Julien Hage (avatar)

Julien Hage

Maître de conférences au Pôle Métiers du livre de Saint-Cloud.

Abonné·e de Mediapart

6 Billets

0 Édition

Billet de blog 16 janvier 2024

Julien Hage (avatar)

Julien Hage

Maître de conférences au Pôle Métiers du livre de Saint-Cloud.

Abonné·e de Mediapart

Pour saluer François Maspero la revue A, à la maison de l'Amérique latine, 29/1/24, 19h

Un numéro de la revue A éclaire le travail d'écriture, de pensée et de résistance de l’éditeur et écrivain François Maspero. « Le Veilleur intranquille » regroupe études et documents rares et inédits. En voici l'introduction. Une soirée réunit les auteurs à la Maison de l'Amérique latine le lundi 29 janvier prochain à 19h. Entrée libre, après inscription. 

Julien Hage (avatar)

Julien Hage

Maître de conférences au Pôle Métiers du livre de Saint-Cloud.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Salutation à François Maspero

 Marie Virolle et la revue A, nous ont  confiés une tache difficile mais enthousiasmante, inciter à faire relire et même découvrir Francois Maspero huit ans après sa mort en avril 2015. Tâche enthousiasmante car François Maspero a traversé le XXème siècle, véritable siècle de fer, qui a dessiné au mitan des années 1970 le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui celui de la toute puissance du néo libéralisme de son idéologie et de son mercantilisme, celui de la construction des murs et de la chasse aux exilés et indésirables. Celui dans lequel on voudrait nous faire croire et admettre  que si nous ne sommes pas dans la " jet set" nous ne sommes rien !

Francois Maspero a participé à quelques espérances de transformation de ce monde. Il disait que "Cuba était sa deuxième patrie" avant de faire l’amer constat d’un nouvel échec… Alors, souvent il aimait citer cette phrase du peintre Vladimir Kibltchitch (Vlady), le fils de Victor Serge, « de défaite en défaite jusqu'à la victoire finale », qu’il disait tenir de son père. Pour créer la revue Alternative Vladimir Kibltchitch a fait don aux éditions Maspero des droits d’auteur de tous les livres de Victor Serge édités par Maspero. Quant à Francois Maspero il écrivait  de Vlady : « Vlady n’est pas un peintre de la défaite. Il est un peintre de la victoire qui, de tant de défaites, renaît, braise jamais éteinte, et qui porte le beau nom de résistance. Peinture de la tension, remise en cause périlleuse et permanente, explosion de la vie au bord de la mort, qui résiste à la mort. « Maître du Triomphe de la Vie ».

François Maspero a été certes écrivain, traducteur, reporter, libraire, éditeur, militant mais il fut d’abord un homme qui questionne qui interroge aussi bien le monde que les rapports entre les Hommes. Lui qui fut l’éditeur de Frantz Fanon aimait citer la dernière phrase de peau noire masque blanc (édition du Seuil 1952)   " ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! ". Cette ambition fondamentale a pour première conséquence que Francois Maspero a été, et demeure un Veilleur. Le veilleur est celui qui observe, qui interroge, qui de ses observations prend des engagements et trace, une ligne de vie, un chemin, tout en sachant que « caminante, no hay camino… – Voyageur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant » pour reprendre les mots d’Antonio Machado. Sur ce chemin le veilleur parfois devient l’éveilleur.

Ce veilleur a su être un résistant lorsque dès son enfance son frère Jean lui faisant partager quelques actions qu’il menait tout en lui expliquant comment nettoyer un revolver ; résistant également durant la guerre d’indépendance du peuple algérien et résistant toujours avec sa participation au Tribunal Russell sur la Palestine. La résistance est une réponse à une situation à un moment historique précis.  La veille est  une permanence, une exigence comme une poétique de la vie et cela  même pendant les temps de Résistance que durant les dynamiques émancipatrices.  François Maspero ne fut pas un témoin dans ce siècle mais  un acteur intransigeant, lucide et souvent caustique. 

 L’œuvre de Francois Maspero, il faut le rappeler ici, est considérable douze "romans – essais" de 1984 à 2015, plus de quatre vingt traductions, de nombreuses préfaces et postfaces et des reportages pour l’observateur, le Monde, France Culture… 

A cela il faut ajouter son immense travail d’éditeur. De 1959 à 1982 il a édité, sous son propre nom, 1350 livres et une dizaine de revue (Hérodote avec Yves Lacoste, Partisan, Tricontinental, Acoma avec Edouard Glissant, L’alternative…) De nombreuse préfaces et de note de l’éditeur sont l’œuvre de François Maspero y compris sous le pseudonyme de Louis Constant notamment pour ce qui concerne la collection, Mémoire du peuple.

Son travail d’éditeur et de libraire a laissé des traces profondes et singulières dans la société française. Ce travail lui vaudra d’être pour le journal Paris match l’homme le plus poursuivi de France dans ces années là. Pendant la guerre d’Algérie, 11 livres et les 3 premiers numéros de la revue Partisans seront interdits. Il n’y aura aucun procès, le pouvoir ne voulant pas que d’éventuels procès se transforment en dénonciation de la guerre et des méthodes de l’armée française. Au lendemain de 1968 seront interdits, la revue Tricontinental (17 procès en trois ans), les livres de Cléophas Kamitatu, La grande mystification du Congo-Kinshasa, Jules Chomé, L’Ascension de Mobutu et de Mongo Béti Main basse sur le Cameroun En 1968 le pouvoir fera interdire Le petit livre rouge des écoliers et lycéens. François Maspero sera également poursuivi pour diffusion de La Cause du peuple, de Mundo Obrero et la publication d’un article dans le Nouvel Observateur : Cet homme est menacé, à propos de Cléophas Kamitatu.

Ce recueil est construit autour d’une double idée. La première est la demande de contributions, dont quelques amies et amis proche de François Maspero. Amitiés de longue date pour certaines, du temps des éditions, et pour d’autres beaucoup plus récentes. Certains s’expriment ici pour la première fois sur cette amitié ou ce compagnonnage avec François Maspero. Que chacune et chacun soit remercié car c’est un exercice parfois difficile de parler de nos amitiés et de nos rencontres. La seconde idée est la reproduction de texte de François Maspero avec des extraits de quelques livres publié aux éditions du Seuil (l’éditeur de Francois Maspero depuis 1984), des préfaces et postfaces de livres publiées aux éditions La Fosse aux Ours, Barzakh et La Découverte, nous avons également visités les éditions François Maspero pour donner à lire quelques préfaces et notes de lecture de l’éditeur Maspero. Nous remercions les maisons d’éditions qui ont acceptés de  nous accompagner dans cette salutation. Pour ce qui est de l’iconographie elle provient du fonds Maspero, des photos de Patrick Lescure et du fonds de l’exposition "François Maspero et les paysages humains" (Lyon 2009) et de Klavidj Sluban.

Dans sa multiplicité et sa diversité ce recueil trouve une place dans la suite logique  du livre et de l’exposition Francois Maspero et les paysages humains réalisés dans le cadre du cinquantièmement anniversaire des éditions François Maspero en 2009 mais également du documentaire Francois Maspero les chemins de la liberté réalisé en 2014.

Lire, relire François Maspero comme un remède à la mélancolie, voila notre ambition avec ce recueil.

 Entrée libre, s’inscrire : https://mal217.org/fr/agenda/francois-maspero_1

Bruno Guichard et

Illustration 1
Couverture de la Revue A, automne 2023 © Marie Virolle

Julien Hage

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.