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Hannah Arendt, la philosophe de la fragilité humaine

La philosophe Hannah Arendt, que l'on voit ici en 1972 dans son appartement de Manhattan.
La philosophe Hannah Arendt, que l'on voit ici en 1972 dans son appartement de Manhattan.PHOTO : Getty Images / Tyrone Dukes / New York Times Co
Publié le 25 mars 2020

Elle s'est imposée comme l'une des grandes philosophes du 20e siècle en proposant qu'il n'existât pas de telle chose que l'humain typique, en soulignant que les tyrannies modernes dominaient des victimes passives, puis en postulant que le mal véritable se trouvait dans la banale obéissance des individus. En tentant de comprendre son présent sous le régime nazi, la penseuse allemande a décrypté les mécanismes de l'autoritarisme, du fascisme et de la domination des humains par d'autres humains. Laure Adler, journaliste et femme de lettres, explique à Jacques Beauchamp que Hanna Arendt a démontré le danger dans l'acte de réfléchir, ainsi que l'importance de la pensée critique.

Page couverture de l'essai Les origines du totalitarisme.

Page couverture d'une édition des Origines du totalitarisme qui inclut également l'essai Eichamnn à Jérusalen

Gallimard

La jeune Hannah Arendt est élevée par sa mère, une femme aux allégeances libertaires et anarchistes. Son père meurt des suites de la syphilis alors qu’elle est toute petite. Le tabou entourant les maladies transmissibles sexuellement est tel que la famille garde le secret de sa disparition.

Dans l’ombre de Heidegger

À l’université, elle est l’élève de Martin Heidegger, qui s’éprend follement d’elle. Leur relation est aussi amoureuse qu’intellectuelle. Selon Laure Adler, des concepts attribués à Heidegger sont d’abord élaborés par la jeune Hannah. Leur rupture est difficile, mais elle rencontre, peu de temps après, Günther Anders, qui devient son premier mari.

En 1933, elle est brièvement arrêtée par la police allemande pour sa participation à des séminaires sur le fascisme. Elle quitte l’Allemagne et s’installe d’abord en France, un pays qui la fascine et qu’elle croit être l’eldorado des droits de la personne. Son séjour est cependant difficile en raison des préjugés français vis-à-vis des Allemands. En 1940, elle est d’ailleurs arrêtée par la police française et internée au camp de Gurs, construit pour les réfugiés fuyant l’Espagne de Franco.

Quand réfléchir fait trembler

En 1941, elle s’installe aux États-Unis, où elle passe le reste de sa vie. Lorsqu’elle obtient finalement sa citoyenneté, 10 ans plus tard, elle enseigne à l’université et se trouve émue par sa propre capacité de penser. À un moment où les intellectuels hésitent à se mesurer aux mouvements totalitaires qui viennent de bouleverser le monde, elle plonge tête première en publiant son premier essaie classique, Les origines du totalitarisme.

« Elle articule trois domaines de la pensée de manière indissoluble : la philosophie politique [...], la morale et l’éthique. Elle les pense ensemble pour tenter de comprendre ce qui nous lie, nous, êtres humains dans le monde; ce qui peut nous rassembler – la loi morale commune – et ce qui peut aussi nous démettre de nos propres facultés humaines pour nous laisser dominer à ne plus être que des sous-hommes. »

— Une citation de  Laure Adler
Adolf Eichmann durant son procès, le 22 juin 1961.

Le procès de l'ancien nazi Adolf Eichmann, en 1961, qui a inspiré à Hannah Arendt sa théorie sur la banalité du mal

Getty Images

Le choix du mal

En 1961, elle se rend en Israël couvrir le procès de l’ancien responsable nazi Adolf Eichmann pour le compte du magazine The New Yorker. Cela lui inspire sa théorie de la banalité du mal, expliquée dans l’essai Eichmann à Jérusalem. Selon elle, Eichmann est l’exemple parfait du mal : un homme d’une certaine intelligence qui, par souci d’obéir aux ordres, a choisi d’ignorer le tort à autrui. Ce faisant, elle blâme aussi les Juifs pour ne pas s’être révoltés contre les nazis. Pendant plusieurs années, Israël boude la philosophe et ses ouvrages ne sont pas traduits en hébreu.

Selon Laure Adler, Hannah Arendt a voulu démontrer que la pensée est un acte personnel lourd de conséquences, une prise de risques qui peut faire rempart à l’autoritarisme. Puisque cette menace et celle du génocide planent toujours depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ses idées demeurent actuelles.

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