Street art propre sur lui (et sur nous), ou non

Une avalanche de dessins (papiers collés ou pochoirs) dans le 13ème (Butte aux Cailles, rue Mouffetard) de quelques signatures bien connues. Une vraie exposition de Jef Aerosol, galerie impressionnante de personnages, musiciens, portraits de stars (Arno, Nick Drake, Hitchock revu et corrigé…), danseuses, célébration des arts vivants de la rue ? Les vedettes confondues avec les artistes anonymes de la rue, tous sur le même plan ? La rue qui, souvent, fait le succès de ces musiques populaires se réappropriant leurs images ? Même s’ils sont encore là, on est loin des gosses accroupis ou assis bras autour des genoux, écartés, oubliés, perdus, sans avenir, et méditant. Cette débauche de « beaux » dessins, concentrés dans un périmètre assez réduit, ressemble presque à une commande (ou à un « parcours d’artistes » de mon village) . On peut imaginer un comité invitant quelques noms reconnus du street art à venir décorer les murs, histoire de renforcer le caractère typique des lieux, l’accent bohême, soigner la cote touristique !? Même impression, en pire, avec la production abondante de Miss.Tic. Le côté gentil et joli, le trop plein de bons sentiments dans ses « phrases » (sentences, maximes), est limite agaçant, à la longue. Disons que les premiers pouvaient faire illusion mais plus quand ils se reproduisent presque officiellement, en exploitant sans trop de grâce le même filon. Et que ça tourne en rond… Heureusement, parfois elle se fait recouvrir, salir par des graffitis bêtes et méchants (un « suce ma bite » très relevé) ! Sinon, il n’y a chez Miss.Tic, bien entendu, aucune subversion, ni d’une pensée, ni d’une syntaxe, ni d’une esthétique. Quel que soit le lieu où s’expose ce genre de représentation (livre, galerie, murs), n’est-il pas surtout confit dans une poésie mièvre ? Pourquoi la rue lui apporterait-t-il un supplément d’âme ? Il y a, par contre, des effets de superposition ou juxtaposition inattendus (ou intentionnels) quand plusieurs artistes concentrent leurs interventions  sur des superficies réduites, et alors, parfois, il se passe quelque chose. Ainsi cette danseuse orientale de Jef Aerosol dont les pas s’harmonisent avec un autre danseur, silhouette de marionnette anthropomorphe, blanche, anonyme. J’ai un faible, par contre, pour les tronches exangues et abruties, à court de souffle, de PITR. Avec elles, le regard amène tombe sur un os. Et quand l’atmosphère tourne trop au conventionnel, au décor touristique, un bon doigt obscène, ça réjouit encore ! (PH) – Les éditions Critères viennent de consacrer deux monographies à Jef Aerosol et Miss.tic.

 

 

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