Retour sur la visite de la basilique de Saint Denis en attendant, le samedi 4 mars, à 15h30 au foyer culturel, la conférence de Nicolas Bilot sur la seigneurie du Lys

Samedi 4 mars, Nicolas Bilot fera une conférence sur la seigneurie du Lys : vous pouvez y assister en venant au foyer culturel ou en vous inscrivant à la transmission de la conférence par Teams :

Mercredi 8 février nous étions 23 pour la seconde visite de la basilique cathédrale de Saint-Denis organisée par l’ALMA.

Une très belle découverte dont nous allons retracer quelques moments. Et voici d’abord les très belles photos faites par Eric, un de nos adhérents mises en diaporama :

La visite commence dans le jardin Pierre de Montreuil : d’un côté la façade nord de la basilique, de l’autre des bâtiments modernes qui englobe une partie du chevet d’une ancienne chapelle aujourd’hui disparue.

Pierre de Montreuil (vers 1200 – 17 mars 1267) est l’un des plus grands architectes de la période du gothique rayonnant. Il travaille dans la basilique de Saint-Denis aux alentours de 1247.

Trois éléments majeurs à voir ou à imaginer :

  • La magnifique rose (et non rosace) dont nous admirons la dentelle de pierre avant de découvrir à l’intérieur les couleurs des vitraux : la rose des églises est le symbole de la Vierge Marie.
  • Un emplacement circulaire qui correspond au soubassement de la rotonde des Valois voulu par Marie de Médicis mais jamais achevé et démonté au début du 18ème siècle.
  • La tour et la flèche Nord qui seront reconstruites bientôt. La foudre est tombée sur la tour en 1837 et l’architecte en chef François Debret la fait d’abord cerclée pour la sécuriser. Mais elle menace quand même de s’écrouler et elle est démontée en 1843. Depuis 30 ans la mairie veut qu’on la reconstruise. C’est un bâtiment d’état donc l’Etat a un droit de regard mais ce n’est pas lui qui finance. Avant de commencer la reconstruction, on doit faire des fouilles pour vérifier la solidité. La tour et la flèche seront reconstruites à l’identique grâce aux relevés de François Debret. Il est prévu que le public puisse suivre les travaux  auxquels un site est consacré .

D’où nous sommes, nous apercevons sur le côté de la basilique, l’abbaye qui est un des bâtiments de la Légion d’honneur : une école secondaire et supérieure au règlement très strict et au niveau très élevé, réservée aux filles dont un parent a reçu la Légion d’Honneur.

Le guide évoque aussi Louise de France, la dernière des filles de Louis XV, qui renonce à ses privilèges et entre au couvent des Carmélites à Saint-Denis ; Marie-Antoinette et Louis XVI sont venus lui rendre visite. Le couvent est racheté par la mairie en 1972 et transformé en musée qui ouvre en 1981 (musée d’art et d’histoire Paul Eluard) : il est consacré à l’archéologie et à l’histoire industrielle  de Saint-Denis (les pianos Pleyel, Christofle, …) ; il possède aussi les archives de la Commune.

Avant de pénétrer dans la basilique nous entrons dans la sacristie où se trouve une maquette qui montre l’ancienne abbaye avec ses deux tourelles, les bâtiments conventuels et les anciennes chapelles qui ont disparu et l’enceinte qui protégeait l’abbaye qui a été , pendant trois siècles,  la plus riche et la plus puissante du royaume.

Le guide nous indique que l’abbé Suger avait fait construire entre l’abbaye et la basilique un chemin couvert pour les moines qui venaient plusieurs fois par jour prier dans la basilique.

Le guide nous parle de l’incontournable saint Denis qui aurait été martyr vers 250 : il est décapité avec ses deux compagnons Rustique et Éleutère et aurait ramassé sa tête et parcouru 4km en la portant avant de s’écrouler à l’emplacement de la basilique actuelle. Ce « miracle » en fait un saint céphalophore : il y en a eu 43 en France dont 4 en Picardie (sainte Maxence, saint Juste, saint Lucien, saint Fuscien, saint Victoric) contre 13 en Allemagne, en Espagne, en Grande Bretagne, Irlande, Pays de Galles, en Italie et Suisse …

L’histoire (ou la légende) de saint Denis s’appuie sur quatre sources pas toujours d’accord entre elles :

  • La vie de sainte Geneviève, la patronne de Paris et de Nanterre, un texte rédigé vers 520, 18 ans après sa mort, dans lequel est évoqué un Denis nommé évêque par Clément 1er, pape entre 90 et 100. Il y a donc un problème avec la date du martyr en 250.
  • L’histoire des Francs, par Grégoire de Tours, au 16ème siècle, dans lequel Denis aurait été martyr sous l’empereur Dèce (249 251).  C’est en 250 que Trajan Dèce rend le culte impérial obligatoire ce qui a relancé les persécutions contre les Chrétiens.
  • Gloriosa au 9ème siècle (que Google ignore complètement) raconterait la persécution des Chrétiens dont Denis, évêque de Paris, qui subit la décollation ; une femme, Catulla, récupère son corps et l’enterre dans la crypte actuelle.
  • Toujours au 9ème siècle, l’abbé de Saint-Denis, Hilduin, raconte que, incarcérés dans l’île de Lutèce, Denis et ses diacres, saint Eleuthère et saint Rustique, empruntent les chemins qui seront nommés rue Montmartre, rue du Faubourg-Montmartre et rue des Martyrs, pour gagner la butte Montmartre où ils sont décapités. Denis décapité aurait ensuite marché vers le nord pendant six kilomètres, sa tête sous le bras, traversant Montmartre jusqu’à un lieu qui s’appelle aujourd’hui Saint-Denis. À la fin de son trajet, il donne sa tête à une femme pieuse originaire de la noblesse romaine et nommée Catulla, puis s’écroule. On l’ensevelit à cet endroit précis. Denis sera le protecteur des rois Francs puis des rois de France.

L’abbé Hilduin a un objectif politique : l’union sacrée entre l’Église et la monarchie, une idée qui fera la force de la France à travers les régimes pendant 14 siècles (jusqu’à la loi de séparation de 1905).

Concernant l’évolution du mausolée initial jusqu’à la basilique où nous sommes, elle est liée au pouvoir royal :

Geneviève, ayant visité le tombeau du martyr, aurait trouvé qu’il était indigne d’un personnage aussi glorieux et elle fait acheter des terres sur le « vicus Catulliacus » et fait édifier une chapelle gallo-romaine entre 450 et 475

Dagobert 630 se fait inhumer « ad sanctos » près des reliques du saint. il inaugure ainsi la nécropoles des rois de France.

Sous les Carolingiens, quand Charles Martel, maire du palais,  veut prendre le pouvoir il va demander au pape de légitimer sa descendance ; le pape répond que « doit être roi celui qui exerce pleinement l’autorité royale » ; cela suffira à Charles Martel ; son fils Pépin le Bref sera le premier roi carolingien (et le père de Charlemagne) ; au cours de cette brillante négociation avec le pape, l’abbé Fulrade, 14ème abbé de Saint-Denis et également fin diplomate, reçoit des fonds et agrandit l’abbaye.

Au 9ème siècle, l’abbé Hilduin continue et ajoute une chapelle.

A partir de Louis VI (1108-1137) l’oriflamme de Saint-Denis est utilisée quand le roi part en guerre, au cri de « Montjoie ! Saint Denis ».

Au milieu du 12ème siècle, l’abbé Suger, abbé de Saint-Denis de 1122 à 1151 et conseiller de Louis VI et Louis VII (1137-1180), fait remanier le chevet et le narthex avec une façade dotée pour la première fois d’une rose et de trois portails de grandes dimensions. Dédicacée le 9 juin 1140, cette façade est flanquée de deux tours réunies par un parapet crénelé évoquant la Jérusalem céleste. Suger s’est inspiré entre autres du prieuré voisin de Saint-Martin-des-Champs à Paris et va être l’initiateur du style gothique primitif.

Après lui viendra, du milieu du 13ème siècle au milieu du 14ème siècle, le gothique rayonnant puis le gothique flamboyant. Le but est toujours plus de hauteur et plus de lumière :  quand on pénètre dans la basilique, le soleil frappe les vitraux et éclaire les piliers d’une lumière diffuse reprenant toutes leurs couleurs. Le guide nous explique comment on est passé de l’orfèvrerie à l’architecture : la chasse contenant la couronne d’épines, relique des reliques, est devenue la Sainte Chapelle elle-même.

L’abbaye sera encore agrandie au 18ème siècle avant la Révolution et la nationalisation des biens ecclésiastiques, décidée le 2 novembre 1789.

La suppression des ordres monastiques est décrétée le 13 février 1790 et ne devient définitive que le 17 août 1792. Le dernier office monastique est célébré dans l’abbatiale de Saint-Denis le 14 septembre 1792. L’abbatiale est devenue église paroissiale le 6 septembre. La profanation de la basilique pendant la Terreur, est décidée par la Convention nationale en août 1793 et complètement exécutée en janvier 1794.

En 1805, Napoléon Ier fixe le nouveau destin de l’édifice : symbole de la continuité du pouvoir monarchique, il doit devenir le mémorial des quatre dynasties ayant régné sur la France : avec  trois autels expiatoires, « en mémoire des trois races de rois dont les mânes ont été dispersées », l’église de Saint-Denis doit être consacrée à la sépulture des empereurs… Et en 1809, Napoléon Ier décide de faire de l’ancienne abbaye une maison d’éducation de la Légion d’honneur.

Par la suite, les travaux de restauration sont lancés, avec trois architectes qui se succèdent de 1813 à 1879 : Jacques Cellerier (1813-1819), François Debret (1813-1846) qui devra s’occuper de la tour nord dont on nous a parlé en début de visite et Eugène Viollet-le-Duc (1846-1879) qui reprend en main l’édifice et le sauve sans doute de la ruine, en achevant la restauration et en gommant une partie des interventions de François Debret, jugées fantaisistes.

Dernière étape peut-être : la reconstruction de cette tour nord et de sa flèche avant les Jeux Olympiques de Paris ?

De la lumière qui baigne la nef nous passons à la crypte, où sont réunis les tombeaux des rois de France : tombeaux profanés à la Révolution (tous les corps ont été jetés dans deux fosses communes et recouverts de chaux vive ) et que Louis XVIII s’attachera à rétablir : le 19 janvier 1817, il fait ramener les restes de ses prédécesseurs, récupérés dans les fosses, dans la crypte de la basilique, où ils sont rassemblés (car la chaux a empêché leur identification) dans un ossuaire scellé par des plaques de marbre sur lesquelles sont inscrits leurs noms.

On avait retrouvé l’emplacement de la tombe de Louis XVI et de Marie-Antoinette près de l’actuelle église de La Madeleine : un royaliste l’avait soigneusement noté en attendant des jours meilleurs… C’est ainsi, que les seuls à avoir été décapités, sont aussi les seuls rois de l’Ancien Régime a avoir vraiment un tombeau dans la basilique. Il y a aussi le cœur séché de leur fils, qui aurait été Louis XVII, et qui est mort de maladie dans la prison du Temple ; le médecin qui a constaté le décès a gardé le cœur qui a été restitué à la Restauration. Le dernier roi de France, Charles X, est mort en exil du choléra et il est enterré en Slovénie.

Nous nous attardons devant le tombeau de Dagobert 1er, celui de Marie de Médicis et d’Henri II et ceux de Marie-Antoinette et Louis XVI dont le guide nous parle longuement en nous conseillant de lire des biographies écrites par de « vrais » historiens pour aller plus loin que le roi qui a mis sa culotte à l’envers, la reine « Noire » ou le roi serrurier…

Le guide nous a parlé de Jean-François Solnon et François Bluche (historiens), de Jean-Christian Petitfils et Jean Raspail (qui ne sont pas des historiens universitaires) comme des références ; à lire ce qu’en dit wikipedia, on peut se poser des questions. Une des participantes nous conseille La Chambre de Françoise Chandernagor (roman historique sur le fils de Louis XVI)

Le guide nous explique la philosophie qui sous-tend la recherche de lumière dans les églises gothiques ; « ce qui est visible est une lumière matérielle qui renvoie par-delà la lumière intelligible la seule vraie lumière du soleil invisible ainsi par la médiation des choses matérielles il est possible de parvenir à la connaissance » ; le guide nous a lu cette citation comme étant dans « le traité des lumières »  mais il semble que ce soit plutôt la théologie de la lumière de Denys l’Aréopagite ; il s’agit de l’élévation de l’âme par les beautés des choses matérielles.

photo du groupe sagement assis en ligne plus deux au fond à droite ! Le guide nous a gentiment pris en panoramique d’où un effet de courbe, assez inattendu