‘Il Sodoma’, « Deposizione dalla croce »

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Giovanni Antonio Bazzi, dit ‘il Sodoma’ (Vercelli, 1477 – Sienne, 1549)

Deposizione dalla Croce (Déposition de la croix), v. 1510.

Panneau, 414 x 264 cm (avec le cadre original, sans la prédelle).

Inscriptions :

  • (dans le titulus crucis, version en hébreux de la formule inventée par Pilate lors de la condamnation à mort de Jésus-Christ) : « ישו הנוצרי ומלך היהודים »

Provenance : Chapelle Cinuzzi, Église de San Francesco, Sienne.

Sienne, Pinacoteca Nazionale.

Cette Déposition de La Croix provient de l’église de San Francesco (Sienne), dans laquelle elle est réchappée d’un incendie en 1655. La date de sa réalisation se situe au retour de Rome de Sodoma, peu de temps après la période où le peintre est intervenu dans le réfectoire du monastère de Sant’Anna in Camprena, près de Pienza. Sodoma est d’abord chargé par Sigismondo Chigi de peindre la façade du palais familial de la Bocca del Casato [1]Lusini V., Storia del palazzo Chigi-Saracini, Stab. arti grafiche S. Bernardino, Sienne, 1927 ; Davies M., European Paintings in the collection of the Worcester Art Museum, Worcester, 1974, pp. 459-462 ; Hayum A., Giovanni Antonio Bazzi, “Il Sodoma”, New York-Londra 1976, pp. 22-24, 135-137, 307 ; Bartalini R., Le occasioni del Sodoma : dalla Milano di Leonardo alla Roma … Poursuivre. Bien qu’elle ait été détruite depuis longtemps, nous en avons une description assez détaillée dans les Lettere Sanesi de Guglielmo Della Valle à la date du 28 octobre 1520. « Au même moment, cependant, écrit Roberto Bartalini, Sodoma peint une œuvre peut-être plus importante qui le montre au sommet de ses pouvoirs stylistiques et qui a des conséquences importantes pour l’histoire de la peinture siennoise. Il s’agit de la Déposition peinte pour la chapelle de la famille Cinuzzi à San Francesco, certainement avant 1513, année où elle est décrite par Sigismondo Tizio. » [2]Roberto BARTALINI, « Sodoma, the Chigi and the Vatican Stanze », The Burlington Magazine, Vol. 143, No. 1182 (Sept., 2001), pp. 544-553.

Le panneau principal
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Léger et aérien, semblant flotter dans un ciel limpide sur un horizon qui s’étend loin vers l’infini, le Christ est descendu de la croix par Joseph d’Arimathie et un aide, tous deux hissés sur des échelles, et accueilli au sol par Jean comme si ce corps pesait le poids d’une feuille morte. Madeleine, au pied de la croix, assiste désemparée et comme sidérée à la descente du corps de Jésus.

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À gauche, l’échelle, posée contre la croix, est maintenue au sol par deux personnages : l’un d’eux, vêtu de bleu, est Nicodème, que l’on voit se retourner en direction du spectateur ; le second tient dans ses mains les clous qui viennent d’être arrachés à la croix, sans doute après les avoir reçues des mains de Nicodème.

A droite, deux soldats assistent à la scène. L’un d’eux, un pied négligemment posé sur le premier barreau, comme las d’avoir trop attendu, semble parfaitement indifférent à l’aspect dramatique de la scène. Le second, vu de dos et portant armure, s’adresse à son compagnon en lui indiquant le spectacle d’un geste de la main. Ce soldat joue le rôle, pas tout-à-fait nouveau mais promis à un bel avenir, d’embrayeur : placé comme le spectateur face à la scène, tout en étant, contrairement à lui, à l’intérieur de celle-ci, ce personnage constitue une sorte d’alter ego du spectateur et incite ce dernier à regarder, comme lui, le spectacle qu’il est en train de lui montrer d’un geste de la main, ainsi que nous venons de l’observer.

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3

Marie (fig. 3), quand à elle, n’a pas résisté à la vue du spectacle. Livide, elle vient de s’évanouir. Représentée dans un raccourci d’une remarquable efficacité, elle s’est évanouie au pied de la croix. L’image est d’autant plus frappante que ce n’est pas la Vierge dans son éternelle jeunesse que peint ici Sodoma ; c’est la Mère du Christ, dorénavant âgée, que nous voyons affalée de tout son poids sur le sol. Elle est secourue par deux saintes femmes qui la soutienne et lui parlent alors qu’elle vient de défaillir. En arrière, une troisième femme toute de noir vêtue exprime d’un geste de désespoir sa détresse et sa compassion.

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On ne peut, bien entendu, omettre de souligner l’image du casque splendide et rutilant (fig. 5) posé aux pieds du centurion vu de dos, sur lequel se réfléchit la propre image de celui-ci et où l’on s’attendrait presque à trouver également un autre reflet, celui du peintre, selon le modèle élaboré par Van Eyck dans le Portrait des époux Arnolfini.

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L’influence des écoles de l’Italie du Nord est sensible dans cette grandiose composition grâce à laquelle, dans le respect de l’iconographie traditionnelle du sujet, Sodoma donne à voir sa capacité à représenter le réel en jouant de manière virtuose sur l’illusion. « Une comparaison avec les fresques de Monte Oliveto Maggiore, achevées à l’été 1508 juste avant son départ pour Rome, montre comment la peinture de Sodoma ont acquis une monumentalité et une ampleur de formes sans précédent dans ses travaux antérieurs. La composition est conçue comme une architecture de figures monumentales et vivantes, disposées comme une sorte d’échafaudage chargé d’émotion contre un paysage qui s’éloigne dans le lointain. Les drapés, comme les taches de rouge intense des vêtements de la Madeleine et de Saint Jean, sont grandioses et classicisants. Le peintre est désormais passé maître dans le geste sobrement éloquent, qualité célébrée par Vasari dans son analyse de la Dispute de Raphaël.
Il s’agit en effet d’un tableau qui marque l’entrée sur la scène siennoise de ce que Vasari appelait la ‘maniera moderna‘, obscurcissant la renommée de la Bibliothèque Piccolomini et laissant un pas en arrière les peintres à qui Pandolfo Petrucci avait confié en 1509 la décoration de son palais – Luca Signorelli, Girolamo Genga, Pinturicchio et Giacomo Pacchiarotti. Dans les années qui suivirent, Sodoma poursuivit dans cette voie et la développa. Et c’est grâce à son exemple que les deux autres peintres majeurs de ce moment à Sienne, Girolamo Genga (v. 1476 – 1551) et Girolamo del Pacchia (1477 – v. 1530), ont également découvert Raphaël, occasionnant un renouvellement conséquent de la scène artistique siennoise de la deuxième décennie du siècle. » [3]Ibid, pp. 552-553.

La prédelle

La prédelle, qui mesure 281 x 45 cm, n’atteint pas le niveau de qualité du retable. La critique la considère comme l’œuvre d’un « modeste collaborateur » de Sodoma.

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Aux deux extrémités figurent les blasons de la famille Cinuzzi. Cinq épisodes de la Passion y sont représentés :

Notes

Notes
1 Lusini V., Storia del palazzo Chigi-Saracini, Stab. arti grafiche S. Bernardino, Sienne, 1927 ; Davies M., European Paintings in the collection of the Worcester Art Museum, Worcester, 1974, pp. 459-462 ; Hayum A., Giovanni Antonio Bazzi, “Il Sodoma”, New York-Londra 1976, pp. 22-24, 135-137, 307 ; Bartalini R., Le occasioni del Sodoma : dalla Milano di Leonardo alla Roma di Raffaello, Donzelli, Rome, 1996 ; Bartalini R., Sodoma a Palazzo Chigi, dans Scritti per l’Istituto Germanico di Storia dell’Arte di Firenze: settanta studiosi italiani, a cura di Cristina Acidini Luchinat, Le Lettere, Florence, 1997, pp. 233-238 ; Bartalini R., Sodoma, il soffitto di Palazzo Chigi e i volgarizzamenti di Ovidio, dans Scritti di storia dell’arte in onore di Sylvie Béguin, Paparo, Naples, 2001, pp. 157-162.
2 Roberto BARTALINI, « Sodoma, the Chigi and the Vatican Stanze », The Burlington Magazine, Vol. 143, No. 1182 (Sept., 2001), pp. 544-553.
3 Ibid, pp. 552-553.

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