mêmes,
aucune valeur tonale privilégiée. Ce n’est
peut-être pas un hasard si leur apparition
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
690
coïncide précisément avec la période d’affaiblissement de la tonalité que constitue
notre XXe siècle.
Pour les instruments à vent, on appelle
sons naturels ceux obtenus par le seul jeu
des sons harmoniques, c’est-à-dire par la
pression des lèvres, sans intervention de
doigtés (trous, clefs ou pistons), et instruments naturels ceux qui ne comportent
pas une telle intervention (par ex., le cor
de chasse). On appelle aussi sons naturels
ceux obtenus sur ces instruments sans
intervention d’artifices spéciaux comme le
sont sourdines, sons d’écho, etc.
Pour les instruments à cordes, au
contraire, on oppose les sons naturels,
obtenus par vibration normale de la corde
non divisée (entre le chevalet d’une part et
le sillet où le doigt appuie à fond d’autre
part), aux sons obtenus en divisant la
corde en plusieurs fuseaux par effleurement en un endroit déterminé, et que l’on
appelle sons harmoniques (ou harmoniques
tout court). Ces sons harmoniques sont
eux-mêmes divisés en harmoniques naturels, qui sont ceux de la corde à vide, et en
harmoniques artificiels, qui sont ceux de
la corde doigtée : la distinction est arbitraire et ne touche en rien à la nature du
phénomène.
Une autre utilisation du mot « naturel »
fait référence non plus au mode de production des sons, mais à l’ancien solfège
médiéval qui donnait ce nom aux syllabes
de l’hexacorde ut-la ne comportant pas la
« note mobile » qu’était le futur si. D’où,
par extension, depuis la disparition de
ce système, l’emploi du mot naturel pour
désigner toute note non altérée (touches
blanches du clavier ; exemple do naturel, si
naturel) [ ! ÉTAT].
NAUDOT (Jacques Christophe, dit JeanJacques), flûtiste et compositeur français
(v. 1690 - Paris 1762).
Maître de flûte à Paris en 1726, il fut l’un
des premiers compositeurs à introduire la
flûte traversière en France, et écrivit pour
cet instrument vingt livres de sonates (à
une ou plusieurs flûtes) ainsi que plusieurs
concertos, etc.
NAUMANN (Johann Gottlieb), compositeur allemand (Blasewitz, près de
Dresde, 1741 - Dresde 1801).
Après des études à la Kreuzschule de
Dresde, il se rendit en Italie (1757) et
y reçut les conseils de Tartini, du Padre
Martini et de Hasse. Recommandé par ce
dernier, il devint compositeur d’église,
puis maître de chapelle (1776) à la cour
de Dresde. À partir de 1777, il contribua
à réorganiser la chapelle musicale de Stockholm, donnant notamment les opéras
Cora och Alonzo (1782) et, surtout, Gustaf
Wasa (1786), longtemps considéré comme
l’opéra national suédois. Il se rendit aussi
à Copenhague, où fut représenté en 1786
Orpheus og Eurydyke, et, la même année,
se fixa de nouveau à Dresde, effectuant ultérieurement d’importants séjours à Berlin. Outre des oeuvres instrumentales, on
lui doit, entre autres, 12 oratorios (dont 1
français et 11 italiens) et 25 ouvrages pour
la scène. Les premiers, parmi lesquels La
Clemenza di Tito (1769), s’inscrivent dans
la descendance de Hasse. Les suivants,
dont La Dama soldato (1791), témoignent
aussi de l’influence de Gluck et de l’opéra
français, en particulier par leur usage du
récitatif accompagné et du choeur.
NAVARRA (André), violoncelliste français (Biarritz 1911 - Sienne 1988).
Un premier prix remporté à treize ans au
conservatoire de Toulouse lui ouvre en
1926 les portes de celui de Paris, où il étudie le violoncelle avec J. Loëb et la musique
de chambre avec Ch. Tournemire. Nanti,
l’année suivante, d’un nouveau premier
prix, il fait partie du quatuor Krettly, de
1929 à 1935, et fait ses débuts de soliste
en 1931, avec l’orchestre des concerts
Colonne dirigé par Gabriel Pierné. Sa carrière est jalonnée de tournées importantes
aux États-Unis, au Japon et, surtout, à
Londres, où il triomphe avec le Concerto
d’Elgar, qu’il inscrit à son répertoire.
En France, Navarra provoque et crée de
nouvelles oeuvres pour son instrument, en
particulier des concertos que lui dédient
A. Jolivet (1962) et H. Tomasi (1970).
Il joue et enregistre avec les plus grands
chefs, Ch. Münch, K. Ancerl, A. Cluytens,
C. Silvestri, mais consacre le plus clair
de son temps à l’enseignement depuis sa
nomination en 1949 au Conservatoire de
Paris. Il donne également des cours d’été à
l’Accademia Chigiana de Sienne (à partir
de 1954), au conservatoire de Vienne et à
l’Académie musicale de Detmold (à partir
de 1958). L’art et la pédagogie de Navarra
ont en commun une conception chaleureuse de l’instrument, visant à tisser des
sonorités idéales et émouvantes.
NĀY ou NEY.
Flûte oblique orientale (arabo-iranoturque).
La flûte oblique orientale, nāy ou ney,
est un instrument très ancien, dont le
nom provient du mot persan ney (roseau).
Son essor est lié à celui de la civilisation
islamique au sein de laquelle le nāy est un
instrument traditionnel à la fois populaire, savant et sacré. Il exprime alors aussi
bien la rêverie du berger, le raffinement
esthétique classique ou le souffle mystique
des derviches, soufis et initiés de diverses
congrégations de l’Islām, dont les « mevlevis-tourneurs » de Turquie.
Le nāy arabe est constitué d’un simple
roseau ouvert aux deux extrémités, dépourvu d’embouchure ou d’encoche,
dont les caractéristiques sont constantes
et indépendantes de la dimension, du
timbre ou du registre. Le roseau doit être,
de préférence, constitué de neuf segments
séparés par huit noeuds. Un trou postérieur est percé à mi-longueur, soit dans
le cinquième segment, et six trous antérieurs répartis en deux groupes similaires
de trois sont percés dans les sixième, septième et huitième segments. Le ney turc
comporte une embouchure en ivoire, en
os, ou en écaille et quelques bagues de
décoration. Le ney iranien comporte souvent une « embouchure » de métal qui en
facilite le jeu.
Les flûtistes orientaux, pour éviter les
transpositions par les doigtés, disposent
en général d’une bonne dizaine de nāy,
dont chacun donne un fondamental et un
registre différents. Ils peuvent ainsi transposer en conservant leurs doigtés et jouer
de concert avec différents instruments
et chanteurs. Pour jouer du nāy, on dispose l’extrémité supérieure contre sa lèvre
inférieure (parfois ses dents en Iran), et
on incline la tête et le roseau selon deux
obliquités différentes. Le souffle se brise
sur l’extrémité supérieure et donne le son.
Le fondamental et les divers degrés
(trois octaves moins une note) sont obtenus par la disposition des doigts et la force
du souffle qui donne la quinte et les deux
octaves des notes graves. Les mini-intervalles dépendent de l’inclinaison relative
tête-roseau et de l’obturation partielle des
trous. La maîtrise du nāy est donc le fruit
d’une longue expérience.
Le timbre du nāy, voilé et blessé, doit
être respecté. Il est symbolique du souffle
vital. Les inflexions sont riches en harmoniques et provoquent des effets dépassant
la mélomanie conventionnelle, d’où les
succès actuels des nāy et ney.
NECTOUX (Jean-Michel), musicologue
français (Le Raincy 1946).
Il a travaillé avec Yves Gérard et avec
Vladimir Jankélévitch pour sa thèse
d’État Gabriel Fauré et le théâtre (1980).
Diplômé de l’École nationale supérieure
des bibliothèques (1970), il a été conservateur à Versailles puis au département
de la musique de la Bibliothèque nationale
à Paris (1972), et a été nommé en 1985
responsable des activités musicales au
musée d’Orsay à Paris, avant d’en devenir conservateur en chef. Éditeur de Chopin, il a publié notamment Fauré (1972),
Correspondance Saint-Saëns-Fauré (1973,
2e éd. 1993), G. Fauré : Correspondance
(1980) et Gabriel Fauré : les voix du clairobscur (1990).
NEEFE (Christian Gottlob), compositeur allemand (Chemnitz 1748 - Dessau
1798).
Il étudia à Leipzig le droit à l’université et
la musique avec J. A. Hiller, et, vers 1780,
s’établit à Bonn, où il devint organiste de
la cour (1782) et eut comme élève BeethodownloadModeText.vue.download 697 sur 1085
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ven (piano, orgue, basse continue, composition). Il perdit ses postes lors de l’occupation française (1794), mais, en 1796,
fut nommé directeur musical du théâtre
de Dessau. Bon pédagogue, il s’illustra,
surtout, comme compositeur, dans le domaine du lied et dans celui du singspiel. Il
collabora avec Hiller pour Der Dorfbarbier
(1771) et écrivit lui-même, entre autres,
Die Apotheke (1771, d’après Goldoni), Die
Zigeuner (1777) et, surtout, Adelheit von
Veltheim (1780), au sujet proche de celui
de l’Enlèvement au sérail de Mozart. Ses
lieder et ses odes d’après Klopstock ont
souvent un ton de ballade.
On lui doit aussi le monodrame Sopho-
nisbe (1778).
NEGRO SPIRITUAL.
Chant religieux négro-américain d’inspiration chrétienne, en langue anglaise.
Le spiritual, probablement apparu au
XVIIIe siècle, est né de la fusion de certains
éléments de la tradition musicale africaine
et d’éléments empruntés aux cantiques
occidentaux. Créés collectivement, dans
l’excitation des « camp meetings » - ces
vastes assemblées où sermons et chants
alternaient -, ou individuellement, par des
« bardes » qui les transmettaient ensuite de
plantation en plantation, les premiers spirituals résultèrent sans doute d’une simple
déformation du matériau musical qui leur
était fourni par les évangélisateurs. Par la
suite (fin du XIXe s.), une tradition de spiritual « savant » se substitua peu à peu à
la tradition populaire. L’université Fisk,
à Nashville, l’Institut Hampton, en Virginie, entreprirent de discipliner le spiritual, de créer les bases d’un répertoire ;
on se mit à chanter le spiritual à plusieurs
voix, au prix, parfois, d’un renoncement
à l’essentiel : les inflexions, les clameurs,
les syncopes, la variabilité des blue notes,
éléments qui sont à la base du style négroaméricain et qui se retrouvent dans le
blues (équivalent du spiritual sur le plan
profane) et, plus tard, dans le jazz.
NELSON (John), chef d’orchestre américain (San José, Costa Rica, 1941).
À la Juilliard School, il remporte le prix
Irving Berlin de direction d’orchestre. En
1972, il débute à Carnegie Hall en dirigeant les Troyens de Berlioz. En 1973, il
remplace au Metropolitan Rafaël Kubelik souffrant, et commence une carrière
internationale. De 1981 à 1991, il est directeur musical de l’Opéra de Saint Louis
et, à partir de 1981, s’impose au Festival
Berlioz : jusqu’en 1989, il y dirige Béatrice
et Bénédict, le Requiem et Benvenuto Cellini. Berlioz, Gounod et Massenet, ainsi
que Haendel et Britten, sont ses compositeurs favoris. Il dirige souvent à l’Opéra de
Lyon : en 1994, il y donne la Traviata, et y
crée en 1996 Galina de Marcel Landowski.
NELSON (Judith), soprano américaine
(Chicago 1939).
Elle étudie au Studio der frühen Musik à
Francfort avec Andrea von Ramm, puis
avec Martial Singher en Californie. Elle se
tourne très tôt vers le répertoire baroque,
et interprète notamment plusieurs cantates de Haendel avec l’Academy of Ancient Music et Christopher Hogwood. Elle
aborde aussi le répertoire italien, avec le
Couronnement de Poppée de Monteverdi,
et les duos da camera de Rossi et Cesti.
Elle chante en duo avec René Jacobs et le
Concerto Vocale, et participe à un enregistrement intégral des musiques de scène
de Purcell.
NEMESCU (Octavian), compositeur roumain (Pascani 1940).
Il fait des études au Conservatoire de Bucarest (1956-1963), où il enseigne la composition depuis 1990. Il participe aux Cours
d’été de Darmstadt, travaille dans différents studios électroniques occidentaux,
à Bourges (GMEB), à Lyon (GRAME) ou
à Gand. Lauréat de plusieurs concours de
musique pour bande, Nemescu, après une
courte période où sa musique se distingue
par sa rigueur et sa puissance algorithmique (Triangle pour orchestre, 1964),
s’oriente vers une conception novatrice
des archétypes musicaux et de leur valeur
symbolique (le cycle orchestral Quatre
Dimensions en temps I-VIII, 1964-1968 ;
Natural pour piano et bande, 1973-1983,
Gradeatia pour bande magnétique et ensemble ad libitum, 1982). Nemescu élabore très tôt un système de composition
fondé sur la superposition de plusieurs
« couches » musicales caractérisées par un
statut culturel et sémantique indépendant
et bien défini (Concentrique pour bande
et ensemble ad libitum, 1968-69 ; le Chadouf de la porte pour ensemble et bande,
1975-76 ; Metabizantinirikon pour bande
et instruments, 1984).
Par certains aspects, sa musique peut
être rapprochée de l’expérience conceptuelle (Semantica jeux métamusicaux pour
n mélomanes, 1971-1974 ; Chromosome,
1975 ; le Jeu des sens, 1976-1980) ou de
la musique spectrale (Spectacle pour un
instant, 1974). Il a exposé ses principes
esthétiques dans de nombreuses études
publiées à Bucarest, ainsi que dans sa
thèse de doctorat, Capacitatile semantice
ale semnului muzical (les Capacités sémantiques du signe musical, Bucarest, 1983).
NÉOCLASSICISME.
Expression apparue vers la fin du
XIXe siècle pour désigner en musique,
ainsi que dans les autres formes d’arts
(poésie, peinture), certaines esthétiques
traduisant la volonté affichée d’un « retour
à « : retour à une musique équilibrée, stylisée, pure, « apollinienne », inspirée des
maîtres classiques (Bach, notamment),
par réaction contre l’expressivité débridée
du romantisme, ses formes parfois hypertrophiées ou rhapsodiques et sa tendance
à soumettre la musique au drame ; mais
parfois aussi, retour par réaction contre
l’atonalisme et l’« avant-gardisme », etc.
Déjà, le romantisme portait en lui le néoclassicisme comme son double et son envers. Naturellement, tout néoclassicisme
se réclame d’un passé, et c’est Jean-Sébastien Bach qui en fut, le plus souvent, élu
père, comme « classique des classiques ».
Une première vague néoclassique apparut au XIXe siècle, parallèle au romantisme
et à ses développements, notamment dans
les oeuvres de Johannes Brahms et Max
Reger et dans les conceptions antiwagnéristes du critique Hanslick. Ces musiciens
se réclamaient de la tradition germanique
de contrepoint compact, de choral varié,
etc., et c’est Felix Mendelssohn qui avait
amorcé ce courant, en ressuscitant la musique de Bach et en concevant des oeuvres
bâties sur les vieux moules de la tradition
allemande (notamment dans sa production de musique religieuse, un domaine
d’élection du néoclassicisme).
Une seconde vague de néoclassicisme
s’affirma dans les débuts du XXe siècle, en
réaction contre l’expressionnisme, l’atonalité, l’impressionnisme, etc. : en Allemagne avec Paul Hindemith, par exemple.
En France, il y eut le néoclassicisme « aimable » des compositeurs du groupe des
Six, qui voulait restaurer l’idée de la musique comme art d’agrément, en faisant
référence aux musiques de spectacle, mais
aussi à Mozart (chez Poulenc, notamment). Le néoclassicisme plus grinçant et
« cubiste » de Stravinski, dans les années
20, travestissait en « complet-veston » des
thèmes ou des styles musicaux empruntés
à Pergolèse (Pulcinella, 1919-20), à l’opéracomique du XIXe siècle (Mavra, 1922), à
Bach (Octuor, 1923 ; Concerto pour piano
et orchestre d’harmonie, 1923-24 ; Dumbarton Oaks Concerto, 1937, « distorsion »
moderne du troisième Concerto brandebourgeois), à l’opéra italien (OEdipus rex,
1927) et même à Tchaïkovski (le Baiser de
la fée, 1928). Dans la troisième de ses Satires, pour choeur mixte (1925), Schönberg
se plut à railler le petit « Modernsky » qui
se met la perruque du « papa Bach ». Mais
lui-même sera à son tour taxé de « néoclassique », pour ses oeuvres tardives, par
Pierre Boulez, qui y relèvera une inspiration « brahmsienne » et une volonté réactionnaire de réintégrer la tonalité dans le
système sériel.
Il y eut aussi le néoclassicisme « méditerranéen » de Malipiero (qui remontait
aux maîtres italiens du passé), Casella et
Respighi ; le néoclassicisme « français » de
Ravel (Tombeau de Couperin, 1914-1917)
et d’Albert Roussel - qui se réclame souvent des vieux maîtres français comme
Rameau ; le néoclassicisme, d’occasion, de
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Prokofiev (Symphonie classique, 1917, en
référence à Haydn), etc.
D’une manière générale, le néoclassicisme a été souvent combattu en termes
violents par les jeunes « ultras » de diverses tendances, comme une fuite devant
la nécessité de réinventer la musique.
Quelle que soit sa référence classique Bach, période préclassique ou opéra italien du XVIIIe siècle -, le néoclassicisme se
réclame souvent d’une esthétique « objective « : la musique doit tirer son sens
du seul jeu des valeurs musicales et des
proportions. Naturellement, il s’applique
souvent à « moderniser » les styles qu’il
reprend, d’où une impression grinçante,
parfois délibérément cultivée (chez Prokofiev et Stravinski, par exemple ; on
pense au travail de Picasso sur les toiles
de Velázquez). Tentation esthétique des
époques baroques et troublées, le néoclassicisme a souvent une dimension ironique
de « second degré « ; c’est la musique de
gens qui ne veulent pas être dupes de leurs
procédés de style et qui maintiennent avec
leur expression une certaine distance.
Vers la fin des années 60, on a vu, au
contraire, par réaction contre l’abstraction de l’après-guerre, un courant néoromantique très prononcé, dans les oeuvres
mêmes de ceux qui avaient commencé par
se réclamer de Webern.
NERI (saint Philippe), religieux italien
(Florence 1515 - Rome 1595).
Fils de notaire, il fut ordonné prêtre en
1551. Il organisa des réunions dans son logement de l’église San Girolamo della Carità à Rome pour prier et pour discuter des
problèmes religieux. Bientôt, ces assemblées devinrent trop importantes et furent
contraintes à trouver d’autres locaux : audessus de la nef. Le groupe fut reconnu
par le pape Grégoire XIII en 1575, et la
Congregazione dell’ Oratorio transféra
ses activités à la Chiesa Nuova. Philippe
Neri introduisit le chant des laude (laudes)
à ses offices afin d’animer un plus grand
nombre de fidèles. Son premier maître
de chapelle fut Giovanni Animuccia et il
semble que Victoria et Palestrina se mêlèrent aussi au mouvement. Sur une musique généralement simple, les textes que
chantait la congrégation possédaient parfois un caractère dramatique. Pour cette
raison, l’opéra sacré de E. de’ Cavalieri,
Rappresentazione di Anima e di Corpo,
donné à l’oratoire de la Chiesa Nuova en
1600, fut souvent considéré comme étant
à l’origine de la forme de l’oratorio. Cette
théorie se discute aujourd’hui. Philippe
Neri fut canonisé en 1622.
NEUBAUER (Franz Christoph), violoniste et compositeur tchèque (Melnik
1760 - Bückeburg 1795).
Après avoir mené une vie errante, il arriva
vers 1793 à Bückeburg, où il fut ressenti
comme un rival par Johann Christoph
Friedrich Bach, en poste dans cette cour
depuis 1750. Selon un contemporain,
« sa grande force était la symphonie », ce
qui poussa sans doute Johann Christoph
Friedrich à en composer lui-même dix de
1792 à 1794, alors qu’il avait abandonné
le genre depuis vingt ans. À sa mort (janvier 1795), Neubauer lui succéda comme
maître de chapelle, mais cet artiste « prolétarien et vagabond » disparut à son tour
en octobre de la même année, tué par ses
excès de boisson.
NEUHAUS (Heinrich), pianiste russe (Elisabetgrad 1888 - Moscou 1964).
Apparenté au compositeur Karol Szymanowski (qui lui dédiera deux oeuvres), il
donne son premier concert en 1897 et
commence une véritable carrière à l’âge
de seize ans. Pendant deux ans, il étudie
avec Leopold Godowski à Vienne. Après
la Première Guerre mondiale, il enseigne
quatre ans au Conservatoire de Kiev,
puis jusqu’à sa mort au Conservatoire
de Moscou (qu’il dirige de 1935 à 1937).
Immense pédagogue, il forme plusieurs
générations de pianistes, parmi lesquels
des interprètes aussi différents que Richter, Lupu ou Frémy. De sa propre carrière
de pianiste, il subsiste peu d’enregistrements, mais ils sont exceptionnels tant par
la poésie sonore que par la finesse de leur
toucher.
NEUKOMM (Sigismund), compositeur
et pianiste autrichien (Salzbourg 1778 Paris 1858).
Sa mère était parente de la femme de Michael Haydn, et il étudia avec ce dernier
avant de partir en mars 1797 pour Vienne,
où il devait rester jusqu’en mai 1804, à
la fois comme élève et disciple de Joseph
Haydn, comme compositeur et pianiste,
et comme professeur (notamment de la
soprano Anna Milder, créatrice du rôle de
Léonore dans Fidelio de Beethoven, et du
second fils de Mozart). Certains arrangements de chants écossais et gallois officiellement réalisés par Haydn le furent en fait
par lui. Jusqu’en juin 1808, il fut maître
de chapelle au Théâtre allemand de SaintPétersbourg.
En route vers la France, il s’arrêta à
Vienne de novembre 1808 à février 1809,
et, durant ces trois mois, visita presque
quotidiennement Haydn, qu’il vénérait. À son départ, il reçut en cadeau du
maître, qui devait mourir trois mois et
demi plus tard, le manuscrit autographe
de la Harmoniemesse. En novembre 1809,
Neukomm arriva à Paris, qui, pendant un
demi-siècle, devait être sa résidence principale.
Mais il voyagea toujours beaucoup,
séjournant de nouveau à Vienne dans la
suite de Talleyrand lors du congrès de
1814-15, puis au Brésil de 1816 à 1821 (il
y fit connaître des oeuvres de Haydn et de
Mozart). On le vit plusieurs fois en Angleterre, et en Algérie en 1834-35. En 1842, il
participa à Salzbourg aux cérémonies en
l’honneur de Mozart.
En 1804, Neukomm commença un
catalogue de ses oeuvres qu’il tint à jour
jusqu’à sa mort : y sont inscrits 1 265 ouvrages qui ne constituent d’ailleurs pas la
totalité de sa production. Celle-ci recouvre
à peu près tous les genres : oeuvres pour
la scène, dont Der Nachtwächter (1804) et
une musique de scène pour Athalie (1822),
oeuvres sacrées, dont plusieurs oratorios
et cantates, symphonies, ouvertures,
concertos, musique de chambre et de
piano. Son Esquisse biographique, rédigée
par lui-même (en français), parut à Paris
en 1859 (rééd., Munich, 1977).
NEUMANN (Vaclav), chef d’orchestre
tchèque (Prague 1920 - Vienne 1995).
Il étudie le violon avec Josef Micka et la
direction d’orchestre avec Pavel Dedecek
et Metod Dolezil, au conservatoire de
Prague, de 1940 à 1945. Cofondateur, en
1945, du quatuor Smetana, il y tient la partie de premier violon, puis d’alto, instrument dont il joue également dans les rangs
de l’Orchestre philharmonique tchèque.
En remplaçant inopinément Rafael Kubelik pour un concert de la Philharmonie,
il est engagé comme chef assistant en
1948. Premier chef de l’Orchestre symphonique de Karlovy Vary (1951-1954),
chef de l’Orchestre régional de Brno
(1954-1956), il connaît soudainement
en 1956 la consécration internationale
grâce au succès démesuré (215 représentations à Berlin, Wiesbaden et Paris, au
Théâtre des Nations) de la Petite Renarde
rusée, opéra de Janáček, qu’il dirige à la
demande de Walter Felsenstein, metteur
en scène et directeur de l’Opéra-Comique
de Berlin. Il en est nommé chef assistant
de 1956 à 1962, puis principal de 1962 à
1964. Il dirige en même temps l’Orchestre
symphonique de Prague, puis, de 1964 à
1968, la Philharmonie tchèque en qualité
de second chef, l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig et l’Opéra, dont il obtient
la direction musicale. En 1968, il est
nommé premier chef de la Philharmonie
tchèque et se voit chargé, de 1970 à 1973,
de la direction musicale du Staatsoper de
Stuttgart. En digne successeur des grands
aînés, Vaclav Talich et Karel Ancerl, Vaclav Neumann défend avec enthousiasme
les oeuvres-phares de la musique tchèque,
jouant et enregistrant les principaux opéras de Janáček et toutes les symphonies de
Dvořák et de Martinºu (cette dernière intégrale en première mondiale). Il est également un chef mahlérien de haut lignage
et ses enregistrements des symphonies de
Mahler comptent certainement parmi les
meilleurs réalisés à ce jour.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
693
NEUME (du lat. médiév. neuma, déformation du gr. pneuma).
Formule mélodique caractéristique d’un
mode ecclésiastique donné.
NEUME (n. masc., du gr. pneuma,
« souffle », d’où, par extension, « passage
mélodique exécuté d’un seul souffle »).
Le terme appartient exclusivement à la
terminologie grégorienne.
1. Conformément à l’étymologie, groupe
mélodique vocalisé d’un seul souffle sur
une même syllabe. Dans cette acception,
neume est à peu près équivalent de mélisme.
2. Par extension, formule mélodique vocalisée, plus ou moins longue, susceptible
d’être ajoutée par centonisation sur la
dernière ou l’avant-dernière syllabe d’une
pièce préexistante.
3. Signe de notation composé groupant
en un graphisme unique, dans les diverses
notations grégoriennes, un ensemble de
plusieurs notes chantées à la suite sur une
même syllabe : le podatus, le torculus, etc.,
sont des neumes.
4. Par extension du sens précédent, qui a
fait appeler notation neumatique la notation grégorienne utilisant des neumes au
sens no 3, on appelle parfois neumes tous
les signes de cette notation, même non
composés.
NEUPERT.
Manufacture allemande d’instruments à
clavier fondée à Münchberg en 1868 par
Johann Christoph Neupert (1842-1921) et
transférée à Bamberg.
Plusieurs filiales furent ensuite fondées à Nuremberg, Munich et Berlin. La
firme fut successivement dirigée par Fritz
(1872-1952), Reinhold (1874-1955), Julius
(1877-1970), Alfred (1900-1970), puis, à
partir de 1928, par Hanns Neupert (19021980), auteur de nombreux ouvrages sur
le clavecin, dont Das Cembalo (1933), et
aujourd’hui par Wolf Dieter (né en 1937).
Fabricants de pianos à l’origine, les Neupert furent parmi les premiers artisans
allemands à se consacrer également, dans
les premières années du XXe siècle, à la
fabrication de clavecins, de pianoforte, et
de pianos pédaliers.
NEUSIDLER, famille de luthistes et de
compositeurs allemands.
Hans (Presbourg v. 1508-1509 - Nuremberg 1563). Arrivé à Nuremberg en 1530,
il en devint citoyen l’année suivante, et,
entre 1536 et 1549, y publia 8 livres de
luth, qui rassemblent l’essentiel du répertoire des luthistes allemands de cette
époque. Les plus difficiles des pièces témoignent d’un art exceptionnel de l’ornementation, proche de celui des organistes.
L’introduction du premier livre est une
sorte de méthode, qui, par ses indications
de doigté, éclaire l’agencement polyphonique des pièces. Avec Hans Judenkönig et Hans Gerle, Hans Neusidler fut le
principal représentant en Allemagne de la
musique pour luth en ses débuts.
Melchior, fils du précédent (Nuremberg
1531 - Augsbourg 1590). Il s’installa en
1551 à Augsbourg, où il fut en relation
avec la famille Fugger. Ses trois livres,
publiés pour les deux premiers à Venise
(1566), pour le troisième à Strasbourg
(1574), traduisent l’influence des luthistes
italiens et contribuèrent à la diffusion de
la fantaisie pour luth.
Conrad, frère du précédent (Nuremberg
1541 - Augsbourg 1604 ou après). Il s’installa à Augsbourg en 1562 et n’a laissé
comme musique que quelques danses
contenues dans un même manuscrit.
NEUVIÈME.
1. Intervalle produit entre les extrêmes
d’un groupe de 9 notes consécutives,
prises sur une gamme diatonique, départ
et arrivée compris. La neuvième est le
redoublement de la seconde, et peut être
majeure (octave + 1 ton), mineure (octave + 1/2 ton) ou augmentée (octave +
seconde augm.).
2. L’accord de neuvième est celui formé
de 5 notes pouvant s’énoncer par tierces
juxtaposées, exemple do-mi-sol-si-ré (mais
non forcément disposées dans cet ordre).
L’accord est naturel quand ses intervalles
correspondent à ceux formés par les
sons 1 à 9 de la résonance (do-mi-sol-si
bémol-ré), et prend en ce cas le nom de
neuvième de dominante s’il est placé sur le
5e degré, ce qui se produit normalement
en majeur et en mineur ascendant. Il est
majeur si tous ses intervalles (à partir de
la fondamentale) sont justes ou majeurs
(ex. do-mi-sol-si-ré), mineur si la septième
est mineure au-dessus d’un accord de septième naturelle (c’est le cas de la neuvième
de dominante en mineur harmonique,
dite neuvième de dominante mineure).
Les autres accords de neuvième portent
des noms variables d’un auteur à l’autre
(on en dénombre 11), la nomenclature la
plus rationnelle étant sans doute celle du
Traité historique d’analyse harmonique de
J. Chailley.
3. Jeu de mutation de l’orgue, d’introduction récente et non généralisée, faisant
entendre la neuvième ou la seizième du
son fondamental.
NEVEU (Ginette), violoniste française
(Paris 1919 - San Miguel, Açores, 1949).
Enfant précoce - à onze mois elle fredonnait les airs qu’elle entendait -, Ginette
Neveu reçoit de sa mère, professeur de
violon, ses premières leçons, avant d’être
acceptée, à cinq ans, dans le cours de Line
Talluel. À sept ans, elle fait ses débuts Salle
Gaveau en jouant le Concerto en « sol »
mineur de Max Bruch, avec l’orchestre
Colonne, dirigé par Pierné. En 1928,
elle reçoit coup sur coup une médaille
au concours Léopold-Bellan, le premier
prix de l’École supérieure de musique et
le prix d’honneur de la Ville de Paris, et
joue le Concerto de Mendelssohn, sous la
direction de Gaston Poulet. Elle entre en
novembre 1930 au Conservatoire de Paris,
dans la classe de Jules Boucherit, et en
sort - fait sans précédent - huit mois plus
tard avec le premier prix. Enesco, stupéfait de tels dons, lui prodigue ses leçons.
En 1931, elle participe au concours international de Vienne ; elle ne reçoit qu’une
mention d’honneur, mais Carl Flesch la
remarque et la fait étudier pendant quatre
années. Elle remporte, en 1935, à Varsovie le concours Wieniawski, devant David
Oïstrakh. Célèbre en quelques heures,
Ginette Neveu entreprend la même année
une tournée en Pologne et en Allemagne,
suivie en 1936 d’une tournée en Union
soviétique et, en 1937, au Canada et aux
États-Unis (où elle joue en duo avec Rudolf Serkin). Elle réduit volontairement
son activité pendant la guerre, se refusant
à toute compromission. Elle interprète
à Paris le Concerto de Beethoven, sous
la direction de Paul Paray (1941), crée
la Sonate pour violon et piano que Poulenc lui a dédiée (1943), et, à Bordeaux,
le Concerto pour violon d’Elizade (1944).
Devant l’enthousiasme soulevé par ses
premiers concerts londoniens en 1945
(en particulier par son interprétation du
Tzigane de Ravel), elle passe toute l’année 1946 en Angleterre, et y enregistre le
Concerto de Sibelius. De 1947 à 1949, elle
rencontre le même succès en Amérique du
Sud et aux États-Unis. Après un dernier
concert donné Salle Pleyel le 20 octobre
1949, elle trouve la mort dans l’accident
d’avion qui la ramène une nouvelle fois en
Amérique. Parmi les victimes : son frère
Jean, son accompagnateur de toujours,
et le champion de boxe Marcel Cerdan.
De son stradivarius (qui ne fut jamais
retrouvé), Ginette Neveu jouait avec une
précision confondante, soumettant son vibrato à l’expression recherchée, modelant
le son de la main droite, créant la mélodie à coups d’archet et de sensibilité, en
une tension constante entre le respect du
style de chaque oeuvre et le besoin violent
de donner une interprétation digne de la
flamme qui l’habitait.
NEW ORLEANS (angl. : de La NouvelleOrléans)
L’école new orleans est la plus ancienne de
l’histoire du jazz. Son style est caractérisé
par la prépondérance de l’improvisation
collective, le jeu « sur le temps » de l’instrument meneur (trompette ou cornet) et
le soubassement rythmique à deux temps
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
694
(two beats) comportant une mise en valeur
de l’afterbeat.
New Orleans Revival : mouvement qui,
vers 1940, réunit autour de vétérans louisianais, pour la plupart redécouverts à
cette occasion (Bunk Johnson, Jelly Roll
Morton, etc.), de jeunes musiciens blancs
américains (Bob Wilber) ou européens
(Claude Luter) soucieux de conserver l’esprit des premiers temps du jazz.
NEY (Elly), pianiste allemande (Düsseldorf 1882 - Tutzing 1968).
Elle fit ses études musicales à Cologne et
à Vienne (notamment avec Leschetiski et
Sauer). De retour à Cologne, elle y enseigna le piano durant trois ans au Conservatoire national de musique, avant d’entreprendre une carrière de concertiste, où
elle acquit bientôt une renommée internationale grâce à ses interprétations de
Chopin, Brahms, Beethoven. Et ce fut par
sa virtuosité et sa profondeur dans l’interprétation de l’oeuvre de ce dernier qu’elle
parvint, dans les années 30, au sommet de
sa notoriété.
Elle donna à son jeu une dimension
spirituelle tout à fait exceptionnelle. Son
style, disait-on, égalait en puissance et en
ampleur celui des plus grands interprètes
masculins. Pendant la Seconde Guerre
mondiale, elle se consacra exclusivement
à des activités musicales en Allemagne.
Mais, dès la fin du conflit, elle eut à coeur
d’aider à la reconstruction de la maison
de Beethoven à Bonn (détruite par des
bombardements) en se produisant à titre
gracieux dans de nombreuses salles européennes.
Ney enregistra un grand nombre de
disques, dont les plus remarquables
furent sans doute ceux de ses deux interprétations (1936, 1958) de l’opus 111 de
Beethoven. Elle publia ses Mémoires,
Erinnerungen und Betrachtungen (1957).
NICOLAI (Otto), compositeur et chef
d’orchestre allemand (Königsberg 1810 Berlin 1849).
Fuyant l’éducation tyrannique de son
père, il travailla à Berlin avec Zelter, puis
devint en 1833 organiste à l’ambassade
de Prusse à Rome, ce qui lui permit de
se familiariser avec la musique italienne
ancienne. Après un court séjour à Vienne,
il fit représenter en Italie plusieurs opéras.
De retour à Vienne en 1841, il y devint
premier chef d’orchestre de l’Opéra impérial (poste qu’il devait occuper jusqu’en
1847) et y fonda les Concerts philharmoniques. N’ayant pu faire représenter son
opéra d’après Shakespeare, les Joyeuses
Commères de Windsor, il démissionna
de son poste à l’Opéra impérial. La créa-
tion de cette oeuvre humoristique et très
gaie, qui, seule, devait sauver son nom de
l’oubli, eut lieu à Berlin (où il venait d’être
nommé maître de chapelle à l’Opéra) le
9 mars 1849, deux mois avant sa mort.
En dépit de l’écrasante concurrence du
Falstaff de Shakespeare, cette oeuvre s’est
maintenue jusqu’à nos jours au répertoire
des théâtres allemands. Il s’agit d’un des
meilleurs ouvrages bouffes qu’ait produit l’Allemagne au XIXe siècle. On doit
aussi à Nicolai de la musique d’église, des
choeurs, des lieder et quelques pages instrumentales, dont 2 symphonies.
NICOLET (Aurèle), flûtiste suisse (Neuchâtel 1926).
Surnommé « Pinson » par ses condisciples, il étudie de 1940 à 1945 au Conservatoire de Zurich avec André Jaunet et
Willy Burckhardt. De 1945 à 1947, il est
l’élève de Marcel Moyse à Paris, tout en
étant soliste dans plusieurs orchestres
suisses. En 1950, Furtwängler l’appelle à
la Philharmonie de Berlin, où il est flûte
solo jusqu’en 1959. Dès 1953, il accorde
une grande place à la pédagogie. Il enseigne successivement à Munich, à la
Musik Akademie de Bâle et à Fribourg.
Bien qu’il aborde avec succès le répertoire
classique, sa carrière est intimement liée
à la musique contemporaine. Toute une
littérature récente lui est dédiée : il crée,
entre autres, plusieurs pièces de Takemitsu, dont Eucalypts I et II en 1970 et
1971, le Double Concerto pour flûte et hautbois de Ligeti en 1972, et celui de Denisov en 1979. En 1983, il crée le Concerto
de Halffter et son ami Heinz Holliger,
célèbre hautboïste suisse, lui dédie Scardanelli-Zyklus, et Turm-Musik en 1985. En
1989, Denisov lui destine Quatre Poèmes
de Gérard de Nerval.
NICOLO (Nicolas ISOUARD, dit NICOLO
DE MALTE), compositeur français (Malte
1775 - Paris 1818).
Fils d’un homme de finance, il voyagea
très tôt pour s’initier à cette spécialité,
mais en profita surtout pour étudier la
musique avec Azzopardi, Amendola, Guglielmi et Sala. Il avait dix-neuf ans quand
son premier opéra, Avviso ai maritati, fut
joué à Florence, à la suite d’un concert
qu’il avait brillamment dirigé au pied levé.
De retour à Malte, il fut nommé organiste
de Saint-Jean-de-Jérusalem, puis maître
de chapelle de l’ordre de Saint-Jean-deMalte, mais la dissolution de cet ordre, à la
suite de l’occupation française, le priva de
son emploi et il se tourna vers le théâtre,
faisant représenter à l’opéra de La Valette
de petits ouvrages de son cru. En 1799, il
suit à Paris le général Vaubois et, patronné
par Rodolphe Kreutzer, débute dès l’année
suivante au théâtre Feydeau avec le Petit
Page. Curieusement, il a attendu d’être
fixé en France pour italianiser son prénom
et c’est sous le pseudonyme de Nicolo, ou
Nicolo de Malte, qu’il sera jusqu’à sa mort
prématurée l’un des principaux fournisseurs de l’Opéra-Comique, qui faisait alors
une énorme consommation de nouveautés. Doué d’une prodigieuse fécondité, il
a signé quantité d’opéras-comiques, dont
plusieurs, il est vrai, en collaboration avec
Kreutzer, Boieldieu ou Cherubini. Signalons au moins Michel-Ange (1802), les
Rendez-Vous bourgeois (1807), Cendrillon
(1810), Lully et Quinault (1812), Jeannot
et Colin (1814).
NICULESCU (Stefan), compositeur et
musicologue roumain (Moreni 1927).
Il suit les cours de l’Institut polytechnique,
puis ceux du Conservatoire de Bucarest
(piano et composition, 1951-1957), notamment avec Mihaïl Andricu. Il a été
chercheur à l’Institut d’histoire de l’art de
Bucarest (1960-1963) et, depuis 1963, il
enseigne l’analyse et l’écriture au Conservatoire de Bucarest. Fin théoricien, Niculescu allie dans sa création un souci permanent de clarté avec un intérêt constant
aussi bien pour le vocabulaire de notre
temps (Eteromorfie pour grand orchestre,
1967 ; Formants pour 17 cordes solistes,
1968 ; Aphorismes d’Héraclite pour choeur,
1968-69) et pour la pensée processuelle et
transformationnelle (Synchronie II, pour
orchestre de chambre, 1981, rev. 1986)
que pour la récupération, dans un esprit
contemporain, des vieilles échelles modales roumaines (Ison II, pour orchestre,
1974 ; Symphonie no 3 « Cantos », 1985 ;
Deisis-symphonie pour 21 solistes, 199495). On lui doit également Unisonos pour
orchestre (1970-71), Ison I pour 14 instruments (1971). Il a publié des analyses de
l’oeuvre de Georges Enesco ainsi que des
études concernant les principes de l’écriture musicale contemporaine. Il a reçu
le prix Herder de l’université de Vienne
(1994).
NIEDERMEYER (Louis), compositeur
et pédagogue français d’origine suisse
(Nyon 1802 - Paris 1861).
Élève à Vienne de Moscheles (piano) et de
E. A. Förster, puis en Italie de Fiovaranti
et de Zingarelli, il donna dans ce pays son
premier opéra, Il Reo per amore (Naples,
1820). À Paris, où il se fixa en 1823, ses
ouvrages dramatiques n’obtinrent qu’un
succès limité. Il se tourna alors vers la
musique d’église, fit revivre l’institut de
musique religieuse fondé en 1818 par
Choron, et lui donna le nom d’école
Niedermeyer. Elle se développa rapidement. Devaient en sortir, entre autres,
Eugène Gigout, Gabriel Fauré et André
Messager. Parmi les professeurs, Camille
Saint-Saëns. En collaboration avec Joseph d’Ortigues, Niedermeyer rédigea un
Traité théorique et pratique de l’accompagnement du plain-chant (Paris, 1857), qui
fit époque malgré ses lacunes, et fonda la
Maîtrise, journal de musique religieuse
avec suppléments musicaux qui parut de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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1857 à 1861. Comme compositeur, Niedermeyer s’illustra particulièrement dans
le domaine de la mélodie.
NIELSEN (Carl), compositeur danois
(Nørre Lyndelse, île de Fionie, 1865 - Copenhague 1931).
Il étudie le violon à Copenhague entre
1884 et 1887, puis effectue plusieurs
voyages en Allemagne, Autriche, France et
Italie. Violoniste au Théâtre royal de 1889
à 1905, puis chef d’orchestre au même
théâtre de 1908 à 1914 et au Musikforeningen de 1915 à 1927, il est nommé professeur au Conservatoire royal en 1915 et
en devient le directeur en 1931. Sa carrière
et sa vie ressemblent à son oeuvre, dominé
par le sens du réel, par une grande logique
de pensée, par une intuition remarquable
de l’équilibre des formes, de l’organisation
des plans sonores et de la dynamique.
Nielsen commence à composer en
1888 (Petite Suite pour cordes op. 1), à
une époque où la vie musicale danoise
est étouffée par le conservatisme de Niels
Gade. Ce point de départ et le refus de la
décadence postromantique, qui triomphe
alors en Allemagne, vont lui permettre de
construire un oeuvre parfaitement original qui, toutefois, en fait un solitaire dont
l’apport ne sera compris que lorsque se
sera retirée la vague postsérielle née après
la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, il est possible d’évaluer
plus justement les apports respectifs de
compositeurs qui, tels Sibelius ou Nielsen,
ont ouvert des voies, longtemps méconnues, notamment par leurs principes de
composition.
L’évolution de Nielsen peut se suivre
dans les 6 symphonies, créées parallèlement aux 7 de J. Sibelius. Les deux premières (1892 et 1902) comportent déjà
les caractéristiques rythmiques élémentaires qui domineront l’ensemble de ses
créations ; influencées par J. Svendsen et
N. Gade, elles sont d’un formalisme qui
disparaît pratiquement avec la 3e Symphonie, Espansiva (1911). Le dynamisme des
rythmes caractérise la 4e, l’Inextinguible
(1916) ; tandis que la 5e Symphonie (1922),
peut-être la plus riche, est l’aboutissement
des recherches que le compositeur avait
commencées avec la 2e Symphonie, y établissant ses principes de composition organique, avec tonalité-pivot et développement cellulaire. La 6e Symphonie (1925),
enfin, se caractérise par son expression
contemplative et son refus de l’effet.
Mais, à côté des symphonies, il est
absolument nécessaire de connaître les
pièces instrumentales et concertantes, qui,
surtout dans les ouvrages pour le piano
et pour le violon, comptent quelques-uns
des chefs-d’oeuvre de la littérature musicale du XXe siècle : d’une part, la Chaconne,
le Thème et variations et la Suite pour
piano ; et, d’autre part, la Sonate op. 35
et le Prélude et thème avec variations pour
violon et piano. Citons également, parmi
ses oeuvres les plus marquantes, outre les
trois concertos pour violon (1911), pour
flûte (1926) et pour clarinette (1928), les
deux opéras Saul et David (1902) et Maskarade (1906) et le très exceptionnel Quintette pour vents, de nombreuses pièces
pour petits ensembles qui ne sont pas sans
évoquer la démarche de Leoš Janáček,
les recueils vocaux En Snes danske Viser
destinés au chant scolaire et les pièces
pour orgue comme l’étonnant Commotio
(1931).
Jusqu’à sa mort, Nielsen domine la vie
musicale danoise, mais à l’inverse de Gade
il ne l’étouffe pas et facilite au contraire
la remarquable éclosion de compositeurs
à laquelle on assiste aujourd’hui dans ce
pays. Sans imposer une esthétique ni un
formalisme desséchant, les principes techniques de Nielsen permettent, en effet, un
renouvellement du langage, qui autorise
l’épanouissement de la personnalité hors
de tout système d’école.
NIEMETSCHEK (Franz Xaver), critique et
pédagogue tchèque (Sadska, Bohême,
1766 - Vienne 1849).
Professeur de philosophie à l’université
de Prague (1802), il compta parmi ses
élèves le compositeur Jan Hugo Vorisek.
Niemetschek s’intéressa spécialement à
Mozart, et, après la mort de ce dernier, se
chargea de l’éducation de son second fils,
Carl Thomas. Grâce, notamment, à des
documents fournis par Constance Mozart,
il rédigea et fit paraître, avec une dédicace à Haydn, la première monographie
indépendante consacrée à Mozart : Leben
des k.k. Kapellmeisters Wolfgang Gottlieb
Mozart nach Originalquellen beschrieben
(Vie du maître de chapelle impérial et royal
Wolfgang Amadeus Mozart décrite d’après
des sources originales, Prague, 1798 ; trad.
franç., Saint-Étienne, 1976).
NIETZSCHE (Friedrich), philosophe allemand (Rökken, près de Lützen, 1844 Weimar 1900).
Dans l’histoire de la musique, le nom de
Nietzsche reste indissolublement lié à celui
de Wagner, en raison de l’amitié puis de la
rupture entre les deux hommes, mais aussi
à celui de Bizet, ce refuge pour ses blessures que Nietzsche (quel défi !) s’acharna
à présenter comme une alternative, et à
celui de Richard Strauss, qui crut mettre
en musique Ainsi parlait Zarathoustra. On
ignore cependant généralement que, avant
de rencontrer Wagner, Nietzsche composa 7 lieder pour baryton et piano (sur
des textes de Petöfi, Fallersleben, Pouchkine, Byron et Chamisso), plusieurs pièces
pour piano, une fantaisie pour violon et
piano, et diverses oeuvres chorales, dont
un oratorio de Noël et les fragments d’une
messe. Profondément influencées par
Schumann, ces partitions révèlent pourtant un sens inné de l’improvisation et de
l’audace harmonique : sans posséder la
maîtrise de notation d’un vrai professionnel, elles sont mieux que d’un dilettante
doué. Mais, en dehors de ses ouvrages philosophiques, c’est, bien entendu, par son
travail d’exégèse critique que Nietzsche
retient aujourd’hui l’attention : encore,
lorsqu’on sait la place occupée par la musique dans sa réflexion et celle tenue dans
son coeur et dans ses écrits par Wagner
(et ce, bien au-delà de la mort du compositeur), philosophie et critique sontelles fortement associées. L’histoire des
relations entre Nietzsche et Wagner passe
par trois périodes. Entre 1869 et 1872, à
Tribschen, règnent l’amitié et l’harmonie
intellectuelle. Les deux hommes (Wagner
achève Siegfried ; Nietzsche, la Naissance
de la tragédie) partagent un même intérêt
pour Schopenhauer, un même amour de
la Grèce antique, une même analyse de la
décadence allemande, une même foi dans
le rôle de rassembleur dévolu au poète
tragique, une même volonté d’ennoblir
l’homme. Bientôt, pourtant, Wagner va
devenir... wagnérien, et cette récupération par la masse de l’oeuvre de son ami
va confirmer les soupçons qui se sont fait
jour dans l’esprit de Nietzsche pendant les
années d’intimité. Le premier festival de
Bayreuth (1876) consomme la rupture.
Nietzsche, sans cesser d’être fasciné par
son aîné, va, dès lors, le dénoncer, non
pour des motifs personnels (encore que le
caractère morbide de Wagner ait été difficile à vivre), mais au nom de valeurs dont
le philosophe considère que Wagner les
a trahies : « Wagner, dit-il, s’est trompé
sur lui-même - et a trompé les autres. »
De ce mensonge organisé, Nietzsche ne se
veut pas le porte-parole. Il comprend que
le drame wagnérien n’affirme la vie avec
force que pour donner plus de poids à son
renoncement, incapable qu’il est de présenter positivement ce dernier (le choix
de Parsifal, de préférence aux Vainqueurs,
qui, sur un sujet voisin, prônaient sans
ambiguïté la réconciliation fraternelle
entre l’homme et la femme, est significatif à cet égard). Wagner est le témoin
d’une décadence, non d’un renouveau ;
son épuisement de l’âme, la cyclothymie
de ses héros, ses condamnations morales,
trahissent une névrose. Nietzsche dénonce le « à ne pas dire » sur lequel s’appuie le dire wagnérien. Lui, qui insiste sur
un ennoblissement individuel, presque
ascétique, visant à transvaluer l’homme
par-delà les notions actuelles du bien et
du mal, combat l’obsession angoissée de
Wagner cherchant à mettre l’individu à
l’abri de tout mal, quel que soit le prix
à payer pour cette sécurité. Il se dresse
aussi contre le pangermanisme théiste de
Wagner, qui gouverne par mensonges et
illusions. Principale preuve : le théâtre de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Bayreuth, devenu temple de l’art allemand
officiel, accaparé par les Allemands décadents dont Wagner accepte l’hommage
parce qu’il se dissimule derrière l’opinion
qu’ils ont de son oeuvre. Il faut donc comprendre que c’est toute la culture de l’Allemagne impériale que Nietzsche vomit,
dans ses ouvrages Nietzsche contre Wagner
et le Cas Wagner (écrits en 1888, soit cinq
ans après la mort du musicien), culture
dont l’hypocrisie séductrice du théâtre
wagnérien lui paraît exemplaire. Anticipant sur les révoltes expressionnistes
contre la morale bourgeoise, Nietzsche a
su, avant Thomas Mann et Adorno, mettre
le doigt sur l’essence du wagnérisme.
NIGG (Serge), compositeur français
(Paris 1924).
Il étudie au Conservatoire de Paris, de
1941 à 1946, la composition et le piano
dans les classes d’Olivier Messiaen et de
Simone Plé-Caussade, et acquiert assez
tôt une réputation prometteuse, avec des
oeuvres comme Timour pour orchestre
(1944), et Concerto pour cordes, piano et
percussions (1947). Après sa rencontre
avec René Leibowitz en 1946, il étudie
auprès de celui-ci (comme le firent Pierre
Boulez et d’autres compositeurs) le système sériel schönbergien, qu’il cherche à
appliquer avec rigueur dans des oeuvres
comme Variations pour piano et 10 instruments (1947), et deux Pièces pour piano
(1947), qui sont parmi les premières
oeuvres sérielles françaises.
Mais, en 1949, Nigg se détourne de
l’abstraction en créant avec Louis Durey et
Charles Koechlin l’Association des musiciens progressistes, qui s’inspire des idées
du Manifeste de Prague pour remettre en
cause le formalisme et l’abstraction de
l’« art bourgeois ». Ses premières oeuvres
dans cette tentative courageuse pour réaliser une musique de témoignage pro-
gressiste, qui « parle au peuple », sont la
cantate le Fusillé inconnu, avec récitant,
choeurs et orchestre (1949), et l’oeuvre
Pour un poète captif pour orchestre (1950),
d’après des textes du poète turc communiste Nazim Hikmet, persécuté pour
ses opinions. Mais ce mouvement « progressiste » est un feu de paille, et, après
des oeuvres de transition comme Billard,
ballet (1951), et la Petite Cantate des couleurs pour choeur de femmes a cappella
(1952), Nigg finit par se trouver dans un
style qu’on a appelé « néoromantique »,
luxuriant, dense, expressionniste, mais
d’une écriture finalement assez tendue et
concise, comparable au Webern des Pièces
pour orchestre op. 6. On citera dans la
période dite de la « maturité « : Concerto
pour violon et orchestre (1957), la Musique
funèbre pour orchestre à cordes (1959), la
Jérôme Bosch symphonie pour orchestre
(1960), le Concerto pour flûte et orchestre à
cordes (1961), le Chant du dépossédé pour
orchestre, récitant et baryton (1964), sur
des textes intimes de Mallarmé relatifs à
la mort de son fils Anatole (également utilisés par André Boucourechliev dans son
oeuvre électroacoustique Thrène, 1974),
puis les Visages d’Axel pour orchestre
(1967), sorte de poème symphonique
inspiré par la pièce Axel de Villiers de
l’Isle-Adam, Fulgur pour orchestre (196869), Deuxième Concerto pour piano et
orchestre (1970-71), Fastes de l’imaginaire
(1974), pour orchestre, Scènes concertantes
pour piano et orchestre (1975), Millions
d’oiseaux d’or (1981), Concerto pour alto
(1988), Poème pour orchestre (1990).
NIKISCH (Arthur), chef d’orchestre
austro-hongrois (Lebenyi Szent Miklos
1855 - Leipzig 1922).
Il montre, dès son plus jeune âge, des dons
musicaux exceptionnels. Il entre en 1866
au conservatoire de Vienne, dans la classe
de Hellmesberger (violon) et de Dessoff
(composition). Il en sort en 1874 avec un
prix de violon et un autre de composition
(pour un sextuor à cordes).
Il participe à la Neuvième Symphonie de Beethoven dirigée par Wagner
en personne, pour célébrer la pose de la
première pierre du Festspielhaus de Bayreuth. Il entre en 1874 comme violoniste à
l’Orchestre de la cour de Vienne, où il joue
sous la direction de Brahms, Verdi, Liszt
et Bruckner, créant, en 1884, la Seconde
Symphonie de ce dernier. Il est engagé
en 1878 comme second chef d’orchestre
du théâtre de Liepzig, puis comme chef
principal en 1882. Il y aura comme second
Gustav Mahler. Nikisch succède en 1889
à Gericke à la tête de l’Orchestre symphonique de Boston. Il rentre en Europe en
1893 pour prendre la direction musicale
de l’Opéra de Budapest. Deux ans plus
tard, il accepte de diriger en même temps
deux des plus prestigieux orchestres du
vieux continent, le Gewandhaus de Leipzig et l’Orchestre philharmonique de Berlin, fonctions qu’il occupera jusqu’à sa
mort. Quand il n’emmène pas l’orchestre
berlinois en tournées, Nikisch dirige les
Concerts symphoniques de Hambourg,
dont il a la charge depuis 1897, ou bien
l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, la Philharmonie de Vienne ou bien,
encore, donne des concerts à Buenos Aires
en 1921. Régulièrement invité, de 1902 à
1914, par le London Symphony Orchestra
nouvellement créé, il l’emmène en tournée aux États-Unis en 1912. Insatiable,
il dirige le Ring de Wagner au Covent
Garden de Londres en 1913 et veille sur
les destinées de l’Opéra de Leipzig (19051906) et du conservatoire de cette ville,
où il s’occupe personnellement de la
classe de direction d’orchestre. Si l’oeuvre
du compositeur est rapidement tombée
dans l’oubli, la leçon du chef a fortement
marqué l’art de la direction d’orchestre au
long du siècle.
Faisant preuve d’une rare économie de
gestes et d’une sérénité à toute épreuve,
Nikisch possédait littéralement ses musiciens, obtenait d’eux, par exemple
de sa propre concentration, un son et
une respiration d’une beauté inégalée.
Cette conception ample et mouvante
convenait particulièrement aux grandes
fresques postromantiques de Bruckner,
de Tchaïkovski, de Richard Strauss ou de
Mahler. Un écho lointain de son art nous
a été transmis par son interprétation de la
Cinquième Symphonie de Beethoven, qui a
été la première oeuvre importante à se voir
fixée en 78 tours.
NIKOLAEVA (Tatiana), pianiste russe
(Bezhitza 1924 - Santa Monica, Californie, 1993).
Dès 1942, elle entre à l’École centrale de
Moscou où elle étudie avec Alexandre
Goldenweiser, lui-même élève d’un dis-
ciple de Liszt, Siloti. Elle lui doit son
amour du contrepoint, et son extrême
attention à chaque détail de la polyphonie. Elle étudie aussi la composition avec
Goloublev et, en 1947, entre au Conservatoire Tchaïkovski. En 1948, elle remporte
le second prix du Concours de Prague,
mais c’est en 1950 qu’elle subjugue les
membres du jury au Concours Bach de
Leipzig. Parmi eux, Chostakovitch avec
qui elle se lie désormais. Il écrit pour elle
ses 24 Préludes et Fugues, qu’elle crée en
1952. À partir de 1959, elle enseigne au
Conservatoire Tchaïkovski de Moscou,
et fait une importante carrière de soliste
dans les pays socialistes. L’Occident ne
la découvre que dans les années 1980. En
1983, elle donne un récital à Paris, et ses
tournées triomphales de 1987, 1990 et
1991 s’accompagnent de master-classes,
au Mozarteum de Salzbourg notamment.
Sa concentration phénoménale lui permet de parcourir en concert les grands
cycles, comme 32 Sonates de Beethoven,
le Clavier bien tempéré, l’Art de la fugue et
les Variations Goldberg. Elle aime donner
les 24 Préludes et Fugues de Chostakovitch
en deux soirées, respectant l’intention du
compositeur. En U.R.S.S., elle à réalisé
plus de cent enregistrements. Une autre
face de son talent se révèle dans les pièces
brèves de Chopin, Rachmaninov ou Scriabine. Elle compose durant toute sa vie, et
aime jouer Messiaen, Dutilleux, Jolivet ou
Arthur Bliss.
NILSSON (Birgit), soprano suédoise
(Karup 1918).
Elle étudie, de 1941 à 1946, avec le ténor
écossais Joseph Hislop, à l’Académie
royale de musique de Stockholm. À la
faveur d’un remplacement, elle débute en
1946 à l’Opéra royal dans le rôle d’Agathe
du Freischütz. L’année suivante, elle remdownloadModeText.vue.download 703 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
697
porte son premier succès personnel en
incarnant lady Macbeth (sous la direction
de Fritz Busch). Engagée dans la troupe
de l’Opéra royal, en 1948, elle y chante
les rôles de la Maréchale, Donna Anna,
Senta, Aïda, Tosca, Brünnhilde et Salomé.
Elle retrouve Fritz Busch pour sa première
apparition à l’étranger, au festival de
Glyndebourne 1951, où elle chante Électre
dans Idoménée de Mozart. Mais c’est à
Munich en 1954, au cours d’un Ring où
elle est Brünnhilde, et à Bayreuth, dans le
rôle d’Elsa, que se révèlent ses étonnantes
qualités de soprano dramatique.
Invitée régulièrement au festival de
Bayreuth de 1957 à 1970, elle y incarne
Isolde, Sieglinde et Brünnhilde. Elle
se produit également à San Francisco
et à Chicago en 1956, au Metropolitan
Opera de New York en 1959 (y chantant
Isolde), au Covent Garden de Londres en
1957 (dans une production du Ring) et
à l’Opéra de Paris dans Tristan et Isolde
(1966), Turandot (1968), Elektra (1974).
Elle est la première cantatrice à enregistrer sans coupures cette dernière oeuvre,
réputée pour sa difficulté. En 1975, elle
inscrit à son répertoire le rôle de la femme
du Teinturier dans la Femme sans ombre
de Richard Strauss. Plus que dans le répertoire verdien, c’est dans l’univers de
Strauss et de Wagner que peut le mieux
s’épanouir une voix d’une opulence et
d’une homogénéité rares, à l’aigu éclatant,
que le temps ne semble pas atteindre. La
puissance dramatique de la comédienne
est à la dimension hiératique du personnage. Elle a cessé de chanter en 1986 pour
se consacrer à l’enseignement.
NILSSON (Bo), compositeur suédois
(Skellefteå 1937).
Il s’est révélé très tôt à Darmstadt et à
Cologne ; ses oeuvres, généralement très
brèves, possèdent une couleur très particulière due à l’emploi fréquent d’instruments à clavier. Parmi ses oeuvres les plus
marquantes, il faut retenir Frequenzen
(1957), qui le fit connaître, Quantitäten
(1958), Brief an Gösta Oswald (1959),
Szene 1-3 (1960-61), Revue (1967), Déjàvu (1967), Stenogram (1959), Déjà-connu
(1973) et Déjà-vu, déjà-connu, déjà-entendu (1976).
NILSSON (Torsten), compositeur, organiste et chef de choeur suédois (Höör
1920).
Élève de A. Heiler à Vienne, remarquable
improvisateur qui s’orienta vers les techniques sérielles (Introduction et Passacaille pour orgue, 1963). Compositeur de
musique religieuse, il a écrit depuis 1968
des oeuvres qui ont été très remarquées,
notamment l’opéra religieux Ur jordens
natt, « Hors de la nuit de la terre » (1968),
et l’oratorio de chambre Non est Deus ?
(1972).
NIN (Y CASTILLANO, Joaquin), pianiste,
compositeur et musicologue cubain,
d’origine espagnole (La Havane 1879 id. 1949).
Élève de Carlos Vidiella à Barcelone,
puis, à Paris, de Moskowski et de Vincent
d’Indy, il fut professeur à la Schola cantorum de 1905 à 1908 et vécut ensuite à
Bruxelles, puis à Paris, en marge de tournées qui le conduisirent en Europe et en
Amérique latine. Son oeuvre personnelle
a beaucoup moins d’importance que les
travaux de recherches et de publication de
manuscrits oubliés, auxquels il a consacré
la plus grande partie de sa carrière, interprétant en même temps les vieux maîtres
espagnols, faisant des conférences et exposant ses principes artistiques dans des
écrits et des articles de critique. Ses harmonisations de chants populaires anciens
font également autorité, et sa polémique
avec Wanda Landowska au sujet de l’interprétation de la musique ancienne au
clavecin est restée célèbre.
Pour la voix, il a écrit notamment
20 cantos populares españoles (1923),
Chant élégiaque (1929), le Chant du veilleur (1937) ; Dansa ibérica, pour piano
(1926), Mensaje a Claudio Debussy (1929),
« 1830 » variaciones (1930).
NIN-CULMELL (Joaquin Maria), compositeur, pianiste et chef d’orchestre américain, d’origine cubaine (Berlin 1908).
Fils de Joaquin Nin, il a étudié à Paris à
la Schola cantorum et au Conservatoire avec Paul Dukas -, ainsi qu’avec Manuel
de Falla, Alfred Cortot et Ricardo Viñes.
Il a enseigné au Williams College dans le
Massachusetts (1940-1950) et à l’université de Californie à Berkeley (1950-1956).
De tendances néoclassiques, il a écrit notamment un concerto pour piano (1946),
le ballet El Burlador de Sevilla (1957-1965),
l’opéra La Celestina (1965).
NIQUET (Hervé), claveciniste et chef de
choeur français (Flexecourt 1957).
Il étudie le clavecin, la direction d’ensemble, la composition et le chant lyrique.
Dès l’âge de dix-sept ans, il s’oriente vers
la direction de choeur. En 1980, il est
nommé chef de chant à l’Opéra de Paris
et compose plusieurs pièces pour le Ballet national de Paris, ainsi que pour le
Ballet de Monte-Carlo. Très intéressé
par le grand motet français des XVIIe et
XVIIIe siècles, il fonde en 1988 le Concert
spirituel pour faire revivre ce répertoire. À
la tête de cet ensemble, il se produit dans
plusieurs festivals de musique ancienne
(Utrecht, Londres, Séville...) et réalise de
nombreux enregistrements, consacrés
notamment à M. A. Chapentier, Lully et
Rameau. Le Concert spirituel se consacre
aussi au répertoire lyrique des XVIIe et
XVIIIe siècles.
NISSEN (Georg Nikolaus), diplomate et
écrivain danois (Haderslev 1761 - Salzbourg 1826).
Il épousa en 1809 la veuve de Mozart, avec
laquelle il vivait depuis plusieurs années,
et en 1820, à sa retraite, s’installa avec
elle à Salzbourg, où à partir de 1823 il
rassembla des documents sur l’auteur de
Don Giovanni (publication posthume sous
forme de livre rédigé par un jeune médecin nommé Johann Heinrich Feuerstein
avec l’aide de Constance, 1828).
NIVERS (Guillaume Gabriel), organiste
et compositeur français (Paris 1632 - id.
1714).
Ancien élève de l’université de Paris et,
pour la musique, de Chambonnières et de
Du Mont, il fut organiste à Saint-Sulpice
de 1654 à 1714, tout en occupant plusieurs charges officielles : organiste de la
chapelle royale (1678), maître de musique
de la reine (1682), organiste et maître de
chant de la Maison royale de Saint-Louis à
Saint-Cyr (1686).
Sa musique d’orgue fut précédée par
celle de Louis Couperin, mais la publication de son 1er Livre d’orgue (1665) n’en
marque pas moins le début de la période
majeure de l’histoire de l’orgue français,
durant laquelle l’instrument se dégage de
la stricte polyphonie sacrée pour devenir
concertant, faisant la part belle à la monodie accompagnée. Deux autres Livres
d’orgue suivront, en 1667 et en 1675. Pour
l’église, il publiera également de nombreuses pièces vocales et instrumentales,
motets, chants d’église, Lamentations de
Jérémie, pièces de circonstance, etc. Il
édita aussi des livres liturgiques (graduel,
antiphonaire), consacrant l’unification
du chant grégorien en France, livres qui
devaient rester en usage jusqu’à la Révolution. Il mit au point plusieurs ouvrages
théoriques : Traité de la composition de
musique (1667), Méthode certaine pour
apprendre le plain-chant de l’Église (1699),
Dissertation sur le chant grégorien (1683).
NŌ.
Forme de drame lyrique japonais, qui a
été créée et codifiée aux XIVe et XVe siècles
par Kwan’ami Kiyotsugu et son fils Zeami
Motokiyo, poète, musicien, danseur, metteur en scène.
Le nō présente généralement des actions à deux personnages : le personnage
principal, qui est fréquemment un esprit
ou un fantôme (d’un guerrier mort, par
ex.), et que joue le shite, exécutant central ;
et un personnage secondaire, le waki, dont
la présence permet au shite de se manifester. L’intervention de l’acteur consiste en
récitatifs et en chants, avec une « danse »
située rituellement au coeur de l’action, et
des actions mimées de manière très codée
et stylisée (un simple éventail servant à
figurer divers accessoires, coupe, hache,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
698
filet de pêcheur). Tous les rôles sont tenus
par des hommes, même les rôles féminins,
et presque toujours sous un « masque »
conventionnel, correspondant à un certain type de personnage. On voit déjà, par
là, que le nō se définit comme un genre
très abstrait et épuré, loin du réalisme ;
d’origine religieuse, il agit par la suggestion de certains « états d’existence », et
cherche à créer un certain sentiment du
réel comme illusion (les personnages sont
souvent « déjà morts », comme les fantômes, ou insubstantiels, comme les génies et les fées) qui le rattache à la pensée
du bouddhisme zen.
L’exécution d’un nō fait également
appel à un choeur de 8 à 10 hommes,
chantant à l’unisson (leur rôle est différent
de celui du choeur des anciennes tragédies grecques : commentaires de l’action
et relais du chant de l’acteur principal,
mais sans intervention dans l’action), et à
un groupe de 4 instruments : la flûte tra-
versière de nō à sept trous, le nōkwan ; et
3 tambours : le ko-tsuzumi, en forme de
sablier, qui se tient sur l’épaule et se tend
de différentes façons ; l’ō-tsuzumi, également en sablier, qui se frappe avec des dés
au bout des doigts ; et le taiko, tambour à
caisse plate frappé avec deux baguettes.
Donc, un seul instrument mélodique, la
flûte, jouant une partie indépendante du
chant. Celui-ci, qui intervient entre des
récitatifs, est construit sur un nombre
limité de structures mélodiques de base,
dérivées d’une échelle comportant des
notes principales à distance de quarte et de
quinte. Les nōs traditionnels (il en existe
environ 600) ont été notés selon un système analogue à celui des neumes, sans
hauteurs absolues. Le rythme, très souple,
est compté par périodes de huit temps. Un
spectacle comprend souvent 5 drames,
chacun relativement court, qui peuvent
être coupés d’intermèdes comiques joués
par un acteur spécialisé (kyōgen).
La construction et la disposition du
théâtre de nō sont également très codifiées : scène principale carrée couverte
d’un toit incurvé ; arrière-scène et scène
latérale pour les instruments et le choeur ;
et, à gauche de la scène, un « pont » d’une
douzaine de mètres conduisant à la loge,
où l’artiste se recueille. Ce pont symbolise souvent le passage entre les mondes
terrestre et divin, quand l’action s’y transporte. L’essence du nō tient dans cette
rigidité conventionnelle, cette stylisation
extrême, au moyen de laquelle il crée, en
combinant un nombre limité de figures
préexistantes, un certain sentiment de fragilité et d’illumination.
NOCTURNE.
1. Terme désignant, dans le rite catholique romain, l’ensemble des textes
que l’on chante à l’office de la nuit (cf.
Psaume XCIV, dit « Invitatoire », hymnes,
psaumes, antiennes, répons et leçons).
2. Au XVIIe siècle, le nocturne, ou notturno,
est une suite de pièces de divertissement,
conçue pour l’exécution en plein air par
un petit ensemble comprenant souvent
des instruments à vent (Notturni K.239 et
286 de Mozart, et aussi sa Kleine Nachtmusik K.525, « Petite Musique de nuit », pour
cordes seules, Notturni de Joseph Haydn),
mais pouvant aussi faire intervenir les
voix (5 Notturni K.346, et K.436-439 de
Mozart). Le notturno est alors un genre
comparable à la sérénade, à la cassation ou
au divertimento.
3. Au XIXe siècle, le « nocturne » désigne
plus spécialement une courte pièce isolée
(et non une suite), écrite le plus souvent
pour piano solo, et souvent regroupée en
séries. John Field (1782-1837) est considéré comme le créateur du genre avec
ses 18 nocturnes, de caractère intimiste,
écrits à partir de 1814, et influencés par
le bel canto italien. Mais c’est Frédéric
Chopin qui, avec ses 19 Nocturnes pour
piano, écrits entre 1827 et 1847, impose
et magnifie le genre, créant une référence,
un modèle dont d’autres auteurs de nocturnes pianistiques comme Gabriel Fauré
(13 Nocturnes écrits entre 1883 et 1921),
Borodine, Scriabine, Satie, Sauguet, Poulenc, Georges Migot, pourront difficilement faire abstraction. Les 19 Nocturnes
de Chopin ont été écrits et publiés par
ensembles de 2 ou 3, sur une période de
vingt ans. Si les premiers d’entre eux, ceux
de l’opus 9, sont encore assez simples et
proches de Field dans leur style de mélodie accompagnée, et si progressivement
Chopin va en raffiner la formule, celle-ci
ne varie pas sensiblement pour l’essentiel :
il s’agit toujours de pièces de forme ABA’
(plus rarement ABA’CA’’), donc de forme
lied. La partie principale A, reprise à la
fin, est presque toujours d’essence mélodique, dans un esprit de bel canto très
orné, transposé au clavier (traits perlés,
vrilles, agréments divers), cette mélodie
souple et palpitante étant accompagnée
par une main gauche « maître de chapelle » assez régulière, qui évite les basses
trop lourdes ou trop martelées, et qui,
souvent, au lieu de plaquer ses accords,
ondule en arpèges ascendants et descendants de grande amplitude. Le rythme de
base est toujours modéré. Même dans les
moments les plus chargés en notes d’ornements, l’allure n’est jamais hâtive, et les
indications de mouvement vont du lento
à l’allegretto, en passant par l’andante et
l’andantino. Quant à l’épisode central B,
il n’amène pas un thème concurrent, mais
un autre état de la musique : le tissu en est
plus compact, plus serré, soit par précipitation et agitation rythmique qui évite de
se condenser en une mélodie formée (par
ex. dans les Nocturnes nos 3, 4, 5, 7, 10, 15,
18) ; soit par condensation harmonique
et intervention d’une sorte de choral en
accords très ramassés, homorythmiques
(Nocturnes nos 6, 11, 13) contrastant avec
l’étalement mélodique et harmonique des
épisodes qui l’encadrent.
Le Nocturne 12 introduit dans l’épisode
médian B une espèce de fanfare qui est
mise en opposition avec le thème fluide
de A et se trouve traitée presque comme
un « second thème » de forme sonate.
Mais c’est là une exception, dans ce genre
d’essence monothématique. Le retour à
la mélodie initiale, de B à A’, correspond
donc, généralement, dans les Nocturnes
à une sorte de résorption, d’apaisement,
de relâchement d’une tension, comme si
un « événement » avait traversé l’indifférence de la nuit pour finalement s’y
fondre. Le temps, malgré la brièveté des
proportions, semble dilaté, infiniment disponible pour le déploiement du chant. La
nuit est en effet le moment où le temps est
délié de l’activité humaine, et ouvert pour
la contemplation, comme en suspension,
laissant flotter une promesse d’éternité.
Les mélodies des Nocturnes, étalées sur de
longues périodes, semblent avoir devant
elles un champ d’expansion infini (immenses intervalles, cascades d’ornements
effleurés, rythme très fluide).
D’un certain point de vue, le Nocturne
de Chopin est l’antithèse du mouvement
de forme sonate à la Beethoven : contrairement à ce qui se passe chez ce dernier, le
thème mélodique féminin est ici premier
et prédominant, le thème affirmatif viril
d’essence rythmique étant confiné dans
l’épisode central, et voué à disparaître
devant le chant sans limite du thème
féminin. Les 19 Nocturnes de Chopin se
répartissent ainsi : op. 9 (1830-31), no 1
en si bémol mineur larghetto ; 2 mi bémol
majeur andante et 3 si majeur allegretto ;
op. 15 (1830-31), no 1 en fa majeur andante cantabile, 2 fa dièse majeur larghetto
et 3 sol mineur lento ; op. 27 (1834-35), no
1 ut dièse mineur larghetto et 2 ré bémol
majeur lento sostenuto ; op. 32 (1836-37),
no 1 si majeur andante sostenuto et 2 la
bémol majeur lento ; op. 37 (1838-39),
no 1 sol mineur andante sostenuto et 2 sol
majeur andantino ; op. 48 (1841), no 1 ut
mineur lento et 2 fa dièse mineur andantino ; op. 55 (1843), no 1 fa mineur andante
et 2 mi bémol majeur lento sostenuto ; op.
62 (1845-46), no 1 si majeur andante et 2
mi majeur lento ; op. 72 (1827), no 1 mi
mineur andante, nocturne de jeunesse.
4. Au XIXe siècle et pendant le XXe siècle,
le mot nocturne sert de titre à toutes sortes
de pièces vocales et orchestrales très diverses : le Nocturne du Songe d’une nuit
d’été de Mendelssohn, les Nocturnes pour
orchestre (et choeur féminin) de Debussy,
étudiés par ailleurs, le Nocturne pour ténor
et petit orchestre de Benjamin Britten, le
Notturno électronique, pour bande madownloadModeText.vue.download 705 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
699
gnétique, de Bruno Maderna. Et combien
de pièces instrumentales, sans revendiquer textuellement ce titre, sont aussi des
« nocturnes « : la Nuit transfigurée pour
cordes de Schönberg, l’introduction de la
seconde partie du Sacre du printemps de
Stravinski, les Parfums de la nuit de l’Iberia pour orchestre de Debussy, les Nuits
dans les jardins d’Espagne, pour piano et
orchestre, de Manuel de Falla, mais aussi
certains mouvements de symphonies, certains préludes d’opéra (celui du deuxième
acte du Siegfried de Wagner) ; et encore
la scène d’amour du Roméo et Juliette de
Berlioz, la scène du jardin de l’Enfant et les
Sortilèges de Ravel, la séquence nocturne
de la Suite scythe de Prokofiev, la pièce
Musiques de nuit de la suite pour piano
En plein air de Bartók, et de ce dernier des
mouvements lents de ses quatuors, l’adagio de son Divertimento ; plus récemment
encore le Nocturnal de Varèse, les Nuits
de Xenakis pour ensemble vocal, la pièce
pour bande magnétique Presque rien no 2
de Luc Ferrari, etc. Le nocturne n’est-il
pas un des rares genres musicaux occidentaux liés au sentiment d’un moment
de la journée, comme dans la musique
indienne, avec ses « ragas du soir « ?
Quelques constantes tendent à revenir
dans les nocturnes orchestraux : emploi
fréquent des cordes divisées avec sourdines, effets de trémolo, sonorités légères,
scintillantes dans l’aigu, ou immatérielles,
mais jamais dures (peu de basses lourdes,
de cuivres très en dehors). La nuit n’est
pas seulement une suggestion psychologique : c’est le moment où les bruits de
l’activité humaine se taisent et où ceux
de la nature reprennent leurs droits, nous
ramenant à un stade archaïque ; celui où
l’obscurité semble amplifier ces bruits en
les rendant « acousmatiques » (invisibles)
et faire le vide autour du son ; celui enfin,
où la vue cède à l’ouïe sa prééminence.
Comme l’ont noté certains, la musique
et la nuit ont un rapport profond et secret.
Le nocturne peut être aussi déchaînement des forces irrationnelles, et ce sont
les sabbats de Moussorgski (Nuit sur le
mont Chauve), Berlioz (Nuit de sabbat de
la Symphonie fantastique), Mendelssohn
(Première Nuit de Walpurgis). Suspendant les règles du temps diurne, mesuré
et rationalisé, le nocturne réveille la part
féminine, peut-être, de la musique.
NOËL (du lat. natalis, « jour de naissance »).
Nom populaire donné à la fête célébrant
la naissance du Christ, et, par extension,
aux chants non liturgiques de caractère
populaire relatifs à ce même événement,
ainsi qu’à leurs dérivés ; le mot « noël »
devient même une interjection de caractère joyeux.
C’est à partir du IXe siècle que commencèrent à se développer des noëls
presque toujours latins, mais qui, vers la
fin du Moyen Âge, utilisèrent souvent le
bilinguisme, latin vernaculaire (surtout
français, allemand ou flamand). Les coutumes liées à la fête de Noël, notamment
les quêtes d’enfants de choeur, ont, elles
aussi, donné naissance à des chants spéciaux, dont le plus ancien connu (XIIIe s.)
est sans doute un rondeau virelai d’Adam
de la Halle, Dieu soit en cette maison. Les
noëls proprement dits sont des chansons
en langue vulgaire ou même en patois
local, souvent parodiés sur des timbres
préexistants, célébrant de façon imagée la
naissance de l’Enfant divin en y mêlant
volontiers des personnages familiers ou
des allusions au temps présent. Ils se
développèrent rapidement à partir du
XVe siècle, d’autant plus que l’Église tolérait exceptionnellement la présence de
ces chants joyeux au cours de la messe
de minuit ou de la veillée qui la précédait
souvent dans l’église. Pour la même circonstance, les organistes étaient autorisés,
même à l’office, à sortir du style sévère qui
leur était habituellement imposé et à jouer
ou improviser des variations sur les noëls,
quel qu’en soit le timbre original. Cela a
donné lieu, surtout en France, aux XVIIe et
XVIIIe siècles, à une ample littérature, où
ils aimaient mettre en valeur, à cette occasion, les jeux de leur instrument.
De nombreuses provinces eurent
leurs noëlistes dont plusieurs sont restés
célèbres : Lucas Le Moigne à Paris, Nicolas Martin à Besançon, Nicolas Saboly à
Avignon, etc. Le noël devint volontiers
satirique au XVIIIe siècle, avec le Dijonnais
Bernard de la Monnoye, faussement littéraire au XIXe avec Placide Cappeau (Minuit chrétien, mis en musique par Adolphe
Adam), symbolique au XXe (Marie Noël).
Les polyphonistes de la Renaissance ont
également écrit des noëls, souvent à partir
des modèles monodiques.
NOËLS POUR ORGUE.
À la fin du XVIIe et durant tout le
XVIIIe siècle, les organistes français eurent
coutume d’improviser et d’écrire des
variations sur des thèmes populaires de
chansons de Noël. Le thème lui-même
était d’abord exposé une première fois, accompagné de façon très simple ; puis des
variations successives le reprenaient, en
mettant en valeur les ressources sonores
de l’orgue et la virtuosité de son exécutant. Les thèmes de noëls véhiculaient
avec eux toute la saveur, essentiellement
rustique, de la fête et du temps de Noël, la
principale fête de l’année, et les organistes
ne manquaient pas de glisser dans leurs
variations des effets d’échos agrestes ou
des imitations d’instruments pastoraux.
Cette évocation, jointe au plaisir admiratif suscité par les prouesses des virtuoses,
explique la vogue considérable dont ont
joui ces oeuvres, à l’éloquence parfois un
peu creuse. Certains musiciens se sont
fait une spécialité du noël pour orgue, et
ont reçu de ce fait le nom de « noélistes ».
Lebègue est le premier à avoir composé
des noëls pour orgue (publiés dans son
3e Livre d’Orgue, 1685 ?). Peu après, Gigault est le premier à consacrer un recueil
exclusivement à des noëls (Livre de noëls
variés, 1682). Après Raison, Dornel, Pierre
et Jean-François d’Andrieu, c’est LouisClaude d’Aquin qui apparaît comme le
maître du genre, avec son Nouveau Livre
de noëls pour l’orgue et le clavecin, dont la
plupart peuvent s’exécuter sur les Violons,
Flûtes, Hautbois, etc. (v. 1740), dont les
douze pièces demeurent les plus populaires.
Le genre se poursuivra avec des musiciens de moindre talent, Michel Corrette,
Balbastre et, à la fin du siècle, Beauvarlet-
Charpentier, Lasceux et Séjan.
NOIRE.
1. Valeur de note immédiatement inférieure à la blanche, dont elle représente la
moitié. Elle est la transformation de l’ancienne minime noire et se marque dans le
chiffrage des mesures par le dénominateur
4 (= 1/4 de ronde), ou l’un de ses équivalents ( ! C).
2. On appelle notation noire, jusqu’au
XVIIIe siècle environ, la première notation
mensurale dans laquelle toutes les valeurs
sont noircies, alors qu’elles sont évidées dans la notation blanche ultérieure
(XVe s.). En notation noire, la semi-brève
(losange noirci) se divise en minimes
noires (losange noirci avec queue), tandis que dans la notation blanche, conservée pour les mouvements lents jusqu’au
XVIIIe siècle, la même semi-brève (losange
évidé, future « ronde ») se divise en minimes blanches (losange évidé à queue,
future « blanche ») et celles-ci en semiminimes crochues (aspect d’une croche
évidée ayant la valeur de notre noire).
Dans la notation mixte, la plus fréquente,
on adopte la notation blanche pour les
valeurs longues jusqu’à la minime blanche
(future blanche), et la notation noire en
dessous, de sorte que la minime noire
(future noire) divise la minime blanche
(future blanche) en faisant fonction de
semi-minime. Nous avons conservé le
même principe en faisant de la noire la
moitié de la blanche.
3. Dans la notation proportionnelle du
XVIe siècle, dont il est resté des traces
jusqu’au XVIe siècle, on employait parfois
simultanément notes noires ou notes évidées quelle que soit la valeur. En ce cas,
on convenait que la note noire vaudrait
les 2/3 de la note blanche correspondante
(dénigration). De là, le mot « dénigrer » est
passé dans le langage courant pour y signifier « présenter une personne ou un fait
en lui ôtant une partie de sa valeur réelle ».
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
700
NOME.
Terme de musique grecque antique (si-
gnifiant « règle »), désignant des morceaux instrumentaux ou vocaux dont le
caractère et les circonstances d’exécution
étaient fixés par la tradition et ne devaient
donc pas être modifiés.
Chaque nome portait un nom (nome
pythique, nome orthien, etc.).
NONET ou NONETTO.
Pièce musicale écrite pour 9 instruments.
Les « nonets » sont assez rares. On
connaît le Nonetto de Ludwig Spohr, pour
violon, alto, violoncelle, contrebasse,
flûte, hautbois, clarinette, cor et basson,
et celui de Naumann, pour la même formation combinant un quatuor de cordes
et un quintette de vent ; plus récemment,
des nonets de Bohuslav Martinºu, Aloïs
Haba et Carlos Marina. Ils adoptent généralement la forme d’une sonate. Le mot
« nonet » peut aussi désigner la formation
instrumentale réunie pour l’exécution de
ces pièces.
NONO (Luigi), compositeur italien (Venise 1924 - id. 1990).
Il commença le piano dès l’âge de douze
ans pour l’abandonner deux ans plus tard.
Ce n’est qu’à dix-sept ans, grâce à sa rencontre avec Malipiero, que s’ouvrirent à
lui « tous les horizons de la musique ».
Ses véritables études musicales débutèrent
en 1941. Nono n’a guère gardé de souvenirs de son passage en « auditeur libre »
au conservatoire Benedetto-Marcello de
Venise. Cinq années passèrent avant sa
rencontre décisive avec Bruno Maderna,
avec qui il reprit ses études « depuis leurs
débuts ». En 1946, il obtint, en outre, ses
diplômes de droit à l’université de Padoue.
Devenu élève de Scherchen à Zurich en
1948, Nono découvrit Schönberg et Webern, deux compositeurs qui exercèrent
alors sur lui une grande influence. En témoigne sa première oeuvre, les Variations
canoniques sur la série de l’opus 41 (Ode
à Napoléon). L’oeuvre, créée en 1950 par
Hermann Scherchen, fit scandale. Nono
venait pourtant de signer là une page
transparente et lumineuse, d’une expressivité toute méditerranéenne. Suivirent
plusieurs oeuvres se réclamant de ce style,
tôt qualifié par la critique de pointillisme
postdodécaphonique : Polifonica-monodica-ritmica (1951), Composizione per
orchestra I (1951), España en el corazón,
pour soprano, baryton, petit choeur mixte
et orchestre (1952), Y su sangre ya viene
cantando, pour flûte, cordes et percussions (1952), Romance de la guardia civil
española, pour récitant, choeur parlé et orchestre (1953), Due espressioni per orchestra (1953), la Victoire de Guernica, pour
choeur mixte et orchestre (1954), Canti,
pour 13 instruments (1955), Incontri, pour
24 instruments (1954). Autant d’oeuvres
usant d’une technique sérielle souple qui
ne renonce jamais ni à l’expressivité ni au
lyrisme lumineux et ensoleillé qui sont
les marques stylistiques du langage de
Nono. Déjà, on peut remarquer son intérêt pour l’instrument le plus humain, le
plus direct, le plus brut : la voix. Cette passion ne devait jamais le quitter. Toujours
dans l’esprit de Webern, Il Canto Sospeso
(1955) marqua cependant un tournant à
la fois esthétique et idéologique dans la
démarche de Nono, qui, désormais, allait
plier son art aux exigences de son engagement social et politique comme membre
du P. C. I.
En 1955, Nono épousa Nuria, fille d’Arnold Schönberg. Pendant deux années
consécutives (1958 et 1959), il donna des
cours à Darmstadt, puis, après 1959, à
Darlington (Angleterre). En 1960 eut lieu
la création d’Intolleranza, action scénique
(opéra) en 2 actes et 11 tableaux ayant
pour sujet l’histoire d’un émigrant, qui,
aux prises avec l’oppression fasciste, découvre à la fois l’horreur et l’amour dans
les camps de concentration. L’oeuvre fut
diversement accueillie.
Or, si Nono n’est ni « un compositeur
à manifestes, ni un musicien politique »
(Martine Cadieu), il se veut témoin, et
témoin à charge, d’une société corrompue, injuste, violente et destructrice. Aussi
s’insurgea-t-il aussi bien contre l’antisémitisme et les camps de la mort que
contre les guerres d’Algérie, du Viêt-nam
et contre les dictatures d’Amérique latine.
Il fut actif aussi sur le terrain, apportant
le concert dans les usines, la musique
contemporaine dans les halls ou les grands
magasins, et il lui arriva de refuser les circuits de diffusion officialisés (par ex. les
festivals), ce qui, par exemple, le conduisit en 1968 à décliner l’invitation qui lui
était faite de participer à la Biennale de
Venise. Cette prise de position caractérisa surtout les années 60. C’est pourquoi
Nono consacra alors une grande partie de
son activité créatrice à la musique électroacoustique, celle-ci, une fois réalisée
sur bande, étant facilement transportable
dans la rue ou dans les usines. Nono n’en
continua pas moins à pratiquer un art sans
concessions. D’où un hiatus, absurde mais
logique, entre utopie et pratique concrète.
Dans ce contexte idéologique se situent
notamment Un volto del mare, pour 2 voix,
chant et bande magnétique (1968), et Non
Consumio Marx, montage de non-musique avec slogans et sons électroniques
(1969), diptyque écrit contre la Biennale
de Venise de 1968 à laquelle il avait refusé
de participer.
En rapport avec ses conceptions politiques apparaît son traitement des masses
chorales. Pour lui, un choeur n’est pas fait
de musiciens réunis pour chanter « de
concert », mais représente plutôt des individualités soudées en une équipe de travail et dont les différences font la richesse
de l’expérience vécue par le collectif ainsi
formé. Ainsi faut-il percevoir déjà Cori di
Didone, pour choeur et percussion (1958).
En 1964, Nono dédia sa Fabricca Illuminata aux ouvriers en grève de l’Italsider de
Gênes, affirmant par ce geste son désir de
demeurer de plain-pied dans la vie sociale
de son propre pays. Refusant l’élitisme, il
tenta d’insérer sa musique dans le tissu
social, dans les lieux non sacralisés par la
notion de concert-spectacle. Dans Ricordi
cosa ti hanno fatto in Auschwitz, pour
bande magnétique, il fit un usage poétique
et lyrique d’un matériau ingrat préenregistré en studio. En 1966, A Floresta e Jovem
e cheja de Vida, pour bande magnétique,
voix, clarinette et percussion, fut dédié
au Front national de libération du Viêtnam, et, en 1971, Ein Gespenst geht um die
Welt (Un fantôme rôde de par le monde),
pour soprano, choeur et orchestre, le fut à
Angela Davis.
Depuis la fin des années 60, Nono a
donné une série de partitions de grande
envergure, qui le font apparaître, envers et
contre tous, comme un créateur puissant,
profondément humain et chaleureux. Citons : Como Una Ola de Fuerza y Luz, pour
soprano, piano, orchestre et bande magnétique (1972) ; Canto per il Viet-Nam,
pour choeur mixte (1972) ; Al Gran Sole
Carico d’Amore, action scénique (1975) ;
Sofferte Onde Serene, pour piano « live »
et enregistré (1976) ; Con Luigi Dallapic-
cola, pour percussion (1979) ; Fragmente
Stille an Diotima, pour quatuor à cordes
(1980) ; Das atmende Klarsein, pour flûte
basse, petit choeur et live électronique
(1981) ; Io, Frammento dal Prometeo, pour
3 sopranos, petit choeur, flûte basse, clarinette, contre-basse et live électronique
(1981) ; Diarao Polacco no 2, pour voix,
instruments et amplification électronique
(Venise, 1982), l’opéra Verso Prometeo
(créé à Venise en 1984), Découvrir la subversion, hommage à Edmond Jabès (1987).
NORAS (Arto), violoncelliste finlandais
(Turku 1942).
Il entre à l’âge de sept ans à l’Académie
Sibelius d’Helsinki et poursuit ses études
au Conservatoire de Paris dans la classe de
Paul Tortelier, où il obtient un premier prix
en 1964. Deux ans plus tard, il remporte le
second prix au Concours Tchaïkovski de
Moscou. En 1967, il reçoit le prix Sonning
de Copenhague et fait sa première tournée
aux États-Unis en 1968. En 1969, il donne
une série de concerts en Amérique du
Sud, où il se produira fréquemment par la
suite. Membre du Quatuor de l’Académie
Sibelius et du Trio d’Helsinki, il joue en
sonate avec Bruno Rigutto, participe aux
master classes et aux concerts du Festival
de Prades et dirige le Festival de Maantali,
qu’il a fondé en Finlande.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
701
NORDGREN (Pehr Henrik), compositeur
finlandais (Helsinki 1944).
Élève de J. Kokkonen, il poursuit des
études à l’université d’Helsinki (musicologie), puis à l’université de Tky (musique
traditionnelle) et vit maintenant dans
le village de Kaustinen, en Finlande, au
milieu des pelimannit (« ménétriers »)
comme läänintaiteilija, « artiste régional ».
Dans son oeuvre, il a réussi à opérer
une synthèse de styles entre les musiques
folkloriques finnoise et japonaise et un
langage contemporain, lui-même extrêmement composite. Cette réussite apparaît notamment dans le Concerto pour
clarinette, instruments populaires et petit
orchestre op. 14, oeuvre originale et ambitieuse (1970) ; le Concerto d’automne,
pour instruments traditionnels japonais
et orchestre op. 18 (1974) ; les Pelimannimuotokuvia op. 26, pour cordes (« Portraits de ménétriers », 1976). Ce dernier
ouvrage précède et annonce le Quatuor no
1, pour instruments traditionnels japonais
op. 19 (1974) et Seita op. 42 (1978), pour 2
kotos et jushichige.
Parallèlement, Nordgren a commencé,
en 1972, ses Ballades d’après les histoires japonaises de fantômes de Lafcadio
Hearn (10 pièces pour piano). À côté de
ces oeuvres, il faut également retenir ses
nombreuses oeuvres pour orchestre : les
3 Euphonies (1967 et 1975) ; 2 Concertos
pour alto, 1 Pour piano, 1 Agnus dei op. 15
(1970) ; The Turning Point op. 16 (1972) ;
la Symphonie op. 20 (1974) ; Summer
Music op. 34 (1977) ; la Symphonie pour
cordes op. 43 (1978) ; 5 Quatuors à cordes
(de 1967 à 1986), un Quintette avec piano
(1978), une Symphonie no 2 (1989).
NORDHEIM (Arne), compositeur norvégien (Larvik 1931).
Il a étudié à Oslo, puis à Copenhague
avant d’effectuer un stage de musique
électronique à Paris.
Ses premières oeuvres importantes
sont Aftonland (1957), puis Canzona,
pour orchestre (1960), qui annonce une
période créatrice extrêmement prolifique et riche. « Tout doit chanter » est
la règle de conduite de ce compositeur,
qui rejoint vite l’avant-garde musicale et
se tourne de plus en plus vers les moyens
électroniques : Katharsis, 1962 ; Epitaffio,
1963 ; Favola, 1965 ; Response I-III, 1966,
musique électroacoustique ; Eco, 1967-68 ;
Colorazione, Solitaire et Warszawa, 1968 ;
musique pour le pavillon norvégien de
l’exposition d’Osaka, 1970 ; Pace et Lux
tenebrae, 1970. Depuis cette date, il combine une technique d’écriture orchestrale
en larges clusters et des procédés contrapuntiques : Floating, 1970 ; Greening,
1973 ; puis les oeuvres plus complexes :
Forbindelser (Connexions, 1975), Doria
et Spur (1975), Ariadne (1977), Tenebrae,
concerto pour violoncelle et orchestre
(1982), Rendez-vous pour orchestre à
cordes (1987).
NORDMANN (Marielle), harpiste française (Montpellier 1941).
À l’âge de six ans elle commence l’étude
du piano, pour se tourner vers la harpe
quatre ans plus tard, après sa rencontre
capitale avec Lily Laskine. Au Conservatoire de Paris, elle devient son élève,
obtient un premier prix et forme avec
André Guilbert et Renaud Fontanarosa
le Trio Nordmann. Invitée pour des récitals dans le monde entier dès le début des
années 60, elle se produit également avec
Lily Laskine. En formation de musique de
chambre, elle se fait entendre aux côtés
de J.-P. Rampal, P. Tortelier, son mari P.
Fontanarosa, A. Nicolet, P. Amoyal, etc.
Elle contribue à enrichir le répertoire de
la harpe en réalisant de nombreuses transcriptions.
NORDRAAK (Richard), compositeur norvégien (Oslo 1842 - Berlin 1866).
Il reste peu d’oeuvres de ce compositeur,
mort de la tuberculose à vingt-trois ans.
On connaît une musique de scène pour la
pièce Marie Stuart (1864-65) de son cousin
B. Bjørnson, une autre pour Olav Trygvason (1865), des romances et quelques
pièces pour piano. Mais son rôle aura été
essentiel lors de sa brève rencontre en
1865 à Copenhague avec E. Grieg, car, à
cette occasion, alors que Grieg était encore sous l’influence de l’enseignement de
N. Gade, il lui communiqua sa foi en la
possibilité de créer une musique nationale
norvégienne (cf. le groupe Euterpe avec C.
Horneman et G. Matthison-Hansen). Il
est l’auteur de l’hymne national norvégien, Ja, vi elsker dette landet... (« Oui, nous
aimons ce pays-ci... »).
NØRGÅRD (Per), compositeur danois
(Copenhague 1932).
Après des études dirigées par V. Holmboe
et F. Høffding à Copenhague puis par N.
Boulanger à Paris, il fit, très tôt, preuve
d’une incontestable personnalité et ses
premières oeuvres (Sonate pour piano no
1, 1952, rév. 1956 ; Sinfonia austera, 1954 ;
Triptychon, 1957, et surtout la 2e Sonate
pour piano, 1957, et Constellations pour 12
cordes, 1958) se caractérisent par la densité de l’écriture et du rythme. Dans les années 60, son style s’épure et la canalisation
de ses recherches et de ses idées produit
des oeuvres d’une grande intensité comme
Fragment VI (1959-1961), l’oratorio Dommen (« Le jugement », 1962), l’opéra Labyrinten (1963) et le ballet Den unge mand
skal giftes (1964). On peut considérer que
Nørgård atteint une maîtrise totale de son
système d’écriture à la fin des années 60
et presque toutes les oeuvres qu’il écrit
alors témoignent non seulement de la
possession de son langage mais de la force
de l’expression. En 1967 et 1968 il compose une trilogie orchestrale : Iris, Luna et
Voyage à travers l’écran d’or qui établit la
base de son langage, sans qu’il y ait d’ailleurs rupture avec ses oeuvres précédentes.
Viennent ensuite la 2e symphonie (1970),
l’opéra-épopée Gilgamesh, en 6 jours et 7
nuits (1971), la 3e Symphonie (1973-1976),
Nova Genitura (1975), Seadrift (1978), la 4e
Symphonie (1981), la 5e Symphonie (1990).
Per Nørgård s’est lui-même considéré,
dans les années 50, comme un compositeur « nordique « ; il réunit, en fait, une
double tendance non contradictoire : la
première est d’essence spirituelle et fait
appel aux sources de l’existence, à l’appartenance de l’homme à un monde cosmique, à la spiritualité ; la seconde se réfère
aux réalités mathématiques, au nombre
d’or, aux séries numérales, à l’expérimentation sonore, à l’analyse des phénomènes
naturels, physiques ou chimiques.
Il est la plus forte personnalité que le
Danemark ait connue depuis C. Nielsen.
NORMAN (Jessye), soprano américaine
(Augusta, Géorgie, 1945).
Elle étudie l’opéra et le lied à l’université Howard de Washington auprès de
Carolyn Grant (1967), au conservatoire
Peabody de Baltimore et à l’université du
Michigan (1968), auprès d’Élisabeth Mannion et de Pierre Bernac. Premier prix
du Concours international de Munich
(1968), elle entreprend une tournée en
Europe qui la mène à l’Opéra allemand
de Berlin : elle y chante son premier rôle,
Élisabeth de Tannhäuser (1969). Engagée
dans la troupe, elle incarne la Comtesse
des Noces de Figaro. De 1971 à 1972, elle se
produit sur les scènes italiennes, chantant
Idoménée à Rome, Selika de l’Africaine
de Meyerbeer au Mai musical florentin,
Aïda à la Scala de Milan. Pour ses débuts
au Covent Garden, elle chante Cassandre
dans les Troyens de Berlioz (1972). C’est en
Allemagne qu’elle retrouve la scène, incarnant Ariane à Naxos à Hambourg (1980)
et à Francfort (1981). Mais elle se produit
principalement en concert ou en récital.
Dotée d’une palette vocale riche en coloris
et en nuances, elle en joue avec raffinement, utilisant au mieux un médium et
un grave d’une étendue inhabituelle chez
une soprano. Cela confère à ses interprétations de lieder et de mélodies françaises
une force d’émotion peu commune.
NORRINGTON (Roger), chef d’orchestre
anglais (Oxford 1934).
Il est formé à l’université de Cambridge
et au Royal College of Music de Londres.
En 1962, il fait ses débuts de chanteur.
De 1966 à 1984, il dirige l’Orchestre de
l’Opéra du Kent, et se spécialise dans le
répertoire du XVIIIe siècle joué sur instruments d’époque. À partir de 1975, il dirige
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
702
le London Baroque Ensemble, et, en 1978,
fonde les London Classical Players, associés au Heinrich Schütz Choir. En 1990, il
prend la tête de l’Orchestre de Saint Luke
à New York. Il s’attache à restituer les
timbres instrumentaux d’origine des symphonies de Haydn et Beethoven. Décrivant ses London Classical Players comme
un laboratoire plus qu’un orchestre, il
applique la même démarche à la Symphonie fantastique de Berlioz, puis à Wagner
et Bruckner. En 1994, il réalise un cycle
Brahms au Concertgebouw d’Amsterdam
et, en 1995, dirige Zelmira et Sémiramide
de Rossini au Festival de Pesaro.
NOSKE (Frits Rudolf), musicologue néerlandais (La Haye 1920).
De 1939 à 1945, il étudie le violoncelle et la
théorie aux conservatoires d’Amsterdam
et de La Haye, puis, de 1945 à 1949, la musicologie à l’université d’Amsterdam avec
Bernet Kempers et Smits Van Waesberghe. Il travaille l’année suivante avec Paul
Masson à la Sorbonne et enseigne à partir
de 1950 l’histoire de la musique à la Musikschule zur Gesang de Bussum (jusqu’en
1953) et au conservatoire d’Amsterdam
(jusqu’en 1965). En 1954, il soutient sa
thèse de doctorat à l’université d’Amsterdam (la Mélodie française de Berlioz à
Duparc), où il succède à Bernet Kempers
en 1968. Il est, parallèlement à ces fonctions pédagogiques, particulièrement actif
dans les bibliothèques musicales. Conser-
vateur à la Bibliothèque musicale d’Amsterdam dès 1951, il en devient directeur
en 1954. Il est en outre secrétaire général
de l’A. I. B. M. (Association internationale des bibliothèques musicales) de 1955
à 1959 et vice-président de 1959 à 1965.
À côté d’un certain nombre d’études
sur la mélodie française et le lied en général (Das ausserdeutsche Sololied, 15001900, Das Musikwerk XVI, 1958), il a particulièrement orienté ses recherches vers
la musique néerlandaise baroque et vers
un genre particulier d’analyse musicale (le
Principe structural génétique dans l’oeuvre
instrumentale de Joseph Haydn, RBM XII,
1958 ; Forma, formans : een structuuranalytische methode, toegepast op de instrumentale myziek van Jan Pieterszom Sweelinck,
1969). Enfin, il s’est surtout penché, ces
dernières années, sur les opéras de Mozart
et de Verdi.
NOTATION MUSICALE.
La plus ancienne notation musicale déchiffrable avec certitude, celle de la Grèce
antique, probablement plus récente qu’on
ne le croyait jadis, remonte sans doute au
milieu du IIIe siècle av. J.-C., mais il est
vraisemblable qu’elle a eu de nombreux
prédécesseurs. À mesure qu’on les déchiffre, les écritures des anciennes civilisations du Moyen-Orient font apparaître,
spécialement dans les textes qui se prêtent
au chant (hymnes, prières, etc.), l’existence de signes irréductibles aux normes
connues, et qu’on présume représenter
une notation musicale. Plusieurs procédés
de déchiffrement ont été proposés (le plus
récent, 1977, est celui de Mme DuchesneGuillemain pour l’écriture cunéiforme)
mais ne sont encore que des hypothèses.
En Grèce même, la notation classique a
sans doute eu des prédécesseurs.
Sous réserve d’éventuelles découvertes,
et en se limitant à la hauteur des sons, on
peut classer en 5 catégories principales les
principes utilisés :
1. la méthode globale, la plus rudimentaire, et s’appliquant exclusivement aux
musiques, généralement de caractère liturgique, procédant par centons ou par
variations sur des formules mémorisées.
Elle consiste à cataloguer ces formules et
à attribuer à chacune un signe conventionnel. Elle a été pratiquée notamment
dans les manuscrits hébraïques ponctués
de signes musicaux additifs (taamim) ;
leur déchiffrement reste évidemment
tributaire d’une connaissance préalable
des formules qu’ils représentaient. Cette
connaissance est actuellement minime, et
de récentes « restitutions » de musique biblique lancées à grand renfort publicitaire
ne présentent malheureusement aucune
garantie scientifique ;
2. la méthode intervallique, consistant,
le système modal et le point de départ
mélodique étant fixés, à représenter par
un signe conventionnel non les sons euxmêmes, mais l’intervalle séparant chacun
du précédent ; c’est le principe de certaines notations byzantines ;
3. la tablature, indiquant non les sons euxmêmes, mais la manière de les produire
sur un instrument donné (position des
doigts). C’est probablement à ce principe
que répondait la « notation instrumentale » de la Grèce antique ; réinventé à la
fin du Moyen Âge et devenu usuel du XVIe
au XVIIIe siècle pour certains instrumentistes (organistes, luthistes, guitaristes), il
est encore parfois pratiqué actuellement
en tout ou en partie à côté des notations
usuelles (accordéon) ;
4. la traduction abstraite de chaque son et
sa figuration graphique. Telle était la « notation vocale » grecque, à l’origine simple
numérotation des sons de la tablature,
ultérieurement développée sur des bases
analytiques indépendamment des contingences instrumentales. Bien que transmise
comme la précédente par les écoles médiévales, elle n’a pas davantage survécu dans
la pratique à la disparition de la musique
grecque antique vers le IVe siècle de notre
ère ;
5. le graphisme visuel, assimilant le mouvement mélodique à un mouvement dans
l’espace et évoquant celui-ci par un tracé
approprié. Un tel principe ne pouvait être
conçu sans la métaphore qu’il matérialise,
à savoir que les aigus sont « hauts » et les
graves « bas « : cette métaphore n’a pris
naissance que vers le IXe siècle de notre
ère, et a engendré dès cette époque des
graphismes correspondants ou neumes,
d’où, par transformations successives, a
pris naissance notre notation occidentale
usuelle.
Les premiers témoins de ce nouveau
procédé apparaissent sporadiquement
sous forme de petits traits aide-mémoire
tracés de temps à autre au-dessus du texte
pour indiquer la direction montante, descendante ou étale du mouvement mélodique ; bientôt on matérialisera le son
en dessinant un point à l’extrémité de
ce trait qui deviendra une simple queue
ou haste, et on placera lesdits points plus
ou moins haut en dessinant à peu près le
mouvement mélodique (diastématie, Xe s.
env.). Certains neumes composés de traits
à valeur mélodique resteront toutefois en
usage jusqu’au XVIe siècle (ligatures).
Au XIe siècle, certains scribes facilitèrent
leur travail en préparant sur le parchemin,
à la pointe sèche, une ligne-repère de
signification variable : ce fut l’amorce de
la portée. Progressivement, on renforça le
rôle de cette ligne en la traçant à l’encre et
en précisant au moyen d’une lettre (clavis) le nom de la note qui lui est affectée :
ces lettres deviendront nos clefs ; on ajouta
une seconde ligne, à distance de quinte,
puis une troisième divisant ces deux par le
milieu : on s’aperçut alors que chaque note
disposait désormais d’un emplacement
précis, par ligne et interligne successifs,
et on ajouta d’autres lignes selon le même
principe. Leur nombre était variable, mais
l’usage les normalisa à peu près à 4 au
cours du XIIe siècle, puis au XIIIe siècle à 5
pour la musique non liturgique.
L’usage de la « clef » fixait une fois pour
toutes l’intervalle séparant les notes ; mais
un degré, le si, dénommé B, était mobile,
formant demi-ton tantôt avec do et tantôt
avec la. On donna deux formes différentes
à ce B : carré dans le premier cas (bécarre),
rond dans le second (bémol) et on précisa,
s’il y avait lieu, lequel des deux B convenait en écrivant ce B soit après la clef (origine de nos armatures), soit en cours de
texte peu avant son emploi (origine de
nos altérations accidentelles). Plus tard,
pour mieux distinguer ces deux formes,
on ajouta un trait au bécarre, qui prit tantôt sa forme actuelle, tantôt, si les traits
débordaient, celle qu’a gardée notre dièse ;
les deux formes dièse et bécarre ne furent
différenciées que tardivement et l’usage
actuel, lié à la transformation parallèle
du solfège, n’est guère fixé que depuis le
XVIIIe siècle.
Mais, dès le XIIIe siècle, on commença à
utiliser les deux signes bémol et bécarre-
dièse pour d’autres notes que le si : fa et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
703
do dièses au XIIIe siècle, sol et, exceptionnellement, ré dièses au XIVe, mi bémol au
début du XVIe. À la fin du XVIe siècle, avec
l’invention du chromatisme, il n’y eut plus
de limitation. Au XVIIe siècle, un arrondissement général du graphisme lié au mode
d’écriture donna à peu près aux notes leur
aspect actuel. La notation classique fut
alors fixée et ne subit plus guère de changements par la suite.
L’écriture du rythme se développa parallèlement à celle de la mélodie. La musique
grecque la connaît, sous forme de signes
spéciaux ad libitum ajoutés à la notation
mélodique. Ces signes sont employés encore aujourd’hui par les métriciens, mais
furent abandonnés des musiciens : les notations neumatiques les ignorent, même
si certaines d’entre elles notaient parfois
par des traits incorporés (épisèmes) ou des
lettres suscrites des détails d’allongement,
d’accélération, etc. C’est seulement à la fin
du XIIe siècle, à l’école de Notre-Dame de
Paris, que les polyphonistes eurent l’idée,
par une manière différente de grouper les
neumes (ligatures), de préciser la valeur
des notes dans les mélismes en rythme
ternaire ; cette valeur n’était pas fixe, mais
déterminée par le contexte : 1 ou 2 temps
selon le cas pour la brève, 2 ou 3 temps
pour la longue (notation proportionnelle).
Cette façon de faire fut élargie et codifiée de manière de plus en plus complexe à
partir du XIIIe siècle ; on donna une valeur
rythmique à la direction des hastes et aux
détails de tracé des points (à gauche, à
droite, etc.), en même temps qu’à la forme
des points pour les notes isolées (notation
dite franconienne). De la combinaison
de ces éléments naquit une classification en longues, brèves et semi-brèves qui
n’allait cesser de s’étendre en évoluant et
en créant sans cesse de nouvelles valeurs
(minime, semi-minime, fusa, etc.) et de
nouvelles formes de notes (rondes ou
carrées, pleines ou évidées) ou de queues
(adjonction de crochets, etc.). Notre nomenclature en rondes, blanches, etc., en
est directement issue par transformations
successives.
À partir du XIVe siècle, la création de
rythmes de plus en plus complexes entraîna de profondes modifications et une
débauche de signes dont la valeur parfois
contradictoire (temps, modes, prolations)
était codée par des figures conventionnelles (encres de couleur, figures évidées,
signaux combinés de ronds, points, etc.)
dont certaines ont été conservées (C, C
barré), ou encore par des combinaisons
de chiffres qui sont devenues nos fractions
de mesure. À la fin du XIVe siècle, la notation atteignit le maximum de complication (notation maniérée), puis se simplifia
progressivement.
La barre de mesure s’imposa au
XVIIe siècle modifiant la façon de compter
en solfiant (on comptait auparavant non
pas 1 -2 -3 -4, mais 1 -1 -1 -1...) et par là
le sens du chiffrage : la valeur rythmique
des signes cessa de dépendre du contexte
et chaque valeur de note acquit une durée
fixe en fonction du chiffrage de mesure.
Il subsista néanmoins certaines ambiguïtés qui existent encore de nos jours ; de
nombreux essais d’amélioration ont été
proposés depuis le XVIIe siècle, mais se
sont toujours heurtés à la force de l’habitude acquise, et l’ensemble de la notation
est restée pratiquement sans changement
jusqu’aux musiques non harmoniques du
XXe siècle dont les expériences, reprenant
la question sur des bases nouvelles, sont
encore en cours.
NOTE.
Signe essentiel de l’écriture musicale, représentant à la fois la hauteur et la durée
d’un son.
Par extension, ce son lui-même.
NOTE CONTRE NOTE.
Mode d’écriture polyphonique dans
lequel en même temps que chaque note
d’une voix est exécutée une note d’une
autre voix.
NOTE DE PASSAGE.
Se dit d’une ou deux notes qui, formant
dissonance ou n’appartenant pas à l’harmonie (accord), réunissent, par mouvement conjoint, les notes formant consonance ou appartenant à l’harmonie. Par
exemple, la ligne mélodique do-si-la audessus de la basse do a le si comme note
de passage. Lorsqu’il y a simultanément
plusieurs notes de passage, elles peuvent
former une harmonie dite également de
passage.
NOTE ÉTRANGÈRE.
On désigne ainsi en analyse harmonique
les notes entendues en même temps qu’un
accord sans en faire partie, soit qu’elles
servent de liaison ou d’ornementation,
soit qu’elles préparent l’arrivée sur l’une
des notes de l’accord. Les notes étrangères
peuvent être simultanées (entendues en
même temps qu’est frappé l’accord) ou
de transition (entendues entre la frappe
d’un accord et le suivant) et, en harmonie
classique, appellent une résolution, c’està-dire l’aboutissement de leur mouvement mélodique sur une note réelle faisant
cette fois partie intégrante d’un accord.
Les traités recensent un grand nombre de
notes étrangères : notes de passage, broderies, appoggiatures, pédales, etc. (voir
chacun de ces mots).
NOTE RÉELLE.
Se dit, en analyse harmonique, par opposition aux notes étrangères ou altérées,
des notes d’un accord qui appartiennent
effectivement à la définition de cet accord.
NOTES INÉGALES.
Règle en usage jusque vers 1770 environ,
selon laquelle les valeurs de division du
temps (par ex. les croches pour une battue
en noires) ne devaient pas, hormis certains cas définis, être interprétées de manière égale, bien qu’écrites avec les mêmes
valeurs de notes.
La manière d’interpréter l’inégalité
échappait aux règles du solfège et dépendait du « goût » de l’interprète, pouvant en
certains cas aller jusqu’à faire interpréter
deux croches comme s’il y avait croche
pointée/double croche. Il est aussi abusif
d’ignorer l’existence de cette règle dans
une interprétation de musique ancienne
que d’appliquer mécaniquement un barème d’équivalence solfégique qui serait
contraire à l’esprit de cette tradition aujourd’hui perdue.
NOTES MODALES, NOTES TONALES.
Dans la théorie de la musique classique occidentale, on qualifie de notes modales les
degrés caractéristiques qui, dans le mode
majeur et le mode mineur d’un même ton,
ne sont pas les mêmes, en d’autres termes
ne forment pas le même intervalle avec
la tonique, et caractérisent donc chacun
des deux modes par rapport à l’autre. Il
s’agit de la médiante (3e degré), de la susdominante (6e degré) et de la sensible (7e
degré), lesquelles forment avec la tonique,
en majeur, des intervalles respectifs de
tierce majeure, sixte majeure et septième
majeure, et, en mineur, de tierce mineure,
sixte mineure, septième mineure.
On appelle par ailleurs notes tonales
d’un ton les trois degrés principaux qui
interviennent le plus fréquemment dans
l’affirmation de cette tonalité, et sur lesquels on peut bâtir les trois accords parfaits générateurs des sept degrés de la
gamme. Elles sont les mêmes quel que soit
le mode. Il s’agit de la tonique (1er degré),
de la sous-dominante (4e degré) et de la
dominante (5e degré). Par exemple, en do
majeur, les trois accords parfaits générateurs construits sur les notes tonales
sont do-mi-sol, fa-la-do, sol-si-ré ; et en do
mineur, do-mi bémol-sol, fa-la bémol-do,
sol-si bémol-ré. On constate par la même
occasion que les trois notes modales d’un
ton se situent toutes à la tierce supérieure
de ses notes tonales : tierce majeure dans
le ton majeur, tierce mineure dans le ton
mineur.
Pour résumer, on dira que ces deux
séries de notes se complètent pour affirmer, l’une le mode, et l’autre le ton, c’està-dire les deux critères réunis dans une
indication telle que fa majeur, ou do dièse
mineur. À noter que certains traités ne
mentionnent que deux notes tonales (4e et
5e degrés) et de même deux notes modales
(3e et 6e degrés).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
704
NOTRE-DAME (école de).
Nom donné à l’ensemble des compositeurs qui, entre 1160 et 1270 environ,
ont illustré la prédominance parisienne
dans le domaine de la polyphonie et de la
lyrique latine chantée, en s’appuyant sur
l’exemple des déchanteurs de Notre-Dame
de Paris, dont les plus célèbres furent les
maîtres Albert vers 1140, Léonin vers
1160 et surtout, avant 1199, Pérotin, dit le
Grand, peut-être surnom d’un préchantre
Pierre qui mourut en 1236. Les oeuvres
de l’école de Notre-Dame comportent un
riche répertoire d’organa, de conduits à
une ou plusieurs voix, et plus tardivement
de motets, conservés dans une dizaine
de manuscrits, dont les principaux sont
à Florence, Madrid, Wolfenbüttel, Saint
Andrews (Écosse) et Burgos (Las Huelgas, copie tardive du XIVe s.). Des débris
d’un manuscrit qui devait avoir plus de
700 pages ont été retrouvés à Châlons-surMarne.
NOTTEBOHM (Martin Gustav), musicologue allemand (Lüdenscheid, Westphalie, 1817 - Graz 1882).
Après avoir étudié à Berlin (1838-39) et à
Leipzig (1840-1845), il s’établit à Vienne
en 1846, où il commence par enseigner,
puis se consacre de plus en plus à la recherche musicologique. Par ses méthodes
d’investigation systématique, il a développé une nouvelle approche des problèmes musicaux, en particulier en ce qui
concerne les biographies de musiciens et
l’édition musicale (publication des oeuvres
de Beethoven et de Mozart, en particulier, et préparation de celles de Bach et
de Schubert). Il publia le catalogue thématique des oeuvres de Beethoven (1868)
et de Schubert (1874). Il se spécialisa
avant tout sur Beethoven dont il étudia
attentivement les manuscrits et esquisses :
Beethoveniana (1872), Beethovens Studien
I (1873), Zweite Beethoveniana (1887). Il
est incontestablement l’une des grandes
autorités de la musicologie allemande au
XIXe siècle.
NOURRIT (Adolphe), ténor français
(Paris 1802 - Naples 1839).
Il débute en 1821 dans Iphigénie en Tauride
de Gluck à l’Opéra de Paris où il succéda à
son père, ténor lui aussi, mais qu’il devait
surpasser. Adolphe Nourrit fut sans doute
un des plus grands chanteurs français de
tous les temps. Élève de García, il utilisa
sa formation italienne pour créer un style
de chant spécifiquement français qui atteignit son apogée au milieu du XIXe siècle :
déclamation lyrique très nuancée visant à
une expression profonde des sentiments.
Il créa Robert le Diable et les Huguenots
de Meyerbeer, Guillaume Tell de Rossini,
la Juive de Halévy, la Muette de Portici
d’Auber. Sa technique utilisait au maximum la « voix mixte » qui lui permettait
une souplesse exemplaire et un contrôle
parfait des demi-teintes. En 1837, il quitta
l’Opéra de Paris, à la suite de l’engagement de Gilbert Duprez et du succès que
celui-ci obtenait avec sa technique de la
« voix sombrée » où le registre de poitrine
était utilisé pour des effets nouveaux de
vaillance dans l’aigu. Pendant les deux
années qui suivirent, Nourrit obtint de
grands succès en Italie. Il se suicida à
Naples, dans un accès de neurasthénie, en
se jetant de la fenêtre de son hôtel.
NOVAES (Guiomar), pianiste brésilienne
(São João de Boa Vista 1896-São Paulo
1979).
Une bourse lui permet de se présenter au
Conservatoire de Paris : elle est première
nommée sur quatre cents candidats, devant un jury composé de Debussy, Fauré
et Moszkowski. Élève d’Isidore Philipp,
elle remporte son premier prix en 1911
et, dès 1912, fait son entrée sur la scène
internationale à Londres. En 1916, elle
fait ses débuts en Amérique et, en 1922,
épouse le compositeur brésilien Octavio
Pinto (1890-1950). Son jeu délicat, parfois
qualifié d’« aristocratique », fait merveille
dans Chopin et Schumann. Elle a aussi
enregistré des sonates de Beethoven, mais
l’on a pu dire que ses disques n’étaient pas
toujours le reflet fidèle de son art. Elle a
voulu promouvoir la musique brésilienne
et la culture interaméricaine. Dans cet esprit, elle grave la Negro Folk Symphony de
Dawson, avec Leopold Stokowski.
NOVÁK (Vítězslav [Viktor]), compositeur
tchèque (Kamenice 1870 - Skuteč 1949).
Fils d’un médecin de campagne, il décide
sa mère, veuve depuis 1881, à venir s’installer à Prague pour qu’il puisse suivre
simultanément les cours de l’université
de droit et du conservatoire. Il y reçoit
l’enseignement de K. Knittl, puis de Strecker, qui réussit à faire entrer Novák dans
la classe de Dvořák. Ce dernier lui fait
reprendre sept fois sa Sonate pour violon et
piano, que Novák donne pour son concert
de sortie du conservatoire le 8 juillet 1892
avec K. Hoffmann au violon. De 1892
date également son ouverture le Corsaire.
Jusqu’en 1896, Novák travaille le piano
avec Josef Jiránek et la composition avec
le successeur de Dvořák, K. Bendl. Parallèlement paraissent le Trio en « sol » mineur
op. 1 et la Sérénade en « fa » majeur pour
petit orchestre.
Puis Novák découvre pendant l’été
1896 la Valaquie morave, et discute folklore morave avec Janáček. La rencontre de
ces deux tempéraments va conduire à l’essor de la musique tchèque et slovaque des
vingt années à venir (1900-1920). Novák
vit désormais à Brno et compose successivement divers tableaux de ces contrées
dominées par le massif des Tatras : Quintette avec piano en la mineur op. 12 (1897),
le 1er Quatuor à cordes op. 22, le poème
symphonique Dans les Tatras (V Tatrách
op. 26), la Sonate héroïque op. 24, la Sonatine des brigands op. 54/55 pour piano,
enfin la Suite de Slovaquie morave op. 32.
Mais cette intense activité créatrice ne
l’empêche pas de sombrer dans des crises
de dépression. Il nous conte ces moments
de crise sentimentale et d’isolement baudelairien dans le Trio quasi una ballata
op. 27 et dans le 2e Quatuor à cordes en ré
majeur op. 27, esquisse autobiographique
très personnelle. Il s’affirme ensuite à l’orchestre avec le diptyque Désir et Passion,
juxtaposant la poésie impressionniste
d’Andersen (l’Éternel Désir) à l’expression
d’une passion dévorante (Toman et la Fée),
se confirmant comme un contemporain
de Reger et de Schönberg.
Pour le 50e anniversaire de la fondation
de la Société philharmonique de Brno, il
écrit la Tempête, « fantaisie maritime »
(première, Brno, 17 avr. 1910 par Rudolf
Reissig), cantate étrange dont le flot mêle
une suite de petits poèmes symphoniques
à des scènes grandioses pour choeur et
solistes. Puis vient Pan, poème musical
pour piano, où il laisse éclater ses quatre
passions : la montagne, la mer, la forêt et
la femme.
Novák revient fréquemment à Prague
où il a succédé à Dvořák comme professeur de composition. Il écrit Chemises de
noce, mais réussit mieux le conte lyrique
la Lanterne (1923). Mais la scène musicale est occupée par Janáček, et Novák
doit attendre la fin de la mode debussyste
pour retrouver une certaine audience. Il
écrit successivement sa Symphonie d’automne op. 62, comparable à l’Épilogue de
Suk, la Jihočeska suita op. 64, enfin des
oeuvres patriotiques célébrant la mémoire
des héros morts pendant la dernière
guerre. Cette période d’occupation, de
résistance, semble lui donner de nouvelles
forces. Il écrit des chansons (op. 74/75),
légendes (op. 76), mélodies (op. 77), berceuses (op. 78), des choeurs (Domov, Pét
smíšen’ych sborºu, Máj [« Mai »], Hvězdy
[« les Étoiles »])... Kubelik crée à Prague la
Symphonie de mai. Désormais, Novák peut
prendre une retraite remplie d’honneurs.
NOVELLO, famille anglaise d’origine
italienne qui a donné à l’histoire de la
musique plusieurs figures importantes.
Vincent (Londres 1781 - Nice 1861), compositeur, organiste et pianiste virtuose. Il
fonda en 1811 la maison d’édition musicale Novello and Co , qui commença par
éditer des oeuvres de musique sacrée
(Purcell, Mozart, Haydn, Beethoven). Des
onze enfants qu’il eut de son épouse Mary
Sabilla Hehl, un certain nombre se firent
un nom dans la musique. Parmi eux, on
citera :
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Clara Anastasia (Londres 1818 - Rome
1908). Elle fut une soprano réputée au
concert comme à la scène, créant notamment des rôles de Rossini, Bellini, Donizetti. En 1829, ayant appris que la soeur
de Mozart était dans le besoin, Vincent
Novello organisa une collecte, et, pour en
remettre le produit à « Nannerl », entreprit avec sa femme Mary un voyage qui les
mena à Salzbourg et à Vienne. Leurs notes
et leur journal ayant trait à ce voyage, très
intéressants, ne devaient être découverts
et publiés que plus d’un siècle plus tard
(A Mozart Pilgrimage, Londres 1955, rééd.
1975).
NUANCE.
1. Au sens actuel usuel, degré de force ou
de ténuité du son, correspondant pour
le musicien à ce qu’est pour le physicien
l’amplitude de la vibration (par ex., la
nuance piano). S’emploie surtout au pluriel dans une acception globale impliquant
la variabilité de ces « nuances » (faire des
nuances). Jusqu’au XVIIIe siècle, sous
l’influence d’instruments tels que l’orgue
ou le clavecin, dont le degré de sonorité
était indépendant de la force d’attaque des
touches, on pratiquait surtout les nuances
par plans successifs ou superposés, sans
véritable oscillation au cours d’une phrase
ou d’un morceau.
Avec l’avènement du piano-forte, la
conception a changé, et la pratique des
fluctuations de nuances en fonction du
phrasé est devenue l’un des éléments
essentiels de l’interprétation. L’école de
Mannheim, vers 1770, a joué un grand rôle
dans cette transformation du goût, qui n’a
toutefois gagné le domaine du chant que
vers le deuxième tiers du XXe siècle.
2. En musique grecque antique, on traduit habituellement par « nuance » le mot
chrôa qui désigne les infimes variations de
hauteur imposées aux notes mobiles selon
le gré de l’exécutant à partir des hauteurs
théoriques fixées par les harmoniciens en
fonction du genre.
NUNES (Emmanuel), compositeur portugais (Lisbonne 1941).
Il a fait ses études d’harmonie et de
contrepoint à l’Académie de musique de
sa ville natale, puis est venu s’établir à
Paris en 1964, recevant au Conservatoire
national l’enseignement de Marcel Beaufils (esthétique), et obtenant dans cette
classe un premier prix. Entre 1963 et 1965,
il a participé en outre aux cours d’été de
Darmstadt, et, de 1965 à 1967, fréquenté
les cours de la Rheinische Musikschule de
Cologne, travaillant ainsi avec Stockhausen et Pousseur (composition), Jaap Spek
(musique électronique) et Georg Heike
(phonétique). Il s’impose une discipline
stricte au niveau de la forme.
Il a écrit notamment Degrés, pour
trio à cordes (1965), Seuils, pour grand
orchestre (1966-67, rév. 1977), le Voile
tangent, pour quatuor à cordes (1967),
Litanies du feu et de la mer no 1 (1969), et
no 2 (1971), pour piano, Omens, pour 9
instruments (1972, rév. 1975), Fermata,
pour orchestre et bande magnétique
(1973), Nachtmusik, pour alto, violoncelle,
clarinette basse, cor anglais, trombone et
3 synthétiseurs (1973-1977), Voyage du
corps (1re partie), pour 28 voix mixtes en 7
quatuors, 3 × 2 modulations d’amplitude
et bande magnétique (1973-74, création
à Royan en 1975), Ruf, pour orchestre et
bande magnétique (1974-1976, création à
Royan en 1977), Es webt, pour 21 cordes et
13 vents avec 2 chefs (1973-1975), Minnesang, pour 12 voix mixtes (1976), 73 Oeldorf 75, pour 3 bandes magnétiques et 2
orgues électriques (1975), 73 Oeldorf 75 II,
pour 6 groupes à 3 voix mixtes et 3 bandes
magnétiques (1976), Einspielung I, pour
violon seul (1979), II, pour violoncelle
seul (1980) et III, pour alto seul (1981),
Nachtmusik II pour orchestre (1982) ;
Stretti pour 2 orchestres (1983), Tif’Ereth
pour 6 groupes instrumentaux et 6 solistes
(créé par Radio France en 1985), Lichtung
pour ensemble instrumental et électronique sur le vif (1988-1992), Quodlibet
pour 3 ensembles instrumentaux (1991),
Chessed III pour quatuor à cordes (1991),
Chessed IV, pour orchestre et quatuor à
cordes (1992).
NYERT (Pierre de), chanteur et compositeur français (Bayonne v. 1597 - Paris
1682).
Après avoir étudié le chant et le luth en
France, il accompagne le maréchal de
Créquy en Italie (1633). C’est là qu’il
s’informe des techniques les plus avancées
dans le domaine du chant. De retour dans
son pays, ce gentilhomme qui, selon le
violiste André Maugars, « a si bien ajusté
la méthode italienne avec la françoise... »
procède à une réforme du chant français.
Sa méthode qui « fait tout, même pour
ceux qui n’ont pas de belles voix » (Tallemant des Réaux) ouvre la voie du développement de l’air et du ballet de cour vers un
style beaucoup plus orné, virtuose, tout en
conservant à la musique française sa douceur caractéristique. On peut étudier cette
évolution dans les « doubles » de Lambert
(le livre d’Airs de 1666 est d’ailleurs dédié
à « Monsieur de Nyert, Premier Valet de
Chambre du Roy »). De Nyert lui-même,
nous ne conservons qu’un air à voix seule
dan un recueil collectif manuscrit (Paris,
Bibliothèque nationale de France.).
NYSTROEM (Gösta), compositeur suédois (Silverberg 1890 - Säro 1966).
Il est le créateur de quelques-unes des
oeuvres orchestrales les plus remarquables
de la musique suédoise du XXe siècle. Ses
études le mènent en Espagne, puis à Paris
où il travaille la peinture avec F. Léger,
subit l’influence de Braque et poursuit
parallèlement ses études musicales avec
V. d’Indy et Sabanaijev de 1919 à 1931. En
contact avec le groupe des Six et I. Stravinski, il combine habilement les caractéristiques de l’impressionnisme et de
l’expressionnisme français avec son tempérament de postromantique nordique.
Son oeuvre comprend 6 monumentales
symphonies (Breve, 1929-1931 ; Espressiva,
1932-1935 ; Del mare, 1947-48 ; Shakespeariana, 1952 ; Seria, 1963 ; Tramontana,
1965), une symphonie concertante avec
violoncelle (1945), 1 concerto de violon
(1956), 1 Concerto ricercante pour piano
(1960), 2 quatuors à cordes, un opéra
radiophonique, Herr Arnes penningar
(1958), et de la musique vocale, domaine
dans lequel il retrouve la même réussite
que dans ses symphonies ; en particulier
les mélodies Angest (« Angoisse », 19231928), Sånger vid havet (« Mélodies au
bord de la mer », 1942), På reveln (« Sur le
rocher », 1949) et Själ och landskap (« Âme
et Paysage », 1952) font partie des chefsd’oeuvre de la mélodie nordique.
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O
OBBLIGATO (it. : « obligé »).
Associé à un nom propre sur une partition (violon, violoncelle, etc.), ce terme
indique que la présence de cet instrument
est requise par le compositeur. Il n’est pas
question de le remplacer ou de le supprimer. L’emploi d’un instrument obligé à
l’époque baroque pour accompagner un
air de soliste est fréquent. Une partie de
clavecin obligé est une partie écrite en
toutes notes par opposition à une basse
chiffrée à « réaliser ». Un exemple des
deux types de composition figure dans
la cantate profane attribuée à J.-S. Bach,
Amore traditore (BWV 203). La mention
obbligato est le contraire de ad libitum.
OBJET SONORE.
Notion due principalement à Pierre
Schaeffer, et qui désigne un phénomène
sonore perçu dans le temps comme un
tout, une unité, quels que soient ses
causes, son sens, et le domaine auquel il
appartient (musical ou non).
En un sens, la notion d’objet sonore généralise la notion de note (en tant qu’unité
combinatoire) à tout l’univers sonore, en
incluant les sons qui n’ont pas de hauteur
définie, où dont le profil, les caractères,
ne rentrent pas dans les critères habituels
de la musique traditionnelle. La note de
musique devient alors un cas particulier
d’objet sonore.
Cette notion a été élaborée par Pierre
Schaeffer à partir de ses premières expériences de musique concrète entre 1948 et
1952, et fit l’objet d’une première définition avec le concours d’Abraham Moles.
Reprise et approfondie dans les années
60, elle vit sa théorie considérablement
développée et étayée par un travail de
recherche collectif du G. R. M. autour de
Schaeffer, qui trouva son aboutissement
dans l’important Traité des objets musicaux, paru en 1966. Cet ouvrage propose
un « solfège des objets sonores », qui est
un essai de classification de tout l’univers
sonore sur la base de critères de l’écoute
complètement redéfinis pour être applicables à n’importe quel phénomène audible.
Par une confusion fréquente, on a
tendance à appliquer cette expression
d’« objet sonore » à tout objet matériel
susceptible de produire des sons - ce que,
dans le vocabulaire proposé par Schaeffer, on appelle plutôt « corps sonore ». Or,
l’objet sonore, en tant que phénomène
perceptif, doit être absolument distingué
de l’idée d’une cause matérielle, anecdotique ; défini sous un angle phénoménologique, il est une perception dont le siège
exclusif est la tête - l’oreille et le cerveau
de l’auditeur ; il n’y a pas d’objet sonore
en dehors d’un sujet percevant. Musicalement, l’intérêt de la notion d’objet sonore
est de suppléer à la défaillance de la notion
traditionnelle de note au sens occidental
pour discriminer des unités dans les musiques nouvelles, et même dans les musiques d’autres civilisations ; elle aide à en
définir en termes nouveaux les matériaux
et les unités structurelles.
Il est clair que les agrégats, masses,
clusters, processus globaux utilisés par la
musique contemporaine ne peuvent plus
être réduits à de simples « paquets » de
notes traditionnelles dont ils ne seraient
que des extensions ; ils demandent un vocabulaire nouveau, de nouveaux critères
d’analyse. L’intérêt de cette notion est
donc comparable à celui de la notion de
plan au cinéma, en permettant de segmenter la continuité en éléments qu’on peut
analyser, combiner, etc.
Un objet sonore peut être écouté selon
trois intentions différentes : ou bien, on
cherche à y reconnaître la cause dont il est
l’indice (« c’est un coup de frein de voiture »), ou bien, à comprendre le sens qu’il
véhicule (notamment dans le cas de l’expression verbale, ou des codes sonores) ;
ou enfin, faisant abstraction de ces deux
niveaux, on peut s’arrêter à sa matière, sa
texture auditive, sa forme : c’est l’attitude
dite d’écoute réduite dont Schaeffer a également fait la théorie dans son Traité des
objets musicaux, véritable bouleversement
de l’écoute. Selon Schaeffer, l’objet sonore
n’accède au stade d’objet musical que s’il
répond à certains critères qui le rendent
« convenable » à l’utilisation musicale,
et s’il est employé dans un contexte, une
structure susceptibles d’en faire émerger
des valeurs musicales abstraites (de hauteur, de durée, mais aussi de « grain »,
d’« allure », c’est-à-dire de vibrato).
La notion d’objet sonore est donc,
pourrait-on dire, « prémusicale », mais
indispensable, selon l’auteur du Traité,
pour définir lucidement la possibilité
d’un nouveau langage musical. Par ailleurs, elle s’est répandue peu à peu dans
les disciplines liées à l’acoustique, la psychoacoustique, la musicologie, dont elle
peut renouveler la démarche. Elle représente un des rares acquis théoriques authentiques de la recherche musicale au
XXe siècle.
OBRECHT (Jakob), compositeur néerlandais (Bergen op Zoom [ ?] v. 1450 Ferrare 1505).
Il fut maître de choeur vers 1476 à Utrecht,
où il eut sans doute Érasme pour élève,
puis à Sainte-Gertrude et à la confrérie de
Notre-Dame de Bergen op Zoom (14791484), où il fut ordonné prêtre (1480).
Après avoir été maître de chapelle à Cambrai (1484-85) - poste qu’il quitta pour
mauvaise gestion et négligence -, il devint
succentor à Saint-Donatien de Bruges
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
707
(1487-1492). Une autorisation d’absence
de six mois (1488) lui permit de séjourner chez le duc de Ferrare, Hercule Ier. De
1492 à 1496, il occupa les fonctions de
maître de chant à Notre-Dame d’Anvers
où il composa vraisemblablement les
messes Maria Zart, Sub tuum praesidium
et le Salve Regina III. Bruges l’accueillit à
nouveau de 1498 à 1500, mais des raisons
de santé l’amenèrent à se retirer à Berg op
Zoom puis à Anvers avant d’entreprendre
un second voyage à Ferrare (1504), où il
mourut de la peste.
On possède actuellement de lui 88
oeuvres, plus 11 douteuses. Exception faite
de 28 courtes pièces profanes, pour la plupart des chansons (dont certaines publiées
par O. Petrucci) sur des textes français et
surtout néerlandais, et de 3 tablatures de
luth, l’essentiel de son oeuvre relève du domaine religieux : une trentaine de messes
et autant de motets. L’Italie n’ayant eu
sur lui que des influences superficielles
(Missa Adieu mes amours), Obrecht peut
être considéré comme un solide représentant de la grande tradition polyphonique
néerlandaise, basée sur la maîtrise de la
technique du contrepoint avec un sens
aigu de la conduite des lignes mélodiques
des voix, toutes de valeur égale (cf. le Pleni
sunt caeli de la messe Salve Diva Parens).
Ses grandes compositions religieuses
sont fondées sur un cantus firmus, tantôt profane (ex. Je ne demande de Busnois,
Malheur me bat d’Ockeghem), tantôt religieux (grégoriens pour Beata viscera, Salve
diva parens, Sicut spina, O quam suavis est,
Subtuum praesidium), utilisant les différentes voix en imitation. Il est vrai que
Jakob Obrecht ne réserve plus le cantus
firmus pour le seul « ténor », allant parfois jusqu’à la technique de la messe-parodie. Ainsi le cantus n’est plus un guide,
mais un vrai réseau d’irrigation qui donne
à l’oeuvre une richesse et une souplesse
toutes nouvelles. La séquence est le procédé de développement favori du compositeur, donnant à ses oeuvres un caractère
vivant. Mais il faut y ajouter l’ostinato
(répétition très rapprochée d’un court
motif), le plus souvent à la voix de basse,
ce qui donne à l’ensemble une couleur très
marquée ainsi qu’un emploi plus grand de
la cadence reprise à Dufay.
On trouve aussi chez Obrecht un sens
aigu de l’architecture qui repose sur des
préoccupations mathématiques (cf. Marcus Van Crevel). Il va plus loin, en la
matière, que Dunstable ou Ockeghem, et
se montre vrai disciple des néopythagoriciens, dont les spéculations mathématiques l’ont influencé et conduit aux frontières de l’ésotérisme gnostique. La messe
Super Maria Zart, oeuvre tardive, ne peut
se comprendre sans cela. De la dernière
période relève aussi la messe Sub tuum
presidium.
Pourtant, Obrecht évite toute froideur
et rigidité : il a en effet un sentiment fort
de la tonalité et le goût de la clarté harmonique qui le font apparaître comme le
protagoniste de la fusion de la polyphonie
simultanée des Pays-Bas et de l’harmonie
simultanée de l’Italie. L’évidente facilité
d’Obrecht a permis à Glaréan d’affirmer que celui-ci pouvait composer une
messe en une seule nuit mais, ajoute-t-il,
« personne n’a dans ses chants si parfaitement exprimé les sentiments de l’âme
humaine ».
OCARINA.
Instrument populaire, à vent, né à Florence vers 1867.
Construit en terre cuite, plus rarement
en métal, il a approximativement la forme
et les dimensions d’une tête d’oie, d’où
son nom en italien. Il est percé de huit
trous, plus celui de l’embouchure, et produit des sons comparables à ceux de la
flûte dans l’aigu.
OCKEGHEM (Johannes), compositeur
franco-flamand (Hainant v. 1410 - Tours
1497).
Mentionné parmi les chantres de la cathédrale Notre-Dame d’Anvers (juin 1443 juin 1444), ce Flamand fit de la France sa
terre d’élection. Juste retour des choses.
D’abord au service du duc de Bourbon
Charles Ier, qui avait établi sa cour à Moulins, de 1446 à 1448, il parvint au sommet
de la réussite professionnelle dès son entrée (1452) à la chapelle royale de France,
alors installée sur les bords de la Loire.
Jusqu’à sa mort (1497), il devait y servir
successivement Charles VII, Louis XI et
Charles VIII, comme chantre (« maître de
la chapelle du chant du roy »). L’estime
en laquelle on le tint lui valut maintes
prébendes, et notamment sa nomination comme trésorier de l’abbaye SaintMartin de Tours (entre 1456 et 1459). À
l’encontre de Dufay ou de Josquin, il ne
fut pas un grand voyageur (même s’il se
rendit en 1470 en Espagne et en 1484
en Flandre) ; surtout, il n’a jamais tenté
l’aventure italienne, bien que ses oeuvres
aient souvent été reproduites dans des
manuscrits italiens (cf. aussi son Prendrez
sur moi reproduit dans la marqueterie du
cabinet d’Isabelle d’Este).
C’est que sa réputation dépassa vite les
limites du royaume, ce dont témoignent les
compositions auxquelles ont donné lieu sa
mort. « Acoutrez vous d’habitz de deuil :
Josquin, Brumel, Pinchon, Compère... »,
c’est en ces termes que Guillaume Cretin
invite dans sa Déploration ses confrères à
manifester leur douleur de la mort de leur
« maître et bon père ». Jean Molinet, écrivant deux épitaphes dont l’une devait être
mise en musique par Josquin, l’appela Sol
lucens super omnes, et Érasme lui dédia sa
complainte Ergo ne conti cuit que Johannes
Lupi devait mettre en musique. Mais de
son vivant déjà, Binchois lui avait dédié
son motet In hydraulis, Compère l’avait
nommé dans son motet Omnium bonorum
plena, et Tinctoris lui avait dédié son livre
De natura et proprietate tonorum (1476),
le qualifiant avec Busnois de « prestantissimi ac celebrissimi artis musicae professores ».
Ockeghem est sans doute l’un des premiers compositeurs à avoir traité dans un
esprit différent musique profane et musique religieuse. Peut-être le cadre de la
chanson fut-il trop étroit pour lui. Toujours est-il qu’il respecte dans ce domaine
la tradition à 3 voix, évitant généralement
les imitations, maintenant volontiers (Petite Camusette) le contraténor dans un rôle
subalterne (à la différence de Busnois),
ne réalisant l’équilibre des voix que dans
Prendrez sur moi votre exemple amoureux,
canon figuraliste. Mais c’est à la musique
religieuse qu’il a réservé la première place,
et là, ses oeuvres dégagent une réelle impression de grandeur et de puissance. Son
habileté contrapuntique y éclate : un Deo
gratias à 36 voix (mais est-ce bien celui
qui nous est parvenu, et qui se présente
plutôt comme un quadruple canon à 9
voix ?) lui valut une extraordinaire réputation de sorcier du contrepoint, tout
comme d’ailleurs la Missa cujusvistoni,
qui, par changements de clefs appropriés,
peut être transposée dans n’importe quel
ton (d’où son nom) sans modification du
texte musical. Un autre tour de force est
constitué par la Missa Prolationum, où les
4 voix sont groupées 2 par 2 en 2 canons
différents, la basse suivant le ténor en augmentations, l’alto le supérius.
Mais ces virtuosités techniques, cette
mathématique transcendante ne sauraient gêner sa spontanéité et son goût de
l’expression. L’intérêt intellectuel va de
pair chez lui avec l’émotion immédiate.
D’ailleurs, Ockeghem est un compositeur
qui « n’a jamais de système » (Ch. Van
den Borren), c’est ce qu’il veut exprimer
qui conditionne le choix de ses moyens.
Ainsi passe-t-il dans ses messes de l’usage
du cantus firmus (Missa Caput, l’Homme
armé) à la messe-parodie (Fors seulement)
et à la composition libre (Prolationum,
Cujusuis toni, Missa Mi-mi). Ainsi utilise-t-il la dissonance avec une hardiesse
qui contraste avec sa condamnation par
Tinctoris. Un des premiers, il chercha à
établir un rapport étroit entre le texte et
la musique. Krenek a relevé chez lui des
exemples frappants de ce figuralisme dont
Monteverdi ou Bach seront plus tard tributaires. Son oeuvre religieuse progresse
nettement dans le sens de l’équilibre des
voix et de la souplesse des lignes ; il y a
chez lui un idéal de clarté : s’il conserve la
linéarité de la polyphonie, il sait tisser un
réseau qui donne un sentiment de verticalité. C’est là une notion moderne.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
708
On possède de lui 13 messes, un requiem (le plus ancien ayant survécu), un
credo isolé, une dizaine de motets et une
vingtaine de chansons, auxquels il faut
ajouter quelques oeuvres douteuses quant
à leur signature.
OCTAVE.
L’octave est, dans nos gammes, l’intervalle
qui sépare deux notes qui portent le même
nom, quoiqu’elles soient de hauteurs différentes. Cet intervalle est perçu par l’auditeur non exercé comme une similitude totale entre les deux notes. Acoustiquement,
il correspond à une fréquence double, ou
à une division par deux de la longueur
de la corde vibrante (le violoniste place
son doigt au milieu de la corde pour faire
entendre l’octave de cette corde à vide).
Toutes nos gammes et nos modes ont été
conçus, jusqu’à ce jour, pour que les notes
se répartissent à l’intérieur d’une octave.
OCTAVE BRISÉE, OCTAVE COURTE.
On désigne indifféremment par l’un de
ces termes une particularité de certains
claviers anciens d’orgue ou de clavecin.
L’octave la plus grave, réduite de mi 1 à
ut 2, y avait l’apparence habituelle, mais
était accordée différemment de son aspect
visuel :
ce qui raccourcissait l’écart de la main
et permettait de jouer rapidement une
gamme de do majeur par simple glissement des doigts sans déplacement de
main ni passage de pouce. Ce passage était
rendu difficile par l’exiguïté des touches,
de sorte qu’il est resté peu pratiqué jusqu’à
l’allongement de celles-ci, généralisé au
début du XIXe siècle.
OCTUOR
1. Formation instrumentale de musique
de chambre comprenant huit instruments, à vent ou à cordes, et souvent une
combinaison des deux (ex. : clarinette,
cor, basson, deux violons, alto, violoncelle
et contrebasse, pour l’oeuvre Anaktoria
de Yannis Xenakis, composée en 1969 à
l’intention de l’Octuor de Paris). On dit
aussi parfois, par anglicisme, « octette ».
2. Pièce musicale écrite pour huit instruments. On peut citer comme octuors les
sérénades KV 375, 1781 et KV 388, 1782
de Mozart, l’Octuor op. 103 de Beethoven,
pour instruments à vent, 1792 (deux hautbois, deux clarinettes, deux cors, deux bassons), l’Octuor en fa majeur D. 803 pour
cordes et vents de Schubert, 1824 (quintette à cordes, cor, basson, clarinette), et
celui pour cordes seules, mi bémol op. 20,
1825, de Mendelssohn. Et aussi, parmi
les octuors modernes, ceux de George
Enesco, 1900, Igor Stravinski, 1923 (pour
vents seuls), Darius Milhaud (1948-49,
formé de la superposition de deux quatuors à cordes jouables simultanément !),
Paul Hindemith, 1958, Dimitri Chostakovitch, Claude Ballif, Yannis Xenakis, etc.
L’octuor peut adopter la forme du divertissement en plusieurs mouvements, ou
de la sonate.
3. Dans un opéra ou une cantate, air ou
passage écrit pour huit voix distinctes : le
troisième acte de la Walkyrie de Wagner,
par exemple, contient des octuors de
Walkyries.
ODE (grec ôdé, « chant «, puis, plus particulièrement, « poésie lyrique «).
Ce terme désigne en général un poème
destiné à être chanté, ou une oeuvre
musicale lyrique (par opposition à dramatique), dont le style est large et noble,
et dont l’objet est souvent la célébration
ou la commémoration d’un héros, d’une
circonstance, etc. Chez les Grecs anciens,
l’ode était un genre chanté, en choeur
ou en solo, où poésie et musique étaient
conçus ensemble, par des poètes-musiciens comme Alcée, Sapho et Pindare
(v. 518 - v. 438 av. J.-C.), avec ses quatre
livres d’odes triomphales qui célébraient
par exemple les vainqueurs des jeux
Olympiques. Le genre de l’ode fut repris
par des poètes latins, comme Horace, qui
publie entre 30 et 13 av. J.-C. quatre livres
de Carmina (odes) inspirés plus souvent
par l’ode légère et méditative d’Alcée et
Sapho que par l’ode grandiose de Pindare,
comme il le confesse lui-même. L’ode pindarique a une forme très nette, en trois
parties, introduite par Stésichore : strophe
et antistrophe, sur une mélodie commune,
puis épode, sur une musique différente.
Celles d’Horace ont des formes assez variées par strophes de quatre vers, mais ont
en commun la recherche d’une certaine
complexité métrique.
Le genre de l’ode survit au Moyen Âge,
avec le souvenir de l’ode antique, mais
c’est au XVIe siècle qu’il fait l’objet d’une
véritable entreprise de résurrection : à
travers lui, on veut notamment retrouver
cette fameuse union primitive du verbe
et de la musique, qui était à la base de la
musique des Anciens. Ces odes mesurées à l’antique sont harmonisées à trois
ou quatre voix homorythmiques, sur des
textes allemands ou latins, et fleurissent
avec les oeuvres de Sethus Calvisius, Ludwig Senfl, Claude Goudimel.
Avec ses thèmes religieux, humanistes
ou solennels, l’ode est par excellence le
genre savant et noble. Plus tard se développe l’ode de forme libre, qui se libère des
jeux métriques complexes et devient un
genre de célébration et d’hommage, pour
les mariages, les fêtes, les anniversaires ou
les funérailles (Ode à sainte Cécile, 1692,
de Purcell, Ode à sainte Cécile, 1739, de
Haendel, Ode funèbre, BWV 198, 1727,
de Jean-Sébastien Bach). On ne trouve
plus ensuite, aux XVIIIe et XIXe siècles, que
des odes isolées, souvent en référence à
l’antiquité et de forme très variable (Ode
anglaise, 1789, perdue, de Philidor, Ode
à la musique, 1890, de Chabrier, quelques
essais de mise en musique des odes d’Horace, et l’Ode à Napoléon, 1942, de Schönberg, d’après Byron).
ODINGTON (Walter), savant et théoricien anglais (actif de 1298 à 1316 env.).
Moine à Evesham, abbaye bénédictine
près de Worcester, il écrivit un traité,
Summa de speculatione musicoe, comparable au Tractatus de musica de Jérôme de
Moravie, et qu’on peut considérer comme
le plus important et le plus complet alors
rédigé en Angleterre.
ODON DE CLUNY, abbé de Cluny (Maine
v. 879 - Tours 942).
Il reste de lui trois hymnes et douze antiennes pour l’office de Saint-Martin du
11 novembre, ainsi que des écrits. On lui
a également attribué un certain nombre
de « tonaires », en fait sensiblement postérieurs.
OFFENBACH (Jacques, Jacob EBERST,
dit), compositeur français d’origine allemande (Cologne 1819 - Paris 1880).
Connu comme le plus grand compositeur
d’opérettes, le roi des divertissements du
second Empire, le « Mozart des ChampsÉlysées » (Wagner), il a été pour cela aussi
fêté d’un côté que mésestimé de l’autre.
Parce qu’on s’amuse à la Belle Hélène, ou
à Orphée aux Enfers, on tend à considérer
la musique de ces oeuvres comme indigne
d’être mesurée à celle des grands - alors
que, comme l’a relevé René Leibowitz,
c’est une véritable musique d’opéra ample
et inventive.
Jacob Eberst était le fils d’un cantor de
la synagogue de Cologne, qui était originaire de la localité d’Offenbach-sur-leMain. De là vient le pseudonyme qu’il prit
par la suite. Il apprend le violon avec sa
mère, ainsi que le violoncelle, instrument
où il deviendra un virtuose. C’est par des
récitals de violoncelle dans les salons qu’il
commencera à entrer dans la carrière en
1834, avec un répertoire de pièces qu’il
écrivit pour cet instrument (duos, romances, danses) et qui restent les seules
pièces de « musique pure » dans sa production. En 1833, il est amené à Paris, et
accepté, par Cherubini comme élève au
Conservatoire de Paris, malgré son origine étrangère (qui, selon les règles en
usage, devait lui en interdire l’accès).
Particulièrement indiscipliné, il n’y
reste qu’un an, dans la classe de violoncelle de Veslin, et finit par être engagé
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
709
comme violoncelliste de fosse dans des
orchestres d’opéra-comique, d’abord à
l’Ambigu-Comique, puis à l’Opéra-Comique, salle Favart. Il travaille la composition avec Jacques Fromental Halévy,
oncle de Ludovic Halévy, qui devait collaborer avec lui comme librettiste. Sa
première oeuvre, Pascal et Chambord, est
créée en 1839 sans succès. Pendant huit
ans, il n’en compose pas d’autre, et gagne
sa vie comme violoncelliste en tournée,
en Allemagne, en Autriche, en Angleterre.
En 1844, il épouse Herminie d’Alcain,
après s’être converti au catholicisme ; il
aura d’elle cinq enfants.
Après d’autres tentatives dans l’opérette, il finit par accepter, sur la proposition d’Arsène Houssaye, le poste de chef
d’orchestre à la Comédie-Française. Il a
sous sa baguette un petit ensemble qui
joue pendant les entractes et accompagne
d’éventuelles romances et chansons introduites dans l’action. Celle qu’il compose
pour le Chandelier de Musset (la « Chanson de Fortunio ») ne peut être chantée
par l’acteur Delaunay, trop inhabile au
chant.
Devant la difficulté de faire jouer et
réussir les opérettes qu’il se remet à écrire
(comme Pepito, 1853 ; Oyayaie ou la Reine
des Îles, 1855), il prend en 1855, l’année
de l’Exposition, la gestion d’un minuscule
théâtre situé aux Champs-Élysées et qu’il
baptise Bouffes-Parisiens. C’est là que
ses opérettes, encore de petite dimension
(comme le règlement lui en faisait obligation pour son théâtre), commencent à
obtenir un succès qui se répand à l’étranger. Il cumule les rôles de compositeur,
directeur de troupe, répétiteur de l’orchestre, intervient dans la mise en scène,
etc., manifestant son tempérament d’infatigable travailleur. Les Bouffes-Parisiens
déménagent dans un théâtre plus grand,
passage Choiseul. Ses librettistes sont de
Forges et Riche, Jules Moineaux (les Deux
Aveugles, 1855), Hector Crémieux (Élodie,
1856), Ludovic Halévy (à partir de Ba-TaClan, 1855), Michel Carré (à partir de la
Rose de Saint-Flour, 1856), Meilhac, Tréfeu, Scribe, etc.
Après une série de succès obtenus
par des opéras bouffes en un acte, il fait
donner ses pièces dans des théâtres plus
importants, pour s’attaquer à des entreprises de plus grande dimension. Orphée
aux Enfers (1858, livret de Crémieux et
Halévy), avec ses deux actes, inaugure la
série des grandes opérettes parodiques et
frondeuses, et lui fait passer ce cap décisif.
Suivent une multitude de créations, dont
on retiendra Monsieur Choufleuri restera
chez lui le... (1861, livret de Crémieux, Halévy, Lépine et du duc de Morny), Barkouf
(1860, opéra-comique écrit par Scribe et
Boisseau), la Belle Hélène (1864, livret de
Meilhac et Halévy), Barbe-Bleue (1866),
la Vie parisienne (1866), et la Grande-Duchesse de Gerolstein (1867), avec la même
équipe, Robinson Crusoë (1867), opéra-comique où il prouve son art dans le style
« sérieux », la Périchole (1868, livret de
Meilhac et Halévy), etc.
Il devient la vedette du second Empire
et de sa cour. Son interprète favorite,
celle pour qui fut écrite la Belle Hélène,
est Hortense Schneider. Il aime, tout en
travaillant, vivre en société, s’occuper des
autres, et sa réputation est immense. La
guerre de 1870, avec la fin du second Empire, interrompt cette période heureuse, et
l’expose à des attaques xénophobes, bien
qu’il se soit fait naturaliser français en
1860. Il doit quitter Paris quelque temps,
puis après les événements de 1870 et 1871,
il tente de repartir avec le Roi Carotte
(1872, livret de Sardou), le Corsaire noir
(créé à Vienne, 1872, sur un livret de luimême) et Fantasio, d’après Musset (1872).
Il prend en 1872 la direction de la
Gaîté-Lyrique, où il monte ses oeuvres
avec plus de fastes et de machineries (nouvelle version d’Orphée en 1874, le Voyage
dans la lune, 1875, que suivirent le Docteur Ox, 1877, Madame Favart, 1878, la
Fille du tambour-major, 1879). Mais cette
entreprise le ruine, et, en 1876, il doit
abandonner le théâtre, vendre une partie
de ses biens et entreprendre une tournée
(triomphale) aux États-Unis pour rétablir
sa situation.
Tourmenté par la « goutte » (diathèse),
il revient encore plus souffrant, mais toujours en activité, écrivant sur un livret
des frères Barbier les Contes d’Hoffmann,
vieux projet d’opéra-comique dans lequel
il voulait mettre le meilleur de son inspiration fantasmagorique. Mais il meurt le 3
octobre 1880 avant de les avoir achevés. La
première des Contes d’Hoffmann, orchestrés par Ernest Guiraud, a lieu le 10 février
1881, dans une atmosphère de consécration posthume.
Comme on l’a dit, Offenbach est un
musicien dont la réputation a eu à souffrir de l’absurde hiérarchie des genres :
souvent seul l’humour des paroles et
des situations place ses opérettes sous le
signe du divertissement sans prétention.
La musique d’Orphée aux Enfers, ou de la
Belle Hélène égale ou surpasse en invention, en qualité mélodique, en sens dramatique bien des opéras sérieux. S’il pastiche
l’opéra, ce n’est pas pour singer un genre
dont il ne posséderait pas l’étoffe ; c’est
en grand musicien doué d’une certaine
vertu d’intelligence, d’ironie et de goût
pour l’humour, qui lui fait facilement voir
toute chose sous l’angle drôle. De surcroît,
il travailla souvent avec des librettistes de
grand talent, extrêmement efficaces dans
un humour de parodie et de « nonsense ».
On a relevé cependant dans maint passage de son oeuvre une mélancolie à peine
cachée - non pas mélancolie romantique,
« spleen » cultivé avec amour, mais mélancolie très humaine et sans pose. On peut le
rapprocher de ces burlesques géniaux du
cinéma muet (Chaplin, Langdon, Keaton),
ou d’un Boris Vian dont on ne connaîtrait
que le visage de l’amuseur.
OFFERTOIRE.
Pièce chantée ou jouée à la messe entre le
credo et la préface.
Elle est ainsi nommée en raison des offrandes qu’autrefois les fidèles apportaient
solennellement à ce moment, et qui comportaient souvent le pain et le vin destinés
à être consacrés. Liturgiquement, l’offer-
toire est un fragment scripturaire s’appliquant à la fête du jour, lu par le prêtre au
début du canon ; il comportait autrefois
une antienne assez longue encadrant un
ou plusieurs versets de psaume ; le verset
a disparu, sauf en certaines circonstances
(messe de requiem), laissant subsister la
seule antienne. Dans les messes en plainchant, cette antienne était chantée pendant que le prêtre, après l’avoir lue à voix
basse, continuait la messe par la lecture
silencieuse du canon. Si le chant était trop
court, l’orgue continuait à jouer, et le
morceau gardait le nom d’offertoire.
Souvent aussi on supprimait le chant,
et l’orgue (exceptionnellement l’orchestre
dans certaines messes très solennelles)
jouait pendant tout le temps disponible.
L’offertoire devenait ainsi le temps le plus
long laissé à la disposition du musicien
pendant la messe proprement dite, et en
outre le seul moment où il n’était tenu par
aucune obligation particulière de style,
de sorte que, dans les messes d’orgue des
XVIIIe et XIXe siècles, il est, avec la sortie,
le morceau le plus développé et souvent le
plus brillant.
Dans la messe postconciliaire de Paul
VI, l’offertoire musical se voit très réduit
et parfois supprimé par la récitation du
canon à voix haute.
OFFICE.
Nom générique donné à l’ensemble des
célébrations du culte ou à chacune d’elles.
L’office catholique comprend, outre la
messe, le chant ou la récitation des heures
et diverses cérémonies ou réunions pieuses
plus ou moins codifiées par l’usage, telles
que salut du saint sacrement, récitations
de chapelet, etc., ainsi que des cérémonies
particulières propres à certaines fêtes (ex.
le lavement des pieds le jeudi saint). À
l’exception des vêpres et complies, auxquelles les fidèles étaient souvent conviés
sans obligation les dimanches et fêtes,
l’office des heures concerne surtout la
liturgie monacale, les prêtres séculiers se
contentant de le lire à voix basse dans le
bréviaire.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
710
OFFICE DE TÉNÈBRES.
Office de matines des trois jours de la
semaine sainte (jeudi, vendredi, samedi)
correspondant à la Passion et à la mort
du Christ, dans la liturgie catholique romaine.
Chacun des trois offices comprenait
trois antiennes, trois leçons (ou lectures)
et trois répons. Les leçons étaient extraites
des Lamentations de Jérémie, et une très
ancienne tradition voulait que la première
lettre de chaque verset en soit chantée : le
poème hébraïque était acrostiche, la première lettre de chaque verset correspondant à une lettre de l’alphabet. On a ainsi
continué, dans la version grégorienne, à
vocaliser aleph, beth, ghimel...
L’office de ténèbres commençait à minuit et se déroulait primitivement jusqu’à
l’aube. Un symbolisme de la lumière accompagnait son déroulement, les luminaires étant éteints progressivement (d’où
le nom de ténèbres donné à la cérémonie).
On prit ultérieurement, par commodité,
l’habitude de célébrer l’office dans l’aprèsmidi du jour précédent, l’office du jeudi
devenant « ténèbres du mercredi » et ainsi
de suite.
Cet office, en raison de la beauté dramatique de son texte poétique et du caractère un peu spectaculaire de la liturgie,
fut toujours très suivi, mais à partir de la
Renaissance, il donna lieu à une floraison
d’oeuvres, d’abord polyphoniques (Dufay,
Arcadelt, Sermisy, Cr. de Morales, Victoria, Lassus, Palestrina. W. Byrd, Tallis,
Gesualdo...) puis monodiques (Galilei,
Carissimi, Cesti, Frescobaldi, Allegri,
Stradella...). En France, le compositeur
d’airs de cour Michel Lambert donna aux
Leçons de ténèbres un caractère particulier,
mêlant déclamation musicale et profusion
ornementale : ce caractère reste attaché
aux oeuvres de M. A. Charpentier, Couperin, Brossard, Delalande, Nivers.
OHANA (Maurice), compositeur français
(Casablanca 1914 - Paris 1992).
Sa famille était originaire d’Espagne Ohana est le nom d’un village andalou.
Initié par sa mère au cante jondo, il a,
aussi, tout enfant, au Maroc, écouté les
improvisations des musiciens berbères.
De 1927 à 1931, il reçoit à Bayonne sa
première formation musicale en même
temps qu’il poursuit ses études secondaires. En 1932, il étudie l’architecture à
Paris, travaille le piano sous la direction
de Lazare Lévy, et, dès 1936, donne son
premier récital. De 1937 à 1940, il est, à la
Schola cantorum, l’élève de Daniel-Lesur,
qui lui enseigne à la fois l’harmonie et le
contrepoint, deux disciplines qui, selon
son maître, ne doivent pas être séparées.
L’art de Maurice Ohana devra beaucoup à cette méthode. En 1940, la guerre
interrompt ses travaux. Maurice Ohana
retrouve en 1944, à Rome, un milieu
musical, celui de la jeune école italienne,
groupée autour d’Alfredo Casella. Cette
année-là, il compose ses premières oeuvres
pour piano, la Sonatine monodique (1945)
et le premier des 3 Caprices (1944-1948),
Enterrar y callar, dont le titre est emprunté
à Goya. Revenu à Paris en 1947, il fonde
avec quelques amis, Stanislas Skrovatcheski, Sergio de Castro, Pierre de la
Forest Divonne, Alain Bermat, le groupe
du Zodiaque, qui se donne pour objectif
de défendre la liberté du langage.
À une époque où la musique sérielle a
encore force de dogme, Maurice Ohana
affirme son indépendance dans le Llanto
por Ignacio Sanchez Mejias, qui est créé en
1950 sous la direction de Georges Delerue.
On y reconnaît deux points d’ancrage :
Manuel de Falla pour l’économie orchestrale, le cante jondo pour l’expressivité
de la partie vocale ; mais Maurice Ohana,
en communion étroite avec le poème de
Federico García Lorca, découvre les éléments d’un langage personnel qu’il ne
fera, dès lors, qu’approfondir, enrichir,
diversifier. Il écrit en 1952, pour Maurice
Béjart, son premier ballet, les Représentations de Tanit (créé en 1956), et sa première musique de scène pour Monsieur
Bob’le, de Georges Schéade (Suite pour un
mimodrame). Les Cantigas (1953-54) et
les Études chorégraphiques, pour percussion (1955) confirment son attachement
à la tradition espagnole la plus ancienne
et aux rythmes africains, en même temps
que son aversion pour un intellectualisme
où la sensualité sonore et l’engagement
corporel n’auraient pas de part. Dans une
musique radiophonique pour les Hommes
et les autres d’Elio Vittorini (1955), Maurice Ohana utilise pour la première fois les
tiers et les quarts de ton, et, en illustrant le
Guignol au gourdin (1956), une farce pour
marionnettes de Federico García Lorca, il
est un des premiers à découvrir la poétique
de ce qu’on nommera bientôt le « théâtre
musical ». Une autre étape est franchie
avec le Tombeau de Claude Debussy, écrit
en 1962, une oeuvre où les micro-intervalles et les sonorités qui donnent à l’orchestre de Maurice Ohana sa couleur originale s’agencent et se fondent, définissant
une écriture, un style.
Dans les Cinq Séquences pour quatuor à
cordes, le compositeur poursuit, en 1963,
son exploration de l’univers sonore compris entre les notes de la gamme tempérée,
puis, utilisant une guitare à 10 cordes plus
riche en sons harmoniques que la guitare
classique, il écrit en 1964, à l’intention de
Narciso Yepes, 1 suite de 5 pièces, dont le
titre, Si le jour paraît, est, une nouvelle fois,
emprunté à Goya. Signes, pour une petite
formation instrumentale (1965), Synaxis,
pour 2 pianos, percussion et orchestre
(1966), le Syllabaire pour Phèdre, opéra
de chambre (1967), s’inscrivent dans le
même domaine de recherches. Cris, pour
choeur a capella, inaugure, en 1968, une
nouvelle étape créatrice à laquelle l’expérience de la musique électroacoustique
n’est pas étrangère, étape marquée également par la marge de liberté laissée aux interprètes. Autodafé, créé en 1971 aux choralies de Vaison-la-Romaine et représenté
l’année suivante à l’Opéra de Lyon, est une
fresque historique, qui bouscule l’ordre
chronologique et qui apparaît, en définitive, comme un jeu où l’on brûlerait « tout
ce qui contraint, menace et emprisonne,
pour entrevoir un moment la vie telle
qu’elle pourrait être ». Tout bascule, tout
sombre dans cet univers que surplombe
une lumière très intense, mais cette vision
tragique de la vie, à laquelle s’oppose un
humour salubre, est tout le contraire d’un
pessimisme morose. Hommage à Frédéric Chopin, les Vingt-Quatre Préludes pour
piano apparurent, lors de leur création le
20 novembre 1973, par Jean-Claude Pennetier, comme une des oeuvres majeures
de Maurice Ohana, de même que, en 1976,
l’Anneau de Tamarit, pour violoncelle et
orchestre, inspiré par le dernier recueil
de poèmes de Federico García Lorca, et le
Lys de madrigaux, pour voix de femmes et
ensemble instrumental. Créée à Avignon
en 1977, la Messe, pour choeur, solistes
et ensemble instrumental restitue, dans
un langage de notre temps, l’esprit de
la liturgie des premiers âges de la chrétienté. L’année suivante, les Trois Contes
de l’Honorable Fleur témoignent de la liberté poétique du compositeur, plus que
jamais à l’aise dans l’imaginaire ainsi que
le confirme, en 1979, mais aux dimensions
de grand orchestre, le Livre des prodiges.
Et, c’est encore une oeuvre d’une vitalité
poétique intense, un Concerto pour piano
et orchestre, qui illustre l’année 1981. Le
Quatuor à cordes no 2 est de 1980, le Quatuor à cordes no 3 de 1990. En 1988 a été
créé à Paris l’opéra la Célestine, en 1991 à
Évian le Concerto pour violoncelle no 2 « In
Dark and Blue » et en 1992 à Aix-les-Bains
Avoaha pour choeur à 36 ou 48 voix, percussion et 2 pianos.
OISTRAKH, famille de violonistes soviétiques.
David (Odessa 1908 - Amsterdam 1974). Il
étudie le violon dans sa ville natale auprès
de Pyotr Stoliarski, et quitte le conservatoire en 1926, où il s’est également initié à
la pratique de l’alto. Il y donne, à seize ans,
son premier concert, jouant et dirigeant
en même temps, accompagné par l’Orchestre symphonique d’Odessa. En 1927,
il joue à Kiev le Concerto de Glazounov
sous la direction du compositeur. Il fait
ses débuts à Leningrad en 1928 et, l’année
suivante, à Moscou, où il vit désormais.
Il remporte successivement les premiers
prix du concours de l’Ukraine (1930) et
du concours des Républiques soviétiques
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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(1935), le second prix du concours Wieniawski de Varsovie (1935), derrière Ginette Neveu, et, enfin, le concours Ysaýe
de Bruxelles (1937).
Il participe à l’effort de guerre de son
pays en jouant pour les soldats, les malades et les ouvriers, et célèbre la paix
revenue aux accents du Double Concerto
pour violons de Bach, en compagnie de
Menuhin, premier musicien étranger à
revenir en Union soviétique (Moscou,
1945). Il met ses deux stradivarius au
service de la nouvelle musique, créant les
Concertos de Miaskovski (1938), de Khatchaturian (1940), le premier de Chostakovitch (1955), qu’il joue pour sa première
visite à New York et maintes autres pages
de Kabalevski, Rakov, Vainberg, etc. Il
crée également la Deuxième Sonate, pour
violon et piano, de Prokofiev (1944), qu’il
a transcrite de l’original pour flûte avec
l’assentiment du compositeur, et la Sonate
pour piano et violon de Chostakovitch
(1969), avec S. Richter. Nommé professeur au conservatoire de Moscou en 1934,
il forme plusieurs générations de violonistes, dont son fils Igor, Valery Klimov,
O. Krysa, Victor Pikaisen, Liana Issakadze, Oleg Kagan, Gidon Kremer, etc. La
passion du dialogue et celle de la musique
de chambre l’ont conduit à jouer avec des
partenaires prestigieux, Julius Katchen,
Paul Badura-Skoda, Mstislav Rostropovitch, Pierre Fournier, Pablo Casals, ainsi
qu’avec ses compagnons habituels, le pianiste Lev Oborine et le violoncelliste Sviatoslav Knouchevitski. Il était également
doué pour la direction d’orchestre qu’il
pratiqua souvent. Violoniste à la sonorité
rayonnante, il a évolué graduellement vers
une plus grande intériorité, vers une sérénité oublieuse de toute virtuosité.
Igor (Odessa 1931). Fils du précédent, il
apprend très jeune le violon avec son père
et suit les cours du conservatoire de Moscou jusqu’en 1955. Auréolé des premiers
prix du festival des jeunesses démocratiques à Budapest en 1949 et du concours
Wieniawski de Poznan en 1952, il suit son
père dans la carrière, jouant fréquemment
en duo avec lui et l’assistant dans son
enseignement au conservatoire, à partir
de 1958, avant d’enseigner lui-même dès
1965. C’est un artiste probe, au jeu peutêtre plus objectif que celui de son père.
OLAH (Tiberiu), compositeur roumain
(Arpasel 1928).
Il fait des études de piano et d’écriture
au Conservatoire de Cluj (1946-1949),
puis suit les cours du Conservatoire de
Moscou (1949-1954). Olah participe aux
Cours d’été de Darmstadt (1968, 1969) et
enseigne la composition au Conservatoire
de Bucarest (depuis 1954). Analyste passionnant, professeur exceptionnel, Olah
est avant tout, dans sa musique, un dialecticien, préoccupé par les rapports mutuels
qu’entretiennent la tension et la détente,
ainsi que par la capacité du discours musical de générer un temps spécifique, immanent (cycle inspiré par l’art de Constantin
Brancusi dont font partie la Colonne infinie
pour orchestre, 1962 ; la Sonate pour clarinette seule, 1963 ; Espace et rythme pour
trois groupes de percussion, 1964 ; la Porte
du baiser pour orchestre, 1965 ; la Table du
silence pour orchestre, 1967-68). Dans ses
oeuvres plus récentes, Olah cherche à obtenir un matériau et des structures façonnées de manière à pouvoir se soumettre à
différentes superpositions ou à des procédés variationnels ingénieux (Perspectives
pour 13 instruments, 1969 ; The Time of
Memory pour 9 solistes, 1973, prix de la
Fondation Koussevitzky ; Incontri Spaziali
pour percussion et bande, 1989). Il tente
aussi une exploitation, dans l’esprit actuel,
de certaines caractéristiques du langage
musical classique dont il réinterprète les
postulats fondamentaux (Symphonie no 3,
1989 ; Obélisque pour Wolfgang Amadeus
pour saxophone et orchestre, 1991). Il a
composé beaucoup de musique de scène
ou de film et publié des études concernant le système de composition d’Anton
Webern ou la technique hétérophonique.
OLEG (Raphaël), violoniste français
(Paris 1959).
Né dans une famille de musiciens, il prend
ses premières leçons avec Hélène Arnitz. Il
entre au Conservatoire de Paris à l’âge de
douze ans dans la classe de Gérard Jarry et
en sort en 1976 avec les premiers prix de
violon et de musique de chambre. Lauréat
l’année suivante du Concours Long-Thibaud, il commence à se produire sur les
scènes d’Europe, en compagnie de grands
orchestres. En 1986, il remporte le premier prix au Concours Tchaïkovski de
Moscou. Depuis ses débuts, il se produit
fréquemment aux côtés de Barry Douglas,
Christian Ivaldi, Sonia Wieder-Atherton.
En 1994, il fonde le Trio W.O.G. avec G.
Wyss et F. Gaye, et s’associe à Eric Lesage,
Miguel Da Silva et Marc Coppey en quatuor avec piano.
OLIFANT.
Instrument ancien à embouchure, formé
parfois d’une défense creuse d’éléphant
(d’où son nom), mais plus fréquemment
d’une corne de bovidé, ou construit en
métal.
Trop court pour émettre plusieurs harmoniques, ce cor primitif était surtout un
instrument d’appel et de reconnaissance,
utilisé à des fins militaires ou cynégétiques.
OLIVEROS (Pauline), femme composi-
teur américaine (Houston, Texas, 1932).
Entre 1960 et 1966, elle compose plusieurs
oeuvres de musique électroacoustique, sur
bande et en direct, au San Francisco Tape
Music Center, ainsi qu’au studio du Mills
College d’Oakland, en Californie : Time
Pespectives, 1960 ; Pieces for Eight, 1965 ;
la série des Mnemonics ; etc. En 1972,
elle fonde le Sonic Meditation Research
Group, pour lequel elle réalise des compositions orales de musiques méditatives,
traduisant son intérêt, fixé dans les dernières années, pour l’investigation des
« modes de conscience mis en jeu dans la
composition et l’exécution d’une oeuvre ».
Certaines de ses oeuvres récentes, telles
que Crow et Crow To, sont des « cérémonials » conçus pour de grands ensembles
de musiciens soumis à une mise en condition par la méditation en commun. Pauline Oliveros travaille comme professeur
de composition et comme programmatrice à l’université de Californie, à San
Diego.
OLLONE (Max d’), chef d’orchestre,
compositeur et musicographe français
(Besançon 1875 - Paris 1959).
Élève de Massenet, grand prix de Rome
avec la cantate Frédégonde (1897), il fut
inspecteur de l’enseignement musical et dirigea l’Opéra-Comique de 1941
à 1944. Il a laissé de la musique pour
orchestre et de chambre, des oeuvres vocales et plusieurs opéras, parmi lesquels
le drame lyrique l’Étrangère (1911), la
comédie lyrique Olympe de Clèves (19271929) et la comédie musicale Sous le saule
(1949-50).
OLSEN (Carl Gustaf Sparre), compositeur norvégien (Stavanger 1903 - Lillehammer 1984).
Il appartient à la tradition de Grieg. Harmoniste avant tout, il continue de puiser,
non sans réussite, dans le riche fonds
musical populaire de son pays. Parmi ses
ouvrages les plus marquants, il faut retenir
Draumkvaedet op. 22 (1937) et Fra Telemark no 1 et no 2 (1940-41).
OLSEN (Poul ROVSING ou ROVSING OLSEN,
Pou), compositeur et ethnomusicologue
danois (Copenhague 1922).
Il a travaillé avec Nadia Boulanger et Olivier Messiaen et écrit une oeuvre qui doit
beaucoup à la culture française. Il s’inspire
des musiques hindoues et arabes (A Song
of Mira Bai op. 69, Shangri La op. 64) et,
plus récemment, utilise le langage sériel et
dodécaphonique (Symfoniske variationer
op. 27, Prolana op. 33, Inventions dodécaphoniques pour piano op. 38 et Passacaglia
op. 45).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ONDES MARTENOT.
Instrument de musique de conception
électrique (plutôt qu’électronique), conçu
par Maurice Martenot dès 1918 et présenté dans sa forme définitive dix ans plus
tard, à l’Opéra de Paris.
À la différence des instruments dits
électroniques, qui affectionnent les mixtures, l’instrument de Martenot respecte
la tradition musicale du registre harmonique dans ses deux variantes : l’une à clavier accordé sur le tempérament, l’autre à
ruban, permettant, comme un instrument
à cordes ou comme la voix, toutes les intonations. L’instrument dispose d’une pédale d’intensité, au registre étendu, et d’un
jeu de combinaisons harmoniques permettant de réaliser de nombreux timbres
originaux, dont certains s’apparentent à
ceux des instruments traditionnels.
De nombreux compositeurs ont écrit
pour ces ondes Martenot, notamment
Honegger et Milhaud, Jolivet et Messiaen.
Maurice Martenot n’a cessé de perfectionner son instrument avant et après la
Seconde Guerre mondiale.
ONDŘÍČEK (František), violoniste et
compositeur tchèque (Prague 1857 Milan 1922).
Après avoir étudié avec A. Bennewitz au
conservatoire de Prague (1873-1876), il
se perfectionne pendant deux ans à Paris
avec Massart. Il est soliste des concerts
Pasdeloup (1879), et donne la première
audition du concerto de Dvořák (1883). En
1907, il s’établit à Vienne, où il forme un
quatuor. Il devient directeur du conservatoire de Vienne (1910-1919), puis professeur au conservatoire de Prague. Ondříček
a composé des pièces pour violon et piano,
des études pour violon seul, et de la musique de chambre, éditées à Prague.
ONSLOW (Georges), compositeur
français d’origine anglaise (ClermontFerrand 1784 - id. 1853).
C’est à Londres qu’il commence très jeune
à étudier le piano, instrument pour lequel
Hüllmandel, Dussek et Cramer seront ses
maîtres, avant de retourner dans sa ville
natale, où il se consacre comme violoncelliste à la musique de chambre. Il voyage en
Allemagne et en Autriche, puis vient parfaire son éducation musicale avec Reicha,
à Paris, en 1808. En 1842, il entre à l’Institut, dans la section « musique », où il succède à Cherubini, qui venait de mourir.
Quelques pièces de musique de chambre
sont encore jouées aujourd’hui parmi ses
10 trios avec piano, ses 34 quintettes à
cordes, ses 36 quatuors, et on le considère
comme un artisan de l’école française de
musique de chambre. Il composa aussi des
drames lyriques.
ONZIÈME.
1. Intervalle produit entre les extrêmes
d’un groupe de 11 notes consécutives
prises sur une gamme diatonique, départ
et arrivée compris. La onzième est le redoublement de la quarte et peut, comme
elle, être juste ou augmentée.
2. L’accord de onzième est celui formé de
6 notes pouvant être énoncées par tierces
juxtaposées (par exemple, do, mi, sol, si, ré,
fa), mais non forcément disposées dans cet
ordre. L’accord de onzième est exceptionnel avant le XXe siècle ; il fait son apparition
avec C. Debussy sous forme de l’accord de
onzième naturelle ( ! NATUREL), formé de
celui de neuvième naturelle (do, mi, sol,
si bémol, ré) auquel s’ajoute une onzième
augmentée fa dièse transcrivant par approximation de tolérance l’harmonique
11, intermédiaire entre fa et fa dièse. Les
autres accords de onzième, analogiques,
n’ont pas jusqu’à présent pris place dans
l’harmonie. L’accord de onzième naturelle
n’a pas de fonction tonale définie ; Stravinski a essayé dans Petrouchka un accord
de onzième de dominante (sol, si, ré, fa,
la, do), mais l’exemple n’est pas probant,
car la onzième do peut s’y comprendre
soit comme une pédale supérieure, soit
comme une appoggiature non résolue du
si de l’accord de neuvième.
OPÉRA.
De façon générique, ce terme recouvre
les divers types d’expression unissant le
théâtre à la musique, comportant un texte
en partie ou totalement chanté. On lui
donne diverses dénominations (dont les
définitions sont rappelées ici aux termes
concernés) selon le caractère de l’action, le
genre des structures et du livret, selon les
époques, les pays, etc. Mais, ce mot, pris
comme abréviation de opera in musica,
peut s’appliquer au singspiel, à la tragédie
lyrique, à l’opéra-comique, buffa, seria,
etc., genres qui ont en commun de rassembler à une même fin des chanteurs, des
instrumentistes, parfois des danseurs, des
acteurs (avec de possibles interférences
entre leurs disciplines réciproques), dans
un espace défini dont l’ordonnance se
réclame aussi des arts plastiques et du jeu
théâtral.
Pour retracer l’évolution d’une forme
qui comporte plus de 25 000 titres (dont
près de la moitié de langue italienne), il
convient de distinguer cette évolution
propre de celle de l’écriture musicale.
Leurs influences réciproques furent parfois déterminantes, parfois nulles. D’autre
part, des compositeurs mineurs jouèrent
souvent un rôle décisif dans l’histoire de
l’opéra, alors que de très grands musiciens
n’abordèrent pas ce genre, se satisfirent de
structures traditionnelles, ou bien ne signèrent que des chefs-d’oeuvre isolés, sans
portée historique. Enfin, cette évolution
repose sur de nombreuses querelles tendant à accorder la priorité au verbe ou au
son, au rationnel ou à l’irrationnel (parfois
à l’oeil ou à l’oreille), ainsi que Nietzsche
l’a rappelé en 1872, inscrivant ces choix
dans l’antique schéma de l’antagonisme
entre Apollon et Dionysos.
DES ORIGINES À LA NAISSANCE DE L’OPÉRA.
En dehors du drame grec, modèle souvent invoqué, on relève, du XIIe au
XVIe siècle, diverses ébauches de ce genre,
mais n’ayant pas nécessairement contribué à son éclosion ; ainsi le Jeu de Robin
et Marion, au XIIIe siècle, où la musique
n’occupait qu’une place insignifiante, les
drames liturgiques, joc partits, masks, etc.
De même, dans les canti carnascialeschi
florentins, les mascarades romaines et
les diverses fêtes princières (cf. le Paradis
d’amour en 1572 et le Ballet comique de
la Reyne en 1581 en France, et en Italie la
Pellegrina, en 1589), l’intérêt dramatique
importait moins que le chant, le spectacle
ou la machinerie. En revanche, l’Orfeo de
Poliziano, donné à Mantoue en 1471 avec
une musique collective, repris et mis en
scène par Léonard de Vinci, puis Feba e
Pitone (1486) seraient déjà plus proches
du genre défini ci-dessus, mais ils ne
semblent pas avoir influencé sa naissance.
Celle-ci apparaît plus directement liée aux
représentations sacrées, organisées par la
Contre-Réforme, aux mises en scène des
madrigaux dramatiques, à leurs transcriptions pour une voix soliste accompagnée
et aux pastorales inspirées du Tasse. On
note, dès 1573, des représentations chantées de l’Aminta, puis de divers poèmes
épiques de la Jérusalem délivrée.
En 1590, le poète Guarini (1538-1612)
transformait cette Aminta en tragicommedia pastorale que mettait en musique Emilio De’Cavalieri. Constituée d’une succession d’arias, elle nous semble aujourd’hui
plus proche d’un opéra que la première
oeuvre habituellement reconnue comme
telle, Dafne, composée entre 1594 et 1598
par le Florentin Jacopo Peri (1561-1633)
sur un poème d’Ottavio Rinuccini (15621621). Rinuccini, comme les Romains
De’Cavalieri et Giulio Caccini, appartenait à ces cénacles, qui, dans le bouillonnement intellectuel de la fin de la Renaissance, réunirent des humanistes, poètes,
musiciens, chanteurs et scientifiques dans
le but de ressusciter l’art grec ; rappelons
les fameuses camerate du comte Bardi
(Florence, 1576) et de Jacopo Corsi - chez
qui fut créée Dafne - qui jouèrent un rôle
décisif dans la création du genre. C’est
dans cet esprit qu’on doit situer la reprise
d’OEdipe roi de Sophocle au théâtre du
Palladio de Vincence en 1585 avec une
« musique de scène » d’Andrea Gabrieli.
De même, Vincenzo Galilei (v. 15201591), père de l’astronome et membre de
la camerata Bardi, dans son Dialogo della
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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musica antica e della moderna (1581),
traita d’acoustique et s’en prit violemment
au madrigal à 5 voix, lui opposant l’art
« pur » de la poésie grecque, art monodique seul capable de rendre justice à la
théorie platonicienne de l’ethos. Or, une
action scénique à fins morales, tendant
à l’union de tous les arts (en particulier
ceux de la poésie et de la musique), était
désormais réalisable, le chant soliste accompagné, mieux apte à se marier au vers
que la polyphonie, ayant alors atteint une
perfection absolue.
C’est dans ce contexte que naquirent
Dafne et, enfin, Euridice, écrite en 1600
pour les noces de Marie de Medicis et de
Henri IV par Rinuccini et Peri, secondé
par Caccini, qui, plus soucieux du chant
que du drame, reprit entièrement à son
compte le même poème en 1602. Ces
oeuvres, entrecoupées de danses, éliminaient presque tout aria et se fondaient essentiellement sur le recitar cantando ; leur
monotonie était peut-être moins imputable au principe du « style représentatif »
florentin qu’au très modeste talent de leurs
premiers auteurs : Marco da Gagliano
(1582-1643), qui reprit en 1608 le poème
de Dafne, et composa jusqu’en 1637 des
« fables en musique », alors influencées
par Monteverdi et par les auteurs romains
(v. infra) ; puis Giacobbi, Belli et Boschetti qui ne pouvaient prétendre rivaliser
avec les derniers grands polyphonistes,
de Palestrina à Gesualdo. En outre, ces
spectacles de divertissement offerts au
public princier des palais florentins ne
répondaient plus guère à l’idéal vanté de
la tragédie grecque. Avec son Orfeo (Mantoue, 1607), Monteverdi sauva le genre de
l’impasse, bien que l’oeuvre fût destinée au
même cadre élitaire et hédonistique. On y
trouve pourtant réunis tous les éléments
dont se réclamera l’opéra deux siècles plus
tard : le rôle expressif dévolu à l’orchestre,
l’ouverture liée à l’action, une notion de
timbre répondant à celle de l’éthos, une
ébauche du leitmotiv, un juste équilibre
entre voix et instruments, entre récitatif et
aria, entre l’oeil et l’oreille, et, surtout entre
le verbe et le chant, celui-ci tour à tour
sobre ou virtuose en fonction de l’action
même. Mais le librettiste avait substitué
au mythe une mythologie décorative, sans
catharsis, avec un dénouement heureux.
Et, excepté une timide tentative de caractérisation vocale, ce premier chef-d’oeuvre
de l’opéra instituait déjà cette dramaturgie
abstraite, qui allait, deux siècles durant,
reposer sur la voix asexuée du castrat,
incarnant ici Orphée.
L’OPÉRA EN ITALIE AU XVIIE SIÈCLE.
On divise habituellement son évolution
en trois étapes (opéra romain, opéra vénitien, puis opéra napolitain), classification
commode, due au rôle prédominant joué
successivement par ces trois centres, mais
tenant mal compte des interférences entre
leurs styles, leurs époques, et de la diffusion du genre dans diverses autres villes.
Rome fut un important foyer de création
de 1619 à 1643 et de 1660 à 1685, Venise
de 1637 à la fin du siècle, Naples dès 1650,
tandis que des salles accueillaient l’opéra
à Bologne (1605), à Turin (1608), Parme
(1628), Venise et Pesaro (1637), Ferrare (1638), etc. Privés ou publics, selon
l’exemple fourni par Venise, ce sont plus
de 40 théâtres qui s’ouvrent bientôt dans
les grandes villes, une centaine dans toute
l’Italie.
L’opéra romain. Rome, après avoir
fourni plusieurs de ses artisans à l’école
florentine, allait reprendre le flambeau,
grâce à ses mécènes, et, notamment, les
princes Barberini, alliés au pape Urbain
VII. Or, déjà en 1600, De’Cavalieri avait
mis en scène à l’oratoire della Vallicella
de Rome sa Rappresentazione di Anima e
Corpo, qui n’empruntait pas à la mythologie, mais comportait des personnages allégoriques (le Temps, la Fortune, le Vice,
la Vertu, etc.). Avec son instrumentation
étoffée, son récitatif assez richement orné,
cette oeuvre (dont on peut tenir l’oratorio
et la cantate pour des branches rapportées), contenait en germe les principales
caractéristiques du genre romain. Dès
1606, ce nouveau type de style représentatif s’épanouit dans les oeuvres profanes
de Paolo Quagliati (Il Carro di fedeltà
d’amore), et d’Agostino Agazzari (Eumelio), et il allait inspirer Stefano Landi (v.
1590-1639), Filippo Vitali (env. 1590-1653)
et Domenico Mazzocchi (1592-1665).
Véritable creuset des futurs opéras italien et français, cet opéra romain fourmilla
d’inventions qu’on ne peut juger pleinement d’après les rares documents conservés, car ce furent plus de 100 oeuvres qui
furent exécutées dans les palais princiers,
pour un public guère plus soucieux de
mythe grec que de sémantique. Après
quelques tentatives en dialecte, on prisa
fort un genre où des personnages allégoriques côtoyaient des héros mythologiques
ou historiques et ceux de la commedia
dell’arte, tous confrontés à l’actualité,
dans ce même esprit parodique qu’allait
retrouver un Offenbach deux siècles et
demi plus tard. Le comique, le sérieux et
le sacré s’y mêlaient intimement, dans un
luxe de costumes et de décors propre à
satisfaire les goûts d’une aristocratie particulièrement dépravée. La musique ne
jouait souvent qu’un rôle accessoire dans
ces sortes d’opérettes à grand spectacle,
dont le récitatif demeurait la base essentielle : la Morte d’Orfeo (1619), de Landi,
une oeuvre parodique, ne contient que
3 arias, et l’Aretusa (1620) de Vitali, un
seul. En revanche, ce récit allait peu à peu
tendre vers un arioso plus mélodique et
inclure des passages de haute virtuosité par exemple, la Galatea (1639), oeuvre du
castrat L. Vittori -, à moins que n’apparaisse une césure entre récitatif secco et
aria, celui-ci comportant des couplets ou
reprises, comme dans le Palazzo d’Atlante
(1642) de Luigi Rossi (1598-1653). Le
schéma de ces oeuvres demeurait celui
adopté par Monteverdi dans son Orfeo, en
5 actes avec choeurs et ballets, qu’il s’agisse
de fable pastorale (la Catena d’Adone,
1626, de Mazzocchi), de tragicommedia
(Diana schernita, 1629, de Giacinto Cornacchioli) ou du Sant’Alessio de Landi,
qui, en 1632, osait porter à la scène la vie
d’un personnage historique, faisant précéder l’oeuvre d’un prologue allégorique
où la ville de Rome s’adressait aux spectateurs. Notons encore que dans Erminia sul
Giordano (1633), sorte de revue à grands
tableaux, son auteur, M. A. Rossi, exécutait des solos de violon sur la scène ; dans
le somptueux Palazzo d’Atlante, L. Rossi
instituait cette ouverture bipartite, que
copiera aussi Lully ; enfin, dans Del Male,
il Bene (1653), de Marazzoli et d’Abbatini,
tous les acteurs se trouvaient réunis dans
les finales concertants.
Destinées aux palais princiers des
Conti, des Corsini, plus tard des Colonna,
etc., ces oeuvres eurent bientôt pour cadre
le splendide théâtre de 3 000 places bâti
par les Barberini, inauguré par Sant’Alessio, avec des décors du Bernin. Mais la
personnalité dominante de cette période
demeure Giulio Rospigliosi, le futur Clément IX, qui, formé en Espagne, y avait
puisé son goût pour ce théâtre réaliste et
comique qu’il transposa sur les scènes
romaines par le truchement de ses livrets, perpétuant ainsi la tradition des
madrigaux de Banchieri. On trouve en
effet des scènes comiques même dans les
sujets religieux (cf. Sant’Alessio), où, tou-
tefois, la part comique ne concerne que
certains personnages, notamment les
valets. Dès 1637, Rospigliosi écrivit une
oeuvre entièrement comique, il Falcone
(ou Fiammetta), remaniée en 1639 sous
le titre Chi soffre, speri, avec une musique
de Virgilio Mazzocchi (1597-1646) et de
Marco Marazzoli (1602 ou 1608-1662). Or,
à Florence, cet élément burlesque dominait déjà largement dans La Flora (1626)
de Gagliano, et c’est là que Jacopo Melani
(1623-1676) fit jouer en 1656 une Tancia
(1612), d’après Buonarotti, puis d’autres
oeuvres du même type sur des livrets de
G. A. Moniglia. Les Barberini ayant été
chassés de Rome par Innocent X, en 1644,
leurs musiciens émigrèrent quelque temps
à Venise ou à Paris (Mazarin avait été
l’intendant de ces princes), où Luigi Rossi
donna avec succès un Orfeo (1647).
La réhabilitation des Barberini, en
1653, signait la naissance d’une seconde
période de l’opéra romain, désormais en
étroit contact avec Venise, et dominé par
le mécénat des Colonna et de Christine de
Suède, fixée à Rome après sa conversion.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
714
Déjà, en 1653, Rospigliosi avait adapté de
Calderón Del Male, il Bene (musique de
Abbatini et de Marazzoli), une « comédie musicale », où l’alternance du récitatif
secco et de l’aria s’imposait. Ce schéma
n’évoluera plus sensiblement, alors
qu’après la mort de Clément IX, en 1671,
la papauté se montrera souvent hostile à
l’existence de théâtres publics ( ! ROME),
une expérience tentée dès 1667. Les ouvrages comiques abondent désormais,
notamment avec Alessandro Stradella
(1644-1682), fixé à Rome jusqu’en 1677,
et Bernardo Pasquini (1637-1710). Ce dernier, tout en restant attaché au vieux style
d’écriture, insère de remarquables finales
collectifs dans Tirinto (1672) et l’Alcaste
(1673), et enrichit l’orchestre dans Lisimaco, dramma eroico où la virtuosité
vocale se donne libre cours dans une
longue suite de morceaux isolés ou pezzo
chiuso (« structures fermées ») : 13 duos et
58 arias ; en effet, au type d’aria dit « romain », de forme ABB, se substitue l’aria
da capo (ABA’), dont le chanteur ornemente les reprises à son gré, un usage mis
en vogue par le castrat B. Ferri, protégé
de la reine Christine. Stradella, novateur
d’une autre trempe, s’efforça d’éviter cette
césure trop brutale entre récit et aria, utilisant la forme intermédiaire de l’arioso.
En outre, dans La Forza dell’amore paterno (1678) le récit et l’aria participent
également à l’action (au XVIIIe siècle, l’aria
interrompra le récit pour exprimer un
état d’âme), et 17 seulement des 49 arias
adoptent la forme du da capo, une proportion qui s’inverse ensuite dans Moro per
amore. Enfin, Trespolo Tutore, véritable
opera buffa avant la lettre comporte une
ouverture reliée à l’action, une suite de 63
arias, et confirme la typologie vocale du
XVIIe siècle : basse, ténor, soprano, castrat
y incarnant respectivement le barbon, la
vieille femme, la soubrette et l’amoureux.
En 1688, les théâtres de Rome excluent
définitivement cantatrices et danseuses
(cet interdit ne sera levé qu’en 1798), laissant ainsi se développer un opéra de pure
virtuosité vocale, abandonné aux castrats,
contribuant par là à éloigner de cette ville
des musiciens tels que A. Scarlatti ou G.
Bononcini (qui sera le rival de Haendel à
Londres). Et c’est à Rome que s’ouvre en
1690 l’Académie des Arcadiens au sein de
laquelle devaient se former tous les librettistes de l’opéra « moralisant » du siècle
suivant.
L’opéra à Venise. C’est à Venise qu’apparut en 1571 le terme de libretto, c’est-àdire petit livre, le spectateur pouvant ainsi
suivre le texte complet de l’action chantée,
intercalée dans les divertissements allégoriques donnés dans les théâtres privés. Or,
lorsque le Teatro Nuovo, propriété de la
famille Tron, disparut en 1629, la Sérénissime décida de le remplacer par un théâtre
public et payant, innovation absolue dans
l’histoire des arts. Ce Teatro San Cassiano
fut inauguré en 1637 avec Andromede de
Fr. Manelli (1595-1667), dont on apprécia surtout les splendeurs orchestrales et
scéniques. Une dizaine de salles furent en
effet ouvertes durant le siècle à un public
populaire, peu soucieux de mythologie,
marquant aussitôt sa préférence pour la
comédie d’intrigues aux ressorts complexes, avec ses nombreux personnages,
ses travestissements et sa tendance à
l’exotisme facile. Comme dans l’opéra
romain, les personnages du « quotidien »
y côtoyaient ceux de la mythologie ou de
l’histoire, en une totale imbrication de
comique et de sérieux. Le vieux Monteverdi y scella néanmoins la marque de son
génie, et c’est par la musique qu’il traduisit
le burlesque de certains personnages du
Retour d’Ulysse (1641) et du Couronnement de Poppée (1642), partition vraisemblablement collective, écrite sur l’excellent
texte de Busenello, qui, à la fin morale
de rigueur, substitua le triomphe du vice
sur la vertu, mais maintint une constante
dignité littéraire aux poèmes qu’il fournit
également au successeur de Monteverdi,
Fr. Cavalli (1602-1676), notamment La
Didone (1641), où il osa porter à la scène
un dénouement tragique.
La typologie vocale semblait, à Venise,
plus abstraite qu’à Rome, le castrat incarnant indifféremment héros ou déesses.
La somptuosité de décors signés Bibiena,
Torelli ou Tacca, compensait la maigreur
d’un orchestre utilisé essentiellement
pour l’ouverture, les ballets et scènes descriptives (chasses, orages, tempêtes, etc.),
mais quasi absent dans l’accompagnement
de l’aria et du récitatif. Comme Monteverdi, Cavalli adopta dans ses tragédies
le schéma romain avec son prologue allégorique, et maintint une certaine osmose
entre un récitatif issu du style représentatif mais largement ornementé, un arioso
expressif, et des arias variées et riches,
excellant en particulier dans le genre du
lamento. Mais, peu à peu, l’opéra vénitien
tendait aussi à séparer plus nettement le
récit et l’aria, une conséquence de la baisse
de qualité des livrets. G. Faustini (v. 16191651), qui écrivit pour Cavalli les comédies L’Ormindo et La Calisto, estimait que
la valeur du livret n’importait guère, et
son successeur A. Aureli versa dans une
certaine trivialité, de même que G. A. Cicognini, qui cultiva le grotesque dans Giasone (1649), un chef-d’oeuvre que Cavalli
sauva par la musique, et notamment par la
scène de folie de Médée, un modèle imité
durant tout le siècle. Enfin, si avec Ercole
amante (Paris, 1662), Cavalli suggéra à
Lully le schéma du futur opéra français,
il n’eut guère à Venise de successeur à sa
mesure.
Seule personnalité authentique de
l’époque, Giovanni Legrenzi (1626-1690)
souscrivit néanmoins à l’esthétique du
spectacle en présentant sur scène des
éléphants et 150 trompettes dans Totila
(1677), opéra dont il sut toutefois varier
à l’infini les 80 arias, faisant preuve de
sa maîtrise et d’une grande sensibilité
(notamment dans Il Giustino, 1683), et
demeurant l’idéal de toute la génération
suivante. Plus cosmopolite, Pietro (dit
Marc’Antonio) Cesti (1623-1669) démontra sa facilité dans les aimables ariettes qui
entrecoupent un morne récit (Orontea,
1656 et 1666, dont la musique sauve un
livret ridicule), et il mit en musique pour
Vienne en 1667 un fastueux Pomo d’oro,
longue parodie du jugement de Pâris,
dont on acclama surtout les 24 superbes
décors.
On peut, en résumé, estimer qu’à Rome,
comme à Venise, la variété des structures,
le mélange souvent heureux des genres,
la beauté d’un chant assez longtemps
vierge de tout excès de virtuosité avaient
su créer un opéra séduisant, qui avait sans
doute manqué d’avocat très éloquent, et
que sa fantaisie et sa déraison même rapprochaient de l’esthétique du baroque.
L’opéra lullyste, d’une part, l’extrême
rationalisation du XVIIIe siècle italien, de
l’autre, allaient saper ce bel équilibre, qui,
beaucoup plus tard, devait redevenir l’objet de bien des voeux.
L’opéra à Naples. L’analyse moderne a
renoncé à définir un type « napolitain »
relatif à cette époque. En fait, les compositeurs de la péninsule se retrouvèrent à
Naples parce que trop d’interdits frappaient l’opéra à Rome, et qu’à Venise le
genre sombrait dans la médiocrité. En
outre, Naples, plus peuplée que Rome,
Venise et Milan réunies, affirmait une
tradition culturelle due à sa langue, ses
fêtes théâtrales, et un rayonnement acquis grâce à la domination ibérique et à
ses conservatoires uniques en Europe et
propres à attirer compositeurs, musiciens
et interprètes.
Francesco Provenzale (v. 1627-1704),
longtemps considéré comme le père de
l’école napolitaine, sut avant tout « associer sa parfaite connaissance du style vénitien à l’art de la villanelle », et, auteur
d’une douzaine d’opéras, mit le meilleur
de son talent dans ses comédies Lo Schiavo
di sua moglie (1672) et Stellidaura vendicata (1678), utilisant parfois d’excellents
livrets napolitains de A. Perucci. Mais la
démocratisation des théâtres ne créa pas
pour autant un style vraiment propre à
cette ville où se côtoyaient les oeuvres en
dialecte, l’héritage du théâtre espagnol
(jusqu’aux opéras de langue ibérique de
Coppola), les spectacles de la commedia
dell’arte et les drames sacrés.
Plus tard, le Sicilien A. Scarlatti, formé
à Rome, imposera à Naples certains archétypes de l’opéra italien.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
715
NAISSANCE DE L’OPÉRA FRANÇAIS.
Dans un pays où l’esprit s’opposait « au
genre le plus irrationnel qui soit », l’opéra
n’apparut pas, ainsi qu’en Italie, comme
un fait culturel inéluctable. Né, lui aussi,
dans le cadre aristocratique de la cour, il
eut, certes, pour objectif d’exalter la grandeur du règne de Louis XIV, mais il devait,
en fait, consacrer les retrouvailles du vers
et de la musique, qui, quelques siècles
plus tôt, s’étaient séparés sur le parvis des églises, et avaient, par des voies
autonomes, atteint à un même stade de
perfection qui exigeait de nouvelles épousailles. On trouve donc à la base du genre
naissant un certain nombre d’éléments
complémentaires, juxtaposés plutôt que
fondus entre eux : la tragédie de Corneille
et le vers de Racine, une capacité orchestrale plus riche qu’en Italie, un goût du
spectacle en soi, un vieil engouement pour
le ballet, autant d’éléments susceptibles
de compenser le niveau très modeste de
l’école de chant française.
La France avait connu sous Louis XIII
des ballets chantés solidement structurés,
puis des pastorales, plus prisées par la noblesse que l’opéra italien, importé par Mazarin. Malgré un réel succès public, cette
dernière tentative échoua, brisée aussi par
les cabales politiques (en partie justifiées
par les intrigues du castrat A. Melani, espion des Médicis). Lorsque fut créée une
Académie royale de musique et de danse
(plus tard Académie impériale, puis Opéra
de Paris, nom que nous lui conserverons
ici, quelle qu’en soit l’époque), le privilège
en échut à l’abbé Perrin et à son musicien,
Robert Cambert (env. 1628-1677), dont la
Pastorale d’Issy (1659) avait connu un réel
succès. Leur Pomone, spectacle d’inauguration de l’Opéra en 1671, malgré un galbe
musical et littéraire assez faible, imposait
néanmoins toutes les structures d’un
genre qu’allait cultiver Jean-Baptiste Lully
(1632-1687), Florentin naturalisé français.
C’est lui qui fixa le cadre immuable de ce
que les historiens nommeront plus tard la
tragédie lyrique, avec son ouverture, son
prologue allégorique et ses 5 actes, faisant
une large part à la danse et à l’élément
visuel, et dans laquelle, malgré le support
mythologique, le roi était le véritable protagoniste, soit directement présent, soit
par héros interposé. Saisissant avec habileté ce qu’il convenait d’adopter ou de rejeter du modèle italien, Lully tira la leçon
des représentations parisiennes d’Ercole
amante de Cavalli, où ses propres intermèdes dansés avaient eu plus de succès
que le style de chant, qu’il convenait donc
d’adapter au goût français.
Or, si l’on critique justement le principe
du récitatif arioso de Lully, il faut se souvenir qu’il n’était pas l’élément majeur de
l’édifice, et qu’il devait au moins autant à
l’assimilation des formules de l’opéra romain qu’à la déclamation des comédiens
de l’Hôtel de Bourgogne. Les véritables
modèles du genre furent, en fait, plus que
les ballets et pastorales de cour, plus que
les comédies-ballets de Molière auxquelles
il avait collaboré, une Andromède de Corneille et de D’Assoucy (1650) - elle-même
démarquée des spectacles italiens -, et les
opéras de Rossi, Cavalli et quelques autres
qu’il avait connus. Témoins l’ouverture
créée par L. Rossi - rebaptisée ouverture
à la française -, la présence des ballets à
chaque acte comme dans Sant’Alessio
de Landi, le prologue allégorique et les
choeurs déjà présents chez Mazzocchi,
jusqu’aux effets d’écho, pris de La Vita humana de Marazzoli, et aux interventions
du violon sur la scène, procédé employé
par M. A. Rossi. Enfin, le merveilleux de
la machinerie était l’oeuvre de Torelli, et
les danseurs de formation italienne. Mais
alors que les opéras italiens du XVIIe siècle
tombèrent dans l’oubli, éclipsés par l’attrait de la nouveauté, ceux de Lully subsistèrent et passèrent longtemps pour des
créations originales. En outre, la pauvreté
même de l’harmonie lullyste concourut à
donner à son orchestre cette pompe insolite et caractéristique, partie intégrante
d’un ensemble qui, moins « lyrique »
que l’opéra italien, n’en était guère plus
« tragique » pour autant, et cela explique
que des musiciens tels que Couperin et
Charpentier se soient désintéressés d’un
genre qui leur parut mineur. Car si les vers
de Quinault (1635-1688) sont beaux, ses
tragédies, comme celles des auteurs vénitiens, empruntent à une mythologie décorative, surchargée, où, dès Alceste (1674),
la trame puisée chez Euripide s’efface
devant les intrigues de maints personnages secondaires. Malgré ces paradoxes,
il faut s’incliner devant la rare unité de cet
opéra français, sa logique et son infaillible
perception d’une esthétique idoine aux
buts de « l’opéra versaillais ».
La mort prématurée de Lully, qui avait
régné par monopole de fait sur la scène
française, causa un vide que ne comblèrent ni Lalande et Couperin, engagés
sur d’autres voies, ni Marc Antoine Charpentier (v. 1636-1704), élève de Carissimi
à Rome, auteur de 8 opéras, dont seule
Médée fut donnée à l’Opéra (1693) et
dérouta le public par ses subtilités harmoniques, mais aussi par un manque certain
de ce sens architectural qu’avait possédé
Lully. Deux de ses fils - Jean Louis (16671688) et Louis (1664-1734) Lully - ne
purent s’affirmer, alors que les chanteurs
et instrumentistes italiens, appréciés du
public, étaient de retour ; et les véritables
successeurs du Florentin furent d’abord
son ancien collaborateur Pascal Collasse
(1649-1709), auteur de 12 oeuvres lyriques,
son élève Henry Desmarets (1661-1741),
harmoniste raffiné et auteur d’une Vénus
et Adonis (1697), André Cardinal Destouches (1672-1749), l’auteur d’Omphale
(1701) et de Callirhoé (1712), dont le récitatif et le choeur témoignent d’une belle
ampleur, enfin François Rebel (17011775), qui, notamment dans Pyrame et
Thisbé (1726), collabora avec François
Francoeur (1698-1787), un directeur de
l’Opéra.
En marge de cette école, la claveciniste
Élisabeth Jacquet de La Guerre et le violiste Marin Marais (1656-1728) s’intéressèrent au genre : Alcyone (1706), de ce
dernier, contient une « tempête » restée
célèbre. Il faut réserver une place à part à
André Campra (1660-1744) et à Jean-Joseph Mouret (1682-1738), tous les deux
d’origine provençale, qui furent les instigateurs d’un esprit nouveau et insérèrent
même des ariettes italiennes dans leurs
oeuvres. Le premier a été auteur de belles
tragédies (Tancrède en 1702, Idoménée
d’après Danchet en 1712). Le second fut
plus à l’aise dans le style léger exigé par la
Régence ; tous deux furent aussi les artisans essentiels du nouvel opéra-ballet, né
à la disparition de Lully, et ne différant
vraiment de l’opéra français que par le renoncement à l’unité d’action (et de lieu).
On doit à cet opéra-ballet de nombreux
chefs-d’oeuvre, de l’Europe galante (1697)
et des Fêtes vénitiennes (1710) de Campra aux Fêtes de Thalie (1714) de Mouret,
jusqu’aux Éléments créés aux Tuileries
(1721) de Lalande et Destouches. Enfin,
il faut créditer Mouret de la création de
l’opéra-pastorale, et Michel Pignolet de
Montéclair (1667-1737) de l’introduction
du thème biblique, avec une Jephté (1732)
d’une puissance inattendue par la richesse
de ses choeurs et de sa déclamation. L’année suivante, l’accès de Rameau à la scène
lyrique allait éclipser tous ces musiciens.
L’OPÉRA EN EUROPE AU XVIIE SIÈCLE.
L’opéra italien ayant débordé ses frontières, précédant en cela son rival français,
rares furent, ailleurs, les tentatives originales.
En Angleterre. Si la musique avait joué
un large rôle dans les masks et dans les
drames et comédies de Ben Jonson et de
Shakespeare, le terme opéra ne fut employé
que lors de la création d’un Siège de Rhodes
(1656), d’après D’Avenant, dont Mathew
Locke (1631-1677) assura l’essentiel de la
musique. La réouverture du Duke’s Theater, en 1671, après les troubles, puis les
représentations françaises stimulèrent la
création, en 1674, d’une sorte d’opéra tiré
de la Tempête, dont Locke et G. B. Draghi
écrivirent la partition sur le canevas fourni
par D’Avenant et Dryden. Avec sa Vénus
et Adonis (v. 1684), John Blow (1649-1708)
se rapprocha davantage de l’opéra véritable, bénéficiant en outre du haut niveau
de l’école de chant anglaise. Quant à Purcell (1659-1695), dont les nombreuses musiques de scène firent largement appel au
chant, son Didon et Aenée (1689) répondit
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
716
seul aux critères d’un opéra proprement
dit. La mort de Purcell, l’implantation
à Londres des premières troupes italiennes, bientôt soutenues par l’autorité
d’un Haendel, allaient freiner longtemps
la création d’un véritable opéra de langue
anglaise.
L’opéra baroque allemand. Malgré
leurs luttes religieuses, les pays de langue
allemande avaient parfois perpétué un
type de « spectacle éducatif », parent
lointain des sacre rappresentazione ; mais,
pour créer un opéra allemand digne de ce
nom, il fallut que Heinrich Schütz allât
étudier à Venise. Dafne (1627), composé
sur une traduction du poème de Rinuccini, et Orphée et Eurydice (1638), deux
partitions perdues, se référaient, l’une au
modèle italien, l’autre au ballet de cours
français. Jusqu’en 1680, diverses autres
tentatives furent encore effectuées par
Heinrich Abert, J. J. Löwe, Ph. Stolle, et
surtout par Johann Philipp Krieger (16491725), formé en Italie comme Schütz.
Mais ces auteurs se contentaient souvent
de rabouter des airs de type français ou
italien, sans conscience dramatique véritable. Krieger participa, néanmoins, à la
première entreprise nationale, celle de
« l’opéra baroque allemand », une épithète
adoptée par les historiens avant que ce
terme n’ait acquis les sens multiples qui
lui sont donnés de nos jours. Alors que
toutes les cours - notamment celle de
Vienne - avaient adopté l’opéra italien,
porté à son apogée par Steffani à Munich
et Hanovre, on inaugurait à Hambourg en
1678 un Théâtre du marché aux oies avec
Adam und Eve de Johann Theile (16461724), qui y donnait aussitôt également
Orontès.
Outre ceux de Theile, Strung ou Krieger,
on peut retenir les noms de J. W. Franck
(v. 1644-1710 ?), auteur d’Aeneas (1680),
Vespasian (1681), Diokletian (1682), etc.,
de Sigismond Küsser (Erindo, 1694), mais
surtout celui de Keiser, qui laissa 60 opéras, dont Croesus (1711, 1730), dont s’inspira largement Haendel, et Ulysse, créé
à Copenhague en 1722. Attentif aux
inflexions du langage, s’inspirant de la
pompe lullyste, il sut écrire de beaux finales concertants, et influença également
J.-S. Bach, dont il ne faut pas oublier que
certaines cantates profanes, telles que
Éole pacifié (1725), Hercule à la croisée des
chemins (1733), etc., sous-titrées dramma
per musica, sont de véritables opéras de
concert (dont il réutilisa souvent des fragments dans ses oeuvres sacrées).
Haendel, dès 1705, avait écrit pour le
Théâtre du marché aux oies Almira et Nero,
assez pâles imitations des modèles de Keiser, cependant que l’expérience s’étendait
aux villes de la Hanse, où l’on donna les
oeuvres créées à Hambourg, puis des créations autochtones, et jusqu’à Darmstadt
(cf. Dido, de Ch. Graupner, 1707), Nuremberg et Leipzig. Enfin, en dehors même de
cet opéra baroque, dont la véritable histoire prit fin avec la fermeture du théâtre
hambourgeois (1738), l’attrait d’un opéra
national avait séduit des musiciens d’horizons divers, comme Mattheson, qui écrivit Cleopatra en 1704, et Boris Godunov
en 1710, puis Telemann, qui embrassa
tous les genres, depuis le drame médiéval
(Adelheid, 1724), la traduction de livrets
français (Omphale, 1724), jusqu’à l’intermezzo italien (Pimpinone, 1725), et qui,
suivant le modèle de certains des opéras
baroques, mêla le français, l’italien et
l’allemand dans Orphée (1729) ; il persévéra, même lorsque l’opéra italien eut à
nouveau assuré sa suprématie dans toute
l’Allemagne, jetant ainsi un pont entre ce
premier effort national et la création du
singspiel.
LE XVIIIE SIÈCLE : DU BAROQUE AU ROCOCO.
L’héritage de son passé une fois surmonté,
le théâtre lyrique devait refléter les préoccupations nouvelles du siècle de la raison et des lumières. Siècle libre penseur,
dont l’illuminisme prescrira un théâtre
moral, siècle de rationalisme, qui, en clarifiant une situation confuse, se donnera des
chaînes. Siècle d’une esthétique hédonistique, dont, en son extrême fin, seul Mozart saura pressentir une recharge sacrale.
Siècle, enfin, où, peu à peu, le réalisme
d’un théâtre comique populaire triomphera des formules sclérosées d’une tragédie vidée de contenu humain. Et siècle
où la riche surcharge du baroque le cédera
à la décoration d’un rococo souvent gratuit. Des débats passionnés sur l’opéra y
fleurirent, animés par des philosophes
traitant du genre du livret, mais toujours résolus par des musiciens : au-delà
des principes d’éthique et de structures,
c’est par leur génie musical que Vivaldi,
Haendel et Gluck triomphèrent de formules discutables, et que Rameau comme
Mozart devaient donner leurs solutions
à tous les problèmes en les asservissant à
une conscience musicale et dramatique
rigoureuse.
L’opéra italien avant 1750. Il triomphe
désormais sans partage à Naples comme
à Londres, mais plus encore autour d’un
axe, qui, parti de Bologne, passe par Venise, Vienne et Saint-Pétersbourg. C’est
à Vienne que résident les poètes d’opéra
dits « césariens », et que les meilleurs
auteurs et interprètes viennent chercher
la consécration. Dans cette internationale d’un genre, il faut renoncer à classer
quelques musiciens qui, comme Steffani,
Scarlatti, Haendel, Fux ou Caldara, assumèrent des positions clefs à la charnière
de deux mondes. Fixé à Munich en 1677,
Agostino Steffani (1654-1728) y diffusa
un style appris chez Legrenzi (cf. Niobe,
reine de Thèbes, 1688) avant de jouer un
rôle capital à Hanovre, de Henrico il Leone
(1689) à Tassilone (1709) et exerça
influence déterminante sur Haendel.
autre musicien cosmopolite, Antonio
dara (1670-1736), propagea à Vienne
style vénitien.
une
Un
Calle
Enfin, c’est à tort qu’on voit parfois en
Alessandro Scarlatti (1660-1725) un fondateur de cette insaisissable école napolitaine. Ses premières oeuvres créées à Rome
(cf. L’Honesta negli amori, 1680), tributaires du vieux style contrapuntique, ne
peuvent rivaliser avec les chefs-d’oeuvre
de Stradella, mais son talent lui permit ensuite d’épouser aussi bien le faste vénitien
(Mitridate Eupatore, 1707) que la comédie
(Il Trionfo dell’Onore, Naples 1718) ou cet
opéra devenu un simple récital de chant,
dont il donne de beaux exemples avec
Il Tigrane (Naples, 1715) et La Griselda
(Rome, 1721).
À VENISE.
Dans cette ville, où 4 conservatoires le
disputent en valeur à ceux de Naples, le
castrat n’est pas maître absolu, et l’instrument se joint largement à la voix dans un
faste sonore et visuel où l’irrationnel domine encore. L’opéra demeure indifférent
à la séparation des genres, à la schématisation des structures, et apparaît encore
tributaire du vieux style, ce qu’explique
la position géographique de la ville, favorisant en outre les échanges avec le Nord.
C’est donc encore l’orchestre, plus que le
clavecin, qui soutient le récitatif chez Fr.
Gasparini (1668-1727), formé par Corelli
à Bologne, puis maître de Benedetto Marcello. La tradition de Legrenzi revit encore
chez le très remarquable Antonio Lotti (v.
1666-1740), dont la colorature se fait déjà
plus expressive. Et c’est une même « veine
mélodique douce », qui fait merveille dans
les opéras d’Albinoni, qui ne se soucia
guère plus de formes que Vivaldi, lequel,
de 1713 à 1739, déploya une intense activité lyrique à Venise et à Vérone.
Chez ce dernier prime la qualité de la
musique, et il est significatif que Tito Manlio, où l’on peut discerner une tentative de
caractérisation vocale, ne soit qu’un pasticcio d’oeuvres antérieures.
Et, si l’on mesure le triomphe sans précédent obtenu par Haendel à Venise avec
Agrippina (1709), c’est bien de cette même
source que naît le langage de ce musicien
allemand, langage forgé à Hambourg auprès de Keiser, puis, avec Steffani, à Rome,
à Naples et à Hanovre. Haendel, opérant à
Londres pour le compte d’une aristocratie
traditionaliste (Rinaldo, 1711), se contenta
d’appliquer son formidable génie à un
genre déjà agonisant, que seuls les plus fabuleux virtuoses du chant qu’il sut attirer
à prix d’or soutinrent de tout leur talent.
Malgré son anachronisme, l’opéra haendélien s’impose encore aujourd’hui - après
une très longue éclipse - par sa richesse
musicale reposant sur un important effecdownloadModeText.vue.download 723 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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tif instrumental et sur l’inépuisable variété
des arias da capo. Son écriture devait
ensuite s’accorder davantage à l’oratorio,
surtout face au succès réel remporté par
son rival napolitain Porpora, tenant du
style moderne.
L’OPÉRA NAPOLITAIN.
Le terme « panitalien » convient davantage au genre qui se développe dans toute
la péninsule, et dont on peut tenter de relever les principes éthiques et esthétiques
communs. L’ouverture de l’immense Teatro di San Carlo, à Naples en 1737, ne modifia pas les lois d’un type d’opéra reposant
d’abord sur le charme mélodique. Le castrat et l’aria da capo deviennent les clefs de
voûte de l’édifice. Aux longs récitatifs supportant toute l’action s’opposent les différents types d’arias exprimant les affetti,
sortes d’abstractions métaphysiques répondant à l’abstraction de la typologie
vocale - aisément interchangeables d’un
opéra à l’autre, et dont la place au sein de
l’action pouvait varier, dans la mesure où
l’on ménageait au chanteur le mieux payé
les arias les mieux situées au cours de ces
longues soirées.
Le nouveau type de livret devait se plier
à ces exigences. L’Académie des Arcadiens, à Rome, en fixa les normes, récusant les « trivialités » de ses prédécesseurs,
exaltant les passions « nobles », dans un
style aimablement pastoral. Les premiers
disciples de cette « réforme » furent Silvio
Stampiglia (1664-1725) et surtout Apostolo Zeno (1668-1750), mais aussi Antonio
Salvi (mort en 1742), qui, dès 1702, n’hésite pas à puiser dans l’histoire récente,
tirant un livret du Comte d’Essex de Thomas Corneille. Cette éthique sera portée
à son plus haut point d’expression par
Antonio Trapassi, dit Pietro Metastasio,
ou Métastase (1698-1782) ; successeur de
Zeno à la cour de Vienne en 1730, il laissa
27 drames en 3 actes (sans compter les
poèmes sacrés, les sérénades en 1 acte, les
comédies, ariettes, etc.), qui engendrèrent
plus de 800 opéras, sans cesse adaptés et
remis en musique, parfois par un même
compositeur. On dit même avoir dénombré jusqu’à 107 versions de son Artaserse.
Formé à Rome par le poète arcadien
Gravina, Métastase avait connu ses premiers succès à Naples, où les leçons de
Porpora - et sa liaison avec la cantatrice
Marianna Benti Bulgarelli - achevèrent
de l’initier à la pratique du chant et de la
composition. Son premier drame, Didone
abbandonata, fut mis en musique par
Domenico Sarro en 1724 à Naples, d’où
l’assimilation possible des notions d’opéra
napolitain ou métastasien. Mais cet
idéal s’incarne mieux encore chez le Saxon
Adolfe Hasse (1699-1783). Il est significatif
que l’opéra métastasien (avant sa réforme
inéluctable) n’ait lié son nom qu’à des auteurs étrangers, aux grands castrats - dont
Farinelli, avec qui le poète échangea une
intéressante correspondance -, et qu’aucun nom de grand musicien italien - hormis celui de Pergolèse, dont la disparition
prématurée a bien auréolé la légende - ne
reste attaché à cette époque. Le principal
défaut de l’opéra métastasien nous semble
de n’être qu’une suite d’arias sans duos, ni
ensembles, ni choeurs, éléments qui précisément sont les atouts majeurs de l’opéra
face au théâtre parlé.
À Naples, Francesco Mancini (1672-
1737) avait, presque seul, assuré la transition entre les deux époques, et il fut,
avec Bononcini, le premier auteur italien
joué à Londres, en 1710. À sa suite, tous
les auteurs « napolitains « s’illustrèrent
avec un égal bonheur dans le genre seria,
l’intermezzo et l’opera buffa, mais il faut
retenir le rôle joué par Sarro (1679-1744),
dont le style dénota, dès l’abord, le refus
du baroque pour adhérer à une veine
lyrico-sentimentale, dont hérita Pergolèse. Sarro fut choisi pour l’inauguration
du San Carlo, avec son oeuvre Achille in
Siro, 1737. Nicola Porpora (1686-1768),
qui fut le plus célèbre maître de chant de
tous les temps, soigna pourtant la partie
instrumentale à l’égal de ce chant. Comme
Sarro et Porpora, Leonardo Leo (16941744) - qui fut le maître de Piccinni et de
Jommelli - témoigna de cette anticipation
de « l’ère de l’Empfindsamkeit », et Leonardo Vinci (1690 ou 1696-1730) avait su
imposer dans toute l’Europe, malgré sa
trop brève existence, la perfection de ce
nouveau style, avant même Hasse. On doit
encore citer Fr. Feo (1691-1761), P. Auletta (1698-1771), N. Logroscino (1698 apr. 1765), et naturellement Pergolèse
(1710-1736), dont le charme mélodique,
très personnel, convenait peut-être mieux
au genre léger qu’à son Olimpiade métastasienne ou à son très intéressant Adriano
in Siria (1734). Avec Davide Perez, Domenico Terradellas et Rinaldo da Capua
(v. 1705 - v. 1780), qui dénotaient un sens
mélodique décidément moderne, semble
se clore une première manière de l’opera
seria italien, auquel les courants réformistes et la vogue de l’opera buffa allaient
imprimer une direction nouvelle.
INTERMEZZO ET OPERA BUFFA.
Bien que de naissances sensiblement différentes, ces deux formes eurent la mission
commune de rendre au public l’élément
comique que récusait désormais l’opera
seria. Le même but apparaît dans l’opera
buffa, dont le catalyseur fut, à Naples, le
besoin d’exalter le dialecte par des comédies dont la musique ne fut d’abord qu’un
faible complément.
Grâce à des auteurs tels que Leo, Vinci,
Hasse, Porpora, ces genres, qui permettaient d’écrire des duos, des trios et surtout
les fameux finales concertants, connurent
une gloire rapide, et, si l’intermezzo de
Pergolèse, La Serva padrona (1733), fut
appelé à un grand retentissement, son auteur avait manifesté un talent plus évident
dans l’opera buffa en 3 actes Lo Frate’nnamorato, donné en 1732 et comportant un
orchestre plus riche et de beaux finales
collectifs. Nicola Logroscino devait porter
ce finale concertant à une dimension dont
se souviendra Mozart, mais c’est à Venise
que l’opera buffa évolua rapidement vers
la comédie, notamment grâce à Goldoni,
qui, après avoir servi, comme simple librettiste, Vivaldi et Gluck (par exemple,
Tigrane, 1743), adapta ses oeuvres antérieures en livrets et surtout écrivit directement des comédies destinées à être mises
en musique. Il avait trouvé en Baldassare
Galuppi (1706-1785), claveciniste réputé,
le collaborateur idéal pour ses « drames
comiques », moins remarquables pour
leur langue que pour le choix des thèmes
qui s’évadaient de la farce paysanne pour
atteindre à la satire dans L’Arcadia in
Brenta (1749) et Il Filosofo di campagna
(1754), au fantastique aimable dans Il
Mondo della luna (1750) que reprendra
Haydn, et surtout au sentimental avec La
Buona figliuola (1756) de Duni, cependant
que ses héros n’étaient plus des valets ni
des soubrettes, mais les bourgeois ou les
aristocrates du théâtre de Marivaux. On
peut estimer que, lorsque en 1760 Piccinni
reprit cette Buona figliuola (tirée de la
Pamela de Richardson), le genre s’orientait définitivement vers la comédie sentimentale ou « larmoyante » que le musicien
servait désormais avec tous les artifices de
l’opera seria, ses coloratures et ses castrats,
ouvrant ainsi à l’opéra italien une nouvelle
ère, tributaire également de l’influence
française.
L’opéra en France après 1730. En
abordant le genre à cinquante ans, avec
sa grande maîtrise de musicien et de
théoricien, Rameau (1683-1764) bouleversa immédiatement les traditions.
Avec Hippolyte et Aricie (1733), « tragédie en musique » dans laquelle Campra
vit « la matière de dix opéras », puis avec
l’opéra-ballet les Indes galantes (1735), il
avait, malgré l’approfondissement qui le
conduira aux étonnantes Boréades (1764,
inachevées), déjà dit l’essentiel : leurs difficultés d’exécution empêchèrent d’ailleurs
la représentation intégrale de ces deux
oeuvres après lesquelles Rameau dut se
montrer plus prudent, et, par conséquent,
moins audacieux. Plus tard, le culte toujours porté à Lully et l’oubli conscient
dans lequel Gluck et ses disciples firent
tomber l’oeuvre de Rameau ont laissé dans
l’ombre le rôle joué par cet immense musicien, timidement redécouvert à l’aube
du XXe siècle. Pratiquement inchangé depuis Lully, l’opéra avait néanmoins, sous
la Régence, inspiré à Mouret un langage
plus « gracieux » et cherché de nouveaux
thèmes d’inspiration : en témoignent un
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divertissement allégorique de Clérambault, le Soleil vainqueur des nuages (1721),
la Reine des Péris (1725), comédie persane
de Jacques Aubert sur un livret de Fuzelier, ainsi qu’une représentation d’intermèdes italiens en 1729, et, la même année,
un pastiche de divers auteurs français (le
Parnasse). Enfin, le remarquable Jephté
(1732) de Montéclair étant demeuré sans
lendemain, on n’eut à opposer à Rameau
que les dernières oeuvres de Colin de Blamont (les Caractères de l’amour, 1738), de
Mouret, Rebel et Francoeur, ou celles de
musiciens de second ordre comme Niel,
Duplessis, Royer, Brassac, Mion, etc. Et
les incursions au théâtre de Mondonville,
de Boismortiers ou même de Jean-Marie
Leclair (Scylla et Glaucus, 1746) ne constituèrent aucune prise de position déterminante.
Ce qui, dans l’oeuvre de Rameau, dérouta d’instinct le public, dérangé dans
sa quiétude, fut le « vacarme sans précédent » de son orchestre, et la subtilité
d’harmoniste, qui le fit taxer d’italianisme.
On ne put, à leur création, exécuter ni le
trio des Parques d’Hippolyte et Aricie, ni
le tremblement de terre des Indes galantes.
Mais, au-delà de ces apparences immédiates, la réforme ramiste était d’une autre
ampleur, en dehors même de la richesse
rutilante de son langage, richesse qu’il dispensait avec la même prodigalité dans les
scènes tragiques et les plus insignifiantes
ariettes de pastourelles, sachant s’accommoder sans démériter de la frivolité
ambiante. On peut en dire autant de ses
librettistes, Pellegrin, Fuzelier, Marmontel
ou Cahuzac, dont les vers avaient peu à
envier à ceux de Quinault, justement jugé
par Boileau.
En outre, démontrant péremptoirement
que « la tragédie conte et l’opéra montre »,
Pellegrin bâtit son drame comme un négatif de Phèdre de Racine, tirant de trois vers
l’acte superbe de la descente aux Enfers,
et « visualisant » de la même façon le récit
de Théramène. Démentant le titre même
de l’opéra, Rameau sut faire de Thésée et
de Phèdre deux très grandes figures tragiques de l’histoire de l’opéra, créant pour
elles un langage sans commune mesure
avec celui de Lully. Ajoutons enfin que Rameau sut démontrer sa disponibilité à un
comique musical (Platée, 1745), créer une
ouverture thématiquement liée à l’action
(Zoroastre, 1749), pour souligner encore
que son oeuvre contenait déjà tout ce que
le XIXe siècle croira, de bonne foi, avoir
découvert.
LA QUERELLE DES BOUFFONS ET LA NAISSANCE
DE L’OPÉRA-COMIQUE.
Lorsque, en 1752, la troupe des «
fons » de Bambini donna à l’Opéra
Paris des intermezzi de da Capua,
Latilla, de Jommelli, et La Serva
de Pergolèse, dans une production
boufde
de
padrona
très
soignée, cette dernière oeuvre, passée
inaperçue six ans plus tôt à la ComédieItalienne de Paris, fut à l’origine d’une
querelle littéraire restée fameuse, mais
reposant sur un profond malentendu.
Croyant opposer le « naturel » du genre
buffa italien à la « science » de l’opéra de
Rameau, les pamphlétaires exaltèrent la
musique italienne contre la musique française en général, sans prendre garde que le
débat n’opposait que le choix des thèmes,
et que leurs conclusions auraient été différentes si le hasard avait mis en présence
un opera seria italien et un vaudeville
chanté français. En fait, Rousseau, humilié dans ses ambitions musicales et jaloux
des succès de Rameau (succès artistiques
et succès mondains), usa d’arguments
qui n’honoraient pas l’expert musical de
l’Encyclopédie. Il ne comprit guère qu’un
public de bon sens avait d’abord ressenti
la perfection du spectacle présenté par les
Italiens dans cette même salle de l’Opéra,
où régnait habituellement une affligeante
médiocrité au niveau de l’exécution musicale. Mais, pour absurde que fût cette
querelle, qui permit aux encyclopédistes
d’acquérir un regain de faveur dont ils
avaient grand besoin, elle n’en permit pas
moins de mettre en lumière la nécessité de
créer un véritable opéra-comique français
de qualité.
Deux hommes devaient coordonner au
mieux, en ce domaine, diverses tentatives
éparses, le directeur Monnet et Charles
Simon Favart (1710-1792). Librettiste, acteur, homme de théâtre complet et époux
d’une excellente cantatrice et actrice, ce
dernier dut se limiter, jusque vers 1750, au
genre très en vogue de la parodie (Rameau
se réjouissant du renfort de publicité que
lui valait un Hippolyte comique), avant de
trouver en Duni un musicien apte à mettre
en partitions d’authentiques livrets.
Or, entre-temps, le véritable opéra-comique était né des suites de la Querelle
des bouffons. En effet, après avoir écrit
« qu’il ne saurait y avoir de musique française, sinon de très mauvaise », Rousseau
composa en français un Devin du village
(1752), véritable opéra-comique, à cette
différence près que, au lieu d’y être parlés,
les dialogues de l’action étaient chantés
à la façon du récitatif italien. Et l’oeuvre
fut donnée à Fontainebleau, chantée par
les meilleurs interprètes de Rameau. Dès
lors, l’Opéra afficha avec succès des pastiches d’operas buffas italiens, et Monnet
eut l’idée de présenter à l’Opéra-Comique
en 1753 les Troqueurs, faisant passer cette
oeuvre d’Antoine Dauvergne (1713-1797)
- futur directeur de l’Opéra - pour la traduction d’un opera buffa italien. L’oeuvre
fut acclamée, et l’on rit de bon coeur une
fois la supercherie révélée, donnant ainsi
sa place à une véritable musique française, chantée en français ! Mais, d’abord,
l’Opéra-Comique afficha une version
française de la Servante maîtresse de Pergolèse, que Mme Favart chanta plus de
100 fois en 1754, Favart, lui-même, put
y donner Ninette à la cour, puis, en 1757,
le Peintre amoureux de son modèle, mis
en musique par Egidio Romualdo Duni
(1709-1775), auteur de drames joués à
Rome et à Florence, puis passé au service
de la cour francophone de Parme. Et, seulement alors, des musiciens français se
piquèrent au jeu. Philidor (1726-1795) et
Monsigny (1729-1817) s’affirmèrent en
1759, le premier avec Blaise le savetier, que
suivirent Sancho Pança dans son île (1762),
puis le Sorcier (1764), Tom Jones (1765),
etc. ; l’autre avec les Aveux indiscrets, puis
Rose et Colas (1764).
Et, grâce à la fusion intervenue en 1762
entre l’Opéra-Comique et la ComédieItalienne (sous cette dernière dénomination), les compositeurs bénéficiaient des
meilleurs acteurs et cantatrices des deux
troupes, pouvant ainsi écrire pour leurs
héroïnes de difficiles arias à coloratures,
mais ils purent également s’assurer de la
collaboration de Sedaine, qui rédigea pour
eux non plus de simples livrets bouffons,
mais de véritables pièces de théâtre, tout
comme le faisait outre-monts un Goldoni. Lorsqu’en 1769 parut le Déserteur
de Sedaine et de Monsigny (l’oeuvre fut
jouée jusqu’en Amérique), c’en était fait
des idylles villageoises prônées par Rousseau, l’opéra-comique n’avait plus rien de
comique et tournait au drame larmoyant
(ou « pièce à sauvetage ») auquel l’Europe
entière allait souscrire. La même année,
soit cinq ans après la mort de Rameau,
Grétry s’affirmait à Paris, y précédant de
peu l’arrivée de Gluck. Un nouveau chapitre de l’opéra français allait alors s’ouvrir.
L’ÈRE DES RÉFORMES. LA RÉFORME DE L’OPERA SERIA.
La révélation de l’opéra français à Parme
fut sans doute le catalyseur d’une remise
en question de l’esthétique métastasienne,
déjà amorcée depuis 1740 par divers compositeurs et critiques italiens.
L’intendant du Tillot avait engagé Duni
à la cour française de Parme pour lui
confier les livrets de Favart, puis convié
Goldoni à adapter Pamela pour ce même
musicien. Dès 1757, il fit jouer des opéras
de Rebel et Francoeur, puis de Rameau,
qui suscitèrent des traductions italiennes,
puis des adaptations originales conçues
dans le même esprit, mais pour lesquelles
les livrets dus à Frugoni laissèrent trop à
désirer. Or, comme Jommelli quelques années plus tôt, Traetta avait déjà pressenti
ce besoin de renouveau, et les oeuvres qu’il
donna à Parme (Ippolito ed Aricia en 1759,
puis en 1760 I Tindaridi, d’après Castor
et Pollux de Rameau) correspondaient à
une conception mûrement réfléchie ; ces
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oeuvres eurent un retentissement jusqu’à
Vienne où Gluck les écouta avec attention.
Outre Traetta (1727-1779) et Jommelli
(1714-1774), d’autres musiciens italiens
devaient s’engager sur la voie de ce renouveau. On peut citer, avant P. A. Guglielmi,
Anfossi, Sacchini et Piccinni, Davide
Perez (1710 ou 1711-1778), et, plus encore,
Domenico Terradellas (1713-1751), l’un
des meilleurs disciples de Pergolèse et qui
fut particulièrement attentif au rôle de
l’orchestre. On note déjà chez Terradellas
le procédé du crescendo dans Bellerofonte
(1747). Enfin, Gian Francesco Di Majo
(1732-1770), un Napolitain, auteur de
musique religieuse et d’opere serie, fut joué
jusqu’à Vienne, et son style semble établir
un pont entre Gluck et Mozart. D’autres
innovations devaient compléter cette
réforme de l’opera seria, dont on trouve
l’écho chez un Mattia Verazzi, qui fournit
des livrets à Jommelli, Traetta, Salieri, et
chez Coltellini et quelques autres encore :
celles de réintroduire la catastrophe finale
toujours récusée par le public, d’instaurer la coupe en 2 actes du dramma seria
(v. infra), et surtout de substituer au traditionnel défilé des arias de solistes des
duos, trios, ensembles et interventions du
choeur, comme on les trouve parfaitement
intégrés dans Antigona de Traetta (SaintPétersbourg, 1772), qui y traite avec une
grande maîtrise le récit dialogué et les
arias bipartites ou tripartites.
La « réforme » de Gluck. Allemand
formé à Milan, Gluck fut, dès 1741, remarqué par Métastase pour son « feu insolite », mais bientôt condamné pour ses
« bruyantes originalités ». Rompu au style
italien, mais témoignant aussitôt de son
intérêt pour l’orchestre et pour la colorature aiguë, typique du goût allemand, il fut
commissionné à Vienne pour y adapter
les textes de Favart auxquels il conféra un
galbe musical d’une tout autre ampleur
que les musiciens d’opéra-comique français. Il y rencontra en 1761 Raniero de’Calzabigi (1714-1795), poète arcadien, qui, à
Paris, avait vécu la Querelle des bouffons
et publié la Lulliade, satire raillant ce type
de joutes littéraires. Auteur, en 1755, de
l’essai à la gloire de Métastase (dont, vingt
ans plus tard, il ne critiqua que la coupe
des vers), chassé de Paris, où il avait fondé
avec Casanova une loterie dans des conditions assez douteuses, Calzabigi découvrit
à Vienne les courants réformistes grâce
aux opéras de Traetta. S’attribuant leur
paternité, il reprit mot pour mot dans la
fameuse Préface d’Alceste (1768), qu’il fit
prudemment signer par Gluck, les préceptes déjà résumés par Algarotti. Calzabigi avait trouvé en Gluck le collaborateur
idéal, fortement hostile, comme lui, aux
« abus » des chanteurs, et également intéressé par le ballet, le décor et l’importance
à réserver au choeur. Leur commun Orfeo
ed Euridice (1762) eut pour principal mérite d’exclure de la fable tous les personnages secondaires, et de parvenir, dans la
scène des Enfers, à une osmose parfaite
entre le chant soliste, le choeur et l’effet
visuel.
Dans Alceste (1767), qui ne répondait
en rien aux objectifs énoncés a posteriori
dans la Préface, Gluck conservait les ritournelles d’introduction et « le disparate
entre le récit et l’aria », dont le da capo,
sans son ornementation, perdait toute raison d’être. Or, la puissance expressive de
la musique masque les erreurs du livret de
Calzabigi, sa mythologie anecdotique et
désengagée, son dénouement heureux, ses
choeurs demeurés témoins et non acteurs,
et son absence d’ensembles concertants.
Et, si ce livret resserrait l’action, la musique « auxiliaire du poème » lui opposait sa lenteur hiératique. Après un retour
aux formules traditionnelles, Gluck se fixa
en France, en 1774, y donna des versions
assez heureusement remaniées d’Orphée
et d’Alceste, réalisa sur le vieux livret de
l’Armide de Quinault un pastiche des
meilleures pages de ses opéras antérieurs,
et fut opposé à Piccinni dans une nouvelle
« querelle » qui ne lui fit guère honneur.
Il signa enfin avec Iphigénie en Tauride
(1779) son chef-d’oeuvre, dont la qualité
musicale faisait derechef oublier les schémas traditionnels, cependant que l’ouverture était reprise d’un opéra-comique de
1758, et l’air tragique Ô malheureuse Iphigénie d’un opera seria de 1753. En résumé,
Gluck s’était, lui aussi, imposé par son
génie musical, éclipsant par là ses rivaux
italiens, plus engagés que lui dans les courants réformateurs, alors qu’il était revenu
aux stéréotypes de l’opéra lullyste, effaçant ainsi l’immense apport dramatique
de Rameau.
Dramma giocoso et opera semiseria.
On a longtemps attribué le triomphe du
genre buffa sur le seria, au XVIIIe siècle,
au « naturel » de ses personnages. Sans
doute le nouveau style galant et pathétique convenait-il mieux aux villageois et
aux marquis de la comédie qu’aux héros
empanachés de la tragédie. Mais c’est plus
encore la souplesse et la variété de ses
structures qui triomphèrent des formules
sclérosées du vieil opera seria. Dès que les
arias à coloratures et les castrats eurent acquis droit de cité dans la comédie lyrique,
les publics aristocratiques goûtèrent, eux
aussi, cette forme, que ses ensembles et ses
finales pleins de vie rendaient autrement
attrayante. En outre, l’opera buffa défini
comme tel avait vécu lorsque, en 1760,
Piccinni donna - et à Rome ! - sa Cecchina
(autre titre de La Buona figliuola), une
oeuvre qui devait autant à la consistance
musicale et vocale de l’opera seria qu’à la
véracité de l’opera buffa ou du dramma
giocoso. Pour sa part, Goldoni attira à
Venise le méridional Gaetano Latilla
(1711-1788), qui utilisa le dialecte vénitien
dans L’Amore artigiano (1761), et établit
les lois de cette comédie d’intrigues, sentimentale et lyrique, dont les sept personnages venaient tirer la moralité devant le
rideau - comme plus tard dans les opéras
de Mozart. C’étaient, dans les deux cas, les
prémices de ce drame larmoyant qui devait conduire jusqu’au Fidelio de Beethoven, en 1805 ; dès lors, au terme d’opera
buffa se substituent le plus souvent ceux
de commedia, dramma giocoso, ou, bientôt, semiseria.
C’est à tort que l’on souligne l’antithèse
des épithètes « drame » et « joyeux », ce
premier terme n’ayant, en italien, aucune
implication tragique ; c’est d’abord le
livret qui est ainsi défini, soulignant son
ambition littéraire ou la classe sociale
de ses personnages, et visant à une plus
grande dignité que l’opera buffa, encore
suspect pour l’aristocratie. C’est toutefois
sa structure que l’opéra buffa légua à ses
héritiers, avec son récitatif secco et ses ensembles, si bien que, de façon générique,
le terme s’appliqua encore longtemps à la
comédie, au dramma giocoso et à l’opera
semiseria, bien que ce dernier genre - parfaitement défini par la Nina de Paisiello,
en 1789 - impliquât un contexte social
particulier. Nicola Piccinni (1728-1800)
s’illustra dans ces genres, comme Guglielmi, Anfossi, Sarti, et plus tard Salieri
(v. infra).
Mais les meilleurs représentants de ce
nouveau style « napolitain » furent Giovanni Paisiello (1740-1816) et Domenico
Cimarosa (1749-1801), tous les deux d’origine méridionale, formés à la difficile discipline de l’opera seria et de la musique
instrumentale, et tous les deux réclamés
à Vienne et à Saint-Pétersbourg. Pai-
siello, demeuré célèbre pour son Barbier
de Séville (Saint-Pétersbourg, 1782) et sa
Molinara (1788), offrit, avec Nina pazza
per amore, un premier type de scène de
folie, souscrivit au découpage en 2 actes
de l’opera seria Fedra (1788), donna, avec
Elfrida (Naples, 1792), sur un livret de
Calzabigi, le premier exemple de drame
médiéval à fin tragique, et obtint son meilleur succès dans le genre eroicomico avec
son Re Teodoro in Venezia (Vienne, 1784)
sur un livret de Casti. Cimarosa, mieux
connu aujourd’hui, laissa, comme lui,
son nom attaché à ses comédies, dont le
Mariage secret (Vienne, 1792), intitulé en
fait melodramma (c’est-à-dire opera), et
bien proche de ses structures, et Giannina
e Bernardone (1781), mais il mania aussi
bien le satirique (L’Impresario in angustie, 1786) et le tragique : son opera seria
Gli Orazi ed i Curiazi (1796) est tenu pour
l’achèvement le plus parfait du genre entre
la Clémence de Titus de Mozart et les premiers drames de Rossini.
Mais c’est à Vienne, où vit précisément
Mozart, que règne la plus intense activité
lyrique et où se retrouvent, s’affrontent et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
720
se pillent effrontément les meilleurs poètes
et musiciens. On s’y passionne pour le jeu
esthétique, pirandellien avant la lettre, du
« théâtre dans le théâtre », qui inspire à
Mozart, Cimarosa et d’autres maint Impresario, et aboutira en 1814 au sarcastique Turc en Italie de Romani et de Rossini ; Calzabigi avait, en 1769, écrit pour
Florian L. Gassmann (1729-1774) L’Opera
seria, où le directeur se nomme Faillite, le
poète Délire, le castrat Ritournelle, et la
prima donna « Qui détonne ». Ce jeu fut
cultivé par Coltellini, et par Casti (17241803), qui écrit Prima la musica, poi le parole (1786), mis en musique par Antonio
Salieri (1750-1825). Salieri, rival heureux
de Mozart, auteur d’une oeuvre instrumentale de qualité, avait écrit, en 1778,
Europa riconosciuta pour l’inauguration
de la Scala de Milan, puis succédé à Gluck
à Paris, mettant en musique Beaumarchais
dans Tarare (1787), puis Shakespeare dans
Falstaff (Vienne, 1799) ; il fut aussi l’un
des collaborateurs de Da Ponte. Ce dernier, librettiste de Mozart, de Martin y
Soler (1754-1806), de Storace, etc., entra
en conflit avec Giovanni Bertati (17351815), l’un des poètes d’opéra les plus originaux de l’heure, s’appropria la paternité
de son Mariage secret et emprunta plus
d’une de ses pages, de son Don Giovanni
au Convitato di pietra ; ce dernier livret
rédigé par Bertati en 1787 pour Giuseppe
Gazzaniga (1743-1818).
L’Allemagne et l’Autriche. Naissance
du singspiel. D’ethnies et de religions
différentes, les pays germaniques partageaient une même méfiance de leurs
princes envers toute tentative nationale
d’un art de langue allemande, ces princes
soutenant l’opéra italien. Comme Hasse
à Dresde et Graun à Berlin, Ignaz Holzbauer (1711-1783) fut à Stuttgart un excellent auteur italianisant, comme le furent
à Vienne Gassmann, Gluck et Wagenseil
(1715-1777), auteurs qui influencèrent
Sarti et Naumann, dont l’activité se déploya au Danemark, en Suède ou en Russie. Et si l’oeuvre lyrique de Haydn nous
paraît dominer l’opera seria et semiseria
de son époque, de même que les premières
tentatives de langue allemande, le cadre
des représentations privées auquel il les
destina lui refusa le rôle historique qu’il
eût pu alors assumer.
Avant que le singspiel (pièce chantée) ne se définisse comme l’équivalent
de l’opéra-comique, mais d’une singulière épaisseur orchestrale, ce terme avait
recouvert les diverses tentatives d’opéra
national héritées de l’opéra baroque et
du ballad opera du Nord, où Gottsched,
dédaignant la fiction inhérente au genre,
vantait l’absolue priorité du texte, et où
Johann Adolf Scheibe (1708-1776) baptisa singspiel dès 1749 des oeuvres dont
il écrivit livret et musique. À Vienne, vers
1750, le terme s’applique aux spectacles du
fameux Bernardon, sortes d’équivalents
de la commedia dell’arte, Haydn écrit Der
Krumme Teufel (v. 1751-1753, perdu), et
on joue des comédies lyriques de Josef
Starzer, Franz Aspelmeyer, etc. D’autres
types d’opéra allemand apparaissent aussi.
A. Schweitzer (1735-1787) met en musique l’Alceste de Wieland (1773), adoptant les schémas ramistes, mais en négligeant totalement le chant, selon l’opinion
de Mozart, qui vante au contraire Gunther
von Schwarzburg (1776) de Holzbauer,
influencé par Jommelli. On prise encore
la forme du mélodrame (ou mimodram,
tanzdrama, etc.), où la musique soutient
un texte entièrement parlé, genre qu’illustra parfaitement Benda (v. infra), pour
lequel Goethe écrivit Proserpine (1777),
et auquel collabora aussi Haydn (Philemon und Baucis, Dido, etc.), puis Neefe,
Reichardt, Zumsteeg, ceux-là mêmes que
l’on retrouve à la naissance du véritable
singspiel et du lied. Retardé à Vienne par
la divulgation des oeuvres de Favart, ce
singspiel naîtra au Nord, dès la fin de la
guerre de Sept Ans : dans Der Teufel ist los
(1766), Johann Adam Hiller (1728-1804)
emprunte encore à divers musiciens, puis
compose Die Jagd (1770), où apparaît l’influence de Hasse.
D’autre part, lorsque Reichardt écrit
la partition de la Claudine von Villabella
de Goethe (1773), créée en 1789, c’est le
texte qui prévaut, et la musique devait
donner ses lois au genre, grâce à Georg
(Jiři) Benda (1722-1795), qui usa de sa
très riche orchestration dans der Dorfjahrmarkt (1775), où l’aria da capo se mêle
aux couplets sentimentaux, aux airs de
bravoure et aux choeurs populaires (dont
Weber s’inspirera dans son Freischütz
en 1821). Benda fit appel aux sources les
plus variées (Julie und Romeo en 1776,
der Holzhauer en 1778), et écrivit Medea
(1775) et Ariadne auf Naxos (1775) dans
la forme du mélodrame. Enfin, Belmont
und Constanze de Johann André, donné
à Berlin en 1781 sur un texte de Bretzner,
servit de modèle à Mozart (l’Enlèvement
au sérail, 1782), lorsque Josef II eut ouvert
à Vienne un Singspiel Nazional Theater,
inauguré en 1778 avec die Bergknappen
de Ignaz Umlauf (1746-1796), sur l’oeuvre
de qui Mozart modèlera ses personnages
de singspiel Osmin et Papageno. Comme
Mozart, Franz Teyber (1758-1810) et Josef
Weigl (1766-1846) écrivirent aussi de difficiles arias à coloratures, afin d’attirer
les cantatrices du Théâtre de cour, voué
à l’opéra italien et à l’opéra français. Une
fois le Théâtre du singspiel fermé pour
« subversion », le Kärtnerthortheater, à
Vienne, accueillit les singspiels très italianisants de Dittersdorf (1739-1799), alors
que, au contraire, pour un public plus
populaire, Schikaneder, imprésario de
petites salles, mêlait le couplet populaire
à la féerie, comme dans Oberon (1789) de
Wieland et de Wranitzky (1756-1808) et
dans la Flûte enchantée de Mozart (1791).
Mais les compositeurs de singspiel durent
à nouveau collaborer avec le Théâtre de
cour, lorsque, après la mort de Josef II et
de Leopold II, les modèles étrangers s’imposèrent à nouveau. Or, c’est sous le règne
de Josef II que Mozart avait réussi une
synthèse des genres, à laquelle avait également contribué l’influence française.
La France après Rameau. La mort de
Rameau, en 1764, avait ramené à l’Opéra
Mondonville (dont il faut aussi signaler
Daphnis et Alcimaduro, en langue d’oc,
en 1754) et les compositeurs d’opéra-comique. Mais Gluck y ayant imposé un style
différent, c’est aux compositeurs italiens
que l’on demanda de venir perpétuer son
action. Piccinni donna avec succès Roland
(1778), puis Atys (1780), Iphigénie en Tauride (1781) et une superbe Didon (1783),
Jean-Chrétien Bach vint de Londres écrire
un Amadis de Gaule (1779) sur le livret
de Quinault, Anfossi « renonça à écrire
pour les chanteurs français », et Antonio Sacchini (1730-1786) donna Renaud,
Chimène et Dardanus (1784), mais mourut
sans connaître le succès réservé à OEdipe
à Colone (1786), parfaite fusion du génie
italien et français. Or, après les Danaïdes
(1784), et Tarare (1787) de Salieri, l’arrivée de son rival Cherubini en 1788 allait
apporter un sang nouveau à l’opéra français.
L’opéra-comique était, dès 1769, un
genre parfaitement adulte, non seulement digne de l’opéra, mais autrement
représentatif de la culture française. Grétry (1741-1813), dédaignant justement
l’opéra, lui consacra un authentique talent
acquis à Rome, et écrivit de véritables arias
virtuoses pour les cantatrices de la Comédie-Italienne dans Zemire et Azor (1771)
et la Fausse Magie (1775), puis, toujours
avec la collaboration de Sedaine, s’orienta
vers d’autres sujets (Raoul Barbe-Bleue,
1789) et aborda le thème historique avec
Richard Coeur de Lion (1784), Guillaume
Tell (1791), ou Pierre le Grand (1790) sur
un livret de Bouilly, l’auteur de Léonore.
À ces ambitions, Nicolas Dalayrac (17531809) opposa la sentimentalité de sa Nina,
folle par amour (1786), pièce à sauvetage
de Marsollier, que reprendra Paisiello et
qui suscitera d’autres adaptations, comme
il en fut de son Renaud d’Ast (1787), dont
Mozart se souvint dans la Flûte enchantée.
Comme Grétry et Dalayrac, Gossec,
Méhul, Lesueur et d’autres sacrifièrent
aux sansculottides de la Révolution, puis
renouèrent avec la tradition, comme Che-
rubini, Paër, Henri Berton (1767-1844),
auteur de Montano et Stéphanie (1799) et
Aline, reine de Golconde (1803), comme
Jadin, Catel, Gaveaux et le Maltais Niccolo, dit Isouard (1775-1818), auteur des
Rendez-vous bourgeois (1807) et du Billet
de loterie (1811). En outre, le genre de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
721
l’opéra-comique, contraint à l’alternance
du parlé et du chanté par le fait du monopole de l’Opéra, n’en disposait pas moins
de plusieurs salles parisiennes et étendait
son domaine : la pièce à sauvetage (par
exemple, la Léonore de Bouilly, mise en
musique par Gaveaux, Paër, Beethoven
et Mayr) recourut à l’exotisme (par ex.
toutes les Lodoiska), ou céda au mythe
avec Médée de Cherubini (1797) sur un
livret de Fr. B. Hoffmann, qui s’inspira
aussi de l’Arioste (Ariodant, de Méhul,
1798). Mais avec le Normand Boieldieu
(1775-1834), qui promena ses héros dans
de nombreux pays, on assiste à un retour
vers un opéra-comique plus traditionnel,
dans une langue soignée. Après trente
années de succès, il introduisait le romantisme dans le genre, avec la Dame blanche,
inspirée de Walter Scott, qui triompha en
1825, l’année où le Devin du village quittait
l’affiche. Son livret, signé Eugène Scribe,
appartenait à une nouvelle époque de
l’opéra-comique, déjà marqué par les premiers succès d’Auber et d’Hérold.
La synthèse mozartienne. L’opéra de
Mozart, s’il domine à nos yeux toute la
production de son époque, n’eut pas alors
l’impact qu’on suppose, dans la mesure
où il ne semblait pas apporter d’innovations formelles. La trop grande complexité de ses livrets ne plaidait guère en
sa faveur, tous ses arguments avaient déjà
été traités par d’autres musiciens (sauf
celui des Noces de Figaro, trop récent) et
ses emprunts aux auteurs de singspiels, à
Traetta, Salieri, Paisiello, Dalayrac, etc.,
suivaient la coutume établie. Fidèle à la
tradition du lieto fine, à l’emploi du castrat
d’opera seria, Mozart semblait même en
retrait sur ses prédécesseurs par les structures traditionnelles de ses opere buffe : le
récit, rarement accompagné (sauf en des
occasions significatives), demeure bien
séparé de l’aria, aria avec da capo orne-
menté, cavatine ou aria tripartite sans participation du choeur. Peut-être aurait-on
pu déjà s’inquiéter de la longueur inhabituelle de ses finales, de la présence du
fantastique dans la scène du banquet de
Don Juan, de la souplesse du discours dans
Idoménée (opéra qui connut justement
le succès), du surprenant premier finale
de la Clémence de Titus, ou du ton grave
d’un singspiel comme la Flûte enchantée.
Mais c’est de l’intérieur que Mozart, plus
subtilement, avait miné l’édifice. Dès l’âge
de quatorze ans, il avait osé suggérer le
choix d’un livret (il sera, dans sa maturité,
le véritable coauteur de ceux-ci), et c’est
par la musique qu’il devait résoudre les
véritables problèmes, jusque-là objets de
vaines querelles d’ordre littéraire, et affirmer une unité de pensée que ses contemporains ne pouvaient déceler.
À la proposition de Gluck de « réduire
la musique à sa seule fonction de seconder la poésie », Mozart répondit que « la
poésie devait être la fille obéissante de
la musique », et réalisa l’osmose entre
le verbe et le son, parce que sa musique
épousait le tempo intérieur du livret, ce
que n’avaient compris ni Gluck ni les
Italiens, dont les tentatives de renouveau
étaient ainsi vouées à l’échec. Pour réussir, Mozart tâta d’abord de tous les genres,
du singspiel à la sérénade, de l’opéra-comique à l’opera seria, du buffa au dramma
giocoso et à la comédie, puis réalisa enfin
avec Idoménée une première synthèse
des structures du seria, par son fréquent
usage des ensembles, par la participation
des choeurs à l’action, donnant ainsi raison à Traetta contre Gluck. Et, malgré le
succès obtenu par Idoménée, son intuition lui dicta de récuser cette mythologie
vidée de son contenu pour s’engager sur la
voie autrement exigeante d’un « mythe de
l’homme contemporain » (cf. M. Beaufils),
choisissant précisément pour cela le langage plus accessible du singspiel (« Je me
sens pris de fièvre à l’idée de créer l’opéra
allemand », avait-il écrit), ou de l’opera
buffa, dont il asservit les composantes à
l’idée. C’est pour lui un jeu d’insuffler à
ces formes « faciles » la densité du genre
tragique, d’établir des rapports affectifs
entre la tonalité des scènes et des arias,
de mettre en situation les coloratures
apparemment les plus traditionnelles,
ou d’introduire dans un opera buffa des
caractères d’opera seria (Donna Anna et
Donna Elvira) et quelques rares récitatifs
accompagnés d’une étonnante intensité.
Et c’est même en termes musicaux,
presque anodins, que Mozart souligne
l’univers manichéen de la Flûte enchantée, opposant le parlé au chanté, et situant
le Bien et le Mal aux deux pôles inconciliables de la voix humaine, alors que,
dans ses drames italiens, l’ambiguïté des
diverses facettes du chant souligne les
terrifiantes imbrications entre ce Bien et
ce Mal, considérés comme les deux faces
complémentaires d’un même univers, où
« le langage du buffa se présente comme
le masque du tragique » (cf. M. Beaufils),
où la perfection esthétique voulue de Cosi
fan tutte se distancie encore mieux d’une
réalité plus tragique que celle de Don Juan.
Enfin, héros du Sturm und Drang, engagé
dans le combat pour l’émancipation de
l’être, Mozart se place au centre d’une
oeuvre dont il fait une unique et constante
confession, en posant, dès l’Enlèvement au
sérail, le problème de la revendication des
droits de l’individu, qu’après les orages
des trois opéras italiens il résout, et, à
nouveau, avec la langue allemande dans
la sagesse ambiguë de sa Flûte enchantée,
en 1791. Notons que, cette même année,
avant de disparaître à trente-cinq ans,
Mozart parvient aussi avec la Clémence de
Titus à faire éclater les vieilles structures
de l’opera seria. Et cette étonnante synthèse nous rappelle qu’il appartient en
priorité à la musique de triompher des
problèmes d’éthique et d’esthétique, fûtce à l’aide des structures les plus traditionnelles.
L’OPÉRA DANS LES AUTRES CENTRES EUROPÉENS.
Les modèles italiens, français, puis allemands dominent dans toutes les cours,
où s’amorce le même processus de traductions, puis de véritables créations autochtones.
La Russie. Pierre le Grand ayant imposé
une culture de type franco-allemand, les
comédiens français paraissent à Saint-Pétersbourg dès 1729, et c’est d’Allemagne
que provient, en 1731, un Italien de la
troupe de Hasse, Ristori, qui y présente un
de ses opere buffe, La Calandro, cependant
que des intermezzos italiens sont bientôt
traduits en allemand et en russe. Mais, dès
1735, le Napolitain Francesco Araja (v.
1709 -1770) y élit domicile, fait applaudir
d’abord sa Forza dell’amore e dell’odio, puis
écrit en 1737 Il Finto Nino, et se consacre
à l’opéra métastasien et au ballet français.
Bientôt traduites en russe, ses oeuvres
alternent en 1742 avec de nouveaux spectacles français. En 1755, c’est enfin sur une
traduction préalable du livret qu’il écrit
directement en russe Céphale et Procris,
cependant que G. B. Locatelli produit
une nouvelle troupe italienne en 1757,
que Raupach donne en 1758 un Alceste
en russe, et que les Français, revenus en
1762, conservent toujours les préférences
de la cour. Pourtant, les meilleurs musiciens italiens y occuperont désormais sans
interruption des charges officielles : Vincenzo Manfredini de 1758 à 1769, Galuppi
de 1765 à 1768, Traetta jusqu’en 1775,
Paisiello jusqu’en 1783, Cimarosa de 1787
à 1791, Martin y Soler de 1788 à 1794,
tandis que Giuseppe Sarti (1729-1802) se
fixe à Saint-Pétersbourg en 1784. Formé
à Bologne, ayant triomphé à Venise et à
Rome, Sarti avait séjourné vingt années à
Copenhague, et il sut poser les bases d’un
riche enseignement classique, préparant
ainsi le terrain au Vénitien Cavos, qui, dès
1797, allait devenir le premier grand compositeur « russe ».
Parallèlement à cette culture aristocratique, on traduit des singspiels, et des
opéras-comiques de Philidor, Duni, Grétry, Dalayrac, Dezède, etc. Des chanteurs
russes se mêlèrent aussi à la troupe du
Français Clairval, l’interprète fameux de
Grétry, et, à Moscou, l’Anglais Michael
Maddox organise des spectacles dès 1776,
fonde en 1780 le théâtre Petrowsky, largement ouvert aux productions russes,
cependant que, comme le fait Herder
en Allemagne, on recense le vieux fonds
païen national. Et, si l’opera buffa s’installe victorieusement à Saint-Pétersbourg,
c’est surtout à Moscou et dans l’ancienne
Russie que s’amorce un mouvement irrédownloadModeText.vue.download 728 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
722
versible : durant une trentaine d’années,
des musiciens russes allaient créer des
vaudevilles faits de refrains populaires célèbres, parfois mâtinés d’influences étrangères, oeuvres souvent composites et sans
cesse modifiées et réadaptées. Un mystère
plane toujours sur une éventuelle Taniou-
cha (1756 ?), un vaudeville de Volkov, et
on ne peut affirmer non plus quel musicien (Dimitriewski, Pashkevitch ?) composa la partition de Aniouta (Tsarskoïe
Selo, 1772), un acte de M. Popov, qui
passe pour le premier « opéra » de fonds
et d’auteurs russes.
Enfin, alors que le Devin du village de
Rousseau fait fureur et suscite les pastiches et imitations de Kerzelli ou Zorine,
le premier succès authentique du genre fut
un Meunier magicien, écrit par Ablesimov,
et les couplets arrangés par Sokolowski,
joué à Moscou en 1779, puis aussitôt à
Saint-Pétersbourg, et encore repris en
1784 par le très sérieux Fomine. De nombreux autres vaudevilles apparurent, dans
les deux capitales, notamment le Bazar de
Saint-Pétersbourg (créé en 1782), oeuvre
en 3 actes de Mikhaïl Matinski (un serf
émancipé qui avait étudié en Italie), et,
plus tard, Catherine II écrivit des livrets,
où alternaient le fonds historique et le
thème quotidien, livrets où se mêlaient
parfois les musiques de Sarti, Cannobio,
Martin y Soler, celles de Matinski et surtout celles de Pashkevitch (v. 1742-1797),
qui illustra son premier livret, Fevey, en
1786. Mais, à Saint-Pétersbourg surtout,
le goût français reste dominant, et c’est
dans cette langue que seront d’abord écrits
certains opéras-comiques, dont peut-être
l’Avare (Skoupoï, 1782) de Pashkevitch.
C’est toutefois grâce à leur formation
acquise à Bologne ou Venise que trois musiciens russes devaient imposer une plus
forte personnalité : Maxime Berezowski
(1745-1777), qui, après avoir écrit des opéras métastasiens, revint organiser la chapelle impériale ; son successeur Dimitri
Bortnianski (1751-1825), qui écrivit 7 opéras, encore bien cosmopolites (le Faucon,
en 1786, comme le Fils rival [1787] sont
composés sur textes français) ; et enfin Evgueny Fomine (1761-1800), qui, après son
retour d’Italie, en 1786, mit aussi en musique les livrets de l’impératrice, adhéra
à la formule du mélodrame avec choeur
(Orphée et Eurydice, créé 1792), dans une
langue qui évoquait Mozart, Salieri et
Gluck, puis, avec les Américains (1800)
et la Pomme d’or (posth.), un véritable
opéra, affirma un réel sentiment national.
Et lorsqu’en 1798 Paul Ier interdit l’opéra
italien, la relève semblait assurée.
L’Angleterre. Il fallut d’abord y effacer
l’héritage national pour imposer d’abord
des traductions d’intermezzos, dès 1705,
et, peu à peu, le véritable opéra italien,
chanté par des troupes italiennes. On
applaudit d’abord des ouvrages anciens
de Bononcini, de Mancini (Idaspe fedele,
1710), avant les créations originales de
Haendel (Rinaldo, 1711) et de Porpora.
C’est à cet opéra italien, autant qu’à l’aristocratie londonienne corrompue, que s’en
prend en 1728 The Beggar’s Opera, une
satire assez féroce, arrangée selon la forme
du ballad opera, par J. C. Pepusch (16671752). Son succès confirma la virtualité
d’un opéra anglais, ce dont Haendel tira
la leçon, avec ses oratorios, puis Thomas
Arne (1710-1778), qui reprit la tradition
du mask (Alfred, 1740, contient le fameux
Rule Brittania), traduisit Métastase, adoptant toutefois les schémas haendéliens
(Artaxerxès, 1762), et appliqua à son Love
in a Village (1762) la formule du pasticcio.
On peut citer encore les opéras-comiques
de Charles Dibdin (1745-1814), de Samuel
Arnold (1740-1802), de Michael Arne et
de William Shield (1748-1829), l’arrivée à
Londres en 1787 de Stephen Storace, ami
de Mozart, qui y fit rejouer ses oeuvres
italiennes, leur adaptant un texte anglais,
puis, au XIXe siècle, les opéras de H. Bishop, de culture cosmopolite, et de M.
Balfe, un épigone de Rossini. Mais la fin
du XVIIIe siècle fut essentiellement dominée à Londres par l’activité menée par
Jean-Chrétien Bach (1735-1782), formé à
Milan, mentor, puis ami de Mozart, qui
écrivit peu en anglais, mais fit régner un
opéra italien de grande qualité.
La péninsule Ibérique. - Espagne. Dans
ce pays, marqué par la présence de Domenico Scarlatti, puis du castrat Farinelli,
devenu conseiller politique et fondateur
de l’opéra italien, on en vint néanmoins
à traduire préalablement les poèmes de
Métastase (José Durán, formé à Naples,
écrivit Antigono en 1760), et Ramón de
la Cruz réécrivit Goldoni pour Pablo Esteve, Manuel Pla, ou Antonio Rodriguez
de Hita (1704-1787) : La Buona figliuola
devint La Buena hija (Esteve) et Gli Uccellatori devinrent Los Casadores, zarzuelas ou tonadillas escénicas. Hita donna,
en 1763, Briseida, zarzuela heroica, et la
collaboration de Cruz et Hita produisit
encore Las Segadores de Vallecas (1768),
tiré de la légende de Ruth, une zarzuela
burlesca, comme en 1769 Las Labradoras
de Murcia, avec jotas et seguedilles, tambourins et castagnettes, consacrant aussi,
comme en Italie, en un genre autonome
les intermezzos espagnols, qui, dès 1758
(cf. Los Ciegos, de Luis Míson), furent intercalés dans les opéras italiens, lesquels
continuaient sans peine à triompher de
ces oeuvrettes, modèles des futures espagnolades de l’opéra français.
Portugal. Deux noms y marquèrent principalement l’implantation de l’opéra italien, ceux de l’Italien Davide Perez (1710
ou 1711-1778 ?) et du Portugais Francisco
de Almeida. Ce dernier, formé à Rome,
revint donner à Lisbonne en 1733 un
dramma comico, La Pazienza di Socrate,
que suivirent en 1735 La Finta pazza, et,
surtout, en 1739 La Spinalba, étonnante
anticipation du dramma giocoso. Perez,
fort de son expérience acquise à Naples
et à Palerme, écrivit dès 1752 des « opérettes » portugaises, et fonda en 1755
l’Opéra de Lisbonne, aussitôt détruit par
le tremblement de terre. Parmi de bons
musiciens autochtones, citons João de
Sousa de Carvalho (1745-1798), qui, formé
à Naples, composa en italien (L’Amore
industrio, 1769) et prit la succession de
Perez, alors que, à l’inverse, Marcos António da Fonseca Portugal écrivit d’abord en
1784 des oeuvres d’un comique de qualité
en portugais, puis s’en alla faire carrière en
Italie sous le nom de Portogallo.
Les pays scandinaves. - Danemark.
Ce pays avait, de longue date, accueilli les
opéras français et joué les opéras baroques
de Keiser. Sarti y implanta l’opéra italien
de 1753 à 1775, puis le Viennois J. G.
Naumann (1741-1801), élève de Martini
à Bologne, écrivit en danois des opéras
métastasiens. Les thèmes nationaux furent
ensuite exploités par T. C. Walter (17491788), E. J. G. Hartmann (1726-1793), et F.
L. A. Kunzen (1761-1817), auteur de Holger Danske (1789).
Suède. L’opéra italien connut une intense activité sous Gustave III ; le Théâtre
de Drottingholm ouvrit en 1754 sous la
direction de F. Uttini (1723-1795), qui
écrivit d’abord en italien, puis composa
en suédois Thetis och Pelee (1773), sur
un texte du roi (l’oncle de Frédéric II, lui
aussi féru de livrets). Naumann, quittant
le Danemark pour la Suède, y écrivit Cora
och Alonso en 1782 pour l’inauguration de
l’Opéra royal, puis Gustaf Wasa (1786),
alors que des auteurs suédois commençaient à s’imposer : Stenborg (1752-1813),
avec Konung Adolfs jagt (1777), puis J.
M. Kraus (1756-1792), d’origine allemande, qui réalisa la synthèse des divers
styles européens avec Proserpine (1781)
et Aeneas i Carthago (1790, créé en 1799).
L’assassinat du roi, en 1792, interrompit
pour quelque temps le développement de
l’opéra suédois.
LE XIXE SIÈCLE.
Fait culturel et social, l’opéra fut le reflet
du grand mouvement d’idées, dont était
issue la Révolution française. Ouvert à un
public nouveau, il avait, parfois, déjà modifié ses thèmes, contribuant à l’éveil des
consciences nationales. En abolissant les
frontières, l’aventure napoléonienne allait
faire de l’opéra italien un opéra européen,
fécondant et fécondé par ces échanges.
En effet, ses formules trop anciennes se
sclérosaient alors que les structures instrumentales, nées du siècle de la raison,
étaient en plein essor. La disparition du
castrat, entraînant la mort du bel canto,
art de plaisir fût-ce au sens fort du mot,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
723
conduira au drame romantique à forte
implantation instrumentale, et le thème
antique cédera définitivement au thème
historique, conçu non plus comme prétexte anecdotique, mais comme fait politique, exaltant des héros d’un type nouveau. La comédie sentimentale, le drame
« héroïque », ou buffa, et l’opéra-comique,
tributaires de l’ère de la sensibilité, s’effaceront devant la tragédie, ou bien, perdant
leur dignité musicale, céderont à une opérette nationale de qualité. Enfin, la notion
d’école, qui avait jusque-là prévalu, fera
place à un autre héros romantique, le
compositeur, génie solitaire plus que meneur d’hommes.
La France entre deux révolutions.
Un certain opéra-comique d’ancien régime s’y maintiendra jusqu’à la veille de
1830. Mais les frontières se faisant moins
précises entre les genres, c’est sous toutes
les formes et dans tous les pays que la
pièce à sauvetage, devenue libertaire et
romantique, va envahir l’Europe, où on
ne compte plus les Lodoïska, Léonore, Caverne, Porteur d’eau ou Raoul de Créqui.
Toutefois, avant que le thème médiéval
ne s’impose seul, le Consulat et l’Empire
avaient suscité quelques oeuvres inspirées
par la Gaule ou la Rome impériale. En
France, où les Italiens s’étaient implantés avant même la Révolution, Cherubini
(1760-1842) avait déjà su épouser la manière française, s’illustrant d’abord dans
le genre « héroïque », puis dans le mythe :
plus encore qu’Elisa (1794), Médée (1797)
est romantique, par ses structures plus ouvertes, par son écriture vocale et chorale,
par la justification même du geste meurtrier de l’héroïne ; avec les Abencérages
(1813), Cherubini consacrait plutôt le fait
historique, dans une tradition gluckiste
enrichie, puis il abandonnait la scène lyrique. Auprès de lui, les meilleurs artisans
de cet opéra français avaient été Étienne
Méhul (1763-1817) et Jean-François Lesueur (1760-1837), grands inspirateurs
de Berlioz ; le premier avec Stratonice
(1792), le Jeune Henry (1797) [d’une écriture modale très prophétique], l’Irato et
surtout Uthal (1806), Joseph (1807), puissants drames avec choeur et orchestre ; le
second avec Ossian ou les Bardes (1804),
largement déclamé, fourmillant de trouvailles instrumentales.
Mais Gasparo Spontini (1774-1851)
avait porté plus haut ces ambitions, offrant avec la Vestale (1807) le prototype de
la tragédie lyrique : au chant, très italien,
se mêlent une harmonie audacieuse et une
orchestration très présente, riche et diversifiée ; ses structures totalement ouvertes,
héritées de l’OEdipe à Colone de Sacchini,
abolissent toute fragmentation au cours
d’un acte, et sont encore autant d’éléments
dont se nourriront Berlioz et Wagner. On
peut tenir pour négligeable l’apport de
Rodolphe Kreutzer (1766-1831) - dont la
Mort d’Abel (1810) enflamma pourtant un
instant Berlioz - et celui de Jadin, Gardel,
Miller, Candeille, Lefebvre, Porta, Kalkbrenner et même de Steibelt, Winter et
Gyrowetz. Paris sut encore attirer Paisiello
(Proserpine, 1803) et Ferdinando Paër
(1771-1839), qui souscrivit au style Empire
(Numa Pompilio, Cleopatra, 1810) et qui
prit la direction du Théâtre-Italien. Désormais consacré aux oeuvres étrangères,
ce théâtre devint le pôle le plus actif de la
capitale - l’Opéra semblant somnoler - au
début de la Restauration jusqu’à l’arrivée
de Rossini et d’Auber.
L’interrègne italien. Stendhal a juste-
ment baptisé ainsi cet apparent no man’s
land situé entre la mort de Mozart et le
retrait de Cimarosa et Paisiello, d’une
part, et l’avènement de Rossini en 1810,
de l’autre. Quinze années qui voient ses
meilleurs musiciens quitter l’Italie. Les
quelques compositeurs restés fidèles à la
péninsule, réduits aux yeux des historiens
au rôle de « précurseurs de Rossini »,
furent en outre éclipsés par une sorte de
quarteron cosmopolite, Cherubini, Spontini, Paër et Mayr, qui se partagèrent,
excepté Mayr, entre l’Italie, la France et
l’Allemagne. Paër donna le meilleur de
son talent à Vienne (Camilla, 1799), à
Dresde, où sa Leonora (1804) apparaît
comme un trait d’union entre Mozart et
Beethoven, et revint créer Agnese di FitzHenry en 1809 à Parme ; son Maître de
chapelle (Paris, 1821) n’ajouta plus rien à
son talent. En revanche, c’est l’Italie qui
retint le Bavarois Mayr (1763-1845), qui y
surclassa tous ses rivaux. Pédagogue, musicologue, découvreur de talents (il révéla
le poète Romani en 1813), il reprit à son
compte les apports de Traetta et de Salieri
dans une langue qui évoquait Mozart et
Beethoven, et il esquissa certaines formules auxquelles Rossini appliquera son
génie : l’ouverture de forme sonate, le récitatif accompagné vocalisé, l’imbrication
du récit et de l’aria, etc. Moins fait pour le
semiseria que pour le drame, Mayr révéla
son talent avec des sujets de type médiéval (Ginevra di Scozia, 1801 ; Adelasia ed
Aleramo, 1806 ; La Rosa rossa e la Rosa
bianca, 1813), et son nom reste attaché à
sa Medea in Corinto (Naples, 1813), qui
éclipsa longtemps l’opéra de Cherubini.
C’est seulement dans l’ombre de Mayr
que survivent aujourd’hui les noms des
très prolixes Tritto (1733-1824), pédagogue renommé à Naples, Trento (17611833), Portogallo (1762-1830), Nicolini
(1762-1842), Nasolini (1768-1806 ou 1816),
Farinelli (1769-1836), Orlandi (17771848), des Autrichiens Winter (17541825) et Weigl (1766-1846), que dominent
toutefois quelques personnalités plus
accusées : Guglielmi junior (1763 ?-1817),
Giuseppe Mosca (1772-1839) et son frère
Luigi (1775-1824), Valentino Fioravanti
(1764-1837). C’est un rôle important, mais
plutôt négatif que joua Nicola Zingarelli
(1752-1837), qui eut la haute main sur
l’enseignement à Naples, entendant faire
respecter les principes d’avant 1760 : estimant que « Mozart aurait pu bien faire s’il
avait persévéré dans l’étude », il se dressa
plus tard contre les innovations de Rossini. On décèle déjà certaines de ces innovations chez Stefano Pavesi (1779-1850),
dont l’écriture vocale est plus humaine,
plus moderne ; chez Carlo Coccia (17821873) et Pietro Generali (1783-1832), qui
revendiquèrent puérilement « l’invention » du crescendo, ce qui ne doit pas
masquer leur talent réel ; et chez Francesco Morlacchi (1784-1841), qui eut la
sagesse d’abandonner la place et s’en alla
mettre sa veine assez riche au service de
l’Opéra italien de Dresde. Enfin, Nicola
Manfroce (1791-1813), disparu prématurément, avait démontré dans Ecuba (1812)
un génie comparable à celui de Rossini sur
le plan de l’écriture vocale et orchestrale.
La place de Rossini. Jamais aucun créateur n’aura pesé autant sur l’évolution de
l’opéra. Il en reçoit l’héritage des mains de
Cimarosa, et, en moins de vingt années,
l’amène aux portes du drame historique
romantique. Or, la critique romantique
tardive n’a trop longtemps vu en lui qu’un
excellent auteur d’opere buffe, sans prendre
garde qu’il se détourna à moins de vingtcinq ans d’un genre qui ne représente que
moins du quart de son oeuvre. Pur Italien,
formé à la dure discipline instrumentale, il
écouta, à la différence de ses compatriotes,
la leçon venue du Nord et se nourrit de
Haydn et de Beethoven, mais surtout de
Mozart, alors réputé injouable en Italie.
Il fit siennes les meilleures trouvailles de
ses « prédécesseurs », les incorporant en
un tout cohérent, mais il fut accusé, en
son temps, d’écrire une musique trop
audacieuse, trop bruyante, et de sacrifier
le chant à l’instrument. Fidèle à la pensée
de Winckelmann sur la virginité de l’art,
il affirma que « la musique ne peut rien
exprimer d’autre qu’elle-même », et fut,
pour cela, rejeté par les romantiques qu’il
avait pourtant annoncés, et seulement réhabilité à l’époque de Stravinski (cf. dans
la Poétique musicale).
Comme Mozart, Rossini donna des solutions musicales aux problèmes soulevés
par le livret, refusa une union du verbe et
du son fondée sur le mot à mot, et, réaffirmant la vieille théorie des affetti (l’aria
exprimant un sentiment, dont seul le texte
suggère la signification), il put, l’un des
derniers après Bach, Haendel, Gluck ou
Mozart, transposer une même phrase
musicale d’une situation à une autre,
qu’elle fût comique ou sérieuse. Témoin
de son époque, Rossini avalise dès 1810
la mort du vieil opera buffa. Dans cette
forme, il donne désormais la thématique
à l’orchestre qu’il traite avec humour et
tendresse, reléguant le chant des persondownloadModeText.vue.download 730 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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nages buffo à une sorte de parlando rythmique, et il donne au couple amoureux
une effusion purement lyrique, détachée
de tout contexte comique. En 1813, l’Italienne à Alger conclut en feu d’artifice
l’histoire de l’opera buffa et la vis comica
de l’auteur s’abritera désormais derrière la
satire (le Turc en Italie), ou la comédie sentimentale (le Barbier de Séville, Cendrillon),
où les caractères comiques et pathétiques sont nettement définis. Dès 1813,
aussi, avec Tancrède, d’après Voltaire, il
avait confirmé son désir d’émanciper le
dramma seria : il en enrichira progressivement l’harmonie (Otello, 1816), élargira considérablement son orchestre (Ermione), ses choeurs (Mosè), et assouplira
l’ancien schéma mozartien (récit-aria-cabaletta) par de fréquentes imbrications
entre les divers types de récit (récit simple
ou largement vocalisé, secco ou dialogué
avec l’orchestre), le choeur, et l’aria dont il
rajeunit aussi la formule du da capo, dans
une rigoureuse unité musicale, tonale et
souvent thématique.
De même, Rossini juxtapose des structures fermées, mais très variées, et de
vastes architectures « ouvertes » dans lesquelles il insère parfois de brefs arias ou
duos (ainsi que de fréquents ensembles
a capella) exprimant l’affetto. Alors que
Mozart avait insufflé une grandeur tragique à la formule du buffa, c’est au seria
que Rossini donne toute la richesse et la
liberté des structures de l’opera buffa,
avec ses ensembles et finales concertants,
audace qui eût été impensable dix ans plus
tôt. Agissant également sur le matériau,
il utilise une instrumentation souvent
insolite et redistribue les emplois, dans
un chant où l’expression ne néglige pas
une très riche ornementation qu’il fixe en
grande partie lui-même ou qu’il modifie
pour mieux l’assortir aux qualités de ses
interprètes successifs. Embrassant tous
les types de sujet - antique, médiéval, religieux, historique, fantastique, shakespea-
rien et même romantique (La Donna del
Lago, d’après W. Scott), Rossini demeure
indifférent au vers, mais s’attache à la
construction du livret : l’opéra devient un
drame en 2 actes, dont l’action atteint son
maximum de complexité dans le finale
du premier acte, qui rassemble tous les
participants, puis se dénoue en laissant la
conclusion (où, plus d’une fois, il essaya
d’imposer à un public réticent la fin tragique nécessaire), soit à l’héroïne, soit
même à l’orchestre seul.
Fixé en France en 1825, Rossini s’adapta
au genre glucko-spontinien, puis instaura,
avec Guillaume Tell (1829), d’après Schiller, un nouveau type d’opéra français,
drame politique, romantique, orchestral
et choral plus que virtuose, peu adapté à
sa nature profonde, mais dont la formule
allait, avec plus ou moins de bonheur, être
reprise par plusieurs générations. Enfin,
ayant agi sur le chant avec la même détermination que Beethoven sur la technique
du piano, il avait, au contraire de Gluck,
Wagner et Debussy, dont les a priori ne
convinrent qu’à eux-mêmes, posé les
bases d’un langage et de structures parfaitement viables, mais dont la leçon allait
être balayée par le vent de la grande tourmente romantique.
Naissance de l’opéra allemand. Le
vieux rêve de Mozart s’était réalisé après
sa mort, avec le succès de sa Flûte enchantée, succès qui découragea toute imitation,
à l’heure précisément où les souverains,
effrayés par la Révolution française, soutenaient plus que jamais un opéra hédonistique, et alors que les plus grands compositeurs allemands accordaient tous leurs
soins aux formes instrumentales et au
lied. Wranitzky, Weigl et Winter plièrent
donc le singspiel à la colorature belcantiste, ainsi que Beethoven dans sa malheureuse version initiale de Fidelio (1805),
opéra dont il fit en 1814 un autre chefd’oeuvre, l’ayant profondément remanié,
mais où, tirant l’anecdote vers le mythe,
il n’imposa pas pour autant de formule
nouvelle. C’est également au singspiel que
souscrivirent Weber (1786-1826) dans ses
premières années, ainsi que Schubert : ses
12 opéras écrits de 1813 à 1823 demeurent
étrangers à l’esprit du Sturm und Drang,
dont ses lieder furent à la fois la plus haute
expression et l’idée dont devait surgir le
drame wagnérien. Meyerbeer (1791-1864),
élève comme eux de Salieri, abandonna
vite la langue allemande (la Fille de Jephté,
et Abimelech, 1813) pour l’opéra italien ;
on ne trouve ni romantisme ni nationalisme chez E. T. A. Hoffmann, qui mit en
musique, non ses propres Contes, mais
Goethe (Scherz, List und Rache, 18011802, perdu) et surtout La Motte Fouqué
(Undine, 1816), non plus que chez le violoniste Ludwig Spohr (1784-1859), qui
demeura un classique dans der Zweikampf
mit der Geliebten (1811), Faust (1816), et
même dans Jessonda (1823), un drame de
plus larges proportions.
En revanche, avec son Freischütz (1821),
Weber avait mieux saisi l’essence d’un véritable « folklore » spirituel national, grâce
aux choeurs et danses populaires, aux couplets de singspiel qui s’y mêlent à l’aria tripartite à coloratures et au « diabolisme »
facile de quelques scènes, tandis qu’il peut
justifier son sous-titre d’opéra romantique
par l’utilisation parfaitement inouïe de
l’orchestre, dans la scène magique de la
Gorge aux loups. Son Euryanthe (1823) apprivoisa à la langue allemande un type de
grand opéra de forte implantation francoitalienne, et Oberon (écrit primitivement
en anglais) offrit, en 1826, un excellent
retour à un singspiel mêlé de féerie, où
la colorature voisinait au mieux avec un
orchestre aux fins descriptives étonnantes.
C’est d’un singspiel beaucoup plus simple
que se réclament les opéras d’extrême jeunesse de Mendelssohn (1809-1847), avant
l’apparition de cet « opéra-biedermeyer »,
sorte de singspiel colossal et bourgeois
qu’illustrèrent K. Kreutzer, Lortzing et
Flotow (v. infra). Une étape décisive vers
le véritable opéra romantique fut franchie
par Spontini, qui, fixé à Berlin, puisa
dans le fonds nationaliste avec Agnes von
Hohenstaufen (1829 et 1837), et atteignit,
par l’épaisseur et la durée de l’oeuvre, à la
dimension du « grand opéra », puis par
Heinrich Marschner (1795-1861), qui allia
le populaire à l’historique dans Henri IV
et d’Aubigné, d’après Kleist (1820), dans
le Templier et la Juive (1829), dans Hans
Heiling (1833), et qui approcha le fantastique dans son chef-d’oeuvre, le Vampire
(1828), autre trait d’union entre Weber
et Wagner.
LES GÉNÉRATIONS DE 1830.
De 1825 à 1829, Boieldieu avait posé la
plume, Weber, Beethoven et Schubert disparaissaient, et Rossini se retirait l’année
même où, à Londres, un castrat parut encore sur scène. En 1830 Paris assiste soudain à la bataille d’Hernani, à la révolution
de Juillet, et à la création de la Symphonie
fantastique d’Hector Berlioz. La littérature
russe naît, réaliste avant l’heure, les nationalismes s’embrasent, et le piano moderne transpose les fureurs orchestrales
de Berlioz, tandis que Duprez lance son
« ut de poitrine », que le violon de Paganini acquiert une dimension de fantastique, et que la danse sur pointes suggère,
au théâtre, un nouvel irréel. On conteste
dès lors aux chanteurs une virtuosité
« gratuite » qu’on acclame sans réserve
chez pianistes et violonistes. Une génération s’éveille dans un monde nouveau,
et Chopin, Schumann et Liszt, qui s’apprêtent à bouleverser les lois de l’écriture,
ont juste vingt ans, comme, à peu d’années
près, Berlioz, Bellini, puis Verdi, Wagner
et Dargomyjski, nés en 1813, ainsi que
Kierkegaard, Büchner et Claude Bernard. L’esthétique du spectaculaire s’impose à nouveau en France, et, à Paris en
1831, c’est sa mise en scène qui assure le
triomphe de Robert le Diable de Meyerbeer - plus diabolique que fantastique alors que l’ancien rapport entre le chant et
l’orchestre tend à s’inverser, les émules de
Duprez devant, en outre, compter avec un
nombre croissant d’instruments. Avec son
éthique, l’esthétique de l’opéra se modifie,
dans la conception de ses structures (où
l’acte continu se substitue peu à peu à la
formule du pezzo chiuso) ; dans son langage où la théorie des affetti s’effacera peu
à peu devant une illustration musicale de
l’action épousant le mot à mot du texte ;
enfin, dans son genre même qui impose de
nouvelles lois au livret.
Alors que l’Europe entière achève de
découvrir Shakespeare, les romantismes
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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les plus divers s’entrechoquent : Scott et
Byron, Schiller et Goethe - pour qui la
Grèce n’est plus celle de Winckelmann,
mais celle de la révolte de l’Homme contre
les dieux et la nature -, Lamartine et Leopardi, Hugo enfin, plus accessible à la
masse, qui crée l’image du héros romantique, damné de la terre, banni et proscrit par une société injuste ; au lieto fine
métastasien succédera la mort violente ou
cathartique du héros pur ou de l’héroïne
virginale. Le thème historique sera définitivement engagé dans une historicité
de type hégélien, et la déraison - ou, à un
niveau plus élevé, la négation schopenhauerienne du vouloir-vivre - imposera à
ces thèmes nouveaux une langue nouvelle,
où le mot sera sonorité autant que véhicule d’idée. Au néoclassicisme sublimé du
poète Romani succédera la langue échevelée du livret de cape et d’épée de Cammarano, et aux grâces de Pixérécourt l’octosyllabe héroïque et ampoulé de Scribe,
cependant que Wagner rédigera lui-même
des poèmes d’opéra d’une langue hermétique, où le verbe est incantation plus que
facteur d’action. Enfin naîtra la notion de
répertoire : Mozart, Gluck et Rossini ne
quitteront plus l’affiche, et, en 1832, Fétis
fait jouer l’Orfeo de Monteverdi, première
en date de toutes les « exhumations » à
venir ; et cet aspect d’un conservatisme
louable tendra à éloigner peu à peu certains publics du créateur, lui aussi héros
et titan : en 1835, on compte encore plus
de 100 créations lyriques, mais, en 1860,
ce chiffre tombera à moins de 30. Dans
cette époque aux nationalismes exacerbés, chaque pays devait apporter sa ou ses
solutions propres.
L’Italie aux temps romantiques. Malgré tout leur talent, on peut tenir pour
nul le rôle joué par les épigones de Rossini : Carafa (1787-1872), qui vécut dans
son ombre, Michele Costa (1808-1884),
fixé en Angleterre, l’excellent Carlo Coccia (1782-1873), déjà nommé, qui chercha
à se renouveler, et même Nicola Vaccai
(1790-1848), dont la Giulietta e Romeo
(1825) rivalisa longtemps avec les Capuleti
e Montecchi de Bellini. Plus original, un
autre intime de Rossini, Giovanni Pacini
(1796-1867), usa d’un langage assez neuf,
mais s’en tint à des thèmes passés de mode
(la Vestale, 1823 ; Saffo, 1840 ; Médée,
1843), tandis que Saverio Mercadante
(1795-1870) marquait d’une personnalité
plus forte ses sujets, mieux adaptés aux
temps nouveaux : Il Giuramento (1837),
d’après Hugo, Il Bravo (1839), qui exploite
le thème du proscrit, Il Reggente (1843)
annoncent plus nettement Verdi que les
oeuvres d’un romantisme plus aristocratique de Bellini (1801-1835) et de Donizetti (1797-1848).
Ces deux musiciens avaient, avant
même 1830, compris quel langage il fallait
désormais prêter à ces héros poursuivis
par une inexorable fatalité : Bellini, disparu en 1835 sans avoir donné sa pleine
mesure, sut réaliser un équilibre idéal
entre le monde de la poésie désespérée
de Leopardi et l’univers sonore de Chopin. Romantique de vocation, original dès
la première note, il opta naturellement
pour l’architecture continue de l’acte et
chercha un type de chant incantatoire
(Norma et Sonnambula, en 1831), incantation renforcée par l’usage du leitmotiv
et dont l’entière liberté rythmique rappelait l’antique sprezzatura de Caccini et
de Monteverdi, et qui influença Chopin.
Décantant avec grand soin son harmonie,
Bellini confia à ce chant, plus tendu vers
l’aigu que celui de Rossini, l’essentiel du
message affectif. Et cette osmose entre le
vocal et le contenu dramatique lui permit
de tracer des portraits terriblement humanisés de ses héroïnes languides ou vengeresses, de ses héros, consumés, comme lui,
par le mal du siècle, témoins ceux des Puritains (1835), un chef-d’oeuvre « lunaire »
avec scène de déraison, malheureusement
compromis par un banal dénouement
heureux. Excepté ce dernier cas, Bellini
avait marié son chant au vers noble du
poète Felice Romani (1788-1865), lié à
l’esthétique néoclassique italienne.
Mais, cette même année 1835, Donizetti, qui avait, jusque-là, collaboré avec
lui, se détourna de cette théorie du sublime, et, en écrivant Lucia di Lammermoor, d’après Walter Scott, souscrivait à
l’esthétique du nouveau livret, dont Cammarano (1801-1852) donnait là l’archétype
absolu, avec le « rêve clef », avec amours
impossibles, scènes de folie et morts violentes. Il avait longtemps subi l’influence
de Rossini, jusque dans l’Élixir d’amour
(1832), dernier chef-d’oeuvre du semiseria, et souvent démarqué Bellini, comme
dans Anna Bolena (1830) ; ayant dégagé
une personnalité plus marquée avec
Lucrèce Borgia, d’après Hugo (1833), il
réussit à assurer ce difficile équilibre entre
l’ancien bel canto et un type de chant plus
immédiat, délimitant mieux les caractères,
instituant une sorte de manichéisme élémentaire des schémas vocaux dans cet
antagonisme entre un ténor, incarnation
du bien, et un baryton « vilain « ; antagonisme auquel souscrira l’opéra européen
du XIXe siècle. Mais, à l’heure ou Donizetti
tentait avec Don Pasquale (1843) l’impossible résurrection du vieil opera buffa, il
appartenait déjà à la puissante personnalité de Verdi d’opposer, en plein Risorgimento, une violence toute plébéienne à
l’art aristocratique de ses prédécesseurs.
Éclipsant sans peine les Rastrelli, Marliani, Gordigiani, Lauro Rossi, Persiani,
Coppola, Saldari, Nini, Speranza, Buzzi,
Cagnoni, Foroni, Raimondi, etc., pourvoyeurs habituels des scènes italiennes,
Verdi s’attache plus aux « situations
fortes » qu’à la qualité du vers, traite la
voix sans ménagement, truffe ses drames
historiques d’allusions à peine voilées à
la lutte contre l’Autriche (Nabucco, 1842 ;
Attila, 1846), se réclame de Hugo (Ernani,
Rigoletto), de Schiller (I Masnadieri, Luisa
Miller, plus tard Don Carlos en 1867),
et, dès 1847, de Shakespeare (Macbeth).
Moins soucieux de structures que d’efficacité, il se contente d’enchaîner habilement
les scènes et les airs, mais asservit la forme
à chaque situation particulière. À partir
de 1850, il délaisse le politique pour le social, ou l’humain (Rigoletto en 1851, Traviata en 1853), et s’attache à de nouveaux
thèmes, ceux de l’amitié ou de la solitude
du pouvoir, notamment avec Simon Boccanegra, Un bal masqué (1859), puis Don
Carlos, 3 opéras qui témoignent aussi de
recherches nouvelles sur le plan de l’écriture, et contiennent de grands ensembles
vocaux d’une profonde efficacité psychologique, dans un théâtre où le chant
n’est plus la raison d’être du drame. Sentant la situation lui échapper, il triomphe
aisément de ses jeunes rivaux avec Aida
(1871), où la trame fait la place belle au
spectaculaire et au chant, puis, presque
octogénaire, il renouera avec Shakespeare,
à l’aide des livrets plus élaborés mais
moins fonctionnels de Boito, ce transfuge
de la jeune scapigliatura : Otello (1887),
un drame lyrique, et Falstaff (1893), une
comédie ironique, ne seront plus que des
chefs-d’oeuvre hautainement solitaires,
inscrits hors des aspirations des classes
nouvelles. Cette glorieuse suprématie
exercée pendant un demi-siècle avait, de
ce fait, rejeté dans l’ombre le comique de
qualité de Crispino e la comare (1850) de
Federico et Luigi Ricci, et quelques talents
plus souples qu’originaux : ceux d’Errico
Petrella (1813-1877), auteur de Jone (1858)
et des Promessi sposi (1869), d’après Manzoni, et de Filippo Marchetti (1831-1902),
dont le triomphe de Ruy Blas (1869)
demeura sans lendemain. Plus tard seulement, le véritable « après-Verdi » sera
amorcé par Boito, Ponchielli et Catalani,
avant l’éclosion du vérisme musical.
L’Allemagne. Un divorce s’accentue
bientôt entre un art moribond entretenu
dans les cours, et celui, trop difficile, de
Wagner. La parenté avec l’opéra-comique
français est indéniable chez Konradin
Kreutzer (1780-1849), auteur du Veilleur
de nuit de Grenade (1834), une solide
« opérette » bourgeoise, et chez Friedrich
von Flotow (1812-1883), qui, formé à
Paris, s’essaie à l’opéra romantique (Alessandro Stradella, 1844) et assure son succès dans le monde entier avec l’aimable
et habile Martha (1847) ; l’influence de
Mendelssohn est notable, d’autre part,
chez Albert Lortzing (1801-1851), auteur
fécond et inspiré de Tzar et Charpentier
(1837), l’Armurier, et de Undine (1845),
où il aborde le fantastique, et plus encore
chez Otto Nicolaï (1810-1849), auteur des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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brillantes Joyeuses Commères de Windsor
(1849). Après 1850, c’est l’influence de
Liszt et de Wagner qui se fera aussi sentir
chez Peter Cornelius (1824-1874), dont le
Barbier de Bagdad (1858) fit scandale à sa
création, puis celle de Brahms chez Max
Bruch.
Pourtant, auprès de ces professionnels
de l’opéra-biedermeyer, on ne peut que
mentionner l’effort isolé de Schumann. Sa
Genoveva (1850) manque d’une rigueur
dramatique qui fût à la hauteur de son
inspiration musicale ; elle se situe plutôt
dans la lignée de ses opéras de concert tels
que Faust, ou le Paradis et la Peri, chefsd’oeuvre appartenant plus à la musique
« pure ». Wagner (1813-1883), lui, possédait à fond ce professionnalisme : aussitôt
joué, adulé ou haï, il rédige ses propres
livrets, dès ses opéras de jeunesse inspirés
par Auber, Weber, Spontini, puis Meyerbeer. Malgré le triomphe de Rienzi (1842)
écrit dans le style de ce dernier, il renonce,
comme Mozart après Idoménée, au succès facile, fondé sur des structures périmées, et préfère suivre une voie différente
en donnant, par son oeuvre, une réponse
aux problèmes métaphysiques de l’heure.
Dès 1843, le Vaisseau fantôme refuse toute
concession à l’anecdote et fait du surna-
turel la substance même d’un langage où
l’orchestre est le protagoniste absolu, ne
concédant aux chanteurs - symboles plus
que personnages d’opéra - que des airs et
ariosos parfaitement intégrés à la continuité du discours musical, dont le leitmotiv est à la fois la clef et un signal incantatoire. En outre, comme Mozart, Wagner
se présente sous les traits du héros - ici, le
Hollandais en quête de rédemption - portant à la dimension du mythe l’héritage de
la vieille pièce à sauvetage.
Mesurant l’échec de conceptions aussi
hardies, Wagner plaquera ce surnaturel
sur un fonds historique (et nationaliste)
dans Tannhäuser (1845) et Lohengrin (créé
en 1850), retournant au découpage en airs,
scènes et cortèges, et laissant ainsi l’auditeur mieux satisfait et libre de s’intéresser
ou non au message rédempteur. Et c’est
parce qu’il n’en escompte même pas la représentation scénique qu’il peut se livrer à
la pure spéculation philosophique de Tristan et Isolde (créé en 1865), dont le thème
même (l’essence profonde de l’amour,
plus que la contingence sociale, le rend
irréalisable) engendre un langage particulier aux modulations infinies, au discours
sans solution de continuité, où le leitmotiv
est plus explicite que le mot, simple prétexte à une effusion lyrique incantatoire,
une solution quasi idéale au problème de
l’androgynie originelle du verbe et du son.
Wagner, qui n’avait pas cherché à créer un
système, mais avait usé du seul langage qui
convînt ici, retrouve néanmoins quelquesuns de ces postulats en composant les 4
longs drames qui constituent l’Anneau du
Nibelung (1849-1874, créé en 1876), épopée et critique sociale, où la mythologie,
redevenue mythe, ne sert que de toile de
fond à une remise en question de l’humanité, sauvée de la volonté de puissance par
le geste rédempteur de « l’héroïne ».
En outre, Wotan, le dieu des dieux,
c’est encore Wagner lui-même, qui, en se
peignant sous les traits d’un « voyageur »,
souligne par là cette affinité profonde avec
Schubert, dont le lied, par ses thèmes mais
aussi par sa technique, avait été la source
véritable de son inspiration. Le piano, qui,
avec Schubert, était acteur et témoin du
drame, est ici porté à la dimension d’un
orchestre multiforme, reflet du cosmos,
pour cela écartelé de l’extrême grave à
l’extrême aigu, et fonction incantatoire
permanente. Reprenant instinctivement
les options de Rameau, Wagner insère
dans ce discours apparemment continu de
véritables monologues d’action ou de réflexion, mêle récit et aria dans la formule
presque unique de l’arioso, mais, par ailleurs, se prive des ensembles vocaux, raison d’être de l’opéra, à moins de n’en faire
que des éléments du « décor » orchestral
(cf. les Filles du Rhin). Sa colossale comédie pangermaniste les Maîtres chanteurs,
puis l’ultime message de Parsifal (1882)
n’apportaient désormais plus de renouvellement au langage de l’opéra, qui avait
déjà pris d’autres directions. Mais, au-delà
d’un possible « système », maintes fois
dénoncé et maladroitement imité par des
cohortes de médiocres, l’oeuvre demeure
davantage par sa remise en question de
l’éthique même de l’opéra, et plus encore
par l’originalité du langage musical, qui,
sur le plan de l’écriture, avait définitivement rendu caduc tout retour au passé.
La France. Réservé à l’aristocratie et
à la grande bourgeoisie, l’opéra ne peut
alors s’y prêter à la revendication politique, viser au sacral, ni appeler au même
consensus populaire que Verdi et Wagner.
En outre, le Français, méfiant envers la fiction opéristique, fermé au surnaturel et
peu soucieux d’exploiter son propre fonds
merveilleux, ne désire ni surhomme, ni
héros, mais un théâtre accessible, où
Faust soit un homme de 1859. Le Paris de
1830, s’il attire les artistes du monde entier, n’est plus un foyer de création, mais
un gigantesque lieu de consommation,
où l’on célèbre le grand opéra, l’opéracomique, l’opéra bouffe, l’opéra italien,
l’opérette, la musique symphonique et la
musique de chambre, chacun en un lieu
bien précis, et pour des publics réservés, quasi incompatibles - une situation
presque inchangée de nos jours. Et c’est
pourquoi les meilleurs musiciens du règne
de Louis-Philippe ne tentèrent pas l’aventure lyrique - Boëly et Alkan -, s’y frottèrent à peine, ou en vain, comme Onslow
et Berlioz. Le clivage de principe se poursuivra jusqu’à l’absurde entre opéra et
opéra-comique, lorsque cette dernière
forme aura renoncé aux dialogues parlés
et repris à son compte la véritable tragédie
humaine.
Plus tard, comme Carmen (1875), c’est
à son public et non à celui, hautainement
traditionnel, de l’Opéra que seront offerts
Werther puis Pelléas et Mélisande. Car,
avec sa formule, l’opéra-comique avait
servi les audaces des encyclopédistes,
celles de Méhul et de Cherubini ; plus tard,
de véritables novateurs comme Gounod et
Bizet s’en accommoderont, et, plus encore,
Offenbach dont l’oeuvre parodique, mais
d’une exceptionnelle qualité théâtrale et
musicale, triomphera sans peine des productions rétrogrades de l’opéra officiel. Le
vieil individualisme français condamnera
aussi bientôt la spécialisation du compositeur, telle qu’elle avait été pratiquée de
tout temps. Sans lien d’école, l’opéra français sera alors défendu soit par quelques
fidèles au talent trop modeste, soit par les
plus grands compositeurs, mais qui ne lui
accorderont qu’une parcelle de leur talent,
sans se pencher sur ses problèmes spécifiques. Aussi bien le panorama qui suit ne
peut-il que tenter d’ordonner quelques
tendances, sans s’attarder sur la personnalité de chaque auteur.
L’OPÉRA-COMIQUE.
Le meilleur des successeurs de Boieldieu,
Louis Ferdinand Hérold (1791-1833), admiré par Schubert, disparaît jeune à l’aube
du règne de Louis-Philippe ; la place sera
dominée pendant un demi-siècle par D.
F. E. Auber (1782-1871), qui, après le succès du Maçon (1825), tenta de se démarquer de l’influence italienne, notamment
avec Fra Diavolo (1830) ; collaborateur
attitré de Scribe, il sut soigner son écriture
vocale, approfondit les structures de ses
opéras-comiques (que rien ne distingue
de ses opéras), mais demeura indifférent
à toute évolution de l’harmonie. Adolphe
Adam (1803-1856) fut plus sensible à un
discret romantisme, de même que le très
traditionnel Ambroise Thomas (18111896), successeur d’Auber à la direction
du Conservatoire en 1871, et, qui, malgré
sa prolixité, attendit longtemps le succès que lui apportèrent le Caïd (1849) et
surtout l’anachronique Mignon (1866).
Et, s’il faut mentionner le talent original
d’Hippolyte Monpou (1804-1841), les
oeuvres françaises de l’Anglais Balfe, de
l’Allemand Flotow et de l’Italien Donizetti
(la Fille du régiment, 1840), on peut dire
que la pauvreté musicale de leurs rivaux
et successeurs explique qu’une opérette
de qualité, l’opéra bouffe d’Offenbach, et
les oeuvres plus audacieuses qu’accueillera
Carvalho sur la scène du Théâtre-Lyrique
aient pris le relais d’un genre moribond
qu’entretinrent A. L. Clapisson (18081866), Albert Grisar (1808-1869), François
Bazin (1816-1878), Louis Aimé Maillart
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727
(1817-1871), Victor Massé (1822-1884),
Ferdinand Poise (1828-1892), Fr. A. Gevaert (1828-1908) jusqu’à Benjamin Godard (1849-1895), qui, à la veille de l’éclosion naturaliste, pouvait encore écrire un
Jocelyn (1888), dont la musique semble se
référer à l’époque du poème de Lamartine.
L’OPÉRA.
En raison de leur trop faible audience, les
chefs-d’oeuvre de Berlioz (1803-1869) demeurèrent en marge de toute évolution :
c’est essentiellement sa difficulté d’exécution qui fit échouer Benvenuto Cellini
(1838), qui sublimait sans peine le genre,
et c’est au public de concert que le musicien préféra offrir sa Damnation de Faust
(1846), seule authentique expression du
romantisme musical français, dont les
maladresses de l’écriture vocale comptent
moins que la richesse de l’orchestration
et du poème, dû également à Berlioz. Les
Troyens (composés en 1856-1858) - qui
ne furent même pas joués alors intégralement, malgré un lyrisme bouleversant ne constituaient plus qu’un hommage
superbe au néoclassicisme de type gluckospontinien, en dehors des courants nouveaux. Quant au « grand opéra », il apparaît surtout comme un domaine réservé
au spectaculaire, à la danse, et aux livrets
d’Eugène Scribe (1791-1861), dramaturge
habile à brosser de grands tableaux et des
situations fortes à l’aide d’alexandrins et
d’octosyllabes sonnant admirablement,
malgré leur syntaxe souvent défectueuse :
on a surnommé « opéra Franconi » (du
nom du fameux directeur de cirque) ce
genre pompeux, pour lequel les Auber et
Adam n’avaient guère les épaules assez
larges, mais auquel satisfirent les productions de Meyerbeer, savamment écrites
pour la voix, bien orchestrées : élagués
d’inutiles effets extérieurs, les Huguenots
(1836) et le Prophète (1849) sont beaucoup
mieux que des témoignages d’époque,
cependant que l’Africaine (1865, posth.)
démontrait une grande capacité de renouvellement.
Meilleur musicien, J. F. Halévy (1799-
1862), le maître de Bizet, laissa, avec la
Juive (1835), le chef-d’oeuvre de ce genre
auquel souscrivirent encore Donizetti
(la Favorite, 1840 ; Dom Sebastien de
Portugal, 1843, etc.) et Verdi (les Vêpres
siciliennes, 1855), mais aussi Louis Niedermeyer (1802-1861) et Félicien David
(1810-1876), égarés dans un monde peu
accordé à leur nature sensible, et plus tard
Gounod, Saint-Saëns et Massenet, qui ne
livreront pas là non plus le meilleur d’euxmêmes. La formule survécut davantage
avec A. Thomas, dont Hamlet (1868) offre
un effort de renouvellement, puis avec les
obscurs Auguste Mermet (1810-1889),
auteur de Roland à Roncevaux (1864) et
Labarre, Duprato, Joncières, Eugène Diaz,
Paladilhe (Patrie, 1887), mais surtout avec
Ernest Reyer (1823-1909), qui, dans Sigurd
et Salammbô, sut encore, au-delà de 1870,
combiner avec talent l’héritage de Berlioz
et de Meyerbeer.
LE RENOUVEAU ET L’OPÉRA LYRIQUE.
Léon Carvalho, après avoir ouvert la salle
du Théâtre-Lyrique aux chefs-d’oeuvre
étrangers du passé, sut y accueillir David
et Berlioz, puis Saint-Saëns, Delibes, Bizet
(v. infra), mais surtout Charles Gounod
(1818-1893). Ayant su écouter la leçon
venue d’Allemagne, cet authentique
musicien avait dérouté les spectateurs
de l’Opéra (Sapho, 1851), mais révéla sur
cette scène une veine intime plus heureuse avec le Médecin malgré lui, Faust
(1859, écrit avec dialogues parlés, et sans
ballet), Mireille (1864) et Roméo et Juliette
(1867), ouvrages dont le chant tout en
demi-teintes, allié au type de livret « petitbourgeois », délimitait parfaitement un
opéra lyrique de demi-caractère, authentiquement français, justement exalté par
Debussy, et dont, après 1870, Massenet
offrira une image rassurante.
L’ÉVEIL DES NATIONALISMES.
En Italie, en Allemagne et même en France,
l’opéra fut, à sa manière, « national ». Mais
les nationalismes qui s’éveillèrent ailleurs,
liés à l’émancipation de nouvelles ethnies,
devaient naturellement être édifiés sur un
folklore épique ou musical, limitant ainsi
une expérience à laquelle seule la Russie
saura donner une portée universelle.
L’Espagne. La tonadilla avait survécu
avec Laserna, Moral et Manuel García
(l’interprète de Rossini), plus tard avec
F. Sors, et Gomis, cependant que J. C. de
Arriaga, mort à vingt ans, donnait à Bilbao
en 1820 des Esclavos felices, qui évoquaient
plutôt Schubert. Dès 1830, le vieux processus du XVIIIe siècle se reproduisit :
on traduisit les opéras italiens, puis des
Italiens vinrent écrire en espagnol, alors
que, au contraire, Tomas Genovès (18061861) donnait el Rapto (1832), puis se
fixait en Italie. Les poèmes de Métastase,
traduits, furent mis en « zarzuelas » par
Baltasar Saldoni (1807-1889), Ramón Carnicer (1789-1855) et Don Hilarion Eslava
y Elizondo (1807-1878), auteur de las
Treguas de Ptolemeida (1842). Ce genre
composite se perpétuera avec Francisco
Gomès, Ignacio Ovejero, puis Cuyas,
Rovira, Gironella, Grassi, Sariols, et Joaquin Espin Guillén (Padilla o el asedio de
Medina, 1845), lorsqu’en 1856 s’ouvrit à
Madrid le Teatro de la zarzuela, réservé
au théâtre espagnol authentique, comique
ou sérieux.
À l’origine, la zarzuela grande était
en fait un opéra en 3 actes, plus proche
de celui d’Auber ou de Donizetti que de
l’ancienne tonadilla, comme en témoigne
Jugar con fuego (1851) de Francisco Asenjo,
dit Barbieri (1823-1894). De même, Emilio
Arrieta (1823-1894) obtint plus de succès en transformant sa Marina en grand
opéra (1871) - ce que Gounod venait de
réaliser avec Faust -, dont le style évoquait plus Verdi que celui des véritables
auteurs nationaux. C’est dans la zarzuela
authentique qu’excella un Joaquin Gaztambide (1822-1870), auquel succédèrent
les auteurs de zarzuelas pequeñas Ruperto, Chapi, Giménez, et Tomas Breton
(1850-1923). Ce dernier écrira même un
opéra de trempe vériste (la Dolorès, 1895),
au moment où Albéniz, Granados et De
Falla s’essayent au contraire à la zarzuela
populaire avant d’élargir leurs horizons.
Face à la toute-puissance de l’opéra italien, il faudra longtemps pour imposer un
véritable opéra national. Felipe Pedrell
(1841-1922), qui fut avec Asenjo-Barbieri
le père de la musicologie espagnole, écrivit en catalan le Dernier Abencérage (1874)
et les Pyrénées (1902), qu’on créa à Barcelone... en italien.
La Pologne. Des vaudevilles y avaient
paru dès le XVIIIe siècle, mais la Misère
rendue heureuse (1778) de Kamiensky
(1734-1821), le Miracle supposé (1794) de
Jan Stefani, les oeuvres de Jan Holland,
puis de Josef Elsner (1769-1854), le maître
de Chopin, se référaient plus au style
galant de Mannheim qu’au fonds national. Celui-ci se dégagera grâce à Stanislas
Moniuszko (1819-1872), qui fit de Halka
(1847) la première oeuvre autochtone
véritable, puis utilisa largement le choeur
dans Hrabina (1860) et dans Straszny
Dwor (1865), sans toutefois faire école.
La Hongrie. Il est aisé de comprendre
qu’un opéra magyar ne pouvait naître
avant longtemps, et, encore au XIXe siècle,
c’est à l’étranger que Liszt, Goldmark,
Heller, Remenyi, Kalmán, Lehar, etc.,
recherchèrent le succès. Parmi les plus
anciennes tentatives nationales on retient,
en 1793, Pikko Herceg et Jutka Perzsi de
Josef Chudy, puis Béla Futása (la Fuite de
Béla) de Ignác Ruzitska en 1822, avant l’affirmation d’une véritable école, née avec
Ferenc Erkel (1810-1893), qui donna Báthory Mária en 1840, et surtout Hunyadi
Laszlo (1844) et Bánk Bán (1861). Grâce à
son action, Mihaly Mosonyi (1815-1870)
put renoncer à écrire en allemand, et tira
de l’épopée nationale Szép Ilon (1861) et
Almos (1862, créé en 1934), où il eut recours au folklore verbunkos et aux choeurs
populaires.
La Tchécoslovaquie. Avant que des
frontières ne puissent aussi y définir une
école, les musiciens originaires de Bohême
avaient déployé une vaste activité autour
de l’école de Mannheim : Benda, Kohut,
Vorišek, Vranicky (devenu Wranitzky à
Vienne), Tomašek écrivirent en allemand,
ou en italien comme Myslivecek (17371781), que sut apprécier Mozart. Si les premiers essais en langue nationale remondownloadModeText.vue.download 734 sur 1085
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taient à 1737, le chemin fut long avant la
traduction en tchèque d’un opéra de cour
viennois (la Famille suisse, de Weigl, en
1823) et l’ouverture de l’Opéra national, en 1826, avec Dráténík de František
Škroup (1801-1862). La langue allemande
y alterna longtemps avec le tchèque, et si
Smetana choisit d’emblée l’épopée nationale (les Brandebourgeois en Bohême,
1866) et s’illustra dans la tragédie comme
dans la comédie (la Fiancée vendue, 1866),
il n’aborda guère plus les problèmes de
la langue que Dvořák, dont Alfred (1870)
fut écrit en allemand, et qui ne changea
en rien son style dans Rousalka (1900) et
Armide (1902), alors que Fibich, Foerster
et déjà Janáček (v. infra) avaient virtuellement résolu la question.
L’opéra russe. À la mort de Fomine, on
se souciait encore peu que l’opéra fût ou
non l’expression profonde de la langue,
mais Boieldieu devait pourtant être, de
1803 à 1811, le dernier hôte étranger qui
l’ignorât. Parmi de nombreux Italiens
venus encore tenter l’aventure, Catterino
Cavos (1776-1840), après avoir abordé
d’une même plume l’opéra-comique
français et l’opérette russe, s’inspira dès
1803 du véritable fonds merveilleux slave,
avec le Prince invisible, Ilya le bogatyr,
l’Oiseau de feu et même Ivan Soussanine
(1815), faisant preuve d’une science que
ne pouvaient posséder les Alabiev, Titov,
Varlamov et autres auteurs de romances
à la mode. Si l’excellent Degtiariov (17661813) réserve au genre oratorio de véritables épopées populaires, et qu’Alexis
Lwov (1799-1870), auteur de l’hymne
russe, continue jusqu’à sa mort à écrire en
italien et en allemand, Alexis Vierstowsky
(1799-1862), dans un romantisme un peu
naïf, dépasse largement les données du
vieux vaudeville, et pose avec son Tombeau d’Askold (1835), demeuré longtemps
à l’affiche, les bases mêmes des structures
de l’opéra national.
C’est grâce à sa naissance aristocratique
que Glinka (1804-1857) put acquérir une
vaste culture cosmopolite, puis se faire
ouvrir toutes les portes : sa Vie pour le
Tsar (1836), qui reprend le sujet de Soussanine traité par Cavos et exalte un thème
patriotique par excellence (la fondation de
la dynastie des Romanov), ne s’en coule
pas moins - malgré ses nombreux choeurs
assez originaux - dans les moules francoitaliens, assortis d’un discret emprunt
aux échelles modales slaves. Ces audaces,
plus évidentes dans Rousslan et Lioudmila,
d’après Pouchkine (1842), firent condamner l’oeuvre par l’aristocratie pétersbourgeoise, qui la jugea trop slave ; pourtant,
Glinka qui s’était contenté d’adapter a
posteriori des paroles à sa musique n’avait
pas même songé aux problèmes de la
phonétique. Dargomyjski (1813-1869) les
résoudra magistralement avec sa Rousalka (1855) et surtout son Convive de
pierre (inachevé), mis en musique sur le
texte même de Pouchkine, sans l’intermédiaire d’un livret ( ! LITTERATÜR-OPER).
Mais si elles épousent toutes les inflexions
du langage, ces deux oeuvres se dégagent
encore mal des structures fermées traditionnelles ; c’est pourtant avec un réalisme
sans précédent (le réalisme étant, depuis
deux siècles, l’apanage du genre comique)
qu’il traduit dans sa Rousalka la folie d’un
meunier, par une déclamation haletante
et non plus au moyen des coloratures italiennes.
Cette même « quête de vérité », Moussorgski (1839-1881) lui donna d’emblée
toute sa force dans son acte unique le Mariage (1868), d’après le texte de Gogol, réalisant ainsi l’union absolue du vers et de la
musique - tant chantée qu’instrumentale dans un langage absolument « inouï », où
la conversation musicale n’est brisée par
aucune césure et ne contient aucune aria.
Le génie de l’auteur, l’un des plus étonnants précurseurs qui fût jamais, n’explique pas tout : la Russie, nation neuve,
n’avait eu à surmonter ni héritage classique, ni romantisme, ce courant s’avérant lettre morte pour la nature réaliste
de Moussorgski, qui fonde sa sémantique
sur la rythmique de la langue, sur les
modes et les accords de la vieille liturgie,
procédés « barbares » qui deviendront la
base des langages de Ravel, Bartók et Stravinski. Moussorgski magnifia aussitôt ses
découvertes dans Boris Godounov (1869
et 1872), opéra fait de courts tableaux en
structures ouvertes, riche en choeurs d’une
puissante originalité, où les rares citations
du folklore s’incorporent sans hiatus à la
langue générale, langue sans équivalent
dans toute l’Europe, et où la peinture des
caractères et l’emploi du leitmotiv sont
poussés beaucoup plus loin que chez
Verdi et Wagner qu’il se targuait d’ignorer. Et c’est pour marquer davantage son
désengagement vis-à-vis de la tradition
qu’il baptise ensuite sa Khovanchtchina
« drame musical populaire ».
Son message demeura pourtant lettre
morte (sauf pour Debussy qui en eut
connaissance), ses oeuvres ayant été
divulguées longtemps plus tard dans
les arrangements très occidentalisés de
Rimski-Korsakov (1844-1908). Ce dernier, compagnon d’armes des premières
années de Moussorgski, avait d’abord
conçu une puissante Pskovitaine (1873)
dans un esprit assez proche de Boris,
avant de retourner aux schémas traditionnels dans un merveilleux assez naïf,
réussissant enfin une meilleure synthèse
du langage et de la forme dans Mlada
(1892), Sadko (1898), et plus encore dans
Katschei l’immortel (1899) et le Coq d’or
(1907), deux oeuvres qui annoncent respectivement Debussy et Stravinski et qui
représentent certainement ce que l’opéra
européen pouvait offrir de plus avancé
sur le plan de l’écriture musicale. S’il faut
aussi saluer dans le Prince Igor de Borodine une intéressante opposition entre
folklores russe et oriental, mais dans un
cadre dépassé, on peut oublier les opéras
de César Cui, moins russe que français
(cf. Angelo, d’après Hugo, 1876), cependant que l’influence allemande laissait des
traces dans Doubrowsky (1895) de Napravnik (1839-1916), et même chez Anton
Rubinstein (1829-1894), dont le Démon
(1875) et le Marchand Kalashnikov (1880)
contiennent néanmoins quelques beaux
exemples de réalisme. Et, malgré sa prédilection pour Wagner, dont il traduisit
et divulgua l’oeuvre, A. Serov (1820-1871)
s’était parfois rapproché de l’idéal réaliste,
dans Judith et Holopherne (1863) et Rogneda (1865), oeuvres demeurées en deçà de
leurs ambitions. Tchaïkovski (1840-1893),
enfin, sans chercher à briser les moules
traditionnels, s’inspira de Gounod et de
Schumann, mais n’en donna pas moins
de très émouvants portraits de la bourgeoisie russe dans le slavisme authentique
d’Eugene Oneguine, d’après Pouchkine
(1879), où l’introspection psychologique
débouche sur un lyrisme pathétique que
l’on retrouve dans la Dame de pique (1890)
et jusque dans l’épopée (Mazeppa, 1884).
LE TOURNANT DU SIÈCLE.
L’abolition du servage en Russie (1861),
la fin des luttes intestines en Italie et
en Allemagne, le désastre de Sedan et
les conséquences de l’industrialisation
avaient bouleversé l’échiquier social européen. De nouvelles classes aspiraient à
un théâtre qui ne fût plus celui de l’aristocratie, avec ses opéras-fleuves, son cortège de dieux, héros casqués et empereurs
moyenâgeux. Récusant le romantisme, la
littérature éclatait vers les deux pôles opposés du symbolisme élitaire, d’une part,
du naturalisme et du vérisme, de l’autre.
Ces derniers thèmes, plus aisément accessibles à la scène lyrique que les courants
symbolistes, devaient trouver un écho
immédiat auprès d’un public largement
populaire, mais il est intéressant de noter
que, au même instant, la peinture impressionniste devait jouer un rôle d’intermédiaire en nappant d’irréel les thèmes les
plus « quotidiens ». Daudet, Zola, Verga,
Rodin, Monet, Cézanne ont quarante ans
en 1880, comme Moussorgski et Chabrier.
L’Italie. La suprématie de Verdi avait
voué à l’échec tout effort de renouvellement. Comme Petrella et Marchetti (v.
supra), Carlo Pedrotti (1817-1893) et Giovanni Bottesini (1821-1889) tentèrent sans
illusion l’aventure, et c’est en vain que Bologne, foyer progressiste et « wagnérien »,
fit aux Goti (1873) de Stefano Gobatti
(1852-1913) un triomphe qui resta sans
lendemain. C’est avec un talent plus docile
que se faufilèrent dans l’ombre du géant
le Brésilien A. C. Gomèz (1836-1896), qui
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
729
fut acclamé à Milan dès 1870, et surtout
Amilcare Ponchielli (1834-1886), qui, avec
un sens dramatique certain, sut dénouer
les ficelles hugoliennes de Gioconda (1876)
et de Marion Delorme (1885). Mais le mérite en revenait peut-être à Arrigo Boito
(1842-1918), un scapigliato, librettiste et
compositeur d’un Mefistofele inégal, mais
fascinant (1868 et 1875), mais plus encore
agitateur culturel, émule de Victor Hugo,
tour à tour disciple et ennemi de Wagner,
contempteur, puis collaborateur de Verdi,
librettiste aussi de Ponchielli, de Faccio, et
de Catalani. Alfredo Catalani (1854-1893),
un trop éphémère génie écartelé entre le
romantisme germanique et le renouveau
naturaliste, qu’il rassembla dans le climat
de violence vocale et orchestrale de la
Wally (1892), s’étant montré par ailleurs
capable des plus tendres inflexions belcantistes dans Loreley (1890). À sa suite,
le wagnérien Antonio Smareglia (18541929) put, en pleine carrière, s’inspirer
des courants nouveaux pour y inscrire ses
intuitives Nozze istriane (1895) : le vérisme
musical avait, en effet, éclaté en 1890 avec
le triomphe réservé à Rome à Cavalleria rusticana de Pietro Mascagni (18631945), que suivit à Milan en 1892 celui de
Paillasse de Leoncavallo (1857-1919).
C’est qu’au lendemain du succès éli-
taire de Verdi, qui, avec Otello, avait en
1887 pris congé de son ancien public, il
fallait d’autres thèmes à une génération
nouvelle, coupée de toute racine, amère
et déçue par le virage à droite de la jeune
Italie, si durement bâtie. Dépassant les objectifs de la scapigliatura milanaise, encore
teintée d’un relent de romantisme (et dont
devaient toutefois sortir tous les librettistes de la jeune école), Giovanni Verga,
un romancier sicilien mâtiné de Daudet
et de Zola, avait triomphé avec Cavalleria rusticana (un épisode de son recueil
la Vie des champs, 1880) porté à la scène
pour la Duse, qui, jouant sans maquillage,
avait encore renforcé l’immédiateté de
cette « tranche de vie » paysanne, témoin
des aspirations de tout un public. Or, le
transfert de ce sujet sur une scène lyrique
apparaît comme un triple calcul si l’on
comprend qu’il fallait à la nouvelle capitale un succès digne de ceux de la Scala
de Milan, à l’éditeur Sanzogno des noms
à opposer à celui de Verdi, exploité par
son rival Ricordi, et une bannière au parti
socialiste italien qui se structura précisément en 1890 et 1892. Ce qui explique
mieux le peu d’intérêt porté à la branche
napolitaine du vérisme, où l’on utilisa les
beaux drames de Di Giacomo, et l’oubli
réservé ensuite aux véristes mineurs tels
que Fara-Musio, Cusinati, Tasca, Coronaro, Spinelli, Florida, Samara, Bucceri,
Collini, Brunetti et Bimboni. Avec Mascagni et Leoncavallo, c’est donc Giordano
(1867-1948) qui compléta la triade initiale
du vérisme, grâce à sa Mala vita donnée
aussi en 1892.
Ces trois musiciens avaient su oublier
leur wagnérisme et leurs ambitions de jeunesse pour souscrire à une mode payante.
Dès qu’ils eurent à nouveau affiné leur art,
produisant des chefs-d’oeuvre plus accomplis, ils ne retrouvèrent plus la même faveur populaire et « déçurent leur gauche,
sans pour autant conquérir leur droite »,
sauf Giordano dont André Chénier, en
1896, connut le succès sans emprunter exactement son thème à l’esthétique
du « coup de couteau » et du fait divers
d’actualité, esthétique qu’il retrouvera
avec un certain génie dans Fedora (1898).
En réalité, les composantes initiales du
vérisme - la fameuse tranche de vie paysanne, sa violence orchestrale et sa vocalité sommaire refusant toute complaisance
belcantiste - disparurent peu à peu lorsque
les sujets furent puisés soit dans un monde
paysan sans violence (l’Ami Fritz de Mascagni, 1891), soit dans le XVIIIe siècle, la
Renaissance, le Moyen Âge ou la mythologie, dans l’exotisme, le mythe rédempteur,
le symbolisme (Iris, de Mascagni, 1898)
et jusqu’au d’annunzianisme décadent !
En outre, il serait difficile de réduire à un
même dénominateur l’art délicat, voire
naïf de Francesco Cilea (1866-1950) et la
violence savante d’un Franchetti. Et pourtant, ce courant cahotique produisit ses
chefs-d’oeuvre dans un même souci de
sincérité et d’exaltation du « mot », porteur de vérité. Et c’est cette erreur fondamentale (la priorité trop absolue accordée
au texte) qui conduisit les véristes à ces
maladresses d’écriture vocale, qui autorisèrent les chanteurs des générations
suivantes à déformer singulièrement leur
message ( ! CHANT).
Il appartint à Puccini (1858-1924) de
coiffer vite l’éphémère expérience vériste :
musicien d’église, puis attiré par le renouveau symphonique, romantique dès
ses premières oeuvres, il n’emprunta au
vérisme que quelques formules, quelques
personnages, imposant partout un génie
dramatique et musical plus universel, se
préoccupant de maintenir un chant pur
dans le savoureux mélange d’un lyrisme
classique (cf. la Bohème, 1896) et d’une
écriture harmonique et orchestrale très
largement en pointe sur son époque (par
ex., Tosca en 1900, La Fanciulla del West,
créée à New York en 1910), tout en demeurant attaché à l’esthétique de l’opéra
sentimental de la bourgeoisie de culture
française. Par l’impressionnisme du Tabarro, l’humour de Gianni Schichi et les
audaces de son ultime Turandot, inachevé,
Puccini avait déjà largement dépassé ses
« successeurs » les plus doués, Alfano et
Zandonai, qui ne cachèrent plus le wagnérisme inavoué de leurs pairs, l’assortissant
de l’influence ravélienne, et Montemezzi
(1875-1952), qui dans l’Amour des trois rois
(1913) démarqua Tristan sans détours.
Mais à cette époque, le mouvement néoclassique était déjà apparu, et, dès le début
du siècle, un Wolf Ferrari l’avait compris
en retournant avec esprit à Goldoni.
En France. Les courants les plus divergents s’y affrontent, et Massenet (18421912) s’y impose, parlant un langage
accessible aux publics bourgeois et populaire, qui applaudissent une même veine
lyrique et sentimentale mise au service
du grand opéra, du drame historique, du
fantastique, de l’opéra-comique, du vérisme ou du mystère médiéval. Alors qu’il
aurait pu asseoir son succès sur les chefsd’oeuvre bien français que sont Manon
(1884) et Werther (1887, créé à Vienne en
1892), où l’admiration pour Wagner se
fait aussi sentir, il sut perpétuellement se
renouveler, et recourut même, dans son
ultime Don Quichotte (1910), à la déclamation debussyste. Pourtant, ces genres
mixtes, tenant de l’opéra et de l’opéracomique et joués indifféremment dans
l’une ou l’autre salle, n’en appartenaient
pas moins au passé. Moins, d’ailleurs, que
le « grand opéra », sorte de vaste épopée,
où, comme pour venger Sedan, on fit enfin
appel à l’épopée nationale, d’ailleurs teintée de la notion wagnérienne de rédemption. Au-delà de l’impossible Jeanne d’Arc
de Mermet (1876) et des efforts plus méritoires de Paladilhe et surtout de Reyer,
et alors que Carmen et Boris étaient déjà
parus, ce « drame lyrique » d’essence
symphonique, sans caractérisation vocale
ni dramatique, conjugua étrangement la
densité de l’opéra allemand et le chant
vériste. Voulant trop tard introduire en
France le romantisme absent jusque-là des
scènes lyriques, il se condamna à l’échec,
même s’il se donna des allures d’avantgarde auprès d’un public encore inaverti
de Beethoven.
Certes, les meilleurs musiciens d’alors
évitèrent ces pièges : Saint-Saëns (18351921), qui, dans Samson et Dalila (1877),
le mieux venu d’une douzaine d’opéras,
sut tempérer son admiration pour Tannhäuser par sa redécouverte de Rameau, le
symphoniste Édouard Lalo (1823-1892),
dont le Roi d’Ys fut accueilli par l’OpéraComique (1888), Chabrier (1841-1894),
dont Gwendoline (1886) semble une oasis
d’originalité dans une formule trop souvent mal défendue, et essentiellement
annexée par les élèves de César Franck,
lui-même auteur peu habile de deux
drames meyerbeeriens, Hulda et Ghisèle
(écrits de 1882 à 1890). Mais aucun de
ces auteurs ne possédant le sens dramatique d’un Reyer, on devrait plutôt qualifier d’opéras de concert ces drames sans
action, reflets isolés du génie de chaque
compositeur : Chausson (1855-1899), qui,
dans le Roi Arthus (1899), avoue son admiration pour Tristan et Isolde ; d’Indy, qui
démarque Parsifal dans Fervaal (créé en
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
730
1897), puis écrit l’Étranger (1903) ; Rabaud
(1873-1949) [la Fille de Roland, 1904],
Ropartz (1864-1955) [le Pays, 1912], etc.
On doit réserver une place à part à Albéric Magnard (1865-1914), qui, ayant déjà
sublimé le genre avec Guercoeur (1900,
créé en 1931), s’inspira avec dignité de
Racine (Bérénice, 1909), et à Max d’Ollone
(1875-1959), qui déclara « vouloir enlever au drame lyrique ses abstractions et
lui rendre ses airs et duos », et y réussit
notamment dans le Retour (1909), une
heureuse synthèse du drame, du symbolisme et du naturalisme, éléments contradictoires qui se retrouvent mêlés autour
de livrets parfois grandiloquents dans le
Miracle de Georges Hue (1910), dans les
oeuvres de Bachelet, Mariotte, Le Flem,
Busser, etc., jusqu’au Vercingétorix de
Canteloube (1933).
C’est dans un esprit totalement différent, au-delà d’une sage tradition qui avait
encore valu l’opéra fantastique d’Offenbach les Contes d’Hoffmann (1881, posth.)
et la fine mais désuète Lakmé de Léo Delibes (1883), qu’avait commencé le véritable renouveau. Les premiers opéras de
Georges Bizet (1838-1875) ne pouvaient
laisser pressentir l’originalité de Carmen
(1875), qui, rejeté par la critique officielle,
fut apprécié des musiciens, du public, et
triomphalement accueilli hors de France.
Il fut souvent méjugé par la suite, en raison même de sa large popularité, de ses
dialogues parlés qui le confinaient à un
genre « moins noble », et de ce meurtre
sur scène, véritable révolution dans le
monde de l’opéra-comique, geste qui le
fit passer pour l’ancêtre du vérisme, alors
que ce drame véritable retrouvait précisément l’antique fusion de tous les éléments.
Moderne par son écriture, son orchestre
impressionniste, sa finalité tragique et
la très remarquable introspection de ses
caractères, non moins lyrique pour cela,
Carmen, « seule antidote au philtre wagnérien » (cf. Nietzsche), influença Chabrier
et Debussy. Chabrier (1841-1894), un véritable Moussorgski français, cachant ses
audaces sous la sensibilité, l’humour et la
finesse de son orchestre, donna ses lettres
de noblesse au genre bouffe avec l’Étoile
(1877), Une éducation manquée (1879) et
avec le Roi malgré lui (1887), que Ravel
tenait pour le chef-d’oeuvre du XIXe siècle,
cependant que Debussy se déclarait inapte
à terminer le très impressionniste Briséis.
Or, Moussorgski et Chabrier se retrouvent au berceau de Pelléas et Mélisande de Debussy (1902), un « drame
lyrique », dont on ne sait encore s’il lui
appartint de renouveler la forme de
l’opéra ou s’il projeta seulement sur scène
le rêve intérieur de son auteur, qui avait
trouvé dans la pièce de Maeterlinck (dont
il utilise le texte original) cet irréel et
ces personnages « sans lieu ni époque »,
transparents comme l’harmonie de son
orchestre, par ailleurs très présent. Mais
Debussy n’en rejoint pas moins encore
Wagner, en confiant à cet orchestre un jeu
de leitmotive plus explicite que le langage
des acteurs du drame, auxquels il prête
un récit dont la déclamation rythmique
se veut calquée sur la parole « naturelle »,
entendant par là renouer avec Rameau,
qu’il opposait à Gluck, justement responsable à ses yeux de la convention du drame
meyerbeerien.
LE NATURALISME.
Les créateurs de Pelléas, et jusqu’à son
décorateur Jusseaume, se mirent au service des auteurs naturalistes, dont les
ambitions recoupaient souvent celles de
Debussy, et qui, pourtant, surent rarement donner à leurs personnages ce
langage aussi « naturel ». Or, ce courant
naturaliste n’eut pas en France un Puccini
qui sût en dépasser les données initiales.
Comme en Italie, il fit d’abord souche
chez un musicien de forte implantation
romantique, Alfred Bruneau (1857-1934),
dont Kerim (1887) ne pouvait laisser prévoir sa rencontre avec Zola, dont il met
en musique le Rêve (1891) et l’Attaque du
moulin, en 1893, une des nouvelles des
Soirées de Médan (et donc la contemporaine de Cavalleria rusticana de Verga). Il
commit néanmoins l’erreur de passer par
le truchement d’un livret aux alexandrins
prétentieux, avant de collaborer directement avec Zola pour Messidor, l’Ouragan,
etc., ouvrages dont les attaches naturalistes se résument à une écriture vocale
maladroite, mais qui comportent encore
des scènes allégoriques ou symbolistes comme Iris de Mascagni. Massenet (18421912), malgré des livrets trop élégants,
avait peut-être mieux compris l’essence de
ce naturalisme dans la Navarraise (1894)
et dans Sapho (1897), mais Gustave Charpentier (1860-1956), refusant précisément
ce type de livret, réalisa, avec un autre talent, une fusion totale des composantes du
réalisme dans son roman musical Louise
(1900, l’année de Tosca), modèle absolu
d’une école qui témoigna dès lors d’une
écriture plus recherchée que celle des
véristes italiens, mais à laquelle fit défaut
cette présence instinctive des tenants de
« l’esthétique du coup de couteau ».
Un grand nombre d’oeuvres témoignent
du talent d’auteurs qui surent allier la tragédie à une sentimentalité populiste : le
Juif polonais (1900), de Camille Erlanger
(1863-1919), le Chemineau (1907), de Xavier Leroux (1863-1919), dont l’écriture
évoque aussi Fauré et fait appel au folklore, comme celle de Bruneau, cependant que les alexandrins sentencieux et
faussement argotiques de Jean Richepin
conviennent mal à l’humanité des personnages. Citons encore la très remarquable
Habanera (1908) et la Jota (1911) de Raoul
Laparra (1876-1943) ; Monna Vanna,
d’après Maeterlinck (1909), et Gismonda
(1919) d’Henry Février (1875-1957) ; la
Lépreuse (écrit en 1902) de Silvio Lazzari
(1857-1944), un élève de Franck ; enfin, le
Coeur du moulin (1909), oeuvre plus tendre
du Languedocien Déodat de Séverac
(1873-1921), semble réconcilier d’Indy et
Debussy, loin du chromatisme wagnérien
qui influença toute l’école naturaliste.
C’est en dehors de toute école qu’il
faut laisser Ariane et Barbe-Bleue (1907)
de Paul Dukas (1865-1935), une des plus
belles pages de la musique française de
tous les temps, mais l’oeuvre d’un musicien hostile aux exigences du théâtre lyrique auquel elle n’apporte pas plus de solution que Pelléas, dont elle découle, et que
Pénélope (1913), chef-d’oeuvre solitaire où
Fauré (1845-1924) adopte la formule du
grand opéra dans un langage délicat qui
en est l’antithèse, rompant totalement
avec Wagner. Cette même langue, André
Messager (1853-1929) la manie avec un
métier consommé dans un opéra-comique de qualité (la Basoche en 1890, Fortunio en 1907), voire légèrement grivois
(Véronique, 1898), avant de s’adonner à
la comédie musicale (l’Amour masqué, de
Sacha Guitry, 1923). Enfin, tenant aussi
de l’opéra-comique et de l’opérette, la très
fine Ciboulette de Reynaldo Hahn en 1923
et Moineau de Louis Beydts (1895-1953),
en 1931, appartenaient encore, par leur
esthétique, au XIXe siècle aristocratique.
L’Allemagne et l’Autriche. Plus qu’ailleurs, il convenait d’assumer ou de refuser
l’héritage wagnérien. Le problème ne se
posa pas encore à Max Bruch (1838-1920),
auteur de 3 opéras romantiques, dont
Loreley (1863), ni au Hongrois Carl Goldmark (1830-1915), auteur d’une Reine de
Saba (1875) très réussie, qui renoua avec
le singspiel dans le Grillon du foyer (1896).
Fr. von Suppé et Johann Strauss reçurent
l’héritage de Lortzing, puis créèrent, après
1870, la grande opérette, cependant que
Kienzl (1857-1941) optait pour la comédie
lyrique avec l’Évangéliste (1895). Engelbert
Humperdinck (1854-1921), comme eux,
donna de très vastes proportions au singspiel Hansel und Gretel (1893), où se joint le
fantastique, puis esquisse le sprechgesang
dans la version de 1910 de ses Enfants de
roi. Ce mélange de féerie et de comédie se
retrouve chez Cyrill Kistler, Julius Bittner,
Albert Ritter, Ludwig Thuile, Hans Sommer, Anton Urspruch, et, enfin, chez E.
N. Reznicek (1860-1945), dont l’agréable
Dona Diana (1894) est restée au répertoire
plus facilement que le Corregidor (1896),
comédie de convenant assez mal au romantisme tourmenté de Hugo Wolf.
Presque tous ces musiciens avaient également sacrifié au « système » wagnérien,
dont chacun crut déceler un aspect essentiel. Son thème mythologique ou rédempteur, sa densité orchestrale, sa démesure
vocale, son abus du leitmotiv, du chromadownloadModeText.vue.download 737 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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tisme, etc. Rien ne pouvait naître de ces
imitations maladroites : Siegfried Wagner
(1869-1930) semble s’inspirer de Mendelssohn plus que de son père dans Bärenhäuter (1899), Der Kobold (1904), etc., et
de trop grandes ambitions sont évidentes
dans Gudrune (1884) et Herrat (1892) de
Felix Draeseke (1835-1913), dans une tétralogie sur l’Odyssée d’Ulysse (1896-1903)
d’August Bungert (1845-1915), dans une
Genèse (1892) et la trilogie Oreste (1902)
du chef d’orchestre Felix von Weingartner
(1863-1942), etc. On décèle, en revanche,
un sens dramatique plus sûr chez Eugène
d’Albert (1864-1932), ce brillant pianiste,
élève de Liszt, et auteur d’une vingtaine
d’opéras, dont 3 survécurent, et notamment Tiefland (1903), drame vériste de
la rédemption tiré d’une pièce catalane
(Terra baixos), qui s’est imposé au répertoire international. Se voulant étranger à
toute influence, Hans Pfitzner (1869-1949)
ignora superbement Wagner et aborda
tous les genres, du singspiel au drame
(Das Herz, 1931), s’imposant dans son
excellent Palestrina (1917), symbole de sa
résistance aux courants nouveaux, mais
oeuvre séduisante par son romantisme
contenu, ses austères monologues d’une
durée inusitée et le contrapuntisme audacieux des scènes d’ensemble.
Au carrefour de ces tendances, rappelons encore Max von Schillings (18681933), auteur de Mona Lisa (1915) et du
curieux mimodrame Das Exenlied ; Franz
Schmidt (1874-1939), qui se rattache au
romantisme tardif dans sa Notre-Dame,
d’après Hugo (1914) ; et surtout Erich
Korngold (1897-1957) pour le Voile
d’Heliane (1927) et l’étonnante Ville
morte (1920), où il sut mêler symbolisme
et fantastique dans l’heureuse influence
de Puccini et de Richard Strauss. En fait,
Richard Strauss (1864-1949) fut le seul
des véritables successeurs de Wagner
(avec Mahler, Reger et Wolf), qui révélât
une vocation théâtrale, encore que tardive. Après deux tentatives hésitantes, il
poussa, jusqu’à la limite du possible, dans
Salomé (1905) et Elektra (1909) un chromatisme sensuel et exacerbé, ramassant
l’action en un acte unique, où la démesure
vocale et orchestrale, la tension du langage avaient atteint, à ses yeux, leur point
extrême. C’est pourquoi le regard qu’il
porte ensuite vers le passé, avec le poète
« décadent » Hofmannsthal (1874-1929),
débouche dès lors sur un prodigieux néobaroquisme, embrassant tous les horizons,
depuis la colossale comédie viennoise du
Chevalier à la rose (1910) au fantastique de
la Femme sans ombre (1919), jusqu’à la réflexion esthétique de Capriccio (1942) où
Clemens Krauss reprend, dans son livret,
les thèmes du Prima la musica, poi le parole
de Casti. Malgré les intéressantes innovations de ces chefs-d’oeuvre tardifs, Strauss
avait, au-delà de 1910, laissé le flambeau
de la recherche aux représentants de l’expressionnisme.
Le renouveau tchèque. Influencé par
Wagner, Zdenek Fibich (1850-1900) avait
déjà abordé ces problèmes du langage, que
devait résoudre, dès sa Jenufa (1901), Leos
Janáček (1854-1928), contemporain de
Fauré et de Puccini. À l’instar de Moussorgski, la phonétique pure l’intéresse
moins que la sémantique d’une langue qui
lui fournit un vocabulaire harmonique
et rythmique fait de brèves cellules non
répétitives. Dans Jenufa, c’est encore la
musique qui, par sa richesse, sublime un
thème vériste à fin rédemptrice. Affrontant
ensuite tous les thèmes, du satirique au
fantastique (l’Affaire Makropoulos, 1926)
et au tragique (Katia Kabanova en 1921,
De la maison des morts, en 1928), Janáček,
par son écriture moderne et son lyrisme
indéfectible, sut jeter un pont entre deux
générations, et influença à son tour son
cadet Vitezslav Novak (1870-1949).
En Espagne. L’opéra demeura assez
marginal dans la production de la jeune
école nationale. Manuel de Falla (18761946) s’essaie à la zarzuela populaire,
qu’il élargit ensuite au tragique dans la
Vie brève (1905), une réplique andalouse
de Cavalleria rusticana mâtinée d’impressionnisme. L’oeuvre fut créée en France,
où le musicien espagnol subit l’influence
de Stravinski dans les Tréteaux de maître
Pierre (1923), une âpre tentative de néoclassicisme, avant le renoncement sublime
de son grand drame épique inachevé,
Atlantida. Albéniz (1860-1909) glissa
insensiblement de la zarzuela grande Pepita Giménez (1896) au véritable opéracomique (Merlín, 1906), cependant que
Granados (1867-1916) évolua sagement
de sa Maria del Carmen (1898) jusqu’à ses
Goyescas, créées à New York en 1916, où
les éléments de la tonadilla se mêlent à
sa sève romantique franco-germanique.
Enfin, Joaquín Turina (1882-1949), élève
de D’Indy, écrivit Margot (1914) et Jardín
de Oriente (1923), également tributaires de
la tradition du XIXe siècle.
LES PERSPECTIVES DU XXE SIÈCLE.
Il est encore difficile de dresser le bilan de
ce siècle, né seulement avec la Première
Guerre mondiale. Le divorce s’avère irrémédiable entre le public d’opéra et l’artiste
créateur, dont il est malaisé de mesurer
l’impact, faute d’une audience suffisante.
Les auteurs y sont rares à savoir conserver,
tels Poulenc ou Britten, un langage lyrique
perceptible sans pour autant renier leur
époque, plus rares encore à se consacrer
exclusivement à l’art lyrique, comme Me-
notti. Chaque compositeur écrit pour le
théâtre dans la langue qui lui est propre,
sans infléchir les lois du genre, et les chefsd’oeuvre les plus significatifs, de Wozzeck
aux Diables de Loudun, doivent surtout
à leur valeur musicale. Ce n’est pas un
des moindres paradoxes de ce siècle de
constater qu’un théâtre qui aspire à la
réflexion plus qu’au plaisir fasse appel
à de grands auteurs passés ou présents
(Bélazs, D’Annunzio, Cocteau, Claudel,
Gertrud Stein, mais aussi Poe, Pouchkine,
Gogol, Shakespeare et Euripide) pour en
rendre finalement le texte imperceptible
soit par maladresse d’écriture, soit par
indifférence envers l’interprétation, trop
fréquemment confiée - en France notamment - à de médiocres chanteurs, ou à des
réalisateurs (chefs d’orchestre, metteurs
en scène) peu familiarisés avec le théâtre
lyrique.
On peut, néanmoins, tenter de dégager
quelques tendances communes à ce demisiècle : un souci de qualité du texte, par
le biais du litteratür-oper (souvent peu
fonctionnel) et de la tendance des compositeurs à rédiger eux-mêmes leurs textes ;
une attention privilégiée accordée à l’orchestre plus qu’à la voix, à moins qu’un
travail en profondeur ne soit entrepris en
ce domaine (témoins les songs de Weill, ou
la décantation du mot, opération néobaroque fréquente après 1950) ; un « retour »
au sacral, un retour aux structures fermées - opérations liées au néoclassicisme
autant qu’au rejet des opéras-fleuves du
romantisme ; un retour enfin aux valeurs
musicales pures et objectives, par réaction
contre le subjectivisme romantique. Et on
ne peut omettre ici les conséquences d’un
affairisme hostile à la création, managers,
interprètes et publics se satisfaisant plus
aisément d’un répertoire parfois bicentenaire que d’un langage neuf, fût-il aussi
aisément accessible que ceux de Janáček,
Berg, Weill, Milhaud, Dallapiccola ou
Prokofiev.
En France. Ce théâtre très accessible sera
longtemps entretenu par Rabaud (Marouf,
1914, jusqu’à Martine, posthume), Louis
Aubert, A. Wolff, Fl. Schmitt, Roussel
(Padmâvati allie le drame lyrique et la chorégraphie), Hahn (le Marchand de Venise,
1935), Ibert et Honegger (l’Aiglon, 1937),
Sauguet (la Chartreuse de Parme, 1939),
Jean Rivier, Henri Tomasi (l’Atlantide,
1953 ; Miguel de Manara, 1952 ; Sampiero
Corso, 1956), Bondeville, Barraud, etc., et
Poulenc qui réussit en 1956, créé en 1957
à la Scala de Milan, un chef-d’oeuvre de
lisibilité en reprenant le texte de Bernanos
pour ses Dialogues des carmélites. D’autre
part, l’héritage de Chabrier se retrouve
dans l’« opérette des musiciens » (comme
l’a surnommée José Bruyr) de Ravel,
Roussel, Rosenthal, Ibert, Thiriet, RolandManuel, Delvincourt, Claude Arrieu, plus
tard Damase et Semenoff, rares joyaux
parmi lesquels brillent les Mamelles de
Tirésias d’Apollinaire auxquelles Poulenc,
en 1945 (création en 1947), sut donner un
humour particulier. C’est d’une esthétique
plus exigeante que se réclamèrent, d’autre
part, dès 1910, Milhaud, puis Honegger,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
732
qui, par leur phonétique et leur appareil
instrumental, refusèrent la tradition, collaborant, entre autres, avec Claudel et
Cocteau.
Auteur essentiellement lyrique, Milhaud (1892-1974) fit d’abord appel à
Francis Jammes, demanda à Claudel une
nouvelle mise en forme de l’Orestie (19131922), défendit un naturalisme redimensionné au mythe (les Malheurs d’Orphée
en 1924, créé en 1926 ; le Pauvre Matelot, 1926), aborda l’épopée avec Christophe Colomb (1928), Maximilien (1930),
le bouleversant et multiforme Bolivar
(1943, créé en 1950), et plus tard David,
pour rejoindre, au terme d’un périple
d’un demi-siècle, Beaumarchais dans la
Mère coupable (1966). Attiré par le sacral,
Honegger tendit également à l’incantation
lyrique dès sa difficile Antigone, d’après
Cocteau (1927), de même que dans ses
oratorios scéniques Judith, puis Jeanne
d’Arc au bûcher, avec Claudel (1935, créé
en 1938), tandis que son disciple Marcel
Landowski (né en 1915) atteint au mythe
moderne et utilise toutes les techniques
nouvelles dans le Fou (1940-1956), et qu’à
l’inverse Gilbert Bécaud tente avec l’Opéra
d’Aran (1963) une expérience de naturalisme, à la façon de Britten et Menotti,
sans toutefois maîtriser suffisamment son
écriture orchestrale.
Allemagne et Autriche. C’est en marge
de l’expressionnisme viennois et berlinois,
dont l’écrivain Franz Wedekind (18641918), héritier de Büchner, fut le catalyseur, qu’il faut situer l’expérience isolée
de Ferruccio Busoni (1866-1924), sarcastique et philosophique dans Arlecchino
(Zurich, 1917) et Doktor Faust (posthume,
Dresde 1925). Cependant, le romantisme
exacerbé de Franz Schrecker (1878-1934) son Ferne Klang (1912) influença le Wozzeck de Berg - et celui d’A. von Zemlinsky
(1872-1942) avaient déjà conduit Arnold
Schönberg (1874-1951) sur la voie de l’expressionnisme et de l’atonalisme dès son
bref monodrame Erwartung (1909, créé
en 1924 à Prague), dont le sujet vériste
est traduit dans un éparpillement sonore,
et un climat de violence inconcevable
même chez un Strauss. Ses travaux sur
les diverses expressions de la voix, chantée ou parlée, se retrouveront dans Moïse
et Aaron (1931, inachevé, représenté sur
scène à Zurich en 1957), sans proposer
pourtant de solution d’avenir. Plus foncièrement lyrique, Alban Berg réunit dans
Wozzeck (1921, créé à Berlin en 1925),
écrit sur le texte prophétique du poète
maudit Büchner (1813-1837), toutes les
composantes du chant, celles du théâtre
lyrique et des structures instrumentales
du passé et du présent. Sublimant, lui
aussi, un sordide fait divers en un puissant
mythe d’une immédiate séduction lyrique,
il signa là une partition considérée comme
le chef-d’oeuvre le plus caractéristique du
demi-siècle. L’oeuvre fut jouée avec succès
à Berlin, où Hindemith avait fait un instant scandale (Assassin, espoir des femmes
en 1921 ; Das Nusch-Nuschi, 1921), avant
de se tourner vers le néoclassicisme austère de Cardillac (1926) et de Mathis le
peintre (1938).
Dans cette ville, toujours, la police doit
intervenir lorsque la critique politique
éclate, sans équivoque cette fois, dans
l’oeuvre de Kurt Weill (1900-1950), qui,
pour mieux servir les textes explosifs de
Brecht, renie le sérialisme élitaire de ses
débuts, et bâtit son Opéra de quat’sous
(1928) à l’aide de songs écrits dans le
style du cinéma expressionniste berlinois, insérés dans une partition de haute
valeur musicale. Il porte ces procédés à la
dimension du grand opéra dans son féroce Mahagonny (1929), un authentique
chef-d’oeuvre, mais retourne à son style
austère dans la Caution (1932). Brecht
inspira encore Hanns Eisler (1898-1962)
et Paul Dessau (1894-1980), qui donna
en 1951 le Procès de Lucullus. À tous ces
auteurs, écartés par le nazisme, Carl Orff
(1895-1982) avait opposé un comique rassurant, avec Der Mond (1939) et Die Kluge
(1943) ; il évoqua avec sensibilité le Moyen
Âge dans ses Trionfi (1937-1943) - qui
contiennent les fameux Carmina Burana
- où il a recours à l’incantation et à la percussion, qui deviennent la base du langage
de Antigone et OEdipe roi (1949-1959), un
essai de reconstitution de la technique du
drame grec.
On peut situer au carrefour de ces diverses tendances les oeuvres d’Ernst Krenek (né en 1900), un élève de Schrecker,
au langage plus dur, marqué par l’expressionnisme dans Orpheus und Eurydike
(1926), par le jazz dans son original Jonny
spielt auf (1927), et qui rechercha la réunion des langages de Berg et de Hindemith - en même temps que des procédés
inhabituels de présentation scénique dans son colossal Charles Quint (1933),
où un postromantisme latent le dispute
à un strict sérialisme ; à cette dernière
technique souscriront aussi Boris Blacher
(1903-1975), Karl A. Hartmann (19051963), et, plus tard, H. W. Henze (né en
1926), qui embourgeoisera le système sériel, avant que Bernd Alois Zimmermann
(1918-1970) ne réalise une synthèse plus
audacieuse de toutes ces tendances dans
les Soldats (1960), un opéra qui marque
aussi l’un des retours les plus significatifs de notre époque à la colorature féminine suraiguë. À citer aussi Staatstheater
(1967-1971) de Mauricio Kagel. Enfin,
quelques compositeurs avaient su mettre
une science indéniable au service d’un
langage plus largement ouvert au public :
ainsi Werner Egk (né en 1901) dans Peer
Gynt (1938) et le Revizor (1957), Wolfgang
Fortner (né en 1907) dans Noces de sang
(1957) et surtout Gottfried von Einem (né
en 1918), dont la Mort de Danton (1947),
d’après Büchner, et le Procès (1953),
d’après Kafka, s’imposèrent sans peine.
En Italie. Dépasser l’expérience vériste
sans combattre non plus Puccini sur son
terrain fut la préoccupation des nouvelles
générations, qui devancèrent les ultimes
interrogations de Turandot (1926), de
l’austère Néron de Boito (1924, posthume), et ne se virent opposer que cet
autre dérisoire Néron (1935) de Mascagni, qui voulut son oeuvre « résolument
antimoderne ». Wolf Ferrari (1876-1948)
avait, dès 1903, trouvé une ingénieuse solution en mettant son talent subtil au service des comédies de Goldoni, première
manifestation du siècle à un retour vers
un comique de qualité (Le Donne curiose,
1903 ; I Quattro rusteghi, 1906 ; Il Segreto
di Susanna, 1909, etc., jusqu’au Campiello,
1936) ; Respighi (1879-1936) en proposa
d’autres, faisant rutiler une palette orchestrale héritée de Rimski-Korsakov dans le
climat vériste et fantastique de Belfagor
(1923) et de La Fiamma (1934), souscrivant au dépouillement néoclassique dans
Marie l’Égyptienne (1932). Mais c’est plus à
une sorte de néogrégorien qu’allait aspirer
la « génération de quatre-vingt « : Pizzetti
(1880-1968) rechercha un nouveau recitar cantando dans ses puissants drames,
de Phèdre (1915, d’après D’Annunzio) à
Meurtre dans la cathédrale (1958) ; G. F.
Malipiero (1882-1973) joua de langages
divers à l’ombre du plain-chant, dans
ses « opéras à panneaux », étrangement
lyrique dans La Favola del figlio cambiato
(1933), presque extroverti dans Giulio
Cesare (1936).
Enfin, Alfredo Casella (1883-1947),
marqué par ses contacts avec la France et
avec Stravinski, rejeta tout romantisme
dans La Donna serpente comme dans
La Favola d’Orfeo (1932). Citons encore
Arrigo Pedrollo (1878-1964), Mario Castelnuovo Tedesco (1895-1968) et surtout
G. F. Ghedini (1892-1965), qui signa
son dernier chef-d’oeuvre en 1956 (Lord
Inferno), ayant su faire éclater la matière
sonore sans jamais négliger les prérogatives du théâtre, alors qu’une plus jeune
génération démarquait encore tranquillement Puccini : Menotti, émigré aux ÉtatsUnis, et Renzo Rossellini (1908-1982),
qui appuyait un sens théâtral aigu sur
les excellents sujets du Vortice (le Tourbillon, 1958), de Vu du pont (1961) et de
l’Annonce faite à Marie (1970). Autrement exigeant, Gioffredo Petrassi (né en
1904) demeurait, lui aussi, profondément
lyrique dans Il Cordovano (1949), tout en
adoptant le sérialisme ; cette technique
inspira encore à Dallapiccola (1904-1975)
des chefs-d’oeuvre tels que Vol de nuit
(1940), le très intense Prisonnier (1950),
Ulysse, etc. Cette même opposition se retrouve entre Nino Rota (1911-1979), qui
mit son talent multiforme au service de
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savoureux pastiches appréciés de tous les
publics, et le langage difficile mais aussi
immédiat de Berio (né en 1925), de Luigi
Nono (né en 1924), auteur notamment de
Intollerenza (1961) et de Al gran sole carica
d’amore (1975), de Vlad (né en 1919), de
Bussotti (né en 1931), de Maderna (19201973) et de Luciano Chailly (né en 1920),
auteur très lyrique du Manteau, de l’Idiot,
Procédure pénale, etc.
En Russie. Située à l’avant-garde à la fin
du XIXe siècle, l’école russe marqua un
temps de réflexion. Le folklore épique
ou merveilleux fut encore exploité, mais
d’autres thèmes apparurent avec Raphaël
(1894) d’Arensky (1861-1906), avec la
très belle Orestie (1895) du docte Serge
Taneev (1856-1915), ou se modifièrent,
comme dans Dobrynia Nikititch (1903)
de l’aimable Gretchaninov (1864-1956).
L’influence française se fit sentir chez
Rebikov (Dans la tempête, 1894) et Nicolas Tcherepnine, tandis que les particularismes locaux se reflétaient chez Ippolitov Ivanov (1859-1935), auteur de Ruth
(1887) et Atya (1900), chez Vassilenko,
Korostchenko, Lissenko, Soloviev, et chez
le Géorgien Paliashvily (Absalon et Eteri,
1919). Tchaïkovski influença davantage
Kalinnikov (Tsar Boris, 1897) et Serge
Rachmaninov (1873-1943), dont Aleko
(1892) fut suivi de drames plus audacieux,
le Chevalier avare (1899-1904) et Francesca
da Rimini (1906). Mais c’est en marge
de tous ces courants que se développe
le génie multiforme et plus cosmopolite
de Stravinski et de Prokofiev. Le premier
se réfère partiellement à Rimski-Korsakov dans le Rossignol (Paris, 1914), allie
Glinka à Dargomyjski dans sa farce Mavra
(1922), son oeuvre favorite, puis fait créer
en anglais à Venise, en 1951, son Rake’s
Progress, savoureux pastiche de tous les
langages du passé. Prokofiev (1891-1953),
quittant la Russie révolutionnaire après
avoir écrit le Joueur, donne en français à
Chicago son satirique et cocasse Amour
des trois oranges (1921) d’après Gozzi, et
termine en 1927 le dramatique Ange de
feu, donné bien plus tard en Italie et en
France. Rentré en Union soviétique, il y
glorifie l’homme du peuple dans Simeon
Kotko (1939), retourne à l’humour des
Fiançailles au couvent (1940), et révèle son
talent épique dans Guerre et Paix (19411952), fidèle durant quarante ans à une
même veine mélodique naturelle, doublée d’une très riche palette orchestrale
qui fit de lui l’un des grands classiques du
XXe siècle, auprès de Puccini, Janáček et
Strauss.
Mais la Russie soviétique, privée dès sa
naissance de ses plus authentiques musiciens, ne pouvait compter sur le docile
mais trop anachronique R. Glière (18751956). Elle dut donc se forger une génération nouvelle, aussitôt dominée par le
génie sans concession de Chostakovitch
(1906-1975), auquel, en 1928, le Nez, de
Gogol, inspire une partition satirique,
d’une audace inouïe à l’échelon européen. Staline ayant plus tard condamné
Lady Macbeth (1934), chef-d’oeuvre d’une
grande intensité lyrique, Chostakovitch
dut remanier sa partition (Katerina Ismailova, 1959), se retourna vers l’opérette
humoristique, puis renonça à achever son
Joueur. En fait, les directives officielles
ne donnèrent ni n’enlevèrent de talent à
quiconque, et la meilleure oeuvre inspirée
par le nouveau régime demeura Pauline
Goebel (1925) de Youri Shaporine (18891966), antérieure aux consignes draconiennes de démocratisation, et rebaptisée
les Décembristes en 1938, comme on le fit
pour maintes oeuvres du passé, des Huguenots à Tosca !
Cependant que Pachtchenko, Triodine, Gladkowski et Prussak souscrivaient
à cette esthétique du « naïf », aussitôt
caduque, une tentative de dépayser les
thèmes d’inspiration réussit mieux, avec
les opéras de Shishov, Potoski, Krein, Vassilenko, et surtout avec le Vent du Nord
(1930) de Lev Knipper (1898-1974), mais
un académisme de rigueur édulcorait le
très officiel Don paisible (1935) de Dzerjinski, le Potemkine (1937) de Shishko, la
Mère (1939) de Jelobinski, et même Dans
l’orage (1939) du solide Tikhon Khrennikov (né en 1913). Après que Colas Breugnon de Dimitri Kabalevski (1938) eut
encore mieux affirmé ce folklore sentimental, le retour à la musique instrumentale devait, pendant la guerre, permettre
aux meilleurs musiciens d’esquiver les
normes imposées aux livrets, avant qu’une
très relative libéralisation du langage ne
permît à la nouvelle génération une timide
émancipation.
L’Europe centrale. - Hongrie. Béla
Bartók, dans son Château de Barbe-Bleue
(1911), écrit sur le texte même de Bélazs,
recourt, comme Debussy dans son Pelléas (dont il fut la réplique nationale), à
de brefs commentaires symphoniques reliant les scènes isolées de cet acte unique,
mais exalte une phonétique plus riche,
témoignant d’une intensité lyrique plus
efficace. On peut ne voir qu’un aimable
singspiel national dans Harry Janos (1926)
de Zoltán Kodály (1882-1967), son succès
éclipsant tous ses autres opéras. Quant
à Ernö Dohnanyi (1877-1960), son Voile
de Pierrette (1910) n’était guère qu’une
pantomime de style berlinois. C’est seulement après 1960 que naîtra une école
moderne véritable, sur laquelle pèse la
double influence de Bartók et de Laszlo
Lajtha (1892-1963), moins pour l’unique
opéra bouffe de ce dernier (le Chapeau
bleu, 1948) que pour ses liens étroits avec
la France. À cette école se rattachent notamment Emil Petrovics, Sandor Szokolaï
et Sandor Balassa.
Tchécoslovaquie et Roumanie. De peu
le cadet de Novák, Otakar Ostrčil (18791935) était resté fidèle à une esthétique
romantique (la Mort de Vlasta, 1904) ;
après les Balatka, Chubna, Polascek,
Suda et Zelinka, Alois Habá (1893-1973)
apporta sa personnalité de chercheur infatigable, utilisant le quart de ton dans la
Mère (1931), oeuvre dont l’intensité tragique approche celle de Wozzeck, et le
sixième de ton dans Que ton règne arrive
(1940-1942). À la même époque, l’école de
Paris regroupa, au côté du Hongrois Tibor
Harsanyi et du Polonais Al. Tansmann, le
Tchèque Bohuslav Martinºu (1890-1959),
qui écrivit en français Juliette ou la Clef
des songes (1938), intéressante tentative
de surréalisme, puis la Passion grecque
(1958). L’oeuvre lyrique du Roumain Marcel Mihalovici (né en 1898) appartient également au répertoire français, mais l’opéra
roumain reste dominé par la personnalité de George Enesco (1881-1955), dont
l’audacieux OEdipe, opéra atonal utilisant
aussi le quart de ton, commencé en 1914,
fut créé à Paris en 1936.
Pologne. Elle sortit de l’ombre grâce
à Karol Szymanowsky (1882-1937), qui,
dans le Roi Roger (1926), sut allier un langage chanté très accessible à une écriture
influencée par Berg, Bartók et Janáček.
C’est de lui, et non de Lutoslawski, que
se réclamera la jeune école dont sortirent
le sérialiste Taddeusz Baird (1928-1981),
auteur d’un drame lyrique Demain (1966),
à la vocalité très décantée, et le pointilliste Penderecki (né en 1933), qui, avec
ses Diables de Loudun (1969), donna au
théâtre lyrique une oeuvre fascinante, aux
nombreux tableaux habilement enchaînés,
dont l’avant-gardisme sembla représenter le meilleur effort de renouvellement
depuis Wozzeck et qui connut aussitôt une
audience internationale.
En Angleterre. Malgré le triomphe de
l’opéra italien aux XVIIIe et XIXe siècles,
l’adulation portée ensuite à Grieg et à
Tchaïkovski, la création lyrique tenait
bon, entretenue par Henry Bishop (17861855), J. Barnett, Ed. Loder et par Michael
Balfe (1808-1870), qui écrivit - enfin - en
anglais sa célèbre Bohemian Girl (1843),
cependant que l’ambitieux Julius Benedict
(1804-1885) et Arthur Sullivan (18421900) n’aspiraient pas toujours aux genres
les plus nobles. La fin de l’ère victorienne
vit renaître une école véritable, mais
n’inspira à Elgar aucun opéra. On note,
en revanche, ceux d’Ethel Smith (18581944), de Frederick Delius (1862-1934),
qui vécut en France où il écrivit en 1907 A
Village Romeo and Juliet, et ceux de Ralph
Vaughan Williams (1872-1958), dont Sir
John in love (1929) renouait avec le vieil
opera ballad folklorique ; Gustav Holst
(1874-1934) souscrivit aussi à cette forme,
puis s’en démarqua dans son spirituel PerdownloadModeText.vue.download 740 sur 1085
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fect Fool (1923) ; et c’est d’une très digne
tradition que se réclama Arthur Benjamin
(1893-1960) dans Prima Donna, et A Tale
of Two Cities (1950), tandis que l’opéra
n’intéressait que tardivement Arthur Bliss
et William Walton (Troilus and Cressida,
1954), deux romantiques invétérés.
La création de l’opéra anglais moderne
revient à Benjamin Britten (1913-1976),
qui, dès 1945, réalise une grande épopée
de la mer dans son puissant Peter Grimes,
puis rassemble en 1947 l’English Opera
Group, dont les effectifs réduits s’adaptaient autant à l’éthique qu’aux possibilités pratiques du théâtre contemporain.
Cachant une écriture savante sous les
dehors d’un chant lyrique dont il connaît
tous les secrets, apprécié de tous les publics, Britten aborde alors la comédie, le
drame et même le grand opéra (Gloriana,
1953), apporte sa fine introspection au
monde de l’enfance (le Tour d’écrou, Curlew River), utilise la voix de falsettiste dans
le Songe d’une nuit d’été (1960), écrit pour
Alfred Deller, et révèle enfin, dans Mort à
Venise (1973), son souci d’un langage plus
moderne ; souci dont témoignent encore
Lennox Berkeley et Michael Tippett (né
en 1905) avec son parodique Midsummer
Marriage (1955) et son solennel King
Priam (1962), puis avec The Knot Garden
(1970), The Ice Break (1977) et New Year
(1989).
Aux États-Unis. Les premières tentatives
lyriques y remontent à 1735, où fleurissent
à Charleston et à Philadelphie des opera
ballads, véritables ancêtres de la comédie
musicale (témoin The Disappointment, de
Andrew Barton, 1767). Le fonds indien
fut exploité dès 1794 avec Tammany de
l’Anglais J. Hewitt (1770-1827), non sans
arrière-pensée politique, dans The Archers
(1796) de Benjamin Carr (1769-1831), un
très authentique musicien également de
naissance anglaise, puis, en 1808, dans The
Indian Princess de John Bray. La divulgation de l’opéra italien et français en 1825,
puis celle de l’opéra wagnérien cinquante
ans plus tard devaient se refléter d’une
part dans Leonora (1845-1858) de W. H.
Fry, un intime de Berlioz, de l’autre dans
Azara, de Paine (1901).
Des influences de Wagner et d’Elgar
sont encore perceptibles chez quelques
élèves de Chadwick : Converse, qui réussit à se faire jouer au Metropolitan Opera
(The Pipe of Desire, 1909) et même Horatio
Parker (Mona en 1912, Fairyland en 1915).
Mais on s’étonne surtout que l’opéra soit
pratiquement absent des préoccupations
de la jeune école américaine, et que les
grandes influences qui pesèrent sur celleci (Dvořák, l’enseignement de Nadia Boulanger, le néoclassicisme) n’aient pas eu
grand écho à la scène. C’est en fait presque
par hasard que naissent Madeleine, de
Victor Herbert (1914), des opéras de Cadman, et surtout, en 1933, Emperor Jones
de Louis Gruenberg (1884-1964), demeuré
au répertoire. Virgil Thomson fit montre
d’audace en destinant à des noirs Quatre
Saints en trois actes (1934), puis en écrivant un opéra féministe Notre Mère à tous,
d’après Gertrud Stein (1947). Mais, déjà,
le dramatique Porgy and Bess (1935) de
Gershwin (1898-1937) avait ouvert des
voies autrement authentiques qui, après
le Diable et Daniel Webster (1938) de Douglas Moore, conduisirent au savant opérajazz de Marc Blitzstein Regina (1949) et
au West Side Story (1957) de Leonard
Bernstein. On ne peut naturellement relier à aucun courant national l’oeuvre de
Giancarlo Menotti (né en 1911), l’auteur
lyrique le plus célèbre de son époque, en
qui le librettiste et le metteur en scène
éclipsent parfois le compositeur, disciple
avoué mais tardif de Puccini, habile dans
le comique, dans le drame (la Sainte de
Bleecker Street, 1958), mais surtout dans
un vérisme affirmé, dont le Medium (1946)
et le Consul (1950) sont encore de remarquables fruits. Mais les vrais classiques
de l’opéra américain du siècle demeurent
plutôt le très lyrique Vanessa (1958) et le
solennel Antoine et Cléopâtre (1966, revu
en 1980) de Samuel Barber (1910-1980),
mieux que The Second Hurricane (1947)
et The Tender Land (1954) du populaire
Aaron Copland (né en 1900). Il est d’ailleurs significatif que Roger Sessions (né
en 1896), après avoir donné le Procès de
Lucullus en 1947, ait dû aller présenter
son opéra sériel Montezuma (entrepris en
1955) à Berlin, en 1964.
OPÉRA-BALLADE ou BALLAD OPERA.
Forme de théâtre musical ainsi nommé
en Angleterre au début du XVIIIe siècle,
consistant à inclure dans une comédie
des couplets populaires assortis ou non de
paroles nouvelles.
L’exemple le plus fameux en est demeuré The Beggar’s Opera, arrangé par
Pepusch en 1728. Ce genre, qui a également fleuri en Allemagne du Nord, aux
États-Unis, en Russie, etc., était l’équivalent du « vaudeville entremêlé d’ariettes »
qui a donné naissance à l’opéra-comique
français. Le procédé a été parfois repris au
XXe siècle, notamment par Ralph Vaughan
Williams et Benjamin Britten.
OPÉRA-BALLET.
Nom donné à une forme particulière de
l’opéra français du XVIIIe siècle. L’opéraballet mêle au chant une importante
participation chorégraphique, mais diffère essentiellement de l’opéra en ce qu’il
n’implique pas d’unité d’action : un prologue y présente un thème général, auquel
succèdent des « entrées » exposant chacune une action différente (les âges, les
saisons, les éléments, etc.). On fait généralement remonter la création du genre à
l’Europe galante de Campra (1697), bien
que l’oeuvre fût seulement nommée ballet. J.-B. Lully avait, en 1681, sous-titré
« ballet en vingt entrées » son Triomphe de
l’amour, et le terme « opéra-ballet » apparut en 1688 avec Zéphyr et Flore, sur une
musique des deux fils de Lully, puis fut
repris par Michel de La Barre (le Triomphe
des arts, 1700). Quelle qu’en soit la dénomination exacte - ballet héroïque, balletopéra, comédie-ballet, etc. -, on range
dans ce genre les oeuvres correspondantes
de Campra, Mouret, Colin de Blamont,
Destouches, Rebel, etc., et surtout Rameau
(les Indes galantes, 1735 ; les Fêtes d’Hébé,
1739, etc.). On a, par la suite, appliqué ce
terme à diverses oeuvres (cf. Armide de
Rossini, Padmâvati d’Albert Roussel, etc.),
sans définir par là un type précis de genre
ou de structures.
OPÉRA BOUFFE.
Nom donné en France (par opposition à
opérette) aux oeuvres parodiques d’Offenbach, qui, pour cette raison, appela
Bouffes-Parisiens le théâtre qu’il fonda
en 1855. Cette appellation a été reprise
par Chabrier (l’Étoile, 1877) et parfois
employée par certains compositeurs du
XXe siècle pour désigner des oeuvres de
caractère bouffon, mais comportant une
musique de qualité, avec ou sans dialogues
parlés (cf. les Mamelles de Tirésias de Francis Poulenc, 1945).
OPERA BUFFA.
Opéra italien de sujet comique, mais défini principalement par ses structures.
Généralement en 2 actes, il est bâti sur
l’alternance du récitatif secco et de l’aria,
mais comporte aussi des duos, ensembles,
et au moins un finale concertant, ce qui, à
l’origine, le différenciait de l’opera seria.
Le terme n’apparut que lorsqu’une séparation nette fut établie entre les genres comique et tragique, intimement mêlés dans
l’opéra au XVIIe siècle, durant lequel des
oeuvres entièrement comiques virent le
jour à Rome ou Florence. Né à Naples au
début du XVIIIe siècle (v. OPÉRA), l’opera
buffa utilisa d’abord le dialecte, sollicita
les plus grands compositeurs et emprunta
de nombreux caractères à l’intermezzo,
offrant néanmoins plus de variétés de
structures grâce au nombre important de
ses personnages. Plus réaliste que l’opera
seria par le choix de sujets « quotidiens »,
il présenta en outre une typologie vocale
moins abstraite, bien qu’il ait eu recours
au travesti (plus tard au castrat), et il remporta un très grand succès. Dès 1750, il fit
appel à des livrets d’une plus haute ambition, et donna naissance aux genres de la
comédie, du dramma giocoso (Don Giovanni de Mozart) et du semiseria, conservant en commun avec ceux-ci le principe
essentiel d’un grand finale concertant
nouant l’intrigue au milieu de l’action.
Réduit à un acte seul, il prenait le nom de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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burletta ou de farsa (giocosa, par opposition à la farsa sentimentale, issue du semiseria). Rossini mit un terme à la carrière
du véritable opera buffa, lui substituant
le dramma buffo ou comédie (cf. le Barbier de Séville, 1816) ou le genre semiseria,
mais il survécut au travers de quelques
tentatives de résurrection, notamment
avec Don Pasquale (1843) de Donizetti,
qui réutilisait le livret du Ser Marcantonio
(1810) de Anelli et Pavesi.
OPÉRA-COMIQUE.
En France, type d’opéra où alternent le
parlé et le chanté. Né en 1714 des spectacles de tréteaux des foires (v. OPÉRA),
il consista d’abord à tourner en dérision
les opéras en vogue, d’où son nom. Mais,
en raison du monopole exclusif exercé par
l’Opéra de Paris sur les oeuvres entièrement chantées, ce terme s’appliqua bientôt aux oeuvres jouées dans toute autre
salle, qu’elles fussent de caractère gai,
sentimental ou même tragique (cf. Médée
de Cherubini, 1797), obligation leur étant
faite de comporter des dialogues parlés.
D’abord conçu comme un « vaudeville
mêlé d’ariettes », le genre se structura
vers 1750, grâce notamment aux efforts de
Charles S. Favart (qui laissa son nom au
théâtre de l’Opéra-Comique), et connut
une heureuse fortune durant un siècle
avec les oeuvres de Monsigny, Philidor,
Grétry, Boieldieu, Hérold, Adam, Auber,
Thomas, etc. L’opérette ayant repris l’héritage du véritable opéra-comique, celuici se tourna vers des sujets plus nobles,
voire tragiques : en 1875, Carmen de Bizet
n’avait plus de commun avec sa formule
que ses dialogues parlés. Cet usage devint
dès lors assez rare, et seule l’habitude fit
que l’on nommât encore opéra-comique
les oeuvres jouées à Paris dans ce théâtre,
fussent-elles entièrement chantées, ou de
caractère tragique (cf. Werther, Louise, Pelléas et Mélisande). Si on peut lui assimiler
le singspiel, l’opera buffa et leurs équivalents européens, il est erroné de nommer
opéra-comique des oeuvres telles que
Paillasse, la Vie brève, Tosca, etc., simplement parce qu’elles furent d’abord jouées
au théâtre de l’Opéra-Comique.
OPÉRA SEMISERIA ou DRAMMA SEMISERIA.
Type d’opéra italien tenant de l’opera
buffa et de l’opera seria. Il a la structure
du premier, mais emprunte au second
certains caractères dramatiques et vocaux, mêlant des personnages typiques de
l’opera buffa (notamment la basse bouffe)
à ceux de l’opera seria. Son action, sentimentale, parfois tragique, comporte un
dénouement heureux : on y voit généralement un personnage innocent, souvent
d’humble condition (servante, jeune fille)
injustement accusé ou contraint, et sauvé
in extremis par un coup de théâtre (La
Vera Costanza de Haydn, 1778-79). Il reprend donc le cadre du drame larmoyant
français, et la Pie voleuse de Rossini (1817)
en est considérée comme l’archétype. Il
peut se confondre avec le dramma giocoso dont il a de nombreux caractères,
mais sa naissance, liée au mouvement
néoclassique italien, fut plus tardive, et on
le nomma également héroïque, héroï-comique, tragicommedia, etc. En 1774, Paisiello sous-titre Dardane « commedia semiseria », puis utilise le terme exact pour
sa Nina, pazza per amore (1789), inspirée
d’une pièce française de Marsollier, déjà
mise en musique par Dalayrac, et contenant une scène de folie. Utilisé durant un
demi-siècle, le terme parut encore au-delà
de 1850, notamment dans Elena di Tolosa,
de Petrella (1852) et Belfagor, de Giovanni
Pacini (1861).
OPÉRA SERIA.
En Italie, type d’opéra ne comportant
ni personnages, ni scènes comiques, et
dont le sujet est puisé dans la mythologie,
l’Antiquité ou l’histoire. Né de la sépara-
tion des genres, au début du XVIIIe siècle
( ! OPÉRA), l’opera seria correspondait
alors à un type bien précis de livret et
de structures, dont le modèle se trouve
dans les drames de Zeno et de Métastase, drames à fin morale et dénouement
heureux : l’action y reposait sur le récitatif (secco ou obbligato) tandis que l’aria
exprimait des affetti (sentiments ou états
d’âme), ou présentait des réflexions abstraites. Ces arias, très diversifiées, faisaient
appel à toutes les ressources du bel canto.
Après 1750, l’opera seria « réformé » inclut également des duos et ensembles, et
en 1792 l’Elfrida de Calzabigi et Paisiello,
qui fut le premier opéra de sujet médiéval
comportant une fin « tragique » (c’est-àdire la mort du héros, ou de l’héroïne vertueuse), fut sous-titrée « tragedia seria ».
Au XIXe siècle, Rossini appliqua à l’opera
seria, souvent réduit à deux actes, la structure de l’opera buffa, avec finale concertant, et multiplia les dénouements tragiques. Au-delà de 1830, le terme, bien que
survivant jusqu’au XXe siècle, se confondra
avec ceux de drame ou tragédie.
OPÉRETTE.
Au sens où nous l’entendons aujourd’hui,
l’opérette est une variété d’opéra-comique
plus légère dans son sujet et dans sa musique, où tout finit bien, et qui a hérité
de ses origines disparates et multiples
un charme, une grâce à la fois élégante
et populaire. Les frontières exactes entre
opérette, opéra-comique, opéra bouffe
ou opérette bouffe, puis, plus tard, entre
opérette et comédie musicale sont bien
difficiles à déterminer. C’est ainsi qu’Offenbach nommait souvent ces oeuvres
opéras bouffes, malgré leur alternance de
parties chantées et de scènes de comédie,
et que, chez Messager, Véronique porte le
titre d’opéra-comique, et les P’tites Michu,
celui d’opérette. Souvent, la désignation
des oeuvres était faite en fonction du genre
auquel était voué le théâtre dans lequel
elles allaient être créées.
Une des meilleures définitions de l’opérette semble être celle du compositeur
Claude Terrasse : « L’opéra-comique est
une comédie en musique, tandis que l’opérette est une pièce musicale comique. »
Au début du XIXe siècle, l’opéra-comique eut tendance à s’enfler, et la musique, à y prendre une place de plus en
plus importante par rapport aux scènes
parlées. C’est alors que, par réaction, le
vieux genre gai du vaudeville, davantage
axé sur la grosse farce que sur la musique,
se renforça puis s’émancipa. Les véritables
débuts de l’opérette eurent lieu en France
avec Florimond Rongé, dit Hervé (18251892), auteur notamment de l’Ours et le
Pacha (1842), de Don Quichotte et Sancho
Pança (1848), puis de la grande « trilogie cocasse » l’oeil crevé (1867), Chilpéric
(1868) et le Petit Faust (1869), et avec
Jacques Offenbach (1819-1880). Charles
Lecocq (1832-1918), dans la Fille de Madame Angot (1872) ou le Petit Duc (1878),
ne chercha plus à parodier les grands musiciens, mais à faire de l’opérette la digne
héritière de l’opéra-comique.
En 1856, Bizet avait donné le Docteur
Miracle. Emmanuel Chabrier suivit son
exemple avec l’Étoile (1877) puis Une
éducation manquée (1879). À la même
époque, Edmond Audran (1842-1901)
avec la Mascotte (1880), Robert Planquette
(1848-1903) avec les Cloches de Corneville
(1877), Louis Varney (1844-1908) avec
les Mousquetaires au couvent (1880), reviennent à un genre plus populaire. Puis
vinrent Victor Roger (1853-1903) avec les
Vingt-Huit Jours de Clairette (1892), Louis
Ganne (1862-1923) avec les Saltimbanques
(1899), Gaston Serpette (1846-1904), ou
encore Léon Vasseur (1844-1917).
Après André Messager (1853-1929),
qui éleva l’opérette à un haut niveau
musical tout en restant gai et séduisant,
deux voies étaient possibles en France :
trouver des musiciens et des librettistes
joyeux, capables de sortir l’opérette de sa
torpeur ; s’inspirer de nouveautés étrangères. Les deux solutions devaient se
révéler fructueuses, avec, entre autres,
Claude Terrasse (1867-1923), qui revint à
la cocasserie et au rire franc dans les Travaux d’Hercule (1901) ou le Sire de Vergy
(1903) ; Henri Christiné (1867-1941), qui
connut avec Phi-Phi, créé le 12 novembre
1918, un des plus grands triomphes de
l’histoire du genre, et Maurice Yvain
(1891-1965). Élève de Massenet, Reynaldo
Hahn (1874-1947) s’attacha à réagir contre
l’opérette américanisée et à restituer au
genre sa dignité musicale. Il en alla de
même de Louis Beydts (1895-1953).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
736
À leur suite, il faut citer Joseph Szulc
(1875-1956), Moïse Simons (1888-1945),
Raoul Moretti (1893-1954), Vincent Scotto
(1874-1952), Jacques-Henri Rys (19091960), Paul Misraki, Francis Lopez, dont
la Belle de Cadix (1945) remporte dans
le genre le plus grand triomphe depuis
Phi-Phi, Guy Lafarge. À noter également
qu’ont honoré le genre de l’opérette des
compositeurs tels que Léo Delibes (l’Omelette à la Follembûche, 1859), Henri Sauguet (le Plumet du colonel, 1924), Arthur
Honegger (les Aventures du roi Pausole,
1930), Albert Roussel (le Testament de
tante Caroline, 1936).
Tout comme à Paris Hervé avait précédé Offenbach, à Vienne Franz von Suppé
(1819-1895) précéda Johann Strauss fils
(1825-1899). Dans le sillage de ce dernier,
Karl Millöcker (1842-1899) et Carl Zeller
(1842-1898). Au XXe siècle, l’opérette viennoise fut illustrée par Franz Lehár (18701948), Oscar Straus (1870-1954), Leo Fall
(1873-1925), Emmerich Kalman (18821953), Ralph Benatzky (1887-1957), auteur de l’Auberge du Cheval blanc (1930),
Robert Stolz (1880-1975). En Angleterre,
il faut citer, outre Arthur Sullivan (18421900), Edward German et Noel Coward ;
en Allemagne, Eduard Künneke, et Jean
Gilbert, auteur de la Chaste Suzanne
(1910) ; en Italie, Giuseppe Pietri et Carlo
Lombardo ; en Russie, Boris Alexandrov
(les Noces à Malinovka, 1937). En Espagne,
l’opérette se confond dans la pratique avec
la zarzuela ; parmi les oeuvres se rapprochant néanmoins des canons de l’opérette véritable, on peut retenir Romance
au Portugal de José Padilla (1948), créé
sous le titre de Symphonie portugaise en
1949. Quant à l’opérette américaine, elle
eut d’abord pour principaux compositeurs Reginald Dekoven, Victor Herbert,
John Philip Sousa. Rudolf Friml exporta le
premier grand succès du genre, Rose-Marie (1924). Suivirent Sigmund Romberg,
Jérome Kern (Show Boat, 1927), Irving
Berlin (Annie du Far-West, 1946), George
Gershwin (Tip-Toes, 1925), Richard Rodgers (Oklahoma, 1943 ; South Pacific,
1949), Frederick Loewe (My Fair Lady,
1956). ( ! COMÉDIE MUSICALE.)
OPHICLÉIDE.
Étymologiquement, « serpent à clés ». Cet
instrument à vent, élaboré vers 1800, est,
en effet, directement issu du serpent, bien
qu’il soit en métal et non en bois, que sa
forme soit complètement différente et
qu’il soit pourvu, pour fermer les trous,
d’un mécanisme de plateaux commandés par des clés. La disposition adoptée
est à peu près celle du basson, le gros tube
étant replié en U et le pavillon dirigé vers
le haut. Très en faveur à l’époque romantique malgré sa sonorité rauque, l’ophicléide a été peu à peu délaissé au profit du
sarrusophone, du contrebasson ( ! BASSON), du saxophone baryton et du saxhorn
contrebasse.
OPPITZ Gerhard), pianiste allemand
(Frauenau 1953).
Il étudie à la Musikhochschule de Stuttgart
et à celle de Munich, puis suit les cours de
Wilhelm Kempf à Positano. Premier prix
en 1977 du Concours Arthur Rubinstein
de Tel-Aviv, il se produit sur les grandes
scènes du monde, consacrant une part
importante de son activité à la musique
de chambre, et dans une moindre mesure à l’enseignement. À partir de 1982,
il propose des séries de concerts permettant d’entendre plusieurs intégrales (32
Sonates de Beethoven, le Clavier bien tempéré, etc.). Familier des romantiques allemands, il élargit son répertoire jusqu’aux
oeuvres des compositeurs d’aujourd’hui,
donnant en première audition des oeuvres
de Lachenmann, entre autres. Il a réalisé
une intégrale discographique de l’oeuvre
pour piano de Brahms.
OPUS.
Mot latin signifiant « oeuvre », souvent
abrégé en « op. ».
Suivi d’un numéro, il désigne un ouvrage (ou un ensemble d’ouvrages du
même auteur) dans son ordre de publication, qui ne correspond pas nécessairement à l’ordre chronologique de sa composition. Et il n’est pas rare que le numéro
d’opus, consacré par l’usage, s’impose
comme un véritable titre (exemple :
l’opus 111 de Beethoven). C’est à la fin du
XVIIIe siècle, alors que les éditeurs commençaient à jouer un rôle prépondérant
dans la diffusion de la musique, que ce
procédé de classement a pris naissance.
ORATORIO.
Genre de musique vocale dramatique à
sujet religieux, ne faisant pas, en général,
l’objet de représentations scéniques.
L’ORATORIO ITALIEN.
Si profondes que soient les racines musicales de l’oratorio, c’est un phénomène
d’ordre essentiellement politique - la
Contre-Réforme - qui amena la cristallisation du genre au cours de la première
moitié du XVIIe siècle. Parmi les répercussions musicales du renouveau de l’Église
catholique, on connaît bien les recommandations du concile de Trente (1545)
concernant l’intelligibilité des paroles et
condamnant les éléments profanes dans
les oeuvres sacrées. Mais la Contre-Réforme eut aussi pour conséquence la
fondation d’ordres religieux nouveaux
et combatifs, dont l’un au moins, l’ordre
des Oratoriens, fit de la musique un véhicule privilégié dans la diffusion de la
foi. Vers le milieu du XVIe siècle, Filippo
Neri, fondateur des Oratoriens, organisa
de vastes rassemblements à caractère non
liturgique, où l’on entendait des sermons
agrémentés de morceaux de musique vocale. Un rapport de Neri adressé au pape
indique on ne peut plus clairement la
fonction de ces morceaux : « La pratique
démontre que l’alternance des exercices
spirituels sérieux, accomplis par des personnes sérieuses, et des plaisirs de la musique spirituelle [...] permet d’attirer une
assistance plus vaste et plus variée. »
Le succès de ces intermèdes musicaux
fut tel que les réunions de fidèles organisées par les oratoriens prirent progressivement l’allure de concerts, et que le mot
« oratoire » en vint, dans le deuxième quart
du XVIIe siècle, à désigner non seulement le
lieu de ces assemblées, mais aussi le genre
de musique que l’on y jouait. Un voyageur
français de l’époque, Maugars, nous en
relate le déroulement : « Les voix chantoient une histoire du Vieil Testament, en
forme d’une comédie spirituelle, comme
celle de Suzanne, de Judith et d’Holoferne,
de David et de Goliat. Chaque chantre
représentoit un personnage de l’histoire
et exprimoit parfaitement bien l’énergie
des paroles. Ensuite, un des plus célèbres
prédicateurs faisoit l’exhortation, laquelle
finie, la Musique récitoit l’Évangile du
jour, comme l’histoire de la Samaritaine,
de la Cananée, du Lazare, de la Magde-
laine et de la Passion de Nostre Seigneur :
les Chantres imitant parfaitement bien les
divers personnages que rapporte l’Évangéliste. » À la pratique décrite par Maugars se substitua l’habitude d’exécuter un
seul oratorio en deux parties (une avant
le sermon, l’autre après), afin de retenir jusqu’au bout l’attention des fidèles.
Mais les sujets cités dans sa description
se maintinrent pendant toute l’histoire de
l’oratorio : l’Ancien et le Nouveau Testament étaient des mines inépuisables de
livrets, à quoi s’ajoutaient encore l’hagiographie et la tradition allégorique.
Le premier oratorio qui mérite considération pose, cependant, d’emblée le
problème de la définition du genre : la
Rappresentazione di Anima e di Corpo
de Cavalieri, donnée en 1600 à la Chiesa
Nuova, fut présentée sous une forme scénique, contrairement à ce qui devait devenir l’usage de l’oratorio italien baroque.
Mais cette oeuvre avait un caractère expérimental et ne peut encore être placée
dans aucune catégorie précise. Cavalieri
avait longuement séjourné à Florence,
où il avait participé aux recherches qui
aboutirent à la création de l’opéra : sa
Rappresentazione constitue donc, à Rome,
l’équivalent de l’Euridice de Peri, dont elle
est exactement contemporaine. Les deux
oeuvres partagent les mêmes procédés
musicaux, en particulier, la « déclamation chantée », et démontrent d’entrée de
jeu que l’opéra et l’oratorio étaient voués
à employer un langage identique tout au
long de leur histoire.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
737
Le genre se mit véritablement à fleurir
dans les années 1660 avec, comme principaux compositeurs, Mazzocchi et, surtout,
Carissimi. Leurs oeuvres se caractérisent
essentiellement, comme les opéras vénitiens ou romains de la même époque, par
une grande souplesse formelle, qui permet la juxtaposition ou l’enchaînement
de courts morceaux de styles différents :
récitatifs, ariosi, airs et choeurs souvent
monumentaux.
Mais l’oratorio ne tarda pas à sortir
du contexte paraliturgique des églises ou
des oratoires : les grands aristocrates et
les cardinaux romains virent le prestige
que pouvait leur apporter ce genre musical nouveau, et organisèrent chez eux
de somptueux concerts. Citons le prince
Ruspoli, patron de Caldara, et le cardinal
Ottoboni, employeur d’Alessandro Scarlatti, chez qui l’oratorio perd toute attache
avec la prière et la prédication, et devient
une manifestation purement musicale.
C’est dans leurs palais que Haendel fit
exécuter La Resurrezione et Il Trionfo del
Tempo e del Disinganno (1708) avec une
magnificence bien éloignée de la simplicité des premiers oratoires. Le faste de ces
occasions ne s’étendait cependant qu’aux
décors, à l’exclusion de tout costume analogue à celui des chanteurs d’opéra : les
oratorios italiens, comme parallèlement
les oratorios allemands, ne furent joués
sur scène qu’à de très rares exceptions. Cet
élargissement du cadre social de l’oratorio s’accompagna de profonds bouleversements dans sa structure dramatique et
musicale : la fluidité du discours, typique
de l’époque de Carissimi, fit place, au
cours de la seconde moitié du XVIIe siècle,
à une polarisation progressive entre l’air et
le récitatif, pour aboutir à une alternance
régulière des deux formes. La participation orchestrale augmenta, la ritournelle
initiale s’allongea, le style vocal se fit de
plus en plus virtuose ; parallèlement disparurent les parties narratives, tandis
que les morceaux choraux se bornaient à
réunir les différents personnages dans un
ensemble final. Cette transformation de
l’oratorio s’effectua certainement en relation avec son entrée dans des lieux profanes, de même que l’importance accordée
au brillant de l’exécution correspondait,
à la même époque, à une forte ascension
des chanteurs dans le monde musical.
Il ne faut cependant pas en conclure à
une sécularisation de l’oratorio : l’opéra
et la cantate participaient eux aussi à la
même évolution formelle, hors de tout
contexte religieux, et les musiciens ne
firent qu’étendre des techniques de composition semblables à tous leurs domaines
d’activité, l’écriture chorale mise à part.
Les principaux compositeurs de cette période sont Legrenzi, à Venise, Colonna, à
Bologne, et, à Rome, Stradella, Caldara et
surtout A. Scarlatti, qui composa plus de
trente oratorios. La Juditha triumphans de
Vivaldi (1716) constitue un cas exceptionnel, tant par les caractéristiques propres au
style de Vivaldi que par les circonstances
particulières de sa création : le contexte de
l’Ospedaletto, à Venise, entraînait l’emploi de la langue latine, l’exclusion de voix
masculines et la présence de choeurs plus
nombreux que chez les contemporains
de Vivaldi. Tout aussi difficiles à classer
sont les oratorios viennois de Fux, qui
perpétuent, dans les années 1730, un style
d’écriture contrapuntique que la plupart
de ses contemporains avaient abandonné.
Plutôt que les termes de « galant », de
« préclassique » ou de « napolitain », nous
utiliserons l’expression « de type métastasien » pour qualifier l’oratorio de l’énorme
production qui va des années 1720 à la fin
du XVIIIe siècle, en passant par la Betulia liberata de Mozart (1771), Il Ritorno
di Tobia de Haydn (1775) ou encore
Abramo e Isacco de Myslivecek (1777).
Comme dans l’opéra, en effet, l’oratorio
a été dominé par Métastase, librettiste
de génie, abbé de surcroît, dont chacun
des sept livrets à thème sacré a été mis en
musique plus d’une vingtaine de fois. Ce
répertoire reste encore en grande partie
inconnu, et l’on ne peut ici qu’en rapporter les caractéristiques principales : la prééminence de l’air da capo, l’abondance des
passages de virtuosité vocale, et le nombre
de choeurs plus élevé que dans l’opéra de
la même époque. Un des rares représentants de l’oratorio de type métastasien que
l’on joue encore, la Betulia liberata, composée par Mozart à l’âge de quinze ans,
contient des morceaux d’une beauté un
peu archaïque ; mais c’est là une oeuvre
correspondant à un stade tardif du genre,
qui porte déjà trop nettement l’empreinte
personnelle de Mozart pour que l’on
puisse en tirer des conclusions sur le style
général de la période. Le livret d’Il Ritorno
di Tobia de Haydn n’est pas de Métastase,
mais il est de type métastasien.
HAENDEL ET L’ORATORIO ANGLAIS BAROQUE.
Quelques oeuvres à sujet biblique mises à
part, l’oratorio anglais naquit avec Esther
de Haendel (1718), oratorio composé
pour le « grand salon » du duc de Chandos. Le sort du genre en Angleterre se joua
quatorze ans plus tard, lorsque Haendel décida de reprendre son oratorio au
King’s Theatre de Haymarket. L’évêque
de Londres s’opposa à la représentation
d’une oeuvre à sujet religieux sur une
scène profane, et Haendel fit exécuter
Esther, comme tous ses oratorios ultérieurs, en version de concert (en « nature
morte », comme l’avait remarqué un de
ses contemporains). Une tradition mora-
lisante a fait accréditer la légende que c’est
par piété que Haendel avait délaissé le
domaine de l’opéra italien pour l’oratorio anglais. Il est maintenant bien établi
que Haendel a longtemps composé dans
les deux genres à la fois, et que seules des
contraintes d’ordre financier l’ont obligé,
en 1741, à abandonner l’opéra. De 1742
(le Messie) à 1752 (Jephté), Haendel donna
un nouvel oratorio par an en moyenne, en
général au Théâtre royal de Covent Garden ou au Haymarket. Bien qu’il eût écrit
deux oratorios en italien lors de son séjour
à Rome, ses oratorios anglais se situent
sur un tout autre plan que ceux que l’on
représentait en Italie à la même époque. À
l’alternance d’airs et de récitatifs s’ajoute
une participation chorale massive, rendue
possible par l’absence d’action scénique :
il n’y avait plus, dès lors, le moindre inconvénient à reléguer les solistes au second plan, derrière des choeurs souvent
très développés, combinant ou alternant
l’écriture contrapuntique ou le style homophonique. Le choeur intervient souvent
dans le Messie, en raison de sa nature non
dramatique, et, plus encore, dans Israël
en Égypte, où l’élément soliste est presque
inexistant. Les airs eux-mêmes se ressentent d’un contexte différent de la scène
d’un théâtre : les schémas da capo sont en
minorité dans tous les oratorios de Haendel, sauf Esther (son premier essai dans le
genre), et dans des oeuvres aux implications particulièrement profanes, Susanna
et Theodora. Cette caractéristique s’explique en partie par l’absence d’« airs de
sortie » pour les personnages, en partie
par l’abandon progressif des chanteurs italiens : pour des raisons à la fois financières
et linguistiques, les vedettes de l’opéra ont
progressivement cédé la place à des chanteurs anglais, moins épris de virtuosité vocale mais capables d’une communication
plus directe avec le public.
Haendel eut des émules en Angleterre,
comme Greene, Boyce et Arne. L’oratorio anglais resta cependant un genre peu
représenté au XVIIIe siècle : les divertissements royaux et aristocratiques étaient
plus rares et moins somptueux que ceux
des cours continentales et séparaient nettement les cérémonies solennelles (avec
anthems) des réjouissances profanes. En
l’absence de grandes fêtes religieuses
comme en Italie, l’oratorio se trouva, en
général, relégué au contexte exclusivement laïc des concerts et des théâtres. Le
premier oratorio à avoir été joué dans un
lieu consacré est le Messie, que Haendel
reprit en 1750 dans la chapelle du Foundling Hospital à des fins charitables. Un
tournant capital fut la grande « Haendel
Commemoration » de 1784 à l’abbaye de
Westminster : ce festival a assuré aux oratorios de Haendel une continuité d’exécution qui ne s’est jamais arrêtée jusqu’à
ce jour.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
738
L’ORATORIO EN FRANCE JUSQU’À LA RÉVOLUTION.
Le genre semblait avoir pris, au
XVIIe siècle, un départ prometteur : Marc
Antoine Charpentier, maître de chapelle
de plusieurs églises parisiennes, séjourna à
Rome dans les années 1660 et donna, à son
retour, une série d’oratorios latins aux dénominations diverses (canticum, historia,
dialogus, méditation) qui montrent une
forte influence de Carissimi. À la mort de
Charpentier, l’oratorio français ne réussit
pas cependant à s’implanter, pour des raisons à la fois musicales et sociologiques.
Contrairement à l’Italie, l’opéra n’était pas
un pôle de créativité capable d’entraîner
dans son sillage la composition de drames
musicaux à thème religieux. La France
ne comptait pas non plus, à la différence
des pays luthériens, une multiplicité de
grandes villes au public bourgeois pieux
et épris de musique. Ce n’est qu’à l’arrivée
de Mondonville à la direction du Concert
spirituel, en 1755, que l’oratorio en français fit son entrée dans la vie musicale parisienne ; il ne subsiste malheureusement
presque aucune partition de cette période.
L’oratorio ne devint une composante régulière du Concert spirituel qu’à partir de
1774, date à laquelle Gaviniès, Leduc et
Gossec assumèrent la direction de l’institution. La seule oeuvre de cette période
qui ait fait l’objet d’une reprise moderne
est le Carmen seculare de Philidor (177980), dont la composition a cependant été
suscitée par les milieux littéraires et musicaux de Londres. Les quatre « messesoratorios » de Lesueur, exécutées à NotreDame en 1786 et 1787, constituent des
expériences formelles intéressantes, mais
elles sont restées sans descendance.
L’ORATORIO ALLEMAND JUSQU’À HAYDN.
Si l’on met à part un certain nombre de
« dialogues », tels le « Vater Abraham »
de Schütz (v. 1625) ou les oeuvres dramatiques de Buxtehude exécutées à Lübeck
(seconde moitié du XVIIe siècle), les débuts de l’oratorio allemand se confondent
avec les développements de la Passion.
Sans doute faut-il voir là un effet de la
religion luthérienne, car l’épisode de la
Passion met l’accent à la fois sur la solitude du Christ et sur la responsabilité personnelle du pécheur devant la souffrance
de Jésus. L’implication du fidèle dans les
événements de la Passion est matérialisée
par les nombreux chorals qui viennent
en rythmer la narration : plus que dans
les pays catholiques se trouvaient ainsi
mêlées la représentation d’un drame et
l’entreprise d’édification (le service divin)
qui lui servait de cadre. La première Passion de ce type est la Passion selon saint
Jean de Thomas Selle (1643), qui comporte
trois « intermèdes » employant un choeur,
des instruments et des solistes vocaux. Le
plus grand représentant du genre fut tout
d’abord Heinrich Schütz. Mais c’est dans
la première moitié du XVIIIe siècle que la
Passion connut son développement le plus
important, sans doute sous l’impulsion de
l’opéra en vogue à Hambourg dans les dernières années du XVIIe siècle. La postérité
a retenu les deux Passions existantes de
Jean-Sébastien Bach, mais de nombreuses
oeuvres importantes ont été perdues, de
la plume de Mattheson ou de Telemann,
qui composa une Passion par an entre
1722 et 1767. Comme en Italie, l’oratorio
allemand passa rapidement des églises aux
salles de concerts ou à tous lieux permettant de grands rassemblements, comme
le Drillhaus (caserne) de Hambourg. Un
texte de Carl Philipp Emanuel Bach, en
préface aux Israélistes dans le désert (1769),
exprime clairement ce processus de désacralisation : « Cet oratorio a été composé
de telle façon que l’on puisse l’exécuter
dans toutes les communautés chrétiennes,
non seulement à l’occasion de quelque festivité, mais à tous les moments que l’on
voudra, dans l’église ou hors de l’église,
pour la seule louange de Dieu, mais aussi
sans incitation particulière. »
Le courant religieux du XVIIIe siècle
avait ainsi débordé le cadre de la prédication pour se teindre de préromantisme et
devenir une des composantes de la nou-
velle identité allemande dans le domaine
littéraire et artistique. C’est ainsi que le
Messie de Klopstock trouve un écho chez
Telemann (Sing, unsterbliche Seele, 1759),
l’Enfance du Christ et la Résurrection de
Lazare de Herder sont mis en musique par
Johann Christoph Friedrich Bach. Mais
c’est le poète Ramler dont les oeuvres religieuses eurent le plus de succès auprès
des musiciens (Graun, J. Chr. Fr. Bach,
Reichardt, Zelter), et, comme pour Métastase, furent même mises en musique plusieurs fois par des compositeurs différents.
Quelques phrases de sa Mort de Jésus
(musique de Graun, 1755) montreront
le ton lyrique et exalté de cette période :
« Je vois les meurtriers : ah ! c’en est fait
de Lui ! Mais Lui, impavide, s’approche de
ses ennemis. Magnanimement, Il parle :
me cherchez-vous ? alors laissez mes amis
en paix. » On est loin du récit évangélique
original, qui se départit rarement, même
pour relater l’arrestation de Jésus, d’une
certaine objectivité. Les traits dominants
des oratorios allemands restent donc la
prééminence du commentaire sur l’action, l’intériorisation du drame vécu par
la conscience du chrétien. Les oratorios à
intrigue sont rares, à la différence de l’oratorio italien, et semblent avoir surtout
été cultivés par Rolle, un compositeur de
Magdebourg (une forte participation chorale rattache cependant sans équivoque
ses oeuvres à la tradition allemande). Le
type le plus courant, en revanche, est
l’oratorio contemplatif et narratif, représenté par exemple par le Jour du Jugement
de Telemann (1762). Les personnages sont
des allégories (Raison, Religion, Recueillement, Croyance, Incroyance), dont les
diverses méditations sont reliées à un fil
conducteur narratif : l’arrivée du Christ et
de l’Ange de la Vengeance, la résurrection
des morts, la damnation des incroyants, la
jubilation des élus. Telemann évite cependant le risque de la moralisation par un
langage musical vigoureux, tirant le meilleur parti d’un texte contrasté et riche en
images.
Les deux grands oratorios de Haydn,
la Création (1798) et les Saisons (1801),
pour être en langue allemande, plongent
leurs racines dans des traditions bien plus
variées que celle de la musique d’inspiration luthérienne. Ils suivirent de près la
version vocale des Sept Paroles du Christ
(1796). L’influence de Haendel est particulièrement sensible dans la Création,
composée sur un texte adapté de l’anglais
par le baron Van Swieten. Mais ce sont
surtout les caractéristiques du langage
musical classique qui font la grandeur
de cette oeuvre, à la fois monumentale
dans ses proportions et d’un extrême raffinement dans les détails. La trame de la
Création est constituée par des récitatifs,
tantôt simples, tantôt accompagnés (avec
d’abondants effets descriptifs). Le récit des
six jours de la Création est commenté par
des solistes représentant trois archanges
(Gabriel [s], Uriel [t], Raphaël [b]), et par
un choeur, dont les interventions forment
la charpente de l’édifice musical. Les airs
sont d’une diversité formelle étonnante,
comparable à celle des airs d’opéra de
Mozart ; l’héritage de ce dernier se manifeste également par un style vocal proche
de la Flûte enchantée, en particulier dans
les parties de soprano (Gabriel-Pamina)
et de ténor (Uriel-Tamino). La troisième
partie est consacrée à Adam et Ève (bars), et constitue un hymne à l’amour dont
les diverses péripéties sont déterminées
par des raisons d’ordre purement musical.
Les Saisons ajoutent aux caractéristiques
relevées dans la Création une atmosphère
qui rappelle parfois tout autant l’opéracomique allemand (le Singspiel) que l’oratorio proprement dit. Le sujet n’en est
pas spécifiquement religieux : le poème
de Van Swieten, inspiré de Thomson, est
mi-descriptif mi-moralisant, et brode sur
le cycle de la nature et les beautés de la
vie à la campagne. Les solistes ne représentent plus des archanges, mais des paysans : Lucas (t), Simon (b) et sa fille Hanne
(s). Mais ces personnages ne prennent à
aucun moment une vie autonome : même
le duo d’amour de Lucas et de Hanne,
par exemple, n’est rattaché à aucune intrigue, à aucun arrière-plan dramatique
cohérent. Les choeurs ont ici une double
fonction, caractéristique de tant d’oratorios : tantôt ils représentent l’ensemble des
fidèles, comme dans la Création, tantôt ils
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
739
assument un rôle purement profane et
mettent en scène un groupe de chasseurs,
de vendangeurs ou de fileuses. Les choeurs
d’inspiration religieuse sont relativement
peu nombreux (nos 6, 9, 12 et 44), mais
marquent très fortement l’atmosphère de
l’oeuvre tout entière, tant par leur longueur que par la masse d’exécutants qu’ils
mobilisent. Le choeur final propose une
grandiose méditation sur la vie éternelle
et laisse l’auditeur sur une note solennelle
qui, comme les choeurs conclusifs des trois
autres parties, vient nuancer a posteriori ce
que d’autres morceaux avaient de subtilement populaire.
L’ORATORIO AUX XIXE ET XXE SIÈCLES.
Il est malaisé d’expliquer pour quelles
raisons l’oratorio est entré en décadence
au début du XIXe siècle, à partir du Christ
au mont des Oliviers de Beethoven (1803).
Non que les compositeurs s’en soient entièrement détournés : la production d’oratorios continua à un rythme assez élevé
dans toute l’Europe ; mais les musiciens de
théâtre, qui s’illustraient souvent jusquelà dans les deux genres, semblent avoir désormais manifesté une préférence presque
exclusive pour l’opéra. C’est en Allemagne
que l’oratorio s’est le mieux maintenu,
grâce à une profonde tradition chorale
et symphonique ; mais, si l’on excepte
quelques oeuvres au langage résolument
novateur, comme Christus (1856-1866)
et la Légende de sainte Élisabeth de Liszt
(1862), l’ensemble de la production reste
marqué par un certain académisme, voire
par un archaïsme délibéré. Les oeuvres les
plus célèbres du romantisme allemand
sont Saint Paul (1836) et Élie (1846) de
Mendelssohn, qui connurent leur plus
grande vogue en Angleterre. Le culte de
Haendel dans ce pays, combiné à l’organisation de gigantesques festivals de musique chorale (Three Choirs, Leeds, Birmingham), a assuré à l’oratorio une place
centrale dans la vie musicale anglaise,
même si la créativité n’y était guère stimulée. Des oeuvres originales apparurent
avec le renouveau de l’école nationale
anglaise, illustré essentiellement par Edward Elgar (The Dream of Gerontius, 1900 ;
The Apostles, 1903). Les générations suivantes prirent le relais, avec Belshazzar’s
Feast de Walton (1931) et A Child of our
Time de Tippett (1941). Bien qu’un assez
grand nombre de compositeurs français
se soit essayé au genre dans le courant du
XIXe siècle, seules sont restées au répertoire l’Enfance du Christ de Berlioz (1854)
et les Béatitudes de César Franck (1879),
auteur également de Ruth (1846). Citons
encore Rédemption de Gounod (1882).
Les deux principaux oratorios français du
XXe siècle, le Martyre de saint Sébastien de
Debussy (1911) et Jeanne d’Arc au bûcher
d’Honegger (1934) sont des commandes
d’Ida Rubinstein et ont d’abord été conçus
pour la scène ; cependant, on ne les joue
plus guère qu’en version de concert, en
« oratorio ». Le terme en est, en effet, arrivé
à désigner l’exécution d’une oeuvre musicale dramatique sans représentation scénique. C’est ainsi que l’on qualifie, faute
d’un meilleur terme, certaines compositions profanes de Haendel (Ode à sainte
Cécile, par exemple), l’OEdipus Rex de Stravinski (1927) ou de nombreuses oeuvres
officielles de Chostakovitch, Prokofiev,
Sviridov (Oratorio pathétique, 1960) ou
Kabalevski, dénuées de toute référence
sacrée. Le sentiment religieux continue
cependant à inspirer des oratorios jusqu’à
nos jours, avec, par exemple, le Roi David
d’Honegger (1921), le Mystère des Innocents de Barraud (1946), la Transfiguration
de Messiaen (1969) ou Dies irae (1967) et
Utrenja (1969-1971) de Penderecki.
ORCHESTRATION.
Littéralement, art d’écrire pour l’orchestre en tenant compte des possibilités de chaque instrument, des effets de
leurs sonorités opposées ou combinées,
et d’une certaine logique musicale dans
la façon d’associer les couleurs instrumentales, d’amener et de varier leurs interventions, etc. Plus spécifiquement, on
appelle orchestration l’étape de la composition musicale consistant à déterminer
et à spécifier la répartition du discours
musical entre les différents instruments
selon une optique où ce discours musical
peut s’écrire et se concevoir d’abord dans
une version « réduite », sur deux ou trois
portées, comme une partition de piano,
avant d’être déployé dans l’orchestre. En
fait, la plupart du temps, même dans la
musique classique, où le compositeur
écrit sa partition à grands traits avant de
l’orchestrer, les choix d’orchestration sont
déterminés explicitement ou implicitement au stade même de la conception de
l’oeuvre ; et on aurait tort de croire que
le compositeur ne se pose la question de
l’orchestration qu’au moment où il passe
à l’étape qui porte ce nom.
Ce terme s’applique aussi à la réalisation de la version orchestrale d’une
oeuvre primitivement écrite pour un
ou des solistes : orchestration par Ravel
des Tableaux d’une exposition de Mous-
sorgski (l’oeuvre est originellement pour
piano), du Ricercare de l’Offrande musicale
de Bach par Webern, de l’Invitation à la
valse de Weber par Berlioz, etc. En ce sens,
l’inverse de l’orchestration, c’est la réduction, qui adapte l’oeuvre d’orchestre pour
la rendre jouable par un ou deux solistes
(réductions-transcriptions pour piano de
Liszt).
Par ailleurs, on appelle aussi orchestration le résultat de ce travail, c’est-à-dire
la qualité et l’originalité orchestrale d’une
oeuvre quelconque. Dans la musique occidentale, certains compositeurs sont considérés comme de grands « orchestrateurs »,
c’est-à-dire comme de grands inventeurs
de solutions et de trouvailles dans ce domaine : Berlioz, Richard Strauss, Ravel,
Tchaïkovski, Rimski-Korsakov, Stravinski, Bartók - par opposition à ceux que
l’on considère, à tort ou à raison, comme
des orchestrateurs médiocres (Schumann)
ou banals et fonctionnels, soucieux seulement de bien « faire entendre » les parties
musicales (Brahms, Franck). C’est dire
que l’orchestration est une étape particulière de la composition, qui n’a cessé de
gagner en importance avec l’évolution de
la musique occidentale. Les compositeurs
contemporains considèrent généralement
que l’acte d’orchestrer ne doit pas être le
dernier stade de la composition et que le
choix des timbres revêt une telle importance qu’il doit être décidé d’emblée.
On distingue couramment, à l’intérieur
du travail d’orchestration, deux niveaux :
l’instrumentation, étape « technique », qui
correspond à l’art d’écrire pour chaque
instrument d’une façon qui respecte ses
possibilités propres et qui tienne compte
de ses impossibilités (trilles impraticables,
traits ou tenues périlleux, émission difficile ou laide), pour le faire sonner au
mieux, en fonction de l’équilibre général ;
et d’autre part, l’orchestration proprement dite, qui serait l’art de « composer »
le choix des timbres en vue d’un résultat
global, en faisant appel à l’imagination
pour trouver des combinaisons efficaces
et originales. Même si les définitions respectives de ces deux domaines varient
selon les auteurs et les pratiques, il reste
qu’on distingue toujours un niveau technique, celui de l’instrumentation, qui
peut s’apprendre comme une sorte de
« code de la route », et un niveau créatif,
celui de l’orchestration, qui est complète-
ment empirique et laissé à l’imagination.
Mais les traités d’orchestration - dont les
plus célèbres sont ceux de Berlioz (revu
par Richard Strauss), Rimski-Korsakov,
Charles Koechlin - sont, en grande partie,
des traités d’instrumentation (c’est d’ailleurs le titre original de l’ouvrage de Berlioz), avec une sorte de répertoire pratique
des possibilités de chaque instrument.
Pour ce qui est de l’art d’orchestrer, ils
ne peuvent livrer que des exemples ponctuels, anecdotiques, empruntés aux classiques. L’orchestration est en effet, dans
la musique occidentale et par opposition
à l’harmonie ou à la fugue, une discipline
tout à fait empirique et apprise au coup
par coup, à partir de l’exemple des classiques. Bien des histoires de l’orchestration ne sont que des compilations de trouvailles ponctuelles, comme si on n’avait
pas su ou voulu en dégager explicitement
les lois. Ces lois existent pourtant ; ce sont
en partie des lois psycho-acoustiques, que
l’expérience enseigne plus que la théorie,
et qui font que telle combinaison d’instrudownloadModeText.vue.download 746 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
740
ments sonne bien et telle autre mal ; que
tel instrument, dans tel registre, masque
tel autre dans tel autre registre ; que telle
formation instrumentale apparaît déséquilibrée. Mais ces lois varient selon les
critères d’écoute propres à chaque culture.
Dans les appréciations sur l’orchestration,
on peut néanmoins lire en filigrane une
certaine norme, qui est loin d’être arbitraire.
On postule d’abord souvent qu’une
bonne orchestration doit être transparente ; autrement dit, qu’elle doit, dans le
contexte polyphonique qui est celui de la
musique orchestrale, laisser percevoir distinctement le texte écrit, la ligne de chaque
partie. On recommande donc d’éviter les
combinaisons instrumentales amenant
l’écrasement d’un pupitre par un autre ;
on met en garde l’élève contre les sonorités
trop concentrées, serrées, et compactes,
qui « bloquent » tout le tissu musical dans
une région étroite de la tessiture (certains
reprochent, par exemple, à l’orchestration
de Brahms sa lourdeur, sa façon d’appuyer
le trait par des doublures, et de concentrer
la substance sonore dans le médium). Il
ne faut pas oublier qu’une grande partie
de l’art d’orchestrer consiste à savoir étager les parties dans les différents registres,
répartir les instruments selon leurs sonorités claires ou sombres, etc., pour éviter
la confusion ou l’engorgement, et pour
donner un certain effet d’aération ou de
concentration, toujours lisible. Mais les
exemples les plus contradictoires peuvent
être proposés à l’admiration, tant qu’ils
apparaissent comme la réalisation d’une
volonté, d’un propos, et non comme
la conséquence d’une incapacité. Chez
Stravinski, par exemple (Symphonie de
Psaumes), on souligne telle façon inhabituelle de disposer les notes d’un accord
parfait final, avec la tierce majeure perchée tout en haut au piccolo, et un grand
vide dans le médium de l’accord, créé par
le choix des instruments et des registres.
La sonorité qui en résulte, creuse, rude et
vrillante, renverse les notions habituelles
d’équilibre.
Ce critère d’équilibre est en effet souvent évoqué. L’orchestre est considéré, à
juste titre, comme un ensemble de forces,
d’énergies acoustiques qu’il s’agit de faire
concourir ou d’opposer en les maîtrisant,
car elles sont toujours à la limite soit de
se brouiller mutuellement, de se contrarier, soit de faire chavirer toute la sonorité de l’orchestre dans un extrême ; ou,
enfin, de se disperser de façon anarchique.
Une orchestration équilibrée tient compte
de ce jeu de forces, pour occuper l’espace
sonore d’une manière qui satisfasse à cette
exigence implicite de compensation et
d’équilibre des énergies et des couleurs,
sauf déséquilibre voulu, qui est toujours
temporaire. En règle générale, l’orchestration classique, harmonieuse, évite de
privilégier trop longtemps tel pupitre,
telle sonorité, telle zone de la tessiture.
Cette exigence n’est pas absurde : l’orchestre traditionnel ne fonctionne comme
orchestre - c’est-à-dire non pas comme
une addition linéaire de sonorités, mais
comme un tout structuré et logique que si l’on respecte au minimum ces lois
implicites de compensation, qui donnent
le dernier mot à l’ensemble, par rapport
aux velléités d’expression individuelle de
chaque partie. Défense est faite à tel instrument de jouer trop longtemps en « cavalier seul », ce qui assure aux éventuels
« effets spéciaux » une efficacité accrue.
Un art de l’effet, c’est précisément
l’orchestration classique. Même si, aujourd’hui, on a tendance à mépriser tout
ce que représente ce mot d’« effet », on le
retrouve sans cesse dans les traités et les
jugements d’autrefois : « telle combinaison est du meilleur effet ». Dans la mesure
où l’orchestration est l’art de mettre en
oeuvre les timbres, donc la substance incarnée des sons (alors que le contrepoint,
voire l’harmonie, sont d’abord des jeux
de valeurs abstraites), elle est un moyen
d’investir directement la sensibilité, le
corps de l’auditeur. Quand Beethoven
réduit tout l’orchestre à une seule pulsation de timbales, ou fait rentrer en force,
par surprise, les trombones dans le finale
d’une symphonie, quelque chose se joue
au niveau de la résonance corporelle des
sons, et pas seulement d’un effet dramatique codé. Il s’agit donc que tel effet,
comme on dit, porte, agisse. Le critère de
la musique « bien sonnante » correspond
non seulement à une exigence de clarté
et de transparence (idéal classique de lisibilité du discours), mais aussi à un désir
de déploiement de la sonorité, d’impact
sur le corps. Les effets d’orchestration sont
souvent décrits à l’aide d’analogies sensorielles. Mozart savait ainsi, lui qui, dit-on,
n’aimait pas la flûte, amener quatre notes
arpégées de flûte d’une manière bouleversante à la fin d’un mouvement lent de
concerto.
LES PROCÉDÉS D’ORCHESTRATION.
On évoquera ici quelques-uns des procédés de l’orchestration classique :
- les doublures : c’est le procédé le
plus simple, qui consiste à associer deux
instruments de timbres différents pour
composer une sonorité « mixte « : ainsi
la sonorité créée par l’unisson des violons
et de la flûte dans la Scène aux champs de
la Symphonie fantastique de Berlioz. Doublure on ne peut plus banale dans la musique baroque et classique, mais qui tire ici
son efficacité expressive du contexte (elle
est précédée des soli du hautbois et du cor
anglais, instruments à nu, dont le timbre
cru et nasal met en valeur, par contraste,
sa rondeur veloutée). Les traités citent à
l’envi des trouvailles de doublures à l’unisson, souvent comparées à des expériences
de « chimie ». Mais tandis que certains
compositeurs savent mettre en valeur des
doublures d’instruments soli, d’autres
aiment systématiquement doubler l’en-
semble des cordes par un ensemble de
vents, créant une sonorité compacte. On
a reproché à Schumann ou à Brahms
leurs doublures systématiques. Mozart,
dit-on, n’aimait pas doubler à l’unisson
et préférait garder chaque sonorité pure
et sans mélange ; par contre, il aimait les
doublures à l’octave, plus légères et aérées
(début de la Quarantième Symphonie en
« sol » mineur). Encore faudrait-il distinguer les fonctions de la doublure dans
l’orchestre classique (colorer, souligner la
ligne mélodique des cordes par une ligne
de hautbois ou de flûte) et dans l’orchestre
impressionniste, où il s’agit de créer une
nouvelle sonorité plutôt que d’en marquer
une par une autre.
- les divisions : ce sont surtout les
cordes, avec leur effectif nombreux, qui
font l’objet de ces recherches (les vents,
eux, par deux, trois ou quatre, sont d’emblée naturellement divisés). La division
d’un pupitre peut-être comparée à une
ramification d’un tronc commun en une
multitude de branches. Elle crée un effet
de foisonnement et de multiplicité, surtout quand le compositeur sait habilement
« ouvrir » comme un éventail les cordes
en en divisant les parties, pour refermer
ensuite cet éventail sur un unisson. Mais
la pratique systématique de la division des
pupitres a pour effet, à la longue, de briser
l’idée même de pupitre.
- les ponctuations : cette fonction est
naturellement dévolue, dans la musique
classique, à des instruments comme les
timbales, qui marquent les temps importants. Les pizzicati des cordes, les attaques
sforzando, aussitôt adoucies, de cors ou
de trompettes, les tintements de harpe et
d’autres effets constituent tout un vocabulaire de ponctuations dont le rôle, par
rapport à la composition, est souvent très
important.
- la répartition des nuances : Berlioz fut un des premiers à donner des
nuances individuelles à chaque pupitre,
sachant qu’un « forte » de cor n’est pas la
même chose qu’un « forte » des violoncelles.
- l’accompagnement : innombrables
sont les formules par lesquelles les pupitres s’accompagnent mutuellement : arpèges, vagues montantes et descendantes
des cordes, pizzicati en contretemps, arpèges des bois, tout un vaste vocabulaire
de décoration, de soutien, d’enrobage,
est créé dès la fin du XVIIIe siècle, en tout
empirisme et sans que personne n’en fasse
le relevé systématique.
Naturellement, les compositeurs de la
fin du XIXe siècle et du XXe siècle multiplient les recherches d’utilisations des
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instruments en dehors de leurs sonorités
« standards « : cordes jouées « col legno »
(avec le bois de l’archet), débauches de
sourdines de glissandi, « flatterzunge »
des flûtes, jusqu’aux recherches plus
récentes qui, en faisant éclater la notion
même d’unité du timbre instrumental,
font éclater le concept d’orchestration.
Les expériences de Klangfarbenmelodie
manifestent la préoccupation de certains
compositeurs d’arracher l’orchestration
à l’empirisme pour « composer » avec
les timbres d’une manière systématique.
Cependant, ces tentatives furent assez
localisées et peu suivies, malgré le prestige des exemples qu’on cite toujours en ce
cas (Offrande musicale de Bach-Webern,
Farben de Schönberg, etc.). L’orchestration est redevenue plus que jamais une
pratique empirique. Cependant, l’idée de
l’orchestration comme revêtement d’une
pensée musicale abstraite est assez généralement repoussée par les compositeurs
d’aujourd’hui, qui tendent à incorporer de
plus en plus le travail sur les timbres, sur le
son, dans le travail même de composition.
On ne peut plus alors parler d’orchestration, puisque c’est tout le processus même
de composition qui est engagé totalement
dans ce choix des instruments et des sonorités. Il reste qu’il subsiste toujours des
tendances, des manières instrumentales,
et l’art de l’orchestration classique se perpétue dans des oeuvres qui se défendent
parfois d’en être le fruit (chez Pierre Boulez, par exemple - un remarquable orchestrateur).
ORCHESTRE.
Au sens le plus général, et particulièrement dans la musique occidentale, réunion d’instruments fonctionnant comme
« masse », comme ensemble, et non
comme addition de solistes, ce qui est le
cas dans les formations « de chambre ». À
partir de cette définition, le problème du
nombre minimum d’instruments nécessaire pour qu’on parle d’un orchestre, et
non d’une formation de solistes, devient
secondaire : des oeuvres pour huit instruments, comme l’Octuor de Schubert, sont
de la musique de chambre, tandis que des
oeuvres pour un nombre égal d’instruments, mais pensées « orchestralement »,
c’est-à-dire en jouant systématiquement
sur le total instrumental (comme le
Concerto pour clavecin de Falla) sont déjà
des oeuvres d’orchestre.
Le mot orchestre vient du grec « orchestra » qui désigne d’abord un lieu :
celui situé, dans le théâtre, entre scène et
spectateurs, où évoluait le choeur dans la
tragédie antique. On a donc appelé de ce
même nom la formation musicale installée sur cet endroit, puis toute espèce de
formation comportant un effectif important. Le terme a conservé, dans la langue
d’aujourd’hui, le double sens de lieu et de
groupe instrumental, « collection de tous
les symphonistes », comme écrivait JeanJacques Rousseau. On parlait encore, au
XVIIIe siècle, pour désigner cet ensemble,
de symphonie.
LES DIFFÉRENTS TYPES D’ORCHESTRE.
On distingue dans la musique occidentale : a) le grand orchestre symphonique, composé en majorité de cordes
et de vents, et dont la composition,
entre le XVIIIe siècle et le début du XXe
a varié de vingt instrumentistes à cent,
cent cinquante, deux cents, voire, exceptionnellement, plusieurs centaines chez
Berlioz ou Mahler ; b) l’orchestre de
chambre, plus réduit (aujourd’hui il
peut aller jusqu’à trente instrumentistes).
Là encore, la définition en est très relative ;
c’est plus une question d’écriture, de proportions et de contexte, qu’une question
mathématique d’effectif ; c)les orchestres
utilisant une famille délimitée d’instruments : l’orchestre à cordes, composé
du quintette traditionnel ; l’orchestre
d’« harmonie », utilisant les vents et
les percussions et issu des orchestres
militaires et de plein air. On a également
constitué des orchestres d’accordéons, des
orchestres de guitares, de flûtes à bec, etc.
Par analogie, on donne le nom d’orchestre à ces formations assez fournies
qu’on trouve dans les musiques extra-européennes : gamelan balinais (la musique
balinaise étant la plus proche de notre
conception orchestrale), ou ensemble de
gagaku japonais. La musique de jazz a su
constituer un orchestre original, à base de
cuivres ; on parle encore d’orchestres de
variétés, de danse. Mais on s’attardera ici
plutôt sur l’orchestre symphonique traditionnel de la musique occidentale.
Cet orchestre, au sens moderne, s’est
constitué à partir de son noyau central,
l’orchestre à cordes, à quatre pupitres
(violons 1, violons 2, altos, violoncelles)
ou à cinq (les mêmes, plus un pupitre de
contrebasses qui au départ se contentent de doubler les violoncelles à l’octave
inférieure dans une fonction de renforcement). Les 24 Violons du Roy de Lully
sont souvent considérés comme un des
premiers orchestres au sens d’aujourd’hui.
À partir de là s’est constitué l’orchestre
symphonique, centré sur les cordes et peu
à peu enrichi des interventions des bois,
utilisés généralement « par deux » (deux
hautbois, deux bassons, deux cors, la flûte
restant souvent solitaire dans la musique
de l’époque classique).
C’est au XVIIIe siècle, en effet, que se stabilise le concept d’orchestre, lequel repose
(c’est une évidence, mais que l’on souligne
rarement) sur une certaine dialectique,
une certaine répartition des fonctions
entre deux sous-ensembles qui ne sont
pas interchangeables : les cordes (qu’on
appelle aussi souvent le quatuor, ou le
quintette), où chaque pupitre doit être très
fourni (cinq, dix, vingt instrumentistes
pour chaque poste), et, de l’autre côté,
les vents, que l’on appelle souvent l’harmonie, où les pupitres sont moins garnis
(par un, deux, ou trois, plus rarement par
quatre). Quant aux timbales et aux harpes
(introduites, elles, au XIXe siècle), elles
n’ont le plus souvent qu’un rôle de ponctuation et de décoration très délimité. Par
essence, l’orchestre fonctionne donc sur
une certaine dissymétrie hiérarchisée : la
masse des cordes, qui est le « noyau dur »
de l’orchestre, et le groupe des vents, bois
et cuivres, qui en est le satellite. Pourquoi
un tel partage des rôles ?
Il faut d’abord rappeler que, dans les
débuts de l’orchestre, et en mettant à part
les instruments à clavier et à cordes pincées, les instruments qui offrent le plus
de possibilités de virtuosité, de traits, de
souplesse, de lié, de phrasé, de variétés de
modes d’attaque (avec l’archet, en pizzicato, etc.), et de capacités de jouer dans
tous les tons, ce sont, de loin, les cordes.
Les vents, eux, ont dû attendre, pour la
plupart, les efforts des luthiers des XVIIIe
et XIXe siècles, qui les équipèrent de clefs,
de soupapes et de pistons, pour conquérir
à peu près la même virtuosité, la même
capacité modulante, la même souplesse
de jeu, la même justesse et homogénéité
d’émission.
D’autre part, il est significatif que les
cordes seules, ou presque, aient conservé
jusqu’à nos jours le principe, cher à la
musique de la Renaissance, d’une famille
de timbres homogène du grave à l’aigu
(contrebasse, basse, ténor, alto, soprano).
Pendant la Renaissance, un grand nombre
d’instruments, des flûtes à bec aux violes,
en passant par les cromornes, étaient
construits par familles de plusieurs tailles,
couvrant tous les registres et formant
des ensembles complets. Au XVIIIe siècle,
il n’y avait plus de telle famille pour les
instruments à anches ou les flûtes. On
reconstruisit ensuite des flûtes basses, des
clarinettes basses, des contrebassons, qui
restèrent d’un emploi assez rare. Si les
vents de l’orchestre symphonique classique forment, du basson au piccolo, une
petite famille, c’est dans une hétérogénéité
voulue de timbres.
C’est à partir de cette autosuffisance
du quatuor que l’intervention des vents,
d’abord très circonscrite et limitée, prend
tout son sens. À l’époque classique, la
flûte, le hautbois, le basson, le cor ou la
trompette sont bien loin, surtout pour les
cuivres, d’atteindre à la même facilité de
jeu, dans tous les tons, que les cordes. Par
contre, ils sonnent plus nettement, avec
une couleur plus franche. Alors que les
cordes doivent être assez nourries pour
former une certaine masse efficace, l’instrument à vent, même en solo, porte et
marque plus facilement. La répartition
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
742
des rôles est donc la suivante : les cordes
donnent le dessin, le trait, la trame, la
structure ; tandis que l’harmonie (les
vents) pose sur ce dessin ses touches de
couleurs, souligne, ajoute du liant par
ses tenues, fait miroiter ses oppositions
de couleurs sur la base dessinée par le
quintette à cordes. Parfois, les vents ont
l’initiative temporaire du chant, de la
mélodie ; ils peuvent même reformer
un petit orchestre à l’intérieur du grand
(comme dans certains mouvements lents
des concertos de Mozart), mais c’est toujours dans le moment, entre parenthèses
ou en introduction comme par autorisation spéciale - ce qui n’empêche pas,
bien au contraire, ces interventions d’être
d’un charme particulier, celui de l’éphémère, de l’allusif, du passager. Cependant,
la plupart du temps, l’harmonie a une
tâche plus humble et discrète : elle colore
la masse des cordes par des doublures,
ponctue et renforce par des notes isolées,
relie par des tenues (qui en même temps
affirment les « notes tonales »). Ce rôle
peut paraître accessoire, mais supprimons
d’une symphonie de Haydn ou de Mozart
ces interventions de l’harmonie : souvent,
le discours musical, le dessin mélodique et
harmonique ne changent pas beaucoup,
mais ce n’est plus un orchestre. Quelque
chose de très important a été perdu,
comme dans un vitrail qui cesse d’être
éclairé par la lumière.
À partir de là, sur cette base hiérarchisée, où les cordes conservent le dernier
mot et ont à charge la conduite du discours musical, une expansion très large
devient possible, qui ne compromet pas
l’unité du corps orchestral tant qu’est respectée une certaine répartition des rôles.
De Haydn à Mahler et même à Richard
Strauss, l’orchestre peut décupler son
effectif, s’incorporer de nouveaux instruments (du côté des vents), c’est toujours le
même orchestre, qui ne fait que progresser
par addition, enrichissement, ornementation, sur une base immuable qui reste
bien visible. On « émancipera » les vents
en leur donnant un rôle plus important
et des interventions plus en vue ; on augmentera le nombre d’instruments et de
parties, portant les flûtes à trois, les cors
à cinq ou à sept ; on introduira de nouveaux pupitres (tubas, clarinettes), et
même des invités d’occasion, harmonium
ou célesta, sarrusophone ou saxophone ;
on divisera même à l’excès les pupitres de
cordes (deux, trois, quatre, cinq, dix parties indépendantes d’altos ou de violoncelles) - mais, en général, on compensera
ces moments de pulvérisation du corps
orchestral par d’autres moments où ce
corps se rassemble, réaffirme la masse des
cordes, fait jouer sa force et son ensemble
organisé : ce balancement entre des moments éclatés et des moments rassemblés
est sensible chez tous les grands « orchestrateurs », de Beethoven à Berlioz, de Wagner à Debussy.
L’orchestre, ainsi, peut évoluer sur
deux siècles d’une manière purement
additive, linéaire : de plus en plus d’instruments, qui peuvent jouer de plus en
plus de notes ; de plus en plus de couleurs, de combinaisons orchestrales, de
parties séparées. Mais le noyau primitif
du quintette à cordes reste intact. Tant
que l’on conserve ce quintette comme
centre de gravité (ce qui est le cas chez
Debussy, et même chez Stravinski jusqu’à
Petrouchka), l’édifice tient bon, il semble
qu’on puisse ajouter indéfiniment sur
ses fondations de nouveaux étages ; mais
dès que l’on s’attaque à ce centre de gravité, dès qu’on pulvérise de manière trop
constante, trop systématique les interventions du quintette, alors, la hiérarchie classique disparaît ; et, notamment, les vents
reprennent leurs avantages naturels. Par
rapport aux cordes, ils se mettent à sonner
mieux, plus clairs, plus vifs. Devant cette
loi de la jungle, qu’il a instaurée en cassant la hiérarchie garantissant aux cordes
la conduite du discours, le compositeur
n’a plus qu’un moyen de continuer luimême à régner : il lui faut diviser toujours
plus, créer un poudroiement de cellules
musicales, de sonorités. Ce poudroiement
mène aux recherches de Klangfarbenmelodie (mélodie de timbres), lesquelles
supposent une égalité de principe entre
ces timbres ; ou bien à un impressionnisme total. On peut reprendre le terme
pictural de divisionnisme, au sens propre,
pour parler de cette façon de pulvériser
l’orchestre et de casser la ligne instrumentale, au profit d’un travail sur la matière
lumineuse.
Ainsi, ce ne sont pas les « orgies de
cuivre » de l’orchestre wagnérien et postwagnérien qui ont cassé l’orchestre ;
pas même l’impressionnisme debussyste
des Nocturnes ou de la Mer : c’est plutôt
une certaine écriture divisionniste, dans
tous les sens du mot : dans le temps (la
ligne mélodique est cassée et distribuée
entre les parties), et dans l’espace (il n’y
a plus de masse, de noyau central, mais
des éclats). Une oeuvre transparente et
discrète, comme la Symphonie op. 21 de
Webern, n’a besoin, pour briser d’un coup
la hiérarchie du corps orchestral, que
de répartir la ligne musicale à part égale
entre tous les instruments, rendant tous
les timbres à leur singularité, à leur solitude : chez Webern, un son de violoncelle
est aussi éloigné d’un son d’alto qu’il l’est
d’un son de hautbois ; l’esprit de caste, de
solidarité des cordes est complètement
nié. Significativement, c’est aux cordes
que s’en est prise la révolution orchestrale
du XXe siècle : soit qu’on s’en passe agressivement (groupe des Six, Stravinski),
pour se limiter aux vents et pour refaire
un orchestre plus tranché, plus individualisé, « sans la caresse des cordes » (Cocteau) ; soit qu’on leur ôte le pouvoir, qu’on
leur retire le chant pour leur donner des
traits et des matières - à moins qu’on ne
mélange toutes les couleurs de la masse
orchestrale pour assembler les timbres par
mosaïques, sans souci de la répartition des
pupitres en familles (Farben, de Schönberg, dans les Cinq Pièces), ou qu’on ne
fasse « donner » contre les cordes l’escadron des percussions et des cuivres, qui
les fait paraître soudain grêles, menues
et miaulantes. La musique orchestrale
contemporaine témoigne très concrètement de cette dissolution de la structure
traditionnelle de l’orchestre : pour chaque
oeuvre donnée dans un même concert, on
voit s’affairer tout un branle-bas de déménagement, qui tente à chaque fois une
nouvelle disposition, une nouvelle répartition des rôles ; chaque oeuvre prétend
devenir un cas particulier. Les modèles
sont cependant assez limités, même si
leurs réalisations varient à l’infini : modèle
égalitaire et dispersé ; modèle décomposé
en groupes, constituant eux-mêmes des
petits ensembles complets ; modèle massif
et tachiste, etc. Cependant, dans les mains
de créateurs comme Dutilleux, l’orchestre
traditionnel prouve qu’il peut fonctionner
encore admirablement (Métaboles). Un
compositeur comme Olivier Messiaen a su
se recréer un nouveau complexe orchestral, personnel et cohérent, dont le centre
de gravité s’est déplacé franchement des
cordes vers les vents, bois et cuivres, qui
deviennent, dans beaucoup de ses oeuvres,
le « noyau dur » de son orchestre.
LA COMPOSITION DE L’ORCHESTRE.
Un orchestre traditionnel fonctionne par
pupitres, c’est-à-dire par « postes instrumentaux ». Chaque pupitre correspond
en principe à une partie d’orchestre autonome, mais il peut lui-même se diviser
temporairement en deux, trois parties
ou plus, qui jouent de manière indépendante. Ce que l’on appelle communément
la nomenclature d’un orchestre, c’est la
composition de ses pupitres, qui ne préjuge pas du nombre d’instrumentistes
(jouant du même instrument) qui vont
occuper chacun d’eux (surtout pour les
cordes), mais simplement du nombre et
de la nature des « rôles » à tenir. Cette
nomenclature, c’est-à-dire cette composition de l’orchestre, varie légèrement selon
les oeuvres à l’époque classique, avec un
invariant qui est la présence obligatoire
du quintette : violons 1, violons 2, altos
(on dit aussi alti), violoncelles et contrebasses. Du côté des vents, on a tantôt deux
hautbois et deux cors, tantôt une flûte,
deux hautbois, deux clarinettes, tantôt les
mêmes instruments plus deux trompettes
et deux timbales, etc., ainsi que les timbales, généralement par deux (accordées
sur la tonique et la dominante), et, s’ajoudownloadModeText.vue.download 749 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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tant à l’orchestre à l’époque romantique,
les trombones, les tubas, le cor anglais, les
harpes, etc. Cette nomenclature est souvent figurée par des abréviations conventionnelles, issues des noms que ces instruments portent en italien, en allemand ou
en anglais. Violon 1 et violon 2 s’écrivent
V1 ou Vl 1, et V2 ou Vl 2 ; alto : A ou Vla
(de l’italien viola) ; violoncelle : Vc ou Vlc ;
contrebasse : Cb ou Kb ; flûte : Fl. ; piccolo :
Picc. ; hautbois : Hb ou Ob. ; clarinette : Cl.
ou Kl. ; cor : cor ou Hr ; trompette : Trp. ou
Tr. ; trombone : Trb. ou Pos. (de Posaunen,
mot allemand) ; tubas : Tb ; timbales :
Timp. ou P. (de l’allemand Pauken) ;
harpe : Arpa ou Hf. ; cor anglais : Engl. H.
ou Cor. ingl.
LA DISPOSITION DE L’ORCHESTRE.
La disposition des instruments dans l’orchestre traditionnel est motivée par des
raisons d’acoustique, ainsi que par des
nécessités de commodité de vision. Elle
met au premier plan, dans une sorte de
demi-cercle autour du chef, la masse des
cordes, handicapée par la faible portée
naturelle de son timbre - cette disposition
favorisant en outre une certaine intimité
du chef avec les cordes comme noyau du
discours musical. Dans un deuxième plan,
les bois (de gauche à droite : flûte, hautbois, clarinette, basson, éventuellement
contrebasson) ; au troisième plan, les
cuivres (de gauche à droite : cors, trompettes, trombones et tubas). En principe,
pour les cordes comme pour les bois, les
pupitres se déploient de gauche à droite
comme en éventail, dans un sens qui va de
l’aigu vers le grave.
LES SOCIÉTÉS ORCHESTRALES.
On appelle aussi couramment orchestre
une société orchestrale permanente, attachée à un lieu, un théâtre, une institution,
comme l’Orchestre philharmonique de
Berlin. Pour avoir une idée des principaux
orchestres qui sont actuellement ou qui
ont été en activité dans le monde, on se
référera aux notices concernant les villes
importantes et leur activité musicale.
ORDINATEUR.
L’utilisation de l’ordinateur en musique
date à peu près de la fin des années 1950.
Elle a fait un bond fulgurant dans les
années 70, surtout dans le domaine de la
synthèse sonore, en liaison avec l’apparition de mini-ordinateurs, dits microprocesseurs, qu’on utilise par ailleurs de plus
en plus pour les fonctions les plus diverses
dans la vie quotidienne. Comment la
musique pourrait-elle être épargnée par
une nouvelle technologie qui pénètre
absolument tous les domaines de la vie
humaine ?
Plus ou moins artificiellement, on peut
répartir les utilisations de l’ordinateur en
musique sous trois rubriques : la musicologie, la composition, et la synthèse de
sons nouveaux - ces deux derniers domaines communiquant étroitement.
ORDINATEUR ET MUSICOLOGIE.
De même qu’il est utilisé dans toutes sortes
de recherches linguistiques, archéologiques, historiques, pour archiver et traiter du savoir, opérer des regroupements,
des constantes, faire des statistiques, des
analyses, l’ordinateur a été rapidement
mis au service de la musicologie. On a
essayé de s’en servir, par exemple, pour
analyser les composantes statistiques du
« style » d’un compositeur ou d’une tradition musicale (recherches de Fucks, Lincoln, Bowles, et, dans les pays de l’Est, de
Zaripov, Havass), et, parfois, pour recomposer des « simulations » de styles musicaux (fausses musiques traditionnelles
générées par l’ordinateur). Il faut préciser
que l’utilisation de l’ordinateur ne garantit
en rien l’« objectivité » ou la pertinence
de telles analyses. L’ordinateur ne fait que
traiter ce qu’on lui donne, et les critères
d’analyse choisis peuvent être hautement
contestables. En d’autres termes, l’intervention de l’ordinateur n’est en aucune
manière une garantie scientifique ipso
facto.
ORDINATEUR ET COMPOSITION.
Cette direction d’utilisation est celle qui
a fait couler le plus d’encre, comme si on
avait pu trouver effectivement le secret
pour remplacer Beethoven ou Schubert
par une machine. En fait, là encore, les
machines ne font que traiter des informations qu’on leur donne, délivrer des
masses de chiffres au hasard, ou appliquer des lois. Une des premières, peutêtre même la première recherche dans ce
sens, fut celle de Lejaren Hiller et Leonard
Isaacson, qui s’amusèrent, au studio de
l’université de l’Illinois, aux États-Unis,
à établir des programmes de composition
reproduisant sous forme de contraintes
les règles harmoniques et contrapuntiques traditionnelles. Ces programmes
fonctionnaient plus ou moins comme
des « filtres » servant à sélectionner des
solutions entre les milliers de sons (codés
en chiffres) générés au hasard par l’ordinateur. La Suite Illiac (1957), pour quatuor à cordes (car la « composition » ainsi
créée fut transcrite en notation traditionnelle), est considérée comme la première
oeuvre « calculée » par ordinateur, mais
c’est d’abord une oeuvre de « simulation »
de musique traditionnelle. D’autres démarches, qui ont voulu non seulement,
comme celle-ci, analyser et reproduire le
mécanisme de la composition classique,
mais aussi s’essayer à exploiter l’ordinateur pour s’essayer à penser différemment
l’acte de composition, furent celles de
Pierre Barbaud, Frank Brown, Geneviève
Klein (réunis à Paris dans le groupe BBK)
et Janine Charbonnier (musique « algorithmique »), de Michel Philippot (tech-
nique de « machine imaginaire »), de Yannis Xenakis, inaugurée par celui-ci dans
la série de ses « ST « : ST-4 (1959-1962),
pour quatuor à cordes, ST-10, ST-48, etc. ;
de Gottfried-Michael Koenig à l’institut
de sonologie d’Utrecht (Projekt 1 et 2) démarches tellement divergentes qu’elles
pourraient rassurer ceux qui s’inquiètent
d’une « uniformisation » de la musique
par les machines.
ORDINATEUR ET SYNTHÈSE SONORE.
C’est en 1958 que Max Mathews a réalisé
ses premiers essais de synthèse de sons par
ordinateur, dans les laboratoires de la Bell
Telephone, à Murray Hill, dans le New
Jersey. Ce principe de synthèse directe
de l’onde sonore consiste à faire calculer
par la machine, selon un programme mis
au point par les chercheurs, un nombre
considérable d’informations (cinquante
mille par seconde, dans certains cas) définissant les coordonnées de l’onde sonore
en question - ces coordonnées étant transmises aux bornes d’un haut-parleur en
passant obligatoirement par un appareil
nommé convertisseur (« converter »), qui,
dans ce sens, « convertit » les informations
discontinues en un signal continu. Le
convertisseur peut aussi fonctionner dans
l’autre sens, celui de l’enregistrement « digital » d’un son concret, par exemple, en
convertissant une onde sonore continue
en informations discontinues susceptibles
d’être mises en mémoire par l’ordinateur.
Les techniques conçues par Mathews
entouré de chercheurs comme Guttman,
Pierce et le Français Jean-Claude Risset
(qui poursuivra ses recherches en France
à l’I. R. C. A. M., puis à son laboratoire
de Marseille-Luminy) aboutissent à la
création de plusieurs programmes, parmi
lesquels Music V, qui a été le plus repris
et utilisé dans le monde. Au début, on a
cherché à reconstituer des sons naturels
(sons de trompette, Risset), à partir d’une
analyse préalable, afin de comprendre ce
qui créait le timbre et la vie propre d’un
son. Ces essais ont confirmé les intuitions
anciennes de Pierre Schaeffer sur le rôle
important joué par certains microdétails
de matière, contrairement à l’opinion de
ceux qui avaient voulu reconstruire tous
les sons comme sommes d’harmoniques.
Après quoi, on a cherché à synthétiser
des sons réellement « nouveaux », ce qui
pose le problème de l’inouï (illusions
acoustiques, sons « impossibles », trans-
formations « à vue », etc.). Cette direction
d’utilisation de l’ordinateur est celle qui a
connu le plus large développement dans
les années 60 et 70, et les techniques de
synthèse par modulation de fréquence inventées par John Chowning au laboratoire
de Stanford, en Californie, leur ont donné
un élan nouveau. Différents procédés
ont ainsi vu le jour, souvent en intégrant
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
744
l’acquis des recherches de Mathews et de
ses collaborateurs. À côté de la synthèse
« directe », dépendant des calculs lourds,
on s’est préoccupé de créer des systèmes
de synthèse dite « hybride », où l’ordinateur, au lieu de tout déterminer à partir de
zéro, commande un synthétiseur classique
analogique (programme EMS de Wiggen
à Stockholm, recherches de Don Buchla
et de Peter Zinovieff, programme Groove
de Mathews et Moore, etc.). Cette technique hybride a l’avantage de permettre
le « temps réel », c’est-à-dire une réaction
immédiate, par des sons, de la machine
aux ordres de l’expérimentateur, au lieu
des quelques minutes, quelques heures,
voire quelque jours ou quelques mois demandés parfois par l’ordinateur (surtout
dans les années 60), pour effectuer son
calcul et rendre son résultat ! Ce n’est pas
seulement pour gagner un temps considérable, permettant un aller et retour plus
rapide entre l’homme et les machines
qu’on a mis au point ces techniques,
c’est aussi pour retrouver un certain type
d’accès aux appareils, qui reconstitue
plus ou moins les conditions naturelles
de production du son par des gestes, au
lieu d’ordres tapés sur un clavier (système
de « touches » sensibles à la variation de
pression, de manches à balais, de claviers
devant transmettre à la machine, sous
forme d’ordres, les irrégularités vivantes
du geste humain). D’autre part, on a mis
au point des systèmes dits « mixtes » utilisant, pour gagner du temps et de l’espace,
des sous-programmes prédéterminés,
également commandés en temps réel
(système VOCOM, Synclavier de Alonso,
Al, et John Appleton). Il est impossible
de citer tous les centres s’adonnant à ces
recherches dans le monde, aux États-Unis,
mais aussi au Canada (E. Regener à Montréal, Barry Truax à Vancouver), en Ita-
lie (Rampazzi), en Belgique (Küpper) et
en France, où l’on peut énumérer divers
centres explorant des techniques diverses,
avec des équipements naturellement très
disproportionnés : l’I. R. C. A. M. (David
Wessel, et la machine de synthèse 4X
mise au point par di Giugno), le G. R. M.
(lequel développe, à côté de systèmes de
synthèse en temps réel étudiés par Allouis,
des techniques de manipulation, par ordinateur, de sons concrets enregistrés, mises
au point par Mailliard, Geslin, etc.), le
C. E. M. A. M. U., fondé par Xenakis (système U. P. I. C., où les ordres sont donnés
sous forme de graphismes, ce qui met la
machine à la portée immédiate de tous),
le Groupe de la faculté de Vincennes et
ceux qui en sont proches (Arveiller,
Audoire, Englert, Battier, Dalmasso), le
G. M. E. B., le G. M. E. M. (Redolfi), le Laboratoire d’informatique et d’acoustique
musicale de Marseille-Luminy, attaché
au C. N. R. S. et à la faculté des sciences
(Risset, Arfib), l’A. C. R. O. E. de Grenoble (Cadoz), et d’autres encore, parmi
lesquels des « indépendants » en nombre
croissant, puisque les appareils qui permettent ces recherches sont de plus en
plus accessibles.
ORDOÑEZ (Carlo d’), compositeur autrichien (Vienne 1734 - id. 1786).
Né sans doute d’une mère espagnole, il
fut fonctionnaire du gouvernement de
Basse-Autriche à Vienne. Ses premières
oeuvres furent diffusées dans les années
1750. Ce fut surtout un auteur de symphonies, genre dans lequel il précéda Haydn.
Sous son nom en ont circulé au moins 78,
dont 5 perdues et 6 au moins douteuses
ou apocryphes, ce qui laisse un total de
67. L’une de ces 67, en la majeur (no A8 du
catalogue thématique publié en 1978 par
A. Peter Brown), est la seule oeuvre qu’au
début des années 1950, avant la découverte de son véritable auteur, on fut sur le
point d’ajouter à la liste des 104 symphonies de Haydn. Parmi les autres ouvrages
d’Ordoñez, une sérénade pour 31 instruments à vent (1779, perdue), 12 menuets
pour orchestre, un concerto pour violon,
27 quatuors à cordes, 21 trios à cordes, un
ballet, la cantate d’après G. Werner Der
alte wienerische Tandelmarkt (1779, perdue), et deux opéras parodiques : Alceste
(Eszterháza, 1775, sous la direction de
Haydn d’après le sujet traité par Gluck) et
Diesmal hat der Mann den Willen (Vienne
1778, d’après le Maître en droit de Monsigny).
ORDRE.
Le mot est connu surtout pour avoir été
employé par F. Couperin pour les pièces
de clavecin qu’il destinait à être réunies
en un même volume. C’est donc une collection de pièces dans la même tonalité.
Commençant généralement par quelques
pièces de style (allemande, courante ou sarabande), l’ordre contenait aussi des pièces
descriptives ou divertissantes.
ORFF (Carl), compositeur allemand (Munich 1895 - id. 1982).
D’abord chef d’orchestre à Munich,
Mannheim et Darmstadt, il met un certain
temps à trouver sa voie de compositeur.
Entre 1920 et 1935, il compose des opéras,
des poèmes symphoniques, des lieder, des
cantates sur des textes de Franz Werfel et
Bertolt Brecht. Dès les années 20, il met
au point un système d’éducation musicale
fondé sur le rythme, et, en 1925, fonde
avec Dorothée Gunther la Guntherschule,
école de gymnastique rythmique et de
danse classique. Il conçoit pour les élèves
un orchestre où dominent les petites percussions (xylophones, métallophones en
réduction, accordés sur la gamme pentatonique), orchestre encore utilisé aujourd’hui dans l’éducation musicale, en
liaison avec la méthode qu’il proposait dès
1933 dans son ouvrage Schulwerk. Si cette
méthode est très critiquée aujourd’hui par
certains, elle eut le mérite, avec la méthode
Dalcroze, d’être une des rares méthodes
actives créées pour les enfants et offrant
une alternative au solfège traditionnel. En
même temps, dans les années 20 et 30, il
se penche sur des musiques alors presque
oubliées, Byrd, Lassus, Schütz, Monteverdi (dont il adapte l’Orfeo) et dégage sa
conception personnelle d’une musique
revenant à ses sources « primitives », liées
au corps, à l’apprentissage de la maîtrise
et de la coordination corporelle, mais
aussi à une certaine idée de la musique
comme rite. C’est en 1937 qu’il connaît,
dans l’Allemagne du IIIe Reich, son premier grand succès, dont le retentissement
sera mondial : ce sont les Carmina Burana,
cantate scénique d’esprit « païen » où il
cherche à retrouver la force des genres
dramatiques primitifs, avec leur écriture
martelée et simplifiée. Dès lors, reniant et
détruisant ses compositions antérieures,
il ne va cesser de suivre cette voie où une
« nouvelle simplicité » (répétition mécanique d’accords parfaits, déclamation
souvent recto tono, réduction des éléments
mélodiques et rythmiques à leur niveau
minimal de complexité), se met au service
d’une volonté d’envoûtement dramatique.
Les Catulli Carmina (1943) et le Trionfo
di Afrodite (1953) complètent ce triptyque païen des Trionfi, exaltation d’un
Éros jeune, viril, fort et collectif. Dans les
« mystères » Der Mond (1939), sur une
légende bavaroise, Die Kluge (1943), Die
Bernauerin (1947), en dialecte bavarois,
il cherche une forme de théâtre musical
populaire allemand. Mais à la fin du Reich,
dont il a été un des musiciens officiels, il
se tourne plutôt vers des thèmes grecs
(Antigonae, 1949, et OEdipus der Tyrann,
1959, d’après Sophocle, dans la version
allemande d’Hölderlin, et un Prometheus,
1966, en grec ancien) et chrétiens (Comoedia de Christe resurrectione, 1957 ; Ludus
de Nato Infante mirificus, 1960 ; De temporum fine comoedia, 1973). Dans ces oeuvres
scéniques, les instruments à cordes sont
réduits au minimum, au profit d’instruments plus utilisables dans un esprit « archaïsant » comme les vents, et, surtout,
les percussions. Car cet archaïsme, chez
lui, passe par un renoncement implacable
à toute forme de nuance, d’écart, de fantaisie, hors des normes fixées au départ.
Son succès s’explique facilement par cette
recherche d’efficacité, mais aussi par le talent du compositeur à la mettre en oeuvre.
ORGANOLOGIE.
Branche de la musicologie traitant particulièrement de l’histoire et de la technique
des instruments.
Si le terme est récent, la chose est fort
ancienne : dès l’Antiquité, des traités ont
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
745
été consacrés à divers instruments ou
familles d’instruments. Mais c’est Marin
Mersenne (1588-1648) qui peut être
considéré comme le père de l’organologie
moderne avec son Harmonie universelle,
parue en 1636, qui contient la description
détaillée de tous les instruments connus à
cette époque, et l’explication de leur fonctionnement selons les lois de l’acoustique.
ORGANUM.
Mot latin (pl. organa) signifiant « instrument » au sens général, musical ou non, et,
parmi les instruments de musique, affecté
principalement à l’orgue.
Non traduit, il s’applique particulièrement à un genre de polyphonie médiévale
qui se divise lui-même en deux branches
principales :
1. L’organum primitif ou parallèle, attesté
du IXe au XIIe siècle, consistant à superposer deux ou plusieurs voix chantant simultanément la même mélodie sur des intonations différentes, à la quinte, quarte ou
octave l’une de l’autre, soit intégralement,
soit avec des aménagements au début et à
la fin des phrases pour rejoindre la voix
principale ( ! GYMEL). L’organum parallèle s’oppose ainsi au déchant, où règne le
mouvement contraire.
2. L’organum à vocalises, en honneur
surtout du milieu du XIIe au milieu du
XIIIe siècle, consistant à superposer au
chant liturgique très ralenti ou teneur
(peut-être joué à l’orgue, d’où son nom),
une ou plusieurs voix solistes vocalisant
librement et parfois très longuement. De
l’organum doté de paroles dérivera le
motet ( ! NOTRE-DAME [ÉCOLE DE]).
ORGUE.
Instrument à vent dans lequel les sons
sont émis par des tuyaux commandés à
partir d’un ou de plusieurs claviers, le vent
les mettant en vibration étant fourni par
une soufflerie.
L’orgue est le plus ancien des instruments à clavier. Au fil des siècles, il est
devenu l’un des plus riches et des plus
complexes de tous les instruments de
musique savante, celui susceptible de la
plus grande étendue du grave à l’aigu et de
la plus grande puissance. Ces caractéristiques, jointes à la diversité de ses timbres
et à son emploi fréquent dans les lieux de
culte, l’ont fait surnommer « le pape des
instruments » (Berlioz).
LES VARIÉTÉS.
Il n’existe pas deux orgues semblables,
à l’exception des petits instruments
d’étude fabriqués aujourd’hui en séries de
quelques unités. Chaque instrument est
bâti selon des principes généraux communs à tous les orgues et souvent fort
anciens, mais possède une individualité
propre. Il est conçu et « composé » en
fonction des desiderata, des goûts et des
possibilités financières de son acquéreur,
toujours sur mesures. De plus, l’organier
donne aux différents jeux choisis pour
l’instrument qu’il construit un caractère
sonore (attaque, timbre, puissance), qui
dépend de son propre style, mais aussi des
mélanges de jeux possibles sur cet instrument (afin de réaliser des ensembles et un
plénum cohérents) et de l’acoustique du
lieu où ce dernier aura à se faire entendre.
C’est ce que l’on appelle l’« harmonie » de
l’instrument.
Depuis l’instrument primitif et rudimentaire de l’Antiquité, l’hydraule, l’orgue
a considérablement évolué. L’instrument
traditionnel à tuyaux et à claviers s’est luimême diversifié en plusieurs formes : le
grand orgue, celui que l’on rencontre dans
les églises, le petit orgue ou positif, de dimensions et de possibilités plus modestes,
et le tout petit instrument portable ou portatif. Au XIXe siècle ont été conçus et réalisés de nouveaux instruments : un orgue
mécanique, mû par un cylindre tournant
remplacé plus tard par des feuilles de carton perforé, l’orgue de Barbarie (souvent
appelé du nom de son principal constructeur français, limonaire) ; et un instrument
à anches libres, appelé alors « orgue expressif » et connu aujourd’hui sous le nom
d’harmonium. Le XXe siècle a vu naître à
son tour l’orgue électronique, dans lequel
les tuyaux sont remplacés par des oscillateurs électriques, des amplificateurs et des
haut-parleurs, et la forme la plus évoluée
de l’orgue électronique, le synthétiseur,
qui, lui, se démarque radicalement de
l’orgue à tuyaux traditionnel.
LES FONCTIONS DE L’ORGUE.
L’orgue de l’Antiquité apparaît dans les
jeux du cirque, où il assure une fonction
d’appel et de signalisation. Chez les Romains, on le trouve aussi associé aux banquets dont il rehausse l’éclat par ses sons
très puissants. Dans l’Occident chrétien,
il est d’abord toléré dans les monastères
et les églises, comme guide-chant, mais
avec réticence, en raison de ses origines
païennes. Il parvient cependant à s’imposer, au point d’exclure toute autre forme
de musique instrumentale pendant plusieurs siècles et de devenir l’instrument
par excellence de la liturgie chrétienne. En
effet, généralisé dans l’Église catholique,
il est également adopté par les luthériens,
les anglicans et même les calvinistes, en
dépit de la méfiance de ces derniers à
l’égard de la musique. Chez eux, il sera
relégué au rang d’accompagnateur des
cantiques, tandis que, pour les catholiques
et les luthériens, il fait partie intégrante
de la liturgie : accompagnement des mouvements des fidèles (entrée, communion,
sortie, processions), paraphrase des textes
chantés (chorals, versets de psaumes, de
magnificat, d’hymnes), prière et méditation en musique (offertoire, élévation).
Dans les régions comme l’Autriche ou la
Bavière, qui pratiquent encore la grandmesse baroque avec orchestre et choeurs,
ou pour les cantates exécutées dans les
églises luthériennes, l’orgue se joint à
l’ensemble orchestral ; il est, entre autres,
chargé d’accompagner le récitatif et d’exécuter la basse chiffrée. Le retour massif
de la participation chantée de l’assemblée
dans l’Église catholique depuis le concile
Vatican II, la disparition de la tradition
chorale en France et l’introduction dans
les lieux saints de musiques nouvelles,
d’inspiration profane et exécutées sur la
guitare électrique, le synthétiseur ou les
percussions, ont considérablement réduit la fonction liturgique de l’orgue, en
France particulièrement ; et les orgues
d’église de quelque intérêt se font davantage entendre dans des concerts qu’à la
messe ou à l’office.
Mais on trouve aussi l’orgue hors de
l’église ou du temple. Dans les salles de
concert ou de spectacle, où il se fait entendre soit comme soliste en récital, soit
dans les oeuvres orchestrales requérant sa
participation. Au cinéma, où, à l’époque
du film muet (et principalement entre
1920 et 1930), l’organiste exécutait des
illustrations sonores des images, ou bien
agrémentait le temps de l’entracte sur des
instruments au caractère adapté à cette
fonction (jeux ondulants, jeux de percussion, forte pression d’air, etc.). L’orgue a
même pris place dans des grands magasins : le plus volumineux instrument du
monde se trouve aux magasins Wanamacker, à Salt Lake City (États-Unis), où il a
quotidiennement à distraire les chalands
ou à les inciter à l’achat (le talent de l’organiste doit s’y révéler d’une importance
décisive).
Les orgues mécaniques accompagnent
les fêtes populaires, les bals publics ou
les manèges de chevaux de bois, ou font
entendre dans les rues et les guinguettes
des refrains connus. Quant à l’orgue électronique, s’il sert de succédané à l’orgue à
tuyaux auprès des paroisses peu fortunées,
il s’est surtout répandu dans les orchestres
de variétés et les ensembles de musique
pop.
LA STRUCTURE DE L’ORGUE.
L’ensemble des commandes accessibles
à l’exécutant est réuni en un meuble
(console), indépendant ou encastré dans
le bâti de l’orgue. Ces commandes sont
dirigées vers les organes de production
sonore par des éléments de transmission
mécanique, pneumatique ou électrique.
Le vent destiné à faire sonner les tuyaux
est produit par une soufflerie (à moteur
électrique de nos jours, mais mécanique
jadis, animée par un ou plusieurs souffleurs), puis mis en réserve et sous pression convenable dans des soufflets. Quant
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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aux divers tuyaux, dont le nombre peut
aller de quelques unités à plusieurs milliers, ils se trouvent placés sur différents
sommiers dans lesquels arrivent l’air sous
pression et les différentes commandes.
Tuyaux et sommiers sont enfermés dans le
buffet, qui joue un rôle à la fois décoratif,
protecteur et acoustique.
La console met à la disposition de l’exécutant le ou les claviers (appelés grand
orgue, positif, récit, écho et parfois encore solo, grand-choeur ou bombarde),
ainsi que le pédalier. On y trouve aussi
un certain nombre de registres, boutons
ou tirettes étagés en gradins ou disposés
verticalement de chaque côté des claviers,
registres qui appellent en fonctionnement
les divers jeux de l’instrument. D’autres
commandes, mises en oeuvre à la main ou
au pied, régissent les accouplements et les
tirasses, et les éventuelles combinaisons
fixes ou ajustables. Ces combinaisons per-
mettent, par l’intermédiaire de dispositifs
mécaniques, pneumatiques, électriques et
aujourd’hui électroniques, de programmer à volonté diverses registrations (ou
mélanges de jeux) ; qu’elles soient préparées par le facteur d’orgues ou ajustables à
volonté par l’organiste, elles seront introduites d’un seul coup, au cours de l’exécution, par simple pression sur un bouton
ou une pédale. Ce dispositif évite à l’exécutant d’avoir à s’entourer, comme jadis,
de tireurs de jeux installés à ses côtés,
dont le rôle était de modifier au moment
opportun les sonorités requises par le
morceau interprété. Les pieds de l’exécutant peuvent encore commander, depuis
la console, l’ouverture ou la fermeture des
jalousies de la boîte expressive (pédale
d’« expression »), et éventuellement un
crescendo progressif, faisant intervenir
tous les jeux du plénum dans un ordre
croissant d’intensité.
L’emplacement longtemps considéré
comme le plus logique pour la console a
été celui dit « en fenêtre », les organes de
commande étant encastrés dans le soubassement du buffet, ce qui réduisait de
ce fait la longueur des organes de transmission, génératrice de retards, de dureté
de manoeuvre et d’incidents. Mais à partir
du XIXe siècle, on a généralement préféré
construire des consoles séparées, placées
en avant du buffet et permettant à l’organiste de diriger ses regards vers le lieu du
culte dans lequel il a à intervenir. Grâce
à la transmission électrique, on peut réaliser aujourd’hui des consoles mobiles,
reliées au buffet par un gros câble contenant tous les fils de commande électrique
(plusieurs centaines). Cette disposition se
révèle particulièrement appréciable dans
les salles de spectacle, puisqu’elle permet
à l’organiste d’intervenir aussi bien sur la
scène, depuis la coulisse ou dans la fosse
d’orchestre.
La transmission des commandes des
touches des claviers et du pédalier peut
se faire par système mécanique, pneumatique ou électrique, avec possibilité de
mêler ces procédés entre eux (par exemple,
transmission mécanique des touches et
électrique des registres). Mécanique, elle
fait appel à des vergettes qui prolongent
l’action de l’enfoncement de la touche au
sommier ; ce mouvement est relayé par
des équerres et un dispositif démultiplicateur appelé abrégé. Dans la transmission
pneumatique (dite aussi « tubulaire »), les
pièces mécaniques sont remplacées par de
petites conduites d’air comprimé ; mais ce
type de commande met un certain temps à
entrer en action (celui du déplacement de
l’air dans les tubes), et les retards parfois
très gênants occasionnés ainsi à l’exécution ont conduit à abandonner ce procédé
qui, par ailleurs, était beaucoup plus sujet
à incidents et pannes que la transmission
mécanique. Quant à la transmission électrique, parfaitement au point de nos jours,
elle permet de réaliser des consoles mobiles ou éloignées du buffet, et simplifie les
commandes dans les très grands instruments. Elle consiste à placer des contacts
électriques à toutes les commandes de la
console (notes, registres, appels d’accouplements, de tirasses et de combinaisons) ; des câbles véhiculent instantanément le courant jusqu’aux sommiers, où
il actionne des électroaimants. On a, un
temps, imaginé une combinaison de la
transmission pneumatique avec des sommiers à électroaimants ; mais cette transmission « électropneumatique » a cédé
le pas devant les possibilités du système
électrique. Il faut cependant souligner
que, malgré ses incontestables avantages,
la transmission électrique présente le
lourd inconvénient de dépersonnaliser le
toucher du clavier, l’attaque et la pression
des doigts de l’organiste sur les touches
demeurant sans effet correspondant sur le
mode d’ouverture de la soupape.
Pour alléger la transmission mécanique
dans les grands instruments (et en particulier dans ceux dont la mécanique avait
été mal réglée ou peu entretenue, voire
mal conçue), l’organier Barker a imaginé,
en 1839, une machinerie de leviers pneumatiques qui prennent le relais de la commande manuelle et constituent en quelque
sorte des amplificateurs de puissance à la
traction mécanique. Ainsi, l’organiste
éprouve moins de difficultés à enfoncer les
touches, surtout lorsque les claviers sont
accouplés entre eux et qu’il y a une mécanique importante à faire mouvoir. Mais
la machine Barker entraîne les mêmes
inconvénients sur le toucher que la transmission électrique.
La soufflerie est assurée par un ventilateur électrique, qui envoie de l’air dans de
grands réservoirs à soufflets recouverts de
poids. Leur but est de régulariser le débit
d’air et de mettre cet air à pression convenable. Il peut alors être dirigé sans à-coups
vers les sommiers par l’intermédiaire de
tubes porte-vent.
Les tuyaux de l’orgue peuvent être de
deux types, à bouche ou à anche, selon le
mode d’émission du son. À bouche, ils
composent les jeux de fond ou les jeux de
mutation et de mixtures. Ces tuyaux sont
rangés par séries, correspondant aux jeux,
sur les sommiers. Certains d’entre eux,
trop volumineux, sont placés à l’écart, et
des tubes porte-vent les alimentent individuellement depuis leur emplacement
théorique sur le sommier : ont dit qu’ils
sont « postés ». Il en va de même pour les
tuyaux placés en façade du buffet, ou en
montre, qui ne reposent pas directement
sur le sommier, mais sont également postés. Quoique le matériau dans lequel sont
fabriqués les tuyaux n’ait pas d’influence
sur le timbre du son produit, il peut favoriser la réalisation du sifflet proprement
dit qui engendre le son (bouche et biseau),
et donc jouer sur l’attaque du son. Les
organiers ont de tout temps choisi l’étain,
mêlé à un taux variable de plomb, pour
réaliser les tuyaux : cet alliage présente en
effet la double propriété d’être très malléable pour être travaillé avec précision,
et suffisamment solide pour que les plus
grands de ces tuyaux ne se tassent pas sous
leur propre poids. On construit également
des tuyaux en bois, de section carrée, surtout pour les jeux de bourdon. La hauteur
du son émis par les tuyaux est fonction de
leur partie active, de la bouche à l’extrémité supérieure ; et c’est la forme et la section des tuyaux qui sont responsables du
timbre du son.
Les sommiers assurent la répartition du
vent dans les tuyaux que l’organiste veut
faire sonner : la soupape correspondant à
la note introduit l’air à la base de tous les
tuyaux que cette note est susceptible de
faire jouer sur le clavier considéré ; mais
seuls seront entendus les tuyaux dont
l’admission d’air n’est pas obturée par le
registre, c’est-à-dire ceux pour lesquels
l’organiste aura tiré le registre du ou des
jeux qu’il souhaite faire entendre.
L’HISTOIRE DE L’ORGUE.
Le plus ancien orgue connu est dû à Ctesibios d’Alexandrie, au IIe siècle av. J.-C.
C’est l’hydraule, qui ne comporte que
quelques tuyaux mis en oeuvre par l’intermédiaire de touches grossières. En Occident, l’orgue apparaît à l’époque carolin-
gienne ; il y est importé de Byzance. Il se
développe assez lentement d’abord : du IXe
au XIIe siècle, son étendue passe de une à
deux octaves, l’unique rangée de tuyaux se
double d’une seconde.
Du XIIe au XVe siècle, l’orgue se développe considérablement : les tuyaux se
multiplient, le clavier s’étend et devient
chromatique, la soufflerie se fait plus puisdownloadModeText.vue.download 753 sur 1085
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sante. Dès la fin du XIVe siècle, l’instrument, placé en tribune dans les églises, est
suffisamment important pour nécessiter
qu’on lui adjoigne un autre orgue, plus
petit, pour accompagner les chanteurs.
C’est le positif, installé sur le devant de
la tribune. Au XVe siècle, les sommiers se
perfectionnent, et la possibilité apparaît
d’isoler et de mélanger les jeux par tirage
de registres, jeux qui, jusqu’à présent, ne
pouvaient fonctionner que tous en même
temps.
Le grand orgue classique est alors
constitué. Il va désormais connaître
diverses évolutions, selon les pays et les
écoles de facture qui se multiplient, mais
tout en restant fidèle aux grands principes
de base qui sont maintenant établis. En
Italie, c’est un instrument souvent à un
seul clavier, dont le plénum se décompose
en de nombreux jeux de principaux qui
permettent d’en faire varier la couleur et
le caractère. Le plus grand représentant de
cette facture est l’organier Antegnati.
Mais c’est surtout en France, en Allemagne et en Flandres que l’orgue va se
développer en coloris, en plénitude et
en contrastes. En France, il présente
deux claviers accouplables au début du
XVIIe siècle ; à la fin du même siècle, il
en compte trois, parfois quatre et même
jusqu’à cinq, conçus pour s’opposer
et se répondre. Il s’enrichit de jeux de
détail, destinés à chanter en solistes jeux d’anches, notamment - et son plénum s’étoffe de nombreuses mixtures
qui donnent de la légèreté et de la transparence à ses tutti. Son apogée se situe
au début du XVIIIe siècle. Les principaux
représentants de la facture française des
XVIIe et XVIIIe siècles sont les Thierry et
les Clicquot. Les théoriciens en sont le
père Mersenne et surtout Dom Bédos,
dont le monumental traité, l’Art du facteur d’orgues (1766-1778), unique en son
genre, consacre tout le savoir-faire acquis
au cours des siècles précédents.
En Flandre et en Allemagne du Nord,
l’orgue se singularise par ses jeux de flûte
et ses batteries d’anches et ses amples
proportions, tandis qu’en Allemagne du
Centre et du Sud, l’instrument, moins développé, subit l’influence française et réalise un harmonieux équilibre des diverses
tendances. Il est représenté par Fritzsche
et Compenius pour le nord, les Schnitger et les Silbermann pour l’ensemble du
monde allemand. Les orgues d’Allemagne
ont la particularité de posséder un pédalier à touches qui favorise la virtuosité,
alors que la France reste encore fidèle à
son ancien pédalier à chevilles : l’adoption
par la facture française du pédalier à l’allemande ne se fera que vers 1860 seulement.
D’autres pays possèdent une école et
un style originaux, comme la péninsule
Ibérique, avec ses grands choeurs d’anches
et ses tuyaux en chamade, et ses claviers
coupés permettant des registrations différentes (Brebos). Les Anglais ont également développé un style spécifique, influencé par les écoles française et flamande
(Dallam, Harris).
Au XIXe siècle, après une période de stagnation et même de régression (en France
surtout, du fait de la Révolution et du profond changement des goûts et des ), l’orgue
va se trouver doublement marqué par
la recherche d’améliorations techniques
d’une part, et par l’influence du style symphonique d’autre part. Il va sacrifier son
caractère propre (jeux de détail fortement
typés, mixtures) à une imitation approximative des instruments de l’orchestre et
des procédés de l’écriture symphonique ;
à la poésie de timbres subtils, il préférera
la puissance massive et une virtuosité évidemment calquée sur celle du piano qui
triomphe alors. Sur le plan technique,
l’orgue symphonique améliore la distribution du vent dans les sommiers, introduit
la machine Barker, perfectionne la mécanique. Musicalement, il est plus puissant,
mais aussi plus rond, plus grave, plus épais
et dense, moins diversement coloré que
l’orgue classique ou baroque. Procédant
par grandes masses, il use d’effets de cres-
cendo par renforcement de la sonorité en
camaïeu et non par enrichissement du
coloris ; souffrant d’une sorte de complexe
du piano et de son impossibilité à faire
varier l’intensité du son en fonction de la
frappe de la touche, il cherche un nouveau
type d’expressivité par l’usage de la boîte
expressive. À côté d’un Cavaillé-Coll, qui
réalise les chefs-d’oeuvre de l’orgue symphonique, et de facteurs comme Callinet,
Abbey ou Harrison, bien des organiers
moins doués ont bâti des instruments de
moindre intérêt sonore, souvent même
en modifiant des instruments anciens à
jamais défigurés.
Un mouvement de contestation de
l’orgue symphonique s’est développé vers
1920, sous l’impulsion de Victor Gonzalez
avec, bientôt, la caution du musicologue
Norbert Dufourcq et des instances officielles (commission des orgues du secrétariat des Beaux-Arts). Ce mouvement a
abouti en France à un instrument baptisé
« néoclassique », qui pratiquait un sain
retour à une esthétique ancienne plus
spécifiquement propre à l’orgue, mais
enrichie d’éléments techniques et sonores
ultérieurs. Ainsi s’est concrétisé un instrument de style hybride assez mal défini,
présentant un échantillonnage varié de
jeux basé sur les compositions d’orgues
classiques, tout en maintenant des jeux
de l’orgue symphonique et en adoptant
des techniques nouvelles, comme la transmission électrique pour les instruments
importants. Cet idéal d’orgue à tout jouer
a été appliqué non seulement à des instruments neufs, mais aussi à bien des instruments anciens - y compris les meilleurs
représentants de la facture symphonique,
qui se sont trouvés de ce fait dénaturés.
Ce mouvement de retour aux sources
devait se poursuivre après 1950 par des
recherches plus approfondies sur les
divers types d’instruments, classiques et
baroques, dont il n’existe pas un seul prototype, mais un certain nombre de types
très différenciés par le style, la composition et la réalisation technique. Il a abouti
à la construction (ou à la restauration)
d’instruments d’esthétique beaucoup plus
pure et univoque, véritables copies d’orgues baroques allemands ou classiques
français - orgues « à la Dom Bédos », « à
la Silbermann », « à la Clicquot », etc., par
exemple. Ce mouvement salutaire a permis d’accroître les exigences en matière de
mécanique et de sonorité. On ne peut cependant nier qu’il ne s’agit là que d’un travail d’archéologie, si réussi soit-il (Kern).
Depuis 1970 environ, et sous la pression
de quelques organistes compositeurs, se
font jour, en Allemagne principalement,
des recherches de sonorités nouvelles et
de dispositifs de jeu inédits : harmoniques
supplémentaires dans les jeux de mutation, tuyaux ou émetteurs de sons inexplorés encore, programmation ajustable
de sonorités et de mélanges sur des notes
isolées, accords transposables automatiquement d’une note à l’autre pour permettre l’exécution de clusters, etc. Reste
à savoir si des instruments réalisés sur de
telles données permettront ou non l’exécution d’oeuvres anciennes, ou s’ils devront se spécialiser dans les oeuvres écrites
à leur intention. Peut-être, en tout cas, ces
recherches mèneront-elles un jour à la
création d’un type d’orgue véritablement
nouveau, comme le XXe siècle n’en a pas
encore réalisé.
LA MUSIQUE POUR ORGUE.
Jusqu’au XVIe siècle, l’orgue, comme d’ailleurs les autres instruments à clavier, ne
possède pas de répertoire propre. On y
exécute des pièces polyphoniques, sacrées
(motets, versets) ou profanes (multiples
danses, canzone, variations), soit pour
accompagner des chanteurs, soit pour
dialoguer avec eux en répons, soit encore
pour faire danser ou participer aux fêtes.
Il est vraisemblable que, dès cette époque,
une part importante était faite à l’improvisation (préludes, fantaisies). Quant à la
musique écrite, elle l’était sous forme de
tablatures.
Au XVIe siècle, apparaissent l’édition
musicale et les premières pièces spécifiquement instrumentales. Les oeuvres destinées à l’orgue ne se différencient d’ailleurs pas toujours de celles que l’on joue à
l’épinette, au virginal, voire au luth. Mais
des organistes écrivent des oeuvres qu’ils
destinent expressément à leur instrument,
principalement en Italie, en Flandres et en
Espagne, la France se montrant plus en
downloadModeText.vue.download 754 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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retard en ce domaine. Le siècle est dominé
par les figures de l’Espagnol Cabezón, spécialiste des variations, du Flamand Sweelinck, auteur de fantaisies, toccatas et variations, et d’une riche école italienne, où
l’on peut relever les noms de Cavazzoni,
Merulo, A. et G. Gabrieli, Banchieri, Luzzaschi, Palestrina. Les Italiens multiplient
toccatas « per l’elevazione » ou « sopra i
pedali », ricercari, canzone, pastorales,
etc., sans que ces pièces aient toujours une
forme, une attribution instrumentale et
une fonction bien précises.
Le XVIIe et le XVIIIe siècle voient à la
fois l’apogée de l’instrument classique et
baroque et de la fonction liturgique de
l’orgue, et la consécration de l’autonomie de la musique instrumentale. C’est
aussi un temps traversé de courants mystiques profonds (mystiques français du
XVIIe siècle, piétistes allemands du XVIIIe,
etc.), courants qu’illustreront des compositeurs de génie. En Espagne fleurissent
tientos et variations sous la plume de Correa de Arauxo, puis de Cabanilles, ainsi
que des « battaglie » qui font sonner les
batteries d’anches en chamade des instruments ibériques. L’Italie, après avoir
jeté ses feux au XVIe siècle, ne produit
plus d’oeuvres marquantes, et l’Angleterre
développe ses voluntaries avec Blow, Purcell, Boyce ou Stanley. Mais les deux pays
dominants sont alors la France et l’Allemagne.
En France, une première génération,
au début du XVIIe siècle, celle de Titelouze et de Racquet, pratique les versets
contrapuntiques et les fantaisies polyphoniques. Avec Roberday et Louis Couperin
(1650), le style se fait moins sévère, sous
l’influence de l’art italien. Mais c’est ensuite que l’orgue français connaît ses plus
grandes heures. C’est alors le triomphe
des grandes pièces faisant sonner le riche
plénum de l’instrument classique (grand
jeu, plein jeu, préludes, fantaisies), encadrant des pages de caractère poétique,
mettant en valeur un ou plusieurs des jeux
de détail dont l’orgue français abonde :
récits, basses et dessus, duos, trios, dialogues, etc. Telle est l’ordonnance type de
ces Livres d’orgue qui vont éclore à profusion en une centaine d’années, de Nivers
(1665) à M. Corette (1734), en passant
par Lebègue, Jullien, Gigault, Raison,
Boyvin, Guilain, Du Mage, Clérambault,
Marchand, les sommets du genre étant les
deux messes de François Couperin (1690)
et le Livre d’orgue de Grigny (1699). Dès
1730, cependant, l’orgue est envahi par
les frivolités de style et les coquetteries
de virtuoses, empruntées au genre mondain du clavecin, étalant à profusion les
variations brillantes (Daquin), paraphrasant les chansons populaires (noëls), et,
à la fin du siècle, introduisant des effets
descriptifs (orage, tonnerre, oiseaux) dans
des pièces imitatives d’un goût douteux
et d’une substance musicale extrêmement
indigente.
En Allemagne, les musiciens du sud
sont influencés par l’Italie, dans leurs
chorals, leurs fantaisies ou leurs préludes,
d’un caractère volontiers serein et méditatif : Froberger, Muffat, Fischer, Pachelbel.
Au nord, au contraire, se développe un art
puissant, à la fois dans le développement
polyphonique (fugues, chorals variés)
et dans la virtuosité proprement organistique (toccatas), en des architectures
sonores solidement charpentées. C’est
la manière des disciples de Sweelinck,
Scheidt, Scheidemann, puis de Boehm,
Bruhns, Hanff, Lübeck et surtout Buxtehude.
Tous les éléments sont réunis pour que
le prodigieux génie synthétique de J. S.
Bach les rassemble, les fonde et les développe en une oeuvre unique en son genre,
qui résume les deux siècles précédents
et semble en épuiser toute la sève : ni les
frères Haydn ni Mozart n’apporteront à la
musique d’orgue d’éléments majeurs (les
deux admirables Fantaisies de Mozart, que
l’on joue à l’orgue, étaient destinées à un
instrument mécanique).
Le XIXe siècle et la première moitié du
XXe, tout entiers tournés vers la symphonie et l’opéra, négligent d’abord l’orgue, et
pour plusieurs décennies. En Allemagne,
les oeuvres de Schumann, de Mendelssohn, de Brahms et de Reger coulent un
langage et une pensée romantiques dans
des formes héritées de Bach (préludes et
fugues, préludes de chorals) ; seules les
quelques pages de Liszt font entrevoir
un monde expressif résolument neuf. En
France, après un siècle d’effroyable décadence que couronne un Lefébure-Wély, la
double influence des organistes demeurés
fidèles à la grande tradition germanique
(Lemmens, Hesse) et de l’effort de curieux
et de chercheurs pour retrouver la musique ancienne et renouer avec le plain-
chant, va aboutir à un renouveau d’abord
marqué par Boély, puis par Saint-Saëns et
Franck, dont les premières pièces datent
de 1862.
Le rayonnement personnel de Franck
amène à l’orgue de nombreux disciples.
Mais c’est Widor qui va former au
Conservatoire de Paris la plus réputée des
écoles d’organistes, plaçant la France au
premier rang mondial. Widor crée la symphonie pour orgue, grande fresque qui fait
valoir les instruments de Cavaillé-Coll, et
prône une improvisation en style rigoureux (sonate, choral, fugue, etc.). Parmi
ses disciples, Vierne, Tournemire, Dupré
sont les meilleurs représentants du style
symphonique, qui se tourne aussi vers la
paraphrase des motifs grégoriens.
Mais la musique d’orgue reste le fait
d’organistes-compositeurs. Ni Debussy
ni Stravinski n’écrivent pour l’orgue, et
les oeuvres que lui consacrent un Ives ou
un Schönberg sont trop peu nombreuses
pour être significatives. Deux compositeurs renouvellent le langage de l’orgue
et l’extirpent de son épaisse gangue symphonique : Jehan Alain, trop tôt disparu,
et Olivier Messiaen, dont l’oeuvre profondément originale ouvre à l’orgue des chemins nouveaux. Auprès d’eux, ni Heiller
ou David en Autriche, ni Hindemith en
Allemagne, ne font figure de novateurs.
Depuis les années 60, les compositeurs
portent un intérêt nouveau à l’orgue. Ce
ne sont plus exclusivement des organistes
confinés dans le langage de leur chapelle,
mais des musiciens qui entrevoient des
possibilités expressives nouvelles sur
l’instrument à tuyaux : Kagel, Ligeti, Yun,
Darasse, Pablo, Zacher, Boucourechliev
ouvrent des voies qui pourraient mener,
avec un instrument mieux adapté à leur
imagination, à une renaissance de l’orgue.
ORGUE DE BARBARIE.
Orgue mécanique, portatif, dont l’élément
moteur est un cylindre à picots mû par
une manivelle.
Chaque picot déclenche au passage
une soupape correspondant à un ou plusieurs tuyaux, alimentés en air par un jeu
de soufflets. Cet instrument forain ne doit
évidemment rien à quelque pays réputé
barbare. Son nom populaire n’est qu’une
déformation de celui de son inventeur, un
facteur de Modène qui s’appelait Barbari
ou Barberi.
ORGUE ÉLECTRONIQUE.
Instrument moderne, à un ou plusieurs
claviers, dont la source sonore consiste en
une batterie de haut-parleurs alimentée
par un jeu plus ou moins complexe de
transistors.
Les semi-conducteurs peuvent en effet
fournir des fréquences d’une précision
mathématique, et par conséquent des
sons d’une hauteur donnée, dont diverses
combinaisons permettent de modifier
le timbre. Les orgues électroniques les
plus perfectionnés parviennent ainsi à
reproduire la plupart des jeux de l’orgue
classique à tuyaux, plus quelques effets
douteux de vibrato ou autres, sans parler
des modèles qui fournissent un accompagnement préfabriqué sur des rythmes
de valse, de tango, etc. La réputation de
l’orgue électronique souffre évidemment
des excès de certains fabricants, qui basent
leur publicité sur la paresse ou l’ignorance
de l’acheteur éventuel. Mais elle mérite
mieux, qu’il s’agisse de l’instrument économique à quatre octaves sur un seul clavier, destiné aux enfants et aux amateurs
débutants, ou du grand modèle à deux claviers et pédalier qui permet de jouer tout
le répertoire classique. La qualité du son
n’est certainement pas celle d’un orgue à
tuyaux, mais l’encombrement et le prix
de revient sont tellement moindres que
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
749
de nombreuses paroisses l’ont sagement
adopté de préférence au vieil harmonium,
dont les ressources sont beaucoup plus
limitées.
ORMANDY (Eugene), chef d’orchestre
américain d’origine hongroise (Budapest 1899 - Philadelphie 1985).
Il entre à cinq ans à l’Académie royale de
Budapest, pour y apprendre le violon, et
donne, deux ans plus tard, ses premiers
concerts. Ayant achevé ses études auprès
de Jenö Hubay à quatorze ans, il enseigne
lui-même trois ans plus tard. Il quitte
l’Europe avec une place de premier violon dans l’orchestre Blüthner (obtenue en
1917) pour une tournée aux États-Unis
qui tourne court. Devenu premier violon
au Théâtre du Capitole de New York, établissement voué au cinéma muet, il remplace en 1924 le chef d’orchestre. D’orchestres de musique légère en concerts
radiodiffusés, il en vient à diriger en 1930
les concerts d’été de l’Orchestre de Philadelphie et, l’année suivante, remplace
trois fois Toscanini dans des programmes
classiques. Minneapolis lui offre, de 1931
à 1936, la direction de son orchestre, avec
lequel il se fait connaître par ses premiers
enregistrements. Rappelé par l’Orchestre
de Philadelphie pour diriger en alternance
avec Leopold Stokowski, il en devient
directeur musical unique de 1938 à 1980.
Proche par goût personnel du répertoire postromantique du tournant
du siècle, Ormandy a créé de nombreuses
partitions relevant de cette esthétique :
danses symphoniques de Rachmaninov,
troisième concerto pour piano de Bartók
(avec G. Sandor, en 1946), Diversions pour
la main gauche de Britten, des pages de
Roger Sessions, Samuel Barber, etc. Il a
également réalisé d’importants enregistrements, dont le premier de la symphonie
no 10 de Mahler reconstituée par Deryck
Cooke. Son style, mélange de virtuosité et
de perfectionnisme, a transformé le Philadelphia Orchestra en une des plus remarquables phalanges des États-Unis.
ORNEMENTS, ORNEMENTATION (en all.
Verzierungen, en angl. ornaments, en it.
abbellimenti).
Dans la musique vocale et instrumentale, les ornements constituent toute une
gamme d’embellissements destinés à agrémenter les lignes mélodiques d’une composition. Ils doivent toujours conserver le
caractère d’une improvisation spontanée
même lorsque ces ornements ont été notés
avec précision par le compositeur. C’est
à l’époque baroque, au moment où le bel
canto atteint son apogée sous le règne des
castrats, que l’art des ornements connaît
une période de virtuosité éblouissante en
même temps que des abus inévitables.
L’interprète, de nos jours, doit redécouvrir d’abord la technique instrumentale
ou vocale qui lui permet d’improviser
librement, voire aisément, mais il doit
surtout y prendre plaisir et être conscient
qu’un trop grand respect de la note écrite
revient à trahir les intentions du compositeur. Celui-ci, aux XVIIe et XVIIIe siècles,
soutenu par les théoriciens qui étaient
souvent eux-mêmes des instrumentistes,
considérait les ornements (écrits ou improvisés) comme un élément indispensable à sa musique et ne s’indignait que
contre les excès.
Avant l’invention de la notation musicale, les ornements improvisés autour
d’un chant ont certainement existé, tant ils
sont naturels. On peut d’ailleurs en relever
des exemples dans les musiques traditionnelles d’un grand nombre de pays extraeuropéens encore aujourd’hui. Lorsque
la notation neumatique ( ! NEUMES) est
employée au IXe siècle pour codifier le
répertoire de l’Église, les fioritures sont
indiquées au moyen de neumes d’ornement tels que le « quilisma », l’« ancus »
et le « torculus ». Avec l’avènement de la
notation mesurée au XIIIe siècle, la plique
(barre verticale ajoutée à une note) appelle
un ornement qui est une sorte d’appoggiature.
Pendant tout le Moyen Âge et la Renaissance, la pratique des ornements est
très répandue. Suivant l’exemple des improvisations des chanteurs, les instrumentistes à leur tour introduisent des ornements. C’est ainsi que, chez G. Gabrieli
par exemple, un simple thème de chanson
française est transformé, grâce aux ornements écrits et ajoutés, en une canzona
instrumentale aux traits souvent virtuoses
dans chacune des parties de la polyphonie.
Vers la fin du XVIe siècle apparaissent
des traités exposant les diverses techniques de l’ornementation, sans doute
pratiquées depuis longtemps déjà (les instrumentistes Ganassi, Ortiz et Dalla Casa ;
les chanteurs Maffei, Conforto et Bovicelli). Le talent pour exécuter toutes sortes
de passages (« passaggi ») dans chacune
des voix d’un madrigal italien s’est cultivé
au fil des années et offre un témoignage
de la maîtrise technique atteinte par les
chanteurs qui nous semble redoutable à
l’époque actuelle. Le traité de Dalla Casa
(Il vero modo di diminuir, 1584, rééd.
1970) contient un madrigal de C. de Rore
(Tanto mi piaque) où les quatre voix sont
ornées de diminutions. La même méthode
transforme une pièce vocale en pièce de
clavier ; de là découle la variation, où les
valeurs des notes sont progressivement ré-
duites au cours de la série. C’est une forme
souvent employée par les virginalistes anglais (J. Bull, W. Byrd, G. Farnaby, etc.).
À la « fancy « des Anglais répond la «
fantasia « et le « ricercare « des maîtres
italiens. En France, l’instrument polyphonique préféré demeure le luth ; pour lui
sont adaptés des chansons, des motets et
airs de cour.
G. Zarlino, reprenant Platon, précise
que l’harmonie et le rythme doivent être
les serviteurs de la parole (Istitutioni armoniche, 1558) : idée humaniste fondamentale et point de départ d’une rédaction contre les complexités de la musique
polyphonique qui rendaient le texte inintelligible. Ses partisans estimaient que la
parole serait mieux servie par une voix
seule déclamant en musique, avec une
certaine liberté rythmique, les passions
exprimées dans le texte. Ces passions («
affetti «, mouvements de l’âme) se rehaussaient de tout un choix d’ornements que
G. Caccini expose dans la préface de ses
Nuove Musiche (1601) : « trillo « (répétition de plus en plus rapide d’une seule
note), « gruppo « (notre trille habituel), «
cascata « (trait rapide descendant), « ribattuta di gola « (inégalisation des croches ou
doubles croches pour rendre le chant plus
gracieux). Il suffit d’analyser les oeuvres de
l’époque pour les retrouver.
Si en Italie, au cours du XVIIe siècle,
l’ornementation devient de plus en plus
le domaine de l’interprète (voix et violon surtout), la France préfère un système mieux défini. Afin d’agrémenter la
mélodie, on se sert de signes, introduits
d’abord par les luthistes, ou alors on prend
soin d’écrire la version ornée d’un air de
cour par exemple.
Celle-ci, la seconde strophe, prend
le nom de « double » et les ornements
contribuent à effacer les difficultés créées
par la prosodie. Le chanteur Michel Lambert a laissé de fort beaux exemples notés
de cet art.
Chez les clavecinistes français, le terme
« double » est synonyme de variation. Un
genre particulièrement original caractérise leur musique : le prélude non mesuré
que F. Couperin qualifie de « composition libre où l’imagination se livre à tout
ce qui se présente à elle ». Sur un vague
schéma en valeurs longues accompagnées
de quelques dessins mélodiques, l’interprète orne à son gré afin de se chauffer les
doigts. Quant au chant français de cette
époque, B. de Bacilly, dans son ouvrage
Remarques curieuses sur l’art de bien chanter (1688, rééd. 1971), décrit les ornements
les plus usuels (port de voix, accent ou
plainte, tremblement, cadence et double
cadence, soutien de la voix, expression ou
souci des passions exprimées dans le texte,
doublement d’une note, diminution) mais
ne donne pas d’exemples notés. Le choix
de tel ou tel ornement par le chanteur est
déterminé par le texte poétique et par le
bon goût. En revanche, les luthistes, clavecinistes et organistes français ont rédigé
des tables d’agréments pour embellir
la mélodie, sans doute à l’imitation des
chanteurs, mais aussi afin de prolonger les
sons des instruments à cordes pincées. Les
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
750
auteurs ne sont pas toujours d’accord au
sujet de la nomenclature ni de la manière
d’exécuter certains ornements.
Située à mi-chemin entre les styles français et italien, l’école allemande adopte
une attitude modérée à l’égard des ornements improvisés. J.-S. Bach va jusqu’à
noter lui-même ses fioritures, notamment
les mouvements lents, ce qui a entraîné
une certaine réticence de la part des interprètes modernes, par exemple devant la
possibilité d’exécuter un trille sous-entendu à une cadence.
Au XVIIIe siècle, et surtout en Italie, on
assiste à la véritable soumission des compositeurs aux caprices des chanteurs toutpuissants. C’est l’époque de l’aria à da
capo, avec ses maîtres A. Scarlatti, Bach,
Haendel et Hasse.
Cette forme ternaire offre aux chanteurs, au moment de la reprise, l’occasion
de se distinguer, d’éblouir et, parfois,
d’épuiser le public par les exploits du gosier. Les mouvements lents des sonates et
concertos sont souvent des improvisations
libres très ornées à partir d’une simple
esquisse de quelques notes (Haendel,
concertos pour orgue ; Corelli, Sonates,
op. 5). Depuis le siècle précédent, les com-
positeurs français indiquent la place d’un
ornement à l’aide d’une petite croix (+ :
« faites un ornement ici, selon vos moyens
techniques et [dans le cas de la musique
vocale] selon le sens du texte »). Mais ils
les écrivent aussi, par exemple autour d’un
mot imagé tel que « voler ».
Les nombreuses critiques qui affirmaient qu’une ornementation excessive
rendait totalement méconnaissable la
composition originale ont amené plusieurs réformes. Dans l’opéra, d’abord
celles de Gluck, qui s’applique à épurer la
mélodie de ses fioritures abusives ; ensuite
celles de Rossini, qui n’interdit pas les
ornements - ce serait contre la nature de
sa musique - mais prend la précaution de
les écrire lui-même à l’exclusion de tout
autre. L’époque romantique, héritière
en cela du style instrumental classique,
demeure en faveur d’une ornementation
écrite et strictement au service de l’expression. Cependant, le XIXe siècle abandonne
la plupart des ornements du bel canto
pour ne garder que le trille, les appoggiatures, les traits et arpèges décoratifs (par
exemple, dans la musique de piano de J.
Field et Chopin), le mordant, et le « gruppetto » cher à Schumann et à Wagner pour
ne citer que l’usage émouvant qui en est
fait dans le prélude de Parsifal. Chez Verdi
puis chez R. Strauss, les ornements écrits
sont riches et travaillés à travers l’oeuvre. Il
n’en faut pas moins constater que l’ornementation, afin d’embellir véritablement,
doit éclore librement.
ORTIGUE (Joseph Louis d’), musicologue et critique français (Cavaillon
1802 - Paris 1866).
On retient de son activité de musicologue
ses travaux sur la musique d’église. En
1857, Joseph d’Ortigue fonda avec Niedermeyer la Maîtrise qui devint en 1862, sous
sa direction, le Journal des maîtrises, revue
du chant liturgique et de la musique religieuse. Son ouvrage le plus remarquable
est son Dictionnaire liturgique, historique
et théorique de plain-chant, écrit en collaboration avec Nisard. Appartenant à un
milieu royaliste et conservateur, Joseph
d’Ortigue a été l’ami de Berlioz et de Liszt,
dont il fut le compagnon à La Chênaie,
chez Lamennais. Disciple de Ballanche,
adepte de l’esthétique spiritualiste de ce
dernier, croyant à la « religion de coeur »,
à la musique comme « langage universel »,
ainsi qu’à la mission rédemptrice de l’art,
il s’est trouvé en communion d’idées avec
Liszt. Il fut le fidèle défenseur et souvent le
porte-parole de Berlioz, à qui il succéda en
1863 comme critique musical au Journal
des débats. Malheureusement, vers la fin
de sa vie, il revint à des opinions conservatrices et ne put comprendre la Messe de
Gran de Liszt lorsqu’il l’entendit à l’église
Saint-Eustache en 1866.
ORTIZ (Diego), musicien, organiste et
théoricien espagnol (Tolède v. 1510 Naples ? v. 1570).
Il était à Naples dès 1553, et, en 1558,
il était vice-maître de chapelle du duc
d’Albe, vice-roi d’Espagne. La plupart de
ses compositions sont demeurées en manuscrits, à l’exception d’un Musices Liber
I, édité en 1565. Mais il est surtout connu
comme théoricien, pour avoir publié un
traité d’exécution sur les instruments à
cordes et le clavecin, indiquant notamment la réduction de la polyphonie et la
composition des ricercari et des glosas (variations). Intitulé Trattado de glosas sobre
Cláusulas y otros generos de puntos en la
Música de Violones nuevamente puertos en
luz, ce traité a été édité en 1553 à Rome.
OSSIA (ital. pour « ou bien »).
Terme indiquant une alternative pour
un passage donné (pouvant par exemple
être remplacé par un autre moins difficile,
celui proposé en alternative étant en général écrit en petites notes au-dessus ou audessous de la portée) ou un titre d’oeuvre
(L’anima del filosofo ossia Orfeo ed Euridice
de Haydn, Cosi fan tutte ossia La scuola
degli amanti de Mozart).
OSTENDORF (Jens-Peter), compositeur
allemand (Hambourg 1944).
Il étudie la théorie et la composition à
l’École supérieure de musique de Hambourg de 1964 à 1969. Comme boursier de
la ville de Hambourg, il collabora en 1968
au Studio de K. Stockhausen et participa
à la composition collective Musik für ein
Haus à Darmstadt. Particulièrement intéressé par le théâtre musical contemporain,
il dirigea à partir de 1969 le département
Musique de scène au Thalia Theater à
Hambourg, fonda en 1970 le groupe Hinz
und Kunzt, et entreprit en 1972 des études
en phonétique expérimentale à l’université de Hambourg. Ayant obtenu le prix
de Rome, il séjourna en 1973-74 à la villa
Massimo. Après avoir étudié en 1979 la
musique des Touaregs du Sahara et des
juifs de l’île de Djerba, il effectua un stage
à l’I.R.C.A.M. en 1980. Ses recherches les
plus récentes sont orientées vers la live
electronic et vers l’opéra.
OSTINATO (ital. : « obstiné »).
Ce terme désigne un élément mélodique
ou rythmique plus ou moins court se répétant périodiquement et « obstinément »,
cependant que d’autres éléments (voix
superposées, rythmes simultanés, etc.) se
modifient simultanément. La basse répétée, ou basse contrainte (basso ostinato),
qui est un dessin mélodique de basse de
quatre à huit mesures se répétant indéfiniment, est un cas particulier d’ostinato ;
elle est le principe de genres comme le
« ground » des virginalistes anglais, la
chaconne, la passacaille, les danses variées sur des basses obstinées comme la
« folia », et elle apparaît également dans
les airs d’opéras (air de Didon mourante
dans Didon et Énée de Purcell). La forme
« variation » en est l’extension.
On applique aussi le terme d’ostinato
à la répétition insistante d’une brève cellule rythmique ou rythmico-mélodique,
dans la musique africaine par exemple.
Les musiques répétitives de Steve Reich
ou Philipp Glass sont faites souvent
entièrement d’ostinatos superposés. La
« boucle », en musique électroacoustique,
est une forme moderne d’ostinato, chez
Pierre Henry notamment. L’ostinato, dans
le Boléro de Ravel, est double : un bref ostinato rythmique d’accompagnement, et
le thème lui-même, très développé, mais
que sa répétition textuelle, dix-sept fois de
suite, transforme en un ostinato de grande
envergure.
OSTMAN (Arnold), chef d’orchestre, pianiste et organiste suédois (Malmö 1939).
Il étudie à l’université de Lund, ainsi qu’à
Paris. Il débute comme organiste à l’église
Klara de Stockholm et, en 1969, devient
directeur artistique de l’Académie Vadstena. Tout en accompagnant au piano
Birgit Nilsson et Nicolaï Gedda, il se passionne pour la musique baroque. En 1974,
il fonde le Norreland Opera à Umeä, où
il met en pratique ses recherches musicologiques. De 1979 à 1992, il dirige le
Festival de Drottningholm. Dès 1979, il
y exécute la version dite « de Prague » de
Don Giovanni, et enregistre ensuite les
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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grands opéras mozartiens. Chef lyrique
régulièrement invité à Covent Garden ou
à la Fenice, il réalise deux films musicaux :
Christina, Winter Queen of Sweden en
1979, et Gustav III en 1983.
OTTAVINO.
Terme italien tiré d’ottava (« octave ») et
désignant la petite flûte, appelée dans les
autres pays piccolo (de flauto piccolo) et
jouant à l’octave supérieure.
OTTE (Hans), compositeur allemand
(Plauen, Saxe, 1926).
Élève de Johann Nepomuk David et de
Paul Hindemith (composition) ainsi que
de Walter Gieseking (piano), il séjourna
à la villa Massimo comme prix de Rome
(1959), puis fut nommé à la tête du département de la musique de la radio de
Brême, ville où en 1961 il fonda les festivals Pro Musica Nova et Pro Musica
Antiqua. De 1969 à 1972, il présida le
Deutscher Musikrat (Conseil allemand
de la musique). On lui doit notamment
Momente pour orchestre (1958), Interplay
pour 2 pianos (1962), Nolimetangere pour
actrice, piano, film et bande sonore (196667), Terrain pour orchestre (1974), Singular : plural pour 16 haut-parleurs et piano
(1975), Das Buch der Klänge pour piano
(Metz, 1982).
OTTER (Anne-Sophie von), mezzo-soprano suédoise (Stockholm 1955).
Elle étudie à la Guildhall School of Music
de Londres, puis se perfectionne auprès
d’Erik Werba à Vienne et Geoffrey Parsons à Londres, avant de devenir l’élève
de Vera Rosza avec laquelle elle travaille
encore aujourd’hui. Elle débute à Bâle
en 1982, et s’impose dans les opéras de
Mozart et Strauss. En 1984, elle chante à
Aix-en-Provence et remporte un grand
succès dans l’Enfance du Christ au Festival
Berlioz. En 1985, elle incarne Chérubin à
Covent Garden, et depuis est engagée au
Metropolitan, à la Scala ou au Berlin Staatsoper. Dans le domaine du lied, elle s’il-
lustre dans Brahms, Mahler, Strauss, Sibelius, Zemlinski et Kurt Weill. Elle a aussi
enregistré des lieder d’Hugo Wolf et des
mélodies de compositeurs suédois.
OUBRADOUS (Fernand), bassoniste et
chef d’orchestre français (Paris 1903 Saint-Mandé 1986).
Au Conservatoire de Paris, il obtient en
1923 un premier prix de basson et étudie
la direction auprès de Philippe Gaubert.
Directeur de la musique de scène au
Théâtre de l’Atelier de 1925 à 1930, il crée
le Trio d’Anches de Paris en 1927. De 1934
à 1935, il est soliste de l’Orchestre national
puis de celui de l’Opéra de Paris (19351953). En 1940, il crée l’Association des
concerts de chambre de Paris. De 1947 à
1948, il est chef d’orchestre et directeur
artistique du Grand Théâtre de Lille et, de
1954 à 1958, professeur au Mozarteum de
Salzbourg. Il fonde en 1958 l’Académie internationale d’été de Nice. De 1964 à 1973,
il appartient au comité des programmes
de l’ORTF. En 1981, il est nommé commandeur des Arts et des Lettres
OUVERT ET CLOS.
Termes employés par un théoricien du
XIIIe siècle, Jean de Grouchy, pour caractériser, dans l’estampie, un refrain formé
de deux phrases semblables, mais modifiant leur terminaison pour la rendre suspensive la première fois, conclusive la
seconde.
Le terme a été souvent généralisé depuis lors : on peut dire, par exemple, que
le thème initial de l’« Hymne à la joie » de
la 9e Symphonie est un thème par ouvert
et clos.
OUVERTURE.
Dans son sens le plus général et le plus
commun, ce terme désigne le morceau
d’orchestre joué à rideau fermé avant
une représentation d’opéra, voire avant
tout spectacle (ouverture de Coriolan de
Beethoven, écrite pour précéder une pièce
de théâtre). Le premier exemple connu en
est sans doute la courte fanfare intitulée
toccata précédant l’Orfeo de Monteverdi,
et, pendant plus d’un demi-siècle, on devait trouver au début des opéras de brèves
pages appelées toccata, sinfonia, sonate
ou canzone n’ayant d’autre fonction que
d’annoncer le spectacle. Lully composa
pour ses opéras de véritables ouvertures
orchestrales dont la forme particulière,
sous le nom d’ouverture à la française,
allait envahir toute l’Europe : première
partie lente et majestueuse, seconde partie
rapide et de style fugué, reprise abrégée
de la première partie. Les quatre suites
d’orchestre de J.-S. Bach débutent par de
telles ouvertures, et se poursuivent par
des danses. Le vocable « ouverture » en
arriva ainsi à désigner la suite dans son ensemble, en d’autres termes une partition
instrumentale indépendante en plusieurs
morceaux de caractères différents.
Une évolution analogue eut lieu au
XVIIIe siècle du côté de l’Italie. L’ouverture typique de l’opéra bouffe italien était
alors très différente de celle dite « à la
française « : en trois parties également,
mais selon le schéma vif-lent-vif, et dans
un style mélodique aux rythmes simples,
fuyant toute polyphonie. Or il arriva que
de telles ouvertures furent jouées indépendamment, ou que furent composés
des ouvrages isolés en adoptant l’esprit et
la structure, ce qui explique par exemple
que certaines symphonies de jeunesse de
Mozart ne se distinguent en rien des ouvertures qu’à la même époque il destinait
à ses premiers opéras italiens, ou que la
« symphonie » op. 18 no 2 de Jean-Chrétien Bach ne soit autre que l’ouverture de
son opéra Lucio Silla.
Au milieu du XVIIIe siècle commença
à se poser sérieusement le problème des
rapports musicaux et dramatiques entre
l’ouverture et l’ouvrage lyrique qu’elle
précède. Rameau n’y fut pas indifférent (Zoroastre). Gluck s’y attaqua très
consciemment (Alceste, Iphigénie en Aulide), Mozart également. Beethoven alla
si loin en ce sens qu’avec Leonore III il
écrivit en fait, sans l’avoir voulu, moins
une ouverture qu’un véritable morceau
de concert indépendant, se suffisant à luimême. De ce nouveau type d’ouverture,
proche du poème symphonique, la descendance devait être nombreuse (Ouverture
sur des thèmes académiques et Ouverture
tragique de Brahms). D’autres ouvertures
de Beethoven ont avec le drame qui suit
des liens très étroits, en particulier celle
d’Egmont (premier volet d’une musique
de scène pour le drame de Goethe).
Poursuivant en ce sens, le XIXe siècle
aboutit soit à une manière de pot-pourri
sur les thèmes de l’opéra (Rossini), soit à
une sorte de résumé thématique (Weber),
ce qui de toute façon produisit des musiques dont le succès comme pièces de
concert isolées se trouva assuré (Mendelssohn, Berlioz, Manfred de Schumann) ;
ce siècle développa aussi la notion de prélude, l’orchestre participant alors dès ses
premières notes à l’action elle-même, et
ce non seulement au premier acte, mais à
tous les actes d’une oeuvre (Lohengrin, les
Maîtres chanteurs ou Parsifal de Wagner) :
le prélude de Tristan en est l’exemple le
plus célèbre, mais le premier en date est
sans doute le prélude de la Création de
Haydn. De cette évolution, le terme logique devait paradoxalement être la suppression de toute ouverture, la projection
immédiate du spectateur-auditeur dans
le feu non seulement de l’action, mais du
dialogue (Salomé et Elektra de Richard
Strauss, Wozzeck d’Alban Berg).
Les modèles anciens n’en subsistent pas
moins aujourd’hui, soit comme références
au passé (Ariane à Naxos de Richard
Strauss), soit dans un contexte plus ou
moins dénué de prétentions (opérettes),
soit par suite de l’éclatement de la musique. La notion d’ouverture est à la fois
une des plus précises et des plus diverses
qui soient. L’ouverture de concert, en
toute logique, ne devrait s’inscrire qu’en
tête de programme (c’est le plus souvent le
cas) ; or c’est parfois à l’extrême fin qu’elle
se révèle le plus efficace, le mieux mise en
valeur, le mieux à sa place.
OZAWA (Seiji), chef d’orchestre japonais (Hoten, Mandchourie, 1935).
Il commence l’étude du piano à sept ans,
qu’il parfait à l’école de musique Toho
de Tokyo (1951). S’étant cassé les deux
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752
index en jouant au rugby, il abandonne le
piano pour la composition et la direction
d’orchestre, qu’il étudie avec Hideo Saito.
Encouragé par ses premiers concerts avec
l’Orchestre de la radio NHK et la Philharmonie du Japon, il se présente au Concours
international de jeunes chefs d’orchestre
de Besançon qu’il remporte (1959).
Charles Münch lui facilite l’accès au Berkshire Music Center de Tanglewood, où
il remporte la bourse commémorative
Serge-Koussevitski, ce qui lui vaut de diriger l’Orchestre symphonique de Boston
(1960). Nanti d’une bourse, il va travailler
avec Karajan à Berlin, puis accompagne
la Philharmonie de New York dans une
tournée au Japon, dont il revient assistant
de Bernstein (1961-62).
Invité à diriger régulièrement l’Orchestre de la radio NHK, il devient
directeur musical du festival de Ravinia
organisé par l’Orchestre symphonique de
Chicago (1964-1968) et prend possession
de son premier orchestre, le symphonique
de Toronto (1968-1970). La même année,
il fait ses débuts à Londres et à Paris (avec
l’orchestre Lamoureux). Il succède à Josef
Krips à la tête de l’Orchestre symphonique
de San Francisco (1970-1975) et partage
avec Gunther Schuller la responsabilité
du festival de Tanglewood, y dirigeant
lui-même l’Orchestre de Boston, qui l’engage comme directeur musical en 1973. Il
est l’invité des festivals d’Édimbourg, de
Prague, de Vienne et de Salzbourg (où il
fait ses débuts lyriques en 1969 avec Cosi
fan tutte) et du New Philharmonia Orchestra à Londres. Ozawa défend un vaste
répertoire, allant des maîtres classiques à
Xenakis et Messiaen, dont, en 1983, il a
créé à Paris l’opéra Saint François d’Assise.
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P
P.
Abréviation usuelle de l’indication de
nuance « piano ».
PABLO (Luis de), compositeur espagnol
(Bilbao 1930).
Installé à Madrid en 1939, il y mena de
front des études musicales et de droit,
mais, pour la composition, il se forma
essentiellement en autodidacte, grâce notamment aux livres de René Leibowitz et
d’Olivier Messiaen (Technique de mon langage musical) et au Doktor Faustus de Thomas Mann. Il fit jouer ses premières pièces
en 1955, et, en 1957, participa à la fondation du Grupo Nueva Música. En 1958,
il fut à l’origine de la série de concerts
Tiempo y música, destinés à promouvoir
la musique contemporaine, et la même
année participa aux cours de Darmstadt. Président des Jeunesses musicales
d’Espagne de 1960 à 1962, il séjourna au
Mexique en 1963, devint directeur artistique de la Biennale de musique contemporaine de Madrid en 1964, et en 1965,
remplaça les concerts Tiempo y música
par ceux du groupe Alea, qu’il devait dissoudre en 1973, à peu près au moment de
la disparition de ceux du Domaine musical à Paris. En 1965 également, il fonda à
Madrid un petit studio électronique. Il a
séjourné à Berlin en 1967, en Argentine
en 1969, et a donné des cours d’analyse
aux universités d’Ottawa et de Montréal
en 1974.
Il a fait partie sur le plan européen de
l’avant-garde sérielle et postsérielle. Préoccupé par les problèmes de la forme, il
n’a jamais renoncé à l’écriture : sa musique
n’est jamais aléatoire, mais « mobile » parfois : elle laisse alors aux interprètes, par
exemple dans la série des Modulos, une
certaine liberté de parcours. On lui doit
notamment Elegía pour orchestre à cordes
(1956), Tombeau pour orchestre (1963),
Modulos I pour 11 instruments (1964),
IV pour quatuor à cordes (1965), II pour
2 orchestres avec 2 chefs (1966), III pour
17 instruments (1967) et V pour orgue
(1967), Iniciativas pour orchestre (1966),
Imaginarios I pour clavecin et 3 batteurs
(1967) et II pour grand orchestre (196768), Por diversos motivos, action pour
soprano, petit choeur, 3 pianos et acteurs
(1969-70), Je mange, tu manges pour orchestre et bande avec synthétiseur (1972),
Éléphants ivres I-IV, 4 sections pour diverses formations instrumentales jusqu’au
grand orchestre (1972-73), Affettuoso
pour piano (1973), Masque, ouvrage audiovisuel avec flûte, clarinette, percussion
et piano (1973), Very Gentle pour soprano,
contre-ténor, clavecin, célesta, orgue, violoncelle et tanpura (1973-74), Berceuse,
ouvrage audiovisuel pour 3 flûtes, 2 percussionnistes, soprano et un chef-acteur
(1973-74), Vielleicht pour 6 percussionnistes (1973), A modo de concierto pour
percussion et instruments (1976), Bajo el
sol pour 49 voix mixtes (1977), Tiniebla del
agua (« Ténèbre de l’eau ») pour orchestre
(1977-78), Trio pour violon, alto et violoncelle (1978), Concerto pour piano et
orchestre (1978-79), Concerto da camera
pour piano et 18 instruments (1979),
Retratos de la Conquista pour 4 groupes
choraux (1980), l’opéra Kiu (Madrid,
1983), un Concerto pour clavecin, cordes,
célesta et vibraphone (créé à Radio France
en 1986), Senderos del aire pour orchestre
(Tokyo 1988), l’opéra El viajero indiscreto
(1990), Suenos pour piano et orchestre
(1992).
PACHELBEL, famille d’organistes et
compositeurs d’Allemagne centrale, des
XVIIe et XVIIIe siècles.
Le plus illustre représentant de la famille
est Johann (Nuremberg 1653 - id. 1706).
Il fit ses études musicales dans sa ville
natale auprès du compositeur Heinrich
Schwemmer et sans doute aussi de l’organiste Georg Caspar Wecker, ainsi qu’à
l’université d’Altdorf. Il étudia ensuite à
Ratisbonne, au Gymnasium Poeticum.
Il exerça toute sa vie comme organiste,
d’abord à Altdorf (1669-70), puis à Vienne
(cathédrale Saint-Étienne, 1673-1677), à
la cour d’Eisenach (1677-78), à Erfurt
(1678-1690), à Stuttgart (1690-1692), à
Gotha (1692-1695), avant de revenir à
Nuremberg en 1695, comme organiste de
l’église Saint-Sebald. À côté de quelques
pages de musique de chambre, ses oeuvres
sont principalement destinées au culte,
avec 26 motets, 7 cantates, 13 magnificat,
et surtout des pièces pour orgue consistant en chorals, variations, préludes et fugues, chaconnes, sonates en trio. En partie
publiées, on les trouve dans ses principaux
recueils, Acht Choräle zum Prämbulieren
(« 8 Chorals pour préluder », Nuremberg,
1693) et l’Hexachordum Apollinis (Nuremberg, 1699). Une de ses oeuvres instrumentales, le Canon a 3 con suo Basso und
Gigue, connaît de nos jours une fortune
posthume considérable, sous de multiples
arrangements.
Mais c’est principalement comme précurseur de J.-S. Bach qu’il est connu des
musiciens. Lui-même lié d’amité avec Johann Ambrosius Bach, le père de Jean-Sébastien, lorsqu’il séjournait à Eisenach, il
contribua à tempérer ce que l’art de Bach,
marqué dans sa jeunesse par les maîtres
du Nord, pouvait avoir de trop fougueux
et d’insuffisamment structuré. C’est que,
en effet, mettant à profit les déplacements
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que lui imposait la nécessité, il sut faire
la synthèse des éléments stylistiques du
centre avec ceux du sud de l’Allemagne,
apportant dans une polyphonie assez
claire des harmonies simples, « tombant »
bien et soutenant efficacement le chant
liturgique. C’est par ses chorals qu’il marqua Jean-Sébastien Bach, lui montrant
comment orner le prélude de choral en
restant fidèle à sa ligne mélodique.
Son fils aîné, Wilhelm Hieronymus
(Erfurt 1686 - Nuremberg 1764) fut lui
aussi organiste. Élève de son père, il fut
titulaire des orgues de Wöhrd, puis de
Saint-Jacob de Nuremberg (1706) et de
Saint-Sebald de Nuremberg, où il succéda
à son père. Il a aussi écrit quelques pages
pour l’orgue et le clavecin.
Karl Theodor, fils cadet de Johann
(Stuttgart 1690 - Charleston, États-Unis,
1750), également organiste, se rendit en
Amérique vers 1730. Organiste de l’église
Saint-Philippe de Charleston, il contribua
à implanter la musique allemande aux
États-Unis.
PACHMANN (Vladimir de), pianiste
russe d’origine autrichienne (Odessa
1848 - Rome 1933).
Il reçoit ses premières leçons de piano
de son père, professeur à l’université
d’Odessa et violoniste amateur, et complète sa formation auprès de J. Dachs au
conservatoire de Vienne (1866-1868), où
il remporte une médaille d’or. Sa carrière
fulgurante le mène de sa ville natale - il y
fait ses débuts en 1869 - dans toute l’Europe et en Amérique, où il fait sensation
autant par les apartés dont il accompagne
de plus en plus fréquemment avec l’âge
son jeu (embrassant par exemple sa main
droite après un trait réussi en s’exclamant « Bravo, Pachmann ! ») que par la
virtuosité et le toucher infiniment nuancé
qu’il prodigue dans ses interprétations de
Chopin. En début de carrière, il provoqua
l’admiration de Liszt en personne.
PACINI (Giovanni), compositeur et théoricien italien (Catana 1796 - Pescia 1867).
Il étudia le chant, puis la composition avec
le père Mattei, connut son premier succès
à dix-sept ans (Annetta e Lucindo, Milan,
1813) et composa dès lors plusieurs opéras
chaque année, y démontrant une rare faci-
lité ; ayant parfois collaboré avec Rossini
(notamment pour Cenerentola e Matilde),
il ne s’affirma véritablement qu’après le
retrait de celui-ci et le départ de l’Italie de
Bellini et Donizetti, ses cadets, avec notamment Furio Camillo (1839) et surtout
Saffo (1840) qui n’a jamais quitté l’affiche.
PACIUS (Friedrich, dit Fredrik), compositeur finlandais d’origine allemande
(Hambourg 1809 - Helsinki 1891).
Arrivé à Helsinki en 1835, il enseigna à
l’université de cette ville, y fonda une
société chorale et des concerts symphoniques réguliers, et composa sur un livret
en suédois le premier opéra finlandais,
la Chasse du roi Charles (Helsinki 1852).
Considéré comme le fondateur de la musique finlandaise, il est l’auteur de l’hymne
national du pays (1843), sur des paroles
du poète suédois Runeberg plus tard traduites en finnois.
PADEREWSKI (Ignacy Jan), pianiste et
compositeur polonais (Kuryðowka, Podolie, 1860 - New York 1941).
Il manifeste des dons précoces qui le font
admettre en 1872 au conservatoire de Varsovie. Il y étudie le piano avec Juliusz Janotha, Rudolf Strobl, Jan Sliwinski et Pavel
Schlözer, la théorie musicale avec Karol
Studzinski, l’harmonie et le contrepoint
avec Gustaw Roguski. À peine diplômé,
il enseigne lui-même à Vienne de 1878 à
1883, et à Strasbourg en 1885. Il poursuit
ses études à Berlin, puis à Vienne avec
Friedrich Kiel (1881), Heinrich Urban
(1883) et surtout Leschetizky (1884), qui
se montrent déjà effrayés par son style peu
orthodoxe. Son premier récital important,
donné à Paris salle Érard, le 3 mars 1883,
marque le début d’une renommée, qui va
se répandre dans toute l’Europe et bientôt
en Amérique. Il crée aux États-Unis une
fondation Paderewski (1896) pour venir
en aide aux jeunes compositeurs, et, à
Varsovie, deux concours de composition
musicale et de théâtre (1898).
De 1889 à 1909, il compose durant les
mois d’été la majeure partie de son oeuvre,
fortement inspirée par le folklore polonais, Danses polonaises, Tatra Album, Fantaisie polonaise pour piano et orchestre,
l’opéra Manru, pages d’obédience postromantique. Le virtuose défend un répertoire limité aux grands romantiques
comme Chopin, dont il réalise une nou-
velle édition, Liszt et Beethoven, préférant
le récital au concert avec orchestre, pour
lequel il ne joue que neuf concertos différents.
La prestance et l’allure aristocratique de
Paderewski entraient pour beaucoup dans
la fascination qu’il exerça sur les foules,
au même titre que sa technique transcendante et que sa manière très personnelle
de résoudre les problèmes de rubato et
de pédale, avec comme but premier la
fidélité à l’expression, sinon au texte luimême. Homme d’engagement, il le fut
également envers son pays, la Pologne,
qu’il servit jusque dans son effondrement
de la Seconde Guerre mondiale, jouant
pour appeler à sa libération. Ambassadeur
à Washington (1918), puis Premier ministre et ministre des Affaires étrangères
(1919-20), il représenta son pays ressuscité à la signature du traité de Versailles.
Il fut aussi, au début de la Seconde Guerre
mondiale, président du gouvernement
polonais en exil.
PAER (Ferdinando), compositeur italien
(Parme 1771 - Paris 1839).
Formé à Parme où il donna à vingt ans
un Orphée et Eurydice, il devint maître
de chapelle à Venise, puis en 1797 chef
d’orchestre du théâtre de la Porte de Carinthie à Vienne ; il occupa diverses responsabilités à Prague et à Dresde avant
d’être appelé à Paris par Napoléon en
1807, succédant en 1811 à Spontini à la
direction du Théâtre-Italien, poste qu’il
dut, en 1826, céder à Rossini dont il avait,
dit-on, mal défendu la cause. Décoré de la
Légion d’honneur, il fut ensuite nommé
directeur de la musique de la Chambre de
Louis-Philippe. Alors que les premières
oeuvres de Paer se rapprochent de celles
de Cimarosa, sa découverte des opéras de
Mozart, à Vienne, modifia profondément
son style (Camilla, ossia Il Sotterraneo,
1799). Sa Leonora (1804) précéda de peu
le Fidelio de Beethoven.
Parmi les prédécesseurs de Rossini, Paer
se distingue par son cosmopolitisme, son
adroite fidélité au bel canto, assortie d’un
goût mélodique rare et enrichie d’une harmonie originale et d’une instrumentation
assez soignée, fait rare à l’époque parmi
ses compatriotes, et dont il est certain
qu’il trouva l’inspiration à Paris autant
qu’à Vienne : c’est à Paris qu’il donna sa
remarquable Agnese en 1809. Plus heureux
dans le genre léger que dans le genre sérieux, Paer a néanmoins laissé une oeuvre
importante pour l’église, de la musique
de chambre et des concertos pour piano,
orgue, etc. Parmi ses cinquante opéras, on
peut noter encore Achille (Vienne, 1801,
joué dans toute l’Europe), et son aimable
Maître de chapelle (Paris, 1821) dont un
acte est demeuré au répertoire.
PAGANINI (Niccolo), violoniste, altiste,
guitariste et compositeur italien (Gênes
1782 - Nice 1840).
Il prit ses premières leçons de musique
avec son père, mandoliniste amateur,
puis étudia avec Servetto, violoniste dans
l’orchestre du théâtre de Gênes et avec
Costa, maître de chapelle de la cathédrale
San Lorenzo. À neuf ans, il fit ses débuts à
Gênes en jouant ses variations sur la Carmagnole. Il travailla quelques mois avec
Rolla, puis avec Ghiretti, maître de Paer.
En 1797, accompagné de son père, il fit
une tournée de concerts en Lombardie.
De 1801 à 1804, il se consacra à la guitare
puis étudia les compositions de Locatelli.
Sur quoi il devint à Lucques directeur
de la musique de la princesse Bacciochi,
soeur de Napoléon (1805-1813). Il rencontra Rossini à Bologne en 1813. De 1828
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à 1834, il parcourut l’Europe, suscitant
partout l’enthousiasme ; il se rendit successivement à Vienne, où l’empereur le
nomma « virtuose de la cour », en Allemagne, Autriche, Bohême, Saxe, Pologne,
Bavière, Prusse, et dans les provinces
rhénanes. En 1831, il arriva à Paris, où il
donna son premier concert à l’Opéra le
9 mars, et où il resta jusqu’en mai. Ayant
fait ses débuts à Londres le 3 juin 1831, il
resta en Angleterre jusqu’en juin 1832. En
janvier 1834 il rencontra Berlioz à qui il
demanda d’écrire un solo pour alto ; ainsi
naquit Harold en Italie que Paganini cependant ne devait jamais jouer. Le 27 mai
1840, il mourut à Nice où il s’était rendu
dans l’espoir de rétablir sa santé.
Bien que n’appartenant pas à leur génération, Paganini a fasciné les artistes
romantiques, violonistes, pianistes, com-
positeurs, peintres ou écrivains : Chopin,
Schumann, Liszt, Th. Gautier, Goethe,
Heine. Sa silhouette méphistophélique,
le halo de mystère qui entoure sa vie, la
légende d’un pacte noué avec le diable et
sa virtuosité spectaculaire rejoignent un
des aspects de l’art romantique, qui veut
surprendre. Les mots « prodigieux »,
« fantastique », « surnaturel » reviennent
toujours à son propos sous la plume de ses
contemporains. Fétis écrivit par exemple
dans la Revue musicale du 12 mars 1831 :
« Le violon entre les mains de Paganini
n’est plus l’instrument de Tartini ou de
Viotti ; c’est quelque chose à part qui a un
autre but. » Personnage hoffmannesque,
Paganini souleva par son jeu un enthousiasme proche de l’envoûtement. Après
l’avoir entendu à Paris en 1832, Liszt se
retira pour parfaire une technique pianistique pourtant déjà considérable. Plus
d’un siècle après sa mort, il reste le symbole du violoniste virtuose, se jouant des
difficultés les plus ardues qu’il crée à son
propre usage.
En fait, il n’a pas inventé la technique
du violon mais, personnalité dotée d’un
extraordinaire pouvoir de synthèse, il réunit en un tout artistique, convenant à la
manière de penser et de sentir de la première moitié du XIXe siècle, ce qui avant
lui existait déjà dans cette technique. Il
donna à celle-ci un nouvel élan, et lui apporta l’épanouissement grâce à son talent
créateur formé en dehors de l’académisme
des écoles. Il explora les virtualités acrobatiques du violon, exaltant l’instrument,
mettant en valeur ses possibilités expressives et ses positions les plus élevées, et
usant du démanché avec hardiesse, passant sans transition du registre grave au
registre aigu et vice versa ; il fut le premier
à utiliser au maximum les ressources de
la 4e corde, à laquelle il destina de nombreuses compositions (sonates MariaLuisa, Napoléon, Militaire, Majestueuse
Sonate sentimentale, 3 thèmes variés) ; il
pratiqua la scordatura, écrivit de longs
passages en chromatisme. Grâce à une
extensibilité exceptionnelle de la main,
il se joua des extensions les plus périlleuses et donna les premiers exemples de
trilles à l’octave et à l’unisson. Il utilisa
avec audace le staccato jeté, les doubles,
triples, quadruples cordes et les accords,
dans des combinaisons réclamant souvent
des doigtés délicats, des croisements de
doigts ou extensions rendus plus difficiles
encore par la rapidité du tempo. Il étendit
l’emploi des sons harmoniques, inventa de
nouvelles combinaisons, utilisa aux deux
mains le pizzicato en traits rapides, en le
mêlant aux sons coll’arco, comme accompagnement du chant joué avec l’archet.
Les difficultés techniques de ses oeuvres,
« point solsticial de la virtuosité » (selon
Schumann), et notamment celles des 24
Caprices, ont inspiré de nombreux compositeurs parmi lesquels Schumann, Liszt,
Brahms, Rachmaninov, Casella, Castelnuovo-Tedesco, Lutoslawski et Dallapiccola. Paganini a composé uniquement de
la musique instrumentale, destinée à ses
instruments de prédilection : la guitare,
l’alto et surtout le violon, auquel il destina
notamment six concertos.
PAILLARD (Jean-François), chef d’orchestre et musicologue français (Vitryle-François 1928).
Licencié en mathématiques, il étudia au
Conservatoire de Paris l’histoire de la
musique avec Norbert Dufourcq et la
direction d’orchestre avec Igor Markevitch au Mozarteum de Salzbourg. En
1953, il fonda l’ensemble instrumental
Jean-Marie-Leclair, qui devint en 1959
l’orchestre de chambre J.-F.-Paillard (12
cordes et 1 clavecin), et avec lequel il fit
de nombreuses tournées (Europe, Amérique, Japon, Corée, etc.). Il joua avec son
orchestre, au concert et au disque, un rôle
déterminant pour la résurrection de la
musique baroque, exhumant des grandes
bibliothèques musicales d’Europe de
nombreux « chefs-d’oeuvre oubliés ». La
musique baroque constitue le fond de son
répertoire, mais il interprète également
des oeuvres des XIXe et XXe siècles.
PAINE (John), compositeur américain
(Portland, Maine, 1839 - Cambridge,
Massachusetts, 1906).
Il fit ses études à Berlin, et, de retour aux
États-Unis (1861), devint directeur musical de l’université de Harvard et titulaire
de la première chaire de musique en Amérique. Il y forma de nombreux disciples
et la plupart des maîtres de la génération
suivante (F. Converse, D.G. Mason et
J.A. Carpenter). Son rôle a été également
décisif dans la constitution de l’école de
Boston, qui devait revaloriser la condition de musicien aux États-Unis et permettre, en grande partie, l’essor du début
du XXe siècle. Malgré sa couleur germanique, son oeuvre n’est pas sans originalité, et apparaît comme l’expression la plus
achevée de la période avant-première de la
musique américaine.
PAISIELLO (Giovanni), compositeur
italien (Roccaforrata, près de Tarente,
1740 - Naples 1816).
Il fut l’élève de Durante, et se fit connaître
comme auteur d’opéras-comiques ou
sérieux, inspirés tant par Goldoni que
par Métastase, avant de triompher véritablement à Naples, sa ville d’adoption,
avec L’Idolo cinese (1767) et Don Quichotte
(1769), oeuvres révélatrices d’un frémissement encore inconnu chez Piccinni
ou chez Anfossi. Après un très original
Socrate imaginaire (1775), il fut appelé à
succéder à Traetta comme maître de chapelle de Catherine II à Saint-Pétersbourg,
où il donna notamment I Nitetti, d’après
Métastase (1777) et le Barbier de Séville
(1782). À son retour, il donna à Vienne
Il Re Teodoro in Venezia (1784), drame
héroïcomique, sur un poème de l’abbé
Casti, oeuvre dont les ensembles concertants firent une forte impression et qui
demeura à l’affiche plus de cinquante ans,
puis il rejoignit Naples, où il composa ses
deux chefs-d’oeuvre, La Molinara (1789)
et Nina ossia La Pazza per amore (1789),
écrits pour la célèbre Coltellini.
Il adopta par la suite des attitudes politiques souvent maladroites, prenant tour
à tour parti pour les Bourbons ou pour
Napoléon, qui l’appela à Paris, et pour
lequel il écrivit un Te Deum et une Messe
du sacre. Il fut ensuite honoré par le roi
Joseph Bonaparte, à Naples, mais retomba
en disgrâce lors du retour des Bourbons.
En 1816, le succès du Barbier de Séville de
Rossini et un grave affront que lui infligea
Ferdinand IV hâtèrent sa fin.
Avec Cimarosa, Paisiello se situe à un
carrefour important dans l’évolution de
l’opéra entre Piccinni et Rossini. Sa veine
mélodique, son harmonie raffinée, le firent
hautement apprécier par ses contemporains puis par Beethoven, et la sentimentalité dont il sut doter les héros de ses
oeuvres comiques, leur sincérité d’accents
marquèrent toute une époque.
Comme Cimarosa, il se distingua également dans la musique sacrée (Requiem,
une Passion de Jésus-Christ en 1783), dans
la musique de chambre - on lui doit de
remarquables quatuors - et surtout dans
ses huit concertos pour clavecin et orchestre. Certaines scènes, comme celle de
la folie de Nina, respirent une atmosphère
préromantique. Paisiello témoigne aussi
d’une belle originalité dans ses scènes
d’ensemble, par l’importance qu’il attribua à l’orchestre, par son goût pour les
onomatopées vocales (Socrate imaginaire),
ce qui annonce Rossini, et par le réalisme
d’un langage dont on lui attribua à tort la
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paternité, mais dont il donna de magnifiques exemples.
PALESTER (Roman), compositeur polonais (Sniatyn 1907 - Paris 1989).
Il a fait des études de piano au conservatoire de Lvov, et des études de composition au conservatoire de Varsovie avec
K. Sikorski. À partir de 1931, il a fait des
séjours en France, où il a été en contact
avec le groupe des Six. Après la guerre,
il a enseigné au conservatoire de Cracovie, puis partagé sa vie entre la France
et l’Allemagne. Son importante production témoigne d’une grande variété de
références, et cherche à faire la part entre
l’évolution du langage musical et l’attachement aux racines nationales. Il a été influencé successivement par Szymanowski,
par Stravinski et par la musique sérielle.
Parmi ses oeuvres de la première période
se distinguent la Danse d’Osmoloda (1933)
et le ballet Piesno ziemy (« le Chant de
la terre », 1937), et parmi les oeuvres de
sa maturité, les cinq symphonies (1935,
1942, 1948, 1951 et 1970-1972), le Requiem
(1945), certaines oeuvres de musique de
chambre dont le 2e trio à cordes (1958),
l’opéra la Mort de Don Juan (1959-60) et
un Concerto pour alto (1977-78).
PALESTRINA (Giovanni PIERLUIGI, dit
DA PALESTRINA), compositeur italien
(Palestrina, ex-Préneste, v. 1525 - Rome
1594).
Il est connu par le nom de sa ville natale,
près de Rome. Quand meurt sa mère, en
1536, on le fait admettre comme enfant
de choeur dans la maîtrise de Sainte-Marie-Majeure, à Rome. Sous la direction de
plusieurs maîtres de chapelle, dont Firmin Lebel, il étudie les maîtres des écoles
franco-flamande et italienne, Josquin Des
Prés, Pierre de la Rue, Jean Mouton, etc.
En 1544, il est reçu comme organiste et
maître de chant de sa ville natale. Il épouse
en 1547 Lucrezia Gori, dont il aura trois
fils. Il a la chance de voir son cardinalévêque, à Palestrina, être élu pape en
1551, sous le nom de Jules III, et celui-ci
le fait venir à Rome comme « maître des
enfants » de la basilique Saint-Pierre, puis
comme chanteur de sa chapelle particulière. En 1555, le pape Paul IV (succédant
à Marcel II, le pape de la fameuse Missa
papae Marcelli, qui mourut vingt-deux
jours après son élection), décide de rayer
de sa chapelle tous les hommes qui sont
mariés, ou qui ont écrit des oeuvres profanes. Concerné à double titre par cette
mesure, Palestrina doit se retirer, mais
parvient à se faire nommer maître de
chapelle à Saint-Jean-de-Latran, une des
églises les plus importantes de Rome. Il y
reste jusqu’en 1560, avant de devenir, en
1561, maître de chapelle à Sainte-MarieMajeure, où il avait été enfant de choeur.
Parallèlement, il s’occupe de régler les
divertissements musicaux du cardinal
Hippolite d’Este à Tivoli (entre 1567 et
1571). Il dirige également l’enseignement
musical au Séminaire romain fondé par
Pie IV en 1563, après la clôture du concile
de Trente, qui cherche à redéfinir le culte
et le dogme, dans le mouvement de la
Contre-Réforme. Palestrina aurait été
chargé de la tâche d’épurer et de régénérer
la musique liturgique (critiquée pour ses
tendances à la complexité polyphonique
et à la complaisance décorative), en rétablissant l’authenticité du chant grégorien
d’origine. Il ne semble pas que cette tâche
ait été menée à bien. En tout cas, il contribua à rendre à nouveau intelligibles les
paroles latines dans la musique religieuse.
En 1571, il est réintégré comme maître
de musique à Saint-Pierre de Rome, où il
exercera sa fonction jusqu’à sa mort. Mais
une épidémie de peste, à Rome, emporte
sa femme, ses frères, et deux de ses trois
fils entre 1572 et 1580. Après avoir envisagé de rentrer dans les ordres et en avoir
obtenu l’autorisation, il se remarie finalement en 1581 avec Virginia Dormuli, la
riche veuve d’un fourreur, dont il va gérer
les affaires fructueuses. Dans les dernières
années de sa vie, il obtient une grande
réputation à l’échelle de l’Europe. Il est
l’ami de Philippe Neri, le fondateur de la
congrégation de l’Oratoire, qui sera plus
tard canonisé. En 1590, il fonde une association corporatiste de musiciens, la Vertuosa Compagnia dei musici, dont sortira la
congrégation de Sainte-Cécile, noyau primitif de l’académie Sainte-Cécile (actuel
conservatoire de Rome). Quand il meurt
en 1594, il est enterré solennellement dans
la Cappella Nuova de la basilique SaintPierre - chapelle démolie plus tard, si bien
que ses restes n’ont pas été retrouvés.
Après sa mort, Palestrina s’imposa
dans la mémoire de la musique occidentale comme une sorte de « Père de la musique », garant de la tradition, synthétisant
dans son oeuvre, essentiellement vocale et
religieuse, tout l’art contrapuntique du
XVIe siècle, pour l’offrir en modèle et en
repère aux générations futures. Son esthétique impavide et apollinienne (que l’on
oppose souvent au dramatisme d’un Victoria) privilégie l’équilibre, la logique, la
beauté des lignes. Il applique les consignes
pontificales d’intelligibilité du texte, et de
soumission de la musique au message liturgique. Une légende a longtemps couru
sur sa Messe du pape Marcel, qui aurait
« sauvé » la musique liturgique et l’art
polyphonique de la proscription ecclésiastique qui les menaçait, en prouvant aux
cardinaux et au Concile qu’elle pouvait
être à la fois simple, respectueuse du texte,
intelligemment figurative, et savamment
composée.
Cette image d’un Palestrina « sauveur
de la musique », et maître d’un style
« antique » devenant la référence de toute
musique liturgique « à l’ancienne », a parcouru les siècles jusqu’à l’époque romantique, alimentée par la biographie de Giuseppe Baini. En 1917, Hans Pfitzner créait
son opéra Palestrina, écrit autour de ce
thème (la musique sauvée devant l’Église
par un homme de bien). Aujourd’hui, une
connaissance plus large de la musique de
son époque nous permet de resituer Palestrina dans son contexte, où il ne fut pas
le seul, mais s’imposa comme un grand
compositeur classique et solide - homme
de synthèse plutôt que d’aventure.
Malgré une centaine de madrigaux
profanes (1555-1594), dont certains ont
été écrits pour les Anglais, la musique
religieuse domine de loin dans l’abondante production de Palestrina. On citera
d’abord quelque cent messes, de 4 à 8 voix,
publiées entre 1554 et 1601 (Messe du
pape Marcel, Aeterna Christi, Lauda Sion,
Assumpta est Maria, Iste Confessor, Ecce
Sacerdos Magnus, Sine Nomine, etc.). Un
grand nombre de ces messes (quarantetrois) adoptent comme « cantus firmus »,
c’est-à-dire comme thème cyclique traité
en imitations variées, un bref thème tiré
du plain-chant. Une trentaine d’autres
tirent leur cantus firmus d’un fragment
de motet, et quatre seulement d’une chanson populaire, selon l’usage que justement
le concile de Trente réprouvait et voulait
extirper. C’est le cas de la Messe du pape
Marcel, imprimée en 1567 et bâtie sur
le fameux thème de l’Homme armé (que
Palestrina reprit plus tard, dans une autre
messe, publiée en 1570 au sein d’un recueil
dédié à Philippe II d’Espagne, explicitement titrée cette fois Messe de l’Homme
armé). La chanson Je suis déshéritée devait
également lui inspirer une messe. Ces
messes adoptent un moule très stable (un
Gloria souvent homorythmique, un Credo
de style sévère et syllabique, un Benedictus plus transparent allégé des voix graves,
etc.).
Ses motets (plusieurs centaines, de
4 à 12 voix) traitent le texte membre de
phrase par membre de phrase, chacun
étant l’occasion d’une phrase musicale,
que les voix énoncent en entrées successives, pour la traiter en imitations (Sicut
cervus desiderat, Super flumina Babylonis,
un Stabat Mater à huit voix réparties en
deux choeurs se répondant, un cycle du
Cantique des Cantiques, etc.). On lui doit
aussi 66 Offertoires à cinq voix, publiés en
1593, 8 litanies (trois à huit voix), 15 Lamentations de Jérémie à quatre voix (1588),
14 Psaumes et Cantiques (quatre à huit
voix), 52 Hymnes à quatre voix (1589),
56 Madrigaux spirituels (1581-1594) et 9
Ricercari pour orgue.
Le « Palestrina-stil », comme disent les
Allemands, dégagé à travers cette oeuvre
très homogène, et considéré comme le
style de référence de la musique religieuse
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
757
a cappella, fut consigné et codifié par
Berardi (Arcani Musicali, 1690) et Johann
Joseph Fux, dans son Gradus ad Parnassum (1725). Durant le XIXe siècle, on vit
même un courant musical néo-palestrinien en Allemagne, sous l’impulsion d’un
certain juriste de Heidelberg, nommé Thibaut, auteur d’un ouvrage Über Reinheit
des Tonkunst (« sur la pureté de l’art des
sons »), publié en 1825. Ainsi élue par la
postérité comme parangon de l’art religieux polyphonique, l’oeuvre de Palestrina
reste une source de plénitude harmonieuse et de transparence dans l’abstraction des lignes.
PALLAVICINO (Benedetto), compositeur italien (Crémone 1551 - Mantoue
1601).
Chanteur à la cour de Mantoue à partir
de 1582, auteur essentiellement de madrigaux, il fut en 1596 préféré à Monteverdi
pour succéder à Jacques de Werth au
poste de maître de chapelle. À sa mort, il
eut comme successeur Monteverdi.
PALLAVICINO (Carlo), compositeur
italien (Salo, près de Brescia ? - Dresde
1688).
Il partagea sa carrière entre Padoue (166566 et 1673), Venise (1674-1685), où furent
représentés plusieurs de ses opéras, et la
cour de Dresde. Il arriva dans cette dernière ville en 1667 comme vice-maître de
chapelle, y fut nommé maître de chapelle
en 1672 à la mort de Schütz et y retourna
en 1686 pour y prendre en charge l’opéra
italien. Son fils Stefano Benedetto, poète
et librettiste (Padoue 1672 - Dresde 1742),
le suivit en 1686 à Dresde, où deux ans
plus tard il fut nommé poète de cour et
où, à l’exception des années 1695-1716,
passées à Düsseldorf comme poète de cour
et secrétaire privé de l’Électeur palatin, il
mena toute sa carrière.
PALM (Siegfried), violoncelliste allemand (Wuppertal 1927).
Son père, violoncelle solo de l’orchestre
de Wuppertal, est son premier professeur
(1933-1945). À dix-huit ans, Siegfried
devient violoncelle solo de l’orchestre de
Lübeck (1945-1947), poste qu’il occupe
également dans l’orchestre symphonique
de la radio de Hambourg (1947-1960),
puis dans celui de la radio de Cologne
(1962-1967). Il a entre-temps suivi l’ensei-
gnement de Enrico Mainardi à Salzbourg
(1950-1953) et a fait partie du quatuor Hamann, spécialiste de la musique de notre
temps (1951-1962), avant de se consacrer lui-même à l’enseignement, d’abord
comme titulaire d’une classe supérieure
de violoncelle à la Staatliche Hochschule
für Musik de Cologne (1962), puis comme
directeur de ce même établissement
(1972). Il a également enseigné à Darmstadt, au Dartmouth College (États-Unis)
et au Conservatoire royal de Stockholm,
et a été l’invité d’honneur du festival de
Royan en 1976. De 1976 à 1981, il a dirigé
la Deutsche Oper de Berlin-Ouest.
Il a beaucoup contribué à l’élargissement du répertoire et de la technique
du violoncelle. Il est le premier à avoir
interprété, dans les années 60, des oeuvres
jusque-là réputées injouables, telles la sonate de Zillig (1958), celle de Penderecki
(1964), Nomos Alpha de Xenakis (1966),
et il a suscité de nouvelles pages de Zimmermann (Canto de speranza, 1952-1957 ;
Concerto « en forme de pas de trois », 1966),
Kagel (Match, 1964 ; Unguis incarnatus
est, 1972), Blacher (concerto, 1965), Ligeti
(concerto, 1966), Kelemen (Changeant,
1968), Penderecki (Capriccio per Siegfried
Palm, 1968 ; Concerto, 1972), Engelmann
(Mini-Music to Siegfried Palm, 1970).
Il a également créé des oeuvres de Feldman, Delas, Beckers, Benguerel, Fortner,
Brown, Isang Yun.
PALMGREN (Selim), compositeur, pianiste et chef d’orchestre finlandais (Pori
1878 - Helsinki 1951).
Il connut au début de ce siècle une grande
célébrité internationale, qui lui valut le
surnom de « Chopin du Nord ». Élève de
F. Busoni, pianiste virtuose, il a surtout
laissé plus de 100 oeuvres pour son instrument, dont 5 concertos pour piano et
orchestre écrits entre 1904 et 1940. Son
style élégant et plein de charme est directement issu du postromantisme et du style
de salon. À partir de 1923, il a été professeur de composition à l’Eastman School of
Music de Rochester puis, à partir de 1936,
à l’académie Sibelius de Helsinki.
PANDORE.
Instrument ancien à cordes pincées, souvent confondu avec d’autres instruments
de la famille du luth portant des noms
voisins : pandora, pandûra, pandûr, bandurria, bandoura, mandore, etc.
Au XVIIe siècle, la pandore se distinguait du luth par sa caisse plate, ses cordes
et ses frettes métalliques, et surtout son
chevalet oblique. Ce dernier dispositif
permettait d’allonger les cordes graves,
devenues ainsi plus sonores, mais nuisait
à la justesse de l’ensemble.
PANERAI (Rolando), baryton italien
(Campi Bisenzio, près de Florence, 1924).
Il fit ses études à Florence avec Raoul
Frazzi, et débuta dans le rôle d’Enrico de
Lucia di Lammermoor à Campi Bisenzio
en 1946. L’année suivante, après avoir
remporté le concours de Spoleto, il chanta
dans Mosè de Rossini au théâtre San Carlo
de Naples. Interprète de tous les grands
rôles du répertoire français et italien du
XIXe siècle, mais également de Mozart,
Richard Strauss et Busoni, Panerai s’intéressa aussi à l’opéra contemporain. Il
créa notamment Ruprecht dans l’Ange de
feu de Prokofiev à la Fenice de Venise en
1955, et Schweik du Brave Soldat Schweik
du Turchi à la Scala de Milan en 1962. Ses
dons d’acteur et sa virtuosité vocale (il
chanta tour à tour Don Alfonso et Guglielmo dans Cosi fan tutte) lui ont permis
d’aborder des styles et des musiques très
différents.
PANIGEL (Armand), critique musical
français (Brousse, Turquie, 1920 - SaintRémy-de-Provence 1995).
Ses études de mathématiques à la faculté
de Montpellier le destinaient à l’enseignement. Son goût pour la musique et sa
connaissance du cinéma devaient bientôt l’orienter dans une autre direction.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il devient producteur d’émissions
radiophoniques et de films pour les Forces
françaises libres au Proche-Orient et en
Afrique ; il se familiarise ainsi avec les
techniques de l’audiovisuel. En octobre
1946, il crée à la Radiodiffusion française
une émission de critique comparative des
enregistrements de musique classique
qui deviendra la Tribune des critiques de
disques et qui conservera jusqu’à sa disparition, en 1983, une audience très importante. En 1947, il fonde la revue Disques
qu’il éditera et dirigera jusqu’à sa disparition en 1964. Ses activités ne se bornèrent
pas à la musique. Il dirigea les Éditions de
la cinématographie française (1962-1965)
et réalisa, pour la télévision, des séries
d’émissions sur le cinéma : Thème et variations du cinéma (1964-1970), Au cinéma ce
soir (1969-1975), Histoire du cinéma français (1973-1975), Portraits de cinéastes et
de comédiens (1975-1982). Ses ouvrages :
l’oeuvre de Frédéric Chopin (1949) et les
Écrits d’Eisenstein (1976) témoignent, eux
aussi, de cette double vocation critique,
unifiée sous le signe de l’audiovisuel. Il
créa à Saint-Rémy-de-Provence une fondation portant son nom.
PANNI (Marcello), compositeur et chef
d’orchestre italien (Rome 1940).
Après des études musicales classiques
(piano, composition et direction d’orchestre) à l’académie Sainte-Cécile à
Rome, il étudia la direction d’orchestre
chez M. Rosenthal au Conservatoire
de Paris, et, en 1967, obtint le prix Gabriel-Fauré au Concours de direction
d’orchestre à Besançon. Depuis 1980, il
enseigne la composition comme successeur de Milhaud et de Berio au Mills College (Oakland, Californie). Il est auteur
d’oeuvres exclusivement instrumentales
et vocales-instrumentales. Son style est
marqué par l’influence des postsériels,
des néoclassiques italiens, de Cage et des
postcagiens.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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OEUVRES PRINCIPALES :
Quattro Melodie (1963-64) pour soprano,
hautbois, mandoline et violoncelle sur des
textes de W. C. Williams et W. GOEthe.
Pretexte (in memoriam P. Hindemith)
(1964) pour orchestre. Empedokles Lied
(1965) pour baryton et orchestre sur un
texte de F. Hölderlin. Après tout, Sinfonia
concertante in 5 figure (1967) pour trio à
cordes et 32 instruments. Che cosa apparirà ? (1968) pour orchestre de chambre
indéterminé. Inventario de concerto (1972)
pour orchestre de chambre indéterminé.
A Pair o’Dice (1972) pour orchestre.
Klangfarbenspiel (1973), projet scénique.
Divertimento (1973) pour orchestre de
chambre. Allegro brillante (1975), étude
de concert pour piano et petit orchestre.
La Partenza dell’Argonauta, opéra sur un
livret de Savinio (1976). Transcriptions :
Giasone, opéra en 3 actes de Fr. Cavalli
(1970) ; Three Songs and Four Dances (with
an echo) de The Fairy Queen de H. Purcell, pour mezzo-soprano et orchestre de
chambre (1969).
PANTALÉON. ! HEBENSTREIT.
PANTOMIME.
Spectacle généralement accompagné de
musique, basé sur les moyens d’expression
de l’art du mime : l’attitude, le geste et les
jeux de physionomie.
Contrairement au ballet qui peut être
abstrait et ne faire appel qu’aux figures de
la danse pure, la pantomime est obligatoirement narrative. Ayant sur les autres disciplines théâtrales l’avantage de se passer
de la parole, la pantomime a connu une
grande popularité dès l’Antiquité grécoromaine. Elle s’est ensuite confondue ou
mêlée avec les genres voisins pour renaître
à l’état pur au XVIIe siècle en Angleterre
(où elle n’a pas cessé d’être pratiquée) et
au XVIIIe en France.
À Paris, elle se trouva favorisée par la
réglementation des théâtres, qui réservait
à quelques troupes officielles le monopole
du chant et de la déclamation : les petites
compagnies foraines, pour se mettre à
l’abri des procès, eurent volontiers recours
au jeu muet, c’est-à-dire à la pantomime.
Tandis que Noverre, dans la seconde moitié du siècle, établissait les règles du balletpantomime, futur « ballet d’action », les
baladins de la Foire accommodaient à leur
manière, en les actualisant, les données de
la commedia dell’arte.
À l’époque romantique, la pantomime
continua de faire fureur sur le « Boulevard
du crime », notamment aux Funambules,
avec le célèbre Pierrot créé par Gaspard
Deburau. Puis la mode passa de ce théâtre
muet. De nos jours, les efforts et le talent
de Georges Wague, Étienne Decroux, les
Sakharoff, Jean-Louis Barrault, et surtout
Marcel Marceau n’ont pu le ressusciter
que de façon épisodique.
Sur le plan musical, la pantomime traditionnelle se contentait le plus souvent
de pots-pourris d’airs célèbres. Elle n’a pas
inspiré de chefs-d’oeuvre, à moins qu’on
ne rattache au genre un ballet tel que le
Mandarin merveilleux de Béla Bartók.
PANUFNIK (Andrzej), compositeur
anglais d’origine polonaise (Varsovie
1914 - Twickenham 1991).
Il a étudié la composition avec Sikorski au
conservatoire de Varsovie (1932-1936) et
la direction d’orchestre avec Félix Weingartner à Vienne (1937-38), puis travaillé
à Paris et à Londres. Il rentra en Pologne
à la veille de la guerre. Toutes ses oeuvres
furent détruites durant l’insurrection de
Varsovie en 1944, mais il en reconstitua
trois, dont l’Ouverture tragique, l’année
suivante. Après avoir dirigé la Philharmonie de Cracovie (1945-46) puis celle
de Varsovie (1946-47), il s’installa en Angleterre en 1954, et en devint citoyen en
1961. Il dirigea l’Orchestre symphonique
de Birmingham (1957-1959). Sa musique
ne fut redonnée en Pologne qu’à partir de
1977.
Ses deux principales périodes créatrices
se situent avant 1948 et après 1960. Il a
écrit notamment dix symphonies dont
no 1 Sinfonia rustica (1948), no 2 Symphonie de la paix (1951, rév. Sinfonia elegiaca
1957, rév. 1966), no 3 Sinfonia sacra (1963,
pour le millénaire de la Pologne), no 5 Sinfonia di sfere (1975), no 6 Sinfonia mistica
(1977, basée sur les propriétés du nombre
6), no 8 Sinfonia votiva (1981-82, pour le
centenaire de l’Orchestre symphonique de
Boston), no 9 Sinfonia di Speranza (1987)
et no 10 (Londres, 1990) ; un concerto
pour piano (1962, rév. 1972), un pour
violon (1971) et un pour basson (1985) ;
deux quatuors à cordes (no 1 de 1976, no
2 Messages de 1980) ; Universal Prayer
pour choeur et orchestre, d’après Pope
(1968-69) ; Concerto festivo pour orchestre
(1979) ; Concertino pour percussion et
piano à quatre mains (1980).
PANZERA (Charles), baryton suisse (Genève 1896 - Paris 1976).
Il fit ses débuts à l’Opéra-Comique en
1918 dans le rôle de Pelléas, mais renonça vite au théâtre pour se consacrer
au concert et au récital. Gabriel Fauré
lui dédia son cycle de mélodies l’Horizon
chimérique, et, entre 1920 et 1940, il créa
de nombreuses oeuvres contemporaines,
parmi lesquelles les Euménides de Darius
Milhaud ainsi que le Roi David et la Danse
des morts d’Arthur Honegger. Considéré
comme un des meilleurs chanteurs fran-
çais de son époque, il s’illustra particulièrement comme Méphisto dans la Damnation de Faust, interprétant ce rôle plus de
cent cinquante fois au concert. À défaut
de moyens vocaux spectaculaires, Panzera
possédait le raffinement de l’expression,
une superbe musicalité et une articulation
exemplaire.
PAPAÏOANNOU (Yannis A.), compositeur grec (Cavalla 1911 - Athènes 1989).
Il étudia le piano et la composition au
Conservatoire hellénique d’Athènes
(1922-1934), mais se considère comme
un autodidacte. En 1949-50, il obtint une
bourse de l’Unesco qui lui permit de travailler à Paris avec Arthur Honegger. En
1953, il fut nommé professeur de contrepoint et de composition au Conservatoire
hellénique ; par ailleurs, il créa sa 3e symphonie, qui lui valut un prix au concours
international de composition Reine-Élisabeth-de-Belgique. De 1964 à 1975, il
présida la section grecque de la Société
internationale pour la musique contemporaine (S.M.I.C.). Il fut aussi président
de l’Association hellénique de musique
contemporaine (1965-1975).
Au nombre de ses oeuvres, on compte
celles créées pour orchestre : O Vassilis o
Arvanitis, légende symphonique (1945),
cinq symphonies (1946, 1947, 1953, 1963,
1964), un concerto pour orchestre (1954),
un concerto pour violon et orchestre de
chambre (1971), et un concerto pour violon, piano et orchestre (1972-73) ; celles
pour musique de chambre et musique
instrumentale : 24 préludes pour piano
(1938), une sonate pour violon et piano
(1947), 12 inventions (1958) et une sonate
pour piano (1958), un trio à cordes (1963),
Syneirmoc (« Associations ») pour hautbois, clarinette, cor, violon, alto, violoncelle, contrebasse, piano et percussions
(1972), et un trio avec piano (1977) ;
enfin, celles de musique vocale : Daphnis
et Chloé pour choeur et orchestre (1934),
des mélodies, des oeuvres pour choeur a
cappella, de la musique de scène pour des
tragédies, etc.
Papaïoannou fut probablement le seul
en Grèce à enseigner les nouvelles techniques de composition ; ainsi, il a formé
un grand nombre de compositeurs de la
nouvelle génération. Les tendances postimpressionnistes et néoclassiques de
sa jeunesse cédèrent la place à partir de
1950 à l’atonalité, au dodécaphonisme, à
la technique sérielle et, récemment, aux
techniques postsérielles et avant-gardistes.
Ces tendances apportent à son oeuvre une
certaine austérité, et le contrepoint serré
de ses premières oeuvres se transforme
souvent en jeu dialogué de notes isolées
créant ainsi une polyphonie éparse.
PAPINEAU-COUTURE (Jean), compositeur canadien (Montréal 1916).
Petit-fils de Guillaume Couture, qui,
formé à l’école française, avait été l’un des
pionniers de la musique au Québec, il travailla le piano et étudia plusieurs années
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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(1940-1945) aux États-Unis, en particulier avec Nadia Boulanger, qui l’initia
à Stravinski. De retour à Montréal, il se
consacra à l’enseignement et à la composition, jouant un rôle actif dans la vie
musicale de son pays comme président de
l’Académie de musique de Québec (19611963), président du Conseil canadien de la
musique (1967-68), président de la Ligue
canadienne des compositeurs (1957-1959
et 1963-1966), membre fondateur et premier président de la Société de musique
contemporaine du Québec (1966-1973),
doyen de la faculté de musique de Montréal (1968-1973), ou encore comme viceprésident du Conseil canadien sur les
humanités (1976).
Dans un esprit néoclassique orienté à
partir des années 60 vers les recherches de
timbres, il a écrit notamment une Symphonie en do (1948, rév. 1956), un Concerto
pour violon et orchestre de chambre
(1951-52), Psaume CL (1954), Contraste
pour voix et orchestre (1970), Chanson
de Rahit pour voix, clarinette et piano
(1972), Slano pour violon, alto et violoncelle (1976), Nuit polaire pour contralto et
10 instruments (1986), Clair-obscur pour
contrebasson, contrebasse et orchestre
(1986). C’est une des personnalités les
plus importantes de la musique canadienne actuelle.
PAQUE (Désiré), compositeur belge
(Liège 1867 - Bessancourt, Val-d’Oise,
1939).
Il fit ses études au conservatoire de Liège
et, immédiatement après, fut nommé
professeur dans cet établissement. Il fut
professeur de composition au conservatoire d’Athènes (1900) et professeur
d’orgue à celui de Lisbonne (1904), et,
après plusieurs années de voyage, se fixa
à Paris (1914). Il fut naturalisé français en
1927. Parti du chromatisme franckiste, il
s’orienta (avant Schönberg) vers l’atonalité, ce qui pourtant ne l’éloigna pas d’une
esthétique postromantique et des formes
les plus traditionnelles. Ses oeuvres, en
grande partie inédites, comprenant notamment l’opéra en un acte Vaima (1903,
créé en 1904), 8 symphonies (1895-1936),
2 concertos pour piano (1888 et 1935), 10
quatuors à cordes (1892-1939) et 20 leçons de lecture musicale atonale.
PARADIES (PARADISI, [Pietro] Domenico), compositeur et professeur italien
(Naples 1707 - Venise 1791).
On sait peu de chose de ses années de
formation et on le prétend élève de Porpora. Après avoir fait quelques tentatives
malchanceuses dans le domaine lyrique
en Italie (opéra Alessandro in Persia à
Lucques en 1738 et serenata Il Decreto del
fato à Venise en 1740), il part s’établir à
Londres vers 1746-47. Sa première production dans cette ville est aussi un échec
(Fetonte, 1747). De 1753 à 1756, il compose des airs pour les productions pastiches du King’s Theatre au Haymarket,
puis consacre la majeure partie de son séjour à Londres à l’enseignement du chant
et du clavecin, ce qui assure sa célébrité.
Il compte en particulier parmi ses élèves
Gertrude Schmeling, la future Mme Mara.
Il rentrera en Italie à la fin de sa vie.
Il a composé, outre son oeuvre pour
la scène, des symphonies-ouvertures, un
concerto pour orgue ou clavecin, assez
typique du concerto pour orgue anglais,
et 12 sonates pour clavecin, qui ont été
unanimement louées à l’époque et souvent rééditées.
PARAPHRASE.
Littéralement, désigne une oeuvre musicale dérivée, par transformation, d’une
oeuvre existante.
1. On a eu tendance à appeler ainsi
toute oeuvre polyphonique des XVe et
XVIe siècles (messes et motets), écrite sur
un thème emprunté servant de cantus firmus. C’est le cas, en particulier, des nombreuses messes l’Homme armé, qui sont
en fait des messes à teneur. La paraphrase
nécessite un travail du thème à toutes les
voix, se présentant le plus souvent sous
forme d’un développement par sections :
la mélodie utilisée est divisée en sections
qui sont tour à tour développées et ornées,
la pièce se terminant après le développement de la dernière section. Cette technique fut plus particulièrement mise au
point par Josquin (messes Pange lingua,
Ave maris stella, ...) et devint par la suite
une composante du style de Palestrina,
qui a écrit environ 36 messes-paraphrases
(la Messe du pape Marcel, par exemple).
Il faut également se garder de confondre
ce type d’écriture avec la parodie, qui
n’est qu’une adaptation assez libre d’un
modèle polyphonique existant (la moitié
des messes de Palestrina sont des messesparodies).
2. Désigne au XIXe siècle des pièces instrumentales basées sur des mélodies célèbres
de l’époque, souvent tirées (mais pas
toujours) d’un opéra, et développées très
librement de façon à permettre à l’interprète d’exhiber sa virtuosité. Elles portent
également le nom de transcriptions, fantaisies, etc., et ont surtout été écrites pour
le piano (une grande partie de l’oeuvre de
F. Busoni est constituée de paraphrases,
comme celle sur la Chaconne de J.-S.
Bach). Les plus réussies sont sans aucun
doute celles de Fr. Liszt, qui paraphrase
des opéras (Rigoletto, Tannhäuser, Lucia di
Lammermoor, etc.), des lieder de Schubert
(la Truite, le Roi des aulnes, etc.) et diverses
pièces instrumentales célèbres.
PARASKIVESCO (Théodore), pianiste
roumain naturalisé français (Bucarest
1940).
Il obtient cinq premiers prix au Conservatoire de Bucarest et, en 1961, il est lauréat
du Concours Enesco. En 1966, il arrive
à Paris et étudie avec Nadia Boulanger
et Yvonne Lefébure. Il s’impose dans le
répertoire français, enregistrant une intégrale remarquée des oeuvres pour piano
de Debussy. Ne cédant pas à l’impressionnisme, son jeu restitue toute la clarté maîtrisée de ces pages.
Il joue aussi les oeuvres pour deux pia-
nos de Ravel avec Jacques Rouvier, interprète Beethoven, Brahms, Enesco, et se révèle comme accompagnateur. Il fonde un
trio avec Jean Estournet et Michel Strauss.
Depuis 1987, il enseigne au Conservatoire
de Paris.
PARAY (Paul), chef d’orchestre et compositeur français (Le Tréport 1886 Monte-Carlo 1979).
Il étudia l’orgue à Rouen avec son père,
puis entra au Conservatoire de Paris en
1910. L’année suivante il obtint le grand
prix de Rome pour sa cantate Yanitza.
Mobilisé à la Première Guerre mondiale
et prisonnier jusqu’en 1918, il débuta en
1920, à la faveur d’un remplacement, à la
tête des concerts Lamoureux, dont il devint le chef en 1923, au départ de Camille
Chevillard. En 1928 il s’installa à MonteCarlo où il fut chef titulaire. Il dirigea également les orchestres de la radio de Marseille, de Strasbourg et de Vichy. Gabriel
Pierné lui proposa ensuite la direction de
l’orchestre Colonne, dont il devint président en 1932. Jusqu’à la Seconde Guerre
mondiale, Paul Paray partagea son temps
principalement entre Monte-Carlo et
Paris. À la demande de Jean Rouché, alors
directeur de l’Opéra de Paris, il eut l’occasion d’y diriger quelques représentations
de Siegfried de Wagner. En 1945, il partit
pour les États-Unis où, comme chef invité,
il conduisit les orchestres de Boston, Philadelphie, Chicago, Pittsburgh. En 1950, J.
B. Ford lui offrit un poste de chef permanent de l’Orchestre de Detroit, qui devait
avoir sous sa direction une renommée
mondiale.
Le répertoire de Paul Paray fut principalemet symphonique (il n’a dirigé que
quelques opéras : Tristan et Isolde, Siegfried,
Ariane et Barbe-Bleue). Tous les grands
compositeurs de la fin du XIXe siècle y
figurent : Saint-Saëns, Wagner, Franck.
Il sut, pendant son séjour à Detroit, faire
connaître la musique française la plus
récente : Debussy, Ravel, Fauré, Dukas,
Roussel. On retiendra de lui, comme compositeur, une messe pour le 500e anniversaire de la mort de Jeanne d’Arc (1931),
le ballet Artémis troublée (Paris, 1922), 2
symphonies et des mélodies.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
760
PARKER (Horatio), compositeur américain (Auburndale, Massachussetts,
1863 - Cedarhurst, Long Island, 1919).
Élève de Chadwick, puis de Rheinberger
à Munich où il séjourna pendant trois
ans, il fut ensuite organiste, professeur au
conservatoire de New York et directeur
musical de la Saint Paul School et, enfin,
jusqu’à sa mort, professeur à l’université
de Yale, où il eut comme élève Charles
Ives. On le rattache généralement à l’école
de Boston, bien qu’il n’ait pas été un
élève de Paine et que son activité se soit
principalement localisée à New York. Sa
musique chorale demeure l’une des plus
remarquables de toute la production américaine, et sa cantate Hora novissima lui
valut le grade de « docteur honoris causa »
de l’université de Cambridge. Outre ses
cantates (Wanderer’s Psalm, Star Song,
The Legend of St Christopher), il a écrit des
pièces symphoniques et instrumentales
ainsi que deux opéras (Mona et Fairyland).
PARMEGIANI (Bernard), compositeur
français (Paris 1927).
D’abord ingénieur du son à la télévision
française, il s’intègre en 1959 au Groupe
de recherches musicales récemment fondé
par Pierre Schaeffer au sein de la R. T. F.
Il deviendra l’un des compositeurs les
plus importants de ce groupe, consacrant
l’essentiel de sa production à la musique
électroacoustique, mais a d’abord travaillé comme assistant technique d’autres
compositeurs (dont notamment Xenakis),
avant de réaliser lui-même des musiques,
pour la radio, la télévision, le cinéma, etc.,
puis, tout en continuant de consacrer à
la « musique appliquée » une grande partie de sa production (il a collaboré à des
films de Pierre Kast, Peter Foldès, Valerian Borowcyk, Jacques Baratier, Robert
Lapoujade, etc.), il commence à composer
des oeuvres de musique pure.
Sa première réalisation marquante dans
ce domaine est Violostries (1964), pour
violon et bande magnétique, une oeuvre
dont la partie instrumentale est due au
soliste Devyh Erlih, qui l’a créée, et dont
la bande fut réalisée à partir de quelques
sons de violon que des manipulations
successives et complexes agrandissent
aux dimensions d’une véritable masse
« orchestrale ». Dans cette technique de
composition (que reprendra Outremer,
1969, pour ondes Martenot et bande) et
qui consiste à générer par les manipulations du studio des masses évoluantes et
des lignes entrecroisées issues de quelques
rares sons de base produits par une source
définie, Parmegiani révèle son habileté
et sa verve, de même que dans l’Instant
mobile (1966), une des premières oeuvres
faites au G. R. M. à employer des sons
électroniques, et surtout dans Capture
éphémère (1967-68), peut-être son chefd’oeuvre, grande réussite de musique
électroacoustique « en rond » (sur quatre
pistes indépendantes), faisant vivre et vibrer l’espace sonore avec un dynamisme
irrésistible. Les oeuvres suivantes sont
marquées par l’utilisation des nouveaux
appareils de synthèse électronique dont
vient de se doter le G. R. M., et, avec leurs
cycles répétitifs, leurs pédales ronflantes et
leur caractère volontiers consonant, elles
l’amènent aux confins de la musique pop,
avec laquelle il tient pourtant à garder
ses distances : l’oeil écoute (1970), la Roue
Ferris (1971), et enfin Pour en finir avec le
pouvoir d’Orphée (1971-72), une somme
qui, comme l’indique son titre, veut faire
culminer et exorciser en même temps
cette tendance à l’« envoûtement » de la
répétition et de la continuité.
Parmegiani amorce ensuite un difficile
virage, cherchant un style plus concentré,
voire plus sévère. Son Enfer (1972-73),
dont il existe plusieurs versions, avec ou
sans texte, traduit plusieurs épisodes du
poème de Dante avec une éloquence puissante et lourde. Il a été conçu pour former,
avec un Purgatoire composé par François
Bayle et un Paradis dû à la collaboration des deux compositeurs, une Divine
Comédie suscitée par le danseur-chorégraphe Vittorio Biagi, qui en fit un spectacle. De natura sonorum (1974-75), suite
en deux parties, et son « complément »
Dedans-Dehors (1976), oeuvre à base de
sons « naturalistes » qu’elle cherche à
transcender, manifestent une recherche
acharnée d’« écriture sonore », où le ciseau
intervient à tout moment pour casser la
continuité, tordre son cou à l’éloquence
du « pouvoir d’Orphée », et articuler le
discours musical par un montage serré.
Après ces oeuvres-bilan, la production
récente de Parmegiani explore un certain
nombre de directions depuis longtemps
sous-jacentes chez lui : « théâtre musical »
créant une dramatisation de la diffusion
par haut-parleur (Trio, 1973 ; Mess Media
Sons, 1978-79) ; rapports entre les sons et
les images, avec des oeuvres « vidéoacoustiques », dont il signe l’image aussi bien
que la musique (l’Écran transparent, 1973 ;
Jeux d’artifice, 1979, pièces qui utilisent
des images manipulées électroniquement
par les moyens vidéo) ; enfin, imbrication
du texte et des sons, avec deux pièces dont
le texte est conçu comme une « spirale »
revenant sur elle-même et se retournant,
à la manière paradoxale des figures du
graveur Max Escher, une de ses sources
d’inspiration favorites : Des mots et des
sons (1977), et l’Écho du miroir (1981) cette dernière oeuvre renouant avec un
certain lyrisme moins contraint. Parmi ses
oeuvres récentes, Entre-temps (1992), Lac
noir (1992), Plain-temps (1993).
PARMERUD (Ake), compositeur suédois
(Lidköping 1953).
Représentant parmi les plus brillants de la
musique électroacoustique en Europe, il a
récolté de nombreux prix internationaux
pour ses oeuvres très denses et ciselées,
comme les objets obscurs (1991) ou Renaissance (1955).
Il a composé également des musiques
pour instruments et bande magnétique
(mixtes), et enseigne la composition par
ordinateur au Conservatoire de Göteborg.
PARODIE. (du gr. para et odos, « chemin
parallèle »).
Ce terme a été employé depuis le
XVIe siècle, sans aucune idée péjorative ou
ironique, pour désigner toute adaptation
d’une oeuvre musicale qui en change la
destination, et s’il y a lieu les paroles, en la
laissant reconnaissable, avec ou sans aménagements de détail en vue de la nouvelle
utilisation. De nombreuses messes de la
Renaissance sont des parodies de motets
ou de chansons polyphoniques profanes,
et le répertoire de l’opéra-comique s’est
d’abord constitué avec des parodies
d’opéra. On emploie aussi le terme latin
contrafactum, plus rarement sa francisation contrafacture. Ce n’est que récemment que, décalquant l’évolution générale
du terme, on emploie également le terme
pour désigner des déformations volontaires d’un modèle donné dans un esprit
d’amusement ou de dérision ; on peut dire
ainsi que les opérettes d’Offenbach sont
des parodies de l’opéra de son temps, sans
qu’il y ait forcément correspondance textuelle d’une opérette donnée à un opéra
donné.
PARRY (sir Charles Hubert Hastings),
compositeur et musicologue britannique (Bournemouth 1848 - Rustington,
Oxfordshire, 1918).
Il fut un de ceux avec qui apparut une
renaissance de la musique anglaise.
En 1861, à Eton, il s’acquit une renommée dans le collège comme baryton, compositeur de chansons, et pianiste. En 1867,
à Oxford, la musique fut quelque peu
reléguée pour les études générales et les
sports, mais il reçut des leçons de composition de Sterndale Bennett et de Macfarren, avant de partir retrouver Pierson
à Stuttgart. De retour à Londres, Parry eut
la chance de trouver un ami et un conseiller en Edward Dannreuther, chez qui, lors
de concerts privés, la musique de chambre
du musicien était jouée sitôt composée.
Malheureusement, beaucoup de ces ouvrages ont été perdus ou égarés. L’année
1880 marque le début d’une plus large renommée. Dannreuther joua un concerto
pour piano à Crystal Palace, et la première
oeuvre chorale importante de Parry, Scenes
from Prometheus Unbound, fut donnée au
festival de Gloucester. D’autres suivirent
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
761
désormais régulièrement. La première
symphonie date de 1882, la deuxième de
1883, les troisième et quatrième de 1889
et la cinquième de 1912. Ce n’est pas la
meilleure part de son oeuvre.
Ses choeurs marquent, eux, un nouveau type de composition, avec le maniement de grandes masses vocales avec
une très grande simplicité dans les effets
et dans l’utilisation des voix. Ils unissent
une grandeur souvent appelée « haendelienne » à une grande délicatesse et à
un grand raffinement dans l’expression.
Chef des choeurs, en 1883, à l’université
d’Oxford, il y succéda à Stainer comme
professeur de musique, de 1900 à 1908. En
1894, il devint, après Grove, directeur du
Royal College of Music, auquel il se consacra essentiellement durant les dernières
années de sa vie.
PÄRT (Arvo), compositeur estonien
(Paide, Estonie, U. R. S. S., 1935).
Travaillant d’abord comme ingénieur du
son à la radio, entre 1957 et 1967, tout
en étudiant au conservatoire de Tallin
(notamment avec Heino Eller), il gagne
un prix de composition en 1962 avec la
cantate pour choeur d’enfants Meie Aed et
l’oratorio Maailma Samm, de style encore
traditionnel ; puis il passe par une période
mathématique et sérielle (Perpetuum Mobile, 1963, pour orchestre ; Diagrammid,
1964, pour piano ; Première Symphonie,
1964), avant de commencer à réintégrer
dans son écriture la tradition, d’abord
par des techniques de « collage » (Collage teemal Bach, 1964, pour orchestre ;
Pro et Contra, 1966, pour violoncelle et
orchestre ; Credo, 1968, pour piano solo,
choeur et orchestre) pour finalement créer
un style syncrétique, où l’ancienne polyphonie et les références grégoriennes s’associent à l’emploi de sonorités nouvelles
(cantate Laul armastatule, « Chant pour
les bien-aimés », 1973, texte de S. Rustaveli ; Troisième Symphonie, 1971).
Son évolution est caractéristique de ce
besoin de renouer avec la tradition, dont
témoigne la musique d’« avant-garde »
dans la fin des années 60 et dans les années
70 (voir les évolutions parallèles de Penderecki, Ligeti, Berio, Stockhausen, etc.).
Depuis 1980, Arvo Pärt a vécu à Vienne,
puis, à Berlin (1982). Parmi ses dernières
oeuvres, un Concerto de Noël, pour violon, violoncelle et orchestre de chambre
(1980), une Passion selon saint Jean, pour 4
voix d’hommes, choeur et orgue (1982), Te
Deum pour 3 choeurs et orchestre (1986),
Miserere pour 5 voix solistes, choeur et
orchestre (1989).
PARTCH (Harry), compositeur-interprète américain (Oakland, Californie,
1901 - San Diego, Californie, 1976).
À tous égards, il est hors des sentiers battus : fils de missionnaires, élevé dans l’Arizona, il décide très jeune, après quelques
essais classiques, de s’écarter de tous les
modes conventionnels de production et
d’écriture de la musique. Ainsi, entre 1923
et 1928, il conçoit une démarche entièrement personnelle, aussi bien dans son système de hauteurs et de rythmes - adoption
d’une échelle non tempérée basée sur une
division de l’octave en 43 parties égales ;
polyrythmie basée sur des divisions rationnelles des durées - que dans la lutherie
utilisée (il construit de nouveaux instruments accordés sur cette échelle et n’utilise qu’épisodiquement les instruments
existants, européens ou « exotiques »). Sa
conception des oeuvres et de leur présentation est aussi originale (musiques autour
de textes parlés, pour ensembles d’instruments Partch, dont l’aspect même, ainsi
que les actions des exécutants, forment à
eux seuls un spectacle).
Comme beaucoup d’autres « rénovateurs » occidentaux, Partch base sa théorie et sa pratique sur l’idée d’un « retour
aux sources » de la musique (résonance
et consonance naturelles, fonction rituelle
et magique de la musique) et puise ses
influences un peu partout (musiques de
sorcières, berceuses, musiques des Indiens, des Orientaux, des Africains... et le
Boris Goudounov de Moussorgski), mais il
a l’audace et l’opiniâtreté de l’extrémiste
dans sa recherche d’une « autre musique ». Créant un ensemble instrumental,
le Gate 5 Ensemble, destiné à jouer sa production, il parvient à vivre de ses concerts,
de « bourses » données par des fondations,
et de postes de chercheurs dans des universités.
Les « instruments Partch », formant un
orchestre où domine la sonorité des percussions et des cordes pincées, se divisent
en 3 grandes familles : les chordophones,
instruments à cordes pincées ou frappées
avec des mailloches (par ex., « guitare
adaptée », « blue rainbow », « Castor et
Pollux », « crychord ») ; les idiophones, percussions accordées (« gourd tree », marimbas de verre, bois, métal, « cone gongs »,
« cloud chamber bowls » en verre) ; et les
aérophones (dont un orgue accordé à la
Partch, le « chromelodéon »). Parmi les
oeuvres du compositeur, on citera : By the
Rivers of Babylon (1931) ; Dark Brother
(1943) ; US Highball, oeuvre dramatique
avec choeur (1943) ; 2 Settings from Finnegans Wake d’après Joyce (1944) ; OEdipus, oeuvre dramatique d’après Sophocle
(1951) ; The Mock Turtle Song and Jabberwocky d’après Lewis Carroll (1952) ; The
Bewitched, oeuvre dramatique (1955) ; et
l’oeuvre qui lui acquit une certaine réputation, The Delusion of the Fury, avec chanteurs solos et choeurs (1969).
Injouable, par définition, sur d’autres
instruments que les siens, l’oeuvre de
Partch ne s’est répandue que par quelques
enregistrements. Il en a exposé la théorie impliquant une conception globalisante
de la pratique musicale, qu’il appelle luimême « corporéalisme » - dans son livre
Genesis of a Music by Harry Partch (1949,
rééd. 1974).
PARTIE.
Dans une composition destinée à une formation vocale ou instrumentale, élément
concertant exécuté par un même chanteur
ou groupe de chanteurs, un même instrument ou groupe d’instruments (par ex., la
partie de ténor, la partie de second violon). L’ensemble des parties constitue la
partition.
PARTIEL.
Terme d’acoustique employé dans deux
acceptions voisines, mais sensiblement
différentes.
Au sens ancien, le plus large et, aujourd’hui encore, le plus généralement
utilisé, partiel tend à se confondre avec
harmonique. En soufflant plus fort dans
un instrument à vent ou dans un tuyau
d’orgue, on lui fait donner des sons plus
élevés que le son fondamental : l’octave,
puis la douzième, la double octave, etc.
Ces sons apparaissent dans l’ordre naturel
des harmoniques, ce qui explique qu’en
les appelant partiels, les musiciens les
confondent avec ceux-ci - sans d’ailleurs
commettre de grave erreur.
Mais, en fait, les harmoniques sont des
fréquences contribuant à former tout son
musical complexe, et dont la hauteur se
définit par rapport à ce son par une relation simple : 2/1, 3/1, 4/1, etc. Or la fréquence des sons que l’on obtient en forçant un tuyau sonore, ou en immobilisant
une corde à la moitié ou au tiers de sa longueur, n’est pas dans un rapport simple
avec la fondamentale, et ne correspond
pas rigoureusement à un harmonique :
c’est un partiel, dans son second sens, le
sens strict des physiciens, c’est-à-dire un
son constitutif d’un son musical complexe, mais dont la fréquence n’est pas un
multiple entier de ce son. Tel est le cas,
notamment, des sons qui composent les
sons musicaux des percussions ou des
cloches, qui sont typiquement des partiels.
Il n’empêche que, dans les instruments à
vent en particulier, les facteurs d’instruments s’efforcent d’obtenir des partiels
qu’ils se rapprochent le plus possible des
harmoniques, de façon à donner la plus
grande justesse lorsque l’on change d’octave en soufflant plus fort.
PARTIMENTO.
Nom donné en Italie, à la fin du XVIIe et au
XVIIIe siècle, à des basses chiffrées présentées sans leur réalisation, le plus souvent
à titre d’exercice pédagogique, ou simplement comme base d’improvisation ou de
composition.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
762
PARTITA (ou partie, parthie, partia, parthia).
Terme dérivé de l’italien partire (« partager ») et employé avec des sens divers
(« variation », « série de variations »,
« pièce isolée », « suite de pièces ou de
danses », « oeuvre en plusieurs mouvements ») en Italie et en Allemagne aux
XVIIe et XVIIIe siècles.
Les plus anciens exemples se rapportent
à la danse (partite et passaggi di gagliarda
parus chez Prospero Luzi en 1589) ou plus
généralement à des oeuvres instrumentales (Partite strumentali, perdus, de Gesualdo). Plus tard, partite sopra voulut dire
« variations sur », et partite di « suite de
pièces consistant en » (par ex., chez Froberger). Kuhnau utilisa le terme dans le
sens « suite faisant partie d’un ensemble »
(Neuer Clavier Übung Erster Theil, Bestehend in Sieben Partien..., 1689), Johann
Krieger fit de même en 1697 (Sechs musicalische Partien, Sei partite musicali). L’ensemble des six oeuvres pour violon seul de
Bach comprend, d’une part, trois sonates
(BWV 1001, 1003 et 1005) selon le modèle
de la sonata da chiesa (« sonate d’église »),
d’autre part, trois partitas comprenant diverses danses (BWV 1002, 1004 et 1006),
et donc proches par l’esprit de la sonata
da camera (« sonate de chambre »). Bach
appela également partitas les six suites (ou
suites allemandes) formant la première
partie de la Clavierübung (BWV 825-830),
et partite diverse sopra... certains des cycles
de variations sur des chorals pour orgue
BWV 766-771.
Haydn appela lui-même partitas certaines de ses sonates de jeunesse, en particulier la 13e, qui justement évoque plus
ou moins l’ancienne suite par ses quatre
mouvements dans la même tonalité majeure ou mineure, et ses divertissements
pour instruments à vent seuls reçurent
pour la plupart le nom de Feldparthien.
À Vienne, dans les années 1750, le terme
parthia s’appliquait très souvent à une
oeuvre relevant plus ou moins du genre
symphonie de chambre.
PARTITION.
1. Terme général s’appliquant à toute
mise par écrit d’un morceau de musique,
mais impliquant généralement le fait que
toutes les parties y soient représentées
de manière synoptique : par exemple, un
morceau à 4 mains sera dit « en partition »
si les 4 portées sont figurées les unes sous
les autres, mais non si elles sont réparties
sur deux pages en vis-à-vis. On distingue
principalement les partitions d’orchestre
ou assimilées (musique de chambre) dans
lesquelles sont reproduites en détail les
parties de chaque exécutant, et les partitions « réduites » qui en donnent un
résumé, généralement pour piano (piano
et chant pour les opéras). On oppose également, se référant au format, la grande
partition, utilisée par les chefs d’orchestre,
et la partition de poche, qui en est une
réduction, souvent photographique, destinée à l’étude.
Le mot « partition », qui signifie simplement « division, quadrillage », provient du
début du XVIIe siècle, où l’usage alors nouveau de la barre de mesure fut considéré
comme un auxiliaire de lecture précieux
pour mettre ensemble plusieurs exécutants, d’où l’extension ultérieure du terme.
2. Manière dont procèdent les accordeurs
pour régler la justesse des intervalles. Appareils parfois employés par eux pour faciliter ce réglage (il existe notamment des
« partitions » formées de lames vibrantes,
ou plus récemment des partitions électroniques). L’usage n’en est pas généralisé, la
plupart des accordeurs préférant se fier à
leur oreille.
PASDELOUP (Jules), violoniste et chef
d’orchestre français (Paris 1819 - Fontainebleau 1887).
Fils de François Pasdeloup, chef d’orchestre à l’Opéra-Comique, il entra en
1829 au Conservatoire. Ayant obtenu
un premier prix de violon en 1832, il fut
violoniste dans divers orchestres, donna
des leçons privées, et écrivit des valses et
des polkas avant d’être nommé professeur
de violon au Conservatoire. N’ayant pas
réussi à se faire reconnaître comme compositeur, il fonda, en 1851, avec des élèves
du Conservatoire la Société des jeunes artistes, remplacée en 1861 par les Concerts
populaires, dont le but fut de mettre la
musique classique à la portée des masses
pour des prix modiques. Cette initiative
obtint un énorme succès. Les Concerts
populaires, donnés au Cirque d’Hiver,
consacrèrent des programmes à Haydn,
Mozart, Beethoven, Weber, Mendelssohn,
révélèrent Schumann, Wagner, Tchaïkovski, créèrent des oeuvres de Massenet,
Lalo, Saint-Saëns.
Pasdeloup fut également directeur musical du théâtre de l’Athénée, et directeur
des études au Conservatoire. En 1869, il
prit la succession de Léon Carvalho à la
tête du Théâtre-Lyrique. Il y dirigea les
premières françaises de Rienzi, du Bal
masqué et assura la reprise d’Iphigénie
en Tauride. Après la guerre de 1870, il se
trouva ruiné. Il organisa alors des tournées avec son orchestre, dont il assura la
direction jusqu’en 1884. À sa mort, les
Concerts populaires ne lui survécurent
pas, faute de moyens. Ils ressuscitèrent
en 1917 grâce à l’initiative de Sandberg,
qui les réinstalla au Cirque d’Hiver sous le
nom de « concerts Pasdeloup », et sous la
direction de Rhené-Baton.
PASQUIER, famille de musiciens français, fondateurs en 1927 du trio à cordes
qui porte leur nom.
Pierre, altiste (Tours 1902 - Neuilly-surSeine 1986). Il étudia de 1919 à 1922 au
Conservatoire de Paris, où il fut nommé
professeur en 1943. Il enseigna également
au Conservatoire américain de Fontainebleau.
Jean, violoniste (Tours 1903 - Villed’Avray
1992). Il fut l’élève d’E. Nadaud au
Conservatoire de Paris, où il remporta
son premier prix en 1922. Professeur au
Conservatoire américain depuis 1952, il
a publié en 1955 des Exercices en forme
d’études.
Étienne, violoncelliste (Tours 1905). Il a
suivi la même filière et obtenu son premier prix dès 1921. Il a appartenu comme
soliste à l’orchestre de l’Opéra de 1930 à
sa retraite.
À ce trio célèbre a récemment succédé
le « Nouveau Trio Pasquier » formé de
Régis Pasquier (violon), né à Fontainebleau en 1945, de Bruno Pasquier (alto),
né à Neuilly-sur-Seine en 1943, tous deux
fils de Pierre, et de Roland Pidoux (violoncelle), né à Paris en 1946.
PASQUINI (Bernardo), claveciniste, organiste et compositeur italien (Massa di
Valdinievole 1637 - Rome 1710).
Après des études dans sa région natale,
il s’installa définitivement à Rome avant
1650. Il y travailla sans doute avec Antonio Cesti et Loreto Vittori, et devint, vers
1663, organiste de Santa Maria Maggiore,
puis, en 1664, de Santa Maria in Aracoeli,
poste qu’il devait occuper jusqu’à la fin de
sa vie. Son immense talent au clavecin et à
l’orgue lui valut les faveurs de nombreuses
personnalités romaines (la reine Christine
de Suède, le prince Colonna, les cardinaux
Ottoboni et Pamphili) et plus particulièrement du prince Giambattista Borghese,
qui l’hébergea à partir de 1670 environ.
La production de Pasquini, assez considérable, comprend de la musique vocale
sacrée et profane et de la musique pour
clavier. Il a composé une quinzaine d’opéras, à peu près autant d’oratorios, et de
nombreux motets, arias et cantates qui
trahissent l’héritage de Cesti. Il est, dans
ce domaine, un représentant non négligeable de l’école romaine, faisant figure
d’intermédiaire entre Cesti et son cadet et
contemporain A. Scarlatti.
La partie la plus importante de l’oeuvre
de Pasquini est néanmoins celle consacrée
au clavier (en particulier au clavecin), et a
été conservée en quatre volumes manuscrits. Elle comprend des toccatas (appelées
parfois tastatas), de nombreuses danses et
suites de danses, des partitas, passacailles
et variations, et des sonates (4 pour orgue,
14 pour clavecin, 14 pour deux clavecins).
Ses toccatas, bien que souvent conventiondownloadModeText.vue.download 769 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
763
nelles et dans la tradition de Frescobaldi,
ont parfois tendance à contraster mouvements de toccata et mouvements fugués,
annonçant ainsi les futures toccatas et
fugues. Ses sonates, écrites seulement en
basse figurée, sont exceptionnelles en Italie à cette époque. Il semble être l’un des
premiers Italiens à avoir écrit pour deux
clavecins. Mais il est surtout remarquable
dans ses suites de danses et ses variations.
Là encore, il s’inspire de Frescobaldi et de
ses danses groupées, mais il les organise
en suites de même tonalité, comprenant
de deux à cinq danses de forme binaire
et dont la succession la plus courante est
allemande-courante-gigue. Il est le premier Italien à avoir donné cette structure
à la suite de clavier.
L’influence de la danse est également
sensible dans ses variations et partitas
(Partite di bergamasca, Partite del saltarello, Partite diversi sopra alemanda), et
il fut particulièrement sensible, comme
nombre de ses contemporains, au thème
de la folia (Partite diversi di folia, Variationi sopra la folia). On lui doit aussi deux
ouvrages théoriques : Saggi di contrappunto (1695) et Regole per ben suonare il
cembalo o organo (1715, perdu).
PASSACAILLE.
Forme musicale ancienne, apparue au
XVIIe siècle dans la musique italienne (passacaglia), mais dont le nom est d’origine
espagnole (pasar, « marcher » et calle,
« rue « ; « marcher dans la rue »), sans
doute par allusion aux musiques instrumentales des processions qui répétaient
sans cesse le même motif en le variant.
Elle est caractérisée par une basse obstinée à 3 temps de 4 ou 8 mesures, habituellement construite selon un type caractéristique : mouvement régulier conjoint
(diatonique ou chromatique) de tonique
à dominante, généralement descendant,
que suit parfois une cadence dominantetonique extrêmement marquée. Cette
basse se répète constamment sous les
variations, dans un mouvement modéré,
mais allant.
Généralisée dans toute l’Europe dans la
seconde moitié du XVIIe et au XVIIIe siècle,
elle s’y est souvent confondue avec la chaconne, mais elle semble s’être moins que
cette dernière pliée à la véritable danse et
aussi avoir conservé plus de rigueur qu’elle
dans le maintien de l’ostinato : comparer
à cet égard les deux pièces maîtresses que
sont, de J.-S. Bach, la Passacaille pour
orgue en ut mineur et la Chaconne en ré
mineur pour violon seul. Tombée quelque
peu en désuétude au XIXe siècle, la passacaille a trouvé un regain de faveur au XXe
(Webern, Dutilleux, etc.) ; mais le terme
est parfois employé abusivement pour
s’appliquer à n’importe quelle basse obstinée, alors que la forme mélodique de cette
basse fait, elle aussi, partie de la définition
de la passacaille.
PASSAMEZZO.
Danse d’origine italienne, proche de la pavane, de rythme binaire et de mouvement
modéré, qui se développa en Europe, soit
individuellement, soit dans le cadre d’une
suite, au XVIe et au début du XVIIe siècle.
L’origine du terme demeure vague et
les musicologues le font en général dériver
soit de sa mesure alla breve ( ), soit d’une
figure de danse (« pas et demi »).
PASSE-PIED.
Danse populaire française d’origine bretonne, de caractère vif et enjoué.
Exécuté à pas glissés sur un rythme
tout d’abord binaire, puis ternaire à partir
du XVIIe siècle qui l’avait adopté comme
danse de cour, le passepied a eu les honneurs du théâtre et du concert au même
titre que les autres danses devenues classiques, qui entrent dans la composition de
nombreuses « suites » instrumentales, de
Couperin à Debussy.
PASSEREAU, compositeur français, actif
de 1509 à 1547 environ.
On le prétend prêtre et présent à SaintJacques de la Boucherie au début du siècle,
mais aucun document ne permet de justifier cette affirmation. Il est chantre à la
chapelle du duc d’Angoulême (futur François Ier) en 1509 et sans doute à la cathédrale de Cambrai de 1525 à 1530. Il a surtout composé des chansons (les dernières
datent de 1547) et a été publié dans divers
recueils anthologiques d’Attaingnant,
dont un lui est exclusivement consacré
ainsi qu’à Janequin.
Passereau fait partie de cette génération de compositeurs qui ont développé la
chanson polyphonique parisienne, et son
style est assez proche de celui de Janequin.
Ses pièces sont en général descriptives ou
grivoises, d’inspiration populaire et de
style syllabique, et multiplient les rythmes
animés et les imitations figuratives. La
plus célèbre, Il est bel et bon, a subi de
nombreuses adaptations et a été transcrite
pour divers instruments un peu partout
en Europe.
PASSION.
Chant, au cours de l’office, de l’Évangile
relatant la Passion du Christ durant la
semaine sainte.
Dès le Xe siècle, ce chant revêtit une solennité particulière en utilisant des timbres
de récitation différents de ceux des Évangiles ordinaires ; au XVe siècle s’introduisit
la coutume de récitations dramatiques, où
le rôle du Christ était chanté par le prêtre,
l’évangéliste narrateur par le diacre, les
autres personnages (turba, dite familièrement « canaille »), par le sous-diacre.
À partir du XVe siècle, ce dernier rôle fut
parfois confié à la maîtrise, et donna lieu à
des compositions polyphoniques d’abord
simples (faux-bourdons), puis de plus
en plus développés (passion-répons). Au
début du XVIe siècle, on écrivit en polyphonie non plus seulement la partie de
turba, mais le récit entier, dont le texte
fut souvent reconstruit par centonisation
(passion-motet).
La réforme luthérienne transporta ces
différents genres en langue allemande,
et, peu à peu, s’y adjoignirent des cantiques en intermède (chorals), des choeurs
d’introduction et de conclusion, plus tard
enfin des ariosos ou des arias traduisant
la méditation du chrétien devant les faits
évoqués (passion-oratorio). L’orchestre
s’y étant joint, la passion devint ainsi
chez les réformés du XVIIIe siècle tantôt
une sorte de cantate agrandie encadrant
comme celle-ci le sermon des vêpres (Passions de Bach), tantôt un oratorio sur modèle théâtral (Passions de Haendel), tandis
que les catholiques (cf. A. Scarlatti) s’en
tenaient à la seule récitation évangélique.
Parmi les nombreuses passions écrites
du XVIe au XVIIIe siècle, les plus connues
sont sans doute celles de Victoria (passion-répons à récitatif liturgique), de H.
Schütz (passion-répons à récitatif composé) et surtout de J.-S. Bach. Ce dernier,
outre ses deux célèbres Passion selon saint
Jean (1724) et Passion selon saint Matthieu
(1729), a écrit au moins deux autres passions, dont l’une, selon saint Marc, est un
arrangement de cantates sans grand intérêt, et l’autre, sur un texte libre de Picander conservé, est malheureusement perdue. Une cinquième passion, selon saint
Luc, est parvenue jusqu’à nous ; elle est
médiocre et très probablement apocryphe.
Au XIXe siècle, la passion a cessé de former un genre musical particulier, et les
rares passions écrites depuis lors (Jean
Langlais, Frank Martin, Krzysztof Penderecki), ne se distinguent en rien, sinon par
leur sujet, des oratorios de concert habituels.
PASTA (Giuditta NEGRI, dite), soprano
italienne (Saronno, près de Milan, 1798 Blevio 1865).
Cette figure légendaire de l’opéra romantique italien attacha son nom à la création
du rôle de Norma dans l’opéra de Bellini.
Elle étudia à Milan, débuta à Brescia en
1815, puis à Londres en 1817, sans grand
succès. Elle obtint son premier triomphe à
Paris en 1821 dans le rôle de Desdémone
de Otello, de Rossini. Son grand talent
d’actrice et l’intensité de ses interprétations firent sensation, au même titre que
l’ampleur et la couleur de sa voix. Mais,
même à l’apogée de ses moyens, on lui
reprochait le manque d’homogénéité de
son timbre. Elle résolut avec une facilité plus ou moins grande les problèmes
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
764
vocaux posés par les rôles de Rossini, de
Donizetti et de Bellini, dans lesquels elle
était pourtant acclamée. Outre Norma de
Bellini, elle créa Anna Bolena de Donizetti,
et excella dans Otello de Rossini, où elle
faisait, paraît-il, oublier Colbran, sinon sa
rivale Malibran. Elle chanta régulièrement
à Londres, Paris et Saint-Pétersbourg
jusqu’en 1837, puis dut espacer ses prestations.
PASTICHE (ital. pasticcio, « pâté »).
1. Au sens ancien, employé surtout aux
XVIIe et XVIIIe siècles, le pastiche est une
oeuvre formée de morceaux soit composés
par des auteurs différents, soit empruntés, avec ou sans remaniements, à des ouvrages différents dans un ordre autre que
l’ordre primitif. C’est ainsi que le Jaloux
corrigé de Blavet se compose d’une ouverture de Blavet et d’airs adaptés en français
et empruntés à divers intermèdes de Pergolèse, reliés par des récitatifs de Blavet.
Pulcinella de Stravinski, formé de divers
morceaux empruntés à ce même Pergolèse
et transformés par Stravinski, peut être
considéré à cet égard comme une forme
moderne du pasticcio.
2. Au sens actuel, on appelle pastiche un
morceau original écrit par un auteur dans
le style d’un autre. Le pastiche peut être
volontaire et devient alors une sorte de
jeu : c’est ainsi que Ravel et Casella ont
composé une série de « À la manière de ... »
formant un pendant musical au célèbre
recueil littéraire de Reboux et Muller. Il
peut être aussi involontaire, et constitue
alors souvent un aveu d’impuissance.
Pour éviter la confusion entre les deux
acceptions, on conserve habituellement la
forme italienne pasticcio dans le premier
sens, réservant le mot français pastiche au
second.
PASTORALE.
Genre dramatique qui relate les exploits
amoureux de bergers et de bergères, situés
dans un cadre naturel, un havre idyllique
de bonheur et de paix, comme celui d’Arcadie, où habitent Pan, le dieu des bergers,
et Alphée, celui des fleuves.
La poésie de la pastorale est la première
à s’agrémenter entièrement de musique,
pour être chantée, dansée et non pas parlée. Dans son Dictionnaire de la musique
(1703), S. de Brossard définit la pastorale
comme un « Chant qui imite celuy des
Bergers, qui en a la douceur, la tendresse,
le naturel, etc. C’est aussi souvent une
pièce de musique faite sur des paroles qui
parlent des , ou qui dépeignent les amours
des Bergers, etc. ». Cette définition sera
reprise et quelque peu amplifiée par J.-J.
Rousseau (1777), après avoir été illustrée
par son opéra champêtre le Devin du village (1752).
En souvenir de l’Antiquité, des Idylles
de Théocrite et des Églogues de Virgile,
la pastorale a survécu tout au long du
Moyen Âge, notamment en France (troubadours, trouvères) sous forme de pastourelle, chanson aristocratique, allégorique,
courtoise, la bergère étant l’objet désiré et
le cadre, un pré bordé d’une haie dorée.
Mais le Jeu de Robin et Marion d’Adam de
la Halle constitue déjà une véritable pastorale mise en musique. L’époque à laquelle
la pastorale dramatique va devenir la
favola in musica, nom usuel des premiers
opéras, remonte à la fin de la Renaissance
en Italie. Dès la fin du XVe siècle, la poésie
pastorale se transforme en pièce dramatique pour être ensuite mêlée de musique.
Selon Gian Battista Guarini, la nouvelle
forme est née à Ferrare en 1554, avec la
représentation de la pièce d’Agostino
Beccari Il Sacrificio, dotée de musique par
Alfonso Della Viola. La popularité de la
pastorale sera bientôt assurée grâce à deux
oeuvres théâtrales majeures, traduites dans
toutes les principales langues d’Europe :
Aminta de Torquato Tasso (1573), encore
assez proche de l’églogue et, surtout, Il
Pastor fido (1581-1590) de Guarini, source
des textes d’un très grand nombre de madrigaux polyphoniques et monodiques.
Au cours du XVIIe siècle, ces deux modèles
seront adaptés et imités jusqu’à épuisement de la matière littéraire. Pour les premiers opéras créés à Florence et si proches
encore de la déclamation, O. Rinuccini,
disciple du Tasse, écrit les livrets de Dafne
(1597) et d’Euridice (1600) sur des contes
mythologiques tirés d’Ovide, et notamment mis en musique par Jacopo Peri.
A. Striggio reprend le thème du second
pour l’Orfeo de Monteverdi en 1607. À ses
débuts, l’opéra est exclusivement un spectacle de cour, donné à l’occasion d’un mariage princier ou d’une visite mémorable.
Le prologue sert à honorer les principales
personnalités présentes et les lie à l’action
qui doit se terminer par le triomphe du
bien sur le mal. Le rôle allégorique des
personnages ici et dans la pastorale est,
comme toujours, important. Ainsi la pastorale proprement dite restera un spectacle essentiellement aristocratique. En
revanche, les éléments de la pastorale
peuvent se mélanger librement à d’autres
genres (Oratorio de Noël), chez Haendel (le
Messie) et chez Corelli (Concerto de Noël).
En France, après une tentative intitulée
le Triomphe de l’amour (1654) de Michel
de La Guerre, sur une série de chansons
de Charles de Beys, Pierre Perrin appelle
sa Pastorale d’Issy (1659) « Première comédie française en musique représentée
en France ». La pastorale française (sans
musique) atteint un premier sommet au
début du XVIIe siècle avec le roman pastoral de H. d’Urfé, Astrée (1607-1628). Le
genre est ensuite développé par les poètes
précieux, par Racan (les Bergeries, 1619),
puis par Gombauld (Amaranthe), Segrais
(Églogues de M. de Segrais) et Gilbert, qui
écrivait des pastorales pour la reine Christine de Suède, dont il était le secrétaire. La
poésie pastorale des « précieuses » appelait la musique, mais jusqu’alors n’a réussi
qu’à inspirer d’innombrables airs et ballets de cour. Quant aux spectacles d’opéra,
ils sont italiens, imposés par Mazarin à la
cour de France. À partir des éléments du
ballet de cour, le ton pastoral de la poésie précieuse, le goût pour les choeurs,
pour la danse, et quelques éléments italiens (déclamation en musique adaptée à
la langue française), Lully peut créer un
opéra français. Au sujet de la pastorale,
R. Rolland déclare : « Il n’y a presque pas
d’opéra de Lully où cette poésie de la nature, de la nuit, du silence ne s’exhale. »
C’est aussi en raison des lois de la pastorale que la nouvelle tragédie lyrique possède un prologue allégorique et une fin
heureuse, source caractéristique de tant
de livrets maladroits. La liste des opéras
de Lully commence et prend fin avec deux
vraies pastorales : les Fêtes de l’Amour et de
Bacchus (1672) et Acis et Galathée (1686).
Éloigné de la cour, Marc-Antoine Charpentier compose un nombre non négligeable de petites pastorales religieuses ou
profanes, destinées en grande partie à être
représentées chez la princesse de Guise,
dans son hôtel du Marais. Encore une fois,
on y retrouve le thème des premières pastorales avec la Descente d’Orphée aux Enfers (v. 1685). À cette époque, un seul opéra
italien est donné en France : il s’agit d’une
pastorale, Nicandro e Fileno de P. Lorenzani (Fontainebleau, 1681). Quant à l’Académie royale de musique, l’opéra pastoral
ou la pastorale héroïque y figurent assez
souvent à l’affiche (Issé, de Destouches,
1697 ; Aréthuse, de Campra, 1701 ; Zaïs, de
Rameau, 1748 ; Acanthe et Céphise, de Ra-
meau, 1751 ; Daphnis et Églé, de Rameau,
1753, sans oublier une pastorale en langue
d’oc de Mondonville, Daphnis et Alcimadure, 1754). En fait, la pastorale ne cessera
d’exercer son influence sur l’opéra qu’à la
Révolution. Pendant environ deux siècles,
elle a régné sur la musique vocale profane
et marqué la musique religieuse et instrumentale. Presque tous les compositeurs, à
un moment ou un autre de leur carrière,
ont contribué à son développement. De
l’époque romantique à nos jours, le terme
pastorale a été employé dans une oeuvre
lorsque y apparaît une atmosphère champêtre.
Avec l’ouverture des premiers théâtres
publics à Venise (1637), la pastorale subit
un déclin en faveur de l’opéra héroïque ou
historique (Cavalli/Busenello : La Didone,
1641 ; Monteverdi/Busenello : L’Incoronazione di Poppea, 1643). Le rôle des choeurs,
essentiel dans les premiers opéras-pastorales, se modifie ; s’ils demeurent toujours présents, leur participation devient
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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progressivement muette et, fréquemment,
seul le livret indique qu’ils participent à
une scène (cori de soldati, di cacciatori,
di ninfe, etc.). Vers la fin du XVIIe siècle,
A. Scarlatti, grâce à l’Accademia degli
Arcadi (fondée en 1689), qui relance la
forme, peut composer un nouveau type
de pastorale intime caractérisée par un
effectif vocal et instrumental réduit, sans
choeurs, et donné chez des particuliers.
Ainsi, en 1690, La Rosaura est représentée pour fêter un double mariage dans la
famille Ottoboni. Ce genre d’ouvrage sera
exploité par Haendel dans ses pastorales Il
Pastor fido (1712) et Acis et Galatea (1720).
Tout au long de cette période, la cantate
profane porte le flambeau de la pastorale,
même lorsque cette dernière est délaissée
par le théâtre.
Enfin, il faut constater l’existence en
Italie de la pastorale dans la musique religieuse, traitant en particulier l’histoire
de la Nativité du Seigneur, notre sauveur
et « bon pasteur », et dont les premiers
exemples sont les oeuvres vocales du Sicilien F. Fiammengo (Pastorali concenti al
presepe, 1637). Cette tradition se poursui-
vit en Autriche (Werner, Haydn), et les
oeuvres de ce type citent volontiers des
mélodies populaires. La pastorale s’adapta
par la suite à la musique instrumentale
(« Symphonies pastorales » de Bach ou
du Messie de Haendel). Quelquefois les
compositeurs ont été tentés par la pastorale proprement dite (R. Strauss : Daphne,
1938 ; B. Britten, le Songe d’une nuit d’été,
1960). L’élément pastoral dans la musique
est un vaste sujet ; dans ses rapports
avec cet art, il reste encore en France aujourd’hui en grande partie inexploré.
PASTOURELLE.
1. Genre en honneur au XIIIe siècle dans
les chansons de trouveurs, dont le sujet est
la rencontre d’une bergère avec un chevalier qui lui fait la cour, et parfois cherche
à l’enlever ; tantôt la bergère consent, tantôt elle résiste, appelant à l’aide son ami
et d’autres paysans. La première partie du
Jeu de Robin et Marion d’Adam de la Halle
(v. 1282) est une adaptation théâtrale parlée du thème de la pastourelle, avec insertion de « refrains » chantés empruntés
au répertoire de l’époque. On attribue au
roi Saint Louis une « pastourelle pieuse »
adaptant ce même thème par parodie à la
rencontre mystique du chrétien avec la
Vierge.
2. Genre populaire de représentation
théâtrale, parfois chantée en tout ou en
partie, mettant en scène des bergers recevant des anges l’annonce de la naissance
du Christ. La tradition, très répandue,
surtout dans les pays méridionaux, en est
certainement très ancienne, mais difficile
à dater, et les textes conservés peuvent
remonter à des époques très variables. On
dit aussi pastorale.
PATTI (Adelina), soprano italienne (Madrid 1843 - château de Croig-y-Nos, pays
de Galles, 1919).
C’est la plus ancienne cantatrice dont on
possède des disques, réalisés il est vrai
alors qu’elle avait soixante ans, et aussi,
peut-être, celle qui fit la carrière la plus
longue, puisqu’elle débuta à New York
dans le rôle de Lucia di Lamermoor en
1859 et paraissait encore dans un concert
de charité en 1910. Adelina Patti connut
une célébrité inouïe dans le monde entier.
Sa voix allait du do grave au contre fa aigu,
et elle vocalisait avec une extrême agilité,
ce qui lui permit d’aborder avec un même
bonheur des rôles coloratur, comme Lucia
ou Amina dans la Somnambule de Bellini,
et dramatiques, comme Aïda ou Leonora
d’Il Trovatore de Verdi. Elle excellait aussi
dans Juliette et Marguerite de Gounod.
Son timbre était admiré, pour sa richesse
autant que pour sa clarté. C’est pour la
jeune Adelina Patti que Rossini adapta la
partie de Rosine du Barbier de Séville, primitivement écrit pour un mezzo-soprano.
Son émission était d’une égalité parfaite,
mais ses détracteurs lui reprochaient de
manquer de tempérament artistique.
PATZAK (Julius), ténor autrichien
(Vienne 1898 - Rottach-Egern, Bavière,
1974).
Il étudia à Vienne avec Guido Adler et E.
Mandyczewski, mais fut autodidacte en ce
qui concerne le chant. Après ses débuts
en 1926, il chanta à l’Opéra de Munich
de 1928 à 1945, puis à l’Opéra de Vienne
de 1946 à 1959, et fut également invité au
festival de Salzbourg (1943 et 1945). Son
répertoire, très étendu, incluait aussi bien
l’opéra que l’oratorio et le lied. Considéré
comme un spécialiste de Mozart, il interpréta également Bach, Haydn, Beethoven,
Moussorgski, Verdi, Mahler et Puccini.
Il enseigna à l’Académie de musique de
Vienne et au Mozarteum de Salzbourg.
PAUMANN (Conrad), organiste, luthiste,
compositeur et pédagogue allemand
(Nuremberg v. 1415 - Munich 1473)
Aveugle de naissance, il fit toute sa carrière
comme organiste, à Nuremberg d’abord
(1446-1450), puis à Munich, au service des
ducs de Bavière. Considéré comme le plus
fameux musicien allemand de son siècle, il
connut une grande gloire ; ayant joué avec
succès devant les grands de ce monde, plusieurs souverains cherchèrent à l’attirer
à leur cour, mais il demeura en Bavière,
qu’il ne quitta que pour un voyage en Italie qui le fit séjourner à Mantoue en 1470.
Il a peu composé, et l’on ne connait guère
de lui que quelques pièces figurant dans le
Buxheimer Orgelbuch (« Livre d’orgue de
Buxheim »).
Mais c’est surtout par son enseignement et par sa théorie de la musique qu’il
a exercé une influence profonde sur ses
successeurs. On doit à la rédaction de l’un
de ses élèves le Fondamentum organisandi
Magistri C. P. Ceci de Nuremberga (« Bases
de l’art de l’orgue », de Conrad Paumann
l’aveugle de Nuremberg ; 1452). Paumann
y montre les façons d’improviser à deux et
à trois voix à partir d’un chant donné, et
de l’orner de manières très variées. On lui
doit aussi vraisemblablement l’invention
de la tablature de luth allemande.
PAUMGARTNER (Bernhard), chef d’orchestre, musicologue et compositeur autrichien (Vienne 1887 - Salzbourg 1971).
Il fait ses études à Vienne avec B. Walter (théorie et direction d’orchestre), R.
Dienzl (piano) et K. Stiegler (cor). Il obtient un doctorat de droit en 1911 et est
alors répétiteur à l’opéra pendant un an.
Il dirige le Wiener Tonkunstlerorchester de
1914 à 1917 (tout en travaillant au ministère de la Guerre), puis part à Salzbourg,
où il devient l’une des grandes personnalités musicales. Directeur du Mozarteum de
1917 à 1938, puis de 1945 à 1953, il fonde
en 1952 la Camerata academica et dirige
de 1960 jusqu’à sa mort le festival de Salzbourg dont il est l’un des cofondateurs.
La plupart de ses publications concernent
Mozart. Il écrit en 1927 une biographie
du compositeur et édite plusieurs de ses
oeuvres ainsi que la correspondance de
Leopold Mozart avec sa fille (1936). Il est,
en outre, l’auteur de biographies de Schubert (1943) et Bach (1956), et a également
fait des recherches sur la musique baroque
italienne.
Enfin, il a composé de la musique pour
la scène et des opéras, et joué un rôle pédagogique certain à Salzbourg, où H. von
Karajan a été de ses élèves.
PAUSE.
Signe indiquant un silence d’une mesure
entière, quelle que soit la longueur de
celle-ci.
Sa représentation graphique est un tiret
épais et court, appuyé sur la troisième
ligne de la portée.
PAVANE.
Danse de cour de rythme binaire (à 4
temps) et d’allure marchée, très répandue
au XVIe et au début du XVIIe siècle, et qui
aurait remplacé la basse-danse (en déclin
au milieu du XVIe s.).
Son nom vient de l’italien paduana ou
padovana, adjectif signifiant « qui vient
de Padoue ». Un recueil de 1508 (contenant les plus anciennes pavanes attestées)
comprend des pavanes alla venetiana et
alla ferrarese.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Connue aujourd’hui comme une danse
lente, grave et compassée (d’où l’étymologie douteuse qui la fait dériver de l’espagnol pavon, « paon »), la pavane était sans
doute au départ une danse assez rapide.
Toinot Arbeau, dans son Orchésographie,
la décrit comme « facile à danser », avec
deux pas simples et un double en avant
(commençant par le pied gauche) et les
mêmes pas en arrière, en commençant par
le pied droit. C’est la célèbre pavane Belle
qui tient ma vie qu’il donne en exemple,
avec un rythme d’accompagnement d’une
blanche et de deux noires. Souvent prise
pour une danse d’origine espagnole, la pavane était dansée en procession marchée,
pour l’ouverture des bals. Dans les recueils
du temps, elle introduit chaque suite, et
se trouve fréquemment suivie d’un saltarello, ou d’une gaillarde à 3 temps basée
sur le même matériel thématique, par
changement de rythme et de tempo (dite
pour cela « gaillarde de la pavane »). Ainsi
dans les recueils de Pierre Attaignant (à
partir de 1530), d’Adrian Le Roy, de Thomas Morley, d’Alonso Mudana (1546, où
elle est caractérisée comme danse assez
rapide) et de William Byrd (My Ladye
Nevell’s Booke, 1591, qui contient des pavanes à titres expressifs comme la Melancholy Pavan). Les fameuses Lachrymae de
John Dowland, à 4 parties, variations sur
le thème Flow my tears, sont elles aussi des
pavanes.
La pavane réapparaît au début du
XVIIe siècle, comme danse d’introduction
des suites de Scheidt et Schein (Banchetto
musicale, 1617), puis disparaît peu à peu.
Quelques pièces musicales du début du
XXe siècle ont repris le titre de pavane,
dans une intention archaïsante, et en l’interprétant comme une danse espagnole
lente et mélancolique (Pavane, 1887, de
Fauré, Pavane pour une infante défunte de
Ravel, 1899 ; Pavane de Vaughan Williams
dans Job, 1930, etc.).
PAVAROTTI (Luciano), ténor italien (Modène 1935).
En 1961, il gagna le concours de chant de
Parme, et y fit ses débuts la même année
dans Rodolphe de la Bohême. Son succès
détermina des engagements dans toute
l’Italie, puis à l’étranger : Edgardo dans
Lucie de Lammermoor à Amsterdam en
1963, Idamante dans Idoménée de Mozart
à Glyndebourne en 1964. Sa voix de ténor
lyrique est d’une grande richesse, avec
un aigu d’une facilité extrême. Dans les
années 75, il a abordé des rôles un peu
plus corsés, tels Manrico dans Il Trovatore
et Calaf dans Turandot. Mais sa parfaite
technique semble capable de les surmonter sans dommage. Son art réalise de façon
accomplie l’équilibre entre des qualités
vocales superlatives et une excellente musicalité faisant de Pavarotti un des meilleurs chanteurs de l’époque actuelle.
PAZ (Juan Carlos), compositeur argentin
(Buenos Aires 1901 - id. 1972).
Il fit ses études en autodidacte, puis travailla à Buenos Aires avec Roberto Nery,
Jules Beyer et Constantino Gaito. Il fut
membre fondateur du groupe Renovación
musical (1929) et fondateur des Conciertos de la nueva musica (1937), organismes
destinés à assurer une plus grande diffusion à la musique contemporaine et dodécaphonique en Argentine. Professeur,
musicologue et critique, il a été l’un des
animateurs les plus efficaces de l’activité
musicale dans son pays. Son évolution de
compositeur l’a conduit du néoclassicisme
(style harmonique tonal, chromatique) à
la polytonalité, puis au dodécaphonisme
et, après 1955, à une investigation personnelle de nouveaux moyens d’expression
(formes ouvertes). Il a écrit des oeuvres
pour orchestre (concertos et poèmes symphoniques), pour piano (Inventions), et
des compositions dodécaphoniques pour
différentes combinaisons instrumentales.
Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages - Schönberg et la Fin de l’ère tonale,
la Musique aux États-Unis, Introduction à
la musique de notre temps - et de plus de
200 essais sur la musique contemporaine.
PEARS (Peter), ténor anglais (Farnham
1910 - Aldeburgh 1986).
Après avoir chanté dans les choeurs de la
BBC, il débuta à Londres en 1942, dans
le rôle d’Hoffmann. Après avoir chanté
Mozart et le répertoire italien, il fut plus
particulièrement associé, à partir de 1945,
à la musique de Benjamin Britten, dont il
créa la plupart des oeuvres lyriques, tant
au théâtre (Peter Grimes) qu’au concert. Si
les moyens vocaux de Peter Pears n’étaient
pas exceptionnels, il était un musicien remarquable, un styliste parfait (d’où son
triomphe comme évangéliste dans les
Passions de Bach) et un acteur doué d’une
personnalité certaine.
PÉDALE.
1. Levier existant sur certains instruments
et qui s’actionne avec le pied, permettant
d’accomplir certaines opérations sans
interrompre le jeu avec les mains. Sur
l’orgue, la pédale peut servir à faire sonner des tuyaux graves (c’est le pédalier, qui
est un clavier de pédales plus ou moins
fourni) et aussi à opérer certains changements de registration (accouplement, par
exemple). Sur le piano, elle sert à agir sur
le timbre et la résonance (pédale « forte »
qui éloigne les étouffoirs des cordes, et
ainsi prolonge la résonance et augmente
l’intensité ; pédale « douce », ou « sourdine », qui déplace le marteau par rapport
à la corde - ou inversement - pour ne lui
faire frapper qu’une ou deux cordes, d’où
atténuation du timbre et de la résonance ;
une troisième pédale, dite « tonale » ou
« de prolongation », équipe certains
grands pianos, servant à prolonger certains sons et non les autres). Sur la harpe
moderne, plusieurs pédales permettent
de faire les altérations chromatiques en
modifiant la tension des cordes. Sur de
grands clavecins de fabrication moderne,
la pédale sert à enclencher des registres.
Les instruments électrifiés ou électroniques comportent souvent des pédales
permettant de modifier le timbre d’une
manière continue (pédale « wah-wah » sur
les guitares électriques). Les timbales modernes en ont pour établir ou faire varier
l’accord, etc.
2. Dans le vocabulaire de l’harmonie, la
pédale est une note tenue longuement à
l’une des parties, cependant que les autres
parties continuent d’évoluer, produisant
des accords qui peuvent créer avec elle
des dissonances assez dures, ou bien au
contraire l’intégrer à leur harmonie globale. Ce procédé est issu des instruments
tels que la cornemuse ou la vielle à roue,
qui émettent un « bourdon » sur les notes
de tonique et de dominante. Mais son nom
lui vient de l’orgue, car c’est une touche de
pédalier qui servait sur cet instrument à
tenir des notes à la basse. La pédale est en
effet couramment une note de basse, sur la
tonique ou la dominante du ton, servant
à l’affirmer ou à le réintroduire. Ainsi, la
musique classique utilise couramment
des pédales de dominante aux moments
« stratégiques » de certaines formes, pour
préparer notamment la rentrée du ton
principal (fin d’une fugue, fin du développement, dans une forme sonate, avant la
réexposition)... Dans les genres lyriques
et scéniques, la pédale est souvent utilisée
pour son effet dramatique de « suspension
du temps » (pédales de basse dans le début
du récit de Wotan à Brünnhilde, au deuxième acte de la Walkyrie). Par extension,
Olivier Messiaen a appliqué le terme à la
répétition textuelle et systématique d’une
brève formule mélodique, rythmique, ou
harmonique (ce que l’on nomme aussi
parfois « ostinato »), procédé qu’il a employé assez souvent dans ses oeuvres (Quatuor pour la fin du temps).
PÉDALIER.
Clavier d’orgue dont les touches sont actionnées par les pieds de l’exécutant.
La forme, l’étendue et les ressources du
pédalier ont beaucoup évolué. D’abord
constitué de quelques « marches » venant
au secours des claviers manuels pour les
notes les plus graves, il connut, aux XVIIe
et XVIIIe siècles, deux types de réalisation : le pédalier « à la française » (celui
de Couperin et de Grigny), plancher d’où
font saillie les chevilles correspondant aux
notes, et le pédalier « à l’allemande » (celui
de Buxtehude et de Bach), série de lames
de bois rangées comme les touches du cladownloadModeText.vue.download 773 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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vier. Permettant une virtuosité bien plus
grande que celui à la française, le pédalier
à l’allemande survécut seul au XIXe siècle.
Perfectionné par le relèvement de ses
touches extrêmes et parfois une disposition en éventail, il compte aujourd’ hui 32
notes (ut-sol) correspondant à la partie
grave des claviers manuels. Initialement
accouplé aux claviers par une tirasse, le
pédalier a acquis progressivement sa personnalité de plan sonore indépendant
auquel sont confiées les parties de basse
et certaines voix de ténor. C’est donc au
pédalier que sont placés les jeux les plus
graves de l’orgue, qui servent de soutènement à la polyphonie instrumentale.
Le jeu du pédalier fait appel à la pointe
et au talon de chacun des deux pieds, ce
qui permet d’exécuter des traits rapides
et de lier ou de détacher les notes dans
un phrasé comparable à celui des doigts
aux claviers manuels. Depuis Bach, qui
en jouait en virtuose, le pédalier se voit
confier des parties musicales autonomes
et indépendantes - voix de fugue ou de sonate en trio, mélodie de choral - au même
titre qu’une main sur un clavier.
Des pédaliers en tirasse ont été adaptés
sur d’autres instruments que l’orgue, tels
le clavecin, l’harmonium ou le piano, principalement en vue de l’étude de l’orgue.
On utilise un pédalier dans les carillons.
PEDRELL (Felipe), compositeur, folkloriste et musicologue espagnol (Tortosa,
Catalogne, 1841 - Barcelone 1922).
Presque autodidacte, il suivit les classes
d’histoire et d’esthétique musicale au
conservatoire de Madrid, et écrivit
d’abord des opéras (le Dernier des Abencérages, Quasimodo) et des poèmes chantés (le Chant de la montagne, Invocation
à la nuit). Dès 1891, son essai Pour notre
musique attira l’attention des musiciens
sur la haute tradition polyphonique de
l’Espagne et l’immense richesse de ses
chants populaires. La même année, il termina sa trilogie les Pyrénées. Plus qu’à la
composition, c’est à son oeuvre de folkloriste qu’il se consacra désormais, avec
compétence et prosélytisme : en témoigne
sa contribution à la résurrection de Tomas
Luis de Vittoria, dont il édita les oeuvres
complètes (8 vol., Leipzig, 1902-1913).
Professeur d’esthétique musicale au
conservatoire de Madrid, Pedrell enseigna
également l’harmonie et la composition à
Albéniz, Granados, Vivès et De Falla. Le
Cancionero popular español, qu’il devait
laisser inachevé, est la synthèse de toutes
ses recherches. Cet important travail
d’érudition et de réalisation de musique
ancienne a mis au second plan l’oeuvre de
Pedrell comme compositeur. Il en conçut
une grande amertume que l’enthousiasme
de quelques admirateurs (dont De Falla)
ne put dissiper.
Promoteur et chef de l’école moderne
espagnole, Pedrell a réussi à l’intégrer
dans le mouvement musical européen.
PEETERS (Flor), organiste, compositeur
et pédagogue belge (Tielen 1903 - Anvers 1986).
Élève de l’Institut Lemmens de Malines,
puis, au Conservatoire national supérieur
de Paris, de Marcel Dupré et de Charles
Tournemire, il est depuis 1923 titulaire
des orgues de la cathédrale de Malines.
Professeur à l’Institut Lemmens (19231952), au conservatoire de Gand (19311948) et à celui de Tilburg (1935-1948), il
a été nommé professeur au Conservatoire
flamand d’Anvers en 1948, avant d’en
devenir le directeur de 1952 à 1968. Il a
écrit de nombreuses pièces pour orgue,
de la musique religieuse, de la musique de
chambre et symphonique, et publié des
recueils de musique ancienne et des méthodes d’orgue.
PEIRE VIDAL, troubadour provençal ( ?
v. 1170 - ? v. 1210).
Sa vie, dont certains points restent imprécis, donna lieu à de nombreuses légendes.
Il mena un mode d’existence itinérant, qui
le conduisit successivement à la cour de
Raimon II de Toulouse, à celle de Barral
de Marseille, du roi Alphonse II d’Aragon,
et de Boniface de Montferrat. Il séjourna
également à Pise et à Gênes, fit un voyage
en Hongrie, et participa peut-être à la 3e
croisade. Il vécut quelque temps à Malte,
et mourut vraisemblablement à Salonique.
On a retrouvé une cinquantaine de ses
chansons, dont 12 avec la musique notée,
parmi lesquelles Anc no mori per amour,
Bem pac d’ivern e d’estieu, Quant hom es en
autrui poder ; elles montrent un esprit à la
fois sensible, imaginatif et ironique, et révèlent une invention mélodique originale.
PEIXINHO (Jorge), compositeur portugais (Montijo 1940 - Lisbonne 1995).
Il étudie la composition et le piano au
Conservatoire de Lisbonne et poursuit
ses études à Rome, notamment sous la
direction de Petrassi. Il passe son diplôme
à l’Académie Sainte-Cécile en 1961 mais
travaille ensuite à Venise avec Luigi Nono,
ainsi qu’à Bâle avec Pierre Boulez et Karl-
heinz Stockhausen en tant que boursier de
la Fondation Gulbenkian. Ses premières
oeuvres sont d’inspiration postwebernienne, mais il a peu à peu évolué vers un
style plus libre, intégrant l’improvisation
collective et la musique électronique. Il
a enseigné la composition au Conservatoire de Lisbonne, a fondé le Grupo de
música contemporânea de Lisboa (1970),
a travaillé dans bon nombre de studios
(notamment à Bourges, au G.M.E.B., où
l’on crée en 1992 la Forêt sacrée). On lui
doit notamment Políptico pour orchestre
(1960), Cromomorfose pour 12 instruments (1963-1968), Diafonia 2 pour ensemble (1963-1965), Ma fin est mon commencement pour 7 instruments (1972),
Succecões simétricas 3 pour orchestre de
chambre (1974), Madrigal pour choeur
(1975). Dans sa dernière période créatrice
(Canto germinal, musique électronique,
1989 ; Alis pour orchestre à cordes, 1990 ;
et, surtout, Floreal pour flûte, clarinette
basse, harpe, célesta, violon et alto, 1992),
Peixinho développe des structures musicales de type processuel dont l’évolution
est basée sur un petit nombre de principes
exploités d’une manière cohérente et rigoureuse.
PELLEGRIN (Simon-Joseph, dit l’Abbé),
librettiste, poète et écrivain français
(Marseille 1663 - Paris 1745).
Après être entré dans les ordres, il devient
aumônier de la marine et effectue alors
deux voyages en Orient. À son retour en
1703, il se met à écrire et remporte divers
prix littéraires, dont celui de l’Académie
française en 1704, ce qui lui attire la protection de Mme de Maintenon. Elle le fait
entrer à Cluny et, à partir de cette époque,
il mène de front ses fonctions religieuses
et ses activités littéraires, fournissant livrets d’opéras et pièces à tous les théâtres
parisiens, et composant pour l’école de
Saint-Cyr psaumes, cantiques et noëls
sur des airs d’opéras célèbres, sa prolixité
étant souvent au détriment de la qualité de
ses vers. Il finit par être excommunié par
le cardinal de Noailles, jugeant ces deux
activités incompatibles. Son premier livret
d’opéra, Renaud, suite d’Armide, est mis
en musique par Desmarets en 1705. Il collabore ensuite avec Destouches, Campra,
Colin de Blamont, Montéclair et Rameau,
entre autres, essayant de rénover la tradition fixée par Lully. Enfin, en 1732, il
crée le premier opéra biblique avec Jephté,
mis en musique par Montéclair. La même
année, sa collaboration avec Rameau (pour
lequel il écrira plus tard les Fêtes d’Hébé)
aboutit à Hippolyte et Aricie (1733), qui
provoque la fameuse querelle des ramistes
et des lullystes. Son talent, bien qu’un peu
dispersé, était certain et particulièrement
bien adapté à la création musicale. Il jouit
d’une très grande célébrité dans la première moitié du XVIIIe siècle.
PENDERECKI (Krzysztof), compositeur
polonais (Debica 1933).
Il étudia la composition à l’École supérieure de musique de Cracovie avec Franticzek Skolyszewski, Artur Malawski et
Stanislaw Wiechowicz, et, dès 1959, reçut
de l’Union des compositeurs polonais
un prix couronnant ses trois premières
oeuvres importantes : Psaumes de David,
pour choeur mixte, cordes et percussions
(1958) ; Émanations, pour 2 orchestres à
cordes (1959) ; et Strophes pour soprano,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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récitant et 10 instruments (1959). Ces
pièces contenaient déjà les futures caractéristiques du compositeur. Suivirent
Miniatures, pour violon et piano (1959) ;
Anaklasis, pour 42 instruments à cordes
et groupes de percussion (1959-60), qui
révéla Penderecki sur le plan international
à Donaueschingen en 1960 ; Dimensions
du temps et du silence, pour choeur mixte,
cordes et percussions (1959-60 ; rév.
1961) ; Threnos, pour 52 cordes (1960) ;
Quatuor à cordes no 1 (1960) ; Fonogrammi,
pour flûte et orchestre de chambre (1961) ;
Psaume, musique électronique (1961) ; Polymorphie, pour 48 cordes (1961) ; Canon
pour orchestre à cordes et bande magnétique (1962) ; et Fluorescences, pour grand
orchestre (1962).
Toutes ces oeuvres témoignent de
l’intérêt de Penderecki pour le timbre
instrumental, et de son prolongement
dans le traitement des voix. Cet intérêt se
manifesta tout d’abord dans l’écriture des
cordes : clusters, nuages de micro-intervalles, multiplication des parties solistes,
importance donnée à la notion de densité,
d’épaisseur, recherche de nouvelles sonorités grâce à des techniques inhabituelles
de la corde et de l’archet. Ces éléments
conduisirent le compositeur à concevoir
une écriture schématique qui devint rapidement purement graphique. Cela sans
oublier une exploration systématique de
toutes les ressources instrumentales, du
son au bruit (coups frappés sur la caisse
de résonance des instruments à cordes).
Cette démarche devait aboutir dans Fluorescences à l’intégration dans le discours
musical d’éléments timbriques et bruitistes (sirènes d’alarme, machines à écrire,
morceaux de bois, de verre ou de fer).
Dans les Psaumes de David avait été
tentée une première synthèse entre le
sérialisme et la technique du chant grégorien. Cette voie fut poursuivie plus
avant dans le Stabat Mater, pour 3 choeurs
mixtes a cappella, plus tard intégré dans
la Passion selon saint Luc. Suivirent Todesbrigade, musique électronique pour une
pièce radiophonique (1963) ; la Cantata in
honorem Amae Matris universitatis Jagellonicae, pour choeur et orchestre (1964) ;
une Sonate pour violoncelle et orchestre
(1964) ; un Capriccio pour hautbois et
cordes (1965) ; la Passion selon saint Luc
(1965-66) ; De natura sonoris, pour grand
orchestre (1966) ; Dies irae, oratorio à
la mémoire des victimes d’Auschwitz,
pour choeur mixte et orchestre (1967) ;
la Pittsburgh Ouverture, pour orchestre
d’instruments à vent, percussion, harpe
et piano (1967) ; le Capriccio pour violon
et orchestre (1967) ; le Capriccio per Siegfried Palm, pour violoncelle seul (1968) ;
le Quatuor à cordes no 2 (1968) ; et l’opéra
en 3 actes les Diables de Loudun (1968-69).
Dans les années 70, Penderecki continua à exploiter ses trouvailles sonores tout
en évoluant de plus en plus dans une sorte
de néoromantisme teinté de germanisme.
Naquirent alors Utrenja (ou Messe russe),
vaste fresque chantée en vieux slavon et
en 2 parties ; la Mise au tombeau (196970) et la Résurrection (1970-71) ; De natura
sonoris, pour orchestre (1970) ; Kosmogonia pour solos, choeur mixte et orchestre
(1970), commande de l’O. N. U. pour
son vingt-cinquième anniversaire ; Prélude, pour vents, percussion, instruments
à clavier et contrebasses (1971) ; Actions,
pour orchestre de jazz (1971) ; Partita,
pour clavecin, guitare, guitare basse électrique, harpe, contrebasse et orchestre
(1971-72) ; Concerto, pour violoncelle
et orchestre (1972) ; Ecloga VIII, pour 6
voix d’hommes (1972) ; Canticum canticorum Salomonis, pour choeur mixte à 16
voix et orchestre (1970-1973) ; Symphonie no 1 (1972-73) ; Intermezzo, pour 24
cordes (1973) ; Magnificat, pour basse, 7
voix d’hommes, 2 choeurs mixtes, choeur
d’enfants et orchestre (1973-74) ; Quand
Jacob s’est éveillé, pour orchestre (1974) ;
Concerto pour violon et orchestre (197677) ; Paradise Lost, opéra (sacra rappresentazione) en 2 actes (1976-1978) ; Te Deum,
pour solos, choeur et orchestre (1979) ;
Capriccio per tuba (1980) ; Symphonie no
2 (1979-80) ; un Concerto pour violoncelle
(Berlin, 1983) ; Lux aeterna (1983) ; les
opéras le Masque noir (Salzbourg 1986) et
Ubu Rex (Munich, 1991) ; Symphonies no
3 (1988-1995), no 4 (1989) et no 5 (1992).
Prix Arthur-Honegger en 1979, Penderecki a été fait docteur honoris causa
par l’université de Rochester en 1972 et
par celle de Bordeaux en 1979. De 1972 à
1987, il a été recteur de l’École supérieure
de musique de Cracovie.
PENNETIER (Jean-Claude), pianiste français (Châtellerault 1942).
Il commence l’étude du piano à l’âge de
trois ans et entre quelques années plus tard
dans les classes de piano et de musique de
chambre au Conservatoire de Paris, où il
obtient deux premiers prix. Lauréat du
Concours Marguerite Long, premier prix
du Concours international de Montréal
puis, en 1968, de celui de Genève, il commence une brillante carrière de soliste. Au
début des années 70, il l’interrompt pour
travailler la composition, la direction
d’orchestre, approfondir son répertoire
de pianiste et sa réflexion sur la musique.
De nombreuses voies s’ouvrent ainsi à lui :
théâtre musical, écriture d’opéras pour
enfants, découverte du pianoforte et, surtout, pratique assidue de la musique de
chambre. Il dirige l’Ensemble InterContemporain, l’Ensemble 2e2m. De 1995 à
1992, il enseigne la musique de chambre
au Conservatoire de Paris. Profondément
concerné par la création de son temps,
composant lui-même, il a créé des oeuvres
de P. Hersant, M. Ohana, P. Dusapin, C.
Miereanu, etc.
PENTACORDE.
Fragment d’une gamme formé de cinq
notes conjointes.
Se dit surtout quand il s’agit d’aller de
la tonique à la dominante (do-ré-mi-fa-sol)
ou de la sous-dominante à la tonique (fasol-la-si-do) : respectivement premier et
deuxième pentacordes.
PENTATONIQUE.
Dans la progression des échelles produites
par le cycle des quintes, et qui va du ditonique (2 notes par octave) à l’heptatonique (7 notes), le stade dit pentatonique
(5 notes) est l’un des plus importants.
Répandu sur toute la surface du globe
(on l’appelait autrefois à tort « gamme
chinoise »), présent jusque dans l’infrastructure modale du grégorien, il correspond à une gamme sans demi-tons (dite
anhémitonique), dont le modèle est donné
par les touches noires du piano.
Selon la note prise pour tonique, on
distingue 5 modes pentatoniques diversement numérotés selon les musicologues :
la seule nomenclature qui ne prête pas à
confusion est celle qui emploie non des
numéros, mais des indications de notes
(pentatonique fa, pentatonique sol, etc.).
La convention admise est d’identifier les
degrés du pentatonique aux notes comportant des touches noires comme dièses,
soit une gamme sans mi ni si divisée en
deux groupes (do-ré, fa-sol-la) que sépare
un intervalle de trihémiton (un ton et
demi) incomposé, c’est-à-dire analogue
aux intervalles « conjoints » de la musique
classique. Certains donnent à ces groupes
le nom de pycnon, empruntant le terme
à la musique grecque antique, mais dans
cette dernière ce même mot possède une
définition incompatible avec cet emploi.
De même certains musicographes emploient abusivement le mot pentatonique
pour désigner n’importe quelle échelle à 5
sons, ce qui introduit parfois d’inutiles et
regrettables confusions.
À côté du pentatonique anhémitonique
figurent parfois des pentatoniques hémitoniques, c’est-à-dire pourvus de demitons résultant d’un déplacement attractif
de notes, et non plus uniquement, comme
le précédent, d’une suite de sons s’engendrant par quintes ou quartes. On les
trouve surtout dans la musique japonaise
ou balinaise (par ex., en descendant : mido-si-la-fa-mi).
PENTLAND (Barbara), femme composi-
teur canadienne (Winnipeg 1912).
Elle a fait ses études musicales à Paris
(1929-30), à la Juilliard School de New
York (1936 à 1938) et au Berkshire Music
Center (1941-42), notamment avec CodownloadModeText.vue.download 775 sur 1085
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pland. Professeur au conservatoire de
Toronto (1943), membre de la faculté de
musique de l’université de Colombie-Britannique (1949-1963), elle est partie d’une
esthétique néoclassique ouverte à toutes
les sonorités nouvelles. Elle a écrit ensuite
quelques oeuvres sérielles et aléatoires. Son
rôle d’éducatrice est également important.
On lui doit notamment The Lake, opéra
de chambre en 1 acte (1952), 4 symphonies (1945-1959), Variations concertantes,
pour piano et orchestre (1970), Sung Songs
1-3 (1964) et 4-5 (1964-65), Disaster of the
Sun pour bande et 9 exécutants (1976), un
Quintette avec piano (1983), Elegy pour
violoncelle et piano (1985) ainsi que de
nombreuses pièces pour piano.
PÉPIN (Clermont), compositeur canadien (Saint-Georges de Beauce, Québec,
1926).
Il fit ses études musicales à Québec et à
Montréal, au Curtis Institute de Philadelphie (1941), au conservatoire de Toronto
et, enfin, à Paris, où il travailla avec Honegger, Jolivet et Messiaen (1949-1955).
De 1955 à 1964, il enseigna au conservatoire de Montréal. Son style vigoureux a
assimilé les syntaxes les plus modernes,
y compris l’électroacoustique. Il semble
cependant que la technique sérielle soit
plus conforme à sa nature et à son esthétique. On lui doit notamment 3 symphonies (1948, 1957, 1967), 2 concertos pour
piano, les poèmes symphoniques Guernica (1952) et le Rite du soleil noir (1955),
Nombres, pour deux pianos et orchestre
(1962), les ballets les Portes de l’Enfer
(1953), l’Oiseau-Phénix (1956) et le PorteRêve (1957-58), des pièces pour piano, 4
quatuors à cordes, et en musique vocale
Cantique des cantiques (1950), Hymne au
vent du Nord (1960), 7 mélodies sur des
poèmes de Paul Eluard (1949), Monade
VII pour violon et piano (1986).
PEPUSCH (Johann Christian), compositeur allemand (Berlin 1667 - Londres
1752).
D’abord employé à la cour de Prusse, il
partit vers 1700 pour Londres, où il composa des masques (Venus et Adonis, 1715)
et devint directeur de la musique du futur
duc de Chandos. Outre l’Opéra du gueux,
il écrivit plus de 100 sonates pour violon
et de très nombreuses pour flûte, de la
musique religieuse, des cantates profanes.
Grand connaisseur de musique ancienne,
il laissa aussi un ouvrage théorique, A
Treatise on Harmony (1730).
PEPYS (Samuel), écrivain anglais ( ? 1633
Londres 1703).
Tout en travaillant comme secrétaire à
l’Amirauté, il était passionné de musique,
avait étudié le chant, jouait de divers instruments (violon, luth, théorbe, flageolet),
et avait constitué chez lui un véritable
musée instrumental. Il était également
compositeur, auteur de quelques airs. Le
principal intérêt qu’il représente pour
l’histoire de la musique tient à son Journal
(Diary), qu’il a tenu régulièrement neuf
années durant (1660-1669), et qui donne,
à travers des détails autobiographiques,
un témoignage vivant des goûts et de la
vie musicale en Angleterre à l’époque de la
Restauration des Stuarts.
PERAHIA (Murray), pianiste américain
(New York 1947).
Il commence le piano à l’âge de trois ans,
étudie quelques années plus tard avec
Abran Chasins, ainsi qu’à la High School
of Performing Arts. À l’âge de dix-sept
ans, il commence à étudier la composition
et la direction d’orchestre à la Mannes
School of Music de Manhattan. En 1967,
il se produit aux côtés de R. Serkin, A.
Schneider, P. Casals, et devient l’assistant
de Serkin au Curtis Institute de Philadelphie. L’année suivante, il donne son premier concert au Carnegie Hall et remporte
en 1972 le premier prix du Concours international de Leeds, inaugurant ainsi une
brillante carrière consacrée à parts égales
au récital, aux concerts avec orchestre et
à la musique de chambre. En 1982, il est
nommé codirecteur du Festival d’Aldeburgh, fondé par Britten. Excellent interprète de l’oeuvre de Mozart, il enregistre
l’intégrale de ses concertos pour piano et
les dirige parfois de son clavier.
PERCUSSION.
Instruments qui résonnent sous l’effet
d’un choc, à l’exception du piano (encore
que certains compositeurs modernes, à
l’exemple de Stravinski, traitent parfois le
piano en instrument à percussion).
Nombre d’entre eux (tronc d’arbre,
blocs, gourdes, guero, claves, etc.) étant
des corps sonores naturels à peine modifiés, on peut en déduire que les instruments à percussion sont les plus anciens
de tous. Mais ils connaissent depuis
quelques dizaines d’années un développement considérable, en raison de deux phénomènes indépendants l’un de l’autre : la
tendance de la musique moderne à favoriser le rythme aux dépens de la mélodie,
sous l’influence du jazz, et la recherche
de sonorités nouvelles, qui a conduit les
compositeurs à adopter de nombreux
instruments exotiques à percussion. Le
« batteur » d’une formation de jazz est un
personnage au moins aussi important que
le trompette ou le saxo solo, et il n’est pas
rare que les percussionnistes d’un grand
orchestre symphonique s’en détachent
pour donner des concerts, avec un répertoire de pièces spécialement écrites à leur
intention. Car les instruments à percussion offrent aujourd’hui une gamme très
étendue de sonorités graves, aiguës ou
neutres, de timbres et même de ressources
mélodiques.
On distingue 4 familles d’instruments
à percussion :
1. les peaux, qui comportent une ou deux
peaux tendues sur un « fût » (tambour,
timbales, grosse caisse, caisse claire, toms,
tumbas, bongos, etc.) ;
2. les bois (troncs d’arbre, blocs plats,
ronds ou cylindriques, claves, mokubios,
fouet, etc.) ;
3. les métaux (cloches, grelots, triangle,
cymbales, enclume, gongs et tam-tams) ;
4. les claviers. (Cette dernière appellation,
impropre dans la mesure où elle désigne
des instruments dépourvus de clés ou de
touches, s’applique en principe aux jeux
de lames de bois ou de métal [xylophone,
marimba, vibraphone, glockenspiel] ; il
serait logique de l’étendre à tous les corps
sonores réunis par jeux chromatiques
d’une octave ou davantage [cencerros,
crotales, etc.].)
Il faut également distinguer les instruments à hauteur de son définie, qui
donnent une note déterminée : timbales,
cloches, enclumes et naturellement tous
les « claviers ». À l’opposé, la hauteur de
son du tambour, de la grosse caisse, des
instruments de bruitage tels que les grelots, les fouets et la plupart des « bois » est
à peu près indiscernable. Entre ces deux
extrêmes, les cymbales, les gongs, les tamtams, les cloches de vache, certains blocs
et plusieurs « peaux » sonnent plus ou
moins haut, sans qu’il soit possible de leur
assigner une place précise dans l’échelle
des sons.
Il est impossible de citer tous les instruments à percussion qui ont existé - ou
existent encore de par le monde - depuis
que les hommes primitifs rythmaient leurs
danses avec tout ce qui leur tombait sous
la main. La plupart n’ont d’ailleurs même
pas de nom. Un terme générique tel que
tambour s’applique à une foule d’instruments très différents et, pour d’autres,
on a souvent recours à des onomatopées
du type tam-tam ou tom-tom. Il convient
toutefois de mentionner à part le cas des
tin-pan bands (litt. : « musiques de plaques
à tarte »), qui reconstituent au XXe siècle,
grâce aux sous-produits de la civilisation industrielle, le phénomène préhistorique des origines de la musique. Les
jeunes Noirs d’Amérique (et de certains
pays d’Afrique), qui n’ont pas d’argent
pour se procurer des instruments élaborés, se débrouillent avec les moyens du
bord. Comme ils n’ont pas non plus les
corps sonores naturels (troncs d’arbre,
bambous, crânes, etc.) dont disposaient
leurs ancêtres, ils font appel à la batterie
de cuisine usagée (moules à pâtisserie,
poêles à frire et casseroles), aux boîtes
de conserves, bidons d’essence et fûts de
pétrole vides, formant ainsi d’étonnants
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
770
ensembles qui doivent tout à leur ingéniosité et à leur instinct musical.
PERCUSSIONS DE STRASBOURG (les),
formation de 6 solistes percussionnistes
créée en 1961, en relation avec l’orchestre
de Strasbourg, dont ses membres étaient
issus, sous le nom de Groupe instrumental
à percussion de Strasbourg.
Constitué pour interpréter et susciter
un répertoire contemporain pour la percussion, ce groupe a pris, en 1966, son nom
définitif, peu avant de connaître un large
succès public, notamment par le disque.
Il fut initialement composé de Jean-Paul
Batigne, Gabriel Bouchet, Jean-Paul Finkbeiner, Detlev Kieffer (lequel est également compositeur et animateur musical),
Claude Ricou et Georges Van Gucht. Il
joue non seulement de l’ensemble des
instruments à percussion occidentaux,
mais aussi de nombreux instruments non
européens rassemblés aux quatre coins du
monde (plus de 140). Vers la fin des années
60 et au début des années 70, il connaît
une grande popularité en interprétant un
répertoire presque entièrement composé
de pièces composées pour lui et, la plupart
du temps, pour percussions seules : il a
ainsi contribué d’une manière importante
à développer et à faire mieux connaître le
répertoire contemporain. On lui doit aussi
une « méthode » d’enseignement de la
percussion moderne, avec certains instruments spécifiques, la méthode Percustra.
On citera, dans son répertoire, des oeuvres
de Maurice Ohana (Quatre Études chorégraphiques, Silenciaire), Miloslav Kabelac
(Huit Inventions), Roman HaubenstockRamati (Jeux 6), Gilbert Amy (Cycle),
Alain Louvier (Candrakala, Shima), Peter
Schat (Signalement), Serocki (Continuum),
André Boucourechliev (Archipel III),
Iannis Xenakis (Persephassa), Ivo Malec
(Actuor), André Jolivet (Cérémonial), Detlev Kieffer (Félix), Karlheinz Stockhausen
(Musik im Bauch), Tona Scherchen (Shen),
Georges Aperghis (Kriptogramma), Hugues Dufourt (Erewhon), etc.
PÉRÈS (Marcel), chanteur, chef de choeur
et musicologue français (Oran 1956).
Après des études d’orgue et de composition au Conservatoire de Nice, il poursuit
sa formation en Grande-Bretagne et au
Canada. De retour en France en 1979, il
se spécialise dans la musique médiévale
et fonde en 1982 l’ensemble Organum,
avec lequel il entreprend une exploration
méthodique des domaines encore mal
connus des répertoires médiévaux (le
chant vieux-romain et ses rapports avec
le chant byzantin, les micro-intervalles et
l’ornementation dans le chant grégorien,
les drames liturgiques, etc.) À partir de
1984, il dirige à la Fondation Royaumont
le Centre de recherche pour l’interprétation des musiques médiévales, qui prend
quelques années plus tard une dimension
européenne. Il réalise à partir de 1983 une
collection discographique consacrée aux
répertoires médiévaux. En 1990, il reçoit
le prix Léonard de Vinci.
PERFECTION.
Terme employé dans le solfège de la fin
du Moyen Âge pour désigner la division
d’une valeur en trois ; la division en deux
étant dite « imparfaite », par référence à la
perfection de la Sainte Trinité.
Dans la notation mensurale de la même
époque, une ligature était dite « avec » ou
« sans » perfection selon que, par la position de sa dernière note, celle-ci était ou
non allongée ; la même notion appliquée
au début de la ligature était dite « propriété ».
PERGOLESI (Giovanni Battista, ou Giambattista DRAGHI, dit), compositeur italien
(Jesi 1710 - Pozzuoli, Naples, 1736).
Fils d’un expert agronome de Pergola, il
révéla une intelligence précoce, apprit le
violon dans sa ville natale, et sans doute,
fin 1723, fut envoyé à Naples, où il fut élève
aux Poveri de Gesù Cristo. On ne sait s’il
bénéficia véritablement d’un mécénat, ou
s’il put aussitôt subvenir à ses besoins grâce
à son talent de violoniste, confirmé dès
1729. Élève de De Matteis et de Gaetano
Greco, il semble avoir achevé ses études
avec Vinci et avec Francesco Durante, et
les avoir couronnées avec l’exécution d’un
drame sacré (La Conversione di San Guglielmo d’Aquitania, contenant des scènes
comiques) et avec l’oratorio La Morte di
San Giuseppe. Il affronta sans succès le
véritable public au San Bartolomeo avec
Salustia (1732), puis triompha la même
année aux Fiorentini avec une comédie en
3 actes en dialecte napolitain due à G. A.
Federico, Lo Frate’nnamurato. En 1733,
l’opera seria Il Prigonier superbo contenait
l’intermezzo La Serva padrona qui, repris
isolément dès 1738, ne devait plus jamais
quitter l’affiche. De même, Livietta e Tra-
collo fut détaché de l’opera seria Adriano
in Siria (1734), sur un poème de Métastase. Ce dernier lui fournit encore une
Olimpiade, donnée à Rome en 1735. Dès
1732, Pergolesi avait occupé des fonctions
de maître de chapelle à Naples, cependant
que Rome le réclamait souvent. En 1735
se situe la légende de son amour, partagé
mais contrarié, avec Maria Spinelli, d’origine princière. Miné par une tuberculose
déjà ancienne, il se retira au couvent des
Capucins de Puozzoli, où il acheva son
Stabat Mater et mourut à vingt-six ans.
La vie trop brève de Pergolèse est encore très mal connue, et la fortune extraordinaire de sa Serva padrona, qui, malgré
sa valeur, n’est pas sa plus grande oeuvre,
devait conduire maints éditeurs à publier
sous son nom d’innombrables ouvrages de
Hasse, Vinci, Logroscino, etc. Des ariettes
célèbres, comme Se tu m’ami et Tre giorni
son che Nina, sont peut-être apocryphes,
et il en va de même de la plupart de la musique instrumentale qui lui fut attribuée :
on ne peut en retenir avec certitude que
1 ou 2 concertos et moins de 10 sonates.
Les 6 Concerti Armonici, qui circulèrent
sous son nom puis sous celui de Carlo
Ricciotti, ont été attribués récemment
(1980) à un mystérieux Hollandais, Unico
Graf Van Wassenaer (1692-1766). Une
meilleure connaissance de Durante, de
Leo et même de Hasse permettra un jour
de mieux situer Pergolèse, dont la place
apparaît néanmoins exceptionnelle en
son temps. Il se montra traditionnel dans
l’opera seria, où son écriture vocale reste
surchargée de tournures baroques, déjà
reniées par Alessandro Scarlatti, mais son
orchestre y est riche et original. Plus heureux dans le domaine léger, il y fit preuve
d’une inspiration mélodique expressive
et tendre, due à la grâce inhabituelle de
courtes formules peu développées. Ses
succès posthumes en la matière (La Serva
padrona fut à l’origine de la Querelle des
bouffons) le firent passer à tort pour l’inventeur de l’opera buffa et de l’intermezzo.
Mais c’est peut-être sa musique religieuse
et ses cantates qui révèlent le mieux son
génie. Les 2 ou 3 messes qui lui reviennent
avec certitude, ses Salve Regina et surtout son Stabat Mater annoncent parfois
Haydn, bien qu’antérieurs aux grandes
partitions de Haendel (mais il ne faut pas
oublier que Pergolèse était un contemporain de Gluck et de Carl Philipp Emanuel
Bach). La mort prématurée de Pergolèse
contribua à entretenir sa légende, mais il
reste un des plus grands représentants de
l’école napolitaine du XVIIIe siècle.
PERI (Jacopo), chanteur et compositeur
italien (Rome 1561 - Florence 1633).
Venu très jeune à Florence, il étudie la
musique avec Cristofano Malvezzi, puis
commence une carrière d’organiste dès
1579 et de chanteur dès 1586. Il est sans
doute, pendant cette période, en contact
avec la Camarata du comte Bardi, bien
qu’aucun document ne permette de l’attester. Il a déjà acquis, à cette époque, une
certaine renommée pour ses qualités de
chanteur, d’organiste et de compositeur. À
partir de 1588, il est au service des Médicis et participe l’année suivante au divertissement de G. Bargagli (La Pellegrina),
donné à l’occasion du mariage du duc
Ferdinando et de Christine de Lorraine.
Dans les années qui suivent, il appartient
au cénacle de poètes et musiciens, dominé
par E. de Cavalieri, qui se réunissent chez
Jacopo Corsi et tentent d’établir un prototype de drame musical conforme à l’idéal
antique des humanistes. Il y rencontre le
poète Ottavio Rinuccini et de cette époque
date une longue collaboration qui devait
très tôt porter ses fruits. Leur première
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
771
oeuvre commune est la pastorale Dafne
(1598), où Peri met pour la première fois
en pratique sa conception du style récitatif. Deux ans plus tard, en 1600 donc,
leurs efforts réunis aboutissent à Euridice
(premier opéra complet de l’histoire de la
musique), à laquelle G. Caccini apporte sa
contribution musicale et qui est exécutée
lors du mariage d’Henri IV et de Marie
de Médicis.
Peri continue, par la suite, à travailler
pour les Médicis, mais en tant que compositeur plus que chanteur. Il entretient
également des relations étroites avec la
cour de Mantoue et en particulier avec le
prince Ferdinando de Gonzague. En 1618,
il est nommé camarlingo generale dell’Arte
della Lana à Florence. Il ne chante déjà
plus, mais continue à composer, quoique
modérément, jusqu’à la fin de sa vie. La
majeure partie de son oeuvre a été per-
due, en particulier les nombreux ballets
et intermèdes composés pour les cours de
Florence et de Mantoue. Sa fréquente collaboration avec M. et G. B. da Gagliano et
avec Francesca Caccini a fait croire qu’il
était devenu le spécialiste du style récitatif
et a éclipsé ses dons musicaux réels. S’il est
vrai que son récitatif convient merveilleusement bien à sa fonction narrative, Peri
a d’autre part opéré avec Euridice une réforme totale du drame musical, où la musique est subordonnée au texte. Ses mélodies sont très expressives, lyriques même
parfois, et il n’hésite pas à user du chromatisme et de l’ornementation pour souligner le sens de la phrase. Il donne enfin
aux instruments un rôle de soutien, limité
à une improvisation sur la basse continue. Peri développera d’ailleurs ce type
d’écriture dans son recueil de chansons et
madrigaux, Le Varie Musiche (1609) à 1, 2
et 3 voix avec basse continue. Euridice est
l’aboutissement des années de recherche
des cénacles florentins, et l’oeuvre porte
en elle le ferment du nouveau style (stile
moderno) 55 55 244 que Monteverdi allait
porter à sa perfection.
PÉRIODE (du gr. peri et odos, « chemin
autour de »).
1. Par analogie avec l’analyse littéraire,
on appelle souvent période, en musique,
un groupement de phrases constituant un
ensemble sémantique cohérent et séparé
du groupement suivant par une respiration ou une ponctuation cadentielle. Pour
d’autres, au contraire, la période se situe
en deçà de la phrase et en constitue l’un
des éléments. La terminologie en cette
matière n’a jamais été fixée avec précision.
2. En physique acoustique, on appelle
périodique un phénomène constitué par la
répétition régulière d’éléments identiques,
chacun d’eux constituant une période.
Ainsi l’oscillation d’une corde vibrante
est par rapport au temps un phénomène
périodique.
PERLE (George), compositeur et musicologue américain (Bayonne, New Jersey,
1915).
Auteur d’une thèse intitulée Serial Composition and Atonality (Berkeley 1962),
il a enseigné de 1961 à 1984 au Queen’s
College de la City University of New York
et pratiqué comme compositeur un séria-
lisme très personnel, obtenant le prix Pulitzer pour son Quintette à vent no 4 (1985).
Il a publié en 1977 Twelve-tone Tonality et
en 1980 et 1985 respectivement les deux
volumes de The Operas of Alban Berg. Spécialiste de ce compositeur, il fut le premier
à découvrir la vérité sur le troisième acte
de Lulu et le « programme caché » de la
Suite lyrique.
PERLEMUTER (Vlado), pianiste français
(Kowno, Pologne, 1904).
Élève du Conservatoire de Paris, où il
obtient un premier prix, il apprend de
Moszkowski les bases techniques du piano
et de Cortot sa science du phrasé et du toucher. Ravel, qu’il rencontre en 1925 et avec
qui il travaillera toute l’oeuvre pianistique,
lui transmet son amour de la retenue, sa
haine de l’effet. Que ce soit Chopin, Fauré,
Liszt, Mozart ou Ravel, ses interprétations, avec leurs vertus d’économie des
moyens utilisés, de subtilité des rythmes et
des nuances, d’équilibre entre conception
d’ensemble et minutie du détail, sont sans
doute trop secrètes pour susciter l’admiration du plus grand nombre. Tout aussi
remarquable, le pédagogue a enseigné à
partir de 1950 au Conservatoire de Paris,
ainsi que lors de différents cours au Collège royal de musique de Londres, à l’Académie d’été de Dartington, au Canada et
au Japon.
PERLMAN (Itzhak), violoniste israélien
(Tel Aviv 1945).
Un an après avoir perdu l’usage de ses
jambes à la suite d’une attaque de poliomyélite, il commence, à cinq ans, l’étude
du violon, et donne à dix ses premiers
concerts avec l’orchestre de la radio israélienne. En 1958, grâce à un concours lancé
par le producteur Ed Sullivan, il passe à la
télévision américaine et gagne une bourse
pour continuer ses études à la Juilliard
School de New York, avec I. Galamian et
D. Delay. Il débute au Carnegie Hall en
1963 (avec le premier concerto de Wieniawski) et remporte l’année suivante le
concours Leventritt, ce qui le fait inviter
par les grandes formations américaines,
le Philharmonique de New York en tête.
Après une rentrée triomphale en Israël,
il fait ses débuts européens à Londres, en
1968, avec le London Symphonic Orchestra, et rencontre, lors des concerts d’été de
musique de chambre du Queen Elizabeth
Hall, D. Barenboïm, J. Du Pré, P. Zukerman et V. Ashkenazy, avec qui il noue des
liens musicaux et humains privilégiés.
Une autre amitié, celle d’André Previn,
lui ouvre les horizons du jazz : ils enregistrent ensemble plusieurs disques, dont
un hommage à S. Joplin. Sur son stradivarius de 1714, Perlman interprète et enregistre les oeuvres préférées de ses maîtres,
Kreisler, Milstein et, surtout, Heifetz, avec
qui il partage un goût immodéré pour les
pièces de virtuosité et les concertos fin
de siècle, ceux de Korngold et de Conus
en particulier. Dans le même esprit, il
enregistre en 1982 deux concertos écrits
pour lui par R. Starr et E. Kim, des pièces
d’un lyrisme sans prétention. Refusant un
enseignement officiel et routinier, il dirige
volontiers des classes dans les académies
d’été américaines, à Aspen, par exemple.
Comme Heifetz, Perlman détient le pouvoir de transfigurer le moindre morceau
de musique en chef-d’oeuvre, grâce à un
phrasé d’une grande pureté et à une sonorité rayonnante.
PERNET (André), basse française (Rambervillers, Vosges, 1894 - Paris 1966).
Il étudia à Paris avec Gresse et débuta à
Nice en 1921. Engagé à l’Opéra de Paris,
il y chanta régulièrement de 1928 à
1947. Pernet était un artiste lyrique d’une
classe exceptionnelle, très représentatif de
l’école de chant française à son meilleur
niveau. Sa voix n’était pas d’une puissance exceptionnelle, mais la qualité de
son timbre était inoubliable, et il possédait
une absolue maîtrise des colorations les
plus subtiles. Sa diction exemplaire, son
talent d’acteur, en firent un des grands
tragédiens lyriques de son époque. Il créa
de nombreux opéras contemporains, dont
Maximilien de Darius Milhaud et OEdipe
de George Enesco. André Pernet était
aussi extrêmement apprécié dans les rôles
de Méphisto, de Boris Godounov et de
Don Juan.
PÉROTIN, DIT PÉROTIN LE GRAND (magister Perotinus, PEROTINUS MAGNUS).
Le dernier et le plus célèbre des trois
principaux déchanteurs qui illustrèrent,
à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe,
l’école dite de Notre-Dame de Paris, les
deux premiers étant maître Albert et
maître Léonin. Les oeuvres conservées de
Pérotin, organa et conduits, parmi lesquelles les deux imposants « quadruples »
Viderunt omnes et Sederunt principes,
composés avant 1199, figurent à la place
d’honneur dans les principaux manuscrits
de l’école, mais le nom de leur auteur ne
nous est connu que par un auteur anglais
dit l’Anonyme IV de Coussemaker (nom
du premier éditeur du texte) ; cet auteur
écrivait au début du XIVe siècle et on en
parle encore avec admiration. On a supdownloadModeText.vue.download 778 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
772
posé qu’il pouvait s’agir d’un préchantre
Pierre, mort en 1236, mais l’attribution
reste hypothétique. Outre ces deux quadruples, l’Anonyme IV cite encore comme
oeuvres de Pérotin les conduits Salvatoris
hodie et Beata viscera, des organa triples
sur les alléluias Nativitas (dont Diffusa est
est une seconde version) et Posui adjutorium. Aucune des autres oeuvres, parfois mises sous son nom, ne présente de
garantie d’attribution. Outre ses oeuvres
propres, Pérotin avait également remanié plusieurs organa de son prédécesseur
Léonin, dont il avait, selon l’Anonyme IV,
rédigé une version abrégée.
PERTILE (Aureliano), ténor italien (Montagnana 1885 - Milan 1952).
Il débuta en 1911 à Vicenza dans Martha
de Flotow. Engagé à la Scala de Milan en
1921, il y fut le principal ténor lyrico-dramatique pendant quinze ans. Toscanini
l’appréciait particulièrement pour sa rigueur musicale, à laquelle venait s’ajouter une grande puissance d’expression.
Sa voix au timbre incisif avait davantage
d’éclat que de beauté véritable, mais il s’en
servait avec un art consommé. Ses interprétations de Radames dans Aïda et de
Manrico dans Il Trovatore de Verdi étaient
remarquables par l’intensité aussi bien
que par la subtilité des nuances. En 1924,
il créa Nerone, l’opéra posthume de Boito,
et y remporta un succès considérable. À la
fin de sa vie, il était professeur de chant au
conservatoire de Milan.
PETERS,
firme allemande d’édition musicale.
Son origine remonte à 1800, quand F.
A. Hoffmeister et A. Kühnel ouvrirent
à Leipzig un « bureau de musique », qui
publia notamment des oeuvres de Bach,
Haydn et Mozart, ainsi que dix opus inédits de Beethoven. Le libraire Carl Friedrich Peters racheta l’entreprise en 1814
et lui donna son nom, que ses nombreux
successeurs ont conservé. Ce fut d’abord,
en 1828, Carl Gottfelf Böhme. Julius Friedländer, qui le remplaça, lança en 1867 la
fameuse collection de musique classique
Édition Peters à laquelle contribuèrent
Liszt, Wagner et Brahms.
La réputation de la maison C. F. Peters
était déjà universelle quand Max Abraham en prit la direction en 1880. C’est
lui qui fonda en 1894 la Musikbibliothek
Peters, institut musicologique richement
doté, qui, légué à la ville de Leipzig, publia jusqu’en 1941 une revue annuelle. À
la mort d’Abraham en 1900, son neveu
Henri Hinrichsen lui succéda. Il négocia
l’acquisition des droits des oeuvres les plus
marquantes de Richard Strauss, Hugo
Wolf et Max Reger, mais n’échappa pas
à la persécution antisémite et dut se retirer ; il mourut d’ailleurs dans un camp de
concentration ainsi que son fils Hans Joachim. En 1939, les éditions Peters étaient
aux mains de Johannes Petschull, qui racheta la célèbre maison Litolff. Peu après,
bombes et obus détruisirent en majeure
partie les ateliers et magasins de Leipzig,
et c’est un établissement très appauvri que
le gouvernement de l’Allemagne de l’Est
nationalisa en 1949. Dès l’année suivante,
Petschull transféra le siège de la firme à
Francfort, où elle retrouva sa prospérité.
Cependant, les fils survivants d’Hinrichsen avaient émigré et créé deux filiales :
la première à Londres sous le nom de
Hinrichsen Edition Ltd, la seconde à New
York, C. F. Peters Corporation.
PETIT (Pierre), compositeur et critique
musical français (Poitiers 1922).
Il a étudié avec G. Dandelot (analyse), N.
Boulanger (harmonie), N. Gallon (fugue)
et H. Büsser (composition), obtenu en
1945 un premier prix de composition et
l’année suivante un premier grand prix de
Rome. Nommé en 1951 professeur d’histoire de la civilisation au Conservatoire, il
fonda la Revue du Conservatoire et mena de
front des activités de compositeur, de pédagogue (directeur de l’École normale de
musique de Paris depuis 1963 et maître de
conférence à l’École polytechnique depuis
1973) et d’animateur musical, notamment
à la radio et à la télévision. On lui doit
des pièces pour piano, de la musique de
chambre, quelques pièces pour orchestre
(Garden Party, 1958 ; Tarentelle, 1965 ;
Storia, 1971), des mélodies, de nombreux
ballets (Zadig, 1948 ; Romanza romana,
1950 ; Orphée, 1975), et des ouvrages lyriques, en général comiques. Depuis 1975,
il est critique musical au Figaro.
PETITE BANDE (la). ! KUIJKEN (SIGISWALD).
PETITS CHANTEURS DE VIENNE (en all.
Wiener Sängerknaben).
Chorale de jeunes garçons, dont les fonctions furent légalisées par un décret de
l’empereur Maximilien Ier en 1498.
Cette très ancienne institution fut
étroitement associée à l’histoire de l’empire autrichien. Lorsque la cour perdit le
monopole de la vie musicale, les Petits
Chanteurs élargirent le domaine de leurs
activités et participèrent notamment aux
nouveaux concerts d’oratorios de la Gesellschaft der Musikfreunde, apportant,
par exemple, leur concours à l’exécution
de Thimotheus de Haendel en 1812 et de
Elias de Mendelssohn en 1847. C’est en
1925 qu’ils donnèrent leur première
représentation d’opéra avec Bastien et
Bastienne de Mozart, suivi en 1926 de
l’Apothicaire de Haydn. C’est en 1926 également qu’ils commencèrent à faire des
tournées de concerts. Depuis 1928, ils sont
installés dans le palais de l’Augarten, où
ils reçoivent une double formation, générale et musicale. Parmi les musiciens les
plus célèbres associés à l’histoire des Petits
Chanteurs de Vienne figurent Franz Schubert, lui-même petit chantre à partir de
1808, et Anton Bruckner, nommé en 1875
professeur et organiste des Sängerknaben.
La chorale est scindée en deux groupes,
l’un assumant les tournées de concerts,
l’autre se faisant entendre chaque dimanche dans la chapelle du château.
PÉTRARQUE (en ital. Francesco Petrarca), poète et humaniste italien
(Arezzo 1304 - Arqua, Padoue, 1374).
Connu surtout de son vivant comme lettré
et écrivain en langue latine, il ne manquait
pas de musiciens parmi ses amis. Mais il
nous reste peu d’oeuvres musicales sur des
textes de lui réalisées durant son siècle
(Non al suo amante de Jacopo de Bologna).
Ce n’est qu’au XVIe siècle que furent composés, sur ses vers, de très nombreux madrigaux, parmi lesquels ceux de Willaert
et de l’école de Venise. Outre les madrigaux de Luca Marenzio, on citera encore
le recueil de 1545 Musica sopra di alcuni
canzoni del divini poeta F. Petrarca. En
1798, Haydn composa, sur un sonnet de
Pétrarque, l’air de concert Solo e pensoso
Hob.XXIVb.20. Les romantiques se sont
intéressés à la poésie de Pétrarque, surtout pour ses sonnets amoureux dédiés à
Laure, sa bien-aimée. Schubert, en 1818,
mit en musique 3 sonnets (D.626, 629 et
630) dans les traductions de Schlegel et
Gries. Liszt composa également des lieder sur ces sonnets, et il évoqua Pétrarque
par le piano seul dans les 3 Sonnets de
Pétrarque des Années de pèlerinage (18381849) : Sonetto 47 del Petrarca, Sonetto 104
del Petrarca, Sonetto 123 del Petrarca. Au
XXe siècle, Schönberg mit en musique un
sonnet de Pétrarque dans sa Sérénade op.
24.
PETRASSI (Goffredo), compositeur et
pédagogue italien (Zagarolo 1904).
Il fit ses premières études musicales à
la Schola cantorum di San Salvatore de
Lauro (1913-1919), puis étudia le piano
avec A. Bustini, dont il devint en 1928
élève de composition au conservatoire
Sainte-Cécile de Rome. Il y suivit également la classe d’orgue de F. Germani, puis
la classe de direction d’orchestre de B.
Molinari. De 1934 à 1936, il fut professeur
d’écriture à l’académie Sainte-Cécile, puis
de 1939 à 1959, professeur de composition
au conservatoire de Rome. Il a également
été professeur invité au Mozarteum de
Salzbourg (1951) et à Tanglewood (1956).
Trois années durant (1937-1940), il fut
directeur du théâtre de la Fenice à Venise.
En 1944, il fonda le groupe Musica Viva,
consacré à la propagation du répertoire
contemporain.
L’oeuvre multiforme de Petrassi l’a
souvent fait comparer à Stravinski. Dès
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
773
le début, il a manifesté son attachement à
l’héritage de la Renaissance et du baroque
(Partita, 1926 ; Toccata, 1930) ; mais son
langage harmonique porte l’influence de
Casella, dont il fut l’ami, et de Hindemith.
Cette union de l’esprit du passé et de la
technique du présent est particulièrement
sensible dans le Psaume IX (1936), très
apparenté à Stravinski, dans le Magnificat (1940), dans le madrigal Coro di morti
(1941) et dans la Sonata da camera pour
clavecin et dix instruments (1948). Ses
ballets La Follia di Orlando (1943), Il Ritratto di Don Chischiotte (1945), son opéra
Il Cordovano (1949) sont des regards personnels sur le néoclassicisme. La cantate
Noche oscura (1951), sur un texte de saint
Jean de la Croix, oeuvre à la fois grave et
sensuelle, contient en germe l’écriture
sérielle, à laquelle Petrassi est arrivé avec
quelques réticences, mais qu’il va désormais développer. Au centre de son oeuvre
instrumentale se trouvent les 8 concertos
pour orchestre, échelonnés entre 1934 et
1972. Le genre fait évidemment référence
à Bartók, et à une conception particulière
de l’écriture orchestrale. Toutefois, seul
le 4e concerto, pour orchestre à cordes
(1954), s’apparente réellement à Bartók.
Dans l’ensemble, le langage des concertos
marque une affirmation du dodécaphonisme, à partir du 3e (1951) et tout particulièrement dans le 6e (1957). L’étape
suivante de Petrassi fut le renoncement
au principe thématique, dans la Sérénade
(1958) et le Concerto pour flûte (1960),
où la dislocation du matériau musical
et du rythme s’inscrit dans l’héritage
webernien. Dans ses oeuvres des années
1960-1970, (7e concerto pour orchestre,
Propos d’Alain, pour voix et 12 instruments, Estri, Octuor, pour trompettes et
trombones), il s’adonne surtout à une
recherche de timbres et de registres. Le 8e
concerto, Orationes Christi, pour choeur
mixte, vents, altos et violoncelles (197475), Poema, pour cordes et 4 trompettes
(1977-1980), marquent un certain assagissement et une tendance à renouer avec
l’esthétique de Coro di morti et de Noche
oscura. Petrassi a également composé de
la musique de film et s’est fait connaître
par des articles de réflexion et de critique
musicale.
Il est, aux côtés de Dallapiccola, le compositeur italien le plus marquant de sa
génération.
PETRI (Egon), pianiste américain d’origine allemande (Hanovre 1881 - Berkeley 1962).
Descendant d’une famille de musiciens
hollandais, il reçoit ses premières leçons
de son père, Henri, violoniste réputé, élève
lui-même du grand Joachim. En dehors
du violon, il étudie également l’orgue, le
cor, la théorie musicale avec Draeseke,
le piano avec Buchmayer et T. Carreño.
Mais, sans l’intervention de Busoni, ami
de la famille Petri, Egon aurait continué
une carrière de violoniste, commencée
en 1899 dans l’orchestre de l’Opéra de
Dresde et comme second violon du quatuor paternel. Élève de Busoni et interprète zélé de son oeuvre, il débute comme
pianiste en 1902 et se produit en duo avec
son professeur, avec qui il réalise une nouvelle édition de l’oeuvre pour clavier de
Bach. Il se partage entre la carrière de soliste - il est particulièrement admiré pour
ses interprétations de Bach et de Liszt -, et
de pédagogue, enseignant successivement
au Collège royal de musique de Manchester (1905-1911), en Pologne (1917-1920),
à Bâle (1920-21), à la Berliner Hochschule
(1921-1926), de nouveau à Zakopane en
Pologne (1926) et ensuite aux États-Unis,
où il émigre : à l’université Cornell (19401946), au Mills College d’Oakland (19471957) et, enfin, au conservatoire de Bâle
(1957-58). Comme son maître Busoni,
Egon Petri tablait sur son intuition personnelle pour revivifier l’héritage lisztien.
Armé d’un toucher limpide et rigoureux,
il donnait des oeuvres des interprétations
sobres et profondément analytiques.
PETROV (Ivan), basse soviétique
(Irkoutsk 1920).
Il a étudié au collège Glazounov de Moscou en 1938-39, chanté des rôles mineurs
à partir de 1939 et débuté au Bolchoï en
1943. Célèbre dans le monde entier pour
sa voix à la grande richesse de timbre
et pour la force dramatique de son jeu,
il a triomphé notamment dans les rôles
de Boris Godounov, où on l’a comparé
à Chaliapine, de Méphisto (du Faust de
Gounod) et de Russlan (de Russlan et Ludmilla de Glinka).
PETROV (Ossip Afanassievitch), basse
russe (Elisavetgrad 1807 - Saint-Pétersbourg 1878).
Partiellement autodidacte, il perfectionna
son art vocal avec Cavos à Saint-Pétersbourg (1830) et débuta dans le rôle de Za-
rastro (la Flûte enchantée). Tout en se produisant dans les opéras français, italiens et
allemands de l’époque (Meyerbeer, Rossini, Bellini, Weber), il se rendit surtout
célèbre par sa participation aux opéras
de ses contemporains russes, de Glinka
(Ivan Soussanine, Rouslan) à Moussorgski
(Varlaam dans Boris) en passant par Dargomyjski (le Meunier dans la Roussalka,
Leporello dans le Convive de pierre) et
Rimski-Korsakov (Ivan le Terrible dans
la Pskovitaine). C’est lui qui établit la tradition des grandes basses russes. Glinka
écrivit à son intention des Exercices pour le
perfectionnement de la voix (1836).
Son épouse Anna Vorobieva-Petrova
(Saint-Pétersbourg 1816 - id. 1901),
contralto, fut également une cantatrice célèbre dans le répertoire russe et étranger.
PETROVICS (Emil), compositeur hongrois d’origine yougoslave (Nagybecskerek 1930).
Il vécut jusqu’en 1941 à Belgrade, étudia la
composition avec Férenc Farkas à l’Académie de Budapest, dirigea de 1960 à 1964
la musique au théâtre Petöfi, et enseigne
depuis à l’Académie des arts dramatiques.
Comme compositeur, il est particulièrement à l’aise dans les grandes formes
dramatiques, et s’est imposé sur la scène
musicale internationale avec son opéra
C’est la guerre (1961). Suivirent le Livre
de Jonas (1966) et Crime et Châtiment
(d’après Dostoïevski, 1969). Son écriture
vigoureuse, s’appuyant sur la rythmique
propre de la langue hongroise, masque
l’emploi de libres procédés sériels qui retrouvent leur harmonie naturelle dans un
fond typiquement hongrois.
PETRUCCI (Ottaviano), imprimeur italien (Fossombrone 1466 - Venise 1539).
Il se familiarise avec la technique et les
premiers imprimés allemands à la cour du
duc Guidobaldo Ier Malatesta, à Urbino,
puis part pour Venise vers 1490, où il met
au point le principe des caractères mobiles
appliqué à l’impression de la musique mesurée. Ayant obtenu en 1498 un premier
privilège de vingt ans pour l’impression
de la musique et des tablatures de luth et
d’orgue (il n’imprimera pourtant jamais
de musique d’orgue), il fait paraître le 15
mai 1501 le premier volume de musique
imprimée, Harmonice musicae Odhecaton. Les recueils vont ensuite se succéder
très rapidement, mais, en 1511, il quitte
Venise pour Fossombrone, où, associé à
Francesco da Bologna, il ouvre un atelier
de typographie. Sa production musicale,
moins élégante que celle de Venise, se
fait plus rare et laisse peu à peu la place
à des ouvrages de littérature, pour cesser
complètement en 1520. Rappelé à Venise
en 1536, il part y reprendre ses activités
d’éditeur littéraire. Son énorme production (au moins 45 recueils), qui comprend
des messes, motets, chansons des plus
grands compositeurs de l’époque (Josquin
Des Prés, Brumel, Isaac, Obrecht, Pierre
de la Rue, Mouton, Agricola et beaucoup
d’autres), a eu une importance considérable dans la diffusion des styles et a
profondément influencé l’évolution de la
musique en Europe.
PETTERSSON (Allan), compositeur suédois (Västra Ryd 1911 - Stockholm 1980).
Compositeur solitaire et introverti, Pettersson est, peut-être, le dernier grand
symphoniste du XXe siècle dans une filiation qui part de Mahler et passe par Vaughan Williams, Chostakovitch, Honegger
et Martinů. Après une enfance difficile,
il étudie le violon et l’alto, entre à l’Orchestre de Stockholm, puis étudie la composition avec K.-B. Blomdahl et, en 1950,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
774
va à Paris pour travailler avec R. Leibowitz
et A. Honegger. En 1953, il quitte sa place
de musicien d’orchestre pour se consacrer
à la composition ; jusqu’à la fin de sa vie,
ses souffrances physiques et morales vont
prendre de plus en plus d’importance.
Pettersson est, avant tout, un compositeur autobiographique qui a transposé la
tragédie de sa vie en une musique souvent violente, parfois naïve, dans un style
qui utilise, avec un grand souffle et un
remarquable sens de l’équilibre formel,
une forme de métamorphose des motifs
de base. De ses 16 symphonies, écrites à
partir de 1949, les 7e (1967) et 8e (1969)
sont peut-être les plus remarquables, et
ont beaucoup fait pour la connaissance et
le succès de son oeuvre hors de la Suède.
À leurs côtés, il faut retenir les 7 Sonates
pour 2 violons (1951), 3 concertos pour
cordes, des mélodies, et Vox humana pour
solistes, choeurs et orchestre (1973-74).
PEUERL (Paul), organiste, facteur
d’orgue et compositeur allemand (Stuttgart ? 1570 - Arès 1625).
Organiste à Horn (Basse-Autriche) à partir de 1602 puis au collège protestant de
Steyer (1609-1625), il fut sans doute le
premier à pratiquer en Allemagne la suite
pour cordes en quatre mouvements apparentés.
PEZEL (Johann Christoph), instrumentiste et compositeur allemand (Glatz
1639 - Bautzen 1694).
On possède peu de données sur sa formation. Il apparaît en 1664 à Leipzig, comme
violoniste, dans un groupe de musiciens
municipaux (« Ratsmusiker »). Également
joueur de clarino, il entre en 1670 dans
l’ensemble des « Stadtpfeifer ». La même
année, il publie son recueil de sonates
Hora decima pour ensemble de vents (cornets, trombones) ou de cordes. Plusieurs
de ses recueils ultérieurs seront constitués
de pièces de danse formant des suites.
(Delitiae musicales, 1678 ; Fünfstimmige
blasende Musik, 1685). Pezel brigua le
poste de cantor à Saint-Thomas de Leipzig, mais sans succès. En 1681, il s’installa à Bautzen, où il poursuivit la même
activité, doublée de celle de compositeur
religieux. Son oeuvre religieuse, restée à
l’état de manuscrits, a été perdue. Mais sa
musique instrumentale montre les possibilités qu’un compositeur habile peut tirer
d’un genre apparemment ingrat.
PFITZNER (Hans), compositeur et chef
d’orchestre allemand (Moscou 1869 Salzbourg 1949).
Sa famille s’étant installée à Francfort en
1872, il fit ses études au conservatoire de
cette ville avec Knorr (théorie) et Kwast
(piano) entre 1886 et 1890, et s’y lia avec
J. Grun, son futur librettiste. Nommé
professeur au conservatoire de Coblence
(1892), puis chef d’orchestre au théâtre
de Mayence (1894), il fit représenter dans
cette ville, en 1895, son premier opéra, Der
arme Heinrich. Il fut ensuite professeur au
conservatoire Stern de Berlin, séjourna à
Munich, puis se fixa à Strasbourg en 1908,
où il cumula les postes de directeur du
conservatoire, des concerts symphoniques
et de l’opéra.
En 1917, son oeuvre dramatique la plus
importante, Palestrina, fut créée à Munich
sous la direction de Bruno Walter. Cette
oeuvre, dans la tradition de l’opéra wagnérien en même temps qu’hommage à la polyphonie de la Renaissance et à l’un de ses
plus illustres représentants, Palestrina, est
un manifeste d’opposition aux recherches
de Schönberg et de Busoni. Le thème en
est la solitude morale et la lutte du compositeur défendant ses principes artistiques.
La même année, Pfitzner écrivit son
pamphlet polémique Futuristengefahr (le
Danger futuriste), dirigé contre Busoni.
En 1919, il rédigea Die neue Aesthetik der
musikalischen Impotenz, s’opposant ainsi
aux idées exprimées par Paul Bekker dans
son Beethoven. De 1929 à 1934, il enseigna
à l’Académie musicale de Munich, puis
effectua des tournées comme pianiste et
chef d’orchestre. Après sa mort fut fondée
la Hans Pfitzner Gesellschaft.
Homme d’opinions conservatrices, se
considérant « comme le dernier survivant
de la musique dans un monde devenu
fou » (C. Rostand), Pfitzner poursuivit la
tradition du romantisme allemand issue
de Schopenhauer, Schumann et Wagner.
Outre ses oeuvres scéniques, parmi lesquelles Die Rose vom Liebesgarten (1901),
il a écrit notamment de la musique de
chambre, des oeuvres symphoniques, des
concertos pour piano, pour violon et pour
violoncelle, la cantate Von deutscher Seele
(1921), et la fantaisie chorale Das dunkle
Reich (1929).
PHALESE (Pierre), imprimeur de musique flamand (Louvain v. 1510 - id. v.
1573).
Membre de l’université de Louvain depuis
1542, il est d’abord « libraire juré » et obtient son premier privilège d’imprimeur
en 1551. Sa réussite lui permet d’établir sa
propre imprimerie musicale à caractères
mobiles. Il s’associe pendant peu de temps
avec Martin Rotaire, puis, à partir de 1570,
avec Jean Bellère. Il s’est surtout spécialisé
dans la musique de luth (Hortus Musicus,
1552-53 ; Thesaurus Musicus, 1573-74),
mais a également imprimé 10 recueils de
chansons et 8 de cantiones sacrae. La qualité de ses impressions n’a rien à envier
à celle de ses célèbres contemporains
(Susato, Ballard, etc.), et sa firme, à la tête
de laquelle lui succèdent ses fils Pierre et
Corneille, puis ses petites-filles Magdalene
et Maria, reste prospère jusqu’à sa fermeture, en 1674.
PHILHARMONIE.
Terme signifiant « amour passionné de la
musique ».
D’où la dénomination de « philharmonique » portée par de nombreux orchestres ou sociétés de musique.
PHILIDOR (François André DANICAN),
compositeur français (Dreux 1726 Londres 1795).
Membre d’une célèbre dynastie de musiciens dont le patronyme était Danican et
dont l’un des représentants, son demifrère Anne Danican Philidor (1681-1728),
avait fondé le Concert spirituel en 1725, il
bénéficia de l’instruction musicale la plus
sérieuse qui fût alors dispensée en France :
il entra comme enfant de choeur à la chapelle de Versailles, dès l’âge de six ans, et
y reçut jusqu’en 1740 l’enseignement de
Campra. Contrairement à la plupart de
ses contemporains, il mena une existence
totalement indépendante : ses dons exceptionnels de joueur d’échecs lui permirent
de passer quelques années de bohème à
Paris, puis de séjourner longuement en
Allemagne et à Londres. Il mit à profit ces
neuf ans de vie cosmopolite pour acquérir
une expérience musicale bien plus riche
que ne le permettait à Paris la dictature
du style français. Ses contemporains ne s’y
étaient pas trompés, puisqu’on le considérait alors comme un compositeur italianisant : compliment chez les uns, moyen
de l’éloigner des postes officiels pour les
autres. Heureusement pour Philidor, son
retour d’Angleterre, en 1754, le plonge
dans un milieu musical en pleine révolution, à la suite notamment de la Querelle
des bouffons. Après quelques expériences
comme arrangeur dans les théâtres de la
Foire, il fait représenter en 1759 son premier opéra-comique, Blaise le savetier,
qui constitue, avec les Aveux indiscrets de
Monsigny, la première grande oeuvre du
genre. L’opéra-comique est resté la forme
de prédilection de Philidor : il en écrivit
19, de 1759 à 1788 ; les plus marquants
sont, outre Blaise, le Jardinier et son seigneur, également sur un texte de Sedaine
(1761), le Sorcier, sur un argument original
de Poinsinet (1764), et Tom Jones (1765),
d’après le roman de Fielding. Philidor fut
moins heureux dans la tragédie lyrique, et
seule Ernelinde (remaniée plusieurs fois de
1767 à 1773) connut un véritable succès ;
on commence aujourd’hui à apprécier la
valeur de cette oeuvre, qui représente, avec
Aline de Monsigny, la première tentative
de redonner vie à un genre alors totalement sclérosé. L’originalité de Philidor se
manifesta également dans le domaine de
l’oratorio : son Carmen seculare (1779),
composé à l’instigation du milieu littéraire
de Londres, constitue en France un essai
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
775
qui préfigure les grandes fêtes néoclassiques de la Révolution.
PHILIPPE DE VITRY, théoricien français
(Vitry ? 1291 - Meaux 1361).
Fils d’un noble attaché à la maison du roi
Philippe le Bel, il appartenait à l’état ecclésiastique, fut « chanoine en expectative »,
puis « clerc de notaire » auprès de Charles
IV le Bel, membre du Conseil des réformateurs en 1357, après avoir été intronisé
évêque de Meaux en 1351. Parallèlement à
ces fonctions, il vécut surtout à Paris, dans
l’entourage immédiat des Valois (Philippe
VI et Jean II le Bon). En août 1350, à la
mort de Philippe VI, il est en mission officielle en Avignon, auprès du pape Clément
VI. Sous la régence du dauphin Charles, il
paraît avoir milité dans les rangs du prévôt des marchands Étienne Marcel, car en
1357 il fait partie de la commission des
neuf « généraux réformateurs » désignés
par les états généraux. Humaniste réputé,
il était lié à Pétrarque, entre autres, qu’il
rencontra en Avignon, puis à Paris, et qui,
comme lui, avait le culte de la nature, des
lettres latines et le goût des voyages.
Comme compositeur, il a laissé une
quinzaine de motets, mais c’est surtout
comme réformateur de la notation musicale qu’il est resté célèbre. Dans son traité
de l’Ars nova (v. 1320), le musicien champenois révise les principes de la notation
dite franconienne, donne à la nouvelle
valeur minima - introduite par Pierre de
La Croix vers 1280 - son rôle et, alors que
le rythme ternaire avait dominé tout au
long du XIIIe siècle, « accorde au rythme
binaire une égale importance et applique
cette division binaire à toutes les notes
dans les différentes mensurations, c’està-dire dans leurs rapports les unes avec
les autres » (Paule Chaillon). Ainsi sont
définis le mode ou division de la longue
en brèves, le temps ou division de la brève
en semi-brèves, la prolation ou division
de la semi-brève en minimes. Par ailleurs,
pour compléter le nouveau système de
notation, Philippe de Vitry définit le rôle
des « points « : le punctum divisionis, qui
joue le rôle de barre de mesure, et le punctum additionis, semblable au point dans
notre notation moderne. Pour rendre
cette notation plus claire, il est recommandé, enfin, de joindre aux notes noires
des notes rouges indiquant le passage
temporaire d’une mensuration parfaite à
une mensuration imparfaite. Les manuscrits de Guillaume de Machaut, conservés
à la Bibliothèque nationale de Paris, font
usage de ladite notation française.
Le succès des réformes proposées par
Philippe de Vitry explique leur diffusion
dans toute l’Europe du temps, à ceci près
que, en Italie, l’école florentine des caccie,
qui se développa à Florence aux environs
de 1350 auprès de Francesco Landino,
imagina un système mixte qui mariait
quelques-uns des principes majeurs de
la notation française au mode de notation, spécifiquement transalpin, et mieux
adapté à une musique plus déclamatoire
et plus ornée, de Marchettus de Padoue.
PHILIPPOT (Michel Paul), compositeur
français (Verzy 1925).
Ses études scientifiques ayant été interrompues en 1942 à la suite de son arrestation par la police de Vichy, il entreprit
des études musicales au Conservatoire de
Paris et avec R. Leibowitz. Sa double formation, musicale et scientifique, l’amena
à exercer à l’O. R. T. F. les fonctions les
plus variées, de celle d’ingénieur du son
à celle de conseiller scientifique. Il y fut
aussi responsable de l’ensemble des services musicaux. Professeur de composition au Conservatoire de Paris depuis
1970, chargé de cours à l’université de
Paris-IV, il a également une intense activité d’enseignement. Il a créé en 1976 la
faculté de musique de l’université d’État
de São Paulo, au Brésil, et l’a dirigée
jusqu’en 1979. De 1979 à 1981, il a enseigné à Rio de Janeiro, puis occupé, de 1983
à 1989, un poste de conseiller scientifique
à l’I. N. A. à Paris. Il est l’auteur d’un cer-
tain nombre de travaux scientifiques sur la
cybernétique, et d’études sur l’acoustique
et l’esthétique.
Venu de l’école sérielle, il s’efforce,
comme compositeur, en s’aidant de sa
culture scientifique, d’en découvrir la
suite logique. Il a écrit des oeuvres pour orchestre, pour piano, pour divers ensembles
de chambre, ainsi que de la musique électroacoustique. Citons Sonate pour piano
no 1 (1947), Étude de musique concrète
no 1 (1952), no 2 (1958) et no 3 (1962),
Composition pour orchestre à cordes no 1
(1959), Composition pour double orchestre
(1960), Sonate pour orgue (1971), Sonate
pour piano no 2 (1973), Passacaille pour 12
instruments (1973), Pièce pour violon seul
no 1 (1965), no 2 (1975) et no 3 (1976), La,
toute la, rien que la, pour soprano, clarinette, percussions et bande magnétique
(1976), Quatuor à cordes (1976), Pièce pour
alto et piano (1978), quatuors à cordes no 2
(1982), no 3 (1985) et no 4 (1988), Contrapunctus X pour le bicentenaire de l’École
polytechnique (1994). Il a écrit un livre
sur Igor Stravinski (1965) et Diabolus in
musica, analyse des Variations Diabelli de
Beethoven (1978).
PHILIPS (Peter), organiste et compositeur anglais ( ? 1560 ou 1561 - Bruxelles
1628).
Prêtre catholique, il quitta l’Angleterre en
1582 pour Rome, où il rencontra Palestrina, puis voyagea en Espagne, en France
et aux Pays-Bas espagnols avant de s’établir à Anvers, où il publia trois recueils de
madrigaux (1596, 1598, 1603). En 1593,
il rencontra Sweelinck à Amsterdam. Accusé la même année de comploter contre
la reine Élisabeth, il fut emprisonné puis
relâché faute de preuves. Entré en 1597 à
Bruxelles au service de l’archiduc Albert
(mort en 1621), il couronna sa carrière
avec plusieurs recueils de motets : Cantiones sacrae (1612), Gemmulae sacrae
(1613), Deliciae sacrae (1616), Paradisus
sacris cantionibus (106 motets pour une,
deux ou trois voix et continuo, 1628).
PHONOTHÈQUE.
Établissement conservant les phonogrammes, c’est-à-dire les enregistrements
sonores sur quelque support qu’ils soient
fixés, cylindres, disques de divers standards, bandes magnétiques, ainsi que cy-
lindres pointés, bandes perforées, disques
de carton ou de métal des instruments de
musique mécanique.
Dès 1899, à Vienne, puis en de nombreux pays, des phonothèques nationales
ont été créées pour assurer un archivage
officiel de tous les nouveaux documents
sonores enregistrés, et réunir les plus
anciens, publics ou privés. En France, la
Phonothèque nationale est aujourd’hui un
département de la Bibliothèque nationale ;
elle reçoit et gère le dépôt légal de tous
les phonogrammes publiés dans le pays.
Elle est issue de l’Institut de phonétique,
créé en 1911 par l’université de Paris, et
des Archives de la parole de la Sorbonne,
animées par le professeur Brunot, qui réalisa un grand nombre d’enregistrements
de folklore, de linguistique, d’orateurs,
d’acteurs dramatiques, etc. La loi du 19
mai 1925 institue le dépôt légal obligatoire pour tous les imprimés, incluant
l’édition phonographique ; mais ce n’est
qu’en 1938 qu’un décret porte création de
la Phonothèque nationale, destinée à recevoir le dépôt légal institué treize ans plus
tôt. Entre-temps (1928), les Archives de la
parole sont devenues musée de la Parole
et du Geste. Enfin, en 1963, le dépôt légal
est étendu à l’enregistrement magnétique.
La Phonothèque nationale est également un musée de l’enregistrement et
de la reproduction sonores (plus de 600
appareils), en même temps qu’un lieu de
consultation publique des phonogrammes
et un service de documentation phonographique (fichiers à entrées multiples,
catalogues). Plus de 150 000 disques différents y sont conservés depuis 1938, en
double exemplaire (un pour consultation,
un pour archivage), ainsi que 80 000 phonogrammes provenant du musée de la
Parole, 40 000 disques 78-tours issus de la
discothèque de la Radio, plusieurs milliers
de cylindres remontant aux origines, etc.
PHRASE.
On considère en musique qu’une phrase
musicale est constituée dès lors qu’elle
présente par elle-même un sens autonome
complet et cohérent, de préférence (mais
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
776
non toujours) avec terminaison conclusive. La phrase peut souvent se décomposer en cellules, celles-ci non soumises à
l’obligation ci-dessus, et, si elle est longue,
en périodes ; mais ce mot peut aussi désigner un groupement de phrases s’il s’en
trouve plusieurs analogues de suite (
! PÉRIODE).
PHRASÉ.
Art de grouper les sons de manière intelligente en dosant judicieusement les
liaisons, les respirations et les accentuations.
Considéré de tout temps comme un des
éléments les plus importants de l’interprétation, le phrasé a été longtemps laissé à
l’initiative des exécutants, sauf à les juger
en fonction de lui. Il n’apparaît qu’exceptionnellement dans l’écriture graphique,
et encore de manière fragmentaire
(courbes de liaison) avant le XIXe siècle ; sa
théorie, sans doute esquissée pour la première fois par J.-J. de Momigny en 1803,
est encore assez confuse, à l’exception du
chant grégorien solesmien, où elle a été
remarquablement codifiée par Dom Mocquereau en 1908.
PHRYGIEN.
1. En musique grecque antique, le terme
phrygien, faisant référence au peuple barbare de ce nom situé au nord du monde
grec (Thraces et Daces de la Roumanie
actuelle), a désigné successivement :
a)une ancienne « harmonie » (échelle ré,
mi, mi demi-dièse, fa, la, si, si demi-dièse,
do, mi) de genre enharmonique, propre,
selon Platon, à exciter les vertus guerrières ;
b)un « ton de transposition » désignant à
l’origine une tessiture moyenne, entre le
dorien grave et le lydien aigu, puis inséré
avec ses hypos et ses hypers dans un système plus complexe ( ! DORIEN) ;
c)un « aspect d’octave » en vue de l’accord
des instruments, correspondant, en genre
diatonique, aux intervalles de l’octave de
ré à ré, dans les genres chromatique et
enharmonique à l’octave sur l’échelle correspondante des notes qui y remplacent le
ré diatonique (do dièse en chromatique, do
bécarre en enharmonique).
2. Au Moyen Âge, le terme a été indûment
appliqué au 3e mode grégorien (deutérus
authente), soit un mode de mi à dominante do (anciennement si).
3. En 1573, Zarlino lui a donné le sens
de mode de ré, devenu pratiquement ré
mineur, qui a coexisté selon les auteurs
avec celui de mode de mi (ou mi mineur)
conservé en simplification de sens médiéval no 2. Pour des raisons différentes
(extension abusive du sens no 1 c), l’école
de Gevaert, au début du XXe siècle, a également appelé phrygien (ou phrygisti), en
l’appliquant à sa théorie des modes grecs,
l’octave de ré sans altération, le rapprochant ainsi du dorien des nomenclatures
médiévales (1er ton grégorien), pour qui le
phrygien était le mode de mi (3e ton).
4. En dépit de nombreux flottements, le
sens actuellement le plus employé reste,
par extension du sens no 2, celui d’un
mode de mi sans altération (mi, fa, sol, la,
si, do, ré, mi).
PIANISSIMO.
Indication de nuance d’origine italienne
signifiant « très doux », « très doucement ».
PIANO.
Indication de nuance d’origine italienne
signifiant « doux », « doucement ».
PIANO.
Instrument de musique à cordes frappées
et à clavier.
UN CAS UNIQUE DANS L’HISTOIRE DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE.
En effet, sa naissance entre les mains de
Bartolomeo Cristofori, facteur des clavecins du grand-duc Côme III de Médicis,
à Florence en 1698, ne correspond en rien
au goût musical de l’époque. Le public italien de ce temps est attiré par l’opéra et par
une musique instrumentale fondée sur la
basse continue où le clavecin est roi. Cet
instrument brille encore dans les grandes
oeuvres solistes de Domenico Scarlatti,
Bernardo Pasquini, François Couperin
ou Jean-Philippe Rameau et bien d’autres.
Le piano ne répond pas non plus au désir
particulier d’un compositeur ou d’un
interprète avide de sonorités nouvelles.
Son apparition est seulement liée au génie
d’un homme capable de l’avoir porté dès
sa création à un point de perfection, car
le piano de Cristofori est irréprochable
en son genre. Après le prototype de 1698,
le luthier construit d’autres exemplaires
jusqu’en 1720, mais le manque d’acheteurs le contraint à retourner rapidement
au clavecin pour éviter la ruine. Le succès
du piano auprès du public devra attendre
environ cinquante ans, jusqu’en 1770.
Le principe fondamental en est la percussion des cordes au moyen de petits
marteaux, par l’intermédiaire d’une mécanique appropriée et d’un clavier. L’organologue trouve donc ses racines dans le
tympanon médiéval fait à l’image du santur oriental, et dans le clavicorde connu
en Europe du XIVe au XVIIIe siècle, car les
cordes de ces instruments sont également
frappées.
LES DÉVELOPPEMENTS AU XVIIIE SIÈCLE.
L’invention de Cristofori, qui consiste
donc à placer sous les cordes non pas un
sautereau de clavecin, mais un petit marteau poussé par un pilote fixé à l’extrémité
de la touche du clavier, s’intitule « Gravicembalo col pian’e forte » (clavecin à clavier pouvant jouer doux et fort), et marque
ainsi l’innovation par rapport au clavecin :
selon le toucher, le musicien peut passer
de la nuance piano à la nuance forte, d’où
le terme diminutif « piano-forte ».
Par la suite, oublié à Florence, le système mécanique en est décrit en 1709
par le marquis Scipione di Maffei dans
son Giornale dei letterati d’Italia publié
en 1711, et cette publication vient entre
les mains d’un organier allemand de Freiberg, Henry Silberman. À partir de là,
le piano-forte réalise un véritable « tour
d’Europe » avant de s’imposer au public
musical, particulièrement en France. Plus
que celle de tout autre instrument de musique, l’histoire du piano nécessite pour
une bonne compréhension un regard attentif sur l’aspect sociologique inhérent
à son implantation dans la société européenne entre 1750 et 1850, alors en pleine
mutation.
Henry Silberman, d’esprit assez commerçant, entreprend de fabriquer l’instru-
ment en série vers 1750, tout en simplifiant la mécanique de Cristofori par souci
d’économie. Il présente à Jean-Sébastien
Bach âgé ses pianos « en forme de clavecin », mais on ignore précisément l’avis du
grand musicien sur la nouveauté. D’ailleurs, l’idée d’« améliorer » le clavecin est
généralement sous-jacente, car d’autres
facteurs y songent, et en revendiquent la
paternité : Jean Marius présente plusieurs
projets en 1716 à l’Académie des sciences
de Paris, et Johann Schroeter demande des
subsides en 1721 à l’Électeur de Saxe, afin
de réaliser un instrument dans le même
esprit. L’originalité de Henry Silberman
consiste à poursuivre opiniâtrement sa
petite production, et surtout à former
bon nombre d’ouvriers qui essaiment en
Europe vers les années 1750-1770.
Parmi ceux-ci, Frederici, installé à Géra,
impose vers 1758 l’idée de placer la mécanique-piano-forte dans une caisse de virginal, de forme rectangulaire : la construction en est moins délicate et le gain de
place est judicieux. Ainsi le piano-forte dit
« carré » peut-il intéresser une nouvelle
clientèle bourgeoise aux intérieurs moins
spacieux que ceux de l’aristocratie, et son
prix de revient est beaucoup moins élevé.
Signalons au passage que le piano carré
n’est pas la seule forme de caisse de pianoforte inaugurée alors. En effet, le public
amateur désire inclure l’esthétique de
l’instrument au style de mobilier en vigueur : ainsi verra-t-on, particulièrement
en Europe du Nord (Suisse, Belgique,
Allemagne et pays scandinaves), jusqu’à la
fin du XIXe siècle, des pianos aux contours
plus qu’évocateurs : piano-armoire,
piano-table, piano-secrétaire, piano-pyramide, piano-lyre, piano-girafe, etc.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
777
Andreas Stein, autre ouvrier de Silberman, se fixe à Augsbourg où il invente une
mécanique différente dite « viennoise »,
que nous retrouverons un peu plus tard
avec Mozart. Zumpe, également disciple de Silberman, part vers 1760 pour
Londres, où il assure au piano carré un
succès considérable, et en propage un
grand nombre. Son collaborateur Tschudi
s’associera plus tard au célèbre facteur et
inventeur anglais John Broadwood. Ainsi
s’établissent les premières filiations de
maître à disciples spécialisés dans la facture du piano-forte, transmettant les principes d’un art en pleine évolution.
Ce tour d’Europe du piano-forte au
XVIIIe siècle s’achève donc par la France,
toujours attachée au clavecin. Nicolas
Sejan, Johann Schobert, Jean-François
Tapray, Étienne-Nicolas Méhul ou Adrien
Boieldieu composent toutefois pour le
piano-forte sonates, concertos, duos avec
le clavecin, ou encore une grande quantité
d’accompagnements de romances. C’est
sous la « forme clavecin » que le pianoforte fait sa première apparition publique
à Paris en 1768 au Concert spirituel. Vers
1790, la majorité des piano-forte vendus
en France est importée d’Angleterre ou
d’Allemagne, et la quasi-totalité des facteurs de pianos à Paris (en province il
n’y en a pratiquement pas) sont des Allemands.
La Révolution de 1789 a ici valeur de
symbole : en détruisant et brûlant les clavecins des aristocrates, les sans-culottes
vont consacrer l’engouement pour la
« nouveauté », et en conséquence la fondation d’une véritable facture nationale.
Cette longue gestation du piano-forte
entre 1710 et 1800 explique les incertitudes du répertoire et de la technique de
jeu. Personne ne peut affirmer ni infirmer
que telle fugue de Jean-Sébastien Bach,
telle suite de Jean-Philippe Rameau, ou
surtout telle sonate de Domenico Scarlati
soit écrite dans l’ignorance absolue du
piano-forte.
Dans un second temps, grâce à la propagation relative de l’instrument, les
éditeurs de musique trouvent intérêt à
préciser sur la page de titre d’une oeuvre :
« Pour le clavecin ou le forte-piano », car
il gagnent un double public. Cette habitude, persistante jusqu’à la publication de
la sonate Au clair de lune de Beethoven
en mars 1802, concerne les productions
de Carl Philipp Emanuel Bach, Joseph
Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart
entre autres. À la similitude du répertoire
se superpose celle des interprètes, passant
naturellement d’un instrument à l’autre.
Cependant une écriture spécifique apparaît peu à peu au piano-forte : indication
des nuances, vélocité habituelle des traits
à la main droite, voire à la main gauche,
octaves, sauts du registre aigu au grave,
trémolo préromantique.
Lors de son passage à Augsbourg en
1777, W. A. Mozart, âgé de vingt et un
ans, s’enthousiasme pour les piano-forte
du facteur Andreas Stein, au point qu’il
décide d’abandonner le clavecin ; cette
date peut être représentative, dans la mesure où il s’agit du plus grand musicien de
l’époque. Andreas Stein est un des meilleurs facteurs de piano-forte viennois, et
nous pourrions observer l’un de ses instruments.
Les dimensions restreintes de ce
piano-forte nous surprendraient si nous
le placions à côté de l’un de nos pianos
modernes. Les pianos viennois sont en
général aisément reconnaissables, par
la forme de leur caisse, dont l’éclisse ne
décrit pas une arête vive comme celle du
clavecin, mais marque la belle sinuosité
d’une courbe suivie d’une contrecourbe.
Cet instrument n’a pas de pédales : il possède parfois deux genouillères placées
sous le clavier, l’une soulevant les étouffoirs pour permettre aux cordes de vibrer,
l’autre intercalant un feutre entre cordes
et marteaux pour adoucir la sonorité. Le
clavier ne comprend que cinq octaves, de
fa1 à fa5. Le corps sonore est formé d’une
charpente entièrement en bois appelée
barrage, qui supporte seule la tension des
cordes. Sur le barrage est posée la table
d’harmonie, en épicéa (variété de sapin),
qui amplifie les sons de l’instrument.
Cette table épaisse de quatre millimètres
environ (c’est-à-dire deux fois moins que
l’épaisseur de nos tables d’harmonie modernes) est souvent laissée à nu, n’étant
pas ornée comme celle des clavecins, et le
vernissage n’intervenant qu’au début du
XIXe siècle.
La sonorité de ce piano-forte est délicate, claire, voire transparente, et ses
basses ont une légèreté qui explique les
accords « compacts » écrits pour la main
gauche dans le grave jusqu’à Beethoven,
accords si lourds lorsqu’ils sont joués sur
les pianos modernes.
Les cordes sont tendues entre les deux
extrémités formées par le sommier d’accroche et le sommier de chevilles. Le sommier d’accroche est une pièce de bois dur,
qui épouse la forme de la caisse depuis la
pointe du piano-forte jusqu’à l’avant, en
suivant l’éclisse. Dans ce sommier d’accroche sont enfoncées des pointes autour
desquelles on passe les boucles pratiquées
à l’extrémité des cordes. Sur le devant de la
caisse, au fond du clavier et au-dessus de
la table d’harmonie, est fixé le sommier de
chevilles, dans lequel les chevilles en acier
sont enfoncées et plus ou moins vissées, ce
qui permet l’accordage. Le plan des cordes
est surélevé au-dessus de la table d’harmonie : par un sillet côté chevilles, qui sert
à les répartir avec précision sur le lieu de
leur percussion, et par un chevalet côté
accroche, vissé et collé sur la table d’harmonie, à laquelle il transmet les vibrations
des cordes. Celles-ci, au nombre de deux
par note, sont choisies en différents matériaux : acier mou pour l’aigu et le médium,
laiton pour le bas médium, et cuivre ou
cuivre filé sur acier pour le grave.
La mécanique viennoise, ou « Prellmechanik », est placée sous le plan des
cordes, et attaque celles-ci par en dessous ;
quelques essais ont été faits pour réaliser
une mécanique attaquant les cordes par
au-dessus, afin d’en renforcer la puissance
(pour Beethoven notamment), mais ils
ont été abandonnés. Le marteau possède
un manche assez court, à petit angle de
rotation, et la chasse (distance du repos à
la corde) n’est pas grande : l’élan ou force
de percussion du marteau est faible. La
tête du marteau, petite, recouverte de cuir
(pas encore de feutre), est légère : un demi
à un gramme (le quadruple sur un piano
moderne). La pièce principale de la mécanique, dite « pilote », fixée à l’extrémité
de la touche du clavier, envoie le marteau
contre la corde.
L’inconvénient des mécaniques primitives est de « tambouriner » si le pianiste
joue trop fort (répétition de la même note,
par rebond du marteau), ou de ne pas
atteindre la corde si le pianiste cherche à
jouer pianissimo. En outre, il arrive à certains pianos de céder sous la tension des
cordes, et de se détruire. Mais on peut tout
de même admirer l’équilibre de construction de ces piano-forte construits avec
grand soin : leur structure entièrement en
bois, sans l’apport d’aucun métal, résistait
à une tension de cent vingt cordes, et la
simplicité de leur mécanisme leur conférait une grande légèreté. D’où un pianoforte à sonorité sans grande ampleur, mais
assez pure, permettant les traits les plus
rapides et transparents de la vélocité.
UNE ÉPOQUE CHARNIÈRE : 1790-1830.
L’orée du XIXe siècle, et les années 17901830 en particulier, voient un bond extraordinaire dans l’évolution de la facture de
l’instrument, au point qu’il y a peu de rapports entre le gracile piano-forte que nous
venons de décrire et le robuste instrument
des romantiques, assez proche de notre
piano. Deux raisons s’imposent à cette
constatation : d’une part les interprètes
désirent un champ de nuances beaucoup
plus large pour exprimer tant le déferlement de leurs passions que l’intimité d’une
douce confidence ; d’autre part, le concert
n’est plus réservé à quelques invités des
salons aristocratiques, mais l’ouverture de
grandes salles de concert à un vaste public
bourgeois exige des pianos plus sonores.
Tous les efforts des facteurs se concentrent
maintenant sur la construction de pianos
robustes et puissants.
Au milieu d’innombrables petits inventeurs à la recherche d’un brevet, et excités
par la formidable émulation des médailles
et des prix attribués lors des expositions
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
778
industrielles, John Broadwood et Sébastien Érard sont les deux grands artisans de
la naissance du piano moderne. À partir
d’une percussion plus nerveuse, opérée
par un marteau plus lourd sur une corde
de diamètre plus fort (on place alors
jusqu’à quatre cordes pour une même
note), il faut épaissir la table d’harmonie
et renforcer toute la caisse de l’instrument, sa charpente en bois recevant l’aide
de l’acier pour équilibrer les tensions.
Peu à peu l’expression « piano-forte »
disparaît du langage courant, pour céder
la place à celle, plus rapide et commode,
de « piano ». Quelques pianistes romantiques, dont Johann Nepomuk Hummel se
fait le porte-parole, vantent le léger pianoforte viennois, et critiquent le nouveau
piano jugé trop lourd de toucher.
Les virtuoses Daniel Steibelt, Jan Ladislas Dussek, Ignaz Moscheles, John Field,
Jean-Baptiste Cramer doivent modifier
considérablement leur technique de jeu,
apprise auprès de professeurs formés au
clavecin : l’articulation des doigts et de
l’avant-bras ne suffit plus à faire parler
le piano selon ses nouvelles possibilités :
il faut utiliser le poids du bras entier depuis l’épaule. Cet élargissement permet
d’ouvrir un horizon infini de combinaisons techniques : accords répétés, doubles
trilles, gammes en tierces chromatiques,
glissandos, octaves staccato ne sont
qu’une faible partie des éléments pianistiques apparus chez Beethoven, et amplifiés par Chopin, Liszt et leurs émules... ou
adversaires.
Sébastien Érard est à l’origine du succès
du piano en France : il fonde son atelier à
Paris en 1780, soit à l’époque où presque
tous les pianos sont importés de l’étranger, et réalise une magnifique percée commerciale en fabriquant à partir du Consulat une moyenne de deux cents pianos par
an, chiffre comparable aux plus grandes
firmes du temps (Broadwood à Londres,
Streicher à Vienne). Ses pianos carrés
bénéficient des améliorations apportées à
la facture de ses grands pianos « en forme
de clavecin », présentés dès 1794. Sébastien Érard étudie la mécanique anglaise à
échappement de John Broadwood : dans
celle-ci, le pilote n’est plus fixé à la touche
du clavier, mais il est mobile, et s’échappe
après avoir imprimé un élan au marteau,
rendu de ce fait plus libre, précis et nerveux.
À partir de cette mécanique, Érard
conçoit la sienne, puis dépose plusieurs
brevets, jusqu’à l’invention en 1823 du
système dit « à double échappement ». Ici,
le but est de rendre la mécanique très rapide pour les traits, les trilles et surtout les
notes répétées : un premier échappement
lance le marteau contre la corde, et tandis
que le second échappement le maintient
très près de celle-ci, il suffit de relever la
touche de deux millimètres pour que le
premier échappement soit apte à relancer le marteau. Cette prodigieuse mécanique est finalement adoptée par tous les
facteurs concurrents, et c’est celle qu’on
utilise encore de nos jours.
L’APOGÉE À L’ÉPOQUE ROMANTIQUE.
Le nouvel instrument appelle une nouvelle musique pour le clavier, et le double
don fait par Sébastien Érard d’un grand
piano au Conservatoire de musique de
Paris en 1809 et à Beethoven à Vienne en
1803 paraît hautement symbolique. Créé
en 1795, le Conservatoire abandonne très
vite l’enseignement du clavecin, et, telle
une école d’avant-garde, se livre à celui
du piano qu’il va propager dans la société
grâce à son renom, ses professeurs, ses
lauréats, favorisant la création d’un répertoire musical et d’un public mélomane
averti : en 1812, la moitié des élèves de
l’établissement (en particulier des jeunes
filles) sont des élèves de piano !
En offrant à Beethoven l’un des pianos les plus perfectionnés de son temps,
Sébastien Érard satisfait un des compositeurs les plus exigeants envers les facteurs
de pianos, car Beethoven désire tirer de
l’instrument le maximum de possibilités,
techniques et surtout expressives. En se
consacrant au « genre sérieux » par ses
sonates et ses concertos, il donne au piano
ses lettres de noblesse ; après lui, et suivant son influence, tous les compositeurs
voulant s’imposer se feront une obligation d’écrire pour le piano. L’Allemagne
inaugure l’ère du pianiste-compositeur,
virtuose brillant : ainsi Carl Maria von
Weber, Felix Mendelssohn, Robert Schumann, plus tard Johannes Brahms, et,
dans un autre style, Franz Schubert.
L’habitude étant alors de mêler le chant
et divers instruments dans un même
concert, l’apparition du récital pour un
interprète unique est une nouveauté qui
échoit en premier lieu au piano, avec un
détail significatif : le pianiste romantique
extraverti souhaite s’exprimer et se montrer ; ses mains jusque-là cachées dans le
clavier du clavecin ou du piano-forte seront visibles, grâce au clavier à découvert.
L’influence de Frédéric Chopin est profonde sur la technique de jeu du piano, car
il en attend une grande variété d’attaques
et de touchers, et une souplesse que ses
contemporains Frédéric Kalkbrenner,
Alkan ou Ferdinand Hiller ne connaissent
pas toujours. Le style musical plus que la
manière harmonique de Chopin a marqué
son siècle : ses pièces d’évocation (Nocturnes, Préludes, Berceuse) et ses danses
stylisées (Valses, Mazurkas, Polonaises)
suscitent bien des émules.
Franz Liszt occupe dans l’histoire du
piano une place prépondérante ; créateur de la très grande virtuosité, il continue la tradition des duels pianistiques
en luttant publiquement contre certains
de ses contemporains, sa rivalité contre
Sigismond Thalberg étant la plus célèbre.
Il rassemble un nombre d’élèves considérable, et l’influence de sa pédagogie (en
partie codifiée par sa disciple Marie Jaëll)
demeure très importante. Franz Liszt
donne les premiers récitals de piano, et
l’on peut avancer qu’il est l’inventeur du
« grand piano », par ses Études transcendantes, ses Rhapsodies, et aussi sa Sonate.
Liszt fait encore du piano le propagateur de la musique dans la société, par un
nombre impressionnant de transcriptions,
permettant aux amateurs de pratiquer
eux-mêmes les oeuvres entendues dans
les concerts symphoniques. Cet exemple
est suivi : de multiples éditeurs font travailler des transcripteurs, le plus souvent
dans la version piano « à quatre mains ».
Enfin, en abandonnant l’improvisation
pianistique vers 1850, Liszt sonne le glas
de cette activité sauvegardée de nos jours
par les seuls organistes, et confère au texte
musical écrit une valeur inconnue jusquelà, mais que les générations suivantes lui
reconnaîtront.
Le piano, né sous l’Empire et la Restauration, entre vers 1830 dans l’ère industrielle : jamais un instrument de musique
n’aura été fabriqué en telle quantité. Des
musiciens (Pleyel, Herz), ou d’anciens
ouvriers facteurs (Blanchet, Pape) ne
s’y trompent pas, et fondent leur propre
atelier, parfois assorti, pour montrer les
qualités de leurs pianos, de salons qui deviendront nos grandes salles de concerts
parisiennes encore actuelles : Ignaz Pleyel
en 1807, Joseph Emmanuel Gaveau en
1847, et, à l’étranger, Friedrich Bechstein à Berlin en 1853, Ignaz Bösendorfer
à Vienne en 1828, Heinrich Steinweg à
Brunswick en 1835 (qui en 1853 se rebaptise Steinway à New York).
L’industrie du piano veut aussi la division du travail, requise par certaines spécialités : fabricants de mécaniques, de claviers, de barrages ou de cadres en fonte ;
cela explique le nombre élevé d’assembleurs et de revendeurs, notamment dans
les provinces. À cet épanouissement de
la facture correspond l’abandon du vieux
piano carré vers 1860-1880, concurrencé
par le piano droit dès les années 18301850, et des autres formes de piano dont
nous avons déjà parlé. Depuis 1880, la
facture du piano connaît des progrès de
détail, mais aucun changement fondamental ; elle poursuit son évolution vers
un instrument plus sonore et plus souple
à la fois. Le piano à queue moderne s’est
agrandi jusqu’à 2,90 mètres pour les
grands modèles de concert ; la caisse renforcée contient en dessous un robuste
barrage en bois qui supporte une grande
table d’harmonie de huit millimètres
d’épaisseur, vernie, elle-même surplombée du plan des cordes, puis du barrage
en fonte recouvrant toute la surface de la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
779
caisse. À l’extrémité du piano, le sommier
d’accroche en bois est remplacé par des
pointes directement fondues sur le barrage. À l’avant, le même barrage en fonte
est moulé en forme de plaque percée de
trous au travers desquels les chevilles tendant les cordes rejoignent au-dessous le
sommier en bois.
Le croisement des cordes sur deux
plans différents permet un appréciable
gain de place, sans modifier les proportions des cordes graves, modification qui
leur ôterait leurs belles résonances. Les
cordes sont au nombre de trois par note
pour l’aigu, deux pour le médium, et une
pouvant atteindre huit millimètres de diamètre pour chaque note grave. Le clavier
s’étend à sept octaves, de la1 à la6. Dans la
mécanique à double échappement, les facteurs cherchent surtout à faciliter le travail
des articulations, afin de ne pas la rendre
trop fatigante aux doigts du pianiste ; le
manche du marteau est allongé, et sa tête
recouverte de feutre peut peser jusqu’à
cinq grammes. La chasse agrandie permet
une percussion plus franche.
Le son des pianos modernes a une
durée beaucoup plus longue que celui
des anciens piano-forte, dans lesquels il
s’éteignait rapidement après la percussion. Cette continuité du son est le résultat d’une époque de recherches patientes,
et d’améliorations de la facture, afin de
permettre l’interprétation de mélodies
romantiques, et de transformer le piano
d’instrument-percussion en instrumentmélodie. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, chaque marque tient à coeur de
produire des pianos dont la sonorité particulière réponde à l’esthétique du fabricant, et aux désirs de sa clientèle. Depuis
lors, nous assistons à une évolution vers
un « piano international », unifié par les
associations commerciales entre les facteurs, le commerce international, et le
souhait des grands virtuoses voyageant
dans le monde entier de retrouver des pianos semblables dans les différents pays.
LE PIANO DEPUIS UN SIÈCLE.
En explorant les zones d’influence liées à
la carrière prodigieuse de Franz Liszt, et
en rappelant le lien établi par Beethoven
entre les carrières de compositeur et de
pianiste, nous tenons les clefs de l’histoire
pianistique à la fin du XIXe siècle et au
XXe siècle.
En effet, le piano est inséré à tel point
dans la vie musicale que son histoire est
celle du style de composition de l’époque
considérée. L’école française renaissante
après le désastre de 1870 en est un bon
exemple. Camille Saint-Saëns, Georges
Bizet, César Franck, Ernest Chausson,
Emmanuel Chabrier composent pour un
piano oscillant entre la virtuosité de Franz
Liszt, l’évocation de Frédéric Chopin, la
simple description d’agrément, ou plus
rarement la méditation de type beethovénien. Ces termes indiquent bien que le
piano est devenu un moyen du discours
musical, tant est parfaite son adéquation à
la société bourgeoise qui l’a adopté.
À la génération suivante, nous constatons, sous une présentation différente, la
même relation entre l’instrument et l’évolution du style musical : Gabriel Fauré,
Paul Dukas, Maurice Ravel, Gabriel
Pierné, Albert Roussel, Erik Satie, Florent
Schmitt sont pianistes parce qu’ils sont
compositeurs. Claude Debussy lui-même
apporte un renouveau considérable en
tant que pianiste, et plus encore en tant
que compositeur, car il enrichit le langage du piano, comme il enrichit celui de
l’orchestre : la virtuosité de Feux d’artifice
évoque Liszt, comme l’infinie délicatesse
de toucher des Pas sur la neige rappelle
Chopin.
Si, à la génération romantique, les pianistes virtuoses jouaient eux-mêmes leurs
oeuvres, l’époque que nous venons de
retracer assiste à une scission entre compositeur et interprète, et à l’apparition des
premiers virtuoses, chevaliers servants des
productions d’autrui, eux-mêmes n’étant
pas (ou très peu) créateurs : ainsi Anton
Rubinstein, Ricardo Viñes et beaucoup
d’autres.
L’extraordinaire fortune du piano
consiste à avoir happé dans son sillage
l’expression des écoles nationales : il a
attiré les Espagnols Isaac Albéniz, Enrique
Granados, José Turina et Manuel de Falla,
comme le Hongrois Béla Bartók, les Italiens Ferruccio Busoni, Ottorino Respighi, Alfredo Casella, comme le Norvégien
Edvard Grieg, ou le Polonais Karol Szymanowski, les Tchèques Leoš Janáček,
Bohuslav Martinů, comme les Américains
George Gershwin, Aaron Copland et
Charles Ives. L’école russe est particulièrement brillante : si les auteurs du renouveau, comme Piotr Ilitch Tchaïkovski,
Alexandre Glazounov ou Alexandre Balakirev s’intéressent peu au piano, leurs successeurs Serge Rachmaninov, Alexandre
Scriabine, Serge Prokofiev, Dimitri Chostakovitch exigent une grande virtuosité,
dans l’expression d’un répertoire alliant
un fond de romantisme à d’originales recherches d’écriture.
Le piano est partout. Le moindre
théâtre, la moindre salle de concert se
doivent d’en posséder, il est l’auxiliaire
pédagogique des écoles de musique :
pour l’accompagnement de tous les instruments, de la danse, pour le solfège,
l’harmonie, le contrepoint, voire la composition ; le jazz lui réserve une place toujours importante, et on le retrouve même
au Théâtre national de Pékin. En 1975, on
a vendu 15 000 pianos en France, tandis
que les facteurs en fabriquaient environ
700 000 de par le monde ; une marque
japonaise se targue même de fabriquer un
piano toutes les deux minutes.
LE PIANO A-T-IL UN AVENIR ?
Le milieu du XXe siècle lui a fait perdre la
fonction, jusque-là répandue, de prolonger le concert en interprétant soi-même
des transcriptions ou des réductions
d’oeuvres pour orchestre symphonique.
Le piano s’est d’abord adapté au désir de
reproduction automatique du son, dans
ses modèles de « piano mécanique »,
« auto-piano », ou plus tard « piano pneumatique », modèles de plus en plus destinés à une musique de divertissement.
Mais l’enregistrement discographique ou
magnétique, moins exigeant et plus fidèle,
lui retire cette activité.
Il n’est pas sûr, non plus, que le
maintienne sa position privilégiée
l’arsenal pédagogique : les moyens
matiques et les nouvelles méthodes
porteront bientôt des résultats au
semblables.
piano
dans
téléapmoins
Quant à la fortune des récitals pianistiques, il est à remarquer que les derniers
grands virtuoses au sens romantique
du mot sont morts ou âgés, et que leurs
jeunes successeurs ne conçoivent plus leur
carrière de la même façon, ne serait-ce que
par la disparition d’un répertoire pianistique contemporain, analogue à celui qui a
été créé jusque-là. Les oeuvres récentes de
Henri Dutilleux, Olivier Messiaen, Pierre
Boulez ou John Cage font rarement partie des récitals traditionnels, composés le
plus souvent des noms de Bach, Mozart,
Beethoven, des romantiques et des compositeurs du début du XXe siècle, comme
Debussy, Ravel, et parfois Bartók ou Prokofiev. Nos créateurs contemporains sont
défendus par de courageux interprètes,
qui leur vouent des récitals « spécialisés »,
attirant en conséquence un public plus
restreint.
Le piano survit parce que le grand public s’intéresse surtout à la musique du
passé, mais lorsqu’un jeune public s’éveillera à la musique de son temps avec des
moyens nouveaux, le piano aura vécu, ou
il devra subir, à l’image d’autres instruments de musique, une profonde métamorphose actuellement imprévisible.
PIANOLA.
Mécanique attachée à un
permettant aux marteaux
cordes non par l’action
les touches mais par la
et mise en marche grâce
comme sur un harmonium.
piano ordinaire,
de frapper les
des doigts sur
pression de l’air
à une pédale,
Après avoir connu une grande vogue
dans les années 1920, le pianola est largement tombé en désuétude.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
780
PIANO PRÉPARÉ. (en angl. prepared
piano).
Nom donné à une certaine technique de
modification des sons naturels du piano
(essentiellement par insertion d’objets
divers dans la caisse et entre les cordes) ;
et aussi nom donné au piano quand celuici fait l’objet de ce traitement. On attribue
l’invention du piano préparé à John Cage,
avec une Bacchanale (1938), musique pour
un ballet de Syvilla Fort. Il s’agit moins,
avec cette technique, d’une « destruction »
ou d’une « profanation » de l’instrument
(qui, pour peu qu’on y prenne garde,
n’est pas le moins du monde détérioré
par l’opération) que d’une façon nouvelle de lui faire produire des sonorités et
des timbres. Quels que soient les « corps
étrangers » introduits dans les cordes
(gommes, vis, élastiques, objets de bois,
de métal, de plastique, etc.), leur rôle est
de modifier le son naturel de l’instrument
quand on appuie sur la touche du clavier
et que le marteau frappe la corde : on
produit ainsi des timbres et des hauteurs
différentes, des sons plus complexes, voilés, percussifs, mats ou au contraire stridents. De plus la préparation n’étant pas
uniformément répartie sur tout l’instrument, on dispose d’une espèce de gamme
de timbres différents, d’une sorte de petit
orchestre jouable avec deux mains.
Dans les partitions pour piano préparé,
la préparation demandée peut être rigoureusement décrite et spécifiée (nature des
objets insérés, indication des cordes à préparer, et des endroits précis où introduire
ces objets), mais l’oeuvre est écrite dans
une notation traditionnelle, qui, dès lors,
rend compte plus des touches à enfoncer
que du résultat auditif.
L’oeuvre pour piano préparé la plus importante est celle de John Cage, avec notamment le cycle remarquable des Sonates
et Interludes (1946-1948), qui imitent des
sonorités de certaines musiques orientales, notamment balinaises. Mais dès
1948, Pierre Henry utilise le piano préparé
comme source sonore prédominante de
structures musicales enregistrées dans ses
oeuvres de musique concrète et électroacoustique (Bidule en « ut », 1950 ; Symphonie pour un homme seul, 1949-50, ces deux
oeuvres avec Pierre Schaeffer ; plus tard
le Concerto des ambiguïtés, 1950 ; le Microphone bien tempéré, 1950-51 ; la Reine
verte, 1963 ; Dieu, 1977, etc.). Aujourd’hui,
le piano préparé fait partie d’une certaine
panoplie instrumentale moderne, mais
rares sont encore les compositeurs qui
l’utilisent en dehors du modèle cagien :
citons parmi eux, Michèle Bokanovski,
avec sa pièce Pour un pianiste (1974),
pour piano préparé et bande magnétique,
dédiée à Gérard Frémy, son inspirateur,
un des rares virtuoses français à pratiquer
cette technique.
PIATIGORSKI (Gregor), violoncelliste
américain d’origine russe (Ekaterinoslav
1903 - Los Angeles 1976).
Il commence l’étude du violoncelle à
sept ans et entre, deux ans plus tard, au
conservatoire de Moscou, dans la classe
d’A. von Glehn, et prend par ailleurs des
leçons avec Brandukov. Membre du quatuor Lénine (1919) et violoncelle solo de
l’Orchestre du Bolchoï, il quitte l’Union
soviétique en 1921 pour Leipzig, où il
étudie auprès de J. Klengel. Il est engagé,
de 1924 à 1928, par Furtwängler comme
violoncelle solo de l’Orchestre philharmonique de Berlin et se produit en duo avec
A. Schnabel, en trio avec ce dernier et C.
Flesch. Il joue également, à partir de 1930,
avec ses compatriotes Horowitz et Milstein, surtout aux États-Unis, où il fait ses
débuts de soliste en 1929 (avec l’Orchestre
philharmonique de New York). Il met ses
deux stradivarius (le Batta de 1714 et le
Baudiot de 1725) au service de la musique
de son temps, créant les concertos de M.
Castelnuovo-Tedesco (1935, avec Toscanini), d’Hindemith (1941) et de Walton
(1957), et des pages de Martinů, Milhaud,
Prokofiev, Webern, etc. Il réalise, en collaboration avec Stravinski, la version pour
violoncelle de la Suite italienne de Pulcinella (1934). À partir de 1949, il joue en
trio avec Rubinstein et Heifetz, et organise
avec celui-ci, en 1961 à Los Angeles, les
concerts de musique de chambre HeifetzPiatigorski, auxquels participe également
W. Primrose. Il se produit jusqu’en 1974
aux États-Unis et en Europe, sauf en
France d’où il se tint éloigné vingt ans durant après avoir été éreinté par un critique
du Figaro. Il enseigne au Curtis Institute
de Philadelphie de 1941 à 1949, à l’université de Boston en 1957, et à partir de 1962
à l’université de Los Angeles (où est créée
à son intention une chaire de musique
en 1975). Son art, bâti sur une sonorité
plantureuse, fait cohabiter la grandeur et
l’élan.
PICANDER (Christian Friedrich HENRICI,
dit), poète et librettiste allemand (Stolpen, près de Dresde, 1700 - Leipzig
1764).
Arrivé à Leipzig en 1720, il y publia, de
décembre 1724 à décembre 1725, une
série de poèmes d’inspiration religieuse
intitulée Sammlung erbaulicher Gedanken,
et devint à cette époque librettiste de Bach
pour certaines de ses cantates. Cette collaboration devait durer près de vingt ans
et concerner principalement les grandes
oeuvres sacrées de Bach (Passion selon
saint Matthieu, Passion selon saint Marc,
probablement aussi Oratorio de Pâques
et Oratorio de l’Ascension), ainsi que ses
oeuvres de circonstance. Picander joua un
rôle moins important pour les cantates
d’église proprement dites de Bach, bien
que son cycle de poèmes sacrés, Cantaten
auf die Sonn und Fest-Tage (1728), ait de
toute évidence été destiné au cantor. Il se
fit également un nom comme auteur de
poèmes satiriques.
PICCINNI (Nicola), compositeur italien
(Bari 1728 - Passy 1800).
Élève à Naples de Leo et de Durante, il
donna dans cette ville son premier opéra,
Le Donne dispettose (1754). Suivirent,
à Rome, Alessandro nell’Indie (1758), de
style « seria » et sur un livret de Métastase, et en 1760 La Cecchina ossia La Buona
figliuola, sur un livret d’après Goldoni et
consacrant la naissance du genre « semiseria ». Une cinquantaine d’opéras, dont
L’Olimpiade (1761) et La Molinarella
(1766), furent ensuite écrits en une dizaine
d’années. La popularité de Piccinni pâtit
de l’étoile naissante d’Anfossi, et, à l’invitation de Marie-Antoinette, il accepta de
venir à Paris, où il arriva en 1776 et où il
fit notamment jouer Roland (1778), sur un
livret de Marmontel.
Gluck venait de donner son Armide, et
bientôt se déclencha la fameuse Querelle
des gluckistes et des piccinnistes, envenimée par les nombreux écrits des partisans
respectifs des deux compositeurs, dont les
relations personnelles restèrent toujours
cordiales. Piccinni, qui représentait la musique italienne, se vit confier la direction
d’une troupe transalpine. Deux ans après
l’Iphigénie en Tauride de Gluck, il fit représenter son opéra du même nom (1781).
On lui opposa alors un nouveau rival en
la personne de Sacchini : ce dernier donna
Chimène (1784), et Piccinni Didon (1783).
Peu après, il prononça l’éloge de Sacchini
devant sa tombe ouverte (1786), et, à la
mort de Gluck (1787), il tenta en vain
d’organiser à Paris des cérémonies commémoratives.
Au début de la Révolution, Piccinni retourna à Naples, puis se réfugia à Venise,
où il écrivit La Griselda (1793). Accueilli
de nouveau par la France en 1798, il fut
nommé peu avant sa mort inspecteur de
l’enseignement du Conservatoire. Maître
incontesté de l’opéra « semiseria », dont
les innovations devaient également porter
leurs fruits dans l’opéra-comique français,
il prodigua aussi son talent dans sa musique sacrée et sa musique instrumentale.
PICCOLO (ital. : « petit »).
1. Adjectif souvent employé en musique
dans son sens original. Il a existé, par
exemple, un « violon piccolo ». Substantivement, il désigne aujourd’hui la « petite
flûte » traversière, qui sonne à l’octave
supérieure de la grande, avec le même
doigté. Il lui manque toutefois l’ut et l’ut
dièse graves, qui manquaient d’ailleurs
aussi à la grande flûte jusqu’à l’invention
de la « patte d’ut » à la fin du XVIIIe siècle.
Sa sonorité perçante, qui traverse aisédownloadModeText.vue.download 787 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
781
ment la masse de l’orchestre, a été amplement utilisée par les symphonistes. Mais
le piccolo a été également traité en instrument soliste, notamment par Vivaldi.
2. À l’orgue, jeu le plus aigu, parfois aussi
appelé sifflet. De la famille des principaux,
il sonne à la triple octave de la fondamentale (vingt-deuxième, ou harmonique 8).
Son tuyau le plus grave mesure 1 pied de
haut, et le corps sonore du plus petit 7 mm
seulement. Le piccolo est surtout utilisé
dans le plenum, au même titre qu’un jeu
de mixture.
PICHL (Vaclav), compositeur et violoniste tchèque (Bechyne, près de Tabor,
1741 - Vienne 1805).
Après des études en Bohême, il fut engagé par Dittersdorf comme violoniste
à Grosswardein (1765-1769). En 1777, il
partit pour l’Italie comme directeur de la
musique de l’archiduc Ferdinand, gouverneur de la Lombardie et dont la résidence
était Milan, et y resta jusqu’en 1796. L’archiduc ayant été cette année-là chassé
de sa province par les Français, Pichl le
suivit à Vienne, où il demeura à son service. Apprécié de Haydn, qui fit exécuter
des quatuors de lui à Eszterháza, il écrivit
des symphonies et des concertos ainsi que
de la musique de chambre, en particulier
pour violon. Dans ses dernières années,
il se consacra beaucoup à la musique religieuse.
PIÈCE À SAUVETAGE (all. rettungsoper).
Terme apparu vers 1900 et désignant un
type d’opéra courant à la fin du XVIIIe siècle
et au début du XIXe, dans le contexte de
la Révolution française : un personnage
faussement accusé d’un crime, ou victime
d’un coup du sort ou d’un tyran, est sauvé
ou libéré au dernier moment, l’action
pouvant soit correspondre à des faits réels,
soit relever de l’utopie.
L’exemple le plus abouti en est le Fidelio
de Beethoven (1805, 1806 et 1814), mais
on peut citer également Richard Coeur de
Lion de Grétry (1784), Lodoiska (1791) et
les Deux Journées (1800) de Cherubini, ou
encore la Caverne de Le Sueur (1793).
PIED.
1. Ancienne unité de longueur (324 mm)
qui participe à l’identification des différents jeux de l’orgue et du clavecin. « Jeu
de 8 pieds » (on écrit 8') signifie que le
tuyau le plus grave de la série, donc le plus
long, mesure environ 2,60 m. Les jeux
s’échelonnent selon la progression géométrique 1, 2, 4, 8, 16 et 32, en sorte que
chacun d’eux sonne à l’octave inférieure
du précédent. En fait, cette classification
ne correspond à la réalité qu’en ce qui
concerne les tuyaux ouverts ; comme les
tuyaux fermés sonnent une octave plus
bas, le « 8' » de cette catégorie ne mesure
que 1,30 m. Elle est encore plus arbitraire
dans le cas du clavecin, qui ne comporte
évidemment pas de cordes longues de
plusieurs mètres ; c’est par analogie qu’on
l’a appliquée aux jeux du clavecin, limitée
toutefois à 4, 8 et 16 pieds.
2. Par ailleurs, on appelle « pied » le bas
d’un tuyau d’orgue et celui d’une harpe,
ainsi que le tuyau mélodique de la cabrette
(par opposition aux bourdons à sons
fixes).
PIERLOT (Pierre), hautboïste français
(Paris 1921).
Formé au Conservatoire national supérieur de musique, il est membre fondateur du Quintette à vents français (1942)
et de l’Ensemble baroque de Paris (1950),
et remporte en 1949 le premier prix du
Concours international de Genève, qui lui
ouvre une brillante carrière de concertiste.
Hautbois solo de l’Opéra-Comique, puis
de l’Opéra jusqu’en 1981, Pierre Pierlot
n’en participe pas moins à de nombreux
concerts et enregistrements avec divers
orchestres et ensembles de musique de
chambre, notamment le Quintette à
vents de Paris, où il a pour partenaires
Jean-Pierre Rampal (flûte), Jacques Lancelot (clarinette), Gilbert Coursier (cor)
et Paul Hongne (basson). Professeur au
Conservatoire depuis 1969, il poursuit
actuellement son activité de virtuose et de
pédagogue, fait partie de plusieurs jurys
internationaux, et enseigne aussi à l’Académie de Nice. La réputation de l’école
française moderne de hautbois lui doit
beaucoup.
PIERNÉ (Gabriel), compositeur et chef
d’orchestre français (Metz 1863 - Ploujean, Finistère, 1937).
Dès l’âge de cinq ans, il étudie le solfège au
conservatoire de Metz. En 1871, il entre
au Conservatoire de Paris dans les classes
de Lavignac (solfège), Marmontel (piano),
Durand (harmonie), Franck (orgue) et
Massenet (composition). Il obtient de
nombreuses récompenses, en attendant
le grand prix de Rome en 1882. Auparavant, il a écrit plusieurs oeuvres, dont la
Sérénade pour piano, devenue célèbre.
À Rome, il termine son premier opéracomique, le Chemin de l’amour, et une
légende dramatique pour choeur et orchestre, les Elfes, dont un des numéros, « Je
maudis ma puissance », entrera au répertoire de nombreuses chorales françaises.
Il compose des mélodies, des choeurs, des
pages instrumentales ou symphoniques
(Fantaisie-ballet pour piano et orchestre,
1885), des scènes lyriques. En 1891, il écrit
le Collier de saphir, pantomime de Catulle
Mendès. Successeur de Franck aux orgues
de Sainte-Clotilde (1890), il occupe ce
poste jusqu’en 1898.
Musicien aux abondantes trouvailles
mélodiques, orchestrateur raffiné, Gabriel
Pierné se fait apprécier pour ses musiques
de scène (la Samaritaine, 1897), ses ouvrages lyriques ou dramatiques (la Coupe
enchantée, 1895, création à Paris en 1905 ;
Vendée, 1897). En 1905, les concerts Colonne présentent sa Croisade des enfants,
oratorio utilisant à merveille les voix
enfantines. Les Enfants à Bethléem (1907)
et Saint François d’Assise (1912) expriment également sa foi lumineuse transmise par César Franck. En 1908, il écrit la
musique de scène pour la pièce de P. Loti,
Ramuntcho, créée au théâtre de l’Odéon.
En 1910, il devient chef d’orchestre des
concerts Colonne, en remplacement
d’Édouard Colonne, qu’il secondait depuis 1903.
Il met volontiers cette nouvelle activité
au service de ses contemporains, et crée
un grand nombre d’oeuvres nouvelles,
parmi lesquelles les siennes figurent rarement. Mais il ne cesse pas d’écrire : en témoignent le ballet Cydalise et le Chèvrepied
(1923), la comédie lyrique Sophie Arnould
(1927), l’opérette Fragonard (1934), Trois
Pièces en trio (1936). Dans ses oeuvres scéniques, Pierné reflète l’influence de son
maître Massenet.
Parallèlement à ses activités de chef
d’orchestre et de compositeur, Pierné
s’est penché sur l’enseignement musical
en France.
PIERRE (Francis), harpiste français
(Amiens 1931).
Il est l’élève de Lily Laskine au Conservatoire de Paris, puis de Pierre Jamet. Passionné par la musique contemporaine, il
travaille notamment avec Pierre Boulez
et Bruno Maderna, entre 1960 et 1970. En
1967, il est harpiste solo de l’Orchestre de
Paris. En 1972, il fonde le Trio Debussy où
s’adjoignent à la harpe un alto et une flûte.
Il a créé notamment la Sonate de Milhaud,
Circles, Sequenza II et Chemins I de Berio,
Tranche de Betsy Jolas et des pièces de
Bussotti. Il travaille aussi à l’Ensemble
InterContemporain et, depuis 1985, enseigne au Conservatoire de Paris.
PIERRE (Odile), organiste française
(Pont-Audemer 1932).
À l’âge de sept ans, elle entend un concert
de Marcel Dupré à Rouen qui décide de sa
vocation. Déjà organiste et chef de choeur
en 1947 à Barentin, elle entre au Conservatoire de Paris. Elle y étudie l’orgue et
l’improvisation avec Dupré, l’harmonie
avec Duruflé, et la fugue. De 1969 à 1979,
elle est titulaire des grandes orgues de
la Madeleine à Paris. Elle poursuit une
carrière de soliste, jouant dans les plus
importants festivals. En récital, elle aime
défendre l’école française en interprétant
Alexandre Guilmant, Louis Vierne et
Charles-Marie Widor. Après avoir enseidownloadModeText.vue.download 788 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
782
gné onze ans au Conservatoire de Rouen,
elle est professeur au C.N.R. de Paris. Depuis 1991, elle donne des master-classes à
Perugia, et elle a composé plusieurs pièces
pour son instrument.
PIFFARO (ou PIFFERO).
Terme italien extrêmement vague qui désigne aussi bien une petite flûte sans clés
qu’un petit instrument à anche, également
dépourvu de clés.
Dans la région des Abruzzes, les bergers
se muaient en « pifferari » pour célébrer
Noël. Le nom de « piffaro » est également
donné à un jeu de l’orgue, proche de la
« voix humaine », que caractérise une
sorte de vibrato.
PIJPER (Willem), compositeur néerlandais (Zeist 1894 - Leidschendam 1947).
Élève de Johan Wagenaar à Utrecht, il
lui dédia sa première oeuvre importante,
le Quatuor à cordes no 1 (1914), assez influencé par Wagner et Brahms, mais utilisant déjà d’audacieuses superpositions
polytonales. Dans le sillage de la musique
française s’inscrivirent au contraire les
Fêtes galantes pour mezzo-soprano et
orchestre (1916), d’après Verlaine, et la
Romance sans paroles pour soprano et orchestre (1918). L’influence de Mahler est
sensible dans la Symphonie no 1 (1917), dédiée à Willem Mengelberg et d’une durée
d’une quinzaine de minutes seulement.
Celle de Debussy ne tarda pas à s’y superposer, et Pijper fut un des premiers, en
Europe, à réaliser une harmonieuse synthèse de ces deux maîtres si dissemblables.
Cette synthèse se manifesta nettement
vers 1920, et tout d’abord dans plusieurs
ouvrages de musique de chambre : Sonate
pour violon no 1 (1919), Sonate pour violoncelle no 1 (1919), Septuor pour 5 instruments à vent, contrebasse et piano (1920),
Quatuor à cordes no 2 (1920), Trio pour
piano no 2 (1921). Dans ces partitions, Pijper développa également une technique
très personnelle de croissance organique
à partir d’une brève cellule mélodicoharmonique. Depuis 1918, il avait exercé
diverses activités d’enseignement et de
critique qui devaient aboutir à sa nomination comme professeur de composition au
conservatoire d’Amsterdam (1925-1930),
puis comme directeur de celui de Rotterdam (1930-1947). Il forma ainsi beaucoup
de compositeurs de la génération suivante,
parmi lesquels Henk Badings et Kees Van
Baaren, et exerça par ses écrits (plus de six
cents dont beaucoup réunis en volumes)
une forte influence sur la vie musicale de
son pays.
En 1922 fut donnée, sous la direction de
Mengelberg, la Symphonie no 2. Suivirent
la Sonate pour violon no 2 (1922), le Sextuor pour 5 instruments à vent et piano
(1923), le Quatuor à cordes no 3 (1923),
la Sonate pour violoncelle no 2 (1924),
la Sonate pour flûte (1925) et les Sonatines pour piano. En 1926 fut composée
la Symphonie no 3, dédiée à Pierre Monteux, qui la créa la même année : oeuvre
encore plus concentrée, écrite pour un
orchestre moins nombreux, que les deux
symphonies précédentes. Elle n’a qu’un
seul mouvement, subdivisé en 5 courtes
sections dont la dernière porte en exergue
l’inscription, tirée de Virgile : Flectere si
nequeo superos, Acheronta movebo (Si je ne
puis fléchir les dieux, je mettrai en mouvement l’Achéron). En 1927, Monteux créa
aussi le Concerto pour piano, en sept brefs
mouvements. En 1928, pour le 40e anniversaire de l’Orchestre du Concertgebouw
fut donnée une autre partition essentielle,
les Six Épigrammes symphoniques, d’une
concision évoquant Webern et portant
cette fois en exergue une phrase du 2e acte
d’Hamlet de Shakespeare : Since brevity is
the soul of wit... I will be brief (La brièveté
étant l’âme de l’esprit... je serai bref).
Ensuite, Pijper se tourna de nouveau
vers la musique de chambre : Trio pour
flûte, clarinette et basson (1927), Qua-
tuor à cordes no 4 (1928), Quintette à vents
(1929), Sonate pour 2 pianos (1935). Il
y eut également une musique de scène
pour la Tempête de Shakespeare (1930),
un concerto pour violoncelle (1936) et un
pour violon (1939), les Six Adagios pour
orchestre (1940), ainsi que deux opéras,
Halewijn (1932-1934) et Merlijn (19391946). Le second de ces opéras et le Quatuor à cordes no 5 demeurèrent inachevés.
Après la tension des années 1920-1933,
la musique des dernières années de Pijper
devint plus lyrique, plus apaisée. Excellent
pédagogue, critique avisé, harmoniste raffiné, esprit intéressé à tout, ce calviniste
rigoureux reste le plus grand compositeur néerlandais de la première moitié du
XXe siècle.
PILARCSYK (Helga), soprano allemande
(Schöningen, près de Helmstedt, 1925).
Elle a fait ses études à Brunswick et à
Hambourg, et a été membre de la troupe
de l’opéra de Hambourg de 1954 à
1957. Sa réputation lui est venue surtout
de ses interprétations des oeuvres de Berg
(Lulu, Wozzeck) et de Schönberg (Erwartung, Pierrot lunaire). Elle a enregistré
Erwartung sous la direction de Hermann
Scherchen et Pierrot lunaire sous celle de
Pierre Boulez, et, en 1959, dans le cadre
du Théâtre des nations, a été la première à
interpréter à Paris le rôle de Lulu.
PINCÉ ou BRISÉ.
Ornement dont usaient les clavecinistes
français, et qui consiste en un battement
simple ou double au ton ou au demi-ton
inférieur.
Également employé pour les autres
instruments et même pour le chant, c’est
en fait une amorce de trille qui ne se distingue guère du « mordant » inférieur.
PINCHERLE (Marc), musicologue et critique français (Constantine 1888 - Paris
1974).
Élève de Romain Rolland et d’André
Pirro, Marc Pincherle a consacré à partir
de 1913, l’année de sa thèse en Sorbonne
sur Vivaldi, l’essentiel de ses travaux à la
musique instrumentale française et italienne des XVIIe et XVIIIe siècles. Ses ouvrages sur Jean-Marie Leclair et Corelli,
son étude sur Vivaldi, à laquelle est joint
un catalogue thématique resté inachevé,
font autorité. Critique musical du Progrès
de Lyon et des Nouvelles littéraires, président de la Société française de musicologie
de 1948 à 1956, président de l’académie
Charles-Cros depuis sa fondation en 1948,
secrétaire général du Festival d’Aix-enProvence de 1950 à 1963, Marc Pincherle
exerçait un rayonnement considérable. Ses
ouvrages, dont l’argumentation s’appuie
sur des faits concrets, hors de tout parti
pris théorique, sont des modèles d’esprit
critique, de liberté et d’indépendance.
PINNOCK (Trevor), claveciniste et chef
d’orchestre anglais (Canterbury 1946).
Il est d’abord choriste à la cathédrale de
Canterbury. Après des études d’orgue et
de clavecin au Royal College of Music, il
fonde en 1966 le Galliard Trio avec Stephen Preston et Anthony Pleth, avec qui
il se produit jusqu’en 1972. Il commence
alors une carrière très active de claveciniste. En 1973, il constitue l’English
Concert, qui joue sur instruments anciens. Avec cet ensemble, il enregistre de
nombreux disques, dont plusieurs ont été
couronnés de grands prix. Il dirige aussi
la Classical Band de New York et, à partir de 1991, l’orchestre du Centre national
des arts d’Ottawa. Également curieux du
répertoire de clavecin moderne, il interprète les oeuvres du XXe siècle (de M. de
Falla à F. Martin).
PINOŠ (Alois), compositeur tchèque
(Vyskov 1925).
Il a étudié la musique avec Vilem Blazek,
puis au conservatoire de Brno avec Vilem
Petrzelka et à l’académie Janáček avec Jaroslav Kvapil et Theodor Schäfer. En 1953,
il a été nommé professeur de composition
et d’orchestration à l’académie Janáček.
Marqué au début par le chant populaire,
et influencé par Janáček, Prokofiev, Bartók, il s’est ensuite tourné vers la musique
sérielle, puis, dans les années 60, vers la
musique électronique. En 1965, il a suivi
un stage à Munich avec Mauricio Kagel.
En 1967, il s’est associé avec Parsch, Ruzicka et Stedron pour la création d’oeuvres
collectives. Parmi ses compositions, il faut
citer, outre des chants sur des textes popudownloadModeText.vue.download 789 sur 1085
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783
laires, des choeurs et des danses tchèques
pour orchestre qui marquent sa première
période, Caricatures pour flûte, clarinette
basse et piano (1962), Conflits pour clarinette basse, violon, piano et percussion
(1964), un concerto pour orchestre et
bande magnétique, Gesta Macchabeorum
pour choeur et instruments (1967-68), la
symphonie Apollo I (1970), Composition
pour 3 (flûte, clarinette et marimbaphone)
[1975]. Il a écrit un ouvrage théorique,
Tonovy skupine (« Groupes de notes »),
publié à Prague en 1971.
PINZA (Ezio), basse italienne (Rome
1892 - Stanford 1957).
Il fit ses débuts en 1914 à Soncino dans
Oroveso de Norma de Bellini, mais la
guerre interrompit une carrière qu’il
reprit en 1920 à Rome dans le roi Marke
de Tristan et Isolde. De 1921 à 1924, il
fut pensionnaire de la Scala de Milan, et
créa Nerone de Boito sous la direction de
Toscanini. En 1926, il s’installa aux ÉtatsUnis, et se partagea entre Verdi et Mozart
au Metropolitan Opera de New York, où
il chanta jusqu’en 1948. Ce qui ne l’empêcha pas de paraître dans les principaux
théâtres d’Europe et au festival de Salzbourg, où Bruno Walter, puis Toscanini
le choisirent pour interpréter Figaro et
Don Giovanni. Son nom est resté attaché
à ce dernier rôle, qu’il chanta plus de deux
cents fois. En 1949, il aborda la « musical
comedy » avec South Pacific. Sa voix de
basse chantante était d’une grande qualité.
Excellant dans les styles les plus différents,
Pinza fut un des chanteurs les plus accomplis de son époque. Ses dons d’acteur et sa
séduction physique contribuèrent à son
succès.
PIPEAU.
À l’origine, petite flûte rustique, généralement confectionnée avec les moyens du
bord par le paysan qui s’en servait, pour
imiter le chant des oiseaux. Le terme désigne aujourd’hui les flûtes à bec de mauvaise qualité, vendues à bas prix au rayon
des jouets.
PIQUÉE (note).
Plus brève et plus accentuée que la note
simplement détachée, la note piquée se
résume en quelque sorte à l’attaque du son
et s’isole ainsi des notes voisines. On ne
saurait mieux la comparer qu’à un coup
sec frappé sur un instrument à percussion.
PIQUEMAL (Michel), baryton et chef de
choeur français (Paris 1947).
Il appartient dans son enfance à la Maîtrise de Radio France, étudie le piano puis
la direction auprès de J. Jouineau. Assistant de ce dernier à la direction de la Maîtrise de Radio France de 1968 à 1973, il
commence à diriger son propre ensemble,
la Chorale Vittoria d’Argenteuil, et fonde
en 1978 l’Ensemble vocal Michel Piquemal, constitué de professionnels, avec qui
il crée des oeuvres de Calmel, Casterède,
Florentz, Landowski, Lendvay. De 1988
à 1994, il enseigne le chant choral au
Conservatoire de Paris et, en 1987, il se
voit confier la direction du Choeur régional Vittoria d’Île-de-France et du Choeur
régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. En
tant que chanteur, il a reçu les conseils de
Denise Duval et Pierre Bernac pour la mélodie française, de Suzanne Anders et Paul
Schilawski pour le lied au Mozarteum de
Salzbourg, et se produit régulièrement en
soliste.
PIRÈS (Maria-João), pianiste portuguaise (Lisbonne 1944).
Dès la prime enfance, elle se produit en
public. À l’âge de neuf ans, elle entre au
Conservatoire de Lisbonne, où elle étudie
jusqu’en 1960 auprès de Campos Coelho.
Parallèlement, elle travaille la composition
et l’histoire de la musique auprès de Francine Benoît. 1er Prix du Concours Elisa
Pedro en 1958, 2e Prix au Concours des
Jeunesses musicales de Berlin et 1er Prix du
Concours Franz Liszt en 1960, elle se perfectionne auprès de Rosl Schmid à la Musikhochschule de Munich, puis auprès de
Karl Engel à Hanovre. En 1970, elle remporte le 1er Prix du Concours Beethoven,
organisé à Bruxelles pour le bicentenaire
de la naissance du compositeur. Elle se
produit rapidement dans l’Europe entière,
particulièrement dans le répertoire mozartien. Après une interruption de quatre
ans, elle réapparaît sur les grandes scènes,
avec un répertoire plus large, comprenant
les romantiques allemands, les français du
début du XXe, et se produit fréquemment
en compagnie de V. Mullova, M. Portal et
surtout A. Dumay.
PIRRO (André), musicologue français
(Saint-Dizier 1869 - Paris 1943).
Venu à Paris en 1889, il y étudie le droit
à la Sorbonne et suit parallèlement des
cours de musique, assistant, en particulier,
aux cours d’orgue de César Franck, puis
de Charles-Marie Widor au Conservatoire
de Paris. Il est, à la même époque, organiste et maître de chapelle au collège Stanislas. Il participe en 1896 à la fondation
de la Schola cantorum, où il enseigne l’histoire de la musique et l’orgue. Organiste
à Saint-Jean-Baptiste de Belleville (19001904), il est professeur à l’École des hautes
études jusqu’en 1914 et, en 1907, soutient
sa thèse à la Sorbonne, l’Esthétique de J.-S.
Bach (avec un complément, Descartes et la
Musique). En 1912, il succède à Romain
Rolland à la chaire d’histoire de la musique à la Sorbonne ; il y restera jusqu’à
sa retraite en 1937, après avoir été nommé
professeur titulaire en 1930.
Venu à la musique par l’orgue, il
consacre la plus grande partie de ses recherches aux organistes. Il écrit plusieurs
notices biographiques pour les Archives
des maîtres de l’orgue des XVIe, XVIIe et
XVIIIe siècles de A. Guilmant (1897-1909),
puis collabore par de nombreux articles
à la Tribune de Saint-Gervais (études sur
Titelouze, Schütz, Marchand, Roberday,
F. Couperin, N. de Grigny). Dès 1895, il
exprime son intérêt pour Bach avec un
premier ouvrage, l’Orgue de Jean-Sébastien
Bach, qui sera suivi en 1906 de J.-S. Bach et
l’année suivante de sa thèse remarquable.
S’étant penché, au cours de ses recherches,
sur les prédécesseurs du musicien, il
publie en 1913 Dietrich Buxtehude et la
même année Schütz. Il écrit ensuite un
certain nombre d’articles sur la musique
du XVIIe siècle et collabore en particulier
à l’encyclopédie de Lavignac avec la Musique en Allemagne pendant le XVIIe siècle
et la première moitié du XVIIIe siècle, l’Art
des organistes, la Musique religieuse allemande depuis les Psaumes de Schütz (1619)
jusqu’à la mort de Bach (1750). Il publie
les Clavecinistes : étude critique (1926), la
Musique à Paris sous le règne de Charles VI,
1380-1422 (1930), Histoire de la musique
de la fin du XIVe siècle à la fin du XVIe
(1940).
Il a, par ses méthodes de recherches
très rigoureuses et ses publications très
documentées, véritablement lancé la nouvelle école de musicologie française, qu’a
contribué à développer intensivement son
enseignement à la Sorbonne. On compte
en effet, parmi ses élèves, d’éminents musicologues, parmi lesquels N. Bridgman,
P. H. Lang, A. Machabey, M. Pincherle, D.
Plamenac, Y. Rokseth, G. Thibault.
PIRROTTA (Nino), musicologue italien
(Palerme 1908).
Après avoir fait ses débuts au conservatoire de Palerme, il part en 1927 pour Florence, où il étudie l’orgue, la composition
et l’histoire de l’art. Professeur d’histoire
de la musique au conservatoire de Palerrne (1936-1948), il dirige alors la bibliothèque musicale Sainte-Cécile de Rome
jusqu’en 1956 et, en 1951, est l’un des
cofondateurs de l’Association internationale des bibliothèques musicales (dont il est
vice-président jusqu’en 1955). Après une
série de cours dans les universités américaines (Princeton, UCLA, Columbia), il
est professeur à Harvard de 1956 à 1972,
puis rentre en Italie pour enseigner l’histoire de la musique à l’université de Rome.
La plupart de ses recherches et publications portent sur le XIVe siècle et l’Ars nova
italienne. En 1935, il écrit en collaboration
avec E. Li Gotti, Il Sacchetti e la tecnica musicale del trecento italiano, puis se penche
avec le même chercheur sur le codex de
Lucca. Il étudie également la caccia et le
madrigal du trecento, commence à éditer
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
784
en 1954 The Music of Fourteenth-Century
Italy et publie une série d’articles sur le
même sujet : Cronologia e denomiziane
dell’Ars nova italiana (l’Ars nova : Wegimont II, 1955), Marchettus da Padua and
the Italian Ars nova (MD IX, 1955), l’Ars
nova italienne (in Histoire de la musique
de Roland-Manuel, 1960), Ars nova e stil
novo (RIM I, 1966). Il consacre aussi une
grande partie de ses études à l’origine et
aux débuts de l’opéra : Tragédie et comédie
dans la Camerata Fiorentina (in Musique et
Poésie au XVIe siècle, 1953), Temperaments
and Tendencies in the Florentine Camerata
(MQ XL, 1954), Early Opera and Aria
(New Looks at Italian Opera : Essays in
Honor of Donald J. Grout, 1968), Musica
tra Medioevo et Rinascimento (1984), et
s’intéresse plus particulièrement à Cesti,
Monteverdi et Stradella. Son examen de
sources souvent inconnues a grandement
contribué au renouveau des connaissances sur la musique en Italie aux XIVe et
XVe siècles et il a, par sa culture littéraire et
artistique, donné une nouvelle vision de la
naissance de l’opéra.
PISARONI (Benedetta), soprano puis
contralto italienne (Piacenza 1793 - id.
1872).
Elle fit ses débuts en 1811 à Bergame dans
La Rosa bianca e la rosa rossa de Giovanni
Simon Mayr, chanta au Cimarosa et du
Rossini à Padoue (1814), et parut à Bologne (1815) ainsi qu’à Venise (1816). En
1818-19, elle créa à Naples trois opéras
de Rossini. On l’entendit à Paris en 1827
et à Londres en 1829. Elle se retira de la
scène peu après son apparition à la Scala
de Milan (1831). En début de carrière,
l’étendue de sa voix lui permit d’exceller
dans des rôles nobles et tragiques. Une
maladie contractée en 1813 lui fit perdre
son registre aigu, et elle devint la première
contralto italienne.
PISENDEL (Johann Georg), compositeur et violoniste allemand (Cadolzburg
1687 - Dresde 1755).
D’abord choriste à Ansbach, il rencontra
Bach à Weimar en 1709 en se rendant à
Leipzig, et en 1712 devint violoniste à la
cour de Dresde, où il fut nommé Konzertmeister en 1730. En 1716-17, il étudia
à Venise avec Vivaldi, dont il fut un des
premiers à « importer » le style en Allemagne. Auteur notamment de concertos,
considéré comme le premier violoniste
allemand de son temps, il compta parmi
ses élèves J.G. Graun.
PISTE MAGNÉTIQUE.
Zone longitudinale explorée pour l’enregistrement et la lecture des sons sur une
bande magnétique de magnétophone.
Elle n’a pas d’existence physique par
elle-même, mais est déterminée par la largeur de l’entrefer des têtes magnétiques
qui y inscrivent un champ magnétique
pour l’enregistrement, ou l’explorent pour
la lecture : c’est une trace, une empreinte
sur un support sensible et non pas un
guide, une sorte de rail matérialisé. La stéréophonie (à deux canaux d’information)
oblige à explorer deux pistes magnétiques
simultanément, pour l’inscription des informations émanant des canaux de gauche
et de droite. Sur les magnétophones à bobines traditionnels (bande d’un quart de
pouce, ou 6,25 mm de largeur), on utilise
généralement soit deux pistes (enregistrement en stéréophonie sur toute la largeur
de la bande), soit quatre pistes (enregistrement stéréophonique sur la moitié de
la largeur de la bande, et sur l’autre moitié
par retournement de la bobine). Sur les
magnétophones à cassette (bande de 3,81
mm de largeur), on utilise quatre pistes ;
celles-ci ne mesurent que 0,6 mm de largeur, et sont séparées entre elles par des
espaces de 0,3 mm, pour éviter tout risque
d’interférence d’une piste à l’autre. Plus les
pistes sont larges, et plus le niveau sonore
susceptible d’y être enregistré est élevé, ce
qui indique les limitations de la réduction
de leur largeur. Sur les magnétophones
destinés à l’enregistrement professionnel
(bandes dites de 1/2 pouce, 1 pouce ou 2
pouces, c’est-à-dire respectivement 12,7,
25,4 ou 50,8 mm de largeur), on inscrit
quatre, huit, seize ou même vingt-quatre
pistes explorées simultanément, de façon
à pouvoir enregistrer séparément les
informations émanant des divers microphones utilisés pour la prise de son et à
mélanger ces signaux, à volonté, après leur
enregistrement et non pas avant. Cette
technique, dite « multipiste », permet également de procéder à l’enregistrement en
plusieurs étapes, par parties ou groupes
instrumentaux séparés, et de reconstituer
ultérieurement le morceau musical en son
ensemble. Lorsque le son est enregistré sur
un magnétoscope, destiné principalement
à l’enregistrement des images, les pistes
ne sont pas longitudinales, mais transversales, l’exploration de la bande se faisant
par des têtes animées d’un mouvement
hélicoïdal.
PISTON.
Les « cuivres » simples souffrent d’un défaut qui les rend impropres à l’exécution
d’une mélodie normale : ils ne peuvent
émettre que quelques harmoniques naturels du son fondamental (cinq notes seulement dans le cas du clairon moderne,
inégalement réparties sur une octave et
une quinte). Différentes solutions ont été
expérimentées au cours des siècles pour
remédier au moins partiellement à cet
inconvénient. La plus logique - celle de
la coulisse qui modifie de façon continue
la longueur du tube - n’a pu s’appliquer
qu’au trombone. Le système de trous et
de clés emprunté aux « bois » n’a donné
de résultats à peu près satisfaisants qu’en
ce qui concerne le serpent et l’ophicléide,
instruments bâtards qui ont d’ailleurs disparu.
La pratique des « sons bouchés », adoptée à la fin du XVIIIe siècle, est limitée
au cor d’harmonie. Quant à l’usage des
« tons » de rechange - tubes de différentes
longueurs intercalés entre l’embouchure
et l’instrument -, il changeait la tonalité
de celui-ci sans pour autant permettre de
moduler au cours d’une phrase. Le problème n’a été résolu qu’à partir de 1813
grâce à l’invention du facteur silésien
Blühmel, perfectionnée dès l’année suivante par H. Stölzel. En voici le principe :
sur le tube principal sont soudés un certain nombre de pistons à ressort dont chacun, quand on l’enfonce, ouvre un circuit
supplémentaire de longueur appropriée.
Le cor, la trompette, le cornet à pistons, le
trombone à pistons (tombé en désuétude)
et la plupart des saxhorns sont munis de
trois pistons. Le premier abaisse la tonalité d’un ton, le deuxième d’un demi-ton
et le troisième d’un ton et demi, d’où six
combinaisons couvrant toute la gamme
chromatique à partir des harmoniques
naturels. La petite trompette en si bémol
aigu, ainsi que les saxhorns basse et
contrebasse, sont munis d’un quatrième
piston transpositeur. Mais il existe aussi
des instruments à cinq ou même six pistons, comme certains tubas et le trombone
spécial, moins encombrant que le modèle
à coulisse, qui fut construit à l’usage des
fanfares de scène.
L’invention des pistons a joué un rôle
déterminant dans le formidable essor des
cuivres à l’époque romantique. Non seulement elle a fait du cor ou de la trompette
des instruments solistes à part entière,
mais elle a donné naissance à la grande
famille des saxhorns. Notons enfin que le
mot « piston », employé au singulier, désigne communément le cornet à pistons,
qui fut au XIXe siècle l’instrument populaire par excellence.
PISTON (Walter), compositeur américain (Rockland, 1894 - Belmont, Massachusetts, 1976).
Élève de l’université Harvard et, à Paris,
de Nadia Boulanger, il écrivit dès son
retour aux États-Unis, en 1926, quelques
oeuvres dans lesquelles sa curiosité des
techniques modernes (contrepoint dissonant et dodécaphonisme) se mêla à des
tentatives d’assimilation du jazz comme
l’une des forces vives de l’expression de
son temps. Mais, dès 1938, avec son ballet
The Incredible Flutist, il affirma une position néoclassique et conservatrice tendant
vers la simplicité, la clarté des thèmes et le
style direct. Puis, toujours sous le signe de
la sobriété et de la discrétion, un lyrisme
plus chaud et plus coloré inspira une troisième manière, et ce dès la 2e symphonie
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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(1943). Élégante synthèse de tout ce que la
musique cosmopolite des années 20 et 30
pouvait offrir comme moyens d’expression, son oeuvre rachète par la grâce de
son écriture mélodique ce qu’une telle position pouvait avoir d’académique et d’impersonnel. Professeur à l’université Harvard (1926-1959), il fut, par son culte de
la musique pure, le « Brahms américain »
de sa génération. On lui doit notamment
8 symphonies (1937-1965), des concertos (piano, violon, alto, clarinette), des
variations pour violoncelle et orchestre
(1966), 5 quatuors à cordes (1933-1962),
2 quintettes, 1 trio, 1 sextuor, ainsi que
des traités de contrepoint, d’harmonie et
d’analyse.
PITZ (Wilhelm), chef de choeur allemand
(Breinig 1897 - Aix-la-Chapelle 1973).
Il étudia le piano, la théorie (avec Fr.
Busch) et le violon à Aix-la-Chapelle, où il
fut ensuite premier violon dans l’orchestre
symphonique (1913-1933), maître de chapelle (à partir de 1933) et chef de choeur. À
partir de 1949, il dirigea la Société chorale
de Cologne ; à partir de 1957, le choeur de
l’orchestre New Philharmonia de Londres,
et, de 1951 à 1971, le choeur du Festival de
Bayreuth. À tous ces titres, il joua pendant
plus de vingt ans un rôle de premier plan
dans la vie musicale internationale.
PIUTTOSTO.
Italien pour « plutôt », en général employé
dans les indications de tempo sous la forme
« più tosto ». Le deuxième mouvement du
quatuor à cordes en ré mineur opus 76 no
2 (les Quintes) de Haydn (1797) est par
exemple indiqué « Andante o più tosto
allegretto » (Andante ou plutôt allegretto),
et la partie rapide du premier mouvement
de la sonate en sol mineur pour violoncelle
et piano opus 5 no 2 de Beethoven (1796)
« Allegro molto più tosto presto » (Allegro
molto, plutôt presto).
PIZZETTI (Ildebrando), compositeur italien (Parme 1880 - Rome 1968).
Issu d’une famille de musiciens, marqué
par l’enseignement de Giovanni Tebaldini, attaché au chant grégorien et à la
polyphonie médiévale, il remporta ses
premiers succès de compositeur à dix-huit
ans, mais fut surtout révélé par sa musique
de scène pour La Nave, de D’Annunzio
(1908), pour qui il composa encore Fedra
(1912, créée en 1915). Professeur, puis
directeur du conservatoire de Florence,
il fut nommé directeur du conservatoire
G.-Verdi de Milan en 1924, puis enseigna
la composition à Rome de 1946 à 1958,
année où il donna également Meurtre dans
la cathédrale. Il a déployé, sa vie durant,
une vaste activité de critique, de chef d’orchestre et de musicologue, éditant notamment les madrigaux de Gesualdo.
Cadet de Respighi, il constitua, avec
Malipiero et Casella, cette « triade des années 1880 » qui oeuvra pour la renaissance
d’une musique nationale qui tournât le
dos au vérisme et au romantisme. Pizzetti apparaît plus orienté vers le théâtre
que ses deux condisciples, mais on trouve
également dans son importante production instrumentale et dans sa musique de
chambre un refus du chromatisme germanique et une adhésion à un diatonisme ou
un modalisme trahissant des préoccupations semblables à celles de ses contemporains Bartók, de Falla, et même Debussy
(concertos avec piano, harpe, violoncelle,
violon).
Au théâtre, il écrivit lui-même ses
poèmes, et usa d’un lyrisme dépouillé se
combinant avec une orchestration de dérivation vériste. Outre son éloquente Fedra
et Meurtre dans la cathédrale, on peut
retenir Debora a Jaele (Milan, 1922), Fra
Gherardo (id., 1928), Orsoleo (Florence,
1935), La Figlia di Jorio, d’après D’Annunzio (1954), Il Calzare d’argento (1961) et
Clitennestra (1965) ; parmi ses musiques
de scène, outre La Nave, mentionnons La
Pisanella (D’Annunzio, Paris, 1913), la
Représentation sacrée d’Abraham et Isaac
(1917), Agamemnon (1930), les Trachiniennes (1933), OEdipe à Colone (1936) et
Il Campiello (1957).
PIZZICATO.
Dans les instruments à cordes frottées,
technique consistant à pincer la corde
avec le doigt au lieu de la frotter avec l’archet. On peut le faire de la main droite,
de la main gauche, en notes simples ou
en accords, mêlé à des notes coll’arco, seul
ou comme accompagnement à un chant
coll’arco.
PLAIN-CHANT.
Terme employé dès le Moyen Âge
(contrairement à grégorien qui est d’introduction récente) pour opposer le chant
ecclésiastique monodique, dont les notes
sont de durée égale (planus cantus), au
chant dit mesuré (cantus mensuratus) soumis à la mesure en valeurs différenciées et
incluant la polyphonie.
En préconisant le terme « chant grégorien » pour le plain-chant restauré
selon sa méthode, l’école de Solesmes a
quelque peu limité l’acception du mot
plain-chant à la forme qu’il revêtait avant
sa propre réforme, notamment depuis
la réforme médicéenne qui avait suivi le
concile de Trente à la fin du XVIe siècle.
Paradoxalement, on appelle plain-chant
mesuré une forme de plain-chant issue des
séquences mesurées des XIIe-XIIIe siècles,
et qui, sans pratiquer une mesure régulière battue, introduit par allongement
de certaines notes une notion de longues
et de brèves qui, dans certaines pièces
(séquences), peut aller jusqu’à provoquer
un rythme approximativement ternaire.
Plusieurs écoles mensuralistes avaient, au
XIXe siècle, préconisé un plain-chant mesuré selon le solfège usuel ; aucune d’elles
n’a survécu.
Dans la pédagogie du contrepoint traditionnel, on emploie parfois le terme
plain-chant, même s’il n’appartient pas
au répertoire de celui-ci, pour désigner le
« chant donné » en valeurs longues égales
sur lequel l’élève doit rédiger les autres
parties selon des règles conventionnelles
fixées à l’avance.
PLANÇON (Pol), basse française (Fumay,
Ardennes, 1854 - Paris 1914).
Il étudia à Paris avec Duprez, et fit ses débuts à Lyon dans Saint-Bris des Huguenots
de Meyerbeer en 1877. Engagé à l’Opéra
de Paris, il y chanta régulièrement pendant dix ans. Après quoi, le Metropolitan
Opera de New York se l’attacha à prix
d’or. Également à l’aise dans les répertoires français, allemand et italien, Plançon fut un des plus grands chanteurs du
XIXe et du XXe siècle. Son timbre de basse
était puissant et d’une grande beauté. Son
étendue vocale lui permettait d’aborder
avec autant de bonheur les emplois de
basse chantante et ceux de basse profonde.
Sa diction possédait une grande noblesse
et son phrasé était exemplaire. L’émission
toujours naturelle de Plançon reposait sur
une virtuosité technique qui lui permettait
de vocaliser avec la plus extrême agilité (il
possédait un « trille » célèbre). Ses dons
d’acteur n’étaient pas moins admirés que
ses dons de musicien, et il brilla dans le
rôle de Méphisto.
PLANCTUS (planh, plainte, complainte).
Poème de lamentation chanté du Moyen
Âge, qui se développe en Europe du IXe au
XIIe siècle environ.
Écrit tantôt en latin, tantôt en langue
vernaculaire, et de forme proche de la
séquence, il semble avoir été tout d’abord
profane. Le genre le plus répandu est la
lamentation sur la mort d’un personnage
important, dont fait partie l’un des plus
anciens plancti conservés, A solis ortus
usque ad occitua, sur la mort de Charlemagne (814). Le planh des troubadours,
sorte de sirventès, appartient à ce type, le
plus célèbre étant certainement la lamentation sur la mort de Richard Coeur de
Lion de Gaucelm Faidit (Fortz chausa es
que tot lo major dan). Ce genre est sans
doute à l’origine des déplorations des
XIVe et XVe siècles. Le planctus de thème
biblique se développe surtout à partir
du XIIe siècle, avec en particulier les six
plancti de Pierre Abélard. C’est à cette
époque qu’apparaît le Planctus beatae Virginis Mariae, dont les exemples sont nombreux aux XIIe et XIIIe siècles. Bien que non
liturgique, il était sans doute néanmoins
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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exécuté à l’église et a joué un rôle important dans le drame liturgique.
PLANÈS (Alain), pianiste français (Lyon
1948).
Au Conservatoire de Paris, il est l’élève
de Jacques Février et obtient ses prix de
piano et de musique de chambre. Invité
par Menahem Pressler, le pianiste du
Beaux-Arts Trio, il devient son assistant à
l’Université d’Indiana et reçoit les conseils
de G. Sebok et de F. Gulli. En 1977, il entre
à l’Ensemble InterContemporain, où il
reste jusqu’en 1994. Également intéressé
par les oeuvres du répertoire (français,
en particulier), par Haydn et par la création contemporaine, il s’illustre dans la
musique de Debussy, crée les oeuvres de
plusieurs compositeurs d’aujourd’hui et se
produit aux côtés de Janos Starker, Alain
Meunier, Lluis Claret, S. Accardo, etc.
PLANQUETTE (Robert), compositeur
français (Paris 1848 - id. 1903).
D’une famille de musiciens - sa mère
chantait à l’Opéra -, il entra au Conservatoire de Paris où il obtint les prix de
solfège et de piano et travailla l’harmonie
avec Duprato. Il débuta comme pianiste
dans les cafés-concerts. Ses premières
compositions ont été des transcriptions
pour piano, des chansons, des marches et
des chants militaires. Il est l’auteur du Régiment de Sambre et Meuse devenu célèbre.
Le succès dans le domaine de l’opérette
lui est venu soudainement avec les Cloches
de Corneville, représenté au théâtre des
Folies-Françaises le 19 avril 1877, et qui
connut une vogue exceptionnelle. Planquette, qui partageait son activité entre
Paris et Londres, produisit par la suite une
vingtaine d’autres ouvrages qui n’eurent
cependant jamais la même notoriété,
même si certains ont survécu jusqu’à nos
jours : Rip Van Winckle (1882) et Surcouf
(1887), tous deux représentés à Londres.
Parmi les oeuvres de ses dernières années,
un titre est à retenir : Mam’zelle Quat’ Sous
(1897).
PLANTÉ (Francis), pianiste français (Orthez 1839 - Saint-Avit 1934).
Enfant prodige, il entre au Conservatoire
de Paris où il est l’élève de Marmontel
et obtient un 1er Prix de piano en 1850.
Après un brillant début de carrière, où il
joue en soliste et en trio, il interrompt son
activité publique pendant dix ans, et ne
recommence à donner des concerts qu’en
1872. Au long des trente années suivantes,
il s’impose dans les oeuvres de grande
virtuosité, mais aussi dans le répertoire
mozartien. Artiste d’une personnalité
éclatante, il est le maître de nombreux
pianistes (malgré une nouvelle retraite de
1900 à 1915).
PLAQUÉ.
Se dit, dans le domaine des instruments à
clavier, d’un accord dont toutes les notes
se font entendre simultanément, et non
successivement comme dans le cas des
accords arpégés.
PLASSON (Michel), chef d’orchestre
français (Paris 1933).
Il étudie d’abord le piano avec LazareLévy, puis la percussion au Conservatoire
de Paris où il obtient un 1er Prix. Lauréat
du Concours de Besançon en 1962, il
poursuit ses études de direction aux ÉtatsUnis auprès de Monteux, Leinsdorf et Stokowski. De retour en France, il est nommé
directeur de la musique au Théâtre de
Metz et, à partir de 1968, chef permanent
au Capitole de Toulouse, dont il devient le
directeur musical, puis le directeur artistique en 1973. En 1974, sur son initiative,
la Halle aux Grains de Toulouse est transformée en salle de concerts où se donne
désormais la saison symphonique de l’Orchestre du Capitole. À la tête de cet orchestre, il a interprété bien sûr les grands
opéras du répertoire, mais aussi plusieurs
oeuvres en création. Attaché à promouvoir la musique symphonique et lyrique
française, il contribue à la redécouverte
d’oeuvres de Magnard, et enregistre de
nombreux disques consacrés aux compositeurs français des XIXe et XXe siècles. Il a
été nommé en 1994 directeur musical de
la Philharmonie de Dresde.
PLATON, philosophe grec (Athènes
429 - id. >347 av. J.-C.).
Il est resté célèbre chez les musiciens
pour avoir professé une certaine conception éthique de la musique, notamment
dans ses deux ouvrages « utopiques »,
la République et les Lois, où il édicte les
règles auxquelles la musique doit se plier
pour contribuer à maintenir l’ordre et la
vertu dans la Cité. Une telle conception
de la musique était courante à l’époque,
et il s’agissait chez Platon des spéculations
d’un homme sans pouvoir, qui parlait
en défenseur de vieilles valeurs tombant
en désuétude. Si Platon entend mettre
de l’ordre dans la musique, c’est qu’il lui
attribue une haute mission éducative et
morale, presque à égalité avec la philosophie, avec laquelle il la compare souvent
(la philosophie, dit-il dans le Phédon, est
la plus grande des musiques).
De son temps, elle est une des disciplines
auxquelles sont formés les « hommes de
bien », et à ce titre elle intéresse les pédagogues. La musique, dit Platon, doit être
inspirée par la droiture (« orthotès ») et la
simplicité, et pour cela on proscrira de la
Cité l’usage des « modes » musicaux qui
n’incitent pas à la vertu pour ne conserver finalement que les modes dorien et
phrygien (cela en référence à la théorie de
l’« ethos », qui attribuait à chaque mode,
ou « harmonie », un effet spécifique sur les
) ; la bonne musique doit être une « imitation » (« mimesis ») des mouvements et
des accents de l’homme de bien ; elle doit
accompagner un chant et un texte, car la
musique purement instrumentale n’est
qu’un divertissement émollient. Dans la
République, Platon propose de bannir de la
Cité idéale les joueurs d’aulos (instrument
du satyre Marsyas, jugé orgiaque et dionysiaque), au profit de la cithare, de la lyre,
instrument d’Apollon, et de la flûte accompagnant le chant (mais les « aulètes »
sont admis à nouveau dans l’autre utopie
de Platon, les Lois, ouvrage de vieillesse).
Enfin, la simplicité est requise dans l’accompagnement du chant à l’unisson (pas
trop d’ornementation et d’hétérophonie).
On tiendra compte de la différence des
sexes pour concevoir une musique « qui
a de la grandeur et entraîne au courage »
(pour les hommes), et « qui entraîne à
la modestie et à la sagesse » (pour les
femmes). Les concours musicaux seront
jugés sous la présidence d’hommes âgés et
avisés. Ainsi la musique, traitée en « affaire
d’État », peut-elle, selon Platon, restaurer
l’ordre et l’entente chez l’homme, ce qui
est sa vocation primitive (Timée, dialogue
faisant état des théories pythagoriciennes
du nombre), et honorer les divinités.
Platon n’était certes pas le seul, de son
temps, à identifier le point de vue esthétique et le point de vue moral : le préfixe
« eu », dans les notions d’ « eurythmia »
(eurythmie) et « euharmonia » (euphonie), signifie à la fois « bien » et « bon »,
convenable. On est fondé à croire que
quand Platon spéculait ainsi sur une
musique idéale, c’était dans une période
d’abandon des modes traditionnels et de
développement de la musique de divertissement, et peut-être de contamination
de la musique grecque par des influences
orientales. Pour lui, comme pour un
Bach, la musique a un sens religieux profond, elle s’identifie notamment au chant
(Timée, Philèbe), et donc elle est liée à un
certain contenu qui ne peut être « neutre »
moralement.
Les idées platoniciennes, notamment
sur l’« ethos » des modes, ont influencé
certains Pères de l’Église. La conception de la musique comme « mimesis »
(imitation) des mouvements de l’âme
a été reprise par Zarlino et Monteverdi.
Le XVIe siècle italien, féru d’Antiquité, a
cherché souvent à appliquer les théories
platoniciennes en reconstituant tant bien
que mal les modes et les rythmes anciens.
Le mythe de l’« harmonie des sphères »
a nourri l’imaginaire de la musique
occidentale jusqu’à nos jours. Même un
compositeur contemporain, sincèrement
démocrate, mais utopiste, comme Yannis Xenakis, avoue la profonde impression faite sur lui par les thèses de Platon. Il
est vrai que celles-ci représentent, dans la
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
787
culture occidentale, une des rares visions
de la musique qui aient une certaine ampleur morale et mythique.
Platon a d’ailleurs repris et synthétisé
des théories et des idées qui avaient cours
de son temps : aussi bien la théorie pythagoricienne de la musique que les thèses
d’un certain Damon, dont s’inspireraient
largement les spéculations de la République. Aujourd’hui, les écrits de Platon
restent une mine d’idées et de renseignements sur la musique dans la Grèce antique, tout en continuant de propager une
conception utopiste de la musique, qui n’a
pas perdu son pouvoir de faire rêver.
PLATTI (Giovanni Benedetto), compositeur italien (Venise v. 1700 -Würzburg
1763).
On ne connaît rien sur le début de sa vie
ni sur sa formation. En 1722, il est présent à la cour de Würzburg, où il était sans
doute venu avec un groupe de musiciens
vénitiens, et y travaille jusqu’en 1761 au
moins. Engagé en qualité d’hautboïste,
il fait également office de professeur de
chant, ténor de chambre et violoniste, et,
à l’occasion, de violoncelliste et claveciniste. Il a composé de la musique sacrée
(six messes, Requiem, Stabat Mater), un
opéra et quelques pièces vocales profanes, mais s’est surtout consacré à la
musique instrumentale : deux recueils de
six sonates pour clavecin op. 1 et 4 (1742
et 1745), six concertos pour clavecin et
cordes op. 2 (1742), six sonates pour
flûte avec violoncelle op. 3 (1743), ainsi
qu’un certain nombre de sonates et pièces
inédites pour clavecin, hautbois, violon
et violoncelle. Bien que ses oeuvres (surtout les premières) se rattachent encore,
d’une certaine façon, à l’époque baroque
par leur usage de divers procédés polyphoniques (en particulier celui du fugato),
ses dernières sonates, dont la recherche
mélodique est évidente et où se fait sentir
l’influence de C. Ph. E. Bach, permettent
de le considérer comme un compositeur
préclassique.
PLÉ-CAUSSADE (Simone), femme compositeur française (Paris 1897 - id. 1986).
Après de brillantes études au Conservatoire de Paris avec Alfred Cortot, Henri
Dallier et Georges Caussade, elle prend en
1928 la succession de son mari Georges
Caussade à la tête de la classe de fugue.
Elle a composé de la musique sacrée, des
mélodies, des pièces pour orgue, de la musique de chambre (sonate pour violon et
piano, quatuor) et deux recueils de pièces
de piano pour enfants. Parmi ses élèves,
Gilbert Amy et Betsy Jolas.
PLECTRE.
Petit morceau de matière variable (écaille,
bois, ivoire, métal, plastique) servant
à pincer les cordes sur quelques instruments comme la cithare, la mandoline et
certaines guitares.
Se nomme également parfois « média-
tor ».
PLEIN-JEU.
Jeu de mixture de l’orgue, qui consiste en
la réunion de la cymbale et de la fourniture.
L’exécutant compose lui-même le
plein-jeu en appelant ces deux registres,
ou un registre spécial portant ce nom. Le
plein-jeu compte 3 à 10 tuyaux aigus par
note.
Le terme de plein-jeu désigne également l’ensemble des jeux de fond et de
mixtures d’un orgue, terme auquel on
préfère aujourd’hui celui, moins équivoque, de plenum. Par extension, les organistes français des XVIIe et XVIIIe siècles
ont appelé plein-jeu des pièces mettant
en oeuvre le plenum de l’instrument ; un
« grand plein-jeu » en accords, au clavier
de grand orgue, s’y opposait généralement
à un « petit plein-jeu », plus léger et plus
rapide, au clavier de positif.
PLENUM.
Terme employé par les organistes pour
désigner une registration particulière, qui
fait sonner l’ensemble des jeux de fond du
type principal (montres, principaux, prestant, doublette) et du type bourdon, de
toutes hauteurs, avec les jeux de mixtures.
Plenum se dit pour « organum plenum », l’orgue en son plein ; on parle
aussi, en italien, de « pleno » (pour « organo pleno ») ou de ripieno.
PLEYEL, famille de musiciens français
d’origine autrichienne.
Ignaz, compositeur, éditeur et facteur
de pianos (Ruppersthal, Basse-Autriche,
1757 - Paris 1831). D’abord élève de Vanhal, il fut envoyé par son protecteur, le
comte Ladislas Erdödy, auprès de Haydn
à Eszterháza, et y resta sans doute de 1772
à 1777. Il fut ensuite maître de chapelle
du comte Erdödy, puis voyagea en Italie,
en particulier à Naples, où fut représenté
en 1785 son opéra Ifigenia in Aulide. En
1783 ou 1784, il devint assistant de Franz
Xaver Richter à la cathédrale de Strasbourg, lui succédant comme maître de
chapelle en 1789. De décembre 1791 à mai
1792, il séjourna à Londres, appelé par le
Professional Concert pour concurrencer
son ancien maître Haydn. Les relations
des deux compositeurs restèrent néanmoins très cordiales. De retour en Alsace,
il échappa de peu à la guillotine, et, en
1795, il s’installa à Paris, où il fonda une
maison d’édition qui devait poursuivre
ses activités jusqu’en 1834, et en 1807 une
fabrique de pianos qui devait fusionner
en 1961 avec Gaveau-Érard, l’ensemble
devant être racheté en 1976 par Schimmel,
de Brunswick. Comme éditeur, Pleyel publia en 1801 la première collection complète des quatuors de Haydn, et en 1802
les premières partitions de poche, inaugurées avec quatre symphonies de Haydn.
Comme compositeur, il écrivit assez peu
de musique vocale (Die Fee Urgele, Eszterháza, 1776), et cultiva essentiellement
le domaine instrumental (symphonies,
concertos, symphonies concertantes,
oeuvres de musique de chambre du duo
au septuor). Sa production en ce domaine,
extrêmement abondante, fit l’objet de
multiples arrangements, et il fut, en son
temps, le compositeur le plus édité. Ses
symphonies et quatuors le firent souvent
comparer à Haydn, dont il fut l’élève le
plus célèbre, et Mozart, après avoir pris
connaissance du deuxième opus paru de
Pleyel, Sei quartetti composti e dedicati al
celeberrimo e stimatissimo fu suo Maestro
il Signor Gius. Haydn in segno di perpetuo
gratitudine, alla jusqu’à écrire : « Il serait
bon et heureux pour la musique que Pleyel
puisse être en mesure, avec le temps, de
nous remplacer Haydn » (24 avril 1784).
L’apogée de la carrière créatrice de
Pleyel correspondit aux années de Strasbourg, ce dont témoigne notamment un
contrat avantageux qu’il signa le 20 décembre 1786 avec l’éditeur parisien Imbault. À noter que deux de ses trios furent
longtemps attribués à Haydn (Hob. XV.
3 et 4). Un catalogue thématique de ses
oeuvres a été dressé par Rita Benton (New
York, 1977).
Camille, compositeur, pianiste et homme
d’affaires (Strasbourg 1788 - Paris 1855).
Fils du précédent, il l’accompagna à
Vienne en 1805 et devint son associé en
1815. Plus tard, il se lia d’amitié avec Chopin.
Marie, née Moke, pianiste, pédagogue
et compositrice (Paris 1811 - Saint-Josseten-Noode, près de Bruxelles, 1875). Elle
épousa Camille Pleyel après avoir été fian-
cée à Berlioz, mais s’en sépara au bout de
quatre ans (1835).
PLUDERMACHER (Georges), pianiste
français (Paris 1944).
Entré à onze ans au Conservatoire de
Paris, il y étudie auprès de Lucette Descaves, Jacques Février, Geneviève Joy
et Henriette Puig-Roget. Lauréat des
Concours Vianna da Motta de Lisbonne
en 1968 et de Leeds en 1969, il remporte
le 1er Prix du Concours Géza Anda de
Zurich en 1979. Son répertoire est vaste et
sa curiosité musicale toujours en éveil ; il
défend la musique de son temps en créant
de nombreuses oeuvres contemporaines et
en participant à la publication d’articles
sur des compositeurs d’aujourd’hui. En
musique de chambre, il se produit notamment aux côtés de Nathan Milstein et
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Christian Ferras. Ses enregistrements des
Études de Debussy et des Variations Diabelli de Beethoven ont reçu plusieurs prix
du disque. Il consacre aussi une part de
son activité à l’enseignement, comme professeur au Conservatoire de Paris.
POCHETTE.
Petit violon dont se servaient les maîtres
à danser pour accompagner les exercices
de leurs élèves.
Son manche était de proportions normales, mais sa caisse si courte et étroite
qu’il pouvait se transporter dans une
poche de l’habit, d’où son nom. La pochette, dont le son était nécessairement
grêle et nasillard, a été abandonnée au
cours du XIXe siècle au profit du piano.
PODROMIDES (Jean), compositeur français (Neuilly-sur-Seine 1927).
Élève de Messiaen, de Duruflé et de Leibowitz, il a composé des oeuvres symphoniques et de chambre avant de se tourner
pour l’essentiel vers les formes lyriques
et dramatiques et la recherche théâtrale,
collaborant avec Louis Erlo, Jean-Louis
Barrault, Antoine Bourseiller, René Terrasson, Maurice Béjart. Il s’est imposé
avec l’oratorio dramatique radiophonique
les Perses (1961), et a composé ensuite les
ballets la Belle et la Bête (1962), Salomé
(1969) et Une saison en enfer (1969), des
musiques de film dont celle du Danton de
Wajda (1982), l’étude symphonique Parcours (1974), l’oratorio le Livre des Katuns
(1977), ainsi que les opéras Passion selon
vos doutes (Lyon 1971), les Traverses du
temps (Nantes 1979), H. H. Ulysse (Opéra
du Rhin 1984), La Noche Triste (Nancy
1989), Goya (Montpellier 1996). Il a succédé à Henri Sauguet à l’Académie des
beaux-arts.
POÈME SYMPHONIQUE.
Genre de composition musicale pour
orchestre seul, généralement en un seul
mouvement, inspiré directement et explicitement par un thème, un personnage,
une légende, un poème, et très souvent par
un texte.
Ce genre est apparu dans le milieu
du XIXe siècle, et il dérive de plusieurs
genres déjà existants comme l’« ouverture de concert » (les Hébrides de Mendelssohn, 1829-1832), la « symphonie à
programme » (Symphonie pastorale, de
Beethoven, 1808 ; Symphonie fantastique,
de Berlioz, 1830) et aussi la musique de
ballet ou d’opéra. On peut considérer que
les initiateurs de ce genre furent Berlioz et
Liszt : le premier, implicitement, par ses
symphonies à programme et ses ouvertures ; le second, explicitement, en définissant le genre, et en l’illustrant par une
longue série de treize oeuvres. On parle
en allemand de symphonische Dichtung
ou de Tondichtung (« poésie en sons »), et
les grands auteurs du genre furent, outre
Liszt et Berlioz, Richard Strauss, Smetana, Dvořák, Sibelius et les compositeurs
russes. Genre traditionnellement ramassé
de proportions, le poème symphonique
peut s’amplifier en une grande « symphonie à programme » en plusieurs mouvements, comme les Dante-Symphonie et
Faust-Symphonie, de Liszt, ou bien donner
lieu à des « cycles » regroupant plusieurs
poèmes symphoniques distincts et brefs
autour d’un thème central (cycle patriotique de Smetana, héroïque de Richard
Strauss, romain de Respighi, etc.). La
forme musicale du poème symphonique,
en principe assujettie à la narration dont
elle s’inspire, reprend souvent des moules
formels traditionnels qui correspondent à
un trajet dramatique particulier : la forme
sonate à deux thèmes, ABA’, exprime
en elle-même, musicalement, le concept
d’exposition (d’un point de départ), de
départ, et de retour ; la forme thème et variations (dans le Don Quichotte de Strauss,
par exemple) est tout indiquée pour servir
à illustrer les aventures d’un personnage
qui persiste dans son choix initial ; la ballade de Goethe qui inspira à Paul Dukas
son Apprenti sorcier lui suggéra aussi la
forme légère et répétitive d’un scherzo
libre, et la gaieté picaresque et populaire
des malices de Till l’Espiègle est idéalement traduite dans la plus universelle des
formes, le rondo (Till Eulenspiegel, de Richard Strauss).
D’autres poèmes symphoniques
adoptent la forme rhapsodique d’une succession de tableaux reliés entre eux par des
motifs conducteurs, des « leitmotive ». En
effet, la mise au point du leitmotiv par
Berlioz, Liszt, Wagner, n’est pas étrangère
à l’essor du genre, puisque cette « trouvaille » du leitmotiv consiste à personnaliser un motif (plus court, ouvert, mobile
et malléable qu’un thème complet) pour
l’investir d’un rôle à la fois formel et symbolique : le genre du poème symphonique
est en ce sens caractéristique d’une époque
où l’on a cherché à faire « penser » la musique, à lui faire véhiculer des idées et des
messages. Ainsi beaucoup de poèmes symphoniques sont architecturés autour de
leitmotive très caractéristiques (Ein Heldenleben, « Une vie de héros », de Richard
Strauss, en comporte au moins 70) plutôt
qu’autour de thèmes fermés se concluant
par une cadence. L’écriture de ces poèmes,
souvent dégagée des moules traditionnels,
en devient souvent plus mobile, souple,
discursive, inattendue, fantasmagorique,
pulvérisée. Le style « pointilliste » (pour
l’époque) des tableaux symphoniques de
Debussy et des premières pièces pour orchestre de Schönberg et Webern découle
plus du poème symphonique romantique
que des grandes symphonies postromantiques aux amples arches.
Autre caractéristique du poème symphonique romantique, inscrite dans son
appellation même : malgré l’exception
de « poèmes symphoniques » pour instruments solistes (version originale pour
piano des Tableaux d’une exposition, de
Moussorgski), il s’affirme surtout avec
le développement du grand orchestre de
Berlioz à Wagner. Un orchestre démons-
tratif, dramatique, pictural, pittoresque,
où les pupitres se divisent et se mélangent
entre eux, quittant leur « plan de table »
traditionnel pour former toutes sortes de
figures et d’associations. Aux instruments
solistes est souvent donné un rôle symbolique ou évocateur. En quelque sorte,
le poème symphonique prolonge dans la
salle de concert, sous une forme condensée et comme « chiffrée » (non explicitée
par un texte chanté), l’opéra, ses images et
ses évocations, pour un public féru de musique théâtrale et narrative. Il témoigne
aussi d’une nouvelle espèce de compositeurs qui se veulent artistes complets, écrivent, pensent, se réclament de la « grande
littérature », et non des services de librettistes professionnels plus soucieux d’efficacité que de « poésie ». Souvent, le compositeur de poèmes symphoniques, en
connivence culturelle avec un public de
concert, lui propose en dioramas musicaux spectaculaires les « grands thèmes »,
les « grands auteurs » et les « grands
mythes » qui l’intéressent. Et souvent,
comme on le verra, ces thèmes sont ceux
qui agitaient la société de l’époque : l’identité nationale, la révolution, etc.
Hector Berlioz est le fondateur du
poème symphonique, bien qu’il n’ait jamais usé de cette expression pour désigner
ses oeuvres. L’idée-force de sa Symphonie
fantastique (1830), de son Harold en Italie (1834), d’après Byron, de son Roméo et
Juliette, d’après Shakespeare (1839) [avec
des interventions vocales et chorales épisodiques] est d’utiliser les seuls pouvoirs
de l’orchestre pour traduire une dramaturgie inspirée de ses « grands hommes « :
Gluck, Shakespeare. L’orchestre symphonique, avec lui, est dans sa texture même,
sa pâte, remué par des idées, des sensations, des mouvements, plus profondément que chez ses devanciers. En même
temps, il développe le caractère pictural
de l’orchestre, chez lui moins « fonctionnel » et plus souple, plus mêlé, à chaque
fois renouvelé, personnalisé.
Après Berlioz, Franz Liszt, également
passionné de « grande littérature », codifie
en quelque sorte et développe le poème
symphonique. Esprit complet et cultivé,
curieux de tout, trait d’union de tous les
aspects du romantisme, il fait du poème
symphonique, à travers ses treize incursions dans le genre, le lieu de rencontre
de multiples intérêts poétiques, esthétiques, métaphysiques. Sa Dante-Sym-
phonie (1855-56) et sa Faust-Symphonie
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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(1854-1857) sont au croisement du poème
symphonique et de la symphonie à programme. Son Il Tasso (1856), en hommage
à Goethe (auteur d’une pièce sur le poète),
mais d’après un texte de Byron, fait se
rencontrer trois de ses écrivains favoris,
de trois grandes nations romantiques
(Italie, comme référence, Angleterre et
Allemagne). Mais c’est le Français Victor
Hugo qui lui inspire Ce qu’on entend sur
la montagne (1857) et Mazeppa (1856) ;
de la lecture de Shakespeare provient un
Hamlet (1861) ; Herder inspire un Prométhée (1856), Lenau la Procession nocturne
(1865), Schiller les Idéaux (1858) et Fêtes
(1861), et le poète Joseph Autran (et non
Lamartine, comme on l’a cru) les célèbres
Préludes (1854-1856), méditation sur la
destinée. L’Héroïde funèbre (1857), Hungaria (1857), la Bataille des Huns (1861), se
rattachent à la vieille tradition de la « bataille » musicale (de Janequin à Beethoven), et il faut citer encore un Orphée
(1856), et Du berceau à la tombe (1883).
Certes, quand Liszt se réfère à Hugo,
Shakespeare, Dante, etc., il s’agit pour lui
non seulement de littérature, mais aussi
de l’humanité, de la destinée des hommes
et des peuples. Par opposition avec la musique religieuse baroque et classique, qui
dresse un temple à l’Éternel en laissant au
second plan le drame humain (ou en le
sublimant), le poème symphonique, chez
Liszt et certains de ses successeurs, se plaît
à illustrer une métaphysique humaniste et
« laïque » de la destinée, du héros « prométhéen », du progrès de la race humaine :
en ce sens, c’est un genre caractéristique
de l’âge « critique » du romantisme. Cette
vocation métaphysique est reprise par
Richard Strauss dans Mort et Transfiguration (1888-89) et Also sprach Zarathustra (« Ainsi parlait Zarathoustra », 1896),
d’après Nietzsche, « tableau du développement de la race humaine ». Mais ses
portraits de destinées, Macbeth (18861888), Don Juan, d’après Lenau (1888),
Till Eulenspiegel (1894-95), Don Quichotte
(1897), débouchent sur une autobiographie en musique sobrement intitulée Ein
Heldenleben, « une vie de héros » (1898).
Ses deux symphonies à programme, Sinfonia domestica (1903), et Symphonie alpestre (1915), se rattachent à la tradition
descriptive des Quatre Saisons et de la
Symphonie pastorale.
Il est amusant de mettre en regard des
biographies straussiennes, conquérantes
et colorées, les trois poèmes symphoniques antiprométhéens de Saint-Saëns,
néoclassiques d’écriture, d’orchestration
et de forme, le Rouet d’Omphale (1873),
Phaéton (1873), la Jeunesse d’Hercule
(1877) : tous trois illustrent en effet, avec
un autre point de vue que le héros germanique, celui du « parnassien » sceptique, la
même thématique de l’« ubris » grecque,
de la prétention condamnée, du héros enchaîné. Du même Saint-Saëns, la fameuse
Danse macabre (1874) s’inscrit dans toute
une série de tableaux fantastiques pittoresques, où se rangent des poèmes symphoniques de César Franck (les Éolides,
1876, d’après Leconte de Lisle ; le Chasseur maudit, 1882, d’après Bürger ; les
Djinns, 1884, d’après Hugo), Paul Dukas
(l’Apprenti sorcier, 1897, d’après Goethe),
Vincent d’Indy (la Forêt enchantée, 1878,
d’après Uhland), Henri Rabaud (la Procession nocturne, 1899, d’après Lenau),
Henri Duparc (Lénore, 1875, d’après une
ballade de Bürger), Ernest Chausson (Viviane, 1882). Vincent d’Indy d’attachera
à toutes les possibilités du poème symphonique, légende narrative (Sauge fleurie, 1884), tableau descriptif (Jour d’été à
la montagne, 1906, en 3 parties ; Poèmes
des rivages, 1919-1921, en 4 parties), destinée héroïque d’un « perdant « (trilogie de
Wallenstein, 1874-1880, d’après Schiller).
Le poème symphonique sera aussi
l’occasion, en particulier dans les nations
de l’Est et du Nord, d’illustrer l’identité
nationale, à travers ses légendes, ses dates,
ses traditions, ses mythes : on citera le
cycle Ma patrie, de Smetana (1874-1879),
en 6 poèmes symphoniques dont la Moldau, les « légendes tchèques « de Dvořák
d’après Erben (l’Esprit des eaux, le Rouet
d’or, la Sorcière de midi), le « cycle nordique « de Sibelius avec la Suite de Lemminkainen (1896), En Saga (1901), la Fille
de Pohjola (1906), Chevauchée nocturne
et Lever de soleil (1907), le Barde (1913),
les Océanides (1914) et surtout Tapiola
(1926), la trilogie romaine de Respighi
(Pins de Rome, Fontaines de Rome, Fêtes
romaines). L’école russe affectionnait le
poème symphonique, forme souple, plus
propice que les cadres européens traditionnels pour traduire sa pensée, et pour
évoquer les paysages de la Russie et les
thèmes historiques ou légendaires (Thamar, 1882, de Balakirev ; Dans les steppes
de l’Asie centrale, 1880, de Borodine ; Schéhérazade, 1888, de Rimski-Korsakov ; Nuit
sur le mont Chauve, 1867, de Moussorgski
et Rimski-Korsakov), tandis que l’» européanisé « Tchaïkovski s’inscrit plutôt
dans la tradition de l’ouverture de concert
romantique avec Roméo et Juliette (1869),
Manfred (1885), Hamlet (1888).
On peut considérer, ou non, comme
poèmes symphoniques les oeuvres plus
récentes qui n’en revendiquent pas le titre,
comme la Mer de Debussy ou ses trois
Images pour orchestre, le Pelléas et Mélisande de Schönberg (1903), le Pacific 231
(1924) ou le Rugby (1928) de Honegger.
Ces oeuvres tendent souvent à abandonner les thèmes héroïques et les grandes
interrogations sur la destinée humaine
pour revenir à une tradition naturaliste,
mais avec un regard nouveau sur le réel :
la mer de Debussy n’est plus celle, brossée
à gros traits, d’un Wagner dans son Vaisseau fantôme ou d’un Rimski-Korsakov
dans Schéhérazade, qui est encore une mer
de théâtre, de coulisses. On pourrait aussi
s’amuser à pourchasser dans le répertoire
contemporain, chez Messiaen, Xenakis,
Bayle, la continuation du poème symphonique. Leurs musiques, pourtant, ne
font que proposer des modes nouveaux
de « mimesis « (imitation) de la nature
et de l’homme, comme les Grecs et les
Chinois d’antan. Il faut bien considérer
le poème symphonique comme un genre
historiquement daté (seconde moitié du
XIXe siècle, début du XXe) correspondant
à certains courants musicaux (et plus généralement idéologiques et esthétiques)
propres à l’époque où ce genre prit son
essor.
POGORELICH (Ivo), pianiste serbe (Belgrade 1958).
Il étudie à l’École centrale de musique de
Moscou puis au Conservatoire Tchaïkovski. L’événement déterminant de sa formation est sa rencontre avec la pianiste
Alice Kezeradzé, qui lui ouvre de nouveaux horizons, tant pour la technique
que pour l’interprétation. Lauréat du
Concours Casagrande en 1978 et de celui
de Montréal en 1980, année de son mariage avec A. Kezeradzé, il fait ses débuts
aux États-Unis en 1981 au Carnegie Hall,
et joue depuis dans le monde entier. Outre
son activité de soliste, il enseigne et dirige
le Festival de Bad Wörishofen, qu’il a créé.
POHL (Carl Ferdinand), musicologue,
organiste et compositeur allemand
(Darmstadt 1819 - Vienne 1887).
Il s’installa à Vienne en 1841, y devint
élève de Simon Sechter, et, de 1849 à 1855,
y fut organiste de l’église protestante du
faubourg de Gumpendorf. De 1863 à 1866,
il vécut à Londres, et ce séjour fut à l’origine de son Haydn und Mozart in London
(Vienne, 1867, réimpr. New York, 1970).
Nommé en 1866 archiviste et bibliothécaire de la Société des amis de la musique,
il s’intéressa à l’histoire de la vie musicale
dans la capitale autrichienne, ce qui se
traduisit notamment par Denkschrift aus
Anlass des hundertjährigen Bestehens des
Tonkünstler-Societät... in Wien (Vienne
1871). Sa grande tâche fut sa biographie
de Haydn, base de toutes les recherches
ultérieures sur ce compositeur : Joseph
Haydn (vol. I, Leipzig, 1875, 2e éd. 1878,
réimpr. Wiesbaden, 1971 ; vol. II, Leipzig,
1882, réimpr. Wiesbaden, 1971). Le volume III fut rédigé après la mort de Pohl,
et largement d’après ses notes, par Hugo
Botstiber (Leipzig, 1927, réimpr. Wiesbaden, 1970).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
790
POINT (D’ARRÊT, D’ORGUE, PIQUÉ).
1. Un point placé après une note augmente la durée de celle-ci de la moitié de
sa valeur. La note est dite pointée.
2. Le point d’orgue est un signe conventionnel ( ), qui, placé au-dessus ou audessous d’une note ou d’un silence, en
augmente la durée autant que peut le souhaiter l’exécutant. Le point d’orgue est de
durée indéterminée.
3.Le point d’arrêt remplit la même
fonction que le point d’orgue, mais pour
une durée plus brève. Il a souvent la valeur d’un ou deux temps. Il est beaucoup
moins employé. Il se note parfois par le
signe ( ), ou, même, s’indique aussi par
une simple virgule. -4.Un point placé audessus de la note indique que cette note
doit être détachée (staccato). Certains
théoriciens disent incorrectement que la
valeur de la durée de cette note est diminuée de moitié. Ce point est dit piqué.
POKORNY (Franz Xaver), compositeur
originaire de Bohême (Mestec Kralove
1728 - Ratisbonne 1794).
Élève de J. Stamitz, Filtz et F. X. Richter
à Mannheim, il entra en 1753 au service
du prince d’Oettingen-Wallerstein, puis
en 1770 du prince de Thurn und Taxis à
Ratisbonne. Il est l’auteur de plus de 160
symphonies, de très nombreux concertos
(pour clarinette, hautbois, cor et surtout
clavecin) et d’oeuvres de chambre avec ou
sans basse. ( ! SCHACHT.)
POLAK (Jacub, également JACOB REYS,
ou RETZ, ou JACOB LE POLONAIS), luthiste et
compositeur polonais (Pologne v. 1540 Paris v. 1605).
Certaines parties de sa biographie restent
obscures. On sait cependant qu’il a
compté parmi les musiciens d’Henri III,
qu’il a passé la fin de sa vie à la cour de
France, et qu’il a fait un séjour à Tours
vers 1593. Il était en relation avec le facteur d’instruments Robert Denis et l’éditeur Ballard. Jacub Polak est l’auteur de
fantaisies, de préludes, de gaillardes pour
luth, dans lesquelles les techniques d’imitation et l’improvisation jouent un grand
rôle. Nombre de ses compositions s’apparentent au ricercar. Certaines de ses pièces
se trouvent dans les tablatures de Besard
(Novus partus) et de Van Hove (Deliciae).
POLKA.
À l’origine, danse paysanne tchèque (et
non polonaise), à deux temps, caractérisée
par le demi-pas qui lui a donné son nom
(pulka signifiant « moitié »). Adoptée à
Prague en 1837 comme danse de société,
la polka gagna rapidement Vienne, puis
Paris, où elle connut une vogue extraordinaire, largement entretenue par les compositions de Johann Strauss fils.
POLLAROLO (Carlo), organiste et compositeur italien (Brescia v. 1653 - Venise
1723).
Organiste de la cathédrale de Brescia où
il succède à son père (1676), il devint en
1690 second organiste et en 1692 second
maître de chapelle à Saint-Marc de Venise, et composa ou fit reprendre pour les
principaux théâtres de cette ville de très
nombreux opéras. Il échoua dans sa tentative de devenir premier maître de chapelle
à Saint-Marc (1702), mais fut à partir de
1696 maître de chapelle aux Incurables,
composant pour cette institution des oratorios latins. Son fils Antonio (Brescia
1676 - Venise 1746), auteur d’opéras et
d’oeuvres sacrées, assuma à partir de 1702
ses fonctions à Saint-Marc, et y devint
maître de chapelle en 1740 comme successeur d’Antonio Lotti.
POLLET (Françoise), soprano française
(Boulogne-Billancourt 1949).
Elle étudie au Conservatoire de Versailles,
puis à la Hochschule für Musik de Munich. Grâce à sa formation allemande,
elle acquiert une grande connaissance de
Wagner et de Richard Strauss. De 1983 à
1986, elle chante dans la troupe de l’Opéra
de Lübeck, où elle incarne la Maréchale du
Chevalier à la rose et Elisa dans Tannhaüser. En même temps, elle aborde Mozart.
En 1986, elle dé
1010
bute en France, et fait redécouvrir au
Festival de Montpellier un lied inédit de
Strauss, Malven. En 1990, elle chante Bérénice de Magnard et Ariane et Barbe-Bleue
de Dukas en 1991, année de ses débuts à
l’Opéra-Bastille. Elle y incarne la Comtesse des Noces de Figaro. En 1992, elle est
Sieglinde dans le Ring dirigé par Janowski,
et en 1993 elle joue les Troyens de Berlioz
au Metropolitan de New York et au Colon
de Buenos Aires. En 1994, elle donne son
premier récital de mélodies salle Gaveau.
En 1995, entre autres prestations, elle
crée Freispuch für Medea de Liebermann
à Hambourg.
POLLINI (Maurizio), pianiste italien
(Milan 1942).
Manifestant des dons exceptionnels dès
l’âge de cinq ans, il entreprend des études
de piano avec C. Lonati et C. Vidusso, en
marge de sa formation générale, et donne
son premier concert à onze ans à Milan.
Malgré un second prix (premier prix non
attribué) au concours de Genève obtenu
à quinze ans, un premier prix, en 1959,
au concours E.-Pozzoli et un diplôme du
conservatoire de Milan (où il apprend la
composition et la direction d’orchestre),
il choisit la carrière musicale seulement
après avoir brillamment remporté en 1960
le concours Chopin de Varsovie. Encore
ne répond-il à cette vocation tardive qu’à
la fin d’une semi-retraite de quatre ans,
consacrée à réfléchir sur son art et à mûrir
son jeu au contact d’Arturo Benedetti
Michelangeli.
Ce lent cheminement conforte une
personnalité d’une grande richesse intérieure, qui, au lieu de se refermer sur ellemême, est profondément engagée dans
son temps, comme le confirment ses choix
politiques et artistiques. Il participe aux
Concerts populaires organisés par Paolo
Grassi à la Scala de Milan, aux côtés de
Claudio Abbado et de Luigi Nono, ou
bien, toujours en compagnie de ses amis,
va au-devant des publics ouvriers dans les
usines avec l’atelier Musica Realtà, fondé
en 1972. Il met son piano au service des
bonnes causes (reconstruction du Viêtnam, lutte contre le fascisme renaissant)
et des oeuvres engagées de Luigi Nono,
dont il crée Como una ola de fuerza y
luz (Venise, 1972) et Sofferte onde serene
(1976). Le répertoire contemporain - Boulez, Schönberg, Bartók, Webern, Stockhausen - lui fait redécouvrir la part de
modernité des oeuvres du passé. Il poursuit avec méthode et économie (pas plus
de 80 concerts par an) une carrière exemplaire, arrêtée un temps en 1975 par un
grave accident de voiture et jalonnée par
quelques enregistrements d’une plénitude impressionnante, mais qui reflètent
incomplètement la tension irremplaçable
des concerts, où il fait toucher, à force
de nudité et d’introspection poétique, la
vérité de chaque oeuvre. Il a donné des
cours d’interprétation en 1972 à l’Accademia Chigiana de Sienne et fait ses débuts
de chef d’orchestre en 1982, dirigeant à
Pesaro La Donna del Lago de Rossini.
POLO.
Chant et danse andalous, exécuté par les
gitans.
Traditionnellement écrit à 3/8 et en
mineur, de mouvement modéré, le chant
proprement dit est en général prédécé
d’un prélude à la guitare et ponctué
d’onomatopées (« ay »). La danse consiste
principalement en contorsions du corps,
rappelant certaines danses orientales, et
s’accompagne de castagnettes et du claquement des pieds et des mains. Le polo
a inspiré plusieurs compositeurs, en particulier M. de Falla, qui en a fait le dernier
de ses Siete canciones españolas.
POLONAISE.
Danse de cour à trois temps, de caractère
solennel.
Si cette sorte de marche, d’une grande
noblesse, est effectivement d’origine polonaise, ce sont les compositeurs allemands
du XVIIIe siècle, dont Telemann et J.-S.
Bach, qui ont le plus contribué à la répandre en tant que genre musical. Ils ont
été relayés au concert par Chopin et par
Liszt, puis, au théâtre, par Tchaïkovski et
Rimski-Korsakov, notamment.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
791
POLYCHORALITÉ.
Réunion en polyphonie de plusieurs
choeurs personnalisés.
Le terme est peu usuel.
POLYPHONIE.
Par opposition à monodie, se dit en principe de toute musique où se font entendre
simultanément plusieurs parties différentes. Toutefois, le terme s’emploie surtout lorsqu’on veut mettre en relief le fait
que ces parties, qu’elles s’accordent ou
non harmoniquement, sont mélodiquement indépendantes, ce qui oppose polyphonie à hétérophonie, où l’une des voix
est une variante d’une autre, ou bien dont
la polyphonie résulte d’accidents d’exécution, conscients ou non, sans qu’il y
ait vraiment conception d’une voix différente. Le terme implique aussi que toutes
les voix ont une valeur mélodique individuelle, ce qui oppose la polyphonie à la
monodie accompagnée.
Le terme est très employé en ethnomusicologie ; en musique classique, on
l’emploie surtout pour les périodes où le
contrepoint avait prééminence sur l’har-
monie, c’est-à-dire pour celles qui ont
précédé la basse continue (Moyen Âge
et Renaissance). Au-delà, son emploi devient exceptionnel et ne s’applique plus
guère qu’aux passages écrits dans un style
particulièrement contrapuntique.
À ses origines écrite (IXe s.), la polyphonie n’était guère qu’un artifice quelque
peu fonctionnel de solennisation ou
d’ornementation des textes monodiques
préexistants, liturgiques ou non. Sans
abandonner cette fonction, elle n’a cessé
de progresser jusqu’à devenir une oeuvre
d’art d’abord (la mutation se produit à
peu près avec l’école de Notre-Dame de
Paris, à la fin du XIIe s.), un art autonome
ensuite, dont la musique occidentale,
contrairement à d’autres, a fait le fondement même de sa technique et la base de
son développement, qui lui assure l’essentiel de sa spécificité, face notamment aux
musiques primitives ou orientales pour
lesquelles, lorsqu’elle existe, la polyphonie
ne joue qu’un rôle secondaire et souvent
négligeable.
POLYRYTHMIE.
Superposition de plusieurs parties ayant
chacune un rythme différent et dont les
accents d’appui ne coïncident pas entre
eux.
Le terme est surtout employé en ethnomusicologie.
POLYTONALITÉ.
Procédé consistant à superposer deux ou
plusieurs fragments appartenant chacun à
une tonalité différente.
On trouve de fréquents exemples de
polytonalité dans l’ethnomusicologie et
aussi dans la musique polyphonique du
Moyen Âge ou de la Renaissance. Dans
une réponse en strette, par exemple,
chaque partie semble souvent se mouvoir
dans sa propre tonalité. Bach présente
des exemples analogues (par ex. dans la
fugue 8 de l’Art de la fugue, numérotation
de l’éd. Leduc), mesures 23-31, le « grand
sujet » apparaît au ténor en fa majeur dans
un ensemble harmonique en ré mineur.
Elle n’en est pas moins « cachée » par une
harmonie monotonale, qui la fait passer
inaperçue à l’audition superficielle. Les
premiers exemples apparents, encore que
toujours analysables monotonalement,
apparaissent chez Beethoven, puis chez
Wagner, et plus nettement encore chez
Debussy et Richard Strauss. C’est à partir
du Sacre du printemps de Stravinski (1913)
que la polytonalité s’évade franchement
de la consonance et de l’analyse monotonale (cf. D. Milhaud, Honegger), pour
connaître, vers 1925, une période d’apogée
qui durera jusque vers 1945 ; ensuite, elle
cédera peu à peu la place aux tendances
atonales prônées par l’école de Schönberg.
POMMIER (Jean-Bernard), pianiste et
chef d’orchestre français (Béziers 1944).
Il commence l’étude du piano à l’âge de
quatre ans avec Mina Kosloff, puis au
Conservatoire de Paris, auprès d’Yves
Nat, dont il est l’un des derniers élèves,
et de Pierre Sancan, et se perfectionne
avec Eugène Istomin. Il donne son premier concert à l’âge de dix ans et remporte
en 1960 le premier prix du Concours des
Jeunesses musicales de Berlin. Lauréat
du Concours Tchaïkovski deux ans plus
tard, il est invité à se produire au Festival
de Prades. Après une vingtaine d’années
consacrées uniquement à une carrière de
pianiste, il commence à diriger au début
des années 80. Il enseigne également, et
dirige à partir de 1990 le festival d’été de
Melbourne.
PONCE (Manuel), compositeur et pianiste mexicain (Fresnillo, Zacatecas,
1882 - Mexico 1948).
Il étudia au conservatoire de Mexico, puis
à Bologne et à Berlin, où il donna un récital en 1906. Il devint professeur de piano
au conservatoire de Mexico en 1909, vécut
comme critique musical à La Havane, de
1915 à 1917, puis reprit son enseignement
au conservatoire de Mexico. De 1925 à
1933, il vécut à Paris, où il travailla avec
Paul Dukas. En 1934-35, il dirigea le
conservatoire de Mexico, où il eut comme
élève Carlos Chavez. Il essaya dès lors de
concilier dans ses oeuvres les techniques
modernes et les éléments folkloriques.
Sa recherche d’un art authentiquement national l’amena à recueillir de
nombreuses mélodies populaires. On lui
doit notamment 1 concerto pour piano
(1912), la Balada mexicana pour piano et
orchestre (1914), Chapultepec, 3 esquisses
symphoniques (1929 ; rév., 1934), Poema
elegiaco pour orchestre de chambre (1935),
Concierto del Sur, pour guitare et orchestre
(1941), destiné à A. Segovia, et de nombreuses chansons. Sa dernière grande
oeuvre, le Concerto pour violon (1943),
contient en son deuxième mouvement
des échos d’Estrellita, une chanson publiée
par lui en 1914 et qui était devenue le plus
grand succès d’Amérique latine.
PONCET (Antoine PONCE, dit Tony), ténor
français (Maria 1918 - Libourne 1979).
En 1947, il étudie au Conservatoire de
Paris avec Fernand Francell et Vuillermos.
De 1955 à 1958, il remporte de grands succès en Belgique, à la Monnaie de Bruxelles
notamment. À partir de 1958, il chante
souvent à l’Opéra-Comique et à l’Opéra
de Paris. Il triomphe aussi bien dans
l’opéra français en incarnant don José,
Nadir et Faust, que dans Verdi avec Aïda,
le Trouvère et Rigoletto. Il a aussi interprété
de nombreuses opérettes, notamment le
Pays du sourire de Franz Lehar, qu’il a
enregistré.
PONCHIELLI (Amilcare), compositeur
italien (Paderno Fasolaro, Crémone
1834 - Milan 1886).
Il entra à neuf ans au conservatoire de
Milan (où il fut plus tard le professeur
de Puccini et de Mascagni), se fit remarquer avec une opérette et de la musique
de chambre, puis, en 1856, avec ses Promessi Sposi (rév. en 1872) et s’affirma avec
I Lituani (Scala de Milan, 1874), d’après
Praga, l’un des pionniers du vérisme littéraire. Boito lui fournit l’excellent livret
de sa Gioconda, d’après Angelo tyran de
Padoue de Hugo (1876). Dans cet opéra,
dont le succès ne s’est jamais démenti,
Ponchielli réussit habilement à jeter un
pont entre les dernières exigences du
grand opéra, avec ses ensembles de type
verdien, et le chant plus déclamé qu’adoptera bientôt la « jeune école ».
Désormais célèbre, il put se consacrer
à la musique instrumentale ou sacrée,
revenant parfois au genre lyrique, avec
notamment le Fils prodigue (1880), drame
intérieur d’une belle sobriété, et Marion
Delorme (1885), sorte de retour à un
romantisme méditatif. D’une personnalité discrète et trop modeste, Ponchielli a
parfois plié son inspiration aux goûts du
public, ce qui ne doit pas faire négliger
son très réel talent dramatique ni son rôle
efficace en cette période charnière entre le
dernier Verdi et le vérisme naissant.
PONS (Lily), soprano américaine, d’origine française (Draguignan 1898 - Dallas
1976).
Elle étudia d’abord le piano au Conservatoire de Paris, puis se tourna vers le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
792
chant, et fit ses débuts en 1928 à Mulhouse
dans le rôle de Lakmé. C’est dans ce rôle,
ainsi que dans celui de Lucia de Lammermoor, avec lequel elle débuta en 1931 au
Metropolitan Opera de New York, qu’elle
remporta ses plus grands triomphes. Elle
possédait une voix de colorature très agile,
qui lui permettait de monter très haut
dans l’aigu.
PONSELLE (Rosa), soprano américaine
(Merifen 1897 - Baltimore 1981).
De parents immigrants napolitains, elle
commença sa carrière en duo avec sa soeur
Carmella comme attraction dans les cinémas locaux. Découverte par Caruso, qui la
fit engager au Metropolitan Opera de New
York, pour le rôle de Leonora de La Forza
del destino de Verdi, elle y débuta aux côtés
du célèbre chanteur en 1918. Son succès fut immédiat, et elle devint, jusqu’en
1937, la principale vedette du répertoire
italien au Metropolitan. De nombreuses
reprises furent effectuées pour elle dans
ce théâtre, et, en particulier, la Vestale de
Spontini, Norma de Bellini, La Gioconda
de Ponchielli. Dans le même temps, elle
chanta à Londres en 1929, 1931 et 1935, et
à Florence en 1931.
Sa voix, profonde et dramatique, était
d’une égalité absolue, sa musicalité parfaite et son style superbe. De plus, Rosa
Ponselle était belle et possédait une présence scénique considérable. Elle fut
probablement la plus grande soprano
verdienne du XXe siècle. Elle se retira à
l’âge de quarante ans, au sommet de ses
capacités, parce que son interprétation de
Carmen avait été discutée.
PONT.
Désigne, dans l’analyse traditionnelle, la
section de transition reliant le premier
au second thème dans l’exposition d’un
mouvement de forme sonate. Il permet,
le plus souvent, de moduler de la tonique,
ton du premier thème, à la dominante, ton
du second thème.
POOT (Marcel), compositeur belge (Vilvorde, près de Bruxelles, 1901 - Bruxelles
1988).
Il fit ses études aux conservatoires de
Bruxelles (Lunssens, de Greef) et d’Anvers (Mortelmans), puis avec Paul Gilson
et Paul Dukas. Professeur à l’Académie de
musique de Vilvorde, puis au conservatoire de Bruxelles (contrepoint), il fonda
avec Paul Gilson la Revue musicale belge
en 1925, appartint au groupe des Synthétistes, et devint directeur du conservatoire
de Bruxelles en 1949.
Son langage, traditionnel et généralement tonal, ignore les problèmes qui dépassent celui de la polytonalité, mais sert
une expression toujours directe, vivante,
souvent pleine d’humour et d’un lyrisme
profondément humain. Son oeuvre la plus
célèbre est l’Ouverture joyeuse (1934).
POP MUSIC.
Ensemble des musiques apparues au
début des années 60 en Grande-Bretagne,
puis aux États-Unis, dérivées du rock and
roll, du blues noir, du folk song et de la
musique country, et enrichies d’influences
diverses (musiques classique, électronique, indienne, etc.).
L’expression « pop music » désigne
d’abord aux États-Unis toutes les musiques commerciales et massivement
diffusées par les radios, c’est-à-dire aussi
bien la chanson de variétés (le cha-chacha, le rock and roll d’Elvis Presley) que la
simple musique d’ambiance. Avec l’arrivée, en 1962, des Beatles et l’explosion du
rock anglais, le mot « pop » va peu à peu,
surtout en France, ne plus dénommer que
ce que l’on appelait « rock » aux ÉtatsUnis, à savoir une branche précise de la
« popular music « : la musique rythmée et
électrique dans laquelle va se reconnaître,
dans le monde entier, toute une génération de jeunes. Ce formidable phénomène
musical, qui trouvera son apothéose lors
des rassemblements géants de Woodstock (1969 aux États-Unis) et de l’île de
Wight (1970 en Angleterre), se double
d’un phénomène social et politique. Au
départ simple mode (la mode vestimentaire Beatles), le mouvement pop va vite
se confondre avec le grand mouvement de
contestation radicale qui agite la jeunesse,
dans les années 60. Les grandes stars de
la pop music sont avant tout des groupes
(Beatles, Rolling Stones, Who, Animals,
Pink Floyd, Byrds, Beach Boys, Jefferson
Airplane, Doors, le Crosby, Stills, Nash
and Young, le Grateful Dead), deux « pop
stars » faisant exception à la règle : Bob
Dylan et Jimi Hendrix.
Au début des années 70, le terme « pop
music », trop vague et impropre à rendre
compte de la totalité de la musique populaire anglo-saxonne, issue du rock and
roll, sera remplacé par le terme américain de « rock music » ou simplement de
« rock ».
Au début des années 80, le mot « pop »
désigne une branche précise de la « rock
music », façonnée pour les radios et les
hit-parades. Cette variante douce du rock
se caractérise par des rythmes simples, des
refrains accrocheurs, des arrangements
soignés et bien huilés (groupes Blondie et
Supertramp).
PORPORA (Nicola), compositeur et pédagogue italien (Naples 1686 - id. 1768).
Entré en 1696 au Conservatorio dei Poveri
di Gesù Cristo de Naples, il y resta environ
dix ans, puis fit représenter dans la même
ville ses opéras Agrippina (1708), Flavio
Anicio Olibrio (1711) et Basilio re d’oriente
(1713). Il fut, à cette époque, maître de
chapelle de l’ambassadeur du Portugal et
du prince de Hesse-Darmstadt, général de
l’armée autrichienne qui occupait la ville.
En 1714 fut donné à Vienne Arianna e
Teseo. Porpora s’imposa alors comme un
remarquable professeur de chant, n’ayant
pas son pareil pour déceler les possibilités
d’une voix et l’amener au plus haut degré
de perfection. De 1715 à 1721, il enseigna cette matière au Conservatorio di S.
Onofrio de Naples. Il compta alors parmi
ses élèves les deux futurs castrats Farinelli
et Caffarelli, ainsi que le compositeur
Hasse. En 1733, après quelques années à
Venise, il se rendit à Londres, où il dirigea
l’Opera of the Nobility, qui s’opposait à
l’influence de Haendel, et donna, notamment, Arianna in Nasso (1733). Il quitta
l’Angleterre en 1736 pour Venise, puis
Naples (1739). Il séjourna à Dresde de
1747 à 1751, puis de la fin de 1752 ou du
début de 1753 à Vienne, où il eut comme
élève le jeune Haydn. En 1760, il était de
nouveau à Naples, où, après avoir repris
quelque temps ses anciennes fonctions
au Conservatorio di S. Maria di Loreto, il
mourut dans la misère. Il écrivit quelques
oeuvres instrumentales, mais l’essentiel de
sa production relève du domaine vocal
(opéras, cantates profanes, oratorios,
ouvrages sacrés divers). Beaucoup de ses
oeuvres ont disparu. Sa connaissance de la
voix lui servit énormément dans ses opéras, mais ceux-ci, en contrepartie, mettent
parfois l’accent sur la virtuosité au détriment de la substance musicale.
PORTAL (Michel), clarinettiste français
(Bayonne 1935).
Après avoir obtenu en 1959 un 1er Prix de
clarinette au Conservatoire de Paris, il est
lauréat des Concours de Genève (1963) et
de Budapest (1965) et travaille la direction
d’orchestre avec Pierre Dervaux. Son activité mêle d’emblée le classique et le jazz. Il
porte également un intérêt croissant à la
musique contemporaine, participant à de
nombreux festivals et concerts (Donaueschingen, Royan, Venise, etc.). Avec Carlos Roque-Alsina, Jean-Pierre Drouet et
Vinko Globokar, il fonde le New Phonic
Art. Ouvert à toutes les formes d’expression musicale, il compose des musiques
de film et de scène. Son itinéraire est celui
d’un musicien complet, jazzman, musicien classique et grand connaisseur de la
musique de son temps.
PORTAMENTO.
Manière de lier deux notes en « portant »
légèrement la première vers la seconde
et en faisant entendre ainsi tous les sons
intermédiaires très rapidement et avec
moins d’intensité.
Ce procédé est principalement employé
par les instrumentistes à archet et par les
chanteurs ; il peut être explicitement indiqué par le compositeur, mais il est génédownloadModeText.vue.download 799 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
793
ralement implicitement sous-entendu,
notamment dans le contexte de l’écriture
de certaines époques anciennes. Pour la
technique vocale, les Italiens utilisent
également le mot legatura (« liaison »).
Cette pratique, essentielle dans l’émission
vocale, a, malgré de sensibles variations
au cours des siècles, toujours été recommandée depuis Caccini et Monteverdi
jusqu’à nos jours, bien que l’école française semble l’avoir en partie proscrite au
XXe siècle.
Le portamento (ou « port de voix »)
descendant est souvent déconseillé, mais,
en mouvement ascendant, il donne une
grande élégance au phrasé et évite les ruptures audibles entre les registres de la voix.
Il doit être exécuté assez rapidement (dans
le cas contraire le son est dit « traîné »),
et toujours en haussant la première note
vers la seconde, jamais en attaquant la
seconde en dessous de la hauteur donnée. C’est d’ailleurs dans ce seul cas que le
terme français « port de voix » prend une
nuance péjorative, de même que le mot
« glissade » désigne, pour les instruments
à cordes, un portamento mal exécuté.
PORTATIF.
Petit orgue de dimensions très réduites,
aisément transportable.
En usage pendant le Moyen Âge, il
était joué de la main droite, tandis que
l’autre main actionnait le soufflet placé à
l’arrière de l’instrument ; il était soit porté
en bandoulière, soit posé sur les genoux
ou sur un meuble. Le clavier, court, faisait sonner les notes élevées de deux ou
trois jeux de fond. Le portatif servait ainsi
à accompagner le chant, à remplacer
d’autres instruments ou à s’y mêler, en de
très nombreuses circonstances de la vie
quotidienne.
PORT DE VOIX.
1. Synonyme d’appoggiature pour de
nombreux auteurs français des XVIIe et
XVIIIe siècles. Utilisé dans la musique vocale et instrumentale baroque, il était le
plus souvent ascendant, par opposition à
l’appoggiature descendante, appelée coulement (J. Hotteterre) ou cheute (C. Dieupart).
L’appoggiature étant très souvent suivie
d’un mordant, le port de voix a fini par
désigner l’ensemble « appoggiature-mor-
dant » (Fr. Couperin), bien qu’on trouve
parfois l’expression « port-de-voix et
pincé » (Dandrieu).
2. De nos jours, synonyme de portamento.
Il consiste à glisser légèrement d’un son à
un autre, sans qu’il soit possible de distinguer les sons intermédiaires. Employé surtout en musique vocale, on le rencontre
également appliqué à certains instruments
(violon, trombone, etc.). Son abus est souvent d’un très mauvais effet.
PORTÉE.
Ensemble de lignes horizontales et équidistantes servant de points de repère pour
indiquer la hauteur des notes.
C’est à tort qu’on attribue à Guy
d’Arezzo l’invention de la portée. Elle se
fit par étapes successives. D’abord une
seule ligne pour indiquer une note de
référence, puis deux lignes de couleurs
différentes pour le do et le fa (G. d’Arezzo),
puis, quatre lignes (tradition conservée
dans la notation du chant grégorien), puis
cinq lignes et, même, six lignes (surtout
en Angleterre au XVIIe s.). Notre portée
s’est stabilisée à cinq lignes, ce qui semble
correspondre le mieux à la perception
visuelle humaine.
PORTER (Quincy), compositeur américain (New Haven, Connecticut, 1897 Bethany 1966).
Il fit ses études à l’université Yale (avec
Horatio Parker et D. S. Smith), puis à
Paris (avec Vincent d’Indy), New York
(avec Ernest Bloch) et Cleveland. Altiste
du quatuor de Ribeaupierre, il enseigna
tour à tour au College Vassar et à l’université Yale avant d’être nommé doyen de
la faculté de musique de Nouvelle-Angleterre à Boston, puis directeur du conservatoire de cette ville. Respectueux de la tradition, d’obédience néoclassique, il cultiva
principalement le quatuor à cordes (8, de
1923 à 1959).
POSITIF.
Petit orgue, de dimensions modestes, plus
petit qu’un instrument de tribune, mais
plus important qu’un portatif.
Il est posé à même le sol ou sur un
meuble (d’où son nom), mais peut être
déplacé. Instrument à plusieurs jeux et un
clavier d’étendue moyenne, il fait appel à
un souffleur indépendant pour laisser l’organiste libre de jouer de ses deux mains.
Principalement destiné à l’accompagnement liturgique, on le trouvait dans
les couvents ou à la tribune des églises, en
avant du grand orgue. Dès le XVe siècle,
on l’associa au grand orgue de tribune :
c’est l’origine du petit buffet principal
dans la disposition classique des grands
instruments. La tuyauterie du positif est
alors actionnée à partir d’un des claviers
de l’orgue, qui prend le nom de positif.
Par extension, l’appellation de positif a été
systématiquement donnée, au XIXe siècle,
à l’un des claviers des orgues de plus de
deux claviers, même quand la tuyauterie en était logée dans le buffet du grand
orgue.
Aujourd’hui, on construit à nouveau
des positifs indépendants, soit à l’usage
des communautés religieuses ou des
choeurs d’églises, soit surtout comme instrument de réalisation de la basse chiffrée
dans les formations orchestrales et vocales : aisément transportable en camionnette, il permet de donner des concerts en
des lieux dépourvus d’orgue utilisable à
cet effet.
POSITION.
Place que doit occuper la main gauche
sur le manche d’un instrument à cordes
pour assurer le doigté correct d’une série
de notes.
Dans le cas de la corde mi (chanterelle) du violon, la première position est
définie par le placement du premier doigt
(l’index) sur le premier degré après la note
à vide, c’est-à-dire le fa ; les trois doigts
suivants correspondent respectivement
au sol, au la et au si. En « démanchant »
d’un degré vers le chevalet, on passe à la
deuxième position qui donne les notes
sol, la, si, do, et ainsi de suite jusqu’à une
treizième position assez acrobatique et
fort peu usitée (c’est seulement à la fin du
XVIIIe siècle que les virtuoses dépassèrent
la cinquième position). Chaque position
donne des résultats correspondants sur
les trois cordes voisines, d’où la possibilité
de jouer deux octaves sans démancher. Le
même système s’applique à l’alto, le violoncelle et la contrebasse moyennant des
modifications (demi-positions) nécessi-
tées par les intervalles plus grands, ainsi
qu’aux instruments à cordes pincées. La
notion de position s’applique également
aux degrés d’allongement de la coulisse
du trombone. La première s’applique à la
tessiture la plus aiguë, instrument fermé,
et la septième à l’allongement maximal de
la coulisse.
Enfin, les musicologues emploient le
même terme pour qualifier l’espacement
des notes d’un accord (position plus ou
moins large ou serrée), et sa situation par
rapport à la basse fondamentale.
POSTHORN (all. pour « cor de postillon »).
Instrument sans piston utilisé par les
postillons pour annoncer leur arrivée à
l’étape.
Bach l’imita au clavecin dans son Capriccio sopra la lontananza del suo fratello
dilettissimo (Capriccio sur l’éloignement
de son frère bien-aimé) BWV 992 (1704).
Mozart l’utilisa en solo dans le second
trio du second menuet de sa sérénade en
ré majeur K.320 (Posthorn) de 1779 ainsi
qu’à la fin (Promenade en traîneau) de ses
Trois Danses allemandes K.605 (1791) et
Beethoven à la fin de ses Douze Danses allemandes WoO 8 (1795). À la mesure 9 de
la symphonie en ré majeur no 31, dite Mit
dem Hornsignal (Appel de cor), de Haydn
(1765), le premier des quatre cors fait
entendre un motif authentique de cor de
postillon : endroit marqué « Cor de poste
de Nuremberg » sur l’édition parisienne
de Sieber (annoncée en 1788) et « alla
Posta » sur une copie anglaise d’époque.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
794
POSTLUDE.
Antonyme de prélude, ce terme désigne
une pièce de construction assez libre et
servant de commentaire à une cérémonie qui vient de s’achever ou à une oeuvre
musicale dont on vient d’entendre l’essentiel (Postlude pour l’office de Complies pour
orgue de Jehan Alain, postlude pianistique
des Amours du poète de Schumann).
POTHIER (Dom Joseph), moine bénédictin français, restaurateur du chant
grégorien (Bouzemont, Vosges, 1835 -
Conques, Belgique, 1923).
Ordonné prêtre en 1858, il prononce ses
voeux à Solesmes en 1860. D. Guéranger
le charge, la même année, d’aider D. Jausions à préparer une nouvelle édition des
chants liturgiques à l’usage choral. Il termine seul ce travail après la mort de D.
Jausions et, en 1880, paraît la première
partie de ses recherches, les Mélodies grégoriennes d’après la tradition, suivie du
Liber gradualis (1883), des Processionale
monasticum et Variae preces (1888), Liber
antiphonarius (1891), Liber responsorialis
(1895) et Cantus mariales (1903).
Nommé prieur de l’abbaye de Ligugé en
1893, puis de Saint-Wandrille en 1895, il
devient abbé de ce monastère en 1898. La
suppression de cette abbaye l’oblige à partir en Belgique en 1912. Sa première publication souleva un vif enthousiasme lors
du Congrès grégorien d’Arezzo de 1882,
mais le Liber gradualis de 1883 provoqua
des dissensions entre la nouvelle école
de Solesmes et les partisans de l’édition
néomédicéenne, publiée chez Pustet à
Ratisbonne en 1868. Il lui fallut attendre
1904 pour s’imposer, lorsqu’il fut nommé
à la tête d’une commission chargée par
Pie X de réaliser une édition vaticane du
chant grégorien et qu’il présidera jusqu’en
1913. Son travail fut capital pour la restauration du chant grégorien. Il donna, le premier, une transcription mélodique exacte
des neumes et précisa l’accentuation de la
phrase en fonction du mot latin. Il négligea, cependant, la valeur rythmique des
neumes qui, pour lui, étaient égaux. Cette
lacune fut rapidement comblée par son
élève et successeur D. Mocquereau.
POT-POURRI.
Expression dérivée de l’espagnol olla potrida (plat de viandes et légumes mélangés), et utilisée en France au XVIIIe siècle
pour désigner, en musique, des collections
de thèmes connus, notamment d’airs
d’opéras en vogue.
Aujourd’hui, on appelle pot-pourri (en
anglais medley, en allemand Potpourri)
une pièce de musique de style léger qui
enchaîne rapidement, sans les développer, différents thèmes connus (airs d’une
opérette, succès d’une vedette, airs classiques d’un certain genre - musette, viennois, etc.). Mais le pot-pourri est un genre
ancien, né pour le seul plaisir de faire entendre et reconnaître en peu de temps une
série de thèmes appréciés et évocateurs.
Il joue sur la connivence, la nostalgie, le
plaisir du « déjà connu », et il existe depuis
longtemps sous les noms de « fricassée »
(en France, XVIe s.), « quodlibet », c’est-àdire « tout ce qu’on veut », « ce qui plaît »
(en Allemagne, XVIe et XVIIe s., cf. le Quodlibet de 2 thèmes populaires dans la fin
des Variations Goldberg de Jean-Sébastien
Bach), ensalada en Espagne, et misticanza
en Italie. Au XVIIIe siècle, Bonin publie
des sélections de danses sous le titre de
Pot pourry Français. Joseph Gelinek écrit
des pots-pourris pour piano d’airs d’opéras de Mozart, et, au XIXe siècle, Diabelli s’attaque de la même manière aux
oeuvres de Beethoven. Chopin appelle
« pot-pourri » sa Fantaisie op. 13 sur des
airs polonais, et l’on publie beaucoup de
« sélections » pour piano, orchestres de
kiosque, bals, des airs des opéras en vogue.
Aujourd’hui, le genre est bien vivant, que
ce soit dans la musique de variété, ou dans
la musique « sérieuse » où il revit à travers
les musiques de « collage » (pot-pourri
beethovénien du Ludwig van de Mauricio Kagel, et troisième mouvement de la
Sinfonia de Luciano Berio [1968], qui est
un grand pot-pourri de la musique occidentale construit autour du scherzo de la
Deuxième Symphonie de Mahler).
POUCHKINE (Alexandre Sergueiévitch),
poète et écrivain russe (Moscou 1799 Saint-Pétersbourg 1837).
Un grand nombre de poèmes, pièces et
nouvelles de Pouchkine ont servi de sujets
d’opéras aux compositeurs russes : Rouslan et Ludmilla de Glinka (Pouchkine, ami
du compositeur, avait projeté de faire luimême l’adaptation de son poème, mais sa
mort prématurée l’en empêcha), la Roussalka, le Convive de pierre de Dargomyjski,
Boris Godounov de Moussorgski, Eugène
Onéguine, Mazeppa (d’après la Poltava) et
la Dame de pique de Tchaïkovski ; Mozart
et Salieri, le Conte du tsar Saltan, le Coq
d’or de Rimski-Korsakov ; Doubrovski de
Napravnik ; Aleko (d’après les Tziganes)
et le Chevalier avare de Rachmaninov ;
Mavra de Stravinski, d’après la Petite Maison de Kolomna. D’autres vers de Pouchkine ont servi de base à de nombreuses
mélodies, choeurs ou cantates.
POUGIN (Arthur), musicologue et critique français (Châteauroux 1834 - Paris
1921).
Formé au Conservatoire de Paris, il fut
chef d’orchestre et violoniste avant de se
consacrer à la critique et à l’histoire de
la musique. Chroniqueur de plusieurs
journaux, rédacteur en chef du Ménestrel
(1885-1914), il collabora au Larousse universel, rédigea le supplément de la Biographie universelle des musiciens de Fétis et
publia une cinquantaine d’ouvrages. Ses
connaissances étaient vastes, sa curiosité
et son activité inlassables, mais son érudition n’était pas toujours sûre et le véritable sens critique lui faisait défaut ainsi
que l’attestent ses jugements sévères sur
Carmen et sur Pelléas et Mélisande.
PRINCIPAUX ÉCRITS.
L. Kreutzer (1868), Meyerbeer (1864), Rode
(1874), Viotti (1888), les Vrais Créateurs de
l’opéra français : Perrin et Cambert (1881),
Dictionnaire historique et pittoresque des
théâtres et des arts (1885), Méhul (1889),
l’Opéra-Comique pendant la Révolution
(1891), Hérold (1906), Massenet (1914).
POULENARD (Isabelle), soprano française (Paris 1961).
Elle débute dans le répertoire baroque,
où elle connaît un succès immédiat. Elle
chante en 1982 au Festival d’Innsbruck
l’Orontea de Cesti, et l’enregistre sous la
direction de René Jacobs. En 1990, elle est
dans les Indes galantes à Aix-en-Provence
sous la direction de William Christie,
avec lequel elle a aussi abordé Hippolyte
et Aricie à l’Opéra-Comique. À Londres,
elle se produit dans Iphigénie en Aulide
avec Richard Hickox, et fait des tournées
en France avec Jean-Claude Malgoire,
notamment dans Platée et Montezuma
de Vivaldi. On a pu aussi l’entendre dans
un répertoire plus classique : elle a chanté
Despina, Yniold et les Tréteaux de maître
Pierre de De Falla. En 1995, elle reprend
le Dialogue des carmélites à Bordeaux. Elle
a créé notamment les Visites espacées de
Philippe Hersant et le Tombeau d’Henri
Ledroit de Jacques Lenot.
POULENC (Francis), compositeur français (Paris 1899 - id. 1963).
Aujourd’hui considéré comme un des plus
grands compositeurs français de la première moitié du XXe siècle, il a débuté dans
la musique comme petit pianiste prodige.
Instruit sur cet instrument par sa mère,
elle-même excellente pianiste, puis par
Ricardo Viñes (« Je lui dois tout », dira-t-il
plus tard), il rencontre, grâce à lui, Erik
Satie et Georges Auric, dont la culture le
fascine et qui sera un de ses grands amis,
et se trouve rapidement introduit dans les
milieux parisiens de la création musicale.
Sa Rhapsodie nègre, gentiment provocatrice et « fauviste », en 1917, fait beaucoup
attendre de ses dons remarquables. Mobilisé lors de la Première Guerre mondiale, il
compose peu pendant cette période militaire, sauf le Bestiaire (1918-19), sur des
poèmes d’Apollinaire, mélodies qui sont
sa première réussite d’un genre où il fut
reconnu comme très grand - celui de la
mélodie. Il consolide sa formation musicale d’autodidacte avec Charles Koechlin.
Quand le critique Henri Collet baptise et
consacre en 1920 le groupe des Six, réuni
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
795
autour de Cocteau (comme le groupe des
Cinq russes l’était autour de Stassov),
Poulenc est naturellement l’un deux, un
des plus jeunes, des plus brillants.
Pendant quinze ans, il va satisfaire à
cette réputation d’artiste agréable, français, léger. Les influences perceptibles
à l’époque dans son style, sont celles de
Satie, Auric, Chabrier. La création de ses
Biches en 1924, par les Ballets russes, scelle
sa renommée ; on retrouve dans cette partition la quintessence de l’esprit groupe
des Six, clins d’oeil, orchestre léger, thèmes
d’allure « flon-flon », et savoir-faire. Des
dates musicalement plus importantes sont
celles de son Concert champêtre (1928),
pour clavecin et orchestre, commandé
par Wanda Landowska, et de son Aubade
(1929), pour piano et 18 instruments,
oeuvres où se fait jour, derrière le badinage « galant », une certaine amertume et
un certain sens du tragique. Le tournant
décisif est amené par une oeuvre modeste,
sa première oeuvre religieuse, les Litanies
de la Vierge Noire (1936), où, tout d’un
coup, il trouve sa dimension de grand
musicien catholique. Il professe alors une
espèce de « foi du charbonnier », qu’il
se plaît à opposer à son côté « voyou »
(Claude Rostand) et libertin. Toute sa car-
rière, désormais, surtout après la Seconde
Guerre mondiale, va se structurer et se
concentrer autour de la musique vocale et
dramatique ; l’inspiration profane et l’inspiration religieuse assumées de manière
parallèle se rejoindront dans une audacieuse tentative d’opéra moderne à sujet
religieux (sans les séductions mythiques
et fantastiques d’un sujet comme Parsifal), Dialogues des carmélites (1953-1956 ;
créé à la Scala de Milan en 1957), d’après
Bernanos. Même une oeuvre de musique
« pure », comme le Concerto pour orgue
et timbales (1938), comporte des accents
liturgiques.
Pendant la guerre, il a peu composé,
sauf un ballet d’après La Fontaine, les Animaux modèles (1941) et la cantate Figure
humaine (1943) sur un texte d’Eluard - un
de ses auteurs favoris, auquel il a consacré
plusieurs de ses cycles de mélodies. Son
oeuvre de rentrée est un essai dramatique
burlesque sur la pièce d’Apollinaire les
Mamelles de Tiresias (1944 ; 1re, Opéra-Comique en 1947), oeuvre dont le thème (un
homme devenant femme, se ressentant
femme) court en filigrane dans son oeuvre.
Sa foi catholique lui inspire un Stabat
mater (1950), auquel fera écho le Gloria
(1959), une de ses dernières oeuvres, dont
il s’estimait très satisfait, et dans laquelle il
essaie d’exprimer un sentiment religieux
tour à tour grave et gai. Ses Dialogues des
carmélites sont une oeuvre ambitieuse,
hantée par la mort. Le rôle principal de
Blanche de La Force (à laquelle il n’est
pas exagéré de dire qu’il s’identifiait)
triomphe dans l’interprétation de Denise
Duval, grande soprano pour laquelle
il écrira aussi la Voix humaine (1959),
d’après Cocteau. Il effectue un voyage musical couronné de succès aux États-Unis.
Si les tendances d’avant-garde le troublent
parfois (« Ma musique n’est tout de même
pas si mal »), il les suit avec intérêt, et
elles ne l’empêchent pas d’écrire selon son
goût, naturellement éclectique (les Dialogues sont placés sous le signe de Moussorgski, Monteverdi, Debussy). Après
1945, il ne composera presque plus de
« musique pure ». Il n’est pas l’homme des
grandes constructions abstraites, mais il
aime destiner ses oeuvres à ses amis interprètes, Denise Duval, le pianiste Jacques
Février (avec lequel il joue en duo), le
baryton Pierre Bernac (qu’il accompagne
au piano).
Poulenc aime aussi voyager, enregistrer, se réfugier dans sa maison de Noizay en Touraine, dans une « solitude
peuplée de visites d’amis ». Célibataire
jusqu’à sa mort, très discret dans sa vie
privée, il saura toujours entretenir des
liens profonds d’amitié. Peu de temps
après avoir achevé ses Répons sur les temps
des ténèbres, il meurt d’une attaque cardiaque, le 30 janvier 1963. Ses Entretiens
avec Claude Rostand, publiés en volume,
ont contribué à maintenir vivante sa figure, et il est l’un des rares compositeurs
français de sa génération (sinon le seul) à
avoir évité le « purgatoire » et à être encore
abondamment joué et repris vingt ans
après sa mort.
Certes, il savait plaire d’instinct, et
quels que soient les risques pris au niveau
du sujet, garder son public avec lui. Il est
vrai que, si ses oeuvres symphoniques et
lyriques sont souvent reprises, sa musique
de piano et ses mélodies, réputées, restent
dans l’ombre. On n’insistera pas sur ses
qualités reconnues de « musicien français « : clarté, sens de la mesure, sensualité,
humour, etc. Tout son problème fut peutêtre d’échapper à ses dons et à sa facilité incontestable. Son anodine Rhapsodie nègre
de 1917 montre déjà à dix-huit ans, au
complet, sa musicalité, son art de faire de
la musique avec rien et de se faire écouter,
son sens exact des timbres. Le succès avec
lequel elle fut accueillie avec ses pareilles,
dans une époque où cette « esthétique
d’agrément » battait son plein, exposait
Poulenc à répéter indéfiniment la même
inspiration gracieuse et un peu courte.
Heureusement, il sut devenir plus que ce
qu’il était au départ, plus qu’un musicien
avec tous les dons, mais qui, ayant reçu
les qualités mêmes de ceux qu’il adorait,
n’en possédait aucune à un point vraiment
important : moins acéré que Satie, moins
vivant que Chabrier, moins profond que
Debussy, moins pur que Mozart, moins
orchestrateur que Ravel, bien qu’il tînt des
uns et des autres. Il avait aussi - et ceci,
seul, fit son succès - un sens inné de la mélodie comme totalité, comme courbe, dans
ses proportions et son phrasé. Cela même
quand l’inspiration en est plate - ce qui lui
arrive souvent -, et on ne sait pas toujours
quand c’est « voulu ».
Un rien de vulgarité bourgeoise, de
laisser-aller, de complaisance se retrouve
même dans la très belle mélodie initiale
de sa Sonate pour piano et flûte. Avec cette
façon un peu suffisante de retomber sur
ses pieds dans la cadence (moment où
Poulenc laisse souvent sentir la facilité),
elle n’emporte pas vraiment l’émotion, sa
beauté est comme un masque, une parade.
L’élément de risque, de frémissement, qui
manquait à ce style si coulant, fut trouvé
par Poulenc dans le domaine religieux et
dramatique. Il ne voyait pas pourquoi,
musicalement, il se fût « refusé » quelque
chose, voulait ignorer ce que cela signifie,
mais c’est avec une sympathique franchise
qu’il citait ou imitait Mozart, Moussorgski
ou Chabrier. Il s’est donc rajeuni et a été
« sauvé » par l’Église et par la scène, toutes
deux associées dans le projet insolite de ces
Dialogues des carmélites, qui l’occupa trois
ans. Même ses mélodies, sur des poèmes
de Paul Eluard, Apollinaire, Louise de
Vilmorin, dont la production ponctue
à peu près régulièrement sa carrière,
et que les connaisseurs apprécient pour
leur concentration et la qualité de leur
prosodie, sont restées un peu confinées
dans leur « succès d’estime » et n’auraient
pas, à elles seules, suffi à sortir l’oeuvre de
Poulenc du cercle où elle s’était d’abord
enfermée, avec quel talent cependant : car
une des grandes qualités de la musique de
Poulenc, sa lisibilité, distingue des oeuvres
comme les Biches ou le Concert champêtre
de tant de « musiques d’agrément », qui
ont mal vieilli et sont devenues, pour nos
oreilles modernes, pâteuses et informes.
Reconnaissons donc, à travers toute son
oeuvre, un certain génie de la clarté qui
n’a pas été donné à beaucoup. Et qu’on
n’aurait pu imiter, si ce compositeur, qui
sut prendre son bien partout, avait eu des
imitateurs. Au moins la seconde partie de
sa carrière lui a-t-elle permis de conquérir
sa solitude.
POULET (Gérard), violoniste français
(Bayonne 1938).
Fils du chef d’orchestre Gaston Poulet,
enfant prodige, il entre à l’âge de onze ans
au Conservatoire de Paris et obtient un 1er
Prix l’année suivante, à l’unanimité. Lauréat en 1956 du Concours international
Paganini de Gênes, il reçoit les conseils
de Francescatti, Menuhin et, surtout,
Henryk Szeryng, qu’il considère comme
son maître. Parallèlement à ses concerts
dans le monde entier, il enseigne à partir
de 1979 au Conservatoire de Paris. Cette
double carrière de soliste et de pédagogue
le mène en Chine et au Japon, où il donne
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
796
des récitals et des master-classes. Il fait
partie du Trio Stradivarius.
POUSSÉ.
Mouvement de l’archet de la pointe vers
le talon.
Il permet d’attaquer la corde avec
moins de vigueur, mais plus de souplesse
que le « tiré », son contraire.
POUSSEUR (Henri), compositeur belge
(Malmédy 1929).
Il a fait ses études au conservatoire de
Liège (1947-1952), où il obtint un premier
prix d’harmonie et un second prix d’orgue,
puis à celui de Bruxelles (1952-53), où il
remporta un premier prix de fugue dans
la classe de Jean Absil. À Liège, il se lia au
groupe vocal Variations, organisé autour
de Pierre Froidebise. Il rencontra Pierre
Boulez dès 1951 et, en 1954, travailla au
studio de musique électronique de Cologne. Il passa, en 1957, deux mois à celui
de Milan et, en 1958, il fonda le Studio de
musique électronique de Bruxelles.
Les premières oeuvres de Pousseur
témoignent de son admiration pour Webern : Trois Chants sacrés, pour soprano
et trio à cordes (1951) ; Symphonies à 15
solistes (1954-55) ; Quintette à la mémoire
d’Anton Webern, pour clarinette, clarinette basse, violon, violoncelle et piano
(1955, joué à Donaueschingen la même
année) ; Mobile, pour 2 pianos (19561958) ; Madrigal I, pour clarinette (1954).
En 1954 fut réalisé à Cologne Seismogrammes I et II, pour bande à une piste, et
en 1957, à Milan, Scambi, pour bande à 2
pistes. En 1960 suivit à Bruxelles le ballet
électronique Électre, qui obtint la même
année le prix Italia.
Pousseur travailla, de 1961 à 1963, au
Studio de musique électronique de Monaco, et en 1962 il fonda le centre d’études
Musiques nouvelles, dans le cadre duquel
il organisa des séries de concerts avec
l’Ensemble musiques nouvelles dirigé par
Pierre Bartholomée. Il enseigna, de 1962 à
1968, à l’École supérieure de musique de
Cologne et, en 1963-64, à l’Académie de
musique de Bâle. En 1965, il travailla au
Studio de musique électronique de l’université de Gand. Cette même année ainsi
qu’en 1967, il tint une série de séminaires
au Centre de sociologie de la musique de
l’université libre de Bruxelles et, en 196667, il fut invité à l’université de Buffalo.
Entre 1957 et 1967, il enseigna à Darmstadt. Durant cette période, il s’intéressa
de plus en plus aux matériaux extramusicaux, à l’aléatoire et aux multimedia. Il
en résulta notamment Rimes, pour différentes sources sonores (1958-59 ; créé à
Donaueschingen, 1959), Ode, pour quatuor à cordes (1960-61), Madrigal II, pour
flûte, violon, viole de gambe et clavecin
(1961), et III, pour clarinette, 2 percussions, piano, violon et violoncelle (1962),
et Trois Visages de Liège (1961), oeuvre
pour bande à 2 pistes composée pour le
spectacle Forme et Lumières de la ville de
Liège.
En 1967, l’année de Couleurs croisées,
pour orchestre, Pousseur acheva une de
ses oeuvres maîtresses, la fantaisie variable
genre opéra Votre Faust (1960-1967), pour
soprano, alto, ténor, basse, 5 acteurs, 12
instruments et bande et résultant d’une
collaboration avec Michel Butor (création le 15 janvier 1969 à la Piccola Scala
de Milan). Cet ouvrage, où le public a la
possibilité d’intervenir et d’orienter l’action dans tel ou tel sens, fait du procédé de
la citation littéraire et musicale un usage
vaste et subtil et donna naissance à plusieurs « oeuvres satellites » comme Miroir
de votre Faust (1964-65), Portail de votre
Faust (1960-1966), Jeu de miroir de votre
Faust (1967), Échos de votre Faust (1967),
Ombres de votre Faust, Fresques de votre
Faust.
En 1970, Pousseur se réinstalla à Liège,
où il fonda le Centre de recherches musicales de Wallonie, et fut d’abord chargé
d’enseignement à l’université de cette ville.
Au conservatoire de Liège, il fut chargé
d’un séminaire de musique expérimentale, puis en 1971 de la classe de composition. En 1975, il devint directeur de cet
établissement et s’attacha principalement
à une tâche de rénovation pédagogique
tout en dirigeant également la Société des
concerts du Conservatoire (avec comme
instrument principal l’orchestre dirigé depuis 1977 par Pierre Bartholomée). Parmi
les principales oeuvres de cette période,
les Éphémérides d’Icare II, pour piano et
instruments, page se référant notamment
à Michel Butor et, à travers lui, à Charles
Fourier ; Crosses of Crossed Colors, pour
voix de femme amplifiée, piano et 6
sources sonores (1970) ; Invitation à l’utopie (1970-71, version amplifiée des Éphémérides d’Icare II), pour récitant, 2 voix de
femmes, choeur à 4 voix, une soliste principale, un concertino et un concerto grosso ;
Midi-Minuit, déroulement ininterrompu
de musiques (1971) ; Stravinski au futur,
composition collective (1971), Ex-Dei in
machina memoria, pour un instrument
mélodique et appareillage électroacoustique (1971) ; l’Effacement du prince Igor,
pour grand orchestre (1971) ; Vue sur les
jardins interdits, pour quatuor de saxophones (1973, version pour orgue parue
la même année) ; Schönbergs Gegenwart
ou les Épreuves de Pierrot l’Hébreu, pour
acteurs, chanteurs et instruments (1974,
pour le centenaire de Schönberg, version
française Procès du jeune chien, 1978) ;
Liège à Paris, oeuvre électroacoustique
pour l’ouverture de l’I. R. C. A. M. (1977) ;
Chevelure du temps, oratorio populaire en
collaboration avec Michel Butor (1979) ;
les Îles déchaînées pour ensemble de jazz,
ensemble expérimental et orchestre symphonique (1980) ; la Seconde Apothéose
de Rameau, pour ensemble (1981 ; créée
à Paris par l’Ensemble intercontemporain,
novembre 1981) ; Nacht der Nächte, créé
à l’opéra de Hambourg en 1985 ; Dichterliebesreigentraum pour soprano, baryton,
2 pianos, choeur et orchestre (1994).
On doit également à Henri Pousseur
de nombreux écrits, dont l’Apothéose de
Rameau (essai sur la question harmonique)
[Paris, 1968], Fragments théoriques I sur la
musique expérimentale (Bruxelles, 1970),
Stravinski selon Webern selon Stravinski
(Paris, 1971) et Musique, sémantique, société (Paris, 1972). Il a pris en 1983 puis
abandonné la direction générale et scientifique de l’Institut de pédagogie musicale
mis en place pour la future Cité de la musique à la Villette.
PP.
Abréviation usuelle de « pianissimo ».
PRADES (festival de).
Il se tient, depuis 1950, dans ce chef-lieu
d’arrondissement des Pyrénées-Orientales, où Pablo Casals avait choisi de
s’exiler après l’établissement en Espagne
du régime de Franco. L’initiative en revient au violoniste Alexandre Schneider,
qui, venu rendre visite à Pablo Casals en
1949, lui proposa d’inviter chaque année
à Prades des musiciens pour jouer avec
lui. Pablo Casals accepta. Selon le voeu de
son créateur, essentiellement consacré à
la musique de chambre, et pris en charge
depuis 1968 par la ville de Prades, le festival se déroule de la fin juillet à la mi-août
dans l’abbaye romane de Saint-Michel-deCuxa, au pied du Canigou.
Se sont notamment produits au festival de Prades Clara Haskil, Rudolf Serkin,
Wilhelm Kempff, William Primrose, Isaac
Stern, Henryk Szeryng, Marcel Dupré,
Pierre Fournier, Igor Oïstrakh, Christoph Eschenbach, Yehudi Menuhin, Kurt
Redel, et Alexandre Schneider.
PRAETORIUS, famille de musiciens allemands.
Jacob, organiste et compositeur (Magdebourg v. 1530 - Hambourg 1586). Peut-être
élève de Martin Agricola à Magdebourg, il
fut, de 1558 à sa mort, premier organiste
à Saint-Jacobi de Hambourg. Sa seule
oeuvre connue est un Te Deum à 4 voix.
Hieronymus, compositeur, organiste et
éditeur (Hambourg 1560 - id. 1629). Fils du
précédent, il fut son assistant à Saint-Jacobi, lui succéda en 1586 comme premier
organiste et conserva ce poste jusqu’à sa
mort. On lui doit des messes, des Magnificat et plus de 100 motets, dont la plupart en latin. Toutes ces oeuvres sauf 5
furent publiées à Hambourg entre 1616 et
1625. Les messes sont toutes parodiques (4
d’après ses propres motets). Cinquante de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ses motets sont des oeuvres polychorales
pour un nombre de voix allant de 8 à 20,
et comptent parmi les premiers ouvrages
inspirés du style polychoral vénitien à
avoir été publiés en Allemagne du Nord.
Il écrivit aussi quelques pages pour orgue.
Jacob, compositeur, organiste et péda-
gogue (Hambourg 1586
précédent, il étudia
linck à Amsterdam et
de la musique vocale
d’orgue.
- id. 1651). Fils du
l’orgue avec Sweeécrivit des motets,
profane, des oeuvres
Johannes, organiste et compositeur
(Hambourg v. 1595 - id. 1660). Frère du
précédent, il fut comme celui-ci élève de
Sweelinck à Amsterdam et occupa, de
1612 à sa mort, le poste d’organiste à la
Nikolaikirche de Hambourg.
PRAETORIUS (Michael), compositeur,
organiste et théoricien allemand (Creuzburg an der Werra v. 1571 - Wolfenbüttel
1621).
Esprit encyclopédique, il étudia la musique, la philosophie et la théologie, principalement à Francfort-sur-l’Oder, où il
fut organiste. On le retrouve ensuite à
Gröningen et à Wolfenbüttel, où il se fixa
dès 1593 et où il demeura jusqu’à sa mort,
tout en remplissant diverses fonctions :
maître de chapelle de la Cour à Wolfenbüttel, conseiller de la maison de Saxe
et maître de chapelle (de 1613 à 1616) à
Dresde, conseiller à Sandershausen, à
Kassel, à Leipzig et à Nuremberg, sans
jamais occuper de poste stable pendant
longtemps. Il contribua à la fondation, en
1618, de la Concert music de la cathédrale
de Magdebourg, avec Scheidt et Schütz.
Ses oeuvres musicales sont très nombreuses et ont été presque toutes publiées
de son vivant ; il en a donné lui-même la
liste à la fin de son traité Syntagma musicum. Ce sont principalement, pour la musique religieuse, les motets, les hymnes et
les psaumes contenus dans les 9 volumes
des Musae sioniae (de 2 à 12 voix ; 16051610), les Motectae et psalmi (de 4 à 16
voix ; 1607), la Missodia sionia (de 5 à 8
voix ; 1611), l’Hymnodia sionia (de 5 à 8
voix ; 1611), la Kleine und Grosse Litaney
(de 5 à 8 voix ; 1613), la Polyhymnia caduceatrix et panegyrica (de 1 à 21 voix, avec
basse continue ; 1619) et la Polyhymnia
exercicatrix (de 2 à 8 voix, avec basse continue ; 1619) ; et, pour la musique profane,
9 volumes portant le titre général de Musa
aonia et composés de Terpsichore (2 vol.),
Calliope (2 vol.), Thalia (2 vol.), Erato (1
vol.), Diana Teutonica (1 vol.) et Das Regensburgische Echo (l’Écho de Ratisbonne, 1
vol.) ; ces recueils contiennent des danses
et des chansons polyphoniques.
Le trait dominant qui caractérise les
oeuvres de Praetorius réside dans l’enrichissement qu’il a apporté au style musical
pratiqué dans l’Allemagne du Centre de
son temps par l’adjonction de plus en plus
marquée d’éléments de langage empruntés à la musique italienne qu’il a beaucoup
étudiée. Ses premières oeuvres font encore
appel à la polychoralité, plusieurs choeurs
à plusieurs voix étant réunis, et, sur le plan
de la forme, au motet fondé sur le choral
harmonisé. Mais, rapidement, il fait évoluer ces formes anciennes et rigides en les
marquant de la souplesse expressive du
madrigal italien, puis en leur ajoutant des
parties instrumentales qui contribuent,
avec l’ornementation des parties chantées, à enrichir la polyphonie de sonorités
nouvelles et plus variées. Cette évolution
le mène à concevoir une véritable basse
continue instrumentale, qui apparaît très
nettement dans ses dernières oeuvres (les
recueils de Polyhymnia de 1619). Ainsi, en
une époque de complète transformation
du langage musical, Praetorius contribue puissamment, en Allemagne, à faire
passer la polyphonie chorale héritée du
XVIe siècle à la musique baroque qui va se
développer au XVIIe siècle. À son actif, il
faut également relever un nouveau mode
de traitement du choral, dont la mélodie se voit accompagnée de voix polyphoniques empruntant leurs lignes à des
motifs issus du thème même, selon une
technique dont se souviendra J.-S. Bach.
Mais Praetorius eut également une profonde influence par ses écrits, dans lesquels il fit la synthèse des très nombreuses
connaissances qu’il avait acquises. On
connaît de lui un Traité de l’orgue, resté
manuscrit ; mais son principal ouvrage
est la grande somme des 3 tomes du Syntagma musicum (« Traité de la musique »),
publié à Wolfenbüttel de 1614 à 1620.
Écrit en latin et en allemand, il traite, dans
son premier tome, de l’ancienne musique
religieuse et des différentes musiques liturgiques connues (juive, grecque, égyptienne, latine, jusqu’aux formes pratiquées
en Allemagne), ainsi que des musiques
profanes anciennes, des compositeurs
et des théoriciens. Le deuxième volume,
intitulé Organographia, est un magistral
traité d’organologie : nomenclature et description de tous les instruments connus,
du passé et du présent, et de leur facture.
Enfin, le troisième volume est consacré à
la théorie de la musique : notation, solmi-
sation, rythme, contrepoint.
PRATELLA (Francesco Balilla), compositeur, théoricien et musicologue italien
(Lugo di Romagna 1880 - Ravenne 1955).
Il fait ses études au Liceo musicale de Pesaro, où il travaille, notamment, avec P.
Mascagni, puis dirige, de 1910 à 1929, le
même établissement à Lugo di Romagna,
et, de 1927 à 1945, celui de Ravenne. Il a
composé quelques pièces instrumentales,
de la musique dc chambre, des chansons,
des poèmes symphoniques et surtout des
oeuvres pour la scène (opéras, opérettes,
musiques de scène, musiques de film, etc.).
Il est surtout connu pour ses prises de position au début du siècle, lorsqu’il adhère
au mouvement futuriste de Marinetti.
Pratella publie alors 3 ouvrages (Manifesto
dei musicisti futuristi, 1910 ; Manifesto
tecnico della musica futurista, 1911 ; La
distruzione della quadratura, 1912), dans
lesquels il expose de nouveaux principes
de composition (atonalité, entre autres).
Après quelques tentatives d’application
souvent peu convaincantes (Musica futurista op. 30, composée en 1912 et rebaptisée peu après Inno alla vita ; L’aviatore Dro
op. 33, 1911-1914), il se consacre plutôt à
la recherche musicologique (Musica italiana, 1915 ; L’evoluzione della musica : dal
1910 al 1917, 1918-19...) et en particulier à
l’étude de la musique folklorique italienne
(surtout romagne) sur laquelle il publie
un certain nombre d’ouvrages de valeur :
Saggio di gridi, canzoni, cori e danze del
popolo italiano (1919), Etnofonia di Romagna (1938), Primo documentario per la
storia dell’etnofonia in Italia (1941). Il a,
en outre, édité divers recueils de musique
vocale : Il terzo libro delle Laudi spirituali
(1916), Il libro della musica e del canto in
coro, en trois volumes (1951).
PREINDL (Joseph), compositeur autrichien (Marbach, Basse-Autriche, 1756 Vienne 1823).
Également organiste et théoricien, il étudia avec Albrechtsberger, à qui il succéda
en 1809 au poste de maître de chapelle de
la cathédrale Saint-Étienne de Vienne.
Comme compositeur, il s’illustra surtout
dans le domaine religieux.
PRÉLUDE.
Genre musical qui a pris plusieurs formes
dans l’histoire de la musique occidentale,
avec certaines constantes.
Normalement et en mettant à part le
prélude d’opéra traité à la fin de cet article, il s’agit d’une pièce musicale destinée à un instrument soliste (rarement à la
voix ou à l’orchestre) qui a pour fonction
d’introduire à une autre pièce de caractère
plus composé (alors que la forme du prélude est souvent libre, et son style proche
de l’improvisation). Le prélude, en tant
qu’oeuvre écrite, est d’ailleurs issu des improvisations introductives des luthistes,
des organistes, quand ils essayaient leur
instrument, se mettaient en train, affirmaient la tonalité, etc. L’équivalent du prélude se retrouve dans certaines musiques
non européennes, la musique indienne,
par exemple, avec ses alaps, improvisations de rythme fluide, où l’on « touche »
l’instrument et où on dessine peu à peu la
figure du « mode » utilisé (raga). Le prélude est donc souvent, à maints égards, la
musicalisation, l’intégration musicale de
ce moment presque informel où l’interprète prend contact avec l’instrument, le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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prend en main, pour l’accorder (luthiste,
guitaristes), l’essayer, le faire résonner,
se le mettre en doigts, etc., et il utilise de
manière privilégiée les modes de jeu spécifiquement instrumentaux : traits, accords
arpégés, ornements. En quelque sorte, il
affirme l’instrument et son accord déroule
un discours musical abstrait.
À partir de la fin du XIXe siècle, le prélude est aussi devenu, avec Hummel et
Chopin, un genre pianistique, consistant
en une ou plusieurs pièces autonomes
(qui ne préludent plus à... un autre mouvement), pièces assez brèves et de forme
libre, souvent regroupées en cahiers et en
recueils qui embrassent la totalité des 24
tons majeurs et mineurs (comme l’avait
fait le cycle de Jean-Sébastien Bach, le Clavier bien tempéré, avec ses 48 préludes et
fugues).
Howard Ferguson propose, avec pertinence, de distinguer 3 types de préludes :
le prélude qui a une suite spécifique,
c’est-à-dire intégrée dans un ensemble où
il prélude à une autre pièce particulière
(premier type) ; le prélude unattached,
c’est-à-dire destiné à introduire toute
pièce de même tonalité pour le même
instrument - il est publié par recueils de
plusieurs préludes et constitue le second
type (les Préludes de choral, dans l’Église
protestante, destinés à introduire le chant
d’un choral en le paraphrasant, seraient
une forme particulière de prélude unattached) ; et enfin, le prélude tout à fait indépendant, comme les préludes pianistiques
de Chopin, Debussy, etc.
La littérature musicale du XVIe et du
XVIIe siècle proposait de très nombreux
préludes des deux premiers types, parfois
sous le titre d’intonazione, de toccata,
d’intrada, de ricercare, etc. On en trouve
dans les Fiori musicali, pour orgue, de
Frescobaldi (1635), dans le Fitzwilliam
Virginal Book (1609-1619). Mais les premiers préludes notés sont apparus au
début du XVe siècle (tablature d’orgue
d’Adam Ileborgh, 1448), et, auparavant,
ils étaient pratiqués couramment par les
instrumentistes sans être notés (cf. chansons polyphoniques de la Renaissance).
Le prélude non mesuré, à la française,
où ne sont notées que les notes de base
de l’improvisation, en rondes sans barre
de mesure, témoigne de cet état primitif :
il serait né chez les luthistes, dont l’instrument nécessite un long accord, et la
vérification de cet accord en faisant courir les doigts librement sur les cordes. Les
premiers préludes non mesurés pour luth
datent de 1630 environ. On en trouve, par
la suite, pour la viole et, surtout, pour le
clavecin, chez Louis Couperin, D’Anglebert, Nicolas Lebègue, Louis Marchand.
Leur style est souvent proche de la « toccata », ou bien du « tombeau » en hommage à des sommités disparues. Leur partition se présente comme un canevas de
notes « flottantes » (aucune durée n’étant
marquée), qu’il s’agit d’arpéger, d’ornementer, de relier, de rythmer, d’harmoniser librement, dans un rythme non pulsé
(ce caractère non pulsé du prélude non
mesuré, comme dans l’alap indien, est à
relever).
Au XVIIe siècle, et dans la première
moitié du XVIIIe siècle, c’est le prélude
du premier type qui prédomine, servant
à introduire une fugue, ou une suite de
danses. Chez Bach, les Suites anglaises
se distinguent des Suites françaises par la
présence d’un prélude avant les danses
proprement dites. Dietrich Buxtehude
contribue à développer le genre prélude et
fugue, que Jean-Sébastien Bach va porter
à son apogée (notamment avec les 48 préludes et fugues du Clavier bien tempéré).
La musique occidentale a connu peu de
formes aussi expressives dans leur concision et leur juxtaposition brutale que les
préludes et fugues de Bach.
Le XVIIIe siècle « galant » ayant généralement délaissé la fugue (sauf dans
quelques oeuvres isolées), on voit réapparaître le couple prélude et fugue surtout
au XIXe siècle, mais déjà dans une optique
néoclassique, en référence à Bach - père de
la musique -, ainsi en est-il des 6 Préludes
et fugues op. 35 de Mendelssohn (18321837), de la Fantaisie et fugue de Liszt sur
les lettres B, A, C, H, des 2 Préludes et fugues de Brahms pour orgue (1856-57), ou
du Prélude, choral et fugue, pour piano, de
César Franck (1884). C’est au XIXe siècle
que le prélude devient un genre plus spécifiquement pianistique : le prélude du
second type (unattached) s’est perpétué
avec les 50 Préludes op. 73 de Moscheles,
écrits en 1827, et qui affichent un propos
pédagogique, tout en cherchant, à l’instar
du Clavier bien tempéré, à épuiser toutes
les tonalités. Cette formule, inspirée de
Bach, d’un cahier de 24 préludes parcourant tous les tons majeurs et mineurs et
cherchant plus ou moins à exprimer un
ethos, un climat propre à chaque ton, sera
reprise dans l’op. 67 de Johann Nepomuk Hummel (1814-15), puis illustrée
par Frédéric Chopin (24 Préludes op. 28,
1836-1839), Stephen Heller (op. 81, 1853),
Charles-Valentin Alkan (op. 31, 1847),
César Cui (op. 64, 1903), Ferrucio Busoni
(op. 37, 1879-80), etc. Il s’agit alors de préludes indépendants, du troisième type : le
prélude a coupé le cordon ombilical avec
sa fonction primitive d’introduction.
L’édition française des Préludes de
Chopin, pour piano, fut dédiée à Camille
Pleyel, leur éditeur, à qui Chopin en avait
vendu d’avance le projet. Chopin les écrivit sur une période assez longue, et les termina à Majorque (lors de son séjour sur
cette île avec George Sand), assemblant
les 24 pièces qui composent l’ensemble
comme les pièces très disparates et variables d’une mosaïque dissymétrique
et cependant très cohérente. Ils se souviennent très librement des préludes du
Clavier bien tempéré, que Chopin se jouait
quotidiennement. Schuma