DICTIONNAIRE
DES
PHILOSOPHES ANTIQUES
publié sous la direction de
RICHARD GOULET
V
de Paccius à Rutilius Rufus
VB
de Plotina à Rutilius Rufus
C. N. R. S. ÉDITIONS
15, rue Malebranche, 75005 PARIS
2011
16
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Henri HUGONNARD-ROCHE
C.N.R.S. (Villejuif)
P 61 ; 263 ; 283.
Katerina IERODIAKONOU
Université d’Athènes
P 312.
Frédérique ILDEFONSE
C.N.R.S. (Villejuif)
P 195.
Giovanni INDELLI
Università di Napoli Federico II
P 142.
Maijastina KAHLOS
University of Helsinki –
Collegium for Advanced Studies
Helsinki
P 274.
François KIRBIHLER
Université de Nancy 2
P 206 ; 224 ; R 12.
Inna KUPREEVA
Université d’Edinburgh
P 217.
Marie-Luise LAKMANN
Institut für neutestamentliche
forschung, Münster
Text-
R 5.
Jörn LANG
Université Leipzig – Institut für Klassische
Archäologie und Antikenmuseum
P 40 ; 195 ; 205 ; 267.
Alain LE BOULLUEC
École pratique des Hautes-Études – Ve
section.
P 15 ; 31 ; 187 ; 188.
Georges LEROUX
Université du Québec à Montréal
P 195.
Francesca LONGO AURICCHIO
Università di Napoli Federico II
P 142.
Concetta LUNA
Scuola Normale Superiore di Pisa
P 209 ; 292.
Constantin MACRIS
C. N. R. S. (Villejuif)
P 2 ; 19 ; 42 ; 44 ; 71 ;
89 : 96 ; 98 ; 99 ; 103 ;
169 ; 170 ; 178 ; 180 ;
212 ; 215 ; 219 ; 234 ;
264 ; 287 ; 299 ; 307 ;
341 ; R 3 ; 4.
72 ; 73 ; 77 ; 81 ; 86 ;
109 ; 141 ; 160 ; 168 ;
181 ; 182 ; 183 ; 185 ;
238 ; 240 ; 244 ; 263 ;
308 ; 313 ; 328 ; 337 ;
Munich, Glyptothek, Inv. 548 : Buste de Platon type Boehringer
(copie d’époque romaine d’un original du milieu du IVe siècle av. J.-C.).
Naples, Musée National, Inv. 6142 : Buste de Posidonius (copie d’époque
augustéenne d’un original de la première moitié du Ier siècle av. J.-Chr.).
(Photo D-DAI-ROM-62.0860)
160
PARMÉNIDE D’ÉLÉE
P 40
Iconographie
Le portrait de Parménide semble avoir été transmis de façon sûre d’abord par
un hermès avec une tête encastrée retrouvé à Marina di Ascea (Inv. 43511). En
effet on a découvert en 1962 à Vélia (l’ancienne Élée) dans la cour antérieure du
complexe architectural de l’insula II un hermès qui portait les lettres grecques
ΠΑ[Ρ]ΜΕΝEΙΔΗΣ ΠΥΡΗΤΟΣ / ΟΥΛΙΑΔΗΣ ΦΥΣΙΚΟΣ (1 L. Vecchio, Le iscrizioni
greche di Velia, Wien 2003, p. 81-86, n° 21, fig. 43 et 44 ; 2 J.-P. Morel, « “Oulis”,
de Velia à Olbia de Provence et à Marseille », dans I. Berlingo et al. [édit.],
Damarato. Studi di antichità classica in onore di Paola Pelagatti, Milano 2001,
p. 336-340). Cette trouvaille fut complétée en 1966 par la découverte d’une tête
représentant un personnage barbu (3 M. Fabbri et A. Trotta, Una scuola-collegio di
età augustea, Roma 1989, p. 74 sq., 102-104, n° 15, pl. 57-62) s’y insérant parfaitement et qui devait donc originellement lui appartenir (4 H. Jucker, « Zur Bildnisherme des Parmenides », MH 25, 1968, p. 183 ; 5 G. Greco et F. Krinzinger [édit.],
Velia. Studi e ricerche, Modena 1994, p. 43-47 n. 83, fig. 54 ; 6 J. Frel, Greek
Portraits in the J. P. Getty Museum, Los Angeles 1981, p. 32 sqq., fig. 81 ; les
doutes exprimés par 7 V. Kruse-Berdoldt, Kopienkritische Untersuchungen zu den
Porträts des Epikur, Metrodor und Hermarch, Diss. Göttingen 1975, p. 74, ne sont
pas justifiés).
C’est pourquoi, on considéra dans un premier temps que cet hermès transmettait une image authentique de Parménide (comme l’a reconnu Jucker 4, p. 181185, qui toutefois signalait déjà la dépendance par rapport au portrait de Métrodore
[➳M 152]). Cependant, le portrait reproduit sur cet hermès ne conserve, en aucune
manière, la véritable image du philosophe. Grâce à une comparaison des motifs
très caractéristiques du front et de la barbe, la tête appartenant à l’hermès de Vélia
doit plutôt être considérée comme une copie du portrait du philosophe épicurien
Métrodore de Lampsaque, dont le type peut être identifié de façon certaine par des
répliques qui comportent des inscriptions (Kruse-Berdoldt 7, p. 73 sq., n° M 21).
L’association de l’hermès portant le nom de Parménide avec le type iconographique de Métrodore s’explique probablement par le fait que les copistes
n’avaient pas à leur disposition de modèle pour le portrait de Parménide (Jucker 4,
p. 184) et qu’ils ont utilisé à sa place un des portraits qu’ils avaient dans leur répertoire. C’est ainsi qu’ils ont créé par cet amalgame le portrait fictif du célèbre philosophe de leur cité, lequel a pris place, en compagnie d’autres hermès identifiés par
des inscriptions, dans le complexe architectural que l’on peut vraisemblablement
considérer comme le siège d’un collège de médecins (8 L. Vecchio, « Medici e
medicina ad Elea-Velia », dans G. Greco [édit.], Elea-Velia. Le nuove ricerche,
Pozzuoli 2003, p. 238 sq.).
Cf. 9 Richter, Portraits Suppl., p. 5, fig. 455a-b ; 10 G. M. A. Richter, The
Portraits of the Greeks, éd. abrégée par R. R. R. Smith, Oxford 1984, p. 171 sq.,
fig. 134 ; 11 L. A. Scatozza-Höricht, Il volto dei filosofi antichi, Napoli 1986, p. 75,
fig. 23 ; 12 Schefold, Bildnisse p. 230 sq., 512 sq., n° 123 ; 13 A. Stähli, « Orna-
P 42
PARM(ÉN)ISCOS DE MÉTAPONTE
161
mentum Academiae. Kopien griechischer Bildnisse in Hermenform », dans
T. Fischer-Hansen et al. (édit.), Ancient Portraiture. Image and Message, Kopenhagen 1992, p. 158 sq., fig. 9 ; 14 D. Boschung, Gens Augusta. Untersuchungen
zur Aufstellung, Wirkung und Bedeutung der Statuengruppen des julischclaudischen Kaiserhauses, Mainz 2001, p. 114, n° 39.13, pl. 89, 1 ; 15 W. Gauer,
« Der Redner Lykurg und Solon : Bilanz der Überlieferung zur griechischen
Ikonographie und Klärung der statistischen Voraussetzungen für eine hypothetische Benennung », Boreas 27, 2004, p. 96 ; 16 E. Voutiras, « Imagines virorum
illustrium. Problemi di identificazione dei ritratti greci », ArchClass 60, 2009,
p. 98-102, fig. 7-9.
Notice traduite de l’allemand par R. Goulet avec la collaboration de l’auteur.
JÖRN LANG.
41 PARMÉNIDÈS (AVIDIUS –) DE THESPIES
F I-D II
La seule mention de ce philosophe est l’indication du patronyme de son fils
Archestratos (➳A 312), également philosophe, sur les bases des deux statues
élevées dans le sanctuaire de Thespies par la fille d’Archestratos, Avidia Iulia :
IThesp, 361 (= IG VII 2519, complétée par A. Plassart, BCH 50, 1926, p. 433), et
Arch. Eph. 1934/5, chron. 15, n° 184. Le philosophe avait-il donné une prestation
dans le cadre des Mouseia ? Un petit fragment d’interprétation difficile, daté par
l’écriture du IIe siècle de notre ère et habituellement considéré comme provenant
d’un catalogue agonistique, porte, l’un au-dessous de l’autre, clairement reconnaissables mais à un cas indéterminé, les noms du père et du fils (Παρμεν[είδ-],
Ἀρχέστρατ[-] ).
BERNADETTE PUECH.
42 PARM(ÉN)ISCOS DE MÉTAPONTE RE 1
VI - V
Pythagoricien ancien dont le nom figure, sous la forme Παρμίσκος, parmi les
Métapontins du catalogue de Jamblique (V. pyth. 36, 267, p. 144, 1 Deubner =
1 DK 58 A, t. I, p. 446, 15), qui semble remonter à Aristoxène de Tarente. Son
nom est répertorié dans 2 W. Pape et G. Benseler, Wörterbuch der griechischen
Eigennamen, t. II, p. 1138, ainsi que dans le 3 LGPN, vol. III A, p. 353.
Les témoignages sur Parm(én)iscos sont réunis par DK 1 sous le n° 20 ; voir
aussi 4 M. Timpanaro Cardini, I Pitagorici. Testimonianze e frammenti, t. I,
Firenze 1958, p. 114-117 (comportant de précieuses notes). À propos de ce personnage, voir 5 K. von Fritz, art. « Parmeniskos » 1, RE XVIII 4, 1949, col. 1569 ;
6 W. Burkert, Lore and science, p. 154, avec la n. 191 (cf. aussi p. 114) ;
7 P. Bonnechère, Trophonios de Lébadée : cultes et mythes d’une cité béotienne au
miroir de la mentalité antique, coll. « Religions in the Graeco-Roman world » 150,
Leiden 2003, p. 268 (cf. aussi p. 265).
S’il remonte vraiment à Aristoxène de Tarente (➳A 417), le catalogue de
Jamblique serait la plus ancienne source à faire de Parmiscos un pythagoricien. Par
ailleurs, un membre de la secte du nom de Παρμενίσκος est mentionné par
P 195
PLATON – ICONOGRAPHIE
841
« justes » toutes nos actions, Socrate pose de brèves questions qui peuvent être
regroupées sous deux chefs : (1) Qu’est-ce qui sert à distinguer le juste de
l’injuste ? Il s’agit du discours, de la parole. (2) Alors, en quoi consistent le juste et
l’injuste ? Socrate commence par faire admettre à son interlocuteur que nul n’est
injuste de son plein gré.
Cf. Müller 3, p. 129-191 ; 48 H. Schmeken, « Eine Schülerarbeit aus der
mittleren Akademie », Philosophy 60, 1950, p. 20-30.
ÉPIGRAMMES (Ἐπιγράμματα)
En son sens premier, epigramma signifie « inscription ». C’est la raison pour
laquelle beaucoup d’épigrammes se retrouvèrent, réellement ou fictivement, sur
des tombeaux. Mais comme ces séries courtes de vers inscrits étaient plus faciles à
garder en mémoire qu’un texte en prose, le terme en vint, à partir de la fin du IVe s.
av. J.-C., à désigner un genre littéraire se présentant comme un court poème en
l’honneur d’une personne décédée ou aimée, ou portant sur un événement remarquable. La vogue de ce genre explique probablement pourquoi on a attribué à
Platon, qui, selon une tradition relayée par Diogène Laërce (III 5), aurait d’abord
été un auteur littéraire, plusieurs épigrammes dont on peut penser qu’elles ne sont
pas de lui.
Édition. 49 E. Diehl, Anthologia lyrica Graeca, coll. BT, t. I, Leipzig 19493,
p. 102-110.
Cf. 50 G. Giangrande, « Zu den Epigrammen des Platon », dans Stemmata :
mélanges de philologie, d’histoire et d’archéologie grecques offerts à Jules
Labarbe, Liège 1987, p. 111-121 ; 51 W. Ludwig, « Plato’s Love Epigrams »,
GRBS 4, 1963, p. 59-82.
LUC BRISSON.
ICONOGRAPHIE
Différents portraits de Platon sont mentionnés dans la tradition littéraire. Pour
ces témoignages, les listes fournies par 1 J. J. Bernoulli, Griechische Ikonographie,
mit Ausschluss Alexanders und der Diadochen, München 1901, t. II, p. 18 sq., et
2 Richter, Portraits, t. II, p. 165, restent fondamentales. Sur la localisation des
portraits de Platon, nous disposons notamment des renseignements fournis par
quatre sources. (1) Cicéron, Brutus 4, 24, mentionne un portrait érigé dans sa villa
à Tusculum : Tum in pratulo propter Platonis statuam consedimus. (2) L’auteur
tardif Olympiodore, V. Plat. 1, 32, rapporte que des portraits du philosophe se
dressaient partout (πανταχοῦ ἀνακείμεναι). (3) D’après une indication fournie par
Christodoros de Coptos (➳C 115), Ekphrasis 97 (= Anth. Gr. II 97 sq.), une statue
de Platon se trouvait dans les thermes de Zeuxippos à Constantinople. (4) Le
témoignage le plus important reste toutefois celui qui est rapporté par Diogène
Laërce III 25, selon lequel le perse Mithridate aurait consacré aux Muses une
842
PLATON – ICONOGRAPHIE
P 195
statue de Platon dans l’Académie. De plus, l’inscription que cite Diogène montre
que la statue était l’œuvre du sculpteur Silanion : φέρεται ὅτι Μιθριδάτης ὁ
Πέρσης ἀνδριάντα Πλάτωνος ἀνέθετο εἰς τὴν Ἀκαδήμειαν καὶ ἐπέγραψε ·
Μιθριδάτης Ὀροντοβάτου Πέρσης Μούσαις εἰκόνα ἀνέθηκε Πλάτωνος, ἣν
Σιλανίων ἐποίησε.
Les portraits conservés ont été rassemblés par 3 R. Boehringer, Platon.
Bildnisse und Nachweise, Breslau 1935, ainsi que par Richter 2, p. 164-170,
fig. 903-959 (l’élimination de la réplique mentionnée par Richter 2, p. 167, n° 21,
fig. 957-959, proposée par 4 T. Lorenz, « Platon, Silanion und Mithridates », dans
F. Blakolmer et al. [édit.], Fremde Zeiten. Festschrift J. Borchhardt, Wien 1996,
t. II, p. 72, n’est pas justifiée). Dès la fin du XIXe siècle, la figure de Platon a pu
être identifiée par 5 W. Helbig, JDAI 1, 1886, p. 71-78, grâce à un hermès portant
le nom de Platon conservé à Berlin, Antikensammlung, Staatliche Museen Inv. 300
(Boehringer 3, p. 14, n° I, pl. 1-5). L’inscription qui figure sur un autre hermès à
Florence doit être considérée comme d’époque moderne, comme l’a montré Helbig
5, p. 73.
Depuis les remarques convaincantes de 6 E. Pfuhl, Die Anfänge der
griechischen Bildniskunst. Ein Beitrag zur Geschichte der Individualität, München
1927, p. 29, de 7 R. von den Hoff, Philosophenporträts des Früh- und Hochhellenismus, München 1994, p. 20 sq., et de 8 E. Angelicoussis, The Holkham Hall
Collection of Classical Sculptures, Mainz 2001, p. 119-121, n° 24, il est établi que
les portraits conservés se répartissent en deux types différents.
(A) Le type le plus ancien (type dit de Boehringer) est transmis par plus de
vingt répliques et remonte vraisemblablement à la statue de Silanion mentionnée
plus haut. Il faut ajouter à la liste des pièces établie par Boehringer 3, p. 14-29,
nos I-XI. XII-XVI ; pl. 1-59 et 66-92, et Richter 2, p. 164-170, nos 1-18 et 20-23,
fig. 903-953 et 957-959, les deux répliques suivantes : une tête conservée à Malibu
(9 C. Danguillier, Typologische Untersuchungen zur Dichter- und Denkerikonographie in römischen Darstellungen von der mittleren Kaiserzeit bis in die
Spätantike, Oxford 2001, p. 255 n. 32) et un petit buste en bronze conservé à
Kassel (10 P. Zanker, Die Maske des Sokrates, München 1995, p. 71-73, fig. 39 ab ; von den Hoff 6, p. 32 n. 106). Ce type a été constitué après la mort du philosophe au milieu du IVe s. av. J.-C. (sur ce point voir l’étude exhaustive récente de
von den Hoff 7, p. 29 ; 11 K. Vierneisel, « Wie groß war Platons Statue in der
Akademie ? » dans H. von Steuben [édit.], Antike Porträts. Zum Gedächtnis von
Helga von Heintze, Möhnesee 1999, p. 24-26). Zanker 10, p. 72, en revanche
n’exclut pas que le portrait ait été constitué du vivant même du philosophe.
On peut tirer les traits caractéristiques du portrait de Platon de l’exemplaire
bien conservé de la Glyptothèque de Munich (Boehringer 3, p. 28, n° XVI, pl. 7892 : fig. 1). La figure barbue montre une tête proéminente fortement bombée,
couverte de touffes de cheveux courts bouclés, épais et en forme de bonnet. A
l’avant, les cheveux tombent jusque sur le front en mèches parallèles peignées vers
la droite et délimitent le bas du front avec une bordure de cheveux marquée et
P 195
PLATON – ICONOGRAPHIE
843
dégradée. La barbe, formée de boucles parallèles formant des sillons, entoure la
bouche fermée et laisse dégagés la lèvre inférieure ainsi que le devant du menton
courbé. D’un point de vue physiognomique, le portrait se distingue par la présence
de petits yeux rapprochés et fortement dans l’ombre, dont les paupières inférieures
sont séparées des pommettes saillantes et anguleuses par de profondes rides. Le
nez légèrement recourbé se dégage par un angle marqué de la racine du nez (le
détail est frappant sur le buste en bronze de Kassel : Zanker 10, fig. 39 b). Les deux
plis verticaux marqués entre les yeux et les rides parallèles horizontales sur le front
suggèrent un mouvement de mimique ; les joues sont maigres et traversées par des
plis.
Dans son ensemble le portrait de Platon reproduit les traits d’une personnalité
correspondant largement aux caractéristiques du visage de Platon transmis par la
tradition littéraire. Ainsi, Diogène Laërce III 4 rapporte qu’il avait un large front et
en II 28 il évoque la mine sérieuse et concentrée dans une attitude de réflexion qui
fut, dans l’antiquité, perçue comme caractéristique. Enfin les cheveux soignés et la
longue barbe restèrent, même pour les disciples, d’importants signes de reconnaissance (Athénée, Deipnosophistes XI, 509 c-d ; les sources concernant l’apparence de Platon ont été rassemblées de façon exhaustive par Bernoulli 1, p. 18 sq.).
Mais, en même temps, des comparaisons avec les reliefs funéraires attiques du IVe
s. av. J.-C. révèlent les contraintes typologiques qui se sont exercées sur ce portrait,
lequel s’apparente aux portraits contemporains de citoyens d’Athènes (12 D.
Piekarski, Anonyme griechische Porträts des 4. Jhs. v. Chr. Typologie und Chronologie, Rahden 2004, p. 65-67). La représentation de la personne honorée comme
un citoyen exemplaire est également une des caractéristiques centrales du portrait
de Platon (en ce sens, avec toutefois diverses nuances, Zanker 10, p. 78 sq. ; 13 N.
Himmelmann, « Rezension zu : Paul Zanker, Die Maske des Sokrates », BonnerJb
195, 1995, p. 659). La forme triangulaire de la barbe peut en plus être considérée
comme une réminiscence du portrait de Socrate (Himmelmann 13, p. 659).
Il est impossible de se faire une idée de l’apparence générale de la statue qui
avait été érigée sur le site de l’Académie. Les têtes conservées laissent voir cependant un léger penchement de la tête vers la droite (nettement représentée sur la
réplique conservée au Vatican : Richter 2, fig. 915). Ce détail permet de rejeter la
reconstruction proposée par A. Hekler sur la base d’une statuette assise, comportant le nom de [Π]ΛΑΤΩΝ sur le côté droit du siège, qui n’est plus conservée que
dans le moulage d’un gypse (reproduit dans Richter 2, p. 167, fig. 960). On remarque en effet sur cette statuette que la tête est penchée vers la gauche au-dessus
d’un volumen déployé. D’autre part, la pièce de vêtement conservée sur les répliques de Corinthe et de Kassel n’a pas d’équivalent dans cette statuette (von den
Hoff 7, p. 32 n. 106). Une autre statue au Sérapeion de Memphis portait sur la
bordure le nom de Platon, mais, elle non plus, ne nous renseigne pas sur l’attitude
adoptée par la statue de l’Académie, dans la mesure où le nom est probablement un
graffiti gravé ultérieurement sur la statue (14 M. Bergmann, « The philosophers
and poets in the Sarapieion at Memphis », dans R. von den Hoff et P. Schultz
844
PLATON – ICONOGRAPHIE
P 195
[édit.], Early hellenistic portraiture, Cambridge 2007, p. 251, fig. 165). On ne peut
savoir si le philosophe était représenté assis (von den Hoff 7, p. 32), ou bien s’il se
tenait debout revêtu du manteau du citoyen (15 Ch. Vorster, « Die Porträts des 4.
Jhs. v. Chr. », dans P. C. Bol (édit), Die Griechische Bildhauerkunst, t. II :
Klassische Plastik, Mainz 2004, p. 401). Pour une étude approfondie de la statue,
voir Vierneisel 11, p. 15-26.
(B) Avec jusqu’à présent seulement quatre répliques – beaucoup moins que le
type classique –, on doit distinguer de ce premier modèle sa version d’époque
hellénistique qui se laisse identifier comme un type iconographique distinct (voir
en dernier lieu Angelicoussis 8, p. 119-121, ainsi que von den Hoff 7, p. 20 sq.,
n. 39 ; leur recueil de portraits doit être enrichi d’une découverte récente faite à
Athènes : 16 I. Triante, « Éνα νέo πoρτραίτo τoυ Πλάτωνα », dans Aρχαία
ελληνική γλυπτική. Aφιέρωμα στη μνήμη τoυ γλύπτη Στέλιoυ Tριάντη, Aθήνα
2002, p. 157 sq., fig. 1-6).
Certes, aucune des répliques n’est authentifiée par une inscription, mais l’identification de ce type de portrait résulte de correspondances typologiques étroites
avec la version du portrait de l’époque classique. Ces similitudes concernent tout
d’abord la forme du crâne avec la même disposition de la coiffure qui entoure un
front bas. A cela s’ajoutent des particularités physiognomiques comme le nez finement recourbé, le front traversé par quatre rides et les petits yeux rapprochés, qui
témoignent d’une dépendance par rapport au type dit de Boehringer décrit plus
haut. La version hellénistique se distingue cependant par la chevelure plus volumineuse, librement disposée, dont le contour est nettement souligné par les intervales
laissés entre les boucles longues et qui font voir derrière l’oreille droite un motif en
forme de fourche. De plus la coiffure est développée par quelques touffes de
cheveux disposées de travers. Enfin, le modelé du visage est dans l’ensemble plus
charnu.
Cf. 17 K. Kraft, « Über die Bildnisse des Aristoteles und Platon », JNG 13,
1963, p. 34-38 (n’apporte aucun argument convaincant contre l’identification ici
proposée du portrait de Platon) ; 18 H. von Heintze, « Studien zur griechischen
Porträtkunst III. Das Platonbildnis in spätantiker Umwandlung », MDAI(R) 71,
1964, p. 81-103 ; 19 E. Berger, « Ein Bildnis des Platon in Basel », dans Agora. Zu
Ehren von R. Berlinger I = PPh 13, 1987, p. 371-382 ; 20 G. M. A. Richter, The
Portraits of the Greeks, éd. abrégée par R. R. R. Smith, Oxford 1984, p. 181-186,
fig. 145-147 ; 21 K. Fittschen (édit.), Griechische Porträts, Darmstadt 1988, pl. 4749 et 125 ; Zanker 10, p. 47-49, fig. 24 ; 22 N. Himmelmann, « Das Bildnis
Platos », dans N. Himmelmann, Minima Archaeologica. Utopie und Wirklichkeit in
der Antike, Mainz 1996, p. 112-118 ; 23 Schefold, Bildnisse2, p. 134-136, fig. 58 ;
Vorster 15, p. 399-402, fig. 370-372 ; 24 M. Erler, GGP Antike II 2, Basel 2007,
p. 38-40; 25 O. Jaeggi, Die griechischen Porträts, Berlin 2008, p. 16 ; 26 St. G.
Miller, Berkeley Plato : From Neglected Relic to Ancient Treasure. An Archaeological Detective Story, Berkeley, University of California Press 2009 (à propos
d’un hermès de Berkeley qui fait l’objet de discussions. Richter 2, p. 166, fig. 907,
P 195
PLATON – TRADITION ARABE
845
considérait déjà l’hermès comme antique, mais elle désignait à juste titre l’inscription comme moderne. Elle est en effet identique par le ductus et la disposition des
lettres à un hermès trouvé à Tivoli en 1846 [Richter 2, p. 166, n° 8, fig. 906], ce
qui suggère de voir dans l’hermès de Berkeley une élaboration moderne réalisée à
partir du modèle de Tivoli. Or, si l’inscription est selon toute probabilité moderne,
on peut légitimement supposer que la tête également a été sculptée pour accompagner l’hermès ou du moins qu’elle a été retravaillée pour s’y adapter).
JÖRN LANG.
TRADITION ARABE
La connaissance de Platon et de sa philosophie dans la civilisation islamique,
tout comme la transmission de ses œuvres en arabe, n’ont pas encore fait l’objet
d’une étude approfondie et systématique, malgré l’importance de ces sujets et la
longue tradition des études philologiques sur la philosophie gréco-arabe. Parmi les
études qui ont abordé la question dans une perspective générale, la première et la
plus importante, celle qui résume en pratique la plupart des connaissances dont
nous disposons à ce sujet, est l’article de 1 F. Rosenthal, « On the Knowledge of
Plato’s Philosophy in the Islamic World », IslCult 14, 1940, p. 387-422, et 15,
1941, p. 396-398, repris dans son recueil d’articles 1a Greek Philosophy in the
Arab World, Aldershot 1990, n° II. Parmi les études ultérieures qui complètent les
informations rassemblées par Rosenthal, il faut mentionner, dans l’ordre chronologique : 2 R. Walzer, « Platonism in Islamic Philosophy », dans Recherches sur la
tradition platonicienne, coll. « Entretiens sur l’Antiquité classique » 3, GenèveVandœuvres 1955, p. 203-226, repris dans son recueil d’articles 2a Greek into
Arabic, Oxford 1962, p. 236-252, et, dans une version allemande légèrement modifiée dans 2b « Platonismus in der islamischen Philosophie (Arabische Übersetzungen aus dem Griechischen) », dans W. P. Eckert et P. Wilpert (édit.), Antike
und Orient im Mittelalter. Vorträge der Kölner Mediaevistentagungen 1956-1959,
coll. « Miscellanea Mediaevalia – Veröffentlichungen des Thomas-Instituts der
Universität Köln » 1, Berlin 1962, p. 179-195 ; une version abrégée a également été
publiée dans 2c Id., art. « Aflāṭūn », Encyclopaedia of Islam, 3e éd., t. I, 1960,
p. 234-236. 3 F. Klein-Franke, « Zur Überlieferung der platonischen Schriften im
Islam », IOS 3, 1973, p. 120-139 ; 4 G. Strohmaier, « Platon in der arabischen
Tradition », WJA 26, 2002, p. 185-200 ; tout récemment un excellent état de la
question a été publié par 5 R. Arnzen, « [Platon] Arabisches Mittelalter », dans Ch.
Horn, J. Müller et J. Söder (édit.), Platon Handbuch, Stuttgart 2009, p. 439-445.
Le projet d’un Plato Arabus, conçu juste avant le début de la seconde guerre mondiale, a été victime de cette dernière ; voir le programme qui en avait été décrit par
6 R. Klibansky, The Continuity of the Platonic Tradition. Outlines of a Corpus
Platonicum Medii Aevi, London 1939, p. 14-18, 39-41 et 53-54. Trois volumes
seulement furent publiés dans cette collection : 7 P. Kraus et R. Walzer, Galeni
compendium Timaei Platonis, London 1951 ; 8 F. Rosenthal et R. Walzer, Alfa-
1068
PLOTIN
P 205
involontaire de la méchanceté, ainsi que sur la nature volontaire ou involontaire de
la “descente” de l’âme dans le monde sensible – à laquelle s’ajoutent non seulement les faiblesses propres à la réalité corruptible de celui-ci, mais aussi les maux
moraux – voir IV 8 [6], 5, 3-9, avec le comm. de Bettiolo et al. 303, p. 174-182 ;
IV 3 [27], 13, 12-22 ; 24, 15-16 ; VI 8 [39], 3, 19 - 4, 16, avec le comm. de Leroux
1292, p. 255-269 ; III 2 [47], 10, 1-11, et les analyses de Henry 1035 ; O’Brien
868 ; Eliasson 685 ; Gerson 1080 ; Horn 1082. Plotin s’est interrogé jusqu’à la fin
de sa vie sur cette question, abordée dès le début, dans le traité IV 8 [6], Sur la
descente de l’âme dans les corps, et reprise, du point de vue du mal moral et du
jugement de l’âme, dans le traité I 1 [53], Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce que
l’homme ? Dans cet écrit, il a essayé d’accorder sa doctrine de la responsabilité
morale avec sa doctrine de l’âme “non descendue”, qui entraîne le caractère impassible et impeccable de la partie de notre âme qui demeure “dans” l’intelligible. Les
conclusions de Plotin en I 1 [53] sont résumées par Marzolo 564, p. 61. Selon ce
dernier, Plotin, après avoir écrit Qu’est-ce que les maux et d’où viennent-ils ? (I 8
[51])
« non poteva eludere le implicazioni etiche della tesi dell’impassibilità dell’anima. Il suo
modo di affrontarle, nella parte finale del trattato I 1 [53], è ancora una volta quello di ammettere,
e quasi di accentuare il paradosso antropologico dell’anima impassibile, che si riflette nel paradosso etico dell’anima impeccabile. Nel senso in cui “anima” e “essenza dell’anima” coincidono
– e coincidono, per Plotino, nell’anima non discesa che è da sempre un’anima individuale, ma
non abbandona mai la contemplazione dei veri esseri nella “pianura della verità” del Fedro –
l’anima è impassibile e impeccabile. Ma la storia delle anime individuali prevede (ed è sempre il
Fedro) le discese nel mondo del divenire e quindi la produzione di un’immagine di anima che è il
soggetto psichico, quello della nostra esperienza : esso sí è mutevole, confuso da molte cose,
fallibile : e quando commette una colpa, incorre con giustizia nella pena ».
Cette notice est dédiée à la mémoire de Pierre Hadot, à qui l’on doit la renaissance des études
sur la philosophie de Plotin au XXe siècle. Alain-Philippe Segonds, qui nous a quittés l’année de
la parution de ce volume, avait relu cette notice : à lui aussi elle est dédiée avec ma plus profonde
gratitude.
Je remercie aussi Concetta Luna et Richard Goulet pour leur relecture et l’aide qu’ils m’ont
apportée dans la mise au point de cette notice.
CRISTINA D’ANCONA.
ICONOGRAPHIE
L’existence de portraits de ce philosophe est suggérée par le témoignage de
Porphyre de Tyr (➳P 263). Celui-ci raconte que Plotin, de son vivant, refusait de
poser pour que l’on fît son portrait, considérant que ce ne serait que l’image d’une
image (VP 1, 2 : εἰδώλου εἴδωλον). Le peintre Cartérius (➳C 48) aurait cependant
dessiné de mémoire un portrait de Plotin après avoir assisté à quelques heures de
cours, de sorte qu’à l’insu du philosophe, on posséda son portrait (VP 1, 16-20 :
Ἔπειτα γράφοντος ἐκ τοῦ τῇ μνήμῃ ἐναποκειμένου ἰνδάλματος τὸ εἴκασμα
καὶ συνδιορθοῦντος εἰς ὁμοιότητα τὸ ἴχνος τοῦ Ἀμελίου εἰκόνα αὐτοῦ
γενέσθαι ἡ εὐφυία τοῦ Καρτερίου παρέσχεν ἀγνοοῦντος τοῦ Πλωτίνου
ὁμοιοτάστην).
P 205
PLOTIN
1069
[Il est possible que Porphyre ait parlé de cet épisode du portrait au tout début de la Vie de
Plotin pour expliquer l’origine d’un portrait de Plotin qui aurait figuré en tête de son édition des
Ennéades.
R.G.]
Bien que différentes identifications aient été proposées, il n’a pas encore été
possible de retrouver le portrait de Plotin dans les fonds iconographiques conservés. La première tentative en ce sens est celle de 1 H. P. L’Orange, « The portrait
of Plotinus », CArch 5, 1951, p. 15-30 ; 2 Id., « Plotinus-Paul », dans Likeness and
Icon. Selected studies in classical and early mediaeval art, Odense 1973, p. 32-42.
Il a proposé de reconnaître Plotin dans un type de portrait qui est maintenant connu
par cinq copies (la liste actuelle des répliques est fournie par 3 C. Danguillier,
Typologische Untersuchungen zur Dichter- und Denkerikonographie in römischen
Darstellungen von der mittleren Kaiserzeit bis in die Spätantike, Oxford 2001,
p. 53-57 et 224-226, nos 91a-d ; 4 W. Fischer-Bossert, « Der Portraittypus des sog.
Plotin. Zur Deutung von Bärten in der römischen Portraitkunst », AA 2001, p. 141
sq., qui exclut sans raison le portrait du Musée d’Ostie, Inv. 436). Ce type se
distingue par un crâne allongé avec un front chauve et fortement bombé et une
couronne de cheveux autour de la tête, ainsi que par une barbe se terminant en
pointe. La physionomie est dominée par des joues creuses et décharnées, de profondes rides nasolabiales et une agitation de la zone du front et des sourcils.
L’identification proposée par L’Orange 1 se fondait sur le passage de Porphyre
signalé plus haut. L’Orange 1 et 2 faisait appel aux arguments suivants : l’existence
de plusieurs répliques indique qu’il s’agissait d’une personnalité dont la réputation
dépassait le niveau local. Il s’agit d’un type de tête perçu comme oriental. Le lieu
de la découverte des trois répliques est Ostie (une quatrième provient vraisemblablement du même endroit ; une cinquième réplique conservée à Santa Barbara
est d’origine inconnue). A cet endroit sont conservées des inscriptions de basse
époque impériale qui suggèrent dans cette région l’existence d’un cercle néopythagoricien ou néoplatonicien. De plus, deux des têtes (Danguillier 3, p. 244, nos 91b
+ c) se trouvaient dans un bâtiment (Ostia V, II 7), dans lequel on a reconnu une
école. Enfin, la datation des têtes à partir de critères stylistiques concorde avec
l’époque où vivait Plotin.
Même si cette identification a rencontré des échos favorables (voir 5 J. Bracker,
« Politische und kulturelle Grundlagen für Kunst in Köln seit Postumus », dans
H. Temporini (édit.), ANRW II 4, Berlin 1975, p. 764-767, mais hypothèse rejetée
par 6 H. von Heintze, « Vir sanctus et gravis. Bildniskopf eines spätantiken Philosophen », JAC VI, 1963, p. 52 sq.), des doutes existent concernant l’identification
de ce type pictural avec Plotin. Pour commencer, ce type de portrait ne doit pas
être daté du milieu du IIIe siècle comme l’a proposé L’Orange, mais de l’époque
sévérienne. Ensuite, aucune similitude marquée ne peut être relevée avec les portraits de philosophes grecs ; le type se rattache plutôt au style de l’époque sévérienne tardive. Il est donc antérieur à l’époque de Plotin (7 K. Fittschen, « Ein
Bildnis in Privatbesitz. Zum Realismus römischer Porträts der mittleren und späten
Prinzipatszeit », dans Eikones. Festschrift Hans Jucker, Basel 1980, p. 112 n° 37 ;
1070
PLOTIN
P 205
Fischer-Bossert 4, p. 143-145). Le fait que deux répliques aient été retrouvées dans
le complexe architectural appelé terme del filosofo V, II 7 à Ostie (Danguillier 3,
p. 244 nos 91b + c) ne peut servir non plus à justifier cette identification. Il est vrai
qu’on a considéré que ce bâtiment abritait une école, mais la fonction de cet
ensemble n’est nullement assurée (Danguillier 3, p. 54 n. 575 ; Fischer-Bossert 4,
p. 145-149). Dans la mesure où une réplique identifiée par une inscription manque,
l’identification du type reste hypothétique (Danguillier 3, p. 55-57).
Le fait qu’on ait principalement retrouvé des portraits de ce type dans une
même ville et le lien typologique qu’il faut constater avec le portrait de la même
époque joue plutôt contre l’attribution à un intellectuel (hypothèse de 8 R. Calza,
« Sui ritratti ostiensi del supposto Plotino », ArchClass 2, 1961, p. 203-210 ;
9 N. Hannestad, Tradition in late antique sculpture, Aarhus 1994, p. 156 n° 265 ;
10 Schefold, Bildnisse, p. 434, fig. 329) et suggère plutôt une figure de l’élite
locale (11 P. Zanker, Die Maske des Sokrates, München 1995, p. 348 n. 36) ou
bien encore une personnalité influente de l’entourage de l’Empereur (FischerBossert 4, p. 152).
On ne peut pas non plus reconnaître Plotin sur le sarcophage dit de Plotin
conservé au Vatican (Schefold 10, p. 438, fig. 324 et 325 ; 12 B. C. Ewald, Der
Philosoph als Leitbild, Mainz am Rhein 1999, p. 167-169, n° D 3 pl. 42, 1 et 2 ;
43,1-4). En effet la personne assise de face avec un rouleau dans la main qui a été
identifiée à Plotin pour la première fois par 13 G. Rodenwaldt, « Porträts auf
spätrömischen Sarkophagen », ZBK N. F. 33, 1922, p. 120, fig. 6, p. 122, ne porte
pas le pallium habituel des philosophes, mais une toge et les calcei des chevaliers
romains, ce qui permet de conclure qu’il s’agit de la sépulture d’un citoyen romain
qui a voulu, grâce aux détails iconographiques représentés, laisser apparaître
l’intérêt qu’il portait à la philosophie (Ewald 12, p. 169) ; 14 B. Borg, « Das Bild
des Philosophen und die römischen Eliten », dans H.-G. Nesselrath [édit.], Dion
von Prusa. Der Philosoph und sein Bild, Tübingen 2009, p. 228, fig. 15, p. 237238).
Cf. 15 Richter, Portraits, t. III p. 289, fig. 2056-2058 ; 16 L. A. ScatozzaHöricht, Il volto dei filosofi antichi, Napoli 1986, p. 245-249 ; 17 S. Wood, Roman
portrait sculpture 217–260 A. D., New York 1986, p. 82-84.
Notice traduite de l’allemand par Richard Goulet avec la collaboration de l’auteur.
JÖRN LANG.
P 267
POSIDONIUS D’APAMÉE
1499
à propos de l’arc-en-ciel au livre I (N.Q. I 3-8), apparemment en étroite dépendance de Posidonius, et où il finit par conclure que l’arc-en-ciel doit être une
réflexion (par conséquent un phénomène optique et non une vraie « réalité ») du
soleil dans un nuage qui doit être creux, la couleur résultant d’une variation de
densité dans le medium réfléchissant. De son côté, Cléomède (Cael. II 7, 13-14
Todd) prétend qu’il a utilisé des matériaux de différents auteurs plus anciens, en
particulier Posidonius qui semble avoir été une source particulièrement importante
pour des questions astronomiques comme la dimension ou la distance du soleil (sur
Posidonius et Cléomède, voir 39 R. Goulet, Cléomède, Théorie Elémentaire. Texte
présenté, traduit et commenté, Paris 1980, p. 10-11 ; p. 44, n. 127 ; p. 50, 173; et
40 A. C. Bowen et R. B. Todd, Cleomedes’ Lectures on Astronomy. A Translation
of the Heavens with an Introduction and Commentary, Berkeley 2004, p. 5-7).
Il est un autre aspect de l’œuvre de Posidonius qui semble avoir eu de
l’influence : sa discussion des rapports ou des différences, entre la physique philosophique et les mathématiques appliquées. Sur ce point, ses vues ont été fondamentalement reprises par Sénèque qui dans sa Lettre 88 explique que le philosophe
connaît la cause de la réflexion dans un miroir, c’est-à-dire le processus physique
qui en est la base, tandis que le mathématicien peut calculer de quelle façon telle
espèce de réflexion peut se produire. Sénèque fournit d’ailleurs un bon exemple de
ce qui se passe en pratique dans sa discussion du phénomène de l’arc-en-ciel en
N. Q. I. A travers l’epitomè de Géminus, les vues de Posidonius sur ce problème
méthodologique important ont trouvé place dans les commentaires sur Aristote,
Physique II 2 rédigés par Alexandre d’Aphrodise (➳A 112) et Simplicius, lesquels
y virent des développements de la position aristotélicienne, et par ce biais elles
furent transmises à la tradition aristotélicienne médiévale.
Notice traduite de l’anglais par Richard Goulet.
KEIMPE ALGRA.
ICONOGRAPHIE
Le portrait de Posidonius n’est transmis que par un unique témoin en rondebosse de la Collection Farnèse, qui se trouve aujourd’hui au Musée National de
Naples (fig. 2). 1 Richter, Portraits, t. III, p. 282, fig. 2020). L’identification est
assurée par l’inscription ΠΟΣΙΔΩΝΙΟΣ portée en caractères grecs obliquement sur
le buste revêtu d’un manteau et d’une tunique.
Le portrait représente un homme d’âge moyen avec une courte barbe soignée et
des cheveux courts. La barbe est formée de fines boucles en mouvement. Les
cheveux sur la calotte s’étendent en mèches de longueur moyenne du vertex vers
l’avant et laissent le haut du front et les tempes découverts. La surface de la barbe,
comme celle de la chevelure, est différenciée jusque dans le détail au moyen d’un
fin tracé grâce auquel est obtenue une stylisation classicisante (2 P. Zanker, Die
Maske des Sokrates, München 1995, p. 178-179, fig. 98).
1500
POSIDONIUS D’APAMÉE
P 267
Les traits du visage sont caractérisés par des yeux enfoncés, une bouche fermée, une contraction marquée du front et des sourcils, ainsi que par des rides à la
racine du nez et sur le front. L’âge avancé du philosophe est indiqué par la calvitie,
ainsi que par de fines pattes d’oie et de légères poches sous les yeux.
La tête est une copie extrêmement exacte, exécutée à l’époque augustéenne,
dont le modèle de bronze peut être daté de la première moitié du Ier siècle av. J.-C.
De ce fait, elle fut probablement produite du vivant même du philosophe (sur ce
point voir en dernier lieu l’étude détaillée de 3 C. Vorster, « Die Plastik des späten
Hellenismus. Porträts und rundplastische Gruppen », dans P. C. Bol [édit.], Die
Geschichte der antiken Bildhauerkunst, t. III : Hellenistische Plastik, Mainz am
Rhein 2007, p. 281-282, fig. 250a-b ; la datation la plus basse est le milieu du Ier
siècle av. J.-C., datation récemment proposée par 4 R. von den Hoff, Philosophenporträts des Früh- und Hochhellenismus, München 1994, p. 113, n. 265).
On ne perçoit pas dans l’image de Posidonius de référence à une école philosophique particulière. On observe plutôt un lien manifeste avec des modèles iconographiques généraux de philosophes (von den Hoff 4, p. 193). Ainsi, y sont repris
aussi bien la contraction des sourcils, que les caractéristiques suggérant l’âge du
personnage représenté et les spécificités formelles des portraits privés de l’époque
qui lui sont étroitement apparentés (Vorster 3, p. 282).
Outre cette tête en ronde-bosse, il est possible qu’une intaille de jaspe conservée dans une collection privée suisse offre le portrait de Posidonius. Une comparaison des formes entre la réplique en ronde-bosse et le portrait sur l’intaille
montre, en effet, une série de similitudes : comparables sont les lignes du contour
du visage avec le bas du front légèrement bombé, le nez similairement courbé et
près de la bouche la présence analogue d’un petit menton marqué. La représentation de l’intaille pourrait avoir correspondu à l’image que, dans l’Antiquité, on se
faisait de Posidonius au point qu’un observateur puisse l’identifier (voir déjà
5 H. Jucker et D. Willers [édit.], Gesichter, Bern 1982, p. 282 n° 137 ; 6 Schefold,
Bildnisse, p. 322, et à sa suite de façon plus détaillée : 7 J. Lang, Mit Wissen
geschmückt ? Zur bildlichen Rezeption griechischer Dichter und Denker in der
römischen Lebenswelt, Diss. Köln 2009, sous presse).
Cf. 8 J. J. Bernoulli, Griechische Ikonographie, mit Ausschluss Alexanders und
der Diadochen, München 1901, t. II, p. 188-190, pl. XXV ; 9 G. M. A. Richter,
The Portraits of the Greeks, éd. abrégée par R. R. R. Smith, Oxford 1984, p. 189191, fig. 150 ; 10 K. Fittschen (édit.), Griechische Porträts, Darmstadt 1988,
pl. 153 ; 11 Le collezioni del Museo Nazionale di Napoli I 2, Napoli 1989, p. 166
n° 83 ; 12 Schefold, Bildnisse, p. 322-323, fig. 201 ; 13 B. Andreae, Die Skulptur
des Hellenismus, München 2001, pl. 196 ; 14 A. Bottini (édit.), Musa Pensosa.
L’immagine dell’intelletuale nell’antichità, Roma 2006, p. 239, 254 n° 23 ; 15 St.
Schmidt, « Fashion and meaning. Beardless portraits of artists and literati in the
early hellenistic period », dans P. Schultz et R. von den Hoff (édit.), Early hellenistic portraiture. Image, style, context, Cambridge 2007, p. 102 sqq., fig. 80 ;
P 270
[PO]SOCHARÈS
1501
16 C. Gasparri (édit), Le sculture Farnese, II. I Ritratti, Verona 2009, p. 52 sqq.,
n° 30, pl. XXX, 1–4.
Notice traduite de l’allemand par Richard Goulet avec la collaboration de l’auteur.
JÖRN LANG.
268 POSIDONIOS (FLAVIUS –) D’HERMOUPOLIS
DM V
Le seul document qui mentionne ce philosophe est la signature qu’il a apposée,
en tant que témoin, au bas d’un contrat entre particuliers, datant des années 420430 : Stud. Pal. 20, n° 122, li. 27.
BERNADETTE PUECH.
IIIa?
269 POSIDONIUS DE CYRÈNE
Disciple « célèbre » (ἐπιϕανής) du philosophe cyrénaïque Annicéris de Cyrène
(➳A 186), d’après une notice de la Souda, s.v. Ἀννίκερις A 2466, t. I, p. 220, 2324 Adler. Pour un stemma de l’école cyrénaïque, voir R. Goulet, notice « Hégésias
de Cyrène » H 18, DPhA III, 2000, p. 528, à compléter par Id., notice « Nicotélès
de Cyrène » N 56, DPhA IV, 2005, p. 701-702.
La formulation de la Souda permettrait de comprendre que Posidonius était l’élève non pas
d’Annicéris, mais du frère de ce dernier qui s’appelait Nicotélès (➳N 56). Mais la suite montre
que c’est Annicéris qui a fait école.
RICHARD GOULET.
270 [PO]SOCHARÈS
Ia?
Ce cynique est connu seulement par deux épigrammes satiriques.
Voici le texte des deux épigrammes dans la traduction donnée par 1 Simone Follet, « Les
cyniques dans la poésie épigrammatique à l’époque impériale », dans M.-O. Goulet-Cazé et
R. Goulet (édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements, Paris 1993, p. 373 : « Ce bâton et ces
chaussons, vénérable Cypris, / Te sont dédiés, butin conquis sur le Cynique Socharès, / Avec la
fiole crasseuse et le reste d’une besace / Toute trouée, remplie d’une sagesse antique. / Le beau
Rhodon les a déposés sur ton seuil, après avoir / Capturé dans ses rets le très sage vieillard »
(Anthologie grecque VI 293). « Une besace, une peau de chèvre non tannée, toute durcie, / Et ce
bâton de voyageur, / Une fiole, sans strigile, une bourse, sans un sou, / Un bonnet qui abritait une
tête au poil éclairci : / Maintenant qu’il est mort, sur ce buisson de tamaris, / Voilà les dépouilles
de Socharès que la faim y a suspendues » (ibid. VI 298).
« Socharès » est la forme correcte du nom restituée par Meineke (au lieu de
« Posocharès », que l’on trouve dans le manuscrit P de l’Anthologie grecque et
dans la Souda, s.v. Βλαύτη, Β 324). S. Follet 1, p. 372 n. 44, écrit : « Le nom a été
rétabli de façon sûre par Meineke, les mots présentant une coupe erronée dans P.
Ce nom est bien attesté dès l’époque classique, à Athènes par exemple ».
Les deux épigrammes ont été transmises par un certain Léonidas, qu’en général
on identifie avec Léonidas de Tarente (IIIe s. av. J.-C). Mais S. Follet 1, p. 373-374,
avance des arguments solides pour montrer qu’il peut s’agir aussi de Léonidès
d’Alexandrie qui vivait à l’époque de Néron. Elle conclut : « L’attribution de ces