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Christophe Ono-dit-Biot: «Je suis terrifié par la dimension éphémère de notre présent»

2027. Sacha, journaliste et philosophe, détient un lourd secret sur le nouveau président d'un pays qui a basculé dans le totalitarisme. Il doit alors fuir avec sa famille au mont Athos. Interview de Christophe Ono-dit-Biot à l'occasion de la sortie de son roman «Trouver refuge», un thriller réconcilié avec l'érudition.

L'écrivain Christophe Ono-dit-Biot publie cette année son sixième roman «Trouver Refuge».
L'écrivain Christophe Ono-dit-Biot publie cette année son sixième roman «Trouver Refuge». (© Francesca Mantovani)
Publié le 21 sept. 2022 à 11:30

Qu'est-ce que notre culture cartésienne peut apprendre de Byzance la méconnue, si présente dans votre livre ?

Outre Homère et beaucoup de traités philosophiques, Byzance a permis de sauvegarder tous les traités scientifiques de l'Antiquité, même les plus fous, notamment les traités sur les automates. Les ambassadeurs assistaient ainsi à l'élévation du trône de l'Empereur et à la cour il y avait un arbre d'or dont les oiseaux chantaient. L'imaginaire occidental en a été fasciné au Xe siècle. Byzance apporte le merveilleux. C'est elle aussi qui apporte la Renaissance.

Vous présentez, avec humour, parfois, ce que l'on peut appeler le «judo du totalitarisme», qui retourne tous leurs arguments contre ses opposants. D'un côté il y a le rejet du communautarisme, des excès de la culture de «l'offense», et de l'autre le rejet de l'universalisme, la fin de la notion de droit au profit de «cause», l'accusation des élites… Contre quoi votre roman nous met-il en garde ?

Contre la sommation à choisir entre deux camps, soit le camp populiste autoritaire, soit le camp dit progressiste qui au fond réduit aussi la liberté. Le symptôme : beaucoup de gens universalistes s'éloignent d'un progressisme dans lequel ils ne se reconnaissent plus et s'abstiennent. Mon roman est un appel aux nuances ; il plaide pour le retour à l'humain. L'humanisme n'est pas un mot creux.

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Croyez-vous que la fiction annonce le réel ?

Oui, tout simplement parce que la littérature produit du réel, à travers des personnages auxquels on s'identifie, qui emporte l'imaginaire ; parce que les écrivains sont branchés sur le réel. Je séjourne régulièrement au mont Athos depuis vingt ans par exemple.

Votre roman peut être qualifié de thriller politique. Ses codes vous ont-ils inspiré ?

La Bible, la fuite en Egypte, c'est aussi un thriller politique. Le principe de la traque d'une famille, le principe du secret : les grands mythes fonctionnent là-dessus. J'aime qu'on aille à la recherche d'un double secret, le secret de l'intrigue, «quel secret uni le héros et ce président ?», et le secret de ce que l'on découvre sur soi à travers ses personnages. Les moines du mont Athos que j'ai rencontrés par exemple : chacun est porteur d'un secret.

Christophe Ono-dit-Biot: «Je suis terrifié par la dimension éphémère de notre présent»

© Editions Gallimard

On a l'impression que vous essayez de «sauver les mots» à travers un vocabulaire riche, vos précisions d'étymologie. Vous écrivez, les vieux termes sont «comme les fossiles d'un ancien monde emprisonnés dans la craie friable du langage, et dont elle se rappellera toute sa vie». La littérature comme refuge ?

Les livres sont des refuges. En intitulant mon roman «Trouver refuge», je voulais que les lecteurs se sentent menacés mais, à la fin, se sentent bien dans ce livre chargé de sensations. On y apprend des choses mais dans le feu de l'action.

Vos livres sont traversés par la question de la transmission. Avez-vous peur que la génération suivante perde la culture «classique» ?

Se plonger dans la culture classique c'est s'inscrire dans un temps long, puiser des expériences qui ont été pensées, et à la fin gagner du temps. Je suis terrifié par la dimension éphémère de notre présent, par «l'interruption du temps», parce que le rapport au temps conditionne notre rapport à l'espace et la façon que l'on a d'habiter le monde. On n'est heureux que sur un temps long. Les êtres sans mémoire sont prêts à tout. On pensait que les barbares arrivaient. Je pense que nous sommes nos propres barbares. Et puis, dans la transmission, on est aussi «transmis», éclairé par la génération d'après : le personnage d'Irène, la petite fille, apporte le merveilleux à ses parents et sa proximité avec les cinq sens.

Peut-on dire que votre écriture est hédoniste, paradoxalement ?

Oui ! On pourrait même dire édeniste, édenique, avec l'idée d'un âge d'or des sensations. Ecrire passe par le corps, les sensations.

«Trouver refuge», de Christophe Ono-dit-Biot (éd. Gallimard, 416 pages)

Judith Housez

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