Suzhou : La palanche cameline

La palanche est cet instrument de transport fort ingénieux, qui met à profit la flexibilité du bambou et qui permet de transporter facilement des charges assez lourdes. Elle se présente sous la forme d’une « planche » de bambou que l’on porte sur l’épaule, planche dont les deux extrémités sont effilées et légèrement entaillées, auxquelles on fixe des cordes servant à attacher les charges à porter.
La palanche était un instrument de transport omniprésent en Chine avant l’apparition des triporteurs et autres véhicules motorisés et elle reste largement utilisée dans toute l’Asie du Sud-Est. Ci-dessous, la statue en bronze d’un Chinois portant une palanche (la photo vient d’ici) :
La palanche pouvait servir à porter les charges les plus diverses : sceaux, paniers de fruits et légumes, pierres… Au Cambodge et au Vietnam, il n’est pas rare de voir encore aujourd’hui des vendeuses ambulantes de soupes et autres gourmandises porter d’un côté de la palanche leurs bouillons, légumes et autres ingrédients, et de l’autre chaudron, bols, cuillères, baguettes, assiettes… (la photo ci-dessous vient d’ici) :
En Chine, dans la région du Jiangnan, et notamment dans la région de Suzhou, les vendeurs ambulants avaient porté le concept de la palanche à un sommet en mettant au point ce que l’on connaît en chinois sous le nom de « palanche cameline » : 骆驼担 [luòtuódàn], de 骆驼 [luòtuó] : chameau, et 担 [dàn] : palanche.
Dans la littérature chinoise classique, ce type de palanche, même s’il n’est pas encore qualifié de « camelin », est mentionné. Ainsi, dans les Six récits au fil inconstant des jours de Shen Fu, rédigé vers le début du XIX° siècle, l’auteur relate une excursion champêtre dans la banlieue de Suzhou avec son épouse et quelques amis, excursion pour laquelle les promeneurs ont recruté pour la journée un vendeur ambulant de wontons, qui transportait avec sa palanche de quoi réchauffer de l’alcool, préparer des plats cuisinés et, le soir venu, concocter une bouillie de riz dont se régalèrent les compères affamés. On imagine donc que le vendeur avait pu amener avec lui suffisamment de matériel et d’ingrédients pour répondre aux besoins versatiles de ses clients.
Les palanches dites « camelines » avaient été baptisées ainsi car, au dire des Chinois, elles faisaient penser à un chameau avec ses deux bosses : elles se présentaient sous la forme d’un véritable « meuble », fabriqué en bambou, comportant deux parties principales reliées par une barre horizontale et séparées par un espace dans lequel se glissait le porteur. De part et d’autre de la palanche, se trouvaient des supports, compartiments et tiroirs, dans lesquels le vendeur rangeait tout ce dont il avait besoin pour préparer la nourriture qu’il proposait aux chalands : bols, baguettes, fourneau, casseroles, tabourets, ingrédients… Ci-dessous, la maquette d’une palanche cameline exposée au Musée de l’Artisanat de Suzhou (l’image vient d’un article en chinois consacré à la palanche cameline, ici) :
L’écrivain Lu Wenfu, dans un livre de photographies anciennes de Suzhou publié en 2000, intitulé Lao Suzhou – Shuixiang Xunmeng (《老苏州——水巷寻梦》), explique que, jusque dans les années 1950, il était courant de voir dans les étroites ruelles de la Venise chinoise des marchands ambulants porteurs de palanches camelines, vendant principalement de petits wontons, de la bouillie de riz sucrée ou de la soupe au tofu gras et au sang de canard. Ces vendeurs travaillaient de jour comme de nuit, et signalaient leur arrivée en entrechoquant des planchettes de bois. Quand on entendait le doux claquement, on pouvait arrêter le vendeur pour se rassasier d’un bol de nourriture chaude, on encore, sans sortir de chez soi, se pencher à sa fenêtre et le héler. Il suffisait alors de passer commande, de faire descendre un panier accroché à une corde et dans lequel on avait placé ses bols et l’argent pour payer son achat. Le vendeur récupérait l’argent et remplissait les bols. L’acheteur n’avait plus qu’à hisser le panier jusqu’à chez lui et assouvir sa fringale.
Sur la photo ci-dessous (qui vient de l’article en chinois cité ci-dessus), l’un de ces vendeurs avec l’une de ses clientes :

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