Licorne sans Camembert
Cette licorne est titulaire,
Dans un endroit crépusculaire,
D’une charge au profil modeste :
Classer des mots vernaculaires.
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Grâce à un tri spectaculaire,
Elle est forte en vocabulaire ;
Ses vers ont l’harmonie céleste
Des pensées les plus modulaires.
Van Gogh
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Amour vénal
Il faisait tout pour lui déplaire
Jusqu’à ce qu’il voie son salaire,
Dès lors il retourna sa veste
De manière spectaculaire.
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La licorne de brume parle aux petits ornithorynques
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Une licorne s’introduisit dans un terrier que des ornithorynques avaient creusé dans la berge d’un cours d’eau qui traversait le jardin de Cochonfucius de part en part.
https://heraldiqueblog.wordpress.com/2021/11/22/licornithor/
Premier Ornithorynque : Aujourd’hui nous recevons la Grande Licorne qui semble avoir été attirée par nos provisions de camembert, ce bon fromage que nous avions, pourtant, traité pour qu’il soit invisible.
Qu’est-ce que cela représente pour vous, un morceau de camembert invisible ?
La Licorne :
Le camembert invisible est un camembert mystique, aux origines du monde, et qui se déstructure et se restructure pour remodeler un objet cylindrique avec une image projetée et puis c’est ce grand questionnement qu’est l’apport d’un grand verre de pinard et ce que cela va générer. Tout cela c’est derrière.
Premier Ornithorynque : Donc en fait c’est un peu le camembert des nouvelles perceptions ?
La Licorne :
Oui. Quelles sont les nouvelles perceptions de notre corps en respirant cette odeur alléchante.
Spécifiquement, ce que j’ai cherché à développer en suivant cette piste odorante, c’est la relation avec le fromage pour qu’il ait une conscience différente de son rôle dans la chaîne alimentaire. Par exemple au moment même où il commence à couler sur sa planche, on travaille ensemble de façon à ce qu’il pense vraiment à l’image qu’il déclenche, afin de développer une gestuelle “étendue”, dans cette conscience-là, et qu’il fasse corps avec le mouvement des fragrances déclenchées.
J’ai découvert là une relation unique qui implique que je sois très liée avec les morceaux de camembert invisible dans mes perceptions olfactives pour que l’odeur devienne comme le prolongement du concept.
Premier Ornithorynque : Oui, et tu as été un camembert normand, dans une vie antérieure ?
La Licorne : J’ai fait carrière dans une honorable fromagerie du centre ville, à Rouen.
Deuxième Ornithorynque : Et tu pratiques la méditation, grande licorne…
La Licorne : Oui. Ou plus exactement, je me livre à des divagations.
Deuxième Ornithorynque : Qu’est ce qui t’a poussée à travailler davantage sur le camembert ?
La Licorne : Ce sont des rencontres. Oui, c’est vrai que, la première fois que j’ai senti l’odeur d’un camembert, c’était dans une rue sombre, je n’ai pas immédiatement compris ce qui se produisait. Donc cela a commencé comme ça, et puis après, cela s’est fait en fait en plusieurs étapes. On a toujours envie, dans ce domaine, de faire des expériences, de chercher quelque chose, donc on continue dans le prolongement.
Deuxième Ornithorynque : Est-ce que tu peux expliquer ton parcours personnel ?
La Licorne : Je viens de la savane. Au départ, j’ai commencé par manger des feuilles d’arbres. J’ai débuté par des feuilles d’acacia, et tout de suite après j’ai fait un acte très important pour moi car déterminant pour la suite, j’ai mangé les feuilles d’un marronnier. En fait c’était un petit peu, pour moi, montrer que ce que je voulais, c’était la possibilité de manger toutes sortes de feuilles. Et alors, j’ai mangé un peu n’importe quoi, car je ne trouvais plus de feuilles. Et chaque type d’aliment que je mangeais, pour moi c’était signal et langage codé. Et donc tout cela ça m’a ouvert des portes si je puis dire, de nouvelles possibilités avec en plus l’arrivée du marchand de fromage et j’ai continué plus tard et jusqu’à ce jour.
Premier Ornithorynque : D’accord, jusqu’à ce jour. Alors pourquoi avoir choisi de mettre en association le camembert et le pinard et par là-même qu’est-ce que te révèlent ces aliments alors, justement ?
La Licorne :
Le mot de révélation est juste parce que ce que je cherche, c’est vraiment une révélation à travers d’autres possibilités qui peuvent émerger soudainement comme ça en grignotant, en recherchant autre chose avec le camembert et le pinard comme une nouvelle communication. Disons, le camembert dans un autre environnement qui n’est pas forcément celui que l’on peut toucher tous les jours.
Deuxième Ornithorynque: Alors, je sais que tu connais un jeune catoblépas qui travaille sur des capteurs qu’il met sur des endroits sensibles et fait manipuler son corps par d’autres à distance. Tu connais un catoblépas vieillissant qui fait l’inverse, qui fait de la musique avec l’intériorité de son corps. Tu ne te situes ni dans la problématique du jeune catoblépas, ni dans celle de son congénère qui est vieux…
La Licorne : Je me sens plus proche du vieux, dans le sens où cela correspond plus à ma vision d’un camembert-interface qui par sa présence, démultiplie et amplifie les possibilités dans ma relation à l’autre à travers le développement d’un imaginaire en direct stimulé par les vides et les pleins de l’olfaction ; le dit et le non-dit en quelque sorte…
J’ai découvert ça dans ma cuisine. Au départ je voulais travailler avec des corbeaux. Que cela soit eux qui soient l’interface entre les camemberts et moi pour découper les morceaux d’une manière précise. Et en fait cela ne s’est pas fait pour des tas de raisons et du coup, j’ai découvert une autre relation avec les camemberts qui m’a intéressée tout à fait en impliquant mes émotions et ma sensorialité en direct et maintenant j’aimerai bien intégrer ce vécu en étant l’interface amplifiée et amplificatrice.
En ce qui concerne le jeune catoblépas, je trouve très courageux ce qu’il fait. Que ce soit du jeune ou du vieux, je soutiens ces démarches-là car elles reposent forcément la question du corps aujourd’hui en explorant aussi de nouvelles possibilités à venir, quitte à déranger…
Ce que j’aimerais vraiment développer et je dirai même déployer, c’est une perception qui vient de l’intérieur. Pour le jeune catoblépas, le corps est terminé. Pour moi, il y a un prolongement, il y a quelque chose qui commence de nouveau effectivement mais qui est de l’ordre de l’immatériel et c’est ça qui m’intéresse de travailler, c’est qu’est ce qui se trame dans la relation puisque maintenant on prend conscience que c’est là que ça se passe, dans une dynamique de communication. Nous sommes dans un monde de communication. Et c’est vraiment qu’est ce qui se trame que ce soit à travers les réseaux, à travers tous ces bons fromages qui embaument, qu’est ce qui se trame là-dessous et quelle est la notion nouvelle de la gastronomie qui est développée dans nos rapports entre nous, dans notre langage quel qu’il soit…Qu’est ce qui est dit véritablement…
Deuxième Ornithorynque : Ce qui m’a sensibilisé dans ce que tu dis c’est que j’ai remarqué que dans beaucoup de discours de licornes concernant les nouvelles technologies on parle de pensée-corps qui s’oppose à la pensée logos dite logarchie d’ornithorynque et en mettant souvent d’après elles les ornithorynques dans le monde du corps externe, du dehors, et pas celui du dedans qui se projette dans un nouvel environnement. Est-ce que tu veux dire par là que le jeune catoblépas est encore dans un corps qui est celui du dehors ?
La Licorne : “Encore”, je ne sais pas, encore, qu’est-ce que cela veut dire cette notion de durée..
Deuxième Ornithorynque : Tu veux dire ça parce que ce n’est pas lui qui pilote son corps, ce sont d’autres, donc ce n’est pas l’intériorité qui est en jeu c’est ça ?
La Licorne : Non, je dis encore, je ne sais pas, parce que cela pourrait vouloir dire est-ce qu’il en est encore là ?… Non, c’est aussi intéressant d’autres perceptions ; j’aime bien les points de vue différents. Peut-être est-ce parce que c’est un catoblépas qu’il a cette vision-là, effectivement. Je pense que comme on travaille avec les prolongements de nous-mêmes et donc ce que l’on est par nature, selon notre structure, notre véhicule qui est un corps différent, forcément cela suppose que l’on ait des perceptions ou visions différentes des choses… Quant à cette idée de se faire manipuler par d’autres à distance, moi, je préfère avoir le contrôle…
Premier Ornithorynque : Justement quand tu dis que tu essaies de développer quelque chose qui est intérieur, enfin interne au camembert, justement toi aussi tu te places en élément extérieur puisque que tu projettes une image. Parce que ce que l’on n’a pas dit c’est que les images sont projetées sur les morceaux de camembert invisible.
Donc justement comment tu travailles ce camembert invisible et néanmoins perceptible ?
La Licorne : C’est vrai, il y a plusieurs notions là qui interviennent. Quand l’image est extérieure sur un camembert c’est plus la notion de substance là. Effectivement ça intervient dans la recherche que l’on fait, inévitablement, mais moi ce que j’aime bien c’est vraiment travailler le camembert comme un support notionnel. C’est-à-dire que quand je travaille avec un camembert souvent c’est en duo fromage et pinard et ce que j’ai bien aimé, un jour, plusieurs fois les camemberts m’ont dit “c’est assez extraordinaire comment on te sent”. Je suis à dix ou quinze mètres d’eux, je projette mon odeur de licorne, et à ce moment là on est obligé de se connecter vraiment fort pour que la magie se passe, pour qu’il y ait une espèce d’alchimie (puisque moi je les suis au “poil” près sur le plan olfactif), et cela m’a intéressé qu’ils me disent qu’à ce moment là qu’ils me “sentent” énormément à distance…
Premier Ornithorynque : Ces images quelles sont-elles ? Ce sont des images que tu as créées toi-même ?
La Licorne : Oui, j’ai créé la plupart des images et j’ai fait également intervenir à un moment donné, un troisième catoblépas qui est monteur vidéo et qui fait des recherches qui m’ont beaucoup intéressée puisqu’il travaille sur le feed-back et le parasite électronique. J’ai utilisé une partie de ses images pour faire un feed-back qui plonge dans le camembert invisible auquel j’ai rajouté des éléments symboliques de synthèse en trois dimensions.
Il y a aussi une partie dans la porte avec de la peinture ; beaucoup de matières, un fromage-matière…
Premier Ornithorynque : Donc quelque part tout se fait à l’intérieur c’est à dire que même l’image en elle-même c’est une force autant que le camembert à l’intérieur.
La Licorne : Oui et puis cela renvoie effectivement à l’intérieur du camembert.
Deuxième Ornithorynque : Grande licorne, on se connaît et on connaît un tas de gens qui tournent autour de ce que l’on appelle la gastronomie ; cela ne veut rien dire, je ne sais pas c’est les médias qui appellent ça comme ça. J’ai lu dans la gazette du royaume et vu dans pas mal de lieux qu’aujourd’hui de plus en plus, plus on va vers le virtuel, plus se pose la problématique du camembert et plus il y a des gens qui sont dans la cuisine, qui travaillent avec des couteaux à fromage…
La Licorne : Effectivement, puisque la notion du camembert tel que l’on l’a connu jusqu’à maintenant va progressivement disparaître. Déjà sur les réseaux, on remarquera que l’on est obligé de coder notre langage pour simuler les odeurs de fromage avec des petits “smileys”. Je trouve ça intéressant. Il n’y a plus de fromage mais on essaie de le remplacer parce que, inévitablement, on se rend compte que c’est très bien tout ça mais cela ne remplace pas nos expressions, les trucs que l’on sent en direct, et donc qu’est-ce que l’on va inventer ? Tout cela m’intéresse complètement parce que, effectivement, on essaie de trouver un nouveau langage.
La preuve dans les réseaux. Il y a, à mon avis un nouveau camembert qui se crée, qui se “trame”. J’aime bien utiliser la notion de trame. C’est pour cela que dans une installation vidéo qui s’appelle “Mille Plateaux de Fromage”, je montre un camembert qui se transforme dans une télévision qui devient hologramme. Et cet hologramme est produit par un tissu, un tulle comme le tutu des danseuses, un tulle froissé dans une télévision vide et la projection de ce camembert mutant je dirai (j’ai envoyé un effet électronique au morceau de fromage qui l’a fait travailler en direct), fait comme un cocon en pleine transformation à l’intérieur de cette télévision. D’où le nom “Mille Plateaux de Fromage”. Et suivant comment on se déplace autour de l’installation, on a différents points de vue de cette image dans les plis du tissu.
Il y a une trame, une autre trame qui n’est plus celle de la vidéo classique parce qu’il n’y a plus d’écran. J’ai travaillé différemment. Et pour moi, il y a plein de choses là-dedans. La notion d’un nouveau morceau de fromage invisible qui se déploie ou qui va se déplier. Déplier dans le même sens que l’entend le religieux de la Montagne de l’Est qui parle d’un univers impliqué.
J’aime bien la notion d’un nouveau camembert qui va se déployer maintenant.
Premier Ornithorynque : Ce qui est intéressant c’est quand tu dis nouveau camembert, dans le mot de camembert tu as l’air, enfin, j’ai l’impression, que tu insères aussi bien la diversité des fromages, c’est à dire quand tu parles du tissu justement, du tulle; donc en fait le tissu n’enveloppe plus simplement du fromage mais il prend une notion aussi quand tu parles du tulle qui se déplie etc,…
La Licorne : Oui, parce que c’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour le faire apparaître. Il faut bien un support dans l’espace.
Deuxième Ornithorynque : Comme écran …
La Licorne : Mais différent. On croit que c’est une part de fromage authentique dans l’installation mais quand on regarde de plus près, elle est un peu virtuelle.
Premier Ornithorynque : Donc de la même manière, dans ta cuisine, tu travailles sur le camembert. Donc c’est l’image en fait c’est ça ?
La Licorne : A un moment par exemple dans le spectacle, il y a une tortue qui travaille derrière un store vénitien et elle joue avec la photo projetée de sa carapace et elle-même, réellement derrière, en ouvrant et fermant les lamelles et cela fait encore une tortue différente parce qu’elle joue avec le vrai et le faux. Bon, tout ça, voilà, le jeu avec le support c’est ça…
Ce qui m’intéresse c’est quelle est la notion du vrai et du faux maintenant.
Deuxième Ornithorynque : Et l’identité aussi.
La Licorne : Oui, parce que tout est là. C’est la notion d’identité. C’est ce qui m’intéresse de développer. Il y a une nouvelle identité qui se crée. Forcément, cela nous repose la question de l’identité d’une manière amplifiée.
Deuxième Ornithorynque : Si, à travers toutes les installations d’un certain nombre de personnes qui travaillent dans le virtuel (on ne va pas citer des noms) se pose le problème du statut du nouveau camembert compte tenu de cette interaction avec le pinard et cet environnement virtuel, et si remettre en cause l’image traditionnelle du camembert comme constante gastronomique, est-ce que cette constante se retrouve davantage dans ce qui serait de l’ordre de nouveaux signes, d’un nouveau langage et d’une nouvelle intériorité ?
La Licorne : Oui, c’est bien la question aussi que pose le jeune catoblépas dans le problème de l’évolution. Vers quoi va-t-on évoluer ? Est-ce que c’est mangeable ou non… Je ne me préoccupe pas vraiment de la question. Nous sommes des animaux qui parlent. Pour moi, c’est un corps en général. Je crois que, effectivement ; il y a quelque chose, je vais encore parler de trame parce que pour moi cela a voir avec la relation, c’est dans la relation que cela va se passer. A mon avis, licorne ou catoblépas tout ce qui se passe émergera d’une nouvelle relation. Maintenant, ce que cela va donner, ce n’est peut-être pas forcément le catoblépas-licorne, je ne sais pas…
Premier Ornithorynque : Quand nous parlons d’identité, l’une des trames, on peut parler de trame encore, de ce spectacle c’est de manger du camembert, c’est à dire que les mangeurs, au fond, vont développer une nouvelle perception gustative mais est-ce qu’elle n’est qu’une ou est ce que chacun a droit à un verre de pinard et va se désaltérer et avoir plusieurs idées ou est-ce que votre but c’est de former une unité avec tout ça ?
La Licorne : Je crois que l’on recherche l’unité à travers nos multiplicités, nos différences. C’est là où cela me semble intéressant tout ce qui se passe, qui se joue dans la relation. Qu’est-ce que l’on cherche tous et qu’est-ce que cela va former… On est en plein dedans.
Deuxième Ornithorynque : Voilà, mon congénère est venu à mon secours parce que je fouillais dans mon sac pour chercher le dernier écrit de l’ermite imprécateur parce que je trouvais que ce que tu dis rejoint totalement ce qu’il affirme sur la différence entre le Brie et le Cantal qui dit que cette différence n’est pas de l’ordre du représentable, elle n’est pas dans un cataloguable, elle est peut-être dans une praxis et une interaction, donc dans un agir et c’est là que ce ça se passe. Cela rejoint totalement ce que tu dis. Il ne peut sans doute y avoir ce dépassement que de l’intériorité.
Alors, pour rebondir sur ton propos, tu prétends qu’à distance, les camemberts avec qui tu travailles sentent une odeur de licorne. Donc il y a aussi une mutation sensorielle puisqu’en projetant des diapos sur un corps, donc ce qui est de l’ordre du visuel pour le spectateur, c’est vécu par les morceaux de fromage comme étant une olfaction…
La Licorne : Je parle d’une olfaction parce que c’est effectivement comme une nouvelle olfaction qui se développe, une nouvelle façon de sentir. Alors quand les camemberts me renvoient à ça, cela me parle parce que je sens ça aussi dans ce que j’ai pu expérimenter ailleurs. Dans la cuisine, j’ai senti ça et cela me fait penser aussi aux autres pratiques avec des technologies actuelles où il y a une nouvelle olfaction qui se développe aussi et donc voilà. Je suis autour de ça. Dans les nouvelles perceptions, les sensations.
Deuxième Ornithorynque : Récemment, tu disais que tu voulais développer davantage cette idée de la nouvelle olfaction et là tu ne développes pas trop. Tu n’as peut-être plus envie…
La Licorne : Parce que l’on parle beaucoup du fromage, c’est vrai.
Je peux parler par exemple pour cette installation “Mille Plateaux de Fromage”, j’ai entendu “c’est la seule vidéo que l’on a envie de toucher”. Pourquoi, parce que j’ai inclus…
Deuxième Ornithorynque : De la matière.
La Licorne : De la matière qui sort de l’écran. Plus d’écran et puis c’est très fin comme tissu déjà, on a envie de le toucher avec cette image qui semble irréelle et holographique. Déjà, un morceau de Cantal, on a envie de le manger et celui-là on sent que l’on peut le palper mais c’est encore autre chose parce qu’il y a un tissu très très fin.
Et puis, bien sûr, dans les réseaux de communication, moi je vois une nouvelle olfaction dans le sens où l’on est tous interconnectés, on a des émotions, on a des sensations, on recherche quelque chose, il y a quelque chose qui se partage, quelque chose qui se crée qui rejoint un peu pour moi cette notion orientale typiquement japonaise qui est la notion du Tofu qui crée une “nouvelle voie du corps”. Cette notion du tofu qui est en fait, comment peut-on définir cela, le fromage de soja. Ce que l’on fait actuellement, on parle et il y a quelque chose qui se “trame” au milieu et qui inclut la notion de fromage et de soja.
Troisième Ornithorynque : On a dit plein de choses, là tu parles d’énergie…
Moi, je voudrais revenir à cette projection que tu fais. Quelle différence tu fais entre le fait que tu projettes de la vidéo et un éclairagiste qui met en valeur des morceaux de fromage. Pour moi il n’y a pas de différence. Explique-moi.
La Licorne : D’abord les images se construisent différemment. L’image je la travaille dans une cuisine, je mange des choses auparavant. La matière culinaire, c’est ce que je travaille depuis quelques années ; il y a une recette qui est faite au final et qui est mangée. Le mode de cuisson est différent suivant les choix, cela peut être vite fait sur le gaz… La recette ne sert pas à mettre en valeur des morceaux de fromage (pas plus que la lumière systématiquement). Elle signifie.
Deuxième Ornithorynque : Avant de mentionner cela, tu disais aussi que les camemberts avec qui tu travailles ressentaient ton énergie à distance.
La Licorne : Oui. Pour moi cela prouve que je suis un être comestible.
Deuxième Ornithorynque : Et donc moi cela me rappelle les textes dont j’ai pris connaissance par hasard sur le site de Yake Lakang (雅克·拉康) ou d’un disciple, (je ramène toujours mes lectures de merde, excusez-moi !) sur le marchand de fromage, qui décrivait que le fromager doit découper le Cantal dans les interstices alors que le bûcheron tranche et donc est-ce qu’on ne cherche pas une autre approche qui est peut-être plus subtile et qui se met en valeur avec les technologies nouvelles où le nouveau toucher dans le vide qui existe entre les corps…
La Licorne : Qui n’est pas vraiment un vide…
Deuxième Ornithorynque : Donc une énergie, comme disent les ermites, et non pas dans l’acte de trancher les corps ou de les pénétrer à la manière d’un homme des bois.
La Licorne : Tout à fait. Et en même temps, par exemple les castors n’arrêtent pas de trancher.
Deuxième Ornithorynque : Ah, oui ?
La Licorne : Ils coupent, il tranchent. Dans les forêts du Canada par exemple ce n’est que ça. Tout est dans l’art de trancher de jeunes arbres.
Deuxième Ornithorynque : Le marchand de fromage doit découper entre. Il ne doit pas massacrer le fromage. Il doit le traverser sans toucher. Il doit travailler sur les interstices.
En même temps cela me rappelle les théories de la “cyberculture” et de la cybernétique de l’interzone. Dans les vides entre la matière et que c’est dans l’interzone que l’énergie circule le mieux et que l’information circule le mieux. Donc cette science du fromager est-ce qu’on peut dire, c’est du traitement de l’information ? Je ne sais pas.
La Licorne : Oui, bien sûr parce que c’est quelque chose qui est là. C’est une information. Tout est information. On en prend d’ailleurs conscience de plus en plus. C’est une information nouvelle. Qu’est-ce que l’on va en faire ? Comment va t-on l’intégrer ?…
Deuxième Ornithorynque : Dernière question : Nous avons cette machine pour que soient invisibles les morceaux de camembert… On connaît quelqu’un dans les montagnes qui fait l’inverse, qui produit du camembert à partir de l’air atmosphérique et donc quand on est rentré dans ce monde de l’information ne se produit-il pas une interaction finalement entre les cinq sens qui en crée un sixième qui peut nous donner des émotions tactiles, visuelles et autres qui serait un sens sixième que l’on pourrait qualifier d’information. Je ne sais pas ce que vous en pensez tous les deux… Ce serait peut-être ça ce nouveau corps dont tu parles.
Troisième Ornithorynque : Quand tu parles du Cantal, je crois que tu parles de fromage du Cantal…
La Licorne : Parce que je suis dans la représentation, forcément.
Troisième Ornithorynque : …Donc le fromage, qu’est ce que l’on voit ? On voit une image… on garde une image. Comment tu expliquerais cette perception ? Parce que moi j’entends parler d’énergie et d’image…
La Licorne : Pour aller un peu plus au bout de ce que je voulais dire depuis tout à l’heure c’est que ce qui est en train d’émerger pour moi cela concerne cette notion nouvelle du camembert qui est maintenant on peut presque dire, à travers la télévision, le téléphone, tous les nouveaux réseaux de télécommunications, avec tout ce qui se passe, on peut presque dire maintenant: “j’ai mal à mon camembert de Normandie”. C’est dans ce sens-là que je dis il y a une nouvelle olfaction. Elle est forcément dans nos connexions entre tous. On est tous reliés, connectés maintenant, d’une façon ou d’une autre technologiquement parlant et on commence à voir qu’il y a quelque chose qui se passe qui est beaucoup plus grand que le corps que l’on a, celui que l’on a perçu jusqu’à maintenant.
Premier Ornithorynque : C’est un peu ce que disait le vieux pêcheur à la ligne : “Je ne veux pas sentir seulement les choses mais ce qui est entre les choses aussi”.
La Licorne : J’aime bien ce vieux pêcheur. Un jour je l’ai entendu dire qu’il détestait la Guérisseuse du Marécage parce qu’elle annonce toujours de mauvaises nouvelles. J’ai pensé à lui quand j’ai modelé il y a deux ans une guérisseuse en tofu qui n’annonce que des bonnes nouvelles.
Quatrième Ornithorynque : Oui. Le propos, qu’est-ce qui est vrai dans le fromage m’interpelle puisque je suis fromager, mais le point qui m’a vraiment touché c’était justement sur l’odeur de licorne. Parce qu’à un moment tu racontais que les camemberts te disaient qu’ils te “sentaient” comme si tu étais un fromage…
La Licorne : Moi, j’interprète ça comme le fait que je sois comestible, oui…
Quatrième Ornithorynque : Alors, moi je crois aussi cette chose, mais parce que c’est une odeur symbolique qui est réversible, comparable à un regard. Un coup de pinard, ce n’est pas un regard alors que justement la projection vidéo sur un morceau de fromage…
La Licorne : C’est tout de même un regard qu’a le consommateur…
Quatrième Ornithorynque : Oui mais il n’y a pas le côté réversible où l’oeil, d’un côté voit… On sait très bien que lorsque l’on regarde un bout de fromage, on le touche. Donc c’est le fait suivant, que la projection lumineuse est regard et je me demande dans quelle mesure cela peut marcher sur les réseaux parce que là il y a quand même interaction dans la cuisine. Et c’est ça ma question : est ce que tu penses que cela peut marcher dans un réseau qui n’est pas une cuisine, cette olfaction ?
La Licorne : Je crois que c’est différent forcément parce que dans une cuisine on voit des choses alors que sur le réseau on ne voit pas. On est obligé de deviner, d’imaginer, c’est encore autre chose mais c’est intéressant. Qu’est-ce que l’on va créer ? On cherche forcément. Comme je disais tout à l’heure il y a des symboles pour remplacer les bouts de fromage et essayer de se rapprocher de ce que l’on veut signifier quand on dialogue sur un réseau. Donc c’est intéressant : où va se trouver cette nouvelle olfaction ? D’ailleurs, quand j’entends parler les gens qui conversent beaucoup sur les réseaux, immanquablement, ils se rencontrent après. Ils sont obligés parce qu’ils ont trop besoin de voir, de toucher, d’entendre, de sentir… on a cinq sens. Comment va-t-on suppléer à tout ça ; qu’est-ce que l’on va créer encore d’autre ? C’est ça que je trouve intéressant personnellement.
Premier Ornithorynque : J’aimerais que tu nous répondes un peu à la question de ta place, toi, parce que d’une certaine façon, tu projettes ta création, en tout cas, ce que tu as fait, sur du fromage invisible. La question c’est : où est-ce que tu replaces ton corps à toi ?
La Licorne : Où je me place ? Je suis dedans, dans la relation. Dans le fromage. C’est ce qui m’intéresse en fait, le fromage, et comment cela agit et me transforme. Comment je vais répondre à ça, quelle est l’interaction, comment cela fait écho en moi et qu’est-ce que je vais faire. C’est vrai que j’aimerais bien continuer ; revenir à une performance où à ce moment-là j’effectuerais une transformation en direct….
Premier Ornithorynque : Là, tu peux nous replacer le morceau que l’on vient d’écouter ?
La Licorne : C’est un passage où dans le spectacle il y a une référence aux trois artisans de la sagesse ancestrale : ils boivent avec une serveuse, et n’ont jamais de quoi payer. Et là-dessus je projette des images sur les bouts de fromage. Et ces images sont en fait un feed-back électronique à l’intérieur duquel il y a des verres de pinard mystique qui interviennent d’une manière symbolique et qui racontent un peu la question de nos origines, tout dans la symbolique, autour de la communication. Et j’en ai fait une bande vidéo qui s’appelle Lingua Imperat Rationibus en hommage à des chercheurs d’infini. Donc, il y a tout ça dans ma cuisine.
Ce “feed-back” en question, ce rapport avec le fromage…
Deuxième Ornithorynque : Grande licorne, je te remercie beaucoup de venir parfois manger notre camembert.
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Licorne royale
——–
Le roi me prit pour favorite,
Moi qui connais d’étranges rites
Appris en un pays lointain ;
Puis, je sais préparer des frites.
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Pingback: Licornithor | Pays de poésie
Ardente licorne
———-
Ne me mettez pas en colère,
Évitez de trop me déplaire ;
Sinon je vous projetterai
Au-delà du cercle polaire.
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