Archives du blog

SUMMER OF READING 2016 [40K-HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue, convenablement estivale, du Summer of Reading 2016, recueil de sept nouvelles publiées par la Black Library pendant l’été 2016 (jusqu’ici, c’est assez simple, et ça devrait le rester). Après une édition 2015 proprement gargantuesque, avec pas moins de 21 histoires proposées au lecteur, 2016 se révéla être l’année de la maturité pour le format des SoR : un panaché de sept nouvelles rattachées aux franchises majeures de la GW-Fiction1… et une couverture absolument pas funky, que j’ai donc remplacé pour donner un peu plus de panache à cette sélection.

Summer of Reading 2016

Avec deux soumissions hérétiques et cinq siglées 40K, le Summer of Reading 2016 est d’abord destiné aux amateurs de science-fiction, bien qu’il ne faille jamais sous-estimer la capacité des contributeurs de la BL à s’affranchir des conventions pour livrer des nouvelles résolument surprenantes (en bien ou en moins bien). Et le casting réuni pour cette anthologie se révèle assez prometteur à ce niveau, puisqu’on y retrouve aussi bien des « grandes plumes » habituées à mettre leur patte aux univers pour lesquels ils écrivent (Abnett, Wraight, French…) que de auteurs vétérans n’ayant pas peur de tenter des trucs, ou des petits nouveaux n’ayant pas froid aux yeux. Sans plus attendre, repartons donc à la découverte du millésime 2016, à l’époque où nos célébrités préférées s’amusaient à tomber comme des mouches…

1 : Bien qu’Age of Sigmar ait fêté ses un an au moment où le SoR a été mis en ligne, cette nouvelle franchise n’a cependant pas bénéficié d’une mise avant dans le cru de cette année, ce qui illustre bien les débuts difficiles d’AoS avec la BL.

Summer of Reading 2016

.

Blackshield – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE :

BlackshieldLa fin de la récré approche à grands pas pour Khorak de la Death Guard et ses quelques frères d’armes survivants, ayant fait sécession de leur Légion après le siège de Molech et s’étant transformés en pirates galactiques nourrissant le vague projet de faire payer son hypocrisie à Mortarion depuis lors. Poursuivis par de mystérieux adversaires jusqu’à l’orbite du monde hostile d’Agarvian, les non alignés sont contraints d’abandonner leur vaisseau (le joliment nommé Ghogolla… je pense que ces nerds de Thousand Sons – et leur énervante maîtrise de toutes les langues mortes de la galaxie, y compris le français – ont dû bien se foutre d’eux pendant la Grande Croisade) et de se poser en catastrophe à la surface de ce caillou aussi minable que gazeux, espérant que leur légendaire fortitude leur permettra de gagner un avantage sur ce champ de bataille des plus difficiles.

Après une marche éprouvante à travers les marais spongieux qui constituent l’unique écosystème d’Argavian, Khokho and the boyz finissent par trouver un endroit idéal pour livrer leur dernier carré (ça tombe bien, ils ne sont plus que quatre), une fois que leurs poursuivants les auront rattrapés, bien sûr. Littéralement quatre jours plus tard, une petite force de Space Marines passablement exténués par cet UTMB1 finit par arriver à portée de bolter, et se fait donc accueillir bellement par les Death Guards qui barbotaient dans la bouillasse sans bouger le petit doigt depuis un petit moment2.

Si les premiers instants de l’accrochage tournent logiquement en faveur des défenseurs embusqués, le nombre de leurs assaillants finit par renverser le rapport de forces, et Khorak, bien protégé par son armure Terminator et son statut de protagoniste, finit par se retrouver seul face à un véritable peloton d’exécution. Bravache jusqu’au bout, il défie en duel le meneur adverse, dont l’héraldique est totalement noire, comme celle de ses suivants. Souhaitant au moins savoir qui sera responsable de son futur et inévitable trépas, l’ex Death Shroud bombarde son homologue de question, jusqu’à ce que ce dernier consente à révéler son identité…

Début spoiler 1…Et, surprise, il s’agit d’un frérot, comme sa capacité à respirer l’air vicié d’Argavian sans protection le laisse apparaître. Les points communs ne s’arrêtent pas là, car Crysos Morturg (son petit nom) est également un renégat Death Guard, ayant été laissé pour mort sur le champ de bataille d’Isstvan III après la purge des premières Légions traîtresses par leurs frères d’armes. Ayant survécu au prix d’une reconstitution quasi-complète de son anatomie, Crysos s’est depuis donné comme mission de traquer et détruire les forces Death Guard sur lesquelles il arrive à mettre la prothèse, en compagnie d’un contingent issus des tristement célèbres Légions Brisées, renommé Black Shields en référence à leur héraldique monocolore. Comprenant qu’il partage le même but que son poursuivant, et malgré la perte regrettable de son vaisseau et ses camarades, Khorak semble prêt à passer l’éponge sur les derniers événements et à repartir du bon pied avec ses nouveaux copains, lorsqu’un accident fâcheux se produit…

Début spoiler 2…Un de ses frères d’armes, qui n’était pas tout à fait mort au final, s’extirpe de son bain de boue pour réaliser un headshot parfait sur le front dégarni et ridé de Jason Statham Crysos, avant d’être transformé en hachis parmentier par la riposte des Black Shields. Cette mort tragique et ironique aurait toutefois préférable pour Khorak à la réalité dont il est témoin, Crysos parvenant à stopper le projectile fatal grâce à ses pouvoirs psychiques. Ayant laissé tomber Mortarion, mais pas son endoctrinement psychophobe, Khorak renonce à rejoindre la team noiraud et préfère tomber au champ d’honneur en essayant de faire goûter de sa faux à Crysos, tentative évidemment vouée à l’échec et dans laquelle il perd le dernier de ses points de vie.

De retour sur son vaisseau, et plus qu’un peu dépité par la tournure qu’ont pris les événements, Crysos décide de mettre le cap sur Terra pour solliciter rien de moins qu’une audience avec l’Empereur en personne (qui n’a sans doute rien d’autre à faire en ce moment), afin d’attirer Son auguste regard sur les services rendus par Robocopmarine et sa bande d’irréguliers. On lui souhaite bien du courage…Fin spoiler

1 : Ultra Trail du Marécage Boueux. Le Mont Blanc a été rasé à la fin de M29 pour construire un centre commercial.
2 : Les amateurs de hard SF me feront remarquer, avec raison, qu’aucune indication n’est donnée sur la longueur du jour sur Agarvian. Il se peut donc que nos héros n’aient attendu que trois minutes avant que la bagarre ne s’engage, mais ce serait beaucoup moins badass, reconnaissons-le.

AVIS :

Chris Wraight se paie le luxe d’introduire une nouvelle faction (certes mineure) à l’Hérésie d’Horus avec ce ‘Blackshield’, ce qui n’est pas donné à tout le monde, et le fait plutôt bien (même s’il passera immédiatement le flambeau à l’infatigable Josh Reynolds après la publication de cette nouvelle). On a ici le droit à une histoire bien ficelée, n’oubliant pas de donner au lecteur sa ration d’action brutale, ni de mettre en relief les conséquences de l’Hérésie pour les personnages lambda qui y sont confrontés. Seul léger bémol : il est nécessaire de maîtriser un minimum le fluff hérétique (en particulier les événements d’Isstvan III et de Molech) pour bien comprendre de quoi Khorak et Crysos discutent lors de leur petit tête à tête agarvien et pourquoi ils sont autant surpris l’un que l’autre de la présence de leur vis-à-vis. En outre, et comme beaucoup d’arcs narratifs ébauchés à cette période charnière de l’Hérésie d’Horus, on reste pour le moment sans nouvelle du space trip vers Terra qui sert d’ouverture à ‘Blackshield’, ce qui est un peu dommage.

.

Gates of the Devourer – D. Annandale [40K] :

INTRIGUE :

Gates of the DevourerQuel est le point commun entre Ferantha Krezoc, Princeps du Titan Warlord Gloria Vastator de la Legio Pallidus Mor, et Albrecht Feisler, Gouverneur de la planète Khania ? En cette fin de 41ème millénaire, la réponse est : un sommeil perturbé (je sais, c’est assez banal et pas vraiment grimdark), encore que pour des raisons totalement différentes. Krezoc est un workaholic qui ressent psychologiquement l’absence de communion avec l’esprit de sa grosse machine lorsqu’elle n’est pas en opération, alors que Feisler fait juste les frais de l’Ombre dans le Warp, sa planète se faisant attaquer sans crier gare1, ni rien du tout d’ailleurs, par une petite flotte ruche affamée. Ces deux personnages seront nos yeux et nos oreilles dans le récit de la lutte entre l’Imperium et les Tyranides pour Khania, casting complété par le Capitaine Harth Deyers du 66ème régiment blindé de Katara, envoyé à la rescousse de la planète attaquée dans l’espoir d’enrayer la progression des Xenos avant que Katara se retrouve à son tour en haut de leur to eat list.

Nous suivons donc l’arrivée en orbite de la demi-Légion Pallidus Mor, placée sous le commandement du très cool Maréchal Balzhan, quelques semaines après le début du conflit. Bien qu’ils n’aient pas trainés en route, les PM sont les dernières forces impériales à rejoindre le théâtre d’opérations, devancés par la Flotte Impériale (qui a pris la mission à la légère, s’est contentée d’envoyer quelques vaisseaux, et s’est faite bellement fesser par les Tytys en conséquence), les transports du 66ème Kataran, et ceux de la demie-Légion des Imperial Hunters. A leur arrivée, la situation est loin d’être idéale pour les défenseurs, acculés dans la cité-ruche de Gelon du côtés des Gardes Impériaux, et en cours de déploiement pour les Hunters, dont le commandant (Syagrius) semble vouloir compenser le nom vernaculaire de sa Légion par une arrogance et une condescendance sans limite à l’égard des nouveaux venus. Bien que ce comportement énerve rapidement l’irascible Krezoc, elle est rappelée à ses obligations par Balzhan, qui accepte sans broncher que son homologue dicte la stratégie de l’avance des Titans.

S’en suit une promenade bucolique dans la pampa khanienne, à peine perturbée par la contre-attaque de quelques millions de Gaunts et Gargouilles, trop heureux de se jeter sous les pieds et sur le parebrise de marcheurs impériaux pour les ralentir. Bien que la menace soit minime pour des Titans en pleine forme, l’approche très agressive des Imperial Hunters comparée à celle plus posée des Pallidus Mor ne tarde pas à menacer la cohésion d’unité entre les deux Légions, ce qui permet aux Xenos d’isoler et de détruire quelques machines adverses. Les hasards de la bataille font que le Gloria Vastator soit chargé par Balzhan de garder les arrières de l’Augustus Secutor du pompeux Syagrius après que ce dernier ait décidé de sprinter en solo vers la banlieue dévastée de Gelon pour en soulager les défenseurs, ou plus vraisemblablement mettre à jour sa story Instagram avec un selfie duckface et une mention #FirstOnSite. Malheureusement pour les Gundams impériaux, un Hierophant se trouve sur leur chemin, et pour une fois, il semblerait que ce soit la petite bête qui aille manger la grosse…

Début spoilerLe Hierophant met en effet à profit son agilité et ses réflexes bien supérieurs à ceux du pataud Augustus Secutor pour lui infliger des dommages critiques, et aurait sans doute réussi à se payer la (grosse) tête de Syagrius sans l’intervention salutaire du Gloria Vastator de Krezoc, qui parvient à détourner l’attention du Bio-Titan de sa proie, et à lui coller suffisamment de touches de Force 30 dans son petit ventre mou pour envoyer la bestiole au tapis (même si c’est ce poseur de Syagrius qui lui assène le coup fatal, et engrange donc l’XP).

Privés de la présence charismatique de leur gigantesque mascotte, les essaims Tyranides se débandent et se font facilement annihiler par les efforts combinés de la Garde, des Legio Titanicus et de la Flotte Impériale, sauvant ainsi Khania… pour deux jours. La nouvelle se termine en effet sur l’annonce de l’arrivée de renforts tyranides en orbite de la planète. Il faudrait installer un interphone avec caméra à proximité du point de Mandeville du système, ça éviterait ce genre de sale surprise…Fin spoiler

1 : Ou plutôt, et pour être tout à fait exact, sans être entendue par le reste de l’Imperium. Ce qui n’empêche pas ce dernier de réagir (et promptement avec ça) car dans les ténèbres du lointain futur, c’est encore le silence qui est le plus inquiétant.

AVIS :

David Annandale nous propose un compte-rendu romancé tout à fait plaisant d’un siège opposant les forces de l’Imperium à celles de la Grande Dévoreuse, alternant entre scènes d’action frénétique et descriptions de la difficile collaboration entre les contingents des Legio Titanicus, ce qui devrait combler tous les types de lecteur de la GW-Fiction. L’alternance des points de vue adoptés au cours de la nouvelle fonctionne assez bien, même si le Gouverneur Albrecht Feisler et le Capitaine Harth Deyers ne bénéficient pas du même traitement que la Princeps Ferantha Krezoc, ce qui m’a d’abord étonné, avant que quelques recherches fassent apparaître que ‘Gates of the Devourer’ est en fait le prélude au roman qu’Annandale a consacré à la Legio Pallidus Mor (‘Warlord : Fury of the God Machine’). Le dénouement de la campagne de Khania est relaté dans les premiers chapitres de ce bouquin, ce qui explique également la brutalité avec laquelle cette nouvelle se termine. Qu’on se rassure toutefois, cette scission narrative n’empêche pas d’apprécier ‘Gates of the Devourer’ à sa juste valeur, et on tient ici une des meilleures soumissions de David Annandale en matière de war fiction.

.

Deathwatch: Swordwind – I. St. Martin [40K] :

INTRIGUE :

Deathwatch_SwordwindNous suivons en parallèle deux des journées les plus pourries (sans doute des lundis) de la vie du Frère de Bataille Adoni, du Chapitre des Mortifactors. La première fut celle de sa dernière mission pour le compte de la Deathwatch, pendant laquelle il parvint à grand peine, et au prix du sacrifice de tous les autres membres de son escouade, à faire la peau à un Prophète Eldar responsable de la destruction de treize planètes impériales, pour des raisons que la décence nous interdit de mentionner ici. Arrivé au boss fight en compagnie d’un autre membre des Mortifactors, l’héroïque Sobor en personne (faites comme si vous le connaissiez, ça lui fera plaisir), Adoni parvint à mener à bien le psykocide malgré le fait que les combattants se soient retrouvés projetés dans le vide intersidéral après la détonation mal avisée d’une bombe à fusion à proximité d’un dôme à simple vitrage – les Eldars ne savent pas construire en dur, c’est connu. Sobor n’eut toutefois pas cette chance, les milliers d’échardes en moelle spectrale décochées par le Psyker Zoneille à bout portant ayant raison de son endurance surhumaine. Une fin indigne pour un héros de son calibre, mais tout le monde perd des PVs de la honte de temps en temps. Dans son dernier souffle, Sobor fit jurer à son compatriote de ramener son épée, brisée en deux au cours du combat, à la Basilica Mortis, forteresse chapitrale des Mortifactors. Tout cela est fort triste, on peut le reconnaitre.

Sa deuxième journée pénible fut justement celle de son retour au bercail, avec pour toutes possessions l’épée en kit et le crâne de son camarade (l’Inquisition n’est pas du genre à laisser ses anciens combattants repartir avec leur matos de fonction). Tenu par un serment de silence sur son passé dans les Ordos, sous peine de condamner son Chapitre à la destruction pure et simple, Adoni refuse de s’étendre sur les circonstances de la mort de Sobor, malgré la demande formulée par le Maître du Chapitre en personne, Magyar. Pour ne rien arranger, les Mortifactors traversent une mauvaise passe, leur monde chapitral (Posul) ayant été boulotté par la flotte ruche Léviathan sans qu’ils ne puissent le sauver, et leurs effectifs étant tombés à un niveau dangereusement bas suite aux pertes subies dans cet affrontement titanesque. L’ambiance sur la Basilica Mortis est donc encore plus gloomy que d’habitude, ce qui est approprié à la cérémonie d’hommage à Sobor que Magyar organise séance tenante, et à laquelle Adoni assiste bien évidemment…

Début spoiler…Lorsque les Archivistes présents dans l’assistance commencent à saigner du nez de manière incontrôlée et fatale pour la plupart d’entre eux, il devient clair qu’un invité imprévu est venu se joindre à la veillée funèbre. Il s’agit de l’Exarque Bahzakhain, a.k.a. Swordwind, venue avec quelques potes venger la mort de leur Prophète de malheur en annihilant les dernières forces des Mortifactors. Le combat qui s’en suit verra l’Exarque réussir à décapiter en douce le pauvre Magyar, pendant que la bataille fait rage aux alentours. Cette vision éprouvante, loin de démoraliser Adoni, lui donne un regain de motivation pour aller s’enquiller du Xenos, et la nouvelle se termine alors que notre inflexible héros se rue sur Bahzakhain, l’épée fracassée de Sobor à la main. Un combat très déséquilibré sur le papier, mais comme on l’a vu plus tôt dans cette chronique, personne n’est à l’abri d’un échec critique sur ses jets de sauvegarde d’armure…Fin spoiler

AVIS :

Avec ce ‘Swordwind’, Ian St. Martin signe une très bonne nouvelle pour les fans des Mortifactors, de la Deathwatch et du grimdark en général, plongeant le lecteur dans l’éprouvant quotidien des guerriers d’élite de l’Ordo Xenos, et leur toute aussi éprouvante retraite, pour peu qu’ils se soient faits des ennemis rancuniers au cours de leur service. St. Martin parvient à créer une réelle tension autour de ses personnages en l’espace de quelques lignes, réussissant l’exploit de nous intéresser au destin de Space Marines à peine introduits (ou figures très mineures du background, comme pour le Maître de Chapitre Magyar), ce qui n’est pas à la portée de tous les auteurs de la Black Library, loin s’en faut. Il se permet aussi de reprendre en main le fluff des Mortifactors, et si ces derniers s’en sortent plutôt mal, l’avalanche de calamités qui leur ait tombé sur le museau depuis l’arrivée de la flotte ruche Leviathan les rend cependant beaucoup sympathiques et mémorables qu’ils ne l’étaient auparavant (on peut appeler ça le syndrome Scythes of the Emperor). Une petite gemme de la littérature 40K, qui mériterait certainement une réédition dans une anthologie grand public.

.

Stormseeker – A. Worley [40K] :

INTRIGUE :

StormseekerRattaché à une expédition punitive menée par les Deathwolves envers une cabale de pillards Drukhari, le Prêtre de Fer Anvarr Rustmane se retrouve contraint et forcé de participer à une frappe éclair contre les insaisissables Xenos à la surface du monde désolé et désolant de Vityris, où ces derniers ont capturé les résidents d’une station de recherche. Piégés sur place par les manigances d’une faction rivale, les Drukhari constituent une cible rêvée pour les Space Wolves avides de revanche, à condition que ces derniers ne traînent pas en route. Cette fenêtre de tir réduite ne fait cependant pas le bonheur de Rustmane, dont la récente communion avec l’Esprit de la Machine de son Stormwolf lui a appris que ce dernier ne se contenterait plus de la pelisse puante et pleine de vermine qui lui servait jusqu’à présent de pare-givre. N’ayant pas pu trouver de relique convenable pour apaiser ce caprice imprévu, le Prêtre de Fer doit donc braver le déplaisir de sa monture et emmener sa cargaison de Griffes Sanglantes chanteurs jusqu’à la surface de Vityris, quoi qu’il en coûte.

La mission de notre héros se voit davantage compliquée par l’arrivée soudaine sur les lieux de l’empoignade d’un trio de Razorwings, mené par la sœur de l’Archonte en rade, forçant Rustmane à mener sa propre escadrille de Stormwolfs et Stormfangs à l’assaut des invités surprises. Jongler entre le déplaisir de son vaisseau, les appels en absence du Garde Loup Skaldr Frostbiter, en charge de la mission1, et les intentions meurtrières des Tom-Tom et Nana Drukhari ne sera pas une partie de plaisir, mais Rustie a suffisamment de bouteille et de bouteilles (boire ou conduire, pourquoi choisir ?) pour mener à bien cette mission…

1 : Harald a dû emmener Icetooth chez le vétérinaire pour lui tailler les griffes.

AVIS :

Drôle de soumission de la part d’Alec Worley, qui prend avec Stormseeker le contrepied d’un certain nombre d’éléments établis du fluff, pour un résultat qui, s’il ne peut pas être qualifié de désagréable, et se révèle même être assez distrayant par son parti pris assez léger, ne s’inscrit pas vraiment dans l’atmosphère générale du 41ème millénaire. Personnage haut en couleurs, Anvarr Rustmane n’est pas le moindre des éléments perturbateurs de cette histoire, sa tendance à l’alcoolisme et à l’accumulation compulsive de reliques plus ou moins ragoutantes, tranchant fortement avec l’image classique du Techmarine tel que le lecteur se le représente. Accompagné de son loup mécanique Cogfang (disposant de l’option « tonnelet de mjod intégré », en bon Saint Bernard grimdark), Rustmane ne se départit jamais de sa bonne humeur, mis à part lorsque les Griffes Sanglantes qu’il transporte dans son Stormclaw se mettent à chanter un peu trop fort, ce qui ne doit pas arranger sa gueule de bois fer persistante. Cette approche décomplexée de la guerre est émulée par Frostbite, jamais avare en petites blagues alors même qu’il emmène ses guerriers au front1, tandis que de l’autre côté du champ de bataille, le véritable amour fraternel qui semble unir Iruthyr et Izabella Xynariis est assez surprenant de la part de ressortissants de Commoragh.

Difficile d’en vouloir à Worley cela dit, quand on considère ce que la Black Library lui a demandé, c’est à dire une nouvelle dithyrambique sur les Stormwolf et Stormfang, probablement les aéronefs 1) les moins aérodynamiques de la gamme 40K, et 2) équipés de l’arme la plus cartoonesque de l’arsenal impérial (je veux bien sûr parler du mirifique canon Helfrost, tout droit tiré du Batman & Robin de 1997). C’est dans ce genre de situation que l’on comprend mieux pourquoi on parle de l’humour comme la politesse du désespoir…

1 : D’ailleurs, sa harangue héroïque se trouvera brutalement interrompue par une fléchette empoisonnée Drukhari en pleine gorge, sans autre effet indésirable qu’une sévère crise d’épilepsie et une blessure mortelle de son amour-propre. Pour citer le sage Tuco : « When you have to shoot, shoot. Don’t talk ».

.

Myriad – R. Sanders [HH] :

INTRIGUE :

MyriadNous suivons l’ex Princeps Kallistra Lennox et sa petite bande de loyalistes alors qu’ils mènent des opérations de sabotage à la surface de Mars, tentant à leur humble niveau de mettre des bâtons dans les chenilles du Mechanicus Noir qui règne en maître sur la planète rouge. Après avoir détruit l’Ajax Abominata, un Titan Warlord qui patientait dans la pampa que les Imperial Fists arrêtent leur blocus orbital pour rejoindre les hordes horusiennes, Lennox et ses ouailles répondent au SOS d’un martien en détresse sur le chemin du retour vers la base secrète de la résistance. Ils arrivent sur le lieu d’un accrochage entre une équipe de récupérateurs loyalistes et les forces du sinistre Gordicor, chargé par Kelbor-Hal de traquer les fidèles de l’Omnimessie, et se préparent à faire une nouvelle fois parler la poudre.

À la grande surprise de nos héros, leurs adversaires semblent cependant s’être entretués pour une raison inexpliquée peu de temps après leur arrivée sur site, leur facilitant grandement le travail et leur permettant de mettre la main sur du matos de premier choix parmi les décombres, en la figure d’un robot Kastelan presque neuf. L’automate a bien une espèce de protubérance mécanique non identifiée au milieu du torse, mais cela n’empêche pas Lennox et ses sous-fifres de l’embarquer dans le coffre de leur tunnelier de service, et de reprendre le chemin de la base Invalis en compagnie des camarades qu’ils ont secourus.

Une mauvaise nouvelle attend toutefois la Princeps Disney à son arrivée au poste de commandement des insurgés, dirigé par le presque mort mais toujours vaillant (il lui reste l’usage de la main droite, et pour un gamer, c’est plus que suffisant) Raman Synk : les forces de l’Ordo Reductor de cette brute de Gordicor se sont inexplicablement mises en route en direction d’Invalis peu de temps après le raid sur l’Ajax Abominata, ce qui ne peut que signifier qu’ils ont réussi à suivre la trace des loyalistes. Aussi pragmatiques que l’on pouvait s’y attendre de la part d’ingénieurs de leur calibre, Lennox et ses supérieurs ne tardent pas à soupçonner que la cause de leur problème vient de leur trouvaille miraculeuse, laissée en quarantaine dans un hangar en compagnie d’une nouvelle recrue enthousiaste mais pas encore testée, Lenk 4/12 (ces noms, ces noms…). Comme pour confirmer leurs suspicions, le Kastelan inerte reprend soudainement du service, et commence à pomper goulument la base de données d’Invalis sans que les adeptes ne puissent rien faire. En effet, l’appareil monté sur la carlingue du robot de combat est identifié (un peu tard) par le docte Synk comme la marque de la Myriade Tabula, une intelligence artificielle ayant tenté de conquérir la galaxie par le passé, et mise sous clé à fin d’étude par le Mechanicum après avoir été vaincue de haute lutte. Et l’IA semble très déterminée à prendre sa revanche…

Début spoiler…Fort heureusement pour les loyalistes, Mme Tabula considère, dans son infinie sagesse, qu’ils ne sont pas une menace, ce qui est à la fois rassurant et insultant, et se concentre exclusivement sur la purge du Mechanicus Noir, à commencer par l’émetteur corrompu que le pauvre Lenk 4/12 transportait dans son bedon sans même le savoir, et qui est prestement confisqué et détruit par le Kastelan « possédé », sauvant du même coup la base Invalis d’une attaque de Gordicor.

Peu optimistes quant à leur chance de neutraliser la Myriade, Synk et ses complices décident de faire contre mauvaise fortune bon cœur core et de capitaliser sur la haine que l’IA semble vouer au Chaos pour poursuivre leur lutte contre Kelbor-Hal et ses sbires. En effet, la puissance et la pureté logique du code tabulaire permet de retourner les machines corrompues les uns contre les autres, comme cela a été le cas lorsque Lennox et ses hommes ont répondu à l’appel à l’aide de leurs camarades, un peu plus tôt dans la journée. Il ne leur reste plus qu’à suivre le plan en 4.267 étapes concoctés par la Myriade pour parvenir à leurs fins, et avec un peu de chance, appuyer sur le bouton Reset juste avant que cette dernière parvienne à assujettir l’univers, comme elle en a l’intention. Tout sera une affaire de timingFin spoiler 

AVIS :

Les lecteurs familiers du fluff de l’Hérésie d’Horus savent que le Schisme de Mars a constitué un événement important de cette campagne cataclysmique, que la Black Library a cependant traité assez légèrement dans sa couverture de cette dernière. Partant, il est difficile de cracher sur une nouvelle traitant de ce théâtre particulier, même si Rob Sanders livre une copie assez particulière avec ce ‘Myriad’, continuation logique de la novellaCybernetica’ (où la Myriade Tabula apparaît pour la première fois), et qui semble n’être qu’une succession de péripéties mineures (détruire un Titan, secourir des copains en rade…) jusqu’à ce qu’un littéral Deus Ex Machina se produise et le rideau tombe sur Kallistra Lennox et sa looooongue liste de camarades nommés1. Mars méritait mieux.

1 : Ce qui semble indique que Rob Sanders avait l’intention de développer cet arc dans d’autres publications, si vous voulez mon avis. Pas de chance, ‘Myriad’ a été son dernier travail pour l’Hérésie d’Horus…

.

The Purity of Ignorance – J. French [40K] :

INTRIGUE :

The Purity of ignoranceNotre nouvelle commence par l’interrogatoire serré mais décousu subi par le Lieutenant Ianthe du Régiment des Agathian Sky Sharks. En face de l’officier, un prêcheur impérial s’étant introduit comme Josef, se montre très intéressé par les états de service de son interlocutrice, qui peine à comprendre pourquoi il tient tant à ce qu’elle les passe en revue en boucle1. Il s’agit toutefois de la première fois qu’Ianthe collabore avec l’Inquisition à laquelle Josef appartient, et notre héroïne se dit que cela doit faire partie de la procédure de recrutement classique des saints Ordos, et se plie donc sans broncher au petit jeu du déroulé de CV. Il n’y a de toutes façons pas grand-chose à gagner à mettre un rogne un représentant d’une institution qui peut vitrifier votre monde natal sans avoir à se justifier, n’est-ce pas ?

Ailleurs, sur le monde de Tularlen, la Gouverneure Sul Nereid s’éveille dans le luxe de ses quartiers privés. La pauvresse a fait un horrible cauchemar, mais rien qui ne puisse être oublié par un bon petit déjeuner et une représentation privée du dernier ballet donné à l’opéra de la spire. En cela, Nereid a la chance de pouvoir compter sur la dévotion et le professionnalisme de son majordome Saliktris, qui semble toujours deviner ce qui lui ferait plaisir et se met en quatre pour satisfaire les envies et appétits de sa maîtresse. Et cette dernière a bien besoin de se détendre de temps à autres, les soucis posés par la gestion d’un monde impérial étant bien lourds à supporter.

Le premier acte du Lac des Razorwings est toutefois brutalement interrompu par l’arrivée de l’Inquisiteur Covenant et de sa suite, qui plutôt que de se faire annoncer au rez-de-chaussée de la ruche, ont opté pour une entrée fracassante par la baie vitrée, vérifiant une nouvelle fois le dicton que personne ne s’attend à ce que l’Inquisition passe par les velux. Coco et Cie sont confrontés à une vision d’horreur de 4.3 sur l’échelle du Nighthaunter2, musiciens et danseurs se révélant être des cultistes lourdement pimpés selon les goûts pointus, acérés même, du Prince du Chaos. Saliktris, quant à lui, est un authentique Héraut de Slaanesh, trop heureux d’obtempérer lorsque sa maîtresse lui ordonne de chasser les importuns, et par la force s’il le faut. Dans la bagarre qui s’en suit, Ianthe bénéficie d’une introduction approfondie aux us et coutumes chaotiques, la mélée confuse mais colorée qui engloutit les quartiers gouverneuriaux prélevant un lourd tribut sur les membres de son escouade ainsi que sur sa santé mentale.  À ses côtés, Covenant et ses sidekicks réguliers (Josef et Severita), plus aguerris que leur nouvelle recrue, s’illustrent de sanglante façon, jusqu’à ce que Salikris soit banni dans le Warp, et que cette fieffée profiteuse de Nereid écope d’un blâme, pardon d’un blam !, lorsque Ianthe parvient à la mettre face à ses responsabilités et au canon de sa carabine laser.

Début spoilerLe cœur de l’infection ayant été purgé, il ne reste plus au représentant de l’Ordo Malleus de donner quelques directives à son personnel pour que les quelques milliers de personnes ayant eu le malheur de fréquenter la défunte au cours des dernières années soient rapidement mises hors service. Dura lex sed lex. Se pose également la question du devenir d’Ianthe, qui, au cours de l’opération, a retrouvé la mémoire, et compris qu’elle servait en fait Covenant depuis de nombreuses années, mais avait été consciencieusement reformatée à la suite de chaque mission pendant laquelle elle avait été exposée au Chaos (ce qui doit arriver assez souvent dans ce type de profession), pour le salut de son âme et la sécurité de tous. Il lui appartient donc de faire le choix auquel elle est soumise à chaque réunion retex : un lavage de cerveau ou un bolt dans la tête. Présenté comme ça, c’est assez facile de trancher. Mais cette fois, à la surprise générale, Covenant adouci un peu le deal proposé à son sous-fifre, en lui proposant de continuer à le servir avec toute sa tête, jugeant, pour des raisons qui ne seront pas partagées avec l’humble lecteur, qu’elle est prête à vivre avec le poids de la connaissance de la réalité fondamentale de l’univers3. La conclusion de la nouvelle nous apprend qu’Ianthe a choisi de renoncer à la fameuse pureté de l’ignorance, et donc progressé au sein du cénacle d’acolytes de son boss, puisque c’est désormais elle qui remplace Josef pour les entretiens préliminaires. Si cela ne fait pas d’elle une interrogatrice, je ne sais plus à quel saint me vouer.Fin spoiler

1 : N’oublions pas que le bon Josef est sourd comme un pot. Il avait peut-être seulement oublié de brancher son sonotone aujourd’hui.
2 : Un des héritages peu connus mais essentiels que ce brave Curze a laissé à l’Imperium.
3 : Ou peut-être qu’il en avait marre de lui expliquer comment fonctionnait l’imprimante tous les quatre matins.

AVIS :

Connaissant les capacités de French, je m’attendais à ce que son The Purity of Ignorance soit d’un niveau un peu supérieur à ce qui a été présenté ici. Reposant sur une série de révélations, sa nouvelle souffre à mes yeux de ne pas suffisamment « préparer le terrain » à ces dernières, qui arrivent donc sans jouer à plein. Si la corruption de la Gouverneure est cousue de fil blanc, bien que les passages introductifs narrés de son point de vue laissent à penser que tout va parfaitement bien sur Tularlen, c’est l’amnésie induite de son héroïne qui aurait vraiment gagné à être davantage exploitée. Point de flashbacks fugaces, de sensations de déjà vu inexplicables ou de réminiscences troublantes pour Ianthe en effet, qui est confrontée, et le lecteur avec elle, au constat de ses nombreux brainwashing de façon brutale, alors que la suture psychique qui lui avait été faite tenait jusqu’à ce moment parfaitement bien. Au lieu d’une nouvelle à twist final, nous nous retrouvons donc « seulement » avec une illustration romancée d’une dure réalité (encore une) de l’Inquisition, qui n’hésitera pas à se débarrasser des éléments ou des individus pouvant poser un problème à l’accomplissement de sa mission sacrée. Cela est certes éducateur (n’oublions pas que la nouvelle a été incluse dans l’anthologie Croisade et Autres Récits), mais cela aurait pu être intéressant d’un point de vue littéraire en sus. Petite déception donc.

.

The Keeler Image – D. Abnett [40K] :

INTRIGUE :

The Keeler ImageBien que blacklisté par sa hiérarchie et activement recherché par ses collègues puritains, Gregor Eisenhorn n’est pas du genre à se la couler douce dans sa villa de Gudrun en regardant l’Imperium sombrer, comme il en aurait pourtant le droit. Aussi, lorsque ce noble et souriant buriné vieillard apprend grâce à son réseau d’informateurs qu’une vente aux enchères va être organisée dans le palais de Medonae le Morphale, et qu’un objet très particulier sera proposé à l’acquisition à cette occasion, il ne lui faut pas longtemps pour décider de faire le voyage afin de suivre le déroulement de la transaction.

Arrivé à la surface de la bucolique Pallik1, Greg le Grabataire ne perd pas de temps à se rendre dans l’humble demeure de son hôte, où il est immédiatement reconnu pour ce qu’il est (un Inquisiteur, pour ceux qui ne suivent pas ou qui ne sont pas familiers de la série). Pas de très bon augure pour quelqu’un qui se trouve sur la liste des most wanted du sous-secteur, mais rien qui ne vienne perturber la bonhommie d’Eisenhorn, qui de toute façon est privé d’expression faciale depuis quelques décennies à ce stade de sa carrière. Accueilli par la Bouche de Medonae, un Psyker servant d’avatar vivant à son gros lard de maître, notre flegmatique héros est directement conduit devant l’objet ayant suscité son intérêt, et qui se trouve être… un polaroïd. Mais attention, un polaroïd vieux de 10.000 ans (gasp), pris par nulle autre qu’Euphrati Keeler du temps où elle n’avait pas encore sombré dans le mysticisme (gasp), et dont le sujet n’est autre que ce fieffé fripon d’Horus (GAAAASP). Pour quiconque a de vagues notions de cet obscur événement que l’on nomme l’Hérésie d’Horus, il est clair que cette relique est beaucoup plus qu’une curiosité picturale, d’autant plus que son heureux acquéreur repartira avec quelques notes rédigées de la main de Keeler, dans lesquelles cette dernière a candidement exprimé son avis sur des sujets aussi tabous que la divinité de l’Empereur et l’existence de Démons. Les mœurs étaient plus libres au 31ème millénaire.

Eisenhorn sympathise avec un autre visiteur, Sejan Karyl, également très intéressé par cette authentique photo souvenir, et très au courant de beaucoup de choses qu’un simple quidam ne devrait pas savoir, à commencer par la présence de l’Inquisitrice Halanor Kurtecz de l’Ordo Hereticus. Eisenhorn est convaincu que cette dernière est en fait une agente de l’insidieux Cognitae, qu’il combat sans relâche depuis le début de sa carrière, et espère même qu’il s’agit de Lilean Chase, la maîtresse de cette organisation aussi criminelle que chaotique. C’est la raison pour laquelle il a fait le déplacement, et compte bien régler ses comptes avec les cultistes dès qu’il en aura l’occasion. Sa vendetta personnelle doit cependant attendre, Medonae sollicitant un tête à tête avant le début de la vente, qu’il serait impoli de refuser…

Début spoilerConduit en présence de ce beau bébé (9 tonnes, tout de même) atteint d’un léger trouble alimentaire, Eisenhorn promet de ne pas engager de poursuites à l’égard de son hôte une fois que les enchères auront été conclues, crainte assez compréhensible de la part d’un loyal sujet impérial ayant attiré l’attention des Saints Ordos. Les pouvoirs psychiques de Papy Greg lui permettent cependant de déceler que Medonae a agi sous la contrainte, et échappe grâce à ses réflexes surhumains (je demande la VAR : il a plus de deux cents ans au compteur et tient debout grâce à un exosquelette en fonte…) à une tentative d’assassinat par servo-crânes interposés, bientôt rejoints par un trio d’hommes de main de l’Inquisition, bien décidés à alpaguer l’old timer. Eisenhorn en a toutefois sous le capot, et parvient à se débarrasser de ses assaillants grâce à l’intervention opportune de ce bon vieil Harlon Nayl, envoyé en repérage avant son boss et dont les talents avec les armes à feu ne sont plus à prouver.

Comprenant que sa couverture, pour miteuse et trouée qu’elle ait été pour commencer, a été éventée, Eisenhorn décide de s’attarder un peu malgré les risques, confiant que Chase ne pourra pas laisser passer l’occasion de mettre la main sur la photographie de Keeler avant de repartir. En cela, il a presque raison, car si un membre du Cognitae est bel est bien surpris en train d’embarquer la précieuse image ainsi que les notes accompagnant cette dernière, il ne s’agit pas de Mme Chaise mais d’un de ses agents, Sejan Karyl. Ce dernier, un peu trop confiant dans ses aptitudes psychiques, se permet de se foutre de la gue*le du pauvre Greg quand il révèle candidement qu’il croyait que Kurtecz était Chase. En réalité, Kurtecz est une authentique détentrice de rosette, et c’est elle qui a forcé Medonae à rendre publique la vente de la relique hérétique, afin de forcer Eisenhorn à se montrer. Tel est pris qui croyait prendre.

Fort heureusement pour notre héros, un peu dépassé par les événements, ce plantage stratégique monumental peut être rattrapé par l’usage de la bonne vieille force brute, comme Karyl ne tarde pas à en faire les frais. Bien que le forban ait réussi à mettre Nayl au tapis, il n’est pas de taille à lutter avec un Greg très mais alors très chafouin, qui lui balance un grand MÄRDE à la figure, ce qui lui fait traverser un mur et l’immole par le feu, en même temps que les notes compromettantes sur lesquelles le Cognitae cherchait à mettre la main. Ceci fait, Eisenhorn utilise son dernier joker : l’appel à un ami familier démoniaque, et Cherubael n’est que trop heureux de venir calmer les ardeurs des Scions Tempestus que Kurtecz a envoyé sur place. Il ne reste plus qu’à attendre que Medea Betancore arrive pour raccompagner tout ce petit monde jusqu’au vaisseau, en essayant de s’imaginer quel son avait le rire d’Horus. A cela, la science a une réponse. Fin spoiler

1 : Qui comme la planète Rosetta, sur laquelle Abnett avait placé l’intrigue de la nouvelle ‘Black Gold’, orbite autour de trois soleils. Ça n’aura pas vraiment d’importance sur le déroulé de l’histoire, mais je suis fier de m’en être souvenu, et tenais donc à flexer un peu ici.

AVIS :

Ça fait du bien de prendre des nouvelles d’une légende de la Black Library telle que Gregor Eisenhorn, et Dan Abnett soigne le retour aux affaires de son personnage fétiche dans ce ‘The Keeler Image’, qui fera sans doute autant plaisir aux amateurs du 31ème que du 41ème millénaire, grâce à « la participation » d’Euphrati Keeler dans l’intrigue. On retrouve dans ces quelques pages tous les ingrédients d’une bonne nouvelle inquisitoriale, Abnett-style : immersion rapide et réussie dans un environnement à la fois fortement marqué 40K et dépaysant pour le lecteur, personnages aussi troubles qu’intéressants, narration nerveuse, scènes d’action efficaces. Si comme moi, cette histoire est la première consacrée à Eisenhorn que vous lisez depuis un bout de temps, ne vous étonnez pas si l’envie vous prend de reprendre la trilogie originelle, ou de vous embarquer dans la suite des (mes)aventures du papy le plus résistant de l’Imperium.

.

***

Et voilà qui termine cette revue du Summer of Reading 2016, et je dois dire que ce millésime s’avéra être particulièrement réussi, avec des soumissions de qualité en nombre (ce qui est bien), et aucune sortie de route à déplorer (ce qui est bien aussi).  Si toutes les semaines thématiques proposées par la BL était de ce niveau, je serais le plus heureux des chroniqueurs… On peut toujours rêver.

ONLY WAR [40K]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue d’Only War, anthologie 40K publiée par la Black Library en Novembre 20221, et comportant pas moins de 24 nouvelles. Les nostalgiques et les spécialistes de la GW-Fiction auront identifié la référence faite à un précédent omnibus de courts formats se déroulant dans les ténèbres d’un lointain futur (et encore plus volumineux), ‘There Is Only War’ (2013). Rendez-vous en 2031 pour vérifier si la BL poursuit sa logique avec la sortie de ‘War’

Pensé comme une somme des nouvelles du 41ème millénaire publiées pour la première fois entre 2019 et maintenant (il y a deux inédits au sommaire) mais n’ayant jamais bénéficié d’une inclusion dans un recueil à proprement parler, ‘Only War’ est découpé en cinq sections principales, chacune dédiée à une faction, ou un regroupement de factions. A ce petit jeu, c’est clairement la Garde Impériale qui s’en sort le mieux, puisque les braves bidasses bénéficient à la fois de leur propre section (Hammer of the Emperor), du plus fort contingent de nouvelles (7), et des deux inédits précédemment signalés. The Emperor does provide, on dirait. L’Ecclésiarchie est également bien traitée, avec quatre nouvelles regroupées dans le chapitre Keepers of the Faith.

Les autres sections sont beaucoup moins homogènes, puisque toutes les races Xenos2 sont réunies dans The Alien Menace, les Space Marines et les Space Marines du Chaos doivent subir l’outrage littéraire de partager la section Angels of Death, et les nouvelles racontées d’un point de vue impérial mais ne rentrant pas dans les cases précédentes (Adeptus Mechanicus, Aeronautica Imperialis, Libres Marchands) se retrouvent dans le chapitre « pot pourri de Pépé », Servants of the Throne.

Only War

Du côté des contributeurs, on en dénombre pas moins de 21, dont certains nous soumettant ici leur toute première histoire (Adrian Southin, Maria Haskins, Cameron Johnston). On retrouve aussi des vétérans blanchis sous le harnais, à l’instar de Graham McNeill, Guy Haley, Steve Lyons et John French. Pour être tout à fait complet, précisons que les trois « doublonnants » sont Danie Ware, Marc Collins et Justin Woolley.

Les présentations étant faites et le décor posé, il est temps de partir à la découverte des histoires de ‘Only War’, en espérant que la qualité n’a pas été la première victime de ce conflit total…

1 : Pour les amateurs d’Age of Sigmar, je précise que cette sortie s’est accompagnée de celle de l’anthologie ‘Conquest Unbound’, regroupant 21 nouvelles fresh from les Royaumes Mortels, et critiquée ici.
2 : « Toutes » ne veut pas dire que chacune des factions Xenos bénéficie de sa nouvelle, mais seulement que cette section contient les nouvelles racontées d’un point de vue Xenos. Si vous êtes fans des Orks, des Eldars des Vaisseaux Monde et des T’au, c’est votre jour de chance. Pour les autres, il faudra repasser…

Only War

.

The Taste of Fire – S. B. Fischer :

INTRIGUE:

Retour sur Ourea, où nous retrouvons la Lieutenant Glavia Aerand toujours bien occupée par la purge des hérétiques qui hantent les cimes gelées de cette planète montagneuse. Bien que son régiment du 900ème Cadien ait vaincu le gros des forces ennemies lors d’une bataille rangée il y a quelques mois, l’issue n’a pas été assez décisive pour terminer la campagne une fois pour toutes. Depuis, Aerand et sa Compagnie passent le plus clair de leur temps à faire du trek dans le froid, la neige et une ambiance aussi pesante que la gravité d’Ourea, cherchant à mettre la moufle énergétique sur les cultistes survivants. Au commencement de la nouvelle, l’intrépide Lieutenant commande une attaque sur un réseau de souterrains où l’insaisissable ennemi serait peut-être barricadé, mais le trouve déserté, une fois encore. Seuls quelques cadavres de civils affamés et scarifiés sont débusqués par les Cadiens, ce qui n’aide pas le moral à remonter beaucoup plus haut que leurs chaussettes trempées. Un des corps trouvés par les Gardes conserve toutefois une étincelle de vie, et même un peu plus, comme le Medic de la Compagnie, Argos, manque de l’expérimenter. Seule la prémonition ressentie par Aerand une seconde avant que le quasi-macchabée ne vomisse un torrent de flammes bleues sur le toubib empêche ce dernier d’aller rejoindre l’Empereur. Car oui, notre héroïne est une Psyker en puissance, ce qui n’a pas l’air de choquer outre mesure ses soldats. C’est vrai qu’avoir un chef qui vous donne une sauvegarde invulnérable à 2+ est pratique quand on a qu’un PV et une veste flak pour le défendre…

Ramené à la base cadienne pour être interrogé, le civil piégé décède peu de temps après sans avoir révélé ses secrets, ou en tout cas, pas de vive voix. Entrent alors en scène le Psyker Primaris Kellipso et ses boules de Baoding, qui vont être amenés à jouer un rôle crucial par la suite. Bien que personne ne l’aime du fait de sa drôle de tête, ses regards insistants (car oui, Kellipso a des yeux fonctionnels, ce qui est assez rare pour un Psyker de la Garde Impériale… #FluffAlert) et sa manie de faire tourner ses bouboules à tout bout de champ, Keke fait le job comme le grand professionnel qu’il est. Il commence par siphonner le cerveau de l’homme chalumeau, et y trouve la localisation d’un temple où tous les cultistes d’Ourea se sont donnés rendez-vous pour cultister en secret. C’est suffisant pour que le Général Rusk ordonne à Aerand et sa Compagnie de repartir user leurs godillots pour débusquer les hostiles, malgré la journée bien remplie qu’ils ont déjà eue.

A leur arrivée devant le temple, les Cadiens ne seraient pas contre une bonne nuit de sommeil avant de lancer l’assaut, mais Kellipso a la certitude qu’il faut attaquer sans tarder, et comme les radios des bidasses ne fonctionnent bizarrement plus, il prend sur lui d’aller posséder un des aides de Rusk pour obtenir son go de quasi-visu. Cela n’est cependant pas assez pour la méfiante Aerand, qui a eu une vision de toute sa Compagnie morte, avec Kellipso planté au milieu des corps des Cadiens. Quand on connaît l’amour de ces derniers pour la station verticale1, on comprend que cette prémonition ne passe pas du côté de la Lieutenant. Elle convainc alors ses officiers d’aller régler son compte au potentiel traître, mais les conspirateurs se font démasquer et mettre hors d’état de nuire par le très balèze Calypso. Le Psyker utilise ensuite le pouvoir « VAR mental » pour repasser au ralenti et en gros plan sa vision à Aerand, qui s’aperçoit que Kellipso avait l’air triste. Donc ça ne peut pas être lui le responsable de ce massacre, pas vrai ? PAS VRAI ?

On rigole, mais ça fait l’affaire pour Aerand et le reste de la fine équipe, qui donnent enfin l’assaut du temple, protégés par le sort d’invisibilité (ou quelque chose s’approchant) que Kellipso lance sur eux pendant la phase d’approche. Le combat s’engage, et les Cadiens accompagnent le Psyker Primaris jusqu’à la salle où se trouve le cœur du réacteur, ou plutôt ses cerveaux. Les cultistes ont en effet bricolé une centrale Warp alimentée par le potentiel psychique d’une dizaine de prisonniers branchés par le cortex à un vortex bleuâtre tournoyant. Qui ne sert à rien qu’à éclairer le décor, cela dit en passant. La mise en scène fait toutefois forte impression sur Kellipso, qui manque de se prendre une balle en plein front pour sa peine, et est sauvé par une nouvelle prémonition d’Aerand. Il lui rend la pareille lorsqu’une marée de cultistes se jette sur les loyalistes depuis les coulisses, et manque de les submerger sous le nombre. Kellipso utilise ainsi le pouvoir « Couché !! » sur ses camarades, ce qui lui permet d’utiliser ses boules à fragmentation (un autre cool trick de Psyker) sans risquer de blesser ses alliés. Et qui explique mieux la vision d’Aerand : sa Compagnie n’était pas morte, elle était allongée sur le sol. Mind. B.L.O.W.N. Cet enchaînement draine toutefois dans les réserves de Kellipso, qui est bien heureux qu’Aerand et ses hommes se relèvent pour aller sauvagement débrancher les batteries psychiques de l’installation pirate avant qu’il ait une mauvaise idée, comme succomber au Chaos (ça peut arriver à tout le monde).

La nouvelle se termine avec le souhait exprimé par l’intègre Aerand d’aller se livrer à l’Inquisition, comme tout bon Psyker non sanctionné mais aimant son Empereur devrait le faire. Mieux vaut tard que jamais pas vrai ? Eh bien, ça ne se fera pas au final, car ce filou de Kellipso lui assène qu’elle serait plus utile à Pépé en guidant sa Compagnie sur le front plutôt qu’en partant en croisière sur un Vaisseau Noir. Et qu’il gardera un œil sur elle pour superviser son apprentissage du côté obscur de la Force de ses capacités psychiques. Que fait la lore police ?

1 : Après tout, c’est eux qui passent leur temps à hurler ‘Cadia stands’ à tout bout de champ.

AVIS:

Ce n’est pas la meilleure nouvelle « Garde Impériale » qui soit que Steven Fischer signe avec ‘The Taste of Fire’, suite du tout aussi oubliable ‘The Weight of Silver’. Beaucoup de personnages très peu charismatiques, de l’action très classique, une intrigue simple et sans enjeu ni tension (très franchement, on se fiche bien de savoir si Aerand et sa clique survivront à l’affrontement)… on trouve beaucoup mieux chez la concurrence, malheureusement1. Le clou dans le cercueil de cette nouvelle est la liberté que Fischer prend avec le background, et qui donne la singulière impression que l’auteur a pris la plume après avoir examiné la figurine du Psyker Primaris2 pendant cinq secondes, et lu les trois premières pages du Codex Garde Impériale. Pas suffisant pour sauver les palpitambolesques aventures de la Lieutenant Glavia Aerand3, j’en ai peur.

1 : Je recommande bien évidemment les ‘Fantômes de Gaunt’ de Dan Abnett, et plus proche de nous, les travaux de Rachel Harrison.
2 : Qui, pour sa défense, semble bien avoir des yeux fonctionnels.
3 : Qui se poursuivent dans le roman ‘Witchbringer’, que Glavia commence comme Psyker sanctionnée de la Garde Impériale, ce qui fait de ‘The Taste of Fire’ son prologue. Mais comme la BL ne s’est pas donnée la peine de préciser le lien entre la nouvelle et le roman dans ‘Only War’, il revenait au lecteur de faire la connection…

.

Refuge – S. Lyons :

INTRIGUE:

Si de l’avis général, les Mordians ont un look très rigolo, les soldats qui forment la Garde de Fer ne le sont, eux, pas du tout. Ils compensent ce gros défaut par une discipline, une dévotion et une ponctualité exemplaires, ce qui en fait le choix de troupes rêvé pour mener des opérations peu glamour mais nécessaires au bon fonctionnement de cette grande machine bien huilée qu’est l’Imperium. C’est ainsi que le soldat Lucius Myer et sa section sont envoyés purger un repaire de vils mutants dans les ténèbres d’un monde ruche quelconque (mais qui rappel à ce sentimental de Lucius sa chère patrie). Les Mordians sont accompagnés par des auxiliaires qui font grincer les dents de plus d’un Garde de Fer, une escouade de Psykers assermentés (les Wyrdvanes) même pas fichus de marcher en cadence, et irrémédiablement souillés par le grand méchant Warp. Leur présence est toutefois salutaire, d’abord pour localiser le camp où se terre le fourbe ennemi, puis pour déjouer ses tout aussi fourbes manigances.

Les Mordians ont en effet été mis sur une mission délicate : l’évacuation et la « valorisation » d’un camp de Psykers clandestins. Il est donc attendu d’eux qu’ils n’exécutent pas froidement tous les rebuts humains qui auront le malheur de leur passer devant la casquette, mais fassent au contraire preuve de retenue si les mutants choisissent de se rendre sans faire d’esclandre. Un briefing complexe pour Lucius et ses compères, qui ont la détestation du Psyker chevillée au corps, mais auquel notre héros tentera de se tenir du mieux qu’il peut. Lulu est en fait plutôt tolérant pour un Mordian, puisqu’il a un jour pris la défense des Navigateurs dans une discussion avec des camarades de régiments, les appelant un « mal nécessaire pour l’Imperium » (les Navigateurs, pas ses camarades, bien sûr). Ça fait de lui un horrible woke aux yeux de son entourage, je suis sûr.

L’affrontement s’engage et à la puissance de feu et l’implacable avance des Mordians s’opposent les tours pendables de leurs adversaires, qui peuvent se dissimuler aux yeux des Gardes de Fer, les griller avec des éclairs, ou encore se protéger derrière des boucliers kinétiques. Et je ne vous parle même pas de leur manie de faire disparaître des pièces en soufflant sur leur main, ou de faire apparaître des cartes derrière l’oreille des Mordians. Quel enfer. Lucius ne s’en sort pas trop mal grâce aux barrières mentales qu’il a réussi à édifier, mais il se rend également compte que les Wyrdvanes sont les hommes et femmes du match et de très loin, grâce à leurs propres pouvoirs, impies certes mais très pratiques.

La bataille étant sur le point d’être remportée par les impériaux, Lucius est réquisitionné par le Sergent Schtiel pour l’accompagner dans la fouille des bungalows crasseux occupés par les Psykers. Il tombe rapidement sur un jeune garçon, qui s’enfuit dans les profondeurs à l’arrivée des Mordians, et auquel il donne logiquement la chasse, conformément aux ordres. Le gamin n’est cependant pas un Psyker lambda, comme le troisième œil qu’il porte sur le front le laisse apparaître. Conformément à sa position établie plus haut de héraut (mordian) de la diversité et de l’inclusion, Lucius donne toutes les chances au galopin de coopérer avec lui pour préserver son intégrité physique, mais la petite fripouille ne joue pas le jeu, et finit par lui jeter un regard si malaisant que notre héros n’a guère d’autre choix que de le tabasser à grands coups de crosse de fusil pour lui apprendre à respecter l’uniforme (surtout quand il a des boutons dorés). Il épargne cependant la vie du baby Navigateur et le ramène avec lui à la surface, contribuant de façon significative à la réussite de la mission.

La nouvelle se termine sur un plan des Mordians (à l’heure comme toujours) en train d’attendre dans le spatioport l’arrivée de leur navette (en retard comme à chaque fois). Cet ennuyeux délai permet toutefois à Lucius de voir les Vaisseaux Noirs collecter leur butin humain, une vision qui renforce son dégoût et sa haine pour les Psykers en général. C’est donc un happy end incontestable, si vous êtes un Mordian, bien sûr.

AVIS:

Steve Lyons est une valeur sûre pour tout ce qui touche au Death Korps de Krieg, mais il n’est pas aussi à l’aise dès lors qu’il aborde d’autres régiments fameux de la Garde Impériale. Cette histoire de Mordians ne restera ainsi pas dans les annales du genre : malgré une teneur en grimdark appréciable (un Garde Impérial hyper-conditionné qui bastonne presque jusqu’à la mort un pauvre gosse qui cherchait juste à vivre tranquille), il n’y a pas grand-chose ici qui retiendra le troisième œil et l’attention du vétéran de la BL. On est toujours content de voir ces bons vieux Gardes de Fer et leurs uniformes impeccablement repassés reprendre du service dans la GW-Fiction – il n’y en a souvent que pour les Cadiens et les Catachan – mais ce n’est pas ‘Refuge1 qui vous donnera l’envie irrépressible de claquer votre PEL pour acheter 2.000 points de porteurs de képi.

On peut aussi souligner quelques bizarreries notables, à la fois au niveau de l’intrigue (on a l’impression pendant le combat contre les Psykers que Lucius dispose lui aussi de pouvoirs, qui lui permettent d’être le seul à détecter un ennemi caché, mais cette piste est tout de suite abandonnée par Lyons) et du background (il est indiqué de façon assez claire que Mordian a été perdue au Chaos, comme Cadia, ce qui n’est à ma connaissance pas le cas dans le fluff). Rien de rédhibitoire, mais Lyons nous a habitué à mieux, et plus intéressant.

1 : Fun fact, l’autre nouvelle consacrée par Steve Lyons aux Mordians à un nom similaire à celle-ci, puisque ‘Solace’ en anglais signifie ‘réconfort’.

.

Redemption Through Sacrifice – J. Woolley :

INTRIGUE:

Redemption Through SacrificeLe régiment de Légionnaires Pénaux des Meat Dogs est envoyé à la surface de la planète de Vandicius pour assister ses défenseurs dans la purge d’un culte hérétique s’étant répandu comme une trainée de poudre parmi sa populace. Nous suivons Marcus van Veenan, ancien Garde Impérial au sein du 51ème Talissian, alors qu’il tente de survivre à cette nouvelle affectation. Armé seulement d’une batterie de fusil laser (il n’y avait pas assez d’armes pour tout le monde), il permet cependant à son bataillon de résister à une charge de cultistes en leur apprenant l’astuce du tir sur trois rangs, ce qui permet aux Légionnaires de tenir la ligne et à l’Inquisitrice Mariette Nikova, qui a pris sur elle d’encadrer ces rebuts, d’identifier formellement la petite silhouette de l’homme responsable de tous les maux de Vandicius : Scaramouche Cal Corditus. Ni une ni deux, Nikova réquisitionne le bataillon de van Veenan, collant au passage un bolt dans la tête du Lieutenant techniquement en charge de ce dernier, et peu chaud pour partir en balade derrière les lignes ennemies, et élève notre héros au grade de Sergent en reconnaissance de sa valeur au combat.

La sortie des Meat Dogs ne se passe pas franchement bien, même en considérant la durée de vie très limitée d’un Légionnaire Pénal. Lorsqu’ils finissent enfin par atteindre le bout de la rue qu’a emprunté Cal Corditus pour retourner vers son QG, van Veenan et Nikova sont les seuls survivants de leur peloton. Cela ne décourage pas pour autant l’Inquisitrice de poursuivre sa proie, et comme van Veenan n’est pas vraiment en mesure de refuser de l’accompagner, la paire s’enfonce plus profondément en territoire inconnu et hostile. Il ne leur faut pas longtemps avant de se faire embusquer par Corditus et ses sbires cependant, le grand méchant de l’histoire étant un Psyker ayant tiré l’aptitude « Maître du Scénario » sur sa table de compétences en début de partie. Nikova se fait honteusement capturer par sa Némésis, tandis que van Veenan parvient à échapper à ce sort funeste en tentant et réussissant un saut de l’ange en mode Assassin Creed (la charrette de foin étant remplacée ici par un tas d’ordures).

Nous prenons d’abord des nouvelles de l’Inquisitrice, qui traque Corditus depuis trente ans car elle n’a pas supporté que cet ancien collègue passe au Chaos. La mobilité professionnelle est toujours un sujet délicat, c’est vrai. Après avoir prononcé pour le lolz son jugement de l’hérétique, elle s’attend à être exécutée par ce dernier, mais il se trouve que l’Ami Cordi a d’autres projets pour elle. Fort occupé à invoquer des Chiens de Khorne (à raison d’un par demi-heure, les défenseurs impériaux ont le temps de voir venir), il annonce à l’Inquisitrice qu’elle aura la chance d’assister aux premières loges à la création de son empire chaotique, Corditus voulant avoir le plaisir et la satisfaction de briser la résolution de sa prisonnière, qui avant de prendre rosette, était une Sœur de Bataille (donc double effet kiss cool s’il arrive à ses fins). Chacun ses fantasmes, j’imagine.

De son côté, van Veenan, une fois remis de ses émotions, décide d’aller secourir sa coéquipière et se dirige donc vers le mausolée où elle lui a dit que Corditus se terrait quelques minutes plus tôt. Le dieu du matos finit enfin par lui sourire, puisqu’en chemin il tombe sur un groupe de cultistes couvant une caisse de grenades krak (c’est moche la folie tout de même). Après avoir réglé leur compte aux faquins, il poursuit sa route avec suffisamment d’explosifs pour démolir le Palais Impérial, équipement qui lui sera fort utile par la suite comme vous pouvez vous en douter. Au terme d’un raid promptement et proprement mené sur le QG adverse1, van Veenan parvient à délivrer Nikova et à s’enfuir avec elle… mais seulement sur deux cents mètres. La belle, la traîtresse, se prend en effet un tir de laser fatal dans le bas du dos, et ordonne à son sous-fifre de porter un message codé à un autre Inquisiteur (Gorton), pendant qu’elle agonise tranquillement à l’arrière-plan. Bien brave, le Légionnaire accepte de se muer en messager, et parvient miraculeusement à rejoindre les lignes impériales, et tout aussi miraculeusement (il avait pris un bain de sang pour s’infiltrer parmi les groupies de Corditus) à ne pas se faire abattre à vue par ses camarades. Troisième coup de chance d’affilée, Gorton était justement en train d’attendre à proximité, et à l’écoute de la phrase codée de Nikova, il a une réaction sans appel…

Début spoiler…Il renvoie van Veenan au vestiaire, ce qui désole un peu ce dernier il faut dire, car il s’attendait à une remise de peine pour services rendus. Mais c’est toujours mieux que le sort réservé aux autres Légionnaires Pénaux, que Gorton fait exécuter par ses acolytes. La raison ? Ils ont été témoins de l’arrivée d’une escouade de Chevaliers Gris, chargée de mettre Cal Corditus hors d’état de nuire maintenant que l’Inquisition a la certitude que l’hérétique se trouve à proximité. C’était le sens caché du message de Nikova, et les règles étant les règles, l’existence de ces super Space Marines doit rester secrète. Dura lex, sed lex…Fin spoiler   

1 : Et Cal Corditus, me demanderez-vous ? Eh bien il se contente de gueuler psychiquement +Il est arrivé !+ à ses sbires, et repart aussi sec apprendre à ses toutous de Khorne à lui rapporter son journal, ou quelque chose comme ça.

AVIS:

Maintenant que l’on a plus Gav Thorpe pour nous apporter de temps à autres des nouvelles (héhé) de Légionnaires Pénaux, ce sous-genre est en voie d’extinction littéraire. On peut donc remercier Justin Woolley de ses bons offices avec ce classique mais appréciable ‘Redemption Through Sacrifice’, qui donne un bon aperçu de la (courte et violente) vie de ces soldats impériaux hauts en couleurs. Bien que van Veenan n’ait pas la gouaille d’un Kage, il s’avère être un protagoniste tout à fait correct, et la petite aventure déroulée par Woolley répond également aux attentes que l’on peut placer sur une nouvelle d’action de la Black Library, conclusion grimdark en prime (en même temps, une histoire de Légionnaires Pénaux qui ne se finit pas mal constituerait un crime de lèse-fluff). J’ai juste un peu tiqué sur quelques détails mineurs, comme le fait que Cal Corditus soit un Psyker de Khorne, mais rien qui ne vienne irrémédiablement gâcher la lecture. On en viendrait à souhaiter que Justin Woolley se réengage dans la Légion.

.

The Price of Duty – M. Smith :

INTRIGUE:

The Price of DutyLa première mission du Commissaire junior Jasper Nevin, fraîchement diplômé de la Schola Progenium et envoyé encadrer le 64ème Catachan sur le monde forestier de Verdine II, se passe assez mal pour notre héros. Outre le fait qu’il n’est pas parvenu à se faire accepter par ses soldats, dont la réticence à se plier aux injonctions de l’Officio Prefectus est bien connue, Nevin se trouve confronté à une opposition féroce de la part des insurgés locaux, bien mieux armés et équipés qu’une bande de bûcherons énervés n’a le droit de l’hêtre. La nouvelle commence d’ailleurs par une fusillade tendue à l’ombre des coloshênes qui recouvrent une bonne partie de la planète, à laquelle Nevin survit miraculeusement grâce à l’arrivée providentielle de la Capitaine Rosario ‘Viper’ Vargass et de son escouade de commandement. En inspectant les corps des insurgés, les deux officiers constatent que ces derniers sont armés de fusils laser flambant neufs, alors que les Catachan doivent combattre avec des pétoires reconditionnées et affectées par de gros problèmes de batterie. Saleté d’obsolescence programmée.

De retour au camp de base, Nevin obtient une audience auprès du Seigneur Commissaire Albrec Stone afin de lui partager sa découverte, pendant que Viper se fait refouler à l’entrée du QG par les Scions Tempestus qui en gardent l’accès. Stone n’est en effet pas un grand fan de l’esprit frondeur des Catachan, et les tient à distance dès qu’il en a la possibilité, les soupçonnant de vouloir attenter à sa précieuse vie. Malgré le rapport inquiétant de son subalterne et ex-étudiant, le Seigneur Commissaire semble prendre la nouvelle à la légère, et donne des instructions strictes pour que le matériel récupéré sur les rebelles soit mis sous clé, au lieu d’être distribué aux Gardes qui en auraient pourtant bien besoin.

Un peu plus tard, Nevin et Viper se rencontrent à nouveau, et la Capitaine emmène le Commissaire dans l’armurerie régimentaire, tenue par un vétéran grisonnant et bedonnant (Bron Hader). Hader explique à ses visiteurs que les fusils laser des Verdinites ont toutes les chances d’être ceux qu’il a commandé au Munitorum il y a quelques mois, et qui se sont perdus en chemin. Aucun convoi d’approvisionnement n’ayant été capturé par l’ennemi durant la campagne, cela ne peut signifier qu’une chose : quelqu’un de haut placé a couvert le trafic des fusils en question, et les soupçons de Viper se portent naturellement sur les deux officiers auxquels elle ne fait absolument pas confiance : Nevin et Stone. Le baby Commissaire jurant son grand Empereur qu’il n’y est pour rien, cela ne laisse plus qu’un suspect à confondre, mais la tâche ne sera pas aisée. Dans l’espoir que le Seigneur Commissaire ait dissimulé des preuves incriminantes dans un tiroir, Nevin profite des quelques minutes consacrées par son supérieur à déguster son bol de Nesquik matinal pour s’introduire dans son bureau et feuilleter les montagnes de paperasse dont Stone aime à s’entourer…

Début spoiler…Et cette recherche frénétique porte ses fruits. Un tiroir à double fond révèle en effet un classeur contenant, entre autres preuves de népotisme accablantes, le fameux bon de réception des fusils Catachan, signé de la main de Stone. Nevin a toutefois trop tardé et se fait pincer par le Seigneur Commissaire avant qu’il n’ait pu sortir du bureau. Tenu en joue par son supérieur, il n’a d’autre choix qu’écouter ce dernier lui raconter sa version de l’histoire : pour Stone, il s’agissait simplement d’aider un haut gradé de la Garde Impériale à préparer sa retraite prochaine en couvrant un lucratif détournement de matériel militaire. En échange, Stone bénéficierait d’une nouvelle affectation dans un régiment plus civilisé, et serait prêt à prendre Nevin avec lui, si le jeune Commissaire accepte de marcher dans la combine, bien sûr. Bien que les principes moraux de Nevin lui fassent condamner ces pratiques, Stone achève de le convaincre en lui révélant qu’il a dû une de ses plus fameuses victoires à un achat sous le manteau d’armes à plasma pour équiper ses soldats, opposés à des Space Marines chaotiques peu impressionnés par les fusils laser et lance-flammes que le Munitorum avait attribué au régiment. Stone remet d’ailleurs un des pistolets à plasma qu’il avait utilisé lors de cette campagne à son protégé, en guise de petit cadeau d’adieu.

Lorsque les rebelles lancent une attaque du camp retranché des Catachan à la nuit tombée, Nevin et Viper se retrouvent en première ligne, position peu confortable s’il en est, surtout quand l’ennemi est bien mieux armé que vous. Débordés par les assaillants, secondés par des Ogryns équipés de tronçonneuses géantes et dont le cuir épais les immunise aux décharges faiblardes de leurs fusils, les Gardes sont forcés au repli et contraints de se battre au couteau. Nevin dispose quant à lui de son nouveau joujou à plasma, qui s’il ne lui explose pas à la tête, surchauffe cependant suffisamment pour finir collé à sa main, ce qui n’est jamais agréable. Au moment où tout semble perdu, Stone et ses Scions finissent par arriver pour prendre l’ennemi à revers et le mettre en fuite. Cette intervention décisive sera-t-elle suffisante pour que Nevin tienne sa langue ?

Début spoiler 2…Eh bien non. Echauffé (et brûlé au troisième degré) par ce qu’il vient de vivre, le Commissaire expose les manigances de son supérieur devant témoins. Cependant, Stone n’est pas né de la dernière pluie, et a pris soin de maquiller toutes les preuves qui l’incriminaient pour qu’elles désignent désormais Nevin. Même le pistolet plasma qu’il lui a remis quelques heures plus tôt semble accréditer la thèse d’une complicité dans un trafic d’armes. On en revient donc à du parole contre parole, et à ce petit jeu, il est bon d’avoir une dizaine de Catachan sans scrupules en back up, comme Nevin le découvre bientôt. Convaincue de l’intégrité de ce dernier, Viper ordonne en effet à ses hommes de tomber sur le râble des Scions, laissant Nevin libre de faire un gros trou dans la poitrine de son mentor dévoyé. Justice a été rendue.Fin spoiler 

AVIS:

Une nouvelle mettant en scène un Commissaire et un régiment de Catachan, et dans laquelle se pose la question de la façon d’accomplir son devoir, surtout dans des conditions difficiles ? C’est ‘Emperor’s Grace’ qui bénéficie d’un reboot ! Je ne sais pas si Matt Smith avait en tête cette référence au moment d’écrire ‘The Price of Duty’, mais sa soumission est sensiblement du même niveau que celle de son grand aîné Alex Hammond, c’est-à-dire assez moyenne. Desservie par des personnages quelconques et très peu attachants, ainsi que par un rythme très pépère (malgré un généreux recours à des scènes d’action), l’intrigue de cette nouvelle ne captive jamais le lecteur. Je regrette également le choix de Smith de ne pas avoir terminé son propos avec une vraie conclusion grimdark, et d’avoir au contraire fait « triompher la justice », ce qui peut s’apparenter à une faute de goût pour de la GW-Fiction. Bref, ce n’est pas la bleusaille Jasper Nevin qui viendra contester la casquette de Commissaire le plus badass de la galaxie à ce vieux Sebastian Yarrick (quel que soit l’état dans lequel il se trouve), c’est moi qui vous le dit !

.

Anarchy’s End – R. J. Hayes :

INTRIGUE:

Anarchy's EndLa vie n’est pas facile pour Vi Madine, servante à tout faire à bord du Baneblade Anarchy’s End. Outre le fait que ses conditions de travail soient ingrates, pour dire le moins, et que ses collègues d’habitacle la considèrent très peu, malgré la foule de service qu’elle leur rend, il lui faut également composer avec le caractère acariâtre de l’esprit de la machine dans laquelle elle évolue. Anna (appelons la comme ça, car oui, c’est une lay-dee) tient en effet plus de Tatie Danielle que de Mamie Nova, et multiplie les coups fourrés à l’encontre des petits humains, tellement fragiles…, qui tentent tant bien que mal de la faire servir l’Imperium. Pour Vi, qui est la plus ancienne des opérateurs du super lourd, et tient un registre de tous les membres d’équipage morts en service (21 au total au début de la nouvelle), il s’agit simplement d’éviter de contrarier la vieille dame en oubliant de réciter les bons rites au bon moment. Pour les autres servants d’Anna, qui considèrent le tank comme… un tank, la leçon sera autrement plus rude, et la plupart du temps, définitive. L’histoire s’ouvre ainsi en même temps que la boîte crânienne du loader Jacob Waynee, victime d’un décrochage malheureux de plaque de blindage. Ce sont des choses qui arrivent… mais un peu trop souvent à bord de l’Anarchy’s End.

Il n’y a cependant pas de temps à consacrer à ce tragique incident, la bataille contre les hordes tyranides faisant rage à l’extérieur, et notre malicieux Baneblade ayant été chargé d’une mission vitale : localiser et éliminer le Prince dirigeant l’essaim. Bien que la majorité des bio-formes adverses soient trop chétives pour inquiéter Anna, il ne se passe guère cinq minutes sans qu’un Carnifex enthousiaste vienne offrir une valse à la vieille dame, réduisant drastiquement les capacités de l’équipage à rechercher sa proie. Pour ne rien arranger, Vi surprend un échange totalement séditieux entre l’opérateur Gee et un autre servant, annonçant une mutinerie prochaine dirigée envers le Lieutenant Hamad. Ayant compris qu’il avait été entendu, Gee essaie de réduire Vi au silence, mais par un curieux enchainement d’événements, se retrouve enfermé dans sa tourelle et incinéré par un court-circuit qui transforme cette dernière en brasier. Pour Vi, il ne fait aucun doute que c’est l’esprit de la machine qui est intervenu pour punir le factieux, et sauver sa vie par la même occasion. Il lui faut cependant alerter Hamad qu’au moins un autre membre d’équipage est un traître en puissance, et ce alors que le Baneblade essuie une pluie de plasma et une tempête de griffes chitineuses. Pas sûr que l’assurance prenne tout en charge.

Ayant renoncé à utiliser la radio pour passer son message (personne ne l’écoute de toute façon), Vi finit par arriver jusqu’au poste de commandement, après avoir vu ou entendu périr dans d’horribles souffrances une bonne moitié de ses camarades, victimes de l’arsenal peu ragoutant des Tyranides. En plus du Lieutenant Hamad, elle y retrouve l’officier tactique Makin (qui s’avère être le traître) et le canonnier Beadle. Makin a totalement perdu son sang froid et menace Hamad avec son pistolet laser, demandant à ce que le Baneblade abandonne sa mission suicide et batte en retraite. Lorsque Vi cherche à maîtriser le forcené, un tir perdu ricoche dans l’habitacle jusqu’à atteindre le pauvre Beadle (qui n’avait rien demandé), pendant que Hamad parvient à coller un bolt dans la tête du mutin pour lui apprendre à respecter la chaîne de commandement. L’ordre rétabli (ce qui est la moindre des choses pour un tank qui s’appelle Anarchy’s End, tout de même) à bord et sa cible finalement localisée, le super lourd semble être en bonne position pour mener sa mission à bout… mais perd 60% de son équipage en l’espace de trente secondes (la pilote se prend un tir de canon venin dans le buffet, Beadle finit par se vider de son sang, et Hamad est pris en stop par une harpie alors qu’il cherchait à localiser le Prince de visu). Ne restent plus que Vi et l’adepte Verman, trop occupée à poser des sparadraps en soute pour être d’une quelconque utilité dans la réalisation du tir fatidique….

Début spoiler…C’est alors qu’un nouveau miracle se produit, Vi assistant depuis la tourelle qu’elle défend contre les assauts des cafards de l’espace au one shot du Prince Tyranide. Un nouveau fait d’arme à mettre directement au crédit d’Anna, qui détestait les insectes encore plus que les humains, comme la plupart des vieilles dames il faut dire. La mort du cancrelat en chef désorganise ses troupes et permet aux forces impériales de remporter la bataille, en plus d’offrir à Vi et à Verman une pause bien méritée hors de l’épave du Banebalde (dont le cœur a lâché, et c’est bien triste mais c’est logique à son âge…). Ainsi va la Vi à bord du Redoutable de l’Anarchy’s EndFin spoiler

AVIS:

Avec ma sale manie de ne pas lire les nouvelles dans leur ordre de sortie, j’avais commencé par me dire que cet ‘Anarchy’s End’ ressemblait très fortement à l’Imperator Gladio’ de Richard Strachan (Destination Finale à bord d’un Baneblade, pour faire court). Il s’avère que l’inverse est plus exact, l’histoire de Hayes étant sortie initialement avant celle de son comparse de la BL (dans le recueil ‘The Accursed’, datant de 2021). Le procès en plagiarisme étant annulé, que peut-on dire sur la deuxième nouvelle proposée par Rob J. Hayes pour la Black Library ?

Eh bien, on peut commencer en notant qu’elle est sensiblement supérieure à ses débuts (‘No Quarter’), ce qui est franchement appréciable. On retrouve dans ces quelques pages l’ambiance poisseuse, violente, désespérée et nihiliste – en un mot, grimdark – qui faisait cruellement défaut à ‘No Quarter’, et même si on comprend assez vite où l’auteur veut nous emmener en termes d’intrigue et de conclusion, le résultat final est loin d’être honteux. L’idée de Hayes de transposer ‘Christine’ de Stephen King aux riants champs de bataille du 41ème millénaire est bonne, et vient apporter une touche de suspens et de mystère bienvenus au sous-genre de « la nouvelle Garde Impériale », beaucoup plus prosaïque dans son approche en règle générale (« pan pan t’es mort et moi aussi d’ailleurs »). Encourageant.

.

The Jagged Edge – M. Haskins :

INTRIGUE:

The Jagged EdgeLes retrouvailles familiales entre le Sergent Aurelia Shale et sa sœur aînée, Theodora, ne se passent pas comme la première l’aurait souhaité. Pour commencer, Theodora est devenue une Commissaire inflexible pendant les dix ans qui se sont écoulés depuis que les sœurs ont été séparées après la mort de leurs parents, et n’hésite pas à coller des taloches à sa cadette lorsque cette dernière fait mine de questionner les ordres. Deuxièmement, les circonstances ne sont pas favorables à de grands épanchements, l’escouade d’Aurelia étant chargée d’accompagner Theodora et le Capitaine Bain dans un mission à hauts risques : infiltrer la Manufactorum Primus de Kepler-Gamma, usine de production d’armes tombée aux mains du Chaos lors de la guerre civile qui enflamme la planète depuis maintenant quinze ans. Le plan des impériaux est élégamment simple : utiliser les tunnels qui courent sous le mont Dentelure (Jagged Edge en VO) pour pénétrer incognito dans le complexe, et poser quelques explosifs au niveau du réacteur pour réduire l’usine en cendres. Voilà pour le briefing.

Les choses ne tardent pas à se corser pour les Scrappers et leurs invités. À peine entrés dans une cavité souterraine, ils tombent sur un Bisounours1 mal léché, qui fait des misères au soldat Helvia mais permet surtout à Aurelia de montrer qu’elle maîtrise l’art du combat au couteau. Après des heures de tâtonnements et de reptations, la fine équipe parvient dans la Manufactorum Primus, que les hérétiques n’ont absolument pas pris soin d’entretenir depuis leur OPA hostile. Des cadavres mutilés jonchent les moindres recoins, sans parler des graffitis impies qui constellent les murs et de la tenace odeur de renfermé qu’exsude le lieu. Ce choix de décoration d’intérieur impressionne fortement les loyalistes, mais le vétéran Bain et la rigoriste Theodora ont tôt fait de leur faire reprendre leurs esprits, et les commandos parviennent sans problème jusqu’à la salle du réacteur, avant de commencer à poser leurs charges de démolition.

C’est le moment que choisissent les cultistes pour faire leur apparition, en des quantités trop importantes pour que les Gardes aient la moindre chance de tenir leur position. Aurelia surprend également un Word Bearer faire acte de présence au second plan, mais tel Bruce Willis dans un direct to video de la fin des années 2010, l’Astartes renégat se contentera de cette apparition fugitive avant de ressortir définitivement de l’histoire. Un problème de moins à gérer. Ayant déjà subi quelques pertes les Scrappers parviennent à se replier en bon ordre jusqu’à l’entrée du tunnel qu’ils avaient emprunté pour entrer dans le complexe. Cela aurait été l’endroit idéal pour utiliser leur détonateur… s’ils ne l’avaient pas oublié dans la salle du réacteur. Gag. Comprenant que ses alliés sont des gros nuls (alors que lui a réussi à tuer un Space Marine du Chaos en solo, d’après la légende), le grand Bain décide de repartir seul pour faire péter les charges, tandis que le reste des survivants devra faire diversion pour attirer l’ennemi ailleurs. Avant qu’il ne parte, Aurelia lui remet son couteau, ce qui est noble de sa part et ne servira à rien dans la suite de la nouvelle, puisque Bain n’y apparaitra plus non plus2.

La caméra reste en effet fixée sur les sœurs Shale, qui finissent par être les seules rescapées de leur petit groupe après que les autres Gardes aient passé l’arme à gauche dans des péripéties ma foi très classique. La franche discussion permise par cette intimité involontaire n’aura cependant pas lieu, Theodora écopant d’un pruneau dans l’artère fémorale alors que l’arrivée était toute proche (dommage), et se contentant de remettre à sa sœur son pistolet bolter ainsi que sa bénédiction avant de rejoindre à son tour l’Empereur. La nouvelle se termine avec le sprint d’Aurelia en direction de la sortie du tunnel, qu’un membre de son escouade avait heureusement piégé en skred au début de la mission parce que, je cite, « il n’aimait pas sa tête ». Ce délit de faciès minéral permet au moins à notre héroïne d’enfouir ses poursuivants sous des tonnes de gravats, et à notre histoire de se terminer sur une éclatante victoire impériale.

1 : Sans rire, le terme anglais utilisé est cudbear, qui peut se traduire par « ours câlin ».
2 : Je choisis de penser que le vaillant Capitaine solote sans problème le Space Marine une fois équipé du couteau, car ce n’est tout de même pas un Astartes qui va arrêter un Bainblade.

AVIS:

D’habitude, le choix d’utiliser des personnages avec un lien de parenté dans une histoire de GW-Fiction indique que nous sommes en présence d’une série au long cours, ce qui permettra à l’auteur d’explorer plus en détail les relations particulières qui unissent ses héros. Ici… non (à moins que Theodora n’ait survécu à hémorragie externe sévère et à un enfouissement prolongé, ce qui serait étonnant). Si le choix de Maria Haskins de déroger à la règle précédemment citée peut se comprendre dans le contexte de cette nouvelle (le devoir avant tout, etc…), il est emblématique des nombreux arcs narratifs que l’auteur met en place sans y donner suite, ce qui n’est jamais bon signe à mon humble avis. Ainsi, on apprend au début de l’histoire qu’Aurelia est une as au couteau… mais elle n’aura jamais l’occasion de mettre vraiment ce talent en œuvre après avoir fait la peau de Winnie l’Ourson. De même, Bain est auréolé par sa réputation de tueur de Space Marine, anecdote qui revient deux fois dans le cours du texte… mais il parviendra à faire exploser les charges hors champ, et on ne verra pas l’affrontement qui semblait pourtant inévitable entre le Capitaine vétéran et le Word Bearer entraperçu par Aurelia. Un peu dommage.

Ces considérations mises à part, on retrouve dans ‘The Jagged Edge’ les ingrédients d’une nouvelle d’action à la sauce Garde Impériale, mis en scène de façon efficace mais assez peu imaginative par Haskins. Malheureusement pour cette novice, le créneau est déjà trop encombré pour que la variation qu’elle propose sur la base de « Shale & Shale, Sergent & Commissaire » (je vois ça comme un crossover entre « Les Cordier, Juge et Flic » et « Alice Nevers, le juge est une femme », on a les références qu’on peut) ait la moindre chance de faire date. On a déjà Severina Raine et Minka Lesk dans la catégorie des imperial fighting girls de l’Imperium, pas besoin d’en rajouter, si ?

.

The Place of Pain and Healing – J. D. Hill :

INTRIGUE:

The Place of Pain & HealingComme vous le savez peut-être, la dernière incursion d’Abaddon & friends sur Cadia ne s’est pas super bien terminée pour la planète. Aux dernières nouvelles, elle serait tombée sur le sol de la galaxie, ce qui fait tout de même une sacrée chute. Minka Lesk, jeune Bouclier Blanc aux débuts de ce que nous appellerons pudiquement « les événements », peut témoigner des derniers moments difficiles de la population locale : évacuée en compagnie du Capitaine Kasrkin Rath Sturm avant la victoire du Chaos (voir ‘Cadia Stands’), elle passe les premiers moments du voyage sur le croiseur Space Wolves qui convoie les deux Cadiens à délirer dans son sommeil. Les souvenirs de la défense contre la 13ème Croisade Noire se mélangent avec d’autres, plus anciens, de son enfance et son entraînement à devenir une bonne petite soldate. On apprend aussi que Minka est une Katherinette (même si elle ne porte pas de chapeau).

Cette transe enfiévrée est interrompue par le médecin de garde du Fang of Fenris, qu’un serviable hilote Space Wolves va quérir en catastrophe après avoir été témoin de la tachycardie suspecte de Minka. Une petite injection de stimms et ça repart comme en 40,000, cependant. Après une brève période de confusion, notre héroïne échange deux mots avec son camarade d’infortune, puis part errer dans les couloirs désertés et ténébreux du croiseur pour se changer les idées. Elle tombe sur Skarp-Hedin, le Space Marine qui l’a ramenée dans sa besace énergétique au moment de quitter Cadia (comme quoi on peut avoir un mono sourcil et bon(s) cœur(s), et parvient au terme d’un dialogue aussi profond que virtuose, mais en tout cas cathartique, à se réconcilier avec l’idée de la perte de sa planète natale, de ses milliards de compatriotes, et du fier héritage d’inflexibilité des centaines de générations précédentes. Le tout en deux minutes top chrono. A ce niveau, on ne dit pas tourner la page, mais désapprendre à lire.

Skarp-Hedin, qui a senti que son vaisseau était entré dans le Warp, et plus certainement que la fin de la nouvelle était imminente (c’est fou comme les Space Wolves ont le nez fin), trouve une excuse bidon pour partir dans l’arrière-plan narratif à petites foulées – mais en continuant le dialogue avec Minka, car c’est un gentleman. Cette dernière repart pioncer dans sa cellule, et sous son matelas, il faut le préciser, l’odeur et le poids de sa paillasse lui rappelant les jours heureux où elle faisait la nouba dans les dortoirs des premières années. You do you, girl, you do you.

AVIS:

Nouvelle de transition entre ‘Cadia Stands’ et ‘Cadian Honour’, ‘The Place…’ ne me semble pas être une addition très intéressante à la saga de Minka Lesk (que je ne considère pas comme étant très intéressante non plus, je dois dire). On n’apprend en effet pas grand-chose de nouveau sur l’héroïne aux yeux violets, qui a eu l’enfance stricte et militarisée que tous les Cadiens ont eu (aaaaaah), et a été traumatisée par la violence des combats de la Croisade Noire (oooooh). Comme les trois personnages principaux (Lesk, Sturm et Skarp-Hedin) ont un charisme cumulé proche de celui d’une huître comptable, il est dur de sympathiser un tant soit peu avec leur peine et leur déchirement.  J’ajoute que Hill se montre particulièrement peu inspiré dans l’écriture des quelques dialogues de sa nouvelle, qui sont si vides et grotesques que leur simple lecture vous sort immédiatement de l’histoire. À laisser sur Cadia.

.

The Labyrinth of Lost Souls – G. McNeill :

INTRIGUE:

The Labyrinth of Lost SoulsUn inconnu, peut-être illustre mais certainement pas lacustre, se réveille en sursaut d’un coma pas vraiment réparateur. Notre homme se retrouve en effet nu comme un ver, suturé comme la créature de Frankenstein, en proie à un féroce mal-être, et sans le moindre souvenir de qui il est et de comment il s’est retrouvé là. Seule consolation pour Jean Dupont, malgré l’impression tenace et désagréable que son pacemaker est en train de lui fondre dans la poitrine, il se découvre doté d’une force prodigieuse, ce qui lui sera sans aucun doute utile pour se tirer de ce mauvais pas…

Début spoiler 1…Je passe en mode spoiler ici pour épargner le suspense de cette soumission aux lecteurs de grande section de maternelle de cette chronique. Qui ne devraient pas être là, ni lire ce genre de contenu, mais d’une certaine manière, c’est grandement impressionnant. En tout cas, on ne m’accusera pas cette fois-ci de ruiner le dénouement d’une nouvelle, même si l’illustration de cette dernière devrait vous donne un énaurme indice sur qui est notre protagoniste. Deux si vous vous attachez également au fond de l’image et pas seulement à la Passion de Jean-Michel Blanquer au premier plan. Ajoutez à cela le nom de l’auteur et la date de sortie de cette nouvelle, et vous devriez être en mesure d’identifier le primate confus qui est en train de cavaler vers le « cœur du Labyrinthe1 », en fracassant tout ce qui a le malheur de se mettre sur sa route et/ou ne pas convenir à ses goûts esthétiques. Allez, je vous laisse une dernière chance de percer ce mystère par vous-même, en gentilhomme.e (je suis inclusif aussi) que je suis.

Début spoiler 2…Toujours là ? Bon, eh bien tranchons dans le vif de l’intrigue que Graham McNeill nous a amoureusement concocté et révélons sans plus tarder que l’énergumène qui vient juste de suspendre un Techmarine par les bretelles dans son propre atelier, parce qu’il avait une vague ressemblance avec l’homme taureau de la légende, n’est autre qu’Uriel Ventris. Le Capitaine de la 4ème Compagnie des Ultramarines, récemment primarisé (‘The Death of Uriel Ventris’), n’a donc pas passé le Rubicon avec la grâce et la fortitude des autre personnages nommés upgradés avant lui. D’ailleurs il a failli se noyer, ce con. Mais ce n’est pas vraiment de sa faute, notez. Comme l’Apothicaire Selenus le révèle à son supérieur (qui lui a fait une augmétique au beurre noir dans sa fuite éperdue) et au lecteur après que l’un comme l’autre aient digéré ce rebondissement digne de Hilfred Atchcock, c’est la fournaise bélisarienne implantée dans le thorax du néo-primarisé qui s’est mise en surchauffe et a provoqué son hyperactivité amnésique. Heureusement pour tout le monde, Ventris a retrouvé ses esprits avant de commettre l’irréparable (péter la vitre du réacteur plasmique du croiseur de bataille Vae Victus à coup de poing…because of reasons), et que l’irréparable soit commis sur sa précieuse personne (Petronius Nero était sur le point de lui donner le coup de grâce après avoir consulté la VAR pendant de longues minutes). Il aura fallu qu’on lui agite sous le nez le slip de Guilliman la bannière de sa Compagnie pour qu’il revienne à ses sens. La suite sera sans doute couverte dans ‘The Swords of Calth’, publié quelques jours après cette nouvelle. Trust me, I’m an expert.Fin spoiler

1 : Car la seule chose dont notre protagoniste se rappelle à ce stade, mis à part un goût immodéré pour la violence, est la légende de Thésée et du Minotaure, auquel il s’identifie totalement en sa qualité de gros bœuf ruminant de sombres pensées.

AVIS:

Graham McNeill joue au plus fin dans cette nouvelle à « « suspens » » (première fois que je mets des guillemets à mes guillemets), mais ne semble pas prendre au sérieux sa tentative, peu aidé il faut le dire par les choix iconographiques de la Black Library. Bref, la « « révélation » » que l’auteur prend temps de temps (à défaut de soin) à nous amener est tellement éculée que l’on pourrait s’en servir pour égoutter les pâtes. Dès l’instant où le caractère Primaris du protagoniste est fuité (d’une façon tellement subtile que c’est à peine si McNeill ne termine pas sa phrase avec un ;)), relativement tôt dans l’histoire, 99,9% du lectorat habituel de la BL aura identifié le Space Marine en goguette et en chaussette/claquette victime d’un very bad trip. Mais il faudra tout de même attendre les dernières pages pour que l’auteur ne nous donne le fin mot de l’histoire, de façon tellement ampoulée que l’on pourrait s’en servir pour égoutter les pâtes aussi. Vous n’avez jamais égoutté les pâtes avec une ampoule ? Dommage pour vous. Bref, le monde se divisera ici en deux catégories : ceux qui seront ravis d’avoir des nouvelles de Mister UV (comme le fait qu’il déteste son nom, ce qui corrobore une hypothèse longtemps partagée par les fans), et ceux qui trouveront que McNeill les prend un peu trop pour des neuneus. Si vous voulez une bonne histoire de 40K exploitant le trope du guerrier amnésique se réveillant en territoire hostile, je vous conseille ‘Hunted’ de John French, et surtout ‘Torment’ d’Anthony Reynolds, largement supérieur au gruau littéraire, à la limite du prétentieux (pourquoi ce titre ?) et bleuâtre que nous sert Graham McNeill.

.

Faith in Iron – C. Johnston :

INTRIGUE:

Faith inLe système d’Albarnan est à feu et à sang depuis que la Death Guard a montré un fort intérêt pour l’acquisition des planètes fertiles de ce petit bout d’Imperium. Très engagé contre la conversion des terres (#Biodiversité), Pépé a envoyé l’Adeptus Mechanicus et les Iron Hands contenir la menace purulente, mais cet appariement s’est révélé malheureux lorsque les Prouteux ont dégainé leur arme secrète, à savoir un malware particulièrement virulent et à même de corroder et/ou corrompre toute la tech’ que les nerds impériaux ont à leur disposition. Appelée Morbus Metallum, cette affliction a atteint le monde agricole de Dundas II, et mis HS la majorité des adeptes de l’Omnimessie qui y étaient stationnés. Fort heureusement, la Magos Biologis Viridan Shale a réussi à mettre au point un antidote, mais se trouve isolée dans la capitale planétaire (une cité ruche tout ce qu’il y a de plus classique, car oui, on peut apparemment en trouver sur des agri-mondes…), et à la merci des hordes de cultistes dérangés qui y ont élu domicile. Il est impératif pour l’effort de guerre impérial qu’elle soit ramenée en lieu sûr, et après un bref appel au numéro vert mis en place par l’Administratum depuis le laboratoire blindé où elle s’est réfugiée, elle a la satisfaction d’apprendre qu’un technicien lui a été dépêché1. Son nom : Rathkugan des Iron Hands.

Dans la capitale de Dundas II, les combats font rage pour empêcher ces grands malades de Nurglites de prendre la clé des champs, ce qui est pourtant leur souhait le plus sincère. Nous faisons la connaissance du Capitaine Lennox Winters de la Garde Impériale et de ses braves soldats, bien occupés à tenir la ligne dans l’attente illusoire de renforts. C’est toutefois leur jour de chance, car le drop pod contenant Rathkugan (et son Serviteur de combat) s’écrase à proximité de leur position, scellant le sort des malheureux cultistes présents dans ce périmètre. Rath’, qui aime visiblement avoir de la compagnie, ordonne aux mortels de l’assister dans sa mission, et après avoir compris qu’un non n’était pas une réponse acceptée par le colosse en céramite, Winters accepte de seconder l’Iron Father. Un job assez ingrat il faut le souligner, car l’Iron Hand ne semble avoir besoin des Gardes que comme instruments de diversion, et n’hésite pas à une seconde à tirer avec son bolter lourd d’épaule dans les mêlées, sans faire de cas de la pitoyable sauvegarde d’armure de ses petits camarades. Pour sa défense, Rathkugan est engagé dans un contre la montre aussi douloureux que débilitant, ses propres bioniques se faisant attaquer par le Morbus Metallum à vitesse grand V. Il s’agit de ne pas niaiser en route, comme on dit à Chicoutimi.

Quelques heures, mauvaises rencontres2, et pertes de bidasses plus tard, la fine équipe parvient jusqu’au laboratoire et fait sa liaison avec Viridan Shale, qui a la particularité d’être une bombasse. Rathkugan insiste pour repartir immédiatement en direction du point d’extraction malgré le fait qu’il soit déjà aux trois quarts rouillé et que son disque dur soit plus vérolé qu’un Portepeste. Un tel stoïcisme est normal de la part d’un descendant de Ferrus Manus, me direz-vous, sauf que l’Iron Father finit par s’effondrer comme une chochotte, forçant Winters et Shale à lui prodiguer les premiers soins le temps qu’il se remette de ses émotions. Grâce à l’antidote qu’elle peut synthétiser dans son sang, la Magos Biologis purge le système du Space Marine, et le Serviteur de ce dernier donne héroïquement ses composants à son patron pour lui permettre de redevenir opérationnel. Les précieuses minutes perdues à s’occuper de ce gros bébé permettent aux cultistes d’embusquer les loyalistes, ce qui se solde par de nouvelles morts de personnages secondaires. Au bout du compte, Rathkugan parvient tout de même à repartir de Dundas II avec Shale, qui pourra faire bénéficier de son Avast personnel aux Iron Hands frappés par le Morbus Metallum. Quant à Winters et ses derniers soldats, ils restent sur le théâtre d’opérations et reprennent leurs activités habituelles. Il serait cependant fort possible que le sympathique Capitaine reçoive bientôt un bras bionique tout neuf pour remplacer sa vieille prothèse actuelle, et que son régiment soit invité à participer à la reconquête du monde forge d’où vient Viridan Shale. C’est ça d’avoir des relations parmi les grands de ce monde cet Imperium…

1 : Si on peut admettre que les Space Marines sont suffisamment rares et puissants pour qu’un seul d’entre eux soit affecté à une mission suicide avec des chances de la mener à bien, je suis en revanche moins magnanime lorsque l’auteur fait comprendre que l’Ange de la Mort en question est expédié via croiseur d’attaque. Ça fait beaucoup de ressources mobilisées pour un seul pignouf, fut-il énergétique.  
2 : Dont un Death Guard, mais comme il ne joue absolument aucun rôle dans l’histoire à part se faire bolosser par Rathkugan au close, et finit aplati par une frappe d’artillerie dans l’anonymat le plus complet à la fin de la nouvelle, on ne s’étendra pas sur son cas.

AVIS:

Même si les Iron Hands ont une identité très forte, qui les différencie de la majorité des Chapitres Space Marines, et les rend techniquement plus faciles à mettre en scène par les auteurs de la Black Library que d’autres Astartes moins typés, tout le monde n’est pas capable de rendre justice à leur inflexibilité post-humaine. Le newbie Cameron Johnston le démontre ici, avec une histoire oscillant entre le polt born peu inspiré et la série B d’action piteusement mise à la sauce 40K (le background n’étant visiblement pas le point fort de notre homme). Même si elle est bien plus vieille, la nouvelle ‘Flesh’ de Chris Wraight, qui reprend à peu près les mêmes intrigue et conclusion, est supérieure en presque1 tous points à ce ‘Faith in Iron’ : si vous êtes aussi rationnel dans votre approche de vos loisirs (tant en temps qu’en argent) que les Iron Hands, vous ferez donc l’impasse sur la seconde pour vous concentrer sur la première.

1 : Je dois tout de même reconnaître que Cameron Johnston gère les munitions de manière plus réaliste que Chris Wraight.

.

A Coin for the Carrion Thieves – J. French :

INTRIGUE:

A Coin for the Carrion ThievesLe mauvais côté de l’éternité, c’est que l’on devient vite désabusé. Demandez à Ctesias par exemple : autrefois un fringant Thousand Sons passionné par la recherche de la vérité suprême et l’exploration de la nature de l’univers, quelques milliers d’années d’hérésie l’ont changé en vieux ronchon réactionnaire, passant le plus clair de son temps à marcher dans des coups foireux et le reste à regretter de l’avoir fait. C’est ainsi que notre ami s’est retrouvé en rade sur les Mondes Déchus, après que la tentative d’Ahriman de RE-lancer la Rubrique – ça avait tellement bien marché la première fois – se soit soldée, ô surprise, par un nouvel échec retentissant. Voilà ce qui arrive lorsque l’on suit les conseils d’un Duc du Changement qui se révèle être le Professeur Shadoko1 ! Encore 999.998 tentatives à rater et les résultats suivront, c’est certain.

Exilé avec quelques disciples dans la rase campagne de l’Œil de la Terreur, Ahri (un ami qui vous veut du bien) a besoin de se replumer. Par chance, les locaux sont assez conciliants : répondant aux noms divers et variés de Discordia, Fidèles Suivants de la Fausse Concordance Universelle, ou plus simplement, Voleurs de Charognes, cette bande de ferrailleurs de l’espace est prête à fournir des transports de seconde main (mais ayant passé le contrôle technique) aux Thousand Sons égarés… mais pas gratuitement. Comme le fait remarquer finement leur meneur, l’aptement nommé Premier Amasseur, dans l’Œil de la Terreur, le concret est une valeur refuge. Ce qui ne fait pas tellement les affaires d’Ahriman et de sa cabale, dont le fond de commerce réside plutôt dans les discours grandiloquents, les fausses promesses et les tours de passe passe. Fort heureusement, l’indispensable Ctesios pourra utiliser de sa spécialisation démoniaque (Monsieur est invocateur-lieur, ce qui est presque aussi bien que plombier-zingueur) pour tuner méchamment un vaisseau des Charognards, et ainsi fournir une monnaie d’échange acceptable par l’Amasseur.

Aussitôt dit, aussitôt fait : Ctesios se met à l’œuvre et repeint l’intérieur du vaisseau en question avec des litres de fluides pas vraiment ragoutants, tandis que son assistant Lycomedes saupoudre le sol de dents de lait, comme le veut la coutume. Déjà pas très jouasse de servir de bonniche au démonologue, Lycomedes devient carrément furax lorsque ce roué de Ctesios se sert de lui comme appât à démon pour son invocation, bien évidemment sans lui avoir demandé la permission avant. À la décharge de Ctesios, le lecteur un brin au fait des choses du Chaos avait compris que c’était le destin probable qui attendait ce sous fifre, ce qui est suffisant pour qualifier le manque de prescience du Thousand Sons de faute grourde (grave + lourde), passible de la damnation éternelle…

Début spoiler…Ceci dit, ce destin peu enviable sera épargné à Lyco’, Ctesios rabattant le capot sur le groin du démon juste avant que ce dernier ne passe à table. Piégé dans le véhicule consacré, qui pourrait très bien être une Fiat Panda pour ce que l’on en sait, l’habitant du Warp est condamné à servir d’ordinateur de bord et de mécanicien embarqué à la machine jusqu’à la fin des temps, pour le plus grand avantage de son nouveau et heureux propriétaire, Ah ma sœur (et la tienne ?). En échange, Ahriman récupère une petite armada de 14 navires, beaucoup plus qu’il n’en faut pour embarquer les reliquats de sa bande de guerre. Comme on peut s’en douter, le grand cornu a un plan à l’arrière du casque et ne compte pas passer les prochains siècles à se tourner les pouces. La suite au (peut-être) prochain épisode…Fin spoiler

AVIS:

John French pourrait ne pas en avoir tout à fait fini avec un de ses personnages fétiches, et donne avec ce ‘A Coin for the Carrion Thieves’ une suite aussi inattendue qu’intrigante à la trilogie consacrée au sorcier le plus talentueux et le moins efficace de la galaxie. Cette petite histoire permettra aux familiers de la série de retrouver, j’en gage, quelques vieilles connaissances – Ctesios et Lycomedes – qui tiennent les premiers rôles de ce récit de troc chaotique. Les nouveaux venus apprécieront quant à eux les efforts faits par French pour leur permettre d’apprécier pleinement cette nouvelle, dont ni l’intrigue ni le déroulement ne reposent sur des éléments inconnus du profane (ce que d’autres auteurs de la BL n’hésitent pas à faire). Au final, c’est assez sympathique, à l’image de ce bon vieux Ctesios, qui se contente de faire une sale blague à Lycomedes au lieu de le faire posséder par un démon majeur, comme on s’y attendait pourtant, et lui fait même la fleur de le prendre comme apprenti (comme quoi, l’allégeance « chaotique bon » existe bel et bien à 40K), et cela donne plutôt envie de découvrir cette série, ou de le voir se poursuivre.

.

Da Big Mouf – D. Ware :

INTRIGUE:

Da Big MoufDans les entrailles du Space Hulk Big Mouf, colonisé par les Deathskulls du Big Boss Zoldag Legmangla, nous suivons notre héros, le Nob Grimdak, alors qu’il s’adonne innocemment (ou aussi innocemment que sa nature de Xenos ultra violent le permet) à ses activités favorites: chercher du ​​​​​matos à récupérer pour kustomiser son équipement, tirer à droite et à gauche pour se convaincre de la mieutitude de son fling’, et se pavaner devant un public imaginaire comme s’il était un mannequin à la Fashion Week. L’arrivée d’une petite force de Sœurs de Bataille dans les coursives du Big Mouf, annoncée sans doute possible par le double bruit des bottes énergétiques et des cantiques consacrés1, est cependant suffisante pour renvoyer Grimdak, courageux mais pas téméraire (ou peut-être sujet aux acouphènes) jusqu’à la salle du trône de Legmangla.

Ce dernier, une montagne de muscles et de membres bioniques tout à fait conforme à l’image d’Epinal que l’on se fait du meneur peau-verte, allie la carrure d’un Ogryn avec la culture générale d’un Inquisiteur, puisqu’il a tôt fait de souligner que les harpies impériale sont forcément à la recherche d’une relique, puisque la recherche de ces objets constitue leur unique leitmotiv​​​​. Il l’a lu dans un vieux Codex Approved de Space McQuirk (le bien le plus précieux de son tas de loot), c’est donc que c’est vrai.​​​ Par un concours de circonstances tellement heureux qu’il a fallu à Tzeentch 999 ans pour le mettre en place, la relique en question est présente dans les alentours immédiats, puisqu’il s’agit d’une lance dont le bout du manche est un fémur humain, et dont un Nob quelconque se servait à l’instant comme d’un cure-croc2. Après avoir morigéné (je vous avais dit que c’était un érudit) son sous-fifre en lui faisant avaler son ustensile, Legmangla sonne la Waaagh! et emmène sa tribu à la rencontre des envahisseurs, guidé par le radar de recul que Grimdak a monté sur sa pétoire.

La confrontation initiale et finale (14 pages, c’est court), a lieu dans la salle du vortex, occupée par une sorte de trou noir anémique attirant mollement tout ce qui s’approche un peu trop près. C’est de là que le Space Hulk tire son nom de Big Mouf, et ça nous fait une belle jambe. Juste au moment où son chant de guerre se termine3, la vague verte tombe dans l’embuscade tendue par les filles de l’Empereur, qui avaient eu la lumineuse idée de la fermer pour surprendre l’adversaire. Vue par les yeux de Grimdak, l’attaque est d’une violence insoutenable et cause des ravages inouïs parmi les Xenos. Alors que le lecteur tente fébrilement de calculer combien d’Ordres Militants ont été rassemblés pour mener à bien cette mission périlleuse, et se prépare déjà à voir arriver Ste Celestine en personne pour un duel avec Legmangla, Ware balance un pain tellement brutal dans la mâchoire de l’Epique qu’elle en assomme du même coup le Réalisme, qui le suivait prudemment, comme à son habitude. Car le massacre des Deathskulls a été orchestré par une pauvre escouade de Sœurs de Bataille, soit 6 gougnafières en armure énergétique. Dans le chaos de la mêlée, les Orks parviennent tout de même à blesser gravement une Sista, grâce à l’intervention énergique de Legmangla en personne, mais c’est à peu près tout.

Après quelques pages confuses, Big Mouf se met en rogne et avale proprement tout ce qui n’a pas une coupe à frange (et Grimdak, qui parvient à s’échapper mais tout le monde s’en fout), permettant à Danie Ware de terminer son propos en révélant à son public que la miraculeuse escouade était menée par, mais en doutait-on encore à ce stade, l’injouable Augusta Santorus, qui avait très envie d’ajouter le fémur de Saint Finiang à son ossuaire personnel. Et il n’est pas permis de douter qu’elle a échoué dans cette tâche, bien que localiser l’emplacement de la relique dans un Space Hulk regorgeant d’Orks en ayant seulement une vague idée de la direction dans laquelle aller constitue un défi littéralement herculéen. Comme on dit, the Emperor provides.

1: Oui, nos braves Sistas abordent un vaisseau qui selon toute logique est infesté d’ennemis mortels en scandant les Parapluies de Cherbourg à plein volume. À moins qu’elles ne chantent horriblement mal, et comptent là-dessus pour faire fuir l’adversaire (une tactique tout droit piquée aux Emperor’s Children), on peine à comprendre l’intérêt de la manœuvre. 
2: Ce n’est pas comme si 1) un Space Hulk était un agglomérat de vaisseaux spatiaux d’une taille colossale, dont la cartographie et l’inventaire occuperait même le plus diligent des experts pendant des décennies; 2) les Orks étaient connus pour leur goût de l’exploration minutieuse et 3) une lance terminée par un bout d’os avait une quelconque valeur aux yeux d’un Ork, et avait donc une chance d’être présentée au Big Boss.
3: Et Ware s’est donnée à fond sur le livret, car le lecteur bénéficie de plusieurs couplets de pop-rork. 

AVIS:

Danie Ware enrichit moins sa gamme qu’elle étend ses déprédations en s’essayant à la littérature Ork, avec des résultats dans la droite ligne de ses premiers travaux. Si la première partie de la nouvelle, centrée sur Grimdak et Legmangla, pourrait à la rigueur faire illusion malgré son lot d’incongruités, la seconde en revanche reprend tous les codes de la SoB-erie1 dont Ware s’est faite la grande (et heureusement, seule) spécialiste au sein de la Black Library. C’est confus, incohérent et cela va à l’encontre des principes et des préceptes les plus basiques du lore1 : ayant déjà passé quelques chroniques à exposer mes griefs sur le sujet, je me contenterai ici de noter que le lecteur familier de ‘Mercy’, ‘Forsaken’ et ‘The Crystal Cathedral’ évoluera à nouveau en territoire connu. Le titre orkifié et la narration centrée sur un peau verte ne doivent pas faire illusion: il s’agit bien de la suite des aventures massacres d’Augusta Santorus, et les amateurs de POV Ork seraient mieux inspirés de se tourner vers les travaux de Mike Brooks et de Guy Haley. Contrairement aux balises laissées par l’Interex à proximité de Murder, j’espère que ces avertissements ne seront pas compris trop tard par ceux qui pourraient en avoir besoin…

1: Dédicace spéciale aux Blood Angels, pas foutu de purger un Space Hulk sans perdre 90% de leurs effectifs alors que Santorus et ses copines plient l’affaire en une demi-journée et une cheville foulée. 
2: Heureux, ou en tout cas fatidique, hasard, « sob » veut dire sangloter en anglais. C’est approprié.

.

Warsphere – D. Hinks :

INTRIGUE:

WarsphereL’Archonte Jean-Michel1 a emmené sa coterie de mauvais garçons et de femmes fatales (dont l’empoisonneuse Zhain) dans un rade paumé : une sphère de guerre Kroot s’étant écrasée à la surface d’une surface. Si le Drukhari s’est donné la peine de quitter son triplex de Commoragh, c’est parce que ses recherches lui ont permis d’identifier dans ce tas de rouille une information de tout premier ordre : les coordonnées d’une Enclume de Vaul, ou Forteresse Noire pour les mon-keigh. S’il parvient à faire l’occasion de cette relique millénaire, il pense pouvoir ravir à Asdrubael Vect la mainmise sur la cité pirate, ce qui est cool. Prévoyant autant qu’instruit, Jean-Michel a renforcé son expédition en recrutant des traqueurs Kroots, jugeant avec sagesse que l’appui de ces oiseaux de mauvais augure lui serait utile pour négocier l’intérieur de la sphère de guerre et mettre le gantelet éclateur sur les érudits qui détiennent le tuyau qu’il convoite.

Notre histoire commence par un petit massacre des sentinelles qui gardent la sphère contre les visiteurs importuns, les Kroots se faisant un plaisir et un devoir d’honorer leur double réputation de tueurs sans pitié et de gourmets sanguinolents en abattant puis dévorant les gardes. Bien entendu, ceci offense le raffinement exquis de Jean-Mich’ Mich’ et de Zhain, qui meublent ce buffet froid en échangeant des idées sur la meilleure façon de trahir et de torturer un Kroot, une fois que la mission sera accomplie. Souhaitant tout de même montrer qu’il est aux commandes de l’expédition, Jean-Michel va interrompre le casse-Kroot en appuyant là où ça fait mal : la fierté mal-placée des autruches de l’espace envers l(‘absence d)e goût artistique de leurs anciens. Si le chef de la troupe, l’impavide Grekh, ne tombe pas dans le panneau, son sous-fifre Khebab ne montre pas autant de self-control et tente de molester Jean-Mi après que celui-ci ait mis un coup de pied dans une statue aussi sainte que moche. Résultat des courses : Khebab se fait flinguer par son employeur, ce qui rend Grekh chafouin. Mais le rapport de force est trop déséquilibré pour que le placide palmipède ne fasse autre chose que jeter un regard froid à l’Archonte. Poursuivons.

Grâce aux talents de traqueur de Grekh et à l’étonnante technologie Kroot, qui semble consister en des petits tas de mégots, prospectus, vieux pneus et restes de junk food placés à des endroits stratégiques, nos héros parviennent à se rapprocher de la salle où sont sensés attendre les érudits, sans trop de casse. Ceci dit, l’abondance de piejakon que les dits érudits ont placé autour de leur planque rend le périple franchement aventureux, et lorsque les derniers survivants arrivent devant la salle des bosses des maths de fin (après une ultime rencontre avec des goons peu aimables, ici des goélands métalliques), il est clair que sans les bons services de Grekh, ce tombereau d’ordures deviendra leur tombeau…

Début spoiler…Ce qui rend la défection du Kroot problématique pour Jean-Michel, Zhain et Cie. Rusé comme pie, l’homme poulet a en effet fait charger son groupe dans une salle vide, et a profité de la confusion pour prendre son envol. Un départ en traître peu surprenant devant le peu de soin que l’Archonte a pris pour dissimuler ses intentions xenocides envers son sherpa jusqu’ici, mais qui pose toutefois la question du « pourquoi maintenant » ? C’est la vision d’une vieille video de surveillance de la sphère de guerre, restaurée grâce à la compétence native des Drukhari en hacking, qui permet d’y répondre. Contrairement à ce que Jean-Michel et ses caballeros pensaient, les sentinelles bestiales massacrées et boulotées par les Kroots ne gardaient pas les érudits, elles étaient les érudits2. Epiphanie finale pour nos héros : pendant qu’ils taillaient la bavette à l’arrière-plan, Grekh récupérait la localisation de la Forteresse Noire en… taillant la bavette aussi. Mais différemment. Coincés dans une situation qu’ils ne maîtrisent pas et en danger de mort, les Eldars Noirs font ce qu’ils savent faire de mieux : s’entretuer. C’est donc une fin de partie pour Jean-Michel, poignardé dans le dos par Zhain, qui ne risque cependant pas de faire de vieux os elle non plus. Moralité : ce n’est pas parce que ton grand-père était un dodo que tu ne peux pas pigeonner ceux qui te prennent pour un dindon.Fin spoiler

1 : L’histoire étant racontée depuis son point de vue et son statut social étant visiblement trop élevé pour qu’il daigne nous donner son petit nom, j’applique ici la loi de Lucy en l’affublant d’un sobriquet venant de la pop culture.
2 : Les Drukari s’en rendent compte en voyant l’un des gros lézards susnommés faire ses lacets tout seul. Si ça c’est pas une preuve d’intellect supérieur, je ne sais pas ce qu’il vous faut.

AVIS:

Darius Hinks n’en finit pas d’achever son cycle Blackstone Fortress, avec une nouvelle retraçant l’origin story de l’un des protagonistes du jeu et des romans/nouvelles associés à cette franchise : le traqueur Kroot Grekh. Si vous voulez savoir comment le gallinacé le plus badass du Segmentum est venu traîner ses quilles dans la Forteresse Noire, n’allez pas plus loin.

Pour les autres types de lecteurs, ce ‘Warsphere’ est également intéressant du fait du twist final assez bien pensé et exécuté que Hinks a incorporé à son intrigue. Cela ajoute une petite valeur ajoutée à une nouvelle autrement très classique dans le genre « exploration d’une ruine mystérieuse contenant un grand trésor mais recelant de dangers », dans lequel on retrouve 90% des vieilles histoires de Necrons… ainsi que 99% des histoires siglées Blackstone Fortress. Même à l’extérieur, on n’est donc pas dépaysé.

.

Path of Grief – A. Southin :

INTRIGUE:

Path of GriefSur le vaisseau monde de Saim-Hann, Itheíul porte le deuil de son frère Arsan. Cet épisode a tellement traumatisé notre héroïne qu’elle a abandonné ses chères études (BEP Shining Spear) pour emprunter la voie de la Hess, qui consiste à se lamenter H24 dans le temple de la Larme à l’Œil. On savait les Eldars très lacrymaux, mais c’est encore un niveau au-dessus. Alors qu’elle contemple la pierre esprit et la lance chantante (qui doit fredonner du Vincent Delerm, pour respecter l’ambiance) que son frère a laissées derrière lui, une voix se fait entendre dans son esprit. Sweet, sweet schizophrenia… sauf que non, bien sûr : il s’agit sans doute d’un Prescient défunt qui s’ennuyait dans le circuit d’infinité et a décidé de troller d’apporter ses sages conseils à une âme en peine. S’engage alors un dialogue psychique où l’invité mystère essaie de sortir Itheíul de sa torpeur en lui rappelant qu’il y a du bon dans ce monde, M. Frodon, et autres niaiseries optimistes. La pleureuse riposte avec des arguments bien sentis sur la futilité de se battre contre une galaxie hostile quand on est une fin de race, et la discussion se tourne vers la planète de Deniadol, où les Wild Riders sont récemment venus en aide aux Exodites après qu’une flotte ruche tyranide ait confondu le monde vierge avec un buffet garni.

Itheíul et Arsan faisaient partie du contingent dépêché par Yapadeuhazar Serpentard (le frère prescient de Salazar) pour sauver les meubles, c’est-à-dire permettre l’évacuation de bouseux locaux et de leurs dinosaures de compagnie (les petits seulement), avant que les hordes chitineuses ne dévorent les dernières poches de résistance eldars. Parce que les Saim-Hann ont beau être des rebelles, ils savent aussi reconnaître quand la situation est hors de contrôle, ce qui est tout à leur honneur. Cette tâche humanitaire (eldaritaire ?) ne pouvait être menée à bien que si le Prince commandant aux nuées tyranides était éliminé cependant, ce qui ne pouvait se faire qu’en localisant et éradiquant l’embêtante bestiole parmi sa masse de potes. Après un duel d’honneur entre les représentants des différents clans représentés sur Deniadol, c’est celui de nos deux héros (le clan Tyllach) qui remporte la mise, et part à fond de train castagner du cafard, juché sur ses motojets.

Après un premier engagement cathartique mais assez peu productif, Itheíul, Arsan et leurs cousins (on travaille en famille à Saim-Hann) firent une pause technique, pendant laquelle Arsan utilisa ses pouvoirs de Prescient pour faire tournoyer ses runes GPS, qui finirent par lui indiquer la direction où se trouvait la bioforme précédemment connue sous le nom de Prince. Bien qu’Itheíul lui conseilla d’attendre l’arrivée de renforts pour maximiser leurs chances, son frère n’écouta rien et mit les gaz en direction de sa proie, entraînant à sa suite le reste de la smala. Un combat aussi féroce qu’impossible à suivre à l’œil nu (à moins d’être fan de hockey sur glace) s’engagea entre les Xenos… et les Xenos, au cours duquel Astan tomba dans le piège tendu par le Prince, qui lui sortit une Neymar (se rouler par terre pour faire croire à une grave blessure, alors que pas du tout en fait), et finit les cervicales broyées par le neurofouet de son adversaire. Folle de rage, Itheíul ramassa la lance de son frère, lança « My Heart Will Go On » au volume maximal, et régla son affaire à la blatte fratricide, dont le trépas désorganisa suffisamment les Tyranides pour permettre une évacuation optimale des Exodites et de leurs alliés.

Retour sur Saim-Hann et à la discussion entre Itheíul et son conseiller spectral, qui se révèle être… Arsan. Shocking I know. En fin de compte, l’Eldar éplorée se range aux arguments de son frérot et sort du temple avec sa lance chantante, augurant sans doute d’une nouvelle reconversion professionnelle. La retraite, c’est pas pour tout de suite.

AVIS:

Pour ses débuts au sein de la Black Library, Adrian Southin livre une nouvelle à deux facettes. Côté face, vous avez le récit d’un affrontement entre les Eldars de Saim-Hann et une flotte ruche lambda. Rien de très innovant ici, mais comme le Grand Serpent ne fait pas partie des factions les plus couvertes par les auteurs de la Black Library, cela peut intéresser ceux qui suivent cette allégeance de près. Côté pile, on trouve une réflexion assez aboutie sur la condition des Eldars des vaisseaux mondes au 41ème millénaire, oscillant entre découragement nihiliste et volonté de perdurer quoi qu’il en coûte. On ne peut pas dire non plus que le sujet est totalement neuf, mais Southin réussit assez bien à mettre en avant les arguments majeurs de ces deux courants philosophiques, en faisant là encore ressortir la psychologie belliqueuse et bravache de Saim-Hann. Au final, c’est beaucoup mieux que ce que nous a donné Gav Thorpe ces dernières années, ce qui ne veut pas dire que c’est absolument génial, mais simplement que ‘The Path of Grief’ tient assez bien la route (l’inverse aurait été triste pour une nouvelle consacrée aux Wild Riders…).

.

Voice of Experience – J. C. Stearns :

INTRIGUE:

Voice of ExperienceDu rififi dans l’Atoll Nem’yar (rien à voir avec le joueur de futsal) : depuis plusieurs semaines, des accidents aussi regrettables que suspects viennent endeuiller avec régularité la station orbitale Suu’suamyth, arrachée par l’Empire T’au à l’Imperium pendant la cinquième sphère d’expansion. Bien que les autorités bienveillantes, à défaut d’être compétentes, aient minimisé les dégâts subis auprès de la population, l’affaire est devenue suffisamment sérieuse pour que le Conseil Elémentaire (l’Ethéré Aun’song et les quatre représentants les plus gradés des différentes castes) local charge la Lieutenant Kalice Arkady de prendre le dossier en main. Ancienne officier de la Garde Impériale ayant fait défection pour rejoindre le Bien Suprême il y a plusieurs années, Kalice s’est parfaitement intégrée à sa vie de collaboratrice citoyenne de l’Empire, et dispose des compétences et des connexions nécessaires pour identifier les membres de la cellule de terroristes impériaux soupçonnée d’être derrière les attentats. La confiance n’excluant pas le contrôle, le Conseil lui adjoint un Bleu comme partenaire, le chasseur de justice (c’est son titre officiel) Por’ui Fi’rios Kau’kartyr, ou Kartman pour les amis.

La paire commence son enquête par une petite visite à un ancien camarade de Kalice, le Sergent Treshom Lan. Reconverti en garagiste/ferrailleur après son abandon de poste, il serait sans doute en mesure de rencarder sa bonne amie sur d’éventuels clients récents de grandes quantités de palladium, un des composants principaux des bombes artisanales utilisées lors des récentes attaques. Les retrouvailles tournent court devant l’évident malaise de Treshom à la vue de Kartyr, et les réponses très vagues qu’il fournit convainquent rapidement Kalice que son frère d’armes ne joue pas cartes sur table avec elle, ce qui l’attriste fortement. Plus pragmatique, Kartyr a profité de l’échange pour cacher un drone avec micro dans l’échoppe de Treshom, ce qui permet aux enquêteurs de surprendre un échange entre ce dernier et un individu qui ne peut être que le cerveau derrière les derniers attentats. L’imminence d’une nouvelle attaque, dirigée contre un contingent d’ingénieurs humains récemment arrivés sur la station, force K&K à intervenir, et ils se rendent sans tarder jusqu’au domicile de Treshom avec une escouade de Guerriers de Feu pour arrêter le conspirateur. L’intervention se passe à la fois très bien et très mal, pour des raisons diverses. Du côté positif, le coup de filet permet de ramasser, outre Treshom, trois autres membres du réseau clandestin, dont l’instigateur des attentats en personne. Du côté négatif, deux des humains surpris chez le garagiste doublement renégat se révèlent être des hybrides Genestealers, et ne se laissent pas passer les menottes sans opposer une farouche résistance, qui résulte en de nouveaux morts du côté T’au. Ce sont les risques du métier.

Cette petite péripétie n’empêche pas Kalice et Kartyr de faire leur rapport au Conseil, mais à leur grand désarroi, Aun’song et ses séides ne semblent pas réaliser la gravité de la situation, et indiquent aux enquêteurs que leur mission a été accomplie. La chronologie des événements ne permettant pas de mettre au crédit de l’hybride récemment arrêté (et mort en prison quelques heures plus tard, un grand classique) les premiers attentats, et la preuve qu’un Culte Genestealers a infesté la station, sont autant de raisons poussant nos deux flics de choc à ignorer les consignes officielles et à poursuivre leur travail.

Kalice a alors la bonne idée de tourner son attention vers les auxiliaires Vespides présents sur Suu’suamyth, qui sont parmi les seuls occupants de la station n’ayant pas subi de check up médical à leur arrivée du fait de leur physiologie particulière. Il serait donc possible que l’infestation ait pris pied, ou plutôt griffe, sur place par ce biais. Convaincu par le raisonnement de sa collègue, Kartyr utilise son influence de membre de la Caste de l’Eau pour obtenir l’équivalent T’au d’un mandat de perquisition (ça doit s’appeler une Exhortation à l’Etincelante Transparence, je suis sûr) et aller rendre une visite au Ka’Bri’Dan Zchllchk et à ses camarades frelons…

Début spoiler…Vous allez rire, mais cette nouvelle intervention se passe également à la fois très bien et très mal, pour des raisons assez similaires à celles de la précédente opération. Les optimistes ne manqueront pas de souligner que la totalité du Culte Genestealers ayant infiltré Suu’suamyth, et comprenant outre des Humains et Vespides, le membre de la Caste de l’Air ayant accompagné nos héros et leur escorte de Guerriers de Feu sur place, s’est fait neutraliser dans l’intense fusillade qui s’engage peu de temps après l’arrivée des enquêteurs. Même le Patriarche que les cultistes avaient réussi à camoufler dans un recoin de la station finit en nature morte après que les renforts envoyés par le Conseil aient fait parler la poudre le plasma. Les pessimistes, dont Kalice et Kartyr font définitivement partie depuis leur lit d’hôpital, souligneront qu’Aun’song n’a pas vraiment été fair play sur ce coup. Le soutien très rapide dont ont bénéficié nos héros une fois le Culte démasqué était en effet une preuve éloquente de la connaissance de la gravité du problème dont l’Ethéré disposait. Certain que Kalice continuerait à suivre la piste des Genestealers, mais convaincu que lui permettre de monter une opération d’envergure ne ferait qu’attiser la méfiance des cultistes, il a donc fait exprès de clôturer le dossier de manière trop rapide, mettant en danger ses agents pour pouvoir surprendre le Culte. Tout n’est pas rose au pays des petits hommes bleus…Fin spoiler 

AVIS:

Bien que ‘Voice of Experience’ n’appartienne pas à la gamme Warhammer Crime, on retrouve dans cette histoire tous les éléments constitutifs d’une bonne nouvelle d’investigation, l’exotisme d’une station T’au (comparé à une cité ruche comme Varanguata) en plus. J. C. Stearns réussit à nous entraîner dans une enquête rythmée et prenante, ce qui est appréciable, et à approfondir les complexes mais fascinantes relations entretenues par les différentes races constituant l’empire T’au, ce qui est encore mieux et lui donne une superbe occasion de développer le background du Bien Suprême. Si vous êtes nostalgiques de la partie Xenos du Dark Coil de Peter Fehervari (‘The Greater Evil’, ‘Cast a Hungry Shadow’, ‘Fire and Ice’, ‘Fire Cast’, ‘Cult of the Spiral Dawn’), cette nouvelle devrait beaucoup vous plaire. Une vraie pépite comme on en trouve de temps en temps au hasard des recueils de la Black Library.

.

Road Rage – M. Brooks :

INTRIGUE:

Road RageNous retrouvons Ufthak Blackhawk, le Boss Ork le plus kool de ce côté-ci de la galaxie, après les événements couverts dans ‘Brutal Kunin’. Désormais lieutenant de Da Meklord, Ufthak est promis à un brillant avenir et gère sa propre bande de Boyz, mais les choses se compliquent lorsque son autorité est contestée par un Speed Freek du nom de Riptoof. Ce dernier reproche au Boss 1) de lui avoir piqué son dragsta pour réaliser la cascade qui l’a fait rentrer dans les annales1 (et ne pas lui avoir rendu après ça), mais surtout 2) de ne pas avoir trouvé une baston digne de ce nom pour occuper les troupes. La Tekwaaagh ! a en effet fait escale sur un monde Exodite, et massacré les Eldars et leurs diplodocus de compagnies en quelques jours. Depuis, c’est l’ennui. Jugeant Ufthak inapte au commandement, Riptoof le défie à la course (mécanisée, bien sûr), et notre héros est assez malin pour comprendre qu’il est dans son intérêt de jouer le jeu, étant entendu que « simplement » tabasser son rival ne lui fera pas gagner de points auprès des autres Speed Freeks qui forment le gros de sa bande.

Ne disposant que d’une journée pour se trouver une bécane digne de ce nom, Ufthak rend visite à son vieux complice, le Mek Da Boffin (toujours monté sur son solo wheel, comme la vraie légende qu’il est), qui lui promet un véhicule pour le lendemain. Et le brikolork tient parole, livrant un beau trukk (avec jantes alliage et roquettes de propulsion) à son Boss, alors que Riptoof concourt dans un nouveau dragsta kustom. L’épreuve consiste en un simple tour du pâté de maison, ou l’équivalent pour des Orks sur un monde vierge, le premier à revenir au bercail remportant la victoire. Lorsque le départ est donné, une dizaine de concurrents s’élance dans un concert de rugissements, Ufthak étant accompagne de son Daniel Elena personnel (le fidèle Mogrot Redtoof), mais également, et ce n’était pas prévu, par le tout aussi fidèle Grot Nizqwik, et le plus fidèle de tous, le Squig Princesse. C’est ça d’être un manager populaire.

Ce qui était encore moins prévu, c’est qu’une partie de chasse Drukhari fasse son apparition en milieu de parcours, et décide de se joindre à la course. Ne supportant pas le manque de respect des Eldars, qui commencent à drifter entre les buggies et les trukks Orks au lieu de simplement leur tirer dessus, Ufthak voit rouge et ouvre le feu sur les malotrus, déclenchant une bataille inter-espèce à 150 kilomètres/heure2. Le destin faisant bien les choses, notre héros se retrouve face au commandant adverse pour un duel au sommet (pendant ce temps-là, c’est Mogrot qui tient le manche), et bien qu’il en perde la main, Ufthak corrige son vis à vis avec l’aide providentielle et plongeante de Princesse, qui coûte un bras au leader Eldar Noir.

La ligne d’arrivée se rapprochant à vue d’œil, Ufthak a la clairvoyance d’utiliser le décor comme tremplin et les roquettes montées par Da Boffin comme booster, pour réaliser un saut qui réduit en compression de César le dernier Raider drukhari, et lui permet surtout de chiper la première place à Riptoof. Verstappen n’a plus qu’à bien se tenir ! Un bonheur n’arrivant jamais seul, la nouvelle se termine sur l’arrivée dans le camp Ork du reste de l’armée des Eldars Noirs, ce qui promet aux Boys désœuvrés une belle bagarre pour se remettre en jambe. Il faut savoir profiter des petits plaisirs de la vie.

1 : Détruire un Titan impérial au corps à corps.
2 : Il le fait en hurlant du Radiorkhead, ce qui est une raison supplémentaire de l’aimer.

AVIS:

Franche réussite que ce ‘Road Rage’ pour Mike Brooks, qui réussit le doublé que tous les auteurs d’œuvres feuilletonnées poursuivent : satisfaire à la fois les lecteurs familiers de la série (ici en prenant soin de faire apparaître presque tous les personnages secondaires de ‘Brutal Kunin’’) et ceux qui n’en ont rien lu avant cette nouvelle (en prenant bien soin de présenter les événements importants des épisodes précédents). Ca a l’air simple sur le papier, mais tout le monde n’y arrive pas, loin de là.

Ajoutons à cela que Brooks est très à l’aise dans l’écriture, là aussi faussement simple, de la littérature ork. On pourrait croire qu’il suffit d’écrire de manière outrageusement simplifiée pour donner le change, mais cela n’est pas suffisant : pour rester compréhensible, il faut au contraire faire attention aux tournures phonétiques utilisées, au point que je suis persuadé qu’il est plus long d’écrire en ork qu’en anglais (ou français) classique. Mike Brooks infuse également le reste de sa nouvelle de tournures et réflexions drolatiquement absurdes, ce qui change agréablement du grimdark auquel les œuvres de GW-Fiction nous ont habitué. Encore plus réussi que ‘Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way’ (sauf pour le titre, évidemment), c’est dire !

.

Mad Dok – N. Crowley :

INTRIGUE:

Mad DokGhazghkull Mag Uruk Thraka est mort, éparpillé façon puzzle par les bons soins de Ragnar Crinière Noire et ses Space Wolves dans la cathédrale du monde de Krongar. Pour la plupart des autres personnages de Warhammer 40.000, cet état serait définitif, mais pour le prophète de Gork & Mork, il ne s’agit que d’un incident mineur, car l’inégalable Mad Dok Grotsnik a également fait le déplacement, et salive d’avance sur la possibilité qui lui est offerte de littéralement reconstruire Ghazgkull de la tête aux pieds, sans que ce dernier n’ait loisir de rechigner (ce qui peut être dangereux pour le bon Dok).

Cependant, Grotsnik doit composer avec la mauvaise volonté manifeste de ses infirmiers Grots, à commencer par le morveux mais intelligent Drippa, qui se demande bien si cela vaut la peine de sortir le jeu de limes, la perceuse à main et la superglu pour lancer une session de kitbashing de l’extrême alors que les Orks de Krongar sont en train de se faire botter énergétiquement l’arrière-train par les Space Marines encore présents sur la planète, et qu’il ne faudra pas attendre longtemps avant qu’un Nob pas trop bête décide que c’est son tour de devenir le Boss des Boss. Bien tenté de réduire l’impertinente créature en pièces détachées pour lui apprendre le respect, Grotsnik comprend qu’il ne pourra pas arriver à bon port sans l’aide de ses assistants, et choisit donc de résoudre le problème de façon pacifique. Il se met donc à raconter au parterre de Grots l’autre fois où il a réussi à ressusciter Ghazgkull, épisode connu de nul autre que lui.

Cela s’est passé lors du retour des Orks sur Armageddon, et plus précisément lors de l’assaut en sous-marin sur la cité ruche Tempestora. Alors que la côte se profilait à l’horizon (façon de parler lorsqu’on est passager d’un submersible, bien sûr), le soupe au lait Ghazgkull fit une attaque d’apoplexie si sévère lorsque son médecin traitant (toujours Grotsnik) lui annonça qu’il était nécessaire de lui ouvrir le crâne pour réparer les dégâts causés par une vie de guerre (un peu) et les expérimentations sadiques du Dok (surtout) qu’il s’en fit exploser le cerveau. La présence du leader suprême des peaux vertes sur les « plages » du débarquement n’étant pas optionnelle, Ghazgkull lui-même ayant juré qu’il mènerait l’assaut de ses troupes, Grotsnik a dû réaliser une opération d’urgence et dans des conditions loin d’être idéales pour remettre son patient sur pied. Grâce à la complicité de ce bon vieux Taktikus, mis au courant du pépin de santé du boss, et qui inventa un bon gros mensonge pour justifier son absence lors du briefing d’avant bataille (les Blood Axes sont bons pour ça), le Dok parvint in extremis à remettre le cerveau et le cœur (saleté de cholesterork) de Ghazgkull en état, et à réveiller le prophète au moment où quelques Space Marines firent intrusion dans la salle du trône du sous-marin échoué. La suite appartient à l’histoire…

Ce récit captivant fait toutefois remarquer au sagace Drippa que la résurrection de l’increvable Goff semble avoir été en partie causée, une nouvelle fois, par l’intervention providentielle du fidèle Makari. Grotsnik a en effet avoué qu’il a dû utiliser une hampe de bannière pour effectuer le triple pontage express qui a remis en marche le cœur de Ghazgkull dans le money time, et cette bannière n’était autre que le fameux bâton chanceux manié par le Grot porte-bonheur. Cette révélation fait comprendre à Grotsnik que cette nouvelle résurrection ne pourra réussir sans la participation de Makari, porté disparu lors de l’accrochage avec Ragnar. Qu’à cela ne tienne, le Dok connaît un cheat code efficace : une imposition des mains de Ghazgkull a déjà réussi à faire revenir la petite créature d’entre les morts. Et il n’y a pas de raison que ça ne marche pas même si le boss est techniquement mort lui aussi, pas vrai ?

AVIS:

Une nouvelle sympatoche, qui se concentre davantage sur la mentalité Ork (dont Grotsnik s’éloigne souvent, avec sa sale manie de considérer les choses de façon rassionel) que sur l’action à proprement parler. La première moitié de l’histoire est ainsi occupée par le Mad Dok se préparant mentalement à ressusciter sa plus grande création, les choses ne démarrant vraiment que dans la seconde partie, avec la confrontation initiée par le tout aussi rassionel Drippa, et le récit de la seconde revenue d’entre les morts de Ghazghkull lors de la troisième guerre pour Armageddon. On apprend beaucoup de choses sur la relation particulière qui unit Grotsnik et Ghazghkull d’une part (le premier passant son temps à empoisonner ou mutiler le second en douce pour tester sa résistance et se venger de ses sévices), et que Ghazghkull et son fidèle autant qu’immortel Makari d’autre part (il semblerait qu’aucun des deux ne peut vraiment mourir tant que l’autre est en vie). Une lecture tout à fait complémentaire du roman que le même Nate Crowley a consacré au prophète de Gork et Mork, et qui fera plaisir aux fans de la littérature orkoïde, dont Crowley est l’un des dignes représentants contemporains, avec son comparse Mike Brooks.

.

His Will – G. Haley :

INTRIGUE:

His WillDescente en rappel de l’épisode précédent, pour ceux qui avaient aqua-zumba ce jour là. Le Macragge’s Honour, vaisseau amiral des Ultramarines et véhicule de fonction de Roboute Guilliman a été capturé par les infâmes Red Corsairs alors qu’il ne faisait que vaquer à ses paisibles occupations. Parmi les membres de l’équipage passé au Chaos à l’insu de son plein gré, on trouve le Frater Mathieu, confident du Primarque et membre du saint ordre des Clochards Acronites. N’étant guère dans sa nature de se tourner les pouces en attendant qu’un stratagème salvateur se déclenche, Mathieu a résolu d’occuper sa clandestinité en célébrant des offices pour les matelots des ponts inférieurs, aidé en cela par le Frère Clydeus (porteur peureux) et le guide estropié Hiven. Malgré l’interdit qui frappe le culte de l’Empereur depuis que les Red Corsairs sont dans la place, et les patrouilles de gardes hérétiques qui sillonnent le Macragge’s Honour, le trio est parvenu à faire son office et à apporter un peu de réconfort moral et spirituel à ses paroissiens.

Alors qu’ils terminaient une messe donnée sous le regard bienveillant mais rendu torve par des lignes de moulage mal placée d’une statue en failcast de l’Empereur, Mathieu et Clydeus sont accostés par une jeune mère (Lyasona), très inquiète par l’état de son fils (Grent). Abandonnant le servo-crâne de Victor Hugo, Hubert Vedrine et/ou Horace Vernet dans sa mallette de transport, les deux hommes accompagnent la malheureuse jusqu’à sa coquette studette, transformée en chambre froide par les facéties du Warp. Comme on peut se l’imaginer, Grent s’est fait un nouvel ami imaginaire lorsque les fusibles de champs de Geller ont sauté, et le démon qui a pris possession du corps du garçonnet n’est pas disposé à vider les lieux. Saleté de squatteurs, décidément. Confiant dans sa capacité à réaliser un exorcisme en bonne et due forme, Mathieu demande à être conduit jusqu’à la chapelle impériale la plus proche, malgré le fait qu’elle ait été vandalisée par les renégats et reste surveillée par ces derniers.

N’écoutant que son courage et son statut de personnage apparaissant plus tard dans la série ‘Dark Imperium’, ce qui lui donne d’excellentes chances de survivre à l’aventure, Mathieu fait fi des conseils de prudence de son acolyte, et commence donc à invoquer son Grand Dieu pour chasser l’entité warpienne de son dernier lieu de villégiature. L’exorcisme suit à peu près le déroulé de la scène iconique du filme du même nom, jusqu’à ce que le démon décide qu’il en a assez entendu, se libère de ses liens et laisse libre cours à son imagination en termes de chirurgie plastique. On se dit alors que la procédure a échoué, et que Grent a passé l’â(r)me à gauche, mais que nenni : l’expérience de sa mort prochaine donne au froussard Clydeus un regain de piété, qui lui permet de couper la chique au démon assez longtemps pour que Mathieu et lui parviennent à le bannir une bonne fois pour toutes après une grande série de bourre-pifs karmiques.

Cerise sur le gâteau récompensant un enchaînement ayant été parfaitement exécuté, l’Empereur en personne apparaît pour s’en battre à l’arrière plan, et poser une main orgasmique sur l’épaule de son fidèle servant, qui tombe logiquement en pamoison. À Clydeus revient le lot de consolation, un peu pourri certes, de devenir martyr impérial en restant dans la chapelle pour permettre à Mathieu et à Grent de s’échapper. Mais il faut croire que Pépé a envoyé un clin d’œil langoureux au séminariste, car ce dernier accepte son sort avec un aplomb impressionnant et un entrain suspect. Notre histoire peut donc se terminer avec la remise du petit patient à sa mère éplorée, cependant que Mathieu devra désormais transporter tout seul son stuff dans les coursives du Macragge’s Honour, ou trouver une b/conne âme pour le faire à sa place. Le service de l’Empereur est sa propre récompense…

AVIS:

Guy Haley joue les prolongations du ‘Dark Imperium’ avec cette petite nouvelle venant s’intercaler entre les deux premiers romans de son arc (si j’ai bien tout suivi). Il va sans dire qu’avoir lu les œuvres en question permet de mieux comprendre, et donc apprécier ce ‘His Will’, mais le propos est suffisamment clair pour que même un novice puisse saisir de ce dont il retourne ici. Parmi les éléments intéressants de cette histoire, on peut retenir la destinée manifeste que Haley donne ou confirme à Frater Mathieu, qui a le privilège peu commun d’être approché par l’Empereur en personne. Le rapide panorama de la situation (presque) normale d’un équipage impérial de bas étage est également appréciable, et permet de réaliser que même sur le vaisseau amiral de Roboute Guilliman, les conditions de vie du serf moyen ne sont pas très Charlie. Le passage sur l’exorcisme permet à Haley de varier un peu le rythme de son récit en introduisant quelques paragraphes d’action, ce qui est une attention louable de sa part. Je nourris seulement quelques doutes sur la « réversibilité » physique d’une possession démoniaque, telle qu’elle nous est présentée ici. Grent se transforme en effet en Grishka Bogdanov l’espace d’un instant, avant de retourner à son état normal comme si de rien n’était. Ce point de détail mis à part, ‘His Will’ est donc une soumission égale à ce que l’on peut attendre de la part de Guy Haley (même si la touche humoristique de l’arc Cawl manque un peu) : solide et plaisante à lire.

.

Celestine: Revelation – A. Clark :

INTRIGUE:

RevelationIl n’est certes pas tous les jours facile d’être une idole, et ce n’est pas Sainte Célestine qui vous dira le contraire. Participant à la défense de la planète Machoria, assiégée par une horde de cultistes et démons de Khorne, notre héroïne a fort à faire pour maintenir le moral des troupes intact, mission qu’elle doit assurer seule depuis l’extermination totale1 du contingent de bonnes Sœurs qui l’accompagnaient par ces misogynes de Khorneux. Mais que fait Marlène Schiappa, on se le demande bien. Alors que la vague rouge se prépare à déferler une fois encore sur les positions impériales, Céloche se livre donc à un discours inspirant et à quelques poses martiales pour donner du cœur à l’ouvrage à ses bidasses (avec une conviction apparente qu’elle est loin de ressentir), avant d’enchainer sur quelques bannissements de Sanguinaires malchanceux à grand renfort de sa Lame Ardente.

C’est le moment que choisit son homologue et néanmoins ennemi mortel, Arnokh le Seigneur du Sang, pour lui proposer un duel à mort, histoire de faire un beau cadeau à sa divinité tutélaire. Cette dernière a en effet une sainte horreur des colombes, qui passent leur temps à larguer leurs fientes sur son bon trône de crânes. Voila qui coûte cher en entretien. Après s’être balancés quelques amabilités, le Prince Démon traitant la Sainte de vieille folle aux pigeons, et cette dernière ripostant en lui demandant s’il s’est mis à la musculation (il fait trois fois sa taille et X fois sa carrure) après s’être fait plaqué par Helga Pataki2, les deux adversaires commencent à se mettre sur la tronche, et Célestine a rapidement le dessous.

Malmenée par les horions hacheurs du démon, la Sainte perd du terrain, des points de vie et même un bout d’aile de jet pack, mais gagne en retour quelques visions de son lointain et brumeux passé, à commencer par sa transformation de Redemptia en pénitence en icône impériale. Pour vivaces que soient ces flashbacks, qui se manifestent à chaque fois que notre héroïne se prend une mandale un peu trop appuyée de la part de ce butor d’Arnokh (‘Célestine chine l’armure de Sainte Katherine aux puces’, ‘Célestine passe le kärcher à Aspiria3’), n’aident pas vraiment l’élue de Pépé à tenir en respect son tourmenteur. À deux doigts du renoncement et de la défaite, elle reçoit une dernière illumination/hallucination made in l’Empereur, où la petite part d’humanité qui lui reste lui demande expressément de jeter l’éponge pour arrêter de souffrir et mourir en paix. Cette proposition indigne outrage suffisamment notre égérie pour qu’elle reprenne du poil de la bête, passe en mode mégère pas du tout apprivoisée, réapprenne à voler (ça ne marche pas tout le temps apparemment) et vienne inscrire Arnokh sur le registre des hommes (ou équivalent) battus du Segmentum. Le bannissement du patron remettant en cause la présence des sous-fifres dans le Materium, et allant jusqu’à provoquer une belle éclaircie sur le champ de bataille, c’est une nouvelle victoire qui se profile pour l’Imperium. Merci qui ? Merci Titine !

1 : Cela inclut même les fidèles Geminae Superia lui servant de gardes du corset. Heureusement que leur régénération fait partie de l’abonnement souscrit auprès de Big E.
2 : De la série ‘Hé Arnokh !’ bien sûr. Référence peut-être datée.
3 : Le monde cathédrale dont est originaire Aspirine, la Sainte Patronne des Sœurs Hospitalières.

AVIS:

Je n’attendais pas grand-chose de cette nouvelle sur Sainte Celestine, personnage nommé qui ne m’inspire guère, et je n’ai pas été déçu (malheureusement). Andy Clark nous sert une histoire d’un classicisme absolu, où le.a brave héros.ïne se fait malmener par un méchant vraiment trétékosto, mais finit par l’emporter grâce à son mental à tout épreuve/un sursaut d’orgueil déclenché par un random event/une intervention mystico-divine, et, surtout, son armure de scenarium. Dans le rôle du heel, Arnokh l’armoire comtoise de Khorne accomplit sa tâche (ingrate) sans trop démériter. De son côté, Celestine peut vaguement intéresser le lecteur par ses états d’âme sur la toute puissance de l’Empereur, et ses quelques réminiscences, totalement gratuites en termes de fluff et/ou déjà couvertes ailleurs, ce qui ne fait pas lourd. Mon principal regret est qu’Andy Clark, qui pourtant est le biographe attitré de Madame au sein de la Black Library (‘Celestine : The Living Saint’, ‘Shroud of Night’), n’ait pas exploité le super pouvoir narratif de son personnage, à savoir la capacité de mourir et de revenir à la vie, qui lui aurait permis de donner un peu de suspens à son histoire. Bref, vraiment très peu à tirer de ce crêpage de chignon, ou plutôt, arrachage de frange, sur Machoria, ce qui est un peu triste pour une nouvelle sensée mettre en avant son personnage principal…

.

The Moon-Mines of Sciara Lone – D. Ware :

INTRIGUE:

The Moon Mines of Sciara LoneUn joint de culasse fendu force l’escouade de Sœurs de Bataille où sert cette bonne vieille jeune Augusta Santorus à évacuer en urgence le vaisseau qui les ramenait vers Ophelia VII. Coup de chance, la planète où le Heart of Devotion finit par s’écraser possède un satellite, et la flottille de capsules de sauvetage où les quelques survivants de l’accident ont trouvé refuge se pose bientôt à la surface de la lune de Sciara Lone. Accueillies par le Gouverneur Ido en personne, les sœurettes demandent à avoir accès à la chapelle et à l’Astropathe locaux, pendant que leurs vaisseaux sont révisés et leurs accompagnants envoyés à l’hospice pour récupérer. Si l’attitude serviable et débonnaire d’Ido semble mettre immédiatement la revêche Sœur Supérieure Veradis de mauvais poil (en même temps, c’est son état normal), c’est plutôt l’étonnement qui l’emporte du côté d’Augusta (et de sa pote Lucienne). Elle n’arrive en effet pas à croire que des colonies minières de 10.000 habitants puissent exister dans l’Imperium. Ses études ne l’avaient absolument pas préparé à ça, en tout cas, ce qui en dit long sur la qualité de l’enseignement que les novices de l’Ordre de la Rose Sanglante doivent recevoir, moi je dis.

L’ébahissement se change cependant rapidement en désarroi et en colère lorsque la fine équipe arrive à la chapelle, et se rend compte que cette dernière a été abandonnée depuis des lustres. Ce n’est toutefois pas une raison de ne pas rendre grâce à Pépé de ses bienfaits, et une fois la prière achevée, Veradis disperse ses ouailles à travers la colonie. Pendant qu’elle ira envoyer un compte rendu des derniers événements à l’Ordre, Augusta et Lucienne devront retourner au spatioport et garder un œil sur les navettes. Juste au cas où bien sûr. Notre héroïne sent bien que quelque chose préoccupe sa supérieure, mais comme on ne lui a pas donné le droit de poser des questions aujourd’hui, elle se contente d’obéir sans chercher à en savoir plus. « Béni soit l’esprit trop étroit…», toussa toussa…

Bien évidemment, les choses se compliquent rapidement une fois rendu sur place, le personnel du spatioport ne se montrant pas très coopératif malgré les cris stridents et les froncements de sourcil auxquels Augusta a recours pour tenter d’asseoir son autorité. Pire, les Sœurs se rendent compte qu’elles sont encerclées par leurs hôtes, ce qui n’augure rien de bon pour la suite. Avant que la distribution de bourre-pifs ne commence, Augusta a toutefois une révélation en contemplant un transport Aquila faire un créneau dans le lointain : le logo de l’Empereur est tout bonnement absent de tous les uniformes, bâtiments et véhicules de la colonie. Une preuve d’indépendance qui lui semble être encore plus grave qu’une simple hérésie, à tout prendre.

Cette incroyable révélation ayant été faite, la nouvelle passe en mode Smackdown, dans la plus pure tradition de la série. Augusta et Lucienne rossent bellement les nuées de goons qui tentent de les mobber, sans utiliser autre chose que leurs poings et leurs genoux énergisés (c’est beau jeu). A la conclusion d’une cascade osée, qui voit Augusta parvenir aux commandes d’un vaisseau bourré d’explosif menaçant d’ouvrir le feu sur le spatioport, avant de réaliser qu’elle ne sait absolument pas piloter ce genre d’appareil et le crasher en 10 secondes top chrono ; notre héroïne a la bonne idée de tomber dans les pommes, ce qui permet à Danie Ware de boucler son intrigue hors champ. A son réveil, Augusta apprend en effet de Veradis que le Gouverneur a été exécuté et que l’ordre règne désormais dans la colonie. Cette dernière, qui avait rejeté le règne bienveillant de l’Empereur pour miner du bitcoin de l’or et de l’argent et l’écouler sous le manteau, est désormais placée sous l’autorité de l’Ordre de la Rose Sanglante1. En attendant que l’intendance arrive et qu’elle se remette de ses émotions, Veradis donne à sa novice le soin de potasser le Traité de l’Epine pour rester au niveau pendant que le reste de l’escouade partira épurer les indigènes réfractaires. Merci qui ?

1 : Ça explique peut-être d’où vient la tendance d’Augusta à annexer des planètes (voir ‘Mercy’) par la suite de sa carrière.

AVIS:

The Moon Mines of Sciara Lone’ n’est pas l’épisode le plus désolant/distrayant de la série consacrée par Danie Ware à son héroïne fétiche, et se contente d’être assez quelconque tant sur le fond que sur la forme. S’il s’agit de votre première rencontre avec Augusta Santorus, nul doute que vous sortirez assez surpris de cette nouvelle, où on chante beaucoup, catche régulièrement, et où les personnages semblent en peine de prendre les décisions les plus évidentes (Veradis avait grillé depuis le début que quelque chose de louche se passait dans la colonie, mais a trouvé malin de ne pas prévenir le reste de son escouade). Mais si vous êtes un suiveur vétéran de l’Ordre de la Rose Sanglante, tout cela vous semblera bien ordinaire. A son crédit, je dois reconnaître à Ware que l’idée de mettre en scène une communauté humaine « indépendante » est intéressante, en partie parce que ce concept, qui n’est pourtant pas révolutionnaire pour un Imperium s’entendant à l’échelle galactique, n’a été jusque là que très rarement abordé dans la GW-Fiction. Avec seulement quelques pages à consacrer à ce sujet, et une maîtrise assez faible du lore, Danie Ware ne signe pas ici une nouvelle incontournable pour les amateurs de curiosités BLesques, mais démontre à tout le moins qu’elle est capable de sortir des tropes habituels que l’on retrouve à l’œuvre dans les nouvelles de 40K.

.

Martyr’s End – A. Worley :

INTRIGUE:

Martyr's EndMême si elle a réussi l’impensable et réintégré les rangs des Sœurs de Bataille (en même temps qu’une armure énergétique) après avoir servi comme Repentia en expiation de ses péchés, la Sœur Supérieure Adamanthea vit toujours avec un sévère syndrome de l’imposteuse (?), persuadée qu’elle est que ses fautes ne pourront lui être pardonnées que dans la mort. Cela ne l’empêche toutefois pas d’être une meneuse charismatique et efficace sur le champ de bataille, son statut de Viventem Miraculum transformant toutes les Sistas de moins de 25 ans dans un rayon de 12 pouces en groupies (ce qui leur donne l’indémoralisable). Déployée dans une campagne contre l’Empire T’au, dont les tactiques de lâche – l’utilisation d’armes de tir – la font tourner en bourrique, elle s’est illustrée par son zèle dans la traque de tous les Xenos passant dans son périmètre, que ces derniers soient les cibles qu’on lui a attribuées ou pas. La nouvelle commence ainsi par un débitage de Kroots en règle, l’Eviscerator qu’elle a conservé de son époque punk semant la mort parmi les pauvres gallinacés.

A faire trop de zèle (un comble pour une Sœur de Bataille), Adamanthea a cependant pris du retard sur l’accomplissement de la mission que lui a confiée la Canonesse Lydia, à savoir l’assassinat du commandant ennemi, qui en bon otaku ne se déplace jamais sans son Exo-armure Crisis. Si une escouade complète de Dominions menée par une psychopathe endurcie maniant une épée tronçonneuse aussi grande qu’elle suffisait logiquement à régler ce problème, la fâcheuse tendance de notre héroïne fâchée à farmer tous les mobs de la map a prélevé un lourd tribut sur ses suivantes, qui ne sont plus que huit au moment où Adamanthea décide d’aller faire la peau au sniper T’au qu’elle voit décamper dans le lointain. Elle venait pourtant de promettre à Lydia de rester concentrée sur son objectif et de se rendre sans délai sur le lieu de l’embuscade. On voit que le télétravail a quand même des effets pervers en termes de management des équipes.

Tout à sa haine pour les Xenos, Ada ne prend pas la peine de monter une stratégie sensée pour assaillir le T’au isolé, et perd la moitié de son escouade sous les tirs du sniper et de ses drones. Elle a toutefois la satisfaction de mettre la main sur le petit homme bleu et de le plaquer violemment sur la paroi de la caverne où il s’était réfugié en lui hurlant dessus « C’EST TOUT CE QUE TU PEUX FAIRE, LOPETTE !? », avant de l’étrangler à mains nues. Féminisme 3.0 ? Je vous laisse juger. Le voile de haine qui obscurcissait ses sens finit cependant par se dissiper, lui faisant réaliser à quel point sa conduite erratique et ses décisions irréfléchies ont causé du tort à ses Sœurs, trop contentes de côtoyer une presque sainte pour mettre en question son commandement incertain.

Pour ne rien arranger, Lydia rappelle Adamanthea pour l’informer que le commandant T’au a dépassé le point où elle était censée le prendre en embuscade, et a commencé à dégommer les aéronefs impériaux passant à sa portée. Une Valkyrie s’écrase à proximité pour illustrer les dires de la Canonesse, et plonger notre héroïne dans les abîmes du remords. Intimant l’ordre à ses dernières Dominions de retourner au bercail, elle se met en tête de réparer ses torts en solotant l’Exo-armure, ou, plus probablement, en mourant glorieusement dans la tentative. Et ça tombe bien, car qui arrive en voletant de rocher en rocher ? Le grand Schtroumpf en personne…

Début spoiler…Adamanthea n’avait cependant pas réalisé à quel point elle était populaire parmi les Sistas, puisque son escouade revient sur ses pas et ouvre le feu sur le Gundam de 40K, s’attirant ses foudres son plasma, mais permettant à la Sœur Supérieure d’arriver au contact de l’énervante machine. S’engage alors un combat physique aussi bien que mental, qui finit par une posture peu commune pour la littérature de la BL : Adamanthea, juchée à l’arrière de l’Exo-armure, et tentant de toute ses forces de lui arracher la tête à main nue, pendant que le commandant T’au enclenche le mode « taser de surface » pour griller l’insistante mais insaisissable furie collée à sa carlingue. A ce petit et stupide jeu, la foi absolue d’Adamanthea (et sa résistance à la douleur) finit par triompher, laissant la Crisis désorientée et son pilote à portée de gantelet. Un crochet du droit bien envoyé plus tard, le Xenos rejoint le Bien Suprême et Adamanthea est libre de se replier vers le QG impérial, emportant avec elle la Sœur Iris, qui a miraculeusement survécu à l’arsenal du leader T’au. Cela fait beaucoup de points de foi claqués d’un coup, mais cela en valait certainement la peine.Fin spoiler

AVIS:

Les Sœurs de Bataille se cherchaient depuis longtemps un auteur de la Black Library à même de rendre justice à leur zèle et leur ferveur incomparables, et leurs prières ont été entendues par l’Empereur (ou par Nottingham, ce qui revient au même). Alec Worley démontre en effet avec ‘Martyr’s End’ sa parfaite compréhension de la psyché particulière de cette faction, en mettant en scène une ex-Repentia dont la rage de vaincre donnerait des complexes à un Berserker de Khorne. Sœur Adamanthea est un savant mélange de brutalité maniaque1 et de découragement profond, et la dévotion totale qu’elle inspire à son escouade, quand bien même sa capacité à donner des ordres sensés est logiquement questionnée par ses ouailles, est pour moi une des représentations les plus inspirées que j’ai pu lire de l’état d’esprit des guerrières de l’Adeptus Sororitas. Pour ne rien gâcher, Worley parvient à garder un vrai suspens jusqu’au bout de son histoire, la recherche d’un glorieux martyre d’Adamanthea rendant plus que probable sa mort au combat. Une nouvelle d’action sans compromis et authentiquement grimdark, à conserver et vénérer comme une sainte relique par les fans des Sistas.

1 : Mais crédible d’un point de vue fluff, même quand elle décapsule une exo-armure T’au à mains nues. Une différence notable avec une certaine Augusta Santoris, je dois dire.

.

Ghosts of Iron – M. Collins :

INTRIGUE:

Ghosts of IronOù nous suivons la Magos Domina Calliope Vartothex, accompagnée par les Skitarii Tyr 4-2 et Kappa-Ix, dans sa tentative audacieuse de prendre possession d’un Titan Warlord tombé en rade sur la planète de Sareme, le Furore Martis, ou Fury of Mars en bon anglais. On ne saura jamais précisément ce qui est arrivé à ce monde forge à la suite de l’ouverture de la Cicatrix Maledictum, mais il est indéniable qu’une part significative de la population locale a cédé aux sirènes du Chaos, et sombré dans la pire des hérésies, la techno-hérésie. Calliope et ses deux side-kicks bien abîmés sont les seuls survivants de l’expédition montée par l’Archmagos Groal pour remettre en service le Fury, et il est certain, alors que les trois rescapés arrivent péniblement au pied du pied du Titan, qu’ils ont une bande d’héréteks sur les talons (et bientôt dans le talon, mouahaha). Le Warlord ne paie pas de mine, planté au milieu du désert comme un conifère sur un marché de Noël, mais ne semble pas en trop mauvais état de prime abord, ce qui donne une raison à Calliope d’espérer.

Cependant, on ne peut pas juger un Titan en inspectant sa carrosserie (une adaptation d’un vieux proverbe datant du Moyen-Âge technologique), comme le trio de mécanos ne tarde pas à le comprendre. Le premier à finir en pièces détachées, ou plutôt compressées, est le brave Kappa-Ix, écrasé par une porte blindée alors qu’il boîtait en direction de ses comparses. Sa disparition tragique attriste beaucoup (et c’est étonnant, au vu de la faction à laquelle il appartient) Tyr 4-2, mais les deux martiens n’ont pas de temps à perdre s’ils veulent tenter de sortir le Fury de sa léthargie… ou le détruire. Quitte à tout prendre, c’est toujours mieux que de laisser le Mechanicus Noir mettre ses sales pinces sur une machine de destruction de la taille d’un immeuble. Cherchant à jauger de l’humeur de l’esprit de la machine, Calliope se branche le cortex au premier port USB venu, mais n’arrive pas à voir autre chose qu’un Titan qui arpente des random champs de bataille en hurlant à tue-tête. Assez logique quand son prénom est Fury, vous me direz.

Un peu plus haut dans les étages, la Magos et son garde du corps tombent sur un Enfant du Chaos, qu’ils devinent être les restes fusionnés d’une partie de l’équipage. Un bref combat s’engage, au terme duquel la team bioniques vient à bout de la limace en rut. Jugeant inutile d’aller s’enquérir de l’état du Princeps et des ses Moderati, probablement tout aussi en forme que leurs petits camarades, Calliope décide que la meilleure chose à faire est de se rendre jusque dans l’Enginarium, où un diagnostic définitif du Fury pourra être réalisé (et une euthanasie mise en œuvre, si nécessaire).

En chemin, cette tête de linotte de Magos manque de pénétrer dans une salle piégée, ou son équivalent titanesque, et ne doit son salut qu’à l’intervention chevaleresque de Tyr 4-2, qui prend sa place au dernier moment et la pousse en dehors (me demandez pas comment c’est possible, j’ai fait ES au lycée, pas STI). Ce quiproquo permet à Collins de se débarrasser d’un nouveau personnage, Tyr tyrant sa révérence après que le caisson vitré dans lequel il s’est retrouvé enfermé se remplisse… d’un liquide très chaud. Je choisis de penser qu’il s’agit de fromage fondu, mais je vous laisse faire votre propre interprétation. Laissée seule aux commandes par la force des choses, Calliope décide qu’il n’est plus temps pour les demi-mesures et pénètre finalement dans l’Enginarium avec la ferme intention d’abréger les souffrances du Fury, et les siennes par la même occasion… mais le Titan n’est pas d’accord et refuse d’entrer en surchauffe, comme le lui a demandé.

Une héroïne organique aurait bêtement et stupidement pété un câble à la suite de cet échec (les héréteks sont en train de gratter à la porte de l’Enginarium à ce moment de l’histoire), mais la Magos Calliope est fait d’un autre bois, ou plutôt, métal. Elle se rebranche donc à l’esprit de la machine, et finit par crier plus fort que lui, jusqu’à le convaincre de coopérer pour empêcher les bad guys de remporter la partie. Ceci fait, elle relance le protocole de surchauffe du réacteur du Titan, et se paie même le luxe de corriger la horde de galapiats qui venait lui conter fleurette à grands coups de hache énergétique et de serpenta dans les augmétiques, jusqu’à ce que le Fury of Mars finisse par exploser. Victoire morale pour l’Omnimessie.

AVIS:

Pour sa première nouvelle pour la Black Library, Marc Collins s’attaque à un sujet casse-gu*ule s’il en est : l’Adeptus Mechanicus. Il n’est en effet pas facile de concilier le gloubi-boulga cryptotechnique qui se doit d’apparaître dans tous les récits où le protagoniste mange des Mars (askip) avec la clarté nécessaire à l’exposition convenable d’une intrigue digne de ce nom. Quelques auteurs de la BL sont arrivés à résoudre cette conjoncture du cercle, mais Collins n’en fait pas (encore) partie. On se retrouve donc avec une leeeeeeente exploration de l’intérieur d’un Titan Warlord corrompu, émaillé des pertes de personnages qui vont bien, de scènes d’action très classiques et de quelques passages en P.O.V. titanesque, idée intéressante de prime abord mais dont Collins ne fait rien de bien fifou (<JE SUIS PAS CONTEEEEEEEEEEENT :((( >). Le résultat n’est pas honteux, loin de là, mais il est très loin d’être enthousiasmant, et c’est tout de même problématique.

.

Last Flight – E. Albert :

INTRIGUE:

Last FlightLorsque le vaisseau amiral de la flotte chaotique (#ManoWar mon amour) sévissant sur la planète océanique de Sagaraya est forcé de voguer vers le Sud pour éviter une tempête qui pourrait lui être fatale, le haut commandement impérial n’hésite pas une seconde à envoyer une escadre de Maraudeurs torpiller cette cible stratégique. Le Commandant Baruch Neriah fait partie des heureux élus mis sur le coup, mais son enthousiasme est modéré par des considérations bien prosaïques lorsque le plan est révélé en salle de briefing. Le porte-avion chaotique se situe en effet à 7.000 kms de la flotte impériale, et un Maraudeur ne peut voler que 10.000 kms avant de tomber en rade de fuel. Si on fait les maths, cela signifie que les appareils loyalistes auront de bonnes chances de finir par le fond, et leurs équipages perdus en pleine mer avec l’espoir ténu d’être localisés par les auspex de la Navy.

Cela n’empêche bien sûr pas le Spirit of Ste Pascale1 et ses hommes de partir en mission, car tel est leur devoir. Après un vol d’approche pendant lequel l’épisode le plus dangereux fut la transe collective causée par la contemplation de l’infinie bleuté sagarayette, le brave petit Maraudeur arrive en vue de l’immensité métallique qu’est le porte-avion chaotique (pensez à une Arche Noire druchii, doublez la taille et vous aurez une bonne idée de la taille du bouzin), défendu par une nuée de chasseurs ainsi que par une flotte de vaisseaux trop contents d’intercepter les torpilles que l’escadre impériale destine à sa proie. Au terme de quelques acrobaties dont il a le secret, et grâce à l’héroïque sacrifice d’un autre Maraudeur kamikaze, Neriah parvient à loger sa torpille dans une voie d’eau de la coque du porte-avion, provoquant une explosion cataclysmique et le naufrage de ce dernier. Cette bonne chose étant faite, il est maintenant temps de rentrer au bercail…

…Comme prévu, cette partie de la mission ne se passe pas superbement. Amoché par les combats et victime d’un réservoir percé, le Spirit doit amerrir bien avant d’arriver en vue de la flotte, forçant l’équipage à troquer leur fier oiseau contre un bête canot pneumatique, équipé de deux rames et d’un transpondeur marchant sur piles. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les impériaux commencent à pagayer en direction du salut (et son fameux port), mais se font voir par une Valkyrie chaotique rendue SBF (Sans Base Fixe/Flottante) par le naufrage du porte-avion. Mauvais joueur, le pilote renégat descend au ras des flots pour abattre les impériaux à bout touchant, mais attire ce faisant l’attention d’un des grands carnassiers qui hantent les mers sagarayaises, et se fait gober sans sommation par le léviathan. Ce n’est toutefois pas la fin des ennuis pour Neriah et ses hommes, qui sont jetés par-dessus bord par la vague accompagnant la retombée du monstre marin. Ce dernier étant venu avec des potes, seul le Commandant finit par émerger, dans une situation encore pire que précédemment. Il faut cependant croire que l’Empereur existe et qu’il a apprécié le service rendu par Neriah, car le pilote fini par être localisé et récupéré par un appareil impérial, après qu’il ait dessiné une aquila avec le planton fluorescent qui vient s’égayer en surface durant les nuits sagarayiennes. Quelle poésie.

1 : Petite ref au Spirit of St Louis, l’avion utilisé par Lindbergh pour traverser l’Atlantique.

AVIS:

Edoardo Albert fait court mais efficace avec ‘Last Flight’, qui condense en quelques pages et à la sauce 40K la plupart des grands événements de la campagne pacifique de la 2nde Guerre Mondiale (à commencer par le raid Doolittle sur Tokyo). J’ai particulièrement apprécié que l’auteur n’ait pas cherché à nous survendre les phases de combats aériens1 – que je trouve assez incompréhensibles la plupart du temps – et se soit concentré sur « l’avant » et « l’après » du raid à proprement parler (une recette que Gav Thorpe avait aussi employée dans ‘Acceptable Losses’, une autre histoire de Maraudeurs). Cela permet de se familiariser avec les personnages avant qu’ils soient pris dans le feu de l’action (et meurent, la plupart du temps), et donne également un aperçu des dangers annexes d’une mission « océanique », à savoir la chance bien réelle de ne pas retrouver son point d’attache avant que les réservoirs ne soient vides, et les formes de vie peu sympathiques qui attendent les aviateurs en rade. Pas la plus 40K des nouvelles, j’en conviens, mais bien maîtrisée et donc plaisante à lire quoiqu’il en soit.

1 : Ce n’est à mon avis pas un hasard si je trouve les nouvelles de l’Aeronautica Imperialis qui mettent en scène des Maraudeurs (bombardiers) plutôt que des Thunderbolts (chasseurs) plus intéressantes à lire. Slow and steady win the race and the reader’s attention…

.

Night Shriekers – J. Woolley :

INTRIGUE:

Night ShriekersLe jour de gloire est arrivé pour les jeunes pilotes Marina Maranova et Alena Nazova. Après avoir brillamment fini leurs classes, elles vont rejoindre la 2.588ème escadre de combat de la Navy impériale, surnommée les Night Shriekers. Il ne s’agit pas une référence à un obscur film Terran du début du M3 (tristesse), mais un clin d’œil aux nocturnadons, une sorte de pterodactyles croisés avec des tarsiers, natifs de la planète de Raskova et plus grands prédateurs ailés de cette dernière. Depuis que l’Empire T’au a engagé une campagne d’annexion de Raskova quelques mois plus tôt, les forces impériales ont eu fort à faire pour repousser les infâmes peaux bleues, et les pertes ont été lourdes du côté de l’Aeronautica Imperialis. Cela n’empêche pas la commandante des Night Shriekers, Tamara Groneva, de faire tester toutes les nouvelles recrues par des pilotes expérimentées avant de les envoyer en mission. Par un heureux hasard, Marina et Alena sont sélectionnées par l’as des as Nina Yakleva pour faire leurs preuves lors du même exercice. Il s’agira pour chacune des recrues de seconder leur chaperon dans une simulation de deux contre deux, Marina et Nina étant opposées à Alena et Zina (une autre vétérane blanchie sous le harnais). Je vous promets que c’est tout pour les noms slaves pour cette nouvelle.

Ce qui n’aurait dû être qu’une innocente simulation prend cependant un tour détestable lorsque Marina décide d’ignorer les instructions de Nina lors de leur opération conjointe, et d’y aller au talent comme on dit par chez nous. La Lieutenant ne goûte que moyennement à l’insubordination de cette arrogante rookie et met immédiatement fin à l’exercice, mais la franche remontrance à laquelle Marina pouvait s’attendre une fois revenue à terre est remise à plus tard lorsque quelques Barracudas T’au décident de violer l’espace aérien impérial, et de prendre en chasse les quatre Thunderbolts. Surprises et surclassées par la technologie Xenos, les Night Shriekers sont contraintes de coopérer pour se sortir de ce guêpier, mais avec des résultats peu probants : Zina se fait incinérer dans l’explosion de son appareil, et Alena doit s’éjecter en catastrophe au-dessus du no man’s land après que le sien ait été endommagé par les chasseurs ennemis. Etant un peu responsable de ces deux tragédies à cause de sa tendance à vouloir prendre des shoots sans trop réfléchir, Marina est submergée par le remord après son retour à la base, mais Nina lui remet les idées en place d’une bonne baffe amicale #Sororité. C’est comme ça que le métier rentre.

Malgré l’annulation de la mission de secours d’Alena par un Colonel de la Garde Impériale trop pusillanime pour son propre bien, nos héroïnes ne sont pas du genre à se laisser abattre, ni à laisser des pilotes abattues à la merci de l’ennemi. Avec la complicité de Groneva, Marina et Nina profitent donc d’une enlèvement envahissement pour dérober une Valkyrie à leurs petits copains de la Garde et partir récupérer Alena sous le couvert de la nuit.

Pour ne rien arranger, cette dégourdie d’Alena a trouvé le moyen d’atterrir dans une zone de combats entre T’au et impériaux, ce qui oblige vite Nina à démontrer l’étendue de son talent de pilote. Malgré une rencontre tendue avec une escouade d’Exo-Armures Stealth (et son armement à plasma), les trois Banshees parviennent à rentrer à bon port – avec une jambe en moins pour Alena, cependant – et se paient même le luxe de secourir les forces impériales d’un largage de missiles Hellstrike bien senti. Bien évidemment, des sanctions disciplinaires sont prises à leur encontre, mais six semaines plus tard, Marina et Nina sont de nouveau prêtes à voler pour la plus grande gloire de l’Imperium. Take my breath awaaaaaaayyyyy…

AVIS:

Justin Woolley livre une nouvelle de pilotes de l’Aeronautica Imperialis très honnête, et plutôt crédible dans sa mise en scène des combats aériens (en plus de nous donner du Thunderbolt et de la Valkyrie) avec ce ‘Night Shriekers’. Malheureusement pour lui, je trouve ce genre de soumissions particulièrement insipide, et notre homme n’est pas assez bon conteur pour me faire changer d’avis. Si c’est votre came, allez-y les yeux fermés (ou peut-être pas, c’est dur de lire comme ça), mais c’est un « bof » sans appel de mon côté.

.

The Shapers of Scars – M. Collins :

INTRIGUE:

The Shapers of ScarsDans l’infirmerie du Wyrmslayer Queen, la Reine Guerrière de Fenris (surtout) et Capitaine Libre Marchand (un peu) Katla Helvintr passe un sale moment. Ayant fait l’erreur de tendre l’autre joue dans un concours de crachat d’acide, notre héroïne donne du fil à retordre et des points de suture à poser à son équipe médicale, qui s’affaire pour sauver ce qui peut l’être de sa carnation délicate et de sa chevelure luxuriante. La situation est tellement grave que la vieille Bodil (à ne pas confondre avec sa sœur, Bursul), gothi fenrissienne tout ce qu’il y a de moins scientifique, a été appelée à la rescousse. Entre deux jets de runes en os (non désinfectées, j’en suis sûr) et prophéties mystiques sur le destin de Katla, qui finira soit dévorée par les Tyranides, soit étranglée par un ver de terre – c’est écrit –, Bodil trouve le temps de sortir son matériel de tatouage et commence à gribouiller sur le visage de sa Jarl, soit disant pour lui donner la force de vaincre le mal qui la hante, mais plus sûrement pour se venger de la dernière demande d’augmentation refusée par cette pingre de Katla. On se console comme on peut.

Pendant que la Tin-Tin du 41ème millénaire dessine des élans sur le front de sa patiente, nous remontons le temps pour comprendre comment cette dernière s’est retrouvée dans cette position peu enviable. La série de flashbacks que Marc Collins intègre dans son récit nous permet de suivre Katla dans ses œuvres, qui consistent principalement à sillonner le vide à la recherche d’adversaires de valeur à combattre. Drôle d’activité pour un Libre Marchand, mais après tout, certains tiennent visiblement à jouir de leur liberté plus que de leurs marchandises, et comme ils ont un mot d’excuse signé par Pépé en personne, nous ne sommes pas en droit de leur demander des comptes sur l’usage qu’ils font des ressources de l’Imperium. La cible du Wyrmslayer Queen se trouve être un vaisseau tyranide esseulé par la dispersion de sa flotte ruche, mais que sa soudaine solitude ne dissuade pas le moins du monde d’attaquer son traqueur bil(l)e en tête. Bien aidée par le désir manifeste et palpable de la Jarl de Fenris de régler l’affaire au corps à corps plutôt que par salves de missiles interposées, la bioconstruction Xenos arrive à portée de tentacules, et envoie quelques nuées de cafards enragés à l’abordage de son tourmenteur. Voilà une situation bien engagée et tout à fait optimale pour les impériaux, comme chacun peut en juger.

Short story shorter, Katla emmène sa bande joyeux huscarls à la rencontre de l’infestation tyranide qui s’oublie sur la moquette du troisième pont, et finit par croiser le fer avec un Prince particulièrement caustique et affligé d’un gros problème d’acné. À trop faire la maline avec ses hachettes viking, elle finit par percer le bouton de trop, et se fait asperger d’un acide autrement plus corsé que celui qu’elle a pris avant de se ruer à la bataille. Cela ne l’empêche pas de finir l’impudente bestiole proprement avant de faire une petite pause coma bien méritée, et la suite nous est connue. L’histoire se termine par le réveil de Katla, qui trouve le tatouage tribal que la fidèle Bodil lui a fait sur la moitié de la tronche méchamment bath. C’est ce qui s’appelle faire contre mauvais profil bon cœur.

AVIS:

Petite histoire très simple (j’aurais pu résumer le propos en trois phrases sans omettre grand-chose d’important) au nom très compliqué, ce ‘The Shapers of Scars’ intrigue et déçoit à égales mesures. Pour commencer par les reproches, je me désespère de lire encore des affrontements spatiaux complètement stupides car physiquement abscons après 30 ans de publications 40K. Ici, nous rencontrons le cas d’école de l’auteur n’ayant pas intégré qu’une bataille spatiale se déroule à une échelle de centaines de milliers de kilomètres, et pas à portée de jet de chaussure (ou ici, de tentacules pour les Tyranides et de harpons pour les impériaux1), ce qui est à mon avis un héritage néfaste des derniers Star Wars. Reconnaissons au moins à Collins d’avoir de la suite dans les idées, car mettre en scène une héroïne tellement obnubilée par le pugilat qu’elle abandonne son rôle de commandante en pleine bataille pour aller jeter des javelots à la gu*ule de pauvres Gaunts dans les coursives de son propre navire, accompagnés d’hommes de main équipés comme des Burgondes du haut Moyen Âge, est d’une originalité rafraichissante par rapport au reste du corpus de la Black Library. Il faut de tout pour faire un Imperium, même des Fenrissiens bas du front et des auteurs en roue libre.

Si on est d’humeur plus charitable, on peut s’interroger sur les raisons qui ont poussées Collins à être si spécifique dans le choix de ses protagonistes, la rencontre entre « cultures » Rogue Trader et Space Wolves dans une nouvelle de quelques pages ne se justifiant à mes yeux que si ‘The Shapers of Scars’ est le prélude à une œuvre plus conséquente. Certains auteurs de la BL, Dan Abnett et Aaron Dembski Bowden en tête, ont déjà prouvé qu’il était possible de réaliser des fusions plus improbables que celle-là de façon convaincante, et au final à donner plus de substance et de saveur au gigantesque patchwork socio-culturo-politique qu’est l’Imperium. Il se pourrait donc que nous recroisions Katla Helvintr et la bonne Bodil dans un futur proche, hypothèse d’autant plus plausible que Marc Collins est toujours dans l’attente d’un premier roman pour la BL, et que les créneaux Rogue Trader et Space Wolves ne sont pris par personne en ce moment. Faîtes vos jeux.

1 : Imaginez un peu la longueur, donc la place et le poids, de la chaîne nécessaire pour qu’une telle arme puisse « ferrer » une cible et la ramener à bon port. Déjà que sur un Titan, c’est limite, mais sur une frégate…

.

***

Et voilà qui conclue cette revue de Only War, anthologie certes copieuse et ne manquant pas de nouvelles intéressantes, mais à mon sens trop desservie par le manque de contextualisation apportée par les éditeurs de la Black Library (et l’Empereur sait que certaines histoires auraient méritées qu’on précise qu’elles s’inscrivent dans un arc plus large) pour être pleinement satisfaisante. J’ai trouvé le recueil Conquest Unbound, sorti au même moment pour AoS, beaucoup plus abouti dans son approche éditoriale (et légèrement supérieur en termes de qualité moyenne), et la comparaison avec le dernier des Inferno!, au contenu 100% 40K, n’est pas non plus en faveur d’Only War. Ce recueil reste toutefois d’un rapport quantité-prix quasiment imbattable, et fera la joie des vétérans de la BL à l’affût de bonnes affaires pour garder le fil des derniers développements apportés à la franchise en matière de courts formats, mais il y a fort à parier que sa lecture fasse lever quelques sourcils chez les nouveaux-venus, et c’est fort dommage.

DEATH ON THE PITCH : EXTRA TIME [BB]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de ‘Death on the Pitch : Extra Time’, entreprise littéraire extra ordinaire pour l’auteur de ces lignes. C’est en effet la première fois que je traite d’un ouvrage de la Black Library entièrement consacré au noble sport du Blood Bowl. Pour ma défense, ce type d’opuscule n’a jamais constitué le cœur des publications de la maison d’édition de Nottingham, tout comme ce jeu de ballon (à pointes) n’a jamais été celui de Games Workshop. Toutefois, s’il est une qualité que Blood Bowl peut revendiquer, c’est le peu commun engouement qu’il a réussi à créer et à soutenir parmi sa communauté de joueurs et d’enthousiastes, ce qui a permis à ce jeu de négocier avec succès plusieurs traversées du désert, notamment entre ses troisième et quatrième éditions, séparées par un véritable gouffre de 26 ans. Aujourd’hui, la franchise semble mieux se porter que jamais, avec un suivi régulier de la part de la maison mère, plusieurs jeux vidéos à son actif, et une nouvelle version publiée en novembre 2020, et qui a donné lieu à la (re)sortie du présent ouvrage1.

Sommaire Death on the Pitch_Extra Time (BB)

« Qu’est-ce que Blood Bowl? » me demanderez-vous peut-être pour commencer. Eh bien, pour schématiser grossièrement, c’est une adaptation du football américain dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle. On doit cette pastiche, devenue culte, au vénérable Jarvis Johnson, qui coucha les premières règles de ce jeu de plateau d’un style particulier sur l’astrogranit en 1987. Il convient ici de souligner que si Blood Bowl reprend les références, les races, les lieux et l’histoire de WFB, il ne s’intègre pas vraiment dans ce que l’on peut appeler la réalité canonique du Monde Qui Fut. En effet, les relations entre les différentes factions représentées à Blood Bowl ne furent jamais si cordiales qu’elles purent conclure de faire une trêve le temps d’organiser une ligue ou un tournoi (sans compter les difficultés logistiques inhérentes à un match entre des Hommes Lézards et des Nains du Chaos, par exemple). Ce qui a permis à la dimension parallèle de Blood Bowl de continuer à vivre alors que le Vieux Monde mit le pied en touche en 2015, comme chacun sait. Pour vivre heureux longtemps, vivons cachés? 

Nous retrouvons sur la feuille de match de cette copieuse anthologie (14 nouvelles, plus de 250 pages) beaucoup de têtes et plumes connues de l’amateur éclairé de la prose BLesque (Josh Reynolds, Gav Thorpe, Guy Haley, David Guymer, David Annandale2), ainsi que quelques spécialistes de la littérature sportive de la GW Fiction : Matt Forbeck (auteur de la quadrilogie ‘Blood Bowl‘), Andy Hall, dont toute la carrière pour la BL se résume aux deux nouvelles incluses dans cette anthologie, et Graeme Lyon, également double contributeur d’icelle. Enfin un trio de nouveaux auteurs (McNiven, Rath et Worley) viennent compléter ce rooster hétéroclite, mais que l’on espère tout de même qualitatif. Sera-ce le cas? Eh bien, il n’y a qu’une seule manière de s’en assurer…

1 : Comme le titre le laisse un peu deviner, ‘Death on the Pitch : Extra Time’ est une réédition de ‘Death on the Pitch‘, agrémenté de deux nouvelles supplémentaires : ‘The Freelancer’ et ‘Dismember the Titans’. La seconde ayant été initialement publiée dans ‘Inferno #3’ en 2019, la soumission de Robert Rath est techniquement la seule pure nouveauté que cette prolongation apporte à l’aficionado. La BL n’ayant pas retiré de la vente le premier recueil, qui est vendu le même prix que son successeur, il faut faire preuve de vigilance pour éviter de faire une mauvaise affaire en ligne…
2 : Pour ce qui est, sauf erreur de ma part, sa seule nouvelle liée à Warhammer Fantasy Battle. 

.

Manglers Never Lose – J. Reynolds :

INTRIGUE :

Tyros Bundt, coach des Presque célèbres Middenplatz Manglers, et confronté à un problème de taille à quelques heures du début du match décisif de son équipe contre les Haakenstadt Screechers, dans les phases finales du Doom Bowl de Drachenstadt. Son joueur star, le Blitzer Marius Hertz, a en effet été retrouvé nu, violacé, en compagnie de deux pom-pom girls Elfes, et surtout, totalement et irrémédiablement mort, comme l’habile diagnostic du Doc Morgrim ne tarde pas à le confirmer. Après avoir passé quelques minutes à se bercer d’illusions sur une résurrection miraculeuse de son poulain, et constaté que beaucoup de personnes devaient lui en vouloir (4 types de poisons différents utilisés, tout de même1), Bundt passe en mode manager et charge Morgrim d’aller lui dégotter un Nécromancien raisonnablement capable et aux tarifs abordables, pendant que lui se chargera d’apporter le cadavre du Blitzer jusqu’au stade. En effet, l’effectif des Manglers a été sévèrement diminué au cours des premiers matchs du tournoi, et sans la présence de Marius au coup d’envoi, l’équipe devra déclarer forfait, ce qui est contre l’éthique sportive de Bundt et les traditions de l’institution. Après tout, Manglers never lose2 !

Après quelques péripéties (et un illustre caméo), le coach parvient à amener le cadavre flasque et plus vraiment étanche de Marius jusque dans les vestiaires gagnés de haute lutte par les Manglers contre l’adversité et les équipes rivales au début du Doom Bowl. Le temps que Morgrim arrive avec son spécialiste, Bundt a le temps de découvrir que son joueur a été soudoyé par le coach de l’équipe adverse, qui a de plus envoyé deux fans Orques rappeler au Blitzer qu’il compte sur lui pour ne pas opposer de résistance aux Screechers lors du prochain match. Résultat des courses : Marius écope d’une nouvelle blessure mortelle dans l’algarade, mais vu son état, cela ne s’avère guère dommageable. À toute chose, corruption est bonne ceci dit, car le pécule mal gagné du parjure permet à Bundt de s’attacher les services du Nécromancien de Morgrim3, qui ne paie pas de mine (les plumes de pigeon teintes en noir pour imiter le corbeau, ça fait cheap), mais parvient à transformer Marius en Zombie baveux mais docile à temps pour le début du match. Comme l’exige la tradition sportive, Bundt livre un discours enflammé à ses joueurs (vivants) avant qu’ils entrent sur l’astrogranit, ce qui permet de découvrir que Marius Hertz a été victime d’une véritable cabale de la part de ses coéquipiers, qui avaient (presque) tous une bonne raison de vouloir sa mort, pour des causes sportives (« il était trop perso »), morales (« il a déshonoré ma sœur, mes frères, mes cousins, leur chèvre… »), financières (« il m’a laissé son ardoise au bar ») ou personnelles (« il me fouettait avec sa serviette sous la douche »). Au moins, l’abcès est crevé. Dommage qu’il ait fallu que Marius le devienne également.

Il sera cependant temps plus tard de régler ses comptes et d’inculquer un peu d’éthique aux survivants (et de trouver un nouveau sponsor, le chevaleresque ‘Errance Magazine’ appréciant moyennement être représenté par un athlète mort vivant), car c’est désormais l’HEURE DU MAAAAAATCH ! Eh bien que la nouvelle se termine avant la fin du temps réglementaire, les choses semblent bien se passer pour les Manglers, qui peuvent compter sur la résistance écœurante de Marius pour scorer (touchdown sans bras et à cloche-pied, la grande classe), et sur les bons offices de Franco Fiducci pour relever les pertes à la mi-temps. Avec de tels atouts, ce serait malheureux que les Manglers ne fassent pas honneur à leur réputation de gagneurs !

1 : Sans compter le couteau retrouvé dans son estomac, que Morgrim n’a pas relevé dans son autopsie car, après tout, ce que font les humains avec la coutellerie et leur système digestif ne regarde qu’eux.
2 : Except when they do. Ce qui arrive finalement assez fréquemment.
3 : Un certain Franco Fiducci, déjà croisé par Erkhart Dubnitz dans la série de nouvelles consacrées par Reynolds au très saint et très violent Ordre de Manann.

AVIS :

Josh Reynolds nous sert une nouvelle comme il sait si bien les écrire et nous si bien les aimer : drolatique, érudite (les clins d’œil et easter eggs de vieux fluff parsèment le récit), bien construite et diablement rythmée. En plus de tout cela, on retrouve dans ce ‘Manglers Never Lose’ la figure familière et livide de Franco Fiducci, perdue de vue pour ma part au détour d’un ‘Hammer & Bolter’ il y a quelques années, ce qui fait de chouettes retrouvailles. Dans la droite ligne de l’impayable ‘Dead Man’s Party’, cette nouvelle est un carton plein qui vient rappeler à point nommé, et malheureusement à titre « posthume » (maintenant que Reynolds est parti voir ailleurs si l’encre était plus verte), que la BL a eu beaucoup de chance de compter Josh Reynolds parmi ses contributeurs.

.

Fixed – R. McNiven :

FixedINTRIGUE :

Bien qu’il ait mené son équipe à la victoire contre une opposition farouche d’Hommes Lézards, Garr Greyg des Nordland Rangers a écopé d’une sale blessure à la cuisse pendant le match, victime d’un contact rugueux avec le Kroxigor adverse. Opéré contre son gré par le médecin des Rangers, l’alcoolique mais efficace Frisk, le meilleur Blitzer que le Nordland ait connu (it’s something) se remet doucement dans le calme dépouillé de son manoir, en attendant de pouvoir 1) participer à la finale contre les East End Boyz, pour une place en ligue majeure la saison prochaine, 2) trouver un moyen de rembourser ses dettes au Vampire Grizmund, qui lui a fait comprendre en des termes non incertains qu’il attendait que son dû lui soit payé avec impatience.

Veillé par son ogre à tout faire Nor, Garr reprend du poil de la bête, mais finit par se rendre compte que le doc a outrepassé ses prérogatives en lui greffant une jambe de Saurus à la place de son membre esquinté, ce qui lui pose plus des problèmes de style que physiologie, à la décharge de Frisk. Cette découverte sinistre est interrompue par la matérialisation près du lit du patient d’un individu louche et puant (mais qui est Bretonnien, ce qui suffit à justifier son accent étrange et sa drôle d’odeur, apparemment), se présentant comme Mister Squimper. L’impétrant fait une offre non-refusable à Garr : une convalescence rapide et complète, assortie d’une belle bourse de reikmarks, en échange d’un menu service lors du prochain match…

Comme on s’en doute, ce service consiste à s’assurer que les Rangers s’inclinent contre les peaux vertes, ce que le Blitzer s’emploie à faire de manière pas trop évidente. Malgré la mauvaise volonté, les deux mains gauches et les pieds carrés de leur joueur star, les humains parviennent cependant à faire jeu égal avec les East End Boyz de Krapnugg, et la partie va se jouer sur une ultime possession, alors que les deux équipes sont à égalité au tableau d’affichage. Alors que la balle atterrit dans ses bras, Garr va devoir prendre la décision la plus importante de sa vie…

Début spoiler…Qui consiste à jouer pour la gloire et la gagne plutôt que pour la vie et l’argent. C’est noble de sa part. Malgré la douleur insidieuse de son greffon, parasité par la magie néfaste de Mister Squimper qui regarde le match depuis les gradins, le Blitzer se fraie un chemin parmi les lignes adverses, évite le plaquage de Krapnugg, lui crève un œil pour faire bonne mesure, et envoie la passe victorieuse à un receveur de son équipe. Alors que le stade explose dans tous les sens du terme (les adversaires précédents des East End Boys ont eu la défaite mauvaise), Garr a la satisfaction finale de voir du coin de l’œil son fidèle Nor mettre la main sur Squimper, qui était en fait deux Prophètes Gris sous une toge. Le Rat Cornu, jamais réputé pour être très sports, ne sauve pas ses élus de la poigne de fer de l’Ogre domestique, qui fracasse le crâne des rongeurs truqueurs. Tout est bien qui finit bien donc (Garr pourra payer ses dettes grâce à la prime de victoire), si la foule ne piétine pas les joueurs à mort, s’entend…Fin spoiler

AVIS :

Robbie McNiven nous sert ce que l’on peut appeler une histoire classique de Blood Bowl avec cet aptement nommé ‘Fixed’ (truqué en français) : un joueur charismatique mais borderline, qui doit gérer des magouilles extra-sportives tout en mouillant tout de même le maillot sur le terrain. C’est honnête à défaut d’être follement excitant, mais l’impression d’ensemble reste pour ma part gâchée par deux points faibles de la prose de McNiven : un manque de clarté dans la description des passages sportifs pour commencer (au point que j’ai cru à un moment que le match se jouait avec deux balles, une par équipe), et aucune explication donnée pour justifier pourquoi l’énigmatique Mister Squimper a senti le besoin de se faire passer pour un humain dans cette histoire. Après tout, Blood Bowl est beaucoup plus tolérant et cosmopolite que Warhammer Fantasy Battle par nature : un Skaven n’a donc aucune véritable raison de se déguiser pour interagir avec des individus plus fréquentables que lui. Dommage dommage.

.

Da Bank Job – A. Hall :

Da Bank JobINTRIGUE :

Les Kostos de Brobrag ont passé une première saison mémorable, mais pas pour les bonnes raisons. Incapables de remporter le moindre match, et généreux fournisseurs de séquences d’anthologie pour le bêtisier de la ligue, l’équipe ne semble pas promise à un grand avenir. Cependant, les mystérieux Ger et Bil, homme et gobelin d’affaires à l’air louche et aux intentions suspectes, ont des projets grandioses pour Brobrag et ses joueurs : une participation au Reikland Invitational pendant l’intersaison, avec à la clé un match d’anthologie contre les célèbres Reavers pour la meilleure équipe de la phase de poules. Non pas que les Kostos aient des chances de parvenir jusqu’à ce stade de la compétition, mais surtout pour couvrir le cambriolage de la salle des coffres de l’Oldbowl d’Altdorf par quelques complices pendant que le reste des peaux vertes fera de la figuration sur le terrain.

Si le plan avait l’air solide sur le papier, il ne tarde pas à devenir caduque, dans la plus pure tradition des stratégies taqueutiques et tequeuniques d’avant match. Bien que l’excentrique sorcier humain (Chanzeenmitt) que Ger & Bil ont intégré à l’équipe ait rempli sa part du marché en ouvrant un portail où se sont engouffrés Fingurs, le bloqueur Orque noir et solide bras droit de Brobrag, et une poignée de goons destinés à déclencher les pièges à congres qui jonchent le chemin de la salle des coffres, les Kostos ont la désagréable surprise de se retrouver opposés non pas aux inoffensifs Merrywald Chums, mais directement aux Reikland Reavers. C’est un match que les peaux vertes ne peuvent pas gagner, mais qu’ils peuvent au moins essayer de faire durer assez longtemps pour permettre à leurs complices de récupérer le butin.

Comme prévu, Fingurs finit par se retrouver seul après la mort tragique mais pas surprenante de ses sous fifres, et, guidé par la voix dans sa tête, fait main basse sur… un sifflet. Ce qui le lui coupe1. Lorsqu’il fait son retour sur le banc de l’Oldbowl, c’est la mi-temps et les Kostos sont menés 4-0, avec déjà quelques pertes à déplorer. Les quinze minutes de répit réglementaires sont cependant bien mis à profit par Andy Hall pour débrouiller son intrigue (Chanzeenmitt est en fait deux sorciers de Tzeentch fusionnés dans le même corps, et il(s) a/ont doublé Ger & Bil pour récupérer le mythique sifflet de Nuffle pour son compte), et par Brobrag pour retourner la situation à son avantage. Car il est dit que quiconque énonce un commandement de Nuffle et siffle dans son sifflet voit son énoncé réalisé. That’s the rules, stoopid. Un mage maigrelet et skizophrène ne faisant pas le poids contre un chef Orque en rogne, notre héros récupère facilement l’instrument convoité, et décrète que « c’est celui qui siffle qui gagne ». S’en suit une remontada digne de Barcelone en 2017, aussi inexplicable pour les commentateurs que pour les spectateurs et surtout les Reavers, et, surtout, la première victoire, certes volée mais pas imméritée, de Brobrag et de ses Boyz. Bien sûr, le sifflet attise les convoitises et déchaîne les passions, mais heureusement, le Boss a un endroit beaucoup plus sûr qu’un bête coffre pour conserver son bien mal acquis : l’estomac du Troll de l’équipe. Il fallait y panser.

1 : Le squeeg. Ceci est une blague de niche.

AVIS :

Andy Hall se disperse un peu trop à mon goût dans ce ‘Da Bank Job’, tant au niveau de l’intrigue (quel besoin d’impliquer un/deux sorcier.s de Tzeentch et un match de Blood Bowl dans une histoire de casse ?) que des personnages (à quoi servent Ger & Bil ?). Moins grave mais également handicapant pour sa nouvelle, il bâcle totalement la fin de cette dernière d’un point de vue stylistique, ce qui laisse une sale impression au lecteur au moment d’en terminer. On lui accordera tout de même quelques points pour le grand nombre de célébrités croisées dans ces quelques pages, depuis Jim Johnson et Bob Bifford jusqu’à Lord Borak, le Mighty Zug et Griff Oberwald, ainsi que pour un ajout fluffique notable à l’univers parallèle de Blood Bowl avec le surpuissant sifflet de Nuffle. Mais c’est à peu près tout et ça ne suffit pas pour faire de ‘Da Bank Job’ une réussite.

.

The Hack Attack – M. Forbeck :

The Hack AttackINTRIGUE :

Les Pascal et Fontaine de Warhammer Fantasy Battle, Jim Johnson et Bob Bifford, animent une émission live de ‘Que sont ils devenus ?’, consacré à la légende des Bad Bay Hackers, Dirk Heldmann. Ayant déchaussé les crampons pour devenir coach en binôme de son ancienne équipe, Dirk se plie de plus ou moins bonne grâce au petit jeu de la nostalgie (son frère Dunk, sa belle-sœur Spinne Schönheit, M’Grash K’Thragsh, Edgar l’Homme Arbre…) et de la commémoration de sa période active. Bien évidemment, il est question du match contre les Chaos All-Stars de Serby Triomphe, où le sort de l’Empire s’est joué. L’interview se termine de façon assez brutale par…

Début spoiler…Le meurtre de Bob Bifford par Dirk Heldmann, après que sa petite amie Lästiges Weibchen, journaliste de terrain virée par le duo infernal pour incompétence caractérisée, lui ait envoyé une balle de Blood Bowl contenant un pieux, qu’il plante dans le torse de l’ogre retraité. Apparemment pour lui piquer sa place de présentateur. La nouvelle s’arrête et la pub se déclenche alors que Jim Johnson semble sur le point de subir le même sort que son comparse. La fin d’une époque. FinFin spoiler

AVIS :

Il n’y a que deux choses à retenir de cette très courte nouvelle (9 pages) de Matt Forbeck. Primo, il s’agit de la conclusion de sa quadrilogie de romans Blood Bowl consacrés aux Bad Bay Hackers et aux frères Heldmann. Si certains auteurs plus doués que la moyenne parviennent sans mal à tourner leurs propos de telle manière que même un novice complet puisse comprendre et apprécier de quoi il en retourne lorsqu’il traite d’une série bien établie, avec de nombreux personnages ayant vécu des aventures variées et entretenant des rapports complexes les uns par rapport aux autres (Dan Abnett fait ça très bien dans ‘Les Fantômes de Gaunt’ par exemple), Forbeck ne s’est pas donné cette peine ici. Pour être honnête, n’ayant pas lu les romans en question, j’ai compris que quelque chose clochait à la moitié de l’histoire et à l’évocation du dixième personnage nommé en cinq pages, ce qui est un ratio peu commun. Et effectivement, une lecture du résumé de l’anthologie ‘Blood Bowl’ permet de comprendre que Matt Forbeck a un historique conséquent avec les frangins Dirk et Dunk. Dommage qu’il se montre si « exclusif » dans son approche de ‘The Hack Attack’ car reconnaissons-le : les souvenirs émus et les histoires de couple/fesse de Dirk Heldmann n’intéressent pas grand-monde  mis à part la poignée de fans transis de ce dernier.

Secundo, la fin de cette nouvelle, si elle a le mérite de surprendre le lecteur, m’a semblé relever du crime de lèse-majesté concernant deux personnalités aussi centrales et vénérables de Blood Bowl que le duo Bifford & Johnson. À moins que Forbeck ait créé ce dernier (ce qui est possible, mais me semble incertain au vu de l’ancienneté des illustrations du regretté Wayne England), quel droit avait-il de siffler la fin de leur match, et de manière si cavalière qui plus est ? Les personnages nommés de Warhammer Fantasy Battle eurent droit à un requiem digne de ce nom avec The End Times en 2015, ceux de Blood Bowl devront se contenter de ‘The Hack Attack’ deux ans plus tard. Assez indigne, tant sur le fond que sur la forme.

.

Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution – G. Lyon :

Mazlocke's Cantrip of Superior SubstitutionINTRIGUE :

Le Light’s Hope Stadium de Talabheim accueille un match de ligue mineure entre les presque redoutables Talabheim Titans et les positivement nuls Black Water Boyz. Tellement nuls d’ailleurs que leur coach, Borgut, a résolu de tenter le tout pour le tout pour arracher la victoire, et a placé ses dernières économies entre les mains d’un sorcier non homologué, Mazlocke. Ce dernier maîtrise en effet un sort au nom aussi compliqué (Cantrip of Superior Substitution) que ses effets sont spectaculaires : remplacer les plots verts de l’équipe visiteuse par des légendes de Blood Bowl, le temps d’un match. Sur le papier, le plan est brillant, mais comme vous vous en doutez, les choses ne vont pas se passer de manière optimale.

Il est temps pour nous de faire la connaissance des rivaux des Black Water Boyz, et en particulier du receveur Johann Walsh et du blitzer Kurt Grafstein. Ils partagent tous deux le statut de joueur vedette de leur équipe, mais là où Johann est gentil et serviable (il est même copain avec l’Ogre de l’équipe, Ghurg, c’est dire s’il est cool), Kurt se la pète méchamment et drague lourdement/harcèle sexuellement la pom pom girl Juliana, qui est également un personnage important. Pour le moment, contentons-nous de dire qu’elle préférerait pratiquer sa passion sur l’astrogranit plutôt que de se déhancher devant des hordes de fans mal dégrossis, mais la nature patriarcale de l’Empire l’a contrainte de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Enfin, dans les gradins du stade, le fan #1 de Kurt Grafstein, Gerhardt Mannheim, est venu assister à la rencontre comme à chacune de celles des Talabheim Titans. Gerhardt est l’incarnation du fan de sport aussi incollable en historique et statistiques qu’incapable de courir 50 mètres sans cracher ses poumons ni de monter un escalier sans passer au rouge vif. La passion qu’il voue à Grafstein, qui a son âge et vient du même village que lui, est une sorte d’amour jaloux flirtant avec le malsain, et totalement à sens unique, son idole n’ayant jugé bon de répondre aux douzaines de lettres enthousiastes qu’il lui a envoyées.

Si cette exposition détaillée de la galerie de personnages a été nécessaire, c’est que le sort de Mazlocke va se solder par un demi-échec, et permuter les personnalités et les corps de certains des individus présents au Light’s Hope Stadium. Ainsi, Johann se retrouve à devoir jouer du pom-pom le long du virage nord, tandis que Juliana réalise son rêve de jouer un match de Blood Bowl en étant propulsée receveur des Titans. Bien entendu, Kurt et Gerhardt forment un autre couple d’inversion, ce qui leur permet de découvrir que la vie d’un fan/blitzer n’est pas de tout repos. Enfin, le receveur Gobelin (c’est son vrai nom) des Black Water Boyz a la chance d’être catapulté aux manettes de l’imposant châssis de l’Ogre Ghurg (et vice-versa), ce qui va lui permettre de se venger dans le sang et la violence des brimades et mauvais traitements que lui ont fait subir le reste de l’équipe depuis des années. Un comportement presque normal de la part de Ghurg, si on réfléchit, et qui n’attire donc pas l’œil de Jim Bifford et Bob Johnson en tribunes (qui ont leur propres problèmes, comme le lecteur avisé l’aura reconnu).

Comme on peut s’en douter, les effets du cantrip de Mazlocke, qui a essayé de partir avec la caisse mais s’est téléporté dans les gradins du stade au lieu de partir en Bretonnie comme il l’escomptait (c’est ça aussi de s’auto-former), mettent un beau boxon sur le terrain. Lorsqu’un mage assermenté parvient enfin à remettre chaque chose et conscience à sa place, tous nos personnages en auront été quitte pour une expérience marquante, aussi bien au sens intellectuel que physique du terme. Ainsi, Juliana, qui a réussi à marquer un beau touchdown en solo, se fait signer par la coach d’une équipe Amazone, tandis que Johann devient un ally de la lutte contre le sexisme ordinaire. Kurt et Gerhardt finissent voisins de lit à l’hôpital, en grande partie à cause de Gobelin et Ghurg, le second ayant négligemment balancé le premier dans la foule, avec une retombée funeste sur le fan ventripotent (Kurt ayant pour sa part été projeté dans les gradins par un Orque taquin). La leçon du jour est la suivante : tant qu’à tricher, autant se faire épauler par des professionnels capables de garantir des résultats de qualité plutôt que de s’appuyer sur des amateurs incompétents. Non mais.

AVIS :

Graeme Lyon signe avec ‘Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution’ une nouvelle marquante, et pas seulement grâce à son titre extravagant (même s’il faut reconnaître que cela joue, et que le catalogue de la BL compte quelques challengers). L’intrigue mise en place par l’auteur nécessitait une construction rigoureuse, pour ne pas perdre le lecteur entre les péripéties vécues par les 3 « couples » (4 si on inclue le transfert entre Jim Johnson et Bob Bifford dans la loge des commentateurs), qui s’entremêlent les unes aux autres jusqu’au dénouement final, et Lyon s’en sort très bien je trouve. J’ai également apprécié l’intégration d’éléments additionnels à une nouvelle de Blood Bowl classique, comme les réflexions féministes de l’arc Johana, et la figure du fan transi/névrosé via Gerhardt Mannheim. Bref, le résultat est se montre à la hauteur des ambitions poursuivies par l’auteur de cette opérette sportive, et mérite certainement la lecture par les amateurs de littérature Blood Bowl.

.

Pride and Penitence – A. Worley :

Pride and PenitenceINTRIGUE :

Les Bright Crusaders, l’équipe la plus fair play qui soit (un cruel désavantage à Blood Bowl, il faut le reconnaître), disputent la finale de la Purity Cup contre les Doomtown Rats, et la mi-temps vient de sonner. De retour au vestiaire avec un avantage au tableau d’affichage, mais trois joueurs passés ad patres du fait du Rat Ogre de l’équipe adverse, les Crusaders doivent mettre au point une stratégie robuste pour espérer conserver leur avance jusqu’à la fin du match. Bien que techniquement plus doués que leurs adversaires du jour, la férocité de Skrut Manpeeler, la vitesse des coureurs d’égouts et la supériorité numérique des ratons sont autant de désavantages que le coach Dolph ‘Le Saint’ Gutmann essaie de gommer dans sa causerie de mi-match. Comme si cela ne suffisait pas, le joueur star de l’équipe, Gerhardt le Pénitent, est pris d’une nouvelle crise expiatoire, comme cela lui est arrivé à de nombreuses reprises au cours de la saison. Ex-flagellant puritain et masochiste, Gerhardt est un blitzer d’un talent et d’une endurance rares, quelque peu diminués par sa tendance à se punir de manière extrême dès que son sens aigu de la justice lui indique que son adversaire a souffert d’un handicap injuste. Cela l’a ainsi amené à s’immoler, s’enterrer, tenter de se casser les membres, ou encore vouloir jouer sans protection, comme il insiste pour le faire après avoir entendu Gutmann avancer que la supériorité technique des huit Crusaders survivants leur donnait un avantage sur les Skavens d’en face.

Fort heureusement pour ses coéquipiers, ils peuvent faire appel au sens moral hypertrophié de Gerhardt pour lui faire entendre raison, en lui rappelant qu’ils doivent à tout prix remporter la Purity Cup pour pouvoir éponger les dettes de Sœur Bertilda et de ses orphelins, qui ont écrit de nombreuses lettres touchantes et pathétiques au Pénitent au cours de la saison. Ce dernier accepte donc avec regret de se rhabiller pour cette fois, mais fait promettre aux Crusaders de l’accompagner dans une séance de pénitence de son choix une fois le match gagné, ce qu’ils acceptent sans rechigner.

Une fois les choses remises en ordre et la coquille de Gerhardt en place, la deuxième mi-temps peut commencer, et le lecteur voir le blitzer prodigue en action. Et il faut bien reconnaître qu’il fait honneur à sa réputation altruiste (en prenant un rocher envoyé par un fan taquin à la place d’un coéquipier) et sportive (en corrigeant bellement Skrut Manpeeler en un contre un), ce qui n’empêche pas les Crusaders d’encaisser le touchdown qui ramène les deux équipes à égalité. Dès lors, la tactique du coach Gutmann consiste à tenir la balle en espérant un miracle, schéma tactique dans lequel Gerhardt doit se contenter d’occuper le plus de joueurs adverses possibles, ce qu’il fait parfaitement en se colletinant trois trois quarts Skavens. C’est alors que deux Crusaders parviennent à passer la ligne d’avantage et à foncer vers l’en but adverse, où les attend toutefois un Skrut revanchard et très énervé. Dur dilemme moral pour Gerhardt, piétiné dans la boue par ses adversaires : s’en tenir au plan de jeu ou voler aux secours de ses partenaires ?

C’est finalement pour la deuxième option que se décide notre héros, qui échappe à ses tortionnaires en se glissant hors de son armure et finit donc par jouer à poil, comme il le souhaitait. Ce manque d’équipement ne réduit en rien son talent, puisqu’il parvient à décocher un coup de boule tellement parfait à Skrut que ce dernier finit dans les tribunes, sort peu enviable pour un joueur de Blood Bowl, comme chacun le sait. La partie se termine sur le score de 3 à 2, faisant des Bright Crusaders les récipiendaires de la Purity Cup, et permettant à l’orphelinat de Sœur Bertilda d’être sauvé de la destruction. D’ailleurs, la grâcieuse créature a fait le déplacement avec ses protégés, et c’est vers eux que Gerhardt se précipite lorsque le coup de sifflet final retentit dans le stade…

Début spoiler…Seulement pour découvrir que Bertilda était en fait l’assistant du coach déguisé en religieuse (paire de navets à l’appui), et les orphelins une troupe d’intermittents du spectacle Gobelins, qui profitent de l’occasion pour aller tabasser le pauvre Skrut à coups de béquille, obéissant à la nature profonde des enfants humains et des peaux vertes. Cette ruse, indigne des Crusaders, était le seul moyen trouvé par Dolph Gutmann pour canaliser son joueur, qui tombe des nues devant ce stratagème honteusement filou. Beau jeu jusqu’au bout, Gutmann et les Crusaders se tiennent prêts à abandonner la victoire au profit de leurs adversaires en contrition de leur péché de mensonge, mais Gerhardt ne l’entend pas de cette oreille : la Purity Cup a été remportée sans tricher et revient donc de droit aux Bright Crusaders. Il sera bien temps plus tard d’expier cette faute collective lors de la séance de pénitence à laquelle ses camarades ont accepté un peu vite de se plier…

Et en effet, la nouvelle se termine par l’interview de Gutmann par une journaliste Halfling, alors que le coach et son équipe (y compris Gerhardt) sont enterrés jusqu’au cou dans la pelouse du stade, pour une durée d’un mois. Un temps nécessaire pour songer à leur faute morale, et qui ne leur sera peut-être pas fatal à tous, car le Pénitent a permis à l’assistant du coach de venir nourrir et faire boire les joueurs pendant leur retraite spirituelle. Il faudra cependant se méfier du jardinier aveugle et alcoolique lorsqu’il passera la tondeuse…Fin spoiler

AVIS :

Alec Worley capte parfaitement l’ambiance délurée propre à Blood Bowl dans cette nouvelle posant une des questions les plus intéressantes de cette franchise en prémisse de son intrigue : « et si une équipe tenait absolument à jouer sans tricher ? ». Les Bright Crusaders et leur parangon de vertu mortificatrice Gerhardt le Pénitent, répondent à cette interrogation, sans doute purement rhétorique avant ‘Pride and Penitence’ de façon aussi convaincante que distrayante, faisant de cette nouvelle une vraie réussite et un must read pour les aficionados de Blood Bowl.

.

The Skeleton Key – D. Annandale :

The Skeleton KeyINTRIGUE :

Quittons un instant l’astrogranit pour nous intéresser à une variante populaire du Blood Bowl, le Dungeon Bowl. Si les règles sont à peu près les mêmes, et la violence tout aussi répandue que dans le jeu de base, le Dungeon Bowl a la particularité de se jouer, le croirez-vous, dans un donjon. Deux équipes de six joueurs doivent explorer ce terrain peu banal à la recherche de la balle, cachée dans un des coffres répartis dans les salles du labyrinthe, puis l’apporter dans l’en-but adverse, qui doit également être découvert. Variante oblige, la victoire appartient à la première équipe à marquer un touchdown, c’est donc un système à mort subite qui est utilisé ici. Voilà pour les présentations.

Le match que nous allons suivre oppose les honorables Bright Crusaders aux vénérables Champions of Death, menés par l’authentiquement réac Ramtut the Third (à ne pas confondre avec son avorton de frangin, Ramthit the Turd). C’est bien simple, rien de ce qui est moderne – c’est-à-dire à moins de deux mille ans – ne trouve grâce aux yeux desséchés du Fat des Tombes, et c’est d’ailleurs à se demander ce qui l’a convaincu de participer à cet événement, où lui et ses squelettes occupent le rôle des monstres opposés aux héroïques et vertueux Crusaders. Il ne s’en doute pas, mais il n’est pas le seul à désirer la défaite de ces derniers : une bande de Gobelins fans de Da Deff Skwad, la dernière équipe battue par nos paloufs, est bien décidée à venger ses idoles et à se faire un paquet de blé au passage, en forçant les Bright Crusaders à tricher contre leur gré, ce qui serait du jamais vu dans l’histoire de la franchise (et offre donc une côte intéressante chez les bookmakers). Comme toujours avec les Gobelins, le plan est aussi retors que vicieux, et consiste donc à installer des faux coffres explosifs à proximité de la zone de départ des Crusaders… pour les ralentir j’imagine ? Ayant graissé la patte d’un arbitre Halfling corruptible, les conspirateurs ont accès au donjon quelques minutes avant le coup d’envoi début des hostilités, et se mettent à pied d’œuvre sans traîner.

La partie en elle-même se déroule de façon assez confuse, principalement à travers les bandelettes de Ramtut. Ce dernier perd tous ses squelettes dans les premières minutes du match, victimes de collisions frontales avec les Crusaders ou de pièges explosifs, mais parvient tout de même à se saisir de la balle… plusieurs fois de suite. Car la fâcheuse tendance de cette dernière de tomber dans la lave hache un peu le jeu, même si les organisateurs ont la bonne idée de remettre un ballon sur le terrain dès que le besoin s’en fait sentir. De leur côté, les humains perdent également des joueurs à un rythme soutenu, et parfois de façon complètement ridicule1, jusqu’à ce que le match vire à la catastrophe à la suite d’un trop grand afflux de Squelettes dans les téléporteurs (la règle stipule que les équipes commencent avec six joueurs, pas qu’elles ne peuvent pas en recevoir davantage en cours de jeu). Pris dans un geyser de magie brute, Ramtut et Sternright, le capitaine des Crusaders, sont aspirés dans un autre monde, et surtout, dans une autre époque. Une époque futuriste et puissamment grimdark, if you see what I mean. Tellement grimdark d’ailleurs qu’ils emportent avec eux un Hormagaunt sur le chemin du retour, qui leur subtilise la balle et remonte tout le donjon pour aller marquer un touchdown. Pour qui ? Mystère…

Le cataclysme magique ayant fragilisé la structure du stade, le terrain commence à disparaître dans la lave, ce qui pose problème à tout le monde… sauf à Ramtut, qui saute dans le magma la balle en main pour aller marquer l’essai de la victoire au nez et à la barbe des deux derniers Bright Crusaders. Car dans la dimension parallèle de Blood Bowl, les momies ne sont pas inflammables, qu’on se le dise. Cette issue défavorable n’atteint toutefois pas à l’honneur des Crusaders, toutes les manigances gobelines pour les pousser à la faute et à la triche ayant échoué les unes après les autres. Victoire sportive pour les uns, victoire morale pour les autres : tout le monde est content !

1 : Mention spéciale à Guy Gallant, qui se fait berner par un Gobelin sur échasse déguisée en demoiselle en détresse (véridique), et qui tombe dans le magma de manière très Looney Tunesque.

AVIS :

David Annandale voulait indubitablement bien faire en mettant en scène une partie de Dungeon Bowl mettant aux prises deux équipes bien connues des fans, mais la mise en scène pêche malheureusement trop pour que l’on puisse qualifier ‘The Skeleton Key’ (titre qui m’échappe je dois le reconnaître, car il n’y a aucun passe-partout dans la nouvelle, et le jeu de mots avec « squelette » me semble tiré par les cheveux) de réussite. Dès lors que les choses sérieuses commencent, l’avalanche de règles spéciales propres à ce format, et davantage complexifiées par les manigances des Gobelins mauvais perdants, viennent brouiller l’intrigue jusqu’à ce qu’on ne distingue plus que des joueurs courant de salle en salle, parfois avec la balle, parfois non, en évitant les flaques de lave (et parfois non), sans aucune logique ni stratégie. Annandale convoque également une belle galerie de personnages, sans que la plupart ne joue vraiment un rôle important dans l’histoire, seul Ramtut faisant office de véritable protagoniste. Tout cela ajoute encore à l’impression de foire d’empoigne échevelée et par moment incohérente qui se dégage de ce récit, ce qui n’est pas un compliment, même pour une nouvelle de Blood Bowl. On peut noter au passage que David Annandale réussit à caser du 40K même dans sa seule (à ma connaissance) contribution à la BL se déroulant dans l’univers de WFB, ce que l’on peut considérer comme un clin d’œil appuyé ou une dépendance incurable, selon la perspective. En tout état de cause, ‘The Skeleton Key’ ne joue pas dans la première division du corpus de Blood Bowl. Triste, mais pas vraiment surprenant, si ?

.

Scrape to Glory – G. Thorpe :

Scrape to VictoryINTRIGUE :

Joueur du dimanche de Blood Bowl au sein des parfaitement nommés Crookback Cretins, le Skaven Kikkit a toutefois attiré l’œil des recruteurs des célèbres Skavenblight Scramblers, qui l’ont convié à une session d’essai de présaison à la condition qu’il batte le record du nombre d’adversaires blessés alors qu’ils étaient au sol de la ligue SCABB. Avec 42 unités au compteur et un match à jouer contre les redoutables Morglum’s Marauders, Kikkit n’a qu’un coup bas à assener pour rat-ffler la mise et s’ouvrir les portes d’une carrière professionnelle, loin de sa vie misérable et industrieuse de Rats des Clans passant ses journées à limer des engrenages pour les ateliers du clan Skryre. Un nouveau départ lui permettrait également de laisser derrière lui les dettes accumulées auprès de maîtres des bêtes peu commodes du clan Moulder, qui lui réclament la coquette somme de 50.000 couronnes d’or pour passer l’éponge. Bref, la motivation est à bloc pour cette ultime rencontre, et pas seulement parce qu’une défaite condamnerait les Cretins de l’Alpe à être sacrifiés au Rat Cornu, comme le trio de Prophètes Gris qui sponsorisent l’équipe le soulignent clairement dans leur causerie d’avant match.

La chance sourit aux ratons cependant, car ce ne sont pas les terribles Marauders Orques qui se présentent dans le stade de Crookback Mountain, mais leurs adversaires malheureux des demi-finales, les nettement moins impressionnants Tinklebrook Trotters, qui se trouvent être des Halflings. Tout à fait confiant dans l’issue de ce match, Kikkit s’explique avant les hymnes pour aller parier toutes ses économies chez un bookmaker Gobelin de sa connaissance, qui lui fait une cote pas encore mise à jour et donc diablement lucrative. Après tout, quand on ne peut pas investir dans le Bitcoin, on fait du profit comme on peut. Ceci fait, notre héros à moustaches retourne dare-dare au stade pour prendre sa place sur le pré. Il alors la mauvaise surprise de constater que les Halflings se sont fait accompagner par deux Hommes Arbres, qui fermaient la colonne des visiteurs du fait de leur train de sénateurs, et qu’il n’a donc pas vu avant de partir placer son magot. Voilà qui rat-joute un peu de suspense.

Le match s’engage et s’avère assez disputé, les grandes baffes épineuses distribuées les frères Tronc (Georges et Mega) et la consommation de substances énergisantes des petits gloutons empêchant les Cretins de prendre le large, et à Kikkit de faire une dernière victime. Au terme du temps réglementaire, le score est de trois partout, ce qui mène logiquement aux traditionnelles prolongations en mort subite. Par un curieux hasard dont Nuffle est sans aucun doute responsable, Kikkit se retrouve dans une position délicate, où il doit choisir de faire un bloc qui permettra sans aucun doute à son équipe de marquer le touchdown de la victoire, ou d’aller maraver la goule d’un Halfling sonné à proximité de la zone d’en but des Trotters. N’écoutant que son intérêt propre, en bon Skaven qu’il est, notre héros choisit évidemment la seconde option, et pique son meilleur sprint à travers la défense adverse pour aller jeanclaudevandamiser la mâchoire de l’avorton vulnérable. Un choix doublement récompensé, car en plus de porter son total de victimes à 43, Kikkit marque également le point décisif de la partie, s’étant débrouillé pour emporter avec lui la balle crevée sur une des piques de son épaulière, après qu’il « par mégarde » tacler son lanceur pour éviter que le match ne s’arrête trop tôt. Et c’est sur cette victoire sur tous les tableaux que se termine notre histoire, qui finit scandaleusement bien pour une nouvelle de Skavens, si vous voulez mon avis.

AVIS :

Gav Thorpe se frotte aux Hommes Rats de Warhammer Fantasy Battle (pas une de ses factions de cœur pour cette franchise) et signe une petite nouvelle qui se place dans la moyennement très légèrement haute du genre. C’est raisonnablement drôle, le fluff Skavens (et Halflings !) est respecté, et on retrouve l’ambiance propre au Blood Bowl, sans que l’intrigue soit particulièrement fouillée, la mise en scène impeccable ou le background significativement enrichi. Le seul petit reproche que je pourrais faire à ‘Scrape to Victory’ est, comme dit ci-dessus, son absence de ratage final, tant il est vrai que les séides du Rat Cornu sont célèbres pour arracher la catastrophe des griffes du triomphe avec une constance remarquable. Outre ce manquement de ca-rat-ctérisation, je n’ai rien à dire de cette histoire, qui se laisse tout à fait lire.

.

Doc Morgrim’s Vow – J. Reynolds :

Doc Morgrim's VowINTRIGUE :

Les Middenplatz Manglers ont accumulé les victoires depuis la mort tragique mais finalement bénéfique de leur Blitzer vedette (‘Manglers Never Lose’), et sont maintenant à la recherche de nouvelles opportunités de briller. Malgré les protestations répétées de leur apothicaire, le solide Morgrim Ironbane, le coach Tyros Bundt a accepté l’invitation qui lui a été faite de prendre part au Tournoi des Cent Malheurs, organisé dans la forteresse de Karaz Ankor. Gagner un match contre les redoutables, mais isolés, Dragon’s Hold Drakeslayers, permettrait aux Manglers de mettre la main sur l’Angry Dragon Cup, un trophée légendaire au sein de la communauté des fans. Dans le dirigeable Makaisson & Sons qui les emmène en Norsca, les Manglers discutent le bout de gras, Bundt et Franco Fiducci (le Nécromancien qui fait tenir en un morceau les deux tiers de l’équipe) essayant de découvrir pourquoi le Doc Morgrim se montre si récalcitrant à revenir dans sa cité natale, en vain.

La réponse se fait jour lorsque les visiteurs sont accueillis par une escouade d’Arquebusiers, et placés sous bonne garde le temps qu’un notable vienne leur rendre visite. Ce notable, c’est le Thane Thunor Thunorsson, figure importante de Karaz Ankor, coach des Drakeslayers, et accessoirement, père de Hrulda Thunorsdottir, capitaine de l’équipe, Tueuse de Trolls et… fiancée de Morgrim. On apprend ainsi que ce dernier s’est éclipsé sournoisement alors qu’il avait déjà échangé ses vœux avec Hrulda, préférant le deshonneur et l’errance au conservatisme rigide du Dragon’s Hold. En plus, c’était le seul moyen pour lui de jouer au Blood Bowl, sa passion, dans des conditions normales, l’équipe et le stade locaux étant très particuliers, comme nous allons le voir. Bien entendu, ce camouflet n’a pas été bien perçu par sa promise et sa lignée, et c’est donc assez naturellement que Morgrim se prend un bourre pif bien mérité de la part de Hrulda pour arriérés de paiement. Bien que Thunor souhaite enfin marier les deux tourtereaux, de force s’il le faut, pour restaurer son honneur, Morgrim parvient à négocier une échappatoire : si les Manglers gagnent le match, il sera libre de partir. Si les Drakeslayers restent invaincus, il épousera Hrulda. Les choses étant clarifiées et les parties en présence d’accord sur les termes, il est temps de passer aux choses sérieuses.

Le match se déroule selon les règles du Dungeon Bowl, un peu adaptées par les locaux. Foin de coffres explosifs ici, mais des monstres errants et des pièges mortels en tout genre, et un terrain en trois dimensions puisque placé à flanc de montagne. Morgrim apprend d’ailleurs à ses acolytes que la tactique préférée des Drakeslayers est de partir en PvE (tous leurs joueurs sont des Tueurs), et d’attendre que leurs adversaires se fassent tuer, plutôt que de chercher à jouer la balle. Une vraie approche naine, qui fait chaud au cœur. Fort heureusement, la forte teneur en morts vivants des Manglers leur donne une résistance accrue qui s’avère précieuse, et Marius Hertz, leur Blitzer vedette, est en grande forme. C’est d’ailleurs lui qui marque le touchdown de la victoire, après avoir arraché la balle de l’œsophage d’un Drake qui passait dans le coin, et s’était mis à harceler la pauvre Hrulda (galamment secourue par Morgrim, contre toutes les règles du Dungeon Bowl, ceci dit). Tout est bien qui finit bien donc, le Doc réalisant même que son ancienne fiancée ne lui en veut pas tant que ça, en fait. Ca aurait été des Elfes, on aurait eu le droit à un baiser langoureux en tomber de rideau, mais les Nains sont heureusement plus dignes, et Hrulda se contente de péter le pif de son sauveur pour intervention illicite, en tout bien tout honneur évidemment. Il y a des signes qui ne trompent pas…

AVIS :

Josh Reynolds poursuit sa saga Manglers avec la suite logique de ‘Manglers Never Lose’, qu’il n’est même pas nécessaire d’avoir lu pour comprendre de quoi il en retourne ici, l’auteur prenant la peine de bien contextualiser cette nouvelle, en vrai gentleman. L’accent a été ici mis sur l’intrigue plus que sur l’ambiance, ce qui fait de ‘Doc Morgrim’s Vow’ un bon contrepoint à l’épisode précédent : l’un est plus drôle, l’autre plus étoffé, mais les deux sont d’un très bon niveau, et Reynolds distille assez de punchlines (mention spéciale au dialogue portant sur la neige biologique et artisanale de Karaz Ankor) pour que le lecteur ne se sente pas dans une classique histoire de WFB… même si les ajouts fluffiques de cet incorrigible Josh Reynolds donnent vraiment envie de prendre cette historiette au sérieux. Encore un essai transformé pour l’auteur, qui honore ici sa réputation bien méritée de star writer de la BL.

.

A Last Sniff of Glory – D. Guymer :

A Last Sniff at GloryINTRIGUE :

Red Claw” Rurrk est une légende du Blood Bowl Skaven. Blitzer vedette des célèbres Skavenblight Scramblers, il a été de tous les succès notables de l’équipe, comme ce match de légende contre le Princedom of Pain, à Erengrad. La première défaite en trois siècles pour le Prince Amaranth l’Inviolé, un qualificatif pas vraiment mérité au vu du score final… Enfin, ça, c’était il y a sept ans, bien longtemps pour un Skaven. Rurrk se fait bien vieux aujourd’hui, et n’a plus la forme d’antan, comme son match catastrophique contre les Mootland Raiders en début de saison l’a démontré. Lent, ankylosé, courbaturé et à moitié aveugle, il ne lui reste plus guère que son vice naturel, son expérience prodigieuse et sa consommation effrénée de malepierre pour faire illusion. L’heure de la retraite, ou l’équivalent pour les Skavens, a sonné depuis longtemps pour le vénérable champion, mais ce dernier s’est fixé un dernier objectif avant de raccrocher (ou plutôt, d’enterrer) son iconique griffe rouge : participer à l’Eight Point Star Cup à Drakenhof, afin de pouvoir affronter une nouvelle fois Amaranth.

Il lui faut pour cela convaincre le nouveau coach des Scramblers, le Prophète Gris Razzel, de lui laisser une place sur la feuille de match, ce qui est loin d’être évident. Rurrk est cependant prêt à tous les sacrifices (y compris ceux des membres de son équipe) pour revenir dans les bonnes grâces du sélectionneur, et parvient à ses fins après avoir massacré deux coéquipiers au cours d’un match d’entraînement, et menacé de faire subir le même sort au Rat Ogre de l’équipe. Il n’y a guère que le Coureur d’Egout Silkpaw qui se trouve à l’abri de la rivalité « amicale » du vétéran, leurs styles de jeu étant diamétralement opposés, ce qui préserve le jeunot des tacles appuyés de Rurrk. Soucieux d’éviter une hécatombe pré-tournoi, Razzel finit donc par accepter la requête du Blitzer, ce qui promet des retrouvailles touchantes avec le Princedom of Pain…

Début spoiler…Et en effet, les fans en délire assistent à un match dans le match entre les deux rivaux, qui se tabassent avec entrain au milieu du terrain pendant que leurs équipes respectives tentent tant bien que mal de jouer la balle. Si Rurrk s’est dopé jusqu’au moustaches pour pouvoir tenir son rang, il ne fait cependant pas le poids face à Amaranth, dont la puissance a augmenté (merci la possession démoniaque) au cours des insignifiantes sept années qui se sont écoulées depuis leur première rencontre. Le duel de mandales finit donc par tourner en faveur du Prince possédé, qui empale son adversaire sur le bout de sa pince, bien aidé en cela par la discrète poussette que ce fourbe de Silkpaw inflige à son équipier au pire moment. Pour la défense du Coureur d’Egout, les deux capitaines monopolisaient la balle sans rien en faire, et son intervention décisive permet aux Scramblers de marquer un précieux touchdown. C’est avec le hurlement des fans en délire dans les oreilles, scandant son nom comme à la belle époque, que le vieux champion tire donc sa révérence, après avoir grignoté une dernière croûte de gloire comme il le souhaitait. J’en verserais presque une larme tiens.Fin spoiler

AVIS :

David Guymer prend le lecteur à contre pied comme un receveur feinte un trois-quart avec ‘A Last Sniff of Glory’, qui joue la carte de la nostalgie plutôt que de l’humour sadique et nihiliste, qu’on était doublement en droit d’attendre de la part d’une nouvelle de Skavens jouant au Blood Bowl. On ne lui en tiendra toutefois pas rigueur, car en plus d’être originale, cette histoire est bigrement réussie. Ce n’était pas un mince défi de rendre la figure de Rurrk sympathique, voire même pathétique, tant l’anti héros de cette soumission exemplifie tous les traits les plus vils et veules de son ignoble race, mais Guymer y parvient de manière probante. On termine ‘A Last Sniff of Glory’ dans le même état émotionnel que ‘The Wrestler’, Mickey Rourke ayant seulement été remplacé par une Vermine de Choc en armure lourde, et le ring de catch par un terrain de Blood Bowl. Cette nouvelle mérite la lecture par sa singularité autant que par sa qualité d’exécution (même le niveau d’anglais est plus recherché qu’à l’accoutumée, pour autant que je puisse en juger), ce qui font deux bonnes raisons d’assister au jubilé du Petit Tâcheron Rouge…

.

Foul Play – A. Hall :

Foul PlayINTRIGUE :

Rangé des voitures et des crampons après une sale blessure alors qu’il jouait trois quart pour les Marauders, Gulden von Sulkenhof, alias Sulk, s’est reconverti dans le crime organisé. Il sert désormais les frères Kobassi, gangsters Ogres bien établis dans le milieu d’Altdorf, et a été chargé par ces derniers de cambrioler le domicile de Gerald Frost-Thumbs, le présentateur météo vedette de CabalVision, à la recherche d’éléments compromettants pour le faire chanter. Quelle n’est pas sa surprise de voir ses employeurs débarquer sur les lieux de son forfait alors qu’il farfouille dans les caleçons du Louis Bodin du Vieux Monde, ce qui ne peut que signifier qu’ils ont compris qu’il était une balance et s’apprêtent à le châtier à leur manière, pas vrai ? Eh bien… non. Les Kobassi se sont déplacés pour faire à Sulk une proposition qu’il ne peut vraiment pas refuser, comme le dit l’expression consacrée. Les truands ont parié gros sur la prochaine victoire des Gouged Eyes sur les Dwarf Giants, malgré le statut de favoris de ces derniers. Ils comptent donc sur leur agent pour s’assurer de ce résultat, en sa qualité d’arbitre du match, reconversion tout à fait logique pour un ancien joueur il faut bien le reconnaître.

Le hic, c’est que l’autre patron de Sulk, le Lord Chamberlain d’Altdorf, souhaite au contraire que les Giants gagnent afin de fragiliser la position des Kobassi. Et comme notre héros a été recruté par le réseau d’espion du notable, ses Yeux, il n’est pas vraiment en position de refuser. Le Lord Chamberlain sait en effet qu’il a recueilli la chèvre mascotte (Janet) de son ancienne équipe, la pauvre bête étant sur le point d’être abattue après que des fans particulièrement obtus aient prétendu qu’il s’agissait d’un Gor marchant à quatre pattes. Un moyen de chantage comme un autre, Sulk étant un défenseur de la cause animale devant l’éternel. On devine donc le dilemme devant lequel l’ex-joueur, futur arbitre et agent double se trouve : quel que soit le résultat du match, l’un de ses employeurs sera très mécontent de lui, avec des résultats potentiellement mortels…

Ces considérations morbides ne reculent cependant pas le jour de la rencontre, qui finit par avoir lieu dans un Oldbowl rempli à bloc. Surveillé de près par les frères Kobassi en tribunes, et par un autre agent de Chamberlain, Hinter (qui s’est fait nommer arbitre assistant), sur le terrain, Sulk essaie de ménager la chèvre et le chou pour sauver la première sans se prendre le second. Enfin je me comprends. Craignant davantage la vengeance brutale et immédiate des Ogres, l’arbitre torturé commence par sanctionner sévèrement les Nains, notamment en refusant toute intrusion de matériel de guerre (dont les roulemorts) sur le terrain, mais se fait contrecarrer par Hinter, qui use des règles les plus triviales du Blood Bowl pour équilibrer les débats. À la mi-temps, les Giants mène 1-0, et Hinter vient menacer Sulk de remettre les preuves de sa duplicité, qu’il conserve dans le livret qu’il garde dans la poche, aux Kobassi s’il continue à faire sa tête de mule. Cette intimidation donne toutefois une idée à l’homme au sifflet, qui finit par autoriser les Nains à faire entrer leur roulemort à quelques minutes de la fin du match, et pousse négligemment son adjoint sous le rouleau de la machine lors de la remise en jeu, faisant disparaître le gêneur et les éléments à charge contre lui, avant de redonner la possession aux Gouged Eyes pour aggression caractérisée du corps arbitral par les Giants. CQFD. Ce retournement de situation permet aux peaux vertes de marquer le touchdown de la victoire au bout du suspense, ce qui fait les affaires des Kobassi. Bien sûr, le Lord Chamberlain n’est pas content, mais Sulk parvient à le convaincre de l’intérêt de pouvoir compter sur ses services maintenant qu’il est plus populaire que jamais auprès des gangsters pour l’empêcher de méchouiller la pauvre Janet. Au final, il s’avère même que les Kobassi étaient également au courant que Sulk travaillait dans leur dos, ce qu’ils ont toléré car cela leur permet de donner de fausses informations à leur rival. Notre héros en est quitte pour se fendre un beau statut « Situation professionnelle : it’s complicated » sur sa page FaceTome, avant d’aller secourir Rolf le terrier, mascotte des Dwarf Giants menacée de mort par les fans de Gouged Eyes. No rest for the wicked !

AVIS :

La Black Library a son lot de nouvelles et de romans mettant en scène des intrigues damned if I do and damned if I don’t1 et Andy Hall adapte ce classique à l’univers de Blood Bowl avec ‘Foul Play’. Tout l’enjeu de ce type de soumission, si on demande mon avis, est d’arriver à trouver une issue élégante à un dilemme a priori insoluble, et Hall ne casse pas la baraque ici. Sa soumission reste malgré tout convenable, et permet d’approcher des « fameux » frères Kobassi, qui ont eu l’honneur de figurer dans la campagne du jeu vidéo Blood Bowl II (et peut-être aussi le premier, I don’t know). C’est à peu près tout ce que je retiens de notable de cette nouvelle, qui n’est guère plus qu’un honnête filler, comme les équipes de Blood Bowl ont leurs ternes trois quarts. Tout le monde ne peut pas être une star.

1 : ‘The Assassin’s Dilemma’ (David Earle), mais aussi ‘Tainted Blood’, le 3ème tome de la série ‘Black Hearts’ (Nathan Long), par exemple.

.

Hoppo’s Pies – G. Haley :

Hoppo's PiesINTRIGUE :

Coach des positivement médiocres Grotty Stealers depuis que sa carrière de receveur s’est trouvée engloutie en même temps que son bras gauche par un Squig-ball affamé, Diglit doit gérer de multiples problèmes. Et, croyez-le ou non, la nullité crasse de ses joueurs, un ramassis de Gobelins amateurs complété par un Orque rigolard mais bas du front et un lanceur Troll ayant la sale manie de boulotter les Snotlings qui lui sont confiés, n’est que le cadet de ses soucis. Car son sponsor a perdu patience devant la série de défaites des Stealers et décidé de vendre leur stade à un promoteur immobilier (Nain, qui plus es), et que notre héros doit de l’argent à Boris le Pervers (un…Elfe noir), qui insiste lors d’un tête à tête rugueux pour être remboursé à l’issue du match de demain. Joué contre une équipe de Minotaures. Bref, la situation est très compliquée pour Diglit, qui erre dans les rues à trois heures du matin après avoir été jeté de la carriole de son créditeur par ses malabars Orques. Un mardi classique pour un Gobelin.

Son errance l’amène jusqu’à une ruelle d’où se dégage une irrésistible odeur de tourte, et comme rien ne vaut un petit gueuleton nocturne pour se remonter le moral, et qu’en plus il a presque de quoi payer, le coach éprouvé décide de faire un crochet sur le chemin du stade pour casser la croûte. Il est acceuilli par une roulotte colorée, un poney obèse et un Halfling jovial, qui se présente comme Hoppo Longfoot, tourtier itinérant et fournisseur régulier de snacks de premier choix aux fans de Blood Bowl. En préparation de la rencontre de la journée, il termine une fournée un peu spéciale, dont il accepte de céder une tourte à Diglit devant l’air déconfit et tuméfié du peau verte. Les Halfling ont bon cœur, c’est connu. Sans révéler l’ingrédient secret de sa préparation, qu’il prend tout de même soin de sortir du four avec des gantelets de plomb, il sert son client nocturne qui n’en croit pas ses papilles. La pâtisserie produit sur lui un effet prodigieux, et assez similaire à un rail de coke aromatisé à la morphine quand on y réfléchit. Ce boost soudain donne une idée à Diglit pour remporter le prochain match, et il kidnappe donc caravane, poney et Halfling, direction le stade.

La suite ne fait pas un pli, comme vous vous en doutez, sagaces lecteurs : les Grotty Stealers se gavent de tourtes et entrent sur le terrain pumpés comme jamais, ce qui leur permet de faire tourner en bourrique leurs imposants adversaires et de prendre le large au tableau d’affichage. Cependant, rien n’est gratuit dans le cruel monde de Warhammer, et la consommation irraisonnée de malepierre (car c’était évidemment ça l’ingrédient secret des tourtes de Hoppo, qui compte des Skavens parmi sa clientèle) de l’équipe locale finit par avoir des conséquences aussi visibles qu’handicapantes. Flairant une tricherie, les fans des Bovine Brawlers envahissent le terrain, et le match par à vau l’eau au grand désespoir de Diglit. Sa seule consolation consiste en la repousse miraculeuse de son bras (certes rose pétant désormais), ce qui entre autres mutations, lui permettra de reprendre une licence de joueur et peut-être d’intégrer une équipe du Chaos lors de la prochaine saison. S’il arrive à convaincre ce vieux Boris d’étaler une nouvelle fois ses traites, s’entend…

AVIS :

Guy Haley adapte le concept de la potion magique à l’univers tout aussi humoristique mais bien moins bon enfant de Blood Bowl avec ce ‘Hoppo’s Pies’. On l’a connu plus efficace et inspiré dans la réalisation (on pourrait enlever la première moitié de la nouvelle sans problème, ça fait un peu remplissage pour atteindre la vingtaine de pages), mais comme d’habitude avec cet auteur vétéran de la BL, une qualité minimale est assurée, ce qui fait de cette histoire une lecture pas essentielle mais tout à fait correcte.

.

The Freelancer – R. Rath :

INTRIGUE :

Arbitre de Blood Bowl disgracié après que sa corruption ait été mise à jour, et reconverti dans les tâches les moins glamour de l’industrie de ce noble sport, Mort d’Arthur a été chargé par le patron des Nuln Gunners de veiller à l’intégrité physique et physiologique du joueur star de l’équipe, le turbulent Kaspar Hoozier. Ce dernier dispose par contrat d’une nuit de bamboche hors du stade avant chaque match, et l’avisé Cherbourg (le propriétaire de la franchise) se doute bien que laissé sans surveillance, le lanceur vedette sombrera dans ses vieilles addictions, ce qui le disqualifiera d’office lors du test médical de pré-rencontre. Pour parer à ce fâcheux désagrément, qui risquerait de faire perdre aux Gunners leur demi-finale sur tapis vert et poudre blanche, mais mènerait également à l’exclusion à vie de Hoozier de la ligue (ce qui n’est pas top pour vendre des maillots à son effigie), Mort a été engagé pour baby sitter le colosse jusqu’au début du match, une mission qui frôle dangereusement l’impossible à cause du manque de coopération de sa charge.

Ainsi, alors qu’il croit avoir gagné quelques précieuses minutes en envoyant une serveuse du bar où le duo s’est réfugié monter quelques bières à Hoozier dans le salon VIP, Mort est accosté par sa Némésis murine, Skellig Queem. Reporter à Spike !, le Skaven a révélé au grand jour les petites combines de Mort lorsque ce dernier était encore appelé l’Incorruptible, ce qui a précipité sa déchéance. Queem cherche à présent un scoop impliquant Hoozier et une quantité non négligeable de bonnet de fou, ce que Mort cherche bien entendu à éviter… mais qu’il a provoqué par inadvertance en envoyant une barmaid dealeuse servir son protégé. Résultat des courses : Hoozier est désormais convaincu qu’il est un Prêtre Mage Slaan, et lorsque son garde du corps cherche à faire quitter les lieux à Queem avant qu’il ait eu le temps de prendre une photo compromettante, le colosse passe en mode berzerk devant l’outrage causé par l’intrusion d’un Skaven dans son temple. Un coup de sifflet enchanté et un assomage à coup de plastron d’acier plus tard, Mort a réussi à reprendre le dessus, en bon professionnel qu’il est. Il arrive même à convaincre le rat-porter de ne pas faire son papier en l’échange de la révélation d’une combine utilisée par le staff de joueurs dissipés pour nettoyer leur système avant le début d’un match important. Intrigué par cette offre, qui se double d’une interview de Cherbourg en personne, Skellig Queem accepte et le trio part dans les bas fonds de Nuln avant que la garde de nuit ne rapplique.

C’est chez le Docteur Piotr Klenblüd, alias Cleanblood (mais il deteste le sobriquet) que Mort amène ses acolytes. Piotr est un vampire, assez disgracieux et chétif certes, mais un vampire tout de même, et est donc en mesure de réaliser une dialyse expresse de Hoozier pendant que ce dernier est toujours dans les vapes. L’importante concentration de bonnet de fou dans l’hémoglobine du joueur a toutefois raison de la résistance naturelle et de la flegme professionnelle du bon docteur, qui sombre dans une frénésie sanguinaire digne de Konrad von Carstein. Il faudra l’intervention décisive de Queem, qui ne sort jamais sans une dague de secours, pour calmer la soif de sang hallucinée du praticien vampirique. Ceci dit, l’opération a été un succès, et Hoozier peut prendre le chemin du stade dans une forme étincelante pour sa visite médicale d’avant match, échappant juste à une embuscade tendue par les fans adverses en route. Ce qui commence à faire beaucoup de coïncidences malheureuses, tout de même…

Début spoiler…Et en effet, lorsque Mort va récupérer sa paie auprès de Cherbourg, il expose à ce dernier ses suspicions (renforcées par la présence de la barmaid de la veille parmi les pom pom girls des Nuln Gunners) : quelqu’un voulait véritablement empêcher Hoozier de disputer ce match, par tous les moyens possibles. Quelqu’un qui toucherait l’assurance placée sur ce joueur capital, par exemple, ce qui lui permettrait de se refaire une santé financière, et tant pis si un freelancer comme Mort se trouvait impliqué dans la magouille, pas vrai ? Se croyant à l’abri des regards et des oreilles indiscrets, Cherbourg confesse sans tarder son forfait, avant de dégainer un pistolet pour faire taire le fouineur. Mal lui en a pris car Mort, en bon professionnel, était entré dans le bureau du manager avec micro et camra discrète pour donner à Queem l’interview de Cherbourg qu’il avait promise, et qui a été retransmise en direct sur les écrans du stade. Pour skoop, c’est un skoop.Fin spoiler

AVIS :

Robert Rath vient braconner sur les terres rigolardes de Josh Reynolds avec ce ‘The Freelancer’, dont l’intrigue n’est pas si différente du ‘Dead Man’s Party’ de son confrère. Et il a très bien fait, aussi bien dans l’idée que dans la réalisation, ce qui est tout au bénéfice du lecteur. On a donc le droit à des scènes d’une absurdité rafraichissante (comme l’intreview que donne Hoozier, persuadé être un Slaan qui doit se faire passer pour lui-même, à Skellig Queem), de l’action nerveuse, des références en pagaille (et on voit la spécialisation de Rath – c’est un historien – ressortir dans le nom de son héros), et même, touchdown sur l’astrogranit, une petite enquête policière pour conclure cette nouvelle menée tambour battant. Il n’y a rien à jeter dans cette première, et pour le moment seule, contribution de Rath au corpus bloodballique, et j’espère que cet héritier putatif et stylistique du regretté Reynolds aura d’autres occasions de prouver ce qu’il sait faire dans un futur pas trop lointain1.

1 : Points de bonification accordés s’il trouve le moyen d’inviter Trazyn à la fête. Après tout, ce serait techniquement possible.

.

Dismember the Titans – G. Lyon :

INTRIGUE :

La saison prometteuse des Talabheim Titans se retrouve perturbée par des événements extra-sportifs impactant fortement la vie de l’équipe : une série de meurtres passablement gore (éventrement et amputations, ça commence à sentir l’acharnement) décime les joueurs de la franchise, sans que les autorités locales ne s’en émeuvent1. Par chance pour les Titans, leur duo de choc, la blitzeu…se (?) Juliana Tainer et le receveur Johann Walsh, prennent sur eux de mener l’enquête, épaulé dans cette lourde tâche par le nouvel apothicaire de l’équipe, l’excentrique, vaguement inquiétant et passablement obsédé par la nécromancie Dr Werner von Blaustein (un brave type). Ce dernier, après avoir examiné la dépouille mortelle de la plus récente victime du DéventramembreurTM, aiguille nos héros sur la piste d’un spécialiste de l’anatomie (comme lui), maniant des instruments très tranchants (comme les siens). Percevant la sagesse du raisonnement du bon docteur, J&J épluchent le courrier des fans à la recherche de récriminations particulièrement véhémentes, qui pourraient indiquer l’identité du tueur. Et, coup de bol, ils trouvent effectivement un suspect intéressant en la personne d’un barbier atrabilaire et très remonté, pour des motifs nébuleux, contre les Titans.

Ayant décidé de la jouer discrètement, les détectives en herbe astrogranite passent la nuit en planque devant l’échoppe de leur détracteur, mais s’endorment comme des masses avant de n’avoir décelé quoi que ce soit de compromettant, non sans avoir mis au point un système de commandes par tapotage de casque interposé, ce qui est toujours utile dans ce type de profession. Le coach ne leur ayant pas laissé toute la journée, Juliana et Johann décident à leur réveil de précipiter les choses en rendant une visite de courtoisie à l’aimable praticien, pour découvrir que lui aussi s’est fait décarcasser par l’insaisissable assassin. Comble de déveine, ce dernier a laissé derrière lui un trio de Zombies patchwork, composé de membres cousus ensemble, ce qui permet à nos héros de comprendre pourquoi les victimes précédentes ont été retrouvées fortement diminuées (c’est du kit bashing organique, au final). Une course déterminée, une passe longue réussie, et une lanterne pleine d’huile fracassée plus tard, J&J sortent de la boutique en feu de feu leur principal suspect, et retournent au bercail pour débriefer le reste de l’équipe.

Sur place, ils ont le déplaisir d’être accueillis par la nouvelle d’un autre décès dans l’équipe, signe que leur persécuteur n’a pas chômé ces derniers temps. Invités par von Blaustein à une réunion de travail dans son bureau, ils finissent par comprendre, suite à une remarque compromettante glissée par leur médecin traitant au cours de la discussion, que ce dernier est derrière cette sanglante série. Ayant eu la mauvaise idée d’accepter le thé préparé par l’apothicaire, ils sombrent cependant dans une inconscience malvenue avant d’avoir pu agir. Nos héros reviennent à eux dans la cave de la maison familiale de von Blaustein, qui a la bonté d’expliquer ses motivations avant de commencer ses sinistres opérations : fan éperdu des Titans, le jeune vB ne voulait rien tant que de rejoindre l’équipe, ce que ses faibles capacités physiques l’ont empêché de faire. Humilié par cette mésaventure, il jura de provoquer la perte de la franchise, puis de remplacer cette dernière par une équipe de cadavres réanimés, composés à partir des meilleurs morceaux des Titans. Quelques années plus tard, après avoir été diplômé en nécromancie à l’université de Sylvanie, il revint dans sa ville natale pour mettre à exécution son plan machiavélique. Le plaisir coupable du monologue satisfait de grand méchant coûtera cependant cher – comme d’habitude – à Scalpelator, puisque Johann trouvera le moyen de se délivrer de l’étreinte ferme mais faillible du Zombie le maintenant au sol avant que sa laparotomie ne débute. Une fois de retour sur leurs appuis, la puissance et l’expérience supérieurs des titulaires viendra sans problème à bout des malhabiles gesticulations de leurs remplaçants, l’action se terminant de façon péremptoire par une inflammation généralisée de l’équipe zombie, coach compris. L’illustration même de l’importance de maîtriser les fondamentaux dans les sports collectifs.

À Blood Bowl comme dans la vraie vie, la lutte des classes entre sportifs professionnels grassement payés et classes laborieuses exploitées empoisonne les relations entre les uns et les autres.

AVIS :

Il m’est venu à l’esprit en écrivant cette chronique que la plupart, si ce n’est tous, des prochaines nouvelles publiées par la BL et se déroulant dans l’univers de Fantasy Battle auraient pour cadre un match de Blood Bowl, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de la dernière franchise vivante prenant place dans le Monde que Fut. Raison de plus pour espérer que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est plutôt le cas de ‘Dismember the Titans’. En 17 pages, ce qui est court, Lyon trousse en effet une petite enquête policière dans le monde impitoyable du sport professionnel de WFB, répondant à toutes les exigences du cahier des charges de ce type de publication, (micro) twist final inclus. Certes, la nécessité de garder le propos dans les limites fixées n’a pas permis à notre homme de perdre le lecteur dans un dédale de fausses pistes, et l’identité du meurtrier n’est donc pas longtemps sujette à discussion, mais on ne peut enlever à Lyon qu’il a fait le job de manière tout à fait satisfaisante, et est même allé au delà de l’acceptable, en prenant le temps d’intégrer un set-up utile au dénouement de l’intrigue au détour d’un paragraphe. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais nombre d’auteurs de la BL auraient donné dans le TGCM/WIJH pour justifier le revirement de situation final, et il convient donc de distribuer un bon point à Lyon pour son application sur ce sujet1.

Lors de ma première chronique de cette nouvelle, à l’occasion de sa publication dans ‘Inferno!’ #3, j’avais poursuivi en regrettant l’humour un peu too much de ‘Dismember the Titans’. Mais je n’avais pas bien compris à l’époque que Blood Bowl était un univers parallèle et déconnecté de Warhammer Fantasy Battle, et que ce côté déluré et outrancier faisait partie de son ADN. Je retire donc cette critique, M. Lyon.

.

***

Et voilà qui termine cette revue de ‘Death on the Pitch : Extra Time’. À quelques jours près, j’aurais pu faire un parallèle facile avec les résultats du Super Bowl LV, mais je n’ai pas été assez prompt à la finition pour cela (comme les Kansas City Chiefs, d’ailleurs). Quoi qu’il en soit, ce recueil reste une réussite notable de la part de la Black Library, qui a produit suffisamment d’ouvrages collectifs moyens (plus ou mois) pour que l’on prenne le temps de souligner les tomes qui sortent du lot. On retrouve bien dans ces quatorze histoires toute l’atmosphère rigolarde, vicieuse et irrévérencieuse-envers-le-fluff-de-Warhammer-Fantasy-Battle-tout-en-respectant-ce-dernier propre au Blood Bowl, sans se retrouver, comme cela a été le cas pour d’autres anthologies de niche, confrontés à la même variation sur un thème commun, ce qui a tendance à décourager même les meilleures volontés. Ici, les auteurs se complémentent plutôt qu’ils ne rivalisent : Josh Reynolds et Robert Rath jouent la carte du comique et du second degré, tandis que Graeme Lyon préfère étoffer ses intrigues, David Guymer verser dans la nostalgie, Matt Forbeck conclure sa saga en faisant intervenir des célébrités, et Andy Hall utiliser le Blood Bowl comme prétexte pour raconter une toute autre histoire (entre autres exemples).

Cette variété contentera tant le nouvel arrivant (comme l’auteur de ces lignes) que l’aficionado acharné, et donnera je gage l’envie à plus d’un lecteur de se mettre au jeu (de figurines et/ou vidéo). Il est heureux que ce recueil, qui restera sans doute pendant un certain temps le seul proposé par la BL sur ce créneau, se soit avéré aussi qualitatif, car on aurait pu penser que cette franchise mineure de Games Workshop serait traitée de façon cavalière par la division littéraire de l’entreprise. Que celui ou celle qui n’a jamais lu une nouvelle ou un roman médiocre pour Warhammer 40,000, Age of Sigmar ou l’Hérésie d’Horus me jette la première pierre. Le tout puissant Nuffle devait cependant veiller sur la genèse de cet ouvrage, qui pourrait même convaincre certains nostalgiques du « véritable » Vieux Monde de lui donner une chance, en attendant que GW nous révèle enfin ses plans pour la franchise qui fut. C’est donc un touchdown propre, net et sans besoin de référer à la VAR que nous avons ici, et cela fait plaisir, tout simplement.

ON WINGS OF BLOOD [40K]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique du recueil de nouvelles On Wings of Blood, consacré à l’exploration et à la description d’une facette des guerres cauchemardesques du lointain futur que Games Workshop a particulièrement développé ces dernières années : le combat aérien. Si la date de publication de cet opus a été pensée pour accompagner la sortie d’Aronautica Imperialis, le nouveau stand alone de la maison permettant aux joueurs de s’initier aux joies de la chasse atmosphérique, l’introduction de véhicules aéroportés dans les règles de Warhammer 40.000 a également permis à ces derniers de gagner en visibilité auprès de la communauté, alors que les précédentes décennies les avaient vu plutôt relégués à l’arrière-plan du Hobby1, et cantonnés à de brèves mentions dans les textes de background et quelques modèles résineux et ruineux sortis par Forge World de temps à autres (remember le tout premier Thunderhawk ? ). Aujourd’hui incontournables, ou en tout cas bien établis, sur les tables de jeu, il n’était pas illogique que la BL participe à l’effort de guerre propagande en faveur de ces machines volantes, nous laissant avec ce pesant opus (400 pages tout de même) que nous allons tenter de désosser avec rigueur, méthode et bonne humeur.

Sommaire On Wings of Blood (40K)

.

Pour être honnête, de tous les recueils de nouvelles publiés par la BL au cours des derniers mois, ce On Wings of Blood était celui qui m’intéressait le moins. Le thème choisi faisait en effet planer (haha) le risque d’une succession insipide de dogfights entre les différentes factions de 40K, niche ultra pointue nécessitant un certain talent littéraire, et même un talent littéraire certain pour se révéler intéressante pour le lecteur après les premières itérations. Pour sa défense, cet opus présentait le triple avantage d’un rapport qualité prix vraiment intéressant2, d’un casting varié incluant quelques auteurs faisant leurs premiers pas pour la Black Library (E. J. Davies, Nicholas Alexander3, J. C. Stearns, Cavan Scott), et de la republication de certaines nouvelles accusant une bonne quinzaine, voire vingtaine, d’années au compteur (Acceptable Losses, Raptor Down, Ancient History et Wings of Bone), menant à un intéressant panaché de soumissions classiques et modernes. Voilà pour la check-list de contrôle. Les moteurs étant chaud et le tarmac libre, il est plus que temps que prendre notre envol et de nous attaquer à cet OLNI. Tally-ho !

1 : Par souci d’exhaustivité, on signalera que la sortie de Battlefleet Galactica en 1999 avait indirectement permis une mise en avant des Maraudeurs impériaux, capables de vols spatiaux. Les deux nouvelles de Gav Thorpe datent directement de cette époque héroïque.

2 : La simple inclusion de la novella ‘Medusan Wings’ de Matt Westbrook, vendue 13,99€ sur le site de la Black Library, rend l’achat de cette anthologie (11,99€ en format e-book) rentable.

3 : En fait, non. Notre homme a écrit The Trophy avant ça, mais comme la BL a le privilège d’avoir une barre de recherche très particulière, cette nouvelle n’apparaît pas lorsqu’on cherche ‘Nicholas Alexander’ sur le site. Well done guys.

On Wings of Blood

.

Medusan Wings – M. Westbrook :

INTRIGUE:

Revenu sur Medusa après avoir complété sa formation de Techmarine (trente ans d’études, tout de même1), l’Iron Hands Atraxii a à peine le temps de reprendre contact avec ses anciens camarades que l’arrivée d’un vaisseau du Mechanicus en orbite de la planète de la Gorgone entraîne le revenant dans sa première campagne en tant que Frater Astrotechnicus. L’Adepte Wyn du monde forge Halitus IV sollicite en effet l’aide de ses anciens alliés contre les déprédations d’une Waaagh ! Ork, ayant jeté son verdâtre dévolu sur la planète de l’Omnimessie. Bien que le gentleironmen’s agreement établi entre les Clans de Medusa oblige le clan Kaargul à assurer une permanence planétaire pendant encore quelque mois2 avant que la relève n’arrive, et que le Capitaine Rumann ait déjà promis le soutien de ses hommes à la Garde Impériale dans le Voile de Yandi, la requête du Mechanicus ne peut être ignorée, et Rumann permet donc à l’Iron Father Oblexus, le mentor d’Atraxii, d’emmener une petite force d’Astartes régler le problème d’infestation d’Halitus IV en attendant la quille.

Une fois arrivés sur place, et convenablement briefés grâce à une présentation PowerPoint en réalité augmentée qui n’aurait pas déplu à Morpheus dans Matrix, les Iron Hands commencent les choses sérieuses, et se déploient dans la capitale assiégée par Drop Pod et Stormraven, permettant à Atraxii de commencer sa noble carrière de chauffeur Kaptein au service de ses frères. Trois décennies de bachotage pour ça, l’inflation des diplômes est vraiment hors de contrôle en ce 41ème millénaire. Joignant leurs forces avec les défenseurs impériaux, un régiment recomposé et customisé de Vostroyens mené par le Colonel Dialina Dionaki, les Space Marines se mettent à pied d’œuvre avec leur efficacité caractéristique, lorsque le désastre les frappe brutalement. L’as des as Oblexus, pilote de chasse extraordinaire et maître du légendaire Stormtalon Stormhawk, s’est fait descendre comme un bleu par un random Dakkajet. Bien que l’Iron Father comme sa monture puissent encore être retapés, ce coup du sort force le reste de la force Iron Hands à mener une opération de dépannage en terrain hostile, qui n’est pas sans prélever la vie et la carte mère de quelques-uns de ces impavides guerriers.

La suite de la nouvelle verra Atraxii progresser dans la hiérarchie de l’Aile de Medusa à laquelle il a été rattaché, puisqu’Oblexus lui passera les clés de Stormhawk, se jugeant indigne de reprendre le volant (?) du mythique appareil après l’avoir crashé contre le mobilier urbain d’Halitus IV. La promotion n’est cependant pas facile pour notre Techmarine, qui découvrira avec stupeur que l’Esprit de la Machine du Stormraven n’est autre que Taz, soit une intelligence rudimentaire, belliqueuse et indisciplinée, à qui il devra imposer sa marque pour ne serait-ce que voler droit (ce qui est attendu de la part d’un pilote d’escadrille). Alors que les Orks se massent pour l’ultime offensive, que les valeureux efforts de la team augmétiques n’ont fait que retarder, il faudra également aux Iron Hands percer le mystère tapi au cœur d’Halitus IV, expliquant le manque total de coopération et d’assistance apporté par les Skitarii de l’Adepte Wyn à l’effort de guerre. Comme toutes les sidequests, cette mission d’assistance périphérique se verra toutefois récompensée par une relique des plus sympathiques, ici rien de moins que la braguette de guerre de Ferrus Manus, où la légendaire Carapace de Medusa, armure portée par le Primarque au moment de son tragique décès3. On peut donc dire que le jeu en valait la bougie (d’allumage, bien sûr).

AVIS:

Novella intéressante, principalement du fait de sa haute teneur en fluff Iron Hands, ce Medusan Wings permet à Matt Westbrook de réussir ses débuts dans le 41ème millénaire. Au-delà des nombreux éléments de background apportés par l’auteur aux farouches et impavides fils de Medusa, ce récit présente l’intérêt de décrire de manière plausible et efficace une campagne « limitée » menée par l’Adeptus Astartes, ce qui, à l’époque du déploiement de demi-Compagnies et autres forces de frappe Gladius, fait tout à fait sens. Largués sur une zone de guerre mettant aux prises des dizaines de milliers d’Orks (au bas mot) et de Gardes Impériaux, Oblexus, Atraxii et (quart de) Cie sont trop peu nombreux pour engager l’ennemi de manière conventionnelle, et doivent donc s’en remettre à des tactiques de frappes éclair et redéploiements rapides dans lesquelles ils excellent, mais qui ne sont pas sans danger pour autant. La campagne d’Halitus IV permet donc de remettre le Space Marines (pas forcément Primaris d’ailleurs) sur son piédestal de super soldat du lointain futur, ce qui est toujours utile au vu de la tendance à l’hyperbole des auteurs de la Black Library.

Si on veut aller plus loin dans l’analyse en matière de combats aériens, qui constituent la raison principale de l’inclusion de cette nouvelle dans le recueil On Wings of Blood, on peut reconnaître à Westbrook une capacité certaine à mettre en scène ces affrontements brutaux, létaux et ultra-rapides, les difficultés de cohabitation entre Atraxii et Stormhawk dans la deuxième moitié de l’histoire ajoutant un peu de sel à des séquences qui auraient sans cela été assez répétitives. Je regrette simplement que l’auteur n’ait pas choisi de creuser davantage la personnalité de l’as Ork prenant un malin plaisir à mettre du plomb dans l’Aile de Medusa, ce qui aurait permis d’ajouter un peu de tension narrative aux combats livrés par les Iron Hands à l’incommensurable armada Xenos. Bref, un bon début pour qui lit On Wings of Blood, et un solide stand alone pour les autres. Pouce de fer vert (de gris, du coup).

1 : C’est peut-être dû aux troubles de l’attention dont souffre manifestement notre héros, qui a du mal à rester concentré sur de longues périodes de temps, et ressent toujours des émotions telles que la fierté ou la joie. Honteux.

2 : Ce qui consiste principalement à tenir le guichet d’un musée de Ferrus Manus (qui abrite notamment le crâne du Primarque) et à envoyer un représentant siéger au Conseil de Fer, où il tient compagnie au trio de Techno-Prêtres placardisés par leur hiérarchie, qui représentent l’Omnimessie auprès des descendants de la Xème Légion depuis la création de l’institution. Bref, c’est pépouze.

: Je ne dis pas que Ferrus Manus ne portait qu’une braguette d’adamantium au moment de son duel avec Fulgrim, je fais simplement remarquer qu’une armure qui ne protège pas son porteur de la décapitation a sans doute quelques problèmes de design…2 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

.

Acceptable Losses – G. Thorpe :

40K_Acceptable LossesINTRIGUE:

Nommé à la tête du tristement célèbre escadron de Maraudeurs Raptor, le commandant Jaeger a l’occasion de prouver la valeur de ses hommes au cours d’une mission aussi vitale que périlleuse : la destruction des réacteurs d’un Space Hulk grouillant d’orks. Livrés à eux-mêmes dans l’immensité hostile de l’espace, les Raptors se rendront rapidement compte qu’il n’y a pas d’ennemi plus mortel que l’ami dans lequel on a placé (à tort) sa confiance.

AVIS:

Après les Nains et les Hauts Elfes, Battlefleet Gothic est l’une des lubies du bon Gav Thorpe, qui ne manque jamais une occasion de mettre en scène une petite bataille spatiale dans ses écrits futuristes. Sachant qu’Into the Maelstrom (et donc Acceptable Losses, par la même occasion) a été publié en 1999, soit l’année de sortie du livre de règles BFG, il était inévitable que cette nouvelle fasse la part belle à des héros maîtrisant l’art subtil de la guerre dans l’espace.

Cette nouvelle conséquente (33 pages, ce qui en fait la plus longue du recueil) se divise ainsi en deux parties distinctes. La première (un tiers) voit Jaeger et ses hommes faire connaissance, les premières impressions mitigées faisant rapidement place à une véritable camaraderie entre un commandant sévère-mais-humain et des équipages indisciplinés-mais-courageux-et-loyaux (et l’Oscar du meilleur scénario original est attribué à…). Thorpe sait qu’il doit en passer par là pour que la suite de son récit tienne la route et s’exécute de bonne grâce, son style passe-partout lui permettant d’expédier cette introduction sans trop lasser le lecteur (en partie grâce à la partie « contes et légendes de l’Imperium »).

La deuxième partie (deux tiers) est une description minutieuse de la mission plus ou moins suicide de l’escadron Raptor, sur lequel s’acharne bien entendu un sort contraire : escorte de Thunderbolts retirée au dernier moment, Rok en maraude à négocier en solo, rencontre inopinée avec une escadrille de chassa-bombas, cible protégée par une hénôrme batterie de lance-plasma… autant de petits riens qui font que la vie d’un pilote de Maraudeur vaut d’être vécue (et se termine de manière prématurée). Fort de son expertise dans le sujet, Thorpe réussit à faire de ce compte rendu une expérience plaisante, tant par son originalité que par son enthousiasme perceptible pour cette forme de combat, dont les règles diffèrent considérablement de la classique bataille rangée de fantassins et de véhicules à laquelle l’amateur de 40K a droit d’habitude.

Bon, ça reste du Thorpe, et du Thorpe « primitif » qui plus est, ce qui signifie que l’histoire en elle-même ne vole pas beaucoup plus haut qu’un plongeur de la mort ayant fait un six sur son jet d’incident de tir (ouais, j’ai pas peur des mélanges). En même temps, difficile de révolutionner l’art de la nouvelle de science-fiction avec un pitch aussi ingrat qu’une bataille spatiale vue depuis l’intérieur d’un cockpit de Maraudeur. On a donc le droit à une triple dose d’héroïsme désintéressé et de sacrifice pour la bonne cause, généreusement saupoudrés de « bon sang, c’était moins une »1 et de « mais où est notre écran de chasseurs ? » : une fois de temps en temps, pourquoi pas.

Bref, Thorpe réussit assez bien son coup avec Acceptable Losses, un de ses meilleurs courts formats pour la BL à date, et fait mieux que tenir la comparaison avec beaucoup des nouvelles plus récentes intégrées à On Wings of Blood.

1 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

.

Sturmhex – E. J. Davies :

SturmhexINTRIGUE:

Sur le monde pas franchement riant de Sturmhex Prime, le Seigneur de la Peste Rugo organise un projet W (comme Warp) sans avoir pris soin d’alerter les voisins en postant des affichettes dans le hall d’entrée et les ascenseurs. Rude. Excédés par la nuisance sonore (7 jours ininterrompus de – Plague – drone music, ça vient à bout des meilleures intentions) et sans doute olfactive causée par ces kékés de Lords of Decay, les braves Sturmhexois ont fini par appeler la police, qui leur a envoyé rien de moins que la brigade montée, dont les membres se nomment les Chevals Aigris. Oui, on dit Chevaux, je sais. Rencardés par un indic’ bien irrigué, les psykers démonifuges ont opté pour un déploiement en force, et dépêchés la 1ère Confrérie, menée par le Frère-Capitaine Pelenas dans son ensemble mettre fin aux festivités. Affecté au transport du peloton d’intervention, le Techmarine Aegir pilote un Stormraven chargé jusqu’au bec de paladins en palladium jusqu’à la ZAP (Zone À Purger), profitant de l’égrégore – sorte de Messenger psychique reliant tous les Chevaliers Gris entre eux – pour tailler le bout de gras avec ses collègues chauffeurs sur la route.

Une fois sur place, après avoir expertement évité les poubelles renversées par ces punks de Plague Marines, les Grey Knights doivent toutefois se rendre à l’évidence : ils sont arrivés trop tard pour empêcher Rugo et ses groupies d’invoquer… Germaine de Monstres et Cie. Bon, ok, c’est en fait un Prince Démon du nom d’Anahk’hir qui a fait son apparition dans la surboom des Lords of Decay, et il a une grosse dent (sûrement une molaire) envers le Grand Maître Vardan Kai (appelez Loup Solitaire !), qui l’a envoyé dans le Warp voir s’il y était il y a de cela quelques temps1. Manque de pot, et sûrement de peau, pour notre limace de choc, Vardan n’a pas daigné se joindre aux réjouissances, et c’est Pelenas qui emmène ses frères castagner du cultiste, de l’Astartraître et du démon dans l’ordre et la discipline. Ayant déchargé sa cargaison chromée, Aegir met les warnings et volète de droite et de gauche dans la caverne squattée par les chaotiques en dégommant de la grosse mouche et du piéton hérétique, jusqu’à ce qu’une nichée de Helldrakes vienne lui voler dans les plumes et lui souffler dans les bronches. Traumatisé par la disparition soudaine de quelques-uns de ses comparses (réellement traumatisé hein, il n’arrive même plus à bouger le petit doigt), Aegir se retrouve en bien mauvaise posture, mais son… passage vers le côté obscur de la Force lui donnera la motivation nécessaire pour sortir de son apathie (assez dangereuse quand on pilote un aéronef), et une idée géniale(ment cartoonesque) pour venir à bout des dragons métalliques.

Sur le plancher des bêtes de Nurgle, la mêlée générale tourne lentement mais sûrement en faveur des séides du Grand-Père, malgré l’énergie avec laquelle les Maurice Chevaliers Gris enchaînent leurs tubes et récitent leurs cantiques. Déçu par le lapin que lui a posé Kai, Anahk’hir se console comme il peut en défouraillant les Grey Knights, se rapprochant assez près pour que le Grand Maître, qui s’était déguisé en planton de base pour… des raisons qui continuent à m’échapper (puisque lui et le démon voulaient tous deux en venir aux mains depuis le début), tombe le masque et engage le gastéropode démoniaque au corps à corps. D’abord confiant dans l’issue du combat du fait de la connaissance du nom véritable de son adversaire, aimablement transmis par l’Inquisiteur Quixos, Vardan Kai doit rapidement déchanter (un comble), le tuyau s’avérant passablement percé2. Sa tentative de Spirit Hate Bomb ne donnant rien non plus, le Gland Maître doit se résoudre à utiliser le pokécube que Quiqui lui a remis au cas où, avec des résultats plus probants (il faut dire qu’Anahk’hir venait de se prendre le Stormraven d’Aegir dans le coin du pneumostone, le laissant à pile 1PV), même s’il en coûte à notre intègre Astartes d’emprisonner le démon au lieu de le bannir. Cela ne l’empêche pas d’aller apporter sa prise à son commanditaire une fois la bataille terminée (et dans le confort de ses tongs et peignoir), tandis qu’Aegir, rescapé de sa collision avec la faune sauvage, commence sa convalescence à l’infirmerie quelques étages plus bas. On apprendra en conclusion de la nouvelle que l’Inquisiteur Quixos fut excommunié pour errements radicaux quelques années plus tard, laissant planer un vieux doute et une sale odeur sur toute l’opération. Ça nous fait une belle jambe me direz-vous. Je suis bien d’accord avec vous, amis lecteurs.

AVIS:

Cette première soumission d’E. J. Davies, pour distrayante qu’elle soit, s’avère l’être majoritairement à l’insu de son plein gré, ce qui n’est pas un début que je souhaite aux nouveaux contributeurs de la Black Library. Présentant des lacunes, ou à tout le moins, des zones d’ombres, à tout niveau, depuis la simple péripétie mal négociée jusqu’à la révélation à fort impact sur l’intrigue qui tombe à plat par manque de clarté, Sturmhex ne s’avère même pas particulièrement intéressant en matière de combats aériens, l’affrontement entre Stormravens et Helldrakes n’étant pas spécialement détaillé (en tout cas, pas plus que la baston au sol qui se déroule au même moment), et sa conclusion clownesque venant faire partir les ambitions littéraires de Davies en piqué. Dommage pour l’un des inédits d’On Wings of Blood, dont on aurait pu attendre une forte valeur ajoutée à ce titre. Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

1 : Ce qui sous-entend soit une longévité exceptionnelle de la part du Grand Maître, soit l’existence de coupe-files pour les démons envoyés au coin, soit une mauvaise relecture de la part de l’auteur.

2 : Il aurait dû se méfier aussi. Un démon qui s’appelle Anahk’hir Terrigassimal Yarnick (Jadot), ça ne fait pas très sérieux.

.

Wraithbound – J. C. Stearns :

INTRIGUE:

Mobilisé avec la levée de Lugganath, complétée pour l’occasion par les troupes des seigneurs Corsaires Eidaear et Isbeil, le Crimson Hunter Seoci patiente en double file sur le périph’ de la Toile, l’Autarque menant l’armée Eldar ayant sans doute égaré sa carte bleue au moment de payer le péage. Accompagné de ses collègues de Temple, le novice Padruic – ayant récemment abandonné ses activités de proctologue1 pour devenir pilote de Mirage – et l’Exarque Lioda, notre héros n’a heureusement pas à se tourner les pouces très longtemps, et le portail menant sur – insert random planet name – s’ouvre, permettant aux Chasseurs sachant chasser sans chiens de débarquer à toute berzingue dans une cité ruche récemment envahie par les hordes du Big Mek Gorkog Chrometeef. Alors que les Eldars commencent un prompt carnage des peaux vertes très surpris de cette intrusion à l’improviste de leur espace de vie, nous apprenons que l’assaut du Vaisseau Monde constitue une frappe préemptive contre le par trop prometteur Chrometeef, qui finirait par s’attirer les foudres xénophobes indiscriminées de l’Imperium à force de sanglants massacres, scénario dans lequel Lugganath ne pourrait échapper à la destruction. Violence étant mère de sûreté, les Zoneilles se la jouent donc Terminator (d’assaut) et se lancent à la recherche de Sarah Connork pour s’assurer de lendemains qui chantent. Logique implacable.

Alors que les Crimson Hunters assurent les arrières dessus de leurs petits copains, Seoci a la surprise de croiser son ex, Ailios, dans les cieux de – 404 : planet name not found – ce qui lui provoque une montée de mélancol-èr-ie (masque tout vénère de Khaine oblige), et lui fait se souvenir du temps de leur rencontre, lorsqu’il était encore un poète anarcho-communiste et Ailios femme de chambre à l’Ibis Budget de Lugganath2. Aaah, folle jeunesse… Séparés par les hasards de la vie et les caprices des tout puissants conseillers d’orientation professionnelle Aeldari, nos tourtereaux se retrouvent donc quelques siècles plus tard, ce qui permet à Seoci de réaliser que sa dulcinée est devenue medium en EHPAD, ou quelque chose comme ça. Chargée d’encadrer les âmes des pilotes des Hemlock lors de leurs excursions culturelles, Ailios ne semble pas être contre prendre une tisane à la fin de la bataille, mais le flux des combats sépare rapidement les anciens amants. Assaillis par une nuée de Dakkajets, les Hunters perdent rapidement l’un des leurs (ce bon à rien de Padruic), ce qui rend Lioda d’humeur massacrante. Pour ne rien arranger, Chrometeef choisit ce moment pour mettre en marche les milliers de moteurs anti-gravitiques (ou les millions de ventilateurs, ce serait marrant) qu’il a fait installer sous la cité envahie, qui commence à s’élever dans les airs dans le plus grands des calmes, et se révèle être un terror ship bourré de chasseurs Orks.

Seul survivant de son escadre après que sa sanguine Exarque soit tombé dans le piège tendu par des Orks brutaux mais rusés, Seoci mène la charge jusqu’au cœur du château dans le ciel, et parvient à faire suffisamment de dégâts aux centrales énergétiques qui alimentent la répulsion urbaine pour que la ZUS de Chrometeef regagne le plancher des squigs, et plutôt plus rapidement que ce que son constructeur ne le souhaiterait. Tragiquement, Seoci ne vivra pas pour raconter l’histoire, comme on le dit chez les glaouiches, son biplan étant pris dans une explosion plasmique alors qu’il se frayait un chemin vers le bercail. Ayant oublié de boucler sa ceinture de sécurité, le pré-retraité (il s’était juré de tomber le masque pour de bon après ce dernier tour de piste) finit polytraumatisé dans son cockpit, et se console en songeant que son concassage fatal lui permettra sans doute de passer plus de temps avec sa sorrowrose. Un crash pour un crush, c’est pas si pire au final.

AVIS:

Débuts sérieux, même si un peu trop scolaires, de la part de J. C. Stearns, dont l’amour pour les Eldars ne s’est pas démenti à ce jour. En prenant soin de dépeindre une opération Eldar typique, tant dans sa forme (attaque soudaine par une force aussi mortelle que mobile) que dans son objectif (supprimer une cible de façon préventive, afin d’empêcher la réalisation d’une funeste prophétie), l’auteur démontre sa bonne compréhension des fondements du background de 40K. Même constat sur le plan purement narratif, sur lequel Stearns boucle la boucle en condamnant son héros, que le destin des co-pilotes des Hemlock Wraithfighters horrifie au plus haut point, à devenir l’un d’eux après son accident. Cette conclusion cruelle, mais attendue, s’inscrit tout à fait dans l’ambiance générale de la littérature BL, où, comme le disait Chirac (hommage !), les emmerdes volent en escadrilles, même – surtout ? – pour les pilotes de chasse. Si ces éléments positifs préfigurent un potentiel certain, on pourra regretter l’intrusion mal négociée du passif amoureux entre Seoci et Ailios dans l’intrigue, que Stearns traite à demi-mots et qui ne fait donc pas vraiment pas sens pour le lecteur, jusqu’aux dernières lignes de la nouvelle, où l’intérêt scénaristique de cette idylle est enfin révélé. Bref, une œuvre de jeunesse, prometteuse et perfectible, et en tout cas parfaitement lisible.

1 : La nouvelle dit qu’il suivait jusque-là la Voie du Soigneur, so why not. 

: La nouvelle dit qu’elle suivait la Voie du Service, donc vous ne pouvez pas me prouver que j’ai tort.

..

In Service Eternal – M. Smith :

INTRIGUE:

Sur la planète minière autant que gazeuse d’Antropia, la vie suit son train-train quotidien. Il serait cependant plus juste de parler d’avion-avion, ce monde industriel contribuant à l’effort de guerre de l’Imperium en produisant des aéroplanes de combat pour la Garde Impériale, en particulier des Valkyries et des Vendettas, qui sont testés dans l’atmosphère chargée d’Antropia par un régiment de vétérans rangés des hélicoptères, avant d’être expédiés sur le front. Tout pourrait aller aussi raisonnablement que possible dans la dystopie fachisante et bigote dans laquelle il eu l’heur de naître, pour notre héros, le Commandant Arden Graves, en mission de routine en compagnie de quelques uns de ses hommes, lorsque leurs exercices de dégommage de cibles sont interrompus par le Magos Dominus Omicron-231, que son statut de dirigeant de la plus grande cité flottante de la planète, Gamma One, désigne comme le gouverneur de facto d’Antropia. Bref, pas question de le mettre sur répondeur.

MagDo vient de s’apercevoir de la disparition SMS (soudaine, massive et surprise) d’une cohorte de serviteurs miniers, chargés d’exploiter le riche sous-sol de la planète, et envoie donc les pioupious de Graves sur zone pour tenter de tirer les choses au clair1. Rendus sur place, les pilotes du 41ème AATD ne constatent rien de suspect, et s’apprêtent à faire demi-tour, quant une pluie de membres et d’organes s’abat brutalement sur leurs cockpits. Chose étrange, ces précipitations d’un genre particulier, qui s’avèrent être constituées des pièces détachées arrachées des serviteurs disparus, « tombent vers le haut », comme le fait remarquer l’observateur Caporal Ryker Ness, co-pilote de Graves, dont les savantes supputations sont interrompues par l’arrivée d’une escadrille de chasseurs au bellicisme aussi croissant que la forme. Pris au dépourvu et dans un feu croisé meurtrier, les appareils impériaux doivent bientôt battre en retraite, malgré les savantes formations que Graves leur fait prendre (Gryphonne Aquila Two, Gryphonne Omega Five, Sky Wolf, Alpha Two… j’en passe et des pas piqués des vers). Poursuivis par leurs mystérieux assaillants, Graves et ses survivants ont toutefois la joie d’être rejoints par l’intégralité de la flotte de Gamma One2, gracieusement mise à disposition par Omicron pour contrer la menace croissante que représente l’armada Necrontyr qui vient de décoller de son tombeau, sans doute réveillée par le tapage des foreuses impériales.

La bataille qui s’engage, si elle fera date par la taille des forces en présence, s’avère toutefois assez déséquilibrée, les impériaux se faisant dégommer avec une déprimante constante par les agiles chasseurs Xenos, la technologie Necron s’avérant par trop avancée pour que la bravoure indéniable des humains fasse une grande différence. Même l’emploi de mesures aussi radicales que le tir d’un barrage de missiles Deathstrike sur le vaisseau amiral des hommes de fer, une monstruosité aussi grande que Gamma One au cœur de laquelle brille un cristal vert de 14367I834 carats, ne donne que de piteux résultats. Graves, réalisant que l’heure l’était, tente de son côté le tout pour le tout avec les formations Pied de Poule au Pot et Corgi Alcoolique Zoulou, sans guère plus de succès. Bien que les autres cités flottantes d’Antropia soient en approche pour secourir Gamma One, la vitesse à laquelle cette dernière perd ses défenseurs laisse à penser qu’une fin tragique attend la capitale planétaire dans les plus courts délais, et sa perforation soudaine par un tir giga-laser du vaisseau mère Necron ne vient qu’appuyer cette prédiction pessimiste. Les Xenos ont cependant sous-estimé la mesquinerie morbide de leurs adversaires, qui parviennent à envoyer une deuxième salve de Deathstrikes, cette fois-ci en direction de la macro-émeraude ennemie, qu’Omicron-231 suppute être la source énergétique des assaillants. Seul petit problème, son système de visée a été endommagé par le coup fourré des Necrons, et il ne peut que verrouiller les missiles sur le vaisseau de ce brave Graves, qui accepte de mener une mission suicide avec les derniers pilotes impériaux de Gamma One pour guider les obus jusqu’à bon port. La suite et la fin de la nouvelle sont une adaptation assez fidèle du grand finale de Russell Casse dans Independence Day, soit un grand bol d’héroïsme désintéressé et suicidaire, permettant aux gentils organiques d’arracher une égalité, les deux porte-avions finissant à la casse à quelques minutes d’intervalle. Pas de chance pour Antropia, on apprend finalement que les Orks sont sur le point de débarquer. À quoi cela sert-il dans l’intrigue, me demanderez-vous ? Eh bien, je n’en ai aucune espèce d’idée. N’allez juste pas en vacances sur Antropia les enfants, cette planète a l’air bien mal fréquentée…

AVIS:

Après des débuts assez prometteurs, In Service Eternal sombre malheureusement dans le conformisme BLesque le plus navrant, ce qui traduit fatalement, au vu des standards de la maison, par une bonne grosse bataille bien bourrine. La seule surprise qui attend le lecteur, dont on pourra excuser les quelques bâillements étouffés à partir de ce moment, consistera dans le rapport de force déséquilibré décrit par Smith, qui fait tomber ses impériaux comme des mouches. Si ce parti pris peut se comprendre d’un point de vue littéraire, il s’agit d’un contre-pied tellement marqué par rapport aux autres nouvelles du recueil On Wings of Blood, où les protagonistes (et leurs appareils, que GW a bien envie de vous faire acheter de façon subliminale) s’en sortent généralement très bien face à leurs ennemis, que je ne pouvais pas ne pas le mentionner. Si vous êtes un joueur de la Garde Impériale, pas sûr que la lecture de In Service Eternal vous convainque de commander un trio de Valkyries (ou même un lanceur de missile Deathstrike, si on y réfléchit), que Smith présente comme étant tout juste bon à servir de poisson pilote pour une fusée à tête chercheuse passablement myope. Voilà, c’est à peu près tout ce que j’ai à dire sur cette nouvelle, ce qui vous donnera une bonne idée de l’appréciation que j’en ai. Attention, éditeurs de la Black Library : si l’abus de désabusement (?) n’est certes pas dangereux pour la santé, il peut conduire même les natures les plus enthousiastes à se lasser de la soupe littéraire qu’on leur sert.

: Ou au moins au marron dessaturé, si l’atmosphère d’Antropia sert de base.

2 : C’est l’avantage d’être affecté sur un monde qui produit des avions de chasse. Ca aurait été des ventouses à toilette, ils n’auraient pas fait les malins longtemps.

.

Stormseeker – A. Worley :

INTRIGUE:

Rattaché à une expédition punitive menée par les Deathwolves envers une cabale de pillards Drukhari, le Prêtre de Fer Anvarr Rustmane se retrouve contraint et forcé de participer à une frappe éclair contre les insaisissables Xenos à la surface du monde désolé et désolant de Vityris, où ces derniers ont capturé les résidents d’une station de recherche. Piégés sur place par les manigances d’une faction rivale, les Drukhari constituent une cible rêvée pour les Space Wolves avides de revanche, à condition que ces derniers ne traînent pas en route. Cette fenêtre de tir réduite ne fait cependant pas le bonheur de Rustmane, dont la récente communion avec l’Esprit de la Machine de son Stormwolf lui a appris que ce dernier ne se contenterait plus de la pelisse puante et pleine de vermine qui lui servait jusqu’à présent de pare-givre. N’ayant pas pu trouver de relique convenable pour apaiser ce caprice imprévu, le Prêtre de Fer doit donc braver le déplaisir de sa monture et emmener sa cargaison de Griffes Sanglantes chanteurs jusqu’à la surface de Vityris, quoi qu’il en coûte.

La mission de notre héros se voit davantage compliquée par l’arrivée soudaine sur les lieux de l’empoignade d’un trio de Razorwings, mené par la sœur de l’Archonte en rade, forçant Rustmane à mener sa propre escadrille de Stormwolfs et Stormfangs à l’assaut des invités surprises. Jongler entre le déplaisir de son vaisseau, les appels en absence du Garde Loup Skaldr Frostbiter, en charge de la mission1, et les intentions meurtrières des Tom-Tom et Nana Drukhari ne sera pas une partie de plaisir, mais Rustie a suffisamment de bouteille et de bouteilles (boire ou conduire, pourquoi choisir ?) pour mener à bien cette mission…

AVIS:

Drôle de soumission de la part d’Alec Worley, qui prend avec Stormseeker le contrepied d’un certain nombre d’éléments établis du fluff, pour un résultat qui, s’il ne peut pas être qualifié de désagréable, et se révèle même être assez distrayant par son parti pris assez léger, ne s’inscrit pas vraiment dans l’atmosphère générale du 41ème millénaire. Personnage haut en couleurs, Anvarr Rustmane n’est pas le moindre des éléments perturbateurs de cette histoire, sa tendance à l’alcoolisme et à l’accumulation compulsive de reliques plus ou moins ragoutantes, tranchant fortement avec l’image classique du Techmarine tel que le lecteur se le représente. Accompagné de son loup mécanique Cogfang (disposant de l’option « tonnelet de mjod intégré », en bon Saint Bernard grimdark), Rustmane ne se départit jamais de sa bonne humeur, mis à part lorsque les Griffes Sanglantes qu’il transporte dans son Stormclaw se mettent à chanter un peu trop fort, ce qui ne doit pas arranger sa gueule de bois fer persistante. Cette approche décomplexée de la guerre est émulée par Frostbite, jamais avare en petites blagues alors même qu’il emmène ses guerriers au front2, tandis que de l’autre côté du champ de bataille, le véritable amour fraternel qui semble unir Iruthyr et Izabella Xynariis est assez surprenant de la part de ressortissants de Commoragh.

Difficile d’en vouloir à Worley cela dit, quand on considère ce que la Black Library lui a demandé, c’est à dire une nouvelle dithyrambique sur les Stormwolf et Stormfang, probablement les aéronefs 1) les moins aérodynamiques de la gamme 40K, et 2) équipés de l’arme la plus cartoonesque de l’arsenal impérial (je veux bien sûr parler du mirifique canon Helfrost, tout droit tiré du Batman & Robin de 1997). C’est dans ce genre de situation que l’on comprend mieux pourquoi on parle de l’humour comme la politesse du désespoir…

1 : Harald a dû emmener Icetooth chez le vétérinaire pour lui tailler les griffes.

2 : D’ailleurs, sa harangue héroïque se trouvera brutalement interrompue par une fléchette empoisonnée Drukhari en pleine gorge, sans autre effet indésirable qu’une sévère crise d’épilepsie et une blessure mortelle de son amour-propre. Pour citer le sage Tuco : « When you have to shoot, shoot. Don’t talk ».

.

The Emperor’s Grace – N. Alexander :

INTRIGUE:

First day on the job pour les jeunes diplômés du 1167ème régiment de Vordrost, chargé par le haut commandement impérial de mener un raid audacieux contre une position capturée par les Orks sur la planète de Balle Prime. Menés par leur irascible et acnéique commandant Mikal, l’équipage du Maraudeur EMGR2243, plus élégamment appelé Emperor’s Grace, termine ses préparatifs de mission dans une ambiance studieuse. Leur objectif consister à bombarder la capitale planétaire, tombée entre les griffes des peaux vertes de la Waaagh ! Ugskraga, et d’abattre en sus une tour, aux proportions aussi gigantesques que sa fonction est mal définie, dans l’espoir de gagner la bouteille d’amasec millésimée mise en jeu par le commandant d’escadre Aaron Ryll. Les new kids on the tarmac se nomment Bernd Hawlek (bombardier affable), Aleksander Jeronim (navigateur rachitique), Artur Dudak (canonnier laser), Maciej Krol (beau gosse de tourelle) et Fyodor Jaworski (bolteriste lourdingue), et ils ont à cœur de prouver qu’ils méritent leur place dans les glorieuses armées de l’Empereur.

Bien évidemment, la mission ne se passera pas tout à fait comme prévue (encore que, l’arrivée d’une horde de Dakkajets Orks à mi-chemin de l’objectif ne constitue pas vraiment une surprise), et les aléas de la guerre mettront à rude épreuve l’Emperor’s Grace et son crew, qui, bien qu’il puisse légitimement revendiquer l’honneur d’avoir retiré le jenga ayant fait s’écrouler la tour Xenos, paiera assez chèrement son exploit retentissant, tant au niveau physique (Krol perd la tête et Bernd est écœuré), que mental (Aleksander fait une crise de panique et Dudak tombe en syncope d’avoir frôlé la tour Ork de si près) et mécanique (l’Emperor’s Grace finit la nouvelle comme un avion -presque – sans aile, sans doute en hommage à Charlélie Couture). Malgré ces multiples coups du sort, l’imperturbable Mikal parvient à ramener son coucou au nid, ce qui… n’est déjà pas mal j’imagine. Car oui, la conclusion de The Emperor’s Grace est assez particulière dans son genre, platitude paroxysmique (et un oxymore, un !) qui laissera sans doute le lecteur songeur quant au but recherché par Alexander1 d’un point de vue littéraire. Mais je vous laisse seuls juges.

AVIS:

Hommage à l’antique Acceptable Losses (et de l’ancien Wings of Bone, tous deux inclus dans le recueil On Wings of Blood) avec lequel il partage 90% de son intrigue, The Emperor’s Grace s’avère être un succédané assez fade de la nouvelle de Thorpe, qui avait bénéficié de la maîtrise du Gav en matière de « logistique aéronautique » et de son inspiration assez sympathique en matière de contes et légendes impériaux. Sans vraiment démériter, Alexander peine à convaincre avec son raid de Maraudeurs, se voulant sans doute être une exploration de la psyché humaine lors d’un huis clos stressant et mortifère, mais ne s’avérant être qu’un enchaînement de péripéties aériennes assez peu prenantes. Ne parvenant ni à intéresser au sort de ses héros, ni à surprendre le lecteur par un retournement de situation bien pensé, et pêchant par manque de clarté tant au début (à quoi sert cette tour ?) qu’à la fin (que faut-il comprendre de cette conclusion ?) de son propos, l’auteur nous sert l’archétype de la nouvelle BL « industrielle », porridge littéraire dans lequel flottent quelques morceaux de grimdark atrophiés. En cela, il s’agit presque d’une mise en abyme intéressante du 41ème millénaire, ère aussi morbide que désincarnée, et nul doute que si les geeks du lointain futur lisent de la pulp fiction agréée par l’Adeptus Terra, elle doit ressembler à ça. Pas sûr que ça suffise à réhabiliter The Emperor’s Grace, ceci dit.

: Qui s’est peut-être amusé à se mettre en scène dans sa propre nouvelle, au vu de la quasi-homonymie entre son patronyme et celui du navigateur de l’Emperor’s Grace. Au moins, et comme dans la chanson de Jean-Pierre François, il s’est survécu (même s’il est dans un sale état).

.

Wraithflight – G. Haley :

INTRIGUE:

Heureuse et avancée race que celle des Eldars, qui a perfectionné le concept de télétravail jusqu’à aller à la guerre depuis le confort de son lit. Prenons l’exemple de la spiritseer Iyanna Arienal, du Vaisseau Monde d’Iyanden. Eh bien, notre héroïne s’en va décimer des essaims de Tyranides les pieds devant et les yeux fermés, ce qu’on appelle chasser le (Grand) Dragon dans la terminologie eldar. Engagés à leur corps défendant dans la campagne de Cryptus aux côtés des grossiers Mon’keigh de l’Imperium, les Iyandeni participent à l’effort de guerre xenocide à leur manière, et mettent à profit leur maîtrise de la nécromoellie pour s’opposer à l’insatiable appétit de la flotte ruche Leviathan. À bord de l’Ynnead’s Herald, Iyanna et ses collègues de canapé dirigent mentalement les escadrilles de Hemlocks du Vaisseau Monde alors que le reste de la flotte se tient prudemment hors de portée de l’ombre dans le Warp. Leur but est de désemparer l’assaut massif, mais indiscriminé du Dragon Affamé (le petit nom Eldar de Leviathan) en mettant hors de combat les vaisseaux synapses de la vrille, tactique bien plus ingénieuse que la simple défense de zone mise en place par l’armada impériale du Commandant Hortense, chargé de la sauvegarde de la planète Krokengard, que l’Esprit de la Ruche convoite (c’est normal, ça commence comme « croquette »).

Ayant accepté l’offre d’alliance désespérée soumise par son vis à vis humain, malgré le dégoût que ce dernier lui inspire, l’Angèle dit-Hiandenne entame son masterclass de micro-gestion, dirigeant ses chasseurs et bombardiers lobotomisés avec toute la maîtrise d’un joueur professionnel de Starcraft coréen, pour des résultats probants. Cerise sur le gâteau, ses pouvoirs de prescience psychique lui permettent d’admirer la vue peu banale que présente la conscience collective de la race Tyranide, qui ressemble réellement à un Dragon, mais d’une taille proprement monstrueuse (la galaxie a littéralement la taille d’une assiette par rapport à son gabarit, ce qui doit être un peu flippant tout de même). Tout va donc pour le mieux dans le meilleur seul des univers, et la team Zoneille se prépare déjà à fêter la victoire, et l’inévitable trahison de ses « alliés » – Iyanden ayant envoyé un Fireheart en recommandé à la surface de Krokengard en application rigoureuse et littérale de la tactique de la Terre brûlée1 – en faisant des faisant des folies comme, au hasard, commander des pizzas à domicile (l’important étant de ne surtout pas se lever) lorsque soudain, la catastrophe frappe. Peu satisfait de la tournure prise par les évènements, le Grand Dragon en personne adresse un regard louuuuuuurd de reproches à Iyanna et ses sous-fifres, ce qui a des effets délétères sur cette bande de fragiles. L’expérience n’est toutefois pas létale pour les couch potatoes du 41ème millénaire (enfin, par pour tous en tout cas), et lorsqu’Angèle sort de son coma spirituel, elle prend la décision de reprendre le combat au côté de ce brave Hortense, qu’elle comptait auparavant laisser tomber comme une vieille chaussette. Bien sûr, cela ne changera rien au fait qu’elle ait carbonisé sa planète pour des raisons nébuleuses, mais je suis sûr qu’un beau mail d’excuses règlera le problème de façon satisfaisante. 1 de perdue, 999.999 de préservées… pour le moment.

AVIS:

On l’aurait presque oublié avec l’avènement du Dark Imperium, mais avant le retour de Guilliman, il se passait déjà des choses au niveau du fluff du 41ème millénaire, et les publications centrées sur la campagne Shield of Baal valent leur pesant de cacahouètes à ce niveau. Le Wraithflight de Guy Haley nous livre le récit de l’affrontement spatial en orbite de Krokengard, qui, s’il n’a pas eu l’envergure ni l’enjeu de la bataille de Dûriel, reste toutefois intéressant pour l’amateur. L’auteur livre une copie sérieuse et inspirée, qui permet de mettre en regard les approches de la guerre spatiale de trois factions majeures de Warhammer 40.000 : tandis que l’Imperium (pas vraiment à la fête dans cette nouvelle il faut le reconnaître) cherche à tenir la ligne grâce à sa discipline et sa puissance de feu phénoménale, les Eldars la jouent plus fine et frappent depuis les ombres les vaisseaux cruciaux de l’ennemi dans le but de désorganiser sa chaîne de commandement. En face, les Tyranides font jouer leur écrasante supériorité numérique, mais sans pour autant agir comme des organismes décérébrés. On peut d’ailleurs mettre au crédit de Haley la vision « draconique » qu’il fait de l’Esprit de la Ruche, incarnation intéressante et terrifiante d’un ennemi jusque-là trop désincarné pour que le lecteur le prenne en compte. Imaginez-vous l’œil de Sauron élevé à la puissance yotta et vous aurez une petite idée de ce qui attend sur le palier galactique, et comprendrez sans mal qu’attirer son attention n’est certes pas conseillé. Si l’intrigue de Wraithflight ne brille pas par sa complexité, ni ses personnages par leur intérêt, la lecture de ce petit bout de Shield of Baal n’est pas désagréable, et ce même sans avoir lu ce qui vient avant ni compter lire ce qui vient après. Un teaser (se) satisfaisant (à lui-même) donc.

1 : Comme le dit l’Esprit de la Ruche : « Je me suis encore fait braiser ! »

.

Doom Flight – C. Scott :

INTRIGUE:

Sur la planète industrielle de Quadcana, les dieux de la guerre ne favorisent pas les défenseurs impériaux, bien malmenés par les assauts de la Waaagh ! Ork qui a décidé de faire sienne les vastes complexes de production d’armes locaux. Envoyés à la rescousse des forces de défense planétaires, le Sergent Kerikus et ses confrères de la 7ème Compagnie des Doom Eagles ne peuvent pas revendiquer d’avoir fait une grosse différence dans le déroulement de la campagne, leur tentative d’assaut aérien sur la capitale locale, très originalement nommée Quadcana Prime, s’étant soldée par une déroute à peu près complète, ne laissant que notre inflexible héros représenter l’Astartes auprès des peaux vertes. Nullement découragé par ce tour du destin, Kerikus, qui, s’il n’est pas grand, est vaillant, grappille des points faciles à prendre çà et là, son Stormtalon répandant la mort parmi les véhicules et piétons Orks, au prix d’acrobaties que l’on pourrait poliment qualifier de suicidaires. Kerikus sait cependant très bien ce qu’il fait, et utilise avec à-propos son super pouvoir de Doom Eagle, le « même-pas-peur-isme », qui lui permet de réaliser les acrobaties les plus osées sans se départi de son calme olympien airien. Las, toutes les bonnes choses ont une fin, et à force de tenter le diable, notre Space Marine finit par se retrouver en fâcheuse posture. Poursuivi par un duo de dakkajets particulièrement collants, et ayant trouvé le moyen de pirater sa fréquence de transmission (ce qui l’énerve au point qu’il fracasse à main nue son récepteur pour… pouvoir mieux s’écouter parler je suppose), les doom carottes semblent cuites pour l’impavide pilote. Fort heureusement, c’est le moment que choisissent deux de ses collègues, Malika (qui est bien un individu de sexe masculin, je précise) et le Techmarine Tyrus, pour faire leur apparition, équilibrant prestement le rapport de forces et permettant à Kerikus de s’en tirer à bon compte.

Ragaillardi par ces renforts inespérés, le Sergent commence à élaborer des plans sur la planète, et propose à ses camarades de tenter un baroud d’honneur en direction de la centrale à plasma de Quadcana Prime. Nos chasseurs reprennent les cieux après que Tyrus ait réparé les dégâts subis par le vaisseau de Kerikus1 (dont une bonne partie ont été infligés par ce dernier, c’est l’Esprit de la Machine qui doit être chafouin) et se rapprochent de leur cible lorsque, semblant crever le ciel et venant de nulle part, surgit, non pas un aigle noir, mais le Death Deela, un chasseur Ork plus gros, plus armé et plus méchant que la moyenne. Si nos vaillants pilotes se montrent tout à fait capables de repousser les assauts de l’escorte de Dédé, ce dernier se révèle être trop coriace pour les Space Marines, et descend successivement Tyrus, Malika, et pour finir Kerikus, qui a tout de même le temps de s’éjecter avant impact. Malheureusement, tout à ses acrobaties nihilistes, Lefuneste n’a pas réalisé que son cockpit pointait vers le sol au moment de son évacuation, ce qui rend cette dernière passablement douloureuse. Il en faut toutefois plus pour abattre notre coriace héros, qui se sent pousser des ailes (mouahaha) à la vue de son objectif, qu’il espère faire sauter afin de réduire une bonne partie de la capitale en cendres et priver ainsi les Xenos des manufactures d’armes de Quadcana. Serrant les dents le bec, Kerikus réussit son jet d’insensible à la douleur et part en petites foulées en direction de l’EPR tout proche, qu’il parvient à atteindre malgré les tentatives enthousiastes d’une poignée de grunts de lui barrer la route2. Une fois sur place, il n’a besoin que de quelques tirs bien placés en direction du Death Deela, qui rôdait toujours dans le coin, pour convaincre le pilote de ce dernier de… faire une attaque kamikaze sur sa position, déclenchant la réaction en chaîne catastrophique synonyme de victoire mineure pour l’Imperium. Un peu extrême comme parti pris de la part du pilote Ork, qui n’avait qu’à faire quelques passages en rase motte pour régler son compte à l’oiseau de malheur. Mais après tout, quand on aime, on dakka.

AVIS:

Après Simon Spurrier, James Alexander, James Swallow et Ben Counter c’est au tour de Cavan Scott de prendre les commandes des Doom Eagles, sans doute l’un des Chapitres les moins connus les plus utilisés (je me comprends) du lore de 40K. Dans ce qui est probablement l’un de ses premiers travaux pour la Black Library (cette nouvelle a été initialement publiée en 2013), l’auteur met en scène une mission à hauts risques entre une poignée de Stormtalons et une nuée de dakkajets, la supériorité intrinsèque des Space Marines et de leurs appareils sur leurs adversaires leur permettant de compenser l’avantage numérique dont disposent les Orks… jusqu’à un certain point. Prise à part, Doom Flight ne pourrait guère prétendre à la palme de l’originalité, et sa position en milieu d’un recueil consacré aux combats aériens au 41ème millénaire ne fait que renforcer le sentiment de déjà lu, relu et re-relu de l’objet3. Si la prose de Scott ne s’avère pas particulièrement désagréable à lire, même si certains de ses choix pourraient être discutés (les monologues du Sergent Kerikus en premier lieu, qui aime un peu trop le son de sa propre voix pour un moine soldat endoctriné et surentraîné), elle se révèle par contre être d’une platitude assez totale, le – fin – vernis de fatalisme apporté par la culture chapitrale des Doom Eagles ne teintant que de façon très légère le récit, voire étant carrément passé en perte et profit par l’auteur (lorsque Kerikus décide de dissimuler à ses compagnons qu’il les mène sur une mission suicide), alors qu’il s’agissait probablement de la piste la plus évidente et intéressante à exploiter pour singulariser ce récit. De l’autre côté du ciel, les Orks se contentent, comme à leur habitude, de vrombir de droite et de gauche, compensant par leur enthousiasme effréné (et parfois passablement crétin) la qualité toute relative de leurs aéroplanes. Bref, rien de nouveau sous le soleil, et pas grand-chose à retenir de cette nouvelle, pour peu que vous soyez déjà familier du genre (ce qui sera le cas si vous avez lu On Wings of Blood dans l’ordre).

1 : Qui aura cette phrase immortelle. Cocasse, de la part d’un Chapitre dont l’animal totemique en est rigoureusement dépourvu.

2 : Et la perte de son bras gauche, dont il ne se rend compte que lorsqu’il essaie de grimper à l’échelle et réalise qu’il a – littéralement – perdu la main. That’s pretty brutal.

3 : À ce stade, le lecteur en sera en effet à sa 4ème nouvelle mettant aux prises des escadrons impériaux à des Orks, et sa 4ème nouvelle où le héros pilote un Stormtalon, Stormraven ou Stormwolf. Comme un petit goût de reviens-y.

.

Ancient History – A. Chambers :

40K_Ancient HistoryINTRIGUE:

Recruté contre son gré comme équipier polyvalent du Retribution, fier vaisseau de la flotte impériale à rade de personnel, à l’issue d’une opération porte fermée (traduction : une fois qu’on est rentré, on ne peut plus sortir), Nathan, notre héros, découvre progressivement les joies et les peines de la vie de canonnier de marine, noble et utile occupation qu’il projette toutefois d’abandonner dès qu’une occasion de déserter se présentera à lui. Cette frilosité à s’engager sur le long terme dans une institution impériale pourtant aussi respectable que la Navy1 s’explique en partie par la présence d’un nuisible connu de Nathan, Kendrikson, dans l’équipage de Balthasar (le nom du macrocanon auquel notre homme a été affecté). Les deux forçats se sont quittés fâchés au cours d’une précédente collaboration, et bien que Nath’ ne serait pas contre une petite vendetta pour régler ses comptes avec son ex-nouveau collègue, il préférerait à tout prendre mettre quelques années lumières entre eux, un « accident » du travail étant si vite arrivé… En plus de ces problèmes relationnels, le Warp ne s’avère pas être un long fleuve tranquille, et sa traversée pèse lourdement sur l’estomac et la psyché des rats de cale. En témoigne le coup de sang passager d’un passager, Fetchin, qui succombe à une crise de claustrophobie démoniaque, puis à une décharge de fusil à pompe à bout portant, non sans avoir envoyé quelques badauds à l’hôpital et à la morgue auparavant.

Nathan a toutefois la chance de pouvoir compter sur le patronage bienveillant de Kron, canonnier vétéran dont l’accent chantant, les histoires passionnantes, les relations privilégiées avec le management et la connaissance intime des coursives du Retribution permettent au bizut d’acquérir des connaissances et compétences précieuses, monter dans la hiérarchie balthasaresque et, accessoirement, échapper à la tentative d’assassinat dont il fait les frais de la part de ce mauvais sujet de Kendrikson, qui se révèle être un Luminen2 infiltré.

Cette prise de fonction mouvementée culmine avec la toute première bataille spatiale à laquelle Nathan participe, baptême du feu à plus d’un titre au cours duquel il aura l’occasion de se frotter à l’ennemi de plus près que prévu sur sa fiche de poste, le crash d’une torpille d’abordage à proximité de son espace de co-working le forçant à prendre les armes pour défendre la vertu et l’intégrité de Balthasar contre les assauts païens de vils cultistes chaotiques, dont l’encadrant se trouve être un Space Marine renégat. Il faudra une nouvelle fois l’intervention décisive de Kron, qui sous ses abords décatis, se révèle être un individu décidément plein de ressources et d’énergie (il se relève d’un tir de pistolet bolter à bout portant et tase l’Astartes à mains nues), pour permettre à notre héros de se sortir de ce coup de Trafalgar. Les mystères de l’origine et des motivations du mentor de Nathan ne seront pas levés par Chambers avant la conclusion de cet Ancient History3, mais une chose est sûre, quand on est Kron, on est Kron.

AVIS:

Nouvelle protéiforme et un peu foutraque, Ancient History est une soumission plutôt hétérodoxe, mais loin d’être inintéressante de la part d’Andy Chambers. En multipliant les partis pris narratifs (cela commence comme un récit d’évasion, avant d’intégrer un passage « mythes et légendes », puis d’embrayer sur une révélation plutôt étrange sur un des personnages principaux, et de tourner à l’action pure et dure, pour se terminer sur un mystère vraiment mystérieux) et les péripéties, le grand méchant joueur n’a pas choisi la facilité, et son propos en paraît en conséquence décousu et incertain dans sa finalité. Pour autant, le simple fait de mettre sur le devant de la scène des personnages très peu abordés par la BL mais au moins aussi caractéristiques du grimdark de 40K que les Space Marines ou l’Inquisition (les « marins » de la Flotte Impériale) ne manquera pas d’attirer la curiosité bienveillante des lecteurs avides d’en apprendre plus sur la vie des travailleurs de la mer l’espace, ce en quoi Chambers se montre plutôt généreux. En outre, l’inclusion de la Complainte du Vieux Marin à la sauce 40K dans le récit s’avère être un interlude des plus intéressants entre deux scènes d’action, et ne manquera pas de susciter les hypothèses les plus radicales de la part des exégètes de tout poil qui constituent une part non négligeable du lectorat de la Black Library. La balance est donc plus que positive pour Ancient History dont les apports fluff et l’originalité compensent largement les tâtonnements et… l’originalité (aussi).

1 : Sécurité de l’emploi, gîte et couvert offerts, destinations variées, activités physiques régulières… Ça c’est un job de rêve.

2 : Plus de quinze ans avant la sortie du Codex Adeptus Mechanicus, Chambers convoquait déjà des électro-prêtres dans ses nouvelles.

3 : Qui a peut-être été suivi d’une autre nouvelle, et aurait dû l’être ? Je suis sur le coup les aminches.

.

Raptor Down – G. Thorpe :

40K_Raptor DownINTRIGUE:

Nous retrouvons le Commandant Jacques Jaeger de l’escadron Raptor, après les évènements couverts dans Acceptable Losses, et la prise de fonction compliquée et sanglante de notre héros à l’occasion d’une bataille spatiale contre un Rok Ork. 18 mois plus tard, le Divine Justice, croiseur impérial auquel les Raptors sont rattachés, est passé à autre chose, et fait partie de la flotte d’invasion du système de Mearopyis, que l’Imperium cherche à reprendre aux Noctal après quelques millénaires d’atermoiements (saleté de bureaucratie). Ayant eu largement le temps de se familiariser avec son nouveau poste, de se faire accepter par ses hommes et de terroriser les nouvelles recrues venues remplacer les pertes subies au cours de  la campagne précédente, Jacques le Fataliste1 supervise les opérations de soutien du déploiement de la Garde Impériale au sol, qui consistent surtout à aller bombarder les cibles les plus juteuses à la surface de la planète capitale du système, tâche grandement facilitée par l’absence de chasseurs à capacité de projection spatiale dans le camp d’en face, ce qui permet aux Maraudeurs de frapper avec une impunité assez totale.

Chargés d’une nouvelle mission de démolition de l’infrastructure militaire locale, les escadrons Raptor et Storm, accompagnés  de leurs écrans de chasseurs (pour une fois qu’ils sont là, ces vole au flanc) quittent leur vaisseau mère pour ce qui ne semble être qu’une formalité pour ces pilotes aguerris. Malgré la tentative malheureuse d’interception de la part des Noctal, prestement contrecarrée par le professionnalisme et les gros flingues impériaux, tout semble baigner dans l’huile de moteur pour Jaeger et ses hommes, jusqu’à ce que ce dernier ait la malheureuse et déplorable idée de… prendre une initiative. Ahlàlà. Pour sa défense, son projet d’attaque d’une colonne blindée Noctal, repérée par l’esprit de la machine d’un missile2, et dont l’utilisation fourbe de la géographie locale avait permis d’échapper aux scanners de la flotte jusqu’ici, partait d’une bonne intention : protéger l’avance des bidasses de la Garde et les empêcher d’être pris en tenaille par les défenseurs. Malheureusement, les grands projets de canyoning de Jaeger, pour prometteurs qu’ils aient semblé sur le papier (en voilà une activité de team building qu’elle est bonne !), se trouvent rapidement et violemment contrariés par la puissance de feu des assaillis. Et même si Thorpe ne se donne pas vraiment la peine de décrire la manière dont les Noctal parviennent à dégommer l’invincible armada de manière aussi brutale, le résultat de l’accrochage n’est pas franchement en faveur des Impériaux. Bien que ces derniers aient pu larguer quelques missiles sur zone, le bilan est très lourd, et même Jaeger ne s’en sort pas indemne, son appareil étant lui aussi abattu en plein vol, forçant l’impulsif et inconstant Commandant3 à évacuer la carlingue en compagnie de ses hommes. Se réveillant avec une jambe cassée dans le désert de Mearopyis, Jacquou le Croqueur de feuille de match doit maintenant digérer les conséquences humaines et matérielles de son coup de sang : avec deux tiers de ses Maraudeurs et la moitié des Thunderhawks passés en perte et profit, le bilan est lourd pour Herr Jaeger. Cela en valait-il la peine ? C’est sur cette question lourde de sens que nous quittons notre héros, qui pourra attendre d’être secouru en dessinant des faucons. C’est ça d’être une buse.

AVIS:

Suite de l’acceptable Acceptable Losses, Raptor Down donne l’occasion à Gav Thorpe de nous tenir au courant de l’évolution de carrière ce bon vieux commandant Jaeger, et met l’escadron de ce dernier aux prises avec un nouvel ennemi et sur un nouveau théâtre d’opérations. Après l’espace froid et mortel qui a vu les Raptors aller au casse-pipe contre un Rok, nous sommes donc témoins d’une excursion atmosphérique dans les déserts de Mearopyis, ce qui illustre bien la versatilité des Maraudeurs impériaux. Sur la forme, la nouvelle de Thorpe se révèle être d’un niveau sensiblement égal à ses œuvres « spatiales » précédentes, c’est-à-dire très correct. Si on peut critiquer la prose de notre homme à bien des égards, il faut lui reconnaître une capacité à dépeindre un engagement aéronautique/spatial de manière convaincante et intéressante, beaucoup mieux que la plupart de ses collègues en tout cas. Sa maîtrise des unités (tant spatiales4 que temporelles5) et des facteurs propres à ce type de combat, comme la vitesse et la direction du vent, ou le niveau de carburant et des munitions embarqués rendent la lecture des péripéties aériennes de l’escadron Raptor plutôt prenante. Thorpe fait même du zèle en intégrant en début de récit une retransmission d’un affrontement spatial entre la flotte impériale et son homologue Noctal, que le supérieur de Jaeger se  repasse en boucle comme d’autres matent un top 10 NBA. Petit plaisir coupable, que nous lui pardonnons sans mal puisque le résultat est là aussi assez qualitatif.

L’intrigue et la construction de Raptor Down, en revanche, s’avèrent être moins satisfaisantes. La première est une variation sans originalité du scenario d’Acceptable Losses (un escadron de Maraudeurs chargé d’une mission où rien ne se passe comme prévu), ce qui n’est en soit pas un gros problème puisque la possibilité de Thorpe d’innover sur le sujet est passablement limitée (un Maraudeur, ça maraude, poingue). Ce qui est moins acceptable à mes yeux est la manière dont l’auteur fait passer Jaeger de Mr Baillezeubouque à Dr Folamour en l’espace de deux paragraphes, le chef d’escadre précautionneux se muant en tête brûlée sans qu’aucun élément préalablement établi par Thorpe sur le caractère de son personnage ne puisse laisser augurer ce changement radical de tempérament. Autre point plutôt mal géré par le Gav, le raid des Maraudeurs sur la colonne blindée, torché en même pas une page, et qui tient plus du tir au pigeon que de l’attaque en rase-motte. Le fait qu’on ne voit même pas à qui les impériaux sont confrontés, ce qui ne permet pas de comprendre pourquoi ils se font ainsi décimer par un adversaire totalement à leur merci sur le papier (à moins que les Raptors aient eu la malchance de tomber sur un convoi DCA Noctal), annihile toute tension narrative, les (bol)os des as se faisant canarder (un comble pour des raptors6) en l’espace de quelques secondes. Finalement, la conclusion même de la nouvelle ne m’est pas apparue comme particulièrement maîtrisée, les états d’âme douloureux de Jaeger alors qu’il se retrouve isolé avec ses hommes en territoire ennemi, ne suscitant qu’un distrait « so what ? » chez votre serviteur. À titre personnel, je pense que Thorpe a laissé ainsi la porte ouverte à un nouvel épisode (à ma connaissance jamais écrit), et que cette fin n’en était en fait pas vraiment une. Pas de chance, cela n’a débouché sur rien, et la dernière image que le lecteur emportera du commandant Jaeger sera celle du matelot du radeau de la Méduse fixant l’horizon d’un œil torve, le menton dans la main. Ce qui n’est pas commun, avouons-le.

1 : Il reconnaît lui-même qu’il n’est jamais heureux. Sauf quand il vole. Et encore, il stresse tellement que j’ai du mal à voir quel plaisir il tire de l’expérience. Pauvre bonhomme.

2 : On peut remercier le Techno-Adepte Ferrix, l’homme qui murmurait à l’oreille des (AGM-119) Pingouins.

3 : Pour un gars qui avait passé la nouvelle à ressasser son amour des plans qui se déroulent sans accrocs et la nécessité de se conformer aux règles établies, surtout quand elles touchent à la Santé & Sécurité, décider de se la jouer berzerk à la première colonne blindée, c’est assez surprenant.

4 : Quand on est un pilote de Maraudeur, 150 kilomètres, c’est proche.

5 : Quand on est un pilote de Maraudeur, 3 minutes, c’est long.

6 :Rapace’ en anglais. Rien à voir avec les dinosaures donc.

.

Wings of Bone – J. Swallow :

40K_Wings of BoneINTRIGUE:

Technicien de surface au sein du 404ème (error : origin of the regiment not found), la recrue de 3ème classe Aves vit sa passion pour les avions de guerre par procuration en astiquant le manche (et les autres parties charnues) du Maraudeur Griffon, malgré les railleries, mauvais traitements et passages à tabac réguliers dont il est victime de la part de l’équipage de ce dernier. Assigné au support aérien de la Garde Impériale sur le théâtre de Rocene, planète en proie à une insurrection chaotique de grande ampleur, le Griffon mène des actions d’arrière-garde pour couvrir l’héroïque retraite stratégique actée par le haut commandement depuis quelques semaines. Sur l’aérodrome du Point Novembre1, Aves termine de faire briller les cadrans et cirer les sièges en cuir en chuchotant des mots tendres à la carlingue de son gros ami de fer lorsqu’il est témoin de l’arrivée furtive d’un chasseur ennemi, volant en rase mottes en direction de l’installation impériale avec la probable intention d’aller se kamikazer dans les hangars loyalistes. Réagissant avec promptitude et sang-froid, notre héros saisit les joysticks du poste de tir du Maraudeur, et cartonne l’impudent en plein ciel avant qu’il n’ait pu commettre l’irréparable. Malheureusement, si son intervention salutaire a certainement permis de sauver des vies (mouais…) et du matériel (mieux !), elle n’est que moyennement appréciée par la team Gryffondor, et en particulier par cette brute épaisse de Nilner, qui refait le portrait du héros, coupable d’avoir osé prendre sa place dans le cockpit pour accomplir sa BA. Comme quoi, il vaut mieux ne jamais prendre d’initiative.

Parti chercher un Ibuprofen à l’infirmerie sur sa pause-café, Aves revient à temps pour surprendre la discussion entre le Capitaine Vought et son bras droit, le Bombardier Sorda, seul à prendre la défense du larbin méritant, à la grande surprise de ce dernier. Marqué par des poings mais ayant tout de même marqué des points, Aves commence à nourrir des ambitions aériennes, que les aléas de la guerre ne vont pas tarder à favoriser. La suite de la nouvelle permet en effet de suivre une opération conjointe entre le Griffon et le Basilisk à l’encontre du QG mobile des renégats, une monstruosité sur chenilles au blindage tellement épais que les honnêtes bombes classiques larguées par les Maraudeurs (200 kilos d’explosifs par ogive, tout de même) ricochent avec un klong grotesque sur l’épiderme ferreux du béhémoth. Pour ne rien arranger, le commandant de ce dernier, sans doute grand fan du Commissaire Yarrick, a fait monter un mauvais œil d’une taille titanesque sur la coque de son Panzer, qui a tôt fait de rôtir le Basilisk2. La sortie tourne définitivement au vinaigre lorsqu’un trio quatuor de chasseurs ennemis prend chasse le Griffon sur le chemin du retour, perforant l’opérateur de tourelle au passage et amputant Nilner de sa jambe gauche d’une rafale bien placée. Bien que Vought parvienne à ramener son coucou au nid, ce dernier est en piteux état à son arrivée, et il revient à Aves d’emmener Nilner en toute hâte jusqu’à l’infirmerie avant que le gâchettier ne se vide de son sang. Dilemme éthique de la part de notre héros, qui a la possibilité de rendre la monnaie de sa pièce à son tortionnaire simplement en levant le pied de l’accélérateur et en regardant à droite, à gauche, puis à droite, puis à gauche, à chaque intersection. Que va-t-il décider ?

Ayant réussi son test de compassion désintéressée, Aves livre son colis aux urgences avant que sa date de péremption n’expire, ce qui lui attire l’incrédulité respectueuse de Sorda. Cette bonne action se retrouve récompensée lorsque, quelques jours plus tard, et le Griffon remis en état, Aves réussit à convaincre3 Vought de prendre les manettes des flingues du Maraudeur afin de permettre à ce dernier de finir le boulot en larguant un Little Boy sur le nez du Baneblade ennemi. Cette mission à hauts risques, la dernière que le Griffon mènera avant que la Garde passe la main aux Space Marines des Doom Eagles, permettra-t-elle à notre fanboy enthousiaste de prouver sa valeur et de mériter le fameux pin’s à ailes d’os sur lequel il bave depuis si longtemps ?

AVIS:

Soumission assez honnête de la part de James Swallow, Wings of Bone a la bonne idée de ne pas se passer exclusivement dans une carlingue de Maraudeur en mission, théâtre de drames assez répétitifs dans l’absolu. Bien que l’auteur remplisse son quota de scènes d’engagements aériens (exercice dans lequel, sans véritablement exceller4, il fait le job de façon correcte pour la BL), c’est ce qui se passe sur le tarmac qui fait le sel de cette nouvelle, les désirs de promotion et de gloire martiale d’Aves, héros larmoyant mais exemplaire (des caractéristiques rares à 40K), constituant une respiration bienvenue entre deux séquences d’action. Rien n’est bien original, ni très développé (Aves le vaillant petit tailleur souffre-douleur, Nilner la grosse brute, Sorda le vétéran protecteur, Vought le commandant hautain mais qui a un bon fond…), dans ce que raconte Swallow, mais son texte ne comporte pas non plus de défauts rédhibitoires. Une nouvelle véritablement et littéralement passable, donc.

1 : Si la campagne a commencé avec Janvier, ça donne une idée du terrain perdu par les troupes de Pépé depuis le début des combats.

2 : Ce qui est normal après tout, un coq vole moins bien et moins haut qu’un griffon.

3 : Vought : « Je suis désolé messieurs mais le haut commandement est formel. Nous ne serons autorisés à mener cette mission suicide consistant à larguer une bombe nucléaire sur le Baneblade ennemi que si l’équipage dispose d’un opérateur qualifié pour nos bolters lourds de coque. Avec la blessure de Nilner, ce n’est pas le cas, et nous allons donc malheureusement devoir nous contenter de faire le taxi brousse en attendant l’évacuation de la base. Ne me remerciez p- »

Aves : « Eh M’sieur ! Moi je peux remplacer Nilner M’sieur ! »

Vought : « Et qu’est-ce qui te fait penser que tu as l’étoffe d’un équipier du Griffon, moustique ? Je suis tombé sur tes fan-fictions aéroticonautiques, et j’ai connu des cultistes de Slaanesh qui avaient plus de décence. Il va en falloir plus que ça pour me convaincre de te laisser nous rejoindre ! »

Tous : « DUEL ! DUEL ! DUEL ! »

Aves : « Euh, c’est quoi cette histoire de duel là les gars ? J’avais préparé une lettre de motivation et j’ai amené une recommandation de la part de Riton de la cantine (si ça vous intéresse), mais je ne pensais pas qu’on en arriv- »

Vought : « Regarde-moi dans les yeux, petite fiotte ! Le premier qui cille a perdu ! »

Aves : « Ah. Ok. C’est dans mes cordes je pense. » – souffle dans le nez de Vought –

Vought : « Aaaaargh, il est fort l’animal ! C’est limite mais c’est réglo. Bien venu à bord, petit gars. »

4 : En témoigne la dernière mission du Griffon, qui verra la totalité de l’équipage à l’exception d’Aves, mourir ou être gravement blessé hors champ et en mode silence, ce qui n’aide pas à construire et maintenir une tension narrative digne de ce nom. Consacrer quelques page de plus au grand final de l’Hindenburg n’aurait pas été une mauvaise idée.

.

***

Au final, que conclure de cette anthologie thématique obligeamment concoctée par la Black Library ? Comme toujours, il y a du bon et du moins bon à faire remonter, mais il me semble malheureusement que le négatif l’emporte sur le positif cette fois-ci.

Pour commencer par les aspects les plus intéressants d’On Wings of Blood, on commencera par souligner (à nouveau, et c’est un bon marqueur du peu de choses que je trouve à dire à décharge de ce recueil) que son rapport quantité/prix est plutôt intéressant. Ainsi, si j’avais voulu acquérir les quatre seules nouvelles qui m’ont vraiment intéressé à la lecture de cet opus, Medusan Wings, Acceptable Losses, Wraithflight et Ancient History, il m’en aurait coûté largement plus cher que l’achat de ce bundle1, et ce sans prendre en considération le fait que deux de ces quatre textes ne sont pas/plus disponibles à l’unité. Cela me permet de faire le lien avec une autre caractéristique positive d’On Wings of Blood, la republication de nouvelles datant de la fin du dernier millénaire (cela ne nous rajeunit pas), que l’amateur contemporain aurait eu du mal à dénicher sans cela, même si the internet provides, comme dit le proverbe. Passés ces deux constats, je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter au crédit de ce bouquin, qui s’avère être l’un des recueils les moins inspirés de la BL, à mon humble avis.

Le premier défaut manifeste dont souffre On Wings of Blood est malheureusement structurel. Le choix de la Black Library de se focaliser sur un thème aussi précis, et à franchement parler, pauvre, que les batailles aéronautiques du 41ème millénaire, conduit fort logiquement à lire des soumissions qui se ressemblent toutes, à quelques exceptions près. Là où des ouvrages comme Fear the Alien, Planetkill, ou Sabbat World permettaient à leurs contributeurs d’exploiter une multitude d’angles d’approche tout en inscrivant leur récit dans une trame commune, le cahier des charges très spécifique d’On Wings of Blood a bridé l’imagination des auteurs sollicités, les menant à répéter les mêmes schémas narratifs et péripéties, à leur insu certes, mais de façon rapidement lassante pour le lecteur. Si ce dernier s’avère être d’une humeur mutine, il pourrait même de façon réaliste envisager de se lancer dans un bingo « aéroplanes de guerre de 40K », et cocher des cases à chaque fois que le wingman du héros se fait descendre par surprise ou que ce dernier se retrouve écrasé par une force-G menaçant de le plonger dans l’inconscience. Outre cela, les protagonistes (et donc les appareils) mis en scène dans l’anthologie ne sont pas des plus variés, les Stormtalons et Stormravens Space Marines bénéficiant d’une couverture très fournie, suivis par les Maraudeurs de la Garde et Flotte Impériales, et dans une moindre mesure par les Dakkajets Orks2. Si les Eldars ont une paire de nouvelles à se mettre sous la dent, le Chaos, les Tyranides et les Necrons ne font qu’un discret cameo, ce qui est déjà mieux que les T’au, grands absents de cette anthologie inégale. C’est d’autant plus dommage que le Bien Suprême avait de sérieux arguments à faire valoir en la matière, et aurait amplement mérité de croiser le fer avec les autres factions du lointain futur pour la maîtrise des cieux et des pages d’On Wings of Blood.

Deuxième problème constaté et déploré par votre serviteur, la faible qualité intrinsèque qui caractérise la plupart des travaux inclus dans ce recueil. S’il est assez évident que la majorité de ces derniers sont des bouts de fluff romancés commandités par la Black Library pour accompagner la sortie de kits plastiques, le caractère basique et insipide de ces travaux de commande n’aurait en revanche pas dû aller de soi (call me a dreamer). Un auteur inspiré aurait pu sublimer les spécifications imposées par son éditeur3 pour obtenir un résultat potable, voire prenant. Certains ont d’ailleurs réussi ces figures imposées (Westbrook, Haley, Thorpe), livrant des textes à même d’embarquer le lecteur quel que soit son niveau d’amour « natif » pour les avions qui tirent/canons qui volent, soit en développant les aspects techniques (et donc intéressants, c’est le nerd qui écrit) de ce type de bataille, soit en développant largement d’autres aspects (souvent d’un intérêt fluffique un peu plus évident pour le fan de 40K) de leur récit n’ayant rien à voir avec la guerre aéronautique. Pour le reste, préparez-vous à de la publicité romancée détaillant l’infinie coolitude du dernier aéroplane mis sur le marché par la maison mère, du même niveau que les dessins animés américains des années 80 qui n’étaient qu’un prétexte pour faire vendre du jouet. Certes, si on y réfléchit, c’est à ça que sert la Black Library. Mais un peu de talent littéraire aurait aidé à faire passer la pilule.

L’ajout d’un extrait du Double Eagle de Dan Abnett, réédité lui aussi en guise d’accompagnement du nouveau jeu de GW, vient à ce titre apporter un salutaire, mais cruel, contrepoint aux Blackburn Botha de papier qui constituent le gros de l’escadron d’On Wings of Blood. En l’espace de quelques pages, l’auteur parvient à donner de la profondeur et de l’intérêt au casting, déjà bien étoffé, de son roman, et à intéresser le lecteur à la nature du conflit opposant l’Imperium au Chaos sur le monde d’Enothis (ce que ses petits camarades de jeu ne prennent souvent pas la peine de faire). Nous avons également droit à un accrochage entre une patrouille de Cadets de la Flotte Impériale et le sinistre  Khrel Kas Obarkon, l’as des as des forces chaotiques, qui, parce qu’il s’attarde sur le ressenti des deux pilotes qu’il oppose, s’avère plus prenant que l’intégralité des dogfights du reste de l’anthologie. Bref, si vous voulez vous hyper sur la guerre aéronautique, prenez plutôt un billet sur l’Air Abnett plutôt que de passer par l’OWOB (vous allez trouver).

Vous l’aurez compris, je ne recommande pas vraiment cet opus, à part aux passionnés du sous-sous-sous-sous-genre qu’il couvre, et aux amateurs de vieilleries cherchant à enrichir leur collection et leurs connaissances à peu de frais. Il y a de meilleurs recueils de nouvelles 40K sur le marché à des prix similaires, et vous serez bien mieux servis avec ces derniers si vous ne cherchez « qu’à » vous détendre en lisant l’incomparable prose de la BL.

1 : Pour les amateurs de maths et d’exactitude, nous arrivons à un total cumulé de 17,48€.

2 : Ceci dit, l’utilisation des peaux vertes uniquement en tant qu’antagonistes m’a surpris. La boîte de base d’Aeronautica Imperialis mettant aux prises la Flotte Impériale aux Orks, il aurait été logique qu’au moins quelques unes des nouvelles soient narrées depuis le point de vue, sans doute très particulier, d’un pilote de Dakkajet. Et puisque l’escadron Raptor a été convoqué, il aurait été de bon temps d’inviter également le Def Skwadron.

3 : « Coco, j’ai besoin de 20 pages promotionnelles sur le Stormwolf qui vient de sortir. Et n’oublie pas de parler des canons Hellfrost qui sont trop cool ! »

LORDS & TYRANTS [40K]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du recueil de nouvelles 40K Lords & Tyrants, publié par la Black Library en Avril 2019. En elle-même, cette sortie était un petit évènement, car la précédente anthologie de courts formats consacrée aux ténèbres du 41ème millénaire remontait à plusieurs années, alors qu’Age of Sigmar et l’Hérésie d’Horus bénéficiaient d’une certaine prodigalité éditoriale. Voilà donc qui remet les pendules à l’heure.

Au sommaire de cet ouvrage comportant la coquette somme de 16 nouvelles, on retrouve des têtes connues (Wraight, Counter, Reynolds, Sanders, Thorpe) ainsi qu’une belle palanquée d’auteurs moins familiers du public de la BL, qu’ils soient nouveaux dans la carrière, ou simplement discrets. Comme d’habitude pour ce type de publication, inutile de chercher un quelconque lien entre les différentes histoires, malgré le petit laïus introductif faisant état de nobles seigneurs et d’horribles tyrans, que l’on retrouve dans le moindre univers romanesque, et qui ne suffisent donc pas à singulariser à eux seuls cette collection de nouvelles.

Sommaire Lords & Tyrants

Ceci dit, nul n’est besoin d’une ligne directrice clairement établie pour se plonger dans cet ouvrage, pour peu que l’on maîtrise un tant soit peu le fluff de 40K, ou que l’on soit prêt à faire quelques recherches annexes pour creuser des points peu clairs (et il y en a peu, de mon point de vue) abordés dans ces écrits. Pour les adeptes de la version courte, voici donc ce que ça donne…

Lords & Tyrants

.

Argent – C. Wraight :

INTRIGUE:

ArgentJe m’appelle Luce Spinoza, je suis Interrogatrice au service de l’Inquisiteur Joffen Tur, et ceci est mon histoire. Au moment où nous faisons connaissance, je gésis telle une loque sur le sommier de ma cellule, les deux bras dans le plâtre et la tête dans le Culexus. J’entends le pas lourd de mon tout aussi lourd (vous allez rapidement comprendre pourquoi) patron approcher dans le couloir, et je n’ai que le temps de me remémorer les évènements qui m’ont conduit à l’état de grabataire que le voilà à mon chevet. Comme vous, il cherche à savoir comment diable Horus j’ai réussi à me mettre dans un tel état. Pour cela, un petit flashback s’impose. Je m’appelle Luce Spinoza, et ces dernières heures n’ont pas été de tout repos.

Tout avait pourtant commencé de manière très classique. Nous étions arrivés en orbite du monde ruche de Forfoda pour enquêter sur les raisons de la rébellion ayant mené la planète à entrer en sécession ouverte contre le règne éclairé et éclairant de notre bien-aimé Empereur. Tur avait insisté pour prendre son utilitaire de fonction plutôt que sa limousine, soi-disant pour faire passer le message auprès des autres forces impériales que ce théâtre d’opération l’intéressait à peine. Mouarf. Il était tout de même venu, et la seule conséquence pratique de cette démonstration de morgue cryptique fut que les copains et moi dûmes nous serrer sur les sièges arrière de sa Kangoo au lieu de chiller tranquille à côté du minibar, comme à notre habitude.

Lors du briefing de la mission, Tur nous avait fait part de son plan. Afin d’éviter que nos alliés Imperial Fists ne dessoudent les meneurs de la rébellion avant que nous n’ayons pu les cuisiner, il était impératif de leur griller la politesse là où c’était possible, ou de réfréner leurs ardeurs homicidaires lorsqu’ils étaient déjà à pied d’œuvre. Je m’attendais à être affectée à l’équipe du boss, comme c’est habituellement le cas, mais mes quinze minutes de retard au point équipe hebdomadaire du lundi précédent n’avaient de toute évidence été ni oublié, ni pardonné, car Tur m’a au contraire chargé de la supervision d’une opération annexe, en solo avec les Astartes. Ca m’apprendra à aller en boîte le dimanche soir.

Un peu plus tard, je fis connaissance avec la bande de surhommes que j’avais pour mission d’encadrer, afin d’assurer la capture de l’assistante de direction du gouverneur rebelle, une certaine Servia, localisée en haut d’une spire annexe de Forfoda (c’était sans doute son jour de télétravail – chanceuse –). Dès mon arrivée au Strategium, j’ai compris que la partie allait être tendue. Je n’ai en effet pas senti une grande sympathie envers ma personne de la part de mes collègues de bourreau (Jaune, Jaune d’Œuf, Jaune Trois, Jaune Quatre, Jaune Cinq, et un Chapelain, Erastus), confirmant les rumeurs insistantes dépeignant les Imperial Fists comme une bande de suprématistes meninistes. C’était bien ma veine. Heureusement que j’avais passé mon BAFA pour encadrer les pupilles de la Scholam lors des colonies pénales de vacances lorsque j’étais jeune fille au pair sur Dimmamar. J’ai donc remis en place ces butors dans le plus grand des calmes, et leur ai bien fait comprendre que c’était moi la boss. Non mais.

À partir de là, tout s’est enchaîné très rapidement. Notre taxi nous a déposé quelques étages en dessous du F3 de Servia, et mes gros copains souffrés faisant souffrir le service d’ordre des traîtres avec une brutalité consommée. J’aurais peut-être pu les aider à rentrer plus facilement (c’est comme en boîte, il vaut mieux laisser passer les filles devant quand on est une bande de mecs), mais ils étaient déterminés à finir la mission à temps pour ne pas rater le début de Dorna l’Exterminatrice, et je n’avançais visiblement pas assez vite pour eux. J’ai toutefois pu rattraper le groupe maillot jaune une fois l’appartement de Super Nanny investi, car cette dernière, ainsi que les amis qu’elle recevait à notre arrivée, étaient en pleine réunion Tupperware, avec des mutations pas vraiment ragoutantes à la place des contenants en plastique (de toutes façons, il vaut mieux utiliser du verre, c’est bien plus sain). La sain(t)e fureur des Mrs Propres, goût Paic Citron, eut beau s’abattre comme un ouragan de fraîcheur sur le taudis de Servia, l’issue du match restait incertaine, d’autant plus que le brave Erestus était franchement à la peine contre la maîtresse de maison, qui lui avait arraché sa mop énergétique des mains au moment où je suis arrivée sur place (rapide pause make up sur le pallier, pour ne pas rater ma première impression).

N’écoutant que mon courage, j’ai bondi entre le canapé et la table basse afin de récupérer l’instrument de travail de l’immaculé Chapelain. Par le pacemaker de l’Empereur, ce truc pesait le poids d’un grox mort ! Pas étonnant qu’ils soient aussi baraqués chez les Fists, s’ils n’utilisent que de la fonte pour réaliser leurs objets du quotidien. Voyant qu’Erestus était trop occupé à repousser les poisseuses avances de son hôte pour récupérer son hochet, j’ai pris le problème à bras le corps et ai assené à la maraude un horion digne de Jaune Henry en personne. Je me sentais trop fraîche… jusqu’à ce que je réalise que le champ disrupteur du bouzin était poussé au max, et que je n’avais ni l’armure, ni la musculature nécessaires pour encaisser le contrecoup de mon revers à deux mains. Résultat : un vol plané de trois mètres à travers le salon, une paire de radius concassée, une manucure ruinée, mais une victoire assurée pour l’Imperium, la résistance de Servia et Cie ayant été brisée en même temps que la colonne vertébrale de cette dernière. À peine le temps de m’assurer que les nettoyeurs de choc ne réglaient pas son compte à la grosse tache de gras (parce qu’en plus d’être misogynes, les Imperial Fists sont grossophobes : c’est la Ligue du Lol en fait) dans un excès de zèle, ce que j’aurais eu du mal à expliquer au boss, et j’ai sombré dans une salutaire et bien méritée inconscience, avec la satisfaction du devoir accompli. Vous savez tout.

Fondu au noir et lancement du générique, précédé du texte suivant :

L’Interrogratice Luce Spinoza poursuivit sa carrière au sein de l’Ordo Hereticus avec distinction, où elle sert désormais l’Inquisiteur Crawl sur Terra. Pendant sa convalescence, le Chapelain Erestus vint lui rendre visite afin de lui offrir le Crozius Arcanum avec lequel elle avait éreinté la vile Servia. Relique millénaire des Imperial Fists, cette arme nommée Argent ne pouvait être maniée que par des guerriers du Chapitre… jusqu’à ce que Spinoza ne vienne la looter en loucedé apparemment. Raccourci et allégé pour permettre à sa nouvelle porteuse de le manier sans risquer la PLS à chaque attaque, Argent continue à apporter le courroux de l’Empereur à Ses ennemis, et incarne la précieuse et indispensable collaboration entre les serviteurs du Maître de l’Humanité.

De son côté, Erestus fit une demande auprès des services généraux du Chapitre pour obtenir un modèle plus récent de Crozius, ce qui lui avait été précédemment refusé. Mis devant le fait accompli, le DRH du Phalanx n’eut d’autre choix que de s’exécuter. Tout le monde est gagnant.

AVIS:

Les habitués de ces chroniques savent quelle importance j’attache à la présence de twist final dans les nouvelles que je dissèque. Cet élément est en effet à mes yeux indissociable du genre en question, et c’est sur la présence et la pertinence de ce dernier que l’on peut souvent juger de la qualité d’un auteur et d’une soumission. La Black Library n’étant pas reconnue comme une maison d’édition aux standards très élevés (ce qui est logique au vu de sa mission première : fournir du fluff à foison pour faire rentrer des biffetons plutôt que de chercher à décrocher le Man Booker Prize), l’amateur de nouvelles devra souvent se résigner à des conclusions « plates », voire absconses s’il n’a vraiment pas de chance.

Le cas de cet Argent de Chris Wraight est un peu particulier, en ce que le twist final du récit s’avère être proprement méta, cas de figure que je n’avais rencontré jusqu’à présent. Tant la construction du récit à base de flashback que le pedigree respectable de l’auteur en matière de narration laissaient en effet entrevoir un dénouement un tant soit peu spectaculaire à cette nouvelle abordant le thème ma foi assez intéressant de la difficile coopération entre agents de l’Inquisition et guerriers de l’Adeptus Astartes. Le cadre posé, et l’incontournable séquence de Space Marines de films d’action évacuée, on se prépare à recevoir une conclusion édifiante de la part de Wraight, à même d’expliquer tant le titre que la finalité de la nouvelle… pour au final réaliser que nous sommes en présence d’une vulgaire digression n’ayant pour but que d’expliquer au lecteur comment Luce Spinoza, personnage récurrent de la série Vaults of Terra a reçu sa matraque de fonction (que l’on voit en couverture de The Hollow Mountain).

Pour une surprise, c’est une surprise, reconnaissons cela à Mr Wraight, qui nous avait cependant habitués à des soumissions un peu plus ambitieuses en termes de contenu. Drôle d’idée des éditeurs de la Black Library que d’avoir choisi de faire débuter le recueil Lords & Tyrants finalement très quelconque, et qui aurait eu davantage sa place en filler entre les tomes 1 et 2 de Vaults of Terra dans le futur omnibus de la série. Chris Wraight a beau avoir suffisamment de métier pour rendre l’expérience tout à fait supportable, on sort de cette dernière un rien blasé1, ce qui n’augure rien de bon pour les quinze nouvelles suivantes. Si plaie d’argent n’est pas mortelle (la preuve, Servia a survécu !), sa lecture, elle aussi, n’a rien de mortel. Et c’est bien le problème.

1 : Au risque de me répéter, tournons-nous une fois de plus vers l’étalon Abnett pour définir ce qu’une bonne nouvelle filler peut être. La comparaison la plus évidente à mes yeux est à faire avec Missing in Action (comment Eisenhorn a perdu la main, littéralement) et Playing Patience (comment Ravenor a recruté Miss Kys). Ces publications n’ont rien d’essentiel dans les arcs narratifs développé par Abnett pour ses personnages, mais sont suffisamment bien tournés pour pouvoir être lu par le tout venant, et non pas destinés uniquement aux plus dévôts serviteurs des saints Ordos.

.

Pride & Fall – I. St. Martin :

INTRIGUE:

Lucius_Pride &amp; FallDerrière ce titre Austen-ien en diable (bien que je ne voie aucun lien entre les errements romantico-philosophiques d’Elizabeth Bennet et ceux, salacio-psychotiques, de Lucius Leternel), on trouve le récit d’une (més)aventure vécue par le plus souriant des antagonistes décamillénaux (quand je fais l’effort d’apprendre de nouveaux mots, je les utilise tout de suite) de la franchise futuriste de GW, Lulu l’Ethernet.

L’histoire nous est narrée en parallèle à travers les yeux du reître scarifié des Emperor’s Children, occupé à attaquer une planète minière en compagnie d’une petite escorte de la Cohors Nasicae, et ceux d’un honnête travailleur impérial répondant au nom de Tobias. Alors que Lucius et ses champions s’enjaillent à tailler le bout de gras1 à la moitié du Codex Adeptus Mechanicus (Skitarii, Sicarians, Kastelan…), afin de pouvoir faire main basse, non sur les réserves minérales de leur cible, mais sur la main d’œuvre locale, Tobias voit sa vie austère mais heureuse d’ouvrier spécialisé/bon camarade/mari aimant/papa gâteau prendre un tour bien déplaisant, aux cauchemars, hallucinations visuelles et auditives et mal-être généralisé venant se greffer par dessus le marché une chute inadmissible de sa productivité. Enfin, l’inévitable finit par se produire, et le pater familias se mue en bretteur dégueulasse sous le regard incrédule autant qu’inquiet de ses collègues de chaîne d’assemblage.

Début spoiler « Comment se fait-ce ? » vous entends-je (en voilà des inversions sujet-verbe) demander à travers la Toile, « puisque Lucius ne possède que les individus l’ayant terrassé au combat, et que ce brave Tobias, pour doué qu’il soit avec la burette à huile et la clé à pipe de quatorze, n’est très probablement pas en mesure de faire rendre gorge à un élu des Dieux Sombres ». Vous avez tout à fait raison, sagaces lecteurs, et c’est en celà que la soumission de St. Martin se révèle intéressante. Alors qu’il batifolait joyeusement sur le champ de bataille, notre avenant héros a en effet eu la mauvaise idée de laisser traîner un sabot sur une mine anti-personnelle qui traînait dans le coin, avec des effets aussi radicaux que (presque) définitifs sur son intégrité : à la rue, le Lulu ! Que voulez-vous, tout le monde n’est pas fait pour jouer la fille de l’air Laer. Comme vous vous en doutez, cette mine avait été préalablement manufacturé par le malheureux Tobias, et c’est donc sur lui que le S.A.V. de Slaanesh a redirigé l’âme du champion du patron, la responsabilité du décès du sabreur extraordinaire lui incombant plus ou moins directement2[2].

Notre histoire se termine donc sur la matérialisation de Lucius sur le lieu de travail de feu Tobias, qui rejoint sa place sur la cuirasse de l’increvable champion, juste avant que ce dernier, réalisant sans doute qu’il n’aura pas la possibilité de déguster son Leerdamer quotidien, s’apprête à faire un malheur. Comme quoi, on a bien fait de ratifier la convention d’Ottawa les enfants. Fin spoiler

1 : Ou, dans ce cas de figure, de polymère.

2 : En vrai, ça se discute, mais allez faire des due dilligence avec des chaînes de valeur galactisées…

AVIS:

En des temps très anciens, lorsque la Black Library était encore jeune et avait besoin de justifier ce qu’elle faisait, Marc Gascoigne, l’un des pères fondateurs d’icelle, avait donné une sorte de cahier des charges de la nouvelle BL. Il s’agissait selon lui, soit de donner davantage de détails sur de zones du background insuffisamment couvertes dans les publications classiques de Games Workshop, soit de répondre à des questions laissées en suspens dans ce dernier. Pride & Fall tombe nettement dans la seconde catégorie, en traitant un point de détail qui aura sans doute travaillé à un moment ou un autre tout fluffiste familier de la figure de Lucius l’Eternel. Disposant désormais d’une jurisprudence assez claire sur ce type de cas, il nous est désormais loisir de répandre l’information au plus grand nombre, et de contribuer ainsi à l’utile instruction des zhobbyistes petits et grands (qui n’en demandaient sans doute pas tant, mais c’est une autre histoire).

Le fond évacué, évoquons la forme. Le constat sera un peu plus contrasté à ce sujet, Ian St. Martin laissant à mon sens le lecteur non familier de son roman The Faultless Blade sur sa faim en ce qui concerne la galerie de personnages secondaires de la Cohors Nasicae, brièvement évoqués au fil des lignes sans être réellement présentés. Et c’est bien dommage, car la cohorte en question a l’air de compter son lot d’individualités hautes en couleurs, qu’il s’agisse du chatoyant Krysithius, du mutique Vyspirtilo, le Roi Aigle du Rypax (rien que ça, ça claque comme titre), ou du mystérieux Compositeur, escorté d’un garde du corps en armure Terminator répondant au doux nom d’Afilai (Cohen). Autre source de regrets, la mise en page de la nouvelle, qui aurait gagné à être agencé de façon plus claire. Les points de vue de Lucius et de Tobias étant présentés de façon croisée, avec des renvois entre les deux arcs de narration (exemple : un passage se termine avec Tobias recevant une injection de stimulants de la part de son bienveillant contremaître, le suivant commence avec la prise de stimms par Lucius en plein combat), sauter deux lignes/passer en italiques entre chaque passage aurait permis de fluidifier la lecture.

Ces petits désagréments évacués ou digérés, Pride & Fall demeure une soumission très correcte, et un exemple de ce à quoi une courte nouvelle (14 pages) de la BL devrait prétendre, en termes de qualité.

.

Whispers – A. Worley :

INTRIGUE:

WhispersEnvoyé de la sainte Missionaria Galaxia sur un monde sauvage peuplé d’indigènes ne demandant qu’à être initiés au culte impérial, le missionnaire Marcus Amouris croit faire avancer sa cause en demandant des renforts militaires à la métropole, afin de mettre fin aux disparitions régulières des intrépides chasseurs-cogneurs de sa tribu d’adoption. L’occasion de démontrer à ses naïfs sauvages la puissance souveraine de l’Empereur, à grand renfort de fusils laser, chimères rutilantes et distribution de chewing-gum, comme on savait le faire dans le temps. Manque de bol pour notre Jacques Désiré Laval du 41ème millénaire, ce coquin de Warp eut raison d’une subtilité essentielle de son message aux autorités compétentes (autant que contendantes), à savoir « envoyez-moi des mecs ». Non pas que notre homme soit un misogyne patenté ou un méniniste militant, loin de là, mais simplement pour respecter les us et coutumes de l’honnête tribu de la Griffe Déchirée (sans doute des soldeurs, il faut bien écouler les sur-stocks), qui ne permet qu’aux hommes de pénétrer la forêt sacrée – pour un symbole phallique, c’est un symbole phallique – dans laquelle tant de nobles sauvages ont disparu sans laisser de trace. C’est donc avec consternation que Marcus voit débarquer une escouade de Sœurs de Bataille de l’Ordre du Cœur Valeureux, menée par la taciturne Dominion Supérieur Adamanthea, dont la froideur et la dureté rendent un vibrant hommage à son nom de baptême.

Ayant rapidement obtenu de la part de la plèbe locale un laisser passer exceptionnel pour permettre à elle et ses ouailles d’investiguer en paix (tout est plus facile lorsqu’on a un bolter et que le gars d’en face n’a pas de mocassins énergétiques1), Ada se fait guider par Marcus jusqu’à la mystérieuse Cité des Murmures, ruines remontant aux premiers temps de la colonisation humaine de la planète, et laissées à l’abandon depuis des temps immémoriaux par les descendants un chouilla dégénérés, ou en tout cas, déculturés, de ces malheureux colons. Alors que tous les signes semblent indiquer qu’il se cache autre chose sous ces disparitions qu’un smilodon taquin ou un dodo atrabilaire, et qu’une petite voix se met à répéter en boucle à Marcus qu’il doit prouver sa valeur, tel le capitaine du Gondor qu’il était peut-être dans une vie antérieure, notre taskforce tombe dans une embuscade de locaux, qu’une influence néfaste a manifestement soumis à sa volonté, en plus de leur avoir refait le portrait avec autant de réussite que le premier chirurgien esthétique moldave venu. Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, les Cœurs Valeureux ont tôt fait de buter les butors, à commencer par l’inflexible Adamanthea, qui s’offre un petit solo à l’Eviscerator (c’est plus rock que la scie musicale), pendant que le reste de son escouade la regarde œuvrer de loin avec les yeux de Chimène.

Cette galéjade évacuée, Marcus doit justifier à ses protectrices l’intérêt suspect dont sa précieuse personne suscite visiblement chez les chuchoteurs en folie, le missionnaire ayant en effet été l’objet d’une louche tentative d’enlèvement plutôt que d’une honnête tentative de meurtre, ce qui n’arrange pas ses relations avec la méfiante Adamanthea. Cette dernière préférant consigner le zélé zélote à la sécurité du coffre de son Rhino de fonction, ce que le missionnaire, à ce stade obnubilé par l’impérieuse nécessité de prouver sa valeur, ne peut entendre, notre héros fausse manum milatarum compagnie à ses chiennes de garde, et part à toute berzingue vers le cœur de la cité, mu par le sentiment impérieux que là l’attend sa destinée… et peut-être une pincée de coercition psychique.

Car en effet, alors que sa cavalcade éperdue l’amène jusque dans les ruines de la cathédrale locale, il réalise avec effroi que son corps ne lui appartient plus. Et pour cause, c’est sur l’invitation expresse du démon de Tzeentch qui squatte les lieux en toute impunité, et ayant bien compris l’intérêt d’ajouter un représentant Missionaria Galaxia à son réseau Linkedin, que l’aimable Amouris a fait faux bond à son escorte. Enfanté par la peur ressentie par les tribus locales envers la cité abandonnée, le truc du changement (car soyons clair, avoir le physique d’un tas de pâte à modeler Play Doh ne fait pas de vous un Duc) a lentement affermi son emprise sur le Materium, attirant toujours plus de natifs crédules vers leur perte, jusqu’à parvenir à attraper une proie un peu plus intéressante, capable de porter la parole divine sur d’autres planètes. Malheureusement pour notre fontaine de Bestigor Flesh, Adamanthea et Cie ne l’entendent pas de cette oreille, et débarquent bientôt pratiquer un peu de chirurgie réparatrice sur les séides du grand blub. Le combat est plutôt égal, à la fureur pleine de bolts des Sœurs répondant le feu arcanique des démons, jusqu’à ce qu’Ada, encore elle, entre un cheat code lui conférant une sauvegarde invulnérable, pour cause de foi indomptable envers l’Empereur. Face à tant de bassesse, et à un Eviscerator débridé, notre pauvre entité du Warp finit tout autant dépitée que débitée (en rondelles), assurant la victoire de l’Imperium, malgré des pertes sévères chez les Sistas. Ayant de son côté réalisé les errements causés par un ego surdimensionné, l’ayant laissé vulnérable aux insidieuses promesses de gloire susurrées par le démon, Marcus demande à Adamanthea sa mutation la droite de l’Empereur, que l’aimable DS lui accorde d’une caresse de son fidèle Tristar EM-41000. Moralité : mieux vaut ne pas aller au bout de ses rêves, car c’est souvent là que la raison s’achève.

1 : En plus de ça, comme le chef de village en question est décrit par Worley comme « étant presque de la taille d’un Peau-Verte », sans plus de précisions, je ne peux m’empêcher de me représenter ce farouche autochtone comme légèrement plus petit qu’un Snotling. Ce qui ne l’empêche pas de mener sa tribu à la baguette massue et de jouir d’une autorité incontestée, avant que les Sistas ne viennent lui apprendre les vertus de la parité à base de perforation podologique.

AVIS:

Soumission de bon aloi pour l’ami Worley, qui démontre à nouveau avec ce Whispers qu’il a bien compris la manière dont les démons interagissent avec le monde matériel dans l’univers de 40K, après l’intéressant The Nothings (Maledictions), qui comptait lui aussi un résident de l’Immaterium dans son casting. On peut cependant regretter que le potentiel scénaristique des voix « valeureuses » de Marcus ne soit finalement que peu mis à profit, l’auteur faisant monter la sauce au fil des pages avec une maîtrise consommée, qui ne débouchera que sur une révélation assez banale, et surtout, bien franche au vu de l’allégeance de l’antagoniste (un petit twist final aurait été de bon goût, methinks). Autre petite déception, une caractérisation des personnages un peu lacunaire, en ce que ni Marcus, ni Adamanthea ne sortent vraiment de leurs archétypes respectifs, malgré des éléments intéressants mis en relief par Worley (la vanité du missionnaire, le passé trouble de la Dominion) au cours du récit. Malgré tout et mine de rien, Whispers reste l’une des nouvelles traitant des Sœurs de Bataille les plus abouties à ce jour (à mes yeux), notamment grâce à la bonne prise en compte par Worley du fameux « facteur foi » propre à cette faction, et qui constitue une part fondamentale de son identité et de son intérêt narratif (bien plus que le fanatisme chevillé au corps mis en avant par d’autres auteurs, qui peut être transposé à à peu près toutes les forces armées de l’Imperium, et ne constitue donc pas une caractéristique propre aux petites fiancées de Vandire). Il était une foi…

.

The Battle for Markgraaf Hive – J. Hill :

INTRIGUE:

The Battle of Markgraaf HiveComme les plus sagaces des lecteurs de cette chronique l’auront certainement deviné, la nouvelle du sieur Hill traite donc de la bataille pour la ruche Markgraaf1, opération de reconquête et pacification à laquelle l’unité de Minka Lensk, héroïne récurrente de l’auteur, à le plaisir et l’avantage de participer, en compagnie du \[|{™#{ème Cadien (comprendre qu’entre les pertes au combat non remplacées et les fusions régimentaires qui s’en suivent, les numéros défilent plus rapidement que lors d’une soirée bingo à l’Ehpad de Bois-Robert-sur-Veule).

Au menu de ce qui peut sans doute être considéré comme un séminaire annuel pour les derniers des Targaryen – cette manie de coller des yeux violets aux protagonistes pour les distinguer de la masse… –, une activité de team building dans les ténèbres des niveaux inférieurs de la ruche en question, avec les habituels cultistes hargneux-mais-bon-ça-va-on-a-vu-pire en lieu et place des assiettes en céramique à décorer, qui étaient à la mode en ce genre d’occasions quelques millénaires plus tôt. Une fois la séance initiale de laser game terminée, on enchaîne avec une découverte de la faune locale, qui consiste en des rats de la taille d’un rat et des asticots de la taille d’un chien (appelons-les maxticots), suivie par une session d’aqua-relax dans un bassin naturel, sous les ordres d’un Commissaire-Nageur un brin autoritaire.

À peine le temps de réaliser que les maxticots ne font pas de bons candidats au fish pédicure, à moins d’être un Ogryn peu chatouilleux, qu’il faut enchaîner avec une initiation à l’escrime médiévale/escape game sous la houlette de Philippe Chaos-therine (il coupe sa hache… et il rallume sa hache…), Space Marine renégat reconverti en coach de vie. Cette journée intense se termine par quelques longueurs de brasse coulée, un temps calme de 10 minutes devant une œuvre d’art moderne convenablement moche, et un ultime passage au hammam (mais habillé, ce qui est concept). Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de vivre des séminaires aussi riches. Merci qui ? Merci Abby !

1 : À ne pas confondre avec la ruche Steffigraaf, qui malgré quelques revers, est toujours au service de l’Empereur.

AVIS:

Propulsé directement dans le feu de l’action dès les premières lignes de The Battle… (au moins, le titre n’est pas mensonger), le lecteur aura sans doute quelques difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de cette successions de péripéties aussi guerrières que brouillonnes, expédiées sans tact, ni finesse, ni connecteurs logiques (ce qui surprend au début, irrite au milieu, et fait marrer à la fin) par un Justin Hill aussi maître de son propos qu’un élève de CM1 couchant par écrit le récit de ses vacances de printemps.

Si le début de la nouvelle fait illusion, tout se corse à l’arrivée sur la mare aux maxticots, théâtre d’une empoignade confuse, suivi de l’arrivée d’un groupe de survivants – dont un Valhallan, qui passait dans le coin – mené par un Commissaire, suivi de l’exécution d’un Garde qui trouvait l’eau trop froide, suivi de l’arrivée du random Chaotic Space Marine de base, suivi d’une ré-empoignade confuse, suivie d’une fuite éperdue de l’héroïne jusqu’au fond du bassin, suivi d’un questionnement philosophique sur la destinée des Cadiens survivants, suivi d’un séchage express, inexpliqué et interprété comme miraculeux par une Minka à laquelle il ne faut pas grand chose, des vêtements de nos héros, suivi de la fin du récit, qui s’achève donc davantage comme un chapitre de roman qu’un court format digne de ce nom, faute d’un dénouement digne de ce nom (sauf si être coincé à deux sans matos dans une caverne inondée peuplée de vers carnivores géants et squattée par des hordes d’hérétiques peu aimables et un Space Marine du Chaos altéré de sang constitue un explicit satisfaisant, bien sûr1).

Pauvre en termes de fluff, d’informations sur le passif de Mina Lensk, et d’une assez grande banalité dans son propos, The Battle… lorgnait peut-être du côté de la saga Gaunt’s Ghosts, et notamment du siège de Vervunhive couvert dans Necropolis, pour son inspiration, mais le fruit (plein d’asticots, donc) est tombé trèèèès loin de l’arbre. Pour laisser le mot de la fin, en même temps que du début, car j’aime bien boucler des boucles sur mon temps libre, à Hill en personne : « What the hell is happening ? »

1 : Si c’est le cas, vous êtes bizarre.

.

A Brother’s Confession – R. McNiven :

INTRIGUE:

A Brother's ConfessionSur la barge de bataille Ultramarines Spear of Macragge, l’Apothicaire Primaris Polixis se rend à confesse pour expier le crime qui lui pèse sur la conscience depuis le dernier engagement auquel il a participé aux côtés de ses comparses de la Fulminata, contingent de Necmarines1 rattaché au Chapitre natal de ce bon Roboute. Et quel crime ! Rien de moins que le meurtre d’un de ses frères de bataille, l’infortuné Artimeus Tulio. Avant que le sévère Chapelain Kastor, qui se trouve être le véritable frère de Popol (d’où la subtile référence mythologique que le lecteur sagace n’aura pas manqué d’identifier) et auquel pleins pouvoirs sont laissés pour traiter cette affaire, ne délivre son jugement, un petit flashback explicatif des familles (et pour cause) s’impose…

Nous voilà donc sur Atari, planète renommée dans tout l’Ultima Segmentum pour la rectitude de ses arcades et la qualité de ses bornes, et plus précisément dans le manoir du gouverneur local, où les Fulminata sont engagés dans une furieuse partie de FPS contre des hordes de cultistes de Tzeentch. Le monde est en effet la proie à une rébellion caractérisée contre la sainte autorité de l’Empereur, et la situation est suffisamment mal engagée pour que les grands bleus se retrouvent engagés dans une course contre la montre pour mettre le gouverneur De La Sario en sécurité, ou a défaut, lui coller un bolt dans le caisson, afin d’empêcher les dissidents chaotiques d’activer les plateformes orbitales de la planète, verrouillées génétiquement sur le profil du dirigeant légitime d’Atari.

Accompagnant une escouade d’Intercessors sur place, Polixis se trouve confronté à un choix difficile : voler à la rescousse de ses frères, dont certains ont été grièvement blessés par un assaut de cultistes à la férocité imprévue, à l’autre bout du palais, ou battre en retraite en compagnie des hommes du Sergent Nerva, comme ce dernier, le bon sens, et jusqu’au Codex Astartes le préconisent. Confiant en l’épaisseur de son armure en scenarium renforcé, l’intrépide Apothicaire décide de taper un sprint jusqu’à la position des surhommes à terre, ce qu’il parvient à faire sans trop de difficultés. Il est cependant déjà trop tard pour le pauvre Scaevola, plus perforé qu’une copie double à la sortie de la presse, et dans un état trop désespéré pour que Polixis ne puisse lui accorder autre chose que la Paix de l’Emper- ah, non, visiblement il n’y a même pas le temps pour ça, et c’est donc à une ablation de ses glandes progénoïdes pre-mortem (en atteste le fait que Polixis ait besoin de clamper l’incision cervicale pour éviter que la plaie se referme trop vite) à laquelle le doublement malchanceux Scav’ a droit. Il y a des jours comme ça…

L’affaire réglée en moins d’une minute, qui a dû tout de même paraître très longue au patient opéré2, Polixis, décidément très joueur, opte pour une action d’arrière garde afin de s’enquérir de la santé du dernier membre de l’escouade, qui se trouve être le fameux Tulio. Pendant que ses petits copains, qui ne connaissent ni la peur, ni la témérité, se replient sagement vers le point d’extraction, notre héroïque Apothicaire se glisse jusqu’à la position de Tutu, qui git dans une mare de sang et un monceau de cultistes du mauvais côté d’un pas de tir chaotique. Pas de quoi arrêter Polixis, que son statut de personnage principal racontant un flashback rend confiant quant à sa capacité de braver la mort, n’eut été la présence im- ou o- pportune de la fille du gouverneur de l’autre côté de la pièce. Cette dernière pouvant tout autant que son pôpa donner aux Ultramarines l’accès à la plateforme orbitale, c’est à un nouveau dilemme que Polixis doit faire face. Il ne peut en effet secourir qu’un des deux individus susnommés, et c’est peu dire que ses cœurs balancent. Optant finalement pour la fille (chez les Ultras, c’est pas « bros before hoes » donc), il récupère le précieux colis et repart enfin vers la sécurité du Thunderhawk garé en double file à l’extérieur du palais, les quelques blessures qu’il récolte au passage n’étant pas assez graves pour l’empêcher de mener sa mission à bien.

Et nous voilà de retour sur le Spear of Macragge, où l’inflexible Kastor doit bien se demander ce qu’il a fait pour avoir un tel Mary Sue comme frangin. Car non, Polixis n’a pas tué Tulio. Son « crime » est d’avoir sciemment abandonné le patrimoine génétique d’un frère tombé au combat, pour accomplir une mission qui lui semblait plus importante sur le moment. Oh mon Empereur, mais c’est absolument terribleuh ! Et Kastor de broder une jolie parabole sur le sauvetage d’un chiot tombé dans la rivière quand lui et Polixis étaient gamins, afin de convaincre son fragile de frère qu’il n’a rien fait de rédhibitoire. À se demander comment il a réussi à gagner sa carapace noire avec cette sensibilité malvenue. Je te l’enverrais vers un stage d’endurcissement chez les Iron Hands ou les Marines Malevolent, moi. MauviBleuette, va.

1 : Car comme le dit l’expression : « Nec plus ultra ».

2 : D’autant plus que le Sergent décide une fois les glandes extraites de repartir avec le corps de Scaevola. Sauf perissabilité extrême des progénoïdes, ce qui serait étonnant vu la résilience généralisée d’un Space Marine, on peut donc plaider la cause de l’acharnement thérapeutique sur le pauvre bougre.

AVIS:

Malgré une introduction prometteuse, augurant d’un fratricide en bonne et due forme commis par le plus insoupçonnable des coupables (un Primaris Ultramarine : plus droit dans ses bottes que ça, c’est un chausse-pied), cette courte nouvelle de McNiven se révèle être au final composée à 50% de bolter porn, et à 50% de publicité pour les organes supplémentaires des Primaris. À croire que le déclenchement de la Fournaise Belisarienne du frère Posthumus constitue une information cruciale à transmettre lorsqu’on est sous le feu ennemi. L’occasion pour les fans de Bonnet Bleu et Bleu Bonnet, héros du roman Blood of Iax/Le Sang d’Iax de retrouver les frangins dans un contexte un peu différent, mais qui ne devrait, sauf erreur de ma part, pas fondamentalement changer la vision que le lecteur a de nos deux larrons. Pas désagréable, mais très loin d’être indispensable.

.

Rise – B. Counter :

INTRIGUE:

RiseQuelque part dans les ténèbres urbaines de Comorragh, un Drukhari en pleine crise de la cent-trentaine a décidé de tout plaquer pour prendre un nouveau départ, que dis-je, un nouvel essor, dans la vie. Notre héros, Skanis de son prénom, commence donc la nouvelle sur la table d’un Homonculus, qui l’a obligeamment transformé en poids plume en l’échange de six cadavres de premier choix. Aspirant à rejoindre la haute société des Fléaux, Skanis devra passer par une quête initiatique des plus périlleuses pour rejoindre une aire de décollage digne de ce nom (c’est ça de se faire greffer des ailes d’albatros et non de mouche : c’est plus classe mais l’envol n’est pas facile), seulement accompagné de l’oisillon aile-de-rasoir tombé du mirador qu’il ramasse sur le chemin vers les cimes de la spire Kaledari. Parking souterrain squatté par des Mandragores désœuvrées et racketteuses, hôtel particulier d’un Archon fin de race, logement social de la vielle folle aux chats khymerae… pour être blême, il est blême cet HLM1 ! Et comme l’ascenseur social de Comorragh est définitivement en panne, il faudra à notre intrépide impétrant emprunter l’escalier de service, à ses risques et périls. C’est l’histoire d’un Fléau qui monte jusqu’au 50ème étage. Le mec, au fur et à mesure de son ascension, il se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien…

1 : Habitat à Locataires Meurtriers.

AVIS:

Soumission sympathique du gars Counter, qui démontre une nouvelle fois qu’il est tout à fait capable de tenir son rang de vétéran de la BL lorsqu’il se donne la peine de structure un peu son schéma narratif. Comme pour Sacrifice et Irixa, deux nouvelles parmi les plus réussies de notre homme à mon avis, Rise est construit autour d’une succession de péripéties symétriques, qui permettent à l’auteur de présenter des situations très variées sans mettre en péril la cohérence du récit, tout en faisant réfléchir le lecteur sur les divergences et points communs de ces dernières. Bénéficiant de quelques trouvailles scénographiques de bon aloi, comme l’orchestre de cadavres écorchés chargé d’ambiancer la petite sauterie du l’Archon du 2ème étage, ainsi que de la profondeur apportée par l’utilisation d’un héros « churchillien » (comprendre qu’il est le pire personnage de l’histoire, à l’exception de tous les autres), et d’une conclusion grimdark à souhait, Rise est l’une de ces nouvelles qui incarnent et décrivent à la perfection le sombre et singulier attrait de l’univers de Warhammer 40K. Plutôt pas mal donc.

.

Flayed – C. Scott :

INTRIGUE:

FlayedSur Sandran, planète impériale localisée en périphérie des Astres Fantômes, la vie des habitants est rythmée par les incursions régulières autant que malvenues, de squelettes métalliques aux doigts acérés et adeptes déviants du peau à peau. N’ayant pas trouvé d’autres remèdes à ce mal que de limiter autant que possible les actes de violence entre concitoyens, soupçonnés d’attirer l’attention de ces Ecorcheurs même à des années lumières de distance, les Sandranites ont pris l’habitude de se claquemurer chez eux au premier carillon de la cloche annonçant un nouveau raid Nécron, priant pour que les témoins de Llandu’gor aillent frapper chez le voisin plutôt que chez eux, et ne sortant qu’une fois le danger écarté pour passer la serpillère.

C’est pendant une de ces descentes de peaux-lisses que Cavan Scott nous entraîne, braquant son stylo sur la preste Alundra, récemment orpheline de famille suite à une opération porte ouverte mal négociée par sa mère, femme au foyer trop crédule, mais déterminée à retrouver son frère Husim dans le dédale de la cité assaillie, malgré le danger permanent que représente les insaisissables Ecorcheurs. Fort évidemment, notre héroïne fait une mauvaise rencontre au détour d’une ruelle sombre, et ne doit son salut qu’à l’intervention opportune d’un Space Marine Death Spectre qui passait dans le coin, ainsi qu’à la main secourable que lui tend son frangin depuis une fenêtre proche, permettant à Alundra, dont les capacités d’esquive s’avèrent être légèrement surestimées – tant pis pour ses rêves de carrière à Dreadball, de toutes façons, ce n’était pas le bon univers –, de rejoindre la sécurité relative d’une boulangerie abandonnée. Sommés par leur sauveur de rester où ils sont, les deux ados rebelles ne trouvent rien de mieux que d’inciter le noble Astartes albinos à aller voir là haut s’ils y sont (spoiler : c’est vraiment le cas), avant qu’Husim n’entraîne sa sœur jusqu’au lit parquet de douleur de son meilleur ami, un certain Galeb, dont le tort fut d’avoir commencé une guerre de chatouilles avec un Ecorcheur sans porter de plaque ventrale. Sortez couverts, kiddos.

Réalisant en son for intérieur que le gars-leb constitue un fardeau en plus de réduire leurs chances de gagner l’hypothétique salut de l’hôtel de ville, où d’autres survivants sont rassemblés, possiblement sous la protection des Death Spectres, mais ne pouvant se résoudre à laisser un camarade derrière elle, Alundra convainc ses comparses de tenter une virée en centre ville, ce qu’ils s’apprêtent à faire lorsque leur situation se dégrade fortement. D’une, un nouvel Ecorcheur se matérialise dans la pièce, et entame fissa la numérotation des abattis de l’homme à terre, qui d’andouille de Galeb, devient une galette à l’andouille1. De deux, le Space Marine précédemment croisé par nos chenapans a réussi à trouver la porte de la boulangerie, et, suivant les instructions qui lui ont été données, est monté participer à la petite sauterie improvisée par les teenagers de Sandran. Profitant de la confusion qui s’en suit, Alundra parvient à s’éclipser en douce, soutenant un Husim fort marri d’avoir tenté d’interrompre le dîner presque (dur de manger quand on n’a pas de bouche) parfait du Nécron, et ayant récolté des blessures presque certainement fatales pour sa peine.

À nouveau à la rue, nos héros se font cueillir par un duo SM (en tout bien tout honneur cependant), qui ont tôt fait de capturer Alundra et de laisser Husim agoniser sur le trottoir. Cette froide logique est obligeamment explicitée par le Sergent Vilda, qui ressort de la boulangerie après avoir calmé les ardeurs coupe-file d’une poignée d’Ecorcheurs mal-léchés et dévalisé le stock de chocolatines au passage : ayant réalisé qu’ils menaient une bataille perdue d’avance contre les Nécrons, les Death Spectres ont décidé de pratiquer la tactique de la terre brûlée contre les insidieux Xenos, et évacuent les planètes sujettes aux raids d’Ecorcheurs. En échange de ce bon et loyal service, les Astartes s’arrogent cependant le droit de sélectionner les individus les plus aptes à engendrer les nouvelles recrues du Chapitre, et à les installer dans des camps de concentration reproduction. C’est donc le destin, pas forcément enviable, mais toujours mieux que rien, qui attend notre pauvre Alundra. C’est qu’on appelle donner de sa personne au service de l’Empereur.

1 : La nuance est fine, ce n’est pas étonnant qu’un Nécron s’y soit perdu. Un peu de tolérance envers nos amis métalliques, s’il vous plaît. 

AVIS:

Flayed est l’illustration qu’il ne suffit pas d’un twist final acceptable (même si la réalisation laisse à désirer) et d’un cadre un brin exotique pour accoucher d’une nouvelle convenable. La faute à des personnages insuffisamment développés, et auxquels le lecteur a bien du mal à s’attacher, des péripéties génériques n’apportant pas grand chose au récit à part une dose de grimdark passablement frelatée, et un manque de contextualisation, sans parler d’éléments fluff (l’étrange cri de guerre des Death Spectres mis à part), faisant tomber Sandran et ses détestables sauveurs1 dans les limbes de l’impersonnalité où tant de planètes et sous-factions de 40K ont sombré corps et bien au fil des ans. C’est d’autant plus dommage que les Death Spectres commencent à se faire un nom dans les publications de la BL, et se trouvent de plus en plus utilisés par les auteurs de cette dernière. Il y avait donc des choses à faire pour Cavan Scott de ce côté, en commençant par respecter l’historique fixé pour ce Chapitre, dont le mutisme caractérisé est apparemment resté en orbite haute avec la compagnie de réserve. Pour le lol, on pourra faire le parallèle entre ce Flayed, assez gore à défaut d’être intéressant, et sa version « tout public », le Attack of the Necron du même auteur, sorti dans la collection Warhammer Adventures. Attention à ne pas se tromper lors de l’achat du cadeau d’anniversaire du petit Timmy, les parents risquent de ne pas apprécier de devoir expliquer ce que « écorcher », « éventrer », et « femelle reproductrice » veut dire à leur chère tête blonde… Mais c’est ça aussi le 40K qu’on aime, par l’Empereur !

1 : Dont on se demande bien comment ils ont fait pour être là au bon endroit et au bon moment, si les Dépeceurs peuvent vraiment se matérialiser sur la planète en claquant des pinces.

.

A Memory of Tharsis – J. Reynolds :

INTRIGUE:

A Memory of TharsisOn peut nourrir le plus beau, le plus grand, le plus noble des projets, s’y dévouer corps et âme et y sacrifier son statut, ses relations et jusqu’à sa santé pour le faire aboutir, et devoir se plier à des contingences bassement matérielles de temps à autre. Après tout, même l’Empereur devait aller aux toilettes avant d’être incarcéré dans le Trône d’Or. Dans un autre style, plus hétérodoxe mais non moins convaincu de la justesse de son dessein, nous retrouvons cette (littéralement) vieille ganache de Fabius Bile, alors qu’il paie une petite visite de courtoisie à Lady Spohr, régente bio-mécanique du bastion du Dark Mechanicum connu sous le nom de Quir. Nécessité faisant loi, notre affable généticien, à court de ressources et toujours bien embêté par le cancer généralisé qui le ronge à petit feu depuis maintenant quelques millénaires, en est réduit à implorer la faveur de celle qui considère presque comme une vieille amie, mais certainement pas comme une alliée fiable, pour obtenir le matos dont il a besoin pour poursuivre ses recherches. Car, au cas où vous l’ignoriez, Bile en est une – de bille, pour ceux qui ne suivent pas – en ingénierie mécanique, et a désespérément besoin d’un fraiseur-tourneur compétent afin que les outils nécessaires à ses grands travaux soient développés1.

Accueilli en grande pompe par le Chœur de radio trans(génétique), composé des descendants directs des créatures qu’il avait créé en cadeau pour Lady Spohr au cours d’un précédent voyage, Fabius accroche son plus beau sourire à ses chicots pourris, et commence à tailler le bout de gras à son acariâtre hôtesse, dont l’insistance à recevoir le tribut que l’Emperor’s Children est censé lui remettre en échange de ses bienveillantes attention, va à l’encontre de la politesse la plus élémentaire. Il en faut cependant plus pour désarçonner notre fringant vieillard, qui ménage ses effets avec un art du badinage consommé… jusqu’à ce qu’un robot Castellan, camouflé jusqu’alors sous la moquette de la plateforme, ne jaillisse de sa cachette pour rappeler à Bile que non seulement, il est impoli de faire patienter une dame, et qu’il compte de nombreux et puissants ennemis, dont certains n’aimeraient rien tant que garder cet électron libre à disposition, ce qu’une détention arbitraire prolongée pourrait accomplir de façon convenable.

Ne pouvant compter ni sur ses fidèles Chirurgeon et Xyclos pour se débarrasser de l’importun, Fab’ emploie les grands moyens et enfonce le Spectre du Fondement bien profondément dans le tourment de l’automate – ou peut-être est-ce l’inverse – et a le plaisir de constater que même l’esprit de la machine est sensible à la douleur. Cette petite victoire ne fait cependant pas les affaires de notre héros, toujours en manque criant (merci la cape en peau de fesse de Space Marines et l’influence mutine du Warp…) de soutien et de matériel pour continuer ses expérimentations. Ravalant sa fierté en même temps que ses métastases, Bile se fend donc enfin d’un petit cadeau à la maîtresse de maison, qui se révèle être un cadre photo numérique, ou son équivalent 40K-esque, rempli à ras bord de clichés pris dans la région de Tharsis sur Mars par un techno-adepte ayant eu la mauvaise idée de croiser le chemin du bon docteur. Cette délicate et poétique attention fait mouche auprès de Lady Spohr, autrefois stationnée sur la planète rouge, à cet endroit précis, qu’elle porte toujours dans son cœur (si tant est qu’elle en ai un), même après des millénaires d’exil. Elle accepte donc d’accéder à la requête de notre homme, et propose même de lui révéler le nom des commanditaires de la tentative d’oldnapping dont Fabius vient de faire les frais. Ce dernier se permet le luxe de refuser, peu intéressé par cette information somme toute pertinente, et la nouvelle se termine sur la conclusion d’un nouvel accord entre l’homme de chair et la dame de fer. Ils étaient faits pour s’entendre.

AVIS:

À force de pratique la prose de Josh Reynolds, j’en viens à pouvoir catégoriser les écrits de ce dernier en plusieurs catégories. Celle dans laquelle je range ce A Memory of Tharsis regroupe les « travaux de remplissage » de cet inépuisable et inextinguible auteur, reconnaissables à leur intrigue convenue et sans surprise ainsi qu’à leur faible valeur ajoutée en termes de fluff. Familier du personnage de Fabius Bile, qu’il a mis en scène dans plusieurs romans et nouvelles, plutôt qualitatifs comme à son habitude si j’en crois les retours que j’ai pu en lire, Reynolds ne s’est pas vraiment foulé pour cette historiette dans laquelle rien de bien intéressant ne se passe. La valeur ajoutée de cette soumission repose davantage à mes yeux dans l’approche plutôt mélancolique, voire poétique, favorisée par l’auteur, qui semble mettre un point d’honneur à démontrer que même les servants du Mechanicum Noir peuvent chérir des souvenirs sentimentaux – et donc strictement inutiles – plus qu’ils ne le devraient en réalité. Certes. Mis à part cela, et ce n’est finalement pas lourd, on n’apprend pas grand-chose sur les intentions du docteur Jabuse. Ou comment romancer un passage à la caisse de la supérette de quartier pour acheter des piles et que la vendeuse n’est pas aimable. Tout prend une autre dimension avec 38.000 ans de recul.

1 : D’où l’intérêt des filières professionnelles au 41ème millénaire, tout le monde ne peut pas faire HEC ou l’ENA.

.

Left for Dead – S. Lyons :

INTRIGUE:

Left for DeadSur le monde ruche de Parius Monumentus, la vie reprend doucement son cours après que l’insurrection chaotique décennale ait été écrasée dans le sang. L’épisode ayant été particulièrement soutenu, le gouverneur local dut avoir recours à l’aide précieuse, si brutale, d’un régiment du Death Korps de Krieg, dont la légendaire abnégation morbide s’est avérée plus que suffisante pour calmer les ardeurs séditieuses des cultistes de Slaanesh locaux. Pendant que les loyaux survivants s’activent à déblayer les décombres, un rescapé hagard est trouvé en train d’errer dans les ruines, tel un Kabalite au lendemain d’une orgie. Souffrant d’une amnésie profonde, sans doute causée par la blessure qu’il arbore à la tête, notre homme est redirigé sans attendre vers le dispensaire le plus proche, qui le remet sur pied avec toute l’alacrité que l’on en est en droit d’attendre de la part d’un service public impérial, et le redirige vers le camp de travail du quartier, où il aura la joie et l’honneur de participer à l’effort de reconstruction.

Notre héros, dénommé Arvo, s’emploie à préserver l’isolement dont il bénéficie auprès de ses collègues de turbin, jusqu’à ce que la jeune orpheline Zanne, impressionnée par son rendement et sa dévotion à la cause, commence à lui tourner autour pour faire ami-ami. Un temps mutique et bougon, Arvo finit par se dérider et prend l’adolescente sous son aile, sans toutefois répondre à toutes les questions que cette dernière lui pose sur sa vie avant la guerre. Et pour cause, Arvo se trouve être un déserteur de Krieg (un pacifiste, donc), ayant profité d’un cadavre frais et de l’absence de contremaîtres pour débuter une nouvelle vie sur un monde relativement en paix, ce qui est une grande première pour lui. Malgré les dangers inhérents de sa nouvelle occupation, comme les crises de folie violente de certains rescapés, les effondrements réguliers de bâtiments, ou simplement les châtiments corporels infligés service d’ordre envers les tire-au-flanc, Arvo se dit qu’il a bougrement gagné au change… jusqu’à ce que Zanne lui avoue que le véritable Arvo était bien connu d’elle, puisqu’ayant été son voisin de pallier avant que l’immeuble en question ne soit évacué manu militari par les forces locales, sans considération pour les habitants (à commencer par la mère de Zanne, fusillée par mesure de précaution suite au signalement de cultistes dans le bâtiment).

Evidemment, la révélation jette un froid entre nos deux comparses, Arv de Krieg redoutant à juste titre de se faire cafarder par sa protégée, tandis que cette dernière, qui a pu constater que l’AWOL ne rechignait pas à casser des crânes quand l’occasion se présentait, juge sans doute plus prudent de prendre ses distances. S’il s’avère au final que la pauvrette n’avait rien à craindre de l’homme qui nie, qui a au moins conservé de son ancienne vie un sens du sacrifice et une droiture morale digne d’une Sœur Repentia sous Xanax, les travailleurs de la pierre n’auront guère le temps d’enterrer la hache de guerre, puisque c’est Zanne elle-même qui finit sous les gravats, victime collatérale d’une attaque suicide d’une poignée de cultistes désespérés. Notre ex DKK a beau neutraliser les fâcheux presque à lui tout seul, Arvo ne s’appelle pas Arva, et n’arrive donc pas à désensevelir sa protégée avant qu’elle ne parte rejoindre l’Empereur. Cette petite grande âme envolée (et probablement prestement bouffée par un prédateur du Warp peu de temps après), Arvo réalise que la vie de civil n’est pas faite pour lui, finalement, et s’enrôle prestement dans la levée locale pour repartir guerroyer dans les étoiles, impressionnant de sa dévotion retrouvée l’officier recruteur passant en revue les troupes avant qu’elles ne soient dépêchées au front. On espère pour lui que son nouveau régiment est équipé de masques à gaz plus confortables que la dotation standard du Death Korps. Ce sont des petites choses comme ça qui rendent le 41ème millénaire supportable. Ca, et l’endoctrinement/lavage de cerveau/régime de terreur/ignorance crasse des masses/espérance de vie limitée… On aimerait presque être à leur place.

AVIS:

Le spécialiste maison du Death Korps de Krieg signe là une nouvelle sympathique, sans être grandiose, qui entraîne le lecteur sur une pente quasi philosophique, les atermoiements et questionnements d’Arvo sur sa condition de machine à tuer permettant à Lyons de brosser en creux le portrait, guère plus enviable, des masses laborieuses de l’Imperium. Bien que ces dernières bénéficient – en théorie – d’une existence plus sûre que celle d’un Garde Impérial (surtout si ce dernier vient de Krieg), Arvo a vite fait de réaliser toute l’inhumanité et la vanité de l’Imperium, béhémoth pourrissant ne luttant plus que pour sa survie, quel qu’en soit le prix. Ayant fait le choix de ne pas (tenter de) ménager un suspens sur la véritable identité de son héros (qui d’ailleurs laisse échapper beaucoup trop de sous-entendus à propos du DKK pour donner le change de façon convaincante), l’auteur adapte librement les Misérables à la sauce 40K, avec un Jean Valjean retournant de lui-même au bagne à la mort de Cosette. Encore plus grimdark que l’original !

.

Unearthed – R. Sanders :

INTRIGUE:

UnearthedÀ la poursuite de la bande d’Alpha Légionnaires (le nom sonne bizarre, mais on va dire que c’est techniquement correct et facilement compréhensible, donc…) responsable du décès tragique et prématuré de son supérieur hiérarchique, le regretté Inquisiteur Godefroy Pyramus, l’Interrogateur Kiefer atterrit sur le monde agricole de Grendl, lui aussi victime des (in)délicates attentions des fils putatifs d’Alpharius et Omegon. Les vastes champs céréaliers de la planète ont en effet été dévastés par une invasion de vermine Xenos, « malencontreusement » libérées à la surface de Grendl par ces farceurs de chaotiques, réduisant la mer de grains en bassin de poussière. Cette tragédie écologique est cependant le cadet des soucis de notre héros, qui, tout à son désir de vengeance, a réquisitionné les services d’un peloton de Rough Riders d’Attila ainsi que d’une escouade d’Ogryns, combinaison assez exotique il faut bien le reconnaître. Ayant localisé l’épave d’un cargo spatial à proximité de sa position, Kiefer entraîne ses ouailles sur place afin d’explorer ce qui pourrait être la planque de ses ennemis.

L’exploration de l’intérieur du vaisseau, bien que n’apportant dans un premier temps que la confirmation que les Honourless (le nom de la bande du Seigneur du Chaos Sysyphon Vail1, la Némésis de Pyramus et Kiefer) sont bien derrière le crime environnemental commis sur Grendl – ce que Sanders avait affirmé de façon péremptoire au début de la nouvelle, ce qui rend l’hésitation postérieure de son héros assez contre intuitive –, finit cependant pas porter ses fruits, Kiefer et Cie tombant dans l’embuscade tendue par les Space Marines du Chaos, dont les armures mises en veille prolongée ont trompé les scanners impériaux jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Et pour tomber, ça, ils tombent. Déchiquetée par le barrage de bolts déchaîné par les renégats, la passerelle occupée par les troupes inquisitoriales s’écroule sur elle-même, entraînant avec elle la plupart des Attilans, qui font décidément moins les malins sans chevaux et sans lances explosives. Furieux à l’idée que ses hommes puissent avoir du plomb dans la cervelle, si tant est que les semelles des bottes énergétiques de l’Alpha Legion soient plombées (bah oui, les munitions ça coûte cher), Kiefer, rattrapé in extremis par le bout de sa cape et par son dévoué garde du corps, rate toutefois son test de stupidité, et se laisse choir à son tour dans la mêlée, se brisant la jambe et perdant son pistolet bolter à la réception, comme un grand. Avait-il bu pour prendre une décision aussi radicale ? Eh bien… oui. C’est Godefroy qui doit s’interroger sur son Interrogateur.

Fort heureusement pour notre héros peu inspiré, ses adversaires ne sont pas exactement des foudres de guerre non plus. En témoigne le Légionnaire qui s’approche pour lui régler son compte, et rate lui aussi son test, cette fois d’Initiative, ce qui laisse à Kiefer assez de temps pour se traîner jusqu’à son arme, la ramasser, mettre le chaotique en joue, et lui coller un bolt entre les augmétiques. La confusion généralisée régnant à ce moment du récit permet même à l’Interrogateur de sonner les Ogryns qui patientaient jusqu’alors à l’entrée du vaisseau, détestant comme chacun sait les espaces confinés (ce que Sanders soulignera un nombre non nul de fois au cours de la quinzaine de pages de sa nouvelle). L’arrivée des Abhumains offre un sursis bienvenu, mais de courte durée, aux impériaux, et c’est avec un regret non feint que Kiefer voit le fameux Sysyphon filer à l’anglaise avec quelques hommes sans que son fémur fracturé et son abdomen perforé de shrapnels ne lui permettent d’y faire grand chose. Comble de malheur, le fourbe Vail, en bon méchant de série Z Oméga qu’il est, avait eu le temps d’installer des booby traps dans l’épave, qui commence à se remplir de sable à une vitesse inquiétante sitôt après son départ.

Début spoiler Incapacité par ses blessures, Kiefer aurait certainement suffoqué dans la soute en compagnie de ses suivant, n’eut été la dévotion d’un Ogryn mieux équipé que la moyenne des ses camarades (pensez-donc, il avait un bandana et des lunettes de protection : un prix Nobel en puissance), qui sacrifie noblement sa vie pour permettre à sa nullité de patron de s’échapper par une fissure de la pièce. S’en suit une longue séance de reptation pour notre héros, qui ne pense à utiliser sa radio qu’un peu tard en chemin, et arrive évidemment trop tard pour assister son arrière-garde contre la percée des Honourless. Et la situation s’empire encore lorsque Kiefer se rend compte, après avoir tenté de contacter le reste de son équipe, en orbite autour de la planète sur son vaisseau de fonction, que ce dernier a été abordé et saisi sans coup férir par l’Alpha Légion. C’est un Sysyphon heureux qui annonce à son ennemi qu’il a bien pris connaissance des informations top secret que l’ordinateur de bord contenait à propos de l’Inquisition (Kiefer aurait dû fermer sa session avant de descendre sur le plancher des vaches), et qu’il va de ce pas point de Mandeville rendre une visite de courtoisie à la base inquisitoriale la plus proche.

Seule source de réconfort pour notre héros, il parvient à couper la communication avant que Sysyphon ait eu le temps de placer un rire machiavélique de rigueur, ce qui aurait constitué un déshonneur absolu pour le camp loyaliste. Au lieu de ça, Kiefer parvient à joindre ses derniers fidèles, barricadés dans la salle des machines du vaisseau, et à le convaincre de faire sauter ce dernier afin d’empêcher l’Alpha Legion de ruiner définitivement le groove de l’Empereur, et arracher une victoire morale pour l’Imperium. Ce qu’ils parviennent à faire. Bon. Kiefer voit donc un petit point lumineux s’allumer au firmament, et se diriger vers la surface. Certes. L’épave finit par s’écraser à la surface Grendl, ce qui réchauffe le cœur de l’Interrogateur avant que la mort ne le pr- ah, non, pardon, il est mort hors champ avant ça. Hmmm… Anti-climatique, vous avez dit anti-climatique ? Comme c’est anti-climatique. Fin spoiler

1 : Qui avait une soeur assez connue, Sysymone.

AVIS:

Nouvelle soumission plus que moyenne de la part de Rob Sanders, qui retrouvait cependant sa faction favorite pour l’occasion. L’Alpha Legion dépeinte dans ce Unearthed (pourquoi ce titre d’ailleurs, puisque l’intrigue ne fait pas mention d’un quelconque objet déterré) n’apparaît en effet pas comme l’implacable machine à manigancer qui avait signé la perte des Crimson Consuls de main de maître dans The Long Games at Carcharias, mais davantage comme une bande de sbires un peu plus furtifs que la moyenne, menés par un Seigneur du Chaos brillant plus par son œil jaune et noir que par son génie malveillant, ou même son implication dans le récit. Face à la nullité consommée de leurs adversaires, les renégats parviennent cependant à sauver la face d’Alpharius, mais que ce fut laborieux ! En choisissant d’articuler sa nouvelle autour de péripéties martiales des plus classiques, et donc assez peu intéressantes pour le lecteur habitué, Sanders ne capitalise pas vraiment sur le potentiel scénaristique de l’Alpha Legion, de la part de laquelle on serait en droit d’attendre coup fourré sur trahison (comme John French a réussi à le faire dans son très correct We Are One). Rien de tout ça ici, la seule fourberie à mettre au crédit des surhommes en canard (la couleur hein, pas l’animal) étant la mise de leurs armures énergétiques en mode nuit. Mouarf. Même la fin d’Unearthed est tristement sans équivoque, Sanders ne laissant à aucun moment soupçonner que l’insaisi (à défaut d’être vraiment insaisissable) Sysyphon Vail aurait pu mettre en scène sa disparition pour réapparaître quelques temps plus tard et continuer sa sinistre carrière. Bref, pas de quoi casser trois pattes à un canard (l’animal hein, pas la couleur).

.

The Aegidian Oath – L. Goulding :

INTRIGUE:

The Aegidian OathGoulding nous plonge dans le ventre mou de la (plus ou moins) Pax Imperialis, ces dix mille ans succédant à la fin de l’Hérésie d’Horus et à la mise sous cellophane de l’Empereur, et s’achevant aux alentours du fameux 41ème millénaire que nous avons appris à aimer. Malgré la couverture fluffique très limitée de cette époque, il est certain que les contemporains de cette dernière ne devaient pas se tourner les pouces, au vu de la fâcheuse tendance de la galaxie à partir en cacahouète juste au moment où l’on pensait la situation revenue sous contrôle. Bienvenue donc dans les toutes dernières années du 31ème millénaire, quelques neuf siècles après la grosse colère de (et la non moins grosse mandale paternelle à) Lulu Percale, et sur le monde – bien connu du fluffiste – de Sotha, où le devoir appelle le Chapelain Segas et le Frère-Vétéran Wenlocke, deux guerriers du Chapitre des Ultramarines.

Si nos deux acolytes ont fait le déplacement dans ce coin paumé du Greater-Ultramar, c’est qu’une mission bien particulière leur a été confiée par le Maître de Chapitre du moment, un certain Tigris Decon. Pour la mener à bien, ils doivent se rendre à la surface de la planète, et gravir la montagne interdite où, des centaines d’années plus tôt, s’est jouée une part non négligeable de l’Hérésie. Profitant de la présence, techniquement interdite mais néanmoins bienvenue, d’un berger local à la langue bien pendue et aux manières cavalières (appeler un Space Marine « guerrier châtré » en face à face, c’est sans doute faire preuve d’un peu trop de familiarité), Segas et Wenlocke rallient leur objectif sans tarder, et font bientôt la connaissance de l’homme qu’ils sont venus rencontrer : le Capitaine Oberdeii de la 199ème Compagnie des Ultramarines, du temps où le Chapitre était encore une Légion.

Vous me direz : « tout ça ne nous rajeunit pas », et vous aurez raison. Car Robert Déhi, comme son commandement (dont il est le seul survivant à l’arrivée des petits petits petits petits petits petits fils des ses anciens collègues), émargent à neuf cents ans bien tassés. Originellement affectée à la surveillance du Mont Pharos et à la protection de Sotha par Guilliman en personne pendant l’Hérésie, la 199ème, aussi connue sous le nom de Compagnie Egide, bénéficia d’un traitement particulier et pas vraiment orthodoxe de la part de Mister Codex une fois la tension retombée. Dans un élan d’hypocrisie jamais égalé depuis, Guilliman décréta en effet que l’Egide constituerait la 11ème Compagnie du Chapitre des Ultramarines, en prenant évidemment bien soin de ne pas ébruiter la nouvelle de cette non-conformité majeure à ses propres écrits. C’est ainsi que, pendant que les Légions de ses frérots étaient implacablement dépecées pour la bonne cause, le Grand Schtroumpf s’asseyait sur ses principes avec autant d’aplomb qu’il en avait eu au moment de créer l’Imperium Secondus, cinq minutes après que la connexion avec l’Astronomicon eut été coupée. Sacré RG, va.

Ce petit de secret de famille, connu d’une minorité d’initiés seulement, surtout après le placement de Roboute en soins stasatifs dans le siècle qui suivit son décret, aurait pu se perpétrer jusqu’à la disparition des derniers gardiens du Pharos, n’eut été l’idée, saugrenue et à la limite de l’hérésie pour les Ultramarines, ce qui est tout de même un chouilla hypocrite, de Rogal Dorn de procéder à une 3ème Fondation afin de renforcer à nouveaux les effectifs de l’Adeptus Astartes. Sans Guilliman pour faire obstacle de son large torse et de son aura primarquielle aux investigations des adeptes du Ministorum en charge des préparatifs de mitoses chapitrales, le risque de voir les errements du Robouteux de service être révélés au grand jour, avec des conséquences potentiellement pas très fun pour les surhommes en bleu, était simplement trop élevé pour que les instances dirigeantes des Ultras ne cherchent à effacer toute trace du caprice de leur géniteur. La mission de Segas et de Wenlocke est donc de faire disparaître la Compagnie Egide, préféremment de manière douce, le gars Oberdeii étant tout de même un héros de la Légion.

Une fois la raison de la visite établie, Oberdeii, que les envoyés de Decon ont surpris en train de tondre la pelouse à grands coups de faux (parce qu’il le faut, c’est bien connu), pête une durite de manière bien légitime, les siècles de placard qu’il a subi sans broncher, alors que ses compagnons d’armes mourraient les uns après les autres (comment, mystère, puisqu’il ne s’est pas passé grand chose sur Sotha en 900 ans), ne pouvant décemment pas se terminer par un plan de départ volontaire. Afin de sauver l’honneur, le Capitaine défroqué obtient un duel rituel contre Segas… et se fait rétamer la tronche en deux temps trois mouvement par le Chapelain, malgré l’avantage procuré par une attaque en traître au début du combat. Ramené à des dispositions plus urbaines à grands coups de Crozius, Oberdeii accepte finalement de faire faire à ses hôtes le tour du propriétaire, s’attardant longuement sur les mystérieux phénomènes agitants toujours sporadiquement le Pharos, ainsi que sur la petite galerie de saintes reliques que la Chapelle locale expose, dont le masque de protection du Warsmith loyaliste Dantioch, premier et plus illustre Gardien de Phare(os) qu’ait connu Sotha.

Arrive finalement l’heure du choix pour notre immortel autant qu’insomniaque héros : ou accepter une mutation au sein de la 5ème Compagnie des Ultramarines, avec un beau martyr à la clé dans des délais raisonnables, ou prendre la tête de son propre Chapitre successeur, en compagnie de Segas, Wenlocke et l’amicale des Vétérans de la conquête d’Orlan. Après avoir pesé le pour et le contre et grommelé comme le vieux ronchon qu’il est, Oberdeii finit par opter pour l’option sécessionniste, et la nouvelle se termine par le baptême en bonne et due forme des tout nouveaux Scythes of the Emperor par leur premier Maître de Chapitre, sous le regard ému et admiratif des deux transfuges de Macragge. Ca c’est de l’info, en plus d’être de la faux.

AVIS:

Goulding tape dans le mille avec cet intéressant The Aegidian Oath, qui donne une profondeur et une dimension prophético-tragique bienvenues à son Chapitre de prédilection, dont les déboires contre la flotte ruche Kraken n’étaient pas suffisants à les faire ressortir de la masse des fraternités de colosses en armures énergétiques (surtout depuis que le rôle des insecticides acculés a été repris par les Blood Angels) jusqu’ici. En plus d’abreuver le lecteur de notions fluffiques sur les Scythes, et à travers elles, sur les Ultramarines et les modalités de création d’un nouveau Chapitre Space Marines, ce qui est toujours intéressant, l’auteur déterre quelques potins croustillants à propos du comportement pas si irréprochable que cela de Rouboute Guilliman, dont certaines décisions ont même été remises en cause par ses fistons, avec le recul qu’un petit millénaire et la permissivité que le décès quasi établi de l’intéressé, peuvent apporter à la réflexion.

Sous la plume de Goulding, les insoupçonnables Ultramarines se grisent légèrement, leur farouche volonté de garder la face et de maintenir les squelettes bien au frais dans le placard (ou la boîte à gants du Land Raider de Guilliman, c’est selon), les faisant se rapprocher de leurs cousins des Dark Angels dans l’esprit. Rien qui ne révolutionne la vision que le lecteur aura du background établi de 40K, mais assez pour enrichir la compréhension que le premier a du second, et brouiller encore peu plus les lignes entre parangons de droiture (supposés) et sales types se battant du bon côté de l’histoire, que tout un chacun a défini en son for(t stellaire) intérieur d’hobbyiste pour classer les Chapitres loyalistes entre eux. Exclamons-nous à la suite de l’Empereur, s’il pouvait encore le faire, Tu quoque mi fili, à la réalisation des manigances pas très blanc bleu de Rob’, et savourons le plaisir d’une nouvelle SM (quasi) non-violente et (plutôt) réussie.

.

Hidden Treasures – C. Scott :

INTRIGUE:

Hidden TreasuresDepuis que son frère et lui sont tombés par le plus grand des hasards sur un distributeur de reliques dans les entrailles abandonnées de Manos City, le ganger Elias passe une grande partie de ses journées à rapprovisionner le petit commerce d’articles de seconde main initié par sa brutasse de frangin. Non qu’il soit particulièrement content de descendre dans les profondeur claustrophobiques de ce qui doit être une cité ruche des plus classiques, mais l’amour de son frérot pour les devises sonnantes et trébuchantes rapportées par la vente des breloques se matérialisant mystérieusement dans la salle découverte par le explorateurs (un couteau, une épée, un casque de Space Marine un peu cabossé…), combiné à sa fâcheuse tendance à jouer des poings en cas de contrariété, ne laissent pas grand choix à notre pleurnichard de héros, que nous suivons alors qu’il descend une nouvelle fois relever ses filets.

Cette fois-ci, son obstination se trouve chichement récompensée, puisque c’est seulement un bout de chaîne barbelée qui l’attend dans la pièce mystérieuse. Assez cependant pour convaincre Elias de remonter sans plus tarder, ce qu’il s’apprête à faire au moment où quelque chose de pas banal se produits sous ses yeux ébahis. Deux Space Marines en rut se matérialisent en effet devant lui, traversant le mur de la salle comme s’il n’existait pas. Les intentions homicidaires de celui qui ne peut être qu’un Berzerker de Khorne, au vu de la description qu’en fait Scott, sont brutalement et totalement refroidies par la rafale de bolts que son adversaire, un Astartes à l’armure grise et aux dents d’argent (ça fait peu pour identifier son Chapitre tout de même), lui inflige à bout touchant. Même pour un Khorneux à la tête dure et à la nuque roide, le châtiment est sévère, laissant le loyaliste seul maître à bord. À peine le temps de récupérer le bout de chaîne qu’Elias voulait embarquer en douce, que notre enigmatique surhomme repart vers d’autres cieux à travers la cloison décidément bien fine du fond de la pièce, non sans avoir enjoint notre héros à se souvenir de cette péripétie dans les années à venir. Soit. Fin de l’histoire. Eh ?

AVIS:

Pour être honnête, ma première lecture de ce Hidden Treasures m’a laissé pantois. Cette nouvelle ne détient pas le record de brièveté pour une publication de la Black Library, détenu à ma connaissance par The Hunter (Lyons), mais ses sept pages sont bien en peine de dérouler une histoire que l’on puisse qualifier de cohérente ou d’aboutie. Le manque criant d’explication ou de justification à même de faire comprendre au lecteur ce qui se passe, comment, et surtout, pourquoi, sont un défi aux lois les plus fondamentales de l’édition (au sens anglais du terme) littéraire. Pour autant qu’on me le demande, j’ai l’impression qu’Elias a trouvé l’accès au casier personnel d’un World Eaters, et récupéré les objets que ce dernier y stockait après une dure journée de massacre. On peut supposer qu’une anomalie Warp a agi comme un trou de ver entre la localisation du vestiaire chaotique et les bas fonds de la cité ruche, mais l’utilisation très limitée que fait l’auteur de cette situation pas banale pose plus de questions qu’elle n’en résout.

Pour ma part, et prenant note du fait que Cavan Scott, en tant que nouveau venu au sein de la BL, a sans doute dû démontrer ses capacités en soumettant à cette dernière un exemple de sa prose (ce que Hidden Treasures pourrait tout à fait être), je m’interroge principalement sur les raisons qui ont poussé la Black Library à inclure ce WIP mal dégrossi à une publication officielle (et payante) de la maison d’édition. Qui peut lire cette « nouvelle » et affirmer : « ouah, qu’est-ce que c’était bien, j’ai vraiment vu le 40ème millénaire prendre vie ! » ? Surtout si le malheureux lecteur a payé la coquette somme de 3,49€ (le prix de la nouvelle à l’unité) pour ces sept pauvres pages. Bref, il y a des mystères plus insolubles que des Space Marines qui passent à travers les murs, les enfants, et la politique éditoriale de la BL en fait – parfois – partie.

.

The Reaping Time – R. McNiven :

INTRIGUE:

The Reaping TimeVous est-il jamais arrivé de mal comprendre votre interlocuteur au cours d’une conversation, et de donner à l’un de ses mots ou phrases une interprétation tout à fait différente de celle de votre vis à vis ? Quiproquo ou malentendu, ce décalage involontaire entre ce que l’un a en tête et ce que l’autre comprend peut avoir de lourdes conséquences, comme peuvent en témoigner Thomas Beckett, Cyrano de Bergerac ou les Mantis Warriors. Ce n’est pas la population de la colonie minière de Zartak qui soutiendra le contraire, comme Robbie McNiven l’explicite dans la nouvelle qu’il consacre à son Chapitre d’adoption, les psychotiques Carcharodons Astra.

À leur charge, les Zartakois n’étaient pas exempts de tout reproche à l’arrivée – inopinée il faut bien le reconnaître, mais comme dit le proverbe, no one expects the spooky Carcharodons – des Astartes en orbite de leur planète. S’étant rebellé il y a quelques années contre le joug impérial et ayant envoyé par le fond vide le vaisseau de collecte de la dîme qui était revenu relever les compteurs, les pas si honnêtes que ça citoyens de Zartak s’attendaient donc à ce que les Carcharodons viennent pour mettre la main sur les stocks d’adamantium dus à Pépé, et fin aux velléités sécessionnistes du conseil des guildes, sorte de Sénat local en charge du gouvernement planétaire. Et effectivement, force-leur est de constater que l’escouade de Space Marines qui vient rapidement frapper à leur porte réclame de façon insistante que la dîme soit payée1. Doutant fortement de l’issue heureuse et indolore de cette visite de courtoisie si la vérité éclate au grand jour, les rusés maîtres de guildes vont d’abord tenter de noyer le poisson, avec des résultats très peu concluants, comme on peut s’y attendre. Non pas que les Astartes mutiques venus à leur rencontre soient de fins limiers, mais surtout grâce aux visions du Nomade Pâle, le Maître Archiviste des Carcharodons, qui permettent à ce dernier d’y voir clair dans les manigances de ses hôtes, et de réagir en conséquence. C’est bien pratique tout de même, la prescience.

Entraînés jusqu’aux niveaux les plus bas des mines de Zartak par le déclenchement des hostilités et un ascenseur piégé, Akia – Capitaine de la 3ème Compagnie – et son escorte vont alors s’engager dans une lente et sanglante remontée vers la surface, bien aidés ce faisant par les capacités de sauvegarde préemptives du Nomade Pâle – aussi connu sous le nom de Te Kahurangi –, ainsi que par la connaissance des lieux d’une paire de prisonniers politiques secourus sur le chemin. Malgré le dédain avec lequel ils considèrent ces simples humains, ce seront d’ailleurs ces derniers qui sauveront les fesses squameuses des Space Sharks, en prenant d’assaut le conseil des guildes avec une poignée de partisans loyalistes, et forçant les dirigeants félons à se rendre. Nos farouches Space Marines, trop gros pour ce travail d’infiltration, étaient en effet en train de prendre plutôt cher à l’extérieur de l’hémicycle, placés sous la protection d’une douzaine de Power Loaders opérés avec une maîtrise toute Ripley-ienne par les locaux.

Ce n’est qu’une fois le calme revenu, et alors que les masses laborieuses de Zartak commençaient déjà à préparer un happy end, à la suite du discours magnanime et inspirant donné par le jeune Caderick, dont la bravoure et la dévotion à l’Imperium ne font aucun doute, que le malentendu est révélé, dans toute son implacable horreur. Car la dîme convoitée par les Space Marines n’était pas constituée d’adamantium (encore que, je pense qu’ils ont pris ce qu’on leur avait préparé, ça peut toujours servir), mais bien de la population de Zartak, ressource indispensable tant au bon fonctionnement de la flotte du Chapitre qu’au recrutement des nouvelles générations de Frères de Bataille (il faut bien se requin-quer de temps en temps). Maigre consolation pour Caderick, la Pommade Sale semble détecter en lui l’étoffe, ou plutôt le cuir, d’un aspirant prometteur, ce qui lui fait sans doute une belle nageoire alors qu’il contemple ses concitoyens se faire déporter sur la barge de bataille de leurs libérateurs2. Quelques mois plus tard, les envoyés véritables de l’Imperium découvriront une colonie totalement déserte, ainsi qu’une note sibylline posée en évidence à proximité des corps des traîtres : « Squale-ala ! Nous sommes partis ! »

1 : En même temps, quand ton animal totem est le requin, c’est normal de faire une fixation sur les tithes (ceci est un jeu de mots bilingue hasardeux).

AVIS:

Mise en bouche aux ouvrages plus conséquents consacrés par McNiven aux disciples de Rangu (Red Tithe et Outer Dark), The Reaping Time contient son pesant d’informations fluff sur ce qui est probablement le plus célèbre des Chapitres méconnus de Warhammer 40K. N’étant pas familier de la couverture dont ont bénéficié les Carcharodons, à l’époque connus sous le nom de Space Sharks, dans les publications de Forge World dédiées à la guerre de Badab, il se peut que je sois passé à côté de conflits canoniques à la lecture de cette nouvelle, qui décrit ses protagonistes en descendants exilés de la Raven Guard, affligés par un patrimoine génétique dégradé et une tendance à sombrer dans une rage sanguinaire assez semblable à celle de leurs cousins Blood Angels, et d’inspiration mahori avouée. Toutes ces caractéristiques permettent de singulariser les Carcharodons par rapport aux autres Chapitres Space Marines, ce qui n’est pas plus mal, et même si je n’ai pas ressenti d’intérêt ntable pour cette confrérie particulière, on peut reconnaître que McNiven fait le job sérieusement sur ce point, trop souvent négligé par les auteurs de la BL dans leurs histoires de Marounes. Reste qu’une fois le fluff évoqué et évacué, The Reaping Time ne s’avère être qu’un condensé de bolter (and chainaxe) porn, articulé autour d’une intrigue des plus banales et débouchant sur un twist final insuffisamment préparé pour vraiment porter. Bref, rien de vraiment mémorable.

.

The Greater Evil – P. Fehervari :

INTRIGUE:

The Greater EvilAlors qu’il coule des jours heureux, à défaut d’être paisibles, en tant qu’auxiliaire militaire du Bien Suprême, l’ex-Void Breacher Ulver Voyle est pris de cauchemars où il revit la fatidique mission ayant mené à sa désertion de la Garde Impériale. Troublé par la manifestation soudaine des échos d’un passé douloureux et plus qu’à moitié oublié (merci le lavage de cerveau des gentils libérateurs), et peu à l’aise à l’idée de reporter le problème à ses supérieurs Xenos, Voyle décide de prendre sur lui, mais attire tout de même l’attention de l’Ethéré de faction passage (c’est un Seeker, il n’a pas d’affectation fixe), Kyuhai, qui décide à tenir à l’œil le Gue’Vesa au cours de la mission à laquelle ils participeront tous deux : investiguer sur l’inattendue manifestation d’une expédition diplomatique T’au portée disparue trois ans plus tôt dans le système de Yuxa.

Placée sous le commandement d’une émissaire de la caste de l’Eau – Adibh – , escortée d’une petite force d’auxiliaires encadrés par l’héroïque Akuryo, d’un ingénieur de la caste de la Terre, ainsi que de Kyuhai et de ses deux side chicks Kroots, la délégation T’au arrive sur la planète de Scitalyss, décrite par les diplomates réapparus comme ayant embrassé pleinement les enseignements du Bien Suprême. Mettant en œuvre la philosophie de la Main Ouverte Mais Ne Me Prend Pas Pour Un Hrud Tout De Même Ro’Bert, fameusement théorisée par un Ethéré lassé d’être la cible de tentatives d’assassinat de la part de l’Imperium en plein pourparlers, l’équipe bleue débarque dans la cité ruche de Scitalyss-Altus, Kyuhai posant comme un simple troufion de la caste du Feu pour pouvoir observer ses hôtes sans attirer l’attention. Malgré l’accueil cordial prodigué par les locaux, sous l’égide du miraculé Por’vre Fai’sahl, une ambiance lourde flotte sur les retrouvailles, ce qui ne décourage pas la délégation d’accepter l’invitation du VRP du Bien Suprême d’aller prendre un verre de l’amitié chez le gouverneur de la ruche. À la tête de son escouade d’auxiliaires, chargée d’assurer la protection de ses boss, Voyle se met à entendre des voix en chemin, ce qui ne présage évidemment rien de bon. Le déclenchement de l’inévitable embuscade, repoussée par les biens étranges gardes de Fai’sahl, permettra peut-être à nos héros de trouver ce qui cloche chez leurs hôtes…

AVIS:

Fehervari continue sa descente dans le Dark Coil, son petit pré carré galactique où s’ébattent et se battent les factions et protagonistes, tant impériaux que Xenos, de son cru. Centrée sur les T’au mais mettant en avant un héros humain, le renégat (avec circonstances atténuantes tout de même) Voyle, ainsi qu’une petite galerie d’aliens assez attachants – mention spéciale au Chevalier Jedi, car je ne vois pas de meilleurs qualificatifs à lui appliquer, Kyuhai, un Ethéré expert en arts martiaux et en aphorismes mystiques – cette nouvelle explore avec réussite un aspect du fluff pas vraiment couvert jusqu’ici, à savoir l’intégration de déserteurs impériaux dans la société T’au. Comme souvent avec Fehervari, le résultat est nuancé (certains T’au voient les humains comme de la chair à canon, d’autres comme des alliés utiles, une minorité comme des frères d’armes), plausible, prenant et plein de fluff, ce qui ne gâche rien, vous en conviendrez.

On saluera également le talent consommé avec lequel l’auteur « sérialise » son propos (comprendre que certaines des intrigues développées au cours de ce The Greater Evil sont mises en suspens à la fin de la nouvelle, et seront reprises dans des travaux postérieurs), sans que cela n’artificialise ce dernier, ni ne donne l’impression au lecteur d’être en présence de la portion congrue d’un axe narratif réellement développé dans un tiers ouvrage. La nouvelle n’étant pas le genre roi de la Black Library, c’est assez souvent que ce genre de problème se présente (et d’autres soumissions du recueil Lords & Tyrants sont d’ailleurs concernées), aussi est-il nécessaire de souligner un travail bien fait. Une plume à suivre, pour sûr.

.

The Path Unclear – M. Brooks :

INTRIGUE:

The Path UnclearDans ce qui se révèle être, d’une certaine façon, le compte-rendu de son parcours d’intégration au sein de la suite de l’Inquisitrice Ngiri l’ayant recruté de sa schola progenium, nous suivons la jeune psyker Alyss Nero seconder au mieux de ses capacités précognitives l’enquête de sa boss à propos d’une relique exhumée récemment du sous-sol de Verbaden City. Cette dernière, supposée être l’épée de Sainte Aruba, qui donna sa vie pour repousser une invasion Xenos il y a de cela quelques millénaires, est soupçonnée d’avoir induit une ferveur malsaine chez la population locale, dont une grande partie s’est mise à développer des rêves mystiques et à nourrir des envies irrépressibles de s’engager dans la Garde Impériale1, ce qui a conduit l’archéologue de garde à placer l’estramaçon en stase, le temps que l’Ordo Xenos vienne tirer les choses au clair.

L’enquête prend toutefois un tour surprenant lorsque l’un des hommes de main de Ngiri, un vétéran des forces spéciales répondant au nom de Fell, reçoit par colissimo un petit paquet contenant les dog tags d’une camarade tombée au champ d’honneur alors que Fell menait une mission d’assassinat d’un Big Boss Ork particulièrement remuant derrière les lignes ennemies. Stupeur et tremblement de la part du spécialiste, que sa patronne envoie investiguer cette coïncidence des plus troublantes en compagnie d’une poignée de ses goons, dont la novice Alyss, pendant qu’elle se charge de faire le tour du voisinage avec le reste de son équipe.

S’en suit une enquête rapide (et encore accélérée par la sale manie de Fell d’ouvrir les portes à coup de bombes à fusion au lieu de frapper, comme tout un chacun), qui permet à nos héros de débusquer un notable acquis aux puissances de la Ruine, apparemment mort de s’être piqué avec le fermoir de ses boutons de manchette (le tétanos, sans doute). Remontant la piste encore chaude qui se présente si facilement à eux, ils enchaînent par une petite virée dans les égouts, où les attendent les membres les moins valides du culte chaotique local, le reste de la congrégation s’étant momentanément absenté pour cause d’insurrection contre les autorités, et en vue de s’emparer de l’épée de Sainte Aruba, qui suscite donc bien des convoitises. Rétropédalage intense de la part de la fine équipe, qui arrive sur place à temps pour filer un coup de main aux collègues défendant la relique, et assister à l’arrivée pleine de classe d’un Arlequin, qui se charge de remettre de l’ordre dans Verbauden City à lui seul, un bisou à la fois. C’est ce même Arlequin qui a mis Fell sur la piste du culte chaotique en lui expédiant un petit souvenir du passé, exécuté le notable corrompu d’un suçon mortel, et plus généralement, fait le café d’un bout à l’autre de la nouvelle.

Déterminé à détruire l’épée, et réalisant que ses « auxiliaires » humains n’ont pas été d’une grande aide jusqu’ici, Charles Quint commet l’erreur de s’en prendre directement à l’Inquisitrice, sans parvenir à lui planter un baiser langoureux en pleine poitrine, comme il en avait l’intention (#BalanceTonPorc). Cette agression sexuelle caractérisée donne l’occasion à Alyss de se mettre en valeur, sa précognition lui permettant d’exécuter un kneeshot parfait, ce qui met brutalement fin aux cabrioles du satyre bariolé. Prudence étant mère de sûreté, les impériaux s’assurent néanmoins de la docilité de leur adversaire en lui arrachant la jambe, lui tranchant la main et lui sectionnant la colonne, ce que l’Arlequin enquille sans trop couiner (impressionnant pour un type protégé par une Endurance 3 et un legging fashion). Comble de la loose pour le Zoneille, Ngiri détruit elle-même l’épée sans rechigner – il aurait été plus malin de demander au lieu de faire le fifou – et le fait enfermer dans le caisson de stase désormais vide, oppa Guilliman style. Finalement, un mardi matin très classique pour l’Ordo Xenos.

1 : Ce n’est pas décrit en détail dans la nouvelle, mais peut-être que cette épée est munie d’un petit projecteur holographique, qui diffuserait en boucle Delta Force. Ca expliquerait les symptômes décrits plus haut.

AVIS:

Brooks démontre avec The Path Unclear qu’il maîtrise convenablement les codes du « thriller inquisitorial », sous-genre de la BL popularisé par Abnett avec ses séries Eisenhorn et Ravenor. Attention toutefois à ne pas faire primer le rythme sur le fond, ce qui est sensiblement le cas dans cette nouvelle. Si on ne s’ennuie pas à suivre les trépidantes péripéties d’Alyss et de ses collègues, l’intrigue apparaît en effet comme assez superficielle, les motivations des personnages (à commencer par celles de l’Arlequin jaillissant comme un diable en boîte au cours des dernières pages) demeurant au stade embryonnaire faute de place pour qu’elles soient explicitées de façon convenable. La faute, sans doute, à une galerie de personnages trop fournie pour un one-shot d’une vingtaine de pages, qui aurait gagné à se concentrer sur Alyss et Fell. Laisser le passé trouble de ce dernier hors des débats ne m’aurait pas non plus semblé déplacé, là encore pour permettre au récit de suivre son cours sans être « parasité » par des complications narratives à l’intérêt guère évident. À voir ce que cette tendance à l’expansion peut donner à l’échelle supérieure, si la joyeuse troupe de Ngiri retrouve un jour le chemin des spotlights.

.

Shadows of Heaven – G. Thorpe :

INTRIGUE:

Shadows of HeavenContributeur infatigable au corpus Eldar de la Black Library, Gav Thorpe choisit de mettre en scène dans ce Shadows of Heaven le protagoniste de son Path of the Outcast, le Ranger/Prince Pirate Aradryan, que le lecteur retrouve en simple planton défendant un vibrocanon contre les assauts de la Black Legion. Malheureusement pour lui, la bataille tourne rapidement en défaveur des Zoneilles, qui, malgré l’avantage de la position, de l’armement et de la surprise, se font tailler des croupières par les Space Marines du Chaos dont ils cherchent à bloquer l’avancée1. Dans le chaos qui s’ensuit, notre héros s’illustre franchement, non pas par son courage suicidaire ou son intelligence tactique, mais par sa capacité à trouver des raisons de ne rien faire qui puisse mettre en danger sa précieuse personne. Si le bon-eldar en question n’avait pas réussi à devenir le maître d’une flotte de Pirates Zoneilles, ce qui doit logiquement impliquer une certaine implication personnelle dans les choses de la guerre, je l’aurais reversé dans la catégorie des trouillards patentés, ex-Ranger « no stranger to bloodshed/not afraid of death » ou pas.

Ayant vu sa camarade Gardienne se faire déchiqueter d’un bolt bien placé dans l’exercice de ses fonctions, Aradryan préfère ainsi disserter intérieurement sur les avantages et les inconvénients de voir son âme relâchée dans le circuit d’infinité du Vaisseau-Monde, et remettre en cause l’alliance des Eldars avec l’Impérium (il n’a pas supporté la V8 et le retour de Guilliman, comme certains joueurs), plutôt que d’aider ses petits copains en, je ne sais pas moi, essayant vraiment2 de participer à l’effort de guerre (pour tout dire, il n’utilise pas une seule fois son arme de toute la nouvelle). En même temps, il est sans doute vain d’espérer des trésors de bravoure de la part d’un gonze dont le métier est littéralement d’être pleureuse professionnelle (Mourner en VO, noble job qui ressemble fortement à ce qu’on appelle des auxiliaires de vie en EHPAD à notre époque). Mais alors qu’il se prépare à vendre chèrement sa vie, l’intervention décisive des Ynnari, menés par Yvraine et le Visarque en personne, renverse drastiquement le cours de la bataille, et permet à notre poule mouillée de héros d’évacuer les lieux la tête haute, non sans avoir ramassé la pierre esprit de son infortunée collègue.

La fin de la nouvelle voit Aradryan croiser le chemin d’une vieille connaissance, la Prophète Thirianna (dont l’histoire a été racontée dans le 2ème livre de la trilogie Path of the Eldar du sieur Thorpe – celui dédié à Aradryan étant le 3èmePath of the Seer), ce qui lui donne l’occasion de faire son coming out de façon officielle : entendant lui aussi des voix, et pas seulement celle – passablement pleutre – de sa conscience, il a décidé de rejoindre les Ynnari et donc de quitter à nouveau Alaitoc. Dubitative mais compréhensive, Thithi lui fait un gros câlin d’adieu, dont la portée symbolique arrachera peut-être une larme au lecteur ayant lu l’intégralité de Path of the Eldar, mais qui laissera totalement froid les autres. Remarquant la pierre esprit qu’Aradryan a récupéré sur le champ de bataille, elle lui propose de lui confier le précieux objet afin de donner à l’âme de la défunte le repos qu’elle mérite… ce que notre héros refuse de faire, persuadé qu’il vaut mieux chiller dans un 12cm3 ad vitam eternam plutôt que de se retrouver mêlé à la foule du réseau d’éternité. Et ceci alors qu’il dit littéralement une seconde plus tôt qu’il ne connaissait pas bien sa camarade, et n’est donc pas vraiment en mesure de prendre une telle décision à sa place (à moins que les Eldars ne se baladent avec une carte de donneur d’âme, comme nous humains avons des cartes de donneur d’organes). Dans les ténèbres du lointain futur, l’opposition entre ProChoice et ProLife fait donc encore rage, tenez-le-vous pour dit !

1 : Il faut dire que le plan infaillible de leur Autarque est lamentablement tombé à l’eau quand les Légionnaires ont décidé d’aller se dégourdir les solerets avant de traverser le pont, ce qui n’était absolument pas prévu par le haut commandement Eldar et a donc précipité l’offensive des Alaitocii.

2 : Car il tente de mettre en batterie le vibrocanon de sa collègue décédée, mais une volée de bolts le revoit fissa derrière son mur. En même temps, on ne peut pas dire que ses supérieurs soient des monstres de charisme, ce qui ne donne pas envie d’en faire plus que le strict minimum.

AVIS:

La bibliographie de Gav Thorpe est aujourd’hui suffisamment fournie pour lui permettre d’inscrire ses nouvelles dans la continuité de travaux précédents (ici, la série Path of the Eldar). Cela ne serait pas gênant s’il prenait la peine de bien contextualiser son intrigue, en faisant le lien de manière claire et équivoque avec l’arc narratif utilisé, et en donnant au lecteur néophyte toutes les clés nécessaires à sa bonne compréhension, voire sa bonne appréciation, des tenants et aboutissants évoqués dans la petite et la grande histoire. Vous vous doutez bien que si je choisis de commencer mon retour critique de Shadows of Heaven par ce point, c’est que Thorpe a failli à remplir cette mission, ce qui est dommage à la fois pour cette soumission, et de la part d’un auteur aussi chevronné que le Gav. Pour ma part, je n’ai commencé à soupçonner qu’Aradryan était un personnage déjà connu de la BL qu’au dernier quart de la nouvelle, à l’arrivée de Thirianna, dont la non-présentation laissait peu de doutes quant au fait qu’il s’agissait d’une figure connue du Thorpiverse (donc pas vraiment connue en fait). De manière ironique, il aurait peut-être mieux fallu pour Thorpe que je – et avec moi, un certain nombre de lecteurs curieux – ne fasse pas le rapprochement avec ses bouquins Path… car j’ai eu l’impression d’un énorme « faux-raccord » narratif autour d’Aradryan, présenté comme un héros brave et respecté à un moment, et comme un grouillot trouillard à un autre. N’ayant pas lu Path of the Outcast, je ne peux être certain que la conclusion du roman ne fasse pas logiquement le lien avec la situation d’Aradryan telle qu’elle est présentée ici, mais je penche tout de même pour une maladresse ou un oubli de Thorpe à ce niveau.

Le sujet de l’inclusion de Shadows of Heaven dans l’ensemble plus large que représentent les travaux Eldars de Gav Thorpe évoqué, reste à discuter du reste, c’est à dire – malheureusement – pas grand-chose. L’action en elle même n’est absolument pas mémorable, même si la lâcheté chevillée au corps du héros change des poncifs habituels de la BL en matière de protagonistes. Cela dit, Aradryan n’apparaît pas spécialement sympathique pour autant, son égoïsme latent et la manière désinvolte avec laquelle il traite des sujets aussi importants pour les Eldars que le devenir de leur âme, ne lui attirant pas la bienveillance du lecteur. L’inclusion des Ynnari au récit, le temps d’un caméo lointain d’Yvraine et du Visarque (on connaît le goût du Gav pour l’utilisation des têtes d’affiche du background), apparaît enfin comme une tentative maladroite de rabibocher l’ancien et le nouveau fluff, tout comme la conversion spontanée d’Aradryan à Ynnead peut être interprétée (à mon niveau tout du moins) comme une manière pour Thorpe de « remettre à jour » des personnages créés avant que les dernières évolutions fluffiques ne prennent place (la trilogie Path of the Eldar ayant été publiée entre 2010 et 2012). Bref, une bien belle et terne brique dans le mur des publications thorpiennes que ce Shadows of Heaven (dont le titre, pour inspiré qu’il soit, n’a de plus rien à voir avec l’intrigue, à moins que le mur derrière lequel Aradryan passe le plus clair de la nouvelle à s’abriter s’appelle Heaven). Passez votre chemin.

.

En conclusion, et même si Lords & Tyrants compte quelques nouvelles valant franchement la lecture, le gros de l’ouvrage n’est malheureusement constitué que de textes assez quelconques, voire franchement médiocres. Cela fait certes partie du jeu quand on achète un ouvrage de ce type, mais je reste convaincu que la Black Library aurait du être plus exigeante dans sa sélection, plutôt que de se contenter de publier un compendium des derniers courts formats 40K précédemment disponibles à l’unité.

Autre remarque/reproche que l’on peut faire à ce recueil, l’absence de véritables « one shot », ou en tout cas, le peu de cas fait par les auteurs de la contextualisation de leur travail, dès lors que ce dernier prenait place dans un arc narratif de plus grande ampleur. Si quelques uns se sont bien sortis de cet exercice, beaucoup ont donné l’impression de soumettre un addendum à leurs travaux en cours, ce qui se perçoit facilement à la lecture. Etant un fervent défenseur de la nouvelle en tant que genre littéraire de plein droit, au même titre que le roman, je suis toujours triste de lire des courts formats n’étant pas « auto-portants », même s’ils sont liés à d’autres publications. On pourrait donc rebaptiser Lords & Tyrants, Bits & Fragments sans vraiment lui faire outrage… et c’est problématique.

En définitive, et à moins d’être, comme moi, un acheteur compulsif de ce genre de publications, je conseille au lecteur curieux de s’initier aux nouvelles 40K d’acquérir un autre recueil que celui-ci (les anciens comme Crucible of War ou Into the Maelstrom se trouvent facilement et très peu cher sur le marché de la seconde main, et soutiennent facilement la comparaison avec cet opus). Acheter les quelques nouvelles intéressantes de l’ouvrage à l’unité revenant également moins cher que prendre le tout, c’est une autre solution qui se présente à l’amateur de short stories. Better luck next time, BL!

MALEDICTIONS [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue critique du recueil Maledictions ! Cette anthologie de nouvelles de la Black Library présentant plusieurs caractéristiques la différenciant clairement des ouvrages de ce type précédemment publiés par la maison d’édition de Nottingham, l’occasion de chroniquer – pour une fois – une sortie récente, était trop belle pour être manquée.

La première de ces caractéristiques, et probablement la plus intéressante, est qu’il s’agit d’un des tomes fondateurs de la section nouvelle-née Warhammer Horror, dédiée comme son nom l’indique à ce genre littéraire dans les univers de Games Workshop. Les franchises en question n’étant naturellement ni étrangères, ni avares, en situations « cherchant à susciter chez le lecteur l’angoisse et l’effroi, ou à tout le moins à le mettre mal à l’aise » (définition de l’Horreur en littérature de Wikipedia), j’étais curieux de voir si, et comment, les contributeurs de ce recueil allaient réussir à se démarquer des textes de leurs prédécesseurs. L’horreur étant un genre régi par ses propres codes, topoïs et stéréotypes, j’étais également curieux de voir si la BL choisissait de leur rendre hommage ou bien de s’écarter des sentiers battus.

Deuxièmement, Maledictions présente la particularité de mélanger nouvelles prenant place dans les ténèbres d’un lointain futur et celles se déroulant dans l’obscurité des Royaumes Mortels (voire parfois dans la zone grise entre les deux, au moins jusqu’à ce que l’auteur décide de trancher, comme on le verra par la suite). Du 40K et de l’Age of Sigmar réunis dans un seul ouvrage thématique, cela ne s’était – à ma connaissance – jamais fait auparavant, et cela a donc piqué mon intérêt de lecteur.

Sommaire Maledictions

Enfin, la Black Library ayant pour l’occasion sollicitée un contingent de nouveaux auteurs, dont beaucoup présentés comme des spécialistes du genre (Khaw, Gray, Kane…), je voulais prendre la mesure de la jeune garde de l’horreur, moi qui n’avais jusqu’ici pratiqué que des grands maîtres anciens (Lovecraft) ou contemporains (King).

Alors, cette compilation de Maledictions le serait-elle davantage pour les personnages mis en scène dans cette dernière ou pour les lecteurs ayant pris le risque de placer un billet sur cette curiosité littéraire. Lisez, si vous l’osez…

.

Maledictions

.

Nepenthe – C. Khaw [40K]:

.

INTRIGUE:

Le sommeil de Cornelius et Marcus, deux frères au service du Mechanicus et du Magos Explorator Veles Corvinus, a été troublé au cours des dernières semaines par les échos d’un chant qu’ils semblent être les seuls à entendre. Usant de la connexion 40G et de l’accès à Mechapedia dont ils disposent en tant que loyaux servants de l’Omnimessie, les frangins ont cependant réussi à localiser l’origine de leur émoi, qui se trouve être un Space Hulk répondant au nom de Nepenthe1, et dont la course l’amène hors du Warp pour une courte période de temps une fois tous les millénaires. Déterminés à percer à jour les secrets de ce mystérieux vaisseau, et celui de l’énigmatique cantatrice (sans doute chauve) qui leur roucoule dans le cortex depuis quelque temps, Coco et Markie réussissent à manipuler leur boss de manière qu’il décide d’envoyer une expédition aborder l’épave du Wild Wild Warp pendant sa brève transition de l’autre côté du périph’, vainquant au passage les protestations protocolaires de leur collègue de console, le procédurier Lupus.

Tout à leur excitation de rencontrer enfin leur Marsa Béranger personnelle, les Cog Brothers ferment les bioniques sur tout un tas de signes variant de l’étrange (le dock d’atterrissage qui a exactement la taille de leur vaisseau), au suspect (l’hologramme d’accueil qui leur conseille de décamper fissa), en passant par l’improbable (l’état de propreté clinique du Nepenthe, comme s’il avait été investi par les démons de Sheev’ha, la déesse du ménage à domicile – dans le Warp, tout est possible – ). L’arrivée soudaine d’une meute de Genestealers d’Ymgarl, astucieusement dissimulée aux yeux et senseurs des explorateurs par une technique de metachrosis diablement avancée, sonne toutefois le glas des espérances de Jules et Jim d’un premier rencard romantique, et c’est un sauve qui peut général qui est sonné après que les calculs de nos loustics aient établis de façon formelle que leur escorte de serviteurs et de skitarii n’auraient pas la méchadendrite haute dans l’algarade qui s’est engagée entre visiteurs et locaux.

Ayant choisi la fuite en avant au lieu de la fuite en arrière, nos héros parviennent néanmoins jusqu’au cœur du vaisseau, escortés par l’imperturbable hologramme de service, dont ils apprennent le nom au passage (MAUS), ainsi que celui de leur probable dulcinée (CAT). Et là, triple déception. Non seulement la DLC de la donzelle a expiré, tout comme elle, depuis des éons, en témoigne le squelette nécrosé qui barbote dans la cuve amniotique qui trône au milieu du pont, mais il se fait rapidement jour que leur speakerine fantasmée n’était qu’une intelligence artificielle un poil plus sophistiquée que la Siri de base2. Comble de l’infamie, les Magos Bros se font finalement éconduire par la b(i)elle, qui leur annonce brutalement qu’elle ne les a jamais appelés ici, et que tout ceci est un regrettable malentendu. Se prendre un rateau par un sex bot de première génération, il fallait le faire, et ils l’ont fait. La Fédération Martienne de la Loose (FML, un nom approprié à plus d’un titre) serait fière. En désespoir de cause, Marcus et Cornelius ravalent le peu de dignité qui leur reste, et se mettent humblement et totalement au service de cette garce de CAT, qui, pressentant qu’elle aura sans doute besoin d’un coup de main pour remettre en état le Nepenthe après le projet X initié par ses tentaculaires protégés, finit par accepter l’offre des adeptes. La nouvelle se termine par l’envoi d’une cordiale invitation au Magos Explorator Veles, prudemment resté à bord de son vaisseau, à visiter les merveilles du Space Hulk, décrit par les frangins comme parfaitement sûr. Il faut croire que CAT voulait finalement un peu de compagnie. Comme dit le proverbe « Souvent IA varie, bien fol qui s’y fie ».

: Un genre de plante carnivore dit « passif », qui piège les insectes en les attirant dans sa corolle avec un nectar aussi odorant que gluant. Pour vous épargner une recherche Google, disons que ça ressemble à un Empiflor. De rien. On peut remarquer que pour un expert en biologie comme Cornelius, ce nom aurait dû constituer une première alerte…

: Le truc est d’intégrer un psyker disséqué dans la carte mère. Le résultat est à la fois plus naturel et plus performant qu’une IA purement mécanique. Google est déjà sur le coup.

AVIS:

Cette première soumission de Cassandra Khaw m’a laissé un goût d’inachevé assez marqué, tant au niveau des potentialités du récit laissés au stade d’ébauches (ce qui est dommage), qu’à celui du déroulé et de la conclusion apportée à la nouvelle, que j’ai trouvé confus au point de devenir imbittable (ce qui est grave). Pour commencer par le problème le plus critique, il m’a semblé que Khaw partait en roue libre narrative à partir de l’attaque des Genestealers, les péripéties s’enchaînant alors sans faire grand sens pour culminer sur une confrontation lunaire entre Marcus et Cornelius et CAT et MAUS, les premiers soutenant mordicus avoir été appelés sur place par la seconde, qui réfute catégoriquement leur version des faits. Pendant ce temps, Genestealers et skitarii font du charleston en arrière-plan, et Veles s’échine à tenter de rétablir la connexion avec ses sous-fifres. Plus que le fait que nos deux héros soient tombés dans un piège (ce que le nom du vaisseau laissait entendre de manière assez transparente), c’est le caractère fortuit de leur fin probable qui m’a laissé pantois.

Khaw ne donne en effet au lecteur aucune piste ou sous-entendu expliquant le dessein de CAT, qui se mure simplement dans le déni (« nan j’vous ai pas appelé j’vous dit, bande de gros mythos ! »), alors qu’il lui aurait suffi d’indiquer par exemple que l’IA a été corrompue par le Warp et considère les Ymgarls comme le véritable équipage du Nepenthe (ce qui est ébauché quelques lignes plus haut), et attire donc les vaisseaux aux alentours pour assurer la subsistance de ses protégés, pour que tout rentre dans l’ordre. Rien de tout ceci ici, et les revirements finaux de TOM et JERRY, qui acceptent de laisser leurs fans transis squatter à bord, sans encore une fois qu’aucune raison ne soit avancée à cela, puis coopèrent au, ou en tout cas acceptent tacitement le, piégeage de Veles alors qu’ils ont clamé haut et fort deux minutes plus tôt que la maison était fermée, brouillent un peu plus le message. Bref, ce n’est pas une conclusion à twist, mais à bits, qui achève Nepenthe – comprendre que le lecteur est laissé libre de se forger sa propre opinion sur les tenants et les aboutissants de la nouvelle, en piochant dans les éléments narratifs laissés à sa disposition par l’auteur –.

À cela vient s’ajouter un certain nombre de questions sans réponses, qui auraient pourtant pu apporter à la nouvelle un cachet ou un intérêt supplémentaire si elles avaient été creusées par l’auteur. Par exemple, pourquoi Cornelius semble-t-il avoir un visage rituellement écorché ? Pourquoi les héros sont-ils les seuls à entendre la chanson de CAT ? Et qu’a-t-elle de si irrésistible ? À quoi « sert » le fait que le vaisseau soit décrit comme étant plus vieux que l’Imperium ? Comment le vaisseau arrive-t-il à s’adapter parfaitement à la taille de la navette et à se maintenir « propre » ? Pourquoi avoir « utilisé » spécifiquement des Genestealers d’Ymgarl ? À quoi sert MAUS ? On n’en saura malheureusement pas plus, et c’est assez dommage, d’autant plus que Cassandra Khaw, malgré les problèmes exposés ci-dessus, m’est apparue comme une auteur assez « stylée » (même si sa tendance à recourir à un champ lexical très technique peut s’avérer lassant à la longue), et ayant manifestement pris sur elle d’intégrer une bonne partie du fluff de 40K en préparation de cette première soumission, ce dont je lui en sais gré. Il faudra soigner le fond autant que la forme pour la suite, Miss Khaw.

.

The Widow Tide – R. Strachan [AoS]:

.

INTRIGUE:

Veuve éplorée et inconsolable d’un pêcheur de la côte de Shyish, Katalina éprouve les plus grandes difficultés à faire le deuil de son homme, peu aidée il est vrai par le fait que le corps de ce dernier n’a jamais été retrouvé. Alors qu’elle veille sombrement parmi les pierres tombales du cimetière local à la tombée du crépuscule (une activité des plus saines et naturelles), au grand désespoir du chef de village – et Chief Happiness Officer – (G)Radomir, son attention est attirée par une étrange lumière bleutée émanant de la plage toute proche, qui finit par l’amener jusqu’à une pierre brillante et un matelot mal en point, tous deux rejetés par la marée sur le littoral, après que le navire qui les transportait ait fait naufrage. Faisant fi de l’inhumanité manifeste du rescapé, ainsi que de son odeur de poisson pourri, Katalina empoche le diam’s et embarque le gonze jusqu’à son petit pied à terre, où elle essaie tant bien que mal de soigner son nouveau meilleur ami.

Réalisant de manière inconsciente que son acte de charité pourrait fort bien ne pas être perçu de façon favorable par les autres membres de la communauté, dont les réactions face aux débris du bateau retrouvés sur la plage le lendemain de cette nuit extraordinaire varient de la méfiance à l’effroi, Kat prend bien soin de cacher l’homme qui occupe désormais son lit des yeux inquisiteurs de ses voisins, à commencer par ceux de la vieille Agata, veuve comme elle et manifestement peu au fait des notions d’espace personnel et de respect de la vie privée. Ses soupçons ne sont que confirmés lorsque Radomir fait instaurer des rondes de la milice locale dans les dunes qui ceinturent le village, pour des motifs aussi vaseux que les crabes qui constituent le cœur de son régime alimentaire. Cela n’empêche pas notre Aelf-sitter de persévérer dans son œuvre, malgré les quelques tentatives faites par son hôte de lui fausser compagnie en dépit de son état lamentable1.

Malheureusement pour notre infirmière sans préjugés, il est impossible de garder des secrets dans un village de pêcheurs subsistant de ragots autant que de turbots. Quelques jours après le sauvetage, c’est donc la traditionnelle foule en colère qui vient délicatement taper à ses carreaux, demandant à ce que le naufragé lui soit remis, et sans doute pas pour l’emmener à l’office de tourisme local, si vous voulez mon avis. S’engage alors une course poursuite aussi poign(ard)ante que sanglante entre péquenots outrés et colocs outés, le nombre et la colère des humains ne faisant pas le poids face à la détermination et les talents meurtriers du Zoneille, assez rétabli pour envoyer une paire de vigilantes aller compter fleurette au Nag’. Pour Katalina, c’est également une page qui se tourne lorsque son protégé décide d’emporter un souvenir de ce long week-end de cure, et lui subtilise son âme à l’aide du caillou bleu qu’elle lui avait obligeamment rendu à son réveil. Moralité de l’histoire : ne jamais accepter les demandes de location d’Air BnB de la part d’Idoneth Deepkin, ça finit toujours mal.

1 : Il avait sans doute lu Misery de Stephen King.

AVIS:

Courte nouvelle à l’intrigue cousue de fil blanc, The Widow Tide aurait gagné à bénéficier d’un synopsis un peu plus fouillé. Par exemple en faisant revenir le mari disparu comme entité maléfique, mais néanmoins aimée et protégée par Katalina ; ou en incorporant quelques exactions inexpliquées mais imputables à l’Aelf convalescent recueillie par notre villageoise au grand cœur, et dont on aurait au final découvert qu’elles avaient été commises par un autre Deepkin ayant survécu au naufrage. Cela aurait permis à Strachan d’exploiter plus facilement les codes du récit d’horreur1, au lieu de se retrouver avec un récit trop rapidement expédié pour que puisse s’y développer de manière satisfaisante l’atmosphère angoissante et dérangeante propre à ce type de littérature. La conclusion de The Widow Tide – le « meurtre » gratuit de Katalina par le Deepkin, qui n’avait aucune raison de s’en prendre à elle et dont l’éventuelle (et attendue, après tout les fils spirituels des Elfes Noirs ne sont pas des enfants de chœur) ambivalence vis à vis de sa protectrice n’a été préparée nulle part au cours des pages précédentes – exemplifie encore davantage la réalisation pataude de Strachan de son dessein. Si la nouvelle est un genre codifié, la nouvelle d’horreur l’est encore plus, et malheureusement pour le lecteur, The Widow Tide s’affranchit de trop nombreux éléments inhérents à ce dernier pour que l’expérience soit concluante.

1 : La possession d’un être aimé à la Simetierre pour la première piste, le « jumeau maléfique » à la L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde pour la seconde.

.

No Good Deed – G. McNeill [40K]:

.

INTRIGUE:

Alors que lui et sa bande de djeuns zonaient tranquillement dans les terrains vagues qui entourent la Scholia Progenium Sainte Karesine classée ZUS qui leur sert de foyer, Cor & friends tombent sur un spectacle peu commun pour la périurbanité morne d’Osleon : un vieil homme gisant inanimé à côté d’une mare d’acide, salement amoché par ce qui a tout l’air de relever d’une chute de quelques centaines de mètres depuis les spires de la ruche toute proche, mais néanmoins vivant. Après avoir décidé de porter secours au malheureux plutôt que de mettre fin à ses souffrances, Cor & Cie transportent le patient X jusqu’à leur internat, où il bénéficie des bons soins de la dévouée sœur Caitriona, ange gardien des déshérités de ce trou perdu. Une bonne action ne pouvant être laissée sans châtiment dans l’univers anti-karmique de 40K, c’est la même Caitriona qui a la difficile mission d’annoncer à Cor la mort prématurée de son frère Nicodemus, emporté à l’âge déçu de onze ans par une poussée d’über-culose1. Il y a des jours comme ça.

De son côté rapidement remis sur pied, malgré une amnésie persistante causée par le méchant coup pris sur le crâne au cours de sa dégringolade échevelée (et pour cause, il est chauve comme un grox), Lancelot du Lac Marcel de la Mare, rebaptisé Oskyr par Cor, insiste pour rendre la pareil à ses bienfaiteurs, dont un grand nombre sont affectés par les conséquences délétères du recours massif au glyphosate et du taux anormalement élevé de particules fines qui sont le lot de toutes les agri-ruches de l’Imperium. Car Oskyr, bientôt affectueusement Papa Oskyr par les garnements de la Scholia, semble avoir des connaissances assez poussées en médecine, et se montre tout prêt à les mettre au service d’une cause aussi noble que la santé publique des nécessiteux de Gandor’s Providence.

Après quelques semaines de soins intensifs, les résultats sont bels et bien là : les pupilles de Sainte Karesine pètent tous la forme, augurant de lendemains qui chantent pour Osleon. Malheureusement, la success story de la Scholia trouve une fin aussi brutale que prématurée lorsque…

Spoiler…le bon papa Oskyr décide de mettre à profit la vigueur de ses petits protégés pour accélérer la fin de sa propre convalescence. Plus résistant que ses camarades aux effets du sédatif utilisé par le fourbe AVS, Cor échappe de justesse à la tentative de meurtre dont il est victime de la part d’un condisciple vraiment dans le mal d’une descente carabinée, mais ne peut rien faire lorsqu’Oskyr, attiré par le bruit, vient gentiment le remettre au lit. Et pour cause, Oskyr est en fait Scaeva, Apothicaire des Emperor’s Children, laissé blessé et amnésique à la suite de l’accrochage avec les Imperial Fists sur Gandor’s Providence. Sachant apparemment comment retrouver la mémoire en distillant les meilleurs morceaux de jeunes et vigoureux éphèbes, Scaeva ne s’attarde pas sur les lieux de son crime une fois ses données sources récupérées, et trace sa route vers la gare inter-systémique la plus proche afin de reprendre le cours de sa paisible existence. C’est Fabio qui va être content. Fin du spoiler

1 : C’est comme la tuberculose, sauf que les yeux du patient se remplissent de goudron et qu’il crache des cendres et du sang.

AVIS:

Nouvelle soumission peu inspirée pour le gars McNeill, dont le pedigree laissait espérer un résultat un peu plus concluant que ce tristounet, mais aptemment nommé, No Good Deed. Les reproches peuvent même commencer par ce choix de titre (que l’on peut traduire par Mauvaise Action), qui tue magnifiquement tout le suspense qui aurait pu/dû caractériser cette nouvelle. Certes, il n’aura pas échappé au lecteur un minimum attentif que quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire, la tonalité globalement positive et optimiste de cette dernière l’inscrivant totalement en faux avec le grimdark caractéristique de la BL (Warhammer Adventures mis à part – pour le moment – ), mais il aurait été élégant de la part du Mac de préserver les apparences sur ce point.

Le principal grief que je nourris à l’égard de cette nouvelle est toutefois autre. Que McNeill choisisse d’employer le topos, même plus éculé, mais carrément informe, du héros (prétendant être) amnésique au terrible passé1, soit. Mais qu’il ne se donne pas la peine de s’assurer qu’il ne commet pas d’impair fluffique dans la mise en place de son propos, c’est vraiment décevant de la part d’un auteur qui maîtrise à fond le background de la franchise2. Cela aurait pu, à la rigueur, être pardonné si la plume avait été tenue par l’un des rookies qui ont également participé au recueil Maledictions, mais la désinvolture confinant au je-m’en-foutisme pur et simple de Graham McNeill ne peut être passée sous silence. À côté de ça, le fait que sa soumission ne puisse être qualifiée d’horrifique qu’avec une extrême bienveillance de la part du lecteur (il a fait bien plus creepy par le passé, par exemple avec Three Knights) n’apparaît que comme un défaut mineur. Bref, beaucoup trop de complaisance pour cette fois, dommage.

1 : Les vieux de la vieille ne manqueront pas de faire le lien avec The Small Ones de C. L. Werner, au synopsis très similaire (un groupe d’enfants recueille un mystérieux inconnu trouvé dans la forêt qui borde leur village), et publiée en 2001 dans la première version d’Inferno !

2 : Spoiler Oskyr est trouvé nu comme un ver par les enfants, ce qui supposerait que les Imperial Fists qui l’ont balancé du balcon de la ruche ont pris le soin et le temps de lui enlever son armure avant de lui apprendre à voler. Et quand bien même, celà ne justifie pas la mystérieuse disparition de sa carapace noire, qui aurait dû alerter la Soeur Caitronia. Cette dernière semble enfin être affligée d’une myopie terminale et d’une inculture flagrante pour ne tiquer ni devant le gaabrit monstrueux d’Oskyr, ni devant l’Aquila Palatine tatouée sur l’épaule du gonze. Fin du spoiler

.

Crimson Snow – L. Gray [AoS]:

.

INTRIGUE:

Alors que les osts du bosquet de guerre de Feuillehiver (Winterleaf) affrontent une armée chaotique lors du traditionnel match du dimanche après-midi, les jeunes Dryades Kalyth et Idrielle, assignées à la buvette et à l’infirmerie, attendent patiemment que l’empoignade se termine dans la sécurité de la lisière. Le service sèvique de nos deux tendres boutures manque toutefois de connaître une fin aussi tragique que prématurée lorsqu’une paire de combattants, aussi altérés de sang l’un que l’autre, titube jusqu’à leur position, avec des intentions pas vraiment amicales. Fort heureusement pour les jeunottes, c’est la liste EELV qui finit par l’emporter sur celle de la Frange Insoumise1, mais la situation reste toutefois assez tendue, car le vainqueur du duel n’est autre qu’un Paria au self-control des plus ténus. Tout finit pourtant par rentrer dans l’ordre, l’esprit enragé reprenant de lui-même la direction du champ de bataille sans trucider ses camarades de classe.

Quelques heures plus tard, alors que la troisième mi-temps bat son plein sous les frondaisons, Kalyth se rend sur le pré pour porter secours à ses confrères et sœurs pouvant encore être sauvés repiqués. Elle tombe par hasard sur le même Paria, toujours aussi écumant, mais dont la transformation avancée en pâte à papier rend l’approche plus facile que précédemment, et, reconnaissante des services rendus, l’assiste dans ses derniers instants, ignorant au passage les recommandations de ses aînés à propos de la quarantaine à laquelle il convient de soumettre les sujets chancrés.

Cette bonne action pourrait cependant avoir de graves conséquences, car dès le lendemain, notre bonne âme se trouve inexplicablement attirée vers le refuge de Parias le plus proche lors de la mission de reconnaissance à laquelle est assignée, et acquiert rapidement la certitude qu’un Lumineux (Bright One) et sa colonie de parasites a élu domicile sous son écorce. Alors que son emprise sur la réalité se fait de plus en plus ténue, et que les voix demandant que la sève soit versée deviennent chaque jour plus insistantes, Kalyth arrivera-t-elle à mettre la branche sur de la bouillie bordelaise pour traiter son affliction avant de commettre l’irréparable l’imbouturable ?

: Les suivants du Chaos éprouvent des difficultés notoires à se coiffer. Pas évident de maintenir un brushing entre les casques intégraux et les mutations aléatoires.

AVIS:

Soumission sérieuse et appliquée de la part de Lora Gray pour ses débuts au sein de la Black Library. Reprenant les codes de l’horreur psychologique (la présence maléfique que le héros est le seul à ressentir, et qui finit par le rendre fou), relevés d’une touche de gore assez graphique (automutilation notamment, le truc qui marche toujours avec moi), Crimson Snow explore avec réussite un des aspects les plus sombres de la faction Sylvaneth, les mystérieux Parias, dont les causes de la folie sanguinaire sont encore mal connues. N’étant pas vraiment familiers avec les subtilités du background de cette armée, j’ai eu un peu de mal à assimiler le rôle joué par les Lumineux (un terme qui n’apparaît pas, ou peu, dans les textes canons) dans la propagation du mal, d’autant plus que la « matérialisation » du parasite de Kalyth s’opère dans gélatineux (?) un flou artistique ne facilitant pas la compréhension. Reste que la progression de l’intrigue vers sa funeste conclusion est suffisamment claire pour que tout le monde puisse s’y retrouver, néophytes comme vétérans. Pouce vert pour Gray, donc.

.

Last of the Blood – C. L. Werner [AoS]:

.

INTRIGUE:

La cousinade à laquelle le Baron Eiji Nagashiro a convié les membres de sa famille, et se tenant dans le faste de la forteresse du clan, commence sous de bien sinistres auspices. Comme tous les cent ans, en effet, cette noble lignée se retrouve la victime de l’antique malédiction qui la frappe depuis l’Âge des Cinq Princes, époque où le roi Ashikaga trouva malin d’asseoir son pouvoir en envoyant son bourreau personnel, Yorozuya, raser gratis les dissidents et toute leur famille, jusqu’au dernier beau-frère issu de germain par alliance. Ayant trouvé un moyen d’échapper à l’aristocide, les Nagashiro doivent cependant composer avec le retour régulier du fantôme de l’émissaire royal, qui traque les descendants du Baron Jubei, à raison d’une tête par mois, jusqu’à disparaître mystérieusement une fois sa rage immortelle assouvie (ou le coffre de sa Twingo rempli à ras bord, c’est selon). La saison de la prise de tête ayant commencé depuis maintenant quelques lunes, les cousins survivants se réunissent donc pour écouter la proposition du rusé Eiji, qui pourrait avoir trouvé le moyen de mettre en échec l’intraitable revenant.

Ayant fricoté plus qu’à son tour avec les secrets occultes de la non-vie1, Eiji convainc rapidement son auditoire, composé, entre autres parents, de sa mère, sa belle-sœur, une ribambelle de cousins et un petit cousin par alliance, de coopérer avec son plan, prétendument infaillible, qui permettrait à l’assemblée de feindre sa disparition aux yeux de leur bourreau, renvoyant ce dernier pourrir tranquillement dans quelque recoin humide du sous-monde. Malheureusement, si le décor mis en place par Eiji ne manque pas de cachet, l’efficacité de son rituel laisse toutefois sérieusement à désirer, et laisse notre apprenti nécromancien partagé quant à la suite à donner à son idée pas si géniale que ça. De leur côté, les Sacquet de Besace et autres Soucolline, considérablement refroidis d’avoir vu leur hôte perdre si soudainement la tête, s’égaient dans la demeure comme une volée de moineaux effarouchés, et constatent avec chagrin que feu le Baron a donné des ordres stricts à ses suivants pour que le couvre-feu soit appliqué. Il faudra donc, et c’est assez peu fréquent, éviter les flèches plutôt que de les suivre pour atteindre la sécurité – toute relative – de l’extérieur, ce fripon de Yorozuya ayant prouvé à maintes reprises sa capacité à rattraper les fuyards.

Coincés entre le marteau et l’enclume, ou entre le katana et les makiwaraya dans le cas présent, les invités optent pour différentes stratégies, plus ou moins couronnées de succès. Constatant que résignation, confrontation, tractation et invocation se sont toutes soldées par une décollation, le spirituel Toshimichi décide de tenter sa chance avec la réflexion, et passe en revue les éléments et évènements ayant pris place depuis son arrivée au château…

Spoiler …Bien lui en prend car il découvre rapidement que leur hôte est loin d’être aussi mort qu’il n’y paraissait, ayant mis en scène son propre trépas et piégé sa smala dans le seul but de devenir le dernier des Nagashiro. Il est en effet établi que l’ultime survivant de la lignée maudite bénéficie d’une protection impénétrable contre les assauts du spectre, qui disparaît alors prendre un siècle de vacances bien méritées. Bien à l’abri derrière son pentacle de craie noire, seule protection ayant été d’une quelconque utilité face aux ravages de Tonton Yoyo, Eiji se délecte à l’avance du succès de ses manigances, lorsqu’un brasero en fonte vient lui friser les moustaches et lui aplatir l’occiput, signe on ne peut plus clair du mécontentement de sa belle sœur devant sa bassesse éhontée. Ce deuxième décès étant définitif, Toshimichi ne tarde pas à découvrir qu’il est, de facto, l’ultime représentant de sa race, les horions du pauvre Yorozuya ne faisant plus que l’effleurer. Il peut en cela remercier l’homosexualité, désormais irréfutable, de son cousin Mikawa, dont le mariage avec la douce Otami n’a pas été consommé. Encore une fois mis en échec par sa malédiction, le spectre vengeur n’a pas d’autre choix que de prendre congé, et de ronger son frein pendant un nouveau siècle avant de pouvoir retenter sa chance. C’est plus qu’il n’en faut à Tosh’ et sa belle doche, qui comptent bien vivre et mourir de leur belle mort d’ici là. (Meta)carpe diem, comme on dit chez les Mortarques… Fin du spoiler

1 : Après tout, de Nagash à Nagashiro, la nuance est tenue.

AVIS:

À la lecture de cette nouvelle, comme d’autres avant elle, on peut soit décider que C. L. Werner ne se soucie guère du fluff d’Age of Sigmar, soit au contraire décréter qu’il est l’auteur ayant le mieux intégré toutes les libertés offertes par la nouvelle franchise de Games Workshop en termes de background. Les partisans de la première école mettront en avant l’absence quasi-totale d’éléments caractéristiques des Royaumes Mortels dans ce Last of the Blood, quelques mentions rapides à Nagash, Sigmar et Dracothion mises à part. Ceux de la seconde feront remarquer qu’avec huit Royaumes-Plans distincts à exploiter, et des milliers d’années à couvrir, il serait dommage de ne raconter que des histoires de Stormcast Eternals.

Chaque approche peut être défendue, et pour ma part, je préfère saluer la fantaisie de Werner plutôt que de m’outrer de son hétérodoxie manifeste. Son trip japonisant a beau détonner fortement avec les péripéties métalliques d’Hamilcar, Gardus et consorts, il serait dommage de bouder son plaisir, d’autant plus que notre homme trousse ici une petite nouvelle d’horreur ma foi assez réussie, et proposant au lecteur un double twist final pour sa peine, ce qui est toujours agréable. Certes, le fluffiste acharné ne trouvera pas grand chose à se mettre sous la quenotte, la culture particulière présentée par Werner n’étant vraisemblablement pas destinée à apparaître dans d’autres publications, mais l’amateur de nouvelles fantastiques sortira assez satisfait de cet exercice de style, qui démontre une fois encore la versatilité narrative de l’homme au chapeau. Je vous tire donc le mien, Herr W.

.

Predation of the Eagle – P. McLean [40K]:

.

INTRIGUE:

Retour sur Vardan IV en compagnie des braves bidasses du 45ème Reslian, déjà croisées dans le No Hero du même auteur (Inferno ! #1), où nous suivons cette fois les déboires d’une Compagnie entière alors qu’elle tente de mener à bien une mission d’infiltration et de reconnaissance derrière les lignes ennemies1. Notre héros, le Caporal Cully, un vieux de la vieille à qui on ne la fait pas, se retrouve en effet confronté à une situation des moins banales. Les hommes (et femmes, car Reslian est un monde paritaire) de son unité sont victimes des attentions homicidaires d’un mystérieux traqueur, dont la conception du fun semble inclure l’éventration de soldats impériaux, et la mise en scène de leurs cadavres selon un rituel bien particulier, incluant la réalisation de l’aquila impériale par leurs doigts raidis par la mort (et tenus en place par des bouts de lianes tressées, parce qu’il faut pas déconner non plus, ça bouge sinon). Ah, et notre énigmatique chasseur n’est pas non plus contre se tailler un petit steak dans le gras de la barbaque de ses proies, pour peu qu’elles soient bien en chair.

Malgré la mise en place de précautions élémentaires, et le fait que la moitié de la Compagnie soit constituée de vétérans de la guerre de jungle, et donc plus que capables de veiller à leur intégrité physique même sous le fin crachin et la légère boue caractéristiques de Vardan IV, le décompte des victimes continue son inexorable progression, au grand désarroi et déplaisir de Cully et de sa vieille garde (Rachain, Gesht, Steeleye), qui, au fil des jours, doivent se rendre à l’évidence : leur bourreau n’est pas un Ork super discret et super instruit (la version officielle), mais quelque chose d’autre. Ou quelqu’un d’autre…

Spoiler …Car, de manière cocasse et fortuite, il se trouve que le meilleur scout de la Compagnie, un dénommé Drachan, a été porté disparu dans la jungle trois mois auparavant. Drukhari en goguette mis à part, il n’y a que ce fameux Drachan, sans doute plus qu’un peu traumatisé par ces quelques semaines de camp de vacances en compagnie de GO (Gentils Orks) imaginatifs en termes d’activités, qui soit capable de tailler des croupières et des côtelettes à/dans ses anciens camarades. Entre deux accrochages avec les locaux, Cully et Cie décident donc de régler l’histoire le plus discrètement et définitivement possible, une fois que chacun a fait son deuil de l’ami ou l’amant que Drachan était pour lui avant que la fièvre verte ne le prenne. On ne piège cependant pas aussi facilement que ça un castor senior en plein Bois de Boulogne, et Drak the Ripper pratiquera encore quelques laparotomies au débotté (dont une sur l’officier en charge – théorique – de la mission, un jeune incapable tout frais sorti de l’école, et nommé Makkron… McLean serait-il un Gilet Jaune ?) avant de ne devoir rendre ses comptes devant Pépé… ou Gork et Mork, peut-être… Fin du spoiler

1 : À supposer que les Orks soient capables de tracer des lignes. Même juste un tout petit peu droites. Pas gagné.

AVIS:

Voilà une bien belle et glauque soumission pour l’ami McLean, qui confirme avec PotE (pour une fois que j’ai un acronyme pot-able sous la touche, autant l’utiliser) le pote-ntiel pressenti et espéré avec son initial No Hero1. Comme dans cette dernière/première nouvelle, l’atmosphère de combat de jungle, étouffante, humide, dangereuse et plus adaptée à l’Ork qu’à l’homme, est très bien rendue, avec toujours ce petit côté guerre du Vietnam, sans doute inévitable pour ce genre de parti pris littéraire, mais en rien désagréable. À celà vient s’ajouter le triple bonus d’une galerie de personnages beaucoup plus singuliers et intéressants que les survivants du peloton Beta (mention spéciale à la sniper Steeleye, authentique gueule cassée ayant eu le douteux privilège de se faire rouler une galoche par un Peau-Verte trop entreprenant, et dont la seule lecture des séquelles vous mettra mal à l’aise) ; une utilisation adroite des codes de l’horreur/gore par meurtres rituels interposés ; et l’inclusion d’une dimension thriller, certes rapidement évacuée par un McLean qui aurait pu continuer à laisser planer un peu de suspens sur l’identité de son boogeyman, lorsque le lecteur est invité à enquêter avec Cully sur les meurtres de son unité. Bref, un sans faute tant sur le fond que sur la forme, et dont l’inclusion dans un recueil de nouvelles d’horreur est tout à fait légitime, ce qui n’était pas évident pour une histoire de Gardes Impériaux. Qu’on se le dise, si elle ne se rend toujours pas, la Garde meurt en tout cas avec panache.

1 : D’ailleurs cet impayable Lopata, alias Ogryn, fait un petit cameo en début de nouvelle. Le clin d’oeil, c’est toléré, tant que ça ne sombre pas dans l’auto-like.

.

The Last Ascension of Dominic Seroff – D. Annandale [40K]:

.

INTRIGUE:

Eremus. Une planète poubelle (littéralement) comme l’Imperium en compte quelques centaines, un monde ruche en déréliction avancée n’accueillant que la lie des serviteurs de l’Empereur. Parmi ces derniers, nous faisons la connaissance d’un couple de vieilles canailles, le Seigneur Commissaire Dominic Seroff et l’Inquisitrice Ingrid Schenk, unis par une détestation commune et sincère envers l’irréprochable Yarrick, responsable de la disgrâce de nos deux larrons. Dom’ a en effet eu la mauvaise idée de ne pas sentir le vent tourner autour du gouverneur Herman von Strab lorsque Ghazghkull, tel le facteur (X) qu’il est au fond de lui même, est venu sonner pour la deuxième fois à la porte d’Armageddon, et a gagné le droit de superviser le recrutement des forces armées d’Eremus (dont la valeur et le mérite approche celles de notre Burkina Faso) pour sa peine. Schenk a quant à elle été prise la main dans le sac à expérimenter avec une souche de la Peste de l’Incroyance dans la banlieue de Molossus et des conditions pas vraiment cliniques, par l’intraitable Commissaire, qui s’est découvert des prérogatives policières sur ce coup1, et a bouté la Ressuscitationniste hors de son laboratoire à ciel ouvert (façon de parler pour un monde ruche), direction Eremus également.

Alors que nos crapules portent un toast à la mauvaise santé de leur Némésis, en regardant les épaves recrachées par le point de Mandeville le plus proche s’écraser sur les spires décaties de leur planète d’adoption, ce qui passe pour un dîner aux chandelles sur Eremus j’imagine, une explosion particulièrement féroce vient rompre leur train train habituel. Désabusés mais toujours prêts à faire leur devoir, Seroff et Schenk ne sont pas longs à prendre la direction de l’impact, qu’ils trouvent sujet à un émoi compréhensible mais très exagéré de la part des voisins, qui ont mis le feu au quartier dans leur panique et se comportent de manière très étrange. Ayant fait prisonnier un citoyen qui passait dans le coin, le Commissaire et l’Inquisitrice ont la surprise de le voir se changer en fleur de manière peu ragoûtante, puis en cendres de manière spontanée, sous leurs yeux incrédules. « Ce n’est certes pas un rhume des foins » étant le seul diagnostic que la docte Schenk est capable de poser suite à ce cas de biodégradation subit, décision est prise de retourner sur les lieux du crash, et d’installer le cordon sanitaire qui semble s’imposer à proximité de ce dernier.

Protégée par son scaphandre inquisitorial, Schenk arrive à approcher l’épicentre du problème d’assez près pour se rendre que ce n’est pas non plus la rhinite allergique qui est à blâmer sur ce théâtre, les diverses mutations affectant les quidams n’ayant pas eu l’intelligence d’aller voir ailleurs si l’Empereur y était ayant rapidement raison des nerfs de son escorte de Gardes Impériaux, tout comme de ses velléités d’étudier de plus près cette étrange épidémie, dans le but initial et avoué de regagner la faveur de sa hiérarchie. Optant pour une application stratégique et immédiate du principe de précaution, Schenk se dirige donc aussi vite que sa chaudronnerie lui permet vers le piquet tenu par son compère, ce qui lui laisse largement assez de temps pour constater que la maladie, en plus d’être une zoonose indéniable, semble également avoir des propriétés naonoses, ce qui est à la fois tout à fait remarquable et terrifiant. En effet, ce sont bientôt des quartiers entiers d’Eremus qui commencent à muter, rendant la tenue d’un cordon sanitaire efficace aussi vaine qu’illusoire. Ayant opté pour la sécurité toute relative de leur HLM de fonction, Seroff et Schenke croient leur dernière heure arrivée lorsque leur loft décide d’embrasser une carrière de sauteur en hauteur, guère concluante il faut le reconnaître (en même temps, la coordination musculaire est complexe quand on est une tour de plastacier de 50 étages), et rapidement interrompue. Miraculeusement épargnés par l’effondrement consécutif à cette monumentale crise d’épilepsie, nos héros se réveillent dans la soute d’un vaisseau, où les attendait, avec la bonhommie légendaire qu’on lui connaît…

iSpoiler…Typhus en personne. Le patron du Terminus Est n’a en effet pas digéré, et sans doute donc vomi, puis ré-ingéré, l’utilisation déloyale que Schenk a fait de sa peste de l’incroyance, soumise à copyright opera galaxii, comme toutes ses autres créations, et est venu sur Eremus pour régler l’affaire à l’amiante (c’est mieux qu’à l’amiable). Voulant faire les choses bien, il s’est fendu d’une nouvelle infestation, dont Schenk et Seroff ont pu constater l’efficacité et l’inventivité au cours des dernières heures, dans le seul but de prouver à la malotrue qu’il est toujours la bosse du game. Ayant amplement démontré le bien-fondé de sa cause, il termine en ôtant à ses hôtes la gracieuse et graisseuse immunité dont il les avait fait bénéficier jusqu’ici, avec des effets rapides et indésirables pour la pauvre Ingrid. Et Dominic, me direz-vous ? Comment se termine sa dernière ascension (c’est son histoire après tout) ? Eh bien, tout aussi mal, mais pour des raisons bien différentes, notre Seigneur Commissaire décédant d’une hypertrophie astragalaire (la maladie des chevilles gonflées) subite en réalisant qu’il n’était que le side-kick de la nouvelle. Vanité, tout n’est que vanité.Fin du spoiler

1 : J’ai un peu de mal à comprendre comment un Commissaire, fut-il aussi célèbre et influent que Seb la Pince, a pu avoir gain de cause contre un Inquisiteur chevronné rosetté, dont la mission suppose qu’il soit au-dessus de toute autorité, Pépé mis à part. Comme Annandale a consacré une abondante littérature à Yarrick, laissons-lui le bénéfice d’une explication crédible mais non décrite dans The Last Ascension…

AVIS:

Située en plein cœur de l’Annandal-ivers, The Last Ascension… permet à son auteur de convoquer deux des figures du fluff avec lesquelles les pontes de la BL l’ont autorisé à jouer, dans un cross-over par antagonistes interposés (je me comprends, peut-être que vous aussi), qui s’avère être davantage un délire personnel d’Annandale qu’une soumission intéressante à un recueil de nouvelles d’horreur. On peut ainsi reprocher à David son approche finalement très basique et peu inspirée des codes de l’épouvante, dont l’intégration à l’intrigue est aussi naturelle et appropriée que celle de navets dans une tarte aux fraises, pour tirer une comparaison culinaire. En faisant de l’horreur le vecteur de la peste qui frappe Eremus, Annandale répond certes au cahier des charges qui lui a été soumis, mais aux dépends de la cohérence et de la dynamique de son intrigue, qui était pourtant assez bien partie jusqu’ici.

Comme souvent avec la prose de notre ami canadien, une bonne et généreuse idée de base finit par s’effondrer sous le poids de sa propre kioulitude, fragilisée qu’elle est par l’incapacité de l’auteur à apporter des réponses satisfaisantes aux questions qu’un développement incontrôlé ne manque pas de générer. Ici, c’est donc la manière dont la peste se répand d’un hôte à l’autre qui fait débat, Annandale théorisant que c’est l’horreur générée par la vision des mutations qui propage l’infection. OK. Mais comment le patient zéro a-t-il attrapé cette vilaine grippe, si tout ce qu’il y avait à voir initialement était les ruines d’un crash aérien (un spectacle très commun sur Eremus) ? Et comment diable expliquer de manière un tant soit peu robuste que l’infestation puisse se propager à des bâtiments1 ? Bref, une soumission encore trop limitée pour prétendre à autre chose qu’à l’habituelle mention passable pour le sieur Annandale. De mauvaise augure quand on sait que la BL lui a demandé de participer à l’écriture du récit collectif The Wicked and the Damned en ouverture de la gamme Warhammer Horror.

1 : Vous l’attendiez tous, par un magnifique TGCMLC (It’s the Chaos, stupid). Ça faisait longtemps tiens.

.

Triggers – P. Kane [40K]:

.

INTRIGUE:

Le gouverneur du monde minier d’Aranium (ça ne s’invente pas), Tobias Grail, traverse une mauvaise passe. Alors qu’il jouissait paisiblement et profitablement des avantages conférés par son affectation à la tête de cette productive planète, en récompense d’une carrière distinguée au sein de la Garde Impériale, Grail est devenu la proie de rêves inquiétants, dans lesquels il a le pressentiment que quelqu’un cherche à lui dérober sa fortune. Une position telle que la sienne ne lui laissant pas le loisir de prendre quelques jours de RTT pour s’aérer la tête, notre héros prend donc sur lui et s’emploie à donner le change comme si de rien n’était, même si ses plus proches collaborateurs – à commencer par son bras droit/garde du corps/homme à tout faire/baby-sitter/ancien camarade de guerre Russart – commencent à remarquer et à s’inquiéter des sautes d’humeur et discours incohérents de leur supérieur.

Malheureusement pour Tobbie, la situation ne va pas en s’améliorant, aux cauchemars venant s’ajouter des hallucinations de plus en plus fréquentes et éprouvantes, dans lesquelles il assiste à des groupes de parole pour mutants et démons (comprendre que ces derniers se contentent de se réunir en cercle autour de lui pour l’encourager à continuer son bon travail, ce qui gonflerait sans doute son estime de lui, s’il n’était pas occupé à souiller son slip). Qu’il s’agisse de visiter un camp de travail une coopérative minière modèle, de superviser sa petite activité de contrebande de biens illicites d’import-export personnelle, ou d’aller aux p- de se détendre après une dure journée de travail au service de l’Imperium, Grail doit faire face à des crises dont l’intensité et la violence vont crescendo. Naturellement rendu un peu chafouin par ces épisodes psychotiques, le gouverneur finit par s’enfermer dans un isolement presque complet, dont seuls la tenue d’un grand bal masqué pour les notables d’Aranium, et l’épisode de paranoïa aigüe dans lequel il sombre après une remarque malheureuse de Russart, le convainquent de rompre. Mais si l’évènement commence sous des auspices favorables et tout à fait normaux, il ne faut pas longtemps avant que Grail n’expérimente le biggest and baddest trip ever, qui l’envoie baguenauder au cœur des Royaumes du Chaos, comme un Marius Hollseher du 41ème millénaire. Fou de terreur, notre héros sonne la fin des festivités, de manière très cavalière et peu protocolaire, il faut le reconnaître, et s’enfuit vers ses quartiers…

Spoiler…où il est rapidement rejoint par le fidèle Russart, qui lui apporte la solution à ses problèmes : une tablette de LARGACTIL 100 mg un tir de laser en pleine poitrine. Grail n’a que le temps de contempler une dernière fois le contenu de son coffre fort personnel, parmi lequel se trouve le médaillon qui lui a été remis en récompense de sa bravoure au combat lors d’une ancienne bataille contre les Orks, et sur lequel il arrive à distinguer la mention Made in PRC (Parasympathomimetic Realms of Chaos) avant que le rideau ne tombe. Exigez la qualité martienne, loyaux sujets de l’Empereur ! De son côté, Russart se révèle être une Callidus en mission, dont l’intervention était nécessaire pour empêcher Grail de livrer, sans doute involontairement, son fief aux Puissances Noires. Just another day in Pépé-dise…Fin du spoiler

AVIS:

Franche déception que ce Triggers (dont le choix de titre continue de m’échapper à ce jour), au vu de l’expérience de son auteur dans l’écriture horrifique. Nul doute que Kane doit être capable d’écrire des textes d’épouvante tout à fait respectables, mais son incursion dans les ténèbres de notre lointain futur s’avère être un acte manqué, la faute à une maîtrise limitée du background et une utilisation pataude de ce dernier. On ne peut pas reprocher à l’auteur d’avoir souhaité terminer sa nouvelle sur un twist final, élément indissociable tant du genre que de la littérature horrifique, mais il aurait été plus inspiré de ne pas se frotter à un concept aussi complexe que le Chaos pour ce galop d’essai, dont l’utilisation satisfaisante requiert un niveau de connaissance du fluff sensiblement supérieur à celui de Mr Kane au moment de l’écriture de Triggers. Non qu’il se vautre dans des contre-sens grossiers, mais son exploitation du thème de la corruption s’avère tellement insipide et contre-intuitive qu’elle dessert in fine son propos. Dans un Imperium d’un million de mondes, une intrigue tout à fait « classique » aurait l’affaire, et sans doute permis à Paul Kane de survivre à l’enfer de 40K de manière plus convaincante. Où sont les éditeurs de la BL quand on a besoin d’eux ?

.

A Darksome Place – J. Reynolds [AoS]:

.

INTRIGUE:

S’il est toujours compliqué de discuter des couleurs (surtout quand on parle à des figurinistes), l’égout peut-il, lui, être abordé de manière satisfaisante ? C’est en tout cas le postulat de Josh Reynolds, qui entraîne ses lecteurs dans les galeries souterraines de Greywater Fastness, métropole Ghyranite qu’il avait déjà explorée dans Auction of Blood. Une équipe d’égoutiers (underjacks1) sous le commandement du vétéran Tooms, est à la recherche de collègues portés disparus depuis quelques jours, ce qui n’augure rien de bon pour sûr. Alors qu’ils progressent vers la zone où leurs confrères se trouvaient lorsqu’ils ont cessé de donner signe de vie, les agents territoriaux de GF sont confrontés aux aléas classiques du métier, qu’il s’agisse de Troggoth en maraude, d’une infestation de champignons, ou de cadavres de catacombistes amateurs.

Il semble cependant certain que quelque chose de pas très sigmarite se trame dans les profondeurs des canaux, comme l’insinue la multitude de signaux que les Tooms Raiders ne manque pas de remarquer : d’où vient cette odeur de propre ? Pourquoi n’y a-t-il pas de rats ? Comment expliquer la prolifération de cet étrange fungus ? Qui diffuse le mystère des voix bog-lares dans le dédale des canaux ? Ajoutez à cela la disparition régulière et soudaine des membres de la fine équipe, jusqu’à ce que seul l’inébranlable Toto demeure, et vous obtenez un point d’alerte à remonter à la direction dans le rapport circonstancié de mission, pour sûr. Ce ne sont toutefois pas ces menues péripéties qui décourageront notre zélé héros d’aller au fond des choses, dans l’espoir, de plus en plus incertain, de retrouver son mentor – Agert – qui l’attend quelque part dans les profondeurs de Ghyran…

Spoiler…Et pour cause, Tooms finit par tomber sur le pot aux coulemelles – il n’y a pas de roses qui poussent dans les caves, voyons –, une rave party géante où la consommation de champignons est aussi massive qu’inversée (ce sont les fungi qui mangent les humains), sous le haut patronage d’une entité faite entièrement de spores, et sujette à l’adoration béate de ses proies alors même qu’elles succombent à la mycose (ce qui est toujours mieux que de succomber à la sinistrose, avouons-le). Introduit à cette dernière, une certaine Mme A. Larielle, dont nous respecterons les demandes d’anonymat, par son pote Agert, désormais totalement ravagé du bulbe, Mister T parvient à se défaire de la peer pressure et obtient la fermeture temporaire de la salle de spores en l’embrasant d’un jet de lanterne bien placé, avant de partir en rafting vers la civilisation. Cependant, alors qu’il tente désespérément de retrouver le chemin de sa cité bétonnée, il réalise que lui aussi entend désormais Lucy in the Sky lui retourner la tête avec ses délires de tangerine trees et cellophane flowers. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y prend (é)goût…Fin du spoiler

1 : On peut noter la fidélité de Reynolds envers cette noble profession, qu’il avait déjà mise à l’honneur dans une de ses nouvelles dédiées au très saint et très brutal ordre de Manann, Dead Calm.

AVIS:

Beaucoup d’atmosphère, mais finalement peu de contenu de la part de Reynolds dans cet A Darksome Place, son parti-pris de suspens autour des causes de la disparition des égoutiers, et de l’identité et motivations du responsable d’icelle, restant assez nébuleux d’un bout à l’autre du récit. Pour ma part, il a fallu que je me renseigne un peu sur Greywater Fastness pour comprendre les tenants et les aboutissants de la nouvelle, qui contient pour le lecteur averti une mini-révélation fluff assez intéressante. Il est dommage que les efforts consentis par l’auteur pour permettre une révélation spectaculaire à la fin de son récit (lieux oppressants, narration en flashbacks, catchphrase faussement bénigne – it’s a kindness // c’est une faveur – martelée à l’envie) n’accouche que d’une réalité que le lecteur avait sans doute percée à jour de lui-même quelques pages plus tôt, et d’une « bête » confrontation entre le héros et son antagoniste. Même le renoncement du premier, synonyme de victoire du second, à la toute fin de la nouvelle, se trouve affaibli par le peu de doute subsistant quant à l’issue finale de cette dernière. Bref, je m’attendais à mieux, et à « pire » de la part de Reynolds, qui une fois n’est pas coutume, ne tire pas le niveau général de l’anthologie vers le haut. Ca arrive Josh, ça arrive.

.

The Marauder Lives – J. C. Stearns [40K]:

.

INTRIGUE:

L’interrogatrice Monika a bien mérité de l’Imperium. Capturée et torturée pendant une décennie par l’Archonte Eldar Noir Kelaene Abrahak, aka la Maraudeuse1, après qu’elle ait réussi à attirer les forces de cette dernière sur une position tenue par une petite force inquisitoriale, et non occupée par une foule de réfugiés prêts à la cueillette, comme la Zoneille le pensait, elle a enduré les sévices physiques et psychologiques dispensés par sa cruelle maîtresse jusqu’à regagner enfin sa liberté, précipitant la fin de la Maraudeuse dans l’opération. Souffrant de nombreuses séquelles, dont des troubles de stress post-traumatique aussi compréhensibles qu’handicapants, elle a été placée en rééducation dans la maison de repos St Solangia, tenue par les Ordos sur une île située en plein milieu de la mer cressidienne. Recevant à intervalles réguliers la visite de sa mentor et amie, l’Inquisitrice Deidara, elle fournit à cette dernière de précieuses informations sur la société et la culture des ses anciens bourreaux, en tentant tant bien que mal de retrouver un comportement que le quidam moyen pourrait qualifier de normal.

Il est toutefois difficile pour une rescapée comme Monika de baisser sa garde, ses années de servitude lui ayant appris la valeur d’une méfiance absolue, confinant à de la paranoïa pure et simple pour un observateur extérieur, mais indispensable à la survie d’un résident de Commoragh. D’autant plus que sa maîtresse avait l’habitude de mettre en scène de fausses tentatives d’évasion au « bénéfice » de son animal de compagnie, pendant lesquelles Monika pouvait nourrir l’espoir d’avoir échappé à sa captivité, pour invariablement se rendre compte que cette farceuse de Maraudeuse avait tout organisé, et s’était jouée de ses efforts depuis le début. On comprendra aisément que cet innocent passe-temps ne favorise pas non plus la reprise d’une vie insouciante, car, au fond, qui pourra convaincre Monika que sa « liberté » retrouvée n’est pas la dernière manigance en date de sa tortionnaire, qui serait allée jusqu’à feinter sa propre mort pour convaincre son esclave de la réalité de la chose (après tout, quand on est une immortelle aussi sadique que friquée, on peut se permettre de réaliser ses lubies) ?

Alors qu’un ouragan s’apprête à s’abattre sur St Solangia, coupant l’institut du reste du monde pendant quelques heures, et que les signes d’une activité suspecte et maligne s’accumulent, Monika se retrouve confrontée à une question aux conséquences potentiellement pires que la mort : et si la Maraudeuse était encore à ses trousses ?

1 : Surnom donné à Kelaene par les autorités impériales après qu’elles aient remarqué la tendance de l’Archonte à effectuer des tournées de bienfaisance régulières sur les planètes humaines, où elle se fait un devoir d’offrir aux populations démunies tout le confort physique et spirituel pour lequel les Drukhari sont justement réputés. Des milliers de citoyens impériaux ont ainsi bénéficié d’un placement en centre d’accueil sur Commoragh. Bravo madame.

AVIS:

Quelle plus grande horreur peut-il exister que celle de ne pouvoir faire confiance à son propre jugement ? Vous avez deux heures, le temps de – peut-être – regarder un des classiques1 exploitant le filon de la subjectivité narrative pour faire douter le héros, et avec lui, le spectateur, de ce qu’il v(o)it. Pour ma part, je considère cette approche de l’horreur, pour peu qu’elle soit réussie, comme la plus intéressante et, il faut bien l’avouer, flippante qui soit. Tout l’art du narrateur consiste à ménager les interprétations possibles, de façon à laisser planer un doute sur ce qu’est, au final, la vérité. Et, comme dans toute bonne théorie du complot, c’est encore meilleur si rien n’est laissé formellement tranché à la fin du récit !

Vous l’aurez sans doute compris à ce stade, j’ai adoré The Maraudeur Lives, qui a selon moi parfaitement réussi à se positionner sur le créneau horrifique précédemment décrit. L’absence de balise spoiler dans la partie résumant l’intrigue est une preuve supplémentaire de la maîtrise par Stearns de son propos : il n’y a pour ainsi dire pas de twist final à préserver, car c’est au lecteur de décider en son âme et conscience si Monika a sombré dans une crise de paranoïa aigüe, dont il est impossible de la tirer de manière rationnelle, ou bien si elle est effectivement pourchassée par l’élusive Maraudeuse, et a absolument raison de ne faire confiance à personne. Il est tellement rare d’arriver à des résultats aussi « satisfaisants » à la lecture d’une nouvelle de la Black Library que je me devais de souligner cette performance de l’ami Stearns, et irai même plus loin, en justifiant l’achat du recueil Maledictions (en attendant que The Maraudeur Lives soit disponible à l’unité) sur la seule présence de ce texte au sommaire. Voilà une construction narrative qui mérite d’être étudiée dans les cours d’écriture, et qui viendra récompenser l’opiniâtreté et l’abnégation du lecteur BL, prêt à s’enquiller platitudes sur bof-erie (à ne pas confondre avec la beauferie, c’est très différent) à la recherche d’une des rares pépites que la maison reste capable de publier, de temps à autres. Profitez, profitez donc.

À ce déroulé impeccable vient en outre s’ajouter une « caractérisation » de Monika des plus fouillées et intéressantes, faisant bien comprendre au lecteur la profondeur du traumatisme subi, et en filigrane, les trésors de perversité dont sont capables les Eldars Noirs envers leur prochain. Si vous aviez besoin d’une nouvelle pour comprendre à quel point cette fin de race est infréquentable, c’est également votre jour de chance. Il n’y a qu’à suivre le déroulé d’une journée classique de Monika, depuis son réveil sous son lit (trop dangereux de dormir dedans), jusqu’à ses promenades aux aguets dans le parc de St Solangia, en passant par le contrôle régulier de l’absence d’injections intraveineuses, les caches d’armes improvisées et de nourriture à divers endroits de sa cellule, les repas qui prennent littéralement des heures à force de tests successifs d’innocuité, et l’entraînement rigoureux auquel elle s’astreint pour se maintenir au pic de sa forme, pour se rendre compte que Stearns a vraiment bossé son sujet, et s’avère tout à fait capable d’exploiter les bonnes idées qu’il a. Bref, une nouvelle à déguster et un nom à suivre au cours des mois à venir, si j’en suis seul juge.

1 : Psycho, Shining, Sixième Sens, Les Autres, Funny Games, Shutter Island… La liste est longue.

.

The Nothings – Alec Worley [40K]:

.

INTRIGUE:

La tranquillité monotone mais heureuse du Berceau, une vallée isolée abritant un village l’étant tout autant, est sur le point de voler en éclats, condamnant les ouailles du Roi Cornu à un destin des plus incertains. Responsables involontaires de cette rupture du statu quo qui perdurait depuis des générations, le jeune chasseur Cade et la scribe rebelle Abigael ont en effet déclenché la colère des Riens (The Nothings), ces mystérieux croquemitaines qui sont réputés hanter les étendues sauvages au delà du Berceau. Pour leur défense, nos tourtereaux n’avaient que peu d’options à leur disposition, l’impertinence et les questions incessantes d’Abigael ayant fini par creuser un fossé infranchissable entre la forte tête et le reste de sa communauté, qui ne se montre guère surprise lorsque l’objectrice de conscience demeure introuvable alors que tous se préparent à la fête de la moisson. Problème, cela ne peut signifier qu’une chose : Abi a pour projet de partir à la découverte du vaste monde, ce qui va à l’encontre des lois les plus sacrées du Roi Cornu, qui retirera sa protection aux habitants du Berceau et les laissera vulnérables aux maléfices des Riens, si un seul de ses fidèles passe les pierres gardiennes délimitant son domaine. Dans le plus grand des calmes, les Bercelais décident donc de partir à la chasse à la gueuse, préférant de loin perdre une brebis galeuse que de risquer l’ire de leur dieu caprin.

Refusant de se rendre coupable du crime que fomentent ses concitoyens, Cade parvient à leur fausser compagnie à son tour, et, tirant profit de ses talents de traqueur, se lance à la poursuite de sa dulcinée. S’il arrive trop tard à la frontière pour dissuader cette dernière de commettre l’irréparable, il a toutefois la joie de la voir réapparaître peu de temps après, brushing défait et toilette dérangée, visiblement poursuivie par un chasseur dissimulé par les hautes herbes marquant le début des terres extérieures (Lands Beyond), et ne pouvant être qu’un Rien ! Ayant pu constater que ses fidèles hachettes de jet ne connaissaient pas leur succès habituel sur ce type de proie, klong métallique à l’appui, Cade cesse rapidement de faire le kéké et se laisse convaincre par Abigael de rejoindre la sécurité du Berceau. Malheureusement pour nos tourtereaux, la malédiction du Roi Cornu est bel et bien sur eux, comme l’explosion soudaine des pierres gardiennes le démontre bientôt. Seule consolation pour les gaffeurs, leur perception du monde extérieur semble se clarifier jusqu’à des niveaux inédits, montée de version certes utile quand on veut gagner des followers Instagram, mais de peu de secours lorsque les monstres des légendes locales viennent prendre de vos nouvelles.

S’en suit un long épisode de fuite éperdue, Cade et Abigael parvenant à trouver une galerie à travers les montagnes, débouchant sur un portail scellé qu’ils arriveront toutefois à ouvrir, sans trop savoir comment, pour au final parvenir une nouvelle fois dans les terres extérieures. N’ayant plus guère le choix que de pousser toujours plus avant, les Riens n’étant jamais très loin derrière eux, les amants maudits poursuivent leur course folle à travers champ (de maïs pour le coup), sans parvenir à distancer leurs poursuivants. En désespoir de cause, Cade se met à prier le Roi Cornu, l’implorant de protéger sa bien-aimée du péril qui les guette… et a la surprise de voir son souhait s’exaucer, par l’intermédiaire de la matérialisation de l’avatar de la divinité, le fameux Faune Follet (Faun Light) – en vrai c’est une grosse biquette verte, mais c’est moins la classe –. Juste le temps de remettre la donzelle aux bons soins de cet Uber bêlant, et Cade, en bon chevalier bouvier servant qu’il est, dégaine sa dernière francisque, Cabrelle1, et se tient prêt à vendre chèrement sa peau alors que les Riens convergent sur sa position…

Spoiler…et se révèlent être, comme le lecteur l’aura certainement deviné, des Sœurs du Silence. Tout s’explique donc à peu près normalement, sauf pour Cade qui, tout à son zèle et à sa terreur – et son mal de crâne persistant, comme vous pouvez l’imaginer – a besoin d’être calmé manu militari par une grande chauve à la chaussure noire2, rendue un peu chafouine par la perte d’une oreille par un Cade nerveux de la hachette. Fort heureusement, l’escouade de Sistas dispose d’une porte-parole toute désignée, sous la forme de leur stagiaire Maia, qui peut brosser au jeune psyker un tableau rapide de la situation.

Ayant réussi à lui faire comprendre qu’il était dans son intérêt, et dans celui de sa chè(v)re et tendre, de coopérer, Maia et ses comparses se lancent à la poursuite de la chèvre de Mr Zuvassin, guidées par un Cade toujours méfiant, mais commençant à réaliser qu’il était le héros d’une nouvelle se passant dans un univers grimdark, et non dans un monde de high fantasy propret et bien famé, où les apparitions miraculeuses de patronus sont à prendre au premier degré. La suite des évènements donne évidemment raison à cette approche pessimiste des choses, l’innocente Blanquette s’étant muée en Ghorgon dans le court laps de temps s’étant écoulé entre la fuite d’Abigael et ses retrouvailles avec son aimé. Se nourrissant de la force psychique de sa protégée, la bestiole se révèle être très dure au mal, et sa capacité à regénérer de ses blessures de manière quasi instantanée, avant de disparaître sans laisser de traces, n’est pas sans poser quelques problèmes aux braves Sistas.

Pressentant que c’est à lui de mettre un point final à cette tragique histoire, Cade s’éclipse discrètement et, guidé par son goat sense, parvient à trouver le pied à terre où Abi et Djali se reposent. Incapable de convaincre la première de la duplicité de la seconde, il décide de prendre le chevreau par les cornes et balance littéralement tout ce qu’il a à la tête de l’imposteur. Son manque d’expérience et de maîtrise lui coûte cependant très cher, même s’il parvient à méchamment méchouiser le démon, qui se fait prestement bannir par une Abigael que le danger couru par Cade a finalement sorti de sa torpeur. Il est malheureusement trop tard pour notre héros, totalement grillé par son coup d’éclat. Ironie terminale pour pâtre sur le point de passer ad patres, il n’est même pas capable de prévenir Abigael du sinistre destin qui l’attend, ainsi que tous les psykers du Berceau, si elle suit les Soeurs du Silence qui viennent d’arriver sur les lieux. Son free ride dans le Warp lui a en effet révélé la manière dont l’Imperium met à profit ce type particulier de mutant, ce qui n’a rien de très sexy, reconnaissons-le. Moralité : (black) ships go to heaven, goats go to hell. Fin du spoiler

1 : Ça veut dire chevreau en occitan. Je marque des points de style.

2 : Je n’invente rien en plus. C’est tout ce qu’il y a de plus canon.

AVIS:

Cette longue nouvelle d’Alec Worley est intéressante à plus d’un titre. On pourra d’abord noter le soin que l’auteur prend de laisser hors de son récit tout élément pouvant le raccrocher de manière formelle et définitive à l’une ou l’autre des franchises de Games Workshop, jusqu’à la révélation qui prend place à la moitié de la nouvelle. Le suspens a ici fait long feu, du fait des balises placées en début de chronique, mais pour un lecteur découvrant The Nothings via Maledictions, la situation n’est clarifiée que tardivement dans l’histoire, ce qui est un parti pris digne d’éloges de mon point de vue. Cela permet en effet de rappeler que l’Imperium de Pépé est inconcevablement vaste, et que sur un nombre significatif de mondes, les connaissances que le Zhobbyisite moyen considère comme tout à fait triviales sur la situation du 41ème millénaire feraient tomber en syncope Mr et Mme Toulemonde. Worley s’amuse également à dépeindre les conséquences, souvent minimes mais parfois rédhibitoires, de l’éloignement et de l’isolement pour des planètes de second ordre, bien souvent laissées pour compte par l’Administratum une fois leur dîme payée. Ici, c’est l’Empereur lui-même qui en fait les frais, une couronne de lauriers mal dessinée et estompée par le temps ayant transformé le Maître de l’Humanité en Bestigor aux yeux des dévots Bercelais, sans que ces derniers soient conscients du terrible blasphème qu’ils commettent à leur insu.

La deuxième partie du récit, plus classique, permet toutefois à l’auteur de traiter quelques thèmes centraux du lore de 40K1, là encore avec une liberté et une fraîcheur de ton qui changent agréablement de l’ordinaire du lecteur de la BL. Même l’inclusion de factions bien connues de ce dernier prend une tournure assez particulière lorsque vu sous le prisme d’un couple de bergers naïfs, et pas d’une escouade de Space Marines ayant potassé leur Codex. À titre personnel, et pour faire le lien avec le thème du recueil dans lequel la nouvelle figure, j’ai apprécié le parti pris grinçant, mais fondé, de Worley sur ce qu’est l’horreur absolue pour le héros de sa soumission. Cade aura en effet de nombreuses opportunités de réévaluer sa position sur le sujet au cours de la nouvelle, et son ultime opinion risquerait fort de faire tiquer les Hauts Seigneurs de Terra, alors que notre chasseur stagiaire avait été un modèle de dévotion (un peu dévoyée il est vrai, mais pas de manière volontaire) à l’Empereur jusqu’à ce point. Que voulez-vous, toutes les vérités ne sont pas bonnes à connaître…

On pourra à la rigueur reprocher à The Nothings sa très (trop) longue séquence de course poursuite centrale, qui aurait gagné à être expédiée plus rapidement, ainsi que quelques WITJH2 commodes d’un point de vue scénaristique, mais assez délicats à justifier dès lors qu’on se penche sur la question. Sans doute un détournement professionnel, sans grande conséquence il faut le reconnaître, de la part de Worley, qui est auteur de comics à la base et connaît donc l’importance d’une narration rythmée. Reste que cette nouvelle demeure une lecture des plus satisfaisantes, qui changera agréablement le briscard de la BL de son ordinaire SF. C’est toujours mieux que… rien (pun intended).

: Spoiler Par exemple, pourquoi est-ce une mauvaise idée de laisse ses psykers sans surveillance ? Fin du spoiler

2 : Spoiler Well, It Just Happened qu’un Vaisseau Noir passait à proximité du Berceau au moment où Abigael décidait de se faire jeune fille au pair dans les terres extérieures. Comment expliquer sinon que les Riens se soient abattus sur le Berceau avec une telle rapidité ? Fin du spoiler

..

En conclusion, et comme souvent dès que l’on se penche sur un ouvrage collectif, on trouve du bon et du moins bon dans ce Maledictions. Moi qui était de curieux de voir des « spécialistes » du genre opérer, j’ai dû me rendre à l’évidence que les meilleures soumissions provenaient de l’opposé du spectre, c’est à dire des auteurs récurrents et « généralistes » de la BL, ayant pour certains démontrés un talent indéniable à l’usage des codes horrifiques (Stears, McLean, Worley, Werner). À ce premier constat, il convient d’ajouter que c’est plutôt la « jeune garde » de la Black Library qui tire le mieux son épingle du jeu, les nouvelles de McNeill, Annandale et Reynolds n’étant pas les plus réussies du lot, pour autant que je puisse en juger.

Quoiqu’il en soit, et à quelques exceptions près (The Predation of the Eagle et The Maraudeur Lives, si j’en suis seul juge), le lecteur qui souhaite donner sa chance à la collection Warhammer Horror serait bien inspiré de ne pas s’attendre à des textes véritablement dérangeants, ni très différents d’une anthologie de courts formats Black Library non thématique. Comme dit en introduction, la nature intrinsèquement sombre et gothique des univers de Games Workshop (40K plus qu’AoS ceci dit, ce qui explique peut-être pourquoi le rapport de force est de 7 pour 4 en faveur des soumissions futuriste dans ce recueil) a toujours autorisé les auteurs qui le souhaitaient à flirter avec l’horreur, et certaines nouvelles publiées au cours des quelques trois décennies précédant la sortie de cet opus – eh oui, le temps file – s’avèrent être bien plus angoissantes que la présente collection. À titre personnel, je salue néanmoins la prise de risque de la Black Library, et suivrai avec attention les développements apportés à cette gamme nouvelle née, en espérant que Nottingham se donne (pour changer) les moyens de ses ambitions. À la prochaine !