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Espoir et résilience devant l’incertitude à Matagami

Espoir et résilience devant l’incertitude à Matagami

« No way, je vous le dis, c’est no way, on se tient debout, on veut que ça marche. »

Un texte de Piel Côté

Publié le 12 novembre 2020

Aux abords de la rivière Bell, ceinturée par des milliers d’épinettes, Matagami se prépare à tester la résilience qui a fait sa marque de commerce au cours des 60 dernières années. Pour une treizième fois, le cœur économique de la petite municipalité cessera de battre. D’ici l’été 2022, la mine Bracemac-Mcleod, de Glencore, exploitée sur son territoire va cesser ses activités. Les conséquences de cette fermeture se font déjà sentir. Mais plusieurs entrevoient tout de même un avenir économique meilleur et renouvelé.

Une affiche indiquant l'entrée de la Mine Lac Matagami
Glencore n’a pas l’intention d’explorer les environs plus que ce qui a déjà été fait depuis 2014. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Une fermeture aux conséquences imparables
Une fermeture aux conséquences imparables

La fermeture de la mine viendra bouleverser, une fois de plus, la vie matagamienne. Nombreux sont ceux qui déplorent l’effritement du tissu social et la perte de concitoyens, repartis vers un avenir plus florissant. Les impacts de la fermeture seront aussi économiques, bien évidemment, puisque pas moins de 70 % de l’économie vire avec ça , précise le directeur économique de Matagami, Daniel Cliche.

Pour d’autres, la fermeture de la mine Glencore est davantage une page qui se tourne, un chapitre qui se termine. Pour ceux-là, comme le maire de Matagami, René Dubé, l’espoir est de mise.

Le maire de Matagami, René Dubé
Malgré les difficultés auxquelles sa municipalité fait face, le maire René Dubé conserve l’espoir de voir Matagami se relever et connaître des jours encore meilleurs sur le plan économique. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Si tu fais rien, il va se passer quoi, l’abandon du territoire? On veut apporter des solutions pour le milieu de Matagami , lance-t-il, quelques minutes à peine après avoir abordé la situation économique de cette petite communauté de moins de 1500 personnes.

L’industrie minière a toujours été la colonne vertébrale de Matagami. Les campagnes d’exploration plus poussées ont débuté en 1912, alors qu’on cherchait des diamants. L’industrie minière apporta d’ailleurs des années glorieuses à la municipalité située à 720 kilomètres au nord-ouest de Montréal, soit l’équivalent de la distance séparant Percé à la rive-sud de Québec.

Les recherches ont été infructueuses, mais l’exploration a repris dans les années 50, pour trouver des métaux de base cette fois. En 1959, le lien asphalté reliant Amos à Matagami a été construit et au début des années 1960, le gouvernement a demandé la mise sur pied de Matagami. Le ministère des Ressources naturelles de l’époque, dirigé par René Lévesque, a conçu un plan directeur d’urbanisme dans le but d’accueillir de façon adéquate 5000 personnes.

En 2019, Matagami comptait 1412 citoyens, alors qu’au milieu des années 1970, la population a déjà dépassé la barre des 5000 personnes.

La ville de Matagmi et la rivière Bell au loin
Matagami a été construite aux abords de la rivière Bell, entourée de milliers d’épinettes. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

À Matagami, René Dubé est connu de tous. Marchand de pneus, il est venu de Rouyn-Noranda pour son ouvrage, comme il le dit lui-même. L’ouvrage est le prétexte pour t’amener à Matagami. La vie sociale est le prétexte pour te garder ici , explique-t-il.

En poste à la mairie depuis 2005, il se bat corps et âme pour sa municipalité et ne pensait jamais passer sa vie à Matagami. Le destin en aura décidé autrement et, depuis, il défend et représente les Matagamiens du mieux qu’il le peut.

Ce qui est important de comprendre, c’est qu’il y a un avenir minier dans le secteur de Matagami qui est juste la pointe de l’iceberg présentement, et ça va nous permettre de mettre des assises encore plus solides pour le futur.

Pour lui, l’avenir passe par le développement est-ouest. Il souhaite à tout prix que le projet de Wallbridge Mining, situé à 115 kilomètres à l'ouest de Matagami, se concrétise. Cette minière junior - les sociétés minières juniors sont des entreprises qui sont au stade de l'exploration - tente de mettre sur pied une mine d’or qui apporterait un nouveau souffle à la municipalité. René Dubé est bien conscient que cette perspective est fragile et qu’une partie de sa population aura besoin de réponses rapides de la part du gouvernement du Québec concernant ce projet.

Un camion de déménagement dans le stationnement d'une maison à vendre.
Plusieurs citoyens ont déjà entrepris de quitter Matagami et la courbe démographique suit une tangente négative. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Difficile de demeurer optimiste pour certains
Difficile de demeurer optimiste pour certains

Mécanicien pour la mine de Glencore à Matagami, Mathieu Bergeron est l’un de ceux qui voient l’avenir avec pessimisme. Il se rappelle la fermeture de la mine en 2004, les difficultés qui ont suivi et constate des similitudes avec la situation actuelle.

Il y a plusieurs maisons à vendre, plusieurs personnes quittent, surtout ceux qui ont moins d’attaches ici , laisse-t-il tomber en sortant de sa camionnette.

Mathieu Bergeron
Mathieu Bergeron se souvient que Matagami a connu de durs moments à la suite de la fermeture d’une précédente mine, en 2004. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

La famille est sa priorité et il souhaite ne pas être obligé d’en venir à travailler pour une mine de l’extérieur. Il veut éviter à tout prix de faire du navettage, que ce soit aérien ou terrestre, ce qui l’empêcherait d’être présent quotidiennement auprès des siens.

« Je peux souper avec eux autres tous les soirs. C’est mieux pour l’esprit de famille, c’est sûr. »

— Une citation de   Mathieu Bergeron, mécanicien Glencore

Sa présence à Matagami n’est toutefois pas compromise, assure-t-il. Sa conjointe a un bon emploi, ses parents sont encore ici et il souhaite mordicus que son enfant y termine son secondaire.

Un tissu social fragilisé

L’école est évidemment un sujet de discussion bien populaire à Matagami. Autant pour les enseignants que pour les parents, qui déplorent que la vie communautaire fasse déjà les frais de l’annonce de la fermeture de la mine.

Marie-Hélène Duval est présidente du Rona C. Caron et mère de deux enfants. Selon le chapeau qu’elle porte, son discours est complétement différent.

Marie-Hélène Duval
L’entreprise de Marie-Hélène Duval n’aura aucun mal à être profitable après la fin de l’exploitation minière, mais il n’en demeure pas moins que la Matagamienne s’inquiète des répercussions sociales. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Lorsqu’elle parle à titre de citoyenne et de mère, elle est plus pessimiste. Le tissu social va s’effriter, on le sent déjà, affirme celle qui est originaire de Thetford Mines, en Beauce. Les enfants vont perdre des amis.

Elle fait remarquer que la municipalité a déjà du mal à former des équipes de hockey mineur et s’inquiète du fait que ses enfants seront moins exposés aux autres cultures familiales. Quand j’étais jeune, j’avais 25 élèves dans ma classe, là en maternelle 5 ans, ils sont 10 et ça va sûrement devenir 7 ou 8 d’ici quelques années , s’inquiète-t-elle.

Comme femme d’affaires, elle reconnaît que la vitalité économique de Matagami va être touchée par la fermeture de la mine Bracemac-Mcleod.

« Hey bo-boy, ça va être difficile, des commerces vont être impactés.  »

— Une citation de   Marie-Hélène Duval, présidente du Rona C. Caron

Dans son cas, les nouvelles ne sont pas aussi mauvaises qu’elles en ont l’air. Les gens n’investissent pas en rénovations parce que la mine va bientôt fermer, admet-elle. Par contre, à peine 8 % de mes ventes proviennent de Matagami, le reste provient de la Baie-James et des communautés cries.

Elle explique que Matagami est la porte d’entrée de la Baie-James. Cette situation géographique représente un lien naturel vers les communautés nordiques et assure un va-et-vient minimum pour les commerçants.

Le centre-ville de Matagami.
Les visites des Cris de la Baie-James ont des répercussions économiques positives pour les commerçants de Matagami. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Relativement éloigné des communautés de la Baie-James, Matagami reçoit fréquemment des visiteurs qui viennent de là. Le village le plus près est Waskaganish, à 340 kilomètres et le plus éloigné, Chisasibi, est à tout près de 700 kilomètres, à peine plus loin que Radisson.

L'intersection de la rue du Commerce et du boulevard Matagami.
La courbe démographique suit une tangente négative depuis plusieurs années à Matagami. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Pas de panique, mais…
Pas de panique, mais…

La présence des communautés autochtones vient cependant jouer le rôle de stabilisateur de l’économie.

Depuis le bar désert de son établissement, COVID-19 oblige, le propriétaire du Motel Caribou, Roger Marceau, préfère voir le verre à moitié plein. Cet homme de peu de mots, selon ses propres dires, ne s’en fait pas outre mesure.

Pour dire franchement, la fermeture de la mine ne m’affecte pas du tout. Ça fait 50 ans que je suis ici et nous avons vécu toutes sortes de choses. Des mines ont fermé, les travaux de la Baie-James d’Hydro-Québec se sont terminés, je ne vois pas ce qui pourrait arriver de pire.

Nous avons quand même une clientèle régulière, qui vient du sud ou du nord. Il y a aussi 15 000 personnes à la Baie-James et ils voyagent souvent jusqu’à l’Ontario , précise-t-il.

Les gens d’affaires, de façon générale, refusent de céder à la panique, malgré l’inconnu qui se dresse devant eux. Sylvain Cloutier, propriétaire d’une entreprise de nettoyage de vêtements et d’une station d’essence, est toutefois très réaliste. Il faut se souvenir que la roche ne se régénère pas et que ça ne pousse pas. Quand le gisement est fini, il faut passer à autre chose , soutient-il, ajoutant qu’il faut demeurer optimiste coûte que coûte.

Sylvain Cloutier
Sylvain Cloutier détient deux entreprises à Matagami. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Des craintes sont néanmoins présentes. Il faudra ajuster nos attentes en conséquence du départ de la mine, sinon il y aura des déceptions , prévient celui qui s’inquiète aussi de la diminution de la population stable de Matagami.

Les Matagamiens auront peut-être l’obligation de penser différemment au cours des prochaines années, de démontrer qu’ils peuvent rebondir à nouveau, de prouver que Matagami a été construite sur une résilience qui perdure depuis la fondation de la ville.

Dans le cas où un prochain gisement se ferait attendre de nombreuses années, Sylvain Cloutier suggère de diversifier l’économie de la municipalité.

Il y a des gens qui passent sur notre territoire pour aller au Nord. Le tourisme est important également. Alors nous avons de la place à Matagami pour développer davantage une structure économique moins unidimensionnelle , affirme celui qui est propriétaire d’entreprise depuis 1979.

« La fermeture nous interpelle, mais il faut s’ouvrir l’esprit face aux autres possibilités. »

— Une citation de   Sylvain Cloutier

N’en demeure pas moins que l’annonce d’un nouveau projet enlèverait une tonne de pression aux citoyens, aux gens d’affaires ainsi qu’aux élus.

Entre-temps, la scierie de Matagami a sécurisé sa production en janvier 2019. La reprise de l’usine de pâtes Nordic Kraft, située à Lebel-sur-Quévillon, est venue rassurer les travailleurs matagamiens.

Avant le redémarrage de l’usine de Lebel-sur-Quévillon, nous avions du mal à vendre tous nos produits en provenance de la scierie de Matagami , explique le directeur général des opérations du Québec pour Eacom-Timber, Michel Sigouin.

La vente des copeaux équivaut à 30 % des revenus. L’entente de cinq ans signée avec Nordic Kraft vient stabiliser la production de la scierie matagamienne.

Un camion rempli de planches de bois.
La vente de copeaux de la scierie de Matagami à l'usine Nordic Kraft a permis de stabiliser la production. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

L’espoir Fenelon
L’espoir Fenelon

On ne peut pas trouver une mine lorsqu’on n’en cherche pas , souligne de façon pragmatique le directeur économique de Matagami, Daniel Cliche. L’entreprise minière Wallbridge, qui pilote le projet Fenelon, l’a bien compris et incarne actuellement le seul espoir minier de Matagami.

Daniel Cliche
Daniel Cliche sait que malgré les efforts qui peuvent être consentis afin de soutenir le développement du projet Fenelon, il n’y a aucune certitude quant au démarrage de ce projet minier. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

En 2019, l’entreprise a effectué un imposant programme de forage et un autre encore plus ambitieux était entièrement financé pour l’année 2020. La COVID-19 a toutefois forcé Wallbridge à revoir ses attentes à la baisse, mais l’estimation initiale des ressources minérales est toujours prévue pour l’été 2021. L’objectif des programmes de forage est de confirmer la présence souterraine d’un gisement qui contiendrait plus d’un million d’onces d’or.

Selon le maire de Matagami, la mine Fenelon, qui serait située à 115 kilomètres de route, pourrait démarrer aussi vite qu’à l’été 2022. Wallbridge a déjà lancé une étude d’impact environnemental et social ainsi que des consultations avec les Premières Nations. L’objectif avoué de la société est d’établir des activités d’exploitation durable, mais surtout de les établir dans un avenir rapproché.

Conserver l’avantage de la proximité géographique

Malgré tous les efforts qui seront déployés afin de favoriser le démarrage du projet Fenelon, il n’y a aucune certitude , admet Daniel Cliche. L’important est que Matagami puisse conserver son avantage géographique. 

Il y a un parc à résidu et un concentrateur disponibles à Matagami et on sait que ces deux aspects-là représentent une grosse partie du coût et des délais lorsque l’on veut lancer un projet minier , explique-t-il.

Les parcs à résidus, où l’on entrepose la roche fine issue des activités de traitement, sont régis par les autorités environnementales. Selon Daniel Cliche, il est donc bien plus facile d’en agrandir un que d’en créer un de toutes pièces.

Du minerai transformé en concentré de zinc.
L’usine de traitement de minerai, aussi appelée concentrateur, sert à effectuer une première transformation du minerai. Ici on voit le minerai être transformé en concentré de zinc dans de multiples cuves. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

La route nous permettrait de conserver la possibilité d’avoir un développement minier comme celui de Fenelon. Je dis toujours qu’il faut être sur la patinoire pour compter des buts. Si tu es dans les estrades, tu n’as pas de chances , résume-t-il.

Le problème est que les minières « juniors » ne disposent souvent pas des ressources nécessaires pour investir dans les infrastructures des alentours. Le maire Dubé fonde donc beaucoup d’espoirs sur l’octroi, par le gouvernement, d’environ cinq millions de dollars pour remettre un chemin forestier à niveau, ce qui donnerait un lien direct entre Fenelon et Matagami. 

À ce stade-ci, nous, on ne veut pas que la minière prenne ses sous pour construire des routes. On veut qu’elle prenne ses sous pour forer, trouver de l’or et s’assurer qu’il y en a pour longtemps. C’est ça, leur préoccupation numéro un , souligne M. Cliche. 

Ça fait plusieurs années qu’on attend et qu’on discute avec l’appareil gouvernemental. L’écoute est là, mais maintenant il faut livrer. Si c’est oui, go, il faut le faire maintenant. Mais si c’est non, il faut que l’on sache pourquoi , argumente le maire.

Une affiche devant la cour de transbordement de Matagami.
La cour de transbordement est un actif de choix aux yeux des décideurs matagamiens. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Daniel Cliche estime lui aussi que si Matagami en vient à perdre certaines de ses infrastructures, comme le centre de transbordement et son lien ferroviaire, c'est toute l'économie nordique du Québec qui pourrait en souffrir.

Il fait notamment référence au projet de mine Whabouchi, de Nemaska Lithium, dans lequel Québec a investi des dizaines de millions de dollars. La mine est située à plus de 400 kilomètres au nord de Matagami et devrait éventuellement acheminer son minerai jusqu’à son usine de Shawinigan. Nemaska Lithium fait partie du grand projet de la filière des batteries et du lithium que le gouvernement québécois aimerait démarrer.

Ultimement, le centre de transbordement de Matagami et le chemin de fer reliant Matagami au réseau ferroviaire du reste du Québec pourraient être des options quand viendra le temps de transporter le concentré de minerai jusqu’en Mauricie.

L’entretien d’une voie ferrée coûte très cher et Glencore fait rouler environ 85 % des wagons qui utilisent ce lien. Une fois que Glencore aura quitté les lieux et qu’elle ne fournira plus autant de revenus au CN, l’entretien fait par la compagnie montréalaise sera-t-il le même? C’est préoccupant, mais nous ne sommes pas en panique et nous ne sommes pas désespérés, décrit Daniel Cliche. Une chose est sûre, Matagami n’a pas le luxe de perdre des infrastructures comme celles-là.

Du concentré de zinc
Une fois que le minerai a été usiné, le concentré de zinc est acheminé par train à Montréal, à l’Affinerie CCR, située à Montréal-Est, où il subira d’autres transformations.  Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Glencore, la fin d’une époque
Glencore, la fin d’une époque

Au deuxième trimestre de 2022, lorsque Glencore aura jugé que le dépôt minier de l’exploitation Bracemac-Mcleod est épuisé, une autre page d’histoire se terminera pour Matagami et Glencore se retirera vraisemblablement de ce camp minier.

Même si certains Matagamiens auraient souhaité que l’aventure de Glencore dans leur patelin se poursuive, la multinationale n’a pas l’impression d’abandonner les habitants de la communauté. Pas du tout, répond le directeur des affaires gouvernementales et des communications à Glencore Canada,  Alexis Ségal. Mine Matagami existe depuis 60 ans et nous allons faire tout ce que nous pouvons pour quitter de la manière la plus responsable possible.

Des employés de la mine Bracemac-Mcleod.
La mine Bracemac-Mcleod de Glencore emploie 270 personnes. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

D’un point de vue corporatif, les compagnies minières savent très bien que chaque ouverture de mine signifie également sa fermeture un jour ou l’autre. 

N’en demeure pas moins qu’aux yeux de certains, Glencore n’a pas réalisé suffisamment d’exploration même si, entre 2014 et 2019, la multinationale a foré l’équivalent de 184 kilomètres. Ce n’est pas vrai que nous n’avons pas exploré, au contraire. Comparé à toutes ce que les autres compagnies minières ont fait, c’est avantageusement comparable , soutient Alexis Ségal.

Alexis Ségal
Le porte-parole de Glencore promet que son entreprise fera tout en son pouvoir pour limiter les contrecoups de son départ.  Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Ceux qui voient le verre à moitié vide rappelleront que Glencore n’a concentré ses forages qu’autour des anciennes exploitations, une information confirmée par Glencore.

Nous sommes convaincus que, dans le camp minier de Matagami, qui est quand même gros comme l’île de Montréal, il y a encore des réserves. Il faut les trouver , spécifie M. Ségal.

Est-ce que Glencore sera l’entreprise qui exploitera le prochain gisement aux alentours de Matagami? À ça, le représentant de la multinationale suisse répond que personne ne connaît la réponse.

Minimiser l’impact

Glencore est toutefois bien conscient que son départ de cette communauté quasiment mono-industrielle a un impact majeur. C’est pour ça que nous tendons la main à la communauté et au gouvernement pour trouver des solutions afin de mitiger l’impact de la fermeture , dit Alexis Ségal.

Et la meilleure solution que voit le maire Dubé est que Glencore laisse son usine de concentré intacte. Le concentrateur est un actif de choix pour Matagami. La Municipalité veut absolument que cette infrastructure demeure, car ça viendrait faciliter l’installation d’une future minière, comme Fenelon par exemple, qui pourrait faire traiter son minerai au concentrateur Mine Lac-Matagami.

La minière affirme qu’aucune décision n’a été prise en ce qui concerne l’usine. Glencore se dit prête à discuter.

L’engagement que Glencore a pris envers la communauté est que nous allons essayer de minimiser l’impact négatif sur la communauté. Si l’utilisation du concentrateur par une tierce partie peut faire partie des solutions, nous allons l’appuyer , précise M. Ségal.

Un concentrateur.
Le maintien du concentrateur, plutôt que sa démolition, pourrait très bien servir une future minière, comme Wallbridge par exemple. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

La fin des activités est aussi un défi

Pour Glencore, l’approche de la fin de l’exploitation est également un enjeu de taille.

Le directeur des opérations minières et de la maintenance, Christian Ngoma Bolusala, signale que le maintien des standards en santé et sécurité sera l’un des principaux défis. Il faut continuer à prendre soin de notre bassin de travailleurs parce que c’est notre ressource première, nos gens sont nos atouts, tout en continuant à livrer le plan minier dans un coût optimal.

Christian Ngoma Bolusala
Christian Ngoma Bolusala souligne que les derniers trimestres d’exploitation apportent de grands défis de gestion. Photo : Radio-Canada / Piel Côté

Comme la mine est en fin de vie, ça bouscule la façon dont les gestionnaires doivent mener l’exploitation.

Pour plusieurs employés, la tentation sera grande d’accepter un contrat ailleurs en sachant que leurs services ne seront plus requis d’ici 2022.

Christian Ngoma Bolusala s’attend d’ailleurs à perdre des bras au cours des prochains trimestres et c’est précisément pour cette raison que son équipe a mis sur pied un plan afin de retenir le plus de gens possible d’ici la fin.

Notre stratégie est d’être à l’écoute, de rencontrer les personnes et venir soutenir leurs besoins. On travaille à l’interne pour connaître leurs défis, leurs intentions une fois que la mine sera fermée, on voudra savoir où est-ce qu’ils voudront aller , énumère-t-il.

Les incitatifs financiers seront notamment précieux pour convaincre les mineurs de rester à leur poste jusqu’à leur dernier quart de travail. Nous allons aussi offrir de la formation et des possibilités de transfert afin qu’ils puissent travailler ailleurs dans les entreprises Glencore , explique Christian Ngoma Bolusala.

Une chose est certaine, l’aide des sous-traitants sera aussi essentielle afin d’exploiter le gisement jusqu’à ses derniers grammes.

Le dernier filon, pour l’instant

René Dubé, estime qu’il ne peut rien contre le cours normal des choses, soit l’ouverture et la fermeture d’une mine.

Je suis qui moi comme maire pour chialer contre une multinationale? Est-ce que j’ai 140 millions de dollars pour partir une mine? Eux, ils payent leurs taxes comme citoyen corporatif et ils vont relocaliser leurs travailleurs pour les garder actifs. Je suis qui moi pour dire que ce n’est pas correct?

Si la mine Bracemac-Mcleod se prépare à extraire ses dernières tonnes de minerai, le maire refuse toutefois de croire qu’il s’agit de la dernière dépôt de minerai exploitable du territoire matagamien, il est convaincu que d’autres mines peuvent vivre sur son territoire. Matagami n’est pas en danger, car il y a des actifs, mais notre rôle en tant qu’élus est de sensibiliser l'appareil gouvernemental pour dire qu’il y a des solutions.

Le maire et ses citoyens souhaitent ainsi entretenir l’espoir d’une communauté qui saura traverser cette autre période économique trouble, mais où le potentiel demeure très élevé.

Le défi est de faire que les gens habitent le Nord. Il y a beaucoup de développement dans le Nord, mais le défi est quotidien.

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