INTERVIEW«Rien n'a bougé pour les migrants à la frontière», dénonce Cédric Herrou

«Libre» avec Cédric Herrou: En séance spéciale au Festival de Cannes, le défenseur des migrants dénonçait «l’inertie de l’Etat»

INTERVIEWA l'occasion du dernier Festival de Cannes, 20 Minutes avait rencontré Michel Toesca, le réalisateur du film Libre, ce mercredi dans les salles, et Cédric Herrou, défenseur des réfugiés à la frontière franco-italienne…
Cedric Herrou et Michel Toesca, le 18 mai 2018 au Palais des festivals de Cannes
Cedric Herrou et Michel Toesca, le 18 mai 2018 au Palais des festivals de Cannes - F. Binacchi / ANP / 20 Minutes
Fabien Binacchi

Propos recueillis par Fabien Binacchi

L'essentiel

  • «Libre », documentaire signé Michel Toesca et sélectionné en « séance spéciale » au Festival de Cannes, met en lumière le combat de Cédric Herrou.
  • La figure de la défense des migrants à la frontière italienne vise « l’Etat qui ne répond pas à ses obligations ».
  • Il dénonce « les entraves aux demandes d’asile et les mineurs isolés qui ne sont pas pris en charge ».

Ali Aboubakar, 17 ans, a monté les marches du palais à leurs côtés. En mai dernier, en compagnie de ce mineur tchadien, Michel Toesca et Cédric Herrou ont aussi partagé un petit bout du tapis rouge cannois avec deux autres réfugiés. Du Mali et du Darfour.

Michel Toesca, Cédric Herrou et Ali Aboubakar, réfugié tchadien, le 17 mai 2018 sur le tapis rouge du Festival de Cannes
Michel Toesca, Cédric Herrou et Ali Aboubakar, réfugié tchadien, le 17 mai 2018 sur le tapis rouge du Festival de Cannes - V. Le Caer / AP / Sipa

Le réalisateur de Libre, documentaire sélectionné en séance spéciale, et le médiatique défenseur des migrants, « héros » de ce film, ont profité de cette exposition inattendue au Festival de Cannes pour défendre leur combat à la frontière italienne.

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Et surtout dénoncer « l’inertie » de l’Etat français face à l’afflux de migrants, « les entraves aux demandes d’asile et les mineurs isolés qui ne sont pas pris en charge ». Libre sort ce mercredi dans une centaine de salles de l’Hexagone.

Comment l’idée de faire ce film vous est-elle venue ?

Michel Toesca : On habite dans la vallée de la Roya [une zone en altitude dans le département des Alpes-Maritimes, à la frontière italienne]. On a vu en même temps des gens arriver en tongs, affamés, perdus et on s’est demandé ce qu’on pouvait faire.

On a commencé à leur donner à boire, à manger. Certains les ont amenés chez eux. Moi j’ai pris ma caméra. Au bout de quelques mois, je me suis dit qu’il y avait une page de l’histoire de l’immigration qui était en train de s’écrire là. Et j’ai filmé pendant trois ans.

Cédric Herrou : L’important, c’est que tout le monde puisse s’investir à sa manière. Le boulanger du village a donné son pain, les agriculteurs ont donné leurs légumes, les infirmiers qui ont proposé leurs soins. Michel, lui, a décidé de filmer ce qui était en train de se passer et qui se passe encore. Chacun a apporté son aide comme il a pu. Comme le Festival de Cannes qui s’est engagé et qui se positionne par rapport à ce défi.

Vous dites d’ailleurs que les organisateurs de l’événement ont reçu des pressions à votre propos…

C. H. : Oui, comme l’an dernier en fait quand Thierry Frémaux nous avait déjà permis de monter les marches pour alerter sur la situation. Les autorités avaient tout fait pour qu’on ne puisse pas être là. Apparemment, ça a été la même chose cette fois-ci.

Qu’attendez-vous de cette exposition internationale ?

C. H. : C’est une ouverture sur le monde sur ce qui se passe réellement. Vu de l’intérieur. C’est l’occasion que les gens se rendent compte du combat de ceux qui habitent dans la vallée de la Roya. Face à l’inertie de ceux qui sont au pouvoir.

Justement, vous présentez le documentaire comme un film politique et pas militant…

M. T. : Le militantisme obéit au mot d’ordre, alors que le film politique montre dans l’action. Ici, il n’a aucune idéologie, aucune propagande. Le but est simplement de montrer comment les gens réagissent fasse a une situation absurde.

C. H. : C’est super positif de voir des gens se bouger face à une problématique quelle qu’elle soit. Dans une démocratie, on est tous les acteurs de notre vie. Les citoyens doivent agir quand il y a un problème. Et là, en l’occurrence, le problème est causé par l’Etat qui ne répond pas à ses obligations. C’est comme si ça les arranger de laisser faire, de nous laisser seuls gérer cette situation. Puis on est incriminés. On est insultés. On est mis en garde à vue. Pour l’Etat, on est un outil et on est coupables.

Quelle est la situation (en mai) ?

C. H. : Il y a eu un moment un peu plus calme. Mais là, ça recommence. Hier encore, quinze réfugiés sont encore arrivés sur mon terrain. Il y en a une cinquantaine par semaine. Et il y a les mêmes problèmes. Les mineurs isolés qui ne sont pas pris en charge et il y a toujours les mêmes entraves aux demandes d’asile. Rien n’a bougé. Le préfet des Alpes-Maritimes refuse toujours toute communication avec nous.

Il vous a d’ailleurs attaqué en justice pour « injure publique » [une audience est programmée le 22 octobre pour des propos tenus par Cédric Herrou sur Facebook]…

C. H. : C’est un peu le préfet qui porte plainte contre un vendeur d’œufs. C’est médiocre. Je n’ai pas que ça à faire et je pense que la justice n’a pas que ça à faire non plus. Il y a d’autres choses à faire. Tellement d’autres choses à faire.

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