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Onomastique et société en cité des Tongres Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER Université libre de Bruxelles Pour apprécier la romanisation d’une région de l’Empire romain sur deux plans, institutionnel et culturel, autrement dit déterminer le statut civique des personnes et évaluer la latinisation et l’usage des langues indigènes, l’étude de l’onomastique s’est révélée une approche pertinente (1) . Ainsi, par exemple, au départ de l’examen minutieux des anthroponymes trévires et grâce à des études parallèles à propos de Vienne et d’autres cités méridionales, avons-nous pu entamer une recherche comparative sur les processus de romanisation des provinces de Narbonnaise et de Belgique (2) . Après avoir tenté de confronter les situations onomastiques entre Belgique et Germanie inférieure (3), il nous a paru intéressant de nous livrer à une étude du même type pour la seule cité des Tongres (4) dont la documentation s’est quelque peu étoffée ces dernières années et dont le stock onomastique peut se prévaloir d’un lot important dans la correspondance découverte à Vindolanda (5) . Nous ne reviendrons pas ici sur les problèmes méthodologiques que pose ce type d’approche, qu’ils soient de nature proprement linguistique en raison des difficultés qu’il y a à cerner les langues celtique et germanique (6), qu’ils soient liés à l’estimation de la latinisation en vertu des phénomènes d’assonance et de traduction (7), qu’ils soient enfin de nature juridique et institutionnelle, à cause d’une certaine souplesse dans les usages, comme, par exemple, l’omission du prénom ou l’emploi de gentilices patronymiques (8), sans toutefois que cela porte atteinte au lien indéfectible (9) entre nomenclature et statut juridique. 1. Cadre institutionnel et linguistique La civitas Tungrorum (10) a été mise en place par Drusus comme base arrière de sa conquête germanique au-delà du Rhin, vers 15-10 avant notre ère. La région avait été fortement ravagée par César et présentait des vides de population alors que le terroir était riche et pouvait nourrir l’armée romaine. Drusus (ou peut-être déjà Agrippa avant lui) a donc réuni en une (1) Voir DonDin-Payre, 2001. (2) raePsaet-Charlier, 2010-2011. (3) raePsaet-Charlier, 2001b. (4) Voir déjà raePsaet-Charlier, 2004, p. 84-94 ; 2017a. (5) Voir déjà Birley, 2001 ; 2011. (6) Voir raePsaet-Charlier, 2001a, p. 346-347 ; 2011, p. 211-212. (7) Sur ces définitions voir DonDin-Payre, 2011, p. 18-20. (8) Cf. infra. (9) DonDin-Payre, 2001, p. II-IV. (10) raePsaet-Charlier, 1999, p. 273-278 ; raePsaet, 2013, p. 133-141 ; voir les cartes archéologiques sur le site du CReA-Patrimoine de l’ULB (crea.ulb.ac.be). Revue Belge de Philologie et d’Histoire / Belgisch Tijdschrift voor Filologie en Geschiedenis, 97, 2019, p. 95-136 96 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER seule cité les restes des Éburons décimés, des peuplades locales encore en place, et un groupe de population germanique transplanté depuis l’autre rive du Rhin et qui portait probablement le nom de Tungri (11). La civitas reçut Atuatuca (Tongres) comme chef-lieu ; le territoire était très vaste puisqu’il allait de la Campine jusqu’à la forêt d’Ardenne et comprenait des populations celtiques et germaniques. Administrativement, la cité dépendait de la province de Germanie, devenue ensuite Germanie inférieure, avec Cologne comme capitale. En tant que cité pérégrine, les Tongres jouissaient de leur constitution, leur droit, leurs usages judiciaires, leurs dieux, sans doute sur la base d’un traité qui avait organisé leur fonctionnement au moment de l’arrivée des populations immigrées. Leurs habitants étaient à ce moment des pérégrins (habitants libres de l’empire), mis à part quelques élites et notables qui avaient bénéficié d’un octroi personnel de la citoyenneté romaine par le fait de César, d’Auguste ou d’un gouverneur. La civitas reçut le statut de municipium latin sans doute dans le courant du iie siècle, mais peut-être avait-elle déjà bénéficié du droit latin antérieurement (12). Parmi les devoirs de la cité vis-à-vis du pouvoir romain, il faut citer la fourniture de troupes qui servaient d’auxiliaires aux légions et qui campaient sur le Rhin ou sur d’autres frontières, notamment le Mur d’Hadrien. Ce service militaire donnait aux Tongres la possibilité de devenir citoyen romain à leur sortie de l’armée. D’autres membres de la cité pouvaient également devenir citoyens romains en se faisant élire comme magistrats, et les gouverneurs de la province pouvaient aussi octroyer la citoyenneté en récompense de services rendus aux Romains. Sur le plan des sources, nous avons conservé de nombreux témoignages écrits sous la forme d’inscriptions sur pierre ou plus rarement sur bronze. Ces inscriptions sont toutes rédigées en latin, langue officielle qui servait aux échanges avec l’armée et l’administration provinciale, à l’administration de la cité même, et sans doute aussi au commerce avec les voisins. Mais ce qui nous informe des langues indigènes et du fait qu’elles devaient avoir conservé une certaine vitalité, ce sont les noms. Les noms des personnes, les noms des dieux, les noms des lieux. Nous nous attacherons aux anthroponymes. Dans la ville d’Atuatuca, comme dans le territoire de la cité, se rencontraient des gens qui jouissaient de deux statuts et qui participaient de trois cultures : latine, celtique et germanique que l’on peut différencier avec une certaine probabilité. Toutefois on trouve aussi des éléments que l’on ne peut avec certitude attribuer à une plutôt qu’à l’autre langue (13), des noms qui peuvent être analysés aussi bien selon une racine celtique que selon une racine germanique (14). Peut-être ces noms linguistiquement ambigus étaientils choisis précisément pour leur double coloration, ce qui serait un indice de communauté peu différenciée. Il convient sans doute de conserver à ces populations leur richesse identitaire sans trancher entre les deux explications linguistiques. Enfin comme ces langues ne sont pas très bien connues, on y rencontre aussi des noms “indigènes” qui ne sont assurément pas latins mais pour lesquels on ne peut proposer, dans l’état actuel de nos connaissances, aucune explicitation précise. (11) (12) (13) (14) Cf. taCite, Germ., II, 2. raePsaet-Charlier, 1999, p. 273-278. raePsaet-Charlier, 2011, p. 211-212 et tableau 9. sCherer, 1955. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 97 2. Les statuts civiques et les noms A travers tout l’Empire, le standard du nom du citoyen romain : praenomen, nomen, cognomen, est uniforme (15). La langue dans laquelle est conçu ce nom est toujours le latin, souvent un latin plus ou moins mitigé d’éléments indigènes mais, en aucune façon, la forme linguistique des éléments nominaux n’influence le statut de la personne. Une personne qui porte les tria nomina (ou duo nomina d’usage) composés d’éléments de langue indigène n’en est pas moins un citoyen romain. La pratique du prénom se perd dès la fin du Ier siècle de notre ère dans la plupart des catégories sociales ; en outre, cet élément, perçu dans les provinces comme n’ayant aucune valeur d’identification personnelle, était souvent omis en dehors des notables et des noblesses d’Empire. De même, la tribu qui, avec la filiation, était traditionnellement jointe aux tria nomina sous la République, mais qui avait perdu sa signification politique dès Auguste, ne faisait plus partie de la nomenclature usuelle des provinciaux, sauf situation particulière. Par ailleurs un grand nombre d’habitants de ces régions n’étaient pas citoyens romains, ils étaient pérégrins. Leur nom est donc simple : un idionyme suivi, mais pas toujours, d’un patronyme. Là aussi la forme linguistique est sans importance : le pérégrin qui porte un nom latin n’en est pas moins un pérégrin (16). Rappelons enfin le lien indéfectible entre statut et forme du nom, quel que soit le statut de droit latin, romain ou stipendiaire de la civitas, les tria (ou duo) nomina étant le strict apanage du citoyen romain (17). 3. La composition de la base de données Dans l’ensemble de la documentation épigraphique (18) de la cité, instrumentum compris (19), et très exceptionnellement littéraire, nous connaissons, à la date de décembre 2018, 266 personnes : 77 citoyens (20), 110 pérégrins, 79 incerti parmi lesquels sans doute 2 esclaves. Nous avons (15) lassère, 2005, I, p. 80-94 ; DonDin-Payre, 2011, p. 15-18. (16) DonDin-Payre, 2011, p. 15-18. (17) raePsaet-Charlier, 2009, p. 359-362 ; DonDin-Payre, 2011, p. 14-17. Il n’existe pas de règles particulières dans les cités de droit latin : cf. Chastagnol, 1995, p. 51-71. (18) Dépouillement dans ILB2 ; CIL XIII, 1, 2 pour Maastricht ; Année épigraphique ; raePsaet-Charlier 2017b ; 2018 ; 2019 ; De Winter 2019 ; une inscription inédite de Namur. (19) Ont été recherchés les noms inscrits par graffito. Les estampilles n’ont pas été retenues sauf exceptions faute de répertoires permettant d’identifier les estampilles de fabrication locale. Nous avons ainsi dépouillé une série de publications de graffiti, à savoir CIL XIII, Pars III ; Liberchies ; Braives ; Fontaine, 2012 ; VanVinCkenroye, 1984 ; des pièces isolées, publiées ou non (Vodecée, Tongres, Namur, Flavion, Champion, Han, Aiseau, Theux-Juslenville, Fontaine-Valmont) ; et aussi examiné les graffiti du Musée gallo-romain de Tongres encore inédits. (20) Malgré la communis opinio, nous n’avons pas retenu comme Tongre le bénéficiaire du diplôme militaire de Flémalle (ILB 137) ni celui de la mise en congé honorable de Han (ILB 138), les usages communs des soldats auxiliaires (sauf Thraces) n’étant pas de revenir au pays. Les noms en étant perdus, ils auraient simplement augmenté légèrement la proportion de citoyens sans apporter de renseignements de type onomastique. 98 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER également pris en compte les Tongres explicitement définis comme tels (Tunger, Texuander, Condrusus) qui ont laissé une trace en dehors de leur cité, notamment à l’armée (21). Le nombre d’incerti est important en raison de la prise en compte de l’instrumentum, à savoir des graffitis sur vaisselle céramique ou métallique provenant de la cité des Tongres. Dans la plupart des cas ces noms qui identifient le propriétaire se présentent sous la forme de noms uniques mais il est rarement possible de déterminer s’il s’agit d’un nom d’usage de citoyen (cognomen) ou d’un idionyme de pérégrin. Les proportions entre citoyens et pérégrins à savoir respectivement 29% et 41% ne sont pas significatives en raison du nombre notable d’incerti (29%) au sein desquels doivent se trouver surtout des pérégrins. Il est cependant clair que la composition de la population de la cité des Tongres n’est en rien comparable à celle de la cité des Trévires qui, en dehors de l’instrumentum, comportait au niveau des connaissances de 2000, 72% de citoyens et 19% de pérégrins au départ de 983 noms (22). En ce qui concerne les soldats des unités dites « de Tongres » qui ont servi dans l’Empire, notamment à Vindolanda, nous les avons inclus dans un chapitre spécifique car, en dehors de toute mention d’origine, ces militaires ne sont pas nécessairement tous des Tongres. Nous y reviendrons à propos de leur étude. Une grande partie des attestations ne peuvent être datées avec précision. Il n’est donc pas possible de proposer une évolution de la composition des catégories de population. Il est toutefois évident pour des raisons historiques que la proportion citoyens/pérégrins a dû se modifier au fil du temps, que plusieurs citoyens romains sont attestés sur des vases d’époque tardive (23), mais que des pérégrins sont encore mentionnés sur des épitaphes (24) à la veille de la constitution de Caracalla qui octroya la citoyenneté à l’ensemble des habitants libres de l’Empire. 4. Les citoyens Parmi les 77 Tongres détenteurs (au moins probablement) de la citoyenneté romaine, on constate une proportion significative d’éléments onomastiques latins. Avec un nombre de personnes aussi réduit, comparativement aux Trévires par exemple, il n’est pas possible d’apporter dans l’analyse toutes les nuances souhaitables. Il est toutefois intéressant de détailler les différences relatives entre gentilices et cognomina. Ainsi, compte tenu d’une proportion de 27% de gentilices inconnus ou non identifiables, les nomina se répartissent en 62% de latins et 11% d’indigènes, ce qui signifie plus précisément 86% de latins et 14% d’indigènes une fois exclus les inconnus. Ces chiffres bruts induisent une latinisation très forte. Dans quelle mesure peut-on la nuancer ? (21) (22) (23) (24) Sur la valeur administrative de ces mentions, on verra sPeiDel, 2017. raePsaet-Charlier, 2001a, p. 348-349. Par exemple Animula CIL XIII 10017, 55. Par exemple AE 2004, 940 et 939. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 99 Pour apprécier une éventuelle typicité locale de ces noms latins, il faut rappeler certains processus onomastiques qui sont avérés lors de la romanisation des peuples italiques sous la République et qui sont ensuite devenus communs aux différentes régions de l’Empire. Il s’agit des phénomènes d’assonance et de traduction, qui se manifestent en Gaule et en Germanie avec une grande fréquence (25). Une manière de latiniser son nom ou le nom de ses enfants en gardant trace des identités culturelles et linguistiques locales était l’adoption de noms qui rappellent par leur sonorité des noms indigènes, des noms « d’assonance », en allemand « Decknamen ». Ces choix d’assonance étaient aussi bien pratiqués par les pérégrins que par les citoyens romains et peuvent être un rappel du celtique ou du germanique. Dans un processus mental très comparable, on doit évoquer le nom de traduction. Ainsi peut-on penser que le nom latin Ingenuus est très fréquent dans les régions germaniques car il s’agit de la traduction d’une racine germanique frei « libre » qui a donné des noms attestés comme Freio, Freioverus, Friatto. Dans la mesure où ils impliquent la maîtrise conjointe du latin et de la langue indigène, ces procédés, loin de prouver une résistance à la latinisation, manifestent au contraire le recours à des appellations latines, sans que la rupture avec le patrimoine indigène en découle. L’autre procédé, réservé aux citoyens, est la création de nouveaux gentilices, soit sur la base d’éléments latins, soit sur la base d’éléments indigènes, généralement d’après le nom de pérégrin du père : les gentilices patronymiques (26) . En effet dans les régions de droit latin, l’accès à la citoyenneté par la gestion des magistratures – automatique – rend le choix du nouveau nom entièrement libre, sans devoir remercier celui qui a fait obtenir la naturalisation. De la même manière que les Italiens avaient contribué à créer le stock onomastique de la Péninsule par l’adjonction de nouveaux nomina formés sur les bases des langues locales, les Gaulois et les Germains ont fabriqué un nombre considérable de nouveaux gentilices, latins ou indigènes, qui par leur forme indiquent le procédé par lequel on garde au nom ses attaches familiales. (25) raePsaet-Charlier, 2012 ; à paraître (avec l’historiographie de la question). (26) BérarD, 2001, p. 668-675 ; raePsaet-Charlier, 2009, p. 366-370. Il n’existe aucune raison valable pour déprécier ces gentilices gallo-romains en les appelant « pseudogentilices» (WeisgerBer, 1969, p. 116-117 et 219-220) comme on le fait encore souvent (par exemple kakosChke, 2012, passim ; 2017, p. 12) : cela donne à penser que ces noms induisent une disqualification juridique qui n’aurait aucun sens puisque leur création poursuit logiquement le processus italien d’évolution des dénominations. 100 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER Tableau I. Répartition des gentilices. gentilices latins ordinaires App(ius ?) ILB 46 2 personnes Theux 150-250 Axius ILB2 45 2 personnes Theux 200-250 Hostilius III 5450 Norique Lollia Acilia ILB 58 Grandhan Tunger (?) 150-250 IIe-IIIe Suillius OLV 2017 Tongres 70-120 Valerius XIII 3616 Maastricht 150-250 Valerius XIII 6239 Germ. sup. Texuander Vetia ou Vetie[nus] GRM 15639 Tongres s.d. citoyen Vibanius GRM SC 11 Tongres s.d. citoyen 159bis 175-300 14-37 Volusia ILB2 Tongres 150-250 [-]culeius ILB2 165 Namur 80-120 [-]didius ILB 52 Ocquier gentilices latins impériaux (Aelius) AE 2011, 1792 Balkans ? Tunger 123 Condrusus 164-166 [Tun]ger 31-70 [Aurelius] XVI 125 Claudius III 15163 Aquincum Flavius ILB 43 Flémalle 188 Flavia ? ILB2 Barvaux-C. IIe s. Iulius DE WINTER Tongres ép. flav. 56,2 revue Sulpicia XIII 10025, 195 Cortil-N. Sulpicius III 12361 Guljanci Ulpia ILB 37 Namur Ulpius VI 33977 Rome 100-150 Tunger ép. flav. IIe-IIIe Tunger 100-150 101 ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES gentilices latins assonants Cassius ILB 34 (C/G) Catius ILB 29 (C) Lucilius XIII 8558 (C) Lucius Minnius de traduction 2 personnes Namur 175-200 Hern St Hubert 150-250 domo Camppili ép. jul.claud. M ASSART, 2001 (C) Fontaine-V. fin IIe-IIIe GRM 909 (C/G) Tongres IIIe-IVe Tongres 10-40 Namur 80-120 Namur 150-200 Cherain 175-250 Germ. inf. Primanius CREEMERS, 2015, p. 142-143 (C) Sicinius ILB2 165 (G) Victorius ILB 33 (C) Vitorius ILB 60 (C) 6 personnes 2 personnes gentilices latins patronymiques Candidius, dia ILB 31 2 personnes Liberchies Gracileius ILB 21 2 personnes Gors-Opleeuw Maternius ILB 26 Jeuk Modestinius AE 2007, 985 Maastricht IIe Priscinius AE 1996, 1090 Maastricht 50-100 Probius ILB 148 Securinius, nia ILB 37 2 personnes Namur IIe-IIIe Victorius ILB 33 (C) fils de Victor Namur 150-200 Vitorius ILB 60 (C) 2 personnes Cherain 175-250 gentilices indigènes celtiques germaniques Ammonius x x Aprionius ? Attius x Luceius x fils de Priscus Tirlemont x VANVINCKENROYE, 1984, p. 94 revu Tongres ILB 7 Tongres AE 1996, 1094 Maastricht VANVINCKENROYE, 1984, p. 94 revu Tongres Luccius x Voinot 29 Maastricht Sacerius x ILB 60 Cherain Sterius Tausius x x ILB2 52 Ocquier x SHA, Pert., 11, 9 Tunger 102 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER Il est donc intéressant de détailler la répartition des gentilices latins. Parmi eux, on compte seulement 31% de noms latins « ordinaires » et 19% de noms latins impériaux, soit 50% de noms latins venus tels quels d’Italie. Par contre, il y a 27% de noms assonants ou de traduction et 23% de gentilices patronymiques (parmi ces derniers, il y a trois cas de gentilices à la fois assonants et patronymiques). Dans deux cas, le caractère patronymique du gentilice est avéré. Par contre, on ne rencontre aucun cas de gentilice patronymique variable, qui change à chaque génération (27), comme c’est assez fréquent sur le Rhin et chez les Trévires. En ce qui concerne les gentilices indigènes, peu nombreux puisque au nombre de 8, on compte 4 celtiques, 1 seul germanique et 3 soit celtiques soit germaniques. Les pourcentages n’ont pas beaucoup de signification avec une base aussi faible. On ne repère aucun gentilice patronymique et aucun gentilice germanique très marqué comme on en rencontre sur le Rhin. Que penser des gentilices impériaux ? Ils sont au nombre de 10. Certains (Aelius et Aurelius) sont indubitablement liés à une action de l’empereur, à savoir les deux vétérans connus par un diplôme (AE 2011, 1792 et CIL XVI 125). Sulpicius Massa, vétéran de l’aile des Hispaniques en Mésie, a dû recevoir son gentilice de Galba (CIL III 12361). On doit songer à une intervention impériale sans doute militaire aussi pour Ti. Claudius A[-] (CIL III 15163), d’époque claudienne, qui était dit « fils de Laedus », donc d’un pérégrin. Pour T. Flavius Hospitalis, centurion (ILB 43), cette action peut être aussi envisagée mais à une génération précédente, puisqu’il est en poste sous Commode. M. Ulpius Felix, gladiateur à Rome, était-il un affranchi impérial ? Pour Sulpicia (28) connue par un vase en verre du tumulus de Cortil-Noirmont (CIL XIII 10025, 195) ou pour Ulpia Vanaenia de Namur (ILB 37), pour la possible Flavia Verv[-] de Barvaux-Condroz (ILB 56 revue), on ne peut proposer aucune interprétation autre que de penser à un (lointain) ancêtre vétéran auxiliaire (moins probablement affranchi impérial). Reste C. Iulius Viator au cas très particulier, voir infra. (27) Cf. raePsaet-Charlier, 2001a, p. 379-380 ; BérarD, 2001, p. 675-679. (28) Dont la citoyenneté n’est pas assurée en l’absence de surnom car des pérégrins portent des idionymes en forme de gentilice (cf. DonDin-Payre, 2011, p. 22). 103 ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES Tableau II. Répartition des cognomina (gentilice) surnoms latins ordinaires lieu Animula XIII 10017, 55 Tongres Aur[-] ILB 52 Ocquier Clarilla VANVINCKENROYE, 1984, p. 104-105 Tongres IIIe-IVe (Aprionius) Iunius ILB 7 Tongres IIe-IIIe (Ulpius) Felix VI 33977 Rome (Vitorius) Florentinus ILB 60 Cherain 175-250 (Flavius) Hospitalis ILB 43 Flémalle 188 Lentulus XIII 10022, 166b Tirlemont IIe-IIIe (Catius) Nepos ILB 29 Hern St Hubert IIe-IIIe (Cassius) Pompeianus ILB 34 Namur 175-212 (Axius) Probinus ILB2 45 Theux IIIe ([-]didius) (Priscinius) Probus AE 1996, 1090 Maastricht (Valerius) Rom[-] XIII 6329 Germ. sup. (Volusia) Sabiniana ILB2 159bis Tongres Sabinus ILB 10 Tongres (Valerius ?) IIIe-IVe Tunger déb. IIe 50-100 Texuander 175-300 150-250 Saturninus XIII 3616 Maastricht 150-250 Serenus AE 2014, 917 Han IIIe (Modestinius) Serotinus AE 2007, 985 Maastricht IIe (Attius) Servatus AE 1996, 1094 Maastricht IIe Silvana VANVINCKENROYE, 1984 ; p. 103 revu Tongres IIIe-IVe Tacitus ILB2 165 Namur 80-120 Valentinus ILB 8 Tongres 150-250 (Sicinius) (Iulius) Viator DE WINTER Tongres ép. flav. Victurus GRM 11345 Tongres IVe 104 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER de traduction lieu (gentilice) surnoms latins assonants ILB 31 Albinus, a (C) Liberchies 2 p. (Candidius + inconnu) IIe-IIIe ILB2 165 Flavinus, Flavianus (G) Namur 3 p. (Sicinius) 80-120 Namur ([-]culeius) 80-120 Hern St Hubert (Catius) IIe-IIIe Jeuk (Maternius) Liberchies (Candidia) ILB2 165 ILB 29 Ingenuus (G) Libo (G) ILB 26 Primus (C) ILB 31 Lucana ? (C) ILB 21 Quintus (C) Gors-Opleeuw XIII 8558 Secundus (C) Germ. inf. IIe-IIIe (Gracileius) Tunger ? (Lucilius) ép. jul.-cl. ILB 21 Similis (G) Gors-Opleeuw (Gracileius) ILB 34 Titus (I) Namur (Cassius) 175-212 Verus (C/G) Theux (Axius) IIIe Victorinus (C) Namur (Victorius) 150-212 ILB2 45 ILB 33 surnoms indigènes celtiques germaniques lieu (gentilice) ILB 60 Ammausus Cherain (Sacerius) 175-250 ILB 37 Ammius, a Namur (2 p.) (Securinius) IIe-IIIe Tirlemont (Probius) ILB 148 Burrus ILB 60 Caupius Cherain (Vitorius) 175-250 ILB 46 Freio Theux (Appius ?) 150-250 (Appius ?) ILB 46 Friatto Theux VANVINCKENROYE, 1984, n° 50 Gimian(-) Koninksem IIIe-IVe IIIe-IVe VANVINCKENROYE, 1984 p. 94 revu Maiana Tongres III 12361 Massa Guljanci 150-250 (Sulpicius) ép. flav. 123 AE 2011, 1792 Tullio inconnu (Aelius) III 5450 Tunger Norique (Hostilius) ILB 37 Vanaenia Namur (Ulpia) IIe-IIIe (Flavia ?) IIe ILB2 56,2 revue Verv[-] Barvaux-C. VANVINCKENROYE, 1984, n° 50 revu Vindunus ? Koninksem surnoms grecs IIIe-IVe (gentilice) Compsa ILB 58 Grandhan (Lollia ?) Alexander Voinot 29 Maastricht (Luccius) IIe-IIIe ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 105 La situation est plus éclatée en matière de surnoms. En effet, on relève 37 surnoms latins, 15 surnoms indigènes, 2 surnoms grecs et 24 surnoms inconnus ou non identifiables. Ce qui représente tout de même 47% de surnoms latins. Compte non tenu des inconnus, cela donne 43% de latin « ordinaire », 26% de surnoms latins assonants ou de traduction (69% de latin !), 27% de surnoms indigènes (20% de germanique et 7% de celtique), 4% de grec. On perçoit donc toujours une forte latinisation, assez peu tempérée d’éléments indigènes. Nous ne disposons d’aucun esclave avéré (voir infra). Un seul affranchi est explicite, le dépendant Quintus de l’édile C. Gracileius Similis (ILB 21). Il porte un nom latin d’assonance celtique. Est-ce le même personnage répété ou bien est-ce un collègue qui fait la dédicace avec Audax, autre nom d’assonance, germanique cette fois ? Ou bien ces deux-là sont-ils des fils ? Il est très regrettable que cette inscription nous soit incomplètement parvenue. Une autre inscription fragmentaire atteste peut-être un affranchi, ILB 38 de Namur. Le personnage qui s’appelle peut-être Ursus (qui peut être un nom de traduction sur la base des noms celtiques sur la racine matu-, « ours ») semble le dédicant de cette épitaphe. Les lettres conservées sont parfois interprétées comme « libertus ». Il peut être intéressant de poursuivre l’examen en regardant au plus près les nomenclatures concrètes. Première remarque : pour autant que l’on puisse en juger, puisque 35 nomenclatures sont incomplètes, les dénominations exclusivement latines sont majoritaires avec 26 cas ; viennent ensuite les dénominations mixtes avec 13 cas ; une seule nomenclature est complètement indigène : Sacerius Ammausus à Vaux-les-Cherain. On notera une dénomination inhabituelle : Lol(lia ?) Acilia Compsa de Grandhan qui combine gentilice probablement latin, premier surnom latin en forme de gentilice et second surnom grec. Deuxième remarque : les nomenclatures les plus récentes (IIIe-IVe s.), généralement incomplètes étant donné l’abandon progressif du gentilice mais aussi le fait que les attestations sont presque toutes d’instrumentum, ne sont pas toutes latines contrairement à ce qu’on aurait pu penser (Luceius, Gimian[-], Ammonius, Maiana, Vindunus sont indigènes). Celles de la période IIe –IIIe s. se répartissent en 18 latines et 12 mixtes, celles du Ier s. sont latines pour trois d’entre elles avec une seule mixte. Troisième remarque : nous ne disposons que de peu d’exemples d’onomastique familiale. Dans le cas des Sicinii de Namur (ILB2 165), on constate une cohérence dans le recours aux noms latins tempérés d’assonance, sauf peut-être pour le surnom Flavinus qui pourrait être considéré comme indigène plutôt qu’assonant ; mais l’inscription est trop fragmentaire pour qu’on puisse suivre les nomenclatures selon les générations. Pour les Candidii de Liberchies (ILB 31), on relève un gentilice patronymique lié à des surnoms sans doute d’assonance Lucana et Albinus. Les Securinii de Namur (ILB 37) sont constants dans leurs usages en identité germanique : Securinia Ammia est fille de Securinius Ammius ; sa mère s’appelle Ulpia Vanaenia. Les probables frères Appii de Theux portent des surnoms germaniques très typés et de même racine : Freio et Friatto (ILB 46). Les Axii de Theux (ILB2 45), 106 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER dont les liens familiaux ne sont pas clairs, sont sans doute répartis en trois générations : le grand-père, le père et le fils ; ils sont en tout cas constants dans l’emploi du latin : Quietus, Verus, Probinus. Par ailleurs on peut supposer que le fils de Cassius Pompeianus et de la pérégrine Matta, à Namur (ILB 34) était également citoyen et s’appelait (Cassius) Titus. Il est assez fréquent que le gentilice des enfants ne soit pas répété (29). Un cas clair de latinisation en cours : le fils du décurion Vitorius Caupius se dénomme Vitorius Florentinus (ILB 60). Un cas inverse : le soldat (P. Aelius) Tullio est le fils du pérégrin Vegetus (AE 2011, 1792). Deux filiations sont intéressantes mais malheureusement incomplètes. C. Iulius Viator d’époque flavienne est le fils d’une Ingenua (nom de traduction germanique) dont on ne sait si elle était pérégrine ou citoyenne dont la source n’aurait donné que le surnom. On doit pourtant suggérer que le père ait été citoyen, l’acquisition du nom C. Iulius devant logiquement remonter au plus tard à Caligula. Quant au personnage VERV[-] (peut-être notabilité d’un vicus, ou magistrat municipal agissant sur le territoire) qui fait la dédicace du temple de Theux, il peut soit illustrer un cas de famille arrivant à la citoyenneté par le biais du droit latin soit n’être qu’un pérégrin enrichi à la formule onomastique classique (idionyme + patronyme)(ILB2 46bis). Quatrième remarque : les nomenclatures sont courtes. On ne relève que deux exemples de triple nom, le centurion Q. Catius Libo Nepos (ILB 29) et la défunte Lol(lia) Acilia Compsa déjà citée (ILB 58). On notera au passage que ce militaire est le seul qui paraisse avec vraisemblance être un Tongre revenu au pays après son service car il honore une déesse au nom germanique, Vihansa, alors qu’il a été en garnison en Arabie (30). Son nom en tout cas convient très bien à l’hypothèse. Cinquième remarque : dans l’ensemble, parmi les 77 citoyens, on compte 12 femmes. Elles n’apparaissent pas comme plus conservatrices des identités locales que les hommes. Autrement dit, on ne donnait pas plus souvent un cognomen indigène à une fille (3 cas) qu’à un garçon. De cet ensemble de constatations, on ne peut que persister dans la mesure d’une importante latinisation qui chez les citoyens semble un processus linéaire. Nous ne disposons d’aucun cas explicite de retour à une dénomination indigène pure, phénomène qu’il faudra reprendre à propos des pérégrins. Et de façon encore plus nette, les Tongres jouissant de la citoyenneté choisissent de manière courante les dénominations latines quitte à les colorer d’assonance ou de traduction surtout aux IIe et IIIe s. Un des plus anciens citoyens tongres connus, C. Iulius Viator, est le témoin explicite à l’époque flavienne d’une dénomination latine stricte. Quant à C. Primanius Ca[-] de la première moitié du siècle, bien que son nom gravé sur un fond de vase puisse être celui d’un soldat étranger à la cité, il porte un gentilice latin mais bien provincial comme en témoigne sa répartition dans l’Empire, à Lyon en particulier, ainsi que le nom de potier gaulois Primanus (31), forme dont le gentilice dérive. (29) raePsaet-Charlier, 2001a, p. 350. (30) La IIIe légion Cyrénaïque a peut-être envoyé une vexillation en Germanie inférieure au IIIe siècle (alFölDy, 1968a, p. 23-25). (31) Plusieurs estampilles sur sigillée attestent ce nom : hartley-DiCkinson, VII, 2011, p. 195-201. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 107 Toutefois des éléments de nomenclature indigènes existent, en particulier dans les cognomina. Ils témoignent d’une vitalité culturelle et peut-être d’un maintien de la connaissance des langues indigènes locales, nous y reviendrons. Il reste à se préoccuper de l’usage du prénom ce qui nous conduira à nous intéresser à la dénomination des notables. Les prénoms attestés sont au nombre de 18 avérés. On y ajoutera le prénom supposé des vétérans gratifiés d’un diplôme militaire par Hadrien (AE 2011, 1792) et par Marc-Aurèle (CIL XVI 125). Les porteurs de ces prénoms se répartissent en catégories logiques. Tout d’abord, les plus anciens citoyens connus, déjà cités ci-dessus, C. Iulius Viator et C. Primanius Ca[-]. Dans le premier cas on peut penser à un notable (32), membre de l’élite tongre, issu d’une famille ayant reçu la citoyenneté à haute date, peut-être doté d’un poste militaire comme Iulius Verecundus un peu plus tard (cf. infra). M. Suillius [-] constitue lui aussi un témoin ancien d’époque flavienne. Dans le même esprit, on joindra le seul magistrat nommément connu, l’édile C. Gracileius Similis, et le seul sévir, M. Modestinius Serotinus. On pourra penser que la famille de Q. Sicinius Flav[-] appartenait aux notables locaux de la fin du Ier siècle, étant donné l’importance du mausolée (33) dont devait faire partie le bloc funéraire encastré dans une muraille du Château des Comtes de Namur. Relevait peut-être aussi de l’élite, le probable antistes de Mithra à Liberchies dont la tessère commémorative porte simplement l’initiale des tria nomina Q.R.S. C. Priscinius Probus de Maastricht était un nouveau citoyen, fils de Priscus : faut-il penser à un ancien magistrat local bénéficiant du droit latin et construisant son gentilice patronymique (vrai) à sa sortie de charge ? Comme beaucoup de ses collègues, il aurait évité d’indiquer sa fonction sur son épitaphe (34). C. Maternius Primus, un dévot d’Hercule à Jeuk, est attesté sur une inscription perdue dont la forme et la date sont inconnues. L’idée toutefois qu’il pourrait s’agir là d’un sanctuaire public du grand dieu des Tongres (35) et la seule précision que les inscriptions autrefois reconnues étaient sur marbre donnent peut-être à penser également à un notable qui n’aurait pas fait état de son statut. M. Probius Burrus a indiqué son nom sur un étui à stylet en or retrouvé dans un tumulus de Grimde (Tirlemont), forme funéraire d’apparat (36) qui conduit à l’identifier en tout cas comme une personne riche. Portent également le prénom quatre militaires : deux centurions Q. Catius Libo Nepos et T. Flavius Hospitalis, un décurion d’aile M. Lucilius Secundus (37) et un cavalier Ti. Claudius A[-]. Cela ne surprendra pas étant donné qu’on voit par ailleurs dans les épitaphes des soldats que le port du prénom se prolonge au IIe siècle. (32) De Winter, 2019. (33) Pour une estimation de celui-ci, voir raePsaet-Charlier, 2004, p. 58-74. (34) raePsaet-Charlier, 2001c, p. 109-110. (35) raePsaet, 2013, p. 137-140. (36) Massart, 2015, p. 174-175. (37) Son origine est supposée d’après l’indication « domo Camppili » qui pourrait être liée aux toponymes « Champion » (rolanD, 1899, p. 551-554) du territoire de la cité, mais sa citoyenneté tongre est hypothétique. 108 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER À citer encore un vétéran mirmillon, M. Ulpius Felix, et un médecin oculiste, C. Luccius Alexander. Ne peuvent être socialement localisés, même à titre d’hypothèse, les habitants de Maastricht, P. Attius Servatus, dévot des Parques, et L. Valerius Saturninus (dont le nom est une reconstruction). Tableau III. Les pérégrins tongres GrandPère Père Lieu référence date (-) Texander ILS 2556 milieu IIe [-] Condrusus XVI 125 164-166 [-] Tunger AE 1980, 794 90 [-] Tunger AE 1980, 794 90 [-] Tunger AE 1980, 794 90 [-]uus [-] Barvaux-C. ILB2 56,1 revue IIe Av[-] [-]itus Barvaux-C. ILB2 56,2 revue IIe Candidianus (L) [-]lo (G ?) Barvaux-C. ILB2 56,1 revue IIe Ab[-] [-]nissus (C) Vodecée PARIDAENS, 2018 Saenus (L) Aiva (?) (G) Barvaux-C. ILB2 56,1 revue [Ex]simnus (I) Mère Fils / Fille Acc(-) Acc(-) Victor (LAC) Acceptus (L) [-]nus Vegetus (L) Conjoint / Parent Theux ILB 50 Namur ILB 33 150-200 Adiu[trix] (L) Cassius (LA) Namur ILB2 166 IIe P. Aelius Tullio Tunger AE 2011, 1792 123 Tongres 10025, 191 3615 = AE 1996, 1091 100-200 IIe Albinia (L) Amma (G) Politicus (grec) [Vere]cundus (LAC) Ammaca (G) sive Gamaleda (G) Maastricht Veldedus (G) ANEP[-]us (I) Namur inédit [-] Antiquus (L) Tongres ILB 12 Antonius (L) Quietus (L) IIe Axius Verus Lupula (LA) Liberchies Theux ILB2 160 ILB2 45 175-200 ca 200 109 ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES Hunatto (G) Braruco (I) Lifthina (G) Namur AE 2004, 939 175-212 Campanus (L) e primoribus TAC., H., Tungrorum IV, 66 70 Capito (L) Tongres AE 2015, 953 milieu Ier Namur ILB2 166 (Cassius) Titus Namur ILB 34 Pagadunus (C ?) Chartius (I) Tunger AE 1968, 412 Laedus (C) Ti. Claudius A[-] Tunger III 15163 10-40 Vliermaal ILB 23 IIe Cara(n)- Solimarus tus (C) (C) [-] Cassius Pompeianus Cassius (LA) Matta (C) Clementinus (L) Adiu[trix] (L) Felix (L) 175-200 Ucenus (C/G) Eburus (C) Liberchies Liberchies VI, 482, 6 Mansuetus (L) Exsuper (L/C) Jupille AE 2006, 842 [Co]nfinis (L) filia Nivelles ILB 30 IIe Veransatus (G) Freioverus (G) Tunger XIII 7036 74-83 Frumentius (L) Theux10017, 407 Franchimont Frumentius (L) Tongres GRM 8004 Durio (C/G) Ianuarius (L) Taviers ILB 32 Tanehus (G) Ingenuus (LTG) Vaux ILB 44 Iuvenalis (L) e primoribus TAC., H., Tungrorum IV, 66 Florentinus (L) Leubasna (G) Jeuk ILB 25 Bilaucus (C/G) Murranus (G) Jupille AE 2003, 1212 75-100 Silvinus (L) Nepos (L) Tongres ILB 13 IIe Tagausus (C/G) Neutto (G) Celles ILB 59 IIe Drauso (G ?) Ninnius (C) Namêche ILB 39 IIe Carvus (C) Oclatius (G) Tunger AE 1924, 11 80-100 Similis (LAG) Velmada (G) 150-200 70 110 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER Paternus (L) Paterna (L) Namur AE 2004, 940 175-212 Placidus (L) Placidinus (L) Paterna (L) Namur AE 2004, 940 175-212 Marcus (LAC) Primus (LTC) Theux ILB 47 IIe Priscus (L) C. Priscinius Probus Maastricht AE 1996, 1090 50-100 Maastricht Voinot 282 Jeuk ILB 24 Probinus (L) Verecundus (LAC) C[-] Cara(n)- Titus (LA) tus (C) LIVEM[-] (G) [ ?Ru] so (I) Probus (L) Placidinus (L) Victorinus (LAC) Sabinus (L) Namur ILB 36 IIe Secundus (LTC) Tongres AE 2015, 953 milieu Ier AE 2007, 985 IIe Servanda (L) M. Maastricht Modestinius Serotinus Super (L) Theux ILB 48 150-200 Suppo (G) Superina (L) Strée ILB 51 200-212 Spurius (L) Tullio (G) Tirlemont ILB2 Car(us ?) (LAC) Vaduna (G) Jeuk ILB 27 Veldes (G) Texuander AE 1980, 794 90 Gangusso (G) Velmada (G) Tongres ILB 13 IIe Vervecco (C) Theux ILB 49 150-200 Haldacco (G) Lubainis (G) Victor (LAC) / Prudens (L) Namur ILB 35 100-150 Viriccius (C) Vodecée PARIDAENS, 2018 140-170 159ter 150-200 Légende : Les noms en italiques sont des citoyens romains ; les noms en grasses figurent plusieurs fois dans le tableau. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 111 5. Les pérégrins Les pérégrins identifiés au moins probablement (38) sont au nombre de 110. Compte tenu d’une proportion de 13% de noms inconnus ou non identifiables, les idionymes se répartissent en 46% de latins et 41% d’indigènes, ce qui signifie plus précisément 53% de latins et 47% d’indigènes une fois exclus les inconnus. La latinisation est certes moins prononcée que chez les citoyens mais la proportion d’un peu plus de la moitié des noms en latin représente une avancée significative du latin parmi les habitants non détenteurs de la citoyenneté. Par comparaison on citera l’exemple des Trévires (39), très fortement romanisés avec une proportion nettement plus forte de citoyens, où de même le latin représente la moitié des nomenclatures pérégrines. Parmi les noms indigènes, les noms celtiques sont relativement minoritaires avec une proportion de 25 % pour 52 % de noms germaniques, mais 23% des noms locaux soit sont indécis entre celtique et germanique soit ne peuvent être identifiés. Parmi les noms latins on relève quelques cas d’assonance (12) ou de traduction (3) mais ils sont plutôt rares. Si on s’intéresse aux exemples concrets de transmission des noms, on constate que la latinisation est un processus bien attesté : ainsi l’exemple de la famille de Cara(n)tus à Tongres évolue vers une dénomination latine des petits-fils en passant par un nom celtique et un nom d’assonance pour les fils. L’intérêt de cette filiation réside dans la date, à l’époque de (Claude)-Néron ou au plus tard au début des Flaviens. On peut imaginer que le fait d’avoir fait remonter la famille au grand-père indique une famille de notables. Ce qui n’a rien pour surprendre si on considère que les deux « primores » cités par Tacite, qui ont entraîné les Tongres dans la révolte de Civilis en 69, sont vraisemblablement des pérégrins (car Tacite semble citer systématiquement les gentilices des personnages de rang citoyen qui participent aux événements) qui se dénomment Campanus et Iuvenalis. On citera pour le processus de latinisation Ianuarius fils de Durio à Taviers, Ingenuus (nom de traduction) fils de Tanehus à Vaux, Servanda fille d’un pérégrin au nom incomplet mais assurément germanique à Maastricht et les enfants de Haldacco et Lubainis, Victor et Prudens, à Namur. Lequel Victor maintiendra un nom latin pour son fils Acceptus si l’hypothèse d’une parenté est correcte. Certains cas illustrent aussi une latinisation installée : Nepos est fils de Silvinus à Tongres, Placidinus est fils de Placidus et Paterna est fille de Paternus à Namur, Probus est fils de Verecundus (nom d’assonance) à Jeuk, Primus (nom de traduction) est fils de Marcus (nom d’assonance) à Theux. Mais la latinisation n’est pas nécessairement linéaire : existent des exemples de retour à un nom indigène pour l’enfant d’un porteur de nom latin : Leubasna est fille de Florentinus à Jeuk, Ammaca est fille de [Vere]cundus à Maastricht, Tullio est fils de Spurius à Tirlemont, Vaduna est fille de Carus à Jeuk. D’autre part, dans un grand nombre de cas, la dénomination indigène se poursuit. (38) Certains cas sont douteux et pourraient être comptabilisés parmi les « indéterminés ». C’est pourquoi une analyse globale des deux catégories sera proposée infra. (39) raePsaet-Charlier, 2010-2011, p. 25-26. 112 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER Ainsi Anep[-]us était fils de Veldedus à Namur, qui devait être suffisamment riche pour offrir à deux reprises à ses concitoyens un ludus [sca]e[nicus] sans doute au IIe siècle. Et cette permanence indigène se produit pendant deux siècles, y compris à la veille de la constitution de Caracalla : Braruco est fils de Hunatto à Namur, mentionné sur une épitaphe tardive en raison de la formule « perpetuae securitati ». De même Chartius fils de Pagadunus, Freioverus fils de Veransatus, sont des soldats tongres ; Eburus est fils d’Ucenus à Liberchies, Murranus est fils de Bilaucus à Jupille, Neutto est fils de Tagausus à Celles, Ninnius est fils de Drauso à Namêche, Velmada est fille de Gangusso à Tongres, notamment. Au sein des couples il n’y a pas non plus nécessairement de conformité latine. Si Adiutrix est l’épouse de Cassius, Servanda est l’épouse du sévir M. Modestinius Serotinus, Paterna est l’épouse de Placidinus et Lupula sans doute celle d’Antonius, Velmada est l’épouse de Nepos, Amma l’épouse d’Acceptus, Matta l’épouse du citoyen Cassius Pompeianus. On trouve aussi Lubainis, épouse de Haldacco (lequel était fils de [Ru]so), Lifthina, épouse de Braruco. Certains milieux, qu’on constatera généralement hors du chef-lieu, se montrent donc particulièrement conservateurs de traditions indigènes. La latinisation marque cependant les cas d’unions mixtes entre citoyens et pérégrins. Du point de vue multiculturel, si la palette des dénominations montre bien une variété linguistique entre celtique et germanique, on remarque peu de mixité à l’intérieur des familles. Quelques cas sont possibles mais sans certitude, à la différence de ce que l’on peut relever dans d’autres cités comme les Trévires ou Bataves (40) : Ninnius, celtique, est fils de Drauso qui pourrait être germanique avec sa vocalisation en -a ; Oclatius fils de Carvus pourrait constituer un exemple inverse ; Tagausus, le père de Neutto, germanique, porte un nom qui pourrait être celtique ; Ammaca sive Gamaleda (deux noms germaniques) est fille de [Vere]cundus (plutôt que de [Se]cundus), d’assonance celtique typique, et Vaduna (germanique) est fille de Carus, nom celtique ou latin d’assonance celtique. Chez les pérégrins aussi le nombre de femmes connues est limité : 16. Elles portent des noms latins ou des noms indigènes mais ne constituent pas un réservoir d’indigénisme. On notera la nomenclature double, rare surtout chez les pérégrins, d’Ammaca, sive Gamaleda. (40) raePsaet-Charlier, 2001a, p. 385-386 ; 2001b, p. 455. lieu Nom référence/inv. lieu Nom référence/inv. lieu Adiu(tor) L GRM 7936 Tongres Ah(ucco ?) G GRM 7437 Tongres Airan(i)us I GRM 81R12 Tongres Albicia L VANVINCKENROYE, 1984 143 corr Tongres [ ?Ama]bilia L Liberchies VI 482 n°3 Liberchies Ammonius C/G Braives IV 136-7 Braives AND() C/G GRM 7997 Tongres Apiu(s) L 10017, 159 Theux J. Auctus L 10017, 198 Theux J. Aucus C 10017, 200 Theux J. Audax LAG ILB 21 Gors-Opleeuw Avitus LA GRM 7803 Tongres Tirlemont CAP(ito ?) L 10017, 251 Anthée Tongres Cessua C/G 10017, 284 Theux Crescens L ILB2 162 Liberchies DVR(io ?) C/G 10017, 335 Flavion Eutyches Grec ILB 143 Fontaine-V. Fatalis L ILB 143bis Amay FEL(ix ?) L 10017, 173 Embresin Flor[us] L AE 1996, 1092 Maastricht HAL() G 10017, 437a Tongres Haltinn[-] G AE 2013, 1122 Aiseau-P. Icarus Grec 10017, 460 Theux J. Ingenua LTG DE WINTER Tongres Iun(ius ?) L R AEPSAET, 1988, 35 Anthée Libo LAG R AEPSAET, 1988, 26 Flavion Libo LAG 10017, 520 Theux J. LVBAIT G Tienen 121 Tirlemont LVPIOTEX I Tienen 121 Tirlemont MAMA ? 10017, 1086 Theux J. NAI(nius ?) C 10017, 617 Anthée NIG(er ?) L GRM 8046 Tongres Orent(i)us ? ILB2 164 Liberchies PEIS(ius ?) I GRM 364 Tongres Politicus Grec 10025, 191 Tongres Prim(us) LTC 10017, 698 Theux Privatus L 10017, 705b Theux Probus L GRM 7055 Tongres Quintus LAC ILB 21 Gors-Opleeuw RAM(us ?) C 10017, 727 Theux J. RET(tua ?) C GRM 10377 Lauw RIC(cius ?) C 10017, 739 Tongres Roma(nus ?) L 10017, 743 Tongres RVRICOTA ? VA 1999 corr Jodoigne SAG(us ?) C inédit Tongres Secundus LTC ASAN 1993 Champion Serv(atus ?) L GRM 7812 Tongres Severus L 10017, 798a Hontoir Silvinus L 10017, 805a Theux J. Sulpicia L 10025, 195 Cortil-N. Sumaro C 10017, 821 Theux J. TAS(getius ?) C 10017, 830b (Liège) Tertius LTC 10017, 841a Tongres Tit(i)us LA ILB 142 Houtain-L’E. Trertus I ASAN 1993 Champion Val(erius ?) L GRM 8021 Tongres Vare[do ?] C GRM 59 Tongres Varus L 10017, 871 et 873 Theux J. Vatua G GRM Lauw 90.06A Lauw Uccius I inédit Namur [Ve]getus L ILB 11 Tongres [ ?Vere]cundinus LAC ILB2 Theux Ver(us ?) LA GRM 8133 Tongres Ver(us ?) LA GRM 8147 Tongres Vic(tor ?) L 10017, 899a Theux J. Victor LAC inédit Theux J. Victor LAC AE 2003, 1201 Liberchies Viduco C 10017, 912 (Liège) Virvec(-) C GRM 7668 Tongres VERV ILB2 46bis Theux [ ?U]rsu[s] L ILB 38 Namur 46bis 113 Tienen 119 10025, 192 ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES Avitus LA Carina LAC Tableau IV. Incerti référence/inv. Répertoire des noms identifiés ou probablement identifiables Nom 114 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER 6. Les personnes au statut incertain Dans la mesure où nous avons pris en compte les noms apparus sur l’instrumentum, le nombre de noms dont le statut du porteur ne peut être fixé avec suffisamment de vraisemblance est important : 79, parmi lesquels il pourrait y avoir deux esclaves. Madicua, delicata (41) d’une famille de Namur, est en effet, très probablement esclave. Elle porte un nom indigène, sans doute germanique. Le second esclave probable apparaît sur un graffito de Liberchies (VI, p. 482, n° 2) au nom grec de Lydius ou Cydius. 5 noms ne peuvent être déterminés. Sur les 72 autres, 60% sont latins, 15% sont celtiques, 7% sont germaniques, 6% peuvent être définis comme celtiques ou germaniques, 8% sont indigènes indéterminés (soit au total 36% de noms indigènes) et 4% sont grecs. Il est probable que ces noms grecs indiquent des esclaves ou des affranchis, notamment employés dans la médecine oculiste. Il faut donc constater à nouveau une forte proportion de noms latins, ce qui est conforme au schéma apparu jusqu’à présent. Parmi ces noms latins, un certain nombre (16) de noms d’assonance et de traduction. Par contre - ce qui est étonnant - c’est l’inversion des proportions entre celtique et germanique. Je pense qu’on ne peut pas l’expliquer par la répartition géographique qui est identique pour toutes les catégories. Je pencherais plutôt pour une pondération de la valeur de nos relevés. En fait parmi les incerti doivent se trouver beaucoup de pérégrins, en tout cas de gens modestes si on en juge notamment d’après le mobilier des tombes. Si l’on tente une analyse globale des incerti et des pérégrins, on rencontre une quasi-égalisation des personnes au nom celtique et au nom germanique. Ainsi, si l’on exclut les 9% de noms inconnus ou indéterminables, on obtient 56% de noms latins, 13% de celtiques, 17% de germaniques, 7% de celtiques ou germaniques, 5% d’indigènes indéterminés (soit 42% de noms indigènes) et 2% de grecs. Étant donné la faiblesse numérique de notre documentation, il convient sans doute de lisser nos chiffres en 50/55% de noms latins, 45/50% de noms indigènes parmi les pérégrins. Les noms latins sont donc utilisés par la moitié des pérégrins, avec sans doute une majorité légèrement marquée mais moindre que chez les citoyens pour les gentilices, à peu près équivalente pour les cognomina. Ce qui autorise le rapprochement incerti-pérégrins puisque, si certains incerti sont citoyens, ils n’indiquent que leurs surnoms dans l’instrumentum. Les noms indigènes se répartissent sans doute pour moitié en noms celtiques et noms germaniques, avec apparemment une légère prédominance des noms germaniques. (41) Sur la coutume d’avoir de jeunes enfants comme favoris ou favorites, voir saglio, 1892 ; aurigeMMa, 1910. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 115 7. Interprétation Pour aborder l’interprétation sociale et linguistique de l’onomastique des Tongres, il est intéressant de passer par une comparaison. L’onomastique des Trévires a été très travaillée (42) et on y constate une forte proportion d’emploi du latin, tant chez les citoyens que chez les pérégrins. Toutefois la latinisation est fortement imprégnée d’éléments locaux : gentilices patronymiques (y compris le gentilice variable), noms d’assonance et de traduction ; peu de latin venu directement d’Italie. Les éléments indigènes sont essentiellement celtiques avec quelques traces de germanique. La situation sociale est également importante, liée à au statut urbain de la colonie Auguste des Trévires. Colonie ancienne (Auguste ou Claude), latine, vraisemblablement sans apport de population extérieure, la cité a évolué rapidement dans des cadres institutionnels très romains mais favorables aux indigènes et à la diffusion de la citoyenneté. Le nombre de citoyens est considérable et les pérégrins minoritaires. Chez ceux-ci toutefois la proportion de noms indigènes se maintient à hauteur de 50%, ce qui les différencie des citoyens où la proportion de noms latins monte à 65% tant pour les gentilices que pour les surnoms. La situation institutionnelle des Tongres est très différente. Organisés en cité pérégrine, les Tongres montrent de leur propre fait une propension à adopter des noms latins, choix qui se manifeste chez les citoyens (peut-être à la faveur d’un octroi de la citoyenneté à des membres de l’élite) mais également chez les pérégrins, qu’ils soient notables comme les primores cités par Tacite ou dans la population des plus modestes approchée par l’instrumentum. Les Tongres expriment ainsi une volonté de romanisation qui peut avoir favorisé l’octroi du rang de municipe latin au IIe s. Mais cette promotion statutaire est récente et n’a pu avoir d’effet sur l’anthroponymie que tardivement. Si on y rencontre aussi des cas de “retour” à la dénomination indigène, c’est toutefois relativement rare et l’exemple des trois générations de l’épitaphe du Pannenovenweg (AE 2015, 953), dans le chef-lieu, sans doute dans une famille importante, est typique d’une latinisation rapide. A l’inverse, on peut encore trouver des dénominations uniquement indigènes et très marquées à l’extrême fin du IIe siècle (AE 2004, 939), ce qui indique qu’une frange de la population restait fidèle à ses pratiques identitaires bien après la municipalisation de la cité. En effet, pérégrins et citoyens ne sont pas davantage égaux devant la latinisation des anthroponymes que devant la romanisation civique. Globalement, à travers les deux siècles, les pérégrins restent moins attirés par le latin que les citoyens et un grand nombre d’entre eux conservent des noms indigènes. Si, dans l’ensemble, les Tongres se révèlent très réceptifs au latin, c’est au moment du changement de statut civique que les attitudes divergent le plus nettement, les citoyens romains optant dans le choix de leur gentilice pour une modification plus nette et plus tranchée de leur nomenclature au bénéfice du latin d’importation, avec un abandon progressif des cognomina indigènes au fil des générations. La proportion de gentilices latins monte à 86% ce qui dépasse la situation trévire. On constate aussi qu’à la différence (42) raePsaet-Charlier, 2001a ; 2010-11. 116 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER des Ubiens voisins par exemple, les Tongres ne fabriquent pas, à notre connaissance, des gentilices indigènes très marqués (43) (comme Feldunius, Leubasnius, Friomathinia, ...) et se limitent à des constructions patronymiques latines (comme Maternius, Securinius, Priscinius ou Modestinius) ou à des choix d’assonance (comme Sicinius ou Cassius), le tout dans une assez faible mesure. Si l’on s’intéresse aux caractéristiques du latin utilisé, on voit que l’onomastique des Tongres est plus nettement latine “italienne” comme si le pas était fait directement vers la langue et les noms de “pure” latinité. Il ne faut pas y voir une immigration italienne car la mixité des éléments et l’importance des éléments germaniques montrent que nous avons affaire non à des Italiens mais à des indigènes, d’origines variées toutefois, celtiques et germaniques. Par ailleurs, le recours aux noms d’assonance et de traduction y est plus faible. C’est donc d’un autre type de latinisation qu’il s’agit. Deux explications sont possibles. Soit on suppose que les dénominations locales étaient jugées chez les Tongres trop “barbares” et le souci de “modernité” l’emportait sur l’attachement ethnique. Soit le recours au latin constituait un meilleur élément d’intégration dans la société mêlée (celtique/germanique) qui était celle des Tongres, cité issue, répétons-le, d’un rassemblement de populations différentes. Dès lors se pose la question de la maîtrise des langues indigènes dans la cité. Les Tongres avaient-ils gardé davantage que quelques notions de langues indigènes ? Percevaient-ils couramment la signification des noms indigènes et leurs variantes ? Le balancement entre celtique et germanique dans certains noms explicables par les deux langues (comme Durio ou Bilaucus) avait-il réellement une signification multiculturelle au sein des familles, ou bien le latin vernaculaire égalisait-il la plupart des perceptions ? On constate, par exemple, que les Tongres en garnison à Vindolanda échangent en latin. Il n’y a, en dehors de l’onomastique, aucune trace de l’emploi de langues indigènes dans l’abondante collection des lettres du camp britannique (TVind.). Il est aussi probable que les Tongres commerçaient en dehors de l’Empire avec les Germains avec lesquels ils communiquaient peut-être en langue indigène. Il est bien difficile de résoudre ces problèmes, mais le maintien au minimum de noyaux de langue indigène dans des contextes identitaires bien particuliers comme les anthroponymes ou les théonymes (p. ex. Viradechtis ou Smerturix) indique la persistance d’une conscience ethnique en parallèle à la forte romanisation. 8. Les soldats dans les unités de Tongres Les Tongres ont fourni un nombre important de troupes auxiliaires. Une question militaire difficile est celle du recrutement des unités dites « Tungrorum » au-delà du premier enrôlement. Sans entreprendre une étude complexe de ces unités et leur composition, il est intéressant de se pencher sur l’onomastique des soldats et des gradés afin de mesurer, si tant faire se peut, les proximités ou les divergences dans les pratiques par rapport à la cité (43) Voir raePsaet-Charlier, 2011, tableaux 2, 3, 4. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 117 proprement dite. Le cadre le plus intéressant est celui de Vindolanda (44). Dans ce camp du Mur d’Hadrien des troupes de Bataves (IXe cohorte) et de Tongres (Ière cohorte) (45) se sont succédé dans des espaces de temps bien définis à la charnière des Ier et IIe siècles (46) et la documentation est particulièrement riche (47). La distinction entre les corps de troupes repose sur des arguments archéologiques précis et il est possible de fixer avec une quasi certitude les documents qui relèvent des Tongres et ceux qui émanent des Bataves. L’examen de ces troupes et de leurs cadres (48) donne à penser que s’est prolongée au-delà de la révolte de Civilis la pratique des recrutements internes cohérents avec encadrement par des primores de la cité, tant pour les Bataves que pour les Tongres. Il est donc probable qu’à Vindolanda et à ce momentlà du moins, sinon tous les soldats et les centurions, du moins leur majorité étaient bataves ou tongres (49). De même, dans ce cas, doivent être tongres, les praefecti cohortis : en effet, lorsque la cohorte devient milliaire, ses commandants continuent à recevoir le titre de praefecti et non celui de tribuni. Exception typique des Tongres et des Bataves. Or, pour les Bataves, nous avons connaissance d’un traité ( foedus, societas) les liant à Rome et leur assurant le contrôle du recrutement et le commandement par leurs primores de leurs troupes auxiliaires (50). On pourrait donc en déduire que la situation des Tongres devait être comparable. Si tel est le cas, le fait serait très important d’abord pour la constitution de la civitas elle-même, fondée sur un traité qui aurait réuni les différentes populations concernées (51), mais aussi pour la romanisation et la société des Tongres car ces fonctions de commandant de troupe auxiliaire appartiennent aux milices de la carrière militaire des chevaliers. Probablement des chevaliers de niveau inférieur, n’atteignant pas les procuratèles et combinant leurs postes militaires avec des fonctions municipales (52). Par ailleurs se pose la question de savoir si cette pratique de recrutement cohérent et de commandement ethnique s’est maintenue. Il semble que non car certains commandants de la Ière cohorte des Tongres à la fin du IIe et au IIIe s. ne sont pas tongres, comme par exemple P. Helvius Pertinax (PME H 9) originaire d’Alba Pompeia. (44) Cf. BoWMan, 1994 ; Birley, 2002. (45) holDer, 1982, p. 122-123. (46) Les Tongres séjournent de 85 à 92 et de 105 à 140 : Birley, 2001 ; 2002, 59-76 ; 2011 ; 2013. (47) Nous n’avons pas tenu compte dans nos comptages des graffiti du « vicus » du camp car nombre de personnes étrangères à la troupe ont dû y circuler. (48) stroBel, 1987 ; Birley, 2002, p. 42-48 ; 2013 ; BurnanD, 2005, I, 373-375 ; voir aussi, moins satisfaisant, nouWen, 1995, p. 129. (49) Des indices dans les documents du camp donnent à penser que, dans une faible proportion, des éléments extérieurs se trouvaient parmi les soldats : des allusions dans la correspondance montrent la présence de recrues locales à l’entraînement, de centurions légionnaires, de cavaliers d’une aile etc. (Voir BoWMan, 1994, p. 25-26 ; Birley, 2002, p. 72, 103, 95, 116). (50) taCite, Germ., 29 ; Hist, IV, 12, 2. Cf. raePsaet-Charlier, 1996, p. 262 ; royMans, 2004, p. 195-220 ; raePsaet, 2013, p. 119-120. (51) raePsaet, 2013, p. 143. (52) DeMougin, 1988, p. 636-644 (pour l’époque julio-claudienne). 118 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER Hors de Vindolanda il convient de prendre les indices séparément et avec beaucoup de prudence. Nous tenterons de repérer les arguments qui plaident éventuellement pour une origine tongre. Une difficulté doit être soulignée : la question du statut juridique des centurions de Vindolanda. Ils sont toujours dénommés par un seul élément mais bien précisés du signe 7. Sont-ils des pérégrins comme les soldats de la troupe (53) ? Ou sont-ils des citoyens comme les centurions légionnaires ? Ceux qui sont connus par des sources autres que les tablettes du site sont cités en tant que citoyens avec les tria (duo) nomina (54). Les diplômes militaires des troupes auxiliaires n’apparaissent pas comme accordés à des soldats pérégrins qui seraient centurions (55), or il est impossible que, dans le cas de figure de centurions pérégrins, ils n’aient pas reçu la citoyenneté en fin de service. De plus il me paraît difficile que, dans l’encadrement de la cohorte, il n’ait pas existé une hiérarchie des statuts personnels (pérégrin, citoyen, chevalier) en parallèle avec la hiérarchie militaire (soldats, principales (56), centurions (57), préfet). Il m’a donc paru possible de considérer tous les centurions comme des citoyens dont on ne connaît que le surnom lorsqu’ils sont cités sur les tablettes, la mention explicite de leur centurionat suffisant à donner et le grade et le statut. On en rapprochera la formule standard d’identification d’un soldat : X de la centurie de Y (cognomen) (58). On pourrait objecter que, dans un certain nombre de cas, des citoyens avérés sont mentionnés avec gentilice et que donc les centurions nommés uniquement par un nom seul sont pérégrins. Toutefois l’argument ne me semble pas valable car si la plupart des soldats - qui doivent être pérégrins - sont cités par leur idionyme, certains sont précisés par leur patronyme (59). Il n’y a donc pas de règle précise pour la manière de citer les militaires à Vindolanda, dans la mesure où la plupart des textes que nous avons retrouvés ne sont pas des documents officiels de dénomination des troupes mais des tablettes de vie quotidienne qui n’avaient pas vocation à (53) C’est l’opinion d’A.R. Birley (2002, p. 46-47) ; A.K. BoWMan (1994, p. 58-59) ne se prononce pas. (54) Par exemple RIB 1982 ; 1983 ; 3364. (55) Exception : CIL XVI 103 ; d’autre part un ordinatus (cf. DoMaszeWski, 1967, p. 57) de la IIe cohorte des Tongres est un pérégrin au début du IIIe s. (RIB 2115). (56) Sur les principales et immunes de Vindolanda, certains citoyens romains, voir Birley, 2002, p. 47 ; cf. DoMaszeWski, 1967, p. 56-59 ; Breeze, 1974, p. 278-286 (peu de pérégrins apparaissent dans les exemples cités dans cette étude). (57) Une lettre en contexte Batave (TVind. I 255) envoyée par un simple centurion, s’adresse à son préfet Cerialis comme « à son frère » (domine frater carissime). Il devait donc faire partie de l’élite batave (cf. Birley, 2002, p. 101). Serait-il possible qu’un tel personnage ait dû côtoyer dans sa fonction des collègues simples pérégrins ? D’autre part, les principales sont de grade inférieur aux centurions et la promotion vers ce poste est une ambition importante d’avancement après des années de carrière (Breeze, 1974, p. 285-286 et 288). Ceux d’entre eux qui étaient citoyens romains auraient donc été de statut juridique supérieur à celui des centurions qui étaient leurs supérieurs hiérarchiques ? (58) Un exemple parmi des centaines AE 2005, 924 à Vindolanda : Peregr(i)ni (centuria)Can(didi). (59) Voir tableau. On notera par exemple que le légat Iulius Ferox est indiqué sous la forme réduite « officio Ferocis » à propos des singulares legati, dans une tablette (TVind II 154). L’indication « legati » indique le grade de Ferox sans que le gentilice Iulius soit précisé. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 119 devenir des listes de soldats à valeur historique. Il reste que cette question des centurions des troupes auxiliaires n’est pas claire et qu’elle réclame une étude approfondie et détaillée de la part des historiens militaires. D’autres corps de Tongres ont séjourné en Bretagne. Notamment la IIe cohorte pour laquelle nous avons la preuve que des Tongres y figuraient puisque le pagus Condrustis y est nommément cité (60). Mais à ses côtés, à la même époque, sous le même préfet, se trouvaient le pagus Vellaus (61) qui devait être un pagus des Bataves (cf. Veluwe), et aussi des cives Raeti (62). On ne peut donc pas prendre directement tous les noms que les sources nous procurent comme des noms de population tongre (63). Aussi ai-je choisi de traiter à part les soldats des unités de Tongres pour lesquels nous avons une forte raison de penser qu’ils faisaient bien partie du recrutement de la civitas. Sans les amalgamer à la population propre de la cité ni aux soldats explicitement dits tongres dans d’autres armées. Il est probable en effet que cette précision ethnique ne figurait habituellement pas dans la nomenclature des soldats lorsqu’on se trouvait dans une unité de la même dénomination, à moins de vouloir ajouter une différenciation régionale (64). Une comparaison sera intéressante et la proximité ethnique, linguistique ou nominale ajoutera des éléments d’appréciation à notre perception de l’onomastique des Tongres, sans pour autant oser les intégrer à la base de données proprement dite. Les degrés de probabilité de l’appartenance ethnique aux Tongres étant variables, il m’a paru prudent de traiter séparément différentes catégories de militaires : - les soldats, pérégrins, de Vindolanda, les plus probablement tongres ; les citoyens qui apparaissent sur les tablettes dans le même contexte ; les officiers ; les centurions peut-être citoyens (tableau V). - les soldats, pérégrins, des autres unités de Tongres, en Bretagne et dans l’empire ; leurs officiers en Bretagne (tableau VI). Pour les soldats hors de Bretagne, il apparaît nettement qu’il y a eu des recrutements locaux et il est impossible et non pertinent d’envisager tous les hommes. N’ont été retenus qu’un petit nombre de personnes pour lesquelles l’onomastique donne à penser qu’ils pourraient être tongres. Autrement dit, pour cette courte catégorie de personnages, on n’est pas loin de la pétition de principe. C’est une raison supplémentaire de considérer ces soldats avec grande précaution, sans pour autant négliger leur apport par excès de prudence. (60) (61) (62) (63) (64) RIB 2108 ; cf. haynes, 2013, p. 251. RIB 2107. RIB 2100. Sur ces questions de recrutement voir haynes, 2013, p. 127. Un Bessus dans une unité de Thraces : CIL XIII 7585. 120 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER A) Vindolanda. Tableau V : Vindolanda Les pérégrins (parmi eux sans doute quelques esclaves ?) nom référence nom référence nom référence Acisius ? C BIRLEY, 2001, 254 Acranius C TVind II 181 Adventus L TVind IV, 2, 875 Agilis LAG TVind II 184 Albinus LA TVind II 161 ; IV, 1, 861 Albiso G (esclave ? de Verecundus) TVind II 303 Alio I veterinarius TVind II 181 Amabilis L TVind II 180 ; III 589 Amba[chtus ?] C TVind III 580 Ammius G TVind II 184 Andangius G inédit Annius LA BIRLEY, 2001, 254 Arcanus LAC TVind II 162 Atrectus ? C TVind IV, 1, 861 Audax LAG (esclave ? ) TVind II 186 ; III, 590 Billo C BIRLEY 2001, 254 Butimas G TVind II 184 Caledus ? C TVind II 184 Cam[mius ?] I TVind IV, 2, 876 Candidus L TVind II 180 ; 181 ; III 705 Candidus L TVind IV, 2, 875 Carantus C (père de Fifusius) TVind IV, 2, 875 Celer L TVind II 161 Censor L BIRLEY, 2001, 254 Crescens L TVind II 180 ; IV, 1, 861 Crispus L TVind II 295 Crispus L BIRLEY, 2001, 254 Doriporus grec TVind III 590 Expeditus L TVind II 161 Favius G ? TVind III 580 Festus L TVind II 161 Fidelis L BIRLEY 2001, 254 Fifusius Caranti f. I TVind IV, 2, 875 Fraternus L BIRLEY, 2001, 254 Fratto G TVind III 590 Furio Stiponis f. G TVind II 184 Fuscus L TVind II 161 Gambax Tapponis f. G TVind II 184 Geu[-]us I TVind IV, 1, 861 Goua[-] I TVind IV, 1, 861 Gracilis L (esclave ?) TVind II 186 Gramaseus I TVind II 451 Ha[-] G TVind IV, 2, 875 Huepnus G TVind II 184 Ianuarius L TVind III 580 Ingenua LTG (femme) TVind III 642 Ingenus LTG TVind II 181 Liber(ius ?) LTG TVind IV, 1, 861 121 ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES Lucco C TVind II 180 Lucius LAC TVind II 184 Macrinus L TVind II 180 Mada[l-] G TVind IV, 2, 875 Mansuetus L TVind III 580 Maturus ? LAC TVind IV, 2, 888 Messor LAC TVind II 184 Minco I (père de Neuvassius) TVind IV, 2, 875 Natalis L TVind II 312 Necalames G TVind IV, 1, 861 Neso ? I TVind IV, 1, 861 Neuvassius Minconis f. G TVind IV, 2, 875 Optatus L TVind III 647 Pacata LAG (femme) TVind II 353 Primus LTC (esclave ?) TVind II 180 ; 181 Romanius L TVind III 642 Rufinus L TVind II 160 Settius I TVind II 161 Sido G TVind IV, 2, 875 Similis LAG (esclave ?) TVind II 186 Spectatus L TVind II 180 Stipo I (père de Furio) TVind II 184 Tagamas C/G TVind II 181 Tagarannis C/G TVind II 184 Tagomas C/G TVind IV, 1, 861 Talampus I inédit Tappo C (père de Gambax) TVind II 184 Tetricus I TVind II 181 Trou[cillus ?] C TVind IV, 2, 875 Tullio G TVind II 184 Tullio G TVind IV, 1, 861 Uxperus C TVind II 184 Valentinus L BIRLEY, 2001, 254 Vedavo C/G TVind IV, 2, 875 Verecundus LAC TVind II 161 Verrinus ? G TVind IV, 1, 861 Victor LAC TVind IV, 1, 861 Viriccius C TVind II 312 Vitalis L balniator TVind II 181 Les citoyens Amandius Cessaucius Nigrinus (C + L) RMD II 97 duplicarius TVind II 312 ; IV, 2, 875 Cessius Fin[-] (C + L ?) TVind II 494 M. Cocceius Velox (L imp + L) TVind II 352 Felicius Victor (L patr + LAC) TVind II 180 Flavius Italicus ? (L imp + L) TVind III 647 Gabinius Aprio (L + LAC) TVind III 642 Iulius Igelius (L imp + C ?) BIRLEY, 2001, 254 Macrinius Iustus (L patr + L) BIRLEY, 2001, 254 ? Sequentinius signifer BIRLEY, 2001, 254 122 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER Les officiers Iulius praefectus Verecundus TVind II 154 ; 85-92 IV, 1, 857 etc. BURNAND 128 E105 PME I 137bis [Flavius ?] Priscinus Varia, son épouse TVind II 295 etc. TVind III 639 BIRLEY, 2011, p. 269. PME P 130ter praefectus Pacata citée pourrait être comme une épouse pérégrine d’officier 105-120 TVind II 353 Les centurions T. Annius [-] L RIB 3364 ? Firmanus L TVind III 590 Fortunatus 7 L TVind II 351 Frumentius 7 L TVind II 160 Ianuarius 7 L TVind IV, 1, 861 Senecio ? 7 LAC BIRLEY, 2001, 254 Tullio 7 G TVind II 184 Ucen(i)us 7 C/G TVind II 184 Voturius 7 L TVind II 180 Les incerti Firmanus L TVind III 590 Montanus L BIRLEY, 2001, 254 Picatus (Auspicatus ?) L BIRLEY, 2001, 254 Sollemnis LA BIRLEY, 2001, 254 Examinons tout d’abord le contenu des tablettes de Vindolanda qui traitent de la Ière cohorte des Tongres. Si l’on examine les tableaux des différents noms qui ont pu être relevés, on constate que presque la totalité des citoyens romains, ou des supposés citoyens, portent des noms latins, à peine touchés par une assonance. Seuls Cessius et Cessaucius portent des gentilices celtiques. On retiendra tout particulièrement Iulius Verecundus (65), préfet de la cohorte pendant le premier séjour, chevalier romain, sans doute issu de l’aristocratie tongre, qui porte le gentilice Iulius déjà relevé pour C. Iulius Viator de la même époque flavienne et pour lequel nous avons suggéré une position dans l’élite, peut-être même un poste d’officier. Le surnom Verecundus est un des plus fréquents exemples d’assonance celtique (66). Soit une dénomination qui convient parfaitement à un Tongre. Les deux Iulii pourraient être parents et témoigner d’une famille de l’élite tongre au Ier siècle. Le second officier (67), Priscinus, pour lequel on peut peut-être désormais (68) proposer le gentilice (65) (66) (67) (68) BoWMan, 1994, p. 55-56 ; Birley, 2002, p. 121-122. leFeBVre, 2001. BoWMan, 1994, p. 56 ; Birley, 2002, p. 152-155. TVind. Inv. T 03-16A (Birley, 2011, p. 269). ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 123 Flavius, commandait lors du second séjour ; il porte un cognomen qui se rencontre dans la cité. Ces deux commandants montrent que la société de la cité des Tongres pourrait avoir compris dès le premier siècle des membres de la seconde noblesse d’empire, rejoignant en cela la cité des Bataves où sont reconnus des Iulii (dont Civilis et Briganticus (69)), des Claudii (notamment Claudius Labeo (70)) et des Flavii (71) (Cerialis notamment), chevaliers. Si les citoyens sont porteurs de noms latins, par contre les pérégrins montrent une plus nette onomastique indigène. Sur 87 noms, on compte certes 41 noms latins (soit 46%) mais aussi 17 germaniques, 12 celtiques, 4 celtiques ou germaniques et 12 indigènes indéterminés (soit 53% de noms indigènes) sans oublier un nom grec. Les esclaves (72) potentiels portent des noms qui ne les différencient pas des soldats, un nom germanique Albiso, 4 noms latins, Audax, Gracilis, Primus et Similis, à savoir deux noms assonants germaniques et un nom de traduction celtique. On remarquera que parmi les noms des pérégrins figurent 4 noms avec patronymes. Dans un cas l’analyse linguistique des anthroponymes montre une probable famille multiculturelle puisque le nom du père est celtique, Tappo, et celui du fils germanique, Gambax. Dans les autres cas on ne peut se prononcer car il y a trois noms indéterminables, Minco, Stipo et Fifusius. Les pères n’illustrent pas l’onomastique des soldats mais bien celle des Tongres. On comparera ce résultat avec celui auquel est parvenu en 2001 Anthony Birley (73) qui comptait 70 % de noms latins pour 30 % de noms indigènes. Or si l’on comptabilise tous les noms tongres de Vindolanda sans tenir compte des statuts ni des éléments indéterminables on parvient à un résultat également différent : 58% de noms latins, 42% de noms indigènes. Il faut donc admettre que les nouvelles éditions de tablettes ont notablement enrichi le dossier des noms indigènes du côté des pérégrins. Globalement les résultats de la recherche onomastique appliquée à Vindolanda aux soldats et cadres de la Ière cohorte des Tongres se rapprochent donc nettement des comptages obtenus au départ des noms attestés dans la cité : importante latinisation, surtout des citoyens, noms indigènes de même nature et dans une proportion comparable. L’hypothèse d’une cohérence ethnique maintenue au-delà de la révolte de Civilis semble donc bien confirmée. On pouvait déjà le supposer, tant pour les Bataves que pour les Tongres, au départ des études d’Anthony Birley (74) mais l’enrichissement progressif de la documentation appuie l’interprétation. En outre le renforcement de l’hypothèse donne à penser que l’autre élément de la reconstitution, à savoir le caractère de « notables tongres » des préfets sort également raffermi de l’étude onomastique et par voie de conséquence celle de l’existence d’un traité ayant organisé la civitas Tungrorum à l’époque d’Agrippa ou de Drusus. (69) PME I 45; I 35 ; BurnanD 107 E 87 ; 105 E 85. (70) PME C 150 ; BurnanD 104 E 84. (71) Ce gentilice des officiers bataves serait dû aux Flaviens en récompense d’une fidélité romaine pendant la révolte (cf. PME F 43bis ; cf. BurnanD 118 E 97, 119 E 98 ; 120 E 99 ; Birley, 2011, p. 272-273). (72) Birley, 2002, p. 145-146. (73) 2001, p. 253. (74) 2001 et 2011. 124 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER B) Si l’on quitte Vindolanda, quelques éléments peuvent être retenus de l’examen des soldats des cohortes et aile de Tongres stationnées en Bretagne. Tableau VI. Troupes de Tongres hors Vindolanda Bretagne Ière cohorte des Tongres, milliaire Hurmius Leubasni filius beneficiarius praefecti RIB 1619 Housesteads 201-212 P. Aelius Modestus praefectus coh. I. Tungr. mil. RIB 1580 Housesteads IIe/IIIe s. PME A 49 Q. Florius Maternus praefectus coh. I Tungr. RIB 1578 ; 1591 Housesteads IIe s. PME F 86 Q. Iulius Maximus praefectus coh. I Tungr. RIB 1584 Housesteads IIe s. PME I 85 Q. Iulius [-]sus praefectus coh. I Tungr. RIB 1585 Housesteads IIIe s. PME Inc 116 (cf. I 85) Paternius [-] commandant (sd praef.) coh. I Tungr. [mil.] RMD II 97 146 PME P 15bis Q. Verius Superstis praef. coh. I Tungr. mil. RIB 1586 Housesteads IIIe s. PME V 70 Anicius Ingenuus medicus ordinarius RIB 1618 Housesteads IIIe s. IIe cohorte des Tongres, c. L. Albius Severus praefectus coh. II Tungr. c. L. RIB 1981 Castlesteads 160-190 PME A 98 Aurelius Optatus praefectus coh. II Tungr. c.L. RIB 1982 Castlesteads 1ère moitié IIIe s. PME A 247 Ti. Claudius Claudianus praefectus coh. II Tungr. Gordiana eq. RIB 1983 Castlesteads 241 PME C 131 P. Aelius Martinus princeps coh. II Tungr. c. L. RIB 1983 Castlesteads 241 Messius Opsequens princeps coh. II Tungr. c.L. RIB 1982 Castlesteads 1ère moitié IIIe s. P. Campanius Italicus praefectus coh. II Tungr. RIB 2094 Birrens IIIe s. PME C 70 G. Silvius Auspex praefectus coh. II Tungr. mill. c. L. RIB 2104 Birrens IIIe s. PME S 53 Frumentius miles coh. II Tungr. RIB 2109 Birrens IIIe s. Afutianus Bassi f. ordinatus coh. II Tungr. RIB 2115 Birrens début IIIe s. 125 ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES Ala Tungrorum Valerius Nigrinus duplicarius alae Tungr. RIB 2140 Birrens Olus decurio alae Tungr. AE 2005, 915 Papcastle Asper decurio alae Tungr. AE 2005, 917 Papcastle IIIe s. hors de Bretagne Ala Tungrorum Frontoniana Reburrus Frattonis f. eques alae Fronton. AE 1963, 49 Bonn julio-claud. Lobasinus decurio alae Fronton. III 3400 Tétény 80-100 Tout d’abord, la même cohorte mais cantonnée à Housesteads aux IIe-IIIe siècles. Le titre de praefectus se maintient mais peut-on encore penser que ces préfets sont des primores de la cité ? L’onomastique très neutre ne permet ni d’appuyer ni d’infirmer l’hypothèse. On retiendra simplement que P. Aelius Modestus honore Hercule, dieu important chez les Tongres (75) ; Paternius porte un gentilice patronymique qui indique un officier originaire probablement de Gaule ou de Germanie ; quant à Q. Verius Superstis, H. Devijver pensait à une origine germanique sans doute d’après la grande fréquence des éléments de nomenclature dans ces provinces. Le seul indice d’un recrutement encore effectif chez les Tongres (mais avec quelle proportion ?) est le nom d’un soldat, bénéficiaire du préfet, Hurmius fils de Leubasnus, noms germaniques dont le patronyme est typique des Tongres (76). Le médecin Anicius Ingenuus doit avoir été enrôlé en Germanie vu son surnom. On rencontre aussi la IIe cohorte des Tongres (milliaria equitata) (77), avec le même titre de commandement, praefectus. On peut lui attribuer une valeur identique, même si l’onomastique n’est guère parlante. On notera deux gentilices latins patronymiques, Albius et Campanius, caractéristiques des provinciaux occidentaux. Messius, porté par un princeps, est un nomen d’assonance celtique, fréquent en Gaule. Un nom nous intéresse particulièrement : le soldat Frumentius qui porte un nom assez rare et connu chez les Tongres. Nous l’avons dit, cette cohorte comprend assurément des Tongres du pagus Condrustis, mais aussi d’autres origines. Quant à la signification de l’abréviation c.L. en fin de dénomination de la troupe, nous resterons sans la résoudre car « civium Latinorum » longtemps proposé (78) pose le (75) (76) (77) (78) raePsaet, 2013 p. 137-140. Comme le proposait déjà, par exemple, L. Van De WeerD (1936, p. 359). holDer, 1982, p. 123. Par exemple Van De WeerD, 1936, p. 360. 126 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER problème de la non individualisation du droit latin (79), et « coram laudata », celui du caractère exceptionnel d’une telle louange. Le faible volume de la documentation n’autorise aucune conclusion en ce qui concerne l’éventuelle cohérence ethnique, ni dans un sens ni dans l’autre. Mais on peut supposer que les deux cohortes ont été traitées de la même manière par le pouvoir romain, étant donné la même originalité dans le titre du commandant (praefectus plutôt que tribun pour une unité milliaire). L’Ala Tungrorum (80) offre trois noms peu signifiants. Celui de Valerius Nigrinus est neutre mais sa dédicace à Hercule Magusanus, grand dieu des Bataves voisins, pose la question de son origine qu’on a supposée (81) Batave elle aussi. Il n’est toutefois pas exclu qu’il soit Tongre. Ailleurs dans l’Empire c’est l’Ala Frontoniana qui apporte deux éléments, dans une documentation qui atteste une très grande variété de recrutement : on y trouve des Thraces (par ex. CIL IIII 787 ; 789 ; AE 2010, 1362) mais aussi des Bataves, des Boiens, des Triboques. Les deux noms que nous retiendrons sont ceux de Reburrus fils de Fratto, dont le patronyme rencontre un nom de Vindolanda, et Lobasinus, comme nom unique ou comme surnom, une déclinaison de la racine germanique lieb- fréquente dans l’onomastique tongre (82). 9. Noms rares et familles de noms Il est intéressant de souligner que plusieurs noms rares figurent à la fois dans les données issues de la civitas et celles issues du camp de Vindolanda ou des unités de Tongres : Frumentius (3), Viriccius (2), Ucen(i)us (2), Tullio (5). Ces trois derniers noms semblent spécifiques à la cité puisque nous y relevons les seuls usages de ces idionymes ; en ce qui concerne Tullio (à ne pas confondre avec le datif/ablatif du gentilice italien Tullius) on citera aussi un emploi à Cologne (AE 1969/70, 445a) et un soldat de la IIe cohorte des Astures qui stationna en Germanie inférieure entre 7 et 100 (AE 1974, 455) : il pourrait être une recrue tongre ; Coelius Tullio, missicius de la légion XIV Gemina en Pannonie supérieure, avait peut-être séjourné en Germanie (CIL III 14355, 14). En ce qui concerne Viriccius (celtique cette fois) on adjoindra dans la même perspective une estampille sur tèle provenant d’Anthée, soit une céramique de fabrication assurément locale (CIL XIII 10006, 62b, lecture Schuermans). (79) WolFF, 1976 ; il était tentant de rapprocher cette appellation de la formule bien connue « civium Romanorum » appliquée à des troupes auxiliaires. Mais si la date d’apparition de c.L. au IIe siècle semble coïncider avec l’octroi du droit Latin à la cité, on ne comprend pas pourquoi les autres unités tongres n’ont pas bénéficié d’une telle qualification puisque le droit latin n’est pas accordé à des individus mais à une communauté. Il reste un élément d’explication qui nous échappe. (80) holDer, 1982, p. 111. (81) horn, 1970, p. 236. (82) Cf. alFölDy, 1968b, p. 38-40. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 127 Est également significative des usages anthroponymiques de la cité et de la région la pratique des déclinaisons de noms sur un même lexème indigène (83). Dans le cas présent on citera : - sur lieb- « amour » : Leubasnus, Leubasna, Lubainis, Lubait, Lobasinus, sans doute Lifthina et le latin assonant Libo ; dans la province aussi Louba, Leubo, Laubasnius, Laubasnianus ; - sur frei- « libre » : Freio, Friatto, Fratto, Freioverus, et les latins de traduction Ingenuus et Liberius ; dans la province aussi Friannius, Friattius, Freiania, Friomathinia ; - sur amma- « mère, nourrice » ; Ammius, Ammia, Ammausus, Amma, Ammaca, Ammonius ; dans la province aussi Ammus, Amminius, Ammo, Ammacius, Ammodius, Ammalenus, Ammiatius ; - sur niwi- « nouveau » : Neuto (84) , Neutto, Neuvassius, cf. Nevitta (85) ; - ainsi que plusieurs noms sur Tag/Dag, celtique ou germanique : Tagamas, Tagomas, Tagarannis (ou Tagarminis), Tagausus, Tausius. Cette manière de composer les noms apparaît surtout en milieu germanique, mais des dérivations existent aussi en latin (Placidinus fils de Placidus par exemple). 10. Quelques personnages problématiques Avant de conclure, il faut citer pour mémoire trois personnages qui pourraient être tongres mais que nous n’avons pas retenus. T. Aurelius Flavinus, attesté à Oescus en Mésie inférieure (CIL III 14416) au début du IIIe siècle, inscrit dans la tribu Papiria, serait bouleute de diverses cités dont celle « Tungrorum ». S’agit-il de notre civitas, ou d’une civitas plus ou moins homonyme dans les régions danubiennes ou pontiques ? La tribu, italienne, africaine, danubienne surtout, semble exclure le personnage de notre documentation. Son surnom, variante germanique de Flaus, Flavus, pourrait plaider en faveur d’une origine rhénane, mais il est toutefois trop répandu pour être déterminant en dehors d’un contexte spécifique. Sa carrière militaire a suscité de nombreuses études et hypothèses. Récemment F. MateiPopescu (86) est revenu sur la question et ne semble pas mettre en doute le fait que le personnage ait été, à un moment de ses périples dans l’Empire, décurion à Tongres. Il me paraît toutefois qu’il devait s’agir là d’une fonction (83) raePsaet-Charlier, 2011, p. 211. (84) Attesté sur un graffito de Housesteads remontant à une période où y stationne la cohorte I Tungrorum (RIB II, 8, 2503, 355 ; Birley, 2011, p. 270), ainsi que sur un graffito du vicus de Vindolanda, également NEVTO (AE 2005, 941). (85) Flavius Nevitta, magister equitum puis consul au IVe siècle, d’origine « barbare » selon Ammien Marcellin (XXI, 10, 8). (86) Matei-PoPesCu, 2014, p. 184. 128 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER peut-être honorifique accordée à un étranger (87), sans que le personnage ne soit un Tongre d’origine. Des autels de Nehalennia provenant du sanctuaire de Colijnsplaat dont on sait que les dévots sont issus de nombreuses régions accessibles par la mer et par les fleuves, ont été étudiés du point de vue du support : il s’agit de calcaire mosan ou de calcaire de l’Eifel (88). Il est donc envisageable que les dédicants de ces autels soient des habitants de la région mosane qui a livré et transporté ces types de matériau, donc des Tongres. Tout particulièrement deux d’entre eux qui portent des noms germaniques plutôt rares et connus en pays tongre (à Celles et à Theux). Ils se dénomment Neuto Lucani filius (AE 1975, 644) et Freio Palusonis filius (AE 1997, 1164). Les patronymes sont moins explicites, Lucanus est un nom latin fréquent, éventuellement assonant celtique, et Paluso un unicum, indigène indéterminé. L’hypothèse n’est donc pas impossible puisque par ailleurs on connaît des nautes tongres (donc mosans) installés à Vechten sur le Rhin (CIL XIII 8815) qui honorent Viradechtis, la déesse protectrice du pagus Condrustis. Le critère m’a paru insuffisant et ils n’ont pas été comptabilisés parmi les noms tongres. Il aurait d’ailleurs fallu aussi intégrer d’autres noms, moins caractéristiques, sur d’autres autels (89), ce qui aurait multiplié les cas sur la seule base géologique. Le rappel de ces noms montre qu’il y a toujours une part de subjectivité dans l’établissement d’une base de données : ces exemples ont été rejetés alors que le centurion T. Flavius Hospitalis a été conservé de même que les noms sur les cachets d’oculiste. En rappelant les exclus en fin d’étude, il est possible de les intégrer si cela devait être jugé utile. 11. Conclusion Au départ d’une documentation riche de 266 personnes, étoffée par l’instrumentum (au moins partiel), et des tablettes de Vindolanda (113 noms) – les éléments militaires autres semblant trop fragiles pour être intégrés –, il paraît possible de brosser un bref tableau de l’onomastique de la cité des Tongres, voire même de la composition de la société. Les élites des origines semblent avoir été pour une bonne part pérégrines, si on interprète correctement la stèle du Pannenovenweg avec la mention du grand-père Cara(n)tus, même si un certain C. Iulius Viator est apparu récemment à l’époque flavienne. Des familles de cette époque, que Tacite qualifie de « primores », sont toujours dépourvues de la citoyenneté, ce qui explique, peut-être, leur implication dans la révolte des Bataves. Les citoyens romains ne semblent pas très nombreux au (87) On peut proposer, exempli gratia, une comparaison avec un cas de Gaule Narbonnaise plus clairement documenté. Un certain Messius, magistrat de Béziers, a été décurion à Narbonne (CIL XII 4402). On peut l’expliquer par une adlectio dans l’ordo (à ne pas confondre avec une adlectio dans le corps civique), une nomination spéciale par décret décurional pour services exceptionnels rendus à la cité (langhaMMer, 1973, p. 199-200 et n. 75-76 ; voir aussi ruPPreCht, 1975, p. 64-65). (88) anDerson & groessens, 1996. (89) AE 1973, 380 = 1975, 641 ; 1975, 642. ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES 129 Ier siècle, mais leur nombre augmente au fil du temps et la famille des Sicinii de Namur affiche son statut et sa richesse à la charnière des deux siècles. Toutefois globalement la proportion de pérégrins paraît supérieure à celle des citoyens jusqu’en 212. Par ailleurs, comme on voit étayée par les résultats globaux de l’étude onomastique des militaires de Vindolanda, l’hypothèse définie ci-dessus que les praefecti commandant les cohortes (milliaires) de Tongres, au moins à la fin du Ier siècle en Bretagne, sont bien des primores de la civitas sur le modèle des élites bataves, jouant un rôle non négligeable dans la défense militaire de l’Empire, on met aussi en lumière au Ier siècle une strate sociale dirigeante significative touchant à l’ordre équestre, ce qui replace la cité dans une situation sociale proche de celle de ces voisins. On ne peut pas définir les cadres municipaux en l’absence de données suffisantes mais on retiendra que les deux personnages connus, l’édile Gracileius et le sévir Modestinius, portent des gentilices de formation patronymique typiques de l’accès à la citoyenneté par le biais du droit latin. Lequel droit latin fut accordé au plus tard au IIe siècle avec le statut de municipium. En outre les chevaliers préfets de cohorte ont peut-être/sans doute assumé aussi des magistratures locales comme souvent. Le seul décurion connu est un étranger. On complétera ce tableau social par quelques remarques concernant les esclaves et les affranchis. De manière assurée, ils ne sont guère représentés dans la documentation. Toutefois des indices montrent que cette rareté est sans doute une apparence. Ainsi le seul magistrat municipal connu est associé dans son épitaphe, de manière très classique, à un dépendant explicite, l’affranchi Quintus. Il est probable que cette mention reflète une coutume courante et que, si nous disposions d’autres sources comparables, des affranchis – donc des esclaves – apparaîtraient. Un autre affranchi possible, Ursus, ne peut malheureusement pas nous informer davantage vu le caractère fragmentaire de l’inscription. Sans doute aussi certains incerti issus de l’instrumentum sontils des esclaves et des affranchis à l’instar de Lydius (Cydius) de Liberchies. Enfin ce qui paraît plus exceptionnel c’est la présence d’une delicata attachée à une famille de Namur, pratique de « grande maison », et qui pourrait montrer une familiarité plus grande avec l’esclavage que ce qu’on pense généralement en raison d’une faiblesse documentaire patente (90). On notera que leurs noms ne sont pas tous typiquement grecs mais latins. Du point de vue de l’histoire militaire, l’étude complète de l’onomastique des Tongres tend à confirmer que les troupes auxiliaires dites « de Tongres », au moins les deux cohortes de Bretagne, ont continué à connaître un certain temps un recrutement tongre uniforme comme on l’a proposé sur la base de l’usage différent des titres de commandement, étant donné qu’il serait véritablement improbable qu’une troupe à l’enrôlement mélangé donne un résultat d’analyse aussi proche. Sur le plan de l’anthroponymie, la latinisation de la population, indigène mixte à l’origine, est un phénomène bien implanté et en développement surtout chez ceux qui bénéficient de la citoyenneté romaine. Les langues indigènes toutefois se maintiennent chez les pérégrins jusqu’en 212 et parfois au-delà chez des citoyens attachés à l’identité locale. Le jeu des assonances et des (90) Pour un tableau rigoureux de nos connaissances sur l’esclavage en Germanie, voir aMiri, 2016. 130 MARIE-THÉRÈSE RAEPSAET-CHARLIER traductions qui rendent la latinisation plus proche des populations régionales n’est pas très employé, le « pas » se faisant apparemment directement vers un latin d’origine italienne. Comme il a déjà été suggéré, cette attitude s’explique peut-être par une volonté d’unification, de complément d’ethnogenèse, des diverses peuplades qui ont été réunies par les Romains pour créer la civitas Tungrorum, le latin vernaculaire s’imposant de plus en plus comme langue commune. 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ONOMASTIQUE ET SOCIÉTÉ EN CITÉ DES TONGRES Légende des tableaux Les références sans recueil exprimé renvoient au CIL (XIII). C : celtique G : germanique I : indigène indéterminé L : latin LA : latin assonant LT : latin de traduction GRM : Gallo-Romeins Museum (Tongeren) 135