Albert Camus : Le mythe de Sisyphe partie 1

Albert Camus: le mythe de Sisyphe

C’est un livre éclatant de lisibilité, de clarté, de vérité et finalement de sagesse.
Comme le fit Beethoven avec les premiers coups de la cinquième symphonie, tout est dit dès les premières mesures du livre :
« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l’esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux il faut d’abord répondre. »
L’homme, « dans un univers soudain privé d’illusions et de lumières », « se sent un étranger ».
« Ce divorce entre l’homme et sa vie, l’acteur et son décor, c’est proprement le sentiment de l’absurdité. ».
Face à l’absurdité de l’existence, on nous montre qu’au lieu de pousser la logique jusqu’à la mort,  il faut  trouver un sens à la vie  et l’aimer et ce d’autant plus quelle est absurde.

Qu’est-ce l’absurde ?

L’absurde naît de la rencontre de deux entités, objets, événements. Chacune d’elle prise à part n’est pas absurde en elle-même. C’est leur rencontre qui l’est.
On donne l’exemple suivant : « Si je vois un homme attaquer à l’arme blanche un ensemble de mitrailleuses, je jugerai que son acte est absurde. »
C’est la disproportion des deux événements (arme blanche contre mitrailleuses)  qui crée l’absurde.
L’absurde naît de  la rencontre de l’homme et du monde :
Ni le monde ni l’homme pris séparément ne sont absurdes. Mais leur rencontre est absurde. En effet, l’homme cherche un sens à sa vie, mais le monde ne fournit aucune explication raisonnable à « ce désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au plus profond » de lui même.
« L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde ».
En effet, l’homme cherche  un sens à  son existence, le monde répond par le silence : le monde dit non à l’homme.

Quand naît le sentiment de l’absurde ?

Le sentiment de l’absurde peut surgir de façon inopinée :
« Le sentiment de l’absurdité au détour de n’importe quelle rue peut frapper à la face de n’importe quel homme. Tel quel, dans sa nudité désolante, dans sa lumière sans rayonnement, il est insaisissable. »
Ainsi absurde peut apparaître dans le parcours d’une vie monotone et répétitive :
« Il arrive que les décors s’écroulent. Lever, tramway, quatre-heures de bureau où d’usine, repas, tramway, quatre-heures de travail, repas, sommeil et lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le « pourquoi » s’élève et tout commence dans cette lassitude teintée d’étonnement. « Commence », ceci est important. La lassitude est à la fin des actes d’une vie machinale, mais elle inaugure en même temps le mouvement de la conscience. Elle l’éveille et elle provoque la suite. La suite, c’est le retour inconscient dans la chaîne, ou c’est l’éveil définitif. Au bout de l’éveil vient, avec le temps, la conséquence : suicide ou rétablissement. En soi, la lassitude a quelque chose d’écœurant. Ici, je dois conclure qu’elle est bonne. Car tout commence par la conscience et rien ne vaut que par elle ».

Action et révolte.

Avec la prise de conscience de l’absurde se manifeste le pourquoi. Le pourquoi de la conscience puis  de la révolte et de l’action, car « Il vient toujours un temps où il faut choisir entre la contemplation et l’action. Cela s’appelle devenir un homme. Ces déchirements sont affreux. Mais pour un cœur fier, il ne peut y avoir de milieu »

la prise de conscience prépare à  la deuxième étape de l’homme face au monde absurde : la révolte et l’action.  Cette fois si c’est l’homme qui dit non au monde absurde.


Ainsi L’une des seules positions philosophiques cohérentes, c’est la révolte. « Elle est un confrontement perpétuel de l’homme et de sa propre obscurité ». Et « Pour un homme sans œillères, il n’est pas de plus beau spectacle que celui de l’intelligence aux prises avec une réalité qui le dépasse.   « C’est ici qu’on voit à quel point l’expérience absurde s’éloigne du suicide. »
L’homme dit finalement non  au suicide et oui à la vie, celle-ci « sera d’autant mieux vécue qu’elle n’aura pas de sens ».

Le temps de la réconciliation et de la sagesse :

Après le temps de la négation et le temps de la révolte vient celui de la réconciliation par le OUI de l’homme au monde. Le Oui par l’amour.
Mais comme le précise Albert Camus : « Pour l’acteur comme pour l’homme absurde, une mort prématurée est irréparable ».
Albert Camus ne pourra jamais achever sa séquence  de l’absurde avec ce dernier « cycle de l’amour ». Il mourra  de façon prématurée dans un accident de voiture.

L’illustration par le mythe de Sisyphe :

Sisyphe, Héros absurde, est condamné par les dieux à une punition répétitive. Monter un rocher jusqu’au sommet d’une colline  d’où il redescend jusqu’en bas. Sisyphe doit de nouveau le rouler jusqu’au sommet qui de nouveau dévalera vers le bas. Et ce  jusqu’à l’infini.
Pourtant,  c’est au moment où Sisyphe redescend pour de nouveau hisser le rocher qu’il devient intéressant:
« C’est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m’intéresse. Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre lui-même ! Je vois cet homme redescendre d’un pas lourd, mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin. Cette heure qui est comme une respiration et qui revient aussi sûrement que son malheur, cette heure est celle de la conscience. À chacun de ces instants, où il quitte les sommets et s’enfonce peu à peu vers les tanières des dieux, il est supérieur à son destin. Il est plus fort que son rocher. Si ce mythe est tragique, c’est que son héros est conscient ».

L’homme confronté à un monde absurde est un Sisyphe, « De même, l’homme absurde, quand il contemple son tourment, fait taire toutes les idoles. Dans l’univers soudain rendu à son silence, les milles petites voix émerveillées de la terre s’élèvent. »

En fin de compte, malgré un travail répétitif et absurde, il faut imaginer Sisyphe heureux.

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1 la peste

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