Les lecteurs de Télérama en colère : lettre ouverte à l’auteur de l’article

Vous n’avez jamais autant reçu de courriers de lecteurs furieux, dites-vous ?

C’est la preuve que vous avez touché juste. Bravo à vous. Dévoiler l’abjection dans des textes de personnes aimées et fétichisées, ça provoque toujours des réactions de scandale. Vous avez touché à un tabou, leur colère est amère parce qu’il y avait quelque chose de sacré dans leur croyance en ce voyageur qui se définissait comme au-dessus de la mêlée.

Les vieux lecteurs de Télérama croyaient en Sylvain Tesson parce qu’ils avaient besoin d’y croire. C’était leur idole. Votre article a accompli une partie du programme philosophique de Nietzsche : penser à coups de marteau pour briser les idoles, percer les croyances creuses. Dégonfler les baudruches.

Les lecteurs sont tellement furieux, dites-vous, qu’ils menacent de se désabonner ?

J’espère que la direction de Télérama comprendra que vous n’avez rien fait de mal, qu’au contraire vous avez seulement fait votre travail, et que vous l’avez fait plutôt mieux que les journalistes conciliants et consensuels.

Croyez-en la vieille expérience du sage précaire. Susciter la polémique, la colère et la confusion n’est pas un mauvais signe. C’est une étape nécessaire d’une vérité qui dans un futur proche sera une évidence pour tous.

7 commentaires sur “Les lecteurs de Télérama en colère : lettre ouverte à l’auteur de l’article

  1. Intéressants, les commentaires, et la colère qu’ils semblent exprimer. Mais c’est vrai que c’est dangereux de percer à jour les rêves des gens et sans doute aussi un peu pervers de vouloir dégonfler leurs mythes. Je me demande même si le jeu en vaut la chandelle, au bout du compte. Oui nous sommes assez nombreux à trouver que ses livres sont pourris et qu’il pue. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne procure pas à la grande majorité de ses innombrables lecteurs de véritables plaisirs de lecture, puisqu’ils le plebiscitent. Je ne crois pas qu’ils le defendent pour des raisons politiques. Bien au contraire, ils semblent defendre la liberté de lire hors de toute grille politique, ce qui est bien leur droit. Je ne me sens pas le coeur à vouloir gâcher ce plaisir, personnellement.

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    1. Je te comprends et je respecte ton approche. Loin de moi l’idée de vouloir imposer ma vision de l’éthique de la recherche. Je vais juste préciser un petit point de ce qu’est la recherche pour moi, et je confesse que c’est une déformation qui me vient de la philosophie classique, son étude comme son enseignement.
      Je renvoie notamment à l’allégorie de la caverne, dans le livre VII de la République de Platon : une fois que le personnage est sorti de la caverne, il a compris que la lumière venait du soleil et non du feu de camp, il a vu la réalité du monde, etc., soit, mais l’allégorie ne s’arrête pas là. Platon lance une deuxième fusée allégorique : le personnage en question va retourner dans la caverne pour avertir les autres, ceux qui ont préféré y rester.
      Pourquoi fait-il cela ? C’est leur choix, après tout, ils prennent du plaisir à rester dans l’illusion et la fausseté, pourquoi les emmerder ? Il s’agit de la dimension éthique-politique de l’allégorie de la caverne.
      Dans mon souvenir, Platon n’explique pas les motivations du personnage en question. Certes, il pourrait vivre heureux dans la contemplation de la Vérité, la connaissance des vraies causes, mais son bonheur, en quelque sorte, ne serait pas complet. Il a le devoir d’alerter les autres que le monde n’est pas comme il le croit.
      Preuve que Platon est un superbe écrivain, il décrit la réaction des gens dans la caverne :
      1. D’abord ils rient du « philosophe » qui retourne dans la caverne, ils se moquent de lui et le prennent pour un être inférieur. Si on se moque de vous et de vos idées, dites-vous que c’est bon signe.
      2. Ensuite c’est la colère, et les gens de la caverne sont tellement en colère qu’ils essaient de tuer le « philosophe ». Si vous avez la colère de vos contemporains, c’est aussi un bon signe, le signe que vous avez peut-être trouvé quelque chose de vrai.
      Bon je m’arrête là.

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      1. Ca me semble un peu emphatique et un poil arrogant de convoquer Platon non? Les lecteurs de Tesson ne croupissent quand même pas dans une caverne, certains habitent rue du Bac et font leurs achats culturels au Bon Marché. Sans compter que j’ai connu assez de dingues et d’illuminés qui auraient pu s’être fait une devise de ton sophisme : « Si on se moque de vous et de vos idées, dites-vous que c’est bon signe. »Non, c’est pas si bon signe, la plupart du temps… Ce que je voulais dire, c’est juste que je préfère amener vers des livres plutôt que d’en détourner

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