Quelques jours après la publication des résultats au bac 2023, l’histoire se répète: les enseignants déplorent des copies truffées de fautes d’orthographe. Un constat sur lequel le ministère de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, est rapidement revenu. «À partir d’un certain niveau de langue trop problématique», des points pourraient désormais être retirés aux copies mal orthographiées, a-t-il indiqué samedi 8 juillet au micro de Radio J. Une déclaration qui n’a pas manqué de faire réagir les syndicats et qui interroge les spécialistes comme Jean-Paul Brighelli, auteur du best-seller «La fabrique du crétin», qui alarmait dès 2005 sur la faillite de l’école.

LE FIGARO ETUDIANT.- Que pensez-vous de la proposition de Pap Ndiaye?

Jean-Paul BRIGHELLI.- Elle me semble complètement inutile. Les élèves qui sont aujourd’hui au lycée sont mauvais en orthographe pour la bonne et simple raison que l’école ne leur a jamais appris l’orthographe avant. Sanctionner les copies mal orthographiées au lycée reviendrait à punir quelqu’un qui ne sait pas courir alors qu’on ne lui a pas appris à marcher. Je n’y vois que de la communication politique.

Il est donc inutile d’agir pour faire progresser les lycéens?

Disons que ce sont des générations malheureusement perdues. Même une réforme du collège n’y changerait rien: il a été prouvé qu’il est très difficile d’apprendre un mécanisme, une structure, après ses 12 ans. Si le ministre souhaite malgré tout imposer une sévérité face aux fautes d’orthographe, il faut en tout cas qu’il transmette un vrai barème aux enseignants puisque aujourd’hui les professeurs peuvent retirer seulement deux points aux élèves qui font des fautes d’orthographe.

Nous assistons depuis 1989 au naufrage de nos méthodes de lecture et d’écriture

Jean-Paul Brighelli

Quelle serait la réforme idéale selon vous?

La priorité doit être l’entrée des élèves en primaire: c’est là que tout se joue et que les bases de la langue française peuvent être intégrées. Ces années clés doivent être l’occasion d’insister sur l’orthographe, mais en utilisant les bonnes méthodes, c’est-à-dire l’inverse de celles qui sont utilisées aujourd’hui. Dans le cas où l’école primaire serait ainsi réformée, il faudrait surtout être patient, puisque les effets d’une progression ne s’observent qu’après une quinzaine d’années.

Que reprochez-vous aux méthodes aujourd’hui utilisées?

Nous assistons depuis 1989 au naufrage de nos méthodes d’apprentissage de lecture et de l’écriture. La loi dite «Jospin» a intronisé ce qu’on appelle le constructivisme, un courant de pensée selon lequel l’élève construit lui-même ses propres savoirs. L’idée était de placer l’enfant au «centre du système», sans le contraindre à intégrer des savoirs qui lui seraient étrangers. Ce qui explique les graves lacunes en orthographe des enfants depuis le milieu des années 90. À mon sens, la seule méthode qui permette vraiment aux élèves d’apprendre à lire et écrire correctement est la méthode syllabique: celle qui permet d’apprendre les mots en identifiant chaque lettre présente afin d’en faire des syllabes.