Le canal de Saint-Quentin : un objet obsolète, opportunité pour retrouver la vallée de l’Escaut
Sauf mention contraire, l’ensemble des documents présentés dans ce livret est une production de l’auteur © Alexis Campagne
Le canal de Saint-Quentin : un objet obsolète, opportunité pour retrouver la vallée de l’Escaut
Sauf mention contraire, l’ensemble des documents présentés dans ce livret est une production de l’auteur © Alexis Campagne
Ce projet de fin d’études s’inscrit dans le cadre de ma formation à l’École Nationale Supérieure de Paysage (ENSP) de Versailles. Préparant au Diplôme d’état de Paysagiste concepteur (DEP), l’École forme ses étudiants à intervenir sur un site à l’aide d’une lec ture à la fois savante et sensible du paysage.
Je tiens ici à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé et soutenu lors de ce travail. En premier lieu, je remercie mes encadrants, Marion Talagrand et Benoît Barnoud pour la qualité de leurs suivis. Je leur suis reconnaissant du temps qu’ils m’ont consacré et de la minutie qu’ils ont appliquée lors de chacun de nos échanges.
Mes remerciements s’adressent aussi à l’en semble des intervenants de ce module : Axelle Gré goire, Thierry Laverne, Céline Orsingher, Bertrand Stofleth, qui, à l’occasion des tables-rondes, m’ont eux aussi accompagné et livré de précieux conseils.
Un immense merci à mes camarades de pro motion qui, par leur bonne humeur et les innombrables et riches échanges, ont participé à la réussite de ce travail et plus globalement contribué à faire de cette reconversion une pleine satisfaction.
Je souhaite enfin dire merci à l’ensemble des personnes et professionnels que j’ai rencontrés tout au long des six mois de travail et de recherches : Chris tophe Germain, Patrice Menissez et Carlos De La Corte (Voies Navigables de France), Dominique Gaillard (ad jointe au Maire de Cambrai), Albin Sautejeau, Frédéric Bince et Ludovic Demol (DREAL Hauts-de-France), Clotide Herbet (association Amis du Cambrésis), le C.A.U.E du Nord, Tangui Lefort (PNR Scarpe-Escaut), Denis Léger (Unéal), Audrey Liéval (Sage Escaut), Ro main Parrot (Biotec), Gildas Kleinprintz (Fédération de pêche du Nord), Guy Coquelle (Maire de Proville), Bruno Ivanec (Maire de Fontaine-Notre-Dame) et Phi lippe Loyez (Maire de Noyelles-sur-Escaut). Tous nos échanges m’ont permis de mieux comprendre le ter ritoire du Cambrésis et de faire mûrir ma réflexion et mon projet.
Alain DERVIEUX, maître de conférence, président du jury Marion TALAGRAND, paysagiste DPLG et urbaniste, professeure associée à l’ENSP Philippe CONVERCEY, paysagiste DPLG Axelle GRÉGOIRE, architecte DE-HMONP
© Didier PlowyLe Cambrésis, région naturelle française rattachée administrativement au département du Nord, s’étire autour de sa ville-centre : Cambrai.
Territoire principalement rural composé de nombreux espaces agricoles, le Cambrésis fait par tie des zones les moins densément peuplées du département. Sous les plateaux où poussent princi palement le blé et la betterave sucrière, s’étend une généreuse nappe de craie au milieu de laquelle coule une rivière : l’Escaut.
C’est en utilisant en partie les eaux de ce cours d’eau que depuis plus de deux siècles le canal de Saint-Quentin, tuyau d’eau artificiel d’un gabarit dit Freycinet, déploie sa forme. Cet ouvrage d’art, qui re lie deux bassins versants, a permis - à sa construction - de transporter le charbon extrait des mines belges et françaises à destination de Paris et de ses usines.
Déjà concurrencé depuis les années 1960 à seulement quelques kilomètres de là par le canal du Nord (canal à grand gabarit), le canal de Saint-Quen tin le sera d’autant plus à partir de 2030 lorsque le canal Seine-Nord-Europe (canal à gabarit européen) sera mis en service.
En parallèle, le Cambrésis est confronté à plusieurs enjeux à l’échelle de son territoire, en par ticulier un étalement urbain identifié dans les com munes alentour à Cambrai, mais surtout une agriculture intensive et polluante. Aussi, la construction du canal de Saint-Quentin s’est accompagnée d’une réduction des milieux humides en fond de vallée. Si cet assèchement s’est inscrit dans le cadre d’un pro cessus multiséculaire, dans cette région exploitée par
l’homme depuis l’époque romaine, l’Escaut n’est - par endroit - plus du tout connecté à son biotope naturel.
Le site d’étude n’est pas concerné par l’écri ture d’un plan de prévention des risques d’inonda tion (PPRI). Cependant, plusieurs catastrophes na turelles ont marqué le territoire ces dernières années et décennies. En 2008, des inondations et coulées de boues ayant fait un mort ont en particulier touché le territoire de huit communes situées en bord de canal. Tandis que l’artificialisation des bords d’Escaut et la raréfaction des zones d’absorption de l’eau sont en cause, le déréglement climatique risque de voir se répéter et s’intensifier ces épisodes. Cela exige une profonde réflexion au sujet de l’accueil et la gestion de l’eau.
Le canal de Saint-Quentin : un objet obsolète, opportunité pour retrouver la vallée de l’Escaut est un projet de paysage qui vise à donner une nouvelle orientation au territoire du Cambrésis. En saisissant l’opportunité d’un ouvrage quasi-ob solète, une bascule est proposée pour retrouver la vallée, et offrir de nouvelles aménités à un territoire dont on dit trop souvent qu’il est un « pays sans paysage ».
Ce projet vise ainsi à contribuer à la valori sation du canal et de ses abords, afin d’enclencher un retournement des villes et villages du Cambrésis vers l’eau plutôt que de continuer le choix d’un étalement urbain sur les terres agricoles. Le retour de zones humides - associé à un changement de mo dèle agricole - offrira une épaisseur sensible à une vallée que ses habitants auront plaisir à fréquenter.
Carte mentale - Faire émerger le projet en problématisant le territoire du CambrésisLa jonction des navigations entre la Flandre et le reste de la France permise par le Canal de Saint-Quentin. XVIIIe s. Archives départementales de la Somme.
Après des études d’économie suivies d’expériences professionnelles dans le domaine associa tif puis public, j’ai donné un tournant à ma vie per sonnelle et professionnelle en reprenant des études à l’école Nationale Supérieure de Paysage de Ver sailles (ENSP). Dans cette école, j’ai pu y suivre une formation initiale en trois ans, dans le but d’obtenir le Diplôme d’état de paysagiste concepteur (DEP).
Ce choix, motivé par le désir de donner un plus grand sens à mon activité professionnelle, s’est en partie concrétisé en lisant l’ouvrage Comment la France a tué ses villes (Olivier Razemon, Rue De L’échiquier, 2016, 226p.). Dans ce livre, l’auteur dresse le portrait de la crise urbaine qui ronge les préfectures et sous-préfectures en France. Parmi les solutions évoquées, celle de repenser la manière d’aménager l’espace public...
Je crois avoir été d’autant plus sensible à ce postulat que mon territoire d’origine, le Nord-Pasde-Calais, est par endroit assez sévèrement touché par ce phénomène de dévitalisation des petites et moyennes villes. J’ai ainsi intégré l’ENSP avec la vo lonté de participer à cet effort commun qui vise à redonner de la couleur à des villes dites en déclin.
À l’occasion de mon mémoire de fin d’études, j’ai choisi ainsi de m’intéresser aux tentatives de re vitalisation des villes moyennes par le projet de pay sage. J’ai décidé alors de l’appliquer à la ville de Cambrai, commune non loin de ma ville de naissance, Arras, et de celle où je réside, Lille. Cette sous-pré
fecture du département du Nord possède en effet les traits caractéristiques d’une ville moyenne en déclin : taux de vacance des logements et des commerces à la hause, taux de chômage élevé, exode vers les bourgs ruraux alentours, etc.
Ce projet de fin d’études a été l’occasion pour moi de poursuivre ces premières réflexions. C’est à partir de la ville de Cambrai que mes pre mières recherches ont ainsi été menées, avant que mon regard ne se déplace progressivement sur son aire d’influence (le Cambrésis) et sur une voie d’eau qui la traverse...
L’Escaut, fleuve européen, jaillit à Gouy (Aisne). Canalisée à partir de Cambrai (Nord), l’Es caut devient le canal de l’Escaut. L’ouvrage continue alors sa course en direction de Valenciennes pour ensuite franchir la frontière franco-belge et se jeter à Anvers, dans la Mer du Nord.
Avant d’être le bras armé d’une industrie nationale puis internationale, l’Escaut a joué un rôle déterminant dans le développement local, et en par ticulier du Cambrésis :
- Un rôle économique. Si les routes pavées ont facilité les transports pendant de nombreux siècles, ce fleuve est rapidement utilisé commercialement pour le transport de marchandises (blé, bétail, huile). Sur tout, les plaines de l’Escaut constituaient dans le pas sé une riche terre d’aquaculture. Rivières, marais et étangs permettaient l’élevage, la chasse et la pêche d’espèces variées. Les viviers marquaient le paysage fluvial médiéval dans cette région des anciens PaysBas, un développement concomitant à l’implantation des abbayes et du pouvoir seigneurial dans la région. L’importance paysagère des structures de zones hu mides se retrouve dans les planches des Albums de Croÿ présentées ci-contre (XVIIème siècle).
- Un rôle défensif. Frontière naturelle du Royaume de France pendant près de neuf siècles, l’Escaut permet également de protéger les différentes places fortes et citadelles (dont celle de Cambrai) avec des dispositifs permettant d’inonder les campagnes.
Source : Suttor, Marc. « La navigation sur l’Escaut, des origines au XVIIe siècle », Revue du Nord, vol. 391-392, no. 3-4, 2011, pp. 851-867.
Lille
Cambrai
Gouy
Tournai Bruxelles BELGIQUE ESCAUT Gand AnversLa canarderie de Condé, vers 1650, Pierre de Navarre, Antiqui té de Valenciennes, Bibliothèque municipale de Valenciennes.
Louis de la Fontaine, Antiquités de Valenciennes, BM Douai, Ms 1183, f°9 (Hubert Cailleau). Abbaye de Vaucelles, Albums XXV, Fleuves et Rivières II. Escaut et Scarpe. pl. V.Le développement de l’industrie sidérurgique dans le Valenciennois et de l’industrie céréalière dans le Cambrésis font passer la région dans une nouvelle ère à partir de la fin du XVIIIème siècle. À l’aube de la révolution industrielle, la découverte des premières mines de charbon dans le Nord de la France néces site le creusement d’une voie d’eau pour acheminer la houille vers les usines et centres de productions instal lés à Paris. Cette voie d’eau s’accrochera à un réseau de canaux déjà existant (pages 20 et 21).
C’est ainsi que naît le canal de Saint-Quen tin, une voie d’eau reliant le Nord de la France à Paris. Inauguré par Napoléon en 1810 pour favoriser et accélérer le transport de marchandises, son gabarit est de type « Freycinet ». Ce sont ainsi des péniches de 38,50 mètres de long, 5,05 mètres de large, ayant besoin d’un tirant d’eau de 1,80 mètres qui sont en mesure de glisser sur les eaux canalisées des plateaux limoneux du Nord de la France.
En reliant deux bassins versants, le canal de Saint-Quentin est, dans sa longueur, de forme convexe afin de franchir un seuil. Cette étude portera sur l’une des deux parties du canal (page 24), à partir de ce seuil jusqu’à son embouchure avec le canal de l’Escaut, à Cambrai.
Purement artificiel sur sa partie Nord, le canal de Saint-Quentin est alimenté d’une eau provenant de différentes sources. Dans la partie qui nous intéresse, il s’appuie principalement sur les eaux de l’Escaut (ou « vieil Escaut »), rivière qui prend sa source à Gouy, dans l’Aisne. L’Escaut se faufile d’ailleurs de part et d’autre du canal de Saint-Quentin sur une trentaine de kilo mètres avant de se jeter définitivement dans le canal à Cambrai (page 25). À partir de cette embouchure, la voie d’eau change de nom pour devenir le canal de l’Escaut.
Profitant de l’opportunité du canal de Saint-Quentin, des usines se sont - à différentes époques - installées en bord d’eau. Cependant, leur position est depuis remise en question pour plusieurs raisons. D’une part, du fait de la compétitivité du fret routier, d’autre part, le développement de canaux à plus grand gabarit, et enfin le relatif déclin du Cambrésis au profit de territoires plus porteurs ont provo qué un lent et inévitable étiolement de l’ouvrage d’art. Ainsi, face à la difficulté pour les logisticiens de se pro curer des péniches de taille Freycinet, la plupart des usines stratégiquement positionnées en bord de canal utilisent désormais le camion (page 26). Aujourd’hui, seules les usines Ternoveo et Cerena (vignettes co lorées) utilisent encore la voie d’eau, mais dans des quantités relativement faibles.
En parallèle, si la valorisation du canal en un lieu de tourisme et de navigation est recherchée, le taux de fréquentation des bateaux de plaisance est relativement peu important (page 27). Ainsi, la faible fréquentation du canal peut se lire dans ses écluses, chargées en déchets verts, synonyme d’un service quasiment à l’arrêt (page 28). La voie d’eau est par ail leurs touchée par un autre phénomène handicapant sa navigation : la présence d’une algue envahissante gagnant la surface de l’eau (page 29).
Le canal de Saint-Quentin, outil au service du développement de l’économie française lors des deux siècles derniers semblent ainsi avoir entamé une inéluctable phase de déclin...
Bassin versant de l’Escaut
Bassin versant de la Seine
Bassin minier de Belgique
Bassin minier
Nord-Pas-de-Calais
Canal de la Sensée (1820)
Canal de la Somme (1843)
Canal de l’Escaut (1784)
Canal de Saint-Quentin (1810)
Canal de Picardie (1776)
minutes (4,5km)
minutes (4km)
Noyelles-surEscaut
8 minutes (2,2km)
MasnièresMarcoing
11 minutes (3km)
Cambrai Proville Banteux
Crèvecoeursur-Escaut
minutes (1,1km) 12 minutes (3,2km)
Les-Rues-des-Vignes
minutes (5,3km)
Bantouzelle
13 minutes (3,5km)
Honnecourt -sur-Escaut
minutes (3km)
Vendhuile
minutes
minutes
Banteux-Marcoing
minutes
Marcoing - Cambrai Vendhuile-Banteux
Sur la base d’une vitesse moyenne d’une navette fluviale de 16km/h
Le nombre de bateaux et de passagers ne cessent de décliner sur la par tie Nord du canal de Saint-Quentin, en témoigne
l’écluse de Crèvecoeur-sur-Escaut.
données
Les déchets verts obstruent les sas de plusieurs écluses du canal, signe - en pleine période touristiqued’une faible fréquentation et de rares passages de bateaux.
Écluse de Thun-l’Evêque (août 2022).
Malgré des campagnes d’arrachages, MyriophylleHétérophylle - considérée comme une espèce invasiveprolifère dans les eaux du canal de Saint-Quentin et complique la navigation.
Bantouzelle, sur la D644 (août 2022).
Le canal Seine-Nord-Europe passera à quelques kilomètres de Cambrai. Ici, un panneau explicatif posé sur la commune de Marquion.
En 1966, le canal du Nord est inauguré à seulement quelques kilomètres à l’ouest du canal de Saint-Quentin. Accessible aux péniches de 400 tonnes et plus, il permet des économies de transport non négligeables. Le trafic des péniches sur le canal de Saint-Quentin, jusque-là très dense, décline alors inexorablement.
À peine le canal du Nord mis en service, des réflexions pour l’aménagement d’un canal plus large sont menées. Le canal Dunkerque-Escaut auquel il est raccroché est en effet agrandi à la même époque pour atteindre un grand gabarit. Dans les années 1980, un projet prévoit ainsi de créer un nouveau canal à grand gabarit, toujours dans le but de relier la Seine au canal Dunkerque-Escaut. Entre Paris et la Mer du Nord, un maillon est donc - depuis cette époque - manquant pour permettre la course à grande vitesse des pé niches de plus en plus grandes (page 34). Le canal Seine-Nord-Europe renforcera la position dominante de la région en termes d’économie tournée vers les services. La perspective de ce canal, connecté aux au toroutes fluviales voisines, permet ainsi au Cambrésis d’appartenir au réseau fluvial à grand gabarit le plus grand d’Europe (page 35).
Après plusieurs abandons et reports, le projet portant le nom de « canal Seine-Nord-Europe » est dé finitivement validé en 2003-2004. Les premiers coups de pioche sont ainsi donnés depuis le début de l’année 2022 pour une mise en service prévue en 2028.
Construits à différentes époques, les profils de ces trois canaux (Saint-Quentin, Nord et Seine-NordEurope) sont donc bien différents. Ces voies d’eau res semblent de plus en plus à des axes routiers, la force du remblai/déblai permettant de tendre de plus en plus vers des ouvrages parfaitement droits. Ces trois canaux, quasiment parallèles, sont ainsi couchés sur les plateaux du Cambrésis. Ils se tiennent sur un trait de coupe d’à peine 10 kilomètres (page 36).
Si le Cambrésis attend avec impatience la fin des travaux, c’est que le projet est vécu comme une sorte de « quatrième révolution industrielle ». A huit kilomètres de Cambrai, le port fluvial de Cambrai-Mar quion, plus important des quatre ports fluviaux en construction sur le nouveau canal qui sera installé en plein champ, permettra le déchargement des péniches et donc générera de l’emploi dans la région. Accolée au futur port, la plateforme de logistique d’e-commerce « E-Valley » est en cours de construction. Positionné sur l’ancienne base militaire de Cambrai-épinoy, ce projet s’ajoute donc à celui du canal-Seine-Nord-Europe et fait gonfler les espoirs d’une relance de l’emploi et de l’économie à l’échelle du Cambrésis (page 37).
Quoi qu’il en soit, ces perspectives ques tionnent l’avenir du canal de Saint-Quentin. Car si le canal du Nord devrait être en partie mis hors service et comblé (les élus doivent se positionner sur la question durant les derniers mois de l’année 2022), de telles réflexions ne sont pas publiquement menées au sujet du canal de Saint-Quentin, du moins publiquement.
Baisse de l’activité et du trafic, gabarit défi nitivement pas compétitif, la perspective de l’arrivée du canal Seine-Nord-Europe renforce un peu plus en core le caractère vieillissant et obsolète du canal de Saint-Quentin.
Travail de
mars
Les fouilles vues du ciel au niveau du futur port de Cambrai-Marquion.
© Région Hauts-de-France
Canal DunkerqueEscaut
Futurportfluvial deCambrai-Marquion
Cambrai
Futur canal Seine-Nord-Europe
Vers Paris
Périmètre de l’étude
Canal de l’Oise
Canal de St-QuentinCanal du Nord
Canal à grand gabarit (+ 1000 tonnes)
Autre gabarit
Futur canal Seine-Nord-Europe Futurs ports fluviaux
Canal latéral
l’Oise
Altitudes,
de l’Oise
Canal latéral
à faible ou moyen gabarit
Canal à grand gabarit
tonnes)
Futur canal Seine-Nord-Europe
non canalisée
Bassin versant de l’Escaut
canal)
Années de construction : 1728-1809
Objectif : assurer la jonction entre l’Oise, la Somme et l’Escaut (mise en relation du Bassin parisien, avec le Nord de la France et la Bel gique).
Longueur : 92,50 km
Largueur moyenne : 26 m Tirant d’eau : 2,30 m
Gabarit : Petit (Freycinet) / - 400 tonnes
Années de construction : 1908-1965
Objectif : assurer la jonction entre l’Oise et le canal Dunkerque-Escaut (mise en relation du Bassin parisien, avec le Nord de la France et la Belgique).
Longueur : 95 km
Largueur moyenne : 38 m Tirant d’eau : 4, 50 m
Gabarit : Moyen / 500 à 1 000 tonnes
Années de construction : 2022-2028
Objectif : assurer la jonction entre l’Oise, la Somme et l’Escaut (mise en relation plus ra pide et efficace du Bassin parisien, avec le Nord de la France et la Belgique).
Longueur : 107 km
Largueur moyenne : 54 m Tirant d’eau : 4,50 m
Gabarit : Grand / + 3 000 tonnes
Une des radiales datant de l’époque gallo-romaine structurant aujourd’hui encore le Cambrésis. Ici, la D644.
Le Cambrésis : un territoire ouvert sur le monde depuis l’époque romaine
Si le canal de Saint-Quentin fut initialement construit pour acheminer le charbon extrait des soussols du Nord de la France, il a également été un moyen de faire circuler les fruits de la production agricole (en l’occurrence céréalière) permis par le territoire du Cam brésis. Comme nous le verrons dans la partie suivante, la région est en effet tournée depuis de très nombreux siècles vers le secteur primaire, et en particulier l’agri culture.
Le Cambrésis est un territoire marqué par les échanges commerciaux depuis l’époque romaine, avant même que l’eau ne soit utilisée pour convoyer des marchandises. Lors de l’ère gallo-romaine, lorsque Cambrai s’appelait encore Camaracum, des premières voies ont été aménagées pour relier les autres cités gallo-romaines (les actuelles Bavay, Arras, Amiens, Saint-Quentin, etc.). Ces voies font figure de véritables radiales qui, tels des tapis se déroulant sur la vaste platitude du pays, relient efficacement les cités entres elles, leur permettant de commercer (pages 40 et 41).
Cette structuration ancienne du territoire a traversé les époques. Au Moyen-âge, Cambrai fait ainsi partie, grâce à l’héritage de sa position géographique notamment, d’un club de villes marchandes, ce qui renforce alors son attractivité. En tant que « membre du club des cinq » (statut équivalent à celui d’une « capitale ») des villes hansétiques (association de villes marchandes de l’Europe du Nord ayant un rôle dominant au niveau commercial), Cambrai et son territoire se développent autour du commerce généré par la terre : le grain et le lin (page 42).
C’est donc une géographie favorable qui a fait de ce territoire un espace de traversées et d’échanges. Ces lignes fuyantes restent intactes dans le réseau d’infrastructures actuel. Même s’il s’est certes depuis étoffé de voies rapides autoroutières et ferroviaires (page 43), il continue aujourd’hui à lier et relier le Cam brésis et à offrir de véritables repères visuels.
Boulogne-sur-mer (Bononia-Gesoriacum)
Thérouanne (Tarvenna)
Arras (Nemetacum)
Cambrai (Camaracum)
Tournai (Turnacum)
Amiens (Samarobriva)
Saint-Quentin (Augusta Viromanduorum)
Bavay (Bagacum Nerviorum)
Croquis réalisés aux alentours de Cambrai
Haut : A proximité de la D644, à Rumilly-en-Cambrésis
Milieu : A proximité de la D2643, à la sortie d’Awoingt
Bas : A proximité de la D630, à Fontaine-Notre-Dame
Manche
Montreuil
Péronne
Cambrai
Cité hansétique
Abbeville
Source
Anvers
villes,
hanse vouée
Amiens
Bruges Dixmude Ypres Douai Arras
Zwijveke
Gand
Saint-Bernard d’Hemiksen
Huy
Saint-Sauveur
Saint-Omer Bailleul Lille Tournai Valenciennes
Saint-Géry Fontenelle Saint-Aubert
Cambrai
Vaucelles
Aubenton
Péronne
Saint-Quentin
Beauvais
Cité hansétique, membre du conseil des cinq
Abbaye
Ville fortifiée
Reims
Châlons-en-Champagne
grand commerce de la draperie, Louis Carolus-Barré
Lignes
De nombreux chemins ont disparu sur les plateaux du Cambrésis. Aujourd’hui, rares sont les promeneurs qui les empruntent.
Comme évoqué précedemment, le territoire se distingue par sa capacité très ancienne à se connec ter à ses voisins. Ces échanges de denrées principa lement agricoles, ont été permis par des routes d’une remarquable linéarité. Si ces figures ont été possibles, c’est que les reliefs du Cambrésis sont peu significa tifs. En s’immergeant dans le territoire, on est frappé par la ligne d’horizon que l’on voit de partout, par la place que prend le ciel. Omniprésent au dessus des grandes cultures, il génère un paysage d’immensité (pages 46 et 47).
Le territoire d’étude forme la limite septentrionale du Bassin parisien et se situe entre deux massifs. A l’est, on trouvera les collines de la Thiérache et de l’Avesnois, et au nord-ouest, les collines de l’Artois (page 48). Le calcaire qui habille partout le territoire de son manteau, se mêle au limon qui rend ainsi le sol fertile (pages 48 et 49). La grande porosité du sol permet la présence de nappes aquifères nombreuses. Au milieu de cette nappe de craie tendre et gélive du Crétacé, l’Escaut s’est donc délicatement frayé un pas sage sans oublier de déposer ses alluvions (page 50).
Entre les bourgs, les plateaux sont donc exploités et laissent place à un paysage d’openfield (page 51). Sur cette terre cependant riche, on y fait pousser principalement le blé et la betterrave, mais aussi le maïs, la pomme de terre ou l’endive. Si le Cam brésis est une terre historiquement de culture, le pay sage façonné par l’agriculture a cependant bien changé. Depuis le Moyen-Âge, époque lors de laquelle une seigneurerie épiscopale tenait les terres du Cambrésis, existait l’assolement triennal. Mais les derniers siècles, et en particulier les périodes de remembrements du XXème ont fait disparaitre la mosaïque de cultures, comme le montre les comparaisons en pages 52 et 53.
Certains bois, la plupart des haies, et cer taines cultures (vignes) ne sont donc pas arrivés jusqu’à nous. A cette disparition de la diversité agri
cole et du patchwork, deux autres disparitions sont notables. Des chemins ont été sacrifiés sur l’autel du remembrement au moment de faire se rejoindre des champs entre-eux (page 54). Aussi, un motif paysa ger tout à fait singulier au Cambrésis a disparu : le « chemin du tour des haies » (page 55). Jadis, la péri phérie des bourgs était en effet occupée par une ceinture végétale souvent irriguée par un riot (nom local du fossé). Si peu d’éléments historiques rendent compte de la forme de ce motif, on sait que ce cordon vert contournait le village et s’accompagnait d’un chemin. Cette lisière ainsi formée rendait alors la limite avec l’espace cultivé franc.
À l’image d’autres territoires en France tour nés vers l’exploitation agricole, ce passage d’une agri culture familiale à une agro-industrie s’est fait à force de mécanisation et d’intrants chimiques, générant une pollution (pages 56 et 57). Si les sols sont pollués en raison de l’usage de produits de traitement non natu rels, les eaux le sont également en raison de la convexi té de la vallée et de l’arrachage d’une végétation qui aurait pu retenir l’eau s’écoulant en direction du fond de vallée (page 58). En conséquence, la vallée de l’Es caut est quasiment dans son ensemble concernée par des enjeux en termes de potabilité de son eau (page 59). Ce sont donc des plateaux qui sont en quelque sorte la caricature d’un nomansland exploité qu’il faut restaurer. C’est donc toute une vallée qui se retrouve à la merci d’une colossale voisine qu’est l’agriculture qu’il faut faire évoluer (pages 60 et 61).
de Saint-Quentin
de Saint-Quentin
Crèvecoeur-sur-l’Escaut
de Saint-Quentin
Cambrai
Chemins et
Réseau routier
Les haies faisaient le tour des villages, notamment dans la vallée de l’Escaut et au Sud de Cambrai. Ce « rempart vé gétal » séparait le village et ses jardins du plateau cultivé, produisant une limite franche et un contraste fort.
Peu d’éléments ont traversé les époques. Cette haie qui a disparu est-elle simple ou double ? Acollée au village ou décollée ?
Gravure du Canal de Saint-Quentin (autour de 1867) faisant apparaitre autour des villages un cordon végétal appelé localement « chemin des tours des haies ».
Ces trois cartes illustrent les dégâts engendrés par le couple agriculture/produits chimiques. Que ce soient l’état du sol ou celui de l’eau, le pays de Cambrai cumule plusieurs mauvais records à l’échelle régionale ou nationale. Sur ces trois documents, l’impact de l’agriculture industrielle sur les éléments naturels est sans équivoque.
Disparition des fossés (riots)
Précipitations : 711mm/an en moyenne*
Plateau ouvert : absence de végé tation jouant le rôle d’absorption
Inondation par remontée de nappe
Coulée de boue = envasement des voies d’eau et accélération de leurs débits
Canal de Saint-Quentin
Développement de surfaces cultivées dans le sens de la pente et ne cou vrant pas le sol lors des périodes de pluie (ex : pomme de terre)
Urbanisation grandissante = imperméabilisation des sols
Escaut
Sous-sol calcaire perméable : infiltration d’eaux polluées dans la nappe phréatique
*Précipitations moyennes sur la période 1981-2010 (Source : Météo France)
Avril
Le
Site
Site
Autres
Points
Zonage
Thun-l’Évêque
Marais
Thun-l’Évêqueet
Tilloy-lez-Cambrai
Neuville-Saint-Rémy
Raillencourt-Sainte-Olle
Awoingt
Noyelles-surEscaut
Rumilly-en-Cambrésis
Marcoing
L’assèchement de zones humides a permis à l’Homme et à l’agriculture de s’installer à proximité de l’eau, comme ici à Bantouzelle.
Au milieu du XVIIIe siècle est véhiculée l’idée selon laquelle les marais nuisent à l’Homme et au dé veloppement agricole. Dans l’Ancien Régime, on esti mait en effet qu’une terre sèche est une terre saine, et a contrario qu’un marais est malsain et nuisible. L’in génieur moderne va ainsi lutter contre les marais en établissant un programme d’assèchement synonyme de progrès. Le développement d’espaces cultivésdans le but d’accroître la production céréalière et her bagère - passe ainsi par le dessèchement des marais.
En bord d’Escaut, cette politique s’intensifie d’autant plus qu’on y creuse le canal de Saint-Quentin. Les pages 64 à 65 montrent la réduction de la place de l’eau et des milieux humides. Avant ces grands tra vaux et l’arrivée d’un tuyau d’eau dans la vallée, l’Es caut rivière (ou « vieil Escaut ») déployait sa forme et son corps d’une façon plus étalée qu’aujourd’hui, de façon méandrée même parfois. Les plaines et milieux humides inondables ont, depuis le Moyen-Âge, pro gressivement disparus. Des travaux d’assèchement et de redressement ont été menés dans la vallée dans le but de rendre l’Escaut, par endroit, navigable, de contrôler son débit, et de cultiver la terre (Annie Le febvre, Histoire d’un fleuve l’Escaut, 2000, Nord Patrimoine éditions).
En parallèle, la présence de l’Homme sur un territoire se traduit par le fait de l’habiter. Dans le Cambrésis, les villages sont traditionnellement grou pés pour trois raisons principales : la grande fertilité des terres, la solidarité villageoise, et la nécessaire im plantation autour du puits. Ainsi, le bâti traditionnel est construit en matériaux locaux (pierre calcaire, ardoise, puis brique et tuile), et se caractérise par des corps de ferme ainsi que des maisons ouvrières à l’identité bien spécifique. Cependant, d’autres types d’habitats plus standardisés et faisant fi de la tradition cambrésienne se sont développés sur le territoire après 1945, pre nant la forme de lotissements et de pavillons indivi duels.
Une façon nouvelle d’habiter le territoire s’invente donc en France et dans le Cambrésis. La démo cratisation de l’automobile après la Seconde Guerre mondiale permet alors un étalement urbain qui s’af franchit des spécificités territoriales dans certains vil lages. Les cartes du peuplement de la vallée (pages 68 et 69) illustrent la manière dont les villages sont sortis de leur ancienne enceinte. Les espaces bâtis ont alors gagné à certains endroits la vallée et grignoté les plateaux en profitant du réseau viaire existant.
La disparition progressive des arbres, haies et bosquets (chapitre précédent), le caractère relictuel des milieux humides dans la vallée, et l’artificialisation progressive des sols - en particulier dans quelques vil lages en bord d’eau et proche de Cambrai (pages 70 à 75) - présentent individuellement des risques. Cou plés l’un à l’autre, ces enjeux en génèrent un nouveau : celui de l’inondation et de la circulation de l’eau.
Historiquement soumise à des phénomènes relativement contenus, la vallée de l’Escaut voit en ef fet se multiplier les épisodes d’inondations et de cou lées de boue (pages 76 et 77). Après 1995, 1999, et 2002, des pluies torrentielles en 2008 ont fait un mort sur le territoire en raison du débordement de la rivière Escaut. Compte tenu du dérèglement climatique, le phénomène devrait s’intensifier. La question de la ges tion et de l’accueil de l’eau devient plus que jamais un sujet à prendre à bras le corps.
Proville
D’après la carte de Cassini (XVIIIè siècle)
Noyelles-sur-Escaut
Masnières
D’après la carte de l’état-major (1820-1866)
Milieux humides
Axes routiers Position de l’Escaut au XVIIIè siècle
Escaut rivière
D’après un plan IGN (aujourd’hui)
Canal de Saint-Quentin
Corps de ferme avec porche et/ou pigeonnier
Ferme à pignon sur rue
Maison ouvrière
Lotissement datant de l’époque actuelle
Hangar/entrepôt agricole contemporain
Bâtis préexistants de la période antérieure
Extensions relevant de la période actuelle
Étalement urbain à Rumilly-en-Cambrésis
Cité pavillonnaire à Marcoing
Zone commerciale de Cambrai-Proville, en lisière des cultures
Bâtis
+29% de terres
hectares (contre
60 ans
dans les années
Ville de Cambrai
Bâtis préexistant de la période antérieure
relevant de la période actuelle
de la commune
et coulées de boue les plus marquantes dans la vallée de l’Escaut
épisodes d’inondations ont généré des arrêtés de catastrophe naturelle de puis 1984 (tendance en hausse depuis la fin des années 1990).
Affluents
Communes
fait l’objet d’au moins
arrêté de catastrophe
inondations -
boue
Les 6 communes touchées par
inondations de
Cette analyse à l’échelle de la vallée de l’Es caut a permis de faire connaissance avec une figure territoriale présentant plusieurs sensibilités et enjeux. Ces derniers, présentés dans la page voisine, sont d’autant plus au cœur du débat que le dérèglement climatique risque d’aggraver une situation déjà préoccupante.
De ce diagnostic, plusieurs intentions à l’échelle de la vallée se dégagent :
1/ Mettre l’agriculture à distance. La proximité de l’exploitation des sols cambrésiens avec le fond de val lée pose clairement problème. L’ambition est de libérer ces sols des grandes cultures, du moins à proximité immédiate en bord d’eau (page 84).
2/ Redonner sa place à l’eau. L’emprise occupée par la monoculture étant libérée, il est possible de reconfi gurer cet espace pour d’autres usages et pratiques. La priorité est de redonner sa place à l’eau afin de recréer des milieux disparus, mais aussi d’accueillir une eau devenant généreuse en période d’inondations et de coulées de boue (page 85).
3/ Un nouveau projet agricole pour le fond de vallée. Le maintien d’une agriculture paraît cependant nécessaire au regard de l’identité rurale du site. La di vertification agricole étant une nécessité, le retour de prairies humides est un moyen de maintenir le milieu ouvert tout en générant une production agricole et un accueil de l’eau en cas de besoin. Surtout, une agri culture tournée vers une production plus raisonnée et une consommation à destination du territoire paraît aussi nécessaire que responsable (page 86).
4/ Redonner la vallée à ses habitants. Enfin, cet espace ainsi repensé mérite d’être ouvert à toute forme de vie, et notamment celle humaine. Le fond de vallée libéré des cultures intensives et polluantes sera réap proprié par une population désireuse de se rendre de manière douce à la vallée et de jouir d’aménités paysa gères retrouvées (page 87).
Perte en biodiversité
Habitats fragmentés
Champs ouverts (disparition des talus et des strates arbustives et arborées)
Production à destination d’un marché extra-territorial
Usage de pesticides
Pollution des eaux et des sols
Érosion et ruissellement
Artificialisation des sols
Perte en infiltration
Débordement des cours d’eau
Épisodes pluvieux et orageux plus nombreux et plus violents
Une charpente végétale offrant un cadre à l’agriculture et limitant le ruissellement
Un fond de vallée libéré des grandes cultures
Maintenir l’esprit du canal tout en faisant évoluer le profil de ses berges
Accrocher à la nouvelle armature des mares, zones de lagunage et de rétention d’eau
Convertir les cultures céréalières en prairies de fauche inondables
Planter pour stocker l’eau tout en évoquant la forme des méandres disparus
Créer un nouveau milieu pour diversifier un territoire parfois trop simplifié
Rapprocher les habitants du fond de la vallée
Développer les usages et les points de vue sur et depuis le canal
Des nouveaux cheminements pour assurer une meilleure connexion entre vallée, plateaux et lieux d’habitation
La vallée de l’Escaut s’est éloignée de son sens naturel époque après époque. La canalisation de l’eau a arrêté le mouvement naturel du paysage et a figé le caractère poétique d’une vallée normalement humide. Le canal de Saint-Quentin et l’agriculture intensive servent une économie extra-territoriale, faisant de la vallée une surface qui a été progressivement accapa rée au détriment des habitants.
L’ouvrage d’art qu’est le canal de Saint-Quen tin est une figure à laquelle les habitants sont atta chés. Il est également un objet qui aura vu l’Homme mettre en place et développer des techniques et tech nologies (touage, passage en siphon, passage de bief) qui orientent vers le maintien du canal, devenant au fil des époques une trace paysagère. Ce projet prend donc le parti de maintenir la figure du canal et de faire en sorte de s’appuyer sur lui pour donner une nouvelle orientation à la vallée.
Pour retrouver la vallée de l’Escaut et mettre en application les intentions de projet formulées pré cédemment, un site de projet a été choisi. Celui-ci se situe dans les dernières kilomètres du canal, entre
Noyelles-sur-Escaut et Proville, à proximité de la ville de Cambrai. C’est ici que le phénomène d’étalement urbain est parmi les plus importants, que l’agriculture intensive est la plus notable, et que des inondations et coulées de boue se sont produites en série ces der nières années.
Ce projet vise ainsi à produire une nouvelle charpente paysagère au territoire et à la vallée. Celleci offrira de nouvelles aménités, développera et ac cueillera de nouveaux milieux, et sera propice à une mutation agricole de la vallée et des plateaux.
Prairie inondable ?
Zone humide relativement généreuse
Fort étalement urbain
Agriculture intensive en fond de
vallée
Zone d’activités = tentacule ?
Noyelles-sur-Escaut
Redonner une épaisseur au front bâti en développant un paysage productif ?
Noyelles-sur-Escaut
Développer une agriculture plus raisonnée et à visée locale
Voie rapide
Réinterpréter le « chemin du tour des haies » pour contenir l’étalement et requalifier les entrées de ville
Développer la mobilité douce en connectant le canal à son contexte
Révéler les éléments hydrauliques actuels et disparus
ccueillir l’eau/Éloigner l’agriculture
Cambrai-Proville
Porosité/Espace public
Bâti récent/Lotissement
Maraîchage/Agriculture locale et productive
« Chemin du tour des haies »
Sentier/Chemin agricole existant
Bâti historique
L’Escaut
Bâti en péril : à déplacer
Mare/Retenue d’eau
Fossé, ouvrage hydrolique existant
Nouveau fossé planté de saules têtards
Prairie humide inondable (fond de vallée)
Nouveau sentier
Végétation existante (boisement, ripisylve, zone humide)
Canal de Saint-Quentin
Haie
Espace de pâturage (coteau) : espace cultivé converti
Openfield/Espace cultivé maintenu
Nouveau
Sentier reprofilé pour un partage des usages
Retrouver la géographie naturelle du site et offrir à l’Escaut la possibilité de déborder
Grande culture convertie en prairie inondable
méandré à l’aide de fascines
Conserver la figure du canal tout en faisant évoluer son profil
Grande culture convertie en pâture
Grande culture Haie structurant le parcellaire
limitant le ruissellement
Espace de maraîchage Production à visée locale
Installer un nouveau réseau de haies dans le sens de la pente pour offrir une qualité nouvelle au site tout veillant à limiter le ruissellement
Revisiter le « chemin du tour des haies » pour former une ceinture bocagère et productive en bordure des bourgs
Maraîchage/Agriculture
Prairie humide et inondable
locale et productive
tiers existant ne sont pas maillés entre eux. Ils ne permettent pas une traversée parfaite des plateaux, en particulier autour de Cam brai.
Le projet vise ainsi à prendre appui sur le réseau relictuel et à lui donner plus de vigueur. Les chemins sont non seulement un mode de déplacement doux, mais aussi une manière d’expérimenter le paysage par la marche. Cette pratique permet de prolonger le corps sur son environnement et de prendre possession du proche et du lointain.
Arpenter le territoire par la marche, c’est découvrir un ter ritoire parfois oublié, un paysage chargé d’odeurs et de couleurs. C’est adopter une démarche sensible à la rencontre du plateau et de ses textures.
d’une trame boisée et d’un passage exclusivement dédié aux dépla cements doux.
En redonnant une structure et en multipliant ses fonc tionnalités, le réseau de chemins verra ainsi éloigner la menace qui pèse sur leur existence, puisqu’ils sont, parfois, grignotés lors des périodes de labour. La réintroduction d’éléments paysagers dans la structure du chemin (haies, rideaux) pourrait, en outre, encourager
agriculture
et plus respectueuse
Le « chemin du tour des haies » est un motif typiquement cambrésien qui a peu à peu disparu du paysage rural. Prendre appui sur ce vestige paraît intéressant pour répondre à trois enjeux : l’éta lement urbain, l’agriculture industrielle polluante et exportatrice, la transition nulle ou quasi nulle entre les espaces habités et cultivés.
En s’appropriant quelques terres agricoles actuellement voisines des lotissements, une lisière agro-urbaine accessible et ap propriable par les habitants permettrait de se tourner vers l’espace agricole à requalifier et à intégrer. Cet aménagement planté forme rait un espace d’articulation, de dialogue et d’interface entre les lo tissements et les vastes champs désormais dédiés à des cultures plus raisonnées et à visée locale. Les circulations douces et la pro duction maraîchère seraient au centre de ce paysage productif.
Cette nouvelle approche du territoire créerait une transi tion nouvelle et plus douce entre une campagne qui fait parfois trop
office de désert et des villes qui prennent par endroit l’allure d’archi pels. Aussi, ce tampon vert et nourricier soutiendrait la résistance à la pression urbaine et l’étalement sur des terres agricoles potentiel lement proches de leurs marchés.
Ce chemin, sorte de cordon, prendrait appui sur un réseau de haies à planter, inscrites en fonction du sol et de la topographie. Cette trame apporterait une qualité à l’entrée des villes et limite rait l’érosion. Afin de créer des percées visuelles sur le plateau et la vallée, la plantation se ferait en pointillé, le tout offrant des vues proches et lointaines.
Sens d’écoulement de l’eau
Le diagnostic a mis en évidence la pollution générée par l’agriculture industrielle. Celle-ci se retrouve dans les sols lorsque sont utilisés des produits phytosanitaires dans les cultures. Sou vent, des traces se retrouvent ensuite dans les eaux, soit au moment de l’infiltration des eaux de pluie venues à leur contact, soit lors du ruissellement. En raison d’un phénomène de vallée convexe, et d’une disparition des fossés et de la végétation (haies, boisements), la vallée est donc touchée par de l’érosion et du ruissellement.
Pour remédier à ces phénomènes, la plantation de ri deaux végétal, plantés perpendiculairement à la pente permettrait de ralentir ces écoulements. Les racines des essences plantées permettraient, en outre, l’infiltration de l’eau dans le sol ainsi que la dépollution de ce dernier. Les haies interceptent en effet un ruissel lement diffus et piègent jusqu’à 70 % des particules.
Sens d’écoulement de l’eau
En parallèle, la plantation de haies offrirait une protection contre le chaud (soleil) et le froid (le vent) au bétail et aux marcheurs qui occuperaient la vallée reconfigurée.
Ces haies deviendraient, enfin, des éléments forts en termes de paysage et seraient une source importante pour la diver sité du vivant.
La baisse du trafic des plaisanciers et le départ envisagé des péniches offrent l’occasion de repenser la forme et la fonction du canal de Saint-Quentin. Le parti pris de la proposition repose sur le maintien de l’ouvrage, en tant que motif paysager, historique et culturel. D’autant plus que le comblement et le report de ses eaux vers l’Escaut seraient une gageure financière, structurelle et tech nique.
Même si la ruine et l’abandon peuvent présenter un ca ractère poétique, la proposition vise à mettre en valeur cet élément auquel les habitants du Cambrésis sont attachés. La relative trop grande largeur de la voie d’eau et le manque de diversité du milieu ont été un point de départ de la réflexion.
Le fascinage est une solution simple et relativement peu coûteuse pour diversifier le profil du canal et créer de nouveaux mi lieux au service de la flore et de la faune qui vivent à proximité.
En installant dans le fond de l’ouvrage des lignes de pieux perpendiculaires aux berges, liés entre-eux par des fagots, une nouvelle rive serait ainsi formée. Cette structure stopperait net les sédiments et déchets verts qui se déplacent dans le sillage de l’eau transportée.
Avec le temps, des banquettes se formeraient, ainsi qu’un canal qui prendrait l’allure d’une voie d’eau méandrée dont profite rait toute la vallée.
Positionnées dans le lit majeur de l’Escaut, des grandes cultures ont été installées au fur et à mesure des époques, notam ment suite à des travaux de drainage. Le retour d’un milieu humide en fond de vallée permettrait à l’Escaut de déborder lors des pé riodes de crues. Ce nouvel espace offrirait alors l’opportunité de re trouver la géographie naturelle du site.
Le projet mise donc sur les potentialités de l’inondabilité pour restaurer les sols, leur occupation, les habitats, et plus généra lement la manière d’habiter la vallée.
La mise en place d’une prairie permettrait d’absorber l’éventuel surplus d’eau et limiterait la pollution des sols grâce au système racinaire de la strate basse plantée.
Cette zone humide nouvelle aurait une fonction éponge et maintiendrait l’étiage du réseau d’eau de la vallée. Dans un contexte
de raréfaction de la ressource en eau, notamment l’été, il est en ef fet fondamental de recharger les nappes. Aujourd’hui, l’eau dans la vallée est en partie absorbée dans les racines des grandes cultures, ou finit à la mer avec comme support le canal de Saint-Quentin.
Installer des prés mouillés favoriserait ainsi l’infiltration de l’eau. Cette nouvelle structure permettrait également d’engager une transition vers une agriculture plus diversifiée et respectueuse du sol. L’installation d’éleveurs et d’herbivores présenterait enfin l’inté rêt de maintenir le milieu ouvert.
Auxiliaire de culture
Ombre et fourrage pour les cultures et les bêtes
Épuration des polluants
En complément de prés humides, la gestion du niveau d’eau dans les parcelles serait permise par la restauration d’un sys tème hydraulique à base de fossés.
Certains d’entre eux existent encore mais la plupart ont été busés ou comblés pour agrandir les cultures. L’installation de nouveaux fossés permettrait à l’eau de se diffuser et de s’infiltrer de manière plus efficace et globale.
En complément, la plantation d’essences adaptées aux milieux humides telle que des saules présenterait plusieurs intérêts. D’abord, il s’agit d’une essence locale, donc adaptée. Leur crois sance étant rapide lorsque conduits en têtards, ils pourraient fournir un fourrage d’appoint au bétail en cas de période de sécheresse. Enfin, s’agissant d’un arbre patrimoniale qui tend à disparaître dans le Cambrésis, cette plantation permettrait de restaurer une figure perdue.
Grâce à leurs racines, les arbres aideraient à stocker l’eau dans le sol. Ils participeraient ainsi à sa redistribution par un proces sus appelé « ascenseur hydraulique ». La plantation dans le fond de vallée permettrait alors de faire fonction « éponge » en cas de crues ou inondations.
Finalement, les espaces boisés constituraient une protec tion contre la chaleur par le rafraîchissement de l’air ambiant. Plan ter le fond de vallée paraît ainsi nécessaire compte tenu du chan gement climatique, mais aussi pour satisfaire le bétail, ainsi que le regard des randonneurs avertis.
DEVENIR DES EXPLOITATIONS ?
DEVENIR DES EXPLOITATIONS ?
- Vieillissement de la population des agriculteurs (Entre 47 et 55% ont +55 ans dans le Cambrésis*) - Crise de vocation chez les jeunes
- Vieillissement de la population des agriculteurs (Entre 47 et 55% ont +55 ans dans le Cambrésis*) - Crise de vocation chez les jeunes
LOIS ANTI-PESTICIDES
DÉRÉGLEMENT CLIMATIQUE
LOIS ANTI PESTICIDES - Sécheresse = fin de l’irrigation - Coulée de boue = perte du limon minution de la fertilité des sols
- Sécheresse = fin de l’irrigation ? - Coulée de boue = perte du limon = diminution de la fertilité des sols
- Essence chère = remise en question de la mécanisation associée aux grandes cultures
- Essence chère = remise en question de la mécanisation associée aux grandes cultures
- Critiques de plus en plus nombreuses à l’endroit de l’agriculture intensive
- Attention ascendante à l’égard de la biodiversité
- Baisse de la consommation de viande = baisse de la production = baisse de la culture des céréales et plantes fourragères.
- Critiques de plus en plus nombreuses à l’endroit de l’agriculture intensive - Attention ascendante à l’égard de la biodiversité - Baisse de la consommation de viande = baisse de la production = baisse de la culture des céréales et plantes fourragères.
?
limon = di-
Située dans le Cambrésis, la vallée de l’Escaut est confrontée à plusieurs enjeux à l’échelle de son territoire, en particulier un étalement urbain identifié dans les communes alentour à Cambrai, une réduction drastique des milieux humides, mais surtout une agriculture intensive et polluante.
Ce projet de paysage réalisé dans le cadre de mon diplôme de paysagiste concepteur délivré par l’École Nationale Supérieure de Paysage (ENSP) de Versailles vise à donner une nouvelle orientation à la vallée de l’Escaut. En saisissant l’opportunité d’un ouvrage quasi-obsolète - le canal de Saint-Quentin -, une bas cule est proposée pour retrouver la vallée, et offrir de nouvelles aménités à un territoire dont on dit trop souvent qu’il est un « pays sans paysage ».
Ce projet propose de valoriser le canal et de ses abords, afin d’enclencher un retournement des villes et villages du Cambrésis vers l’eau plutôt que de conti nuer le choix d’un étalement urbain sur les terres agricoles. Le retour de zones humides - associé à un changement de modèle agricole - offrira une épaisseur sensible à une vallée et des plateaux que les Cambrésiens auront d’autant plus plaisir à parcourir.
Projet de fin d’études (PFE)
Réalisé par Alexis Campagne