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N° 2691

______

ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2020

RAPPORT D’INFORMATION
FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES


ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1),

sur les menstruations,

PAR

MME LAËTITIA ROMEIRO DIAS ET MME BÉNÉDICTE TAURINE,

Députées.
____

(1) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.


La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les
femmes est composée de : Mme Marie-Pierre Rixain, présidente ; Mme Marie-Noëlle
Battistel, Mme Valérie Boyer, Mme Fiona Lazaar, M. Gaël Le Bohec vice-présidents ;
Mme Isabelle Florennes, Mme Sophie Panonacle, secrétaires ; Mme Emmanuelle
Anthoine ; Mme Sophie Auconie ; M. Erwan Balanant ; Mme Huguette Bello ; M. Pierre
Cabaré, Mme Céline Calvez ; M. Luc Carvounas ; Mme Annie Chapelier ; M. Guillaume
Chiche ; Mme Bérangère Couillard ; Mme Virginie Duby-Muller ; M. Philippe Dunoyer ;
Mme Laurence Gayte ; Mme Annie Genevard ; M. Guillaume Gouffier-Cha ; Mme Nadia
Hai ; Mme Sonia Kimri ; M. Mustapha Laabid ; Mme Nicole Le Peih ; Mme Geneviève
Levy ; M. Thomas Mesnier ; Mme Cécile Muschotti ; M. Mickaël Nogal ; Mme Josy
Poueyto ; Mme Isabelle Rauch ; Mme Laëtitia Romeiro Dias ; Mme Bénédicte Taurine ;
Mme Laurence Trastour-Isnart ; M. Stéphane Viry.
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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION ........................................................................................................... 7

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS ........................................................... 9


I. DÉCONSTRUIRE LE TABOU DES MENSTRUATIONS ........................................ 15
A. UN TABOU HISTORIQUE PERSISTANT ........................................................... 15
1. Un tabou ancien ...................................................................................................... 15
2. Un tabou sociétal présent, mais de plus en plus dénoncé ....................................... 16
3. Les conséquences dramatiques de ce tabou dans certains pays .............................. 17
B. UN DÉFICIT D’INFORMATION DES FEMMES ................................................. 19
1. Une mauvaise connaissance des menstruations et une demande croissante
d’informations ........................................................................................................ 19
2. Des sujets insuffisamment abordés dans le cadre scolaire et le cadre médical ...... 21
C. INFORMER DÈS LE PLUS JEUNE ÂGE ............................................................ 22
1. Informer filles et garçons sur les menstruations dès le plus jeune âge sans les
résumer à un élément de la vie sexuelle ................................................................. 22
2. L’enjeu de l’éducation à la vie du corps et au respect de chacune et de chacun .... 23
II. DE NOMBREUSES INTERROGATIONS SUR LES PROTECTIONS
MENSTRUELLES COMME PRODUITS D’HYGIÈNE FÉMININE ....................... 25
A. UNE GAMME DE PRODUITS DE PLUS EN PLUS VARIÉE ........................... 25
1. L’apparition de nouveaux produits de protection menstruelle ............................... 26
2. Protections biologiques, un raccourci de langage qui peut s’avérer trompeur
pour certaines consommatrices .............................................................................. 26
B. POUR LIMITER LE RISQUE CHIMIQUE, RESPONSABILISER LES
FABRICANTS SUR LA COMPOSITION ............................................................. 27
1. Le déclenchement d’alertes par les utilisatrices et les associations ........................ 27
2. La réaction des autorités publiques françaises ........................................................ 29
a. L’enquête de l’Anses de 2018, complétée en 2019 ............................................... 30
b. Les recommandations de l’Anses ......................................................................... 31
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3. Poursuivre les efforts des fabricants ....................................................................... 33


C. RENFORCER L’INFORMATION POUR LIMITER LE RISQUE
INFECTIEUX ............................................................................................................ 35
1. Le syndrome de choc toxique ................................................................................. 35
2. Renforcer prioritairement la prévention et l’information des utilisatrices.............. 38
D. LE RECYCLAGE DES PROTECTIONS MENSTRUELLES ............................. 41
1. Un enjeu de plus en plus important pour les consommatrices ................................ 42
2. Développer le recyclage.......................................................................................... 42
III. LE COÛT DES PROTECTIONS : POURQUOI ET COMMENT LUTTER
CONTRE LA PRÉCARITÉ MENSTRUELLE ? ....................................................... 43
A. UNE DÉPENSE QUI CONCERNE PLUS DE 15 MILLIONS DE FEMMES
EN FRANCE ............................................................................................................ 43
1. Le coût moyen des protections menstruelles .......................................................... 44
2. L’accès aux protections, un enjeu de dignité humaine ........................................... 45
B. LES FEMMES EN SITUATION DE GRANDE PRÉCARITÉ, UNE
PRIORITÉ ABSOLUE ............................................................................................. 46
1. Les femmes en situation d’extrême précarité et l’importance de l’accès à
l’hygiène intime et aux protections menstruelles ................................................... 46
2. La nécessité d’une gratuité des protections menstruelles pour les femmes les
plus précaires .......................................................................................................... 47
C. LES AUTRES PUBLICS À SOUTENIR ............................................................... 50
1. Une vigilance accrue concernant les lieux de privation de liberté.......................... 50
2. Collèges, lycées, universités : lutter contre la précarité menstruelle pour
garantir l’égalité des chances ................................................................................. 52
3. Garantir des infrastructures sanitaires en bon état .................................................. 55
IV. LE SUIVI SANITAIRE, UNE CLEF POUR MIEUX VIVRE SES RÈGLES ET
BRISER LE TABOU..................................................................................................... 57
A. CLARIFIER LA PRISE EN COMPTE DES MENSTRUATIONS DANS LE
SUIVI GYNÉCOLOGIQUE DES FEMMES ......................................................... 57
1. Les menstruations, une part incontournable de la santé des femmes ..................... 57
2. Gynécologues, généralistes, sages-femmes : un enjeu de lisibilité et de
coordination du rôle des acteurs du suivi gynécologique ...................................... 59
3. La nécessité de mieux intégrer la question des menstruations dans la prise en
compte de la santé de la femme ............................................................................. 60
B. L’ENDOMÉTRIOSE : UNE MALADIE MAL CONNUE ET
INSUFFISAMMENT PRISE EN CHARGE .......................................................... 61
1. Un diagnostic souvent tardif ................................................................................... 62
2. Des traitements qui peinent à venir à bout de la maladie ....................................... 64
3. Libérer la parole des patientes ................................................................................ 65
4. Mobiliser les pouvoirs publics ................................................................................ 66
— 6 —

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION ........................................................................... 71

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA


DÉLÉGATION ET PAR LES RAPPORTEURES .............................................. 73
I. PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION ............................................ 73
II. PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES .................................. 73

ANNEXE 2: DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LES


RAPPORTEURES ........................................................................................................ 79
I. DÉPLACEMENT À RENNES LE 7 NOVEMBRE 2019........................................... 79
II. DÉPLACEMENT À LILLE LE 8 NOVEMBRE 2019 ............................................... 80
III. DÉPLACEMENT À VERSAILLES LE 14 NOVEMBRE 2019 .............................. 81
IV. DÉPLACEMENT À PARIS LE 10 DÉCEMBRE 2019 .......................................... 81

ANNEXE 3 : COMPTE-RENDU DE L’AUDITION DE MME AGNÈS


BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ,
10 JUILLET 2019 .......................................................................................................... 83

ANNEXE 4 : HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ, SYNTHÈSE DE LA


RECOMMANDATION DE BONNE PRATIQUE POUR LA PRISE EN
CHARGE DE L’ENDOMÉTRIOSE – DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
ET TRAITEMENT MÉDICAL, DÉCEMBRE 2017 ............................................. 101
— 7 —

INTRODUCTION

La décision de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des


chances entre les hommes et les femmes de consacrer un rapport à la thématique
des menstruations peut paraître surprenante, voire déroutante. En effet, les
menstruations sont communément considérées comme un phénomène
physiologique naturel, lequel a priori ne suscite pas d’interrogations ni de
difficultés particulières. De plus, s’agissant d’un domaine qui relève de l’intimité
de chaque femme, il y a une certaine réserve, qui va parfois jusqu’au véritable
tabou, à évoquer ce sujet, y compris auprès des professionnels de santé. Faire
entrer ce sujet dans le domaine du débat public nécessite donc de surmonter un
certain nombre de réticences et de blocages ; c’est l’un des objectifs poursuivis par
la Délégation et vos Rapporteures.

En effet, les règles n’ont rien d’anecdotique : elles concernent la moitié de


l’humanité et les femmes sont concernées par cette problématique pendant la
moitié de leur vie, de la puberté à la ménopause. Il s’agit donc indéniablement
d’un sujet d’intérêt général, dont on constate qu’il suscite de multiples
interrogations ne trouvant pas toujours de réponses adéquates et qu’il comporte
des enjeux importants, tant en matière de santé que sur le plan économique.

Si le sujet est d’ailleurs de plus en plus souvent abordé, notamment dans


les medias, celui-ci est souvent réduit à un aspect spécifique, sans que la
thématique soit abordée dans sa globalité et sans que le tabou qu’il représente ne
soit véritablement déconstruit. Plusieurs problématiques ont ainsi émergé les unes
après les autres dans le débat public. La question de la composition des produits
de protections menstruelles est apparue à plusieurs reprises dans le débat public
ces dernières années, ainsi que, par exemple, celle du taux de TVA appliqué à ces
produits. Le syndrome de choc toxique, en lien avec la mauvaise utilisation de
dispositifs internes de protection, a également été régulièrement repris dans les
médias à chaque nouveau cas aux conséquences dramatiques. De même, la parole
des femmes se libère de plus en plus sur le vécu des patientes souffrant
d’endométriose, pathologie longtemps ignorée mais qui touche environ une
femme sur dix en âge de procréer. Les pouvoirs publics se sont emparés
récemment du sujet avec notamment le lancement d’un plan national sur la prise
en charge de l’endométriose. Par ailleurs, le coût des protections menstruelles que
les femmes doivent se procurer chaque mois constitue également un sujet de
questionnement et une véritable difficulté pour les femmes à faibles revenus et
celles en situation de précarité.

La question des menstruations est donc loin de constituer un sujet


anecdotique, mais forme à l’inverse une problématique extrêmement complexe
avec plusieurs types de difficultés imbriquées entre elles, tant sur le plan éducatif,
que sur ceux de la santé, de la sécurité des produits ou encore du point de vue
économique. C’est pourquoi, la démarche adoptée par vos Rapporteures est de
— 8 —

réaliser une étude synthétique sur la question des menstruations, qui semble
finalement n’avoir jusqu’à présent été abordée que de manière morcelée.
Considérant en effet que ces différents aspects sont intrinsèquement liés, elles
préconisent d’agir de manière globale sur ce sujet, sans négliger aucun d’entre
eux. Ainsi, on constate notamment que le manque d’éducation et d’information,
aussi bien en ce qui concerne les femmes que les professionnels de santé, freine la
prévention et la prise en charge des pathologies liées aux règles, au premier rang
desquelles, le syndrome de choc toxique et l’endométriose. De même, le tabou
persistant des représentations culturelles et collectives autour des menstruations se
traduit par une prise en compte insuffisante des problématiques relatives aux
menstruations.

Vos Rapporteures se sont donc attachées à dresser un panorama, aussi


complet que possible sans toutefois prétendre à l’exhaustivité, des problématiques
relatives aux menstruations, afin de proposer des actions concrètes permettant
d’améliorer significativement la situation actuelle. Celle-ci est encore trop souvent
génératrice d’angoisses et de souffrances, aussi bien psychologiques que
physiques, pour un certain nombre de femmes. Une telle situation ne saurait
perdurer au 21e siècle, encore moins quand l’égalité entre les hommes et les
femmes a été promue grande cause nationale du quinquennat. Or, force est de
constater que la prise en charge insuffisante de la question des menstruations
contribue à perpétuer les inégalités entre les hommes et les femmes. Il s’agit donc
d’un sujet crucial qui constitue un véritable levier d’égalité et vos Rapporteures
considèrent qu’il est urgent d’agir de manière franche et volontaire dans ce
domaine

Elles formulent à ce titre 47 recommandations, certaines, très


opérationnelles, pouvant faire l’objet d’adaptations rapides, d’autres, s’attachant
davantage à ouvrir des pistes de réflexion, devant s’intégrer à un travail de plus
long terme.
— 9 —

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : insérer explicitement les enjeux liés aux


menstruations dans les actions relevant de l’aide publique au développement,
notamment dans la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les
femmes et les hommes (2018 2022) et dans la Stratégie de la France en santé
mondiale (2017 2021).

Recommandation n° 2 : inclure de manière systématique les produits de


protection menstruelle, qui sont de première nécessité, dans les dispositifs de
soutien déployés lors de crises humanitaires.

Recommandation n° 3 : diffuser une campagne d’information sur les


menstruations pour déconstruire plus rapidement les tabous et préjugés qui y sont
liés.

Recommandation n° 4 : aborder systématiquement les menstruations dès


la classe de 6e en :

− dissociant ce sujet de l’éducation à la sexualité ;

− en dispensant une information à caractère pratique ;

− en mettant l’accent sur les différents types de protections menstruelles,


les consignes d’hygiène et le mode d’emploi.

Recommandation n° 5 : construire, sur le modèle du site Internet


www.choisirsacontraception.fr, développé par le ministère des Solidarités et de la
Santé et l’agence Santé Publique France, un site Internet décliné sur les réseaux
sociaux et dédié aux menstruations qui présente les principales informations sur
les menstruations à travers des informations ludiques et accessibles comme des
films, des infographiques ou encore des témoignages.

Recommandation n° 6 : développer l’éducation à l’égalité entre les


femmes et les hommes et la sensibilisation à la vie sexuelle et affective, en
abordant, entre autres sujets, les menstruations, dans le cadre, d’une part, des
enseignements moraux et civiques et, d’autre part, du nouveau service national
universel.

Recommandation n° 7 : exiger des fabricants qu’ils fassent des analyses


régulières de la composition de leurs produits, en recherchant systématiquement
l’ensemble des substances toxiques détectées par l’Anses dans son avis de
juin 2018 (dioxines, phtalates, pesticides, etc.).
— 10 —

Recommandation n° 8 : demander aux fabricants de publier


annuellement sur leur site Internet les résultats des recherches de substances
toxiques en y mentionnant systématiquement les polluants détectés et en précisant
leur taux de concentration, y compris lorsqu’ils sont inférieurs aux seuils légaux
existants.

Recommandation n° 9 : prévoir avec l’Anses et la DGCCRF un contrôle


à périodicité régulière, par exemple tous les dix ans, de la composition des
produits de protections menstruelles, afin de vérifier la présence de substances
toxiques.

Recommandation n° 10 : clarifier la composition des protections


menstruelles en :

− indiquant systématiquement sur le site internet des marques l’ensemble


des composants entrant dans la fabrication des protections menstruelles, qu’il
s’agisse des matières premières, aussi bien que des éléments nécessaires à la
transformation, à l’assemblage et au blanchiment de celles-ci ;

− indiquant sur l’emballage et sur la notice d’utilisation des protections


menstruelles, de manière lisible et compréhensible, les grands types de produits
entrant dans leur composition, qu’il s’agisse des matières premières, aussi bien
que des éléments nécessaires à la transformation, à l’assemblage et au
blanchiment ;

− mentionnant de manière explicite sur l’emballage et la notice, ainsi que


sur le site internet des marques, la présence éventuelle de traces de substances
toxiques (par exemple avec une mention précisant la possibilité de présence de
traces de telles substances), afin d’améliorer la transparence de la composition et
de rassurer les utilisatrices.

Recommandation n° 11 : travailler avec les fabricants à l’élaboration


d’un cahier des charges standardisé pour l’ensemble de la profession, établissant
un protocole strict par rapport à leurs fournisseurs de matières premières, afin
d’éliminer tout risque de contamination par des substances toxiques dangereuses.

Recommandation n° 12 : réfléchir avec les fabricants à la mise à l’écart


des fournisseurs de matières premières pour lesquelles des traces de pesticides
interdits en Europe auront été relevées lors des analyses, comme celles détectées
par le Service commun des laboratoires, à la suite de la saisine de l’Anses.

Recommandation n° 13 : mettre en place au niveau national une


procédure de déclaration obligatoire des cas de syndrome de choc toxique (SCT)
par les professionnels de santé, y compris lorsque ces cas n’ont pas nécessité une
hospitalisation.

Recommandation n° 14 : prévoir une recommandation à destination des


professionnels de santé afin de déconseiller aux femmes ayant déjà subi un SCT,
— 11 —

ou pour qui on a suspecté un SCT, de recourir à des protections internes, compte


tenu du fort risque de réitération.

Recommandation n° 15 : saisir la Haute Autorité de santé (HAS), afin


qu’elle édicte une recommandation pratique précisant le temps de port maximal
des dispositifs internes de protections périodiques qui doive ensuite être
obligatoirement apposée, de manière harmonisée, sur les emballages des produits
internes de protection menstruelle (tampons et coupes) au moyen d’un
pictogramme explicite.

Recommandation n° 16 : renforcer, en collaboration avec les fabricants,


l’information sur le temps de port maximal et le risque de SCT sur les emballages
de protections menstruelles internes, car la seule mention de cette précaution sur
les notices d’utilisation et les sites internet des marques ne suffit pas à garantir une
vraie prévention de ce risque.

Recommandation n° 17 : afficher de manière claire et visible le temps de


port maximal d’une protection menstruelle interne en :

− affichant sur les emballages des tampons et des cups un pictogramme


explicite ;

− précisant dans la notice d’utilisation de ces mêmes dispositifs internes


les symptômes médicaux qui peuvent faire suspecter un SCT.

Recommandation n° 18 : identifier la recommandation de ne pas porter


les protections menstruelles internes pendant la nuit par un pictogramme clair
figurant de façon apparente sur l’emballage des boîtes de tampons ou des coupes.

Recommandation n° 19 : exiger des fabricants que ces informations


relatives au temps de port maximal et à l’absence d’usage la nuit l’emballage des
tampons et des cups apparaissent de manière à être accessible à toutes et à tous, y
compris des personnes en situation de handicap.

Recommandation n° 20 : demander aux professionnels de santé


d’informer systématiquement les femmes et tout particulièrement les jeunes filles
sur les gestes d’hygiène à observer pendant les règles et sur les précautions
d’emploi des protections périodiques, en mettant l’accent sur le temps de port
maximal des dispositifs internes et sur le fait qu’ils ne doivent pas être utilisés la
nuit.

Recommandation n° 21 : intégrer dans le programme scolaire


d’éducation à la vie sexuelle, une information pratique sur les règles, ainsi que sur
les précautions à respecter pour prévenir le risque de SCT et remettre à chaque
élève, fille ou garçon, une plaquette récapitulant ces informations.

Recommandation n° 22 : organiser chaque année, au moment de la


rentrée scolaire, une campagne de communication au niveau national, afin
— 12 —

d’informer les utilisatrices de produits de protection périodique et de sensibiliser


les professionnels de santé qui assurent leur suivi médical, au sujet des règles
d’hygiène et des précautions d’utilisation, notamment pour les produits internes.

Recommandation n° 23 : analyser comparativement et précisément le


coût écologique du cycle de vie des protections menstruelles réutilisables et des
protections menstruelles à usage unique et jetables.

Recommandation n° 24 : développer une filière de recyclage des


protections hygiéniques absorbantes en France en mettant en œuvre, dans un
premier temps, une collecte dans les points collectifs d’utilisation, puis, dans un
second temps, un système de tri et de récolte pour les ménages.

Recommandation n° 25 : soutenir et développer les associations d’aide


aux femmes sans domicile pour mettre en œuvre un double système d’aide à
travers, d’une part, des lieux dédiés à l’accueil et à l’accompagnement et, d’autre
part, des équipes mobiles allant à la rencontre des femmes à la rue pour leur
fournir les biens de premières nécessités, dont les protections menstruelles, ainsi
qu’un suivi et un soutien adaptés.

Recommandation n° 26 : déployer des distributeurs de protections


menstruelles dans des lieux publics identifiés, comme les gares, les hôpitaux, les
abords des pharmacies ou encore les toilettes publiques, permettant aux femmes
d’acquérir facilement ces protections par le biais d’une carte bancaire ou d’une
carte prépayée distribuée au public le plus précaire.

Recommandation n° 27 : diligenter au plus vite une étude de marché


pour l’installation et le réapprovisionnement de ces distributeurs.

Recommandation n° 28 : mobiliser simultanément le réseau des agences


régionales de santé et celui des directrices régionales et déléguées départementales
aux droits des femmes pour produire une liste précise des lieux qui, par
département, seraient adéquats pour accueillir un distributeur de ce type.

Recommandation n° 29 : permettre à toutes les prisons accueillant des


femmes de disposer de suffisamment de types de protections menstruelles
différentes pour répondre aux besoins de chacune des détenues.

Recommandation n° 30 : faciliter le nettoyage en machine par les


femmes en situation carcérale de leurs vêtements, sous-vêtements et tissus
souillés.

Recommandation n° 31 : évaluer de manière exhaustive la prise en


compte de la santé menstruelle des femmes en situation d’enfermement.

Recommandation n° 32 : généraliser la distribution gratuite de


protections menstruelles au sein des universités françaises.
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Recommandation n° 33 : multiplier les lieux de distributions de


protections menstruelles dans les collèges et les lycées, en particulier dans les
lieux de vie des élèves, et expérimenter la mise en place de distributeurs dans les
toilettes.

Recommandation n° 34 : s’assurer que dans les lieux d’hébergement de


certains jeunes, comme les pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance,
les protections menstruelles soient accessibles.

Recommandation n° 35 : agir pour améliorer impérativement l’état des


toilettes en milieu scolaire et s’assurer que les jeunes filles disposent des produits
nécessaires pour changer leurs protections menstruelles dans de bonnes conditions
(papier toilette, savon, poubelle…).

Recommandation n° 36 : intégrer de manière systématique dans la


conception de nouveaux bâtiments construits pour un usage scolaire un travail de
réflexion quant à l’utilisation des sanitaires et la prise en compte des
problématiques de tous les enfants et plus spécifiquement des menstruations des
jeunes filles.

Recommandation n° 37 : étudier la possibilité de mieux réguler la


formation continue des professionnels de santé afin de garantir l’actualisation des
connaissances médicales, notamment sur le sujet de l’endométriose, mais aussi sur
les bonnes pratiques en matière de suivi gynécologique.

Recommandation n° 38 : diffuser aux professionnels de santé un guide


des bonnes pratiques en matière d’informations à donner aux patientes sur les
menstruations.

Recommandation n° 39 : clarifier les compétences de chaque


professionnel de santé en matière de suivi gynécologique et améliorer
l’information sur le remboursement de ce suivi pour lutter notamment contre le
renoncement aux soins.

Recommandation n° 40 : systématiser la prise en compte des


menstruations et tout syndrome associé dans le suivi gynécologique des femmes.

Recommandation n° 41 : prévoir, dans le cadre de la visite médicale


obligatoire entre 11 et 13 ans, une information systématique sur les règles, ce
qu’elles sont d’un point de vue biologique et ce qu’elles impliquent au quotidien,
ainsi que les risques afférents, y compris lorsque les jeunes filles n’abordent pas
spontanément ces sujets.

Recommandation n° 42 : prévoir d’aborder de nouveau ce sujet dans la


visite médicale entre 15 et 16 ans, éventuellement en liant, à cette occasion, les
enjeux des menstruations à ceux de la vie sexuelle et de la contraception.
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Recommandation n° 43 : intégrer un module spécifique consacré à


l’endométriose et à sa détection dans la formation initiale de l’ensemble des
professionnels de santé en lien avec cette pathologie : médecins généralistes,
gynécologues médicaux et obstétriciens, chirurgiens, sages-femmes, infirmiers.

Recommandation n° 44 : élaborer et transmettre à l’ensemble des


professionnels de santé en cours d’exercice, une plaquette d’information sur
l’endométriose mettant particulièrement l’accent sur sa prévalence, les signaux
d’alerte la laissant suspecter, les examens de détection à prescrire pour établir le
diagnostic, ainsi que les traitements de première intention.

Recommandation n° 45 : sensibiliser les services d’urgence des hôpitaux


et des cliniques sur les symptômes évocateurs de l’endométriose, afin qu’ils
puissent diriger les patientes vers des spécialistes, lorsqu’ils accueillent des
femmes en crise aigüe.

Recommandation n° 46 : créer des centres de santé dans chaque


département, avec des consultations dédiées pour l’endométriose, afin que chaque
femme atteinte d’endométriose puisse être prise en charge à proximité de son
domicile et qu’il puisse ainsi être remédié à l’errance médicale constatée
actuellement, laquelle conduit à une aggravation de la maladie.

Recommandation n° 47 : financer des programmes de recherche sur


l’endométriose et organiser la coordination des équipes, tant au niveau national
qu’européen, afin de mutualiser les moyens humains et financiers.
— 15 —

I. DÉCONSTRUIRE LE TABOU DES MENSTRUATIONS

Historiquement, les menstruations ont été associées à des mythes et des


croyances populaires. Souvent associées à une notion d’impureté, elles ont
progressivement fait l’objet d’un fort tabou qui perdure encore aujourd’hui, sous
différentes formes et à différents degrés selon les pays. Une information claire et
non-stéréotypée sur les menstruations est aujourd’hui une nécessité pour
normaliser ce sujet quotidien dans la vie des femmes.

A. UN TABOU HISTORIQUE PERSISTANT

Les croyances populaires et la prétendue nocivité des règles ont souvent


été un prétexte pour exclure les femmes de certaines activités sociales ou
économiques, allant parfois jusqu’à les placer dans une forme d’isolement, ce qui
est encore le cas dans certains pays. Ces pratiques peuvent avoir des conséquences
dramatiques et de plus en plus de voix militantes s’élèvent pour dénoncer ce tabou
inacceptable.

1. Un tabou ancien

Illustrant l’ancienneté des mythes et tabous sur les menstruations, Pline


l’Ancien affirmait qu’« aux approches d’une femme dans cet état, les liqueurs
s’aigrissent, les grains qu’elle touche perdent leur fécondité, les essaims
d’abeilles meurent, le cuivre et le fer rouillent sur le champ et prennent une odeur
repoussante […] » (1). Tour à tour diabolisées ou divinisées, les menstruations ont
donné lieu à des théories nombreuses pour expliquer ce phénomène qui n’a été
compris qu’au milieu du 19e siècle avec la découverte du cycle de l’ovulation.

La méconnaissance scientifique du fonctionnement menstruel a contribué


au développement de mythes populaires, de traditions, de superstitions et
d’interdits religieux entourant la femme menstruée. Les préjugés et les différentes
croyances ont progressivement renforcé l’idée que les règles sont impures,
prescrivant des comportements différenciés aux femmes en période de
menstruations. Cette prétendue nocivité et les effets délétères qui leur étaient
prêtés ont ainsi conduit à éloigner les femmes, à les exclure de certains contacts ou
de certaines pratiques sociales, à leur interdire certaines activités. En France, par
exemple, on croyait que la femme menstruée possédait le pouvoir de faire pourrir
la viande, de faire d’éloigner les chenilles et les sauterelles, de noircir le sucre en
cours de raffinage (2).

(1) Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, « Du sang et des femmes. Histoire médicale de la menstruation à
la Belle Époque », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 14/2001, mis en ligne le 3 juillet 2006.
(2) Ibid.
— 16 —

Symétriquement, les menstruations ont également toujours été considérées


comme une marque de fécondité ; elles sont donc, dans plusieurs cultures, l’objet
de rituels et constituent parfois même un élément de vénération. En cela, elles
deviennent constitutives de la définition du féminin, de la fonction reproductive de
la femme et sont ainsi considérées comme une condition de bonne santé et de
normalité.

Si la compréhension du cycle menstruel grâce aux progrès scientifiques a


permis d’en finir avec un certain nombre de mythes, tous n’ont toutefois pas
disparu. En France, persiste par exemple la croyance populaire selon laquelle une
femme menstruée fait tourner la mayonnaise ; le préjugé d’impureté n’a pas non
plus été complètement déconstruit.

2. Un tabou sociétal présent, mais de plus en plus dénoncé

Les différentes associations et start-upeuses engagées sur ce sujet qu’ont


rencontrées vos Rapporteures ont souligné de manière unanime la persistance
d’une forme de tabou des règles dans notre société. Elles s’accordent également
sur la nécessité de mieux informer les femmes et les jeunes filles sur ce que sont
les règles, quelle est leur origine, quelles en sont les conséquences, quelles en sont
les implications sur leur corps, quels produits peuvent être utilisés, etc.

Mme Fanny Godebarge, présidente de la plateforme Internet « Cyclique »,


qui vise à informer et à lutter contre les violences liées aux règles, indiquait par
exemple que les internautes posent parfois des questions aussi élémentaires que :
« mais c’est quoi en fait les règles ? » (1). Les règles sont, aujourd’hui encore, vues
comme un phénomène « sale » qui ne doit relever que du domaine de
l’extrême-intime et être le moins possible évoqué à voix haute. Elles sont mêmes
souvent associées au dégoût, voire à la honte. Dès l’adolescence, elles peuvent
être sujet de moquerie et constituer une étape difficile dans la puberté des jeunes
filles. Comme le relevaient certains enseignants en collège rencontrés par vos
Rapporteures, les règles restent pour les élèves un sujet compliqué à aborder. Mais
ce tabou ne se résume pas à une forme d’immaturité enfantine ; bien au contraire,
il semble se prolonger tout au long de la vie menstruelle jusqu’à la fin des règles
au moment de la ménopause, une autre étape encore tabou dans la vie des femmes
(2)
.

Vos Rapporteures ont bien constaté la résistance de ce tabou : les règles


mettent mal à l’aise ; elles ont d’ailleurs pu le constater tout au long de leurs
travaux. Cette situation découle en réalité d’un tabou plus général portant sur le
corps de la femme et notamment sur le sexe féminin.

Comme l’a souligné avec justesse Mme Sandrine Rousseau,


vice-présidente de l’université de Lille, les différentes parties du sexe masculin

(1) Audition de la plateforme Cyclique par vos Rapporteures, 27 juin 2019.


(2) Sur ce sujet, voir notamment le rapport d’information n° 1986 de Mmes Marie-Noëlle Battistel et Sophie
Panonacle, 4 juin 2019.
— 17 —

sont connues et nommées, tandis que celles du sexe féminin font encore l’objet
d’une forme de mutisme. Elle rappelait que, par exemple dans les locaux
universitaires, les dessins de pénis sont monnaie courante, tandis que les vagins ne
sont presque jamais représentés. Pour lever ce tabou, vos Rapporteures estiment
nécessaire de réhabiliter et le sexe féminin et les menstruations. Ces sujets n’ont
aucune raison d’être dissimulés alors qu’ils participent du quotidien de toutes les
femmes.

Plusieurs associations et militantes veulent aujourd’hui changer le regard


porté sur les règles. Les critiques se sont par exemple multipliées à l’encontre des
publicités pour les protections menstruelles dans lesquelles le sang est représenté
par un liquide de couleur bleue. D’autres se sont également fait entendre quand
certains réseaux sociaux ont censuré des photos de tâches de sang issu des règles,
y voyant là une nouvelle démonstration du tabou hérité d’un système patriarcal et
machiste. De plus en plus d’associations, d’activistes ou de start-ups engagées
luttent ainsi pour démocratiser le sujet des règles avec des actions marquantes. En
2015, l’activiste Kiran Gandhi a par exemple couru le marathon de Londres sans
protection menstruelle pour rendre visible le sang de ses règles. Dans la même
optique, l’artiste Rupi Kaur a produit une série de photos intitulée « period » ; la
censure de l’une d’entre elles sur les réseaux sociaux a provoqué une vague de
contestation. Depuis, ce sujet est de plus en plus abordé dans la sphère publique,
dans les médias et sur Internet.

Une évolution est donc en marche et vos Rapporteures souhaitent que


celle-ci puisse prendre de l’ampleur et permette enfin de lever le tabou des règles,
de rendre ce sujet visible et de montrer qu’il concerne bien l’ensemble de la
société.

3. Les conséquences dramatiques de ce tabou dans certains pays

Comme l’a souligné Mme Marina Ogier, responsable des programmes et


référente sur le genre de l’association Care France, « le tabou des règles impacte
tous les aspects de la vie des femmes. C’est à l’origine une question intime, mais
celle-ci touche en réalité à de nombreux niveaux de la vie sociale et économique »
(1)
. Les plaçant souvent dans une forme d’isolement, les croyances liées à ce tabou
contribuent souvent à exclure les femmes de la vie de leur communauté, favorisant
leur exploitation et accroissant leur vulnérabilité. Dans certains pays, pendant la
période de leurs menstruations, les femmes sont toujours vues comme impures,
intouchables, malfaisantes, porteuses de malheurs. En Inde, par exemple, les
femmes ne sont pas autorisées à cuisiner pendant leurs menstruations. À Bali, elles
ne peuvent plus pénétrer dans les temples. Au Népal, elles sont exclues de leur
foyer une semaine par mois et contraintes à l’exil, ainsi exposées à de nombreux
dangers. En Afghanistan, elles sont également isolées et soumises à plusieurs
restrictions, comme l’interdiction de manger de la viande, de boire de l’eau froide
ou de s’asseoir sur un sol mouillé.

(1) Audition de l’association Care France par vos Rapporteures, 27 juin 2019.
— 18 —

Ces pratiques se doublent d’un manque d’information sur les


menstruations. Selon l’Unicef, la moitié des adolescentes éthiopiennes n’ont par
exemple aucune information sur leurs règles avant le jour de leur apparition. De
plus, nombreuses sont les familles qui pensent que celles-ci sont causées par un
premier rapport sexuel et qui punissent en conséquence les jeunes filles. Comme
l’ont rappelé Mmes Alexandre Rinaldi et Jodie Soret d’Unicef France à travers
l’exemple du suicide d’une jeune kenyane à la suite d’humiliations subies le jour
de ses premières règles à l’école, « le tabou des règles tue » (1).

Ce tabou a également des conséquences sociales extrêmement fortes et


précoces puisqu’il conduit souvent à la déscolarisation des jeunes filles. Pour
Mme Dominique Pobel, de l’ONG Équilibres et populations (Equipop)
l’absentéisme – puis le décrochage scolaire – et le début des menstruations sont
étroitement corrélés (2). Contribuant ainsi aux inégalités entre les filles et les
garçons, la mauvaise prise en compte des menstruations en milieu scolaire est
pour vos Rapporteures un sujet de préoccupation majeur qui doit être mieux pris
en compte dans l’aide au développement et dans le soutien à l’éducation des
jeunes filles, facteurs clefs de l’égalité et de l’émancipation.

Les difficultés résultant du tabou social des menstruations se doublent de


carences profondes en matière d’hygiène. Selon l’Unicef, 250 millions
d’adolescentes entre 10 et 14 ans n’ont pas accès à des protections périodiques.
Par ailleurs, 500 millions de femmes n’auraient accès à aucune infrastructure
sanitaire leur permettant de changer lesdites protections dans des conditions
d’hygiène satisfaisantes. Selon l’association Care France, ce sont plus de
trois milliards de personnes qui n’ont même jamais accès à des toilettes. L’eau
propre demeure également rare, ce qui complique considérablement l’hygiène des
femmes en période de menstruations. L’utilisation des protections elles-mêmes
n’est pas sans présenter de risques sanitaires et plusieurs ONG constatent que dans
les pays les moins avancés les femmes ne peuvent pratiquement jamais s’en
procurer et doivent se contenter de solution « de débrouille ».

Si les objectifs de développement durable de l’Agenda 2030, adopté en


septembre 2015 par les 193 États membres de l’ONU, identifient les enjeux
d’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les enjeux de santé sexuelle et
reproductive, ils ne mettent toutefois pas en avant la question des menstruations,
pourtant centrale. De la même manière, ni la Stratégie internationale de la France
pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022) (3), ni la Stratégie de la
France en santé mondiale (2017-2021) (4) ne mentionnent le terme de
« menstruations ». Vos Rapporteures soulignent que ce sujet concerne pourtant
plus de la moitié de la population mondiale et a d’importantes implications sur le
plan de l’égalité, celui de la santé et économiquement. Elles considèrent donc qu’il

(1) Audition commune d’Unicef France et d’Equipop par vos Rapporteures, 17 septembre 2019.
(2) Ibid.
(3) Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères – consulter le document de la Stratégie.
(4) Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères – consulter le document de la Stratégie.
— 19 —

devrait être explicitement inclus a minima dans les deux stratégies internationales
mentionnées.

Ne pas même employer le terme de « menstruations » souligne d’ailleurs


bien l’aspect tabou de ce sujet. La politique française d’aide au développement
pourrait utilement inclure ce terme afin de mieux prendre en compte les
problématiques qui y sont liées. Vos Rapporteures rappellent par ailleurs que les
produits de protection menstruelle sont des produits de première nécessité qui
doivent être inclus dans les dispositifs de soutien déployés lors de crises
humanitaires.

Recommandation n° 1 : insérer explicitement les enjeux liés aux menstruations dans les
actions relevant de l’aide publique au développement, notamment dans la Stratégie
internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018 2022) et
dans la Stratégie de la France en santé mondiale (2017-2021).
Recommandation n° 2 : inclure de manière systématique les produits de protection
menstruelle, qui sont de première nécessité, dans les dispositifs de soutien déployés lors de
crises humanitaires.

B. UN DÉFICIT D’INFORMATION DES FEMMES

Le tabou des règles engendre une forme de silence sur ce sujet pour lequel
aucune connaissance particulière ne serait nécessaire et qui pourrait être vécu
naturellement par les jeunes filles et les femmes concernées, sans que cela ne
cause de problèmes particuliers. Or, il apparaît que de nombreuses idées fausses
circulent à propos des règles et qu’il existe beaucoup de zones d’ombre et
d’incertitudes. Les intéressées sont souvent en demande d’informations, sans
toujours savoir à qui s’adresser pour obtenir des réponses et sans parfois oser
aborder cette question, y compris auprès de professionnels de santé. Ce déficit
d’information a des conséquences préjudiciables pour le bien-être et la santé des
femmes et il est indispensable d’y remédier.

1. Une mauvaise connaissance des menstruations et une demande


croissante d’informations

Au fil de leurs auditions et de leurs déplacements sur le terrain, vos


Rapporteures ont constaté que les femmes avaient une connaissance insuffisante
des menstruations. Fonctionnement du cycle menstruel, diversité des produits de
protection, précautions d’usage et d’hygiène, risques sanitaires, problématiques de
dysménorrhées (1), sujets qui semblent assez mal connus des femmes.

L’enquête réalisée à la demande de l’Agence nationale de sécurité


sanitaire (Anses) auprès d’un échantillon de plus de 1 000 femmes a d’ailleurs

(1) Les dysménorrhées sont des troubles du cycle menstruel, se traduisant la plupart du temps par des douleurs
abdomino-pelviennes cycliques, rythmées par les règles. Elles peuvent apparaître dès le début de la vie
génitale (dysménorrhées primaires) ou plus tard (dysménorrhées secondaires).
— 20 —

montré que peu d’entre elles connaissent les risques liés à l’utilisation des
protections intimes et a mis en évident une insuffisance des mesures d’hygiène (1).
Ce rapport souligne d’ailleurs que « l’ensemble des répondantes a nettement
exprimé un souhait d’information sur tous ces points (symptômes, compositions,
mesures d’hygiène et de port) » (2).

Cette même volonté d’information a été remarquée par les militantes et


start-upeuses engagées qui ont créé en ligne des lieux d’échange et d’information.
Les Glorieuses abordent par exemple ce sujet régulièrement dans leurs newsletters
et soulignent l’importance d’informer et de déculpabiliser les jeunes filles souvent
mal à l’aise avec leurs règles (3). Les créatrices de la start-up Fempo ont également
insisté sur l’importance de parler librement de ce sujet et d’informer les femmes
sans tabou ; de nombreuses questions leur sont adressées sur Internet et révèlent
un véritable besoin de connaissances sur ce sujet (4). Comme cela a été mis en
avant par les personnels du Planning Familial que vos Rapporteures ont rencontrés
à Paris et à Rennes, les femmes manifestent une volonté de plus en plus affirmée
de comprendre et de maîtriser tout sujet ayant trait à leur corps et notamment les
menstruations (5).

Vos Rapporteures se réjouissent de cette dynamique qui participe


pleinement à la liberté des femmes et au droit fondamental de disposer de leur
corps et de maîtriser leur vie sexuelle et reproductive. Elles considèrent qu’une
telle dynamique ne doit pas être laissée de côté mais au contraire être reprise et
amplifiée par les pouvoirs publics pour permettre une meilleure information de
chaque femme sur ces sujets et pour lever définitivement le tabou des
menstruations dans notre pays.

Recommandation n° 3 : diffuser une campagne d’information sur les menstruations pour


déconstruire plus rapidement les tabous et préjugés qui y sont liés.

Au-delà des sites et communautés Internet qui se sont développés ces


dernières années pour répondre à ces interrogations sur les menstruations,
plusieurs applications pour smartphones ont également été créées afin de
permettre aux femmes de suivre leur cycle menstruel. Si plusieurs associations
soulignent l’intérêt de cette démarche, qui participe de la compréhension et de la
réappropriation du corps féminin, vos Rapporteures alertent toutefois sur les
risques que peuvent présenter ce type d’applications en termes de protection des
données personnelles. Leur fonctionnement implique souvent de collecter des
données de santé ou des données qui peuvent révéler un état de santé du fait de

(1) Enquête réalisée par la société Opinion Way, à la demande de l’Anses, du 26 juin au 4 juillet 2017 auprès
d’un échantillon de 1 065 femmes réglées et âgées de 13 à 50 ans représentatif de la population féminine
française.
(2) Agence nationale de sécurité sanitaire, Sécurité des produits de protection intime, avis de l’Anses, rapport
d’expertise collective, juin 2018.
(3) Audition de l’association Les Glorieuises par vos Rapporteures, 3 juillet 2019.
(4) Audition de la start-up Fempo par vos Rapporteures, 27 juin 2019.
(5) Audition du 10 juillet 2019 et déplacement du 7 novembre 2019.
— 21 —

leur croisement avec d’autres données. En outre, elles peuvent aussi collecter des
données dites sensibles, relatives notamment à la vie sexuelle des personnes.
Auditionnée par vos Rapporteures, la Commission nationale de l’informatique et
des libertés (CNIL) n’a pas été à ce jour saisie de plainte relative à ces applications
spécifiquement dédiées aux cycles menstruels (1). Mme Hélène Guimiot-Breaud,
cheffe du service santé de la CNIL, a toutefois souligné le caractère sensible de la
collecte de telles données et a rappelé que le business model des applications
gratuites repose principalement sur la monétisation des données recueillies. Vos
Rapporteures appellent donc à la vigilance sur ce sujet.

2. Des sujets insuffisamment abordés dans le cadre scolaire et le cadre


médical

S’appuyant sur les témoignages de leur communauté, les associations et


start-ups engagées sur ce sujet ont dénoncé une forte carence d’informations sur
les menstruations dans les cadres scolaire et médical, pourtant considérés comme
essentiels dans l’accès à l’information sur la santé et le corps humain.

Mme Sarah Durocher, accueillante au Planning Familial, faisait valoir que


les jeunes filles sont peu informées (2) : si le sujet est présent dans le programme
de 6e, il n’est en réalité abordé que de manière allusive, voire pas du tout.
Certaines interventions, notamment des infirmières médicales, permettent
d’aborder ce sujet, mais cela ne semble pas se faire de manière systématique. Le
détail des menstruations ne semble en réalité n’être abordé de manière précise
qu’au cours de la classe de quatrième, à l’occasion des enseignements de sciences
de la vie et de la terre. Or, de nombreuses jeunes filles ont leurs premières règles
avant la quatrième. Les témoignages recueillis par vos Rapporteures ne permettent
pas de faire de cette carence une généralité, mais il n’en demeure pas moins que
cette problématique est apparue de manière récurrente tout au long de leurs
travaux et a encore été confirmée lors de leur déplacement au collège Rosa Parks à
Rennes.

Par ailleurs, il semble que les séances d’éducation à la sexualité et à la vie


affective ne soient mises en œuvre que de façon très disparate, en fonction des
moyens et de la bonne volonté de chaque établissement scolaire. Ce constat,
régulièrement fait par les associations sur le terrain, a été clairement établi par le
Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) dans son
enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de 3 000 établissements
scolaires publics et privés au cours de l’année scolaire 2014-2015 (3).

Au-delà du cadre scolaire, les menstruations ne semblent pas


systématiquement abordées non plus dans le cadre médical. Mmes Mathilde

(1) Audition de la CNIL par vos Rapporteures, 18 septembre 2019.


(2) Audition du Planning familial par vos Rapporteures, 10 juillet 2019.
(3) Rapport n° 2016-06-13-SAN-021 relatif à l’éducation à la sexualité – Répondre aux attentes des jeunes,
construire l’égalité femmes-hommes, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 13 juin 2016.
— 22 —

Lefevre et Anne-Claire Bouscal, présidente et directrice du Planning Familial


d’Ille-et-Vilaine, ont expliqué que les femmes rencontrées dans le cadre de leur
association indiquent qu’aucun médecin ne les a interrogées sur les menstruations
ou sur l’utilisation des protections menstruelles. Vos Rapporteures ont rencontré
plusieurs professionnels de santé, médecins généralistes, gynécologues et
sages-femmes, qui considèrent pourtant que ce sujet doit bien être abordé avec les
patientes.

Les témoignages de terrain conduisent vos Rapporteures à considérer que


la situation n’est pas satisfaisante en l’état et que les informations sur les
menstruations sont insuffisantes. Il semble en outre que la relation
soignant-patiente ne prenne pas assez en compte la question des douleurs pendant
les règles, ainsi que la question de l’usage des différents types de protection
menstruelle.

C. INFORMER DÈS LE PLUS JEUNE ÂGE

Considérant qu’il est impératif d’en finir avec ce tabou des règles, vos
Rapporteures soulignent la nécessité de mieux informer, dès le plus âge, filles et
garçons sur ce sujet. Dans une démarche de compréhension du corps humain et de
normalisation des phénomènes liés au corps féminin, cette information participe
en outre d’une éducation à l’égalité et au respect de soi et d’autrui.

1. Informer filles et garçons sur les menstruations dès le plus jeune âge
sans les résumer à un élément de la vie sexuelle

Au-delà de la prise en charge des menstruations dans le suivi médical et


gynécologique des filles, ce sujet doit également être évoqué à d’autres occasions.
S’agissant d’un élément quotidien de la vie des femmes, vos Rapporteures
considèrent que les règles ne peuvent plus rester un sujet tabou, abordé du bout de
lèvres, conduisant à laisser de nombreuses femmes dans l’ignorance. Les
menstruations doivent être expliquées dès le plus jeune âge, sans tabou et sans les
réduire à une manifestation de la vie sexuelle et reproductive, les menstruations
débutant en moyenne autour de 13 ans, tandis que la vie sexuelle commence en
moyenne à partir de 17 ans (1).

Vos Rapporteures recommandent d’aborder ce sujet dès la classe de 6e,


non pas d’un point de vue uniquement scientifique lors des cours de sciences de la
vie de la terre, mais selon une approche plus large permettant notamment de
déconstruire le tabou social qui entoure les règles. Cette information doit
s’adresser aussi bien aux filles, qui ont le droit de comprendre ce que sont les
règles avant le début des leurs, qu’aux garçons, qui doivent eux aussi être

(1) En 2010, l’âge médian au premier rapport sexuel, c’est-à-dire l’âge auquel la moitié des adolescent-e-s a
déjà eu une relation sexuelle, est de 17,4 ans pour les garçons et de 17,6 ans pour les filles chez les
18-24 ans, selon l’enquête le baromètre Santé de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la
santé (Inpes).
— 23 —

informés sur le fonctionnement du corps féminin. En outre, certaines filles ayant


leurs premières règles dès l’école primaire, il convient de garantir également leur
information à cet âge, éventuellement à travers les infirmières scolaires par
exemple.

Recommandation n° 4 : aborder systématiquement les menstruations dès la classe de 6e en :


− dissociant ce sujet de l’éducation à la sexualité ;
− en dispensant une information à caractère pratique ;
− en mettant l’accent sur les différents types de protections menstruelles, les
consignes d’hygiène et le mode d’emploi.

Cette éducation aux règles passe également par la mise en place d’un
environnement scolaire bienveillant vis-à-vis des règles. Les personnels
d’éducation doivent en effet ne pas être gênés par des questions sur ces sujets, les
protections menstruelles doivent être facilement accessibles et non dissimulées.
Vos Rapporteures estiment en effet qu’une telle évolution participera directement
à la dédramatisation des règles et à la déconstruction du tabou à ce sujet.

L’école n’est toutefois pas le seul acteur qui a un rôle à jouer pour
informer les jeunes sur les menstruations. Les familles sont bien évidemment
concernées au premier plan et vos Rapporteures souhaiteraient soutenir ce rôle en
facilitant l’accès à des informations claires sur ce sujet. Sur le modèle du site
Internet www.choisirsacontraception.fr, développé par le ministère des Solidarités
et de la Santé et l’agence Santé Publique France, un site (ou une rubrique dédiée
dans un site déjà existant) pourrait présenter de manière pédagogique les
menstruations, le cycle, les changements du corps qui accompagnent le début,
mais aussi la fin, des règles, les différents types de protection, les risques
afférents, les dysménorrhées, le syndrome de choc toxique (SCT), le syndrome
prémenstruel, etc.

Recommandation n° 5 : construire, sur le modèle du site Internet


www.choisirsacontraception.fr, développé par le ministère des Solidarités et de la Santé et
l’agence Santé Publique France, un site Internet décliné sur les réseaux sociaux et dédié aux
menstruations qui présente les principales informations sur les menstruations à travers des
informations ludiques et accessibles comme des films, des infographiques ou encore des
témoignages.

2. L’enjeu de l’éducation à la vie du corps et au respect de chacune et de


chacun

La déconstruction du tabou des règles et des nombreuses idées reçues sur


ce sujet est indissociable d’un combat plus large contre tous les stéréotypes
sexistes qui portent sur les femmes ou le corps des femmes. Comme la Délégation
aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
en a déjà fait le constat dans plusieurs de ses rapports, ce combat passe
nécessairement par le développement d’un apprentissage de ce qu’est l’égalité dès
— 24 —

le plus jeune âge. C’est par ce type d’éducation que les stéréotypes et les préjugés
sexistes pourront être combattus et éradiqués.Si l’apprentissage sur les
menstruations ne doit pas se réduire aux liens entre menstruations et reproduction,
vos Rapporteures estiment toutefois que ce sujet a, par la suite, également sa place
au cours des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective. C’est séances ont
été créés en 2001 par le législateur qui souhaitait développer un enseignement à la
sexualité dans un objectif de respect du corps humain, de soi et d’autrui (1) et les
menstruations ont toute leur place dans cet enseignement.

Est ainsi prévu qu’une « information et une éducation à la sexualité sont


dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois
séances annuelles et par groupe d’âge homogène » et que ces séances
« contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain ». Une circulaire
d’application en date du 17 février 2003 (2) précise le dispositif et affirme que
« l’éducation à la sexualité est inséparable des connaissances biologiques sur le
développement du corps humain, mais elle intègre tout autant, sinon plus, une
réflexion sur les dimensions psychologiques, affectives, sociales, culturelles ou
éthiques » (3). Par la suite, la Convention interministérielle pour l’égalité entre les
filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif de
février 2013 a permis d’indiquer explicitement que l’éducation à la sexualité est
un outil pour « renforcer l’éducation au respect mutuel et à l’égalité entre les
filles et les garçons, les femmes et les hommes » (4). Enfin, en 2016, a été précisé
que « ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes
et les hommes » (5).

Vos Rapporteures estiment que les menstruations sont un sujet


incontournable pour pouvoir aborder ces questions du corps, du respect de soi et
d’autrui, de la sexualité – dans une dimension biologique mais surtout dans une
dimension sociale et culturelle. Elles tiennent donc à rappeler qu’il est urgent de
mieux développer et de systématiser ces séances d’éducation à la vie sexuelle et
affective. Elles soulignent que ces séances sont une occasion précieuse d’aborder
toute question liée au corps et à sa compréhension, y compris celles ayant trait aux
menstruations.

Recommandation n° 6 : développer l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes


et la sensibilisation à la vie sexuelle et affective, en abordant, entre autres sujets, les
menstruations, dans le cadre, d’une part, des enseignements moraux et civiques et, d’autre
part, du nouveau service national universel.

(1) Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
(2) Circulaire n° 2003-027 du 17 février 2003 relative à l’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges
et les lycées.
(3) Article L. 312-16 du code de l’éducation.
(4) Convention interministérielle du 7 février 2013 pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et
les hommes dans le système éducatif 2013-2018.
(5) Article 19 de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel
et à accompagner les personnes prostituées.
— 25 —

II. DE NOMBREUSES INTERROGATIONS SUR LES PROTECTIONS


MENSTRUELLES COMME PRODUITS D’HYGIÈNE FÉMININE

Produits de consommation courante, les protections périodiques tiennent


une place importante dans la vie des femmes qui y ont recours tous les mois,
pendant plusieurs jours, sur une durée de plusieurs décennies puisqu’elles les
utilisent dès leurs premières règles et jusqu’à leur ménopause.

D’une enquête réalisée en 2017 auprès d’un échantillon de 1 065 femmes


réglées et âgées de 13 à 50 ans (1), il ressortait que les protections externes
(serviettes et protège-slips) sont utilisées par la majorité des femmes : 91 % en
utilisent. Les habitudes varient légèrement selon les tranches d’âge : par exemple,
33 % des femmes âgées de 13 à 24 ans utilisent exclusivement des serviettes
hygiéniques, quand celles de plus de 25 ans déclarent utiliser davantage de
protections internes de type tampons. Par ailleurs, 9 % des femmes interrogées
déclarent utiliser des coupes menstruelles (ou cups), principalement les femmes de
la tranche d’âge 25-34 ans. Par ailleurs, si 21 % des femmes interrogées n’utilisent
que des serviettes hygiéniques, la majorité des répondantes déclarent privilégier
l’usage de deux types différents de protection (notamment des tampons associés à
des serviettes ou des protège-slips). Selon les grands groupes de fabricants
rencontrés par vos Rapporteures, ainsi que d’après les témoignages de terrain
qu’elles ont recueillis, les serviettes hygiéniques seraient plébiscitées et
représenteraient près de deux-tiers des protections utilisées.

Une femme ayant en moyenne ses règles plus de 450 fois au cours de sa
vie (2) et les produits de protection intime étant en contact avec une zone
particulièrement sensible du corps féminin, il est primordial de s’intéresser à la
composition de ces produits et de s’assurer de leur innocuité.

A. UNE GAMME DE PRODUITS DE PLUS EN PLUS VARIÉE

L’offre de produits de protection menstruelle n’a jamais été aussi


abondante et diversifiée, avec des produits de plus en plus performants en termes
de confort et d’absorption. Ces dernières années, de nouveaux types de produits,
qui constituent encore des marchés de niche, sont apparus, mettant en avant des
préoccupations écologiques et offrant une alternative aux produits traditionnels. Il
s’agit notamment des cups (coupes menstruelles) et des culottes menstruelles. Par
ailleurs, les produits les plus vendus, à savoir les serviettes hygiéniques et les
tampons, ont bénéficié d’innovations technologiques améliorant leur efficacité et
leur tolérance. Chaque fabricant propose en général différentes gammes,
présentant chacune plusieurs produits adaptés aux différents flux. Les progrès en
l’espace d’une génération ont donc été considérables et contribuent à faire des

(1) Enquête réalisée par la société Opinion Way, du 26 juin au 4 juillet 2017, à la demande de l’Anses.
(2) À ce sujet, voir la 3e partie du présente rapport sur le coût des protections menstruelles.
— 26 —

jours de menstruations des jours comme les autres, ne pesant pas sur le quotidien
des femmes.

1. L’apparition de nouveaux produits de protection menstruelle

Depuis quelques années, le marché des protections menstruelles s’est


enrichi de nombreux nouveaux produits vus comme plus écologiques, qu’il
s’agisse de produits issus de l’agriculture biologique ou de produits réutilisables.
De nombreuses start-ups ont développé des produits visant à mieux répondre à ces
impératifs, mais également à apporter plus de confort aux utilisatrices.

Au-delà des traditionnels tampons et serviettes absorbantes à usage


unique, ainsi que des couches menstruelles plus rarement utilisées, sont
aujourd’hui proposées aux femmes des culottes menstruelles lavables, des
serviettes lavables et des coupes menstruelles (1). Ces dernières sont apparues
récemment. En Europe, la coupe menstruelle est commercialisée à partir des
années 2000, principalement en ligne. Lors de l’enquête de la société Opinion
Way de 2017 (diligentée par l’Anses dans le cadre de son avis sur la sécurité des
produits de protection intime), 9 % des femmes interrogées déclaraient en utiliser,
principalement les femmes de la tranche d’âge 25-34 ans. En France, la coupe
menstruelle se vend en pharmacies, sur internet ou depuis 2016 en grandes
surfaces avec une dizaine de marques se partageant le marché français
aujourd’hui.

2. Protections biologiques, un raccourci de langage qui peut s’avérer


trompeur pour certaines consommatrices

L'existence de protections menstruelles vendues sous le label


« biologique » s’est progressivement développé sur le marché français. Des
marques proposent ainsi de plus en plus de serviettes et tampons fabriqués à partir
de coton issu de l’agriculture biologique depuis les années 1990. La plupart du
temps certifié par le label GOTS (2), ces produits se présentent comme plus propres
que les autres de la gamme ; ils se veulent ainsi davantage hypoallergéniques, sans
plastique, sans chlore, sans glyphosate ou autre pesticide.

Les études conduites sur la composition des protections (voir ci-après) ont
toutefois montré que bien souvent ces produits ne présentent pas une composition
plus exempte de substances indésirables que les produits non biologiques.
Interpellées par ce point, vos Rapporteures ont tenu à mettre en avant la difficulté
qui réside dans cette situation : les femmes sont ainsi tentées d’acquérir à prix plus

(1) La coupe menstruelle est un petit récipient en plastique (le plus souvent en silicone médical) en forme
d’entonnoir fermé qui se place manuellement à l’intérieur du vagin pour recueillir le sang des
menstruations ; elle doit être régulièrement vidée, lavée et stérilisée avant d’être réutilisée.
(2) Global Organic Textile Standards. Label qui certifie l’origine biologique des fibres textiles et garantit que
les méthodes d’agriculture éthique s’améliorent continuellement pour aider à assurer un avenir meilleur
pour les agriculteurs et leurs communautés ainsi que pour l’environnement.
— 27 —

élevé des produits présentés comme biologiques et donc plus « propres », alors
que cela ne semble en réalité n’avoir qu’un impact limité sur leur composition.

Si, bien sûr, il est important de développer des gammes issues de


l’agriculture biologique, vos Rapporteures souhaitent que les emballages
mentionnent plus clairement que seul le coton est biologique et non pas
l’ensemble du processus de fabrication. La protection en elle-même n’est ainsi pas
« bio », seul le coton peut l’être. Elles considèrent qu’une clarification de ce point
contribuerait à une meilleure information des consommatrices.

B. POUR LIMITER LE RISQUE CHIMIQUE, RESPONSABILISER LES


FABRICANTS SUR LA COMPOSITION

D’une manière générale, les consommateurs sont de plus en plus vigilants


en ce qui concerne la composition des produits qu’ils utilisent et font preuve
d’exigences croissantes vis-à-vis des producteurs, afin d’obtenir davantage
d’informations et de transparence. Les produits de protections menstruelles ne font
pas exception, d’autant plus que les femmes les utilisent un nombre considérable
de fois au cours de leur existence et que ces produits sont en contact direct et
prolongé avec leurs muqueuses. Au cours de leurs auditions, vos Rapporteures ont
même constaté une forme de rupture de confiance des utilisatrices vis-à-vis des
fabricants de protections menstruelles. La détection de substances indésirables
dans ces produits a fait l’objet d’analyses à plusieurs reprises et nécessite sans
doute un contrôle renforcé de la part des fabricants.

1. Le déclenchement d’alertes par les utilisatrices et les associations

La composition des produits d’hygiène féminine n’avait jamais suscité


d’interrogations ni d’inquiétudes particulières, jusqu’à ce que
Mélanie Doerflinger, étudiante, ouvre ce débat au nom du droit à l’information des
consommateurs. En juillet 2015, elle lance une pétition pour que plusieurs grandes
marques dévoilent la composition de leurs produits. Sa pétition
« #BonjourTampaxOùEstLaCompositionDeVosTampons » recueille plus de
200 000 signatures, suscite l’intérêt de grands médias français et reçoit le soutien
du magazine 60 millions de Consommateurs, édité par l’Institut national de la
consommation (INC).

Mélanie Doerflinger a dû faire preuve de ténacité pour se faire entendre.


Elle a confié qu’« au début, c’était la galère. En juillet 2015, [elle avait] à peine
300 signatures, les gens s’en fichaient. Pour autant, [elle est allée] prêcher sur
Facebook… [Elle avait] déjà cette sensibilité de se renseigner sur la composition
des produits cosmétiques par curiosité. [Elle fait] attention à ces choses lorsque
[elle] achète un produit » (1). Elle explique que sa démarche a été inspirée par la
tragique histoire de Lauren Wasser, une jeune mannequin américaine dont la

(1) https://www.pantheonsorbonne.fr/lesorbonnaute/article/article/le-combat-de-melanie-doerflinger- [URL


consultée le 11 décembre 2019].
— 28 —

jambe a été amputée suite à une infection appelée syndrome de choc toxique, liée
à l’utilisation d’un tampon.

Pour avoir des réponses, Mélanie Doerflinger décide d’interpeller une


grande marque sur les réseaux sociaux. On l’invite alors à prendre connaissance
du schéma que l’on peut trouver sur les boîtes des produits concernés. Elle indique
que « c’est là que le parcours du combattant a commencé : quand [elle a] appelé
le numéro consommateur, une personne [lui] a clairement dit qu’ils avaient des
consignes et n’avaient pas le droit de parler des personnes ayant subi des
infections ! » (1). Faute d’informations, elle s’adresse alors à Marisol Touraine,
alors ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes qui lui
indique que les normes sur ces produits sont établies au niveau communautaire.
60 millions de Consommateurs donne alors l’alerte

Intéressé par les questions soulevées par cette pétition, l’Institut national
de la consommation (INC), établissement public national à caractère industriel et
commercial (EPIC), placé sous la tutelle du ministre de l’Économie et des
Finances, décide d’enquêter sur la composition des produits de protections
périodiques. Dans son numéro de mars 2016 (2), son mensuel, 60 millions de
Consommateurs, pose deux questions principales : comment sont fabriqués ces
produits en contact avec une zone si sensible du corps féminin et pourquoi ne
sont-ils pas mieux encadrés ?

Concernant la composition, les analyses menées par les laboratoires de


l’INC sur onze références de protections féminines révèlent la présence de traces
de dioxines, de glyphosate et d’autres pesticides. Dans les trois références de
tampons analysées (Tampax, O.B. et Nett), ont été détectées des traces de dioxine
ou de dérivés halogénés, ainsi que des traces de polluants industriels. L’INC
précise que les niveaux relevés sont faibles et se situent en-dessous des seuils fixés
par les différentes réglementations. Elle précise toutefois que ces valeurs limites
n’ont pas été spécifiquement fixées pour les protections d’hygiène féminine.

Les faibles taux constituent un point positif mais ne suffisent pas à


répondre à toutes les interrogations. Comme le relève le docteur Jean-Marie
Bobbot, infectiologue et directeur médical à l’Institut Fournier à Paris, « ce n’est
pas parce que les taux sont faibles que l’on peut garantir le risque zéro. En
l’absence d’étude sur le passage systémique de chaque substance à partir du
vagin, on ne peut rien conclure. D’autant que le vagin a une perméabilité très
sélective en fonction des substances » (3).

Les substances présentes sont en effet potentiellement dangereuses pour la


santé, certaines d’entre elles étant soupçonnées d’être des perturbateurs
endocriniens, c’est-à-dire des molécules susceptibles d’interférer avec le

(1) Ibid.
(2) 60 millions de Consommateurs, n° 513 de mars 2016. On se reportera notamment à l’éditorial intitulé
« Les femmes ont le droit de savoir ».
(3) Ibid.
— 29 —

fonctionnement normal du système endocrinien et donc d’agir à de très faibles


doses (comme les hormones naturelles). C’est le cas des dioxines et des pesticides
organochlorés mis en évidence par les analyses de l’INC. Selon l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), les dioxines sont notamment susceptibles de
provoquer des troubles au niveau de la procréation, du développement, du système
immunitaire ou hormonal et des cancers, l’OMS jugeant toutefois que le risque
cancérogène serait négligeable en dessous de certains seuils.

Pour les pesticides détectés, il conviendrait de déterminer avec précision


les potentiels effets sur la santé. Plusieurs études ont en effet mis en avant les
risques que ce type de produits fait peser sur la santé. L’Institut de veille sanitaire
classe ainsi le chlordécone et le DTT comme des perturbateurs endocriniens de la
fonction de reproduction. Les molécules trouvées dans les tampons appartenant à
la même famille, il apparaît urgent de déterminer l’impact qu’elles peuvent avoir
lorsque l’exposition aux molécules a lieu au niveau de la vulve et de la muqueuse
vaginale.

Pour d’autres substances, il n’existe pas d’étude permettant d’écarter


définitivement tout risque et de confirmer sans doute possible leur caractère
inoffensif ; c’est notamment le cas pour les composés halogénés, molécules qui
appartiennent à la famille du chlore.

En conclusion de cette première enquête, l’INC invitait les fabricants à


assurer un affichage complet de la composition des protections et des résidus
qu’elles peuvent éventuellement contenir. En 2019, l’INC a mis son étude à jour
pour identifier si des progrès avaient été accomplis. Malheureusement, il constatait
ne pas être « encore rassur[é] » (1). L’étude a de nouveau été menée par le centre
d’essais comparatifs de l’INC, sur la base d’un échantillonnage de sept références
de serviettes périodiques féminines, dont une présentée comme réalisée à partir de
fibres biologiques, et de huit références de tampons, dont trois avec applicateur et
trois présentés comme réalisés à partir de coton biologique. Elle révèle la présence
récurrente du glyphosate et/ou d’un de ses dérivés dans des produits de grande
marque (serviettes hygiéniques Always, tampons Tampax). Le même constat
s’applique aux marques « bio » figurant dans l’échantillonnage (tampons
Natracare et JHO). Autre résultat inquiétant : la présence de phtalates qui
n’avaient pas été détectés dans la précédente étude. Il s’agit du DnPP dans la
référence Saforelle mais surtout du DEHP, dans les serviettes Vania, Always,
Siempre et encore chez Saforelle. Or, le DEHP est suspecté par l’Agence
européenne en charge des substances chimiques de pouvoir altérer la fertilité.

2. La réaction des autorités publiques françaises

Les enquêtes conduites par les associations de consommateurs montrent


que la composition des produits pose problème et que l’information des

(1) 60 millions de Consommateurs, n° 546, mars 2019.


— 30 —

consommatrices n’est pas suffisante. Se pose alors la question de l’encadrement de


ces produits et de leur suivi par les autorités publiques.

Dès les années 1970, les États-Unis avaient décidé de classer les tampons
périodiques parmi les dispositifs médicaux afin qu’ils soient soumis au contrôle de
l’Agence en charge des médicaments et des produits de santé, la Food and Drug
Administration (FDA). En 2009, la FDA indiquait avoir détecté des dioxines
identiques à celles trouvées par l’INC dans certaines des références de tampons
étudiées. En 2015, tout en indiquant que le risque d’effets indésirable pour la santé
pouvait être considéré comme négligeable, elle a déjà demandé aux fabricants de
tampons comportant de la viscose de fournir des informations sur les processus de
purification de la pulpe de bois servant à fabriquer la viscose. La FDA invitait
également les fabricants de ces tampons en viscose à contrôler régulièrement les
matières premières et les produits finis. Ces réactions montrent que les pouvoirs
publics américains prennent lentement conscience des enjeux liés à la composition
de ces produits.

En France, les travaux de l’Anses ont permis de mettre ces questions dans
le débat public et d’ouvrir des pistes d’amélioration qui doivent encore être
approfondies.

a. L’enquête de l’Anses de 2018, complétée en 2019


Le 29 avril 2016, la direction générale de la santé (DGS) et la direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
(DGCCRF) (1) ont saisi l’Anses pour qu’elle réalise une étude sur la sécurité des
produits de protection intime.

Lors de leur audition par la Délégation (2), les responsables de l’Anses ont
rappelé la méthodologie retenue. L’Agence a procédé à une série d’auditions entre
septembre 2016 et février 2018 auprès d’associations de consommateurs (3),
d’entreprises et de fédérations professionnelles (4) et d’organismes associatifs et
publics (5). Elle a ensuite effectué un recueil des données disponibles, aussi bien
des rapports institutionnels que des publications scientifiques relatives à la nature
des matériaux composant ces produits, aux substances chimiques pouvant être
présentes dans ces produits, au syndrome de choc toxique menstruel et aux
pathologies induites par les protections intimes (irritations, allergies,
microtraumatismes, etc.). Les recherches documentaires ont mis en évidence un

(1) La saisine a été effectuée par ces deux directions dans la mesure où les protections hygiéniques ne sont pas
considérées comme des produits de santé en droit français et relèvent donc des normes générales fixées
notamment par la directive sur la sécurité générale des produits (CE) n° 2001/95/CE.
(2) Audition de l’Anses par la Délégation le 12 juin 2019 – voir la vidéo de l’audition.
(3) Notamment l’Union fédérale des consommateurs.
(4) Procter & Gamble, Johnson & Johnson, SCA hygiene product, Claripharm, fédération des entreprises du
commerce et de la distribution, syndicat national de l’industrie des technologies médicales, groupement
français des fabricants de produits à usage unique pour l’hygiène, la santé et l’essuyage ou
Group’Hygiene, fédération professionnelle EDANA.
(5) Institut national de la consommation et Centre national de référence des staphylocoques.
— 31 —

faible nombre de rapports d’organismes publics et la rareté des publications


scientifiques.

L’Agence s’est également appuyée sur les essais réalisés, à la demande de


la DGCCRF en 2016, par le Service commun des laboratoires. Les scénarios
d’exposition portaient à la fois sur l’exposition par voie cutanée ou via les
muqueuses vaginales.

En 2017, elle a enfin commandé à Opinion Way une enquête sur


l’utilisation des protections intimes et la perception des risques auprès d’un
échantillon de femmes représentatif de la population française.

Au final, l’avis de l’Anses publié en juin 2018 (1) précise qu’aucun


dépassement des seuils sanitaires n’a été observé pour les dioxines et furanes, le
chrysène (de la famille des HAP) et le DNOP (de la famille des phtalates) présents
dans les tampons.

Concernant les substances trouvées dans les serviettes hygiéniques et les


protège-slips, aucun dépassement des seuils sanitaires n’a été mis en évidence
pour le glyphosate seul ou associé à l’AMPA, le lindane, l’hexachlorobenzène ou
le quintozène (pesticides interdits dans l’Union européenne), ou pour d’autres
pesticides. Aucun dépassement des seuils sanitaires n’a été mis en évidence, par
voie cutanée, dans les tampons, les serviettes hygiéniques et les protège-slips.

Le comité d’experts spécialisés de l’Anses ne conclut pour autant pas à


l’innocuité totale des produits entrant dans la composition des protections
hygiéniques, rappelant à la fois les zones d’incertitude des études conduites et le
fait qu’il est impossible de prendre en compte toutes les sources d’exposition à ces
produits. Il indique aussi que les calculs de risque effectués ne prennent pas en
compte les effets perturbateurs endocriniens et les effets sensibilisants cutanés.
L’avis souligne enfin le manque d’informations disponibles pour les auxiliaires de
fabrication comme les colles par exemple, ou les substances ajoutées
intentionnellement (parfums, encres, etc.).

b. Les recommandations de l’Anses

L’avis de l’Anses comporte huit recommandations principales.

Sur la composition, l’Agence recommande que la nature des matériaux


(coton, viscose, etc.) composant ces produits soit mieux documentée et qu’elle soit
affichée sur les emballages et pas uniquement sur les sites internet des fabricants,
afin d’informer les utilisatrices. Elle préconise de supprimer l’utilisation de toutes
substances parfumantes dans la composition des protections intimes, en priorité
celles présentant des effets irritants et sensibilisants cutanés, telles que le Lilial®
qui a été quantifié dans une référence de protège-slips. Plus généralement, sur les
substances ajoutées, l’Agence estime nécessaire de disposer d’études scientifiques

(1) Avis de l’Anses du 4 juin 2018, saisine n° 2016-SA-0108


— 32 —

permettant de mesurer le transfert de ces substances du matériau vers la peau et les


muqueuses.

Même si les seuils sanitaires n’ont pas été dépassés, l’Agence


recommande d’améliorer la qualité des matières premières qui peuvent être
contaminées avant même la fabrication des protections, ainsi que les procédés de
fabrication des protections intimes. Elle invite les industriels à mettre en place des
cahiers des charges plus restrictifs et des contrôles plus systématiques pour
éliminer la présence de substances chimiques dangereuses dans les matériaux
constituant les protections intimes.

Sur les seuils, l’Anses recommande de fixer un seuil pour les dioxines et
furanes chlorés du même ordre de grandeur que la limite de quantification (LQ),
méthode d’analyse qui détermine la concentration la plus basse mesurable par les
instruments d’analyse mais avec une fiabilité satisfaisante.

L’Anses estime enfin que le dispositif réglementaire actuel n’est pas


suffisant et appelle à la définition d’un cadre plus restrictif qui pourrait passer par
des procédures restrictives et par un renforcement des obligations en matière
d’essais cliniques pour évaluer le risque chimique à court et moyen termes
(allergies, intolérances...) et le risque à long terme. Ces nouvelles normes
pourraient s’inspirer de réglementations en vigueur pour les dispositifs médicaux
et les matériaux en contact avec les denrées alimentaires.

La diversification des produits disponibles sur le marché et la forte


progression des coupes menstruelles ont conduit l’Anses à appeler à un
renforcement de la surveillance du marché. À ce titre, elle a engagé une nouvelle
étude pour compléter ses premiers travaux en se concentrant sur les tampons mais
également sur les coupes menstruelles.

Les résultats d’évaluation complémentaires, disponibles depuis


décembre 2019, ont confirmé la nécessité de renforcer l’information des femmes
et des professionnels de santé sur le risque de syndrome de choc toxique menstruel
(SCT), qui concerne toutes les protections périodiques internes (tampons, coupes
menstruelles,…).

Ces nouveaux essais ont révélé la présence de substances chimiques dans


les tampons et les coupes menstruelles, mais sans dépassement des seuils
sanitaires. D’autre part, l’Anses n’a pas mis en évidence de relation directe entre
les propriétés physico-chimiques des matériaux de ces protections intimes et un
risque d’augmentation du SCT. L’Agence recommande néanmoins aux fabricants
d’améliorer la qualité de ces produits afin d’éliminer ou de réduire au maximum la
présence des substances chimiques.

Concernant le SCT, l’Anses rappelle que le risque de développer ce


syndrome causé par une toxine bactérienne est lié aux conditions d’utilisation de
toutes les formes de protections périodiques internes. Ainsi, elle recommande
qu’une information plus claire sur le risque de syndrome de choc toxique
— 33 —

menstruel et ses symptômes soit délivrée aux professionnels de santé et aux


femmes. S’agissant des emballages et notices, cette demande d’amélioration
concerne en particulier les fabricants de coupes menstruelles, plus récemment
arrivées sur le marché. Aussi, l’Anses rappelle aux utilisatrices l’importance de
respecter les règles d’hygiène liées à l’utilisation des protections, notamment la
durée du port aussi bien pour les tampons que pour les coupes menstruelles. Il est
également recommandé d’utiliser un tampon ou une coupe menstruelle
uniquement pendant les règles et de choisir une protection adaptée à son flux (1).

3. Poursuivre les efforts des fabricants

Les fabricants ont naturellement réagi à la publication de ces études, en


indiquant notamment que les pesticides et autres résidus ne sont pas ajoutés
intentionnellement hormis le Lilial® qui est une substance parfumante. Comme ils
l’ont indiqué à vos Rapporteures lors de leur audition, ces éléments ne font pas
partie des composants utilisés pour la fabrication des produits de protections
périodiques. Ils sont issus soit d’une contamination des matières premières ou des
produits finis, soit formés lors des procédés de fabrication (notamment lors du
blanchiment ou du collage). Ce processus d’apparition des résidus indésirables
dans les protections a d’ailleurs été confirmé par la DGCCRF lors de son audition
par vos Rapporteures. Si cela ne dédouane bien sûr pas les fabricants de leur
responsabilité vis-à-vis des consommatrices, il s’agit en réalité d’une
problématique bien plus vaste de qualité des produits de consommation courante
qui ne concerne pas uniquement les protections menstruelles.

Aujourd’hui, la cellulose utilisée dans ces produits n’est plus blanchie par
du chlore élémentaire. Cependant, certains procédés utilisant des agents chlorés,
comme par exemple le dioxyde de chlore, sont encore utilisés et peuvent être à
l’origine de la formation de dioxines et de furanes. Une contamination
environnementale peut également être à l’origine de la présence dans des
protections intimes de certaines substances comme par exemple les dioxines et les
furanes.

En réponse à vos Rapporteures, le groupe Procter & Gamble, leader du


marché avec ses marques Always et Tampax, indique par exemple n’avoir jamais
détecté d’AMPA (un dérivé du glyphosate) dans ses Tampax. Ces résidus de
dérivé de glyphosate n’avaient pas été détectés lors de l’étude de 2016 car, à
l’époque, la référence testée ne contenait pas de coton, dont la culture fait souvent
appel au glyphosate, en tant qu’herbicide. Quant aux phtalates, soupçonnés d’être
des perturbateurs endocriniens, les fabricants ont contesté les concentrations
détectées par l’INC mais sans en nier la présence. « Les résultats publiés par le
magazine 60 millions de Consommateurs en mars 2019 et concernant [les]
produits [du groupe Procter & Gamble] ne sont cohérents ni avec leurs contrôles

(1) https://www.anses.fr/fr/content/coupes-menstruelles-et-tampons-l%E2%80%99anses-publie-les-
r%C3%A9sultats-de-son-%C3%A9valuation-compl%C3%A9mentaire
— 34 —

qualité, ni avec les résultats d’analyse de laboratoires indépendants. Aucun de ces


tests n’a trouvé de trace d’AMPA dans les tampons ni de phtalates (DEHP) dans
les serviettes actuellement commercialisées même en utilisant des seuils de
quantification extrêmement sensibles » (1).

Si vos Rapporteures saluent les efforts indiqués par les fabricants de


protections menstruelles pour améliorer leur composition et l’information des
consommatrices, elles considèrent toutefois que d’importants progrès peuvent encore
être faits, notamment en termes de transparence de la composition et de contrôles.

Recommandation n° 7 : exiger des fabricants qu’ils fassent des analyses régulières de la


composition de leurs produits, en recherchant systématiquement l’ensemble des substances
toxiques détectées par l’Anses dans son avis de juin 2018 (dioxines, phtalates, pesticides,
etc.).

Recommandation n° 8 : demander aux fabricants de publier annuellement sur leur site


Internet les résultats des recherches de substances toxiques en y mentionnant
systématiquement les polluants détectés et en précisant leur taux de concentration, y compris
lorsqu’ils sont inférieurs aux seuils légaux existants.
Recommandation n° 9 : prévoir avec l’Anses et la DGCCRF un contrôle à périodicité
régulière, par exemple tous les dix ans, de la composition des produits de protections
menstruelles, afin de vérifier la présence de substances toxiques.

Recommandation n° 10 : clarifier la composition des protections menstruelles en :


− indiquant systématiquement sur le site internet des marques l’ensemble des
composants entrant dans la fabrication des protections menstruelles, qu’il s’agisse des
matières premières, aussi bien que des éléments nécessaires à la transformation, à
l’assemblage et au blanchiment de celles-ci ;
− indiquant sur l’emballage et sur la notice d’utilisation des protections menstruelles,
de manière lisible et compréhensible, les grands types de produits entrant dans leur
composition, qu’il s’agisse des matières premières, aussi bien que des éléments nécessaires à
la transformation, à l’assemblage et au blanchiment ;
− mentionnant de manière explicite sur l’emballage et la notice, ainsi que sur le site
internet des marques, la présence éventuelle de traces de substances toxiques (par exemple
avec une mention précisant la possibilité de présence de traces de telles substances), afin
d’améliorer la transparence de la composition et de rassurer les utilisatrices.

Recommandation n° 11 : travailler avec les fabricants à l’élaboration d’un cahier des


charges standardisé pour l’ensemble de la profession, établissant un protocole strict par
rapport à leurs fournisseurs de matières premières, afin d’éliminer tout risque de
contamination par des substances toxiques dangereuses.

Recommandation n° 12 : réfléchir avec les fabricants à la mise à l’écart des fournisseurs de


matières premières pour lesquelles des traces de pesticides interdits en Europe auront été
relevées lors des analyses, comme celles détectées par le Service commun des laboratoires, à
la suite de la saisine de l’Anses.

(1) Réponses transmises à vos Rapporteures par le groupe Procter & Gamble concernant notamment les
produits des marques Always et Tampax.
— 35 —

C. RENFORCER L’INFORMATION POUR LIMITER LE RISQUE INFECTIEUX

Outre l’attention portée à leur composition, vos Rapporteures ont été


alertées sur les risques dus à une mauvaise utilisation des produits de protection
intime, au premier rang desquels figure le syndrome de choc toxique. Elles
tiennent à attirer l’attention sur l’enjeu fondamental d’une meilleure information
des utilisatrices de protections menstruelles afin d’éviter tout risque de ce type.

1. Le syndrome de choc toxique

a) Une maladie grave encore mal appréhendée

Les cas de syndrome de choc toxique sont relativement rares, même s’ils
sont probablement sous-évalués, en l’absence d’obligation déclarative par les
médecins. En 1990, plus aucun cas de SCT n’était recensé en France mais depuis
la fin des années 1990, la maladie est réapparue et ne cesse de croître : 5 cas
déclarés en 2004, 19 en 2011 et jusqu’à 22 en 2014, ce qui a alerté le Centre
national de référence des staphylocoques des Hospices civils de Lyon (1). Ainsi, en
2018, une vingtaine de cas ont été déclarés auprès du Centre national de référence
(CNR) des staphylocoques de Lyon, ces cas étant le fait de déclarations
spontanées de cliniciens ou de microbiologistes à des fins de diagnostic ou de
travaux épidémiologiques.

Le syndrome de choc toxique (SCT)


Le syndrome de choc toxique est lié à la présence d’une bactérie, le Staphylococcus
aureus (staphylocoque doré), dans le microbiote vaginal de certaines femmes. La
bactérie, présente dans ou sur le corps (nez, gorge, peau et parfois vagin) de 30 à 40 %
de la population, n’est pas, en soi, dangereuse pour la femme mais le devient lorsque la
femme abrite dans son vagin un staphylocoque doré producteur d’une toxine
particulière appelée TSST-1 (environ 1 % des cas).
Dans ce cas, lorsqu’elle a ses règles et qu’elle garde une protection trop longtemps, la
bactérie se retrouve bloquée dans le vagin et s’y multiplie. Quand le staphylocoque doré
atteint une concentration importante, il libère la toxine TSST-1 qui passe alors dans le
sang et provoque le choc toxique, ainsi que des lésions de certains organes, dont le foie,
les poumons et les reins. Cette maladie grave peut conduire à une nécrose des tissus,
des amputations, voire au décès.

Le SCT est d’autant plus difficile à identifier que les cas sont rares et que
les symptômes peuvent correspondre à d’autres pathologies. En effet, le SCT se
déclare pendant les règles et se manifeste sous la forme d’une fièvre soudaine
(38,9° ou plus), d’une sensation de malaise avec céphalée, de vomissements, de
diarrhée, d’une éruption cutanée ressemblant à un coup de soleil. De tels
symptômes peuvent évoquer une grippe ou une gastro-entérite, sans que le lien

(1) https://www.lemonde.fr/sante/article/2016/10/21/les-medecins-inquiets-d-un-retour-du-choc-toxique-lie-
aux-regles_5017961_1651302.html
— 36 —

éventuel avec un SCT ne paraisse évident pour la personne concernée ou même


pour le médecin consulté. Le diagnostic n’est donc pas toujours bien posé. Ainsi,
le récent exemple d’une jeune fille de dix-sept ans, décédée en janvier 2020, a
illustré de manière dramatique les conséquences d’un diagnostic tardif du choc
toxique, pris à tort pour un cas de grippe gastro-intestinale par les médecins et les
services d’urgence (1).

Pour mieux connaître le SCT et disposer de données fiables, vos


Rapporteures estiment que les professionnels de santé doivent être plus
sensibilisés à cette pathologie et en faire une déclaration systématique auprès des
autorités sanitaires.

Recommandation n° 13 : mettre en place au niveau national une procédure de déclaration


obligatoire des cas de syndrome de choc toxique (SCT) par les professionnels de santé, y
compris lorsque ces cas n’ont pas nécessité une hospitalisation.

Après un choc toxique, « 20 % des femmes rentrent chez elles sans avoir
compris ce qui leur est arrivé, sans avoir compris la maladie et continuent ensuite
d’utiliser des tampons de la même manière » (2). Le risque de réitération du choc
toxique est pourtant important, en particulier si les femmes utilisent à nouveau des
tampons. Cela souligne une vraie carence dans la prévention et l’information des
femmes confrontées à ces situations.

Recommandation n° 14 : prévoir une recommandation à destination des professionnels de


santé afin de déconseiller aux femmes ayant déjà subi un SCT, ou pour qui on a suspecté un
SCT, de recourir à des protections internes, compte tenu du fort risque de réitération.

b) Des causes mal connues

Toutes les patientes porteuses d’un staphylocoque produisant la toxine


TSST-1 ne développent pas un choc toxique, ce qui suggère l’intervention d’autres
facteurs. Pour mieux comprendre l’origine de cette maladie, le CNR des
staphylocoques de Lyon a lancé un projet de recherche portant sur l’« impact du
microbiote vaginal sur le développement du choc toxique staphylococcique
menstruel ». Une collecte de tampons a été réalisée en octobre 2016 afin que la
recherche puisse travailler sur un nombre important d’échantillons bactériens.
L’équipe en charge du projet voulait explorer l’hypothèse selon laquelle le
microbiote vaginal jouerait un rôle prédominant dans la survenue de ces chocs, en
favorisant ou en inhibant la colonisation par une souche de staphylocoque
producteur de TSST-1 et la production de toxine. L’équipe souhaitait pouvoir
comparer les compositions des microbiotes vaginaux des patientes colonisées par
une souche de staphylocoque producteur de TSST-1 qui ne développent pas de
SCT, aux microbiotes de patientes colonisées par une souche de staphylocoque

(1) Situation relatée dans la presse - https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/choc-toxique-une-adolescente-


belge-decede-a-cause-d-un-tampon-hygienique_3785775.html [URL consultée le 6 février 2020].
(2) Audition du Dr Gérard Lina par vos Rapporteures, 18 septembre 2019.
— 37 —

producteur de TSST-1 développant un choc toxique staphylococcique menstruel.


Près de 6 000 demandes de kit ont été enregistrées.

Les Hôpitaux civils de Lyon (HCL) ont rendu leurs conclusions


le 4 juillet 2017 et ont estimé que contrairement au tampon Rely®, retiré du
marché américain dans les années quatre-vingt, aucun dispositif vaginal ne stimule
la production de la toxine TSSTT-1 qui déclenche le choc toxique. L’équipe n’a
pas observé de relargage par les tampons de produit ayant un impact sur le
staphylocoque, ont ajouté les hôpitaux lyonnais. Durant l’enquête, les chercheurs
ont testé les marques les plus utilisées ainsi que des tampons ayant des
compositions différentes. Concernant l’utilisation de coupes menstruelles, les
HCL indiquent qu’en ayant un diamètre plus important que les tampons, elles
permettent une arrivée d’air et donc d’oxygène plus importante et favorisent plus
la croissance du staphylocoque et la production de la toxine. Les règles
d’utilisation des coupes menstruelles doivent s’inspirer de celles des tampons : ne
pas les porter la nuit pendant son sommeil et ne pas les porter le jour pendant plus
de 6 heures. D’après les premiers résultats rassurants sur la qualité des dispositifs
vaginaux et le recoupement de différents témoignages, le choc toxique semble
résulter essentiellement d’un défaut d’information des utilisatrices (1).

Ainsi, les études déjà engagées semblent établir un lien entre le SCT et un
port prolongé de protections. Longtemps soupçonnée, la composition des tampons
actuellement commercialisés n’aurait en effet aucune incidence sur la survenue
des SCT. Le type de tampon ne fait pas de différence. Par contre, « nous avons
observé que l’espace entre les fibres qui contribue à l’apport d’air dans le vagin
représente le site majeur de croissance » du staphylocoque doré, explique Gérard
Lina, professeur de microbiologie à Lyon et coauteur de l'étude. Si certains
produits favorisent plus que d’autres la croissance de la bactérie, il s’agirait plutôt
d’une conséquence de « la structure du tampon, de la densité des fibres », indique
le médecin. Quant à la taille du tampon, elle joue indirectement, dans la mesure où
les « femmes ont tendance à garder les tampons ultra-absorbants plus longtemps.
Or, le staphylocoque doré n’a pas besoin de beaucoup de sang pour se multiplier
et produire la toxine, mais il a besoin de temps » (2).

Si « ce n’est pas la nature des tampons qui favorise les chocs toxiques, il
faut en revoir l’utilisation et améliorer la prévention ». Les fabricants de tampons
précisent dans les notices de ne pas les laisser en place « plus de huit heures » (3).
Le professeur Gérard Lina considère cependant cette durée trop importante ; il
conseille plutôt de renouveler le tampon ou de vider la coupe toutes les quatre à
six heures.

(1) https://www.chu-lyon.fr/fr/choc-toxique-enquete-sur-lusage-des-tampons-periodiques [URL consultée le


12 décembre 2019].
(2) Audition du Professeur Gérard Lina par vos Rapporteures, 18 septembre 2019.
(3) https://www.tampax.fr/fr-fr/tout-savoir/conseils-sur-les-regles/combien-de-temps-peut-on-garder-un-
tampon [URL consultée le 12 décembre 2019].
— 38 —

2. Renforcer prioritairement la prévention et l’information des


utilisatrices

Les études actuelles montrant que le risque est principalement lié aux
conditions d’utilisation, vos Rapporteures estiment que l’effort doit se concentrer
sur la prévention et l’information des utilisatrices.

Persuadée qu’une meilleure prévention passe par une meilleure


connaissance des habitudes des utilisatrices, l’équipe du professeur Gérard Lina a
lancé une enquête anonyme en ligne sur l’usage des tampons. « L’idée n’est pas
de diaboliser les tampons, car ils sont indispensables pour la liberté des femmes
mais […] on peut encore progresser dans l’information qui leur est délivrée.
L’objectif n’est pas de bannir les protections hygiéniques intravaginales, mais de
faire en sorte qu’elles soient mieux utilisées » (1). Sachant que les femmes utilisent
en moyenne 11 000 tampons dans leur vie, il est primordial que les utilisatrices
soient informées des précautions d’utilisation et des règles d’hygiène à respecter.

Comme le relevait l’Anses dans son avis de 2018, les notices d’utilisation
des protections internes préconisent un temps de port maximum de 4 à 8 heures ;
ces recommandations semblent cependant peu ou mal suivies par la majorité des
femmes utilisant un tampon. Dans l’enquête réalisée par Opinion Way 79 % des
femmes répondantes déclaraient garder leur tampon toute la nuit sans le changer et
près de 30 % des femmes indiquaient ne pas changer de coupe menstruelle durant
toute une journée (2 % pour les tampons).
Recommandation n° 15 : saisir la Haute Autorité de santé (HAS), afin qu’elle édicte une
recommandation pratique précisant le temps de port maximal des dispositifs internes de
protections périodiques qui doive ensuite être obligatoirement apposée, de manière
harmonisée, sur les emballages des produits internes de protection menstruelles (tampons et
coupes) au moyen d’un pictogramme explicite.

Ces pratiques sont contraires aux recommandations faites le 23 janvier


2018 par Santé Publique France (2) qui estime que plusieurs règles d’hygiène
simples devraient permettre de se prémunir contre le syndrome de choc toxique :

− éviter d’utiliser des tampons en cas de diagnostic précédent de choc


toxique staphylococcique menstruel ;

− se laver les mains au savon avant d’insérer ou de retirer un tampon ou


une coupe menstruelle ;

− changer de tampon toutes les 4 à 8 heures et éviter d’en porter la nuit ;


n’utiliser un tampon que pendant une partie de la journée en alternant l’utilisation

(1) http://sante.lefigaro.fr/article/choc-toxique-pas-de-tampons-plus-a-risques-que-d-autres/ [URL consultée


le 12 décembre 2019].
(2) Santé publique France, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 23 janvier 2018.
— 39 —

des tampons et des serviettes hygiéniques. Utiliser, par exemple, des serviettes la
nuit et des tampons le jour ;

− ne pas oublier d’enlever le tampon ;

− attendre le début des règles avant d’utiliser un tampon. Éviter d’utiliser


un tampon par mesure de précaution lorsqu’on attend ses règles d’une journée à
l’autre ou pour absorber d’autres types de pertes ;

− utiliser des tampons ayant le pouvoir absorbant minimal nécessaire pour


répondre à ses besoins personnels, le risque de contracter un SCT étant plus élevé
avec des tampons très absorbants Un mauvais usage des coupes menstruelles peut
aussi exposer les femmes au SCT

À l’heure actuelle, aucune étude sur la composition des coupes


menstruelles n'existe. Même si leur utilisation est encore relativement marginale, il
est important, de se pencher sur leur composition et les conditions d’utilisation à
respecter, d’autant plus qu’il s’agit d’un dispositif interne, donc susceptible
d’engendrer un syndrome de choc toxique, au même titre que les tampons.
60 millions de Consommateurs recommandait déjà, dans son numéro de
mars 2016, de privilégier les modèles transparents qui affichent une composition
« 100 % silicone médical » et qui sont donc a priori fabriqués sans bisphénol A, ni
phtalates, ni colorants à risques. Pour autant, il ne s’agit pas là d’une garantie
absolue, en l’absence de tests permettant de confirmer l’absence de ces substances.
— 40 —

L’usage de la coupe menstruelle : les mêmes risques de SCT qu’avec des tampons
L’usage de la coupe menstruelle pâtit de l’absence de recommandations officielles sur
les bonnes pratiques à adopter et les notices d’utilisation sont trop peu renseignées, tant
en ce qui concerne la composition que les précautions d’utilisation et les règles
d’hygiène. Nombre de fabricants ne fournissent en effet aucune information relative au
SCT sur l’emballage ou sur la notice, participant ainsi à l’ignorance des utilisatrices sur
ce risque. Ainsi, beaucoup de femmes croient pouvoir garder leur cup dans le vagin
jusqu’à 12 heures et certains fabricants affichent aussi cette préconisation erronée. En
outre, ce produit est plébiscité par les jeunes filles, une population particulièrement
concernée par le SCT : « nos données épidémiologiques montrent que la moitié des
femmes qui font des syndromes de choc toxique ont moins de 17 ans », indique le
professeur Gérard Lina, spécialiste du SCT auprès du Centre national de référence des
staphylocoques de Lyon.
Afin de prévenir le risque de syndrome de choc toxique, le professeur Gérard Lina
insiste sur le fait que « le temps maximum d’utilisation d’une coupe menstruelle ou d’un
tampon ne doit pas dépasser 6 heures ». Au-delà du temps de port, les règles
impératives d’hygiène sont également mal connues. Le professeur Lina estime que
« mieux vaut disposer de plusieurs cups car il faut les stériliser ou les faire bouillir
avant de les réintroduire ». En effet, celui-ci insiste sur le fait que des agents
pathogènes, notamment des bactéries, sont susceptibles de se fixer sur une cup et ne
sont éliminés qu’après stérilisation. En outre, il est indispensable de se laver les mains
avant et après le maniement de la cup.

Vos Rapporteures adhèrent aux préconisations de l’Anses qui propose


d’agir selon trois axes :

− renforcer l’information générale des femmes, par le biais de


communications institutionnelles portant sur les bonnes pratiques d’hygiène ;

− sensibiliser les relais d’information que sont les professionnels de santé


et notamment les médecins traitants et gynécologues, en leur rappelant la nécessité
d’informer les femmes sur les pratiques d’hygiène. En ce qui concerne les
fabricants, la notice devrait être particulièrement claire et se doubler d’un
pictogramme suffisamment gros sur l’emballage des protections internes.
Aujourd’hui ces informations ne figurent en effet de façon détaillée que sur les
sites internet des fabricants ;

− accompagner chaque protection intime interne (tampon, coupe


menstruelle) d’une notice d’utilisation et de préconisations d’hygiène (temps de
port, lavage entre chaque utilisation pour les coupes menstruelles, etc.).

Pour atteindre ces objectifs, il convient de mobiliser de façon générale


mais aussi de façon plus ciblée, notamment en diffusant ces recommandations
dans les établissements scolaires et plus particulièrement lors des séances
d’éducation à la sexualité.
— 41 —

Recommandation n° 16 : renforcer, en collaboration avec les fabricants, l’information sur


le temps de port maximal et le risque de SCT sur les emballages de protections menstruelles
internes, car la seule mention de cette précaution sur les notices d’utilisation et les sites
internet des marques ne suffit pas à garantir une vraie prévention de ce risque.

Recommandation n° 17 : afficher de manière claire et visible le temps de port maximal


d’une protection menstruelle interne en :
− affichant sur les emballages des tampons et des cups un pictogramme explicite ;
− précisant dans la notice d’utilisation de ces mêmes dispositifs internes les
symptômes médicaux qui peuvent faire suspecter un SCT.

Recommandation n° 18 : identifier la recommandation de ne pas porter les protections


menstruelles internes pendant la nuit par un pictogramme clair figurant de façon apparente
sur l’emballage des boîtes de tampons ou des coupes.

Recommandation n° 19 : exiger des fabricants que ces informations relatives au temps de


port maximal et à l’absence d’usage la nuit l’emballage des tampons et des cups apparaissent
de manière à être accessible à toutes et à tous, y compris des personnes en situation de
handicap.

Recommandation n° 20 : demander aux professionnels de santé d’informer


systématiquement les femmes et tout particulièrement les jeunes filles sur les gestes
d’hygiène à observer pendant les règles et sur les précautions d’emploi des protections
périodiques, en mettant l’accent sur le temps de port maximal des dispositifs internes et sur
le fait qu’ils ne doivent pas être utilisés la nuit.

Recommandation n° 21 : intégrer dans le programme scolaire d’éducation à la vie sexuelle,


une information pratique sur les règles, ainsi que sur les précautions à respecter pour
prévenir le risque de SCT et remettre à chaque élève, fille ou garçon, une plaquette
récapitulant ces informations.

Recommandation n° 22 : organiser chaque année, au moment de la rentrée scolaire, une


campagne de communication au niveau national, afin d’informer les utilisatrices de produits
de protection périodique et de sensibiliser les professionnels de santé qui assurent leur suivi
médical, au sujet des règles d’hygiène et des précautions d’utilisation, notamment pour les
produits internes.

D. LE RECYCLAGE DES PROTECTIONS MENSTRUELLES

Un nombre croissant d’utilisatrices de produits de protections menstruelles


se préoccupe des effets éventuels sur leur santé mais également sur
l’environnement. La fréquence d’utilisation de ces produits par un nombre
important de femmes, pendant plusieurs décennies, est génératrice d’une masse
importante de déchets dont la limitation ou le recyclage constituent un enjeu
écologique non négligeable, auquel de plus en plus de femmes se montrent
sensibles.
— 42 —

1. Un enjeu de plus en plus important pour les consommatrices

Le développement d’une gamme de protections menstruelles de plus en


plus diversifiée, avec notamment des produits issus de l’agriculture biologique et
des protections réutilisables, démontre l’intérêt que portent les consommatrices
aux enjeux écologiques. À ce jour, vos Rapporteures constatent toutefois que les
données permettant de comparer le coût écologique du cycle de vie d’une
protection réutilisable et d’une protection jetable sont encore rares. Une telle
information serait pourtant de nature à mieux éclairer les choix des
consommatrices et à favoriser le respect de l’environnement.

Recommandation n° 23 : analyser comparativement et précisément le coût écologique du


cycle de vie des protections menstruelles réutilisables et des protections menstruelles à usage
unique et jetables.

Les marques commercialisant des protections menstruelles manifestent


elles aussi un intérêt fort pour cet enjeu de l’empreinte écologique. Les start-ups
éthiques et écologiques se multiplient. Le groupe Procter & Gamble met
régulièrement cet objectif en avant en se disant « persuadé [de pouvoir] jouer un
rôle dans la mise en place d’une économie plus circulaire » (1).

45 milliards de serviettes menstruelles seraient en effet jetées chaque


année à l’échelle mondiale et mettraient, pour chacune d’entre elles, plus de
500 ans à se dégrader (2). Le caractère massif de la consommation de protection
menstruelle à travers le monde, renforce l’objectif de réduction de l’impact
écologique desdites protections.

Vos Rapporteures soulignent qu’il n’existe actuellement pas de filière de


recyclage de ce type de produits en France et finalement peu d’informations sur
les enjeux écologiques qui sont liés à ce type de produits. S’agissant de produits
de grande consommation, elles considèrent pourtant qu’il s’agit d’une priorité.

2. Développer le recyclage

En Italie, l’entreprise Fater S.p.A, qui fait partie du groupe mondial


Procter & Gamble, développe depuis 2017 un procédé industriel de recyclage des
protections hygiéniques absorbantes, c’est-à-dire principalement les couches pour
bébé et les serviettes menstruelles. À l’échelle de l’Italie, cela représente
900 000 tonnes de déchets et donc un défi écologique considérable.

Vos Rapporteures plaident pour une accélération de la mise en œuvre


d’une telle filière de recyclage des protections hygiéniques absorbantes en France.
Elles préconisent de développer dans un premier temps un système de collecte
dans les points collectifs d’utilisation, tels que les hôpitaux, les crèches, les

(1) Audition du groupe Procter & Gamble par vos Rapporteures, 17 septembre 2019.
(2) Données issues du média consoGlobe [URL consultée le 29 novembre 2019].
— 43 —

toilettes publiques, les écoles, les universités ou certains grands centres de bureaux
par exemple. Cela permettrait de développer une première filière de recyclage en
récoltant une masse suffisante de produits pour garantir l’effectivité et l’utilité de
cette démarche.

Sur moyen terme, il conviendrait de réfléchir à la mise en œuvre d’une


collecte des produits utilisés par les ménages. Une fois un système de tri et de
collecte mis en œuvre, il sera ainsi possible de recycler l’ensemble des protections
hygiéniques absorbantes utilisées en France.

Recommandation n° 24 : développer une filière de recyclage des protections hygiéniques


absorbantes en France en mettant en œuvre, dans un premier temps, une collecte dans les
points collectifs d’utilisation, puis, dans un second temps, un système de tri et de récolte
pour les ménages.

III. LE COÛT DES PROTECTIONS : POURQUOI ET COMMENT LUTTER


CONTRE LA PRÉCARITÉ MENSTRUELLE ?

Utilisées régulièrement pendant une longue période de la vie, les


protections menstruelles constituent des produits de consommation massive et de
première nécessité, dont il apparaît difficile pour les femmes de se passer, sans
subir de préjudice individuel et social. L’accès aux protections est même un enjeu
de dignité humaine. On estime qu’une femme utilise pendant sa vie près de
11 500 produits de protection. En y ajoutant les autres dépenses liées aux
menstruations, cela représenterait un coût total pouvant aller de 8 000 à
23 000 euros à l’échelle d’une vie. Loin d’être négligeable, ce coût est parfois
difficile à assumer pour certaines femmes en situation de précarité plus ou moins
aigue. Les femmes étant surreprésentées parmi les faibles revenus et davantage
touchées par la précarité, cette dépense récurrente à laquelle il faut faire face tous
les mois leur est parfois inaccessible. Il est donc nécessaire d’identifier ces publics
en difficulté et de leur offrir une solution leur permettant d’échapper à
l’ostracisme social et de préserver leur dignité. La lutte contre la précarité
menstruelle est une priorité qui doit ainsi être abordée de manière franche et
pragmatique afin d’apporter à chaque situation une solution adaptée.

A. UNE DÉPENSE QUI CONCERNE PLUS DE 15 MILLIONS DE FEMMES EN


FRANCE

L’achat de protections menstruelles concerne en France 15,5 millions de


femmes âgées de 13 à 50 ans. La prise en charge du coût de cette vie menstruée
mérite d’être questionnée et la protection des femmes les plus précaires est
assurément une priorité.
— 44 —

1. Le coût moyen des protections menstruelles

Selon l’Institut national d’études démographique (INED), 90 % des jeunes


filles en France ont leurs premières règles entre 11 et 14 ans. « En deux siècles,
l’âge moyen aux premières règles n’a cessé de diminuer en France. Sans doute
proche de 16 ans vers 1750, il est descendu à près de 15 ans vers 1850 puis
13 ans en 1950. En 1994, les premières règles arrivent, en moyenne, à l’âge de
12,6 ans. Dans tous les pays riches, les jeunes filles deviennent pubères plus tôt
qu’autrefois. Ce développement plus précoce est attribué notamment à
l’amélioration de l’alimentation. À la fin du 20e siècle, l’âge moyen aux premières
règles s’est stabilisé entre 12,5 et 13,5 ans dans plusieurs pays, comme les
États-Unis ou le Japon. Il semble probable que cela se passe aussi en France » (1).

La ménopause intervenant en moyenne autour de l’âge de 50 ans (2), les


femmes ont donc leurs règles pendant 38 années. À raison de 5 jours de
menstruations par mois en moyenne (3), cela représenterait donc environ
2 280 jours de menstruations par femme. En estimant qu’une femme utilise en
moyenne cinq protections menstruelles par jour, cela représente plus de
11 400 protections sur l’ensemble d’une vie.

Le coût de ces protections est extrêmement variable en fonction du type


choisi, de la marque, des caractéristiques, etc. Pour bien estimer les dépenses liées
aux menstruations doivent en outre être ajoutés des coûts liés au renouvellement
des sous-vêtements et linge de lit, ainsi que l’achat éventuel d’antidouleurs et les
visites de contrôle chez un gynécologue, médecin généraliste ou sage-femme, dont
la tarification varie également, notamment selon les territoires. Selon l’association
Règles élémentaires (4), les estimations du budget dédié aux menstruations iraient
de 8 000 à 23 000 euros pour la durée d’une vie. D’autres estimations plus basses
ont été réalisées ; plusieurs auditions ont notamment mis en avant un budget
d’environ 10 euros par mois, soit environ 4 500 euros à l’échelle d’une vie
menstruée.

Chacune de ces estimations, qui, pour la plupart, s’échelonnent donc de


10 euros à 50 euros par mois, montre toutefois que les menstruations représentent
un coût fixe et régulier. Cela permet de rendre visible ce coût des protections
menstruelles qui pèsent de manière systématique sur les femmes. Ce coût
concerne, en France, 15,5 millions de personnes, c’est-à-dire l’ensemble des
femmes âgées de 13 à 50 ans, se situant donc dans l’âge de la vie menstruée (5).
Que l’on retienne la fourchette haute ou la fourchette basse de ces estimations, vos
Rapporteures soulignent que ces coûts ne peuvent être négligés et qu’ils sont de
nature à aggraver la situation des femmes en situation de précarité.

(1) Focus Ined, « L’âge aux premières règles », août 2014 [URL consultée le 3 décembre 2019].
(2) Inserm, dossier d’information sur la ménopause, octobre 2017 [URL consultée le 3 décembre 2019].
(3) Collège national des gynécologues et obstétriciens français [URL consultée le 3 décembre 2019].
(4) Audition de Règles élémentaires par vos Rapporteures, 27 juin 2019.
(5) Insee, population totale par sexe et par âge au 1er janvier 2019.
— 45 —

2. L’accès aux protections, un enjeu de dignité humaine

L’accès aux protections menstruelles n’est pas une question de confort


mais, s’agissant d’un produit de première nécessité absolument indispensable, il
s’agit en réalité d’une condition nécessaire au respect de la personne humaine.

Or, il n’est pas toujours facile d’accéder à ces protections, comme le


montre le sondage Ifop sur la précarité menstruelle réalisée à la demande de Dons
solidaires : 8 % des femmes interrogées parmi le « grand public » (1) et 39 % des
femmes interrogées parmi les bénéficiaires d’associations (2) déclarent qu’il leur
arrive de ne pas disposer de suffisamment de protections hygiéniques pour
elles-mêmes ou leur fille par manque d’argent.

Au-delà de la question de la dignité et de l’estime de soi, cette précarité


peut également représenter un risque pour leur santé. Ainsi, selon le même
sondage, 10 % des femmes interrogées parmi le « grand public » (3) et 29 % des
femmes interrogées parmi les bénéficiaires d’associations (4) déclarent renoncer à
changer de protections hygiéniques aussi souvent que nécessaire par manque
d’argent.

La précarité menstruelle a des conséquences très concrètes : comme en


témoignent les associations, telles Agir pour le développement de la santé des
femmes (ADSF) ou Règles élémentaires, les femmes les plus précaires,
notamment lorsqu’elles sont sans-abri, en sont réduites au « système D » pour
gérer leur flux sanguin menstruel. Elles ont recours à des protections de fortune,
comme des éponges, du coton, du papier hygiénique, des chaussettes, des
morceaux de tissus déchirés, etc. Inadaptées, ces solutions ne sont pas acceptables
et peuvent être dangereuses ; vos Rapporteures s’inquiètent vivement de ces
situations et attirent l’attention sur leur gravité.

Non seulement grave, cette situation est aussi massive puisqu’en 2017 les
femmes sont 4,7 millions à avoir un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté
(soit 60 % de la médiane des niveaux de vie). Avec un pouvoir d’achat limité, ces
femmes sont régulièrement confrontées à des difficultés dans l’achat des produits
de première nécessité, des produits d’hygiène et donc des produits de protection
menstruelle. Le soutien à l’accès à ces produits constitue donc une question
essentielle pour la santé et la dignité des femmes précaires et vos Rapporteures
appellent à une action rapide et efficace dans ce domaine. Elles considèrent
qu’aucune femme ne devrait aujourd’hui être privée de protection menstruelle
pour des raisons financières.

(1) Échantillon de 1 503 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus
(2) Échantillon de 701 personnes bénéficiaires d’associations caritatives du réseau Dons Solidaires (Épiceries
sociales, centres d’hébergement et d’accueil de jour, associations d’aide aux personnes en grande
difficulté).
(3) Échantillon de 1 503 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus
(4) Échantillon de 701 personnes bénéficiaires d’associations caritatives du réseau Dons Solidaires (Épiceries
sociales, centres d’hébergement et d’accueil de jour, associations d’aide aux personnes en grande
difficulté).
— 46 —

Sur la base de ce constat alarmant, vos Rapporteurs ont souhaité


concentrer leur analyse sur les femmes en situation de grande précarité avant
d’envisager des mesures d’ordre plus général.

B. LES FEMMES EN SITUATION DE GRANDE PRÉCARITÉ, UNE PRIORITÉ


ABSOLUE

Les femmes en situation de très grande précarité, notamment celles


sans-domicile ou sans-abri, sont les plus exposées aux difficultés liées aux
menstruations. Régulièrement dans l’incapacité de se procurer des protections,
elles sont contraintes de recourir au « système D » souvent au détriment de leur
santé. Tout comme le suivi sanitaire et gynécologique de ces femmes doit être
amélioré, leur accès à l’hygiène intime et aux protections menstruelles doit être
garanti en tout lieu et à toute heure. Vos Rapporteures considèrent que cela
implique de développer des solutions complémentaires : d’une part, de soutenir la
distribution de produits menstruels et hygiéniques au travers des associations de
terrain et contacts habituels ; d’autre part, de déployer un nouveau système qui
permette un accès permanent et non stigmatisant dans les lieux publics.

1. Les femmes en situation d’extrême précarité et l’importance de l’accès


à l’hygiène intime et aux protections menstruelles

Selon l’association Règles élémentaires, la précarité menstruelle


concernerait en France 1,7 million de femmes dont le niveau de vie ne permettrait
pas d’acquérir les protections menstruelles nécessaires. Lorsqu’elles sont
sans-domicile, cette précarité s’accroît encore car leur situation ne permet alors
que rarement et difficilement l’accès à des espaces sanitaires. La dernière enquête
de l’Insee sur la population sans-domicile (1) répertorie 141 500 personnes
sans-domicile et, parmi elles, 40 % de femmes, soit environ 56 600 femmes. Les
associations de terrain constatant depuis des années une forte augmentation des
femmes sans-domicile, ce chiffre est donc probablement une estimation minimale
du nombre de femmes aujourd’hui concernées par de telles difficultés.

Le Samusocial de Paris, que vos Rapporteurs ont entendu, constate par


exemple qu’entre 2013 et 2018 le nombre de femmes sans-domicile a été multiplié
par trois sur le territoire parisien. Les associations soulignent par ailleurs que si les
femmes bénéficient souvent de logements plus durables, notamment en raison de
la présence d’enfants à leurs côtés, elles ont aussi tendance à être moins visibles
dans la rue car elles cherchent le plus souvent à se dissimuler pour être le moins en
danger possible. Leur recensement et le déploiement d’une aide ciblée à leur égard
ne sont donc pas toujours aisés.

En 2018, l’association Agir pour la santé des femmes (ADSF) a suivi


1 043 femmes sur le territoire francilien auxquelles elle a distribué 4 800 kits

(1) F. Yaouancq, A. Lebrère, M. Marpsat, V. Régnier (Insee), S. Legleye, M. Quaglia (Ined), « L’hébergement
des sans-domicile en 2012 », Insee Première n° 1455, juillet 2013.
— 47 —

d’hygiène féminine comprenant des serviettes menstruelles. En 2019, l’association


a distribué environ 25 000 serviettes sur l’ensemble de l’année. Si l’association
met également des tampons à disposition des femmes sans-domicile, elle alerte
toutefois sur le risque sanitaire que représente un mauvais usage de ce type de
protections, en particulier dans des conditions d’hygiène précaires. Elle souligne
qu’au-delà des protections elles-mêmes, la question de l’hygiène est primordiale et
que leurs maraudes détectent sur le terrain une nette prévalence des infections
urinaires, mycoses, irritations, etc. L’hygiène pendant la période menstruelle leur
semble encore plus nécessaire qu’en l’absence de règles.

Dans cette perspective, le Samusocial de Paris a ouvert un lieu d’hygiène


spécifiquement dédié aux femmes dans les locaux des bains douches situés rue de
Charenton à Paris. Inspiré par les témoignages des femmes rencontrées dans la rue
par leurs équipes de maraude, ce lieu vise à garantir aux femmes un espace
sanitaire adapté et sécurisé avec les produits nécessaires à leur hygiène intime.
Elles bénéficient par exemple de protections menstruelles, mais aussi tout
simplement de serviettes pour se sécher, ce qui n’existe pas dans les bains douches
classiques et est pourtant nécessaire pour prévenir les infections et mycoses. Dans
ce lieu, les femmes ont également la possibilité de consulter une infirmière et une
conseillère juridique. L’association insiste sur la nécessité de prévoir des lieux ou
des créneaux horaires non mixtes dans les lieux d’hygiènes afin d’améliorer
l’hygiène corporelle et la santé des femmes en situation d’extrême précarité.

À travers des lieux d’accueil, de repos, un accompagnement sanitaire et


social, les associations de terrain permettent d’améliorer la santé des femmes en
situation de grande précarité et sans-domicile. Les lieux tels la Cité des Dames,
gérée par l’ADSF, ou le lieu d’hygiène du Samusocial de Paris sont des modèles
pertinents qui permettent aux femmes d’avoir accès aux produits de première
nécessité et donc aux protections menstruelles. Vos Rapporteures saluent ces
initiatives et soulignent qu’elles ne doivent pas se cantonner à la région parisienne
mais doivent se développer sur l’ensemble du territoire national. Elles rappellent
par ailleurs que ces lieux doivent être complétés par des équipes mobiles allant à
la rencontre des femmes à la rue afin de leur apporter suivi et soutien notamment
dans le domaine de la santé. Elles considèrent que ces deux types d’actions sont de
nature à améliorer la santé menstruelle des femmes les plus précaires.

Recommandation n° 25 : soutenir et développer les associations d’aide aux femmes


sans-domicile pour mettre en œuvre un double système d’aide à travers, d’une part, des lieux
dédiés à l’accueil et à l’accompagnement et, d’autre part, des équipes mobiles allant à la
rencontre des femmes à la rue pour leur fournir les biens de premières nécessités, dont les
protections menstruelles, ainsi qu’un suivi et un soutien adaptés.

2. La nécessité d’une gratuité des protections menstruelles pour les


femmes les plus précaires

Les femmes sans-domicile et sans-abri sont les plus exposées à la précarité


menstruelle et à ses conséquences sanitaires et psychologiques. Vos Rapporteures
— 48 —

considèrent donc comme prioritaires de leur apporter une aide complète pour leur
permettre d’accéder aux protections menstruelles, à des conditions d’hygiène
décentes et à toutes les informations nécessaires concernant les règles, et même
plus largement la santé sexuelle et reproductive.

Compte tenu de leurs auditions et de leurs déplacements sur le terrain, la


mise en œuvre d’une pluralité de solutions leur semble nécessaire. Comme évoqué
ci-avant, elles considèrent qu’il convient d’amplifier l’action des associations de
terrain qui viennent directement en aide aux femmes précaires. Doit ainsi être
systématisée l’aide concernant les menstruations, tant sur des sites dédiés que lors
des maraudes mobiles.

Les sites dédiés doivent systématiquement proposer des protections aux


femmes qui le demandent, comme c’est par exemple le cas au Solfa de Lille. Cette
association a mis en place un fonds de dotation abondé par des entreprises
mécènes qui ont organisé des collectes de protections menstruelles permettant de
constituer un stock. Ce dernier devra toutefois est renouvelé régulièrement pour
permettre de pérenniser ce dispositif. Lors de sa rencontre avec vos Rapporteures,
Mme Delphine Beauvais, directrice du pôle violences faites aux femmes de cette
association, a souligné qu’il était nécessaire de remettre aux femmes des paquets
complets de serviettes et non pas de leur donner à l’unité. En complément, elle
propose de mettre à disposition des protections à l’unité dans les toilettes et à
l’accueil de l’association afin de dépanner les femmes qui ne souhaiteraient pas
demander un paquet. Cette double possibilité semble satisfaisante et permet de
répondre aux différentes situations. Enfin, en complément, les kits hygiène
distribués pendant les maraudes doivent systématiquement inclure des serviettes
hygiéniques en nombre suffisant pour un cycle mensuel de règles.

En sus de ce dispositif d’aide aux femmes les plus démunies à travers les
associations de terrain dont le travail essentiel doit être soutenu, vos Rapporteures
considèrent qu’une offre alternative pourrait permettre d’améliorer la situation
menstruelle des femmes précaires. Elles proposent pour cela d’installer des
distributeurs de protections menstruelles dans des lieux de passage, comme les
gares, les stations de métro, certains arrêts de bus, les sanisettes, les bains douches,
les pharmacies, les halls de mairie, les centres commerciaux, les centres de
planification et d’éducation familiale (CPEF), les centres de protection maternelle
et infantile (PMI) ou encore les services d’urgence.

Fonctionnant avec un paiement par carte bancaire avec et sans contact, ces
distributeurs pourraient être utilisés par toute femme ayant besoin d’une protection
menstruelle. Des cartes prépayées, paramétrées avec un système de recharge
mensuel, seraient distribuées par les associations pour les femmes précaires. Cela
leur permettrait ensuite d’utiliser ces distributeurs en utilisant une carte, comme
n’importe quelle femme, sans avoir à craindre d’être stigmatisées. Si ces
distributeurs doivent proposer différents types de produits, vos Rapporteures
insistent sur l’importance d’y proposer principalement des serviettes menstruelles,
qui sont majoritairement utilisées par les femmes précaires, cibles prioritaires d’un
— 49 —

tel dispositif. Il semble en outre opportun d’y proposer à la fois des produits à
l’unité, en simple dépannage, et des produits en paquet complet, pour une
utilisation plus régulière.

Vos Rapporteures sont convaincues qu’un tel dispositif serait de nature à


réduire la précarité menstruelle en proposant aux femmes précaires un accès
simple et gratuit à ces protections. Cela permettrait également aux femmes non
précaires d’être en mesure de trouver des protections tous les jours et à toute heure
en cas de besoin. Elles considèrent également que ces distributeurs rendraient
visibles les protections, qui sont en réalité des produits du quotidien, et
participeraient ainsi à déconstruire le tabou des règles. Enfin, vos Rapporteures
estiment que le déploiement par l’État d’un tel dispositif permettrait de ne plus
laisser peser cette charge uniquement sur les épaules des associations qui sont
dépendantes des dons, du mécénat et des initiatives caritatives ponctuelles des
fabricants de protections menstruelles.

Si le déploiement initial du dispositif et la mise en œuvre d’une procédure


d’approvisionnement régulier des distributeurs auront bien sûr un coût, vos
Rapporteures estiment qu’il s’agit là d’une mesure de progrès pour soutenir plus
efficacement la santé des femmes et notamment des femmes précaires. Elles
envisagent en outre que ce système puisse s’appuyer sur un équilibre financier
entre les protections payantes et les protections gratuites mises à disposition du
public le plus précaire. Le mécanisme financier devra bien sûr faire l’objet d’une
étude technique approfondie.

En amont de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, elles suggèrent de


mobiliser simultanément le réseau des agences régionales de santé et celui des
directrices régionales et déléguées départementales aux droits des femmes pour
produire une liste précise des lieux qui, par département, seraient adéquats pour
accueillir un distributeur de ce type. Une fois l’installation réalisée, la liste des
lieux pourrait utilement être mise à disposition des associations afin de faire
rapidement connaître ce nouvel outil.

Recommandation n° 26 : déployer des distributeurs de protections menstruelles dans des


lieux publics identifiés, comme les gares, les hôpitaux, les abords des pharmacies ou encore
les toilettes publiques, permettant aux femmes d’acquérir facilement ces protections par le
biais d’une carte bancaire ou d’une carte prépayée distribuée au public le plus précaire.
Recommandation n° 27 : diligenter au plus vite une étude de marché pour l’installation et
le réapprovisionnement de ces distributeurs.
Recommandation n° 28 : mobiliser simultanément le réseau des agences régionales de
santé et celui des directrices régionales et déléguées départementales aux droits des femmes
pour produire une liste précise des lieux qui, par département, seraient adéquats pour
accueillir un distributeur de ce type.
— 50 —

C. LES AUTRES PUBLICS À SOUTENIR

En sus des distributeurs publics de protections menstruelles et des


solutions complémentaires, vos Rapporteures estiment qu’il convient de déployer
d’autres solutions à destination de publics plus spécifiques, notamment les
femmes au sein des lieux de privation de liberté et les jeunes filles et jeunes
femmes dans les établissements scolaires. En effet, elles considèrent que pour ces
deux publics spécifiques et potentiellement exposés à la précarité menstruelle, la
solution du distributeur n’est pas nécessairement la plus adaptée.

1. Une vigilance accrue concernant les lieux de privation de liberté

Les femmes représentent entre 3 et 4 % de la population carcérale


française. Elles sont écrouées dans des lieux non mixtes (1) où elles peuvent
accéder aux produits d’hygiène et aux protections menstruelles à travers le
système de cantinage hebdomadaire. Si elles sont indigentes, des kits incluant des
protections menstruelles leur sont distribués par l’administration pénitentiaire.

L’association Genepi, auditionnée par vos Rapporteures, a dénoncé la


pratique d’une surcote des prix de l’ordre 20 % dans la cantine des prisons par
rapport à l’extérieur. Lors de leurs rencontres à la prison pour femmes de Rennes
et à celle de Versailles, vos Rapporteures ont pourtant pu constater que les bons de
cantinage proposent serviettes et des tampons à des prix abordables : 0,95 euro
pour un paquet de 18 serviettes, 2,69 euros pour un paquet de 20 tampons avec
applicateur, 3,49 euros pour un paquet de serviettes de marque. Si le produit
d’entrée de gamme est proposé à un prix semblable à celui des supermarchés, il
semble toutefois exister en effet un surcoût pour les produits de marque (tampons
avec applicateurs et serviettes de marque) qui sont souvent proposés à des prix
inférieurs dans la grande distribution.

Au cours de leurs déplacements, vos Rapporteures ont constaté que chaque


établissement pénitentiaire peut avoir d’autres pratiques pour proposer d’autres
produits aux personnes détenues. Ainsi, la prison de Rennes organise un cantinage
mensuel qui permet aux détenues de demander d’autres produits qui ne sont pas
disponibles dans la cantine hebdomadaire classique. Cela leur permet de se
procurer d’autres types de produits d’hygiène et donc différents types de
protections. Les personnels de la prison ont toutefois souligné que ces commandes
mensuelles portaient davantage sur les produits de beauté que sur les produits de
première nécessité pour lesquelles les femmes semblaient se contenter de l’offre
proposée dans le cantinage hebdomadaire. À la maison d’arrêt de Versailles,
l’administration reçoit régulièrement des dons d’associations qui lui permettent
d’avoir une gamme de produits plus variés à proposer aux détenues ; elle a
également mis en place des partenariats avec les magasins proches de la prison
pour proposer une cantine mensuelle plus diversifiée.

(1) Il s’agit soit d’établissements accueillant exclusivement des femmes, soit d’établissements avec un quartier
séparé dédié aux femmes.
— 51 —

Vos Rapporteures saluent les efforts faits par les établissements


pénitentiaires pour développer une cantine mensuelle plus variée et permettre ainsi
à chaque femme d’accéder aux produits de protection menstruelle qu’elle désire.
Rappelant l’importance de la liberté de choix de sa protection menstruelle, elles
estiment que ce système est tout à fait adapté. Concernant toutefois les produits
proposés dans la cantine hebdomadaire, qui sont issus d’un marché public national
et dont les prix sont fixés par l’administration pénitentiaire centrale, elles
considèrent qu’aucun surcoût ne devrait être pratiqué, a minima concernant les
produits de première nécessité et en particulier les produits d’hygiène qui sont une
condition nécessaire au respect de la dignité de chacun et de chacune. Vos
Rapporteures suggèrent donc de revoir les prix pratiqués dans ce cadre afin de
garantir un coût des protections identiques que l’on soit ou non en situation
d’incarcération. Vos Rapporteures considèrent également que la cantine mensuelle
devrait également proposer des tampons sans applicateurs.

D’autres problématiques concernant les menstruations des femmes


détenues ont été mis en évidence au fil des rencontres au sein de ces deux
établissements pénitentiaires. D’une part, les coupes menstruelles ne sont pas un
dispositif adapté car leur stérilisation pose difficulté et car elles pourraient être un
moyen de faciliter le transport discret de produits illégaux. D’autre part, les
protections lavables et réutilisables peuvent difficilement être utilisées dans la
mesure où le système d’intendance des prisons ne prend pas en charge le lavage
des sous-vêtements que les détenues nettoient donc elles-mêmes à la main.

Vos Rapporteures rappellent enfin que la majeure partie des femmes en


situation carcérale se trouve dans une situation de précarité financière et que
l’administration doit être particulièrement vigilante à ce que cela ne conduise pas
les détenues à faire passer leur hygiène et leur santé après d’autres dépenses. À la
lumière de ces spécificités du milieu carcéral, elles soulignent avec d’autant plus
de force l’importance de la variété des protections jetables proposées aux détenues
dans le système de cantines hebdomadaires et mensuelles. Elles insistent
également sur l’importance de mettre à disposition suffisamment de protections
menstruelles dans les kits d’hygiène distribués aux femmes indigentes. Chaque
cycle menstruel est unique et certaines femmes ont besoin de davantage de
protections chaque mois ; l’administration doit être vigilante sur ce point.

Recommandation n° 29 : permettre à toutes les prisons accueillant des femmes de disposer


de suffisamment de types de protections menstruelles différentes pour répondre aux besoins
de chacune des détenues.
Recommandation n° 30 : faciliter le nettoyage en machine par les femmes en situation
carcérale de leurs vêtements, sous-vêtements et tissus souillés.

Au-delà des prisons, d’autres lieux de privation de liberté et


d’enfermement, comme les centres de rétention administrative ou d’internement
psychiatrique, ont également retenu l’attention de vos Rapporteures. Lors de leur
déplacement à la prison pour femmes de Versailles, elles ont notamment été
— 52 —

alertées sur les conditions d’hygiène au cours des gardes à vue, pendant lesquelles
les femmes n’ont parfois accès à aucune toilette ni à aucune protection
menstruelle. Le même type de situation est également dénoncé par certaines
associations pour les centres de rétention.

Vos Rapporteures signalent que, quel que soit le lieu de privation de


liberté et quelle que soit la durée de la privation de liberté, la dignité de la
personne humaine doit être respectée et cela passe, entre autres, par une vigilance
quant à la situation sanitaire et menstruelle des femmes. Elles considèrent que
cette question doit faire l’objet d’une étude spécifique, qui permettrait d’inclure
dans le spectre de la réflexion d’autres types de lieu comme les centres pour
handicapés, les lieux d’enfermement des mineurs délinquants, les centres éducatifs
fermés ou encore les hospitalisations, notamment psychiatriques, contraintes.

Recommandation n° 31 : évaluer de manière exhaustive la prise en compte de la santé


menstruelle des femmes en situation d’enfermement.

2. Collèges, lycées, universités : lutter contre la précarité menstruelle


pour garantir l’égalité des chances

L’accès des collégiennes, lycéennes et étudiantes aux protections


menstruelles a été abordé à de très nombreuses reprises au cours des différentes
auditions et déplacements conduits par vos Rapporteures. Deux problématiques
sont apparues de manière récurrente : l’accès ponctuel à des protections en cas de
nécessité et la précarité à laquelle peuvent être régulièrement confrontées certaines
jeunes femmes. Si le besoin n’est pas le même selon ces deux types de situations,
l’enjeu demeure toutefois commun : être en mesure de suivre ses cours dans de
bonnes conditions. Lors du déplacement de vos Rapporteures à Lille,
Mme Sandrine Rousseau, vice-présidente de l’université de Lille, a insisté sur cet
enjeu : il n’est pas possible d’assister à son cours lorsque l’on a ses règles mais
que l’on ne dispose pas de protection menstruelle.

Considérant qu’offrir à chaque élève et à chaque étudiant des conditions


convenables pour suivre leur scolarité est une question d’égalité des chances et
participe du principe républicain de méritocratie, vos Rapporteures estiment qu’un
effort doit aujourd’hui être fait pour mieux prendre en compte la précarité
menstruelle en milieux scolaire et étudiant.

Émergeant depuis peu dans le début public, cette problématique de la


précarité menstruelle est un impératif. Plusieurs expérimentations ont déjà été
mises en œuvre dans certains établissements. C’est notamment le cas de
l’université de Lille qui, en 2019, a distribué gratuitement à ses étudiantes
15 000 lots de deux paquets de serviettes menstruelles. Comme en ont témoigné la
vice-présidente de l’université et plusieurs associations étudiantes, cette
distribution a été un véritable succès. Elle a été organisée dans les halls des
différents campus de l’université, de manière visible, participant ainsi à la
déconstruction du tabou des règles. Il s’agit d’ailleurs là d’une volonté politique
— 53 —

de l’université qui affirme qu’« ici, il n’y a pas de honte à avoir ses règles ». Les
paquets de serviettes menstruelles ainsi mis en évidence ont permis de lancer des
conversations sur ce sujet ; les étudiantes rencontrées ont d’ailleurs témoigné que
leurs camarades masculins étaient extrêmement intéressés et heureux de pouvoir
poser sans gêne des questions sur les menstruations.

À la suite de cette distribution, des protections à l’unité ont été à plusieurs


reprises installées dans les toilettes et des paquets de protections sont désormais en
accès libre et gratuit dans plusieurs lieux de vie de l’université. Cela permet
encore une fois de rendre visibles ces produits du quotidien habituellement
dissimulés. Certaines difficultés ont pu être rencontrées pour les protections à
l’unité mises à disposition dans les toilettes qui ont parfois servi de jeux ou de
projectiles à des étudiants peu scrupuleux. Pour autant, cette expérimentation a
rencontré un vrai succès et est très largement soutenue par la communauté
étudiante.

Cette réussite a conduit l’université de Lille à programmer le


renouvellement de cette opération en 2020 et en 2021 en l’élargissant avec
d’autres produits, notamment 1 200 coupes menstruelles et 200 kits de six
serviettes menstruelles lavables. Grâce au développement de partenariats, cette
opération annuelle devrait désormais avoir un coût net limité à 25 000 euros pour
l’université.

Vos Rapporteures ont été convaincues par la nécessité et la pertinence de


la démarche menée par l’université de Lille. Celle-ci sera d’ailleurs développée en
2020 dans 25 autres universités en France. Lors de leur déplacement à Rennes, vos
Rapporteures ont d’ailleurs rencontré Mme Gaële le Noana, fondatrice de la
start-up Marguerite & Cie qui fournit des distributeurs de protections à l’unité et
qui développe de nombreux partenariats avec des universités.

Vos Rapporteures tiennent toutefois à rappeler qu’il est important, y


compris dans les distributeurs déployés en milieu universitaire, que les femmes
aient le choix de leur protection menstruelle parmi différents types et parmi
différentes marques. Elles considèrent que la distribution doit se développer dans
l’ensemble des universités de France à travers deux types d’aides
complémentaires :

− la mise à disposition de protections à l’unité pour des besoins ponctuels ;

− une distribution régulière de paquets de protection à destination des


étudiantes les moins aisées et visant à couvrir l’ensemble de leurs besoins en la
matière.

Le premier type de distribution, à l’unité, s’apparente en réalité à la mise à


disposition de papier toilette et doit pouvoir se développer notamment dans les
toilettes des universités. À la lumière de l’expérience lilloise et de l’absence
d’abus ou de malveillances, vos Rapporteures estiment que ce second type de
— 54 —

distribution peut tout à fait se traduire par une mise à disposition de paquets en
libre accès dans les lieux de vie universitaires.

Recommandation n° 32 : généraliser la distribution gratuite de protections menstruelles au


sein des universités françaises.

Au-delà du monde universitaire, des protections menstruelles doivent


également être accessibles pour toutes les élèves du secondaire. Si au lycée le
même type de double distribution peut sans doute être mis en place, il semble que
ce modèle doive être adapté pour le public des collèges. En effet, les différents
témoignages recueillis par vos Rapporteures, ainsi que les échanges qu’elles ont
pu avoir avec le personnel du collège Rosa Parks lors de leur déplacement à
Rennes, ont bien montré que la mise à disposition en libre accès dans des lieux
non surveillés comme les toilettes conduirait, de manière certaine, à des abus,
notamment à des jeux utilisant les protections, entraînant ainsi un important
gaspillage et en privant par là même les jeunes filles des protections dont elles
pourraient avoir besoin. Un autre système de distribution doit sans doute être
pensé pour cet environnement spécifique. Les infirmeries et les vies scolaires
doivent avoir un stock de protection que les jeunes filles puissent venir chercher et
vos Rapporteures préconisent de réfléchir à un moyen de permettre un accès libre
plus discret. En effet, les jeunes filles ne sont pas toujours à l’aise pour demander
à un adulte, surtout s’il s’agit d’un homme, des protections menstruelles.

Recommandation n° 33 : multiplier les lieux de distributions de protections menstruelles


dans les collèges et les lycées, en particulier dans les lieux de vie des élèves, et expérimenter
la mise en place de distributeurs dans les toilettes.

En sus des collèges et lycées, cette question de l’accès aux protections doit
également être mieux prise en compte dans les lieux de vie des jeunes comme les
pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance. Vos Rapporteures
considèrent que dans ces lieux, les protections menstruelles doivent être
distribuées de manière systématique aux jeunes filles, au même titre que le papier
toilette par exemple.

Lors de leur déplacement à Lille, vos Rapporteures ont pu rencontrer


Mme Chevaler, infirmière de l’association « Le GAP » (1), accompagnée d’une
assistante sociale de l’association, qui ont témoigné des conditions d’accès aux
produits d’hygiène pour les jeunes placés en foyer. Ceux-ci disposent de 8 euros
par mois pour acheter l’ensemble des produits dont ils ont besoin et le budget est
le même pour les filles et les garçons. Vos Rapporteures soulignent la faiblesse de
ce budget et la nécessité de prendre en compte, dans le budget des jeunes filles
placées en foyer, l’acquisition des protections menstruelles.

(1) Le GAP est un groupement d’associations du Nord-Pas-de-Calais du secteur social et médico-social,


œuvrant pour la protection de l’Enfance et de l’Adolescence en difficulté.
— 55 —

Recommandation n° 34 : s’assurer que dans les lieux d’hébergement de certains jeunes,


comme les pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance, les protections
menstruelles soient accessibles.

3. Garantir des infrastructures sanitaires en bon état

• Améliorer en urgence l’état des toilettes publiques et scolaires


Disposer de protection menstruelle n’est pas l’unique condition pour
permettre aux filles et aux femmes de vivre leurs règles de manière sereine et
digne et de pouvoir changer sans difficulté leur protection au fil de la journée. En
effet, cela demande également d’avoir accès à des toilettes propres, en bon état et
équipées notamment d’un point d’eau et de savon.

Or, que ce soit pour les toilettes publiques, les toilettes dans les universités
ou celles dans les collèges et lycées, de nombreux problèmes ont été identifiés.
Souvent les toilettes ne sont en effet équipées ni de savon, ni même de papier
toilette ; les dégradations et les incivilités y sont en outre courantes. Selon deux
études réalisées en 2017 et 2019, le manque d’hygiène dans les toilettes scolaires
est préoccupant pour les élèves et pour leurs parents. Près de la moitié des parents
d’enfants âgés de 10 à 14 ans ne sont pas satisfaits de l’état de propreté des
toilettes à l’école. Ils pointent notamment l’absence de papier toilette, des toilettes
sales ou bouchées et l’absence d’essuie-main ou la présence d’un essuie-main
sale (1). Près de 60 % des enfants trouvent que les toilettes sont sales et 30 %
témoignent que les toilettes fonctionnent mal ou que les portes ne ferment pas
correctement. Une majorité des enfants considèrent en outre que les toilettes sont
un lieu dangereux où ils sont susceptibles d’être embêtés par d’autres élèves. Cette
situation les conduits à éviter de les fréquenter et ils seraient plus de 80 % à se
retenir d’y aller (2). L’équipe pédagogique du collège Rosa Parks de Rennes
confirme que certains élèves se retiennent en effet toute la journée d’aller aux
toilettes.

Mme Valérie Cabuil, rectrice de l’Académie de Lille et rectrice de la


région académique Hauts-de-France, fait elle aussi ce constat : les toilettes sont un
lieu d’insécurité et d’insalubrité. Les élèves y sont souvent confrontés à un
manque d’intimité et ce sentiment est décuplé quand les jeunes filles doivent en
plus y changer de protection au cours de la journée. L’absence de savon,
d’essuie-mains et de poubelles rend souvent ce changement problématique.

Considérant qu’il s’agit d’un problème de santé publique, vos


Rapporteures recommandent d’améliorer au plus vite l’état des toilettes en milieu
scolaire et universitaire. Elles estiment aussi que l’éducation au civisme devrait
inclure une sensibilisation au respect des lieux d’usage commun et à l’importance

(1) Étude par Opinion Way pour Essity, réalisée auprès de 1 000 parents d’enfants âgés de 10 à 14 ans,
novembre 2017.
(2) Etude Harris Interactive pour Harpic, réalisée auprès de 602 enfants et 400 parents, novembre 2019.
— 56 —

de l’hygiène des toilettes. Il est déjà difficile pour les jeunes filles de se rendre aux
toilettes en emportant leurs protections de manière discrète et l’absence de savon
ou de poubelle vient encore renforcer ces difficultés. Cette situations favorise le
temps de port accru des protections – et donc pour les protections internes le
risque de SCT – et accentue la perception des règles comme étant une contrainte
négative dans la vie de ces jeunes filles.

Recommandation n° 35 : agir pour améliorer impérativement l’état des toilettes en milieu


scolaire et s’assurer que les jeunes filles disposent des produits nécessaires pour changer
leurs protections menstruelles dans de bonnes conditions (papier toilette, savon, poubelle…).

Afin de ne pas continuer à créer des toilettes non adaptées, vos


Rapporteures suggèrent en outre de mieux intégrer cette problématique dans la
conception des nouveaux bâtiments à destination scolaire. Toute nouvelle
construction doit être mieux adaptée aux besoins des enfants et le modèle des
grandes toilettes collectives doit sans doute être repensé.

Recommandation n° 36 : intégrer de manière systématique dans la conception de nouveaux


bâtiments construits pour un usage scolaire un travail de réflexion quant à l’utilisation des
sanitaires et la prise en compte des problématiques de tous les enfants et plus spécifiquement
des menstruations des jeunes filles.

En dehors du cadre scolaire et universitaire, cette même problématique de


l’équipement et de la propreté des toilettes se retrouve dans tout lieu de résidence
ou d’enfermement, ainsi que dans l’espace public.

• L’accès à l’hygiène intime dans les lieux de privation de liberté


S’ajoute en outre à cette question celle de l’accès à des douches pour
garantir une hygiène intime et prévenir tout risque d’infections liées aux
menstruations. Vos Rapporteures ont eu l’occasion de visiter le lieu d’hygiène
réservé aux femmes récemment ouvert par le Samusocial de Paris dans les Bains
douches du 12e arrondissement. Elles soulignent l’importance pour les femmes
précaires et notamment celles sans-abri d’avoir accès à un lieu où se laver et se
sécher correctement afin d’éviter toute mycose ou toute infection. Le Samusocial
met en outre à leur disposition des produits d’hygiène de base, dont des
protections menstruelles. Le caractère non-mixte de ce lieu permet d’aborder sans
difficulté les questions spécifiques de l’hygiène menstruelle. Cela permet en outre
aux femmes de se sentir en sécurité et de bénéficier d’une halte, d’un temps de
repos. Vos Rapporteures saluent cette démarche et soulignent la pertinence de ce
type d’initiative.
— 57 —

IV. LE SUIVI SANITAIRE, UNE CLEF POUR MIEUX VIVRE SES RÈGLES ET
BRISER LE TABOU

Dans les sociétés modernes, il est communément admis que les règles ne
sont pas une maladie, devant s’accompagner de douleurs, ni une impureté que l’on
doit dissimuler au regard de tous. Pour autant, les menstruations sont une partie
incontournable de la santé des femmes et il n’en demeure pas moins indispensable
que, des premières règles à la ménopause, avec ou sans situation pathologique, les
menstruations fassent partie intégrante du suivi sanitaire des femmes et soient
systématiquement abordées par les professionnels de santé. Ces derniers doivent
en effet être vigilants quant à ce sujet, afin notamment de mieux comprendre et
prendre en compte les douleurs, d’éviter toute complication, telles que le
syndrome de choc toxique et de détecter au plus vite les pathologies liées aux
règles, au premier rang desquelles l’endométriose. Il s’agit là d’un enjeu de santé
publique, près d’une femme sur dix en âge de procréer étant atteinte
d’endométriose. Or, la prise en charge précoce de celle-ci joue un rôle essentiel
dans son évolution. Vos Rapporteures estiment en outre que les professionnels de
santé ont un rôle important à jouer dans l’information de femmes, l’appropriation
de leur propre corps et de leur santé, ainsi que dans la déconstruction du tabou des
règles.

A. CLARIFIER LA PRISE EN COMPTE DES MENSTRUATIONS DANS LE


SUIVI GYNÉCOLOGIQUE DES FEMMES

Les auditions conduites par vos Rapporteures les ont alertées sur une
insuffisance de la prise en compte des menstruations par les professionnels de
santé. S’agissant pourtant d’un sujet indissociable de la santé et du quotidien des
femmes, il apparaît nécessaire de progresser dans ce domaine en clarifiant le rôle
des acteurs sanitaires impliqués dans le suivi gynécologique et en accentuant
l’information et la prise en considération des règles, à toute étape de la vie, au
cours du suivi sanitaire en général.

1. Les menstruations, une part incontournable de la santé des femmes

De manière surprenante, les menstruations ne semblent pas évoquées de


manière systématique avec les femmes lorsqu’elles rencontrent des professionnels
de santé alors qu’elles sont une partie importante et incontournable de leur santé.
Sans être nécessairement pathologique, il importe de les évoquer régulièrement au
cours du suivi médical afin de prévenir tout problème et d’évoquer les enjeux qui
y sont liés.

Comme le faisait remarquer le professeur Serge Uzan, gynécologue


obstétricien, doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie et
vice-président de du Conseil de l’Ordre des médecins, il demeure, même chez les
professionnels de santé, une forme de « tabou à l’égard des menstruations »,
contre lequel il convient de lutter clairement et efficacement afin d’évoquer ce
— 58 —

sujet et « d’agir à toutes les étapes de la vie et à toutes les occasions de rencontre
entre les femmes et les professionnels de santé » (1). Les menstruations sont
pourtant abordées dès le premier cycle, concernant donc tous les étudiants, puis de
façon plus approfondie encore dans les spécialités de gynécologie et de médecine
générale. Ce sujet, ainsi que celui des pathologies liées aux dysfonctionnements
du cycle menstruel, sont donc étudiés à plusieurs étapes de la scolarité et peuvent
ensuite faire l’objet de sessions de formations continues. La docteure Geneviève
Plu-Bureau, professeure de gynécologie médicale, rappelait d’ailleurs que dans le
cursus de gynécologie, la question des menstruations est finalement omniprésente
et plusieurs items y font directement référence comme ceux portant sur les
troubles du cycle par exemple.

Si la formation initiale semble contenir très largement les informations


afférentes aux problématiques des menstruations (2), vos Rapporteures ont
toutefois été alertées au cours de leurs auditions sur plusieurs carences concernant
la formation continue des médecins. Le Collège de médecine générale a souligné
que les séminaires n’étaient pas toujours agréés, présentant parfois des contenus
de qualité variable (3). Le même constat est d’ailleurs fait par la Fédération
nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM) sur le faible taux de
formation continue ; seulement 20 % de leurs adhérents y ont recours par exemple.
La FNCGM a rappelé que la formation continue est pourtant une obligation
déontologie, mais que son absence n’est sanctionnée en aucune façon (4). Ces
insuffisances de la formation continue ont d’ailleurs été soulignées dans le récent
rapport de la Cour des comptes sur l’Ordre des médecins (5). Si cette
problématique n’est pas au cœur de leurs travaux d’information, vos Rapporteures
tiennent toutefois à rappeler l’importance de la prise en compte de la santé des
femmes dans la formation des médecins et insistent sur la nécessité d’une
actualisation régulière des informations dans ce domaine, en particulier concernant
l’endométriose dont le diagnostic et la prise en charge ont considérablement
évolué ces dernières années.

Recommandation n° 37 : étudier la possibilité de mieux réguler la formation continue des


professionnels de santé afin de garantir l’actualisation des connaissances médicales,
notamment sur le sujet de l’endométriose, mais aussi sur les bonnes pratiques en matière de
suivi gynécologique.

Au-delà de l’enjeu théorique des formations initiale et continue des


médecins dans ce domaine, les pratiques doivent sans doute elles aussi évoluer
pour mettre fin à cette forme de tabou évoquée avec justesse par le professeur

(1) Audition par vos Rapporteures du Conseil de l’Ordre des médecins, 11 juillet 2019.
(2) Depuis 2017, la maquette du DES de médecine générale comprend un stage obligatoire en santé de la
femme, à réaliser en ville ou à l’hôpital.
(3) Audition par vos Rapporteures du Collège de médecine générale, 11 juillet 2019.
(4) Audition par vos Rapporteures de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, 11 juillet
2019.
(5) Cour des comptes, L’Ordre des médecins, rapport public thématique, décembre 2019.
— 59 —

Serge Uzan. Si les différents médecins rencontrés ont bien insisté sur l’impérieuse
nécessité de prendre en compte les menstruations et les éventuelles douleurs des
femmes, vos Rapporteures constatent toutefois sur le terrain un fort sentiment de
carence dans ce domaine. Le Professeur Israël Nisand, Président du Collège
national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), rappelait avec force
que toute consultation gynécologique doit prendre en compte de manière
extrêmement détaillée la santé menstruelle de la patiente, allant jusqu’à expliquer
qu’« une consultation qui ne commencerait pas par ce sujet serait tout à fait
fautive » (1). Vos Rapporteures ne peuvent qu’adhérer à cette analyse et soulignent
qu’une attention particulière doit être portée par les professionnels de santé à la
question des menstruations et à la relation de confiance qui peut s’établir avec
leurs patientes dans ce domaine, puis plus largement dans celui de la santé
génésique.

Les femmes et les associations qu’elles ont eu l’occasion de rencontrer au


cours de leurs travaux témoignent de difficultés dans ce domaine. Nombreux sont
en effet les témoignages d’une absence totale d’informations sur les menstruations
ou les protections menstruelles de la part des professionnels de santé rencontrés.
Vos Rapporteures insistent sur la nécessité de mieux informer les femmes sur les
différentes questions liées aux menstruations (premières règles, ménopause,
rythme du cycle, différents types de protection utilisables, risques afférents à ces
différentes protections, syndrome prémenstruel, dysménorrhées, etc.). Le suivi
gynécologique des femmes doit davantage intégrer les menstruations – en tout cas
de manière plus explicite et plus systématique pour fournir un soutien concret aux
femmes sur ce sujet – afin de garantir in fine une meilleure prise en compte des
douleurs et des aspects psychologiques.

Recommandation n° 38 : diffuser aux professionnels de santé un guide des bonnes


pratiques en matière d’informations à donner aux patientes sur les menstruations.

2. Gynécologues, généralistes, sages-femmes : un enjeu de lisibilité et


de coordination du rôle des acteurs du suivi gynécologique

Plusieurs professionnels de santé sont amenés à intervenir dans le suivi


gynécologique des femmes. Gynécologues, médecins généralistes et
sages-femmes sont autant de professions directement concernées par ces questions
et dont les rôles respectifs ne sont pourtant pas toujours bien connus. En effet, de
nombreuses femmes ne sont pas au courant que leur suivi gynécologique peut tout
à fait être assuré par un médecin généraliste. De même, depuis la loi de réforme de
l’hôpital de 2009, dite loi HPST (2), les sages-femmes peuvent également réaliser
des « consultations de contraception et de suivi gynécologique de prévention […],

(1) Audition par vos Rapporteures du Collège national des gynécologues et obstétriciens Français (CNGOF) et
du Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique (CNPGO), 11 juillet 2019.
(2) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires.
— 60 —

sous réserve que la sage-femme adresse la femme à un médecin en cas de


situation pathologique » (1).

Lors de son audition, M. Adrien Gantois, président du Collège national


des sages-femmes de France (CNSF) a d’ailleurs fait valoir que ces consultations
par les sages-femmes ne sont pas bien connues par la population et qu’il serait
sans doute utile de mieux communiquer sur ce point (2). Mme Anne-Marie Curat,
présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, a pourtant souligné
l’importance de cette mission qui permet d’assurer un maillage territorial et ainsi
de garantir l’accès des femmes au suivi gynécologique quel que soit leur lieu de
résidence. Elle alertait sur cet enjeu crucial en indiquant que 20 % des femmes
âgées de 25 à 50 ans n’ont pas eu de frottis cervico-utérin dans les cinq dernières
années et que 12 % des femmes de 20 à 23 ans n’ont même aucun suivi
gynécologue. Un maillage territorial suffisamment dense est donc nécessaire pour
répondre à ces insuffisances inacceptables et l’existence de trois types de
professionnels de santé en mesure d’assurer le suivi gynécologique est un élément
précieux pour y parvenir.

Vos Rapporteures considèrent que cette multiplicité des professionnels de


santé compétents dans ce domaine est en effet une condition essentielle pour
améliorer le suivi gynécologique des femmes. Elles considèrent que cette situation
manque toutefois de lisibilité pour les femmes qui ne savent pas toujours vers quel
professionnel se tourner pour réaliser leur suivi ou en cas de problème tels que des
douleurs pelviennes. Elles recommandent, pour remédier à ce manque de clarté
qui nuit également à la bonne coordination entre les professionnels de santé, de
publier sur un site Internet gouvernemental les possibilités de suivi
gynécologiques proposées aux femmes. La tarification de ce suivi gagnerait
également à être clarifiée afin de lutter notamment contre le renoncement aux
soins, plus courant chez les femmes que chez les hommes.

Recommandation n° 39 : clarifier les compétences de chaque professionnel de santé en


matière de suivi gynécologique et améliorer l’information sur le remboursement de ce suivi
pour lutter notamment contre le renoncement aux soins.

3. La nécessité de mieux intégrer la question des menstruations dans la


prise en compte de la santé de la femme

Lors de leur audition, le docteur Philippe Boisnault, président de la Société


française de médecine générale (SFMG) et la docteure Rachel Collignon-Portes,
responsable du sujet de la santé de la femme au sein de la SFMG, ont insisté sur la
nécessité de parler très tôt aux jeunes filles de la question des menstruations en
privilégiant une relation de confiance et de transparence, sans tabou et sans crainte
de tout expliquer aux patientes. Vos Rapporteures considèrent en outre qu’une

(1) Article L. 4151-1 du code de la santé publique.


(2) Audition par vos Rapporteures du Collège national des sages-femmes de France, 11 juillet 2019.
— 61 —

telle évolution serait de nature à améliorer la relation entre la patiente et le


professionnel de santé.

Présentant l’architecture des rendez-vous médicaux obligatoires, la


direction générale de l’offre de soins et la direction générale de la santé ont insisté
sur les trois rendez-vous prévus pour les enfants de plus de 6 ans : l’un entre 8 et
9 ans, le second entre 11 et 13 ans, le troisième entre 15 et 16 ans. Entièrement
remboursés par l’assurance maladie, ces trois rendez-vous doivent être utilisés
pour évoquer la question des menstruations. La visite médicale entre 11 et 13 ans
est ainsi l’occasion pour le médecin de questionner la jeune fille sur ses règles et
de lui expliquer de quoi il s’agit, quelle en est l’origine et quelles sont les
manifestations de ce phénomène naturel. Le rendez-vous entre 15 et 16 ans est
ensuite l’occasion de revenir sur ces questions et de les lier à celles de la santé
sexuelle.

Les médecins généralistes sont les premiers interlocuteurs des jeunes filles
sur ces questions. Par la suite toutefois, les obligations de consultation s’espacent
puisque la suivante est à 25 ans, pour le rappel de vaccination. Lors du rendez-
vous médical entre 15 et 16 ans, ou à l’occasion de la prescription d’une première
contraception, les jeunes filles doivent être informées des différentes possibilités
de suivi gynécologique et de l’enjeu d’une régularité dans le suivi pour être ainsi
libres de faire un choix éclairé.

Systématiser le fait d’aborder à deux reprises avec les jeunes filles les
questions liées à leurs menstruations permettra de lutter contre le tabou des règles,
d’améliorer la connaissance des filles sur leurs règles et le fonctionnement de leur
cycle menstruel, de les informer sur les différentes protections menstruelles et les
risques associés. Aborder à deux âges différents ces questions permettra en outre
de familiariser dans un premier temps les jeunes filles avec leur propre corps, puis,
dans un second temps, d’expliquer les questions liées à la vie sexuelle.

Recommandation n° 40 : systématiser la prise en compte des menstruations et tout


syndrome associé dans le suivi gynécologique des femmes.
Recommandation n° 41 : prévoir, dans le cadre de la visite médicale obligatoire entre 11 et
13 ans, une information systématique sur les règles, ce qu’elles sont d’un point de vue
biologique et ce qu’elles impliquent au quotidien, ainsi que les risques afférents, y compris
lorsque les jeunes filles n’abordent pas spontanément ces sujets.
Recommandation n° 42 : prévoir d’aborder de nouveau ce sujet dans la visite médicale
entre 15 et 16 ans, éventuellement en liant, à cette occasion, les enjeux des menstruations à
ceux de la vie sexuelle et de la contraception.

B. L’ENDOMÉTRIOSE : UNE MALADIE MAL CONNUE ET


INSUFFISAMMENT PRISE EN CHARGE

L’endométriose est longtemps demeurée une maladie méconnue, tant par


les femmes qui en souffraient que par les professionnels de santé confrontés à ces
— 62 —

patientes dont les symptômes les laissaient souvent impuissants à trouver une
explication et encore moins un traitement. Cette absence de prise en charge avait
des conséquences très dommageables pour les femmes concernées qui se sentaient
niées dans leur souffrance et leur désarroi et dont la maladie progressait. Le
contexte évolue progressivement, grâce une amélioration de l’information des
patientes et des praticiens, ainsi qu’à un meilleur dépistage et des traitements plus
en amont. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour que la prise en charge
soit optimale. Le plan de lutte contre l’endométriose récemment mis en œuvre par
les pouvoirs publics a pour objectif de lutter plus efficacement contre cette
pathologie qui touche une femme sur dix, à des degrés divers.

1. Un diagnostic souvent tardif

« L’endométriose est une maladie que l’on essaye de faire rentrer dans
des cases. Mais elle est tellement compliquée, tellement diverse, qu’elle y rentre
rarement. Il n’existe pas une endométriose, mais des endométrioses », avertit le
docteur Sylvain Tassy, gynécologue-obstétricien et membre du Comité
scientifique d’EndoFrance, première association de lutte contre l’endométriose,
créée en France en 2001 et agréée par le ministère de la Santé. Cette maladie ne se
développe pas de la même façon d’une femme à l’autre.

Qu’est-ce que l’endométriose ?


L’endométriose est une maladie gynécologique qui touche près de 10 % des femmes en
âge de procréer. Elle se caractérise par le développement, hors de la cavité utérine, de
tissus semblables à celui de la muqueuse de l’utérus (appelée endomètre). Lors des
règles, certains fragments de la muqueuse de l’utérus, l’endomètre, ne s’évacuent pas
normalement par le vagin, mais remontent dans les trompes puis se fixent et se
développent, selon les cas, sur les ovaires, dans les intestins, la vessie et plus rarement
dans les poumons, sans qu’on sache pourquoi.
Chaque mois, ces fragments saignent, où qu’ils soient, car ils fonctionnent comme dans
l’utérus, ce qui finit par former des nodules et des kystes. En effet, les cellules
endométriales ainsi que le sang généré ne disposent pas d’issue naturelle pour être
évacués comme cela est le cas au moment des règles. Les organes avoisinants peuvent
donc subir des irritations, tandis que des kystes ou un tissu cicatriciel peuvent se
constituer et des adhérences entre les organes se former.

Aujourd’hui, l’endométriose est diagnostiquée, souvent par hasard, avec


un retard moyen de cinq années après l’apparition des symptômes, période durant
laquelle la maladie a eu le temps de causer des dommages notables à différents
organes. Trois signes principaux peuvent néanmoins servir d’alerte :

− de violentes douleurs pendant les règles. En général, ces douleurs


surviennent pendant les règles, sont localisées au niveau du pelvis et prennent
l’apparence de crampes ou de « coups de poignard ». Mais elles peuvent aussi être
localisées au niveau du haut du ventre, des cuisses, des organes génitaux externes,
ou même des épaules et se manifester avant ou après la menstruation. En général,
— 63 —

ces douleurs sont si fortes qu’elles bouleversent le quotidien de celles qui les
subissent ;

− des rapports sexuels douloureux, de façon systématique ou aléatoire. Ces


douleurs localisées au niveau du bas-ventre, et plus spécifiquement au fond du
vagin, se manifestent pendant la pénétration et peuvent perdurer après la relation
sexuelle. Elles sont parfois tellement intenses qu’elles peuvent interrompre
totalement la vie sexuelle des femmes qui en souffrent ;

− l’endométriose est la première cause d’infertilité en France. EndoFrance


estime que 30 % des femmes atteintes d’endométriose ont des problèmes de
fertilité. Bien souvent, les femmes qui en souffrent ne soupçonnent pas la maladie.
Après avoir essayé d’avoir un enfant sans succès, elles décident de consulter et
c’est à ce moment-là qu’est fait le diagnostic. Parmi ces femmes, certaines
n’avaient jusqu’alors aucun symptôme, notamment parce qu’elles prenaient la
pilule, un moyen de contraception qui bloque l’inflammation de l’endomètre.
Lorsqu’elles décident de l’arrêter pour avoir un enfant, elles sont alors confrontées
à des douleurs intenses pendant les règles et les rapports sexuels.

D’autres signes d’alerte existent, même s’ils semblent moins


systématiques, comme des douleurs au moment d’uriner, un utérus rétroversé ou
encore des troubles digestifs associés aux douleurs des règles.

Pour diagnostiquer cette maladie, il est conseillé de se rendre dans un


centre spécialisé qui peut pratiquer plusieurs examens, étant précisé que seule une
cœlioscopie, qui permet d’observer l’intérieur de l’abdomen ou de réaliser
certaines opérations par le biais de petites incisions, permet de poser un diagnostic
définitif. S’agissant d’une intervention chirurgicale, elle n’est cependant pas
systématique. Quoi qu’il en soit, à partir du moment où les douleurs des règles
sont invalidantes au point d’empêcher celle qui les subit de mener une vie normale
malgré des antalgiques de niveau 1, l’endométriose est suspectée, d’autant que les
symptômes ne sont pas forcément proportionnels à la maladie. « Une
endométriose développée et profonde peut être douloureuse, mais des douleurs
importantes ne sont pas nécessairement synonymes d’endométriose étendue, d’où
l’importance de poser un diagnostic », estime le docteur Sylvain Tassy.

En raison de la difficulté à poser un diagnostic, vos Rapporteures


considèrent qu’il faut mieux former les professionnels de santé à cette maladie
aussi bien durant leur formation initiale que continue. Il convient également que
les services d’urgence, qui prennent en charge ces femmes lorsque les douleurs
deviennent insupportables, soient sensibilisés à cette pathologie pour orienter ces
femmes vers des consultations spécialisées dans les meilleurs délais.
— 64 —

Recommandation n° 43 : intégrer un module spécifique consacré à l’endométriose et à sa


détection dans la formation initiale de l’ensemble des professionnels de santé en lien avec
cette pathologie : médecins généralistes, gynécologues médicaux et obstétriciens,
chirurgiens, sages-femmes, infirmiers.

Recommandation n° 44 : élaborer et transmettre à l’ensemble des professionnels de santé


en cours d’exercice, une plaquette d’information sur l’endométriose mettant particulièrement
l’accent sur sa prévalence, les signaux d’alerte la laissant suspecter, les examens de détection
à prescrire pour établir le diagnostic, ainsi que les traitements de première intention.

Recommandation n° 45 : sensibiliser les services d’urgence des hôpitaux et des cliniques


sur les symptômes évocateurs de l’endométriose, afin qu’ils puissent diriger les patientes
vers des spécialistes, lorsqu’ils accueillent des femmes en crise aigüe.

2. Des traitements qui peinent à venir à bout de la maladie

Il n’existe pas de traitement curatif de l’endométriose. Même l’ablation de


l’utérus (hystérectomie) ne constitue pas une thérapie définitive de la maladie
puisque les cellules endométriales semblent pouvoir se former spontanément en
dehors de la cavité utérine. La plupart du temps un suivi médical à vie est
nécessaire. Néanmoins l’endométriose diminue et disparaît généralement après la
ménopause, mais la patiente doit tout de même être surveillée, surtout quand des
traitements hormonaux de substitution sont mis en place à la ménopause.

Plusieurs traitements médicamenteux sont à la disposition des


gynécologues pour soulager les différents symptômes présentés. Ainsi, les
douleurs pelviennes sont principalement atténuées par des anti-inflammatoires ou
par la mise en œuvre d’un traitement hormonal adapté. L’endométriose étant une
maladie hormono-dépendante, il est nécessaire de priver l’organisme de l’hormone
qui va nourrir les cellules : l’œstrogène.

Aujourd’hui, les spécialistes s’accordent pour dire que le traitement de


base consiste à empêcher la survenue des règles. En effet, les lésions
d’endométriose disséminées sur les organes saignent et créent de micros
hémorragies au moment des règles. Ainsi, donner une pilule en continu ou poser
un stérilet libérant des hormones permet à certaines femmes de ne plus souffrir et
de vivre normalement.

Lorsque cela ne suffit pas, il est possible d’entamer des cures de


ménopause artificielle (injection d’analogues de la GN-Rh) plus ou moins longues
qui doivent être accompagnées d’un traitement complémentaire pour pallier les
effets secondaires liés à la ménopause (douleurs osseuses, bouffées de chaleur,
sécheresse de la peau…). Il s’agit donc de réintroduire un peu d’œstrogènes, sous
contrôle médical, pour éviter une privation trop brutale pour l’organisme.

Enfin, si la femme n’est pas soulagée, le traitement peut être chirurgical.


Cela sera décidé en concertation avec l’équipe médicale, au regard de ce que vit la
patiente au quotidien, de ses antécédents et au vu de son désir de grossesse.
— 65 —

L’intervention permet, dans un premier temps, de faire le point sur l’étendue et la


nature des lésions d’endométriose. Puis, elle consiste à détruire les lésions (par
coagulation ou vaporisation au laser) ou à les retirer (exérèse). Elle est réalisée le
plus souvent sous cœlioscopie. Toutefois, en cas d’atteinte profonde ou étendue,
une laparotomie (ouverture de la paroi abdominale) peut être nécessaire. La
difficulté chirurgicale est aussi augmentée par la présence de petites lésions
disséminées (1).

3. Libérer la parole des patientes

La parole s’est libérée depuis quelques années sur cette maladie


douloureuse et invalidante qui empoisonne le quotidien d’un nombre important de
femmes, les isolant progressivement de leur entourage, réduisant leurs interactions
sociales et professionnelles, leur donnant le sentiment d’être incomprises et
donnant lieu souvent à une longue errance médicale, avant que la maladie soit
identifiée et qu’un traitement soit entrepris. Des témoignages, comme celui de
Manon, 31 ans qui qualifie sa maladie de véritable calvaire, traduisent le vécu
douloureux de beaucoup de femmes

« Ma maladie n’est pas mortelle, pourtant elle m’a tuée à petit feu jusqu’à
ce que je sois enfin diagnostiquée, à 28 ans. Cela a débuté à 19 ans : avoir mes
règles est alors devenu un calvaire. J’avais des douleurs atroces irradiant tout le
bassin. Mais les médecins ne trouvaient rien d’anormal, me traitaient de
douillette, ou me sermonnaient : "Vous vous écoutez trop !" ou "Ça se mérite
d’être une femme" ou encore "Patience, ça passera quand vous aurez votre
premier enfant". J’ai donc pris sur moi et les médicaments anti-inflammatoires
sont devenus mes "meilleurs amis". Le temps passant, j’ai fini par m’en bourrer le
mois entier, et plus seulement pendant les règles, car faute d’avoir été dépistée tôt,
des adhérences se sont développées entre mes organes à partir des fragments
d’endomètre, ainsi que des kystes à un ovaire et plusieurs nodules, notamment
dans la vessie. Uriner me donnait parfois envie d’hurler… Jusqu’au jour où les
rapports sexuels sont devenus ma hantise, car le moindre mouvement fait souffrir,
vu que cela comprime ou heurte les nodules et les kystes, mais ça je l’ignorais...
J’ai pensé avoir un blocage psy ou une malformation génitale. Mon salut, je le
dois à une interne en chirurgie gynécologique. Elle était de garde une nuit, où je
suis arrivée à l’hôpital déchirée de douleur. Où en serais-je sans elle? Elle a enfin
posé le bon diagnostic. J’ai eu deux opérations pour extraire les fragments
d’endomètre des zones les plus douloureuses et j’enchaîne mes plaquettes de
pilule pour ne plus avoir de règles. La vie a repris le dessus, même si j’ai encore
des douleurs, car la chirurgie ne peut pas retirer tous les fragments et nodules.
Mais c’est déjà un énorme soulagement. Et je suis optimiste : d’ici deux ans, on
fera une FIV pour avoir un bébé, car mes trompes sont abîmées, mais j’ai l’espoir
d’être maman » (2).

(1) https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/endometriose/traitement [URL consultée le 18 décembre 2019].


(2) https://www.femmeactuelle.fr/sante/sante-pratique/endometriose-temoignage-1998358 [URL consultée le
18 décembre 2019]
— 66 —

Virginie Durant a également relaté dans un ouvrage édifiant son parcours


de plus de vingt ans où elle s’est vue considérée comme une « malade
imaginaire », avec des répercussions désastreuses pour sa vie personnelle, avant
d’être enfin diagnostiquée et prise en charge chirurgicalement. Elle résumait ainsi
sa situation : « Aux yeux de la société, je ne suis rien. Et à force d’alterner
hospitalisations et convalescences, mes amis, malgré eux, m’abandonnent dans un
isolement qui m’écrase », ses douleurs fulgurantes l’ayant contrainte à interrompre
ses études et ne lui permettant pas de se maintenir dans un emploi (1).

4. Mobiliser les pouvoirs publics

Pour améliorer le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose, la


société Map Patho, start-up ayant créé un site en ligne reposant sur le principe de
la solidarité des patients pour compléter un annuaire géolocalisé, et l’association
ENDOmind ont signé un partenariat pour développer le premier annuaire dédié à
l’endométriose, afin de recenser les spécialistes cette maladie. Créée en 2014,
l’association ENDOmind France est agréée par le ministère de la Santé et participe
aux côtés des autres acteurs de la maladie à la sensibilisation de la société et au
développement du lien entre les associations, les professionnels de la santé et les
patientes.

« L’errance avant le diagnostic ou pour avoir une prise en charge


adaptée, est un problème essentiellement dû à la difficulté d’identifier ces
professionnels, puisque l’endométriose n’est pas une spécialité à part entière,
mais une maladie prise en charge par différents praticiens de différents domaines
(médecins généralistes, gynécologues, chirurgiens, sages-femmes, urologues,
gastro-entérologues etc.…) » (2). Grâce à cet annuaire, les femmes souffrant
d’endométriose pourront désormais trouver rapidement un professionnel de santé
qualifié (3).

Déjà en 2013, l’association EndoFrance présentait au ministère des


Affaires sociales et de la Santé, un projet de création de centres dédiés à
l’endométriose. Ce projet se voulait d’envergure nationale et visait à permettre
l’émergence de structures reconnues comme des pôles de spécialité, tournées vers
les patientes souffrant d’endométriose, avec plusieurs objectifs attendus, dont
celui d’améliorer la prise en charge et de réduire le retard de diagnostic.

Au vu de la complexité de cette maladie, les patientes ont en effet besoin


d’un suivi médical particulièrement bien coordonné, l’errance médicale qu’elles
subissent trop souvent retardant la délivrance du traitement adapté. Vos
Rapporteures recommandent donc la constitution de centres départementaux de
référence, à même de répondre efficacement et rapidement à ces patientes.

(1) « Des barbelés dans mon corps », Virginie Durant, éditions du Rocher, décembre 2018
(2) https://www.endomind.org/creation-du-1er-annuaire-dedie-a-lendometriose [URL consultée le
18 décembre 2019].
(3) https://www.endomind.org/endometriose/#praticien [URL consultée le 18 décembre 2019].
— 67 —

Recommandation n° 46 : créer des centres de santé dans chaque département, avec des
consultations dédiées pour l’endométriose, afin que chaque femme atteinte d’endométriose
puisse être prise en charge à proximité de son domicile et qu’il puisse ainsi être remédié à
l’errance médicale constatée actuellement, laquelle conduit à une aggravation de la maladie.

À plus long terme, le projet d’EndoFrance cherche à optimiser la


collaboration entre les équipes du secteur public et du secteur privé, incluant
également les médecins et gynécologues de villes, ainsi que le partage de
connaissances sur la maladie. Il a également comme objectif de développer et de
soutenir la recherche. À cet égard, EndoFrance a soutenu auprès des ARS les
demandes de plusieurs équipes médicales désireuses d’obtenir une labellisation.
Dans le même esprit, un groupe de travail sous l’égide du Collège national des
gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) a été constitué afin de définir
les critères de ce que devrait être un centre expert dédié à l’endométriose.
EndoFrance a d’ailleurs été sollicitée afin de représenter la voix des patientes.

Ces initiatives ont été prises en compte récemment par les pouvoirs
publics. En effet, la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a
annoncé, le 8 mars 2019, journée des droits de la femme, son plan d’action pour
renforcer la prise en charge de l’endométriose, lors d’une visite au centre
spécialisé dans l’endométriose du groupe hospitalier Saint-Joseph à Paris. Pour
améliorer le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose, le ministère a
décidé de lancer un plan d’action, en concertation avec les associations qui
continuent de lutter contre la maladie à travers différents projets.

Ce plan s’articule autour de deux objectifs :

− améliorer les soins prodigués aux femmes ;

− lutter contre la méconnaissance de cette maladie chez le grand public et


les personnels de santé.

Pour y parvenir, le plan s’articule autour de quatre grands axes :

− la détection précoce de l’endométriose chez les jeunes filles. Les


nouvelles consultations médicales obligatoires pour les jeunes filles âgées de
11 à 13 ans et de 15 à 16 ans devront rechercher des signes de cette maladie. « Je
ferai en sorte qu’au moment de ces consultations, des questions soient posées aux
petites filles par les professionnels pour essayer d’identifier et de dépister cette
maladie » a expliqué Agnès Buzyn (1). Les consultations dédiées à la santé
sexuelle des jeunes filles entre 15 et 18 ans devront également intégrer une
recherche de signes de l’endométriose. Enfin, le plan préconise de renforcer la
formation des professionnels de santé sur les signes d’alerte, le diagnostic et la
prise en charge de la maladie ;

(1) https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/endometriose [URL


consultée le 18 décembre 2019]
— 68 —

− l’accompagnement médical des femmes atteintes d’endométriose. Le


plan préconise la mise en place d’une « filière endométriose » dans chaque région.
Cette dernière regroupera l’ensemble des professionnels de santé (médecins
généralistes, gynécologues, chirurgiens, sages-femmes, psychologues, etc.) et
associations de patientes concernées par la pathologie. Un groupe de travail
national sera chargé de définir les contours de ces filières, avant qu’elles ne soient
formalisées localement par les Agences régionales de santé (ARS). Une attention
particulière sera portée sur la prise en charge de la douleur et des troubles de la
fertilité par ces filières. Cette préconisation fait écho à la recommandation de vos
Rapporteures sur les centres départementaux de référence (cf. supra) ;

− informer le grand public, les femmes et le personnel de santé sur


l’endométriose. Une campagne nationale d’information sera menée via des outils
publics comme le site sante.fr, mais aussi par des interventions en milieu scolaire
ou encore en encourageant la recherche médicale autour de l’endométriose. À ce
titre, la ministre a demandé à l’Institut national de la santé et de la recherche
médicale (Inserm) de renforcer la communication auprès des chercheurs, des
professionnels de santé mais aussi du grand public ;

− renforcer et soutenir l’effort de recherche sur l’endométriose. Un bilan


des actions de recherche en France a été produit en mai 2019. Sur cette base, une
réunion « Endométriose et recherche, état de lieux et perspectives » est
programmée à fin 2019 sous l’égide de Inserm et de l’alliance pour les sciences de
la vie et de la santé (AVIESAN). L’objectif est d’aboutir à un constat partagé, de
rappeler aux acteurs les leviers et dispositifs existants et de mettre les différentes
équipes en relation afin de favoriser un travail en réseau sur le sujet.

Vos Rapporteures saluent ce plan ambitieux qui témoigne de la


mobilisation des pouvoirs publics contre cette maladie qui touche plus de
1,5 million de femmes en France. Pour atteindre ses objectifs, le plan doit disposer
des ressources suffisantes et vos Rapporteures recommandent de sanctuariser les
crédits alloués à ce programme. À cet égard, il apparaît essentiel de développer les
projets de recherche consacrés à l’endométriose, afin de mieux identifier les
causes de la maladie et de mettre au point de nouveaux traitements.

Elles soulignent par ailleurs qu’une recommandation a été publiée par la


HAS en décembre 2017 sur la prise en charge de l’endométriose, tant du point de
vue de la démarche de diagnostic que de celui du traitement médical (1). Précisant
que l’endométriose n’a pas systématiquement de conséquences pathologiques, la
HAS explique qu’il n’est donc pas nécessaire de conduire automatiquement des
dépistages approfondis ; cela dépend de chaque situation. Prenant en considération
ce point de vue, vos Rapporteures ont toutefois pu constater lors de leurs auditions
que cela pouvait conduire certains praticiens à ne pas informer les patientes d’un
risque potentiel d’endométriose. Elles considèrent qu’il serait bienvenu de clarifier
ce point et de favoriser la transparence de l’information dans ce cadre médical

(1) Voir la synthèse de la recommandation en annexe du présent rapport.


— 69 —

spécifique, d’autant plus que cette logique leur semble contradictoire avec la
volonté de la ministre de la Santé et des Solidarités d’accentuer le dépistage
précoce de cette pathologique.

Recommandation n° 47 : financer des programmes de recherche sur l’endométriose et


organiser la coordination des équipes, tant au niveau national qu’européen, afin de
mutualiser les moyens humains et financiers.
— 71 —

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 11 février 2020, sous la présidence de


Mme Marie-Pierre Rixain, présidente, la Délégation a adopté le présent rapport et
les recommandations présentées supra (pages 7 à 12).

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de


l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://assnat.fr/3qjB56.
— 73 —

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA


DÉLÉGATION ET PAR LES RAPPORTEURES

I. PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

● Mercredi 12 juin 2019

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de


l’environnement et du travail (Anses)
‒ M. Mathieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques de l’Anses ;

‒ Mme Aurélie Mathieu-Huart, membre de l’unité « dangers des


substances » de la direction de l’évaluation des risques ;

‒ Mme Sophie Le Quellec, directrice de cabinet ;

‒ Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles.

● Mercredi 10 juillet 2019

‒ Mme Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé.

Les vidéos de ces auditions sont disponibles en ligne sur le site de la


Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les
femmes de l’Assemblée nationale, à l’adresse suivante :
http://videos.assemblee-nationale.fr/commissions.droits-des-femmes-delegation

II. PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES

● Mardi 25 juin 2019

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la


répression des fraudes (DGCCRF)
‒ M. Ambroise Pascal, chef du bureau des produits et prestations de santé
et des services à la personne ;

‒ Mme Pauline Clairand, adjointe au chef du bureau des produits et


prestations de santé et des services à la personne.
— 74 —

● Jeudi 27 juin 2019

Agir pour la santé des femmes (ADSF)


‒ Mme Nadège Passereau, déléguée générale de l’ADSF ;

‒ Mme Marie Chatagnon, responsable santé mentale.

Association Règles élémentaires


‒ Mme Tara Heuzé-Sarmini, présidente ;

‒ Mme Marine Creuzet.

Care France
‒ Mme Marina Ogier, responsable programmes et référente genre ;

‒ Mme Laury-Anne Bellessa, responsable communication.

Dans ma culotte

‒ Mme Marie Reveilhac, présidente et cofondatrice.

Fempo

‒ Mme Fanny Abes, cofondatrice ;

‒ Mme Claudette Lovencin, cofondatrice.

Plateforme Cyclique
‒ Mme Fanny Godebarge, présidente.

● Mercredi 3 juillet 2019

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé


(ANSM)
‒ M. Dominique Martin, directeur général ;

‒ Mme Carole Le Saulnier, directrice des affaires juridiques et


réglementaires.

Association Genepi
‒ Mme Julia Poirier, déléguée régionale Ile-de-France ;

‒ Mme Héloïse Broc’h, chargée de communication ;

‒ Mme Alice Toussaint, bénévole en Ile-de-France.


— 75 —

Les Glorieuses
‒ Mme Rebecca Amsellem, créatrice des Glorieuses ;

‒ Mme Juliette Grao, chargée de projet chez Les Glorieuses.

Samu social de Paris

‒ Mme Marie Lazzaroni, chargée de mission sur l’ensemble des projets


destinés au public « femmes » ;

‒ Mme Lorena Kelly, responsable du lieu d’hygiène et de soins dans les


bains douches Charenton.

● Mercredi 10 juillet 2019

Planning familial

‒ Mme Sarah Durocher, accueillante au Planning familial.

● Jeudi 11 juillet 2019

Collège de la médecine générale (CMG)

‒ Dr Nicole Bez.

Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)


et Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique (CNPGO)
‒ Pr Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et
obstétriciens ;

‒ Dr Brigitte Letombe, spécialiste de gynécologie médicale ;

‒ Dr Geneviève Plu-Bureau, professeur de gynécologie médicale, membre


du CNU de gynécologie médicale ;

‒ Dr Arnaud Grisey, CNP (exercice libéral) ;

‒ Dr Catherine Fohet, CNP (exercice libéral).

Collège national des sages-femmes de France (CNSF)

‒ M. Adrien Gantois, président du CNSF.

Conseil national de l’Ordre des médecins

‒ Pr Serge Uzan, gynécologue obstétricien, doyen de la faculté de


médecine Pierre et Marie Curie ;
— 76 —

‒ Pr Nathalie Chabbert-Buffet, service de gynécologie obstétrique à


l’hôpital Tenon ;

‒ Pr Gladys Ibanez, maître de conférences aux universités en médecine


générale, médecin généraliste.

Direction générale de la santé (DGS)


‒ Mme Zinna Bessa, sous-directrice en charge de la sous-direction santé
des populations et prévention des maladies chroniques à la DGS.

Direction générale de l’offre de soins (DGOS)


‒ Mme Lise Alter, adjointe à la sous-directrice de la performance des
acteurs de l’offre de soins à la DGOS.

Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM)


‒ Dr Pia de Reilhac, présidente de la FNCGM ;

‒ Dr Suzanne Dat.

Société française de médecine générale (SFMG)


‒ Dr Philippe Boisnault, président de la SFMG ;

‒ Dr Rachel Collignon-Portes, responsable du sujet de la santé de la


femme au sein de la SFMG, trésorière adjointe de la SFMG.

● Mardi 16 juillet 2019

Conseil nationale de l’Ordre des sages-femmes


‒ Mme Anne-Marie Curat, présidente du Conseil national de l’ordre des
sages-femmes.

Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France


(SYNGOF)
‒ Mme Elisabeth Paganelli, secrétaire générale du SYNGOF.

● Mardi 17 septembre 2019

Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers


(Anafé)
‒ Mme Laure Palun, codirectrice ;

‒ Mme Charlène Cuartero-Saez, chargée des activités de terrain.

Collectif Georgette Sand


— 77 —

‒ Mme Catherine Villaudy Ates ;

‒ Mme Marie-Paule Noël ;

‒ Mme Charlotte Renault.

Equipop

‒ Mme Dominique Pobel, responsable de projets et développement.

Unicef
‒ Mme Alexandra Rinaldi, responsable international du plaidoyer et des
programmes à l’Unicef ;

− Mme Jodie Soret, chargée des relations avec les pouvoirs publics à
l’Unicef.

Essity (marque Nana)


‒ M. Marc Specque, directeur de la communication, Essity France ;

‒ Mme Estelle Vaconsin, responsable qualité et développement durable ;

‒ Mme Valérie Jacob-Sartorelli, responsable marketing hygiène féminine


chez Essity.

Group’hygiène, syndicat professionnel


‒ Mme Valérie Pouillat, déléguée générale de Group’hygiène ;

‒ Mme Pauline Durand, cheffe de groupe hygiène féminine (Vania, Nett)


et hygiène bucco-dentaire (Listerine, Hextril) ;

‒ M. Olivier Dufay, responsable marketing produit ;

‒ M. Christophe Rondel, directeur conseil Comfluences.

Institut national de la consommation (INC)

‒ M. Christian de Thuin, chef du centre d’essais comparatifs de l’INC ;

‒ Mme Justine Berteau, ingénieur.

Procter & Gamble (marque Always)

‒ M. François de la Faire, directeur juridique et relations institutionnelles ;

‒ Mme Nadège Foucher de Brandois, directrice de la communication.

● Mercredi 18 septembre 2019


— 78 —

Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)


‒ Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et
parlementaires ;

‒ Mme Hélène Guimiot-Bréaud, cheffe du service santé ;

‒ M. Erik Boucher de Crèvecœur, ingénieur expert à la direction des


technologies et de l’innovation.

Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)

‒ Mme Anne Bennet, adjointe à la sous-directrice de la vie scolaire, des


établissements et des actions socio-éducatives ;

‒ Mme Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l’action sociale


et de la sécurité.

Johnson & Johnson (marque Vania)


‒ M. Olivier Grumel, directeur affaires gouvernementales ;

‒ Mme Chrystèle Lacombe, directrice marketing ;

‒ Mme Maria Pujol, responsable communication et affaires publiques ;

‒ Mme Audrey Desjours, responsable affaires réglementaires hygiène


féminine ;

‒ Mme Lucile Chapelant, chargée de projets au sein du département


matières premières.

Centre national de référence des staphylocoques, Institut des agents


infectieux, CHU de Lyon

‒ Pr Gérard Lina, infectiologue au Centre national de référence des


staphylocoques
— 79 —

ANNEXE 2 : DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LES


RAPPORTEURES

I. DÉPLACEMENT À RENNES LE 7 NOVEMBRE 2019

Service préfectoral aux droits des femmes et à l’égalité

− Mme Gaëlle Abily, directrice régionale aux droits des femmes et à


l’égalité entre les femmes et les hommes ;

− Mme Ahez Le Meur, directrice régionale adjointe aux droits des femmes
et à l’égalité entre les femmes et les hommes ;

− Mme Sonia Magalhaes, déléguée départementale aux droits des femmes


et à l’égalité entre les femmes et les hommes d’Ille-et-Vilaine.

Centre pénitentiaire pour femmes de Rennes


− M. Yves Bidet, chef d’établissement de centre pénitentiaire pour
femmes, direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) ;

− Mme Mathilde Desforges, directrice des services pénitentiaires adjointe


au chef d’établissement ;

− Mme Anne-Sophie Cortinovis, attachée d’administration, directrice de


cabinet et chargée de communication à la DISP de Rennes ;

− Mme Martine Marie, directrice des services pénitentiaires, directrice


interrégionale adjointe à la DISP de Rennes ;

− Mme Elisabeth Jagot, directrice pénitentiaire d’insertion et probation, en


charge des politiques sociales, familiales et partenariales au département des
politiques d’insertion, de probation et de prévention de la récidive à la DISP de
Rennes ;

− Mme Virginie Fortin, cadre supérieur de santé au centre


hospitalo-universitaire de Rennes et représentante l’équipe médicale et infirmière
intervenant sur l’établissement ;

− Mme Melinda Mallet, surveillante en charge du magasin aux vivres ;

− Mme Carole Le Dain, surveillante en charge des cantines ;

− Mme Catherine Hallier, adjointe administrative, responsable de la régie


budgétaire ;
— 80 —

− M. Richard Person, secrétaire administratif, responsable de la régie des


comptes nominatifs et des comptes publiques ;

− Mme Valérie Fecamp, surveillante en charge de la lingerie-buanderie

Les Rapporteures se sont également entretenues avec deux personnes


détenues membres de la rédaction du magazine Cita d’Elles, dont l’identité n’est
pas communiquée afin de préserver leur anonymat.

Planning Familial 35

− Mme Mathilde Lefevre, présidente du Planning Familial 35 ;

− Mme Anne-Claire Bouscal, directrice du Planning Familial 35.

Agence régionale de santé (ARS)

− Mme Anne Lefevre, médecin inspecteur de la santé publique, ARS


Bretagne.

Collège Rosa Parks


− M. Yann Renault, principal du collège Rosa Parks ;

− Mme Isabelle Chauvet, infirmière conseillère technique du recteur ;

− Mme Nicole Guenneugues, chargée de mission académique égalité


filles-garçons ;

− Mme Julie Gaillard, conseillère principale d’éducation ;

− M. Cyrille Denieul, professeur de sciences et vie de la terre ;

− M. Florian Haugeard, professeur d’éducation physique et sportive ;

− Mme Evelyne Morvilliers, infirmière ;

− Mme Françoise Langlais, infirmière.

Start-up Ma-Louloute.com
− Mme Edita Rebours, fondatrice et dirigeante.

Start-up Marguerite & Cie


− Mme Gaële Le Noane, fondatrice et dirigeante.

II. DÉPLACEMENT À LILLE LE 8 NOVEMBRE 2019

Secrétariat général pour les Affaires régionales


— 81 —

− Mme Cécile Dindar, secrétaire général pour les Affaires régionales des
Hauts-de-France / Préfecture de région Hauts-de-France ;

− Mme Laure Rolain, chargée de mission à la direction régionale aux


droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Association SOLFA
− Mme Delphine Beauvais, directrice du pôle violences faites aux
femmes.

Rectorat de la région académique Hauts-de-France


− Mme Valérie Cabuil, rectrice de l'Académie de Lille.

Université de Lille

− M. Jean-Christophe Camart, premier président de l'Université de Lille ;

− Mme Sandrine Rousseau, vice-présidente de l'université de Lille et


initiatrice du projet de distribution gratuite de protections menstruelles ;

− Mme Chevaler, infirmière de l'association « Le GAP » ;

− Mme Gabrelle, directrice de la Maison des Femmes de Roubaix ;

− Mme Billon, assistante sociale de la Maison des Femmes de Roubaix ;

− la vice-présidente de l’association féministe étudiante « HeforShe ».

III. DÉPLACEMENT À VERSAILLES LE 14 NOVEMBRE 2019

Maison d’arrêt pour femmes de Versailles


− M. Kamal Abdelli, chef d’établissement.

IV. DÉPLACEMENT À PARIS LE 10 DÉCEMBRE 2019

Lieu d'accueil, d'hygiène et de soins dédié aux femmes (bains-douches


Charenton)
Mme Marie Lazzaroni, chargée de mission « projets femmes » du
Samusocial de Paris.
— 83 —

ANNEXE 3 : COMPTE-RENDU DE L’AUDITION DE MME AGNÈS


BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ,
10 JUILLET 2019
Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Nous avons le plaisir d’accueillir
Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. L’audition sera l’occasion de
faire un point sur les chantiers que vous conduisez au sein du Gouvernement et qui
intéressent très directement les droits des femmes et l’égalité des chances ; ce sera également
l’occasion pour que vous puissiez réagir aux récents travaux de la Délégation ou ouvrir des
pistes sur les missions actuellement en cours.

Ainsi que nous le constatons, hélas, tous les jours, l’accès des femmes à leurs droits
sexuels et reproductifs fait l’objet de remises en cause insupportables et d’attaques de plus en
plus violentes. Je veux ici dénoncer avec la plus grande force l’expression de plus en plus
violente d’opinions extrémistes, populistes et réactionnaires qui envisagent de revenir sur des
droits acquis. Ces propos portent atteinte à des principes fondamentaux de notre droit, à nos
valeurs et à l’idée même d’égalité entre les femmes et les hommes.

Les remises en cause se concentrent souvent sur l’interruption volontaire de grossesse


et il est très inquiétant de constater que ces attaques ont désormais lieu en Europe mais
également en France ! La Délégation a toujours veillé à conserver une grande vigilance sur
ces sujets, ses membres étant parfaitement conscients de leur « réversibilité », pour reprendre
l’expression de Geneviève Fraisse.

Alors que la Délégation fête ses vingt ans, vingt ans d’engagements en faveur des
droits des femmes, nous nous inscrivons dans la continuité des actions de nos
prédécesseures. Je pense ici, notamment, à l’extension du délit d’entrave à l’interruption
volontaire de grossesse (IVG) et à la gratuité du parcours d’accès à l’IVG, sous l’impulsion
de Catherine Coutelle, ou encore à l’allongement de dix à douze semaines de grossesse du
délai légal de recours à l’IVG et à l’aménagement du droit d’accès des mineures, sous
l’impulsion de Martine Lignières-Cassou.

Aujourd’hui encore, nous réaffirmons avec la plus grande solennité et la plus grande
force notre attachement indéfectible au droit des femmes à disposer de leur corps.

Notre Délégation a décidé de constituer une mission d’information sur l’accès à


l’IVG et je suis certaine que les travaux de nos deux co-rapporteures, Marie-Noëlle Battistel
et Cécile Muschotti, pourront permettre d’éclairer le débat et d’ouvrir des pistes pour
garantir l’effectivité de l’accès de toutes les femmes à l’IVG sur l’ensemble du territoire,
assurer la liberté du choix de la méthode, mais aussi pour interroger la pertinence de la
double clause de conscience, voire pour envisager d’allonger le délai de douze à quatorze
semaines. Nous allons prendre le temps d’examiner tous ces sujets pour formuler des
propositions d’évolution et nous ne doutons pas de l’attention que vous porterez à ces
recommandations.

La promotion et la défense des droits sexuels et reproductifs passent aussi par des
actions en amont. Je pense ici aux enjeux d’éducation : il nous revient de nous assurer que
toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons aient accès à une information fiable et de
qualité sur les questions de sexualité en général et de consentement en particulier. Lors de
nos déplacements de la semaine dernière dans le Morbihan, les Vosges et l’Isère, nous avons
pu mesurer l’impact positif d’une politique active de prévention et, surtout, lorsque l’effort
— 84 —

de prévention et d’information se relâche auprès des plus jeunes, les conséquences terribles
que cela peut entraîner.

Nous devons aussi veiller aux enjeux de santé publique. La mission d’information
que nous avons constituée sur les menstruations fait apparaître par exemple des enjeux en
termes de composition des produits hygiéniques, des questions sur la connaissance par toutes
les femmes des règles d’utilisation – un mauvais usage des protections pouvant conduire par
exemple à un choc toxique. Et notre collègue Laëtitia Romeiro Dias, une des deux
co-rapporteures, reviendra sans doute sur ces points.

Toutes ces questions, si elles constituent des questions de santé – individuelles ou


publiques – représentent aussi et souvent surtout des enjeux de solidarité. En votre qualité de
ministre des Solidarités, nous savons l’attention que vous portez à l’articulation de ces
différentes problématiques.

J’évoquais à l’instant les menstruations ; comment ne pas aussi poser le problème de


la précarité menstruelle ? Nos premières auditions ont en effet montré que les femmes sans
abri ou en prison peuvent avoir des difficultés d’accès à ces protections.

Je pense que nous avons une parfaite illustration de la dimension systémique des
sujets traités par la Délégation avec le rapport que nos collègues Marie-Noëlle Battistel et
Sophie Panonacle vous ont remis sur la séniorité, « le tiers invisible de la vie des
femmes ? ». Il faut répondre aux difficultés de santé liées à la ménopause, au vieillissement
ou à la dépendance, enjeux économiques mais également sociaux, sur lesquels nous devons
porter une attention toute particulière.

Plusieurs textes que vous défendez, Madame la ministre, ont ou vont répondre à ces
différents besoins ; je pense évidemment à « Ma santé 2022 » mais aussi au prochain projet
de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à la réforme à venir des retraites, voire,
pour certains éléments, à la loi bioéthique. Nous serons toutes et tous mobilisés sur tous ces
dossiers et nous savons que nous pourrons compter sur votre particulière bienveillance pour
faire progresser les droits des femmes, de toutes les femmes quels que soient leur âge ou leur
situation géographique, mais surtout pour construire une société d’égalité réelle.

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je suis très heureuse
d’avoir l’occasion d’échanger avec vous sur ce sujet de l’égalité des chances et de l’égalité
des droits et d’évoquer avec vous les travaux conduits par le ministère des Solidarités et de la
Santé. C’est donc un moment d’échange auquel je suis très attachée. J’en profite pour vous
remercier de la qualité des rapports que vous avez produits sur ces questions.

Vous avez célébré la semaine dernière les vingt ans d’existence de cette Délégatio–
vingt années de regard vigilant, d’études très utiles, d’éclairages précieux. Vous avez raison,
madame la présidente, je pense qu’il faut poursuivre cet engagement parce que, l’actualité en
témoigne chaque jour, ces droits ne sont jamais acquis.

Le champ du ministère des Solidarités et de la Santé est vaste et j’ai récemment


accompagné plusieurs chantiers qui ont une résonance particulière pour votre Délégation. De
la même manière, vous avez récemment produit des rapports qui complètent utilement notre
réflexion – je pense notamment à la séniorité des femmes ou aux travaux en cours sur les
menstruations et sur l’accès à l’IVG.

Pour ouvrir les débats, je souhaiterais revenir sur quelques-unes des dispositions
récentes que j’ai eu l’honneur de défendre.
— 85 —

Plusieurs mesures ont été prises ces dernières semaines pour améliorer le congé
maternité : je pense à la publication des décrets d’application afin de procéder à l’alignement
du congé maternité des travailleuses indépendantes sur celui des travailleuses salariées, le
même décret portant d’ailleurs sur l’amélioration du congé maternité des agricultrices. Ces
textes sont notamment le fruit de votre travail, madame la présidente, puisqu’ils sont le fruit
de votre rapport. Ils permettent de faire converger les règles relatives au congé maternité
entre les différents régimes et d’harmoniser par le haut la protection sociale liée à la
maternité pour toutes les femmes actives.

Nous travaillons aussi avec Christelle Dubos sur les pensions alimentaires : les
difficultés vécues par les familles monoparentales ont été au cœur du Grand débat national.
En réponse, nous avons défendu un mécanisme qui confiera aux caisses d’allocations
familiales un véritable rôle d’intermédiaire du versement entre les deux parents. Ce
mécanisme sera opérationnel dès le mois de juin 2020, soit à la demande du juge soit à la
suite d’un impayé.

Dans le champ de la santé, j’ai été sensible aux témoignages de nombreuses femmes
face aux retards de diagnostic et aux mauvaises prises en charge de l’endométriose. J’ai
annoncé le 8 mars dernier un plan d’action sur l’endométriose, qui repose sur quatre axes.

Le premier est une meilleure information du public, des femmes et des professionnels
de santé, en particulier via le service sanitaire.

Nous voulons ensuite approfondir la recherche, car sur ce sujet nous avons assez peu
d’équipes et assez peu de publications. Nous souhaitons mieux informer les chercheurs sur
les aides dont ils peuvent bénéficier.

Troisième axe : améliorer le diagnostic de l’endométriose, notamment grâce aux


nouvelles consultations obligatoires. Je vous rappelle que nous avons étalé les consultations
obligatoires tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Et nous prévoyons deux
consultations obligatoires nouvelles : celles de 11-13 ans et de 15-16 ans. Ce sera un moment
intéressant pour les médecins généralistes afin qu’ils s’interrogent sur les douleurs qui
pourraient être un premier signe d’endométriose qui peut se révéler dès l’âge de 13 ans. La
consultation dédiée à la contraception et aux infections sexuellement transmissibles (IST)
pour les jeunes filles de 15-18 ans doit être étendue à la santé sexuelle et comprendra la
recherche systématique de signes d’endométriose. La formation initiale et continue des
professionnels intégrera spécifiquement l’endométriose.

Enfin la création d’une filière d’expertise dans chaque région permettra de répertorier
l’ensemble des professionnels et associations de patients capables de les accompagner.

Je souhaiterais en dernier lieu profiter de ma présence devant vous pour évoquer la


loi bioéthique à venir : chacun le sait, il est prévu d’élargir l’accès à l’assistance médicale à
la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Le critère médical
d’infertilité, qui aujourd’hui conditionne cet accès, sera supprimé. Nous prévoyons en outre
une prise en charge par l’assurance maladie. Le texte ouvrira également la possibilité d’une
autoconservation de gamètes pour les femmes comme pour les hommes. Un des articles
prévoit enfin la suppression de la proposition systématique d’un délai de réflexion en cas
d’interruption de grossesse pour raison médicale.

Ces quelques mots en préambule illustrent la diversité des sujets.


— 86 —

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Merci pour ce tour d’horizon qui revient
sur les avancées engagées depuis deux ans et ouvre des perspectives très positives. Je vais
donner la parole aux différents rapporteurs de la Délégation sur les travaux en cours ou qui
viennent de se terminer, en commençant par les co-rapporteures de la mission d’information
sur la séniorité des femmes, Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle. Nous entendrons
ensuite Laëtitia Romeiro Dias, co-rapporteure de la mission d’information sur les
menstruations.

Mme Sophie Panonacle. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux
recommandations de notre rapport.

Notre société véhicule de nombreux stéréotypes : les personnes âgées seraient


nécessairement fragiles, en mauvaise santé, souvent dépendantes ou atteintes d’une maladie
chronique, n’ayant souvent plus toute leur tête… C’est ce que l’on dit, c’est ce que l’on
entend : elles seraient devenues des personnes à charge, inutiles pour la société et
improductives pour l’économie. Ces stéréotypes peuvent empêcher les personnes âgées de
participer pleinement aux activités sociales, politiques ou encore culturelles ; ils contribuent
ainsi à les exclure progressivement de la cité. À l’extrême opposé de ces stéréotypes, la
filière de la Silver économie dépeint des personnes âgées actives, en bonne santé, épanouies,
souhaitant uniquement voyager et profiter d’un maximum de loisirs. Cet autre stéréotype ne
correspond pas non plus à la réalité.

Marie-Noëlle Battistel et moi-même considérons qu’il est aujourd’hui impératif de


changer de regard sur les personnes âgées si notre société veut être en mesure d’améliorer la
place qui leur revient. Nous avons donc fait un certain nombre de propositions : la
21e propose de développer des initiatives intergénérationnelles, transgénérationnelles, en
valorisant d’avantage le rôle et la place dans la société des personnes âgées, en les incluant,
par exemple au moyen de budgets participatifs, dans la vie de la cité et dans les politiques
publiques qui touchent au cadre de vie.

Une définition officielle des proches aidants a par ailleurs été inscrite dans la loi de
2015 relatives à l’adaptation de la société au vieillissement. Cette définition n’établit
cependant pas encore un réel statut de l’aidant. La loi a institué un droit au répit qui permet à
l’aidant d’un proche en perte d’autonomie, de bénéficier d’une somme pouvant aller jusqu’à
500 euros par an pour financer une période de répit. Il me semble important aujourd’hui
d’améliorer les connaissances statistiques sur les aidants et nous proposons de diligenter une
étude statistique nationale pour mieux appréhender la réalité et les besoins des proches
aidants. Tel est l’objet de notre proposition n° 11. On pourrait également envisager la
création d’un statut des aidants qui permettrait peut-être de leur assurer, entre autres, une
formation minimum.

Mme Marie-Noëlle Battistel. À l’issue de la mission d’information sur la séniorité


des femmes qui nous a été confiée, il apparaît que plusieurs véhicules législatifs peuvent être
l’occasion de décliner nos réflexions et nos recommandations.

En premier lieu, la perspective de la grande réforme des systèmes de retraite nous


conduit à nous interroger sur la manière de mieux prendre en compte, et de mieux corriger
surtout, les inégalités qui existent entre les femmes et les hommes. Vous savez, madame la
ministre, que ces inégalités résultent d’une somme d’inégalités tout au long de la vie,
accentuées au moment de la retraite. Ce sont les arrêts maternité, mais pas seulement, qui
interrompent les progressions de carrière. C’est aussi le temps pris pour être aidant dans sa
famille. Ces sont tous les trimestres « perdus » pour l’aidante et qui se payent au prix fort au
moment de la retraite. Nous souhaitons que, dans le cadre de cette réforme, on puisse
— 87 —

intégrer des dispositifs de correction de ces inégalités entre les femmes et les hommes. La
présidente de la Délégation avait organisée un petit-déjeuner sur la question du congé de
parentalité, dont il ressortait la nécessité de repenser la répartition des interruptions de
carrière entre les mères et les pères. Il y a beaucoup d’autres choses à faire et nous aimerions
connaître votre regard sur ce qui pourrait être possible.

Le défi démographique que représente le vieillissement de la population implique


tout particulièrement les femmes qui représentent la majeure partie des personnes âgées. Or
nous constatons que les politiques publiques dans ce domaine ne ciblent que rarement les
femmes comme un public spécifique. Ce qui nous a beaucoup frappées, c’est que nous
n’avons pas pu recueillir que très peu de statistiques genrées ou sexuées dans les différentes
instances parce qu’elles n’existent pas : il y a des tableaux avec des âges, mais il n’y a pas de
statistiques genrées. Est-ce que c’est parce qu’on considère qu’il n’y a pas de spécificité
féminine – ce qui à mon avis est faux – ou alors est-ce parce qu’on n’en a pas encore eu
l’idée ? Il serait temps de l’avoir car nous pensons que ce serait une véritable avancée.

Enfin, nous avons conclu nos travaux par une audition très intéressante sur la
ménopause qui a souligné ce phénomène d’invisibilité des femmes séniores dans la société :
elles subissent une sorte d’effacement social. Cette forme ultime de sexisme – qui
consisterait à ignorer toute femme ayant dépassé l’âge de la ménopause et ne pouvant dès
lors plus assurer une fonction reproductrice – ne devrait-elle pas être mieux prise en compte
dans la lutte contre les stéréotypes sexistes ?

Mme Laëtitia Romeiro Dias. La mission que nous a confiée la Délégation a pour
mérite de sortir des lieux communs. Les règles sont un sujet dont on parle peu, mais petit à
petit, au fil des auditions, nous mettons des mots sur ces tabous et sur les problématiques que
rencontrent les femmes. En juin 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a rendu sur la sécurité des produits
de protection hygiénique un avis qui soulignait la présence de composés toxiques dans leur
composition. Comment le Gouvernement pourrait-il obtenir un meilleur contrôle de la
composition des produits de protection intime ? Et, compte tenu des conséquences sur la
santé des femmes, ces produits ne devraient-ils pas être autant contrôlés que des dispositifs
médicaux ?

Par ailleurs quelles mesures envisagez-vous pour lutter contre la précarité


menstruelle, autre problématique que nous avons identifiée ? Pensez-vous qu’il faille
développer la gratuité des protections intimes ? D’autres mesures seraient-elles
envisageables ?

Enfin, comme vous l’indiquiez dans votre propos liminaire vous avez lancé en mars
dernier, un plan d’action pour renforcer la prise en charge de l’endométriose. Maladie
complexe et inexplorée, l’endométriose n’en touche pas moins une femme sur dix, et peut-
être même plus. Il était donc temps de s’emparer de ce sujet et nous ne pouvons que vous en
féliciter. Vous avez développé les axes de ce plan : pourriez-vous nous présenter son état
d’avancement et nous dire ce qu’en seront les suites ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Concernant les


femmes âgées et la réforme du grand âge, un travail est en cours afin d’élaborer, pour la fin
de l’année, un projet de loi dans lequel cette question de l’intergénérationnel sera posée. Elle
abordera notamment la question de la diversification des lieux d’hébergement, car nous
souhaitons sortir du « tout EHPAD » (établissement d’hébergement pour personnes âgées
dépendantes). Même si le maintien à domicile reste clairement la priorité, nous voulons
développer nombre d’offres intermédiaires dans lesquelles l’hébergement inclusif, donc
— 88 —

intergénérationnel, trouvera toute sa place, permettant de changer de regard sur les personnes
âgées et les femmes âgées. Par ailleurs, le Premier ministre a confié à la députée Audrey
Dufeu Schubert, une mission sur l’âgisme dont j’attends les conclusions pour voir comment
ce changement de regard pourrait s’opérer ; l’inclusion et l’intergénérationnel permettent un
vrai changement de regard, cela ne se décrète pas mais se met en œuvre dans la vie
quotidienne. Nous verrons si nous pouvons nous emparer des conclusions de cette mission
pour promouvoir des mesures spécifiques dans le projet de loi Grand âge et perte
d’autonomie.

Dans ce projet de loi, un axe sera dédié à la question des proches aidants. Il
comportera des mesures auxquelles nous travaillons avec Sophie Cluzel car il ne s’agit pas
seulement des aidants des personnes âgées, mais aussi des aidants familiaux ou proches de
personnes handicapées ou malades. Nous présenterons une feuille de route en septembre sur
cette question. J’ai déjà dit qu’avant même le projet de loi, des mesures figureront dans le
prochain PLFSS, dont l’une relative à un congé proche aidant, pris en charge par la sécurité
sociale. La question du répit des aidants sera traitée dans la feuille de route et dans le projet
de loi grand âge.

Comment prendre en compte, dans la réforme des retraites, les inégalités en termes
de pension qui sont souvent le reflet des inégalités de carrière ? Il est clair que notre système
actuel favorise les carrières longues, homogènes, ascendantes, et essentiellement masculines,
et défavorise les carrières hachées, plates, c’est-à-dire souvent celles de femmes avec
enfants. Tout le projet de loi que prépare le Haut-commissaire à la réforme des retraites vise
à gommer ces inégalités de carrière et à rendre à l’avenir notre système de retraite plus juste,
plus équitable, donc à gommer ce différentiel. Cela correspond aussi aux nouveaux défis de
la société de demain : nous savons que les carrières seront moins linéaires et nous avons
besoin d’adapter notre système de retraite par répartition aux profils de carrière des futures
générations. Il gommera ces inégalités en tenant compte des congés rémunérés dus aux
grossesses et il revisitera aussi les droits familiaux. Les droits familiaux sont aujourd’hui
multiples ; l’un d’entre eux, notamment, accorde une surrémunération de 10 % dès le
troisième enfant. Les pensions de retraite des hommes étant souvent plus importantes, ce
sont en pratique les hommes qui bénéficient de ces 10 %. Tout un travail a été effectué dans
le champ de la solidarité de notre futur régime de retraite pour requestionner ces droits
familiaux et les adapter aux réalités du XXIe siècle. Le Haut-commissaire présentera sa
réforme et son système cible aux partenaires sociaux le 18 juillet prochain. Je le laisse
dévoiler ses pistes, mais elles répondent à vos préoccupations concernant la retraite des
femmes.

Nous sommes de plus en plus attentifs à la question des statistiques genrées et à la


place des femmes dans les politiques publiques. Il est vrai que l’on dispose souvent de
statistiques datant d’une période où la question du genre était moins prégnante, mais dans les
travaux de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
(DREES), nous sommes désormais très attentifs à disposer de ce type d’indicateurs. Cela
bénéficiera aux travaux qui seront publiés à l’avenir.

En ce qui concerne l’invisibilité des femmes ménopausées et la lutte contre les


stéréotypes, je vais prendre connaissance de votre rapport pour voir comment nous pouvons
intégrer les recommandations que vous avez faites, mais je comprends bien la problématique
que vous pointez du doigt.

S’agissant des composés toxiques dans les protections hygiéniques des femmes, il y a
deux sujets qu’il faut séparer : celui de la sécurité sanitaire concerne les chocs toxiques qui
ont été clairement identifiés dans des cas d’endotoxines bactériennes avec des tampons
— 89 —

contaminés. Des mesures correctives ont été prises lors de la production des produits. Mais
on a aussi souvent observé que ces chocs étaient liés à une mauvaise utilisation des
protections et il convient donc de mieux informer les femmes sur les règles d’utilisation de
ces produits.

Le deuxième sujet concerne les contaminations par des composés chimiques ou


toxiques dans les protections hygiéniques. À la suite d’une saisine, l’ANSES a pu constater
la présence de produits toxiques, mais à des doses faibles. Eu égard à notre connaissance de
la contamination par la peau, l’Anses considère qu’il n’y a pas de risque sanitaire identifié.
En fait, les doses toxiques le sont en cas d’ingestion. Il n’y a donc pas de risque sanitaire
identifié, même si nous souhaitons tous, à l’avenir, voir diminuer la présence de produits
chimiques dans les produits que nous utilisons, à condition, bien sûr, qu’on n’expose pas, à
l’inverse, ces protections hygiéniques à un risque de prolifération bactérienne, parce qu’il
n’y aurait plus les produits qui empêchent justement cette prolifération. Aujourd’hui, les taux
de substances retrouvées sont faibles et il n’y a pas d’alerte spécifique même si leur impact
sur les muqueuses vaginales nécessite des travaux complémentaires.

La précarité menstruelle des femmes précaires est un sujet plus spécifiquement suivi
par Christelle Dubos. Nous nous sommes engagées sur cette question parce que c’est
évidemment le cœur des préoccupations de ce ministère et nous travaillons avec les
partenaires associatifs qui nous alertent en permanence. Nous attendons les résultats de votre
mission pour savoir comment nous pouvons faire mieux pour ces femmes. Une mission a
également été confiée à la sénatrice Patricia Schillinger, qui va nous permettre de travailler
sur les questions d’accès matériel aux protections hygiéniques pour faire évoluer les
mentalités. Nous travaillons également avec Julien Denormandie, qui est en charge de
l’hébergement d’urgence – c’est dans ces lieux qu’on peut aussi apporter une solution –, et
avec toutes les associations de terrain auprès des personnes précaires pour faciliter la collecte
et la distribution de protections hygiéniques. Nous travaillons aussi aux moyens de les
soutenir financièrement. Agnès Pannier-Runacher est aussi très sensibilisée : elle étudie
comment mobiliser les industries qui produisent ces protections.

Sur l’endométriose, nous sommes en train de décliner la feuille de route. Dès cette
année, des modules de formation figureront dans le développement personnel continu des
professionnels. Cela apparaîtra dans la nouvelle maquette, dans le cadre de la réforme des
2e et 3e cycles des études de médecine. C’est un engagement des enseignants et des doyens.
Et nous faisons le même travail pour les formations des sages-femmes.

En termes de détection, il y a la consultation obligatoire des 11-13 ans, celle des


15-16 ans, et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a d’ores et déjà complété son
site internet avec un volet sur l’endométriose qui figure dans le volet professionnel des
référentiels qui correspondent à ces consultations. Elle a également ajouté le mot
« endométriose » dans le mèl qui est adressé aux assurés. Et une consultation santé sexuelle
est en train de se mettre en place à l’âge de 16-17 ans.

En termes de recherche, une journée de mise au point scientifique a été organisée par
l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Nous avons, grâce au
travail des chercheurs, un bilan des axes de recherche à promouvoir sur ce thème. Un projet
hospitalier de recherche clinique a été sélectionné cette année sur le thème de
l’endométriose. Un numéro spécial de la revue Médecine/sciences sur ce thème est
également prévu.

S’agissant enfin de l’information, nous travaillons avec les associations afin de les
rendre plus visibles.
— 90 —

Je suis ce dossier de très près parce que je veux des résultats clairement identifiés au
bout d’un an.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je donne la parole aux co-rapporteures de


la mission d’information sur l’accès à l’IVG, Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti.

Mme Cécile Muschotti. Ma première question concerne les chantages qu’avait


opérés le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France. À ce moment, le
Gouvernement avait indiqué vouloir dresser un état des lieux de l’accès à l’interruption
volontaire de grossesse en lien avec les agences régionales de santé. Quel est aujourd’hui
l’état d’avancement de ce travail ? Sans préjuger des travaux de notre mission d’information,
considérez-vous qu’il faille supprimer la double clause de conscience ? La clause de
conscience générale ne vous semble-t-elle pas suffisante ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous avons été désignées pour conduire une mission
d’information sur l’accès à l’IVG, et nous allons nous attacher à l’ensemble des enjeux liés
aux spécificités territoriales. Nous n’avons procédé pour l’heure qu’à une audition et à
quelques visites dans les départements. Cela nous a déjà conduites à noter des différences
entre les départements, dans l’approche des professionnels et les moyens qui leur sont
alloués. Nous veillerons évidemment à déterminer comment assurer un accès identique et de
qualité sur l’ensemble du territoire.

Une autre question fait quelquefois débat, c’est l’éventuel allongement de douze à
quatorze semaines du délai d’accès à l’IVG. Qu’il n’y ait pas de confusion : on parle bien de
semaines de grossesse et non de semaines d’aménorrhée. Un certain nombre de pays vont
très loin dans cette démarche. Votre ministère a-t-il déjà travaillé sur ce sujet et quelle en est
votre approche à titre personnel ? Que pensez-vous faire pour garantir ce droit fondamental ?

Entre pratique médicamenteuse et pratique chirurgicale, le choix n’est par ailleurs pas
toujours proposé aux femmes : en raison de fortes réticences ou faute de médecins, dans
certains territoires on ne propose que la solution médicamenteuse. Nous avons recueilli des
témoignages de personnels d’un hôpital dont les trois médecins qui acceptaient de procéder
aux IVG partent à la retraite, et aucun des trois médecins qui arrivent ne souhaite les
pratiquer… Comment répondre à cette difficulté ?

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je me permets de compléter les questions


de nos deux collègues vous alertant notamment sur une pratique que l’on a découverte la
semaine dernière. Nous nous en doutions un peu, mais elle nous a été clairement indiquée,
notamment dans le département des Vosges où, faute de médecins, n’est proposée aux
femmes que la solution médicamenteuse, parfois dans des délais non conformes aux
recommandations de la Haute autorité de santé, et dans des souffrances psychologiques et
physiques que l’on peut imaginer.

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Ce sont des questions
extrêmement importantes, puisque nous savons que ce droit est sans arrêt remis en question.
C’est sans doute moins le cas dans notre pays que dans d’autres, mais nous constatons chez
nous des difficultés d’accès, tout simplement, faute de médecins. Notre pays manque de
façon criante de médecins, ou plutôt de temps médical disponible : le nombre de médecins
est constant mais, par rapport aux besoins de la population, nous sommes bien en déficit de
temps médical. Ce déficit est en fait observé partout en Europe et partout dans le monde ;
c’est un problème international. Et nous n’avons donc pas moyen d’aller chercher des
médecins dans d’autres pays, sauf à déposséder ces derniers d’encore plus de temps
médical…
— 91 —

Ce déficit va durer encore quelques années parce que les nombreux médecins formés
après-guerre, après le Baby-boom sont en train de partir à la retraite… Le numerus clausus a
été extrêmement serré pendant une vingtaine d’années et il n’a été rouvert qu’en 2005. Nous
sommes dans une période de « creux », où les médecins partent à la retraite et ceux qui ont
commencé à être formés après 2005, ne sont pas encore opérationnels. Donc, pendant encore
six à huit ans, nous allons avoir un déficit car il faut dix ans pour former un médecin. Il faut
donc appliquer un principe de réalité. C’est dans cette optique que j’aborde les enjeux
concernant l’IVG, de la même manière que tous les sujets liés à notre système de santé.

Nous avons besoin de nous reposer sur des délégations de tâches ; de partager les
soins entre différentes professions de santé. C’est ce que nous faisons déjà avec les
sages-femmes, notamment concernant certains IVG.

Vous m’avez posé la question de l’état des lieux que j’ai demandé aux ARS :
j’attends le rapport pour l’été. Nous verrons s’il y a des disparités territoriales. Énormément
de médecins partent à la retraite : c’est vrai des gynécologues comme des généralistes,
comme de tous les médecins. C’est en raison de cette vague de départs, que, dans la loi
Santé, j’ai fait augmenter le plafond du cumul emploi-retraite de façon très notable, afin qu’il
soit très incitatif de continuer à exercer pendant deux à cinq ans : cela ralentira le rythme des
départs.

Concernant la double clause de conscience, j’ai envie de vous demander s’il faut
s’attacher au droit réel ou au droit formel. Veut-on travailler sur les principes ou sur la réalité
du parcours des femmes ? Je comprends parfaitement les arguments en faveur de la fin de la
double cause de conscience. Pourquoi cette spécificité relative à l’IVG ? Pourquoi cette
forme de discrimination ? Pourquoi un droit spécifique pour l’IVG ?

Mais, à mon avis, la double clause de conscience est en réalité bénéfique aux
femmes. D’abord, la suppression ne conduira pas à ce que plus de médecins pratiquent
l’IVG : on n’obligera jamais un médecin qui ne le veut pas à pratiquer des IVG. Et si on le
faisait, ce serait au détriment des femmes, parce qu’il faut un accompagnement dans cette
période. Donc, la suppression de la clause de conscience ne réglerait pas le problème de
l’accès.

Par ailleurs, si on la supprimait, les médecins entreraient dans le droit commun de la


déontologie. C’est-à-dire qu’ils n’auraient pas à orienter les femmes : un médecin qui
refuserait de pratiquer un acte le ferait non pas à titre général mais à titre individuel. Il
donnerait ainsi son avis sur l’acte dans le cadre de la relation médecin-malade, de l’échange
individuel. Et il n’aurait pas d’obligation d’adresser la malade vers un autre professionnel,
mais simplement de transférer le dossier lorsque la femme trouverait un praticien d’accord
pour accomplir l’acte.

Aujourd’hui, les médecins qui activent la clause de conscience sont bien connus dans
les hôpitaux. Cela évite que les femmes prennent rendez-vous avec eux pour une IVG,
qu’elles se trouvent en consultation avec quelqu’un qui est contre l’IVG, qui peut leur faire
perdre du temps en disant « je vais réfléchir, revenez dans une semaine », qui n’aurait
aucune obligation de trouver un autre médecin si la classe spécifique était supprimée… Donc
en réalité, je pense qu’on risque de rendre le parcours des femmes beaucoup plus erratique,
beaucoup plus aléatoire en revenant sur la double clause.

C’est la raison pour laquelle je suis très opposée à la fin de la double clause de
conscience, sauf si on arrive vraiment à me convaincre que les choses ne se passeront pas de
la sorte. Mais quand je vois les réactions du président du Syngof, je pense que le risque est
— 92 —

élevé et que la double clause de conscience protège les femmes. Je parle bien de la double
clause de conscience, puisque la clause de conscience simple consiste juste en un droit, celui
du médecin à refuser un acte. Cela n’a rien à voir parce que, je le répète, quand un médecin
refuse, ce n’est jamais « en général ». C’est dans la relation médecin-malade, personnelle,
qu’un médecin peut, à un moment, refuser de pratiquer un acte. Il n’affiche pas globalement
un refus : il dit à chaque fois, dans le colloque singulier qu’il a avec son patient, qu’il
manifeste ou non son accord. C’est très différent.

Je crains donc vraiment qu’en supprimant cette double clause de conscience, on fasse
courir aux femmes le risque de prendre des rendez-vous sans savoir à qui elles ont affaire ;
d’être mal orientées ; de perdre du temps par rapport aux délais – et on sait que plus le délai
est tardif, plus cela est pénible. Je pense donc qu’on ne leur rendrait pas service. C’est mon
opinion très profonde, parce que je suis une praticienne de la médecine : je sais comment on
prend des rendez-vous en consultation, je sais qui répond au téléphone, je sais comment
fonctionne Doctolib. En fait, je ne vois pas comment on va protéger les femmes si on
supprime la double clause de conscience.

On peut se battre sur les principes : c’est très bien, c’est un combat politique ; mais
mon objectif, c’est la sécurité des femmes et la simplicité de leur parcours.

S’agissant de votre deuxième question, je pense qu’on manque de données. La seule


donnée dont nous disposons est très macroscopique : elle indique que le nombre d’IVG est
totalement stable dans notre pays depuis dix ou quinze ans. Cela peut vouloir dire qu’il n’y a
pas de difficultés d’accès ou qu’on n’est pas très bons sur la contraception qu’on n’a pas fait
beaucoup de progrès. Cette donnée ne veut rien dire parce qu’elle est tellement
macroscopique qu’on ne sait pas si cela tient au fait que les femmes ont moins recours à un
moyen de contraception –, ou qu’elles voudraient y recourir plus mais qu’elles n’y ont pas
accès.

La question de la durée a été posée, vous le savez, par un amendement parlementaire


non anticipé et n’a pas été suffisamment instruite. La seule donnée en ma possession et qui
permet de raisonner, c’est que lorsque la durée d’accès à l’IVG a été prolongée de dix à
douze semaines de grossesse (c’est-à-dire de douze à quatorze semaines d’aménorrhée), cela
n’a abouti, dans ce délai supplémentaire, qu’à 5 % des IVG réalisées. En réalité, la très
grande majorité des IVG sont faites avant, et mon objectif est plutôt qu’on intervienne le
plus tôt possible. Là aussi, c’est la praticienne qui parle.

Souvent ces 5 % de femmes qui font des IVG tardives sont des femmes qui n’y ont
pas accès objectivement, parce que c’est compliqué – les études vont nous le dire –, ou qui
hésitent. Les femmes hésiteront autant entre douze et quatorze semaines qu’entre dix et
douze. Une partie des femmes qui aujourd’hui partent à l’étranger, ne le font pas forcément à
cause des difficultés d’accès, mais plutôt en raison d’hésitations multiples, parce que c’est un
acte difficile, compliqué, qu’elles ne sont pas toutes persuadées en permanence de leur
capacité à affronter ce moment extrêmement douloureux, et qu’elles sont parfois
ambivalentes par rapport à une grossesse.

Je dois dire que je ne disposais pas, au moment où l’amendement parlementaire a été


discuté et quand la sénatrice a parlé du délai de douze à quatorze semaines, des données
montrant qu’en réalité, nous sommes déjà à quatorze semaines d’aménorrhée, et ainsi
totalement alignés avec l’Espagne, la Belgique, etc. En fait, nous sommes dans les délais
internationaux. Les Pays-Bas pratiquent des délais excessivement tardifs parce qu’ils ne font
pas la distinction entre une interruption pour raisons médicales et une IVG volontaire. C’est,
à ma connaissance, l’un des rares pays à avoir des délais aussi longs. Je ne suis donc pas
— 93 —

certaine qu’on ait en France des délais d’accès plus défavorables que dans les autres pays ; je
suis même sûre du contraire. Nous sommes exactement dans la moyenne des autres pays
européens.

Par ailleurs, quand on est passé de douze à quatorze semaines d’aménorrhée,


c’est-à-dire de dix à douze semaines de grossesse, on a vu que très peu d’IVG avaient lieu
dans ce délai supplémentaire. J’aimerais que nous disposions à ce propos d’un moyen de
décryptage : cela tient-il à la difficulté d’accès ou à la difficulté de prendre une décision ?
Dans ce dernier cas, on ne ferait que repousser, en sachant que plus on repousse, plus c’est
douloureux pour les femmes.

J’aimerais enfin savoir – j’ai besoin d’en discuter avec des gynécologues – à partir de
quel âge on peut détecter les premiers mouvements d’un bébé in utero. En effet, une IVG
alors qu’un bébé a commencé à bouger, c’est extrêmement difficile à surmonter
psychologiquement. Il faut que l’on prenne tout cela en compte avant de prendre une
décision d’allongement de la durée. Je veux des données pour raisonner : je n’ai aucune
doctrine sur le sujet, mais je trouve qu’il est complexe et mérite d’être appréhendé avec
l’ensemble des éléments.

Mon objectif, à la suite des différents rapports et missions, est de faire en sorte que
l’information soit très facile pour les femmes ; que l’offre soit très lisible ; qu’elle soit
harmonisée dans l’ensemble du territoire ; qu’on ne fasse pas perdre du temps aux femmes et
qu’elles puissent accéder à l’IVG le plus vite possible.

Enfin, vous m’interrogez sur les IVG médicamenteuses. En réalité, vous pointez du
doigt le déficit de médecins. Aujourd’hui, on souffre d’un déficit de gynécologues et
d’obstétriciens, notamment parce que le DES de gynécologie a été supprimé il y a quelques
années : nous n’avons plus que des obstétriciens formés par l’internat. Le DES de
gynécologie médicale vient d’être réintégré dans le cursus de l’internat ; on devrait avoir des
gynécologues médicaux qui vont prendre en charge plus facilement les femmes, et les
obstétriciens pourront se concentrer sur leur travail d’obstétricien ou de chirurgien et faire
moins de gynécologie médicale. Ainsi, ce sont de nouveau les gynécologues médicaux qui
prendront en charge les contraceptions. Là encore, on est dans une phase très difficile : les
gynécologues médicaux sont partis à la retraite et on n’a quasiment plus que des
obstétriciens qui manquent de temps et qui ne sont pas harmonieusement répartis dans le
territoire.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Si la Délégation est particulièrement


vigilante sur la question de l’interruption volontaire de grossesse, elle partage votre objectif,
qui est bien celui de l’effectivité du droit des femmes. Nous souhaitons également sortir des
postures des uns et des autres pour garantir cette effectivité du droit. Vous parliez de
démographie médicale, notamment des difficultés que cela entraîne pour que les femmes
aient le choix de la méthode, choix qui est bien inscrit dans la loi. Si effectivement le nombre
d’IVG est stable, en revanche – et j’imagine que la mission d’information permettra de le
dire –, la question est bien celle des méthodes utilisées. Compte tenu du déficit médical,
seriez-vous favorable à ce que les sages-femmes puissent pratiques des IVG instrumentales ?
Nous n’avons pas arrêté de position à ce sujet mais il me semble qu’il faut poser la question.

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je pense que ce type de
question doit être posé à la Haute autorité de santé. Ce n’est clairement pas au législateur de
décider quel acte médical peut être fait quel professionnel, parce qu’il faudrait connaître très
intimement les risques, les gestes de rattrapage s’il y a une perforation utérine, etc… Je ne
suis pas suffisamment spécialiste pour me prononcer. Si l’on doit étendre le droit à l’IVG
— 94 —

instrumentale, je pense qu’il faut poser la question aux spécialistes et des groupes de travail
pourront se mettre en place à la Haute autorité de santé.

Depuis la loi de 2016, le droit d’effectuer des IVG instrumentales a été élargi aux
centres de santé : des médecins généralistes peuvent donc pratiquer ces IVG. La Haute
autorité de santé vient de publier ses recommandations, c’est-à-dire le cahier des charges à
respecter pour pouvoir pratiquer ces IVG en centre de santé. Cela devrait en faciliter l’accès.
Ce dispositif monte en puissance doucement, puisque la Haute autorité de santé n’a rendu
son avis que le 17 août 2018. Je pense qu’il vaut mieux accompagner les centres de santé et
les médecins pour développer cette offre. Concernant les sages-femmes, seuls les spécialistes
peuvent dire si c’est faisable ou non, dangereux ou non. L’objectif reste tout de même aussi
la sécurité des femmes.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je donne la parole à Sophie Auconie et à


Guillaume Gouffier-Cha à propos de leur mission sur la fiscalité des pensions alimentaires.

M. Gouffier-Cha. Nous allons aborder, avec ma collègue Sophie Auconie, un autre


sujet important qui trop longtemps est resté en dehors du débat public et qui, aujourd’hui, est
central dans les débats, tant ce public rencontre des difficultés, des injustices et doit faire
face à des inégalités ; c’est le sujet des familles monoparentales. On sait que 85 % d’entre
elles ont à leur tête des femmes, dont une grande partie sont sous le seuil de pauvreté et sont
touchées par des inégalités très fortes. Les études de l’Insee montrent que la séparation
entraîne aujourd’hui une perte de pouvoir d’achat de 20 % pour les femmes, quand elle
entraîne une hausse de 3 % du pouvoir d’achat pour les hommes.

Depuis deux ans, nous multiplions les travaux à travers les différents textes législatifs
sur les familles monoparentales. Suite au Grand débat, suite également aux échanges que
nous avions pu avoir sur le projet de loi justice, nous avons décidé de lancer une mission
dont les conclusions seront présentées le 23 juillet prochain – sur le régime fiscal des
pensions alimentaires, et tout particulièrement celui applicable à la contribution à l’entretien
et à l’éducation des enfants. La première question concerne la garantie qui va être instaurée
et que vous avez évoquée tout à l’heure : quels en seront le calendrier et le périmètre ? Je
crois que vous disiez qu’elle jouerait dans les cas où un juge serait saisi ou quand il y aurait
un impayé. Faudrait-il une action de la personne lésée ?

Lors de nos premières auditions, des experts nous ont signalé qu’il fallait faire
attention aux effets de bord : le fait de réparer l’impayé pourrait entraîner, via les effets de
seuil, la perte ou la baisse d’aides sociales pour les familles, pour la femme en situation de
monoparentalité, et les exclure d’un certain nombre de dispositifs, au risque de les appauvrir.
Avez-vous eu ces réflexions ? Comment limiter ou empêcher ces effets de bord ?

Deuxième question, plus générale : menez-vous des réflexions en vue d’améliorer le


quotidien des familles monoparentales, via des dispositifs sociaux et fiscaux ?

Mme Sophie Auconie. Ma question porte sur cette actualité dramatique que sont les
féminicides, plus précisément sur ce qui concerne votre ministère. Marie-Pierre Rixain et
moi-même avons eu l’occasion de visiter à Bordeaux le centre d’accueil d’urgence des
victimes d’agressions (CAUVA). Visiblement, il correspond aux attentes des victimes de
violences sexuelles et sexistes et d’agressions en général. Grâce à l’action de ce centre, on
enregistre neuf dépôts de plaintes sur dix cas à Bordeaux, contre un sur dix dans toute la
France.
— 95 —

Ce centre se trouve dans l’hôpital. Une convention signée entre les ministères de la
Santé, de la Justice et de l’Intérieur permet à un médecin de recueillir la parole et la preuve.
Elle autorise aussi le CAUVA à stocker ces preuves et les paroles recueillies pendant
trois ans, ce qui laisse à la victime le temps d’organiser l’éloignement de son conjoint sans le
sensibiliser au fait qu’elle va porter plainte.

Aujourd’hui, parce que nous avons incité les femmes à parler, à aller dans les
commissariats et à porter plainte, sans pour autant assurer leur protection, le nombre de
féminicides a doublé par rapport aux années précédentes : quand les femmes rentrent chez
elles et que le mari ou le compagnon est appelé au commissariat, les lendemains sont
souvent dramatiques. Pour soixante-seize d’entre elles, les lendemains ont été dramatiques.
Je pense qu’une meilleure organisation de l’accueil de ces victimes, permettrait d’en
protéger quelques-unes… Pour moi, c’est une priorité. Qu’en pensez-vous ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je serai très attentive
aux conclusions de la mission sur le régime des pensions alimentaires.

S’agissant de l’impact fiscal des pensions alimentaires, vous le savez, le débiteur les
déduits de ses revenus et le créancier, c’est-à-dire la femme en général, doit les déclarer. Ce
système est a priori justifié, parce que cela correspond à notre système fiscal, qui veut que
les ressources d’un foyer soient imposées au niveau du foyer. À défaut, il y aurait inégalité
de traitement entre les foyers. Par exemple une famille recomposée et une famille
non recomposée, disposant du même niveau de ressources, pourraient avoir des niveaux
d’imposition différents du fait du traitement dérogatoire des pensions alimentaires.

Certes, il nous faut résorber les inégalités de pouvoir d’achat, mais nous ne pensons
pas que la piste fiscale soit la bonne car elle aurait trop d’effets de bord. Mais nous attendons
évidemment les conclusions de la mission.

Nous avons travaillé à augmenter les revenus des familles monoparentales,


notamment les plus en difficultés. C’est ce que j’ai proposé et que vous avez voté, dans le
PLFSS 2018, puisque j’ai augmenté de 30 % l’allocation de soutien familial (ASF) et de
30 % le complément du mode de garde pour les familles monoparentales. Nous avons
également mis en place l’équivalent d’un tiers payant pour l’aide à la garde d’enfants, ce qui
évite aux familles d’avancer les frais et de manquer ainsi de trésorerie. Ces mesures
financières d’accompagnement des familles monoparentales ont été la première action que
j’ai menée en arrivant au ministère. Maintenant, j’attends le travail qui est en cours avec
Marlène Schiappa et Christelle Dubos pour voir comment nous pourrions aider ces familles
tout au long de leur trajectoire, notamment au moment de la séparation souvent très difficile
à surmonter et qui entraîne un déclassement extrêmement brutal.

S’agissant du dispositif relatif à la garantie des pensions alimentaires, nous faisons


tout pour que les CAF soient opérationnelles au 1er juin 2020. Nous avons prévu un dispositif
simple, soit en cas d’impayés après un signalement à la CAF – le dossier partira alors
immédiatement dans la structure – ; soit au moment du divorce, si la femme déclare craindre
des impayés. Cela ne passera donc pas forcément par une saisine du juge, mais cela pourra
prendre la forme d’une simple demande faite au moment du divorce, parce que l’on préjuge
de difficultés à venir.

La question qui se pose, et qui se posera à l’avenir, c’est d’élargir ce dispositif à


toutes les pensions alimentaires. Cela supposerait que les CAF disposent de moyens
substantiels pour être en position d’intermédiaire pour la totalité des pensions alimentaires.
— 96 —

Elles devront recruter et former du personnel. C’est la raison pour laquelle il nous faut
attendre juin 2020.

Les effets de bord et les pertes d’aides sociales ont été plusieurs fois signalés.
Normalement, la pension est prise en compte dans les ressources pour les aides au logement
par exemple, mais tout dépend des aides. Cela pourra être revu dans le cadre de la réflexion
et de la concertation sur le revenu universel d’activité. Il faudra notamment s’intéresser à
l’assiette de calcul et voir comment promouvoir une redistribution évitant des différentiels de
traitement entre les hommes et les femmes.

Vous m’interrogez aussi sur les violences faites aux femmes. Le CAUVA est un très
bon dispositif. J’entends votre remarque sur le fait qu’on n’a pas protégé les femmes alors
qu’on les a engagées à témoigner. Je pense que ce constat est très récent : on ne l’avait pas
posé il y a six mois. Il faudra se reposer toutes ces questions dans le cadre du Grenelle
qu’organise Marlène Schiappa avec qui nous travaillons. Il faudra notamment proposer des
actions correctives à ce qui a été fait en matière de déclarations, du fait qu’on a libéré la
parole des femmes. Ce que j’ai fait dans mon ministère, ne s’apparente pas exactement au
CAUVA. Je m’étais engagée – lors de la réunion sur la lutte contre les violences faites aux
femmes que le Président de la République a présidée à l’Élysée, en 2017 – à créer des
centres d’accompagnement du psycho-traumatisme. J’ai travaillé sur les psycho-traumas
post-attentats, post-événements accidentels, mais également liés à des violences conjugales,
psycho-traumas des enfants… J’ai totalement tenu la feuille de route qui m’était assignée fin
2017 : nous avons créé, à Lille, un centre de ressources national qui a été financé à la suite
d’un appel à projets, avec une équipe médico-judiciaire qui met en place les bonnes
pratiques de recueil de la parole, qui instruit les cas et qui prend en charge les femmes pour
leur suivi psychologique post-traumatique. Nous avons en outre créé, suite également à un
appel à projets, dix centres de psycho-traumatisme dont la mission est de créer des réseaux
dans tous les hôpitaux, dans tous les services d’urgence, de travailler sur les bonnes pratiques
et de les diffuser dans leur réseau. On ne pourra pas financer une structure de
psycho-traumatisme médico-judiciaire dans chacun des six cents services d’urgence de
France aujourd’hui. En revanche, il est nécessaire que les médecins urgentistes soient formés
à la fois au recueil de la parole, aux bonnes pratiques, à l’accompagnement, qu’ils
connaissent les lieux d’orientation des femmes, les lieux d’hébergement, etc. Ces dix centres
travaillent à la création d’un réseau régional et le centre de ressources nationales fournira le
guide des bonnes. Tout ça se met en place : les dix centres ont été créés et financés pour une
dizaine de millions d’euros à la fin de l’année 2018 ; on pourra en faire un premier bilan à la
fin de l’année 2019.

Une mission conjointe de l’Inspection générale des services judiciaires, de


l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’administration a
par ailleurs été lancée au début du mois de juin par ces trois ministères et celui de Marlène
Schiappa pour régler la question de la procédure judiciaire de déclaration. Il nous a semblé
qu’il n’appartenait pas au ministère de la Santé de réfléchir seul à la charge d’une déclaration
pour la justice. Pour autant, comme cela se fait souvent à l’hôpital, la conclusion de cette
triple mission va nous aider à proposer un schéma cible, qui sera repris lors du Grenelle
qu’organise qu’organisera Marlène Schiappa en septembre.

Mme Fiona Lazaar. Je souhaitais également aborder la question des féminicides et


plus particulièrement l’alerte lancée par un collectif de féministes la semaine dernière dans
une tribune qui évoquait, à votre destination, l’idée de mener, à l’hôpital, un plan de
détection systématique pour que les femmes victimes de violences au sein du couple soient
mieux prises en charge. Vous venez d’apporter un certain nombre de réponses à cette
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question très précise et le Grenelle sera l’occasion d’avancer plus en détail. Je pense qu’il y a
une prise de conscience générale et qu’il faut véritablement qu’on se mobilise tous pour
lutter contre les féminicides.

Par ailleurs, les annonces qui ont été faites à l’issue du Grand débat sont très
positives, très ambitieuses, et je crois qu’elles vont apporter véritablement des solutions
concrètes pour les femmes qui aujourd’hui encore ont des difficultés à percevoir les pensions
alimentaires. J’étais présente la semaine dernière dans la CAF de ma circonscription pour
évoquer ce sujet ainsi que cette grande avancée qu’est la prime d’activité. J’ai compris à
cette occasion que toutes les antennes CAF ne disposaient pas de personnes formées
spécifiquement à l’accueil des familles monoparentales et aux dispositifs à leur attention.
Une formation sera-t-elle dispensée aux agents ? Un dispositif sera-t-il déployé dans les
maisons France services annoncées par le Président de la République ?

M. Gaël Le Bohec. Le 19 mars dernier, un article paru dans Le Nouvel Observateur


a mis en lumière la situation inquiétante des femmes en prison qui ont recours à des moyens
de fortune, parfois au péril de leur santé, pour pallier l’accès restreint aux protections
hygiéniques, souvent trop onéreuses ou de mauvaise qualité. Certes, depuis 1985, la
direction de l’administration pénitentiaire a mis en place pour les personnes arrivant en
détention un kit comprenant des produits d’hygiène, dont des serviettes hygiéniques pour les
femmes. Cependant, l’enquête du magazine a montré que les modalités d’accès à ces
protections hygiéniques sont extrêmement variables d’un établissement à un autre. Par
exemple, la prison des femmes de Rennes, dans mon département, et la maison d’arrêt de
Lille-Seclin revendent les produits d’hygiène au prix d’achat tandis que la maison d’arrêt de
Nice pratique des prix 30 à 60 % plus élevés, invoquant des coûts de livraison ou des frais de
gestion.

Je rappelle que la France a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour
européenne des droits de l’Homme et par la justice française pour atteinte à la dignité
humaine. En matière de protection hygiénique, cette exigence de dignité représente un coût
infime pour les pouvoirs publics. En effet, au 1er janvier 2016, d’après le ministère de la
Justice, les femmes représentaient 3,5 % des détenus, soit une population de 3 000 femmes.
Le coût annuel de ces protections est donc estimé, au total, autour de 200 000 euros. La
direction de l’administration pénitentiaire doit prochainement rendre le rapport du groupe de
travail qui s’interroge, depuis en mai dernier, sur la pertinence du choix et de la liste des
produits des produits de « cantine » pour l’ensemble des femmes détenues.

Si le sujet concerne au premier chef le ministère de la Justice, il semble nécessaire


que les services de votre ministère apportent aussi leur expertise, notamment pour
promouvoir plusieurs pistes de travail, telles que l’ajout de coupes menstruelles à la liste des
produits en milieux pénitentiaires ou la mise à disposition gratuite de serviettes et de
tampons hygiéniques bios. Les protections hygiéniques en milieu pénitentiaire ne sont pas du
luxe : c’est une question de dignité. Albert Camus disait qu’» une société se juge à l’état de
ses prisons ». Allez-vous vous engager pour assurer aux femmes détenues la dignité à
laquelle elles ont droit ? Un tel engagement grandirait notre pays.

Mme Nicole Le Peih. En mars 2018, le Sénat a examiné la proposition de loi pour
une revalorisation à 85 % du smic des retraites agricoles, de nos collègues André Chassaigne
et Huguette Bello, qui avait été votée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée
nationale en 2017. Le Gouvernement a demandé au Sénat un vote bloqué. Lors de la
discussion générale, vous aviez déclaré que « le Gouvernement ne refuse pas de prendre en
compte la situation particulière des retraités agricoles, mais il considère que les conditions
qui le permettraient ne sont pas réunies et que légiférer aujourd’hui serait prématuré. Il
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s’agit d’examiner ce coup de pouce dans la réforme globale des retraites qui doit être
finalisée à l’été 2019. » Vous connaissez pourtant la situation de certaines femmes
agricultrices ou conjointes d’exploitants qui, faute d’avoir bénéficié d’un statut protecteur,
perçoivent des revenus dérisoires à la retraite et dépendent parfois totalement des revenus de
leur mari.

Avec ma collègue Jacqueline Dubois, nous souhaitons que la situation financière


parfois dramatique de ces femmes soit enfin prise en compte. Nous avons rencontré
M. Jean-Paul Delevoye, qui a fait preuve d’une grande écoute, tout en soulignant la difficulté
à traiter, dans la future réforme de la situation des femmes déjà en retraite. Il serait toutefois
difficilement compréhensible que nous ne tenions pas nos engagements. Je rappelle que sont
concernées des femmes déjà en retraite ou en fin de vie professionnelle, tandis que les jeunes
générations d’agricultrices exercent sous des statuts protecteurs – c’est mon cas, puisque je
détiens à moitié avec mon mari une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) –,
même si nous devons continuer à faire de la pédagogie pour qu’elles s’associent le plus
possible à parts égales.

Confirmez-vous que la future réforme ne permettra pas d’apporter une réponse à ces
femmes ? Quels pourraient être dès lors les leviers d’action afin de garantir à ces femmes un
revenu décent pour leur retraite ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. À propos des violences
faites aux femmes, nous avons, dans le cadre de la loi Santé, beaucoup discuté avec les
députés et sénateurs de ce qui devait figurer dans l’enseignement des professionnels de santé,
notamment des médecins. Un grand nombre d’amendements visaient à rendre tel ou tel sujet
prioritaire dans cet enseignement. Plutôt que d’inscrire dans la loi la totalité de sujets comme
la formation au handicap, à la vulnérabilité, à la violence faite aux enfants, à la violence faite
aux femmes, à l’endométriose, etc., au risque d’en oublier certains, nous avons pris
l’engagement, avec Frédérique Vidal, d’écrire aux doyens de médecine en dressant la liste
des demandes des parlementaires. Et comme je l’ai indiqué, les violences faites aux femmes
font partie de cette liste.

Plusieurs dispositifs visent l’accueil des familles monoparentales. L’Agence de


recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA) sera installée dans quelques
CAF – il n’est évidemment pas possible de le faire dans toutes –, afin de professionnaliser
les équipes, le recouvrement des pensions alimentaires, en particulier, étant un dispositif très
complexe.

Les agents des CAF sont formés pour accompagner les parents en cas de séparation
et un parcours spécifique est expérimenté dans certaines caisses. Les travailleurs sociaux des
CAF sont en train de se spécialiser sur la question de la séparation. Nous avions bien pointé
du doigt, avec Christelle Dubos, que la séparation est un moment crucial devant lequel il faut
mieux accompagner les femmes, leur donner plus d’informations sur leurs droits et veiller à
ce qu’elles ne « décrochent » pas.

Nicole Belloubet et Christelle Dubos ont travaillé sur le droit des femmes en prison et
annoncé, le 2 juillet, une feuille de route sur trois ans, qui vise à améliorer la santé des
personnes placées sous main de justice, notamment des femmes, et fixe différentes priorités.
Des groupes de travail existent et la question de l’accès aux protections hygiéniques peut être
traitée dans le cadre de cette feuille de route sur la santé et l’accès aux soins. Je leur ferai
part de votre remarque très justifiée.
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S’agissant des retraites agricoles, une première étape a été franchie pour le droit des
femmes agricultrices avec le congé de maternité puisqu’un décret a été publié le mois dernier
à ce sujet. Le travail doit se poursuivre, avec Jean-Paul Delevoye, dans le cadre de la
réforme des retraites, sur les droits des femmes qui prendront leur retraite. Vous avez raison,
celles qui sont déjà pensionnées ne seront logiquement pas concernées. Nous avons observé
– et nous en avons beaucoup discuté avec les organisations syndicales d’agriculteurs – que
très peu d’agriculteurs ont recours à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).
Il y a une méconnaissance du fait que l’outil professionnel est préservé lors de la reprise sur
succession et beaucoup ont peur de perdre leur outil. Or avec l’ASPA, il est clairement
spécifié que l’agriculteur ou l’agricultrice peut transmettre l’outil agricole aux générations
futures. En réalité, le minimum vieillesse est clairement accessible à ces femmes. Une des
voies pour résoudre ces difficultés est donc l’information.

Enfin, je rappelle que dans le cadre de la réforme des retraites, nous nous organisons
pour qu’un minimum contributif, à hauteur de 85 % du SMIC, soit accessible à tout le
monde : c’était la promesse du Président de la République.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Merci Mme la ministre pour l’ensemble


de vos réponses à la fois très franches et très précises, qui nous permettent également d’avoir
une vision sur l’ensemble des chantiers qui sont les vôtres.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu’à l’occasion des 20 ans de la Délégation,
deux podcasts seront enregistrés ce vendredi à l’Assemblée nationale. À 17 heures, nous
accueillerons Lauren Bastide pour La Poudre et, à 19 heures, Siham Jibril pour
Génération XX.
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ANNEXE 4 : HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ, SYNTHÈSE DE LA


RECOMMANDATION DE BONNE PRATIQUE POUR LA PRISE EN
CHARGE DE L’ENDOMÉTRIOSE – DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE ET
TRAITEMENT MÉDICAL, DÉCEMBRE 2017
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