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Chez Alexandre Vialatte, on se délecte des truculences

Selon Vialatte, «la femme remon­te à la plus haute antiquité» et «l'homme se?poursuit comme un fantôme».

Il naquit le 22 avril 1901 à Magnac-Laval, dans le Limousin, mais, jusqu'à son décès d'un cancer le 3 mai 1971 à Paris, Alexandre Vialatte chanta surtout les paysages rêches et basaltiques de l'Auvergne. Cette terre «absolue» lui inspira des centaines de chroniques parues dans La Montagne, un quotidien de Clermont-Ferrand, que l'éditeur parisien Robert Laffont a rééditées récemment en trois volumes, réunis dans un coffret.

En voici un 4e, intitulé Résumons-nous, qui agglomère des billets épars, rédigés à partir des années vingt pour d'autres journaux ou périodiques: Le Petit Dauphinois, Le Spectacle du Monde, Bel Amour du Foyer – où Vialatte s'initiait avec une futilité drôle au septième art –, La Revue rhénane, où il élucide sa relation philosophique et émotive avec Franz Kafka, dont il fut le premier et le meilleur traducteur avec Marthe Robert. Dans un texte daté de 1933, il y pressent aussi les dérives de l'Allemagne: «Elle est un vaisseau fantôme, dont la voile emporte à une vitesse tragique, vers les destinées les plus folles, un équipage halluciné.»

On est ravi de retrouver son Almanach des quatre saisons: une fantaisie calendaire, un fourre-tout surréaliste où les truculences les plus crues de la vie humaine et de l'actualité deviennent drolatiques. On y découvre une huppe capable de donner des leçons de latin, un bourreau qui se reprend à sept fois pour trancher les cous, un porc-épic qui, la nuit, dans les campings, s'introduit dans des tentes familiales pour dévorer des «morceaux de cuir, des escarpins, voire des manches de pioche ou des cloisons en bois…»

Cette imagination débridée, douée d'une subtile gymnastique grammaticale et syntaxique rayonna, de 1960 à 1966, dans Marie-Claire pour scandaliser par ses outrances le patron de ce magazine féminin, mais il en séduisit les lectrices… Si dans cet almanach, Vialatte se divertit parfois à caricaturer la femme, c'est pour mieux ridiculiser des mâles misogynes, auxquels il ne s'identifie pas. «La femme remonte à la plus haute antiquité, ose-t-il écrire. Elle est coiffée d'un haut chignon. C'est elle qui reçoit le facteur, qui reprise les chaussettes et fait le catéchisme aux enfants.» Si ses sœurs sont nées au mois de mars, elles «claqueront comme des fouets et porteront des pantalons corsaire», et seront «décidées, ravissantes, printanières»…

Et c'est à la gent masculine que le chroniqueur réserve ses vacheries les plus vachardes, à peine amollies par une vague compassion fraternelle: «L'homme ne cesse de se chercher à travers l'apparence. Il se poursuit comme un fantôme. Platon en fait un poulet plumé, Linné le classe avec la chauve-souris, Pascal le considère comme un rat volant. Darwin veut qu'il descende du singe, et les derniers progrès de la science le font remonter au cœlacanthe, qui est une espèce de goujon madécasse.» L'éléphant, lui, n'est pas un aïeul, mais une invention utile: il est «une des plus belles idées de l'homme. Comment l'homme, sans lui, saurait-il qu'il n'a pas de trompe?»