Qu'est-ce qu'un jardin de curé ?

Autrefois, traditionnellement, le jardin de curé jouxtait le presbytère où vivait le prêtre avec du personnel attaché à l'entretien et à la gestion des tâches domestiques incluant le jardinage. Autrefois, ce jardin était nourricier et médicinal avec le potager et le jardin des simples, tout en répondant aux besoins des offices religieux (fleurs, vigne pour le vin…). Aujourd'hui, les pratiques ont bien changé tout comme les fonctions des presbytères, cependant l'esprit du jardin de curé foisonnant avec son charme indéniable demeure. Mais comment le définir ?

Les caractéristiques d'un jardin de curé

Bien sûr, le jardin de curé se structure à partir d'un potager où poussent fruits et légumes permettant de s'alimenter durant la belle saison ainsi que pendant l'hiver grâce aux conserves et légumes racine stockés en cave. Une treille ou une vigne fait partie des végétaux qui se retrouvent dans le jardin de curé, puisque les raisins permettaient de produire le vin nécessaire aux célébrations de l'Eucharistie lors des messes.

Les fleurs s'épanouissent aussi en quantité dans un jardin de curé, ce sont elles qui créent cette ambiance aux senteurs envoûtantes, aux couleurs d'une palette variée allant des teintes douces aux camaïeux divers éblouissants : le fleurissement de l'autel de l'église où le prêtre officiait en était leur destination mais certaines s'immiscent également au milieu du potager pour leurs actions répulsives.

Pas de jardin de curé non plus sans un jardin des simples comptant des plantes médicinales aux vertus thérapeutiques mais également des plantes aromatiques et condimentaires qui, outre une utilisation culinaire, se révèlent fréquemment précieuses pour soigner certains maux.

Un point d'eau, qu'il s'agisse d'un bassin, d'un puit ou d'une fontaine, est indissociable du jardin de curé puisqu'il va permettre d'arroser les plantes tout en attirant les oiseaux et autres petites faunes habituelles dans la nature.

Ces caractéristiques du jardin de curé, savamment organisées pour en faire un espace judicieusement pensé pour le quotidien, aboutissent en parallèle à créer un lieu fourni – le gazon n'y a pas sa place - invitant à la sérénité par sa beauté délicate, ses odeurs chatoyantes pour le nez, ses couleurs apaisantes, sa luxuriance contenue…

Un "paradou", comme le décrit Zola

Émile Zola écrivit en 1875 un roman, "La Faute de l’abbé Mouret", le cinquième volume de la série Les Rougon-Macquart. Il y raconte la seconde vie que connait Serge Mouret, prêtre sans histoire d'un petit village de Provence, qui va, à la suite d'une maladie puis d'une amnésie, découvrir l'amour auprès d'Albine, déesse d'une beauté sauvage habitant au Paradou, jardin luxuriant, jardin d'Eden ou "paradis terrestre" en provençal. Tous leurs sens sont éveillés dans cette intimité au plus près des plantes dont les parfums envoûtants embaument…

"On descend vers un lit de senteurs aux tonalités moirées de bleu, blanc, gris. Les arbres leur montrent la route… A mesure qu'ils avançaient le jardin se faisait plus discret. Une barrière de buisson se hérissait pour les empêcher de revenir en arrière." Ainsi l'abbé fauta, l'amour devint charnel, dans cette nature magnifique qu'on ne peut s'empêcher d'associer à un jardin de curé. D'ailleurs, au Domaine de Chaumont-sur-Loire (41), le 1er Festival International des Jardins, en 1992, comptait un jardin réalisé par l'architecte paysagiste Laure Quoniam illustrant le texte de Zola.

Un jardin de curé : du sensoriel à la sensualité

Les plantes parfumées font partie du paysage sensoriel du jardin de curé qui n'est jamais très loin de la sensualité. Ainsi, la paysagiste Géraldine Fortin a revisité en Normandie un jardin de curé, tout en sensualité avec le charme intemporel des ambiances de jardin foisonnant de plantes douces et parfumées. Ce jardin merveilleux propice à la naissance de souvenirs au gré des saisons, grâce notamment aux parfums fugaces mais marquants, elle l'évoque dans la revue Garden_Lab#11* consacrée aux Paysages Olfactifs.

Cet opus se mue en une ode à l’olfaction, sens de l’imaginaire et des souvenirs, injustement le plus négligé de tous et pourtant présent partout au jardin. A lire les contributions des parfumeurs, paysagistes, jardiniers et artistes, le jardin de demain, longtemps inféodé à la vue, sera le jardin de tous les sens : sensoriel, réenchanteur, nous incitant à nous reconnecter à notre habitat, à la nature et au reste du vivant.

* sortie en librairies, points de vente spécialisés et sur gardenfab.fr le 4 mars 2021 - 176 pages - 19,90 €