Port Arthur, pour jouer à la guerre

Demain, je prends l’avion (Air China, qui a l’avantage de ne pas bouger ses tarifs tous les jours, était moins cher le jour où j’ai acheté le billet), et je vais en France. Un seul billet; ma chère épouse fonctionnaire doit aller à son travail tous les matins. Comme tous ses collègues, elle n’a que deux semaines de congé chaque année. La dernière fois que nous étions partis ensemble à la fin de l’année de l’ère communegongyuangongyuan (l’ère occidentale; le prochain nouvel an de l’ère chinoise est le 3 février, entrée dans l’année du lièvre) , après un arrangement avec son directeur, nous avons été réveillés le 31 décembre vers 3 heures du matin (10 heures du matin là-bas). Un inspecteur s’était annoncé et il fallait que tout le monde ait l’air d’être à son poste. Heureusement, il restait de la place dans les avions et elle a donc pu rentrer à temps. Cette année, avec la remise en route du contrôle des prix (c’est de ça que s’occupe son administration), pas d’arrangement possible. Donc, je reviens par la pensée à notre dernier voyage ensemble, pendant la semaine d’or de la fête nationale au début d’octobre, dans le Nord-Est. Shenyang, Dalian, et Lüshunkou au bord de la mer.

lushunkouLüshunkou est un endroit peu connu des étrangers. D’ailleurs l’article de Wikipedia , mis à jour récemment, dit que la ville est interdite aux étrangers. Pourtant le dépliant de l’office du tourisme écrit « Lüshunkou représente la moitié de l’histoire de la Chine moderne. »

Carte Google Maps

Sur la carte, on voit Pékin et Tianjin sur le bord gauche, la Corée sur le bord droit, et la presqu’île au milieu. Pour ceux qui se rappellent l’histoire du début du XXe siècle enseignée au lycée, c’est Port Arthur, les Russes assiégés par les Japonais en 1905, le terminus de la branche sud du Transsibérien via Harbin et Moukden, la rencontre de Jack London et de Corto Maltese (non, celui-là ce n’est pas le lycée). Un peu avant, en 1894, les Japonais avaient pris d’assaut les fortifications chinoises toutes neuves, construites par les Allemands ; les bateaux de guerre japonais importés de France avaient coulé les bateaux de guerre chinois importés d’Allemagne. Cinquante ans après, en 1955, les Soviétiques qui s’y étaient installés en 1945 à la place des Japonais rendaient le port et la ville à la Chine de Mao, au plus haut de la fraternité sino-soviétique.

Monument soviétique

Plaque du monumentVoici le monument soviétique qui commémore l’évènement. La tour a cinq pans rappelle les dix ans écoulés depuis la victoire sur les impérialistes japonais. Chaque face est ornée d’une plaque géante en bronze où sont gravées des maximes fraternelles en deux langues (pas celle qu’on voit à gauche; celle-là est à l’intérieur, le long de l’escalier tournant en acier qui mène les visiteurs au pied de l’aiguille dorée).

Et pour honorer leurs hôtes, les Chinois ont construit la tour de la fraternité.

Tour de la fraternité sino-soviétique

Au sommet, la colombe de la paix se pose sur la double médaille.

Médailles au sommet

Panneau sculpté

La muraille du Kremlin est devenue la porte de la Paix Céleste. Depuis, il y a eu la grande fâcherie de 1965 (pas de monument) et la réconciliation entre gens qui ont des intérêts communs (pas de monument non plus, sauf les somptueuses filles russes à longues jambes qu’on croise quelquefois à Pékin au bras de Chinois riches).

Sabre japonais

Les Japonais n’ont pas droit aux célébrations. Après tout, ce sont eux les méchants de l’histoire. Mais ça n’empêche pas de trouver des sabres japonais dans tous les magasins de souvenirs.

Bateaux de guerre dans la rade

L’ex Port-Arthur, redevenu Lüshunkou, ressemble à Toulon, avec des bateaux de guerre à quai le long de la rade.

Rade de Lüshunkou

Du haut de la Montagne de jade blanc (Baiyushan), qui fait figure de Mont Faron (mais moins haut) on domine l’entrée de la rade. Rien de caché. On a vue sur le chantier naval et sur les avisos modernes.

Chantier naval

Bateaux à l'ancre

La montagne qui domine la rade est un lieu touristique, et on vient poser devant le paysage des batailles.

Touriste sur Baiyushan

Rade en 1905

Un des musées de la ville montre la rade comme elle était au temps des Russes.

Officiers russes

Et voici des militaires d’époque sur cette photo datée du 5 janvier 1905 (il y a un nom noté en phonétique que je n’ai pas réussi à comprendre).

Canon japonais

Un canon japonais de calibre 280 (obus de 28 centimètres de diamètre)

Collection d'obus

et une collection d’obus (vrais ou reproduits ? peu importe, on peut les voir et les toucher).

Musée des armes modernes

Et juste derrière le panorama sur la rade,voici le musée de l’armée moderne. Un hélicoptère, un avion Mig, des torpilles, des missiles, des canons.

Char et visiteur

Et on a le droit de s’amuser avec. Ils sont là pour ça.

Canon pour photographe

Si on veut se voir en officier commandant le tir, le photographe est là (cette image vient d’un autre endroit; la photographe de Baiyushan était de mauvaise humeur que quelqu’un photographie son fond de commerce).

Intérieur du musée

Il y a bien sûr une exposition pédagogique. Là aussi on peut jouer avec le matériel. Ici une tourelle double de canon anti-aérien.

Mao et calligraphie

Une image inévitable: le président Mao parlant avec les cadets de marine à bord du croiseur « Luoyang », et un de ses préceptes calligraphiés.

Ville au soleil couchant et canon

Jouer au défenseur de la ville dans le soleil couchant. On s’y croit presque.

Canon de marine russe

Le lendemain matin, nous sommes allés visiter un des forts qui défendent l’entrée de la rade. Les tourelles datent du temps des Soviétiques.

Casemate des Qing

On peut visiter les casemates construites pour l’Empereur par les Allemands vers  1890. Les obus sont plus récents.

Vue sur la mer

Dehors, vue sur la passe que le fort défendait. Quant à cette vieille dame en rouge, accompagnée d’une jeune fille blonde, je me suis demandé un instant si ce n’était pas une Bretonne du pays d’Audierne venue voir sa petite-fille qui étudie en Chine. Mais elles se parlaient en chinois; mon hypothèse est peu probable.

Canons et autobus

Il y a de la place pour 20 autobus sur le parking du fort, et à peu près 15 sont déja là. Les forts de Port Arthur (il y en a déja 4 ou 5 aménagés pour les visiteurs) ont du succès.

Kiosque de sous-marin

Mais nous n’avions pas encore tout vu. Je repère sur la carte un hôtel au bord de l’eau, et une plage. Et la première chose que nous voyons, c’est un sous-marin sur fond de verdure, avec le nom de la ville peint sur le kiosque (de l’avant vers l’arrière, donc de droite à gauche côté tribord).

Sous-marin au bord de la plage

Il y a un sous-marin à visiter au-dessus de la plage. Il est fermé à cette heure. Nous descendons sur la plage (les points semés sur la mer ne sont pas des mines, seulement les flotteurs d’un élevage de coquillages.)

Baigneurs sur la plage

Il y a du monde, et un drapeau. Sous le soleil du matin, le 5 octobre, il ne fait pas vraiment chaud. L’infanterie de marine à l’entraînement ? Ils aligneraient mieux les paquetages.

Porte-drapeau

Ils entrent bravement dans la mer, à la suite de leur porte-drapeau.

Entrée dans l'eau

Nous aurons l’explication quand ils ressortiront de l’eau froide. C’est une association de retraités du quartier voisin. Ils se réunissent pour chanter en choeur et se baigner en toute saison. Le plus ancien a dépassé 80 ans. Nous étions venus en taxi. Ils nous guident par un raccourci à eux jusqu’à la station d’autobus. Le raccourci longe le mur d’une zone militaire où on n’a pas le droit de se promener. Il y a donc de la vraie marine de guerre à Lüshunkou.

Quant à l’interdiction aux étrangers, le mystère demeure. Au bureau de tourisme de Dalian, les gens se sont concertés pour savoir si elle était toujours en vigueur et ont fini par dire: allez voir; si vous ne pouvez pas entrer, il y a d’autres endroits tout près à visiter. Nous n’avons pas vu d’autres étrangers. Les autorités croisées ici ou là ont peut-être pensé que, puisque j’y étais, c’est que j’avais la permission d’y être et qu’il ne leur appartenait pas de contester la décision d’un  collègue. Raisonnement très chinois.

Et l’hôtel de la plage ? Mon épouse ayant jugé que le petit déjeuner de l’hôtel où nous avions passé la nuit était trop cher, nous étions partis sans manger (juste quelques petits gâteaux). Arrivés à la plage, j’avais très faim.

Petit restaurantgrand hôtel

Là, en regardant à gauche, nous avons vu un petit restaurant; en regardant à droite, le grand hôtel. mon épouse se dirigeait déja vers le petit restaurant mais elle a accepté d’aller au moins voir ce que le grand hôtel proposait. Le petit déjeuner en buffet était servi dans la grande salle. Nous sommes allés à la réception demander s’il était possible de petit-déjeuner. Incertitude, puis le chef consulté décide que oui. A quel prix ? Nouvelle incertitude, le problème ne doit pas se poser souvent dans ce lieu fait pour les voyages organisés. Mais il faut répondre à cette demande légitime. C’est 10 yuans par personne, à peine plus que nous n’aurions payé de l’autre côté. Ainsi tout le monde est content.

4 commentaires sur “Port Arthur, pour jouer à la guerre

  1. La jeune fille blonde était en train de photographer sa « grand-mère ». Le temps de chercher le bon angle pour les avoir ensemble, elles étaient de nouveau noyées dans la foule, à la remorque de leur groupe organisé. Mes photos rendent assez mal la quantité de peuple qu’il y avait dans ce fort touristique.

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