Ecrire… mais à quel prix ?

Cette réflexion fait plus ou moins suite à ce bilan de septembre, une réflexion sur la disponibilité à écrire. J’y parle de la vraie disponibilité à écrire, qui ne réside pas selon moi dans le temps consacré à l’écriture, mais dans la place que nous faisons à l’écriture dans nos esprits.

La raison pour laquelle je souhaite y retourner dans cet article est que je ne suis toujours pas parvenue à ancrer cette habitude dans mon écriture. Le temps continue de me préoccuper par son Tic Tac incessant et c’est avec grande crainte que je vois les jours défiler à toute vitesse, et mon roman ne se former qu’à petites doses.

Actuellement, je parviens avec peine à consacrer plus de sept heures d’écriture par semaines. Le rythme en est assez variable : je profite généralement de deux heures d’écriture un beau jour, pour ne rien pouvoir fournir le lendemain du fait d’un trop plein. Cela n’est finalement pas non plus sous l’influence de mon emploi du temps : assez étonnement, je remarque écrire plus les jours où le temps me manque déjà – car je me forge alors une vraie disposition à l’écriture. Ces longues heures d’écriture sont à la fois aussi éreintants que libérateurs (voir dernier mon post instagram sur ma comparaison de l’écriture avec l’automne). Lorsque j’écris, je n’écoute plus que le plaisir qui se livre à moi tout entier. Lorsque je n’écris pas, trop découragée par la fatigue, ou trop embarrassée par les soucis du quotidien, c’est la frustration qui me revient à la charge.

L’angoisse du temps

Je perds mon temps – vraiment ? Lorsque je crie au repos, peut-on vraiment parler d’une perte de temps ? Il n’est pas mauvais de s’accorder du repos, quoique cherche à nous faire croire notre conscience. Il n’y a pas à dire : un esprit des plus mal reposés est un esprit des moins disposés.

Là où je perds réellement mon temps, c’est dans l’indécision : me forcer à l’écriture ou me culpabiliser de ne plus vouloir avancer ? Ce choix ne devrait pas s’imposer à moi – en tout cas, pas de cette façon si contraignante. Je passe mes nuits à organiser mes journées du lendemain, à craindre le manque de temps et l’inconfort de ma programmation. Cette programmation, finalement, ne résulte pas d’un choix libre, mais d’un poids.

Ma liberté, au contraire, j’ai pu la noter en cette semaine de vacances où je me suis imposée un sévère ralentissement de mes activités et une déprogrammation totale de mes journées. Alors, ma disposition à l’écriture s’est faite plus conséquente – sans pour autant m’écraser de fatigue ! Non seulement ai-je pu écrire davantage, au fil de mon envie, mais également de façon plus efficace, ainsi dépourvue de toute contrainte de temps ou de responsabilités ! Ce que je pensais donc être véritable alliée – la programmation – s’est révélée véritable ennemie à ma production.

Je ne dis pas par là qu’il faille renier toute responsabilité, plutôt qu’il faille revoir notre abord du temps. Les dead-lines sont bonnes en cela : elles permettent une certaine conscience du temps qui s’écoule, un certain repère, pour accomplir quelque chose dans une longueur de temps bien définie – mais cela ne signifie pas que nos activités sont pour autant figées dans nos quotidiens ! Il faut savoir saisir la bonne occasion, lorsque notre esprit se prête à une pleine attention, tout en gardant en mémoire la tâche future à accomplir. Il n’y a pas honte à vouloir retarder certaines choses, tant que vous pensez la chose sage et qu’elle respecte votre dead-line. Il n’y a pas de honte à s’accorder du repos, si cela vous permet plus grande efficacité le lendemain !

Retour au sens de l’écrivain

Mais finalement, qu’est-ce qui est le plus important pour un écrivain ? Est-ce vraiment de s’échiner sur un projet ou simplement de s’accorder l’attention sur sa simple activité : écrire.

Le projet ne définit pas l’écrivain – c’est plutôt l’écrivain qui définit son projet. Si je ne travaille pas actuellement sur un projet, cela ne fait pas de moi un mauvais écrivain. Il y a tellement de façon de remplir son rôles : il y a tellement d’opportunités pour écrire.

C’est pourquoi, lorsque je note le temps que j’ai pu consacrer à mon activité dans la journée, je ne m’arrête pas sur la réécriture de mon roman. Entretenir mon blog ne prend pas moins de temps et est tout aussi important, pour ce que j’écris à votre attention. De même, que dire de la formation d’un poème ou d’un court récit, parce que l’envie m’aurait saisi sur l’instant ? Ces mots comportent un message – ils sont tout autant une preuve à mon rôle d’écrivain.

Parfois, j’écris plus pour ce blog que pour mon propre roman – et alors, ce n’est pas grave. Car j’ai l’assurance de ne pas avoir moins contribué à mon rôle ; j’ai été disponible à écrire.

Soyez fiers de ce que vous pouvez produire chaque jour. Une idée de roman soigneusement notée dans un carnet ? Vous préparez déjà le terrain d’une grande aventure. Vous écrivez pour un journal ou simplement des réflexions sur les réseaux ? Vous obéissez à votre appel d’écrire pour parler.

Quelle récompense ?

Le vrai souci, je pense, est la question de la récompense. Qui ne fonctionne pas ainsi ? Nous avons besoin d’un sens à nos activités, une récompense à tous nos efforts – sinon, à quoi bon ?

Là a toujours été une de mes plus grandes craintes : que tout soit voué au néant. Parce que je ne reçois que peu d’encouragements et de réponses de la part de Maisons d’édition, l’inanité de mon travail me frappe. Si mon roman ne peut être lu, à quoi bon ? Quelle va être la récompense de toutes ces heures passées à trimer sur ce projet, qui n’intéresse ni rien ni personne ?

Dans cet article sur les difficultés de l’écriture, je vous partage l’épreuve du manque de résultat. Lorsque nous sommes écrivains, nous ne pouvons qu’imaginer et espérer une bonne conclusion à notre aventure. Il n’y a pas la visibilité d’un résultat immédiat – à moins que nous ne prenions l’écriture vraiment pour nous.

Oui, il y a du plaisir à écrire ! Mais pas toujours… parfois, les temps sont durs aussi pour l’écrivain où le projet se révèle une vraie bête noire. Cette récompense ne peut donc à coup sûr être garantie. Il nous faut néanmoins la poursuivie.

Et c’est ce à quoi je vous encourage régulièrement sur mon blog – parce que la récompense est un moteur essentiel à notre travail ! Si donc nous ne pouvons nous projeter dans notre futur succès – qui peut-être, d’ailleurs, ne sera pas – nous nous devons de faire de ce même jour un succès, un sujet de plaisir et de fierté.

Il serait alors peut-être bon de se rappeler et noter au-dessus de notre coin de travail : un bon écrivain est simplement celui qui écrit. Si vous écrivez en ce jour, quelqu’en soit la difficulté ou la satisfaction, vous n’en avez pas moins accompli votre rôle.

N’hésitez également pas à faire lire votre travail – à vos proches, à des lecteurs de confiance. Le but n’est pas nécessairement de demander leur opinion – cela pourrait avoir des effets dévastateurs sur la poursuite d’un roman incomplet – mais plutôt d’avoir sorti votre travail de l’ombre. Tenez un blog – je ne cesserai d’en louer les avantages ! Bien d’autres moyens existent encore pour partager son travail : les incalculables réseaux ou même les plateformes d’écriture.

Quant à moi, je ne peux que m’armer de patience pour poursuivre l’aventure de l’écriture – et écrire. Ma récompense, c’est vous. C’est de savoir que des lecteurs, même non-manifestes, s’intéressent à ce blog – autrement dit mon travail. Ma récompense, c’est de savoir que, quoique la réussite d’une future publication soit si incertaine, je sais que mon livre sera lu. Mon travail s’accomplit dès à présent, mais ce n’est qu’une fois sorti de l’ombre qu’il sera pleinement manifeste.

C’est à ce prix là que je veux pouvoir écrire.

Quelle est la récompense que vous poursuivez ? Le temps vous contraint-il d’une quelque manière ? Peut-être avez-vous besoin de retourner aux sources du plaisir premier de l’écriture et de l’accomplissement spontané. Si c’est le cas, quel prix êtes-vous prêt à payer pour y parvenir ?


4 réflexions sur “Ecrire… mais à quel prix ?

  1. Je viens de lire votre article, j’ai été très touché par cette dignité, cette pudeur touchante, la fragilité de vos mots et le prix que l’on devine que vous avez payé pour comprendre tout cela. Je suis bien plus âgé, je vis de l’écriture, je suis scénariste je peux donc témoigner en faveur de votre post. Vous avez compris très tôt ce que j’ai mis plusieurs années à comprendre. Aussi ai-je décider de publier votre article sur mon fil. Merci à vous. Didier Ernotte.

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  2. Merci pour cet article, touchant, digne, on y sent la fragilité de la vérité. Je suis plus âgé et je vis de l’écriture en tant que scénariste, mais je suis impressionné par votre maturité d’auteur. Vous avez compris des notions que j’ai mis plusieurs années à acquérir même en tant que professionnel. J’ai republié votre article en vous mentionnant sur mon fil à l’attention des autres auteurs. J’espère que cela vous donnera de la visibilité. Je pense que cette réflexion que vous avez eue mérite d’être partagée. Bravo et merci pour avoir ces mots sur cette problématique ô combien délicate.

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    1. A votre tour, c’est votre lecture et votre commentaire qui me touchent ! Je n’escomptais sincèrement pas un tel accueil pour cet article qui, comme vous l’avez si bien compris, viens du cœur. Merci à vous pour tous vos encouragements et bonne continuation ! 🙂

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