José Maria de Heredia (1842-1905) est un poète appartenant au mouvement parnassien. Le Parnasse est un mouvement poétique apparu en France dans la seconde moitié du XIXe siècle qui avait pour but de valoriser l’art poétique par la retenue, l’impersonnalité et le rejet de l’engagement social et politique de l’artiste. Pour les Parnassiens, l’art n’a pas à être utile ou vertueux et son seul but est la beauté. C’est la théorie de « L’Art pour l’Art » de Théophile Gautier. Les images des poèmes de Heredia sont précises, ce billet tente d’illustrer le poème Les Conquérants par l’Art héraldique.
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Aux bords mystérieux du monde occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
GERFAUT. Grand et fort oiseau de proie, de l’espèce du faucon et qui se blasonne comme lui.
d’après l’Alphabet et figures de tous les termes du blason, L.-A. Duhoux d’Argicourt – Paris, 1899.
Suivant l’armorial de Ch. d’Hozier, le gerfaut ressemble à un gallinacé.
Le blason du gerfaut ci-dessus se blasonne ainsi : de gueules, au gerfaut d’argent ayant la patte dextre levée. (Famille noble (éteinte) de La Valette-Cornusson, Auvergne)
J’ai vu parfois, ayant tout l’azur pour émail,
Les nuages d’argent et de pourpre et de cuivre,
à l’Occident où l’œil s’éblouit à les suivre,
Peindre d’un grand blason le céleste vitrail.Pour cimier, pour support, l’héraldique bétail,
Licorne, léopard, alérion ou guivre,
Monstres, géants captifs qu’un coup de vent délivre,
Exhaussent leur stature et cabrent leur poitrail.Certes, aux champs de l’espace, en ces combats étranges
Que les noirs Séraphins livrèrent aux Archanges,
Cet écu fut gagné par un Baron du ciel ;Comme ceux qui jadis prirent Constantinople,
Il porte, en bon croisé, qu’il soit George ou Michel
Le soleil, besant d’or, sur la mer de sinople.
Le blason composé de différents émaux
N’a que quatre couleurs deux pannes, deux métaux.
Et les marques d’honneur qui suivent la naissance
Distinguent la noblesse et font sa récompense.
Or, argent, sable, azur, gueules, sinople, vair
Hermine, au naturel et la couleur de chair.
Chef, pal, bande, sautoir fasce, barre, bordure,
Chevron, pairle, orle et croix, de diverse figure
Et plusieurs autres corps nous peignent la valeur,
Sans métal sur métal, ni couleur sur couleur.
Supports, cimier, bourlet, cri de guerre, devise,
Colliers, manteaux, honneurs et marques de l’Église
Sont de l’art du blason les précieux ornements,
Dont les corps sont tirés de tous les éléments.
Les astres, les rochers, fruits, fleurs, arbres et plantes,
Et tous les animaux de formes différentes
Servent à distinguer les fiefs et les maisons,
Et des communautés composent les blasons.
De leurs termes précis énoncez les figures
Selon qu’elles seront de diverses postures.
Le blason plein échoit en partage à l’aîné,
Tout autre doit briser comme il est ordonné.