Coming out : le sage précaire est de droite

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D’abord il faut reconnaître que le sage précaire est un individualiste qui ne croit pas aux bienfaits de l’État centralisé, qui méprise le salariat, qui accepte l’inégalité entre les hommes, qui trouve normal de perdre son emploi, qui apprécie de vivre dans un monde sans pitié. Le sage précaire vit dans un monde précaire, où chacun se débrouille.

Pour résumer ma position politique fondamentale en un mot : je suis anarchiste. Je l’ai toujours été et ne vois pas de modèle idéal plus proche de mes affects primitifs. Les hommes ne sont pas sur terre pour obéir à des supérieurs, pour compter leurs points de retraite, pour attendre des vacances, pour rembourser des emprunts, pour endurer le stress au travail, pour chercher un emploi ni pour se laisser enfermer dans un système social.

Si j’étais américain, je serais peut-être un libertarien. Peut-être.

Beaucoup de gens qui s’autoproclament de gauche ont dit de moi que je n’étais pas de gauche. Dont acte. Si vous le pensez, c’est que c’est vrai. Je ne ferai rien pour essayer de prouver que je le suis et cela seul me distingue de ces personnalités qui continuent de se réclamer de la gauche sans avoir jamais la moindre pensée pour les plus humbles d’entre nous.

Lire sur le même thème : Gauche ou Droite, où se situe le sage précaire ?

La Précarité du sage, 10 janvier 2021

Ceci est la première raison de mon coming out : je suis de droite, car je ne veux pas faire les efforts qu’il faut pour être de gauche.

Deuxième argument.

De nombreuses personnes me paraissent toxiques et devraient faire leur coming out aussi, comme moi. Des gens qui disent être de gauche et qui rejettent toute espèce de progrès pour les plus pauvres, les plus discriminés, les plus fragiles de la société. Qui sont ces gens ? Vous voulez des exemples ? Ils ne manquent pas : dans le monde politique, Manuel Valls et tous les socialistes qui ne sont pas gênés par la parole de Manuel Valls ; dans le monde de la télévision Caroline Fourest et Éric Nauleau ; dans le monde de la presse Philippe Val.

Sur le même sujet, lire Philippe Val, ou la trahison de la satire

La Précarité du sage, 18 avril 2009.

Ils emploient des mots qui avaient un contenu progressiste depuis les Lumières, mais qui sont devenus suspects au tournant de ce siècle, puis carrément réactionnaires aujourd’hui. Écoutons-les : « Je suis pour une gauche républicaine, laïque et universaliste. »

« Républicaine » : avant, cela signifiait un régime contestant l’arbitraire de la monarchie et la tyrannie du monarque absolu. Aujourd’hui cela envoie un signe d’uniformité et de nationalisme.

Laïque : avant, c’était une arme contre la toute-puissance de l’église catholique, son emprise sur les consciences et son influence politique. Aujourd’hui, ‘laïc » s’emploie pour lutter contre la religion pratiquée par les plus pauvres du pays. Une religion qui ne peut et ne veut rien imposer à la population majoritaire. Une « gauche laïque », c’est donc une gauche qui méprise les plus humbles, non une gauche courageuse qui se dresse contre une puissance.

Universaliste : avant, cela voulait dire que les hommes étaient égaux et qu’on ne devait pas considérer différemment les hommes de la classe dirigeante et ceux du Tiers-État. Aujourd’hui, on se dit universaliste pour contrer les minorités dans leur volonté de s’émanciper.

Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas faire ce que font les gens de gauche ? Ils passent leur temps à dénoncer ces faux-jetons en disant d’eux qu’ils ne sont pas de gauche. Je refuse d’entrer dans ce genre de discussion. Qu’en ai-je à faire, moi, si des réactionnaires tiennent à se voir en « hommes de gauche » ?

Ceci est donc mon deuxième argument. Je suis de droite pour m’éloigner de tous ces racistes qui se disent de gauche, mais d’une gauche républicaine et laïque. Quand ils se diront de droite ou, comme on le dit en Amérique, « néoconservateurs », alors je reviendrai sur ma parole.

Troisième argument.

Les intellectuels de gauche sont brillants et j’aime les écouter. La palme revient à François Bégaudeau qui se révèle depuis des années comme un incroyable orateur. S’il n’est pas bon romancier, il est un excellent essayiste. Il répète et démontre qu' »il n’y a de gauche que radicale », et qu’ils sont eux de la « vraie gauche ». Je ne veux pas mouiller la sagesse précaire dans des arguties de ce niveau. Le sage précaire est trop précaire pour se sentir appartenir à la « vraie » gauche.

Sur le même sujet, lire Contre François Bégaudeau

La Précarité du sage, 19 septembre 2008.

Voilà, je conclus de tout cela que se dire de droite est une bonne combine pour se désengager de débats interminables, se délier les mains, et annoncer ses préférences politiques sur chaque sujet sans aucun automatisme ni dogmatisme.

4 commentaires sur “Coming out : le sage précaire est de droite

  1. Individualiste
    ——–

    e ne leur ferai plus la guerre
    Qu’ils crèvent de leur ambition
    Marchands de soupe et de galère
    Et marchands de révolution

    Mieux vaut la sagesse précaire
    D’un ermite en méditation
    Mieux vaut dormir mieux vaut se taire
    Qu’entrer dans leurs machinations

    Si je meurs dans les ans qui viennent
    Que de ma vie je me souvienne
    Sans tristesse ni sans fierté

    Je n’ai acquis nulle richesse
    Ni accompli nulle prouesse
    Mais j’ai gardé ma liberté

    * * *

    La liberté

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  2. Tu es sévère avec Bégaudeau. C’est vrai qu’il est encore meilleur à l’oral qu’à l’écrit, et que ses essais sont les meilleurs de ses écrits, mais après avoir été déçu longtemps par ses romans, à chaque nouvelle parution, j’ai l’impression que depuis En Guerre ils sont devenus bien meilleurs. En tout cas je te recommande celui-là

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