La Pluralité des mondes. Le récit de voyage de 1945 à nos jours, PUPS, 2017

Les Presses de l’Université Paris-Sorbonne ont finalement publié ce livre d’histoire littéraire sur le récit de voyage. C’était en septembre 2017. La joie que cela m’a procuré était profonde, avait commencé avant que je puisse même toucher l’objet, et n’est pas tout à fait éteinte aujourd’hui.

J’avais travaillé à ce livre depuis 2008, presque dix ans. C’est trop long pour un seul livre, mais il faut savoir être patient.

Ma joie est longue pour une autre raison, une raison plus cachée à laquelle je n’ai pas un accès aisé moi-même. Ma joie est profonde car, comme dirait un footballer après un match décisif particulièrement réussi, j’ai tout donné dans ce livre. Je n’ai pas donné que quelques années de ma vie, j’y ai aussi concentré tout ce que je savais faire et tout ce que je pouvais faire à ce stade de ma vie.

Si j’y réfléchis un peu, je dirais qu’il y avait trois ambitions principales que j’ai plus ou moins satisfaites.

  1. L’argumentation a la rigueur des méthodes universitaires. Pour beaucoup, cela est facile à atteindre, mais pour moi qui étais un cancre enthousiaste à l’école, ce fut une sorte de conquête, et même un combat contre moi-même.
  2. Le style est cependant lisible. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour produire un texte plaisant à lire. J’ai donc investi dans l’élaboration de ce livre tout ce que j’avais acquis en terme d’écriture créative dans mes activités précédentes (dans ce blog notamment.)
  3. Il y a de l’audace. J’y tenais : je ne voulais pas retenir mes coups. Il y a des prises de position polémiques, des opinions tranchées, des idées qu’on n’avait pas encore lues nulle part. Il y a de la spéculation théorique, des critiques sans concession et des défenses stratégiques.

Le hasard veut que L’Usage du monde de Nicolas Bouvier tombe cette année au programme de l’agrégation de lettres modernes. Or, les lecteurs fidèles de ce blog savent ou devinent qu’il y a un chapitre entier sur Bouvier dans mon livre. (Ce blog a même fonctionné comme un atelier préparatoire à ce chapitre, à bien des égards.)

En vertu de ce hasard, La Pluralité des mondes est surtout lu par des agrégatifs et des profs de fac qui préparent l’agrég dans les universités de France. Le sage précaire déteste les concours, quelle ironie de l’histoire.

Espérons que cela ne soit que le début de l’aventure.

MARS 2018 au Qatar

On sait que le Qatar subit un blocus de la part de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis, du Bahrein et de l’Egypte. La situation est très tendue depuis plusieurs mois et il paraît que le Qatar en profite pour développer des manières de s’en sortir indépendantes.

J’en saurai davantage la semaine prochaine car je suis invité par l’ambassade de France à Doha pour donner deux présentations, une à l’université du Qatar, et l’autre à l’Institut français du Qatar.

Intéressante est la façon dont je suis présenté : à l’université, on souligne la venue d’un chercheur docteur en lettres tandis qu’à l’IFQ, comme en témoigne la photo ci-dessus, je suis annoncé comme « écrivain voyageur ».

À chacun son prestige.

AVRIL 2018 – RECENSION SUR FABULA

Lorsque j’arrive (en retard) à la résidence de France, l’ambassadeur me présente à l’écrivain Olivier Rolin qui passe quelques jours de vacances en Oman. Il sursaute quand il entend mon nom : « Je viens de lire une recension de votre livre sur internet. Il y est dit que c’est dommage de lire un livre sur la littérature de voyage qui ne parle pas d’Olivier Rolin. »

Je suis un peu confus, mais c’est vrai que je n’ai pas désiré faire une place particulière à ses récits dans mon livre. J’assume en rougissant.
Je lui demande ensuite où il a lu cette recension. « Un site que je ne connais pas, dit-il : Fabula. »

Fabula ? Il y a un article sur mon livre dans Fabula ?

Les recensions connues de La Pluralité des mondes

Irina de Herdt, « Les voies plurielles de l’écriture viatique française & francophone », Acta fabula, vol. 19, n° 4, Avril 2018.

Gilles Louÿs, « Guillaume Thouroude, La Pluralité des mondes. Le récit de voyage de 1945 à nos jours », Viatica, 6, 2019.

Mathilde Poizat-Amar, « La Pluralité des mondes: Le récit de voyage de 1945 à nos jours », Studies in Travel Writing, 22, 3, pp. 339-340. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13645145.2019.1571744

Joyce Péronne, « Le récit de voyage : un monde parcouru, une pluralité de façons de le retranscrire », Géographie & Culture, n° 106, 2018, p. 149-151.

Pierre Rajotte, Nuit Blanche, Avril 2018.

Fêter la parution de son livre

Petite fête organisée par mon épouse, dans son bureau, à l’occasion de la parution de mon livre.

Un jour, mon épouse m’appelle et me demande de venir la voir. 

Je me lève et me dirige vers son bureau. J’y vois des piles de mon livre La Pluralité des mondes qui vient de paraître. J’attendais mes exemplaires d’un jour à l’autre. Ma femme avait intercepté le colis venu de Paris pour me faire une petite surprise. 

Nous sommes en septembre ou octobre 2017. Sont présents quelques collègues et, sur le bureau, sont disposés des dattes, du thé et des gâteaux. Ma joie est intense mais pas encore aussi grande que ma surprise. Il me faut quelques secondes pour comprendre ce qui se passe. 

Il me faudra surtout beaucoup de temps encore pour prendre la mesure de l’effet délétère que produira cette publication. Je garde gravé dans la mémoire le visage au sourire forcé de certains collègues. On m’expliquera plus tard qu’en réalité j’avais la réputation de ne pas être un véritable chercheur, que mes publications ne valaient rien et que la promesse d’un livre à paraître aux presses de l’Université Paris-Sorbonne n’étaient que du vent. L’arrivée de ce carton de livres prenait la forme d’un démentis cinglant aux commérages peu amènes sur mon activité de chercheur. Mais ironiquement, cette apparition de livres signés de mon nom fut vécue comme une manifestation d’arrogance de ma part. Il y eut après cela à mon endroit une forme d’hostilité que je n’avais jamais connue auparavant car je n’avais jamais été un très bon élève ni un premier de la classe.

Je retire de ce moment étrange la conclusion suivante. Dans une université où la recherche est indispensable, il convient de faire feu de tous bois pour encourager les publications scientifiques tout en évitant que cela crée un malaise interpersonnel. Les dirigeants devraient mettre en place un système festif qui assure la célébration des réussites sans que la jalousie n’étouffe l’atmosphère. Car il faut éviter de tomber dans l’excès inverse de ce qui s’est passé ce jour-là, c’est-à-dire de dissimuler sous une fausse modestie la moindre réussite. Passer sous silence une publication est pire que de s’en montrer fier, là où la fierté est légitime. 

Refuser la publicité ne revient pas à inspirer les pairs à travailler modestement, mais au contraire à exhiber son humilité comme un trophée. Cela a pour effet de diriger la lumière sur soi et ses supposées valeurs plutôt que sur le travail accompli et l’oeuvre produite.

L’intuition de ma femme était donc bonne, ses intentions impeccables. Simplement, nous ne savions pas à quel point nous marchions sur des oeufs.