Europe : UN PÈRE (fondateur)OUBLIÉ, Richard Coudenhove-Kalergi

par Tristan Tottet

La construction européenne ne se limite pas à une suite d’événements et d’actions issus d’une volonté ex-nihilo. Cette construction prend racine dans un processus historique pluriséculaire.

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Les fondateurs  ont-ils encore une petite place? A Scy-Chazelles…

 

Petit rappel toujours utile en ce moment .

L’idée de l’union de l’Europe est une constante du continent depuis la chute de l’Empire romain. Les successeurs d’Auguste et de Rome ont au cours des siècles cherché à recréer cette union. Certains ont réussi à se parer des habits du mythe : Charlemagne, Frédéric de Hohenstaufen ou Napoléon….Cependant, la construction obtenue n’a été qu’éphémère car à chaque fois, les « néo-Auguste » trouvent leur légitimité impériale dans la guerre et la confrontation entre les Européens.

Le XXe siècle marque une bascule; la Grande Guerre meurtrit des générations d’Européens qui avaient une confiance sans faille dans le génie humain et considéraient l’Europe comme « le lieu central » de l’Humanité. Avec la guerre, cette croyance en cet ethnocentrisme augmenté se fracasse à nouveau dans la violence et la perversion humaine

Enfin la paix ? Non

L’entre-deux-guerres marque l’émergence d’une première volonté d’unification de l’Europe non plus par la guerre mais par la paix et la coopération entre les peuples.

C’est la création de la SDN en 1920 ( Société des Nations qui préfigure l’ONU )

Mais les traités de paix consacrent le morcellement pas toujours judicieux de l’Europe qui perd ainsi son poids et son influence sur l’échiquier international. Le continent-monde doit partager les oripeaux de sa gloire avec de nouveaux césars d’un monde nouvellement globalisé. S’en suit la guerre froide ponctuée néanmoins de conflits locaux bien massacrants, hors d’Europe cette fois, quand même.

UN HOMME ET SES IDÉES novatrices ont été négligés voire oubliés.

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Le comte  Richard  et sa mère japonaise/ Elle mérite « la photo » les alliances de ce genre sont très rares à cette époque et surtout dans la haute -aristocratie

 

Richard Coudenhove-Kalergi est né à Tokyo d’une mère japonaise et d’un père diplomate austro-hongrois. Enfant de deux continents, ses origines plongent dans l’histoire nippone et européenne, descendant de samouraï et d’empereur byzantin, ses racines sont toutes aussi Crétoises que Brabançonne et même asiatique.

À la fin de la Grande Guerre l’Empire austro-hongrois étant démantelé et à l’issue de cet éclatement, il devient citoyen tchécoslovaque. C’est à ce moment, qu’il se détourne de sa passion pour la philosophie (doctorat ) et commence à publier des articles sur la nécessité d’un nouvel ordre européen. La pensée de Coudenhove-Kalergi se forge principalement autour du livre Paneurope ou Pan-Europa.

Face au marasme de l’entre-deux-guerres, une génération « pense » le futur européen. Richard Coudenhove-Kalergi est l’un des premiers à théoriser cette prise de conscience moderne d’une l’Europe. Il milite pour la paix entre les peuples européens mais propose aussi une organisation politique de l’Europe pour faire face aux nouvelles réalités issues de la Grande guerre.

Cette volonté se forge face au constat de la déchéance de l’Europe au sein du nouvel échiquier international, ainsi que face à la mondialisation et du développement des nouvelles technologies.

Dans une période où les inimitiés sont toujours présentes, il fait partie des premiers à parler de réconciliation entre l’Allemagne et la France.

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LE PREMIER DES BÂTISSEURS

Père d’une dynamique européenne lors de l’entre-deux-guerres, il considère que pour pacifier le continent, il faut réaliser l’unité tant politique qu’économique avec au cœur de l’union une réconciliation franco-allemande. Cette union s’impose alors comme le garant de l’indépendance de l’Europe face aux puissances extra-européennes.

L’actualité la plus proche fait écho au choix de Richard Coudenhove-Kalergi dans la composition de son Union pan-européenne. Dans ses écrits, il s’est exprimé pour l’exclusion du Royaume-Uni et de la Russie. La première à cause de sa proximité avec l’Amérique et de son attachement au Commonwealth, la seconde car elle ne respecte pas le pacte démocratique et représente une menace pour l’équilibre européen.

L’Union paneuropéenne ou Pan-Europa ( Le livre comme le Mouvement ou  la Ligue) fonde ses principes sur la paix et la démocratie. Il s’agit de créer une union où sont respectés les droits humains, l’égalité entre les États, égalité des droits des minorités et l’esprit de solidarité.

Coudenhove-Kalergi encourage les ententes régionales pour qu’à terme une union continentale puisse émerger. Dans cette optique, il rejette toute révision des frontières issues de la paix de Versailles( 1920). La paix doit se faire entre les États, paix garantie par la mise en place d’une cour d’arbitrage obligatoire pour assurer une paix durable.

Les deux principales puissances continentales, la France et de l’Allemagne doivent dépasser leur rivalité ancestrale afin de permettre l’émergence d’un consortium pour la mise en commun des ressources sidérurgiques. Malgré ses efforts, la réconciliation entre les deux nations ne peut se faire car l’animosité persiste et les erreurs consécutives de la paix de Versailles entraîneront l’Europe dans une nouvelle guerre.

La défense européenne a même été évoquée par Coudenhove-Kalergi à travers la mise en place d’une Ligue défensive paneuropéenne afin de sécuriser la frontière orientale face à la Russie soviétique.

La Pan-Europe doit se mettre en place en quatre étapes :

  • Convocation d’une conférence paneuropéenne sur l’initiative d’État comme la Suisse
  • Mise en place d’une cour d’arbitrage obligatoire afin de dépolitiser toutes les tensions et les questions de frontière pour les abolir dans un futur.
  • Création d’une Union douanière et monétaire pour réorganiser l’espace économique européen, grâce à une abolition progressive des barrières douanières.
  • Enfin, la mise en place de l’Union paneuropéenne avec l’abolition des frontières, devenues des barrières administratives entre États-membres. Constitution d’une Chambre des peuples de 300 députés, et de la Chambre des États qui aurait un représentant par État-membre.

UNE EUROPE, DES IDÉES

L’œuvre de Coudenhove-Kalergi ne se limite pas à un livre-programme. Après Pan-Europe, on peut citer Praktischer Idealismus qui pose les bases d’une réflexion sur « qu’est-ce que l’Europe ».

La seconde partie de l’entre-deux-guerres voit les efforts de paix et de concorde européenne disparaître avec la crise économique et l’émergence des totalitarismes. Quand Coudenhove-Kalergi publie Praktischer Idealismus au même moment Adolf Hitler publie Mein Kampf.

Les deux ouvrages évoquent la question européenne et dans les deux il est question d’une Europe aussi effondrée que belliqueuse. Bien sûr les réponses apportées sont diamétralement opposées, l’un apporte l’union de l’Europe par la paix, l’autre annonce son intention d’hégémonie guerrière et raciale.

L’histoire donne raison à Richard Coudenhove-Kalergi, après la folie meurtrière de la Seconde Guerre mondiale, sa vision européenne transcende son œuvre. La fin de la guerre contre le totalitarisme entraîne une bascule, l’Europe traumatisée est prête à adhérer à l’idée d’union pacifique.

À partir de ce moment, Coudenhove-Kalergi fonde l’union parlementaire européenne qui, peu de temps après débouche sur le Congrès de la Haye, élément initiateur de la première institution européenne : le Conseil de l’Europe.

L’union sidérurgique pour reconstruire l’Europe est aussi réutilisée et la CECA voit le jour, la France et l’Allemagne sont les moteurs de cette collaboration européenne.

Les bâtisseurs de la construction européenne post-Seconde Guerre mondiale se sont inspirés de cet élan lors de l’entre-deux-guerres, des mouvements comme le Mouvement Paneuropéen qui a montré qu’une sensibilisation et une concrétisation de l’idée européenne peut exister.

La crise européenne et la poussée des nationalismes du début du XXIe siècle montrent l’importance d’exposer le chemin parcouru en quatre-vingt-dix ans, l’Europe n’est pas une interrogation nouvelle. mais une réponse renouvelée.

Une vie aussi riche au service du rêve européen mérite un examen plus approfondi et pour commencer, cette évocation qui lui rend un peu justice.

 

Tristan Tottet

 

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