Allez savoir! 65 - Janvier 2017

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NUMÉRO

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MÉDECINE On crée 1500

ÉCONOMIE LEGO, c’est plus

HISTOIRE Amour et pouvoir

neurones par jour 22

qu’un jouet 36

au pays des Soviets 48

ALLEZ

SAVOIR  Le magazine de l’UNIL | Janvier 2017 | Gratuit

SPORT

LA RELIGION DU

HOCKEY


programme complet : www.grangededorigny.ch concept : Unicom / photomontage : jsmonzani.com / 2017


ÉDITO

IMPRESSUM

Magazine de l’Université de Lausanne No 65, janvier 2017 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Création de la maquette Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Mélanie Affentranger Sonia Arnal Mireille Descombes Elisabeth Gordon Virginie Jobé Nadine Richon Anne-Sylvie Sprenger David Trotta Correcteurs Albert Grun Fabienne Trivier Direction artistique Secteur B Sàrl www.secteurb.ch Photographie Nicole Chuard Illustration Eric Pitteloud (p. 3) Joëlle Proz (p. 47) Couverture Pablo Saudan (UNICOM) Impression Genoud Entreprise d’arts graphiques SA

ISSN 1422-5220

Tirage 17 000 exemplaires Parution Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 4) 021 692 22 80

DROIT DANS SES «BOTS»

B

ien souvent, le monde juridique se voit reprocher d’être à la traîne des progrès technologiques. Dans ce numéro d’Allez savoir !, c’est au contraire un avocat qui devance les droïdes. Chargé de cours à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique, Sylvain Métille plaide pour la création d’un véritable cadre juridique pour les robots (lire en p. 16). Les questions qu’il soulève, notamment l’idée d’attribuer, dans certains cas, une responsabilité limitée à des machines, donnent à réfléchir. Des algorithmes qui passent des millions d’ordres chaque seconde sur les marchés financiers aux drones de plus en plus autonomes, en passant par l’automatisation croissante du travail, les voitures sans conducteurs et par de nombreux jouets aussi mignons qu’anthropomorphes, les robots font partie de la vie. Nous avons bien souvent délégué notre mémoire, notre agenda et l’optimisation de nos trajets à un smartphone, qui nous rappelle quoi faire, et quand. Si la plupart de ces engins ne sont pas plus malins qu’une émission de téléréalité, d’autres

À LA BARRE

Couverture d’après Ed Emshwiller pour Plus besoin d’hommes de Clifford D. Simak. Galaxie science fiction n° 17, avril 1955. Des robots s’avancent dans un tribunal, sous le regard médusé du public. © Coll. Maison d’Ailleurs / Agence Martienne

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DAVID SPRING Rédaction en chef

possèdent la capacité de décider ou d’apprendre. En cas de problème, qui est responsable ? Qui paie la casse ? Les possesseurs, les fabricants, les informaticiens ? Sylvain Métille souhaite que l’on commence à légiférer sur ce qui est acceptable – ou non – dans le développement technologique. Il y a plus d’un demi-siècle, un écrivain a eu quelques intuitions à ce sujet. Dans la nouvelle How-2 (Plus besoin d’hommes, en VF), parue en 1954, Clifford Simak met en scène une Amérique dans laquelle les machines font tout le boulot à la place des humains, réduisant ainsi la semaine de travail à 15 heures. Alors qu’il attendait un chien-cyborg par la poste, Gordon Knight reçoit par erreur le prototype «Albert», un robot indépendant. Ce dernier commence à prendre en main la vie de la maison, et surtout à créer en cascade d’autres «bots», aussi intelligents que leur «père». Quand l’humain, sous la contrainte du fisc, cherche à vendre ces belles pièces, Albert se révolte. Pour assurer sa défense, ce dernier se bâtit une armée d’avocats électroniques, qui vont plaider – et gagner – leur cause au tribunal (voir illustration ci-contre). Le jugement confère aux robots les mêmes droits et devoirs qu’aux Hommes. Dans les années 50, la nouvelle pouvait être lue comme une métaphore de la conquête des droits civiques par les AfroAméricains ou comme une satire de la foi aveugle en la technologie. Aujourd’hui, nous nous soucions plutôt de l’autonomie des machines, de la crainte – et non de l’espoir qu’elles nous remplacent dans le monde du travail, ou, pour les plus imaginatifs, d’une forme révolutionnaire d’antispécisme que des androïdes dotés d’émotions pourraient susciter. Formes vides, les robots aiment à se remplir des rêves et des cauchemars humains.  Janvier 2017

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Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université  de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par téléphone au 021 692 22 80. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch NOM / PRÉNOM

TÉLÉPHONE

ADRESSE

E-MAIL

CODE POSTAL / LOCALITÉ

DATE ET SIGNATURE


SOMMAIRE

PORTFOLIO Botswana, Dorigny et Sciences criminelles.

BRÈVES L’actualité de l’UNIL : formation, international, recherche, distinctions.

DROIT Il faudra bientôt des lois pour les robots.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL London Calling, avec Margaux Stepczynski.

NEUROSCIENCES On crée 1500 neurones tous les jours.

FORMATION CONTINUE « Blended Learning », les cours en mode hybride.

ARCHITECTURE De la ville à la campagne, et réciproquement.

PORTFOLIO 2023, l’UNIL fait peau neuve.

ÉCONOMIE LEGO, c’est plus qu’un jouet.

LIVRES Transition écologique, sommeil et architecture.

SPORT La religion du hockey.

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!

ALLEZ

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SAVOIR  Le magazine de l’UNIL | Janvier 2017 | Gratuit

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RÉFLEXION

48

HISTOIRE

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MOT COMPTE TRIPLE

56

BIOLOGIE

61

CULTURE

62

LIVRES

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RENDEZ-VOUS

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CAFÉ GOURMAND

La bibliothèque au XXIe siècle. Par Jeannette Frey, directrice de la BCU – Lausanne.

Amour et pouvoir au pays des Soviets.

Charismomètre, par John Antonakis.

En ville, les animaux mutent plus vite.

Les histoires de l’Art brut.

Sport, formation, 1816, politique, Genèse, scandales et photolittérature.

Evènements, conférences, sorties et expositions.

La construction du beau. Avec David Picard.

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L’UNIL EN TERRES AFRICAINES

Août 2016, des biologistes du Département d’écologie et évolution ( DEE ) ont passé deux semaines au nord-est du delta de l’Okavango ( Botswana ), dans un centre de recherche partenaire de l’UNIL, le VTR Center. A l’image, Laurent Keller, directeur du DEE, au sommet d’une termitière. « Ces animaux ont totalement façonné le paysage au fil des siècles. » La pente au centre de la photo  ? En réalité les flancs de la colonie. Certains peuvent s’étendre sur près de 50 mètres. « En s’installant ici, une société de termites a modifié le sol, ce qui a attiré de nouvelles plantes. Cet écosystème a ensuite fait venir d’autres colonies », explique le spécialiste des insectes sociaux. Si bien qu’après des centaines voire des milliers d’années, ce sont de véritables collines, dont le sommet peut atteindre 5 mètres, qui sont sorties de terre. Lors de leur séjour, les scientifiques avaient pour but d’évaluer si des recherches, notamment en lien avec les oiseaux, les petits mammifères ou les chauves-souris, étaient envisageables. A l’avenir, certains doctorants ou étudiants en master de l’UNIL pourraient réaliser des travaux dans la région. John Van Thuyne, qui effectue une thèse à la Faculté des géosciences et de l’environnement, projette par exemple d’étudier la structure géologique des termitières. Il est également le fondateur du VTR Center. MA Article et galerie photos sur unil.ch/allez savoir PHOTO PHILIPPE CHRISTE

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UNE VIE À DORIGNY

Ce dessin de la ferme et de la grange a été réalisé vers 1952 par Henri Billiet. L’artiste français, venu en vacances à Dorigny à plusieurs reprises, a offert ce tableau à Yvette et Jean-Jacques Teuscher, les agriculteurs qui exploitaient le domaine. Leur fils François, aujourd’hui âgé de 70 ans, se souvient des lieux avant l’arrivée de l’UNIL. « Les trois bâtiments à droite abritaient les cochons. Au fond, la maternité pouvait accueillir quatre truies. Et au milieu, la cuisine où nous préparions la soupe pour les animaux, sauf le dimanche où nous leur donnions les pommes ramassées l’aprèsmidi. » A l’époque, un verger s’étendait à la place de la Banane. Devant la porcherie, l’enceinte du tas de fumier au pied duquel Mme Teuscher cultivait son potager. Des toilettes pour les employés étaient installées dans le petit cabanon à gauche du mur. Le grand baraquement au centre servait de hangar et le couvert attenant abrite encore aujourd’hui une fontaine. Au premier plan, on remarque un pont enjambant la Chamberonne. «Je l’ai reconstruit cinq fois. Lors des crues, la rivière emportait tout !», se souvient François Teuscher. L’agriculteur a succédé à ses parents et a tenu le domaine jusque vers 1981, époque à laquelle la Fondation Jean Monnet pour l’Europe s’est installée dans la ferme. MA Article et images supplémentaires sur www.unil.ch/allezsavoir

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LES SCIENCES CRIMINELLES À L’ÉCRAN

Parfois, les chercheurs jouent aux acteurs. Cette image a été prise fin septembre 2016 dans la salle des comparateurs d’armes à feu, à l’Ecole des sciences criminelles (ESC). Une équipe de scientifiques participe au tournage d’un cours en ligne gratuit et ouvert à tous, produit par l’UNIL. Ainsi, Franco Taroni (professeur), Nathalie Hicks Champod (chargée de projets), Alex Biedermann (professeur associé) et Christophe Champod (professeur) travaillent avec Catherine El Bez (adjointe au dicastère Enseignement et Affaires étudiantes de la direction) et le réalisateur David Monti (tout à droite). De quoi va traiter cette formation ? De la manière dont les tribunaux reçoivent et utilisent les rapports produits par la Science forensique. La contribution de celle-ci à la justice est indéniable. Mais la prudence s’impose. Nourri de cas réels, le cursus montre notamment que les laboratoires se trompent parfois et qu’il convient de recevoir leurs informations de manière critique. Des experts et des familles de victimes d’erreurs judiciaires témoignent à ce sujet, en vidéo. Afin d’enrichir encore le contenu, plusieurs manipulations techniques, réalisées dans les installations de l’ESC, sont présentées. Comment obtient-on un profil ADN  ? Une empreinte d’oreille  ? Vivant, destiné à bousculer les idées reçues, ce cours sera lancé au printemps en versions anglaise et française. DS Reportage photo et explications détaillées de Christophe Champod sur www.unil.ch/ allezsavoir Les MOOC (Massive Open Online Course) de l’UNIL : www.coursera.org/unil PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

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BRÈVES

POLITIQUE

SOCIÉTÉ

VOLTEFACE, ÉPISODE III

Fotolia

LES VOTATIONS, EN CLAIR

L’énergie, ce n’est pas qu’une affaire technologique. Fruit d’un partenariat entre l’Université de Lausanne et Romande Energie, avec le soutien du canton de Vaud, la plateforme Volteface est consacrée aux aspects sociaux, économiques et culturels de la transition énergétique. Cette dernière consiste à délaisser les sources fossiles pour les sources renouvelables, à rechercher davantage d’efficacité, ainsi qu’à modifier nos habitudes de consommation. Treize projets de recherche, actuellement en cours, sont soutenus par Volteface. Par exemple, l’un d’entre

UNIL-Sorge. Amphimax, auditoire Erna Hamburger. 7 février, 17 h 30. www.volteface.ch

DR

Depuis l’automne 2016, la Confédération a confié la réalisation des enquêtes relatives aux votations à la communauté VOTO. Financée par la Chancellerie fédérale, cette dernière a pris le relais des sondages VOX. C’est un projet commun de l’Institut de recherche FORS (centre de compétence national installé à l’UNIL), du Centre d’études sur la démocratie Aarau (ZDA) et de l’institut de sondage LINK. Après chaque consultation populaire, les motivations des choix des citoyens sont présentées dans des analyses disponibles sur www.voto.swiss/fr. (RÉD.)

eux explore la place croissante prise par le spirituel et le religieux dans les questions environnementales. Lors de la troisième soirée publique de la plateforme, le 7 février 2017, plusieurs scientifiques de l’UNIL présenteront les premiers résultats de leurs travaux. D’ici là, il est possible de lire un Etat des lieux des questionnements sur la transition énergétique, disponible gratuitement sur le site de Volteface. DS

LE CHIFFRE

60%

C’est la proportion de diplômés de l’UNIL qui, dans les quatre années qui ont suivi l’obtention de leur titre, se sont lancés dans un autre cursus. Il s’agit surtout de formation continue de durées variables, mais également d’exigeants Master of advanced Studies. Régulièrement, le Service d’orientation et carrières (SOC) mène une enquête au sujet du devenir des diplômés de l’UNIL dans le but de recueillir des informations à propos du passage à l’emploi, du premier emploi, ainsi que les fonctions et compétences exercées. L’étude relève notamment que 90% des personnes qui ont répondu ont une activité professionnelle rémunérée. (RÉD.)

RECHERCHE

LE SPORT POUR LES RASSEMBLER TOUTES

unil.ch/perspectives/4ansapreslesetudes

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L’Université de Lausanne a inauguré mercredi 26 octobre 2016 sa nouvelle plateforme d’étude dédiée au sport. Interfacultaire et interdisciplinaire, elle rassemble plus de 120 chercheurs intéressés par cette thématique désormais déclinée par des économistes, des sociologues, des médecins ou des juristes. Pour l’heure, la plateforme s’articule autour de douze domaines au rang desquels figurent par exemple des travaux sur le genre, sur le tourisme ou sur la gouvernance. ParUNIL | Université de Lausanne

mi ses buts, la structure vise à s’imposer comme un centre académique de référence, notamment sur la dimension sport-santé, et ce au niveau international. Véritable émulation des savoirs, elle prolonge un travail déjà bien engagé par l’Institut des sciences du sport (ISSUL), partagé entre la Faculté des sciences sociales et politiques et celle de biologie et de médecine. La plateforme est présidée par Emmanuel Bayle, professeur associé à l’ISSUL. DTR


LA FORMATION EST LE FERMENT DE LA COHÉSION SOCIALE, UN VECTEUR DE DÉMOCRATIE ET LE MEILLEUR REMPART CONTRE TOUTE FORME DE TOTALITARISME OU DE FANATISME. Les étudiants universitaires coûtent à la société mais lui rapportent plus!, publié dans Le Temps du 26 octobre 2016 par quatre vice-recteurs. Micheline Louis-Courvoisier (UNIGE), Thomas Schmidt (UNIFR), Daniel Schulthess (UniNE) et Giorgio Zanetti (UNIL)

DÉLOCALISATIONS

DIX-NEUF ARTISTES FORMENT UN PARCOURS émaillée), fragmenté, coloré, figurant un jardin potager qui saisit le visiteur entre fascination et inquiétante étrangeté. Les œuvres des 18 autres plasticiens qui ont pris part à la Triennale forment un itinéraire artistique. L’occasion de redécouvrir le campus d’une nouvelle manière. (RÉD.) De UNIL-Dorigny à UNIL-Sorge. www.unil.ch/triennale

Fabrice Ducrest © UNIL

Né à Lausanne, Victor Auslander a 23 ans, l’âge de nombreux étudiants. Avec sa femmejardin, il devient le deuxième lauréat dans l’histoire de la Triennale à l’UNIL et succède ainsi à Tarik Hayward. Son œuvre, située sur le cheminement en face du Château de Dorigny, est intitulée Les Quatre Saisons. Il s’agit d’un gisant féminin en céramique (terre cuite

UNE RECHERCHE DE L’UNIL INTÉRESSE LE JURA Fotolia

ART

Développé par des chercheurs de la Faculté des Hautes Etudes commerciales, le Cost Differential Frontier Calculator (CDF) est actuellement promu par le Gouvernement du Jura auprès des entreprises de son canton. L’objectif consiste à mettre à disposition un outil qui quantifie les coûts cachés d’une délocalisation, partielle ou totale, à l’étranger. Parmi ces derniers figurent l’allongement de la chaîne d’approvisionnement et des délais de production ou encore les coûts de surproduction et de stockage. Disponible en ligne, CDF a été développé par les professeurs Suzanne de Treville et Norman Schürhoff au sein de l’OpLab, laboratoire du Département des Opérations de la Faculté des HEC. Il a de beaux jours devant lui, comme en témoignent les différentes institutions qui ont démontré de l’intérêt pour son utilisation, de l’administration Obama à l’administration fédérale (lire également Allez savoir ! 62). (RÉD.) http://cdf-oplab.unil.ch

FORMATION

LE RETOUR DU CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE Avec plus de 40’000 participants aux deux premières éditions, le cours en ligne Unethical Decision Making in Organizations : A course on the dark side of the force a connu un grand succès. Enrichi de nouvelles vidéos, ce MOOC (Massive Open Online Course) en anglais est proposé aux curieux. Gratuit, il est piloté par deux professeurs de la Faculté des Hautes Etudes commerciales, Guido Palazzo et Ulrich Hoffrage, en collaboration

UNE ANALYSE DE SCANDALES SOUS LA FORME D’ÉTUDES DE CAS

avec la Formation Continue UNIL-EPFL. Les participants découvriront comment certains contextes organisationnels peuvent inciter à prendre des décisions contraires à l’éthique. Il présente une analyse de nombreux scandales sous la forme d’études de cas (l’explosion de la navette Challenger, la Ford Pinto, la faillite de Lehman Brothers, etc.) (RÉD.) www.coursera.org/unil

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L’UNIL DANS LES MÉDIAS

SOCIÉTÉ

PASSAGE EN REVUE

BOB DYLAN, MOUCHES ET SÉISMES

L’ENFANT CHANGE LE COUPLE

UNE PAIRE DE CISEAUX MOLÉCULAIRES

DEVENIR PARENTS, DEVENIR INÉGAUX. Transition à la parentalité et inégalités de genre. Dir. Jean-Marie Le Goff et René Levy. Seismo (2016), 351 p.

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Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques en 2016 (d’après Serval, au 5 décembre 2016). Nature Communications publiait en ligne, le 9 novembre, les résultats d’une étude menée au Centre intégratif de génomique (Faculté de biologie et de médecine). Notre génome est composé de quatre lettres A, T, C, G. Ces unités de base de notre ADN peuvent être répétées de manière inhabituelle à certains endroits du génome dans diverses pathologies, telles que la maladie de Huntington, ainsi que plusieurs types d’ataxies spinocérébelleuses, soit au total 14 maladies. «Ces répétitions sont naturellement abondantes dans le génome humain, mais peuvent engendrer des problèmes quand le nombre de triplets s’élève à plus de 35 ou 40 dans une même zone. On entend par triplet la succession de trois lettres dans un ordre donné, par exemple C, A et G», détaille Vincent Dion, professeur assistant boursier FNS au CIG et directeur de l’étude. «Le nombre de CAGs formant la répétition prédit la sévérité de la maladie: plus il y en a, plus la maladie sera grave et plus elle se manifestera à un jeune âge», poursuit le chercheur. Réduire le nombre de triplets pourrait, selon une hypothèse, enrayer la maladie, voire renverser sa progression. Les scientifiques lausannois ont fait appel à la technique CRISPR-Cas9. Cet outil agit comme une paire de ciseaux moléculaires qui, dirigée vers n’importe quel endroit du génome, coupe de manière précise les deux brins d’ADN. «Cette technique permet de corriger des mutations existantes à l’endroit désiré», explique Vincent Dion. L’utilisation d’une variante de CRISPR-Cas9, l’enzyme «nickase», permet la coupure spécifique de seulement l’un des deux brins d’ADN. «Dans nos travaux, nous avons observé que cette enzyme réduit le nombre de triplets présents dans une répétition dans près de 30% de nos cellules de culture humaine tout en induisant très peu d’expansion», se réjouit Vincent Dion. Un résultat sans précédent. La prochaine étape consiste à déterminer l’impact de cette approche dans des modèles pathologiques plus complexes, tels que des cellules souches humaines et des organismes vivants comme la souris. Afin, à terme, de pouvoir disposer d’un réel traitement pour les patients. (COMMUNICATION FBM) © Fotolia

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Le nombre de références faites à l’Université de Lausanne et au CHUV dans les médias romands en 2016, selon la revue de presse Argus (au 5 décembre 2016). Mi-octobre, le Prix Nobel de littérature attribué à Bob Dylan a suscité de longs débats, auxquels a participé Boris Vejdovsky, maître d’enseignement et de recherche en Section d’anglais, coresponsable du programme de spécialisation de master «New American Studies». Ce dernier a également été sollicité pour commenter les élections présidentielles américaines, tout comme nombre de ses collègues de l’UNIL. Fin octobre, les médias ont présenté les travaux d’une équipe menée par Richard Benton, professeur associé au Centre intégratif de génomique de l’UNIL. Il arrive parfois qu’un gène soit «muté» et devienne non fonctionnel. Un tel fragment d’ADN est appelé «pseudogène». Publiée dans Nature, la recherche a montré de manière surprenante qu’un pseudogène olfactif d’une mouche drosophile était en réalité toujours actif. A la même période, de nombreux médias – indiens notamment – ont largement traité d’une étude pilotée par György Hetényi, professeur assistant FNS à l’Institut des sciences de la Terre. Même s’il est entouré de régions sujettes à des séismes, le Bhoutan semble épargné par ces derniers depuis plusieurs siècles. Or, en se basant sur des documents anciens, comme des biographies de moines, les scientifiques ont découvert qu’en mai 1714, un violent tremblement de terre a eu lieu dans ce pays. D’après une simulation, sa magnitude fut probablement comprise entre 7,5 et 8,5. Donc, contrairement aux idées reçues, le petit royaume himalayen n’est pas du tout à l’abri de catastrophes du type de celle qui a frappé le proche Népal, en avril 2015. DS

A partir de la naissance de leur premier enfant, les couples qui tiennent à l’égalité hommefemme changent souvent de modèle. Ils se rapprochent d’une organisation plus traditionnelle, dans laquelle «les femmes «peuvent» exercer une activité professionnelle ou d’autres activités extrafamiliales dans la mesure où celles-ci n’entrent pas en conflit avec les exigences du travail familial». Alors que «les hommes «peuvent» développer leurs rôles familiaux ou d’autres activités extraprofessionnelles dans la mesure où leur exercice ne prétérite pas leur activité professionnelle.» Fruit d’une étude menée dans les cantons de Genève et de Vaud, ce constat est tiré de l’ouvrage collectif «Devenir parents, devenir inégaux», auquel contribuent plusieurs chercheurs associés au Pôle national de recherche LIVES (www.lives-nccr. ch). Ce dernier, installé à l’UNIL, se consacre aux parcours de vie. DS

www.nature.com/articles/ncomms13272


SCIENCES DE LA VIE

PLÂTRE ET CIMENT

UN CAMPUS POUR LA SANTÉ Au début des années 2020, le terrain de 10 hectares situé au nord de l’UNIL et à côté de la Bourdonnette accueillera les bâtiments du Campus santé, conçus par l’architecte zurichois Jan Kinsbergen. Ils y recevront toutes les filières de la Haute Ecole de santé Vaud (HESAV) actuellement dispersées à Lausanne, ainsi que les infrastructures nécessaires à l’enseignement des pratiques cliniques par le biais de la simulation, à destination de l’HESAV, de la Haute Ecole de santé La Source, de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL et du CHUV. Des logements pour les étudiants sont également prévus. 1500 d’entre eux et 230 collaborateurs seront réunis en ce lieu, qui sera relié à l’Université par une passerelle au-dessus de l’autoroute. (RÉD.)

Ana Claudia Marques (biologiste spécialiste de la transcriptomique) et Christophe Dessimoz (bioinformaticien et spécialiste de génomique comparative) ont été faits « Young Investigators » par l’European Molecular Biology Organization (EMBO). Ce programme s’adresse à des chercheurs en Sciences de la vie de moins de 40 ans, qui ont établi leur premier laboratoire au cours des quatre dernières années. Outre un soutien financier, un accès facilité aux fonds de recherche, ils ont la possibilité de suivre des cours de management et ont accès aux équipements de pointe de l’European Molecular Biology Laboratory (EMBL) à Heidelberg. (RÉD.) www.embo.org/funding-awards/young-investigators DR

DR

DEUX CHERCHEURS REJOIGNENT UN RÉSEAU PRESTIGIEUX

À L’HONNEUR

Professeur assistant au Département d’écologie et évolution, Jake Alexander a vu l’excellence de ses travaux saluée par l’octroi d’un « ERC Starting Grant » 2015. D’un montant de 1,6 million de francs, cette bourse de jeunes chercheurs indépendants, octroyée par l’European Research Council, soutiendra pour une durée de cinq ans les recherches du spécialiste de la biodiversité des plantes. Intitulé « Novel interactions and species’ responses to climate change (NICH) », le projet vise à évaluer l’impact, sur les plantes alpines, d’espèces concurrentes qui se propagent à plus basse altitude du fait du changement climatique. (RÉD.)

Monika Salzbrunn, professeure ordinaire à la Faculté de théologie et de sciences des religions, a décroché un Consolidator Grants 2015. Décerné par l’European Research Council, ce subside de recherche d’un montant de 2,2 millions de francs financera un projet de recherche de 5 ans visant à analyser différentes pratiques artistiques comme moyens d’expression politique. L’équipe internationale, composée de six chercheuses et chercheurs, mènera des études en Californie, au Cameroun et dans le Bassin méditerranéen. En Suisse, Monika Salzbrunn est la première femme à avoir décroché un tel grant en Sciences humaines et sociales. (RÉD.)

Fabrice Ducrest © UNIL

NIcole Chuard © UNIL

Felix Imhof © UNIL

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BIOLOGIE, ART, HISTOIRE ET PSYCHOLOGIE Bien connue des lecteurs d’Allez savoir ! passionnés par l’histoire (vaudoise), Danièle Tosato-Rigo a été élue au Conseil national de la recherche du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Professeure à la Faculté des lettres, elle est entrée en fonction le 1er janvier, dans le domaine des Sciences de l’Histoire. Chaque année, le Conseil national de la recherche est chargé d’évaluer plusieurs milliers de requêtes soumises au FNS et de prendre des décisions quant à leur financement. Il se compose de scientifiques qui travaillent pour la plupart dans les Hautes Ecoles suisses. (RÉD.) www.snf.ch/fr

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Pierre Lavenex, professeur à l’Institut de psychologie (Faculté des SSP), a été élu président de la Société Suisse de Neuroscience (SSN). Cette dernière est la société scientifique phare pour les chercheurs et cliniciens travaillant dans le domaine des neurosciences en Suisse, avec près de 900 membres actifs. Elle a pour but de faire avancer nos connaissances du système nerveux et de ses maladies, en réunissant les scientifiques et les cliniciens, et en facilitant les échanges et l’intégration au niveau de la recherche. La société contribue également à l’information du public concernant les résultats et les implications de la recherche actuelle en neuroscience. (RÉD.) UNIL | Université de Lausanne

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DROIT


IL FAUDRA BIENTÔT DES LOIS POUR LES

ROBOTS Siri, Aido, Roxxxy : intelligences augmentées ou automates, les robots se déclinent en tondeuse, conseiller, ami. Si ces engins surdoués n’ont pas encore dépassé la science-fiction, ils s’en approchent. Avant qu’ils n’imposent leur loi, n’est-il pas temps de leur donner un cadre juridique ? Sylvain Métille, spécialiste du droit de la protection des données et des nouvelles technologies, dit oui. TEXTE VIRGINIE JOBÉ

Q

ui blâmersi un gestionnaire de fortune algorithmique mène son client à la banqueroute ? Et si la tondeuse à gazon robot démolit le champ du voisin ou que le robot-chirurgien rate son opération ? Que se passerat-il lorsque la Google Car – un véhicule sans chauffeur pour l’instant au stade expérimental – devra choisir entre sauver ses occupants ou un piéton en cas d’accident ? Comment envisager la venue des drones autonomes ? A ce jour en Suisse, les robots n’ont aucun statut juridique. Fautil changer les lois aujourd’hui déjà ? L’avocat Sylvain Métille,

ALPHA 1S

Ce robot humanoïde est un jouet avancé, dont on peut programmer les mouvements grâce à un smartphone. © Peter Nicholls / Reuters

docteur en Droit et chargé de cours à l’UNIL à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique, est convaincu que le moment est venu d’y penser. Entretien. AS : Quelle est la définition du robot qui mérite un statut juridique ? Sylvain Métille : Cela reste une question ouverte. On a besoin de faire un vrai choix de société. Soit on considère que, malgré toutes les évolutions, il s’agit d’un automate contrôlable et que tous les robots ne sont que des grille-pain


DROIT

Le blog « Nouvelles technologies et droit » de Sylvain Métille blog.sylvainmetille.ch

améliorés qui suivent des règles : il n’y a alors aucune raison de développer de nouvelles lois, la responsabilité revenant au fabricant, au vendeur, voire à l’utilisateur. Soit on estime que le robot a une capacité d’intelligence augmentée (terme qui a succédé à artificielle) et on doit se demander dans quelle mesure il peut prendre des décisions sur la base d’instructions qu’on ne lui aurait pas données. Dans ce contexte-ci, il fait sens de créer une personnalité robot ou un système particulier pour le traiter. Qu’entendez-vous exactement par « personnalité » robot ? La version simple serait d’avoir, à la manière d’une personne morale, une entité juridique séparée qui inclurait une responsabilité limitée du robot en tant qu’objet et/ou système informatique. C’est-à-dire que les actes du robot lui seraient imputables et non plus au fabricant ou au propriétaire. Il s’agirait d’une personne au sens juridique, et non humain. Et pour équilibrer le fait qu’on dédouane le propriétaire ou le fabricant de ses responsabilités, on pourrait avoir une compensation en argent, sous forme d’assurance. De la même façon qu’on compense la dangerosité d’une voiture par l’obligation de contracter une assurance. Ou on peut établir un parallèle avec la personne morale dans laquelle la responsabilité du marchand n’est plus celle de la personne individuelle, mais le capital social de la société, qui assume la responsabilité en cas de défaut de paiement. Dans l’idée du machine learning, le robot arrive à apprendre, mais il apprend à partir de ce qu’on l’a entraîné à effectuer. Il n’est pas complètement autonome. Il pourrait ainsi y avoir responsabilité de celui qui le forme. Quels engins sont comparables à une personne morale ? Actuellement aucun, selon moi. Le robot aspirateur, tondeur, le démineur ou l’humanoïde Nao ne peuvent être assimilés à une personne morale. Même s’ils sont intelligents, montrent des émotions, ils restent des objets juridiquement. On pourrait leur créer un statut particulier qui s’inspirerait de celui de la personne morale. Mais ce n’en sera jamais une. A ce stade, on arrive encore à se débrouiller avec nos lois, car ils sont limités dans leurs capacités. Les robots médicaux par exemple restent des outils. Celui qui assiste la main du médecin lors d’une intervention n’est qu’un scalpel évolué. Aucun robot ne reçoit de patients en cabinet et juge seul de la pertinence d’une opération. Cependant, quand un tel robot existera, il faudra se poser la question de sa responsabilité.

SYLVAIN MÉTILLE Avocat, chargé de cours à l’UNIL à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique. Nicole Chuard © UNIL

La Google Car conduit seule, elle. Où la situer dans la loi ? Même si on admet qu’elle ne fait qu’obéir à des règles préétablies, comme un automate, la loi sur la circulation routière doit être modifiée, parce qu’un véhicule a l’obligation de posséder un chauffeur. De plus, la conduite sur route nécessite un permis, ce que la Google Car n’a pas. Ce qu’on demande à ce jour, c’est qu’un conducteur humain se trouve derrière 18

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le volant pour en tout temps pouvoir reprendre le contrôle. Il s’agit juste d’une assistance à la conduite, tel le régulateur de vitesse, sauf qu’elle est plus évoluée. Des tests sont réalisés à Zurich sur un véhicule similaire. Oui, les chercheurs ont reçu des autorisations temporaires limitées pour effectuer des tests où la voiture est censée être autonome. Mais l’humain reste derrière. Certains Etats américains sont allés plus loin et ont permis à une voiture de rouler seule, sans aucun conducteur dedans. Cela impliquera une modification de la loi, si la phase de test est convaincante. Certes, il y a eu des accidents. Mais quand il s’agit uniquement de la responsabilité du véhicule, cela pose moins de problèmes, car, pour le mettre en circulation, le propriétaire doit l’immatriculer et contracter une assurance. Tandis que pour posséder un robot qui marche et fait les courses pour moi au supermarché, le cadre juridique actuel ne prévoit rien. La transition d’un véhicule avec un conducteur à une voiture autonome sera plus aisée que celle d’un robot dans un monde où il n’est pas prévu. Toutefois, comme on va retirer la responsabilité humaine, on devra légiférer sur un système particulier de responsabilité du véhicule.


Et si, lors d’un accident, le véhicule doit choisir entre tuer ses passagers ou un piéton ? Ce sera plus facile pour le robot que pour l’humain, car il effectue très vite un calcul de probabilités. Autre exemple: deux personnes marchent sur la route et il n’arrive pas à freiner. Qui écrase-t-il, l’enfant ou la personne âgée ? Probablement la personne âgée qui a une espérance de vie moins longue que l’enfant, pour autant que les conséquences sur la personne qu’il va écraser soient les mêmes. En effet, s’il roule moins vite et qu’il prend en compte la résistance de celui qui est heurté, cela peut pondérer le calcul. Est-il moins dommageable d’avoir un mort ou un blessé ? Apparemment, ce genre de cas peut s’intégrer à la mémoire des robots. La difficulté reste de savoir qui prend la responsabilité éthique et morale de tels actes. Est-ce pour le fabricant ou faut-il que cela soit écrit dans les règles de circulation routière ? Il est interdit de rouler à plus de 50 km/h dans les villages. Dans notre exemple, on pourrait aussi concevoir qu’on doit écraser la personne la plus âgée, plutôt que l’enfant.

«ACTUELLEMENT EN SUISSE, LE DRONE EST PLUS CONSIDÉRÉ COMME UN GRILLEPAIN QUE COMME UN ROBOT, PARCE QU’IL NE VOLE PAS SEUL.» SYLVAIN MÉTILLE

Les concepteurs de la Google Car lui ont attribué une personnalité agressive. Au contraire de Philips dont l’aspirateur autonome se veut calme et poli. Un gag ? Non, je ne vois pas cela comme des traits de caractère. On leur fournit simplement des règles de comportement humain à adopter. Les testeurs ont remarqué que si la Google Car roulait trop bien, d’un pur point de vue scientifique, elle n’était pas acceptée sur la route. Il fallait qu’elle ait un comportement agressif pour ressembler aux autres conducteurs. Tandis que si elle laissait la priorité, alors qu’elle l’avait, dans le but d’une meilleure fluidité du trafic par exemple, ça n’était pas compris par les usagers. Ainsi le véhicule choisit ce qui est le plus favorable pour lui (comme un humain), et non pour l’ensemble du trafic.

Et comment légiférer sur les drones ? Actuellement en Suisse, le drone est plus considéré comme un grille-pain que comme un robot, parce qu’il ne vole pas seul. Jusqu’à 30 kilos, il n’est soumis à aucune autorisation, mais doit se trouver à une distance visible de son propriétaire. Il n’a pas le droit de voler à moins de 100 m d’une foule ou 5 km d’un aéroport. Une assurance RC est néces-

Les robots militaires posent aussi problème... La plupart d’entre eux restent des outils. On en fait des armes qui sont contrôlées par des humains. Comme les drones. D’ailleurs, au début, il existait surtout des drones militaires. Aux Etats-Unis, quand les drones civils sont apparus, on a préféré utiliser le terme de unmanned aircraft (engin sans pilote) pour éviter le parallèle avec l’armée. Et pour cause: des pilotes américains, basés dans le Nevada, pouvaient tuer à des milliers de kilomètres de là et sortaient ensuite de leur poste de commande pour retourner à la vie civile. Cela a profondément choqué. De plus, il y a le risque que la contre-attaque ne vise pas le drone, mais son poste de commandement sur sol américain. Dans un souci commercial, le nom a alors changé. Le robot létal autonome, lui, pose le problème de la responsabilité de celui qui l’a configuré pour éviter qu’il commette une erreur. Dans un contexte de guerre, il est néanmoins plus difficile de faire valoir ses droits en tant que victime. Cette question est surtout appréhendée du point de vue des droits de l’homme, de la transparence du fonctionnement et de la banalisation d’actes de guerre.

LES TROIS LOIS D’ASIMOV La plupart des essais de lois sur les robots se basent sur une nouvelle de sciencefiction, celle de l’écrivain américain Isaac Asimov, intitulée Cycle fermé, parue en 1942 dans le magazine Astounding Science Fiction. L’auteur y présente ses « trois lois de la robotique » : LOI N° 1 Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger ; © coll. Agence Martienne

Une règle qui ne suit pas les lois d’Asimov, puisque le robot se favorise au détriment de l’humain. Oui, mais s’il promène son humain et qu’il le fait passer avant les autres, Asimov reste valable. Cela pose toute une série de questions inimaginables auparavant. Telles que: qui sauve-t-on en premier ? Est-ce éthique, politiquement recevable, d’avoir un cadre de situation routière qui explique qui on écrase d’abord ? Mais c’est aussi totalement immoral, et inacceptable, de refuser de se poser la question, alors qu’on sait que cela va arriver.

saire si le drone dépasse 500 g. Au-dessus de 30 kilos, les règles à suivre sont les mêmes que pour un avion. Donc, un cadre existe. Et dès cette année (2017), l’OFAC (Office fédéral de l’aviation civile) offre une procédure de certification aux fabricants. Le drone est appréhendé sous l’angle de l’objet volant qui risque de perturber le trafic, de tomber, d’occasionner des dégâts, voire de tuer quelqu’un. Ces risques existent indépendamment de savoir si le drone est autonome, a un pilote, ou pas.

LOI N° 2 Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ; LOI N° 3 Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la seconde loi. Au fil des années d’écriture, Asimov les a quelque peu affinées, mais elles restent le pilier des principaux projets de juridiction actuels et sont communément appelées « les trois lois d’Asimov ».

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DROIT

Certains soldats s’attachent à un robot démineur. Au point de lui donner un nom et de l’enterrer. Qu’en penser ? A terme, cela pourrait peut-être devenir un problème de santé publique. Est-ce que l’attachement à une machine est un risque à évaluer et faut-il en protéger l’Homme malgré lui, comme pour les épidémies, les radiations, un contact avec des substances nocives ? Si le robot est de plus «déguisé» en humain, on peut y voir une tromperie. Vous n’allez pas accepter la caméra de surveillance de la police sous votre fenêtre. En revanche, vous ne vous méfiez pas de votre compagnon robot… Pourquoi ne pas imaginer une loi qui stipule que le robot ne doit pas trop se rapprocher de l’être humain pour sa santé mentale ? De la même façon qu’on limite la cigarette, l’alcool, les drogues. Pour compléter les lois d’Asimov, on pourrait ajouter, sous l’angle de la protection des données, l’obligation de transparence algorithmique de la part du fabricant, ainsi que de présenter un robot comme tel, de quoi il est fait, ses capacités, qu’on sache s’il s’agit d’un traitement automatique ou pas, où partent les données enregistrées. Il n’est ni un enfant ni un animal et ne peut avoir les mêmes droits. D’un point de vue global, cela paraît important de savoir si on croise quelqu’un dans la rue s’il est un robot ou si la personne qui m’appelle en est un. Il y a un intérêt public à définir un cadre juridique qui le considère comme dangereux, soumis à autorisation. Pourquoi cela ne s’est pas encore fait ? Parce que la question n’est pas encore assez actuelle et que cela n’est pas favorable à l’innovation. De l’autre côté, selon le principe de précaution, on ne sait pas vraiment ce qui va se passer avec le robot, donc on a envie d’interdire tout ce qui paraît incontrôlable, d’avoir un «bouton panique» on/off pour le neutraliser. Le spécialiste de l’intelligence augmentée David Levy juge qu’en 2050, on épousera des robots. Vous y croyez ? Je n’espère pas! Juridiquement, cela ressemblerait à l’achat d’une maison: s’engager durablement devant la société à gérer un objet. Le côté bilatéral des droits et obligations n’existe pas. La maison ne peut rien attendre de moi. Le souci, c’est de mettre des obligations à charge de l’humain dont en réalité personne ne bénéficie, si la machine est toujours considérée comme telle. On tomberait alors dans un cas d’aliénation que le droit ne peut permettre. Par contre, si on estime que l’ « emo-robot » (qui « a » des émotions) a une vraie personnalité, il doit avoir les mêmes droits que nous. Un scénario inquiétant. De la même manière qu’on a des lois sur la recherche génétique qui limitent les actions pour éviter d’avoir des bébés de recherche ou pourvoyeurs d’organes de remplacement, etc., peut-être devrait-on aussi légiférer maintenant sur ce qui est acceptable ou pas pour le développement des robots.  20

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GOOGLE CAR

Ces voitures électriques sans conducteur ont déjà parcouru plus de 3 millions de kilomètres. © Elijah Nouvelage / Reuters

DES PISTES À SUIVRE • La Corée du Sud pionnière Depuis 2007, les Autorités sud-coréennes planchent sur une charte de l’éthique des robots, fondée sur les trois lois d’Asimov. Le Conseil national des sciences et technologies de la communication, désireux de faire de la Corée le leader mondial de la robotique, pousse au développement d’humanoïdes cognitifs autonomes. Et a donc intérêt à légiférer avant la déferlante. • Une motion européenne En 2016, une motion a été déposée au Parlement européen «concernant des règles de droit civil de la robotique». En résumé, le rapport Delvaux estime qu’il faut que les employeurs qui remplacent un humain par un robot paient un impôt spécial (retenu sur les économies réalisées par ledit remplacement) pour les actuelles cotisations sociales, que les fabricants d’engins autonomes doivent avoir une assurance responsabilité civile et qu’un revenu universel de base doit être instauré (pour ne pas prétériter les êtres humains). • Un avocat high-tech Alain Bensoussan, avocat technologue au Barreau de Paris, fondateur de l’Association du droit des robots (ADDR), a imaginé 10 articles dans une «Charte des droits des robots». Il propose entre autres une définition: «une machine dotée d’intelligence artificielle, prenant des décisions autonomes, pouvant se déplacer de manière autonome dans des environnements publics ou privés et agissant en concertation avec les personnes humaines». Et établit ce qu’est la personne robot: elle «dispose d’un nom, d’un numéro d’identification, d’un capital et d’un représentant légal pouvant être une personne morale ou une personne physique». Sources: www.alain-bensoussan.com | www.europarl.europa.eu

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IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL

LONDON CALLING

L

es formes, les couleurs et les odeurs dansent. On salive rien qu’à l’entendre parler amoureusement de ses petits plats. « J’ai toujours adoré manger et voyager, confie Margaux Stepczynski. Enfant déjà, j’étais capable de commander une soupe aux tripes pour le petit-déjeuner, afin d’être certaine de goûter LA spécialité locale. » Alors qu’elle entame sa première année en HEC, la Genevoise apprend qu’elle est atteinte de la maladie cœliaque, une forme grave d’intolérance au gluten. « Je passais déjà mon temps à cuisiner au lieu de réviser. Ce diagnostic m’a poussée à persévérer, à trouver des solutions pour continuer à tout manger. » Son Bachelor en poche, elle s’envole pour Londres et intègre la prestigieuse école de cuisine Le Cordon Bleu, même s’il lui est impossible de goûter ses propres préparations. Elle partage aujourd’hui des recettes maison sur son blog (en anglais) : Histoires d’un chef cœliaque. Cauchemar en cuisine « Je l’ai croisé devant les toilettes », se souvient Margaux Stepczynski, évoquant sa rencontre avec le chef Gordon Ramsay, célèbre animateur de la version britannique de Cauchemar en cuisine. « J’ai attendu trois heures qu’il sorte de l’hôtel pour l’aborder. » Quelques semaines plus tard, elle intégrait l’un de ses établissements, avant d’enchaîner des stages dans plusieurs restaurants londoniens. Tous étoilés. Les récits de ses expériences fusent, s’entremêlent. Elle se remémore son passage dans l’établissement japonais UMU. « Le premier jour, interdiction de toucher quoi que ce soit, je pouvais juste regarder. Une ambiance fascinante, respectueuse et calme, en contraste total avec ce que je connaissais. »

Chez Margaux Stepczynski, la cuisine se décline comme un art, au croisement d’une créativité innée et d’une rigueur toute mathématique. Adolescente, elle joue du piano au sein d’un groupe de rock alternatif. « Intégrer une équipe et fusionner les idées, anticiper ce que l’autre va faire... C’est comme travailler dans un restaurant. Le stress en moins », livre-t-elle amusée. Enfant, la diplômée en Management raffole des maths. « Parfois, j’ai envie de m’acheter un cahier d’exercices et résoudre des problèmes ! » Une affinité pour les chiffres qu’elle s’empresse d’évoquer pour balayer l’hypothèse qu’HEC était un choix par défaut.

MARGAUX STEPCZYNSKI Bachelor à la Faculté de Hautes Etudes Commerciales (2014). © Pierre-Antoine Grisoni / Strates

>  coeliacchefstories.com

La communauté des alumni de l’UNIL en ligne : www.unil.ch/alumnil

L’amour est dans le pré A l’heure où nous la rencontrons, Margaux Stepczynski est de retour dans son Carouge natal, après deux ans passés à Londres. Elle s’envole pour Vienne dans quelques semaines pour y proposer un concept de restauration dans des lieux insolites : un Supper Club. A prononcer avec un accent soooo british puisque la Suissesse d’origine polonaise, aînée d’une fratrie de quatre enfants, a effectué sa scolarité obligatoire en anglais. « Le travail de mon père a mené toute la famille à Londres pendant dix ans. » A 24 ans, elle espère ensuite papillonner dans toute l’Europe « pour cumuler un maximum d’expériences ». Mais son avenir, elle l’imagine à Genève, patronne de son propre restaurant sans gluten. Avec, pourquoi pas, un potager à proximité. « Je voulais être fermière ! Un rêve d’enfant, né dans la maison de campagne de mes grandsparents maternels et qui perdure aujourd’hui sous d’autres formes. »  MÉLANIE AFFENTRANGER

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ON CRÉE 1500

NOUVEAUX NEURONES TOUS LES JOURS Même dans le cerveau des adultes, de nouveaux neurones se forment continuellement. Au cours de notre vie, nous renouvelons ainsi 80 % des cellules d’une zone de l’hippocampe, une structure cruciale pour l’apprentissage et la mémoire. Une équipe de l’UNIL a percé quelques-uns des secrets de ce processus de neurogenèse. Avec à la clé de possibles applications thérapeutiques, notamment pour la maladie d’Alzheimer. TEXTE ÉLISABETH GORDON

I

l y a une vingtaine d’années encore, l’affaire paraissait entendue. Contrairement à de nombreuses autres cellules de notre organisme, celles qui se trouvent dans notre cerveau ne pouvaient pas repousser. Lors du développement de l’embryon, puis dans l’enfance, nos neurones se forment et se connectent les uns aux autres pour donner un réseau très complexe. Toutefois, dès que nous atteignons l’âge adulte, un certain nombre d’entre eux dégénèrent et meurent. Une perte sèche pour nos fonctions motrices et cognitives. Telle était du moins la théorie

CONNEXIONS

admise dans le milieu des neuroscientifiques. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien et que, à tout âge, ou presque, les neurones peuvent se renouveler dans certaines zones du cerveau qui sont de véritables pouponnières à neurones.

© ktsimage / iStockphotos

Des cellules souches dans les cerveaux adultes Tout a commencé à basculer au milieu des années 60, lorsque des chercheurs américains ont observé que de nouveaux neurones naissaient dans le cerveau de rats adultes. Mais ces résultats ont alors suscité de nombreux doutes

Situé au centre de notre cerveau, l’hippocampe abrite une pouponnière à neurones.

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NEUROSCIENCES

Le Département des neurosciences fondamentales www.unil.ch/dnf

parmi les chercheurs, car « ils allaient à l’encontre du dogme établi », selon Nicolas Toni, professeur assistant au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. Au milieu des années 90, des neuroscientifiques ont à nouveau étudié cette thématique. Ils ont alors constaté que « certaines zones du cerveau contiennent des cellules souches capables de générer continuellement un nombre relativement grand de neurones et d’autres cellules cérébrales. » Cette fois, le doute n’était plus permis. D’autant que peu après, ce processus de neurogenèse a aussi été observé dans des cerveaux humains. Le fantasme d’une fontaine de jouvence D’une manière générale, on nomme cellules souches des cellules « indifférenciées ». Elles n’ont pas encore de spécialité et peuvent donner naissance à différents types de cellules. Au stade embryonnaire, elles sont à la base du développement des organes et tissus du futur enfant. Elles sont présentes aussi chez l’adulte – dans la peau par exemple, dont elles assurent la cicatrisation. Celles qui se trouvent dans le cerveau peuvent non seulement générer des cellules nerveuses, « mais aussi s’autorépliquer », se diviser pour donner naissance à deux cellules souches filles qui, à leur tour, généreront d’autres cellules nerveuses – de quoi susciter « le fantasme d’une fontaine de jouvence », constate en riant Nicolas Toni. On trouve des cellules souches dans deux régions particulières du cerveau. D’abord dans la zone subventriculaire, située au centre du cerveau. Elles peuplent aussi le gyrus denté de l’hippocampe (voir l’illustration en page 25). « C’est une très petite région. Chez l’être humain, l’hippocampe a la taille d’un petit doigt et le gyrus denté en constitue environ un quart », précise Nicolas Toni. Cet espace n’en est pas moins important, car « il constitue la porte d’entrée des informations dans l’hippocampe ». Quant à ce dernier, il joue un rôle clé dans l’apprentissage et la mémoire. « Il est indispensable à l’être humain. Une personne qui en est privée ne peut pas apprendre de nouvelles informations et vit continuellement dans le passé. » Une double révolution, conceptuelle et fonctionnelle La découverte de l’existence de cellules souches dans l’hippocampe a constitué, selon le neuroscientifique, une « double révolution. Elle implique qu’un cerveau adulte peut encore générer des neurones. En outre, du point de vue du fonctionnement du cerveau, elle est aussi très intrigante .» Des études récentes ont en effet montré que l’être humain génère environ 1500 nouveaux neurones par jour dans le gyrus denté de l’hippocampe. C’est peu, comparé aux quelque 100 milliards du cerveau. Toutefois, au cours de la vie, cela représente un renouvellement d’environ 80 % de la population neuronale du gyrus denté . Dès lors, s’interroge le chercheur de l’UNIL, « comment expliquer qu’une structure aussi importante pour la mémoire se renouvelle autant ? » 24

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NICOLAS TONI Professeur assistant au Département des neuro­ sciences fonda­mentales de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. Nicole Chuard © UNIL

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De la cellule souche au neurone Quoi qu’il en soit, une cellule souche doit franchir plusieurs étapes avant de former un nouveau neurone susceptible de remplir ses fonctions. D’abord, elle se divise et sa progéniture doit migrer à l’endroit du cerveau où elle est censée s’établir. Puis ses cellules filles se différencient et, telles des chenilles qui deviennent papillons, se transforment en « vrais » neurones. Lesquels doivent encore pouvoir survivre, car « beaucoup d’entre eux meurent, constate le neuroscientifique. Sur 100 cellules qui se sont formées à un moment donné, il n’y en a qu’une vingtaine qui perdure un mois plus tard .» Etablir des contacts Le processus n’est pas terminé pour autant. Il reste au tout jeune neurone à mûrir pour atteindre sa structure finale. A cette fin, son corps cellulaire qui contient son noyau doit se doter de structures arborescentes, les dendrites, et de filaments, les axones (lire encadré ci-contre). Il doit aussi for-


Des connexions ou la mort En étudiant des souris, l’équipe de l’UNIL tente de comprendre les mécanismes qui régulent les différentes phases de la neurogenèse. Dans une étude récente, les chercheurs se sont tout particulièrement penchés sur la dernière étape, l’intégration d’un nouveau neurone dans le réseau existant, qui est cruciale à plus d’un titre. Si le nouveau venu ne se connecte pas au reste du circuit, il est comme un fil électrique qui ne serait pas branché, il ne sert à rien. En outre, dans ce cas, comme l’a découvert Nicolas Toni lorsqu’il travaillait au Salk Institute, en Californie, il est tout simplement éliminé. Par ailleurs, curieusement, les premières synapses formées par des neurones immatures sont incapables de recevoir les informations de leurs partenaires et donc de les transmettre plus loin. Elles sont dites silencieuses. Compétition entre jeunes et vieux neurones Pour expliquer ce phénomène, Nicolas Toni a émis l’hypothèse, confirmée depuis par d’autres équipes, que « les nouveaux neurones sont sélectionnés sur la base d’une compétition, une sorte de darwinisme au niveau cellulaire ». A l’aide de la microscopie électronique, le chercheur et ses collègues ont en effet constaté que le jeune neurone ne s’intègre pas n’importe où, ni n’importe comment à l’intérieur du réseau. « Sa dendrite forme des synapses avec des axones qui sont déjà en train de communiquer avec des neurones plus âgés. » Pendant un temps, le jeune et le vieux neurones coexistent, mais lorsque la synapse du premier a suffisamment mûri, elle élimine celle de son aîné. Il y a donc une sorte de lutte entre les neurones et le meilleur gagne et survit, conformément à la théorie de l’évolution du célèbre naturaliste britannique. Création de nouvelles mémoires Ce phénomène éclaire d’un jour nouveau le fonctionnement de l’apprentissage et de la mémoire. « Le stockage des informations et leur mémorisation passent par le renforcement des connexions entre des neurones et l’élimination d’un certain nombre d’autres », rappelle le neuroscientifique. Le développement de nouveaux neurones, et donc de nouvelles synapses, consolide ce processus. Certes, il perturbe l’organisation du circuit existant, mais c’est justement cette instabilité du réseau «qui offre la possibilité de former de nouvelles connections dans le gyrus denté et donc de

A B C D

L’HIPPOCAMPE

LES CELLULES QUI PEUPLENT NOTRE CERVEAU Malgré son audience, Facebook fait pâle figure à côté du réseau, vaste et complexe, que les neurones forment dans notre cerveau. Ce circuit compte en effet environ 100 milliards de neurones connectés les uns aux autres et qui se transmettent les informations sous la forme d’un signal chimique, les neurotransmetteurs. Ces cellules assurent « la communication entre les différentes zones du cerveau, explique Nicolas Toni, professeur-assistant au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. Ceux qui se trouvent par exemple dans le cortex moteur synchronisent leur action de manière à coordonner les mouvements de nos différents muscles. » Les neurones ne ressemblent en rien aux autres cellules de l’organisme. Leur corps neuronal, qui contient leur noyau, se prolonge par des structures arborescentes, les dendrites (A). Comme les roses, celles-ci sont dotées d’épines qui forment des synapses, lesquelles reçoivent les informations des autres neurones. Le corps cellulaire s’étend aussi en un filament, l’axone, qui peut être très long. Il constitue la fibre nerveuse et conduit le signal électrique (B). Chaque neurone forme « en moyenne 10 000 synapses ». Pour donner l’ampleur de la complication du circuit, Nicolas Toni Toni évoque une «planète peuplée de 100 milliards d’individus qui auraient chacun 10 000 bras et pourraient serrer entre 1 et 5 mains appartenant à 3000 personnes. Vous imaginez la complexité du réseau ! » Les astrocytes : bien plus qu’une colle Le cerveau abrite un autre type de cellules en forme étoilée qui sont «aussi nombreuses, si ce n’est plus, que les neurones», selon Nicolas Toni. Elles ont été nommées gliales, terme qui vient de « glue » – colle – car au départ on pensait qu’elles ne servaient qu’à coller les neurones entre eux. On sait aujourd’hui qu’elles font bien plus que cela. « Elles aident les neurones, elles les nourrissent et complètent leurs fonctions », précise le chercheur. En outre, comme l’équipe de l’UNIL vient de le découvrir, elles jouent un rôle important dans la formation de nouveaux neurones. Les astrocytes (C) sont les plus nombreuses et les mieux étudiées des cellules gliales. Il en existe d’autres. Notamment celles qui constituent la microglie et « qui ont, apparemment, une fonction immunitaire », note Nicolas Toni. Ou encore les oligodendrocytes : « Elles servent à constituer la gaine de myéline (D) qui entoure les axones de neurones et permet une conduction beaucoup plus rapide du signal électrique ». Sans compter les cellules souches, qui donnent naissance à de nouveaux neurones.  EG

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© Keystone/Science Photo Library Gunilla Elam | © Keystone/Science Photo Library/Pixologicstudio

mer des synapses grâce auxquelles il peut se connecter à d’autres partenaires, donc « se brancher sur le circuit ». Ces étapes sont indépendantes les unes des autres, ce qui complique singulièrement la tâche lorsque l’on cherche à influencer le processus. « Certaines molécules améliorent la prolifération des cellules souches, mais d’un autre côté, elles favorisent aussi la mort neuronale. » Globalement, elles n’aident donc pas à la création de nouvelles cellules nerveuses.


NEUROSCIENCES

nouvelles mémoires ». D’ailleurs, de nombreuses études montrent que l’inhibition de la neurogenèse adulte perturbe les processus mnésiques. Les astrocytes, cellules nourricières des neurones Comme l’avait observé Nicolas Toni, un jeune neurone ne survit pas s’il ne parvient pas à créer de nouvelles synapses. Le chercheur s’est demandé s’il existait des mécanismes susceptibles d’aider à la mise en place de cette zone de contact vitale. Et si oui, s’ils étaient les mêmes chez l’adulte et l’embryon. Pour répondre à cette question, les chercheurs de l’UNIL, en collaboration avec leurs collègues des Université de Bâle et de Strasbourg, se sont intéressés à un autre type de cellules cérébrales, les astrocytes, « qui participent au fonctionnement des neurones et dont le rôle est encore peu connu ».

NEUROGENÈSE

Cette photo, prise au microscope à fluorescence, montre une coupe de l’hippocampe d’une souris adulte. En bas à droite, on voit le gyrus denté (en forme de tête de flèche). Les corps cellulaires sont marqués en rouge et les neurones qui viennent de se former en vert. Ceux-ci génèrent deux fois moins de synapses lorsque les astrocytes (invisibles sur l’image) sont inactivés. C’est une preuve que ces derniers influencent la neurogenèse. © Département des neurosciences fondamentales

Des cellules qui gèrent leur territoire ... Les neuroscientifiques lausannois ont utilisé un outil génétique particulièrement astucieux, car il ne tue pas les astrocytes, mais il bloque leur action. De ce fait, ces cellules nerveuses ne peuvent plus libérer les diverses molécules qu’elles relâchent habituellement dans l’espace environnant. Ainsi, « elles ne peuvent plus communiquer avec le monde extérieur ; elles deviennent muettes ». Les chercheurs ont alors constaté qu’un neurone dont les dendrites traversaient des zones où se trouvaient des astrocytes muets « formait deux fois moins de synapses que lorsqu’il poussait dans un territoire astrocytaire normal ». En outre, « si l’on rend les astrocytes muets, on constate une forte augmentation de la mort des neurones immatures ». 26

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... et influencent la compétition Cela prouve, et c’est une première selon le neuroscientifique, que le nombre de synapses qu’un nouveau neurone peut créer « dépend de l’environnement dans lequel il se trouve », et notamment des astrocytes. Ceux-ci peuvent influencer la compétition entre les jeunes et anciens neurones « en augmentant, par les molécules qu’ils relâchent, la compétitivité des premiers ». Le groupe de l’UNIL a d’ailleurs identifié l’une de ces molécules. Il s’agit de la D-sérine qui opère sur les neurones et dont les effets sur la dépression et la mémoire sont actuellement testés chez l’être humain. Des possibles applications thérapeutiques Ces recherches suscitent bien des espoirs. Elles indiquent que l’on pourrait envisager de stimuler, à des fins thérapeutiques, la formation de nouveaux neurones dans l’hippocampe. Cette structure cérébrale, qui est responsable de l’apprentissage et de la mémoire, intervient aussi dans l’anxiété et la dépression. En accélérant le renouvellement de ses neurones, on pourrait atténuer les symptômes de ces troubles ou ralentir les pertes de la mémoire liées à la maladie d’Alzheimer. L’expérience, à laquelle l’équipe de l’UNIL a participé, a d’ailleurs déjà été faite chez des souris reproduisant cette maladie dégénérative et elle est concluante. Après avoir « dopé » la fabrication de nouveaux neurones dans le cerveau des rongeurs, des chercheurs français ont observé « une augmentation de leurs performances d’apprentissage et de leur mémoire spatiale », souligne Nicolas Toni. Il y voit « une preuve que le concept est valable ». Certes, entre les souris et les humains, le fossé à franchir est grand. Mais rien n’interdit plus de rêver. 


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QUAND LES COURS PASSENT EN MODE HYBRIDE

Comment l’usage des outils numériques peut–il enrichir et rendre plus flexible l’enseignement traditionnel ? Une réflexion au sujet du «blended learning» est en cours. TEXTE DAVID SPRING

L’

essor des cours en ligne catalyse de nouvelles idées dans le monde de la formation continue. Les MOOCs (pour Massive Open Online Courses) sont généralement gratuits. Ils se déroulent entièrement à distance, grâce à des vidéos enregistrées par les enseignants. L’UNIL en propose déjà deux, au sujet de l’éthique dans les organisations et du dopage. D’autres sont en préparation (lire en p. 10). « Notre expérience nous montre que les MOOCs intéressent le public de la formation continue. Ces cursus souples plaisent aux professionnels », constate Catherine El Bez, adjointe au dicastère « Enseignement et Affaires étudiantes ». Mais ils comptent quelques faiblesses. Malgré les efforts entrepris, les interactions avec les enseignants sont réduites et les apprenants restent isolés derrière leurs écrans, partout dans le monde. De plus, ils ne débouchent pas sur des diplômes. C’est pour cela que ces offres ne menacent pas les formations traditionnelles, en présentiel. Scénario à l’étude L’injection de numérique dans ces dernières comporte toutefois plusieurs avantages : c’est ce que l’on appelle le blended learning. Comment cela fonctionne-t-il ? Par exemple, un scénario pédagogique étudié par la Formation continue UNIL-EPFL dans le cadre d’un projet-pilote, est dit « alterné ». Il s’étend sur trois mois et prévoit qu’au début, via un questionnaire en ligne, les participants précisent leurs attentes. Une autoévalution permet de lisser l’hétérogénéité des étudiants, incités à combler leurs lacunes par des lectures complémentaires. Ensuite, ils visionnent à leur rythme des capsules multimédia concoctées par les intervenants. Un forum sert à faire connaissance. Cet outil offre de plus la possibilité de poser des questions, ce qui facilite la vie des personnes moins à l’aise pour s’exprimer en public. Après cette préparation, une journée en présentiel réunit tout le monde. « De transmetteur du savoir, l’enseignant devient alors facilitateur, remarque Catherine El Bez. Son rôle consiste à animer le cours, aux études de cas, aux

LE « BLENDED LEARNING » EST UN FORMAT TRÈS FLEXIBLE, QUI SE DÉCLINE SUR DES CURSUS COURTS OU LONGS.

exercices pratiques, aux travaux de groupe, bref à l’interaction et à un meilleur feedback. » De retour chez eux, les participants préparent un projet personnel, qu’ils affinent grâce à un coaching mené via Skype par les intervenants. Enfin, une seconde session réunit à nouveau les étudiants, qui présentent leur travail à leurs collègues. Très flexible, le blended learning peut être décliné sur toutes sortes de cursus, qu’ils soient brefs ou longs. Il répond « à une demande croissante, explique Pascal Paschoud, directeur opérationnel de la Formation Continue UNIL-EPFL. Les personnes qui résident loin du lieu des cours sont ainsi très intéressées à pouvoir travailler à distance, afin de limiter les déplacements. Dans ce contexte, les journées en présentiel deviennent les temps forts de la formation. » Autre avantage, de telles offres sont certifiantes. Pour les hautes écoles, le blended learning est un moyen d’acquérir de l’expérience dans les formations à distance, sans faire la révolution. Les contenus produits dans ce cadre, notamment les vidéos, demandent un grand investissement de la part des enseignants. Mais ils peuvent être réutilisés dans le cadre des cursus de base, auprès des étudiants. Enfin, ces derniers, habitués à injecter du numérique dans bien des aspects de leur vie, constituent le futur public de la formation continue. Ils ne pourront donc pas l’imaginer autrement qu’hybride. 

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ARCHITECTURE

L’avancement des projets www.unil.ch/unibat > Projets en cours

DE LA VILLE À LA

CAMPAGNE ET RÉCIPROQUEMENT Créé il y a 50 ans, le campus de l’Université de Lausanne s’apprête à vivre une nouvelle mue. La présence de l’institution en ville, sur le site du CHUV ainsi qu’au Biopôle d’Epalinges, se renforce. Visite guidée. TEXTE MIREILLE DESCOMBES

U

n chantier qui s’achève. D’autres qui commencent. Le campus de l’Université de Lausanne à Dorigny est en pleine mue. A l’horizon 2023, il ne comptera pas moins de quatre nouveaux bâtiments : l’annexe de la Ferme de la Mouline et le Synathlon destiné aux sports, le Vortex et ses logements pour 1200 résidents ainsi que le bâtiment des sciences de la vie. Parallèlement, l’Amphipôle et l’Unithèque ( dite aussi la Banane ), deux stars historiques de l’Alma Mater construites par l’architecte Guido Cocchi, vont être transformés. Un vrai travail d’équilibriste pour que tout s’imbrique et se coordonne afin que personne ne se retrouve momentanément à la rue. La situation est d’autant plus délicate que d’autres acteurs vont s’implanter à proximité. Le nouveau Campus santé – qui réunit la Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), le Centre

CAMPUS

Petit à petit, la ville se rapproche de l’UNIL. De son côté, le site va se densifier, avec plusieurs nouveaux bâtiments. Alain Herzog © UNIL ( 2015 )

coordonné de compétences cliniques (C4) et 500 logements – verra le jour non loin de là sur les Côtes de la Bourdonnette (lire en page 15). Il sera même relié au campus par une passerelle. A l’ouest, c’est la RTS qui va s’offrir de nouveaux locaux sur le site de l’EPFL, tout près du Learning Center. Enfin, sur et à la périphérie du campus de l’UNIL, d’autres réaménagements sont encore au programme, notamment l’extension du bâtiment Internef. La métamorphose ne fait que commencer. Le site de Dorigny se densifie Révolue la vision longtemps défendue d’un campus bucolique composé d’une série de bâtiments posés comme des objets dans un parc ? Enterrée « l’Université aux champs » avec ses moutons promus au rang de tondeuses écologiques ?

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« La ville approche, elle arrive. Et ce n’est pas une métaphore, c’est très concret, reconnaît Benoît Frund, vice-recteur en charge de la politique de durabilité, de la gestion et du développement du campus. Certes, le site de Dorigny ne va pas changer radicalement, mais il va se densifier. Avec le projet Vortex, il accueillera en outre pour la première fois un grand nombre d’habitants. Ces derniers auront d’autres besoins que ceux qui arrivent le matin et repartent le soir. Il va falloir repenser un certain nombre de services. » Si le campus change à grande vitesse, il ne renie pas pour autant ses principes. Et notamment ce dialogue avec la nature et cette complicité entre permanence et changement qui reviennent comme un fil rouge dans son histoire. L’histoire d’une université qui, pour faire face à un nombre sans cesse croissant d’étudiants, s’est un jour vue contrainte de quitter le centre ville et de s’exiler en périphérie. Certains en furent soulagés. Sortir les étudiants de la cité pouvait sembler un bon choix dans le contexte agité de Mai 68. Mais pas question de créer un ghetto où fermentent librement révoltes et revendications. Les communes qui accueillaient le futur campus avaient spécifiquement exigé que l’on interdise toute construction de résidences estudiantines sur leurs terrains. Tout a commencé, en 1963, avec l’achat, par le Canton, de la propriété de l’hoirie Hoyos de Loys, situé à quelques encablures à l’ouest du chantier de l’Expo 64. A cheval sur les communes d’Ecublens et de Chavannes-près-Renens, ce terrain de 270 000 m2, dont 58 000 de forêts, se répartit sur les deux rives de la Chamberonne. De son passé campagnard et maraîcher, il a hérité de deux fermes, une grange et un château qui existent encore aujourd’hui. Après un premier plan directeur jugé insuffisant car ne prenant pas suffisamment en compte la topographie, le Conseil d’Etat confie le travail au BUD (le Bureau de construction de l’Université de Lausanne-Dorigny). Cette task force, qui rapporte directement au politique, sera dirigée pendant plus de trente ans par l’architecte Guido Cocchi (1928-2010), un Tessinois d’origine formé à Zurich et à Lausanne, et qui avait été l’adjoint de l’architecte en chef Alberto Camenzind à l’Expo 64.

BENOÎT FRUND Vice-recteur en charge de la politique de durabilité, de la gestion et du développement du campus. Félix Imhof © UNIL

Charismatique Guido Cocchi Personnalité forte et charismatique, Cocchi va imprimer à Dorigny une vision très différente de celle de l’EPFL – fédéralisée en 1969. Un programme qui semble inventé à partir du site. « J’ai compris ce terrain avec mes pieds, j’ai commencé par marcher, puis j’ai dessiné », confiait-il à Nadja Maillard dans l’ouvrage L’Université de Lausanne à Dorigny (Infolio). Le nouveau plan directeur « propose une dissémination des bâtiments universitaires dans le parc paysager, tels des pavillons éparpillés dans une nature préservée », écrit Maya Birke von Graevenitz dans l’ouvrage collectif De la cité au campus. 40 ans de l’UNIL à Dorigny (Editions Peter Lang). La distribution des constructions se base sur le principe du zoning. Les locaux communs (bibliothèque, 32

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restaurant, locaux de l’administration) sont prévus au centre, le quartier des Sciences humaines est placé à l’est et celui des Sciences exactes à l’ouest. Les différentes zones sont reliées par des chemins piétonniers. Les bâtiments sont confiés à diverses équipes vaudoises qui toutes associent un jeune architecte et un bureau confirmé. Elles ont un cahier des charges précis qui impose, rappelle Maya Birke von Graevenitz, « un éclairage et une ventilation naturelle des locaux, une hauteur normée des étages, une hauteur des édifices déterminée en fonction de la silhouette générale du site et une trame de 1,2 mètres pour les dimensions des constructions. (...) Il exige également que les façades reçoivent de l’ombre grâce à l’utilisation de galeries extérieures et qu’elles soient en verre ou en aluminium éloxé naturel, de teintes beiges à brunes. » La réalisation de cette première phase s’étendra sur quarante ans. Elle sera marquée par quelques péripéties particulièrement amusantes comme l’interdiction faite à l’architecte en chef de planter des pommiers : leurs fruits pouvaient servir de projectiles aux étudiants.


Inauguré en automne 1970, le premier bâtiment, le Collège propédeutique 1 (aujourd’hui l’Amphipôle), est signé par Guido Cocchi. De structure complexe, « vraiment moulé sur la topographie », il associe deux ailes de laboratoires en dalles de béton et une construction plus légère au sud, surnommée la galette, qui telle un grand parapluie abrite quatre auditoires, la cafétéria, l’administration et les circulations. « Je peux vous dire qu’il a fallu batailler pour faire passer cette architecture fonctionnelle devant le Rectorat de l’Université qui n’était pas emballé du tout, pour qui un bâtiment universitaire représentatif d’une institution de savoir et de recherche devait avoir quelque chose de monumental ou de plus prestigieux », se souvenait Guido Cocchi des années plus tard. Ces réticences vont s’estomper au fur et à mesure que le campus grandit. Et treize ans après, c’est un autre bâtiment signé par l’architecte en chef, l’Unithèque (ex-Bâtiment central, dit aussi la Banane) qui entre en fonction. Adossé à la colline de Dorigny, parfaitement intégré dans l’amphithéâtre du site, cet édifice en béton armé et bois deviendra l’un des emblèmes du campus. La même année, sont inaugurés l’Unicentre et le Biophore. Viendront ensuite l’Anthropole (1987), le Batochime (1995), l’Amphimax (2004) et Géopolis (2013). (Pour se repérer, on peut consulter le plan dans le portfolio illustré en page 34.) L’achèvement de ce dernier bâtiment marque un tournant dans l’histoire architecturale du campus. Le mandat du comité directeur du BUD se termine. Une autre organisation, le COPIL des constructions universitaires, prend le relais. Elle donne une plus large place à la direction de l’Université dans le développement immobilier du Campus. Intitulé Lignes directrices pour l’aménagement du site de l’UNIL à Dorigny, un nouveau document sert de guide et de référence pour les travaux actuels et futurs. Visite guidée Commençons par le plus avancé : la construction de l’annexe de la Ferme de la Mouline et la déviation de la rue de la Mouline, qui permettra de respecter la distance nécessaire entre l’angle du Géopolis et l’axe de la route tout en libérant un espace pour créer un trottoir. Ces travaux devaient être réalisés dans le prolongement du chantier du Géopolis. La faillite de l’entreprise générale a contraint le maître d’ouvrage à reporter sa réalisation. En bois et béton, l’annexe abritera les bureaux et les locaux fonctionnels du groupe « Parcs et jardins » du service UNIBAT qui s’occupe de l’entretien des espaces verts à Dorigny, ainsi que les bureaux du service UniSEP, en charge de la sécurité. Coût selon crédit d’ouvrage octroyé: 1,260 million pour la route et 4,563 millions pour l’annexe qui entrera en service en juin 2017. L’étape suivante concerne, à double titre, le sport. Il s’agit d’une part de la rénovation et remise en état de plusieurs équipements du Centre sportif universitaire de Dorigny, situé dans le quartier Lac du site (coût environ 6 millions, début

LE SITE DE DORIGNY NE VA PAS CHANGER RADICALEMENT, MAIS IL VA SE DENSIFIER. AVEC LE PROJET VORTEX, IL ACCUEILLERA EN OUTRE POUR LA PREMIÈRE FOIS UN GRAND NOMBRE D’HABITANTS.

des travaux au printemps 2017) et d’autre part de la construction du Synathlon dont la mise en service est agendée pour fin 2017. Initié par le Canton de Vaud, et non par l’Université, ce projet doit permettre d’abriter sous un même toit l’organisation, la formation et les Sciences du sport, soit le nouveau réseau d’innovation ThinkSport, l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (ISSUL) actuellement en fort développement, la Fédération internationale du sport universitaire (FISU), et l’Académie internationale des sciences et techniques du sport (AISTS). Conçue par le bureau zurichois Karamuk*Kuo, cette «ruche» vitrée a séduit le jury du concours par la clarté des lignes des façades qui s’intègrent parfaitement dans le site et la qualité spatiale du concept, des espaces de travail – bureaux et salles de réunion – organisés en une couronne périphérique autour d’un cœur central d’espaces collectifs ouverts les uns sur les autres. Coût selon crédit d’ouvrage octroyé: 26,690 millions. Unithèque agrandie Après le sport, les livres et l’étude. Achevée en 1983, située dans la partie centrale du campus, l’Unithèque – qui réunit la Bibliothèque cantonale et le restaurant universitaires – offrira, en 2019 / 2020, 11 000 m2 et près de 1200 places de travail supplémentaires. Et cela sans perdre sa silhouette si caractéristique et son identité. Située à l’arrière de ce bâtiment iconique, l’extension conçue par le bureau lausannois Fruehauf, Henry & Viladoms ne dépasse en effet que de quelques mètres son gabarit et prolonge le principe des terrasses. Elle exprime toutefois son existence par le biais d’une tourelle périscopique qui éclaire et signale la nouvelle entrée principale, déplacée et redimensionnée. A l’intérieur, l’extension offre un généreux espace de lecture couvert par une toiture qui le franchit d’une seule portée et laisse passer une lumière naturelle diffuse. Une fois les travaux terminés, le nouveau et l’ancien ne formeront plus qu’un seul bâtiment. Coût estimé selon l’Exposé de motif et projet de décret (EMPD) : 73,3 millions. Quittons le site de l’Unithèque et sa somptueuse vue sur le lac pour le terrain de la Pala, aujourd’hui séparé du quartier des hautes écoles par la ligne du M1 et la rivière de la Sorge. Une passerelle, actuellement en cours de réalisation, le reliera bientôt au campus. Dans un premier temps, elle permettra la construction du projet Vortex, un ambitieux bâtiment circulaire de logements pour 1200 résidents qui comprendra également 75 logements de fonction pour les hôtes académiques et le personnel technique de l’Université. Piloté par le Service Immeubles, Patrimoine et Logistique de l’Etat de Vaud (SIPal), il sera exploité par la Fondation Maison pour Etudiants Lausanne (FMEL). Imaginé par le bureau zurichois Dürig AG, le projet Vortex relève d’un geste architectural fort et audacieux. Il se compose en effet d’un immense cylindre réalisé à partir d’une dalle de béton unique de 3,8 km, avec une pente de 1 %. Cette rampe, qui constitue tous les étages, permet

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ARCHITECTURE

d’associer la circulation intérieure vers les logements avec des surfaces couvertes, communes sur la cour, privatives vers l’extérieur. Terminé fin 2019, le bâtiment hébergera les athlètes des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) en janvier 2020 puis sera réaménagé afin d’accueillir les étudiants à la rentrée universitaire. Reprenons la passerelle – en imagination – et dirigeonsnous vers l’Amphipôle, l’ancien Collège propédeutique et tout premier bâtiment du campus, réalisé par Guido Cocchi. Le passage des ans l’a laissé pareil à lui-même, avec toutefois quelques rides et de graves manquements par rapport aux normes énergétiques actuelles. Une intervention s’imposait. Mais laquelle? Dans un premier temps, une étude a été confiée au Laboratoire des Techniques et de la Sauvegarde de l’Architecture Moderne (TSAM) de l’EPFL. Elle a relevé l’importance du bâtiment dans l’histoire locale ainsi que ses indéniables qualités constructives et d’implantation. Un concours a ensuite été organisé, portant sur la rénovation et réaffectation des deux ailes de l’Amphipôle. Il a été remporté par le bureau Aeby Perneger & Associés SA de Genève. « Cette intervention s’inscrit dans le cadre plus général, et passionnant, de la revalorisation du patrimoine bâti du XXe siècle », s’enthousiasme Rubén Merino, responsable du domaine planification et projets d’Unibat, le service des bâtiments et travaux de l’UNIL. Les lauréats du concours 34

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PROJET VORTEX

Cet ambitieux bâtiment circulaire va accueillir les athlètes des Jeux Olympiques de la Jeunesse, en 2020. Puis il sera occupé par plus de 1200 résidents, dont de nombreux étudiants. @ Dürig AG

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ont choisi de maintenir les principes de composition des façades, en leur apportant quelques inflexions. Les stores notamment seront abaissés pour permettre une meilleure gestion des apports de lumière naturelle et de la protection solaire. La main courante sera déplacée vers le haut pour respecter les normes en vigueur. Un complément de gardecorps en filet de câbles d’acier sera ajouté. Au niveau de la façade, les verres actuels seront remplacés par des doubles vitrages très performants qui permettront de conserver les menuiseries en aluminium d’origine. A l’intérieur, les architectes ont proposé de remplacer ponctuellement les circulations existantes par de nouveaux espaces. Et d’adapter la profondeur des anciens locaux (des salles de travaux pratiques) à un programme de bureaux nécessitant moins de profondeur et plus adaptés aux futurs utilisateurs de l’Amphipôle : l’Ecole des sciences criminelles (ESC) de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique et la bioinformatique et biologie computationnelle de la Faculté de biologie et médecine et de l’Institut suisse de bioinformatique (SIB). Coût estimé selon l’EMPD: 43,9 millions. Les travaux dans l’Amphipôle seront réalisés en deux phases (mise en service de l’aile Ouest en 2019, et de l’aile Est en 2022) afin de profiter de l’avancement du chantier voisin du futur Bâtiment des sciences de la vie. C’est en effet dans ce bâtiment que devraient emménager, dès 2021, les travaux


pratiques en chimie et biologie de l’UNIL et de l’EPFL, libérant ainsi la deuxième aile. Ils seront rejoints, en 2023, par la recherche qui constitue l’autre pôle des sciences de la vie. Prendre le métro Voilà pour la recherche de base et la recherche fondamentale. Si vous vous intéressez à la recherche translationnelle sur le cancer – une démarche d’action intégrée et transversale face à la maladie – il vous faut quitter le campus de Dorigny, prendre le métro direction centre ville, changer au Flon pour le M2 et vous arrêter au CHUV. En face du Musée de la main, à la rue du Bugnon 25A, vous apercevez un grand chantier comme enclavé entre des bâtiments existants. Vous avez devant vous le futur AGORA - Centre du cancer. Construit par la Fondation ISREC sur un terrain cédé sous forme d’un droit de superficie par l’Etat de Vaud, ce nouvel édifice sera utilisé conjointement par le CHUV, l’UNIL et l’EPFL. Son coût de construction: 80 millions financés par la Fondation ISREC. Son but: encourager et développer jusque dans son architecture une culture d’échange et de collaboration dans le domaine de la recherche contre le cancer. « On veut que les gens se mélangent, insiste Francis-Luc Perret, le directeur de la Fondation ISREC. Une maladie ne peut se traiter par une approche unilatérale. Et on doit anticiper le coup suivant, comme aux échecs. »

AGORA

Construit par la Fon­da­ tion ISREC tout près du CHUV, ce bâtiment est dédié à la recherche contre le cancer. © Behnisch Architekten

Pour promouvoir cette idée, il fallait un bâtiment fort et symbolique. Lauréat du concours, le bureau Behnisch Architekten de Stuttgart a imaginé un volume vitré taillé en facettes et recouvert par une élégante résille en aluminium. Conçu sur sept niveaux, l’AGORA offre trois étages de laboratoires décloisonnés où travailleront 300 chercheurs et cliniciens. Il est relié à l’Institut universitaire de pathologie voisin par un Atrium vitré qui sert aussi d’entrée. Ce sas largement éclairé conduit à l’espace public, ouvert à tous, où l’on trouvera un restaurant, des salles de cours, des espaces d’échange et un grand auditoire. L’inauguration est prévue au printemps 2018. Et le voyage en métro continue. Direction le Biopôle d’Epalinges. Les chercheurs de l’UNIL y interviendront notamment, dès 2020, dans le cadre d’un futur centre destiné à l’ingénierie immunitaire en oncologie et dédié aux activités de recherche soutenues par l’Institut Ludwig. Inutile toutefois de vous précipiter pour découvrir le chantier: l’appel d’offres pour la construction sera lancé au printemps 2017. Un autre bâtiment destiné à la médecine personnalisée est à l’étude sur le même site. On voit donc se dessiner clairement une nouvelle géographie de la recherche qui suit les lignes du métro et relie Dorigny à Epalinges en passant par le CHUV. Oui, pas de doute. Non seulement, le campus de l’UNIL est rattrapé par la ville, mais il essaime joyeusement hors les murs. 

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LE CAMPUS DE DORIGNY RATTRAPE PAR LA VILLE

L’UNIL FAIT PEAU NEUVE

A l’horizon 2023, l’Université de Lausanne à Dorigny comptera quatre bâtiments supplémentaires. Deux autres seront rénovés et étendus. Le campus, qui accueille aujourd’hui plus de 17 000 personnes, se densifiera sans changer radicalement. Parallèlement, l’institution s’étendra en ville. Sur le site du CHUV, ainsi qu’au Biopôle d’Epalinges, des chercheurs en Sciences de la vie travailleront au sein de nouvelles installations.

Autrefois située en pleine campagne, l’Université de Lausanne est aujourd’hui entourée par la ville. Du premier bâtiment, inauguré en 1970, jusqu’aux projets actuels, récit d’un demi-siècle de développement.

UNITHÈQUE

L’intérieur de la future Bibliothèque cantonale et universitaire, après son extension. © Fruehauf, Henry & Viladoms

E

n 1963, le Canton achète la propriété de l’hoirie Hoyos de Loys, située à quelques encablures à l’ouest du chantier de l’Expo 64. A cheval sur les communes d’Ecublens et de Chavannes-près-Renens, ce terrain de 270 000 m2, dont 58 000 de forêts, se répartit sur les deux rives de la Chamberonne. De son passé campagnard et maraîcher, il a hérité de deux fermes, une grange et un château qui existent encore aujourd’hui. Le Conseil d’Etat confie alors le travail au Bureau de construction de l’Université de Lausanne-Dorigny. Cette task force est dirigée pendant plus de 30 ans par l’architecte Guido Cocchi (1928-2010). Ce Tessinois d’origine, formé à Zurich et à Lausanne et adjoint de l’architecte en chef Alberto Camenzind à l’Expo 64, imprime sa vision au campus. Les bâtiments universitaires sont disséminés, alors que les locaux communs (bibliothèque, restaurant, locaux de l’administration) se trouvent au centre. Le premier, qui s’appelle aujourd’hui l’Amphipôle, est inauguré en 1970. Treize ans après, c’est un autre édifice signé par l’architecte, l’Unithèque («la Banane »), qui entre en fonction. La même année, l’Unicentre et le Biophore sont inaugurés. Viennent ensuite, notamment, l’Anthropole (1987), le Génopode (1991), le Batochime (1995), l’Amphimax (2004) et Géopolis (2013). Déplaçons-nous en 2023, soixante ans après l’achat de la propriété. L’UNIL compte plusieurs nouveaux bâtiments. Tout près de la route cantonale, le Synathlon abrite plusieurs organisations sportives internationales, ainsi que l’Institut

SYNATHLON

Un nouveau bâtiment, dédié à l’étude du sport. © Karamuk * Kuo

AMPHIPÔLE

Rénovation douce pour cet édifice emblématique du campus. © Aeby Perneger & Associés

des sciences du sport de l’UNIL. Geste architectural audacieux, le «Projet Vortex» héberge plus de 1200 étudiants et chercheurs, juste à côté de la ligne de métro m1. Ainsi, pour la première fois, des habitants vivent sur le campus. Enfin, la recherche en neurosciences et en biologie est menée dans un édifice flambant neuf, dédié aux Sciences de la vie. Il situé juste en dessous de l’Amphimax. En parallèle, l’Unithèque est rénovée et agrandie. La Bibliothèque cantonale et universitaire, ainsi que le restaurant, se sont adaptés à la croissance du nombre d’étudiants. De leur côté, l’Institut suisse de bioinformatique, la Biologie computationnelle et l’Ecole des sciences criminelles sont installés dans l’Amphipôle remis à neuf. Derrière l’Anthropole, une passerelle enjambe l’autoroute pour accéder au nouveau Campus Santé, qui réunit la Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), le Centre coordonné de compétences cliniques (C4) et 500 logements. L’institution renforce sa présence en ville. AGORA – Centre du cancer, tout près du CHUV, compte 300 chercheurs et cliniciens de l’hôpital, de l’UNIL et de l’EPFL. Plus haut sur la ligne du métro m2, un nouveau bâtiment, au Biopôle d’Epalinges, accueille les activités de recherche soutenues par l’Institut Ludwig, comme l’ingénierie immunitaire en oncologie. 

1933

La plus ancienne image aérienne connue du campus. L’emplacement de « La Banane » accueillait alors un verger (page de gauche, au centre). Au nord-est, la ferme, la grange et le château rappellent qu’il y avait une vie à Dorigny avant l’UNIL. Tiré à part d’Allez savoir! 65, janvier 2017

L’avancement des projets : www.unil.ch/unibat > Projets en cours

© Avec l’autorisation de swisstopo (BA16072) Portfolio réalisé dans le cadre de l’«Année Gustave Roud 2015»; © Fonds Gustave Roud, BCU/Lausanne, C.-A. Subilia


LE CAMPUS DE DORIGNY RATTRAPE PAR LA VILLE

L’UNIL FAIT PEAU NEUVE

A l’horizon 2023, l’Université de Lausanne à Dorigny comptera quatre bâtiments supplémentaires. Deux autres seront rénovés et étendus. Le campus, qui accueille aujourd’hui plus de 17 000 personnes, se densifiera sans changer radicalement. Parallèlement, l’institution s’étendra en ville. Sur le site du CHUV, ainsi qu’au Biopôle d’Epalinges, des chercheurs en Sciences de la vie travailleront au sein de nouvelles installations.

Autrefois située en pleine campagne, l’Université de Lausanne est aujourd’hui entourée par la ville. Du premier bâtiment, inauguré en 1970, jusqu’aux projets actuels, récit d’un demi-siècle de développement.

UNITHÈQUE

L’intérieur de la future Bibliothèque cantonale et universitaire, après son extension. © Fruehauf, Henry & Viladoms

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n 1963, le Canton achète la propriété de l’hoirie Hoyos de Loys, située à quelques encablures à l’ouest du chantier de l’Expo 64. A cheval sur les communes d’Ecublens et de Chavannes-près-Renens, ce terrain de 270 000 m2, dont 58 000 de forêts, se répartit sur les deux rives de la Chamberonne. De son passé campagnard et maraîcher, il a hérité de deux fermes, une grange et un château qui existent encore aujourd’hui. Le Conseil d’Etat confie alors le travail au Bureau de construction de l’Université de Lausanne-Dorigny. Cette task force est dirigée pendant plus de 30 ans par l’architecte Guido Cocchi (1928-2010). Ce Tessinois d’origine, formé à Zurich et à Lausanne et adjoint de l’architecte en chef Alberto Camenzind à l’Expo 64, imprime sa vision au campus. Les bâtiments universitaires sont disséminés, alors que les locaux communs (bibliothèque, restaurant, locaux de l’administration) se trouvent au centre. Le premier, qui s’appelle aujourd’hui l’Amphipôle, est inauguré en 1970. Treize ans après, c’est un autre édifice signé par l’architecte, l’Unithèque («la Banane »), qui entre en fonction. La même année, l’Unicentre et le Biophore sont inaugurés. Viennent ensuite, notamment, l’Anthropole (1987), le Génopode (1991), le Batochime (1995), l’Amphimax (2004) et Géopolis (2013). Déplaçons-nous en 2023, soixante ans après l’achat de la propriété. L’UNIL compte plusieurs nouveaux bâtiments. Tout près de la route cantonale, le Synathlon abrite plusieurs organisations sportives internationales, ainsi que l’Institut

SYNATHLON

Un nouveau bâtiment, dédié à l’étude du sport. © Karamuk * Kuo

AMPHIPÔLE

Rénovation douce pour cet édifice emblématique du campus. © Aeby Perneger & Associés

des sciences du sport de l’UNIL. Geste architectural audacieux, le «Projet Vortex» héberge plus de 1200 étudiants et chercheurs, juste à côté de la ligne de métro m1. Ainsi, pour la première fois, des habitants vivent sur le campus. Enfin, la recherche en neurosciences et en biologie est menée dans un édifice flambant neuf, dédié aux Sciences de la vie. Il situé juste en dessous de l’Amphimax. En parallèle, l’Unithèque est rénovée et agrandie. La Bibliothèque cantonale et universitaire, ainsi que le restaurant, se sont adaptés à la croissance du nombre d’étudiants. De leur côté, l’Institut suisse de bioinformatique, la Biologie computationnelle et l’Ecole des sciences criminelles sont installés dans l’Amphipôle remis à neuf. Derrière l’Anthropole, une passerelle enjambe l’autoroute pour accéder au nouveau Campus Santé, qui réunit la Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), le Centre coordonné de compétences cliniques (C4) et 500 logements. L’institution renforce sa présence en ville. AGORA – Centre du cancer, tout près du CHUV, compte 300 chercheurs et cliniciens de l’hôpital, de l’UNIL et de l’EPFL. Plus haut sur la ligne du métro m2, un nouveau bâtiment, au Biopôle d’Epalinges, accueille les activités de recherche soutenues par l’Institut Ludwig, comme l’ingénierie immunitaire en oncologie. 

1933

La plus ancienne image aérienne connue du campus. L’emplacement de « La Banane » accueillait alors un verger (page de gauche, au centre). Au nord-est, la ferme, la grange et le château rappellent qu’il y avait une vie à Dorigny avant l’UNIL. Tiré à part d’Allez savoir! 65, janvier 2017

L’avancement des projets : www.unil.ch/unibat > Projets en cours

© Avec l’autorisation de swisstopo (BA16072) Portfolio réalisé dans le cadre de l’«Année Gustave Roud 2015»; © Fonds Gustave Roud, BCU/Lausanne, C.-A. Subilia


LE CAMPUS DE DORIGNY RATTRAPE PAR LA VILLE

L’UNIL FAIT PEAU NEUVE

A l’horizon 2023, l’Université de Lausanne à Dorigny comptera quatre bâtiments supplémentaires. Deux autres seront rénovés et étendus. Le campus, qui accueille aujourd’hui plus de 17 000 personnes, se densifiera sans changer radicalement. Parallèlement, l’institution s’étendra en ville. Sur le site du CHUV, ainsi qu’au Biopôle d’Epalinges, des chercheurs en Sciences de la vie travailleront au sein de nouvelles installations.

Autrefois située en pleine campagne, l’Université de Lausanne est aujourd’hui entourée par la ville. Du premier bâtiment, inauguré en 1970, jusqu’aux projets actuels, récit d’un demi-siècle de développement.

UNITHÈQUE

L’intérieur de la future Bibliothèque cantonale et universitaire, après son extension. © Fruehauf, Henry & Viladoms

E

n 1963, le Canton achète la propriété de l’hoirie Hoyos de Loys, située à quelques encablures à l’ouest du chantier de l’Expo 64. A cheval sur les communes d’Ecublens et de Chavannes-près-Renens, ce terrain de 270 000 m2, dont 58 000 de forêts, se répartit sur les deux rives de la Chamberonne. De son passé campagnard et maraîcher, il a hérité de deux fermes, une grange et un château qui existent encore aujourd’hui. Le Conseil d’Etat confie alors le travail au Bureau de construction de l’Université de Lausanne-Dorigny. Cette task force est dirigée pendant plus de 30 ans par l’architecte Guido Cocchi (1928-2010). Ce Tessinois d’origine, formé à Zurich et à Lausanne et adjoint de l’architecte en chef Alberto Camenzind à l’Expo 64, imprime sa vision au campus. Les bâtiments universitaires sont disséminés, alors que les locaux communs (bibliothèque, restaurant, locaux de l’administration) se trouvent au centre. Le premier, qui s’appelle aujourd’hui l’Amphipôle, est inauguré en 1970. Treize ans après, c’est un autre édifice signé par l’architecte, l’Unithèque («la Banane »), qui entre en fonction. La même année, l’Unicentre et le Biophore sont inaugurés. Viennent ensuite, notamment, l’Anthropole (1987), le Génopode (1991), le Batochime (1995), l’Amphimax (2004) et Géopolis (2013). Déplaçons-nous en 2023, soixante ans après l’achat de la propriété. L’UNIL compte plusieurs nouveaux bâtiments. Tout près de la route cantonale, le Synathlon abrite plusieurs organisations sportives internationales, ainsi que l’Institut

SYNATHLON

Un nouveau bâtiment, dédié à l’étude du sport. © Karamuk * Kuo

AMPHIPÔLE

Rénovation douce pour cet édifice emblématique du campus. © Aeby Perneger & Associés

des sciences du sport de l’UNIL. Geste architectural audacieux, le «Projet Vortex» héberge plus de 1200 étudiants et chercheurs, juste à côté de la ligne de métro m1. Ainsi, pour la première fois, des habitants vivent sur le campus. Enfin, la recherche en neurosciences et en biologie est menée dans un édifice flambant neuf, dédié aux Sciences de la vie. Il situé juste en dessous de l’Amphimax. En parallèle, l’Unithèque est rénovée et agrandie. La Bibliothèque cantonale et universitaire, ainsi que le restaurant, se sont adaptés à la croissance du nombre d’étudiants. De leur côté, l’Institut suisse de bioinformatique, la Biologie computationnelle et l’Ecole des sciences criminelles sont installés dans l’Amphipôle remis à neuf. Derrière l’Anthropole, une passerelle enjambe l’autoroute pour accéder au nouveau Campus Santé, qui réunit la Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), le Centre coordonné de compétences cliniques (C4) et 500 logements. L’institution renforce sa présence en ville. AGORA – Centre du cancer, tout près du CHUV, compte 300 chercheurs et cliniciens de l’hôpital, de l’UNIL et de l’EPFL. Plus haut sur la ligne du métro m2, un nouveau bâtiment, au Biopôle d’Epalinges, accueille les activités de recherche soutenues par l’Institut Ludwig, comme l’ingénierie immunitaire en oncologie. 

1933

La plus ancienne image aérienne connue du campus. L’emplacement de « La Banane » accueillait alors un verger (page de gauche, au centre). Au nord-est, la ferme, la grange et le château rappellent qu’il y avait une vie à Dorigny avant l’UNIL. Tiré à part d’Allez savoir! 65, janvier 2017

L’avancement des projets : www.unil.ch/unibat > Projets en cours

© Avec l’autorisation de swisstopo (BA16072) Portfolio réalisé dans le cadre de l’«Année Gustave Roud 2015»; © Fonds Gustave Roud, BCU/Lausanne, C.-A. Subilia






LE CAMPUS DE DORIGNY RATTRAPE PAR LA VILLE

L’UNIL FAIT PEAU NEUVE

A l’horizon 2023, l’Université de Lausanne à Dorigny comptera quatre bâtiments supplémentaires. Deux autres seront rénovés et étendus. Le campus, qui accueille aujourd’hui plus de 17 000 personnes, se densifiera sans changer radicalement. Parallèlement, l’institution s’étendra en ville. Sur le site du CHUV, ainsi qu’au Biopôle d’Epalinges, des chercheurs en Sciences de la vie travailleront au sein de nouvelles installations.

Autrefois située en pleine campagne, l’Université de Lausanne est aujourd’hui entourée par la ville. Du premier bâtiment, inauguré en 1970, jusqu’aux projets actuels, récit d’un demi-siècle de développement.

UNITHÈQUE

L’intérieur de la future Bibliothèque cantonale et universitaire, après son extension. © Fruehauf, Henry & Viladoms

E

n 1963, le Canton achète la propriété de l’hoirie Hoyos de Loys, située à quelques encablures à l’ouest du chantier de l’Expo 64. A cheval sur les communes d’Ecublens et de Chavannes-près-Renens, ce terrain de 270 000 m2, dont 58 000 de forêts, se répartit sur les deux rives de la Chamberonne. De son passé campagnard et maraîcher, il a hérité de deux fermes, une grange et un château qui existent encore aujourd’hui. Le Conseil d’Etat confie alors le travail au Bureau de construction de l’Université de Lausanne-Dorigny. Cette task force est dirigée pendant plus de 30 ans par l’architecte Guido Cocchi (1928-2010). Ce Tessinois d’origine, formé à Zurich et à Lausanne et adjoint de l’architecte en chef Alberto Camenzind à l’Expo 64, imprime sa vision au campus. Les bâtiments universitaires sont disséminés, alors que les locaux communs (bibliothèque, restaurant, locaux de l’administration) se trouvent au centre. Le premier, qui s’appelle aujourd’hui l’Amphipôle, est inauguré en 1970. Treize ans après, c’est un autre édifice signé par l’architecte, l’Unithèque («la Banane »), qui entre en fonction. La même année, l’Unicentre et le Biophore sont inaugurés. Viennent ensuite, notamment, l’Anthropole (1987), le Génopode (1991), le Batochime (1995), l’Amphimax (2004) et Géopolis (2013). Déplaçons-nous en 2023, soixante ans après l’achat de la propriété. L’UNIL compte plusieurs nouveaux bâtiments. Tout près de la route cantonale, le Synathlon abrite plusieurs organisations sportives internationales, ainsi que l’Institut

SYNATHLON

Un nouveau bâtiment, dédié à l’étude du sport. © Karamuk * Kuo

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Rénovation douce pour cet édifice emblématique du campus. © Aeby Perneger & Associés

des sciences du sport de l’UNIL. Geste architectural audacieux, le «Projet Vortex» héberge plus de 1200 étudiants et chercheurs, juste à côté de la ligne de métro m1. Ainsi, pour la première fois, des habitants vivent sur le campus. Enfin, la recherche en neurosciences et en biologie est menée dans un édifice flambant neuf, dédié aux Sciences de la vie. Il situé juste en dessous de l’Amphimax. En parallèle, l’Unithèque est rénovée et agrandie. La Bibliothèque cantonale et universitaire, ainsi que le restaurant, se sont adaptés à la croissance du nombre d’étudiants. De leur côté, l’Institut suisse de bioinformatique, la Biologie computationnelle et l’Ecole des sciences criminelles sont installés dans l’Amphipôle remis à neuf. Derrière l’Anthropole, une passerelle enjambe l’autoroute pour accéder au nouveau Campus Santé, qui réunit la Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), le Centre coordonné de compétences cliniques (C4) et 500 logements. L’institution renforce sa présence en ville. AGORA – Centre du cancer, tout près du CHUV, compte 300 chercheurs et cliniciens de l’hôpital, de l’UNIL et de l’EPFL. Plus haut sur la ligne du métro m2, un nouveau bâtiment, au Biopôle d’Epalinges, accueille les activités de recherche soutenues par l’Institut Ludwig, comme l’ingénierie immunitaire en oncologie. 

1933

La plus ancienne image aérienne connue du campus. L’emplacement de « La Banane » accueillait alors un verger (page de gauche, au centre). Au nord-est, la ferme, la grange et le château rappellent qu’il y avait une vie à Dorigny avant l’UNIL. Tiré à part d’Allez savoir! 65, janvier 2017

L’avancement des projets : www.unil.ch/unibat > Projets en cours

© Avec l’autorisation de swisstopo (BA16072) Portfolio réalisé dans le cadre de l’«Année Gustave Roud 2015»; © Fonds Gustave Roud, BCU/Lausanne, C.-A. Subilia


Joëlle Proz (UNICOM)

ÉCONOMIE

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Allez savoir !

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LEGO C’EST PLUS QU’UN JOUET

La sortie du film « LEGO Batman », le 8 février, vient rappeler à quel point les briques danoises ont envahi notre univers. Du jouet à l’atelier destiné aux managers, en passant par le jeu vidéo et les mini-figurines, retour sur une saga inouïe. TEXTE SONIA ARNAL

I

l y a bien sûr les célèbres briques colorées avec lesquelles nous avons tous joué. Ensuite sont arrivés l’ambulance, le camion pompier ou le bateau pirate. Toujours plus sophistiqués, les LEGO ont ces dernières années investi les univers de films célèbres, Star Wars ou Harry Potter par exemple. Après quoi ils sont devenus personnages de jeux vidéo, œuvres d’art et finalement héros de

film : « LEGO Batman » arrive dans les cinémas romands le 8 février. Mais qu’est-ce qui fait le succès de cette marque, qui a pourtant failli disparaître ? LEGO, c’est bon pour les enfants A l’origine, les LEGO sont des jouets... de bois ! C’est notamment l’incendie de son usine qui incite le charpentier Allez savoir !

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ÉCONOMIE

La Maison d’Ailleurs  www.ailleurs.ch

d’ailleurs aussi l’accent sur le développement des compétences sociales, du langage et de l’imagination pour vanter ses gammes auprès des parents. Autre point fort, la faculté du groupe à coller à l’actualité, celle en tout cas qui touche les enfants. Ce fut le cas avec la conquête spatiale, qui donna dans les années 70 naissance à des boîtes sur ce thème, ou, exemples plus récents, le développement sous licence de gammes telles que Harry Potter, Star Wars, ou Minecraft. Avec, désormais, des déclinaisons d’univers sur plusieurs supports : il existe un LEGO Batman, mais aussi un film (d’animation) dont le héros n’est pas Batman, mais le... LEGO Batman !

Ole Kirk Christiansen, un Danois de Billund, à se lancer dans le plastique. Les premiers jouets produits dans ce matériau, en 1947, ne sont pas encore faits de briques encastrées – il faudra attendre encore une dizaine d’années. Mais dès les débuts, l’accent est mis sur les bénéfices pour le développement de l’enfant. Appréhender des concepts tels que la taille, le poids, la forme, l’espace, la perspective ne peut se faire que par la manipulation d’objets réels, comme le souligne le groupe dans sa communication. Les spécialistes du développement confirment : certaines facultés, comme la capacité à estimer une distance ou un poids, sont moins bonnes depuis que les tout-petits jouent sur des écrans. Utiliser ses mains en manipulant des objets en trois dimensions façonne des aires du cerveau particulières. Ça marche évidemment tout aussi bien avec d’autres jouets ou des cailloux, des marrons et des bouts de bois, mais les couleurs attractives et la possibilité de se lancer dans des constructions complexes en agglomérant les briques explique le succès du fabricant danois auprès des enfants. Qui ont aussi de toute éternité été séduits par les produits comme l’ambulance ou le camion pompier, qui leur permettent de se projeter dans le monde des adultes et de s’exercer à y jouer un rôle – le marketing du groupe met 38

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MARC ATALLAH Maître d’enseignement et de recherche en Faculté des lettres. Nicole Chuard © UNIL

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LEGO, c’est bon pour les adultes La fascination pour les LEGO continue à l’âge adulte. Marc Atallah, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, est également directeur de la Maison d’Ailleurs, le musée de la science-fiction, de l’utopie et des voyages extraordinaire sis à Yverdon-les-Bains. Fin 2014, il y a organisé une exposition, Alphabrick, qui présentait au public des œuvres d’art et des univers fictionnels faits de LEGO. « L’idée de base était de s’interroger sur la manière dont des univers de type Star Wars ou Le Seigneur des anneaux se construisent », explique-t-il. Dans le domaine de la fiction, il est en effet fréquent qu’un monde se décline et se développe sur plusieurs médias : romans, bandes dessinées, films, figurines et... pourquoi pas, en LEGO. « Star Wars a un univers extrêmement étendu, précise Marc Atallah. Les célèbres films couvrent environ deux générations, soit quelque 70 ans, alors que l’on trouve 35 000 à 40 000 ans de récits déployés dans d’autres médias. Cet univers gigantesque a donc été construit par touches qui coexistent sur plusieurs supports. Les films ne sont qu’une petite partie de ce tout. » L’exposition posait la question de la construction de ces univers éclatés et de la façon dont l’amateur de ces fictions recrée mentalement ces mondes, les unifie et bouche les trous – puisque, forcément, tout n’est pas explicite et développé dans ces récits. LEGO a commencé à s’approprier ces univers au début des années 2000, par le biais de franchises. Le fabricant met sur le marché des boîtes liées à aux aventures de Star Wars. Suivront notamment Harry Potter ou Le Seigneur des anneaux. Et ça marche. Surtout chez les adultes : ils achètent souvent toute la gamme, parce qu’ils savent que sa durée de vie est limitée – en général elles sont vendues durant 12 mois puis disparaissent des étals. Avant de connaître une deuxième vie sur Internet. Une boîte qui propose un vaisseau complexe, tel que, par exemple, le Falcon Millenium, si elle est toujours scellée quelques années après son retrait du marché, peut se revendre jusqu’à 5 ou 6000 francs. La dimension commerciale est donc indéniable, mais ce n’est pas la seule qui rend compte de cet engouement pour les LEGO rattachés à un monde fictionnel.


La Faculté des HEC   www.unil.ch/hec

Il y a d’abord l’explication plutôt freudienne, qui consiste à dire que c’est une attitude régressive, une façon de rester ancré ou de se réfugier dans un stade de développement antérieur. Ou alors que ce goût du jouet d’enfant serait le propre d’une génération d’adulescents qui a de la peine à grandir et ne veut pas abandonner les objets de son enfance. Marc Atallah privilégie une autre piste : « Je trouve plus intéressante la thèse que développe Umberto Eco dans De Superman au surhomme. Il y décrit le besoin qu’a l’homme de vivre dans un monde de fiction qu’il apprécie, de prolonger sa lecture en recréant cet univers, avec ses héros, ses règles, dans son quotidien. Construire et collectionner les LEGO tirés des univers de Tolkien, de Star Wars ou de Harry Potter serait un moyen de se replonger dans ces fictions pour les reprendre à son compte et les continuer. » Cet intérêt pour les univers ainsi reliés au réel n’est pas que de l’ordre du jeu : se plonger dans une fiction, la prolonger, c’est aussi une façon d’analyser le monde qui nous entoure, de le comprendre et de modeler notre vie. Et Marc Atallah de conclure : « J’enseigne les théories de la fiction, et j’aime bien me focaliser sur un aspect, un détail, et l’exploiter pour monter autour de lui une exposition qui le rende plus concret et permette de lancer le débat ». LEGO, c’est bon pour le business En 2004, LEGO essuie des pertes énormes : 250 millions de francs, avec des ventes en baisse de 25%. L’année 2003 avait déjà été calamiteuse. Que se passe-t-il ? Anette Mikes, professeur au Département de comptabilité de la Faculté des Hautes Etudes Commerciales, explique la dégringolade économique d’une entreprise qui jusque-là se portait bien par un excès de confiance : « LEGO a été victime de son succès, explique-t-elle. Comme elle marchait bien, la marque a diversifié ses activités, mais très au-delà du raisonnable, en lançant par exemple des vêtements pour enfants, des parcs de divertissement à thème, des livres, etc. ». Ce qui a d’une part exigé des investissements massifs, notamment pour les très dispendieux parcs, mais aussi une diminution des marges : le stylisme ou la littérature pour enfants n’étant pas la spécialité du groupe, les activités économiques nées de cette diversification ont été mal gérées. Un CEO plus tard, décision est prise de se recentrer sur le core business. « Pour rappeler cette nécessité, Jørgen Vig Knudstorp s’est promené durant des mois avec le camion pompier des années 70 sur lui – il le ressortait à chaque séance », raconte Anette Mikes. LEGO vend donc à d’autres ses activités annexes – elles sont exploitées sous licence – et se concentre sur les briques. Avec un souci de rationalisation poussé à l’extrême : pour le nouveau patron, 80% des pièces fabriquées doivent être communes à toutes les boîtes. Les produits uniques, la chevelure du Chewbacca de Star Wars, par exemple, doivent s’adapter à cette contrainte – quand le personnage velu a été introduit, une autre pièce unique a été retirée des étals, pour lui céder la place. Avec

ANETTE MIKES Professeure à la Faculté des HEC. Nicole Chuard © UNIL

cette politique très drastique, les coûts de production sont très bas et la marge sur des produits qui ne sont somme toute que de plastique est énorme. L’autre aspect très travaillé par la nouvelle direction fut la relation avec les détaillants. « Le CEO s’est demandé qui était le client de LEGO, relate Anette Mikes. La réponse classique, c’est « les enfants », ou éventuellement « les parents » si l’on se souvient que ce sont eux qui tiennent les cordons de la bourse. Sa réponse à lui a été « les magasins qui nous dédient leurs étagères et présentoirs ». Car sans visibilité chez les détaillants, pas de ventes. L’effort fut donc porté sur les géants de la vente de jouets, comme Toys “R” Us ou Walmart pour les USA. L’idée ? Faire tourner les inventaires beaucoup plus vite que la concurrence, en présentant plus de nouveaux produits, sans pour autant noyer les magasins sous les stocks. Un vrai challenge en termes de logistique, que les spécialistes de LEGO ont néanmoins réussi à relever. Pour donner un exemple du souci du détail : les constructions géantes qui accueillent les visiteurs dans les rayons en période de Noël ne sont pas élaborées par les employés des magasins, mais mises à disposition par LEGO. « Evidemment, un inventaire renouvelé plus souvent, en moyenne six fois

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ÉCONOMIE

par année pour LEGO contre quatre pour ses concurrents, c’est plus de ventes pour les supermarchés, précise Anette Mikes. Du coup, cela donne un avantage au Danois, qui peut négocier des marges plus élevées que la norme admise dans cette industrie : en général les fabricants offrent aux détaillants une marge de 60 %, mais LEGO n’accorde que 33 %. » Si l’on ajoute à cela quelques idées brillantes, comme les franchises de séries telles que Harry Potter, Avengers ou Ghostbusters, qui ont pour mérite entre autres de faire porter les frais de marketing à Hollywood plutôt qu’au fabricant de jouets, on arrive à des résultats financiers que la professeure qualifie de « stupéfiants – en général une profitabilité de 20 à 30 % est déjà bien dans cette industrie, mais là on frôle les 80 %. C’est simplement inouï ».

RÉUSSITE

Inauguration du plus grand magasin LEGO au monde, le 17 novembre 2016 à Leicester Square (Londres). © Stefan Wermuth / Reuters

LEGO, c’est bon pour les managers Si jouer aux LEGO est bon pour le développement de l’enfant, c’est bon aussi pour stimuler la créativité des adultes, notamment des managers. La marque a ainsi développé une gamme, les « LEGO Serious Play », destinée aux entreprises. Les sessions sont en principe menées par un facilitateur spécialement formé et sont supposées durer de 3 à 5 heures, avec idéalement une douzaine de participants. Le contenu des boîtes distribuées aux employés est fonction de la finalité du workshop : créativité, storytelling, stratégie et développement – chaque participant pouvant puiser 40

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dans un kit les éléments dont il a besoin pour concrétiser une idée. Le concept est né... à Lausanne. C’est à l’IMD en effet que deux professeurs et le CEO de LEGO l’ont créé en réfléchissant à de nouveaux outils pour stimuler la réflexion et la créativité quant à la stratégie des entreprises. Avec en arrière-fond le même constat que pour les enfants : matérialiser en 3D son idée aide à mieux la concevoir, à la préciser et à la communiquer. Et ça marche ? Connu (et récompensé) notamment pour ses deux best-sellers Business Model Generation et Value Proposition Design, Yves Pigneur est professeur à la Faculté des Hautes Etudes Commerciales. « Je n’ai jamais animé de LEGO Serious Play, mais j’ai assisté à plusieurs séances en Suisse et au Japon. Il me semble qu’il y a trop d’éléments et qu’ils sont trop complexes. On se perd un peu dans les détails de la construction, et du coup on y perd en efficacité. Je pense qu’il est plus simple et plus productif de s’en tenir à quelques éléments plus basiques, des feuilles, des ciseaux, des boîtes en carton, pour vraiment favoriser la réflexion, se contenter de schématiser un concept en 3D sans se fourvoyer dans la dimension « construction ». Car, pour lui, « s’aider de ses mains est incontestablement un moyen efficace de réfléchir et de créer – devoir construire son idée en 3D permet de mieux l’élaborer, de l’affiner, et aux autres participants de la comprendre, de la critiquer, de participer à son amélioration ». 


LIVRES

LES CHEMINS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

BÂTISSEURS MÉCONNUS Carré et bien illustré, cet ouvrage est issu d’un séminaire de master piloté par Dave Lüthi, professeur associé en Section d’histoire de l’art. Il présente des architectes vaudois des XIXe et XXe siècles, un peu (beaucoup) oubliés de nos jours. Grâce à des recherches en archives (physiques ou numériques), le lecteur découvre la vie, la famille, les voyages, la vie sociale et politique de professionnels qui ont parfois fondé des dynasties. Et bien entendu leurs réalisations, dont certaines demeurent de nos jours. Ce livre est d’ailleurs l’occasion de regarder d’un nouvel œil des bâtiments intéressants, comme des écoles et des villas, qui se trouvent un peu partout

moindre. La notion commune de croissance, basée notamment sur l’augmentation de la consommation, en prend également pour son grade. Dans un second temps, les chercheurs proposent une série de chemins possibles vers la transition. Au niveau local, c’est par exemple l’utilisation de balles de riz pour produire du gaz puis de l’électricité en Inde, ce qui permet d’économiser beaucoup de kérosène et de diesel. Cela passe également par l’abandon total du nucléaire, à cause des risques d’accidents en premier lieu.

Mais également parce que si l’on considère l’ensemble de la chaîne de production de cette énergie, les rejets de CO2 sont très élevés. Dans un cadre plus large, l’une des contributions décrit une fiscalité qui pénalise les énergies fossiles et soutient l’abandon des subventions publiques à ces dernières. Autant de pistes stimulantes.  DS

en terres vaudoises. Enfin, un chapitre raconte l’histoire d’Alice Biro, architecte zurichoise d’origine hongroise, née en 1923. Cette disciple d’Alvar Aalto fut l’une des premières femmes diplômées de l’EPUL, l’ancêtre de l’EPFL, en 1948.  DS

vestigation et de recherche sur le sommeil (CIRS), les auteurs décortiquent les mécanismes et fonctions du sommeil, ainsi que son évolution au fil des siècles. Avec humour, toujours. Riche en conseils pratiques, le livre recèle également de nombreux exemples de situations, parfois cocasses, vécues par les deux spécialistes au cours de leur carrière clinique. Finalement, Raphaël Heinzer et José Haba-Rubio se prêtent au jeu du vrai /faux. On dort moins bien les soirs de pleine lune : alors, mythe ou réalité  ? A noter que la parution de cet ouvrage marque les dix ans d’activités du CIRS, le centre le plus actif de Suisse en termes de patients vus.  MA

L’ÂGE DE LA TRANSITION. Sous la dir. de Dominique Bourg, Alain Kaufmann et Dominique Méda. Les Petits matins / Institut Veblen (2016), 240 p.

TRAJECTOIRES D’ARCHITECTES VAUDOIS. DOUZE CARRIÈRES DE CONSTRUCTEURS DES XIXe ET XXe SIÈCLES. Revue vaudoise de généalogie et d’histoire des familles (2). Editions Alphil (2016), 224 p.

1, 2, 3, SOMMEIL ! Collègues et complices depuis six ans, Raphaël Heinzer et José HabaRubio cosignent Je rêve de dormir, un ouvrage passionnant et facile d’accès pour tout comprendre sur Morphée. Respectivement médecin-chef et médecin associé au Centre d’in-

«

«

Le développement durable est mort, vive la transition écologique ! Fruit d’un colloque qui s’est tenu en 2015, cet ouvrage collectif propose des articles brefs et accessibles. Parfois vigoureux, ces textes sont nés de la plume de chercheurs de l’UNIL ainsi que d’universitaires de différents pays. Dans une première partie, les auteurs détaillent les obstacles à la transition écologique, dont la théorie économique dominante aujourd’hui, dite «néoclassique», n’est pas le

JE RÊVE DE DORMIR. Par José Haba-Rubio et Raphaël Heinzer. Favre (2016), 272 p.

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SPORT

LA RELIGION DU

HOCKEY Pour certains joueurs et supporters, le soutien affiché pour une équipe se traduit par des rites, des croyances et des comportements qui ressemblent à un culte. Faut-il les croire ? TEXTE JOCELYN ROCHAT

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a fièvre monte dans les Mecque du hockey suisse. A l’approche des play-off, la phase finale du championnat, les supporters passent de l’enfer au paradis. Bientôt, superstition oblige, les barbus envahiront les patinoires. En attendant, les gardiens – forcément des anges – se démènent pour obtenir un blanchissage, parce que les joueurs adverses tentent de les crucifier sur leur ligne. Et les buteurs deviennent des messies, quand un miracle se produit et qu’il annonce Noël avant l’heure. On peut évidemment sourire de ce déluge de métaphores religieuses, qui font le bonheur des commentateurs et des fans de sport d’hiver. A moins que, comme Olivier Bauer, qui est professeur de Théologie pratique à l’UNIL, on décide de « les prendre au sérieux » et qu’on les voie comme « un indice révélant des enjeux bien plus importants ». 1 LE CREDO DU HOCKEY

C’était notamment le cas à Montréal, où le théologien a enseigné et où il a pu observer que le culte du hockey atteignait des sommets. Là-bas, le maillot du club local, le Canadien de Montréal, s’appelle « la Sainte-Flanelle ». La Coupe Stanley qui récompense la meilleure équipe de l’année est considérée comme « The Holy Grail » (le saint Graal) ou « le Calice d’argent » ; les meilleurs joueurs sont intronisés dans « le

CAREY PRICE

Le gardien du Canadien de Montréal est sur­ nommé « Jesus Price ». Ici, lors d’un match de NHL à domicile contre les Detroit Red Wings, en novembre 2016. Photo by Francois Lacasse/NHL via Getty Images

Temple de la renommée » ; le gardien star de l’équipe locale, Carey Price, est surnommé « Jesus Price », et, plus trivialement, quand les joueurs sont en réussite, le public sourit à l’idée qu’ils « les ont trempées dans l’eau bénite ». Le hockey produit également des reliques, comme ces maillots portés par les joueurs, qui sont parfois signés ou conservés dans des vitrines, et dont la valeur augmente en fonction des fluides qui les imprègnent, comme la sueur, le sang, les larmes ou le champagne de la victoire... Voilà qui témoigne d’un fond tenace de culture catholique, mais pas seulement. Car il faut encore ajouter à cette liste des comportements et des rites qui laissent songeurs. Olivier Bauer a notamment découvert que ses étudiants, des gens « a priori normaux », commençaient par inscrire toutes les dates des matches du Canadien dans leur agenda, et qu’après, toute leur vie s’organisait autour de ces rendezvous prioritaires. Certains inconditionnels du club de hockey escaladent encore à genoux les 99 marches de l’escalier menant à l’oratoire Saint-Joseph pour demander un miracle au Tout-Puissant. Et d’autres allument des cierges en espérant la victoire de leurs protégés. Ces prières et ces pèlerinages témoignent de l’existence d’un culte du hockey. Mais jusqu’à quel point ? « On ne sait pas très bien ce qu’est la religion, c’est très vaste, répond le chercheur de l’UNIL. Si la religion, c’est de

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SPORT

Institut lémanique de théologie pratique (ILTP)  http://www.unil.ch/iltp

breuse que celle des amateurs de football ? « Parler de religion du hockey à Lausanne serait exagéré, nuance Olivier Bauer. Ici, il y a une passion, un engouement, un amour de ce sport, mais le hockey n’est que rarement le centre de la vie de gens. Si on a une religion du hockey en Suisse, elle est à l’image de la pratique religieuse dans les églises protestantes: relativement modeste, réservée, pas trop enthousiaste ni exubérante. » Les victoires ou les défaites du LHC ont également moins d’impact sur la vie des Vaudois qu’elles ne l’ont à Montréal. « Quand le Canadien est éliminé, tout le monde est triste dans la rue et le chiffre d’affaires des bars plonge, parce que les gens n’ont plus le goût à rien. Nous n’avons pas le même sentiment d’intensité en Suisse, parce que les choses sont partagées. Si le LHC perd, il reste le Lausanne Sports (football), le champion de tennis vaudois Stan Wawrinka, les skieurs, le curling… Les amateurs de sports peuvent placer leur intérêt dans de nombreuses autres disciplines. » Le hockey n’est d’ailleurs pas le seul sport à susciter des passions quasi religieuses. Certains clubs anglais, italiens ou marseillais de football, comme le cricket en Inde, génèrent des passions similaires. On a aussi décrit le baseball aux Etats-Unis comme une religion civile, précise le chercheur de l’UNIL. Et la liste n’est pas exhaustive. 2 LES JOUEURS Y CROIENT

permettre une relation à Dieu, je trouvais qu’il n’y en avait pas beaucoup dans le hockey, alors j’ai essayé d’autres termes pour qualifier le phénomène. » Ne faudrait-il pas, plutôt, parler d’une religion civile, qui est une question d’identité partagée par l’ensemble d’une communauté ? Ne s’agit-il pas d’une quasi-religion, qui est une religion sans Dieu, mais avec une force doctrinale, idéologique, des rites et des récits, qui foisonnent dans le hockey ? N’est-ce pas plutôt une religion implicite, qui fonctionne comme une religion sans en avoir le titre ? En effet, s’il est clair que le hockey se revendique rarement comme une église, il en a tout de même adopté certains traits. Sans choisir parmi ces nuances, Olivier Bauer estime qu’« est religion tout ce qui fonctionne comme une religion, même si ce n’est que pour certaines personnes ou seulement dans certaines circonstances ». Et l’étude du sport, ici le hockey, montre que, pour certains, l’adoration d’un club confine au sacré. Notamment quand elle donne un sens à la vie des inconditionnels du Canadien de Montréal. Ce culte du hockey est-il également pratiqué en Suisse, et notamment à Lausanne, où le Lausanne Hockey Club (LHC) est suivi par une cohorte de fidèles bien plus nom44

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OLIVIER BAUER Professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions. Nicole Chuard © UNIL

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Les supporters ne sont pas les seuls à être possédés par le démon du hockey. Les athlètes sont clairement travaillés par la question. « Aujourd’hui, il se pourrait qu’il y ait plus de sportifs ouvertement croyants qu’on ne croise de chrétiens militants dans les rues de Suisse ou du Canada, dans nos sociétés qui s’éloignent du christianisme », relève Olivier Bauer. Cela se traduit par une série de comportements, plus ou moins folkloriques, et surtout plus visibles. Certains hockeyeurs superstitieux enfilent systématiquement le patin droit avant le gauche. Dans un registre plus classique, le gardien du Canadien de Montréal porte une petite croix derrière son casque, à laquelle il a cette année ajouté une référence au texte biblique de Jean 3:16. On a aussi pris l’habitude de voir les barbes fleurir chez les joueurs à l’époque des phases finales. Ce rituel a été imaginé par les Islanders de New York qui ont cessé de se raser lors des play-off, et qui ont gagné la Coupe Stanley en 1980. L’idée a fait recette et l’on voit désormais le nombre des barbus augmenter dans les patinoires du monde entier, Suisse comprise, à la fin de l’hiver. Comment expliquer cette multiplication des pratiques religieuses et des superstitions chez les sportifs ? Le chercheur de l’UNIL, qui en a notamment discuté avec des aumôniers d’équipes sportives anglo-saxonnes, avance plusieurs hypothèses. « Un gardien a expliqué que, quand il plaçait Dieu au centre de sa vie, il n’y mettait plus le sport, ce qui


changeait la perspective, et relativisait les choses » dans ce sport de haut niveau, où tout devient très vite excessif. D’autres athlètes expliquent que la pratique religieuse leur permet de devenir de meilleures personnes, et, in fine, de meilleurs joueurs. N’oublions pas, enfin, l’hypothèse missionnaire. Si l’on observe depuis quelques années une multiplication des messages à caractère religieux dans les grandes manifestations sportives, du T-shirt « I belong to Jesus » que dévoilait le footballeur Kaká après ses plus grandes réussites, aux footballeurs musulmans qui célèbrent leurs buts en adoptant la position du prieur, c’est aussi parce que « le sport offre une tribune formidable ». Encore faut-il, pour cela, avoir un signe à montrer, « car toutes les religions ne sont pas égales devant les gestes visibles, et toutes ne pratiquent pas le témoignage ostentatoire », précise Olivier Bauer. Les protestants américains ont ainsi attendu 1976 pour voir le joueur de football Herb Lusk prier un genou à terre après avoir inscrit un « touchdown », un exemple souvent imité depuis lors. Et en 2011, c’est Tim Tebow, le fils de missionnaires baptistes et quarterback, qui a donné son nom à une pratique, le « tebowing », qui consiste à prier ostensiblement, quand tous les gens qui vous entourent sont occupés à autre chose. Après être entré en cours de match, dans une partie qui semblait perdue, le joueur des Broncos de Denver a permis à son équipe de remonter en quelques minutes un retard de 15 points, pour l’emporter in extremis. A la fin du match, alors que tout le monde célébrait le miracle, le joueur a posé son genou droit à terre, et il a mis son coude sur le genou gauche, avant de baisser la tête et de prier. Cette gestuelle, devenue virale sur Internet, a été imitée par les fans, jusqu’à la star américaine du ski Lyndsay Vonn, au moment de célébrer un succès à Beaver Creek. Autant de manifestations qui « remplissent toutes la même fonction: rendre public ce qui pourrait rester dans l’intime ou dans le privé, relève Olivier Bauer. Ce que veulent les athlètes, c’est faire savoir qu’ils ont une foi, et en témoigner. Et le sport permet, dans une époque en mal d’affirmation identitaire, un subtil retour du religieux. » 3 LES SPECTATEURS Y CROIENT

Le plus étonnant, dans cette religion du sport, ce n’est pas tant qu’un hockeyeur enfile toujours son patin droit avant le gauche, de crainte de s’attirer la scoumoune ou d’outrager les dieux du hockey, mais que les spectateurs pratiquent des rituels similaires, que ce soit dans les gradins, mais également quand ils suivent le match à distance, devant leur poste de télévision où ils n’ont aucune prise apparente sur le match. Apparemment, car on assiste ici à une tentative d’agir sur l’insaisissable, dans ce hockey où, les fans le savent bien, rien n’est gravé dans les tables de la Loi. Un soir, votre

FERVEUR(S)

Kris Letang, des Pittsburgh Penguins, brandit la Coupe Stanley – dite « Le Saint Graal », lors d’une parade triomphale, le 15 juin 2016. En dessous, les supporters du Lausanne Hockey Club, lors d’un match contre Fribourg Gottéron, à Malley. En Suisse, le culte du hockey est moins exubérant. Photos Keith Srakocic / AP / Keystone - Salvatore Di Nolfi / Keystone

équipe préférée va facilement s’imposer, et le lendemain, avec les mêmes joueurs et face au même adversaire, la rondelle capricieuse s’écrasera trois fois sur les poteaux, et l’équipe subira une défaite aussi mortifiante qu’incompréhensible. Difficile, dans ce contexte, de ne pas penser que « les dieux du hockey » se sont ligués contre ses couleurs. Du coup, les fans tentent de faire rouler la rondelle du bon côté. Certains marmonnent une prière, croisent les doigts ou partent à la cuisine au moment du penalty. « C’est de la superstition ; n’empêche, ils y croient. Et quand le grigri échoue, le spectateur va, inlassablement, reformuler son credo et reconstruire ses rites en devenant plus minutieux. » Il imaginera que la prière n’est à 100 % efficace que le samedi. Ou seulement contre Servette... « Et c’est là que le jeu devient une religion, parce qu’il crée cette relation avec une transcendance, note Olivier Bauer. Ce n’est pas en jouant avec le club ou en soutenant ses couleurs qu’on rend culte au hockey, mais c’est quand on prie, qu’on supplie ou qu’on tente de contraindre Dieu, les divinités du jeu, saint Jude, le patron des causes perdues ou les esprits des grands joueurs décédés, pour tenter de les faire intervenir sur la patinoire en sa faveur. »

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SPORT

Cette passion du hockey entraîne aussi, parfois, les fans du côté obscur de la Force. En témoignent ces tentatives visant à faire trébucher l’adversaire. Notamment la pratique du « vaudouïsme », qu’Olivier Bauer a pu observer au Canada. « Pour des motifs qui dépassent un peu l’entendement, des gens qui semblent relativement équilibrés n’hésitent pas à façonner des poupées à l’effigie des meilleurs joueurs de l’équipe adverse, afin de leur planter des aiguilles un peu partout. » Ces excès ne sont pas les seuls à faire débat. Olivier Bauer est ainsi l’auteur d’une chronique dans Le Temps ou il se demande, exemples à l’appui, si « prier c’est tricher ». En 2010 en effet, un partisan des Roughriders de la Saskatchewan, un club de football canadien – faux jumeau du football américain – a accusé l’entraîneur d’une équipe adverse d’avoir triché pour remporter la finale du championnat. Son club s’est en effet imposé grâce à une pénalité obtenue à la dernière seconde, et réussie à la deuxième tentative. Problème ? L’entraîneur accusé avait prié avant la rencontre pour demander un tel miracle au Tout-Puissant. Pour Olivier Bauer, l’affaire est entendue: il faut acquitter l’entraîneur de ce « dopage spirituel », qui n’est d’ailleurs pas interdit. « Pour que cela revienne à tricher, il faudrait que la prière apporte un avantage particulier. On devrait alors émettre la triple hypothèse de l’existence d’une entité supérieure, de sa volonté d’intervenir dans le monde du sport, et enfin de la possibilité pour les athlètes de l’influencer par la prière. » Si les trois conditions ne sont pas réunies, reste à constater que ces allusions permanentes aux divinités dans le sport font débat. Y compris chez les athlètes. En tennis, André Agassi a notamment révélé dans un livre que la manière par laquelle son collègue Michael Chang remerciait Dieu après chacune de ses victoires « le rendait malade ». Si tous les deux se disent chrétiens, l’un pratiquait plus discrètement, alors l’autre profitait de sa notoriété pour parler de sa foi. « La question intéressante qui se pose ici serait de savoir si Agassi reproche à Chang de bénéficier de l’aide de Dieu, ou s’il estime que ce discours dénigre le talent tennistique, parce que, si c’est Dieu qui gagne, où est le mérite ? », observe Alain Bauer.

AU FOOTBALL AUSSI

Après avoir vaincu Liverpool en finale de la Champions League en mai 2007, Kaká (AC Milan) dévoile un t-shirt à message religieux. © Kai Pfaffenbach / Reuters

4 LES ÉGLISES S’EN MÉFIENT

Reste enfin à constater que le christianisme s’est toujours méfié des activités sportives. Pour des motifs très logiques, quand les premiers croyants étaient emmenés au stade pour y être massacrés par des bêtes fauves. Mais pas seulement. « Le christianisme a toujours considéré le sport comme un rival. Bien sûr, il y a ces textes de Paul de Tarse, où l’apôtre de Jésus explique: « Je traite durement mon corps et je l’endurcis », mais on trouve aussi, dès les origines, de nombreux écrits critiques, comme ceux du théologien Tertullien (mort en 220) qui qualifie le stade de « satanodrome ». 46

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Par la suite, les puritains ont souvent interdit la pratique sportive dominicale. Pourtant, avec la modernité, le regard posé sur le sport a évolué. Lors de la Révolution industrielle, dans l’Angleterre de 1850, un pasteur anglican nommé Charles Kingsley imagine la Muscular Christianity, « une version virile du christianisme où la force, le défi et la compétition ont toute leur place ». En 1891, aux Etats-Unis, c’est le docteur en théologie James Naismith qui invente le basketball. Et en France, en 1905, ce sont des catholiques qui sont à l’origine du club de foot l’AJ (pour Association de la Jeunesse) Auxerre, qui est fondé par le vicaire, un certain abbé Deschamps, qui a donné son nom au stade de football du club. « Le christianisme existe aussi dans une version musclée, observe le professeur de l’UNIL. Non sans risque, mais certains ont considéré qu’il était possible d’être pieux et musclé à la fois. » Reste à savoir si le développement de cette religion du hockey, comme du sport en général, est une bonne nouvelle. Une question à laquelle Olivier Bauer répond clairement « non ». « D’abord parce que les Eglises chrétiennes vont durer plus longtemps que les clubs de sport. Aujourd’hui, il y a le risque qu’une équipe fasse faillite, ou qu’elle soit vendue et qu’elle déménage, ou simplement qu’elle sombre dans les profondeurs du classement. Il faut ajouter à cela que la religion du hockey est très tribale. Ça marche beaucoup à la haine, avec des cris, des maillots piétinés, même si cela reste symbolique. Et enfin, il y a une glorification de la sélection dans le hockey. Dans ce business, celui qui ne sert plus à l’équipe est jeté avec brutalité, et ces pratiques servent malheureusement de modèles et sont transmises à la société. Du coup, je trouve que ma conception de l’Evangile et du christianisme est une meilleure nouvelle que la religion du sport. » Difficile de lui donner tort, sauf quand le LHC gagne. 


RÉFLEXION

LA BIBLIOTHÈQUE e AU XXI SIÈCLE

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epuis des décennies, la mort du livre et celle des bibliothèques sont régulièrement annoncées. Fort heureusement, les livres sont toujours là et les bibliothèques aussi, même s’il est vrai qu’en particulier le public universitaire lit en majorité sur support numérique. Les chiffres sont éloquents : en 2016, vous avez emprunté quelque 200 000 ouvrages sur les sites UNIL de la Bibliothèque cantonale et universitaire – Lausanne (BCUL). Vous avez consulté 15 millions de fois des bases de données, utilisé presque 200 000 fois les ebooks et téléchargé quelque 1,6 million d’articles scientifiques. Malgré tout, vous êtes venus travailler plus de 1,5 million de fois sur les sites Unithèque et Internef de la BCUL. La bibliothèque du XXIe siècle est donc bien plus qu’une collection de livres. Certes, elle met à disposition des journaux, livres, périodiques scientifiques, CD, DVD, bases de données, ebooks et e-journals. Cependant, au XXIe siècle, comme auparavant, la bibliothèque reste un lieu emblématique qui se matérialise dans des bâtiments. C’est un espace de travail, un environnement d’étude propice à la concentration et inspirant le savoir. Le nombre d’étudiants a fortement progressé sur le campus UNIL ces dernières années, la popularité du lieu bibliothèque n’a en rien diminué, bien au contraire, et nos surfaces sont devenues trop exiguës pour répondre à l’afflux.

LA BIBLIOTHÈQUE CLASSIQUE EST UN LIEU SILENCIEUX ; OR LA RÉFORME DE BOLOGNE A, ENTRE AUTRES, MIS L’ACCENT SUR DES TRAVAUX RÉALISÉS EN COMMUN.

JEANNETTE FREY Directrice de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne

Des projets d’agrandissements ont donc été envisagés dans les différents sites. Dès 2015, la BCUL a eu la chance de pouvoir reprendre des espaces à l’Internef. Outre la création de places de travail supplémentaires dans le libre-accès, cette extension a permis à la BCUL de répondre à un nouveau besoin, celui de disposer de salles de travail en groupe. La bibliothèque classique est un lieu silencieux ; or la réforme de Bologne a, entre autres, mis l’accent sur des travaux réalisés en commun. En conséquence, nous avons créé à la BCUL site Internef des salles de travail en groupe, disponibles sur réservation en ligne pour les membres de la communauté UNIL. Agrandissement Dès 2018, le Musée cantonal des Beaux-Arts rejoindra le Pôle muséal en voie de création près de la gare de Lausanne. La BCUL reprendra à cette occasion une partie des locaux laissés libres au sein du Palais de Rumine. Cependant, le principal projet d’agrandissement de la BCUL concerne l’Unithèque. Il sera réalisé dans les années 2017-2020.Un concours d’architecture a permis en 2015 de se déterminer sur le projet lauréat, ABAKA, qui nous propose un majestueux développement au creux de la colline de Dorigny (lire également en p. 30). Il sera mis à profit pour étendre le libreaccès, mais surtout pour répondre à l’évolution des modes de travail des

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étudiants et des chercheurs. Des lieux modulaires d’échange, de sociabilité et d’interaction seront ainsi proposés. Dans l’Unithèque étendue, la BCU Lausanne fera éclore des univers de savoirs conjuguant imprimé, multimédia et numérique, des galaxies à découvrir et apprécier en solitaire, en duo ou en groupe, en présentiel ou en liaison avec des condisciples du monde entier. Un seul espace L’un des défis les plus redoutables pour la bibliothèque du XXIe siècle est de rendre visibles les collections imprimées, multimédias et numériques dans un même espace. La mise en œuvre, dès le mois d’août 2016, du nouveau catalogue Renouvaud représente une étape très importante dans ce processus. Cet outil vous permet dès aujourd’hui d’effectuer des recherches et d’accéder à toutes les ressources imprimées et numériques disponibles pour la communauté UNIL-CHUV-HEP Vaud par un seul portail. Renouvaud vous propose ainsi plus de 1 milliard de références d’articles et d’ouvrages, en provenance du monde entier – une collection bien plus importante que ce que nos locaux de Dorigny ne pourront jamais accueillir. Il nous reste à rendre tangibles toutes ces collections dans la Banane ABAKA, et la communauté UNIL aura à sa disposition tout à fait réellement une bibliothèque de pointe du XXIe siècle. 

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HISTOIRE

AMOUR ET POUVOIR

AU PAYS DES

SOVIETS Dans « Une histoire érotique du Kremlin », la chercheuse Magali Delaloye retrace la vie de femmes qui gravitaient au cœur du bolchévisme. Militante de l’amour libre, fille adorée, épouse effacée, piégée ou exilée volontaire : comment ont-elles tracé leur route aux côtés de Lénine ou de Staline ? TEXTE DAVID SPRING

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l’époque soviétique, et particulièrement pendant l’ère stalinienne (1929-1953), le Kremlin est un bastion masculin. Pourtant, des femmes ont vécu et agi dans ce cercle du pouvoir, espace dangereux où se mêlent sans cesse la vie publique et l’intimité, et où ni amitié, ni l’amour ne protègent de la prison (ou pire). Un ouvrage paru récemment sous la plume de Magali Delaloye, première assistante au Centre en études genre 48

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ALEXANDRA KOLLONTAÏ

A Londres, en 1925. © RGASPI (Moscou)

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(Faculté des sciences sociales et politiques), raconte ces destins peu connus. Prolongement de sa thèse soutenue en 2012, Une histoire érotique du Kremlin court de la Russie tsariste jusqu’à la fin de l’Union soviétique. Le livre est notamment nourri de son patient travail dans les Archives gouvernementales russes d’histoire socio-politique, à Moscou. Avec la complicité de la chercheuse, Allez savoir ! retrace quelques parcours, en quatre temps.



HISTOIRE

Le Centre en études genre www.unil.ch/ceg

1 LE TEMPS DES MILITANTES

Personnage « extraordinaire », Alexandra Kollontaï (18721952) a les faveurs de Magali Delaloye. Issue de la petite aristocratie, elle refuse le mari que ses parents souhaitent lui imposer. « Cette belle femme, qui a toujours fait plus jeune que son âge », épouse alors un cousin désargenté, Vladimir Kollontaï, avec qui elle s’enfuit. Polyglotte et bien formée, elle s’approche des idées révolutionnaires, s’inscrivant en cela dans la continuité du mouvement des populistes (narodnichestvo). Ces derniers, intellectuels issus des milieux favorisés, souhaitent libérer la paysannerie russe à l’époque des derniers tsars. En 1898, cet esprit rebelle se rend à Zurich, alors un lieu de bouillonnement révolutionnaire, et entre en contact avec les marxistes allemands. Là, elle entame une liaison passionnée avec le syndicaliste Alexandre Chliapnikov. « Il est d’origine prolétaire, ce dont elle se réjouit dans une lettre à une amie. Elle ajoute que grâce à son amant, elle comprend la vie et les besoins des ouvriers, note Magali Delaloye. Sa sexualité a une composante politique. » Amour-camaraderie A ce sujet, elle avance des idées qui agacent les bolchéviques russes. Ainsi, Alexandra Kollontaï s’insurge contre « la double morale de la société bourgeoise, qui permet aux hommes de coucher avec qui ils veulent, alors que c’est interdit aux femmes ». La militante promeut « l’amour-camaraderie », dépourvu de jalousie et guidé par l’autodiscipline. Au-delà de cet aspect, elle s’inscrit dans la pensée du social-démocrate August Bebel (1840-1913) pour développer ses propres écrits théoriques, où elle défend l’émancipation des femmes. Fin 1917, juste après la Révolution, elle devient Commissaire du peuple à l’assistance publique pour quelques mois. Elle crée le zhenotdel, soit l’équivalent du Ministère chargé des affaires féminines, avec Inessa Armand, maîtresse de Vladimir Illitch Lénine. Ce dernier, pratiquant lui-même la « double morale », déteste cordialement Alexandra Kollontaï, qui va progressivement être éloignée du pouvoir. Elle est nommée ambassadrice en Norvège en 1923, puis au Mexique et finalement en Suède. Peu avant la fin de sa vie, en 1951, elle écrit à Joseph Staline pour lui demander l’autorisation de verser ses archives personnelles à l’Institut Marx-Engels-Lénine de Moscou. « La correspondance de ces deux personnes, qui n’ont plus que quelque mois à vivre, est empreinte de nostalgie. Ce sont des vieux compagnons de route solitaires qui se retrouvent », commente Magali Delaloye. Leur relation devait être particulière pour que la bouillonnante activiste, dont les idées naviguent souvent à contre-courant de l’orthodoxie bolchévique, échappe au peloton d’exécution. En parallèle, une autre figure féminine se démarque : Nadejda Kroupskaïa (1869-1939), compagne de lutte de Lénine et son épouse depuis 1899. Brillante, cette institutrice 50

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MAGALI DELALOYE Première assistante au Centre en études genre. Nicole Chuard © UNIL

devient « la première dame du Kremlin rouge », comme l’écrit Magali Delaloye. « Elle produit ses propres textes théoriques, notamment sur l’éducation, tout en supervisant ceux de son mari », ajoute la chercheuse. De plus, la militante s’occupe de la correspondance du journal l’Iskra, l’organe du parti, et mène une campagne contre l’illettrisme dans les campagnes, pendant la guerre civile (1917-1923). Parfaitement au courant de la relation de « son » Lénine avec Inessa Armand, elle pousse le dévouement jusqu’à garder les enfants de cette dernière. Ils formeront un triangle amoureux/amical peu banal. L’amante meurt toutefois de manière prématurée en 1920. Vladimir Illitch, qui disparaît quatre ans plus tard, en reste « écrasé par la tristesse », comme le rapporte Alexandra Kollontaï. 2 LE TEMPS DES ÉPOUSES

UNE HISTOIRE ÉROTIQUE DU KREMLIN. Par Magali Delaloye. Payot (2016), 352 p.

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L’arrivée de Joseph Staline au pouvoir change tout. En effet, Nadejda Kroupskaïa est en très mauvais termes avec le « Père des peuples », qui l’a menacée de trouver une autre veuve à Lénine ! Le message est clair et la militante se retire. Elle n’est de loin pas la seule femme à passer en cou-


lisses à ce moment-là. L’ère stalinienne est marquée par l’effacement progressif de la présence féminine au Kremlin, un phénomène décrit en détails, avec de nombreux exemples, dans l’ouvrage de Magali Delaloye. Le cercle qui entoure « Koba » – son nom de clandestinité – est composé de ses amis, compagnons de lutte. Les épouses de ces derniers, issues le plus souvent de milieux très simples, sont des bolchéviques du plus beau rouge, mais pas des intellectuelles. Pendant quelques années toutefois, ce microcosme amicalo-familial vit dans une certaine insouciance. Leurs vies privée et publique se mêlent. Princesses rouges Ainsi, deux fillettes prénommées Svetlana gambadent au Kremlin. Née en 1929, la cadette est l’enfant unique et adoré du couple formé par Polina Jemtchoujina Molotova et Viatcheslav Molotov. Son aînée de trois ans est la fille de Nadejda Allilouïeva et de Staline. Ce dernier est fou de son enfant, un sentiment confirmé par de nombreux témoignages et photographies. Jusqu’à la guerre, le Maître du Kremlin s’amuse d’un petit jeu de son invention. Qualifiant sa Svetlana de « petite patronne » (khozajka), il lui

NADEJDA KROUPSKAÏA

Discours de propagande durant la guerre civile, en 1920. © RGASPI (Moscou)

demande de lui donner des ordres, comme par exemple d’aller au cinéma ou au théâtre avec lui ! Instructions auxquelles « Koba » obéit, lui qui passe (presque) tous les caprices de la petite. Quand l’une des tantes de l’enfant fait – délicatement – une remarque à ce sujet, son père la défend en rappelant qu’elle « a perdu sa mère si jeune ». En effet, la relation passionnelle qu’il a entretenue avec sa seconde épouse, Nadejda, s’est terminée par le suicide de cette dernière en 1932, après une crise violente. Le lien privilégié entre le « petit papa » et la « petite patronne » ne dure pas. Adolescente, Svetlana tombe amoureuse du comédien juif Alexis Kapler, alors âgé de 40 ans, ce qui déplaît très fortement au potentiel « beau-père ». Le malheureux être aimé va passer plus de dix ans en déportation... D’autres évènements assombrissent ensuite la relation entre le Maître du Kremlin et sa fille. Cette dernière a été élevée par les belles-sœurs de Staline. Mais il en a envoyé deux au goulag et fait fusiller deux autres, dans les années 40. Pourquoi ? Certes, elles ont côtoyé le dictateur au désespoir après le suicide de Nadejda en 1932, et selon lui, elles parlaient trop. Magali Delaloye n’a pas

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SVETLANA

La fille de Staline et son père à la datcha, première moitié des années 30. © Fonds personnel de Staline, RGASPI (Moscou)

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HISTOIRE

d’explication pour ces crimes. Peut-être peut-on penser que « pour ces vieux bolchéviques, qui ont connu la clandestinité sous le régime tsariste et se méfiaient de tout le monde, le silence était important ». Le mystère demeure.

4 LE TEMPS DE L’EXIL

3 LE TEMPS DE LA TERREUR

Justement, tout change en quelques semaines, au début de 1937. Afin notamment de s’assurer la loyauté inconditionnelle de son entourage, Staline fait arrêter plusieurs de ses amis, qui appartiennent au cercle le plus proche du pouvoir. Certains se suicident, d’autres, comme Boukharine ou Enoukidze, sont liquidés. Les purges emportent alors des millions de Russes en déportation ou à la mort. D’autres personnalités, qui doivent tout au tyran du Kremlin, montent en puissance. Parmi elles figure Nikolaï Iejov, artisan de la grande terreur et chef du NKVD, la police politique. Avec ce personnage haï, un nouvel instrument se met en place : l’utilisation de l’épouse comme d’un piège. Iejov lui-même va en être victime. Comment ? Ce personnage terrifiant est le troisième mari d’Evguenia Solomonovna, une femme juive qui a beaucoup voyagé en Occident dans sa jeunesse. Il s’avère que cette dernière a un amant, Isaac Babel. Fou de jalousie, le policier en chef constitue alors un dossier contre son rival, afin d’en faire un espion et un « ennemi du peuple ». Une stratégie qui va se retourner contre lui. Jeu de dominos cruel Car la Terreur s’enflamme, et il faut trouver un bouc émissaire à sacrifier. Iejov fait très bien l’affaire. Au cours de l’année 1938, les amis et ex-maris d’Evguenia Solomonovna sont arrêtés – voire exécutés – les uns après les autres, ce qui la fait craquer nerveusement. Les artisans de ce jeu de dominos, soit Lavrenti Beria et Staline lui-même, cherchent à accuser l’épouse d’être une espionne qui travaille pour l’Angleterre. Si elle tombe, elle entraînera son mari dans sa chute. Car « à cette époque, un ennemi du peuple, c’est quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un », explique Magali Delaloye. Hospitalisée, la malheureuse Evguenia Solomonovna envoie deux lettres maladroites au Maître du Kremlin, des missives qui prouvent qu’elle n’a pas perçu que sa vie privée et la vie publique de son mari sont totalement liées. Le 19 novembre, la malheureuse se suicide avec l’aide de son conjoint. Un sacrifice inutile, puisque Nikolaï Iejov est fusillé le 4 février 1940, à la suite d’un procès dont la chercheuse expose la vertigineuse cruauté dans son ouvrage. Lors de ses interrogatoires, le chef déchu du NKVD s’accuse lui-même de turpitudes sexuelles, et notamment d’avoir eu des amants. « Il amorce ainsi une pratique qui va se poursuivre, explique la chercheuse. Un ennemi du peuple est unidimensionnel : sa débauche est aussi bien morale que sociale. » Il faut signaler que l’homosexualité – masculine uniquement – est criminalisée en 1934.

LES FEMMES SONT ABSENTES DU SOMMET DU POUVOIR DANS LES DERNIÈRES ANNÉES DE STALINE.

Une période de peur débute après la guerre. Comme l’écrit Magali Delaloye, « Staline n’a plus besoin de faire exécuter ses proches collaborateurs ou amis, il suffit que ces derniers l’en croient capables. » Face à cette épée de Damoclès, le couple Vorochilov, très proche du pouvoir, met au point une défense. Ekaterina Vorochilova (1887- 1959) est née dans une famille juive pauvre d’Odessa. En 1910, elle épouse Kliment Vorochilov. Ce dernier a mené une carrière politique très longue, puisqu’il est ministre de la Défense de 1925 à 1940 et Maréchal de l’Union soviétique de 1935 à sa mort, en 1969. Adoré par les soldats de l’Armée rouge – il existe des chants à sa gloire –, c’est un ami de longue date de Staline. Mais comme bien d’autres, « Klimoutchka » reçoit un sévère coup de semonce début 1937. Le Commissariat du peuple aux Affaires militaires et maritimes, qu’il dirige, subit des purges impitoyables. De nombreux hauts gradés sont exécutés ou déportés. A ce moment, Vorochilov « commence une stratégie d’auto-exclusion. Il s’éloigne du pouvoir par la petite porte, explique Magali Delaloye. Ce faisant, il ne représente plus une menace pour Staline. » Dès cette période, sur les photographies, il cesse de sourire. Campagne « anticosmopolite » Après la guerre, c’est sur Ekaterina Vorochilova que plane la menace. En effet, une campagne « anticosmopolite », largement antisémite, est lancée par le Kremlin. Juive, enthousiasmée par la création de l’Etat d’Israël, elle constitue une cible de choix. Afin de parer le danger qu’elle sent venir, l’épouse rédige un dnevnik, c’est-à-dire un journal personnel. Ses entrées consignent sa vie de « bonne bolchévique », patriote, travailleuse et soucieuse de sa famille. Pour la chercheuse de l’UNIL, il s’agit probablement d’un « document à décharge », destiné à venir à son secours en cas d’arrestation. Ainsi, « il s’arrête le 2 mars 1953, soit pendant l’agonie de Staline. Et il reprend son cours seulement en septembre de la même année, avec le récit léger d’un voyage en Crimée. » Ensuite, ce dnevnik se transforme en un véritable journal intime, signe d’un certain soulagement. La correspondance inédite du couple Vorochilov a passionné Magali Delaloye. Empreinte d’une grande et durable tendresse, elle donne à lire la vie quotidienne mais également les vues de ces deux bolchéviques de la première heure. Leur stratégie commune d’éloignement volontaire, à la fois de la vie politique et mondaine du Kremlin, leur a sans doute sauvé la vie. Exclues, emprisonnées, voire fusillées, les femmes sont absentes du sommet du pouvoir dans les dernières années de Staline. La seule qui demeure auprès de lui, jusqu’au bout, est la discrète Valentina Istomina, sa gouvernante et sa maîtresse. Ce n’est qu’à l’arrivée de Khrouchtchev au pouvoir, en septembre 1953, que les Soviétiques revoient leur dirigeant suprême en compagnie d’une épouse. 

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Pour être l’élu des foules, il faut savoir convaincre. Mais rien ne sert de faire la grosse voix pour avoir l’air compétent. Mieux vaut délivrer des messages clairs et partagés du plus grand nombre que de bomber fièrement le torse.

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onner sa préférence à un candidat lors d’une élection, c’est jauger ses compétences et ses qualités. Une tâche qui peut s’avérer complexe, surtout face à un inconnu. L’heure des discours est donc cruciale, puisqu’il s’agit, pour l’individu qui tente de recevoir l’approbation du peuple, de convaincre. Et afin d’éviter un vote subjectif, basé sur l’image, le look ou la sympathie, mieux vaut produire un propos bien ficelé et qui fait écho aux attentes. Pour évaluer la qualité d’une prise de parole, John Antonakis a mis au point un outil capable de mesurer le charisme dont un orateur fait preuve. Plus précisément, le «charismomètre» recense le nombre d’occurrences de trois éléments qui forment les tactiques de leadership charismatique. Le cadrage «Nous nous intéressons premièrement à la manière dont une personne cadre son discours, explique le professeur en comportement organisationnel à la Faculté des Hautes Etudes Commerciales. C’est une action qui vise à montrer ce qu’il faut regarder, un peu comme un peintre qui délimite son dessin.» Plusieurs façons d’y parvenir : faire de la narration, du storytelling, pour faire apparaître facilement une image, illustrer symboliquement son propos par des métaphores. Il existe encore d’autres méthodes, comme l’utilisation de questions rhétoriques ou de

contrastes pour définir ses valeurs en opposition avec celles des autres. «Je suis là pour vous parler de ceci, et pas de cela. Je ne suis pas comme lui, mais plutôt comme cette personne. En anglais, cela s’appelle le framing.»

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La substance Il s’agit ensuite de passer un contrat moral entre l’orateur et ceux qui l’écoutent, qui s’établit notamment par la transmission de valeurs. «L’individu doit dire ce en quoi il croit et pourquoi il y croit. Mais il y a aussi la question des buts que le

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et la substance dans l’évaluation du charisme. «C’est par exemple la gestuelle, le langage du corps, les émotions et l’utilisation de la voix. Il faut quand même souligner que la corrélation est forte entre ce troisième élément et les deux premiers. Si le discours véhicule des valeurs fortes, et que le message est bien cadré, le langage du corps se manifestera de façon naturelle, ce qui renforcera un propos.» Le calcul Pour arriver à un résultat chiffré, les discours sont retranscrits manuellement. Les chercheurs décortiquent ensuite chaque phrase, et s’intéressent à la présence ou l’absence de tactiques du leadership charis-

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leader se fixe, qui doivent être à la fois ambitieux et réalisables.» Attention donc à transmettre des valeurs et des objectifs qui ne polarisent pas trop pour s’assurer une résonance auprès du public. Parmi les grands visionnaires que l’Histoire recense, et donc de bons meneurs selon l’acceptation du charismomètre, le chercheur souffle par exemple le nom de Nelson Mandela.

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Le non verbal Dernière des trois composantes, le langage non verbal a toutefois moins d’importance que le cadrage

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matique. En regardant de plus près les discours de Hillary Clinton et de Donald Trump en campagne pour l’investiture 1), le charismomètre établit qu’aucune des deux personnalités ne se distingue franchement. Dans 52 % de ses phrases, la démocrate a usé de tactiques contre 54 % chez son homologue républicain. Dans le même contexte en 2012 2), Barack Obama obtenait un score de 84 % contre 49 % pour son rival Mitt Romney.  DAVID TROTTA 1) 2)

https://youtu.be/RGPqienLMo0 https://youtu.be/gcKihWrhe1I

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MOT COMPTE TRIPLE

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BIOLOGIE

EN VILLE, LES ANIMAUX

MUTENT

PLUS VITE On pensait que l’adaptation des animaux et végétaux se faisait sur des milliers d’années. Pourtant, on découvre que la souris, le moineau ou le renard des villes peuvent évoluer plus rapidement que leur alter ego des champs. Explications. TEXTE ANNE-SYLVIE SPRENGER

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a souris des champs n’est pas la souris des villes. Bien que faisant partie de la même espèce, chacune possède ses propres caractéristiques, dictées par son environnement. Il en est ainsi dans la nature, tant pour les animaux que les végétaux : ils s’adaptent ou ils ne survivent pas. Ce n’est pas une nouveauté, Darwin l’avait déjà théorisé au XIXe siècle. Par contre, ce que les scienti56

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RENARD

Dans les cités, une sélection des individus les moins farouches s’est faite. © Menno Schaefer / Shutterstock

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fiques sont en train de découvrir, c’est que ces processus d’évolution peuvent se faire bien plus rapidement que l’on croyait... Notamment dans les villes. « On sait aujourd’hui que cela peut être très rapide », confirme Patrick Fitze, chercheur en biologie évolutive et comportementale à l’UNIL. « Un oiseau migrateur peut par exemple arrêter de migrer en seulement quatre généra-


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BIOLOGIE

Le Département d’écologie et évolution www.unil.ch/dee

Le merle des villes a un bec plus long Chaque espèce aura alors sa propre façon de réagir à ces nouvelles pressions. Ainsi, le merle des villes est bien différent de son homologue d’il y a 200 ans. Il a un bec plus long, une voix plus haut perchée et il migre beaucoup moins. « Le bruit des villes vient brouiller la communication des passereaux », étaye Daniel Cherix. « Les moineaux par exemple sont très sociables, ils agissent en bande. Donc, pour s’entendre, et pour savoir s’il y a un cri d’alarme de la part d’un congénère, ou un cri de reconnaissance, ils doivent augmenter le volume de leurs cris. Or, le faisant, le passereau tord un peu son cri, qui devient plus perçant. » Autre différence avec leurs compères ruraux, les moineaux des villes sont moins gros que les moineaux des champs. « En étudiant le phénomène, des chercheurs de La Rochelle ont pu l’expliquer par la nourriture trop grasse qu’ingurgitent les moineaux en milieu urbain. Une junk food qui, au final, affecte leur reproduction et leur espérance de vie », stipule encore Daniel Cherix. Les différences que l’on observe peuvent provenir soit d’une réponse directe de l’organisme à un changement de son environnement soit de modifications génétiques qui vont se mettre en place au fil des générations. Mais comment distinguer ce qui relève d’une mutation génétique ou d’une simple question de plasticité ? « On peut tester ça », répond Patrick Fitze en reprenant le cas des lézards. « S’il s’agit d’une question de gènes, les individus placés en montagne agiront de la même façon une fois qu’on les aura déplacés à basse altitude. Or, on a vu que ce n’était pas le cas. Tout est plasticité, même les changements morphologiques qu’on observe viennent de cette plasticité. »

tions. » C’est dire si on est loin des milliers d’années que les scientifiques ont longtemps estimé nécessaires pour qu’une espèce évolue! Mais que s’est-il donc passé pour que certaines espèces se modifient aujourd’hui si prestement ? Tant du côté des évolutions physiques que comportementales, la réponse est à chercher du côté de l’hostilité des villes, qui pousse les espèces à évoluer d’autant plus rapidement pour survivre dans cet environnement si différent de leur milieu naturel. « En deux siècles, l’environnement a complètement changé », expose Laurent Keller, directeur du Département d’écologie et évolution de l’UNIL. « Des villes se sont bâties un peu partout, produisant un habitat très différent de ce qu’il y avait avant. » Même analyse du côté du biologiste Daniel Cherix : « En ville, ces espèces se retrouvent dans un écosystème en partie artificiel, dont les deux éléments les plus perturbateurs vont être le bruit et la lumière. Car il est évident aujourd’hui qu’aucune ville ne s’éteint le soir. Cela va donc créer du stress chez l’oiseau, par exemple, qui ne va alors dormir que d’un seul œil, ce qui ne sera pas sans impact sur sa physiologie et son comportement... » 58

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DANIEL CHERIX Professeur honoraire au Département d’écologie et évolution. Nicole Chuard © UNIL (archives)

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Le renard des villes est plus curieux « Dans les villes, nombre d’espèces trouvent de la nourriture qu’ils ne mangeaient pas avant », soutient encore fortement Laurent Keller. Ce qui pousse d’ailleurs certains à y venir... A l’instar du renard, un autre exemple d’évolution notoire en nos contrées. « Ces animaux connus pour être peureux sont devenus moins sauvages et plus curieux », illustre le chercheur. « Ceux qui sont arrivés en ville étaient déjà les moins peureux – les autres ne s’en approcheraient pas autant », explique-t-il. « Ils vont trouver plus de nourriture et se reproduire plus que les individus qui n’ont pas profité de ces nouvelles ressources. Une sélection va donc naturellement se faire autour des individus les moins timides. Quelques générations vont alors suffire pour favoriser la reproduction des individus les moins farouches et ainsi contribuer à l’évolution d’une diminution notable de la peur de l’humain chez les renards. » Patrick Fitze évoque, quant à lui, le cas des lézards des villes: « Des études ont démontré que leurs pattes sont plus longues et qu’ils courent plus vite que leurs congénères en milieu naturel. » Le lien avec la notion de survie apparaît ici de manière assez évidente...


Ces évolutions et autres sélections naturelles ont en effet tendance à s’accélérer lorsqu’il y a un changement d’environnement brutal, établit Laurent Keller. « Ces individus vivent dans la nature depuis très longtemps, donc ils ne changent pas tellement. Ils ont toujours été sélectionnés et cette sélection reste stable. Or, si on met une espèce dans un environnement différent, elle va évoluer rapidement pour s’adapter à ce cadre nouveau. Une espèce de plante dans un milieu salin va évoluer rapidement au fil des générations pour s’adapter à ce milieu salé », indique-t-il encore. Les souris américaines résistent davantage aux métaux lourds Partout dans le monde, de telles modifications liées à l’environnement urbain sont ainsi vérifiées par les scientifiques. Ainsi le biologiste Menno Schilthuizen écrivait l’été dernier dans le New York Times une tribune sur cette accélération du processus évolutif dans les villes. Il prenait alors pour exemple les souris à pattes blanches, qui peuplent Central Park. Celles-ci se révèlent plus résistantes aux métaux lourds que leurs congénères campagnardes. « Probablement parce que les sols de New York sont pleins de chrome et de plomb », avance-t-il. Et de citer un de ses confrères, Jason Munshi-South, qui explique le système immunitaire plus performant des « citadines » du fait que les maladies ont davantage tendance à se développer dans les endroits à forte densité humaine. A l’opposé de la planète, en Australie, d’autres scientifiques ont découvert que les araignées étaient de plus en plus grosses... dans les villes. Une des raisons qu’ils mettent en avant est alors que l’éclairage artificiel favorise la présence d’insectes et permet ainsi à ces arachnides de manger davantage que leurs cousines des plaines. Patrick Fitze, qui était au Département d’écologie et évolution de l’Université de Lausanne et qui est actuellement en poste au Musée des sciences naturelles de Madrid, a travaillé quant à lui sur des lézards, en dehors des villes cependant. Mais ses études démontrent le même phénomène d’évolution potentielle rapide. « On a regardé des individus en altitude très basse, qui vivent à 100 m, et d’autres qui vivent à 2300 m d’altitude », pose-t-il. « En bas, on voit qu’après une année, ils arrivent déjà à se reproduire : ils grandissent très vite, produisent des œufs et ceux-ci sont énormes. Dans les montagnes, les individus sont très petits, ils ne sont matures qu’après deux ou trois ans de vie et pondent moins d’œufs. » Une ère de mutants ? Que penser de ces évolutions express ? « On a deux sortes d’évolutions », expose Laurent Keller. « Dans la majorité des cas, il s’agit d’une adaptation liée à une forte sélection que peut opérer l’environnement. On prend les individus qui sont le plus extrêmes sur un critère précis, et s’ils s’accouplent, on obtiendra très rapidement une évolution. » Et de préciser : «Il s’agit alors là d’évolution à court terme où la sélection

LAURENT KELLER Directeur du Département d’écologie et évolution. Nicole Chuard © UNIL

naturelle favorise des variants génétiques déjà présents dans la population. Pour ce qui est des évolutions qui font intervenir des nouvelles mutations de l’ADN, celles-ci prennent beaucoup plus de temps. » C’est ce que l’on a pu précisément observer avec les animaux domestiqués par l’être humain : « Chez les chiens, les chats ou encore les vaches, l’évolution s’est accélérée. L’évolution du chien au loup s’est faite très rapidement et aujourd’hui on a toutes sortes de chiens, avec des tailles, des couleurs, des caractéristiques différentes», décrit Patrick Fitze. « La raison en est que l’homme peut opérer une sélection en évitant qu’un chien d’une telle race se croise avec un autre chien de manière aléatoire. » Si au niveau génétique ces animaux se sont largement différenciés, ils n’en restent pas moins de la même espèce, puisqu’ils peuvent se reproduire entre eux. Le papillon qui s’adapte à la pollution Plus rares, les adaptations résultant de mutations génétiques existent bel et bien aussi, notamment lorsqu’un bouleversement majeur de l’environnement a lieu. C’est

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BIOLOGIE

précisément ce qui s’est passé avec le célèbre cas d’école de la phalène de bouleau, ce papillon à l’origine blanc. Avec l’arrivée de l’ère industrielle, quelques individus « mutants » noirs se sont soudain retrouvés plus adaptés que leurs congénères : ils peuvent mieux se dissimuler sur les troncs d’arbre noircis par la pollution. Ceux-ci vont donc se reproduire, transmettant à leur descendance leur spécificité, alors que les phalènes blanches vont lentement disparaître. « Dans la majorité des cas cependant, les gènes de l’animal ne changent pas », affirme toutefois Laurent Keller. « Certaines espèces peuvent simplement survivre dans des milieux différents en modifiant leur comportement ou certains traits physiques. » En outre, cette plasticité n’est pas infinie. « Un lynx ne viendra par exemple jamais dans une ville », assène alors Laurent Keller. Et d’étayer : « Chaque espèce a un spectre de plasticité, une variabilité génétique au-delà de laquelle cela devient compliqué d’évoluer. » C’est 60

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ADAPTATION

Certains traits du merle, de la phalène du bouleau et du moineau se sont modifiés afin d’améliorer leurs chances de survie dans les cités. © Fotolia / Shutterstock

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là qu’intervient alors le risque d’extinction ? « S’il faut que l’espèce sorte de cette zone pour survivre, elle est en effet menacée de disparaître. » Si certaines espèces s’effacent, peut-on s’attendre à en voir débarquer de nouvelles dans nos rues ? Le renard, la fouine ou la souris des villes peuvent-ils en arriver à se différencier complètement de leurs congénères en créant, si l’on ose dire, une nouvelle espèce ? « Pour cela, il faudrait vraiment qu’il n’y ait plus de flux génétique», répond Laurent Keller. « Or, il y a toujours un peu de brassage. Il y aura toujours des individus qui viendront de la campagne à l’intérieur des villes et vice versa. » Et Patrick Fitze d’attester : « Si, au contraire, on imagine qu’on construise un mur autour d’une ville pendant un certain temps et qu’il n’y ait plus d’échanges entre individus du dehors et du dedans, alors dans ce cas, avec le temps, ces individus vont être différents. » Ce cas de figure reste cependant très peu probable... 


CULTURE

LES HISTOIRES DE L’ART BRUT

Chargée de cours à l’UNIL, Lucienne Peiry propose une version augmentée de sa thèse de doctorat. Un livre passionnant et richement illustré.

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ean Dubuffet a dû passer pour un fou aux yeux de certains adeptes de la culture officielle. Homme étrange, certes, au point de snober l’inauguration de la Collection de l’Art Brut le 26 février 1976 à Lausanne. Les recherches de l’artiste français sur cette création non savante, souvent issue de l’enfermement hospitalier, avaient débuté en Suisse juste après la guerre. En donnant les clés de sa précieuse collection à Michel Thévoz, nommé conservateur de la nouvelle institution lausannoise en 1975, Jean Dubuffet pense sans doute à ces Suisses de l’Art brut comme Aloïse Corbaz, Heinrich Anton Müller ou encore Adolf Wölfli. Le livre de Lucienne Peiry remonte à plus loin encore, quand le médecin allemand Hanz Prinzhorn affirme son intérêt esthétique et intellectuel pour les œuvres émergeant dans l’imaginaire de patients psychiatriques. Les nazis en profiteront pour en déduire que l’art moderne, dit « dégénéré », est assimilable à la production des aliénés, alors que pour Prinzhorn, comme plus tard pour Dubuffet, ces auteurs à part ne sont pas débiles mais lucides, voire extra-lucides. Ces œuvres d’une folle originalité, toutes radicalement différentes, témoignent selon Dubuffet d’un « psychisme exalté » par des existences menées dans l’isolement, la perte, la pauvreté, l’insoumission et non pas d’un esprit amoindri, dégénéré... Lucienne Peiry explore dans son texte agrémenté de 500 illustrations ce foisonnement des productions de l’Art brut et souligne les réactions multiples de rejet, mais surtout de fascination exprimées par des artistes d’hier et d’aujourd’hui comme Paul Klee, André Breton, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle ou encore... David Bowie. Elle raconte les histoires de l’Art brut à tra-

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Entre 1920 et 1930, mine de plomb et crayon de couleur sur papier, 21 x 27 cm [inv. 944]. © La collection abcd - Bruno Decharme / Maxime Gerigny et Patrick Goetelen.

L’ART BRUT Par Lucienne Peiry Editions Flammarion (2016), 400 p.

vers le temps et les continents puisque cette première inscription européenne de la fameuse Collection s’est enrichie d’œuvres issues d’un vaste horizon géopolitique. Avec Michel Thévoz, les parias créatifs ne sont plus seulement à l’hôpital psychiatrique ou en prison, dans la solitude des champs de colza ou de l’exil, mais chez les personnes âgées ou encore les handicapés... L’auteure évoque aussi les femmes qui investissent des domaines comme la couture, la broderie, la féerie. En retrait de la société, les artistes de l’Art brut parviennent à (se) constituer des lieux magiques, des refuges autarciques mais qui tissent des liens avec d’autres entités, des défunts, des divinités, un monde invisible protecteur pour euxmêmes et, au-delà, pour l’humanité. Elle souligne ce paradoxe d’une création nourrie d’expériences inconsolables, de désastres intimes et sociaux, Allez savoir !

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et qui s’offre pourtant à notre regard et à notre interprétation pour peu que nous sachions en déceler les qualités propres qui transcendent la biographie de leurs auteurs dans une construction, une recherche élaborée, « un système particulier souvent fort complexe ». Elle s’interroge sur la faveur ac-­ tuelle de l’Art brut dans les expositions, les films, les travaux scientifiques et souligne la nécessité d’une approche transdisciplinaire pour aborder ces productions. Une vaste question qui renouvelle les réflexions de Jean Dubuffet sur la manière de montrer ces oeuvres, d’en faire reconnaître la valeur tout en les préservant du circuit commercial. A l’heure où l’argent règne en maître, on peut se souvenir de ce constat radical du théoricien : « Il faut choisir entre faire de l’art et être tenu pour un artiste. L’un exclut l’autre. »  NADINE RICHON

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LIVRES

UNE COMMUNAUTÉ EN MOUVEMENT Un ouvrage retrace le sport universitaire lausannois, de ses prémices à nos jours. L’ODYSSÉE DU SPORT UNIVERSITAIRE LAUSANNOIS Par Grégory Quin. Glyphe (2016), 400 p.

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es sports universitaires fêtaient à la fin 2016 leurs 75 ans d’existence. A leur origine : L’odyssée du sport universitaire lausannois, une analyse proposée par Grégory Quin, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut des sciences du sport, comme l’explique l’actuel directeur du Service des sports Pierre Pfefferlé en préface. En parcourant ces 400 pages, force est de constater que le sport a dû batailler pour s’imposer auprès des Autorités universitaires avant qu’apparaisse, en 1941, le premier programme officiel. Car il fut un temps au cours duquel la pratique d’une activité physique, en plus de recevoir une éducation intellectuelle, n’allait pas de soi. Quand elle n’était pas tout simplement vivement critiquée par les recteurs en place jusque dans les années 40. Ce qui n’a pas refroidi 62

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Le premier programme a été édité par la Com­ mission Sportive de l’Université de Lausanne au semestre d’été 1941. © Archives du Service des Sports Universitaires de l’Université de Lausanne, fonds Claude Bucher, programmes des sports universitaires.

LE SPORT A DÛ BATAILLER POUR S’IMPOSER AUPRÈS DES AUTORITÉS UNIVERSITAIRES

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certains jeunes séduits par les nouveautés venues d’Angleterre, comme le football. Reste que l’institution n’y prête aucune attention. Seules trois activités, plus nobles, sont proposées aux intéressés en marge de leur cursus: la gymnastique, l’équitation et l’escrime. L’ouvrage proposé par Grégory Quin montre une évolution des pratiques et des mentalités qui s’articulent autour de deux concepts centraux. En premier lieu, le sport a réussi à se frayer un chemin grâce aux compétitions. Celles qui opposaient les sociétés d’étudiants par exemple, mais plus largement entre les universités elles-mêmes. Elles encouragent ainsi les directions successives à cesser de mépriser progressivement l’activité physique pour finir par la valoriser. L’autre axe, c’est celui du sport-santé. A l’origine, seuls les garçons étaient

astreints à se maintenir en forme. Raison simple: ils devaient être prêts pour le Service militaire. Puis l’éducation se fait plus large en même temps que l’appel du drapeau perd de son importance. Le bien-être est grandement promu pour des questions de santé publique, notamment par des médecins tels que Francis Messerli. Des bienfaits qui vont au-delà du simple aspect physique puisque les bénéfices se mesurent aussi au niveau de l’esprit. Autre tournant majeur : l’arrivée de l’université à Dorigny. Le déménagement des hautes écoles a permis la construction de bâtiments dédiés à la pratique sportive. Un manque criant qui, une fois comblé, permettra la création d’un service, l’essor des disciplines ainsi que l’apparition des LUC, les clubs labélisés UNIL.  DAVID TROTTA


Comment comprendre (et dépasser) deux processus aux apparences contradictoires, d’une part la réussite scolaire des filles et de l’autre, le fait que ces dernières peinent à traduire cette réussite dans le monde du travail  ? Que se passe-t-il au niveau des parcours scolaires, des orientations, des bifurcations qui vont déterminer des différences salariales au long cours  ? Les rapports de pouvoir se reflètent-ils dans l’école  ? Farinaz Fassa offre un panorama à la fois bref et détaillé de la question et indique des pistes pour relever les défis de l’égalité en Suisse.  NR FILLES ET GARÇONS FACE À LA FORMATION. Par Farinaz Fassa. Editions PPUR/Le savoir suisse (2016), 144 p.

L’année 1816 constitue le fil rouge du récent bulletin de l’Association culturelle pour le voyage en Suisse. L’éruption du Tambora, l’année précédente en Indonésie, refroidit le climat. Une pluie incessante contribua à provoquer une famine en Suisse. Cet «été»-là, à Cologny, Lord Byron, Percy Shelley et la future Mary Shelley donnèrent naissance à plusieurs œuvres, dont Frankenstein. Le voyage de ces Britanniques autour du Léman et dans les Alpes frappa leurs compatriotes et alimenta le tourisme.  DS 1816 Bulletin no 19 (2016) de l’Association culturelle pour le voyage en Suisse. www.levoyageensuisse.ch

Examiner la vie politique contemporaine en utilisant les expressions « de droite » et « de gauche » n’est pas ringard, au contraire. C’est la thèse défendue par Olivier Meuwly, docteur en Droit et ès Lettres de l’UNIL. En remontant à 1798, et par grands chapitres historiques, l’auteur décortique les origines, les métamorphoses, les parcours sinueux et les affrontements de ces notions structurantes. Les abandonner « ne peut que conforter la tendance à la dépolitisation », dont les extrêmes « récolteront les fruits ».  DS LA DROITE ET LA GAUCHE. HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN. Par Olivier Meuwly. Slatkine (2016), 216 p.

Le texte de la Genèse, issu de la Nouvelle Bible Segond, est accompagné ici de commentaires à destination des lecteurs profanes. Passage après passage, le contexte historique et théologique est exposé de manière claire par des spécialistes, dont Thomas Römer, professeur à l’UNIL et au Collège de France. Les aspects linguistiques, ainsi que les liens avec les autres monothéismes enrichissent encore l’expérience du lecteur. De quoi redécouvrir avec un regard neuf des versets que l’on croyait connaître.  DS L’ANCIEN TESTAMENT COMMENTÉ. LA GENÈSE. Par Albert de Pury, Thomas Römer et Konrad Schmid. Labor et Fides (2016), 288 p.

Dirigé par deux chercheurs de l’UNIL, cet ouvrage est consacré à un sujet rarement traité sous l’angle historique : le scandale. Notre pays en a vécu quelques-uns, dont certains, comme le dossier des Mirage dans les années 60, sont connus. Mais d’autres sont aujourd’hui dans l’ombre, comme les « vignes maudites » en Valais, de 1959 à 1962 (coups de feu, bibles brûlées). Cette publication, nourrie d’un travail dans les archives des médias, éclaire à nouveau ces épisodes, tout en tissant un lien avec des affaires récentes, comme DSK ou Julian Assange.  DS SCANDALE ET HISTOIRE. Sous la direction de Malik Mazbouri et François Vallotton. Antipodes ( 2016 ), 238 p.

LES BEAUX ENFANTS DE L’IMAGE ET DU TEXTE

«

La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui se haïssent d’une haine instinctive, et, quand ils se rencontrent dans le même chemin, il faut que l’un des deux serve l’autre.» Dans l’esprit de Charles Baudelaire, auteur de cette phrase tirée de Salon de 1859, le progrès est incarné par « l’industrie photographique », contre laquelle il livre une charge violente. Dès son invention en 1839, le procédé de reproduction du réel a suscité un mélange de fascination et de détestation, notamment de la part de certains peintres. Cet épisode est rappelé par Marta Caraion, maître d’enseignement et de recherche en Section de français, dans Photolittérature. Catalogue d’une exposition du même nom qui a eu lieu à Montricher l’an passé, cet ouvrage collectif, à la mise en page élégante, traite des relations passionnelles entre le texte et la photographie. Dans son pamphlet, Charles Baudelaire concède toutefois à cette dernière le droit d’enrichir « l’album du voyageur » et accepte qu’elle puisse aider les naturalistes et les astronomes dans leurs travaux. En effet, au XIXe siècle déjà, les récits de voyage calmèrent les tensions entre les écrivains et les photographes. L’image a permis de lever les doutes sur la réalité des choses vues au bout du monde, en garantissant une certaine fiabilité au récit. Très illustré lui-même, Photolittérature donne de nombreux exemples visuels des enfants produits par le couple Plume / Déclencheur. Parmi eux figure le roman-photo, qui décolle à la fin du XIXe siècle. Avec sa frivolité assumée et une certaine dose d’auto-parodie, ce genre populaire a contribué à décrisper les relations entre les deux modes d’expression, ouvrant la porte à l’acceptation des «œuvres mixtes», qui nous semblent naturelles de nos jours. Les surréalistes, quelques décennies plus tard, jouèrent également un rôle important dans le renforcement de cette collaboration. Un chapitre traite de la place prise par l’image dans les récits autobiographiques, notamment depuis la seconde moitié du XXe siècle. L’artiste Sophie Calle en fait ainsi un usage intéressant. Enfin, Photolittérature présente plusieurs exemples de l’intérêt d’auteurs contemporains comme Annie Ernaux ou Jean-Philippe Toussaint pour la photographie.  DS PHOTOLITTÉRATURE. Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature (2016), 177 p.

Allez savoir !

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RENDEZ-VOUS

Toute l’actualité des événements, conférences, colloques, soutenances de thèses ou congrès organisés à l’Université de Lausanne se trouve sur www.unil.ch, rubrique mémento.

Février à mars

CONNAISSANCE 3 Rencontres avec les chercheurs de l’UNIL et du CHUV. Les conférences ont lieu à 14h30. www.connaissance3.ch. 021 311 46 87. Entrée libre pour la communauté universitaire (prix public 15.- ; prix adhérent 10.-). Me 1er février Nouvel éclairage sur les manuscrits de la mer Morte. Par David Hamidovic, Institut romand des sciences bibliques. Cossonay, Foyer communal, Pré-aux-Moines.

Ve 3 février Stratégies des plantes pour accéder à la lumière du soleil. Par Christian Fankhauser, Centre intégratif de génomique. Aigle, Hôtel de Ville, salle F. Rouge.

F.Imhof © Imhof

Lu 6 février Un regard sur l’œil. Par Francine Behar-Cohen, cheffe de service, Faculté de biologie et de médecine. Lausanne, Casino de Montbenon, salle Paderewski.

© DR

Ve 3 février Informatique et génome. Par Marc Robinson-Rechavi, Département d’écologie et évolution. Morges, Grenier bernois du Centre culturel.

Jusqu’au di 23 avril

PAS DE PANIQUE !

La peur, notre meilleure amie ou notre pire ennemie ? Comment naît-elle dans notre cerveau et dans celui des animaux ? Cette exposition est l’occasion d’en apprendre plus sur les traitements qui sont proposés pour soigner certains troubles anxieux. Lausanne. Musée de la main UNIL-CHUV. Ma-ve 12h-18h, sa-di 11h-18h. www.museedelamain.ch 021 314 49 55

Ma 7 février

VOLTEFACE

Troisième « Rendez-vous » de la plateforme consacrée aux enjeux sociétaux et culturels de la transition énergétique. Plusieurs chercheurs de l’UNIL présenteront les premiers résultats de leurs travaux. Un Etat des lieux des questionnements sur la transition énergétique est justement disponible sur le site www.volteface.ch. UNIL-Sorge. Amphimax, 17h30. Entrée libre.

Je 16 mars

MA THÈSE EN 180’

En public, de jeunes doctorants de l’UNIL présentent leurs recherches de manière accessible et ludique. La difficulté, c’est qu’ils n’ont droit qu’à trois minutes et à un seul support visuel ! Les meilleurs de la soirée participeront à la finale suisse de ce concours, en juin. UNIL-Sorge. Auditoire 351, 18h30. www.unil.ch/ doctoriales

Jusqu’au di 19 mars

Ve 24 février Enjeux et défis du nouveau Centre suisse du cancer de Lausanne. Par Olivier Michielin, prof. UNIL et CHUV. Nyon, Centre paroissial « Les Horizons ». Lu 20 mars La transition énergétique sera sociétale ou ne sera pas. Par Nelly Niwa, cheffe du projet Volteface. Lausanne, Casino de Montbenon, salle Paderewski.

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Allez savoir !

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Le Musée cantonal de géologie propose une exposition sur le cuivre, qui accompagne l’humanité depuis 10 000 ans. Cette présentation est consacrée à l’importance historique de ce métal, aussi indispensable que méconnu (lire également Allez savoir ! 64). Lausanne. Palais de Rumine. Maje 11h-18h, ve-di 11h-17h. www.unil.ch/mcg 021 316 33 10 Jusqu’au di 30 avril

POP ART, MON AMOUR

Mise en scène du syncrétisme grâce à un dialogue entre les œuvres de Tadanori Yokoo, Osamu Tezuka (Astro Boy) et Joanie Lemercier. Aprèsguerre, les codes de la SF américaine ont rencontré l’esthétique japonaise, avant de revenir nourrir l’imaginaire occidental. Yverdon-les-Bains. Maison d’Ailleurs. Ma-di 11h-18h. www.ailleurs.ch 024 425 64 38 UNIL | Université de Lausanne

© Xxxx

Ve 10 février La douleur c’est dans la tête... et alors ? Par Françoise Schenk, prof. hon. Morges, Grenier bernois du Centre culturel.

CUIVRE

Lucky Gods Festival © Tanadori Yokoo, 1997

Ve 10 février Epidaure et Delphes: médecine, oracles et argent. Par Michel Fuchs, prof. d’archéologie. Nyon, Centre paroissial «  Les Horizons  ».


Jusqu’au di 2 juillet

En permanence

MYSTÈRE ET GRAFFITIS

L’ÉPROUVETTE www.archeolab.ch

Dès le sa 1er avril

LE LONG DU BOIRON

DÉCOUVRE! Plates-Bandes communication | Photographie : Kirstin Mckee

Sur 250 mètres, le canal didactique de la Maison de la Rivière présente les manières d’aménager les berges, soit 17 techniques de construction. Des installations de génie civil pur aux constructions naturelles, les visiteurs découvrent les avantages et inconvénients de chacune. Tolochenaz. Maison de la Rivière. www.www.maisondelariviere.ch 021 546 20 60

!

Nicole Chuard© ©Xxxx UNIL

Du sa 1er avril au je 1er juin

LES ŒUFS

Sa 20 et di 21 mai

MYSTÈRES DE L’UNIL

Sur le thème de la mémoire, les journées Portes Ouvertes de l’institution accueillent les curieux, petits et grands, dans les laboratoires. De nombreux ateliers, animés par des chercheurs, sont organisés. Pour cette 12e édition, le bâtiment Anthropole, qui fête ses 40 ans, sera mis à l’honneur. UNIL-Sorge. 9h-18h. www.unil.ch/mysteres Dès le sa 3 juin

LA CISTUDE D’EUROPE

Des zones humides comme lieu de vie, comportement et mœurs au fil des saisons, régression des effectifs, menaces et mesures de conservation : vous saurez tout sur cette espèce emblématique et sur les actions de sauvegarde dont elle bénéficie en Suisse. Tolochenaz. Maison de la Rivière. www.maisondelariviere.ch 021 546 20 60

Fabrice Ducrest © UNIL

Découverte de la diversité des œufs : des dinosaures aux reptiles actuels, des poissons aux oiseaux. Le comportement des parents, les types de nids ou les soins aux jeunes sont illustrés au fil de cette expo, qui compte bien faire sortir de leur coquille quelques secrets bien gardés. Tolochenaz. Maison de la Rivière. www.maisondelariviere.ch 021 546 20 60

MYSTÈRE ET GRAFFITIS INTERACTIVE Me 10 EXPOSITION mai DU 24 SEPTEMBRE 2016 AU 2 JUILLET 2017

MOZART

Le Chœur universitaire de Lausanne et l’OCL interprètent trois pièces de Mozart, le Kyrie en do majeur, KV323, le Te Deum en do majeur, KV141 et la Messe en do mineur pour soli, chœur et orchestre, KV427. Solistes : Sophie Graf, Laura Andres, Bertrand Bochud et Geoffroy Perruchoud. Lausanne. Salle Métropole, 20h. www.ocl.ch 021 345 00 20 Ve 2 juin

DIES ACADEMICUS

Ouverte au public, cette cérémonie annuelle mêle allocutions officielles, remises de prix et de doctorats honoris causa à des personnalités, ainsi que des intermèdes musicaux. Un moment important dans la vie de l’institution. UNIL-Sorge. Amphimax, Auditoire Erna Hamburger, 10h. www.unil.ch Jusqu’au di 20 août La relation de couple entre le parasite et son hôte, très particulière mais largement répandue, est à découvrir dans une exposition fascinante réalisée en partenariat avec le Département d’écologie et évolution de l’UNIL. Lausanne. Palais de Rumine. Ma-je 11h-18h. Ve-di 11h17h. www.zoologie.vd.ch 021 316 34 60 N° 65

FRÉQUENCE BANANE

Pilotée par des étudiants de l’UNIL et de l’EPFL, la radio diffuse ses émissions 24h/24 et 7 jours sur 7. A retrouver sur le câble (94.55 MHz) et sur le Net. Au programme: beaucoup de musique, mais également des infos, des débats, des interviews et des chroniques. Pour ne rien rater de la vie du campus. www.frequencebanane.ch

TRIENNALE UNIL

La deuxième édition de la « Triennale UNIL : sculptures sur le campus » accueille 19 artistes. Les visiteurs sont invités à découvrir leurs œuvres le long d’un parcours qui court entre les bâtiments. Désigné par un jury, le lauréat du concours est Victor Auslander. De UNIL-Dorigny à UNILSorge. www.unil.ch/triennale. Accessible en permanence.

MARCHÉ

PARASITES !

Allez savoir !

Aménagé comme un vrai laboratoire de biologie, l’Eprouvette invite tous les publics (familles, enfants, associations, curieux, etc.) à se glisser dans la peau de chercheurs pour tester certains grands principes des sciences expérimentales et discuter des enjeux de la recherche, sur le campus. www.eprouvette.ch 021 692 20 79

Fabrice Ducrest © UNIL

Dans une somptueuse villa du IIe siècle, un graffito a été retrouvé sur une peinture murale... Qui a osé dessiner un char sur les belles fleurs de la fresque du salon ? Le peintre ? Un serviteur ? Un enfant du domaine ? Une exposition interactive, à partager en famille. Pully. Archéolab. Me, sa et di 14 h-18 h. www.archeolab.ch 021 721 38 00

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Du pain, des fruits et des légumes de saison et des fromages. Des marchands de la région proposent des produits frais sur le campus de Dorigny. Pour 20 francs, et sur réservation, possibilité d’obtenir un « panier de saison » avantageux. UNIL-Mouline. Devant le bâtiment Géopolis. Dès fin février, le jeudi de 9h30 à 14h30. www.unil.ch/marche

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CAFÉ GOURMAND

LA CONSTRUCTION DU BEAU

Nous sommes à La Ferme-Asile, restaurant à Sion, car David Picard fait partie de l’équipe de l’UNIL basée en Valais. Le lieu est bien choisi pour parler anthropologie et œno-tourisme.

C

omme son nom ne l’indique pas, David Picard est Allemand. Né à Francfort en 1972. Comme beaucoup de ses compatriotes, il a choisi le nomadisme dans sa jeunesse, d’abord à Montpellier pour un diplôme de Commerce international qui le mènera en Afrique, où, lors d’un stage en Tanzanie pour une entreprise pharmaceutique, il découvre la médecine traditionnelle et la magie, puis à La Réunion, où il décroche une licence en Sciences économiques. « J’ai appris tous ces modèles mathématiques complexes mais je me suis vite lassé d’une discipline qui réduit l’homme à un être rationnel, une vision trop pauvre à laquelle j’ai préféré celle de l’anthropologie », raconte-t-il. Lui qui avait apprécié la puissance de l’île de La Réunion, du créole avec ses « métaphores osées, viriles et audacieuses », s’engage alors dans un doctorat sur la problématique du beau. Comment on passe de la valeur travail, du rendement économique dans les jardins de canne à sucre à la valeur esthétique, celle qui fera chavirer les cœurs touristiques ? Il se posera le même genre de question au sujet du corail avec une équipe de l’Institut de recherche pour le développement travaillant à Madagascar, avant de décrocher un poste à Sheffield, dans un centre d’étude sur le tourisme et le changement culturel, qu’il contribue à développer au point d’en faire une plateforme internationale enviée et bientôt happée par Leeds. « Pour les locaux, le corail n’est ni beau ni laid, même si la mort des coraux peut aussi leur faire peur. Ils parleront d’un mauvais sort, diront qu’il faut rééquilibrer la situation, trou-

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DAVID PICARD au restaurant La Ferme-Asile, Centre artistique et culturel à Sion. © Sedrik Nemeth

ver la personne ou l’esprit par qui le mal est arrivé, et dans ce registre magique, les étrangers jouent un rôle car ils sont perçus comme puissants. Les écologistes doivent composer avec cet environnement et non le mépriser s’ils veulent parvenir à leur but qui est de protéger la reproduction des coraux et des poissons », explique David Picard. Qui précise : « L’émerveillement n’est pas donné par le corps mais par des cadres culturels et je m’intéresse au rôle des scientifiques dans cette construction, à la place des affects à la base de la poursuite d’un projet de connaissance. » Après Leeds, il décroche un projet de recherche sur le tourisme dans le « Global South » au Portugal, où il en profite pour fonder une famille et passer une maîtrise d’œnologie. Son épouse biologiste et œnologue collabore dans certains de ses projets de recherche sur la valorisation du monde viticole en Valais et ailleurs. Car David Picard s’est installé à Sion

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UN GOÛT DE L’ENFANCE

Frankfurter Schlachtplatte with black pudding, liver sausages, sauerkraut and mashed potatoes.

UNE VILLE DE GOÛT ? Lisbonne.

AVEC QUI PARTAGER UN REPAS ?

BBQ avec ma femme, mes filles et les copains dans le jardin.

en obtenant à l’UNIL un poste de professeur en anthropologie du tourisme, rattaché à la Faculté des géosciences et de l’environnement. Le couple a deux fillettes. Ses travaux se poursuivent au sein d’un programme polaire international à dimension scientifique et politique, où il questionne l’intérêt touristique et scientifique pour l’Antarctique. Il étudie par ailleurs divers modèles de relations entre le vin et le tourisme dans plusieurs pays (la France, l’Autriche, l’Afrique du Sud, la Californie ou encore la Chine) et développe un projet appliqué au sujet de l’œno-tourisme en Valais, un canton qui souhaite collaborer dans ce domaine avec l’UNIL. Le professeur Picard a la responsabilité du Master en études du tourisme. Il prépare une école d’été sur l’œno-tourisme sur le site de Sion destinée à toute personne voulant en savoir plus sur la relation entre vin, terroir et tourisme.  NADINE RICHON


La science modifie notre environnement naturel et social, elle nous intrigue, nous interpelle, nous questionne. A nous de l’interroger en retour avec un regard informé et critique. A L’éprouvette, vous pouvez venir en famille (enfants dès 9 ans), dans le cadre d’une association, d’une entreprise ou d’une classe pour explorer les sujets scientifiques qui font débat, expérimenter des techniques utilisées dans les laboratoires de biologie, interroger les avancées scientifiques dans leurs dimensions sociales, éthiques, juridiques, économiques et politiques.

s’informer expérimenter débattre Descriptifs des ateliers, actus et réservations : www.eprouvette.ch



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