Entre Nous

26 Mai, 2009

La Fontaine : La laitière et le pot au lait

Deux différentes lectures du texte pour apprécier le ton et la prosodie de ce très beau texte :

Perrette, sur sa tête ayant un Pot au lait

Bien posé sur un coussinet,

Prétendait arriver sans encombre à la ville.

Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;

Ayant mis ce jour-là pour être plus agile

Cotillon simple, et souliers plats.

Notre Laitière ainsi troussée

Comptait déjà dans sa pensée

Tout le prix de son lait, en employait l’argent,

Achetait un cent d’ œufs, faisait triple couvée ;

La chose allait à bien par son soin diligent.
Il m’est, disait-elle, facile

D’élever des poulets autour de ma maison :
Le Renard sera bien habile,

S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.

Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;

Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable ;

J’aurai le revendant de l’argent bel et bon ;

Et qui m’empêchera de mettre en notre étable,

Vu le prix dont il est, une vache et son veau,

Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?

Perrette là-dessus saute aussi, transportée.

Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;

La Dame de ces biens, quittant d’un oeil marri
Sa fortune ainsi répandue,

Va s’excuser à son mari

En grand danger d’être battue.

Le récit en farce en fut fait ;

On l’ appela le Pot au lait.
Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?

Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?

Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :

Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :

Tout le bien du monde est à nous,

Tous les honneurs, toutes les femmes.

Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;

Je m écarte, je vais détrôner le Sophi ;

On m’élit Roi, mon peuple m’aime ;

Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :

Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.

Un commentaire »

  1. (1) Le seigneur Picrochole
    ———————

    Le seigneur Picrochole a donné pour consigne
    Que l’on fasse la guerre au seigneur Grandgousier.
    Il a mobilisé treize mille obusiers,
    Cette imposante armée en bon ordre s’aligne.

    C’est le mauvais penchant de ce monarque indigne
    Qui de l’affrontement alluma le brasier ;
    Picrochole est pervers au point d’apostasier
    La foi qu’il faut avoir en le fruit de la vigne.

    A sauver le raisin Frère Jean se consacre ;
    Il pourfend les soldats, ces fauteurs de massacre,
    Pour défendre le sang du fils du charpentier.

    Puis un très grand cheval déverse son urine
    Dont la plaine est noyée, ainsi que les collines,
    Afin, guerriers maudits, que vous vous repentiez.

    (2) Du Bellay voit une jument
    ————————–

    Sous Picrochole, une vaillante armée
    À grand fracas progressait sous les cieux,
    Qui chevauchait en habits précieux,
    Troupe en bon ordre et d’ardeur animée.

    Du noble roi la coiffure emplumée
    Fait de cet homme un fier rival des dieux ;
    Sa voix entonne un chant mélodieux
    Montant au ciel ainsi qu’une fumée.

    Gargantua cependant fait pleuvoir
    Sur ces soldats qui sont en son pouvoir.
    Ils sont noyés sous les tonnes d’urine

    Qu’à flots déverse une grande jument.
    Le roi, qui fut si fort premièrement,
    Est vaincu par la pisse chevaline.

    Commentaire par Cochonfucius — 18 novembre, 2018 @ 7:37 | Réponse


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