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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
RAPPORT D’INFORMATION
FAIT
PAR
Députées.
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION ........................................................................................................... 7
INTRODUCTION
réaliser une étude synthétique sur la question des menstruations, qui semble
finalement n’avoir jusqu’à présent été abordée que de manière morcelée.
Considérant en effet que ces différents aspects sont intrinsèquement liés, elles
préconisent d’agir de manière globale sur ce sujet, sans négliger aucun d’entre
eux. Ainsi, on constate notamment que le manque d’éducation et d’information,
aussi bien en ce qui concerne les femmes que les professionnels de santé, freine la
prévention et la prise en charge des pathologies liées aux règles, au premier rang
desquelles, le syndrome de choc toxique et l’endométriose. De même, le tabou
persistant des représentations culturelles et collectives autour des menstruations se
traduit par une prise en compte insuffisante des problématiques relatives aux
menstruations.
1. Un tabou ancien
(1) Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, « Du sang et des femmes. Histoire médicale de la menstruation à
la Belle Époque », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 14/2001, mis en ligne le 3 juillet 2006.
(2) Ibid.
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sont connues et nommées, tandis que celles du sexe féminin font encore l’objet
d’une forme de mutisme. Elle rappelait que, par exemple dans les locaux
universitaires, les dessins de pénis sont monnaie courante, tandis que les vagins ne
sont presque jamais représentés. Pour lever ce tabou, vos Rapporteures estiment
nécessaire de réhabiliter et le sexe féminin et les menstruations. Ces sujets n’ont
aucune raison d’être dissimulés alors qu’ils participent du quotidien de toutes les
femmes.
(1) Audition de l’association Care France par vos Rapporteures, 27 juin 2019.
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(1) Audition commune d’Unicef France et d’Equipop par vos Rapporteures, 17 septembre 2019.
(2) Ibid.
(3) Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères – consulter le document de la Stratégie.
(4) Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères – consulter le document de la Stratégie.
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devrait être explicitement inclus a minima dans les deux stratégies internationales
mentionnées.
Recommandation n° 1 : insérer explicitement les enjeux liés aux menstruations dans les
actions relevant de l’aide publique au développement, notamment dans la Stratégie
internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018 2022) et
dans la Stratégie de la France en santé mondiale (2017-2021).
Recommandation n° 2 : inclure de manière systématique les produits de protection
menstruelle, qui sont de première nécessité, dans les dispositifs de soutien déployés lors de
crises humanitaires.
Le tabou des règles engendre une forme de silence sur ce sujet pour lequel
aucune connaissance particulière ne serait nécessaire et qui pourrait être vécu
naturellement par les jeunes filles et les femmes concernées, sans que cela ne
cause de problèmes particuliers. Or, il apparaît que de nombreuses idées fausses
circulent à propos des règles et qu’il existe beaucoup de zones d’ombre et
d’incertitudes. Les intéressées sont souvent en demande d’informations, sans
toujours savoir à qui s’adresser pour obtenir des réponses et sans parfois oser
aborder cette question, y compris auprès de professionnels de santé. Ce déficit
d’information a des conséquences préjudiciables pour le bien-être et la santé des
femmes et il est indispensable d’y remédier.
(1) Les dysménorrhées sont des troubles du cycle menstruel, se traduisant la plupart du temps par des douleurs
abdomino-pelviennes cycliques, rythmées par les règles. Elles peuvent apparaître dès le début de la vie
génitale (dysménorrhées primaires) ou plus tard (dysménorrhées secondaires).
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montré que peu d’entre elles connaissent les risques liés à l’utilisation des
protections intimes et a mis en évident une insuffisance des mesures d’hygiène (1).
Ce rapport souligne d’ailleurs que « l’ensemble des répondantes a nettement
exprimé un souhait d’information sur tous ces points (symptômes, compositions,
mesures d’hygiène et de port) » (2).
(1) Enquête réalisée par la société Opinion Way, à la demande de l’Anses, du 26 juin au 4 juillet 2017 auprès
d’un échantillon de 1 065 femmes réglées et âgées de 13 à 50 ans représentatif de la population féminine
française.
(2) Agence nationale de sécurité sanitaire, Sécurité des produits de protection intime, avis de l’Anses, rapport
d’expertise collective, juin 2018.
(3) Audition de l’association Les Glorieuises par vos Rapporteures, 3 juillet 2019.
(4) Audition de la start-up Fempo par vos Rapporteures, 27 juin 2019.
(5) Audition du 10 juillet 2019 et déplacement du 7 novembre 2019.
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leur croisement avec d’autres données. En outre, elles peuvent aussi collecter des
données dites sensibles, relatives notamment à la vie sexuelle des personnes.
Auditionnée par vos Rapporteures, la Commission nationale de l’informatique et
des libertés (CNIL) n’a pas été à ce jour saisie de plainte relative à ces applications
spécifiquement dédiées aux cycles menstruels (1). Mme Hélène Guimiot-Breaud,
cheffe du service santé de la CNIL, a toutefois souligné le caractère sensible de la
collecte de telles données et a rappelé que le business model des applications
gratuites repose principalement sur la monétisation des données recueillies. Vos
Rapporteures appellent donc à la vigilance sur ce sujet.
Considérant qu’il est impératif d’en finir avec ce tabou des règles, vos
Rapporteures soulignent la nécessité de mieux informer, dès le plus âge, filles et
garçons sur ce sujet. Dans une démarche de compréhension du corps humain et de
normalisation des phénomènes liés au corps féminin, cette information participe
en outre d’une éducation à l’égalité et au respect de soi et d’autrui.
1. Informer filles et garçons sur les menstruations dès le plus jeune âge
sans les résumer à un élément de la vie sexuelle
(1) En 2010, l’âge médian au premier rapport sexuel, c’est-à-dire l’âge auquel la moitié des adolescent-e-s a
déjà eu une relation sexuelle, est de 17,4 ans pour les garçons et de 17,6 ans pour les filles chez les
18-24 ans, selon l’enquête le baromètre Santé de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la
santé (Inpes).
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Cette éducation aux règles passe également par la mise en place d’un
environnement scolaire bienveillant vis-à-vis des règles. Les personnels
d’éducation doivent en effet ne pas être gênés par des questions sur ces sujets, les
protections menstruelles doivent être facilement accessibles et non dissimulées.
Vos Rapporteures estiment en effet qu’une telle évolution participera directement
à la dédramatisation des règles et à la déconstruction du tabou à ce sujet.
L’école n’est toutefois pas le seul acteur qui a un rôle à jouer pour
informer les jeunes sur les menstruations. Les familles sont bien évidemment
concernées au premier plan et vos Rapporteures souhaiteraient soutenir ce rôle en
facilitant l’accès à des informations claires sur ce sujet. Sur le modèle du site
Internet www.choisirsacontraception.fr, développé par le ministère des Solidarités
et de la Santé et l’agence Santé Publique France, un site (ou une rubrique dédiée
dans un site déjà existant) pourrait présenter de manière pédagogique les
menstruations, le cycle, les changements du corps qui accompagnent le début,
mais aussi la fin, des règles, les différents types de protection, les risques
afférents, les dysménorrhées, le syndrome de choc toxique (SCT), le syndrome
prémenstruel, etc.
le plus jeune âge. C’est par ce type d’éducation que les stéréotypes et les préjugés
sexistes pourront être combattus et éradiqués.Si l’apprentissage sur les
menstruations ne doit pas se réduire aux liens entre menstruations et reproduction,
vos Rapporteures estiment toutefois que ce sujet a, par la suite, également sa place
au cours des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective. C’est séances ont
été créés en 2001 par le législateur qui souhaitait développer un enseignement à la
sexualité dans un objectif de respect du corps humain, de soi et d’autrui (1) et les
menstruations ont toute leur place dans cet enseignement.
(1) Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
(2) Circulaire n° 2003-027 du 17 février 2003 relative à l’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges
et les lycées.
(3) Article L. 312-16 du code de l’éducation.
(4) Convention interministérielle du 7 février 2013 pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et
les hommes dans le système éducatif 2013-2018.
(5) Article 19 de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel
et à accompagner les personnes prostituées.
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Une femme ayant en moyenne ses règles plus de 450 fois au cours de sa
vie (2) et les produits de protection intime étant en contact avec une zone
particulièrement sensible du corps féminin, il est primordial de s’intéresser à la
composition de ces produits et de s’assurer de leur innocuité.
(1) Enquête réalisée par la société Opinion Way, du 26 juin au 4 juillet 2017, à la demande de l’Anses.
(2) À ce sujet, voir la 3e partie du présente rapport sur le coût des protections menstruelles.
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jours de menstruations des jours comme les autres, ne pesant pas sur le quotidien
des femmes.
Les études conduites sur la composition des protections (voir ci-après) ont
toutefois montré que bien souvent ces produits ne présentent pas une composition
plus exempte de substances indésirables que les produits non biologiques.
Interpellées par ce point, vos Rapporteures ont tenu à mettre en avant la difficulté
qui réside dans cette situation : les femmes sont ainsi tentées d’acquérir à prix plus
(1) La coupe menstruelle est un petit récipient en plastique (le plus souvent en silicone médical) en forme
d’entonnoir fermé qui se place manuellement à l’intérieur du vagin pour recueillir le sang des
menstruations ; elle doit être régulièrement vidée, lavée et stérilisée avant d’être réutilisée.
(2) Global Organic Textile Standards. Label qui certifie l’origine biologique des fibres textiles et garantit que
les méthodes d’agriculture éthique s’améliorent continuellement pour aider à assurer un avenir meilleur
pour les agriculteurs et leurs communautés ainsi que pour l’environnement.
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élevé des produits présentés comme biologiques et donc plus « propres », alors
que cela ne semble en réalité n’avoir qu’un impact limité sur leur composition.
jambe a été amputée suite à une infection appelée syndrome de choc toxique, liée
à l’utilisation d’un tampon.
Intéressé par les questions soulevées par cette pétition, l’Institut national
de la consommation (INC), établissement public national à caractère industriel et
commercial (EPIC), placé sous la tutelle du ministre de l’Économie et des
Finances, décide d’enquêter sur la composition des produits de protections
périodiques. Dans son numéro de mars 2016 (2), son mensuel, 60 millions de
Consommateurs, pose deux questions principales : comment sont fabriqués ces
produits en contact avec une zone si sensible du corps féminin et pourquoi ne
sont-ils pas mieux encadrés ?
(1) Ibid.
(2) 60 millions de Consommateurs, n° 513 de mars 2016. On se reportera notamment à l’éditorial intitulé
« Les femmes ont le droit de savoir ».
(3) Ibid.
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Dès les années 1970, les États-Unis avaient décidé de classer les tampons
périodiques parmi les dispositifs médicaux afin qu’ils soient soumis au contrôle de
l’Agence en charge des médicaments et des produits de santé, la Food and Drug
Administration (FDA). En 2009, la FDA indiquait avoir détecté des dioxines
identiques à celles trouvées par l’INC dans certaines des références de tampons
étudiées. En 2015, tout en indiquant que le risque d’effets indésirable pour la santé
pouvait être considéré comme négligeable, elle a déjà demandé aux fabricants de
tampons comportant de la viscose de fournir des informations sur les processus de
purification de la pulpe de bois servant à fabriquer la viscose. La FDA invitait
également les fabricants de ces tampons en viscose à contrôler régulièrement les
matières premières et les produits finis. Ces réactions montrent que les pouvoirs
publics américains prennent lentement conscience des enjeux liés à la composition
de ces produits.
En France, les travaux de l’Anses ont permis de mettre ces questions dans
le débat public et d’ouvrir des pistes d’amélioration qui doivent encore être
approfondies.
Lors de leur audition par la Délégation (2), les responsables de l’Anses ont
rappelé la méthodologie retenue. L’Agence a procédé à une série d’auditions entre
septembre 2016 et février 2018 auprès d’associations de consommateurs (3),
d’entreprises et de fédérations professionnelles (4) et d’organismes associatifs et
publics (5). Elle a ensuite effectué un recueil des données disponibles, aussi bien
des rapports institutionnels que des publications scientifiques relatives à la nature
des matériaux composant ces produits, aux substances chimiques pouvant être
présentes dans ces produits, au syndrome de choc toxique menstruel et aux
pathologies induites par les protections intimes (irritations, allergies,
microtraumatismes, etc.). Les recherches documentaires ont mis en évidence un
(1) La saisine a été effectuée par ces deux directions dans la mesure où les protections hygiéniques ne sont pas
considérées comme des produits de santé en droit français et relèvent donc des normes générales fixées
notamment par la directive sur la sécurité générale des produits (CE) n° 2001/95/CE.
(2) Audition de l’Anses par la Délégation le 12 juin 2019 – voir la vidéo de l’audition.
(3) Notamment l’Union fédérale des consommateurs.
(4) Procter & Gamble, Johnson & Johnson, SCA hygiene product, Claripharm, fédération des entreprises du
commerce et de la distribution, syndicat national de l’industrie des technologies médicales, groupement
français des fabricants de produits à usage unique pour l’hygiène, la santé et l’essuyage ou
Group’Hygiene, fédération professionnelle EDANA.
(5) Institut national de la consommation et Centre national de référence des staphylocoques.
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Sur les seuils, l’Anses recommande de fixer un seuil pour les dioxines et
furanes chlorés du même ordre de grandeur que la limite de quantification (LQ),
méthode d’analyse qui détermine la concentration la plus basse mesurable par les
instruments d’analyse mais avec une fiabilité satisfaisante.
Aujourd’hui, la cellulose utilisée dans ces produits n’est plus blanchie par
du chlore élémentaire. Cependant, certains procédés utilisant des agents chlorés,
comme par exemple le dioxyde de chlore, sont encore utilisés et peuvent être à
l’origine de la formation de dioxines et de furanes. Une contamination
environnementale peut également être à l’origine de la présence dans des
protections intimes de certaines substances comme par exemple les dioxines et les
furanes.
(1) https://www.anses.fr/fr/content/coupes-menstruelles-et-tampons-l%E2%80%99anses-publie-les-
r%C3%A9sultats-de-son-%C3%A9valuation-compl%C3%A9mentaire
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(1) Réponses transmises à vos Rapporteures par le groupe Procter & Gamble concernant notamment les
produits des marques Always et Tampax.
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Les cas de syndrome de choc toxique sont relativement rares, même s’ils
sont probablement sous-évalués, en l’absence d’obligation déclarative par les
médecins. En 1990, plus aucun cas de SCT n’était recensé en France mais depuis
la fin des années 1990, la maladie est réapparue et ne cesse de croître : 5 cas
déclarés en 2004, 19 en 2011 et jusqu’à 22 en 2014, ce qui a alerté le Centre
national de référence des staphylocoques des Hospices civils de Lyon (1). Ainsi, en
2018, une vingtaine de cas ont été déclarés auprès du Centre national de référence
(CNR) des staphylocoques de Lyon, ces cas étant le fait de déclarations
spontanées de cliniciens ou de microbiologistes à des fins de diagnostic ou de
travaux épidémiologiques.
Le SCT est d’autant plus difficile à identifier que les cas sont rares et que
les symptômes peuvent correspondre à d’autres pathologies. En effet, le SCT se
déclare pendant les règles et se manifeste sous la forme d’une fièvre soudaine
(38,9° ou plus), d’une sensation de malaise avec céphalée, de vomissements, de
diarrhée, d’une éruption cutanée ressemblant à un coup de soleil. De tels
symptômes peuvent évoquer une grippe ou une gastro-entérite, sans que le lien
(1) https://www.lemonde.fr/sante/article/2016/10/21/les-medecins-inquiets-d-un-retour-du-choc-toxique-lie-
aux-regles_5017961_1651302.html
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Après un choc toxique, « 20 % des femmes rentrent chez elles sans avoir
compris ce qui leur est arrivé, sans avoir compris la maladie et continuent ensuite
d’utiliser des tampons de la même manière » (2). Le risque de réitération du choc
toxique est pourtant important, en particulier si les femmes utilisent à nouveau des
tampons. Cela souligne une vraie carence dans la prévention et l’information des
femmes confrontées à ces situations.
Ainsi, les études déjà engagées semblent établir un lien entre le SCT et un
port prolongé de protections. Longtemps soupçonnée, la composition des tampons
actuellement commercialisés n’aurait en effet aucune incidence sur la survenue
des SCT. Le type de tampon ne fait pas de différence. Par contre, « nous avons
observé que l’espace entre les fibres qui contribue à l’apport d’air dans le vagin
représente le site majeur de croissance » du staphylocoque doré, explique Gérard
Lina, professeur de microbiologie à Lyon et coauteur de l'étude. Si certains
produits favorisent plus que d’autres la croissance de la bactérie, il s’agirait plutôt
d’une conséquence de « la structure du tampon, de la densité des fibres », indique
le médecin. Quant à la taille du tampon, elle joue indirectement, dans la mesure où
les « femmes ont tendance à garder les tampons ultra-absorbants plus longtemps.
Or, le staphylocoque doré n’a pas besoin de beaucoup de sang pour se multiplier
et produire la toxine, mais il a besoin de temps » (2).
Si « ce n’est pas la nature des tampons qui favorise les chocs toxiques, il
faut en revoir l’utilisation et améliorer la prévention ». Les fabricants de tampons
précisent dans les notices de ne pas les laisser en place « plus de huit heures » (3).
Le professeur Gérard Lina considère cependant cette durée trop importante ; il
conseille plutôt de renouveler le tampon ou de vider la coupe toutes les quatre à
six heures.
Les études actuelles montrant que le risque est principalement lié aux
conditions d’utilisation, vos Rapporteures estiment que l’effort doit se concentrer
sur la prévention et l’information des utilisatrices.
Comme le relevait l’Anses dans son avis de 2018, les notices d’utilisation
des protections internes préconisent un temps de port maximum de 4 à 8 heures ;
ces recommandations semblent cependant peu ou mal suivies par la majorité des
femmes utilisant un tampon. Dans l’enquête réalisée par Opinion Way 79 % des
femmes répondantes déclaraient garder leur tampon toute la nuit sans le changer et
près de 30 % des femmes indiquaient ne pas changer de coupe menstruelle durant
toute une journée (2 % pour les tampons).
Recommandation n° 15 : saisir la Haute Autorité de santé (HAS), afin qu’elle édicte une
recommandation pratique précisant le temps de port maximal des dispositifs internes de
protections périodiques qui doive ensuite être obligatoirement apposée, de manière
harmonisée, sur les emballages des produits internes de protection menstruelles (tampons et
coupes) au moyen d’un pictogramme explicite.
des tampons et des serviettes hygiéniques. Utiliser, par exemple, des serviettes la
nuit et des tampons le jour ;
L’usage de la coupe menstruelle : les mêmes risques de SCT qu’avec des tampons
L’usage de la coupe menstruelle pâtit de l’absence de recommandations officielles sur
les bonnes pratiques à adopter et les notices d’utilisation sont trop peu renseignées, tant
en ce qui concerne la composition que les précautions d’utilisation et les règles
d’hygiène. Nombre de fabricants ne fournissent en effet aucune information relative au
SCT sur l’emballage ou sur la notice, participant ainsi à l’ignorance des utilisatrices sur
ce risque. Ainsi, beaucoup de femmes croient pouvoir garder leur cup dans le vagin
jusqu’à 12 heures et certains fabricants affichent aussi cette préconisation erronée. En
outre, ce produit est plébiscité par les jeunes filles, une population particulièrement
concernée par le SCT : « nos données épidémiologiques montrent que la moitié des
femmes qui font des syndromes de choc toxique ont moins de 17 ans », indique le
professeur Gérard Lina, spécialiste du SCT auprès du Centre national de référence des
staphylocoques de Lyon.
Afin de prévenir le risque de syndrome de choc toxique, le professeur Gérard Lina
insiste sur le fait que « le temps maximum d’utilisation d’une coupe menstruelle ou d’un
tampon ne doit pas dépasser 6 heures ». Au-delà du temps de port, les règles
impératives d’hygiène sont également mal connues. Le professeur Lina estime que
« mieux vaut disposer de plusieurs cups car il faut les stériliser ou les faire bouillir
avant de les réintroduire ». En effet, celui-ci insiste sur le fait que des agents
pathogènes, notamment des bactéries, sont susceptibles de se fixer sur une cup et ne
sont éliminés qu’après stérilisation. En outre, il est indispensable de se laver les mains
avant et après le maniement de la cup.
2. Développer le recyclage
(1) Audition du groupe Procter & Gamble par vos Rapporteures, 17 septembre 2019.
(2) Données issues du média consoGlobe [URL consultée le 29 novembre 2019].
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toilettes publiques, les écoles, les universités ou certains grands centres de bureaux
par exemple. Cela permettrait de développer une première filière de recyclage en
récoltant une masse suffisante de produits pour garantir l’effectivité et l’utilité de
cette démarche.
(1) Focus Ined, « L’âge aux premières règles », août 2014 [URL consultée le 3 décembre 2019].
(2) Inserm, dossier d’information sur la ménopause, octobre 2017 [URL consultée le 3 décembre 2019].
(3) Collège national des gynécologues et obstétriciens français [URL consultée le 3 décembre 2019].
(4) Audition de Règles élémentaires par vos Rapporteures, 27 juin 2019.
(5) Insee, population totale par sexe et par âge au 1er janvier 2019.
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Non seulement grave, cette situation est aussi massive puisqu’en 2017 les
femmes sont 4,7 millions à avoir un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté
(soit 60 % de la médiane des niveaux de vie). Avec un pouvoir d’achat limité, ces
femmes sont régulièrement confrontées à des difficultés dans l’achat des produits
de première nécessité, des produits d’hygiène et donc des produits de protection
menstruelle. Le soutien à l’accès à ces produits constitue donc une question
essentielle pour la santé et la dignité des femmes précaires et vos Rapporteures
appellent à une action rapide et efficace dans ce domaine. Elles considèrent
qu’aucune femme ne devrait aujourd’hui être privée de protection menstruelle
pour des raisons financières.
(1) Échantillon de 1 503 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus
(2) Échantillon de 701 personnes bénéficiaires d’associations caritatives du réseau Dons Solidaires (Épiceries
sociales, centres d’hébergement et d’accueil de jour, associations d’aide aux personnes en grande
difficulté).
(3) Échantillon de 1 503 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus
(4) Échantillon de 701 personnes bénéficiaires d’associations caritatives du réseau Dons Solidaires (Épiceries
sociales, centres d’hébergement et d’accueil de jour, associations d’aide aux personnes en grande
difficulté).
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(1) F. Yaouancq, A. Lebrère, M. Marpsat, V. Régnier (Insee), S. Legleye, M. Quaglia (Ined), « L’hébergement
des sans-domicile en 2012 », Insee Première n° 1455, juillet 2013.
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considèrent donc comme prioritaires de leur apporter une aide complète pour leur
permettre d’accéder aux protections menstruelles, à des conditions d’hygiène
décentes et à toutes les informations nécessaires concernant les règles, et même
plus largement la santé sexuelle et reproductive.
En sus de ce dispositif d’aide aux femmes les plus démunies à travers les
associations de terrain dont le travail essentiel doit être soutenu, vos Rapporteures
considèrent qu’une offre alternative pourrait permettre d’améliorer la situation
menstruelle des femmes précaires. Elles proposent pour cela d’installer des
distributeurs de protections menstruelles dans des lieux de passage, comme les
gares, les stations de métro, certains arrêts de bus, les sanisettes, les bains douches,
les pharmacies, les halls de mairie, les centres commerciaux, les centres de
planification et d’éducation familiale (CPEF), les centres de protection maternelle
et infantile (PMI) ou encore les services d’urgence.
Fonctionnant avec un paiement par carte bancaire avec et sans contact, ces
distributeurs pourraient être utilisés par toute femme ayant besoin d’une protection
menstruelle. Des cartes prépayées, paramétrées avec un système de recharge
mensuel, seraient distribuées par les associations pour les femmes précaires. Cela
leur permettrait ensuite d’utiliser ces distributeurs en utilisant une carte, comme
n’importe quelle femme, sans avoir à craindre d’être stigmatisées. Si ces
distributeurs doivent proposer différents types de produits, vos Rapporteures
insistent sur l’importance d’y proposer principalement des serviettes menstruelles,
qui sont majoritairement utilisées par les femmes précaires, cibles prioritaires d’un
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tel dispositif. Il semble en outre opportun d’y proposer à la fois des produits à
l’unité, en simple dépannage, et des produits en paquet complet, pour une
utilisation plus régulière.
(1) Il s’agit soit d’établissements accueillant exclusivement des femmes, soit d’établissements avec un quartier
séparé dédié aux femmes.
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alertées sur les conditions d’hygiène au cours des gardes à vue, pendant lesquelles
les femmes n’ont parfois accès à aucune toilette ni à aucune protection
menstruelle. Le même type de situation est également dénoncé par certaines
associations pour les centres de rétention.
de l’université qui affirme qu’« ici, il n’y a pas de honte à avoir ses règles ». Les
paquets de serviettes menstruelles ainsi mis en évidence ont permis de lancer des
conversations sur ce sujet ; les étudiantes rencontrées ont d’ailleurs témoigné que
leurs camarades masculins étaient extrêmement intéressés et heureux de pouvoir
poser sans gêne des questions sur les menstruations.
distribution peut tout à fait se traduire par une mise à disposition de paquets en
libre accès dans les lieux de vie universitaires.
En sus des collèges et lycées, cette question de l’accès aux protections doit
également être mieux prise en compte dans les lieux de vie des jeunes comme les
pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance. Vos Rapporteures
considèrent que dans ces lieux, les protections menstruelles doivent être
distribuées de manière systématique aux jeunes filles, au même titre que le papier
toilette par exemple.
Or, que ce soit pour les toilettes publiques, les toilettes dans les universités
ou celles dans les collèges et lycées, de nombreux problèmes ont été identifiés.
Souvent les toilettes ne sont en effet équipées ni de savon, ni même de papier
toilette ; les dégradations et les incivilités y sont en outre courantes. Selon deux
études réalisées en 2017 et 2019, le manque d’hygiène dans les toilettes scolaires
est préoccupant pour les élèves et pour leurs parents. Près de la moitié des parents
d’enfants âgés de 10 à 14 ans ne sont pas satisfaits de l’état de propreté des
toilettes à l’école. Ils pointent notamment l’absence de papier toilette, des toilettes
sales ou bouchées et l’absence d’essuie-main ou la présence d’un essuie-main
sale (1). Près de 60 % des enfants trouvent que les toilettes sont sales et 30 %
témoignent que les toilettes fonctionnent mal ou que les portes ne ferment pas
correctement. Une majorité des enfants considèrent en outre que les toilettes sont
un lieu dangereux où ils sont susceptibles d’être embêtés par d’autres élèves. Cette
situation les conduits à éviter de les fréquenter et ils seraient plus de 80 % à se
retenir d’y aller (2). L’équipe pédagogique du collège Rosa Parks de Rennes
confirme que certains élèves se retiennent en effet toute la journée d’aller aux
toilettes.
(1) Étude par Opinion Way pour Essity, réalisée auprès de 1 000 parents d’enfants âgés de 10 à 14 ans,
novembre 2017.
(2) Etude Harris Interactive pour Harpic, réalisée auprès de 602 enfants et 400 parents, novembre 2019.
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de l’hygiène des toilettes. Il est déjà difficile pour les jeunes filles de se rendre aux
toilettes en emportant leurs protections de manière discrète et l’absence de savon
ou de poubelle vient encore renforcer ces difficultés. Cette situations favorise le
temps de port accru des protections – et donc pour les protections internes le
risque de SCT – et accentue la perception des règles comme étant une contrainte
négative dans la vie de ces jeunes filles.
IV. LE SUIVI SANITAIRE, UNE CLEF POUR MIEUX VIVRE SES RÈGLES ET
BRISER LE TABOU
Dans les sociétés modernes, il est communément admis que les règles ne
sont pas une maladie, devant s’accompagner de douleurs, ni une impureté que l’on
doit dissimuler au regard de tous. Pour autant, les menstruations sont une partie
incontournable de la santé des femmes et il n’en demeure pas moins indispensable
que, des premières règles à la ménopause, avec ou sans situation pathologique, les
menstruations fassent partie intégrante du suivi sanitaire des femmes et soient
systématiquement abordées par les professionnels de santé. Ces derniers doivent
en effet être vigilants quant à ce sujet, afin notamment de mieux comprendre et
prendre en compte les douleurs, d’éviter toute complication, telles que le
syndrome de choc toxique et de détecter au plus vite les pathologies liées aux
règles, au premier rang desquelles l’endométriose. Il s’agit là d’un enjeu de santé
publique, près d’une femme sur dix en âge de procréer étant atteinte
d’endométriose. Or, la prise en charge précoce de celle-ci joue un rôle essentiel
dans son évolution. Vos Rapporteures estiment en outre que les professionnels de
santé ont un rôle important à jouer dans l’information de femmes, l’appropriation
de leur propre corps et de leur santé, ainsi que dans la déconstruction du tabou des
règles.
Les auditions conduites par vos Rapporteures les ont alertées sur une
insuffisance de la prise en compte des menstruations par les professionnels de
santé. S’agissant pourtant d’un sujet indissociable de la santé et du quotidien des
femmes, il apparaît nécessaire de progresser dans ce domaine en clarifiant le rôle
des acteurs sanitaires impliqués dans le suivi gynécologique et en accentuant
l’information et la prise en considération des règles, à toute étape de la vie, au
cours du suivi sanitaire en général.
sujet et « d’agir à toutes les étapes de la vie et à toutes les occasions de rencontre
entre les femmes et les professionnels de santé » (1). Les menstruations sont
pourtant abordées dès le premier cycle, concernant donc tous les étudiants, puis de
façon plus approfondie encore dans les spécialités de gynécologie et de médecine
générale. Ce sujet, ainsi que celui des pathologies liées aux dysfonctionnements
du cycle menstruel, sont donc étudiés à plusieurs étapes de la scolarité et peuvent
ensuite faire l’objet de sessions de formations continues. La docteure Geneviève
Plu-Bureau, professeure de gynécologie médicale, rappelait d’ailleurs que dans le
cursus de gynécologie, la question des menstruations est finalement omniprésente
et plusieurs items y font directement référence comme ceux portant sur les
troubles du cycle par exemple.
(1) Audition par vos Rapporteures du Conseil de l’Ordre des médecins, 11 juillet 2019.
(2) Depuis 2017, la maquette du DES de médecine générale comprend un stage obligatoire en santé de la
femme, à réaliser en ville ou à l’hôpital.
(3) Audition par vos Rapporteures du Collège de médecine générale, 11 juillet 2019.
(4) Audition par vos Rapporteures de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, 11 juillet
2019.
(5) Cour des comptes, L’Ordre des médecins, rapport public thématique, décembre 2019.
— 59 —
Serge Uzan. Si les différents médecins rencontrés ont bien insisté sur l’impérieuse
nécessité de prendre en compte les menstruations et les éventuelles douleurs des
femmes, vos Rapporteures constatent toutefois sur le terrain un fort sentiment de
carence dans ce domaine. Le Professeur Israël Nisand, Président du Collège
national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), rappelait avec force
que toute consultation gynécologique doit prendre en compte de manière
extrêmement détaillée la santé menstruelle de la patiente, allant jusqu’à expliquer
qu’« une consultation qui ne commencerait pas par ce sujet serait tout à fait
fautive » (1). Vos Rapporteures ne peuvent qu’adhérer à cette analyse et soulignent
qu’une attention particulière doit être portée par les professionnels de santé à la
question des menstruations et à la relation de confiance qui peut s’établir avec
leurs patientes dans ce domaine, puis plus largement dans celui de la santé
génésique.
(1) Audition par vos Rapporteures du Collège national des gynécologues et obstétriciens Français (CNGOF) et
du Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique (CNPGO), 11 juillet 2019.
(2) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires.
— 60 —
Les médecins généralistes sont les premiers interlocuteurs des jeunes filles
sur ces questions. Par la suite toutefois, les obligations de consultation s’espacent
puisque la suivante est à 25 ans, pour le rappel de vaccination. Lors du rendez-
vous médical entre 15 et 16 ans, ou à l’occasion de la prescription d’une première
contraception, les jeunes filles doivent être informées des différentes possibilités
de suivi gynécologique et de l’enjeu d’une régularité dans le suivi pour être ainsi
libres de faire un choix éclairé.
Systématiser le fait d’aborder à deux reprises avec les jeunes filles les
questions liées à leurs menstruations permettra de lutter contre le tabou des règles,
d’améliorer la connaissance des filles sur leurs règles et le fonctionnement de leur
cycle menstruel, de les informer sur les différentes protections menstruelles et les
risques associés. Aborder à deux âges différents ces questions permettra en outre
de familiariser dans un premier temps les jeunes filles avec leur propre corps, puis,
dans un second temps, d’expliquer les questions liées à la vie sexuelle.
patientes dont les symptômes les laissaient souvent impuissants à trouver une
explication et encore moins un traitement. Cette absence de prise en charge avait
des conséquences très dommageables pour les femmes concernées qui se sentaient
niées dans leur souffrance et leur désarroi et dont la maladie progressait. Le
contexte évolue progressivement, grâce une amélioration de l’information des
patientes et des praticiens, ainsi qu’à un meilleur dépistage et des traitements plus
en amont. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour que la prise en charge
soit optimale. Le plan de lutte contre l’endométriose récemment mis en œuvre par
les pouvoirs publics a pour objectif de lutter plus efficacement contre cette
pathologie qui touche une femme sur dix, à des degrés divers.
« L’endométriose est une maladie que l’on essaye de faire rentrer dans
des cases. Mais elle est tellement compliquée, tellement diverse, qu’elle y rentre
rarement. Il n’existe pas une endométriose, mais des endométrioses », avertit le
docteur Sylvain Tassy, gynécologue-obstétricien et membre du Comité
scientifique d’EndoFrance, première association de lutte contre l’endométriose,
créée en France en 2001 et agréée par le ministère de la Santé. Cette maladie ne se
développe pas de la même façon d’une femme à l’autre.
ces douleurs sont si fortes qu’elles bouleversent le quotidien de celles qui les
subissent ;
« Ma maladie n’est pas mortelle, pourtant elle m’a tuée à petit feu jusqu’à
ce que je sois enfin diagnostiquée, à 28 ans. Cela a débuté à 19 ans : avoir mes
règles est alors devenu un calvaire. J’avais des douleurs atroces irradiant tout le
bassin. Mais les médecins ne trouvaient rien d’anormal, me traitaient de
douillette, ou me sermonnaient : "Vous vous écoutez trop !" ou "Ça se mérite
d’être une femme" ou encore "Patience, ça passera quand vous aurez votre
premier enfant". J’ai donc pris sur moi et les médicaments anti-inflammatoires
sont devenus mes "meilleurs amis". Le temps passant, j’ai fini par m’en bourrer le
mois entier, et plus seulement pendant les règles, car faute d’avoir été dépistée tôt,
des adhérences se sont développées entre mes organes à partir des fragments
d’endomètre, ainsi que des kystes à un ovaire et plusieurs nodules, notamment
dans la vessie. Uriner me donnait parfois envie d’hurler… Jusqu’au jour où les
rapports sexuels sont devenus ma hantise, car le moindre mouvement fait souffrir,
vu que cela comprime ou heurte les nodules et les kystes, mais ça je l’ignorais...
J’ai pensé avoir un blocage psy ou une malformation génitale. Mon salut, je le
dois à une interne en chirurgie gynécologique. Elle était de garde une nuit, où je
suis arrivée à l’hôpital déchirée de douleur. Où en serais-je sans elle? Elle a enfin
posé le bon diagnostic. J’ai eu deux opérations pour extraire les fragments
d’endomètre des zones les plus douloureuses et j’enchaîne mes plaquettes de
pilule pour ne plus avoir de règles. La vie a repris le dessus, même si j’ai encore
des douleurs, car la chirurgie ne peut pas retirer tous les fragments et nodules.
Mais c’est déjà un énorme soulagement. Et je suis optimiste : d’ici deux ans, on
fera une FIV pour avoir un bébé, car mes trompes sont abîmées, mais j’ai l’espoir
d’être maman » (2).
(1) « Des barbelés dans mon corps », Virginie Durant, éditions du Rocher, décembre 2018
(2) https://www.endomind.org/creation-du-1er-annuaire-dedie-a-lendometriose [URL consultée le
18 décembre 2019].
(3) https://www.endomind.org/endometriose/#praticien [URL consultée le 18 décembre 2019].
— 67 —
Recommandation n° 46 : créer des centres de santé dans chaque département, avec des
consultations dédiées pour l’endométriose, afin que chaque femme atteinte d’endométriose
puisse être prise en charge à proximité de son domicile et qu’il puisse ainsi être remédié à
l’errance médicale constatée actuellement, laquelle conduit à une aggravation de la maladie.
Ces initiatives ont été prises en compte récemment par les pouvoirs
publics. En effet, la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a
annoncé, le 8 mars 2019, journée des droits de la femme, son plan d’action pour
renforcer la prise en charge de l’endométriose, lors d’une visite au centre
spécialisé dans l’endométriose du groupe hospitalier Saint-Joseph à Paris. Pour
améliorer le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose, le ministère a
décidé de lancer un plan d’action, en concertation avec les associations qui
continuent de lutter contre la maladie à travers différents projets.
spécifique, d’autant plus que cette logique leur semble contradictoire avec la
volonté de la ministre de la Santé et des Solidarités d’accentuer le dépistage
précoce de cette pathologique.
TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION
Care France
‒ Mme Marina Ogier, responsable programmes et référente genre ;
Dans ma culotte
Fempo
Plateforme Cyclique
‒ Mme Fanny Godebarge, présidente.
Association Genepi
‒ Mme Julia Poirier, déléguée régionale Ile-de-France ;
Les Glorieuses
‒ Mme Rebecca Amsellem, créatrice des Glorieuses ;
Planning familial
‒ Dr Nicole Bez.
‒ Dr Suzanne Dat.
Equipop
Unicef
‒ Mme Alexandra Rinaldi, responsable international du plaidoyer et des
programmes à l’Unicef ;
− Mme Jodie Soret, chargée des relations avec les pouvoirs publics à
l’Unicef.
− Mme Ahez Le Meur, directrice régionale adjointe aux droits des femmes
et à l’égalité entre les femmes et les hommes ;
Planning Familial 35
Start-up Ma-Louloute.com
− Mme Edita Rebours, fondatrice et dirigeante.
− Mme Cécile Dindar, secrétaire général pour les Affaires régionales des
Hauts-de-France / Préfecture de région Hauts-de-France ;
Association SOLFA
− Mme Delphine Beauvais, directrice du pôle violences faites aux
femmes.
Université de Lille
Ainsi que nous le constatons, hélas, tous les jours, l’accès des femmes à leurs droits
sexuels et reproductifs fait l’objet de remises en cause insupportables et d’attaques de plus en
plus violentes. Je veux ici dénoncer avec la plus grande force l’expression de plus en plus
violente d’opinions extrémistes, populistes et réactionnaires qui envisagent de revenir sur des
droits acquis. Ces propos portent atteinte à des principes fondamentaux de notre droit, à nos
valeurs et à l’idée même d’égalité entre les femmes et les hommes.
Alors que la Délégation fête ses vingt ans, vingt ans d’engagements en faveur des
droits des femmes, nous nous inscrivons dans la continuité des actions de nos
prédécesseures. Je pense ici, notamment, à l’extension du délit d’entrave à l’interruption
volontaire de grossesse (IVG) et à la gratuité du parcours d’accès à l’IVG, sous l’impulsion
de Catherine Coutelle, ou encore à l’allongement de dix à douze semaines de grossesse du
délai légal de recours à l’IVG et à l’aménagement du droit d’accès des mineures, sous
l’impulsion de Martine Lignières-Cassou.
Aujourd’hui encore, nous réaffirmons avec la plus grande solennité et la plus grande
force notre attachement indéfectible au droit des femmes à disposer de leur corps.
La promotion et la défense des droits sexuels et reproductifs passent aussi par des
actions en amont. Je pense ici aux enjeux d’éducation : il nous revient de nous assurer que
toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons aient accès à une information fiable et de
qualité sur les questions de sexualité en général et de consentement en particulier. Lors de
nos déplacements de la semaine dernière dans le Morbihan, les Vosges et l’Isère, nous avons
pu mesurer l’impact positif d’une politique active de prévention et, surtout, lorsque l’effort
— 84 —
de prévention et d’information se relâche auprès des plus jeunes, les conséquences terribles
que cela peut entraîner.
Nous devons aussi veiller aux enjeux de santé publique. La mission d’information
que nous avons constituée sur les menstruations fait apparaître par exemple des enjeux en
termes de composition des produits hygiéniques, des questions sur la connaissance par toutes
les femmes des règles d’utilisation – un mauvais usage des protections pouvant conduire par
exemple à un choc toxique. Et notre collègue Laëtitia Romeiro Dias, une des deux
co-rapporteures, reviendra sans doute sur ces points.
Je pense que nous avons une parfaite illustration de la dimension systémique des
sujets traités par la Délégation avec le rapport que nos collègues Marie-Noëlle Battistel et
Sophie Panonacle vous ont remis sur la séniorité, « le tiers invisible de la vie des
femmes ? ». Il faut répondre aux difficultés de santé liées à la ménopause, au vieillissement
ou à la dépendance, enjeux économiques mais également sociaux, sur lesquels nous devons
porter une attention toute particulière.
Plusieurs textes que vous défendez, Madame la ministre, ont ou vont répondre à ces
différents besoins ; je pense évidemment à « Ma santé 2022 » mais aussi au prochain projet
de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à la réforme à venir des retraites, voire,
pour certains éléments, à la loi bioéthique. Nous serons toutes et tous mobilisés sur tous ces
dossiers et nous savons que nous pourrons compter sur votre particulière bienveillance pour
faire progresser les droits des femmes, de toutes les femmes quels que soient leur âge ou leur
situation géographique, mais surtout pour construire une société d’égalité réelle.
Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je suis très heureuse
d’avoir l’occasion d’échanger avec vous sur ce sujet de l’égalité des chances et de l’égalité
des droits et d’évoquer avec vous les travaux conduits par le ministère des Solidarités et de la
Santé. C’est donc un moment d’échange auquel je suis très attachée. J’en profite pour vous
remercier de la qualité des rapports que vous avez produits sur ces questions.
Vous avez célébré la semaine dernière les vingt ans d’existence de cette Délégatio–
vingt années de regard vigilant, d’études très utiles, d’éclairages précieux. Vous avez raison,
madame la présidente, je pense qu’il faut poursuivre cet engagement parce que, l’actualité en
témoigne chaque jour, ces droits ne sont jamais acquis.
Pour ouvrir les débats, je souhaiterais revenir sur quelques-unes des dispositions
récentes que j’ai eu l’honneur de défendre.
— 85 —
Plusieurs mesures ont été prises ces dernières semaines pour améliorer le congé
maternité : je pense à la publication des décrets d’application afin de procéder à l’alignement
du congé maternité des travailleuses indépendantes sur celui des travailleuses salariées, le
même décret portant d’ailleurs sur l’amélioration du congé maternité des agricultrices. Ces
textes sont notamment le fruit de votre travail, madame la présidente, puisqu’ils sont le fruit
de votre rapport. Ils permettent de faire converger les règles relatives au congé maternité
entre les différents régimes et d’harmoniser par le haut la protection sociale liée à la
maternité pour toutes les femmes actives.
Nous travaillons aussi avec Christelle Dubos sur les pensions alimentaires : les
difficultés vécues par les familles monoparentales ont été au cœur du Grand débat national.
En réponse, nous avons défendu un mécanisme qui confiera aux caisses d’allocations
familiales un véritable rôle d’intermédiaire du versement entre les deux parents. Ce
mécanisme sera opérationnel dès le mois de juin 2020, soit à la demande du juge soit à la
suite d’un impayé.
Dans le champ de la santé, j’ai été sensible aux témoignages de nombreuses femmes
face aux retards de diagnostic et aux mauvaises prises en charge de l’endométriose. J’ai
annoncé le 8 mars dernier un plan d’action sur l’endométriose, qui repose sur quatre axes.
Le premier est une meilleure information du public, des femmes et des professionnels
de santé, en particulier via le service sanitaire.
Nous voulons ensuite approfondir la recherche, car sur ce sujet nous avons assez peu
d’équipes et assez peu de publications. Nous souhaitons mieux informer les chercheurs sur
les aides dont ils peuvent bénéficier.
Enfin la création d’une filière d’expertise dans chaque région permettra de répertorier
l’ensemble des professionnels et associations de patients capables de les accompagner.
Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Merci pour ce tour d’horizon qui revient
sur les avancées engagées depuis deux ans et ouvre des perspectives très positives. Je vais
donner la parole aux différents rapporteurs de la Délégation sur les travaux en cours ou qui
viennent de se terminer, en commençant par les co-rapporteures de la mission d’information
sur la séniorité des femmes, Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle. Nous entendrons
ensuite Laëtitia Romeiro Dias, co-rapporteure de la mission d’information sur les
menstruations.
Mme Sophie Panonacle. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux
recommandations de notre rapport.
Une définition officielle des proches aidants a par ailleurs été inscrite dans la loi de
2015 relatives à l’adaptation de la société au vieillissement. Cette définition n’établit
cependant pas encore un réel statut de l’aidant. La loi a institué un droit au répit qui permet à
l’aidant d’un proche en perte d’autonomie, de bénéficier d’une somme pouvant aller jusqu’à
500 euros par an pour financer une période de répit. Il me semble important aujourd’hui
d’améliorer les connaissances statistiques sur les aidants et nous proposons de diligenter une
étude statistique nationale pour mieux appréhender la réalité et les besoins des proches
aidants. Tel est l’objet de notre proposition n° 11. On pourrait également envisager la
création d’un statut des aidants qui permettrait peut-être de leur assurer, entre autres, une
formation minimum.
intégrer des dispositifs de correction de ces inégalités entre les femmes et les hommes. La
présidente de la Délégation avait organisée un petit-déjeuner sur la question du congé de
parentalité, dont il ressortait la nécessité de repenser la répartition des interruptions de
carrière entre les mères et les pères. Il y a beaucoup d’autres choses à faire et nous aimerions
connaître votre regard sur ce qui pourrait être possible.
Enfin, nous avons conclu nos travaux par une audition très intéressante sur la
ménopause qui a souligné ce phénomène d’invisibilité des femmes séniores dans la société :
elles subissent une sorte d’effacement social. Cette forme ultime de sexisme – qui
consisterait à ignorer toute femme ayant dépassé l’âge de la ménopause et ne pouvant dès
lors plus assurer une fonction reproductrice – ne devrait-elle pas être mieux prise en compte
dans la lutte contre les stéréotypes sexistes ?
Mme Laëtitia Romeiro Dias. La mission que nous a confiée la Délégation a pour
mérite de sortir des lieux communs. Les règles sont un sujet dont on parle peu, mais petit à
petit, au fil des auditions, nous mettons des mots sur ces tabous et sur les problématiques que
rencontrent les femmes. En juin 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a rendu sur la sécurité des produits
de protection hygiénique un avis qui soulignait la présence de composés toxiques dans leur
composition. Comment le Gouvernement pourrait-il obtenir un meilleur contrôle de la
composition des produits de protection intime ? Et, compte tenu des conséquences sur la
santé des femmes, ces produits ne devraient-ils pas être autant contrôlés que des dispositifs
médicaux ?
Enfin, comme vous l’indiquiez dans votre propos liminaire vous avez lancé en mars
dernier, un plan d’action pour renforcer la prise en charge de l’endométriose. Maladie
complexe et inexplorée, l’endométriose n’en touche pas moins une femme sur dix, et peut-
être même plus. Il était donc temps de s’emparer de ce sujet et nous ne pouvons que vous en
féliciter. Vous avez développé les axes de ce plan : pourriez-vous nous présenter son état
d’avancement et nous dire ce qu’en seront les suites ?
intergénérationnel, trouvera toute sa place, permettant de changer de regard sur les personnes
âgées et les femmes âgées. Par ailleurs, le Premier ministre a confié à la députée Audrey
Dufeu Schubert, une mission sur l’âgisme dont j’attends les conclusions pour voir comment
ce changement de regard pourrait s’opérer ; l’inclusion et l’intergénérationnel permettent un
vrai changement de regard, cela ne se décrète pas mais se met en œuvre dans la vie
quotidienne. Nous verrons si nous pouvons nous emparer des conclusions de cette mission
pour promouvoir des mesures spécifiques dans le projet de loi Grand âge et perte
d’autonomie.
Dans ce projet de loi, un axe sera dédié à la question des proches aidants. Il
comportera des mesures auxquelles nous travaillons avec Sophie Cluzel car il ne s’agit pas
seulement des aidants des personnes âgées, mais aussi des aidants familiaux ou proches de
personnes handicapées ou malades. Nous présenterons une feuille de route en septembre sur
cette question. J’ai déjà dit qu’avant même le projet de loi, des mesures figureront dans le
prochain PLFSS, dont l’une relative à un congé proche aidant, pris en charge par la sécurité
sociale. La question du répit des aidants sera traitée dans la feuille de route et dans le projet
de loi grand âge.
Comment prendre en compte, dans la réforme des retraites, les inégalités en termes
de pension qui sont souvent le reflet des inégalités de carrière ? Il est clair que notre système
actuel favorise les carrières longues, homogènes, ascendantes, et essentiellement masculines,
et défavorise les carrières hachées, plates, c’est-à-dire souvent celles de femmes avec
enfants. Tout le projet de loi que prépare le Haut-commissaire à la réforme des retraites vise
à gommer ces inégalités de carrière et à rendre à l’avenir notre système de retraite plus juste,
plus équitable, donc à gommer ce différentiel. Cela correspond aussi aux nouveaux défis de
la société de demain : nous savons que les carrières seront moins linéaires et nous avons
besoin d’adapter notre système de retraite par répartition aux profils de carrière des futures
générations. Il gommera ces inégalités en tenant compte des congés rémunérés dus aux
grossesses et il revisitera aussi les droits familiaux. Les droits familiaux sont aujourd’hui
multiples ; l’un d’entre eux, notamment, accorde une surrémunération de 10 % dès le
troisième enfant. Les pensions de retraite des hommes étant souvent plus importantes, ce
sont en pratique les hommes qui bénéficient de ces 10 %. Tout un travail a été effectué dans
le champ de la solidarité de notre futur régime de retraite pour requestionner ces droits
familiaux et les adapter aux réalités du XXIe siècle. Le Haut-commissaire présentera sa
réforme et son système cible aux partenaires sociaux le 18 juillet prochain. Je le laisse
dévoiler ses pistes, mais elles répondent à vos préoccupations concernant la retraite des
femmes.
S’agissant des composés toxiques dans les protections hygiéniques des femmes, il y a
deux sujets qu’il faut séparer : celui de la sécurité sanitaire concerne les chocs toxiques qui
ont été clairement identifiés dans des cas d’endotoxines bactériennes avec des tampons
— 89 —
contaminés. Des mesures correctives ont été prises lors de la production des produits. Mais
on a aussi souvent observé que ces chocs étaient liés à une mauvaise utilisation des
protections et il convient donc de mieux informer les femmes sur les règles d’utilisation de
ces produits.
La précarité menstruelle des femmes précaires est un sujet plus spécifiquement suivi
par Christelle Dubos. Nous nous sommes engagées sur cette question parce que c’est
évidemment le cœur des préoccupations de ce ministère et nous travaillons avec les
partenaires associatifs qui nous alertent en permanence. Nous attendons les résultats de votre
mission pour savoir comment nous pouvons faire mieux pour ces femmes. Une mission a
également été confiée à la sénatrice Patricia Schillinger, qui va nous permettre de travailler
sur les questions d’accès matériel aux protections hygiéniques pour faire évoluer les
mentalités. Nous travaillons également avec Julien Denormandie, qui est en charge de
l’hébergement d’urgence – c’est dans ces lieux qu’on peut aussi apporter une solution –, et
avec toutes les associations de terrain auprès des personnes précaires pour faciliter la collecte
et la distribution de protections hygiéniques. Nous travaillons aussi aux moyens de les
soutenir financièrement. Agnès Pannier-Runacher est aussi très sensibilisée : elle étudie
comment mobiliser les industries qui produisent ces protections.
Sur l’endométriose, nous sommes en train de décliner la feuille de route. Dès cette
année, des modules de formation figureront dans le développement personnel continu des
professionnels. Cela apparaîtra dans la nouvelle maquette, dans le cadre de la réforme des
2e et 3e cycles des études de médecine. C’est un engagement des enseignants et des doyens.
Et nous faisons le même travail pour les formations des sages-femmes.
En termes de recherche, une journée de mise au point scientifique a été organisée par
l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Nous avons, grâce au
travail des chercheurs, un bilan des axes de recherche à promouvoir sur ce thème. Un projet
hospitalier de recherche clinique a été sélectionné cette année sur le thème de
l’endométriose. Un numéro spécial de la revue Médecine/sciences sur ce thème est
également prévu.
S’agissant enfin de l’information, nous travaillons avec les associations afin de les
rendre plus visibles.
— 90 —
Je suis ce dossier de très près parce que je veux des résultats clairement identifiés au
bout d’un an.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous avons été désignées pour conduire une mission
d’information sur l’accès à l’IVG, et nous allons nous attacher à l’ensemble des enjeux liés
aux spécificités territoriales. Nous n’avons procédé pour l’heure qu’à une audition et à
quelques visites dans les départements. Cela nous a déjà conduites à noter des différences
entre les départements, dans l’approche des professionnels et les moyens qui leur sont
alloués. Nous veillerons évidemment à déterminer comment assurer un accès identique et de
qualité sur l’ensemble du territoire.
Une autre question fait quelquefois débat, c’est l’éventuel allongement de douze à
quatorze semaines du délai d’accès à l’IVG. Qu’il n’y ait pas de confusion : on parle bien de
semaines de grossesse et non de semaines d’aménorrhée. Un certain nombre de pays vont
très loin dans cette démarche. Votre ministère a-t-il déjà travaillé sur ce sujet et quelle en est
votre approche à titre personnel ? Que pensez-vous faire pour garantir ce droit fondamental ?
Entre pratique médicamenteuse et pratique chirurgicale, le choix n’est par ailleurs pas
toujours proposé aux femmes : en raison de fortes réticences ou faute de médecins, dans
certains territoires on ne propose que la solution médicamenteuse. Nous avons recueilli des
témoignages de personnels d’un hôpital dont les trois médecins qui acceptaient de procéder
aux IVG partent à la retraite, et aucun des trois médecins qui arrivent ne souhaite les
pratiquer… Comment répondre à cette difficulté ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Ce sont des questions
extrêmement importantes, puisque nous savons que ce droit est sans arrêt remis en question.
C’est sans doute moins le cas dans notre pays que dans d’autres, mais nous constatons chez
nous des difficultés d’accès, tout simplement, faute de médecins. Notre pays manque de
façon criante de médecins, ou plutôt de temps médical disponible : le nombre de médecins
est constant mais, par rapport aux besoins de la population, nous sommes bien en déficit de
temps médical. Ce déficit est en fait observé partout en Europe et partout dans le monde ;
c’est un problème international. Et nous n’avons donc pas moyen d’aller chercher des
médecins dans d’autres pays, sauf à déposséder ces derniers d’encore plus de temps
médical…
— 91 —
Ce déficit va durer encore quelques années parce que les nombreux médecins formés
après-guerre, après le Baby-boom sont en train de partir à la retraite… Le numerus clausus a
été extrêmement serré pendant une vingtaine d’années et il n’a été rouvert qu’en 2005. Nous
sommes dans une période de « creux », où les médecins partent à la retraite et ceux qui ont
commencé à être formés après 2005, ne sont pas encore opérationnels. Donc, pendant encore
six à huit ans, nous allons avoir un déficit car il faut dix ans pour former un médecin. Il faut
donc appliquer un principe de réalité. C’est dans cette optique que j’aborde les enjeux
concernant l’IVG, de la même manière que tous les sujets liés à notre système de santé.
Nous avons besoin de nous reposer sur des délégations de tâches ; de partager les
soins entre différentes professions de santé. C’est ce que nous faisons déjà avec les
sages-femmes, notamment concernant certains IVG.
Vous m’avez posé la question de l’état des lieux que j’ai demandé aux ARS :
j’attends le rapport pour l’été. Nous verrons s’il y a des disparités territoriales. Énormément
de médecins partent à la retraite : c’est vrai des gynécologues comme des généralistes,
comme de tous les médecins. C’est en raison de cette vague de départs, que, dans la loi
Santé, j’ai fait augmenter le plafond du cumul emploi-retraite de façon très notable, afin qu’il
soit très incitatif de continuer à exercer pendant deux à cinq ans : cela ralentira le rythme des
départs.
Concernant la double clause de conscience, j’ai envie de vous demander s’il faut
s’attacher au droit réel ou au droit formel. Veut-on travailler sur les principes ou sur la réalité
du parcours des femmes ? Je comprends parfaitement les arguments en faveur de la fin de la
double cause de conscience. Pourquoi cette spécificité relative à l’IVG ? Pourquoi cette
forme de discrimination ? Pourquoi un droit spécifique pour l’IVG ?
Mais, à mon avis, la double clause de conscience est en réalité bénéfique aux
femmes. D’abord, la suppression ne conduira pas à ce que plus de médecins pratiquent
l’IVG : on n’obligera jamais un médecin qui ne le veut pas à pratiquer des IVG. Et si on le
faisait, ce serait au détriment des femmes, parce qu’il faut un accompagnement dans cette
période. Donc, la suppression de la clause de conscience ne réglerait pas le problème de
l’accès.
Aujourd’hui, les médecins qui activent la clause de conscience sont bien connus dans
les hôpitaux. Cela évite que les femmes prennent rendez-vous avec eux pour une IVG,
qu’elles se trouvent en consultation avec quelqu’un qui est contre l’IVG, qui peut leur faire
perdre du temps en disant « je vais réfléchir, revenez dans une semaine », qui n’aurait
aucune obligation de trouver un autre médecin si la classe spécifique était supprimée… Donc
en réalité, je pense qu’on risque de rendre le parcours des femmes beaucoup plus erratique,
beaucoup plus aléatoire en revenant sur la double clause.
C’est la raison pour laquelle je suis très opposée à la fin de la double clause de
conscience, sauf si on arrive vraiment à me convaincre que les choses ne se passeront pas de
la sorte. Mais quand je vois les réactions du président du Syngof, je pense que le risque est
— 92 —
élevé et que la double clause de conscience protège les femmes. Je parle bien de la double
clause de conscience, puisque la clause de conscience simple consiste juste en un droit, celui
du médecin à refuser un acte. Cela n’a rien à voir parce que, je le répète, quand un médecin
refuse, ce n’est jamais « en général ». C’est dans la relation médecin-malade, personnelle,
qu’un médecin peut, à un moment, refuser de pratiquer un acte. Il n’affiche pas globalement
un refus : il dit à chaque fois, dans le colloque singulier qu’il a avec son patient, qu’il
manifeste ou non son accord. C’est très différent.
Je crains donc vraiment qu’en supprimant cette double clause de conscience, on fasse
courir aux femmes le risque de prendre des rendez-vous sans savoir à qui elles ont affaire ;
d’être mal orientées ; de perdre du temps par rapport aux délais – et on sait que plus le délai
est tardif, plus cela est pénible. Je pense donc qu’on ne leur rendrait pas service. C’est mon
opinion très profonde, parce que je suis une praticienne de la médecine : je sais comment on
prend des rendez-vous en consultation, je sais qui répond au téléphone, je sais comment
fonctionne Doctolib. En fait, je ne vois pas comment on va protéger les femmes si on
supprime la double clause de conscience.
On peut se battre sur les principes : c’est très bien, c’est un combat politique ; mais
mon objectif, c’est la sécurité des femmes et la simplicité de leur parcours.
Souvent ces 5 % de femmes qui font des IVG tardives sont des femmes qui n’y ont
pas accès objectivement, parce que c’est compliqué – les études vont nous le dire –, ou qui
hésitent. Les femmes hésiteront autant entre douze et quatorze semaines qu’entre dix et
douze. Une partie des femmes qui aujourd’hui partent à l’étranger, ne le font pas forcément à
cause des difficultés d’accès, mais plutôt en raison d’hésitations multiples, parce que c’est un
acte difficile, compliqué, qu’elles ne sont pas toutes persuadées en permanence de leur
capacité à affronter ce moment extrêmement douloureux, et qu’elles sont parfois
ambivalentes par rapport à une grossesse.
certaine qu’on ait en France des délais d’accès plus défavorables que dans les autres pays ; je
suis même sûre du contraire. Nous sommes exactement dans la moyenne des autres pays
européens.
J’aimerais enfin savoir – j’ai besoin d’en discuter avec des gynécologues – à partir de
quel âge on peut détecter les premiers mouvements d’un bébé in utero. En effet, une IVG
alors qu’un bébé a commencé à bouger, c’est extrêmement difficile à surmonter
psychologiquement. Il faut que l’on prenne tout cela en compte avant de prendre une
décision d’allongement de la durée. Je veux des données pour raisonner : je n’ai aucune
doctrine sur le sujet, mais je trouve qu’il est complexe et mérite d’être appréhendé avec
l’ensemble des éléments.
Mon objectif, à la suite des différents rapports et missions, est de faire en sorte que
l’information soit très facile pour les femmes ; que l’offre soit très lisible ; qu’elle soit
harmonisée dans l’ensemble du territoire ; qu’on ne fasse pas perdre du temps aux femmes et
qu’elles puissent accéder à l’IVG le plus vite possible.
Enfin, vous m’interrogez sur les IVG médicamenteuses. En réalité, vous pointez du
doigt le déficit de médecins. Aujourd’hui, on souffre d’un déficit de gynécologues et
d’obstétriciens, notamment parce que le DES de gynécologie a été supprimé il y a quelques
années : nous n’avons plus que des obstétriciens formés par l’internat. Le DES de
gynécologie médicale vient d’être réintégré dans le cursus de l’internat ; on devrait avoir des
gynécologues médicaux qui vont prendre en charge plus facilement les femmes, et les
obstétriciens pourront se concentrer sur leur travail d’obstétricien ou de chirurgien et faire
moins de gynécologie médicale. Ainsi, ce sont de nouveau les gynécologues médicaux qui
prendront en charge les contraceptions. Là encore, on est dans une phase très difficile : les
gynécologues médicaux sont partis à la retraite et on n’a quasiment plus que des
obstétriciens qui manquent de temps et qui ne sont pas harmonieusement répartis dans le
territoire.
Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je pense que ce type de
question doit être posé à la Haute autorité de santé. Ce n’est clairement pas au législateur de
décider quel acte médical peut être fait quel professionnel, parce qu’il faudrait connaître très
intimement les risques, les gestes de rattrapage s’il y a une perforation utérine, etc… Je ne
suis pas suffisamment spécialiste pour me prononcer. Si l’on doit étendre le droit à l’IVG
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instrumentale, je pense qu’il faut poser la question aux spécialistes et des groupes de travail
pourront se mettre en place à la Haute autorité de santé.
Depuis la loi de 2016, le droit d’effectuer des IVG instrumentales a été élargi aux
centres de santé : des médecins généralistes peuvent donc pratiquer ces IVG. La Haute
autorité de santé vient de publier ses recommandations, c’est-à-dire le cahier des charges à
respecter pour pouvoir pratiquer ces IVG en centre de santé. Cela devrait en faciliter l’accès.
Ce dispositif monte en puissance doucement, puisque la Haute autorité de santé n’a rendu
son avis que le 17 août 2018. Je pense qu’il vaut mieux accompagner les centres de santé et
les médecins pour développer cette offre. Concernant les sages-femmes, seuls les spécialistes
peuvent dire si c’est faisable ou non, dangereux ou non. L’objectif reste tout de même aussi
la sécurité des femmes.
Depuis deux ans, nous multiplions les travaux à travers les différents textes législatifs
sur les familles monoparentales. Suite au Grand débat, suite également aux échanges que
nous avions pu avoir sur le projet de loi justice, nous avons décidé de lancer une mission
dont les conclusions seront présentées le 23 juillet prochain – sur le régime fiscal des
pensions alimentaires, et tout particulièrement celui applicable à la contribution à l’entretien
et à l’éducation des enfants. La première question concerne la garantie qui va être instaurée
et que vous avez évoquée tout à l’heure : quels en seront le calendrier et le périmètre ? Je
crois que vous disiez qu’elle jouerait dans les cas où un juge serait saisi ou quand il y aurait
un impayé. Faudrait-il une action de la personne lésée ?
Lors de nos premières auditions, des experts nous ont signalé qu’il fallait faire
attention aux effets de bord : le fait de réparer l’impayé pourrait entraîner, via les effets de
seuil, la perte ou la baisse d’aides sociales pour les familles, pour la femme en situation de
monoparentalité, et les exclure d’un certain nombre de dispositifs, au risque de les appauvrir.
Avez-vous eu ces réflexions ? Comment limiter ou empêcher ces effets de bord ?
Mme Sophie Auconie. Ma question porte sur cette actualité dramatique que sont les
féminicides, plus précisément sur ce qui concerne votre ministère. Marie-Pierre Rixain et
moi-même avons eu l’occasion de visiter à Bordeaux le centre d’accueil d’urgence des
victimes d’agressions (CAUVA). Visiblement, il correspond aux attentes des victimes de
violences sexuelles et sexistes et d’agressions en général. Grâce à l’action de ce centre, on
enregistre neuf dépôts de plaintes sur dix cas à Bordeaux, contre un sur dix dans toute la
France.
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Ce centre se trouve dans l’hôpital. Une convention signée entre les ministères de la
Santé, de la Justice et de l’Intérieur permet à un médecin de recueillir la parole et la preuve.
Elle autorise aussi le CAUVA à stocker ces preuves et les paroles recueillies pendant
trois ans, ce qui laisse à la victime le temps d’organiser l’éloignement de son conjoint sans le
sensibiliser au fait qu’elle va porter plainte.
Aujourd’hui, parce que nous avons incité les femmes à parler, à aller dans les
commissariats et à porter plainte, sans pour autant assurer leur protection, le nombre de
féminicides a doublé par rapport aux années précédentes : quand les femmes rentrent chez
elles et que le mari ou le compagnon est appelé au commissariat, les lendemains sont
souvent dramatiques. Pour soixante-seize d’entre elles, les lendemains ont été dramatiques.
Je pense qu’une meilleure organisation de l’accueil de ces victimes, permettrait d’en
protéger quelques-unes… Pour moi, c’est une priorité. Qu’en pensez-vous ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je serai très attentive
aux conclusions de la mission sur le régime des pensions alimentaires.
S’agissant de l’impact fiscal des pensions alimentaires, vous le savez, le débiteur les
déduits de ses revenus et le créancier, c’est-à-dire la femme en général, doit les déclarer. Ce
système est a priori justifié, parce que cela correspond à notre système fiscal, qui veut que
les ressources d’un foyer soient imposées au niveau du foyer. À défaut, il y aurait inégalité
de traitement entre les foyers. Par exemple une famille recomposée et une famille
non recomposée, disposant du même niveau de ressources, pourraient avoir des niveaux
d’imposition différents du fait du traitement dérogatoire des pensions alimentaires.
Certes, il nous faut résorber les inégalités de pouvoir d’achat, mais nous ne pensons
pas que la piste fiscale soit la bonne car elle aurait trop d’effets de bord. Mais nous attendons
évidemment les conclusions de la mission.
Elles devront recruter et former du personnel. C’est la raison pour laquelle il nous faut
attendre juin 2020.
Les effets de bord et les pertes d’aides sociales ont été plusieurs fois signalés.
Normalement, la pension est prise en compte dans les ressources pour les aides au logement
par exemple, mais tout dépend des aides. Cela pourra être revu dans le cadre de la réflexion
et de la concertation sur le revenu universel d’activité. Il faudra notamment s’intéresser à
l’assiette de calcul et voir comment promouvoir une redistribution évitant des différentiels de
traitement entre les hommes et les femmes.
Vous m’interrogez aussi sur les violences faites aux femmes. Le CAUVA est un très
bon dispositif. J’entends votre remarque sur le fait qu’on n’a pas protégé les femmes alors
qu’on les a engagées à témoigner. Je pense que ce constat est très récent : on ne l’avait pas
posé il y a six mois. Il faudra se reposer toutes ces questions dans le cadre du Grenelle
qu’organise Marlène Schiappa avec qui nous travaillons. Il faudra notamment proposer des
actions correctives à ce qui a été fait en matière de déclarations, du fait qu’on a libéré la
parole des femmes. Ce que j’ai fait dans mon ministère, ne s’apparente pas exactement au
CAUVA. Je m’étais engagée – lors de la réunion sur la lutte contre les violences faites aux
femmes que le Président de la République a présidée à l’Élysée, en 2017 – à créer des
centres d’accompagnement du psycho-traumatisme. J’ai travaillé sur les psycho-traumas
post-attentats, post-événements accidentels, mais également liés à des violences conjugales,
psycho-traumas des enfants… J’ai totalement tenu la feuille de route qui m’était assignée fin
2017 : nous avons créé, à Lille, un centre de ressources national qui a été financé à la suite
d’un appel à projets, avec une équipe médico-judiciaire qui met en place les bonnes
pratiques de recueil de la parole, qui instruit les cas et qui prend en charge les femmes pour
leur suivi psychologique post-traumatique. Nous avons en outre créé, suite également à un
appel à projets, dix centres de psycho-traumatisme dont la mission est de créer des réseaux
dans tous les hôpitaux, dans tous les services d’urgence, de travailler sur les bonnes pratiques
et de les diffuser dans leur réseau. On ne pourra pas financer une structure de
psycho-traumatisme médico-judiciaire dans chacun des six cents services d’urgence de
France aujourd’hui. En revanche, il est nécessaire que les médecins urgentistes soient formés
à la fois au recueil de la parole, aux bonnes pratiques, à l’accompagnement, qu’ils
connaissent les lieux d’orientation des femmes, les lieux d’hébergement, etc. Ces dix centres
travaillent à la création d’un réseau régional et le centre de ressources nationales fournira le
guide des bonnes. Tout ça se met en place : les dix centres ont été créés et financés pour une
dizaine de millions d’euros à la fin de l’année 2018 ; on pourra en faire un premier bilan à la
fin de l’année 2019.
question très précise et le Grenelle sera l’occasion d’avancer plus en détail. Je pense qu’il y a
une prise de conscience générale et qu’il faut véritablement qu’on se mobilise tous pour
lutter contre les féminicides.
Par ailleurs, les annonces qui ont été faites à l’issue du Grand débat sont très
positives, très ambitieuses, et je crois qu’elles vont apporter véritablement des solutions
concrètes pour les femmes qui aujourd’hui encore ont des difficultés à percevoir les pensions
alimentaires. J’étais présente la semaine dernière dans la CAF de ma circonscription pour
évoquer ce sujet ainsi que cette grande avancée qu’est la prime d’activité. J’ai compris à
cette occasion que toutes les antennes CAF ne disposaient pas de personnes formées
spécifiquement à l’accueil des familles monoparentales et aux dispositifs à leur attention.
Une formation sera-t-elle dispensée aux agents ? Un dispositif sera-t-il déployé dans les
maisons France services annoncées par le Président de la République ?
Je rappelle que la France a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour
européenne des droits de l’Homme et par la justice française pour atteinte à la dignité
humaine. En matière de protection hygiénique, cette exigence de dignité représente un coût
infime pour les pouvoirs publics. En effet, au 1er janvier 2016, d’après le ministère de la
Justice, les femmes représentaient 3,5 % des détenus, soit une population de 3 000 femmes.
Le coût annuel de ces protections est donc estimé, au total, autour de 200 000 euros. La
direction de l’administration pénitentiaire doit prochainement rendre le rapport du groupe de
travail qui s’interroge, depuis en mai dernier, sur la pertinence du choix et de la liste des
produits des produits de « cantine » pour l’ensemble des femmes détenues.
Mme Nicole Le Peih. En mars 2018, le Sénat a examiné la proposition de loi pour
une revalorisation à 85 % du smic des retraites agricoles, de nos collègues André Chassaigne
et Huguette Bello, qui avait été votée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée
nationale en 2017. Le Gouvernement a demandé au Sénat un vote bloqué. Lors de la
discussion générale, vous aviez déclaré que « le Gouvernement ne refuse pas de prendre en
compte la situation particulière des retraités agricoles, mais il considère que les conditions
qui le permettraient ne sont pas réunies et que légiférer aujourd’hui serait prématuré. Il
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s’agit d’examiner ce coup de pouce dans la réforme globale des retraites qui doit être
finalisée à l’été 2019. » Vous connaissez pourtant la situation de certaines femmes
agricultrices ou conjointes d’exploitants qui, faute d’avoir bénéficié d’un statut protecteur,
perçoivent des revenus dérisoires à la retraite et dépendent parfois totalement des revenus de
leur mari.
Confirmez-vous que la future réforme ne permettra pas d’apporter une réponse à ces
femmes ? Quels pourraient être dès lors les leviers d’action afin de garantir à ces femmes un
revenu décent pour leur retraite ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. À propos des violences
faites aux femmes, nous avons, dans le cadre de la loi Santé, beaucoup discuté avec les
députés et sénateurs de ce qui devait figurer dans l’enseignement des professionnels de santé,
notamment des médecins. Un grand nombre d’amendements visaient à rendre tel ou tel sujet
prioritaire dans cet enseignement. Plutôt que d’inscrire dans la loi la totalité de sujets comme
la formation au handicap, à la vulnérabilité, à la violence faite aux enfants, à la violence faite
aux femmes, à l’endométriose, etc., au risque d’en oublier certains, nous avons pris
l’engagement, avec Frédérique Vidal, d’écrire aux doyens de médecine en dressant la liste
des demandes des parlementaires. Et comme je l’ai indiqué, les violences faites aux femmes
font partie de cette liste.
Les agents des CAF sont formés pour accompagner les parents en cas de séparation
et un parcours spécifique est expérimenté dans certaines caisses. Les travailleurs sociaux des
CAF sont en train de se spécialiser sur la question de la séparation. Nous avions bien pointé
du doigt, avec Christelle Dubos, que la séparation est un moment crucial devant lequel il faut
mieux accompagner les femmes, leur donner plus d’informations sur leurs droits et veiller à
ce qu’elles ne « décrochent » pas.
Nicole Belloubet et Christelle Dubos ont travaillé sur le droit des femmes en prison et
annoncé, le 2 juillet, une feuille de route sur trois ans, qui vise à améliorer la santé des
personnes placées sous main de justice, notamment des femmes, et fixe différentes priorités.
Des groupes de travail existent et la question de l’accès aux protections hygiéniques peut être
traitée dans le cadre de cette feuille de route sur la santé et l’accès aux soins. Je leur ferai
part de votre remarque très justifiée.
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S’agissant des retraites agricoles, une première étape a été franchie pour le droit des
femmes agricultrices avec le congé de maternité puisqu’un décret a été publié le mois dernier
à ce sujet. Le travail doit se poursuivre, avec Jean-Paul Delevoye, dans le cadre de la
réforme des retraites, sur les droits des femmes qui prendront leur retraite. Vous avez raison,
celles qui sont déjà pensionnées ne seront logiquement pas concernées. Nous avons observé
– et nous en avons beaucoup discuté avec les organisations syndicales d’agriculteurs – que
très peu d’agriculteurs ont recours à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).
Il y a une méconnaissance du fait que l’outil professionnel est préservé lors de la reprise sur
succession et beaucoup ont peur de perdre leur outil. Or avec l’ASPA, il est clairement
spécifié que l’agriculteur ou l’agricultrice peut transmettre l’outil agricole aux générations
futures. En réalité, le minimum vieillesse est clairement accessible à ces femmes. Une des
voies pour résoudre ces difficultés est donc l’information.
Enfin, je rappelle que dans le cadre de la réforme des retraites, nous nous organisons
pour qu’un minimum contributif, à hauteur de 85 % du SMIC, soit accessible à tout le
monde : c’était la promesse du Président de la République.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu’à l’occasion des 20 ans de la Délégation,
deux podcasts seront enregistrés ce vendredi à l’Assemblée nationale. À 17 heures, nous
accueillerons Lauren Bastide pour La Poudre et, à 19 heures, Siham Jibril pour
Génération XX.
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