Catégorie : Recueil de Gracie de la Nef

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Quand mon regard te croise
Tout s’étouffe en ma gorge ;
Ta lumière interroge
Ma peau, mon cœur, mon âme.
Tes yeux sont mes fantasmes,
Tes mains sont mes morsures ;
Mes rêves en sont remplis.
M’agrippant à ton cou,
J’y plonge … Et me désole
Quand je dois m’éveiller.
Tout ça me rendra folle,
Puisses-tu l’exiger.
J’en suis sûre, tu voles
Nonchalante et heureuse.
Je ne peux qu’implorer
Ta présence radieuse.
Conte-moi tes mystères,
Tes secrets séculaires
Offre-moi ton image
Que j’aie le courage
De te ressusciter chaque soir
Pour enfin tout savoir !

Gracie de la Nef

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Enracinée dans le désir,
Mandragore s’étirait
Aux pieds de l’Arbre et de l’Homme;
Jumeaux difformes.
Avide, elle a bu leur sève ;
Ardemment…
Et l’Arbre s’est effeuillé ;
Et l’Homme s’est desséché.
Meurs vil humain ! Meurs pauvre chêne…
En un seul souffle les jumeaux vont au trépas,
Dévorant leur ultime haleine ;
Triste repas.
Mandragore a volé, à ses amants, leurs veines…
depuis, j’ai découvert dans une antique forêt
Le vestige de ce conte de fée.
Un arbre décharné retient sur son vieux corps
Le tronc, jeune et ferme, d’un homme mort.
Et je rêve éveillée à cette Mandragore
Qui résume à ses lèvres la naissance et la mort.

Gracie de la Nef

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Entre les rets de Saturne
Le revers de la nuit
Sous la soie de la lune
Si belle Silencieuse
Dans sa toison de bruine
Piquée d’une ancolie
C’était le sang presque figé
Les goûtes gélifiées
Qui formaient un filet
D’immunité amenuisée

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Viens laper ton poison

Au creux de ma main ténébreuse ;
Et je t’endormirai
Dans un halo d’images sulfureuses.
Viens, enfant sans passion,
Sur mon sein cruel et généreux.
Viens blottir ton ennui
Nourri au lait suri
De désirs inféconds
Que pour toi j’ai crée,
Pour te mieux aliéner,
Bel enfant moribond.
Viens t’aligner au Front.
Viens apposer ton front
À mes puissantes mains ;
Et je t’écraserai
D’un sommeil de pantin
Dans une nuit sans fond.
Ta peur j’exalterai .
Une terreur sans fin
Nourrie au sang caillé
De mes contes scabreux,
Pour mieux te posséder.
Viens sans poser de question ;
Les yeux dociles à leurs œillères ;
Et j’étranglerai
Toute idée même d’insoumission.
Garde tête baissée dans les ornières.
Ne cherche pas à t’élancer.
Reste assis, sagement ;
Et je t’éviterai
Les vertiges de la liberté.
Puis, je t’offrirai
Le confort d’une laisse d’argent
Et l’Enfer en sursis.
Et mon bien être ;
Et mon pouvoir au firmament.

Gracie de la Nef

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SIXIÈME LUNE DE LA CONTEUSE

Récolter les signes, affûter les plumes.
Écarter les brumes. Prélever à l’écume
Ses nectars ; L’essence de la nacre.
Projeter sur les braises l’ombre du grand simulacre.
Agencer le présage des rêves aux cieux.
Muer les rages enténébrées en un atlas radieux.
Lier la peau à l’écorce ;
Léguer la fuite à sa force.
Ainsi danse à la vie ;
Au ras des flots,
Au devant des furies.
À saisir les synchronies.
Ainsi danse Chamane,
fortissimo ;
Sans filet, sans arme,
À pêcher le sel des larmes
Et des mots.
J’ai capturé des runes
Dessinées sur la lune.

Gracie de la Nef

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Je m’accroche à la joie
Comme on se suspendrait
À une lanterne vacillant
Dans un sombre ouragan.
Encerclée par les parois
De l’orbe luisant,
Je prélève du bout des doigts
Des parcelles d’espérance.
De minuscules éclats brillants
Que j’épingle invariablement
Sur le dais ténébreux
De l’existence
Que  la moitié du temps
Nous vivrons alités.
( Quel tisserand présomptueux
Dressa là un si long brocart ?)
Je m’arrime
Et j’implore la lune
D’éclairer mieux nos vies.
De donner force à ce choix ;
Cet effort à fournir chaque fois
Que l’on se confie à la joie .
Cette flamme à reconquérir toujours ;
Un pacte à renouveler chaque jour.

Gracie de la Nef

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Je croyais être sortie
Des jupons de ma mère.
Tout ce temps,
Je n’ai fait que tourner en rond.
J’ai sauté sur du verre.
J’ai claqué des talons ;
Rouges sang
De ma chair.
Je croyais, agencer,
Comprendre
Tout
De la danse éphémère.
Je n’ai rien maîtrisé…
Je n’ai fait que tournoyer
Sans jamais épuiser
Ce feu qui me malmène.
Pauvre fille affolée
Pas prête à m’arrêter,
Je sais bien tout cela .
Viens danser avec moi.

Gracie de la Nef ( mai 2018)