Complainte d’un épouvantail

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Toile de Val Stokes

Jamais rien ne m’a dit 
L’épouvantail muet ; 
Nul n’écrivit sur lui 
Sonnet 
Ou ballade ou 
Chanson de fou. 

— Tu ne vas nulle part, homme au ventre de paille ! 
— Où voudrais-tu que j’aille ? 

Jamais rien il ne dit ; 
Bien faible est son esprit. 
Un potiron pour crâne, 
Un nez fait de chandelle, 
Des boutons pour prunelles ; 
Pour mitre, un bonnet d’âne. 

— Tu es bien impassible, homme au ventre de paille ! 
— Mortes sont mes entrailles. 

L’épouvantail des longues plaines 
Avec sa drôle de dégaine 
Et ses cheveux mouvants 
En hiver, se nourrit de vent, 
Au printemps, d’un bruit d’ailes. 
Gardien de la plaine éternelle, 
Même s’il dort, il est debout ; 
Quand du temps nous serons au bout, 
Quand descendra des cieux le fils du charpentier, 
Savons-nous s’il aura de ce pantin pitié, 
Que des hommes peu sages 
Ont fait à son image ?