Poutine affiche son soutien à Loukachenko

par Vladimir Soldatkin

MOSCOU (Reuters) - Vladimir Poutine a annoncé lundi que la Russie accordait un prêt de 1,5 milliard de dollars (1,26 milliard d'euros) à la Biélorussie, dont le président Alexandre Loukachenko est venu solliciter le soutien économique et militaire de son homologue russe face à une contestation qui ne faiblit pas depuis l'annonce de sa réélection.

Au lendemain d'une nouvelle manifestation ayant rassemblé à Minsk plus de 100.000 personnes réclamant le départ d'Alexandre Loukachenko après 26 années au pouvoir, le président russe a reçu son homologue dans la station balnéaire de Sotchi, au bord de la mer Noire, où il accueille régulièrement des dignitaires en visite.

"Avant tout, je veux vous remercier (...) vous remercier personnellement vous et tous les Russes, tous ceux, et je ne vais pas tous les citer, qui se sont impliqués pour nous soutenir dans cette période post-électorale", a dit Alexandre Loukachenko à l'issue de cet entretien.

Vladimir Poutine n'a pas donné de précisions sur le prêt accordé à la Biélorussie, dont le principe a été décidé lors d'une récente visite de son Premier ministre Mikhaïl Michoustine à Minsk, a-t-il dit.

Le Kremlin a par la suite précisé qu'une partie de ces fonds servirait à refinancer de précédents prêts. Il a aussi déclaré que les deux dirigeants étaient convenus au cours de leur entretien de près de quatre heures de renforcer la coopération commerciale entre leurs deux pays et qu'ils avaient évoqué l'approvisionnement énergétique de la Biélorussie.

Le montant de ce prêt dépasse légèrement les 1,4 milliard de dollars que la Biélorussie a puisé le mois dernier dans ses réserves d'or et de devises pour soutenir sa monnaie, le rouble.

"Alexandre Grigorievitch (Loukachenko) est le président légitime de la Biélorussie", a dit le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en réponse à une question d'un journaliste demandant si le dirigeant biélorusse n'avait pas perdu sa légitimité en raison du mouvement de contestation.

LE PRÊT NE VA QUE PROLONGER L'AGONIE DE LOUKACHENKO, DIT TIKHANOVSKAÏA

Au-delà du prêt, Vladimir Poutine a fourni d'autres témoignages de soutien à Alexandre Loukachenko, en affirmant notamment que la coopération militaire entre leurs deux pays allait se poursuivre. Quelques heures auparavant, les agences de presse russes ont rapporté que Moscou allait envoyer des parachutistes en Biélorussie pour des manoeuvres militaires.

Vladimir Poutine a aussi apporté son soutien au projet de réforme constitutionnelle d'Alexandre Loukachenko. L'opposition biélorusse rejette ce projet dans lequel elle voit une tentative du président pour conserver le pouvoir, alors qu'elle juge déjà frauduleuse sa réélection le 9 août dernier avec officiellement 80% des suffrages.

"Nous voulons que les Biélorusses eux-mêmes, sans exhortations ni pressions extérieures, règlent cette situation de manière calme et par le dialogue et parviennent à une solution commune", a dit Vladimir Poutine.

L'opposition dit craindre qu'Alexandre Loukachenko ne vende l'indépendance de la Biélorussie en échange du soutien de Vladimir Poutine. Le président biélorusse qualifie pour sa part le mouvement de contestation de complot occidental.

Svetlana Tikhanovskaïa, à la tête de la fronde contre le président et dont les partisans affirment qu'elle est la véritable gagnante de l'élection, a déclaré avant cette rencontre à Sotchi qu'aucun accord conclu entre les deux dirigeants ne serait valable.

Réagissant ensuite à l'annonce du prêt russe, elle a écrit sur la messagerie Telegram: "Chers Russes! Vos impôts vont servir à payer nos passages à tabac. Nous sommes certains que ce n'est pas ce que vous voudriez. Cela pourrait prolonger l'agonie de Loukachenko mais cela ne peut pas empêcher la victoire du peuple".

Pour Alexandre Loukachenko, qui entretient des relations personnelles difficiles avec Vladimir Poutine, le soutien du président russe pourrait se faire au prix d'une plus grande domination de Moscou sur l'ancienne république soviétique.

La Russie a longtemps fait pression pour une intégration économique plus étroite entre les deux pays, y compris à travers une monnaie commune.

(Avec Maria Kiselyova; Version française Kate Entringer et Bertrand Boucey, édité par Blandine Hénault, Jean-Stéphane Brosse et Nicolas Delame)