C’est au cours de la saison d’automne que les pluvians apparaissent en grand nombre en Héraldie. Ces oiseaux sont connus surtout pour leur courage. En effet on raconte qu’autrefois un pluvian n’hésita pas à se jeter dans la gueule ouverte d’un crocodile qui, touché par un tel comportement, n’a pas osé refermer ses mâchoires. Alors se produisit une sorte de miracle : le pluvian devint dentiste. Il nettoya de haut en bas toutes les dents du crocodile qui repartit joyeux et débordant de reconnaissance.
En automne, il y a souvent des tempêtes en Héraldie, les pluvians qui y sont habitués vont toujours se réfugier au pied des montagnes. Là, ils organisent des colloques sonores.
Au cours de l’un d’eux, ils eurent une fois l’idée d’élire un chef. Ce dernier fut fort étonné mais accepta néanmoins de devenir le Maître des serpents. Sa mission était de vaincre le mal, rien de moins.
Bien sûr, les autres pluvians seraient de la partie! Habilement dissimulés soit en paon, soit en escargot, ils se promèneraient dans toute l’Héraldie afin de repérer les indices du mal et de les rapporter au Maître des serpents.
Maître Coq, curieux de tout, s’intéressa à ce mouvement enthousiaste et après mûres réflexions, proposa au Maître des serpents de l’accompagner dans un voyage afin de parfaire ses connaissances sur le monde. Notre pluvian resta indécis longtemps car il n’aimait guère quitter ses frères, cependant il finit par accepter pour acquérir de la sagesse et ainsi mieux gouverner.
On les vit donc partir ensemble, Maître Coq était à dos de rhinocéros de sinople parce qu’il symbolise la force de la nature et le pluvian sautillait à côté de lui tout en devisant sur les lois de l’Univers.
Mais en son absence quelques oiseaux jaloux voulurent le remplacer en tant que chef : oiseau de sable, aigle de Malaisie, piaf pas très beau, oiseaux d’argent, oiseau de sinople, oiseau de gueules comme un vif flambeau, mouette de poésie… tous espéraient qu’il ne reviendrait jamais et rêvaient en secret de devenir Maître des serpents.
Heureusement, le cousin du Maître des serpents, le pluvian des roseaux, soucieux de l’intégrité de la nation des pluvians, déclama un discours argumenté qui lui permit d’installer d’autorité un premier ministre en attendant le retour du Maître des serpents. Ce ministre, un porc de carnation, ne sachant pas comment il allait gouverner, prit une plume et de l’encre de Chine, et il n’eut de cesse d’écrire des poèmes que les oiseaux chantaient. En son for intérieur il se disait que le Maître des serpents finirait bien par revenir.
Et c’est en effet ce qui se produisit. De plus les pluvians constatèrent avec joie que leur chef s’était fait un ami, un éléphant d’azur passionné de sciences qui avec patience lui avait transmis son savoir fondé sur l’innocence primordiale.
L’éléphant d’azur avait également montré au pluvian comment il trempait sa trompe dans les fleuves d’encre pour écrire, si bien que le Maître des serpents put écrire lui aussi en trempant une de ses plumes dans un encrier.C’est ainsi qu’ il rédigea tout ce qu’il avait appris dans un recueil intitulé : « À bas les discours éléphantocentriques » dont nous avons ci-dessous reproduit une page.
Sonnet du ministre Cochonfucius
Un ruisseau suit son cours en un matin de brume,
Les licornes d’azur font partir le tourment ;
L’ours avec la sirène échange tendrement,
Un ange se tient droit sur l’océan d’écume.
Un pluvian ne dit pas l’effroi qui le consume,
Un disque d’or produit son fier rayonnement ;
Un mur de briques vient séparer les amants,
Les buveurs attablés s’emplissent d’amertume.
Ce monde, un échiquier dont mainte pièce fuit,
Visité du corbeau une heure avant la nuit,
Quand prie le vieil ermite aux paupières mi-closes.
Pianiste, joue-nous donc un de nos airs d’enfants,
Donne un peu de douceur à ce monde étouffant :
Ne laisse point les boeufs manger toutes les roses.
On peut trouver ce livre dans la bibliothèque du Centre de Recherche des Blasons, au cœur de l’Héraldie, s’adresser à l’homme aux mains d’or pour emprunter le livre.
Conte écrit par Pierrette, inspiré et illustré par Cochonfucius
Une réflexion sur « Les pluvians en Héraldie »