Loutre d'Europe : comment et où vit-elle ? Tout savoir sur la loutre

Longtemps considérée comme un animal nuisible, la loutre est aujourd’hui une espèce protégée. Après une forte régression de ses populations au cours du XX^e siècle, le mustélidé a recolonisé ses anciens territoires et il est aujourd’hui possible de l’observer dans de nombreuses régions de France. Partons à la rencontre de la loutre, un mammifère qui nage aussi discrètement qu’un crocodile !

Qui est la loutre d’Europe ?

Le nom loutre désigne des mammifères carnivores semi-aquatiques appartenant à la famille des mustélidés, comme les belettes, les visons, les blaireaux et les martres. Il existe plusieurs espèces de loutres réparties dans le monde entier dont les 3 plus connues sont :

• La loutre d’Europe (Lutra lutra). Aussi appelée loutre commune, elle fait partie de la sous-famille des lutrinés (Lutrinae) qui comprend 13 espèces. Elle est la seule espèce que l’on trouve en Europe et donc en France métropolitaine ;
• La loutre de mer (Enhydra lutris) en Amérique du Nord ;
• La loutre géante (Pteronura brasiliensis) en Amérique du Sud (dont la Guyane française).

À quoi ressemble la loutre ?

La loutre d’Europe mesure au maximum 30 cm au garrot et pèse entre 6 et 15 kg. La longueur totale de l’animal est d’environ 120 cm, à savoir 80 cm pour la tête et le corps et 40 cm pour la queue. Son pelage est marron foncé, plus clair sur la face ventrale, surtout au niveau du cou. Lèvres et menton sont souvent marqués de taches blanches. Les mâles ont tendance à être plus grands que les femelles mais ce dimorphisme n’est pas toujours très prononcé. La loutre est un animal semi-aquatique qui est adapté à la vie dans l'eau et sur terre grâce aux caractéristiques anatomiques suivantes :

• Une fourrure dense constituée de près de 80 000 poils par cm² dont la plupart (98%) sont des poils de bourre très courts, fins et ondulés qui retiennent les bulles d’air et protègent le mammifère du froid ;
• Un pelage rendu imperméable par des poils de jarre épais et longs qui empêchent les poils de bourre d’être mouillés. Cet avantage lui permet de passer beaucoup de temps dans l’eau ;
• Des pattes palmées pour faciliter la nage ;
• Un corps allongé et flexible favorisant les déplacements discrets dans l'eau. La morphologie aplatie de son crâne fait que les oreilles, les yeux et les narines se trouvent sur un même plan. La loutre peut ainsi entendre, voir et sentir ce qui se passe autour d’elle, mais aussi respirer en gardant la tête à moitié immergée, un peu comme un crocodile.

Quelle est l’aire de répartition de la loutre ?

La loutre commune se répartit assez largement dans les régions suivantes :

• Europe. Pratiquement tout le continent, à l'exception de certaines îles méditerranéennes et des zones très urbanisées ou intensivement agricoles. Le mustélidé est distribué dans des pays allant de l'Irlande et du Portugal à l'ouest, jusqu'à la Russie à l'est, et de la Scandinavie au nord, jusqu'à la Grèce et la Turquie au sud.
• Asie. De la Turquie à l'ouest jusqu'au Japon et à l'Indonésie à l'est. L’aire inclut des régions telles que le Moyen-Orient, l'Inde, la Chine et l'Asie du Sud-Est. Les populations d’Asie centrale et orientale sont souvent plus fragmentées en raison de la dégradation des habitats.
• Afrique du Nord. Dans des pays comme le Maroc, l'Algérie et la Tunisie. Les populations nord-africaines sont généralement limitées aux zones côtières et aux eaux intérieures de bonne qualité.

Loutre : quel est son habitat de prédilection ?

On peut rencontrer la loutre jusqu’à 2000 m d’altitude dans toutes sortes de milieux aquatiques : eau douce (rivière, marécage, lac, canal…), eau de mer (côtes marines, estuaires) et eaux saumâtres (lagunes). Les loutres d’Europe qui vivent en zone littorale fréquentent la mer pour se nourrir mais elles ont besoin d’eau douce pour boire et toiletter leur pelage. L’habitat du mustélidé s’appelle une catiche, un terme provenant du vocabulaire local du Nord de la France qui désigne des carrières souterraines. Cette tanière peut tout aussi bien se situer dans la cavité d’un arbre que dans un trou creusé sur une berge. La loutre s’installe aussi parfois dans le terrier créé par un animal d’une espèce différente.

Où peut-on voir la loutre en France ?

Jadis présente sur l’ensemble du territoire national, sauf en Corse, la loutre a subi un important déclin au cours du XX^e siècle et actuellement, elle ne se répartit pas de façon homogène sur l’Hexagone. À la fin des années 80, l’espèce ne subsistait pratiquement plus que le long de la façade atlantique et dans le Massif Central (Aquitaine, Limousin, Auvergne) où elle vit encore aujourd’hui. Depuis les années 90, son aire de répartition n’a cessé de s’élargir. Sa présence s’est ainsi renforcée dans les vallées pyrénéennes, le Poitou-Charentes, la Bretagne et les Pays de la Loire. La loutre d’Europe a aussi recolonisé une partie de ses anciens territoires : Normandie, Rhône-Alpes, Centre, Languedoc-Roussillon, Bourgogne et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le mustélidé reste toutefois absent du nord et de l’est de la France.

De quoi se nourrit la loutre commune ?

La loutre est un mammifère carnivore qui se nourrit essentiellement de poissons, de petite à moyenne taille, elle est donc piscivore. Cette chasseuse habile utilise sa vue, son ouïe et le toucher pour localiser ses proies. Elle est également capable de chasser sur terre, mais la majorité de son alimentation provient de l’environnement aquatique. L’anguille, l’épinoche et la truite constituent bon nombre de ses repas auxquels s’ajoutent des carpes et des brochets. Il faut savoir que les variations saisonnières et locales dans la disponibilité des proies influent fortement sur son régime alimentaire. Ainsi, la loutre consomme également des insectes, des crustacés (écrevisses), des mollusques (escargots aquatiques, bivalves), des grenouilles et autres batraciens (crapauds, tritons). Lorsque ses aliments préférés manquent, la loutre peut se montrer opportuniste et se tourner vers des petits rongeurs (jeunes rats musqués), des oiseaux (poules d’eau), leurs œufs, des baies et des fruits (myrtilles).

Quel est le mode de vie de la loutre ?

Si la loutre occupe tous types de cours d’eau, elle peut parcourir plusieurs kilomètres en une seule nuit pour rechercher de la nourriture et explorer son domaine vital. Les déplacements se font majoritairement sur les berges, dans l’eau, et moins souvent sur la terre ferme. Après avoir rejoint la rive, le mammifère sèche ses poils en se roulant dans l’herbe. Grâce aux places de ressui, un œil averti peut repérer son passage car les hautes herbes y sont couchées. À l’aide de son urine et ses épreintes (excréments de la loutre), cette espèce territoriale marque son domaine qui peut mesurer une vingtaine de kilomètres. Animal solitaire et discret, la loutre est généralement diurne mais en Europe de l’ouest, son activité est devenue principalement nocturne et crépusculaire en raison du dérangement humain (l’espèce ne présente aucune adaptation naturelle à la vie nocturne).

Comment se reproduit la loutre d’Europe ?

Chez cette espèce, mâle et femelle s’accouplent généralement dans l’eau des marais ou d’une rivière. Les accouplements peuvent avoir lieu tout au long de l'année, bien que des pics saisonniers soient observés au printemps et en été. Après 60 jours de gestation, la femelle donne naissance à 3 loutrons au maximum dans une tanière bien dissimulée près de l'eau. Elle allaite ses petits qui savent nager à l’âge de 3 mois et sont sevrés à 4 mois. Les jeunes s‘émancipent vers 8 ou 9 mois, mais ils ont besoin d’au moins 6 mois supplémentaires pour devenir des pêcheurs aussi performants que les adultes. La loutre atteint sa maturité sexuelle au plus tôt à 2 ans et au plus tard à 3 ans.

La loutre est-elle une espèce menacée ?

Dans les années 1900-1905, on recensait 50 000 loutres sur notre territoire alors qu’elles n’étaient plus qu’un millier 40 ans plus tard. Si le mammifère partageait autrefois ses zones naturelles de prédilection avec le castor, il a presque totalement disparu dans certaines aires. Il faut savoir que la loutre a été classée parmi les espèces nuisibles car, friande de poissons, elle entrait en concurrence avec les pêcheurs. Le mustélidé est considéré comme “quasi menacé” sur la liste rouge mondiale et européenne de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Jadis corrélée à la chasse, sa mortalité est aujourd’hui la conséquence de :

• La prédation (renard, lynx et loup principalement) ;
• La dégradation des habitats et des écosystèmes aquatiques à la suite du développement industriel et agricole (pollution des eaux par les PCB et les métaux lourds, assèchement et mise en culture des zones humides…) ;
• Collisions routières ;
• Dérangements liés au tourisme et aux activités nautiques ;
• Tirs ou pièges par accident, actes de braconnage ;
• Chiens errants, de chasse ou opérations de déterrage.

La loutre est-elle une espèce protégée ?

La régression des populations de loutre a connu une telle ampleur au cours du XX^e siècle qu’une interdiction de chasser l’espèce a été décrétée en 1972 dans l’espoir de la sauver de l’extinction. Cette mesure a été accompagnée par des programmes visant à protéger la loutre, voire à la réintroduire (avec plus ou moins de succès selon les régions). Désormais, l’animal est protégé au niveau européen par la convention de Berne (annexe II) et par la directive Habitat (annexe II et IV). En France, l’arrêté du 23 avril 2007 interdit toute destruction ou perturbation intentionnelle du mustélidé et toute intervention sur ses habitats, y compris les travaux susceptibles de les altérer ou de les dégrader. Il est également interdit de détenir, de transporter ou de réaliser toute action commerciale avec des loutres prélevées dans leur milieu naturel. À l’état sauvage, l’espérance de vie du mammifère ne dépasse pas 10 ans. En captivité cependant (parcs animaliers, zoos), il est fréquent qu’une loutre atteigne l’âge de 20 ans.